Dalloz Actualite - Abrogation Differee Dune Disposition Inconstitutionnelle - 2013-04-23

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Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) Abrogation différée d’une disposition inconstitutionnelle le 23 avril 2013 CIVIL | Droit et liberté fondamentaux | Famille - Personne | Filiation Le recours contre la décision d’admission d’un enfant, de pupille de l’État, parce qu’il court à compter du jour où la décision est prise non contradictoirement et que n’est pas assurée l’information des personnes admises à la contester, méconnaît les exigences du droit à un tribunal, telles que prévues à l’article 6 de la Cour européenne des droits l’homme (CEDH). Civ. 1 re , 9 avr. 2013, FP+P+B+R+I, n° 11-27.071 Cette importante décision de la première chambre civile du 9 avril 2013, dévoile tout l’intérêt du recours aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH) quand la décision du Conseil constitutionnel n’offre pas nécessairement gain de cause immédiatement, confirmant ainsi ce que la Cour avait démontré lors des arrêts célèbres de l’assemblée plénière du 15 avril 2011 concernant la garde à vue (Cass., ass. plén., 15 avr. 2011, n os 10-17.049, 10-30.242, 10-30.313, et 10-30.316, D. 2011. 1080, et les obs. ; ibid. 1128, entretien G. Roujou de Boubée ; ibid. 1713, obs. V. Bernaud et L. Gay ; ibid. 2012. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; AJ pénal 2011. 311, obs. C. Mauro ; Constitutions 2011. 326, obs. A. Levade ; RSC 2011. 410, obs. A. Giudicelli ; RTD civ. 2011. 725, obs. J.-P. Marguénaud ; V. égal. Crim. 31 mai 2011, n os 10-88.809, 10-80.034, 10-88.293 et 11-81.412, D. 2011. 2084, note H. Matsopoulou ; Constitutions 2011. 326, obs. A. Levade ; RSC 2011. 412, obs. A. Giudicelli ). La non-conformité constitutionnelle peut se doubler d’une non-conventionnalité, laquelle peut intervenir avant la date d’abrogation différée prévue par la décision du Conseil. Compte tenu de l’importance du sujet, cet arrêt bénéficiera d’une ample publication, tant au Bulletin qu’au Rapport annuel. L’affaire est ici moins emblématique ; elle n’en demeure pas moins essentielle, notamment en raison de la clarté de la décision et parce qu’il s’agit de la même affaire, pour la même disposition. Elle concernait en l’espèce la conformité d’un texte par rapport au célèbre article 6 de la Conv. EDH. Le Conseil constitutionnel s’était déjà prononcé à son propos. Était en cause l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles qui ouvre un recours contre l’arrêté d’admission d’un enfant en qualité de pupille de l’État dans le délai de trente jours à compter de la date dudit arrêté. Ce recours peut être exercé par les parents en l’absence, bien naturellement, d’une déclaration judiciaire d’abandon ou d’un retrait total de l’autorité parentale, par les alliés de l’enfant ou par toute personne justifiant d’un lien avec lui, notamment pour avoir assuré sa garde, de droit ou de fait, et qui demande à en assumer la charge. La difficulté de cette disposition est que l’arrêté n’est pas pris contradictoirement et qu’aucune publicité n’est assurée. En d’autres termes, les personnes susceptibles de contester peuvent difficilement déterminer si elles sont dans les délais, étant donné que rien ne leur est notifié. Dans le cadre de ce litige, la disposition a été soumise à l’appréciation du Conseil constitutionnel, et la Cour de cassation avait transmis la question prioriataire de constitutionnalité (QPC) (Civ. 1 re , 6 juin 2012, AJDA 2012. 1132 ; AJ fam. 2012. 454 ; RTD civ. 2012. 523, obs. J. Hauser ). Le 27 juillet 2012, le Conseil déclarait l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles non conforme à la constitution. Bien conscient des difficultés d’une large publication de l’arrêté, le conseil estimait que « si le législateur a pu choisir de donner qualité pour agir à des personnes dont la liste n’est pas limitativement établie et qui ne sauraient, par conséquent, recevoir toutes individuellement la notification de l’arrêt en cause, il ne pouvait, sans priver de garanties légales le droit d’exercer un recours juridictionnel effectif, s’abstenir de définir les cas et conditions dans lesquels celles des personnes qui présentent un lien plus étroit avec l’enfant sont effectivement mises à même d’exercer ce recours ». Dès lors, la disposition se révélait non conforme avec l’article 16 de la Déclaration de 1789 (Cons. const., 27 juill. 2012, n o 2012-268 QPC, AJDA 2012. 1551 ; AJ Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2014

