CRISE MALIENNE page 1€¦ · de la Flamme de la Paix en 1996. Je pense encore plus aux pitoyables...

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numéro 491 • mercredi 30 janvier 2013 www.enqueteplus.com page 1 CRISE MALIENNE PAR DAOUDA GBAYA Votre pays, le Mali est en guerre contre des groupes islamistes qui, après plusieurs semaines de statu quo, ont voulu s’emparer de la ville stratégique de Konnan. Etes-vous surpris de la tournure des événe- ments ? Non, parce que dès cette nouvelle crise sahélo-saharienne, avec l’at- taque armée de Ménaka le 17 janvier 2012, par les indépendantistes et islamistes touaregs, alliés aux narco- trafiquants et à la mafia AQMI, j’ai toujours soutenu à Bamako, avec un certain nombre de collègues universi- taires, qu’à quelque chose malheur est bon !’ Ces terroristes, rejetons éga- rés du sud de l’Algérie, se sont trop facilement offerts au Nord Mali un sanctuaire pour tous les juteux busi- ness (otages, cocaïne, mercenariat, migration clandestine) depuis deux décennies de démocratisation de façade à usage externe. Ils se sont naturellement taillés un immense domaine saharien réservé pour tous les trafics mondialisés face à la déli- quescence manifeste, complaisante et complice de l’Etat malien et à la déroute de l’armée républicaine, exclue de la sécurisation de ces très vastes territoires, par un jeu d’accords de paix tous plus fictifs les uns que les autres. Vous pensez à quoi là par exemple ? Je pense notamment au ‘Pacte national de 1992’ qui a permis au Président Konaré, dans un climat d’insécurité dite résiduelle par les pouvoirs publics mais habilement entretenu par la rébellion touareg à des fins politiques et économiques, d’arriver à Tombouctou en compagnie du Président Rawlings, à la cérémonie de la Flamme de la Paix en 1996. Je pense encore plus aux pitoyables ‘Accords d’Alger de 2006’ du Président ATT (Amadou Toumani Touré) qui ont conforté la rébellion touareg dans sa tentative malheu- reuse d’avoir toute seule droit à tout le Mali, avec la caution politique de l’Etat pétrolier militaro-policier qui nous sépare de la France. Vous faites référence à l’Algérie ? Elle a été heureuse de vider sa pou- belle terroriste islamiste chez son infortuné voisin du sud et elle est devenue un arbitre spécialisé dans les négociations Touaregs-Gouvernement du Mali. Elle veut se faire passer pour une bonne âme panafricaniste alors qu’elle est incapable de cacher son avidité de puissance sous-régionale avec son soutien au Polisario contre le Maroc dont elle est une rivale hérédi- taire depuis leur ‘guerre des sables de 1963’. Il y a lieu de rappeler à Alger que c’est le Président Modibo Keïta qui mit fin à ce conflit après avoir cou- rageusement chassé l’armée française du Mali et soutenu le FLN (NDLR : Front de Libération Nationale, parti historique qui gouverne l’Algérie depuis la guerre d’indépendance contre la France) par l’ouverture d’un front sud grâce à Frantz Fanon basé à Accra. C’est dire que je ne suis pas surpris par l’ingratitude des hommes politiques africains et des faux frères maghrébins. Je suis encore moins sur- pris par l’attaque terroriste de Konnan par la bande à Iyad et à Belmokthar (NDLR : Iyad Ag Ghali, leader de Ansar Dine, et Mokhtar Belmokhtar, un des émirs de la mouvance Aqmi) tant elle méprise les populations noires maliennes et ignore que les Bozos, pacifiques pêcheurs islamisés depuis le 10ème siècle, sont à éviter strictement pour des raisons protohis- toriques connues des archéologues qui ont travaillé sur le site de Djenné, patrimoine mondial de l’UNESCO. Et avec la récente attaque terroriste d’In Amenas suite à l’intervention militaire française au Mali (ironie du sort à la veille de la fête de