d’environ 100 · 2020. 8. 17. · Je veux de la poudre et des balles. Victor Hugo, Les...

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C 1.1 & C 1.2 CONNAITRE & CONTEXTUALISER Le nationalisme grec & le massacre de Chios POINT DE PASSAGE ET D’OUVERTURE « Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil. Chio, l'île des vins, n'est plus qu'un sombre écueil, Chio, qu'ombrageaient les charmilles, Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois, Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois Un chœur dansant de jeunes filles. Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis, Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis, Courbait sa tête humiliée ; Il avait pour asile, il avait pour appui Une blanche aubépine, une fleur, comme lui Dans le grand ravage oubliée. […] Que veux-tu ? Bel enfant, que te faut-il donner Pour rattacher gaîment et gaîment ramener En boucles sur ta blanche épaule Ces cheveux, qui du fer n'ont pas subi l'affront, Et qui pleurent épars autour de ton beau front, Comme les feuilles sur le saule ? […] Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux ? - Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus, Je veux de la poudre et des balles. Victor Hugo, Les Orientales, 1829 En 1821, des soulèvements contre la domination ottomane éclatent dans le Péloponnèse et de nombreux civils musulmans sont massacrés. La répression est sévère mais les autorités ne parviennent pas à désarmer les insurgés. En 1822, les nationalistes proclament l’indépendance de la Grèce. La même année, la garnison ottomane de l’île de Chios une île hellénophone est attaquée, le Sultan décide alors de faire un exemple : il envoie une armée sur place, avec mission de ravager l’île. Le massacre dure deux semaines. Le bilan estimé par les histori ens est de 23 000 morts et 47 000 personnes vendues comme esclaves, sur une population d’environ 100 000 habitants. Lévènement suscite lengagement de nombreux artistes en faveur de ce que lon appelle désormais « la cause grecque ». « Les Turcs égorgent les Grecs. Les Grecs leur coupent la tête. Voilà les nouvelles les plus agréables que j'ai apprises. C'est une question hors de la civilisation. Là-bas, par-delà nos frontières orientales, trois ou quatre cent mille individus pendus, égorgés, empalés, cela ne compte pas. » Déclaration prêtée à Klemens von Metternich en 1821. Scènes des massacres de Scio, Eugène Delacroix, 419 x 354 cm, 1824, Musée du Louvre, Paris. Questions Document 1 En 1821, quelle est lopinion de Klemens von Metternich sur la lutte dindépendance menée par les nationalistes grecs ? Daprès vous, comment expliquer ce positionnement ? Document 2, 3 & 4 Comment et par quels procédés les artistes cherchent-ils à mobiliser l’opinion et par extension les gouvernants en faveur des nationalistes Grecs ? Y parviennent-ils ? Analysez les documents, faîtes quelques recherches et détaillez vos réponses. 1 2 Lord Byron en costume albanais, Thomas Phillips, 76,5 x 63,9 cm, après 1835 (sur une esquisse de 1813), National Portrait Gallery, Londres. Lord Byron est un célèbre poète britannique. Il se prend très tôt de sympathie pour « la cause grecque » et part même, comme de nombreux autres volontaires européens, combattre aux côtés des nationalistes en 1823. 3 4

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  • C 1.1 & C 1.2 CONNAITRE & CONTEXTUALISER Le nationalisme grec & le massacre de Chios POINT DE PASSAGE ET D’OUVERTURE

    « Les Turcs ont passé là. Tout est

    ruine et deuil.

    Chio, l'île des vins, n'est plus qu'un sombre

    écueil,

    Chio, qu'ombrageaient les charmilles,

    Chio, qui dans les flots reflétait ses grands

    bois,

    Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois

    Un chœur dansant de jeunes filles.

    Tout est désert. Mais non ; seul près des murs

    noircis,

    Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec,

    assis,

    Courbait sa tête humiliée ;

    Il avait pour asile, il avait pour appui

    Une blanche aubépine, une fleur, comme lui

    Dans le grand ravage oubliée. […]

    Que veux-tu ? Bel enfant, que te faut-il

    donner

    Pour rattacher gaîment et gaîment ramener

    En boucles sur ta blanche épaule

    Ces cheveux, qui du fer n'ont pas subi

    l'affront,

    Et qui pleurent épars autour de ton beau

    front,

    Comme les feuilles sur le saule ? […]

    Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l'oiseau

    merveilleux ?

    - Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux

    bleus,

    Je veux de la poudre et des balles.

    Victor Hugo, Les Orientales, 1829

    En 1821, des soulèvements contre la domination ottomane éclatent dans le Péloponnèse et de nombreux civils musulmans sont massacrés. La répression est sévère mais les autorités ne parviennent pas à désarmer les insurgés. En 1822, les nationalistes proclament l’indépendance de la Grèce. La même année, la garnison ottomane de l’île de Chios – une île hellénophone – est attaquée, le Sultan décide alors de faire un exemple : il envoie une armée sur place, avec mission de ravager l’île. Le massacre dure deux semaines. Le bilan estimé par les historiens est de 23 000 morts et 47 000 personnes vendues comme esclaves, sur une population d’environ 100 000 habitants. L’évènement suscite l’engagement de nombreux artistes en faveur de ce que l’on appelle désormais « la cause grecque ».

    « Les Turcs égorgent les Grecs. Les Grecs leur coupent la tête.

    Voilà les nouvelles les plus agréables que j'ai apprises. C'est une question

    hors de la civilisation. Là-bas, par-delà nos frontières orientales, trois ou

    quatre cent mille individus pendus, égorgés, empalés, cela ne compte

    pas. »

    Déclaration prêtée à Klemens von Metternich en 1821.

    Scènes des massacres de Scio, Eugène Delacroix, 419 x 354

    cm, 1824, Musée du Louvre, Paris.

    Questions

    Document 1 – En 1821, quelle est l’opinion de Klemens von Metternich sur la lutte

    d’indépendance menée par les nationalistes grecs ? D’après vous, comment

    expliquer ce positionnement ?

    Document 2, 3 & 4 – Comment et par quels procédés les artistes cherchent-ils à

    mobiliser l’opinion – et par extension les gouvernants – en faveur des nationalistes

    Grecs ? Y parviennent-ils ? Analysez les documents, faîtes quelques recherches et

    détaillez vos réponses.

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    Lord Byron en costume albanais, Thomas Phillips, 76,5 x 63,9 cm, après

    1835 (sur une esquisse de 1813), National Portrait Gallery, Londres. Lord Byron

    est un célèbre poète britannique. Il se prend très tôt de sympathie pour « la cause

    grecque » et part même, comme de nombreux autres volontaires européens,

    combattre aux côtés des nationalistes en 1823.

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