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    Crises

    de la dette :prvention et rsolution

    Rapport

    Daniel Cohen

    et Richard Portes

    Commentaires

    Olivier Davanne

    Sylviane Guillaumont-Jeanneney

    Complments

    Michel Aglietta, Pierre Jacquet, Vincent Marcus,

    Dominique Plihon, Helmut Reisen et Charles Wyplosz

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    La Documentation franaise, Paris 2003 - ISBN 2-11-005454-9

    Enapplication dela loi du11 mars1957(article41) etdu Codede laproprit intellectuelledu 1er juillet 1992,toute reproduction partielle ou totale usage collectif de la prsente publication est strictement interdite sanslautorisation expresse de lditeur.Il est rappel cet gard que lusage abusif et collectif de la photocopie met en danger lquilibre conomiquedes circuits du livre.

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    Sommaire

    Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5Christian de Boissieu

    RAPPORT

    Crise souveraine : entre prvention et rsolution . . . . . . . 7Daniel Cohen et Richard Portes

    Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

    1. Crises de la dette : thorie et pratique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

    1.1. Principes gnraux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131.2. Les crises financires des annes quatre-vingt-dix

    taient-elles diffrentes ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151.3. Comment prvenir les crises de confiance . . . . . . . . . . . . . 20

    2. Solutions ex post : renflouer et impliquer . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252.1. Principes gnraux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252.2. La proposition Krueger (FMI) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 272.3. Limites des propositions du FMI. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282.4. Autres obstacles un tribunal de faillite international . . . . 29

    2.5. Nouveau cadre institutionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 302.6. Les CAC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 312.7. Moratoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352.8. Opinions des marchs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 362.9. Quelle attitude adopter ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 392.10.Le point de vue de lUnion europenne. . . . . . . . . . . . . . . . 392.11.Un code de bonne conduite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 402.12.Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

    COMMENTAIRES

    Olivier Davanne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

    Sylviane Guillaumont-Jeanneney . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

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    COMPLMENTS

    A. Le prteur en dernier ressort internationalet la rforme du FMI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67Michel Aglietta

    B. Un prteur en dernier ressort mondial ? . . . . . . . . . . . . . 83Charles Wyplosz

    C. Normes et codes de larchitecture financiremondiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93Helmut Reisen

    D. Crises des paiements :une perspective historique, 1980-2002 . . . . . . . . . . . . . . . . . 103Vincent Marcus

    E. Pour une rforme profonde des institutionsfinancires de Bretton Woods . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121Dominique Plihon

    F. Prts ou dons, quel financement publicdu dveloppement ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137Pierre Jacquet

    RSUM. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

    SUMMARY . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161

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    Introduction

    Face aux crises financires rptition, face leurs effets souvent dvas-tateurs sur la croissance, lemploi et la cohsion sociale, que faire ?

    La premire tape consiste, on sen doute, identifier le phnomne,pralable indispensable toute thrapeutique. Cest pourquoi le clivageentre plusieurs types et plusieurs gnrations de crises financires, tel quil at approfondi depuis cinq-six ans, tient une place centrale dans le rapportde Daniel Cohen et Richard Portes, comme dans les commentaires et lescomplments qui laccompagnent.

    Force est de reconnatre que les progrs thoriques et empiriques sur lediagnostic nont pas vraiment, jusqu prsent du moins, amlior le pro-nostic des crises. Les travaux mens au FMI, depuis les annes

    quatre-vingt-dix, sur les indicateurs avancs des crises financires (spcia-lement des crises de change) sont importants ; ils nont pas permis de virer loptimisme sur le thme gnral de la prvisibilit des crises. Sous cetangle, la crise financire ressemble une maladie : ds que loncommence en dcortiquer et saisir les ressorts, dautres formes de crises apparaissent,compliquant srieusement la tche des autorits.

    dfaut de les prvoir correctement, comment rpartir leffort entre laprvention des crises financires et la gestion de celles qui nont pu tre vi-tes ? Lexercice en cours pour amliorer le ratio de solvabilit des banques

    (Ble 2) relve clairement de la phase prventive ; il va structurer lvolu-tion de nos systmes bancaires et financiers pour une priode longue.Lorsque la crise est l, se pose gnralement la question de lintervention du prteur en dernier ressort , avec la certitude que son exercice dans lecadre international soulve dautres dfis que lintervention du PDR danslordre domestique. Mais, dans les dbats rcents, la gestion de la crisefinancire ne se limite certainement pas la question du PDR. Elle toucheaussi lvaluation de la proposition Krueger (2001), visant appliquer auxtats dfaillants (par surendettement, etc.) la procdure de faillite conue

    pour les entreprises (exemple du chapitre 11 de la loi sur la faillite auxtats-Unis). Il sagit du mcanisme de restructuration de la dette souveraine(MRDS).

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    La proposition Krueger est, de fait, pratiquement enterre, en particulier cause de la difficult de mettre en place un tribunal international des failli-tesetdeloppositiondestats-Unis.Elleauraeuaumoinscettevertudesti-

    muler les propositions pour amliorer larchitecture financireinternationale. Cest dans cette optique que le rapport de Daniel Cohen etRichard Portes fait deux recommandations centrales : dfinir un nouveau rgime dendettement dans lequel les pays endetts sengageraient tout faire pour ne pas dpasser un niveau de spreadde signature, fix lavance ; dvelopper les clauses daction collective (CAC) dans les mis-sions obligataires, afin dintroduire un peu dordre et de solidarit entre lescranciers en cas de difficults voire de dfaillance de leurs dbiteurs. Et leFMIjoueraitunrleprventifaccrudanslecontextedece rgimedendet-

    tement , intervenant comme prteur de premier ressort plutt quecomme PDR.

    Ces recommandations sont largement discutes et compltes dans lescommentaires et complments joints. Il faut reconnatre que, depuis les crisesasiatique et russe, la rforme des institutions de Bretton-Woods na pas fran-chement progress. Autrement dit, le chantier est largement ouvert. LEuropeaura dautant plus de chance de peser sur ce dossier quelle aura russi sur-monter ses clivages internes propos de larchitecture internationale en gn-ral, converger sur lquilibre entre lapproche rglementaire et lapproche

    contractuelle en particulier. On peut toujours se prendre esprer...CerapportdontLaurenceBlochaassurlesuiviauseindelacelluleper-

    manente du CAE, a t discut en sance plnire du Conseil le 3 octobre2002, puis le2 avril 2003enprsenced u ministrede lconomie, des Finan-ces et de lIndustrie.