l’armée), l’Algérie n’a demandé à aucun bilatéral ou multilatéral la permission armée pour faire ce qu’elle a magistralement exé- cuté et c’est le Mali qui subit la rup- ture diplomatique avec le Japon (…) De nombreux observateurs voient à travers l’intervention militaire fran- çaise un échec de la CEDEAO. Partagez-vous cet avis ? Dieu est Grand et la France vient de prouver au Mali qu’elle n’est pas une petite nation comme nos micro-Etats en quête d’une unité sous régionale ou continentale qu’ils ne souhaitent pas acquérir. Histoire de ne pas per- dre les privilèges personnalisés d’une souveraineté publique sur procuration depuis nos indépendances cha-cha- cha. La CEDEAO, l’UEMOA où l’UA sont toutes pareilles car pour que deux nègres soient ensemble, il faut que Dieu soit le troisième ! Qu’est-ce qui explique la réticence de certains pays africains comme la Mauritanie, la Côte d’Ivoire ou l’Afrique du Sud, à envoyer des troupes au Mali ? C’est Dieu qui décide qui accompa- gnera qui dans la vie et dans la mort ! Pour le moment, dans tous nos pays qui font bonne figure patriotique, c’est le masque républicain, religieux et populiste qui tombe partout sur un continent africain à qui Dieu a tout donné. Prions pour que ses fils et filles se réconcilient avec eux-mêmes et retournent à l’Éternel ! Prions pour être en mesure de nous aimer frater- nellement dans nos belles différences africaines, ce qui est loin d’être le cas à Addis-Abeba, Abidjan, Abuja, Alger, Nouakchott, Pretoria, Ouagadougou ou Bamako, tant les égoïsmes anthro- pophagiques se sont fossilisés autour de frontières fictives, de valeurs sans valeurs et de mendiants assis sur des tonnes d’or et d’idées ! Après s’être associés aux groupes islamistes en mars dernier pour conquérir le nord du Mali, les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) se disent ‘prêts à aider’ la France sur le terrain. Leur soutien peut-il être déterminant ? Bonne question ! Le MNLA est une invention diabolique de mes collègues à cas-demi-chiens qui, de Paris, veu- lent penser l’Afrique à la place des Africains et contre lesquels Césaire nous a mis en garde. C’est le MNLA qui a tout déclenché le 17 janvier 2012 à Ménaka et égorgé comme des moutons, avec AQMI, une centaine de soldats maliens à Aguelhok. Ils ne per- dent rien à attendre côté Partenaire technique exotique de la France en guerre au Mali. Il y a un amalgame que certains semblent entretenir dans ce confit en assimilant l’islam au terrorisme. Ne risque-t-on pas d’assister à des dérives par rapport aux droits fon- damentaux des citoyens ? Encore une belle question sur islam, terrorisme et droits fondamen- taux des citoyens ! De quels droits de l’homme, de la femme, de l’enfant ou des animaux s’agit-il ? L’islam, je le soutiens, est la plus belle religion au monde même si aujourd’hui les musulmans sont devenus de très grands malades pour évoquer une pensée non dite de François Hollande dans son fameux débat qui a éjecté Sarkozy du trône élyséen. Et le seul remède pour la grande épidémie terro- riste islamiste se trouve dans les capa- cités intellectuelles de la Ummah du Prophète Muhammad (PSL) à déblo- quer par le retour à l’ijtihad (NDLR : effort de réflexion et d’interprétation des textes islamiques) à l’échelle uni- verselle. En effet, l’islam recom- mande impérativement la protection sacrée de toute vie pour ceux qui croient au Paradis, à ne pas confondre avec le pouvoir, l’argent ou la célé- brité, et ont peur de l’enfer, ici-bas et au-delà. Après le 11 septembre, nous traversons à l’échelle mon- diale une profonde crise du mono- théisme avec les actuelles dérives du printemps arabe qui ont brûlé, sans pouvoir l’enflammer, le man- guier malien. Dieu merci, nous