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Dalloz Actualité abrogation différée

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    Abrogation diffre dune disposition

    inconstitutionnelle

    le 23 avril 2013

    CIVIL | Droit et libert fondamentaux | Famille - Personne | Filiation

    Le recours contre la dcision dadmission dun enfant, de pupille de ltat, parce quil court

    compter du jour o la dcision est prise non contradictoirement et que nest pas assure

    linformation des personnes admises la contester, mconnat les exigences du droit un tribunal,

    telles que prvues larticle 6 de la Cour europenne des droits lhomme (CEDH).

    Civ. 1

    re

    , 9 avr. 2013, FP+P+B+R+I, n 11-27.071

    Cette importante dcision de la premire chambre civile du 9 avril 2013, dvoile tout lintrt du

    recours aux dispositions de la Convention europenne des droits de lhomme (Conv. EDH)quand la

    dcision du Conseil constitutionnel noffre pas ncessairement gain de cause immdiatement,

    confirmant ainsi ce que la Cour avait dmontr lors des arrts clbres de lassemble plnire du

    15 avril 2011 concernant la garde vue (Cass., ass. pln., 15 avr. 2011, n

    os

    10-17.049, 10-30.242,

    10-30.313, et 10-30.316, D. 2011. 1080, et les obs. ; ibid. 1128, entretien G. Roujou de Boube ;

    ibid. 1713, obs. V. Bernaud et L. Gay ; ibid. 2012. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F.

    Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; AJ pnal 2011. 311, obs. C. Mauro ; Constitutions 2011. 326,

    obs. A. Levade ; RSC 2011. 410, obs. A. Giudicelli ; RTD civ. 2011. 725, obs. J.-P. Margunaud ;

    V. gal. Crim. 31 mai 2011, n

    os

    10-88.809, 10-80.034, 10-88.293 et 11-81.412, D. 2011. 2084, note

    H. Matsopoulou ; Constitutions 2011. 326, obs. A. Levade ; RSC 2011. 412, obs. A. Giudicelli ). La

    non-conformit constitutionnelle peut se doubler dune non-conventionnalit, laquelle peut

    intervenir avant la date dabrogation diffre prvue par la dcision du Conseil. Compte tenu de

    limportance du sujet, cet arrt bnficiera dune ample publication, tant au Bulletin quau Rapport

    annuel.

    Laffaire est ici moins emblmatique ; elle nen demeure pas moins essentielle, notamment en

    raison de la clart de la dcision et parce quil sagit de la mme affaire, pour la mme disposition.

    Elle concernait en lespce la conformit dun texte par rapport au clbre article 6 de la Conv.

    EDH. Le Conseil constitutionnel stait dj prononc son propos. tait en cause larticle L. 224-8

    du code de laction sociale et des familles qui ouvre un recours contre larrt dadmission dun

    enfant en qualit de pupille de ltat dans le dlai de trente jours compter de la date dudit arrt.

    Ce recours peut tre exerc par les parents en labsence, bien naturellement, dune dclaration

    judiciaire dabandon ou dun retrait total de lautorit parentale, par les allis de lenfant ou par

    toute personne justifiant dun lien avec lui, notamment pour avoir assur sa garde, de droit ou de

    fait, et qui demande en assumer la charge. La difficult de cette disposition est que larrt nest

    pas pris contradictoirement et quaucune publicit nest assure. En dautres termes, les personnes

    susceptibles de contester peuvent difficilement dterminer si elles sont dans les dlais, tant donn

    que rien ne leur est notifi.