    Christian de BoissieuPrsident dlgu du Conseil danalyse conomique

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    Crise souveraine :entre prvention et rsolution(1)

    Daniel Cohencole normale suprieure, CEPREMAP et CEPR

    Richard PortesLondon Business School, EHESS et CEPR

    Introduction

    Lacrise gnralise de ladette,dans les annes quatre-vingt, a t lori-gine de la dcennie perdue pour lAmrique latine et les banques nonteu, au bout du compte, pas dautre choix que de renoncer une part signifi-cative de leurs crances. La crise asiatique de 1997-1998 a t dvastatrice lpoque et lIndonsie ne la, du reste, pas encore entirement surmonte.La dfaillance de la Russie, en aot 1998, a t rgle assez rapidement,mais londe de choc qui sest propage sur les marchs financiers a tencore plus rapide et a t en partie lorigine de la quasi faillite du fondsLTCM, de laugmentation brutale des spreads de taux obligataires sur les

    marchs mergents et, enfin, de la crise de change au Brsil.Letraitementdescrisesdeladettesouveraineesttoujourscomplexeetse

    rvle souvent long et trs coteux la fois pour les dbiteurs et pour lescranciers.Maislarsolutionordonnedecetypedecrisesestdevenueplusdifficile au cours de la dernire dcennie. Le passage des prts manant deconsortiums bancaires des annes soixante-dix des formules mixtes asso-ciant prts bancaires court terme et missions obligataires a multipli lenombre des cranciers et des instruments de dette. En cas de crise, cette

    CRISES DE LA DETTE : PRVENTION ET RSOLUTION 7

    (1) Nous tenons exprimer notre vive reconnaissance Laurence Bloch et Jean Pisani-Ferrypourleursencouragements,pourlaidequilsnousontapportelafoisdansnostravauxetloccasiondesrunionsdeconcertationet,enfin,pourleurscommentairessurlepremierpro-jet de rapport prsent lors dune runion du CAE. Nous remercions galement Ted TrumanetRobertGraypour leurs commentairesetavisetVincent Marcuspour son aide prcieuse.

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    situationamplifielephnomnede sauve-qui-peut chezlescranciersetcomplique la mise en uvre dactions collectives quimplique toute restruc-turation de la dette. Ce qui parat rationnel, pour un crancier cherchant

    rcuprer sa mise, devient contre-productif si tous les cranciers tententden faire autant au mme moment ou si certains, persuads quune actionindividuelle sera plus payante, ne peuvent se rsigner accepter la moindreperte.

    Ledbiteur saitque dansde tellesconditions, la restructuration seradiffi-cile et il peut donc tre tent de tout faire pour retarder linluctable, avecsouvent pour seul rsultat daggraver la crise. De plus, lorsquune restructu-ration finit par tre accepte par la majorit des cranciers, des cranciersdissidents ou voyous peuvent chercher obtenir le remboursement int-

    gral de leurs crances. Tous les cranciers en viennent ainsi craindre exante ce genre de comportement de passager clandestin, crainte qui constitueen elle-mme un obstacle tout accord. Lors dune restructuration, proces-sus trs long, le dbiteur rencontre des problmes financiers importants et illui est parfois impossible dobtenir de l argent frais , y compris des cr-dits commerciaux. Le brusque coup de frein donn aux importations et lepassage une conomie tire par les exportations peuvent constituer unajustement trs douloureux, qui saccompagne souvent dune chute svrede la production. En labsence de cadre de rglement ordonn de la dette, le

    FMIetleG7doiventtoujoursintervenir aposterioridansdesconditionsquisont coteuses en termes dajustement pour les pays et coteuses pour lespays du G7. Il existe pourtant dautres solutions. la suite de la crise mexi-caine de 1994-1995, Jeffrey Sachs (1995) a propos un rgime de failliteinternational calqu sur le chapitre 11 du Code amricain des faillites.Eichengreen et Portes ont, pour leur part, prn une combinaison de modifi-cations dordre contractuel et institutionnel qui permettraient de se passerdun tribunal international des faillites (Eichengreen et Portes, 1995)(2),mais en conserverait les effets. Ils soulignaient notamment le bnfice desclausesdactioncollective(CAC).LessupplantsduG10ontpublienmai1996 un rapport se prononant en faveur de cette seconde solution (Groupedes 10, 1996).Toutefois, rienna t fait : leG10 a laiss linitiativeaux op-rateurs de march, alors que ces derniers avaient dj exprim leur opposi-tion toute mesure qui, de leur point de vue, aurait pour effet de faciliter lesdfaillances. La dfaillance devait au contraire, selon eux, tre rendue aussi douloureuse et complique que possible, afin de dissuader toute viola-tion du caractre sacr des contrats.

    La rflexion sur la rforme de larchitecture financire internationale at relance suite la crise asiatique de 1997-1998 mais les conclusionscomme les rsultats de cette rflexion sont rests les mmes : le statu quo.

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    (2) voir aussi Rogoff et Zettelmeyer (2002) pour une analyse dtaille de la littrature sur lescadres institutionnels de rsolution des crises de dettes souveraines.

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    Les crises subies par la Turquie et lArgentine ont t traites peu de cho-ses prs de la mme manire que les crises asiatiques : une priode depr-crise, caractrise par une politique de rigidit des taux de change ava-

    liseparleFMI,suiviedunplanmassifdesauvetagelorsdudclenchementde la crise. Seules la dbcle financire et la dfaillance de lArgentine ontttraitesdiffremment,avecdesconsquencesdsastreusespourcepays.