avons eu les fruits amers de notre crise du pouvoir en période préélec- torale avec le coup d’Etat du 22 mars 2012 par des mutins anti-ATT. Dieu merci encore, nous avons aujourd’hui une guerre, presque gagnée, qui doit mettre un terme à l’insécurité d’Etat. Et Dieu sera encore plus à remercier si les Maliens ont le courage et l’intelli- gence institutionnelle de remettre à plat leur mauvais modèle de gestion du pouvoir traditionnel et moderne, sans chasse aux sorcières. Lors d’une conférence que vous aviez animée à Dakar, vous décla- riez que le problème n’est pas au Nord, mais au Sud du Mali à cause de son instabilité politique. Qu’est- ce à dire ? Je rappelais simplement ce que j’avais intitulé ‘La crise de société du Mali : quelle alternative ?’. Cet article prémonitoire était adressé au Mouvement démocratique de Bamako qui venait de gagner une nouvelle République du Mali avec mon ami et collègue, le Président Alpha Oumar Konaré. Il leur disait en conclusion qu’une nation se forge, un Etat se crée et une démocratie s’in- vente’. Or, eux étaient exactement en train de faire le contraire ! En dépit de ma bonne foi de porte-plume de Konaré pendant les années de lutte contre le Général Moussa Traoré et après avoir délibérément quitté mon poste de ‘visiting scientist’ de l’Université d’Indiana, Bloomington (USA). Et c’est pour dire quoi ? Ceci pour dire que les problèmes du Nord Mali sont nés au Sud, à Bamako, du déficit de la classe politique, de la démocratisation non pensée, sous pression du discours de La Baule, de la décentralisation comme rente répu- blicaine livrée aux Touaregs pour négocier avec leur économie de razzia d’Etat une honorable sortie de crise en faveur du Président Konaré. Ce der- nier a bouclé la boucle avec Kadhafi qu’il a rendu internationalement fré- quentable par ses multiples visites à Tripoli pour le cash-flow en pétrodol- lars libyens. Par exemple ? A titre d’illustration de cette manne financière sans procédure technique compliquée et qui a valu au Mali de s’appeler officieusement ‘Malibya’, il y a le siège du Gouvernement, la Bibliothèque-Archives nationales, la chaîne hôtelière Laïco, 100 000 ha de terres irriguées à l’Office du Niger, les distributeurs Oil Libya, le palais privé du ‘Guide’ à Tombouctou, le Centre culturel islamique de Hamdallaye à Bamako, le paiement mensuel d’un réseau d’imams, la rencontre de l’Internationale soufie à Bamako en 2004, la Grande prière du Maouloud 2006 à Tombouctou, entre autres. Et cerise sur le gâteau ensablé : le recru- tement au Palais de Koulouba (NDLR : Palais de la République sur les hau- teurs de Bamako) de mercenaires touaregs pour l’Armée du Sud de Kadhafi ! Alors, ne vous étonnez pas qu’ils reviennent chez eux après les bombes de Sarkozy, avec armes de dernière génération et bagages bourrés d’explosifs pour terroriser les Maliens qui subissent plus de 50 ans de mau- vaise gouvernance d’Etat dans le sep- tentrion. (…) En vous renvoyant à une dernière publication de co-auteur ‘l’Occupation du Nord du Mali’ (Libraire Harmattan), permettez-moi de dire que tous les Touaregs du Mali ne sont pas des rebelles, certains sont mes amis, de même que cer- tains juifs de Paris... DR. HAMIDOU MAGASSA ( SOCIO-ÉCONOMISTE ) “Les mercenaires touaregs sont revenus chez eux après les bombes de Sarkozy” Hamidou Magassa, essayiste, poète, linguiste, anthropologue et consultant socio-économiste au bureau d’études ‘Le Sernes’ à Bamako suit de très près la situation qui prévaut dans son pays le Mali. Dans cet entretien accordé à EnQuête, ce chercheur postdoctoral de l’Université d’Indiana (Bloomington/USA) en analyse institutionnelle du développement décrypte les enjeux de cette guerre aux multiples ramifications.