    Dans le cadre de ce litige, la disposition a t soumise lapprciation du Conseil constitutionnel, et

    la Cour de cassation avait transmis la question prioriataire de constitutionnalit (QPC) (Civ. 1

    re

    , 6

    juin 2012, AJDA 2012. 1132 ; AJ fam. 2012. 454 ; RTD civ. 2012. 523, obs. J. Hauser ). Le 27

    juillet 2012, le Conseil dclarait larticle L. 224-8 du code de laction sociale et des familles non

    conforme la constitution. Bien conscient des difficults dune large publication de larrt, le

    conseil estimait que si le lgislateur a pu choisir de donner qualit pour agir des personnes dont

    la liste nest pas limitativement tablie et qui ne sauraient, par consquent, recevoir toutes

    individuellement la notification de larrt en cause, il ne pouvait, sans priver de garanties lgales le

    droit dexercer un recours juridictionnel effectif, sabstenir de dfinir les cas et conditions dans

    lesquels celles des personnes qui prsentent un lien plus troit avec lenfant sont effectivement

    mises mme dexercer ce recours . Ds lors, la disposition se rvlait non conforme avec larticle

    16 de la Dclaration de 1789 (Cons. const., 27 juill. 2012, n

    o

    2012-268 QPC, AJDA 2012. 1551 ; AJ

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    fam. 2012. 454, obs. F. Eudier ; RTD civ. 2012. 718, obs. J. Hauser ).

    Cependant, ainsi que lui permet larticle 62, le Conseil constitutionnel avait diffr leffet de son

    abrogation au 1

    er

    janvier 2014, estimant que labrogation immdiate des dispositions critiques

    aurait pour effet de supprimer le droit de contester larrt dadmission en qualit de pupille de

    ltat . Aussi, et cest l tout leffet paradoxal de cette possibilit (C. Maug et J.-H. Stahl, La

    question prioritaire de constitutionnalit, 2

    e

    d.,Dalloz, coll. Connaissance du droit , 2013, p.

    134), le requrant lorigine de la question nallait pouvoir bnficier de lavantage de

    linconstitutionnalit, moins que le Conseil nenjoigne aux juridictions de surseoir statuer dans

    les instances en cours jusquau terme fix pour labrogation (ibid.). Mais ce ntait pas le cas.

    Linconstitutionnalit peut cependant galement traduire une absence de conventionnalit. Cest

    exactement ce que dcide ici la Cour de cassation. Ainsi, dans cette mme affaire, le moyen de la

    contrarit de la disposition larticle 6 de la Conv. EDH a t soulev. Celui-ci nest dailleurs pas

    irrecevable, selon la Cour de cassation, car il est de pur droit. En effet, ds lors quil invoque une

    atteinte la substance mme du droit daccs au juge et nappelle la prise en considration

    daucun lment de fait qui ne rsulterait pas des constatations de larrt (J. Bor et L. Bor, La

    cassation en matire civile,Dalloz Action, 2008/2009, n

    o

    82-111 et les rf. cites), le moyen,

    considr comme de pur droit, peut tre admis hauteur de cassation, alors mme quil navait pas

    t soulev auparavant. Ainsi, la question de la conventionnalit apparat comme une ressource

    particulirement utile pour pallier les difficults nes de labrogation effet diffr, une ressource

    que la procdure ne parat pas interdire.

    Largument a donc prospr devant la Cour de cassation. Larticle L. 224-28 est certes encore

    valable au plan du droit franais en attendant que prenne effet la dclaration dinconstitutionnalit,

    mais il mconnat galement une disposition de droit international. Au visa de larticle 6 de la Conv.

    EDH, la Cour rappelle que si le droit un tribunal, dont le droit daccs concret et effectif

    constitue un aspect, nest pas absolu, les conditions de recevabilit dun recours ne peuvent

    toutefois en restreindre lexercice au point quil se trouve atteint dans sa substance mme . Selon

    elle, une telle atteinte est caractrise lorsque le dlai de contestation dune dcision, tel que celui

    prvu par larticle L. 224-8 du code de laction sociale et des familles court du jour o la dcision est

    prise non contradictoirement et que nest pas assure linformation des personnes admises la

    contester. Or, en lespce, la grand-mre de lenfant navait pas t informe, en temps utile de la

    dcision, et donc de la facult de la contester, ce qui revenait mconnatre les dispositions de

    larticle 6. Ainsi, il ny aura pas besoin dattendre le 1

    er

    janvier 2014 et le recours peut tre

    considr comme recevable sur le fondement du droit issu de la CEDH. Cette possibilit peut se

    rvler prcieuse car ce que la Constitution na pu offrir immdiatement peut tre fourni par les

    exigences fondamentales du droit europen.

    Site de la Cour de cassation

    par Thibault de Ravel d'Esclapon

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