    Certains signes donnent actuellement penser que les choses pourraientenfin voluer en profondeur. Stanley Fischer proposa en 1999 que le FMIjoue le rle de prteur international en dernier ressort (PDR). En novembre2001, Anne Krueger, son successeur au poste de Premier directeur gnraladjoint du FMI, sest fait lavocate dun mcanisme de restructuration de ladette souveraine (MRDS) facilitant la mise en faillite des pays trop endetts,

    inspir du chapitre 11 du Code amricain des faillites (cest galement lepoint de vue de Stiglitz (2002)). Lune des traductions institutionnelles de laproposition Fischer fut la mise en uvre de la ligne de crdit prventive(LCP),quipermetunpaysgagnparunecrisedecontagiondetirersurdeslignes de crdit additionnelles. Nanmoins, cette facilit na encore jamaist utilise. La proposition Krueger attend encore, elle aussi, un dbouchpratique. Quatre mois aprs sa premire dclaration, A. Krueger a rponduaux critiques, en rduisant significativement le rle du FMI dans lapplica-tion du MRDS, mais il nen reste pas moins que ce dernier supposerait la

    signature dun trait international ou la modification des Statuts du FMI(Krueger, 2002a). John Taylor, Sous-secrtaire amricain au Trsor chargdes relations internationales, a ragi immdiatement en soumettant unensemble de propositions en faveur de lapproche contractuelle prsenteds 1995-1996 (Taylor, 2002). Le G 7 a alors repris son compte la positionamricaine, tout en indiquant que le FMI devait continuer affiner son pro-jet (plan daction du G7, 2002). Lors des assembles annuelles du FMI, lautomne 2002, lapproche dite double volet , statutaire et contrac-tuelle, a t confirme : poursuite des travaux sur le MRDS afin de dbou-cher sur une proposition oprationnelle dici au printemps 2003,paralllement la poursuite des efforts de mise au point des clauses dactioncollective. Au printemps 2003, la proposition Krueger a finalement tenterre.

    Aurisque deparatrepcherpar excs de pragmatisme, ilnoussemblequeces deux propositions (PDR et MRDS) ont t en fait trop ambitieuses pourconstituer un programme raliste de rforme, ce qui a conduit en fin decompte laisser les rformes promises en suspens et instituer le statu quocomme seule alternative possible.Considrons tout dabord la rforme visant

    faire du FMI le prteur en dernier ressort. Comme le montrent parfaitementlesdeuxcomplmentsdeMichelAgliettaetdeCharlesWyplosz,unPDRdoitdisposer soit des moyens dinjecter en quantit indtermine des liquiditsnouvelles, soit dune information parfaite sur les intermdiaires financierssolvables et insolvables. La seconde hypothse tant quasiment exclue par la

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    naturemmedescrisesfinancires,lapremirehypothserevientdonnerauFMI les moyens de crer ex nihilo de la liquidit. Ce transfert de souverainetmontaire, dont on a vu combien il tait difficile accomplir dans le cas euro-

    pen apparat, lchelle mondiale, hors datteinte aujourdhui.La proposition de MRDS manant du Fonds a fait quant elle lobjet de

    discussions approfondies, que nous examinerons dans ce rapport. Iciencore, la difficult politique de crer un tribunal international ayant auto-ritsurletraitementdeladettedestatsapparathorsdatteinteaujourdhuipour essentiellement la mme raison : le transfert de souverainet qui seraitncessaire pour donner un tribunal international la possibilit juridique desuspendre les procdures lgales contre un pays est considrable. Undbou-ch possible cette ide, que nous explorerons dans ce rapport, tient en unecombinaison plus pragmatique de gels temporaires des remboursements deladette(standstill) pendant une dure courte, disons de trois mois et duneextension des clauses daction collective (CAC) qui permettraient, auxcts dautres mcanismes institutionnels mettre au point, dacclrer larsolution des crises financires. Nous abordons les rformes utiles cettefin en section II de ce rapport.

    Reprenant toutefois lintuition qui prside ces deux ides, PDR etMRDS, il est possible de dire quelles refltent leur manire une question

    simple et essentielle. Lorsque des crises financires se dclenchent, lactionduFMInepeutpastreindiffrenteauxcausesquiontdclenchcettecrise.On ne peut pas grer de la mme manire la crise dun pays qui est victimedune crise de confiance que rien ne permettait de prvoir et la crise dunpays dont les indicateurs macroconomiques sont depuis longtemps dgra-ds, et qui sendette des taux anormalement levs.

    Cest pour grer les situations o les pays ont souffrir dun manque deconfiance non justifi par une crise des fondamentaux que le PDR est utile.Cest pour grer les situations o la dette nest plus en rapport avec les fon-

    damentaux que les procdures de mise en faillite ou de rduction de dettesont essentielles. La difficult dutiliser bon escient une telle distinctiontient ceque cette dernireest trsdifficile faire chaud ,quand lacrisese manifeste. Dune part, parce quil plane toujours un doute sur les motifsqui poussent les investisseurs retirer leur confiance. Le doute sur la naturedes crises explique le risque dala moral. Parce quil nest pas toujours pos-sible de distinguer les bons dbiteurs, qui nont pas eu de chance, des mauvais , qui ont poursuivi des politiques non soutenables, les interven-tionsduFMInaviguentsanscesseentreletropetletroppeu.Cestpoursor-

    tir de ces difficults que la Commission Meltzer a propos de rduire lechamp daction du Fonds aux seuls pays faisant lobjet dune pr-qualifica-tion, fonde sur des critres rigoureux dendettement et de transparence.Cette proposition a toutefois linconvnient de ne rien prvoir pour les paysqui ne souscriraient pas ces critres, ce qui nest gure crdible. Par ail-

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    leurs, comme le montre Helmut Reisen dans son complment au rapport, lescritres de surveillance eux-mmes sont souvent entachs dincertitudes.

    Dautre part, la distinction entre crise de confiance et crise des fonda-mentaux est aussi difficile faire parce que les crises de confiance ont sou-vent tendance se transformer rapidement en crises des fondamentaux : siles taux dintrt augmentent, la dette peut vite tre entrane dans unelogique de boule de neige, qui devient auto-ralisatrice eu gard aux fonda-mentaux eux-mmes. Cest largument utilis par Williamson (2002) pourcaractriser la crise brsilienne actuelle : la dette se situe un niveau o destaux levs la rendent insoutenable, mais o des taux bas la ramneraientvite un niveau dquilibre (compte tenu des excdents primaires du gou-vernement). Les conomistes parlent ici dquilibres multiples : les taux basreprsentent un quilibre, au mme titre que les taux levs. Cette ide estsduisante mais la ralit des crises, comme nous lanalyserons en section 1de ce rapport, nest pas aussi tranche.