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numéro 491 • mercredi 30 janvier 2013www.enqueteplus.com

page 1CRISE MALIENNE

PAR DAOUDA GBAYA

Votre pays, le Mali est en guerrecontre des groupes islamistes qui,après plusieurs semaines de statuquo, ont voulu s’emparer de la villestratégique de Konnan. Etes-voussurpris de la tournure des événe-ments ?

Non, parce que dès cette nouvellecrise sahélo-saharienne, avec l’at-taque armée de Ménaka le 17 janvier2012, par les indépendantistes etislamistes touaregs, alliés aux narco-trafiquants et à la mafia AQMI, j’aitoujours soutenu à Bamako, avec uncertain nombre de collègues universi-taires, qu’à quelque chose malheurest bon !’ Ces terroristes, rejetons éga-rés du sud de l’Algérie, se sont tropfacilement offerts au Nord Mali unsanctuaire pour tous les juteux busi-ness (otages, cocaïne, mercenariat,migration clandestine) depuis deuxdécennies de démocratisation defaçade à usage externe. Ils se sontnaturellement taillés un immensedomaine saharien réservé pour tousles trafics mondialisés face à la déli-quescence manifeste, complaisanteet complice de l’Etat malien et à ladéroute de l’armée républicaine,exclue de la sécurisation de ces trèsvastes territoires, par un jeu d’accordsde paix tous plus fictifs les uns que lesautres.

Vous pensez à quoi là par exemple ?Je pense notamment au ‘Pacte

national de 1992’ qui a permis auPrésident Konaré, dans un climatd’insécurité dite résiduelle par lespouvoirs publics mais habilemententretenu par la rébellion touareg àdes fins politiques et économiques,d’arriver à Tombouctou en compagniedu Président Rawlings, à la cérémoniede la Flamme de la Paix en 1996. Jepense encore plus aux pitoyables‘Accords d’Alger de 2006’ duPrésident ATT (Amadou ToumaniTouré) qui ont conforté la rébelliontouareg dans sa tentative malheu-reuse d’avoir toute seule droit à tout leMali, avec la caution politique del’Etat pétrolier militaro-policier quinous sépare de la France.

Vous faites référence à l’Algérie ?Elle a été heureuse de vider sa pou-

belle terroriste islamiste chez soninfortuné voisin du sud et elle estdevenue un arbitre spécialisé dans lesnégociations Touaregs-Gouvernementdu Mali. Elle veut se faire passer pourune bonne âme panafricaniste alors

qu’elle est incapable de cacher sonavidité de puissance sous-régionaleavec son soutien au Polisario contre leMaroc dont elle est une rivale hérédi-taire depuis leur ‘guerre des sables de1963’. Il y a lieu de rappeler à Algerque c’est le Président Modibo Keïtaqui mit fin à ce conflit après avoir cou-rageusement chassé l’armée françaisedu Mali et soutenu le FLN (NDLR :Front de Libération Nationale, partihistorique qui gouverne l’Algériedepuis la guerre d’indépendancecontre la France) par l’ouverture d’unfront sud grâce à Frantz Fanon basé àAccra. C’est dire que je ne suis passurpris par l’ingratitude des hommespolitiques africains et des faux frèresmaghrébins. Je suis encore moins sur-pris par l’attaque terroriste de Konnanpar la bande à Iyad et à Belmokthar(NDLR : Iyad Ag Ghali, leader deAnsar Dine, et Mokhtar Belmokhtar,un des émirs de la mouvance Aqmi)tant elle méprise les populationsnoires maliennes et ignore que lesBozos, pacifiques pêcheurs islamisésdepuis le 10ème siècle, sont à éviterstrictement pour des raisons protohis-toriques connues des archéologuesqui ont travaillé sur le site de Djenné,patrimoine mondial de l’UNESCO. Etavec la récente attaque terroriste d’InAmenas suite à l’intervention militairefrançaise au Mali (ironie du sort à laveille de la fête de l’armée), l’Algérien’a demandé à aucun bilatéral oumultilatéral la permission armée pourfaire ce qu’elle a magistralement exé-

cuté et c’est le Mali qui subit la rup-ture diplomatique avec le Japon (…)

De nombreux observateurs voient àtravers l’intervention militaire fran-çaise un échec de la CEDEAO.Partagez-vous cet avis ? Dieu est Grand et la France vient de

prouver au Mali qu’elle n’est pas unepetite nation comme nos micro-Etatsen quête d’une unité sous régionaleou continentale qu’ils ne souhaitentpas acquérir. Histoire de ne pas per-dre les privilèges personnalisés d’unesouveraineté publique sur procurationdepuis nos indépendances cha-cha-cha. La CEDEAO, l’UEMOA où l’UAsont toutes pareilles car pour quedeux nègres soient ensemble, il fautque Dieu soit le troisième !

Qu’est-ce qui explique la réticencede certains pays africains commela Mauritanie, la Côte d’Ivoire oul’Afrique du Sud, à envoyer destroupes au Mali ? C’est Dieu qui décide qui accompa-

gnera qui dans la vie et dans la mort !Pour le moment, dans tous nos paysqui font bonne figure patriotique,c’est le masque républicain, religieuxet populiste qui tombe partout sur uncontinent africain à qui Dieu a toutdonné. Prions pour que ses fils etfilles se réconcilient avec eux-mêmeset retournent à l’Éternel ! Prions pourêtre en mesure de nous aimer frater-nellement dans nos belles différencesafricaines, ce qui est loin d’être le cas

à Addis-Abeba, Abidjan, Abuja, Alger,Nouakchott, Pretoria, Ouagadougouou Bamako, tant les égoïsmes anthro-pophagiques se sont fossilisés autourde frontières fictives, de valeurs sansvaleurs et de mendiants assis sur destonnes d’or et d’idées !

Après s’être associés aux groupesislamistes en mars dernier pourconquérir le nord du Mali, lesrebelles touaregs du Mouvementnational de libération de l’Azawad(MNLA) se disent ‘prêts à aider’ laFrance sur le terrain. Leur soutienpeut-il être déterminant ?Bonne question ! Le MNLA est une

invention diabolique de mes collèguesà cas-demi-chiens qui, de Paris, veu-lent penser l’Afrique à la place desAfricains et contre lesquels Césairenous a mis en garde. C’est le MNLAqui a tout déclenché le 17 janvier2012 à Ménaka et égorgé comme desmoutons, avec AQMI, une centaine desoldats maliens à Aguelhok. Ils ne per-dent rien à attendre côté Partenairetechnique exotique de la France enguerre au Mali.

Il y a un amalgame que certainssemblent entretenir dans ce confiten assimilant l’islam au terrorisme.Ne risque-t-on pas d’assister à desdérives par rapport aux droits fon-damentaux des citoyens ? Encore une belle question sur

islam, terrorisme et droits fondamen-taux des citoyens ! De quels droits del’homme, de la femme, de l’enfant oudes animaux s’agit-il ? L’islam, je lesoutiens, est la plus belle religion aumonde même si aujourd’hui lesmusulmans sont devenus de trèsgrands malades pour évoquer unepensée non dite de François Hollandedans son fameux débat qui a éjectéSarkozy du trône élyséen. Et le seulremède pour la grande épidémie terro-riste islamiste se trouve dans les capa-cités intellectuelles de la Ummah duProphète Muhammad (PSL) à déblo-quer par le retour à l’ijtihad (NDLR :effort de réflexion et d’interprétationdes textes islamiques) à l’échelle uni-verselle. En effet, l’islam recom-mande impérativement la protectionsacrée de toute vie pour ceux quicroient au Paradis, à ne pas confondreavec le pouvoir, l’argent ou la célé-brité, et ont peur de l’enfer, ici-baset au-delà. Après le 11 septembre,nous traversons à l’échelle mon-diale une profonde crise du mono-théisme avec les actuelles dérivesdu printemps arabe qui ont brûlé,sans pouvoir l’enflammer, le man-guier malien. Dieu merci, nousavons eu les fruits amers de notrecrise du pouvoir en période préélec-torale avec le coup d’Etat du 22mars 2012 par des mutins anti-ATT.Dieu merci encore, nous avonsaujourd’hui une guerre, presquegagnée, qui doit mettre un terme àl’insécurité d’Etat. Et Dieu seraencore plus à remercier si lesMaliens ont le courage et l’intelli-gence institutionnelle de remettre àplat leur mauvais modèle de gestiondu pouvoir traditionnel et moderne,sans chasse aux sorcières.