    Nous proposons pour notre part une typologie simple qui permette dedcomposer lorigine des crises en trois composantes : crise de confiance(spreads de taux dintrt et crise de change), crise des fondamentaux (tauxde croissance conomique relle), crise de la politique conomique (dficitprimaire). Un peu miraculeusement, la dynamique de la dette sexplique

    parts quasiment gales par chacun de ces trois termes. On nobserve jamaisla situation pure o la crise de confiance explique la crise de la dette,commedanslemodlequilibresmultiples.Enrevanche,onobservebeletbien (et plus intuitivement) que pour les pays les plus endetts, le poids de lacomposante intrtset crises dechange peut reprsenter jusqu 40 % delaccroissement de lencours de la dette.

    Cest cette double dimension, savoir ambigut des situations de criseet pouvoir partiellement auto-ralisateur des jugements ngatifs sur la situa-tion dun pays, qui nous conduit faire la proposition suivante : les pays

    membres du FMI devraient pouvoir sengager ex ante, sils le souhaitent,sur un rgime dendettement (semblable un rgime de changes fixes)qui leur permette dagir prventivement sur lvolution de la dette. Lideest de leur donner les moyens dagir avant que leffet boule de neige ne sematrialise. Ce rgime dendettement porterait sur les spreads de tauxdintrt pays par les dbiteurs. Pour simplifier, supposons quun payssengage ne jamais sendetter des carts de taux suprieurs 300/400points de base. Ce rgime dendettement signifie que le pays prendratoutes les mesures ncessaires pour limiter sa dette un niveau compatible

    avec ce niveau de taux dintrt. Si ce rgime est crdible, cest--dire si lesinvestisseurs sont convaincus que les taux nexcderont jamais ce niveau,alors les quilibres multiples sont exclus, ds lors que ce mcanisme coor-donne les anticipations sur un niveau faible. Par ailleurs et notre avissurtout, ce rgime dendettement a le mrite dengager les pays dans une

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    stratgie prudente, qui vite notamment la tentation si frquente de laissersaccumuler les problmes avant de les rsoudre, sexposant ce faisant unecrise de confiance quil est ensuite trop tard pour rsorber facilement.

    Un tel rgime dendettement suppose un engagement actif, tant de la partdu pays concern que du FMI. Un pays dont les spreads de taux deviennentsuprieurs300-400pointsdebasedevraitalorschercherserapprocherduFMI pourparvenir unaccordsur les causesdecette situation et les actions entreprendre pour restaurer la confiance. La procdure habituelle (lettredintention, etc.) serait ensuite applique. Le programme conclu avec leFMI devrait saccompagner de financements de linstitution, laquelle agi-rait ainsi en prteur en premier ressort . Par hypothse, ce type de pro-gramme est moins exigeant sil est appliqu avant la crise quaprs : la detteesteneffetplusfaibleetlepaysamontrquilestdcidagirvite.Ladop-tion de mesures prventives vitera dattendre pour intervenir quil soit troptard, lorsque les pays nont plus comme seuls remdes quun ajustementbrutal ou la faillite.

    Bien entendu, ces mesures prventives ne rgleront pas tous les probl-mes. Ex post, si les pays ne parviennent pas viter la crise, des mesuresdevront tre prises. Nous suggrons tout dabord un usage des moratoires(standstill) qui permettrait un pays en situation de crise de geler ses enga-

    gementsexternes,dimposeruncontrledescapitauxetdesuspendreleser-vice de sa dette, pendant une priode courte de trois mois. Cette priode detransition offrirait le rpit ncessaire pour engager une procdure de rgle-ment de la crise avec les cranciers du pays, labri des effets dsastreux etpour le coup, en partie auto-ralisateurs, dune crise de change et de sortiesde capitaux. Le rglement de la crise, par une rduction de dette dans le caso elle est insoutenable, ou par une restructuration de sa maturit dans le casdune crise de liquidits, se ferait sous lgide du FMI, qui pourraitporter unjugement sur lanaturede lacrise et sur leniveaudendettement qui lui paratsoutenable. Sil y a en effet une chose retenir des crises financires rcen-

    tes, cest bien que les cranciers montrent peu dempressement renoncerdeux-mmes une partie de leurs crances. Il faut quils y soient poussspar une tierce partie et lon voit mal, lheure actuelle, quelle autre institu-tion que le FMI pourrait jouer ce rle mme sil faut bien convenir dunrisque de conflit dintrt, le FMI tant aussi bailleur de fonds. Parallle-ment, linstitution devrait fournir, dans les cas opportuns, les liquidits quipermettraient au pays de maintenir un volume normal dactivit (procdurequi sapparenterait la politique de prts en arrirs , lending intoarrears , pratique par le Fonds et qui a contribu mettre un terme la

    crise de la dette des annes quatre-vingt).Du ct des cranciers, les clauses dactions collectives sont linstru-

    ment essentiel qui permettrait daboutir un accord rapide. Nous proposons cet gard deux innovations simples. Premirement, de la part des principa-

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    les places financires, savoir New York, Londres et Paris notamment, unemesure coordonne interdisant les missions de titres obligataires nonassorties de CAC. Deuximement, la cration, aux cts du Club de Paris

    (qui gre la dette des tats) et du Club de Londres (qui gre la dette ban-caire), dun nouveau club (appelons-le par exemple le Club de New York)qui grerait la dette obligataire. Une structure lgre coordonnant ces troisclubs pourrait galement tre installe.

    1. Crises de la dette : thorie et pratique

    1.1. Principes gnrauxLorsque lon compare les dettes souveraines et les dettes des entreprises,

    un certain nombre de diffrences importantes doivent tre soulignes. Unesocit qui fait faillite conserve une valeur liquidative qui peut tre venduepar les cranciers. Il nen va pas de mme pour un pays, les cranciers nepouvantpasrapatrierlePIBglobal.Ilestncessairequelepaysfassepreuvedune certaine volont de payer. Ce faisant, comme les cranciers ne dispo-sent daucune garantie, la valeur de leur crance est proportionnelle au pr-judice quils peuvent porter aux pays dfaillants. Les dfauts de paiement

    doiventtredouloureuxetcompliqussilonveutdissuaderlesdbiteursdene pas honorer leurs engagements ; ce qui est un inconvnient ex postmaispeut tre un avantage ex ante pour le pays, dans la mesure o cela peut per-mettre daugmenter loffre de crdit. Cest lune des raisons pour lesquellesde nombreux dbiteurs importants sont encore rticents participer unMRDS (mcanisme de restructuration de la dette souveraine) : ils craignentque ce mcanisme neffraie leurs cranciers et ne prcipite la crise.