Lors d’une conférence que vousaviez animée à Dakar, vous décla-riez que le problème n’est pas auNord, mais au Sud du Mali à causede son instabilité politique. Qu’est-ce à dire ?

Je rappelais simplement ce quej’avais intitulé ‘La crise de société duMali : quelle alternative ?’.Cet article prémonitoire était adresséau Mouvement démocratique deBamako qui venait de gagner unenouvelle République du Mali avecmon ami et collègue, le PrésidentAlpha Oumar Konaré. Il leur disait enconclusion qu’une nation se forge, unEtat se crée et une démocratie s’in-vente’. Or, eux étaient exactement entrain de faire le contraire ! En dépit dema bonne foi de porte-plume deKonaré pendant les années de luttecontre le Général Moussa Traoré etaprès avoir délibérément quitté monposte de ‘visiting scientist’ del’Université d’Indiana, Bloomington(USA).

Et c’est pour dire quoi ?Ceci pour dire que les problèmes du

Nord Mali sont nés au Sud, à Bamako,du déficit de la classe politique, de ladémocratisation non pensée, souspression du discours de La Baule, dela décentralisation comme rente répu-blicaine livrée aux Touaregs pournégocier avec leur économie de razziad’Etat une honorable sortie de crise enfaveur du Président Konaré. Ce der-nier a bouclé la boucle avec Kadhafiqu’il a rendu internationalement fré-quentable par ses multiples visites àTripoli pour le cash-flow en pétrodol-lars libyens.

Par exemple ?A titre d’illustration de cette manne

financière sans procédure techniquecompliquée et qui a valu au Mali des’appeler officieusement ‘Malibya’, il ya le siège du Gouvernement, laBibliothèque-Archives nationales, lachaîne hôtelière Laïco, 100 000 ha deterres irriguées à l’Office du Niger, lesdistributeurs Oil Libya, le palais privédu ‘Guide’ à Tombouctou, le Centreculturel islamique de Hamdallaye àBamako, le paiement mensuel d’unréseau d’imams, la rencontre del’Internationale soufie à Bamako en2004, la Grande prière du Maouloud2006 à Tombouctou, entre autres. Etcerise sur le gâteau ensablé : le recru-tement au Palais de Koulouba (NDLR: Palais de la République sur les hau-teurs de Bamako) de mercenairestouaregs pour l’Armée du Sud deKadhafi ! Alors, ne vous étonnez pasqu’ils reviennent chez eux après lesbombes de Sarkozy, avec armes dedernière génération et bagages bourrésd’explosifs pour terroriser les Maliensqui subissent plus de 50 ans de mau-vaise gouvernance d’Etat dans le sep-tentrion. (…) En vous renvoyant à unedernière publication de co-auteur‘l’Occupation du Nord du Mali’(Libraire Harmattan), permettez-moide dire que tous les Touaregs du Maline sont pas des rebelles, certainssont mes amis, de même que cer-tains juifs de Paris...

DR. HAMIDOU MAGASSA ( SOCIO-ÉCONOMISTE )

“Les mercenaires touaregs sont revenuschez eux après les bombes de Sarkozy”Hamidou Magassa, essayiste, poète, linguiste, anthropologue et consultant socio-économiste au bureau d’études ‘Le Sernes’ à Bamako suit de très près la situation qui prévaut dans son pays leMali. Dans cet entretien accordé à EnQuête, ce chercheur postdoctoral de l’Université d’Indiana(Bloomington/USA) en analyse institutionnelle du développement décrypte les enjeux de cetteguerre aux multiples ramifications.