    Aucun de ces arguments nest totalement convaincant. Tout dabord,bien quil soit vrai que le paiement dpende toujours de la volont de

    payer des pays endetts, il apparat galement que cette volont, qui varieen fonction des sanctions promises, est proportionnelle au PIB ou auxexportations,raisoncependantdunfacteurinfrieurun.Cequiamneausecond argument. Des rengociations de dette en cas de dfaillance gravepeuvent tre interprtes de deux faons. Prenons lexemple dun pays qui ale choix entre le paiement intgral de sa dette ou le dfaut de paiement. Ilprfreralepaiementintgralladfaillancetantqueladetteestinfrieureun seuil dtermin. Toutefois, au-del de ce seuil, la stratgie optimale neconsiste pas accepter la dfaillance du pays dbiteur mais faire en sorte

    quil verse un montant infrieur la valeur nominale de la dette. Cette stra-tgie est de toute vidence prfrable une dfaillance pure et simple,tant ex post(le pays dbiteur ny trouve peut-tre pas dintrt mais lescranciers, eux, obtiennent un remboursement) quex ante (puisque le prtinitial est plus lev). Cest la raison pour laquelle, comme tout tribunal des

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    faillites, un mcanisme qui favorise la rationalit collective de la prise dedcision en cas de dfaut de paiement est a priori une bonne chose.

    Dans la pratique biensr,une nouvelleprocdure doit raliserun quilibreentre lefficacit exante et lefficacitexpost,commetouteprocduredefail-lite conue de manire approprie. Elle doit en effet concilier le caractresacr des contrats et le rtablissement de la croissance conomique du paysdbiteur ainsi que celui de son accs aumarch financier (Eichengreenet Por-tes, 1995). Cela revient donner un nouveau dpart un dbiteur, quilsagisse dune entreprise ou dun particulier, mais permet galement de garantir la valeur , dans la mesure o les cranciers se trouvent eux aussidans une position plus confortable quavec un processus dsordonn. Cettejustification est reconnue dans la thorie des faillites, et la plupart des codes

    insistentvivementsurlimportancedassurerlacontinuitdufonctionnementdes socitsqui rencontrent des difficults financires (le chapitre11 duCodedes faillites des tats-Unis va particulirement loin dans ce sens).

    lvidence, la faillite ne constitue pas seulement un moyen de rgler leproblme de laction collective des cranciers. Il est galement ncessairede dterminer le juste niveau de difficult de la dfaillance. Dire quelledoit tre aussi dure et difficile ( bad and ugly ) que possible nest pasunerponseacceptable.Siledbiteurperoitladfaillancecommeexagr-ment coteuse, alors mme quune valuation objective conclurait bel etbienquelleestinvitable,latentationestalorsgrandepourlepaysdepariersur une rsurrection improbable ( gamble for resurrection ) en met-tant en uvre des politiques offrant une faible chance de sortir des difficul-ts et une forte probabilit daccroissement des difficults. Lchange de ladette de lArgentine au cours de lt 2001 illustre parfaitement cette situa-tion. En revanche, si la mise en dfaillance est trop facile, nous nous trou-vons alors confronts un risque moral.

    Des diffrences fondamentales subsistent entre les dettes souveraines etlesdettesdesentreprises.Sagissantdesentreprises,lamiseenfailliteestunmcanisme qui rsout le problme dune seule entreprise la fois. Sansmme soulever ici le problme de la contagion des crises, une crise de dettesouveraine implique gnralement de nombreux dbiteurs (sinon la totalit)qui ont des cranciers trangers, que ces dbiteurs soient eux-mmes solva-bles ou non. Si, par exemple, le gouvernement se dclare en cessation depaiement, cela risque de provoquer une dfaillance pure et simple du pays.En dautres termes, la (crainte de la) dfaillance entrane une externalitngative qui est en fait la raison principale pour laquelle une action collec-tive est ncessaire, impliquant toutes les classes de cranciers et toutes les

    classesdedbiteurs(Cohen,1991).Nousreviendronssurlamaniredontceproblme d agrgation doit tre trait en priode de crise.

    Cest la raison pour laquelle le march ne peut pas crer lui-mme defaon endogne un cadre institutionnel appropri aux restructurations.

    CONSEIL D'ANALYSE CONOMIQUE14

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    Ainsi, dans lhistoire, certains gouvernements ont jou un rle important dansla cration et le fonctionnement des comits de cranciers, tels le CFB (Coun-cil of Foreign Bondholders) en Grande-Bretagne et le FBPC(Foreign Bond-

    holders Protective Council) aux tats-Unis (Eichengreen et Portes, 1995).LexprienceacquisedepuislacriseduMexiquemontredefaonclairequelesecteur priv nepeutpas, lui seul, concevoir etmettreenplace untel cadre.

    Une autre diffrence entre un pays et une entreprise tient labsence degarantie transfrable dans le cas du pays endett. Si un pays rencontre desdifficults emprunter en raison dune crise de confiance, il peut tre con-traint se dclarer en cessation de paiement, voyant ainsi sauto-raliser lacrainte initiale. Les raisons thoriques des crises auto-ralisatrices ont faitlobjet de nombreuses tudes (Calvo, 1988 et Cole et Keh, 1996 et 2000).

    La raison intuitive est, quant elle, trs simple : la perception dun risquelev accrot les spreads de taux, ce qui son tour augmente le poids du ser-vice de la dette, provoquant ainsi la crise. Si la crise rduit le montant quunpayspeutrembourser(dufaitdunecrisebancaireoudechange)lerduisantmme nant dans le cas dune dfaillance pure et simple, les prteurscrent par eux-mme la crise quils redoutent. Cette situation est moins sus-ceptible de se produire dans le cas des entreprises si la dfaillance se traduit,par exemple, par un changement dans la direction de la socit. Tout mca-nisme visant maintenir lefficacit ex postdu rglement de la dette rduit

    alors sans aucun doute le risque dune crise de confiance. En particulier, unmcanisme qui garantit une annulation de la dette ex postpeut supprimertotalement le risque dune crise de confiance (Cohen, 2003). Cest lun desprincipaux avantages dune procdure de rglement ordonne : en garantis-sant lefficacit dune rsolution ex postde la crise, elle prvient lmer-gence de crises de confiance ex ante.

    Nousreviendronssurcettequestionaprsavoirdonnunbrefaperudescrises de la dette dans les annes quatre-vingt-dix.

    1.2. Les crises financires des annes quatre-vingt-dixtaient-elles diffrentes ?

    Aucoursdelapriodeprcdant1982,lorsqueleMexiqueasuspendulepaiement de sa dette externe, les spreads de taux dintrt taient faibles,excdant rarement 200-250 points de base, la plupart des banquiers estimant lpoque que les pays ne pouvaient faire dfaut sur leur dette. Les spreadssurladetteduMexiqueetsurcelleduBrsilontaugmentaucoursdesmoisprcdant le moratoire de la dette, mais les bailleurs, majoritairement desconsortiums bancaires sans souvenir des crises des annes trente, nont pas

    vraiment anticip la crise de la dette des annes quatre-vingt. La rsolutionde cette crise a finalement pris plusieurs annes au cours desquelles les co-nomies dAmrique latine ont stagn tel point que le revenu par habitanta retrouv le niveau atteint la fin des annes soixante ; cette priode a sou-vent t qualifie de dcennie perdue .

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    Letempsmispourrsoudrecettecrisesexpliquenotammentparlacom-plexit de la recherche dun accord impliquant non seulement les pays dbi-teurs et les banques, mais galement les gouvernements des pays riches (et

    leurs lecteurs). Avant que lAccord Brady nentre enfin en application, unetapeatfranchielorsqueleFMIadciddaccorderdescrditsdespaysen arrirs de paiement, rduisant ainsi de fait le pouvoir de ngociation desbanques, lesquelles menaaient le pays endett dune interdictionde bnfi-cier des prts du FMI. Les banques commerciales, qui sattendaient toutes un renflouement de la part des pays riches, ont alors compris quil taittemps de parvenir un rglement.

    Lanaturedescrisesdeladetteachangdanslesannesquatre-vingt-dix.Les acteurs sont diffrents. Des entreprises prives sont venues sajouter

    aux dbiteurs souverains sur les marchs financiers. Les prteurs, eux aussi,ne sont plus les mmes : il sagit davantage de dtenteurs dobligations quede syndicats de prts bancaires. Lexprience des annes quatre-vingt,durant lesquelles dimportants dficits publics entranaient un endettementlev et des crises majeures, nest plus le seul scnario dclencheur de cri-ses. Des crises de confiance, par le biais des taux de change ou des tauxdintrt, crent dautres scnarios. La complexit des crises sest accrue :les crises asiatique, mexicaine et russe prsentent un ventail de cas quil estdifficile de regrouper sous un seul modle. Certaines crises taient prvues,dautres non, et bien souvent pour de bonnes raisons chaque fois.

    Prenons comme exemples de crises prvues celles de lArgentine et delquateur et comme exemples de crises imprvues celles de la Core et duMexique.

    1. Cas 1 : crises prvues : Argentine, quateur(deux ans avant la crise)

    Argentine quateur

    Ratio dette/exportations 380 % 250 %

    Ratio dette/PIB 36 % 85 %Spreads de taux (points de base) 1 000 1 000Balance courante ( % du PIB) 5 % 11 %

    Sources : Calculs des auteurs et donnes FMI.

    2. Cas 2 : Crises imprvues : Mexique, Core(deux ans avant la crise)

    Mexique Core

    Ratio dette/exportations 180 % 76 %

    Ratio dette/PIB 35 % 25 %Spreads de taux (points de base) 200 150Balance courante (% du PIB) 7,2 % 1,9 %

    Sources : Calculs des auteurs et donnes FMI.

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    La comparaison de ces deux tableaux montre clairement que lArgentineet lquateur taient fondamentalement insolvables, du moins en ce quiconcerne lun des deux critres gnralement utiliss : le ratio dette/exporta-

    tions suprieur 200 % et/ou le ratio dette/PIB suprieur 50 % (notons tou-tefois que ces deux indicateurs doivent tre pris en compte conjointementpourprvoirunecrise).Descartsdetauxtrsimportantstaientpayset,lorsdu dclenchement de la crise, aucun prteur ne pouvait prtendre tre surpris.Dans une telle situation, une annulation partielle de la dette est ncessaire afinde retrouver le plus rapidement possible une croissance durable.

    Cest exactement le cas contraire pour le Mexique et la Core (cas 2).Aucun dsquilibre macroconomique majeur navait t observ et lesspreads de taux taient proportionnellement faibles. Toutefois, dans le cas

    du Mexique, il est vident que le dficit important de la balance couranteentranait des pressions sur les liquidits. La Core, elle, a satisfait lensemble de ces critres. Son point faible venait du fait que sa dette tait court terme. Toutefois, comme le montre la balance courante, un ajustementimportant du taux de change ntait pas particulirement ncessaire.

    3. Cas 3 : crises prvues sans dsquilibre macroconomiqueapparent (deux ans avant la crise)

    Turquie Russie

    Ratio dette/exportations 194 % 121 %Ratio dette/PIB 54 % 26 %Spreads de taux (points de base) 500 800Balance courante ( % du PIB) 0,7 % + 0,7 %

    Sources : Calculs des auteurs et donnes FMI.

    Danslecas3,lerisquesouveraintientlanaturedudbiteur.Malgrunebonne performance macroconomique, les cranciers peuvent, en exami-nant les donnes macroconomiques, dceler le risque de dfaillance, sus-

    ceptible dtre engendr par un gouvernement fragile ou un systmebancaire peu solide.

    Les exemples prcdents peuvent tre rsums comme suit.

    4. Tableau rcapitulatif

    Dette leve Dette faible

    Spreadfaible aucun Cas 2Spreadimportant Cas 1 Cas 3

    la diffrence de la situation des annes quatre-vingt, il ne semble pasque des dsquilibres importants soient passs inaperus. ce jour, la casecorrespondant une dette leve/un spreadfaible est vide.

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    1.2.1. Typologie des crises de la dette dans les annesquatre-vingt-dix

    Lannexe prsente la liste des pays qui ont sign un programme avec leFMI au cours des annes quatre-vingt-dix. Nous distinguons trois groupesde pays en fonction de la nature du programme. Le groupe A (crises graves)rassemble tous les pays qui ont eu recours un mcanisme largi de crditMEDC(Extended Fund Facility) ; le groupe B (crises intermdiaires) incluttous les (autres) pays qui ont sign plus dun accord de confirmation(Stand-by Agreement) daffile ; le groupe C (crises courtes) comprend tousles pays qui ont sign un seul accord de confirmation.

    lexception de quelques cas sur lesquels nous reviendrons, les trois

    groupes se comportent de la manire prvue. La dette est leve dans legroupe A, moyenne dans le groupe B, faible dans le groupe C. Plus prcis-ment, le ratio dette/PIB est sensiblement plus lev dans le groupe A o ilatteint presque 80 %. Dans les groupes B et C, il atteint en revanche environ50 %, ce qui correspond au seuil raisonnable conventionnel au-del duquelexiste un risque de crise de la dette (Cohen, 2001). Si le ratio dette/PIB per-met de dterminer lappartenance au groupe A plutt quaux groupes B ouC, le ratio dette/exportations est linverse un facteur permettant de distin-guer les groupes B et C : il reprsente 200 % dans le groupe B (l encore,200 % est le seuil raisonnable conventionnel) alors quil stablit enmoyenne 130 % dans le groupe C.

    Cette structure gnrale prsente toutefois quelques exceptions. Legroupe A inclut la Russie qui, malgr de bons rsultats macroconomiques,a d recourir un accord largi MEDC en raison de son incapacit leverdes capitaux trangers (comme le montre le spreadimportant pay sur ladette). Il en va de mme pour la Colombie, pays o la politique interne et lastabilit de ltat sont les problmes majeurs, avant tout dsquilibremacroconomique. Dans le groupe B, il existe quelques exceptions largleduratiodette/PIBlev:cestlecasdepayscommeleBrsiloulIndeo le ratio dette/exportations est alors trs lev (bien suprieur au seuil de200 %) ; l encore, ce nest pas si surprenant dans la mesure o il sagit depays relativement fermspour lesquels lesdeux indicateurs sont ncessairesafin dvaluer la solvabilit gnrale au niveau national. La seule exceptionau sein du groupe B est lUruguay, pays pour lequel les deux ratios sont baset qui semble, de prime abord, tre un cas de contagion des deux pays risque dont il est voisin. Dans le groupe C, le Nigeria connat la situationinverse du Brsil ou de lInde : un ratio dette/PIB lev mais un ratiodette/exportations bas, ce qui sexplique facilement par louverture sur

    lextrieur due aux exportations de ptrole.Dautres statistiques prsentent la part de la dette publique dans la dette

    de long terme pour chacun des trois groupes. La dette publique reprsenterespectivement 90, 80 et 70 % dans les groupes A, B et C.

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    Le spreadpay sur la dette constitue un autre problme majeur. Tous lespays au sein des groupes A et B payaient des spreads levs bien avant (aumoins deux ans avant) le dclenchement de la crise. linverse, tous les

    paysdugroupeCpayaientdes spreads faiblesunmoisencoreavantledbutde la crise. Les crises de ces pays ntaient gnralement pas prvisibles, ousi elles ltaient, ne devaient pas durer trs longtemps.

    Nous pouvons rsumer ces observations de la manire suivante : les cri-ses majeures (types A et B) sont des crises dun ancien type : dette leve(avec soit un ratio dette/PIB suprieur 50 %, soit un ratio dette/exporta-tions suprieur 200 %) et principalement publique. Elles peuvent tre pr-vues au moins deux ans lavance.

    1.2.2. La crise du typespread de taux lev/dette leveApportons prsent quelques claircissements sur la dynamique de la

    dette. Dans un schma de crise auto-ralisatrice, cest la hausse du spreadqui entrane laugmentation de la dette, et non linverse. Aussi fascinanteque soit cette thorie, il nest pas facile den dmontrer empiriquement lavalidit. Pour tenter dclairer le dbat, nous avons exprim la dynamiquede la dette selon la formule suivante :

    Accroissementduratiodette/PIB=tauxdintrtrelx(ratiodette/PIB) taux de croissance de lconomie x (ratio dette / PIB) excdent primaire / PIB

    Le taux dintrt rel correspond au taux nominal (taux hors risque +spread) corrig de la dviation du taux de change par rapport la PPA. Ladynamique de la dette est calcule jusqu lanne de la crise de dette pro-prement dite. La dcomposition ci-dessous est obtenue en divisant chacundes trois membres de droite de lquation par celui de gauche (le total estgal un). Nous obtenons les rsultats suivants :

    5. Les trois composantes de la dynamique de la dette

    Taux dintrt Tauxde croissance Excdent

    Crise A 0,37 0,33 0,31Crise B 0,43 0,26 0,30Crise C 0,22 0,38 0,40Tous pays 0,37 0,33 0,30

    Source : Calculs des auteurs.

    Le premier membre de lquation est interprt en gros comme une primede confiance, le second comme une mesure des fondamentaux conomiqueset le troisime comme une mesure des choix de politique conomique. Nousconstatons quen moyenne, chaque membre contribue pour environ un tiers la dynamique de la dette. Il est intressant de noter toutefois que les pays des

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    groupesAetBpaientenvirondeuxfoispluspourllment confiance queles pays du groupe C. dfaut de conforter la thorie des crises auto-ralisa-trices selon laquelle llment confiance contribue de faon exclusive la

    dynamique de la dette, cela confirme au moins lide que le risque li laconfiance pse effectivement lourd sur les ressources dun pays.

    Dans lensemble, nous pouvons donc dire que les crises de dette desannes quatre-vingt-dix combinent trois facteurs dgale importance : unaspect auto-entretenu, savoir que les taux dintrt et les taux de changeengendrent une dynamique perverse en partie auto-ralisatrice, un risquedcoulant de la faiblesse des fondamentaux et enfin, un facteur rsultant dedficits primaires et du manque de discipline interne.

    Le tableau ci-dessus suggre deux conclusions tirer en termes de poli-tique conomique et laisse entrevoir un espoir. Compte tenu du rle jou parles mauvaises dcisions de politique conomique dans la dynamique de ladette, nous pensons que des mesures correctives prises suffisamment ttseraient trs utiles pour viter une spirale de la dette. Les mauvais fonda-mentaux jouant galement un rle important dans cette affaire, nous en con-cluons quil serait peut-tre ncessaire de procder une annulation dedettes. Enfin, le rle jou par le facteur confiance laisse penser que desmesures efficaces (prises ex ante et ex post) pourraient en attnuer limpor-tance (voir notre expos prcdent sur les raisons du dclenchement des cri-

    ses de confiance).

    1.3. Comment prvenir les crises de confiance

    lheure actuelle, le Fonds dispose de six types de prts : les accords de confirmation classiques (Stand-by Agreement) ; la FRS (facilit de rserve supplmentaire, Supplementary ReserveFacility), introduite en 1998 ; la LCP (ligne de crdit prventive, Contingent Credit Line), cre en1999 mais jamais utilise jusqu prsent ; laccord largi MEDC (Extended Fund Facility), cr en 1975 pourfournir une aide long terme aux pays dont les problmes financiers ontune cause structurelle ; la FRPC(facilit pour la rduction de lapauvretetpour lacroissance,Poverty Reduction and Growth Facility), mcanisme par le biais duquelle Fonds aide les pays pauvres ; la FFCI (facilit de financement compensatoire et de financement pourimprvus, Compensatory and Contingency Financing Facility), credanslesannessoixanteetdestineauxpaystouchsparunedtrioration

    destermesdelchangedenaturetemporaire(ouconsidrecommetelle).Le MEDC a t cr alors que les marchs financiers taient pour la plu-

    part inaccessibles aux pays en dveloppement, mme aux pays revenusintermdiaires que nous appellerions aujourdhui les pays mergents .

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    Williamson (2001) est favorable sa suppression. Selon lui, la LCP pourraitgalement tre supprime car elle a fait la preuve de son inutilit : les payshsitent sen servir et prfrent viter de signaler aux marchs financiers

    quils redoutent une attaque spculative du type de celles que lon risque dedclencher en essayant de les viter. Un autre inconvnient de la LCP rsidedans le fait quelle est cense tre accorde automatiquement aux pays quirpondent certains critres dligibilit, mais le Fonds sest toujoursoppos une totale automaticit, et laccord final pour accder la LCPdpend toujours dune dcision ad hoc. Il y a une grande diffrence entre pratiquement automatique et totalement automatique dans ledomaine des flux financiers.

    En fait, Williamson donne la prfrence un mcanisme de prt de

    crise unique, qui combine les mcanismes FRS et LCP, et permette defaire face aux diverses situations de crise (2001). Outre ce mcanisme, ilserait institu un autre guichet FFCI destin aux pays soumis des chocschappantleurcontrle,descatastrophesnaturellesoudeschocssurlesprix des matires premires.

    Une des questions centrales est de savoir si ce mcanisme de prt decrise devrait tre accessible tous. Le dbat relanc par le rapport Meltzer(Lerryck et Meltzer, 1999 et Commission Meltzer, 2000) qui a trait lapr-qualification des pays autoriss bnficier des lignes de crdit du FMI,

    constitue une bonne approche pour aborder la question de la prvention descrises de confiance. Les critres de pr-qualification pourraient peut-trereprendre certains des critres dligibilit adopts pour loctroi dune LCP.Danssonprincipe,ilsagitdunesolutionintressantecarelleincitelespays adopter une conduite raisonnable ex ante et les rcompense ex postpar unsoutien effectif du Fonds.

    Lescritresdepr-qualificationexaminsdanslerapportMeltzer(2000)incluent : la libert des mouvements de capitaux, une capitalisation ad-quate des banques commerciales, des statistiques transparentes pour la dette

    publique et la dette garantie par ltat, un budget quilibr. Williamson cri-tique avec raison le fait que le rapport prsente la libert des mouvements decapitaux comme une exigence, mais il souligne limportance de critres detransparence en ce qui concerne les activits bancaires (les principes fonda-mentauxduComitdeBle)etlafiscalit.Danscecas,laquestiondesavoirsi des critres du type de ceux de Maastricht (dficit public infrieur 3 %)sont ncessaires ou si une valuation lentire discrtion du Fonds seraitsuffisante se retrouverait au centre du dbat. Cela pose galement la ques-tion plus gnrale de la notation . Le Fonds devrait-il ajouter sa voix celle des organismes existants ? Dans son complment au rapport, HelmutReisen jette un regard critique sur les jugements prononcs par ces organis-mes, faisant remarquer quel point ceux-ci semblent procycliques .

    Cette ide de pr-qualification est de toute vidence affaiblie par linco-hrence dune telle politique sur la dure. Il est difficile dimaginer que la

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    communaut financire internationale nglige la Turquie ou lArgentine aumotif que ces pays ne staient pas pr-qualifis auparavant. Lideconnexe selon laquelle le Fonds devrait sengager lavance ne jamais

    dpasser certaines limites daccs prsumes ses financements (parexemple,unmultipledonndesquotes-parts)estgalementsduisantemaispeu crdible. Elle tablit unelimite pralable ausystme des garanties maxi-males accordes aux pays et devrait donc contribuer limiter le nombre deprts imprudents. En revanche, mme en supposant que les ressources exis-tent, il est difficile ex postde limiter loffre de prts de manire crdible. Enfait, le cas dans lequel lengagement de ne pas intervenir au-del de laquote-part des ressources disponibles serait crdible est galement le seuldans lequel on souhaiterait quil ne le soit pas : lorsquune crise systmique

    secoue une rgion entire et que laction du Fonds est soumise des limita-tionsquantitativesenraisondelapnuriedesesressourcespropres.Etpour-tant, il sagit probablement du seul cas pour lequel loffre de crdits devraittre illimite ou du moins trs importante, sil fallait aider le Fonds jouer le rle de prteur en dernier ressort.

    Afin de tirer de ce dbat une conclusion positive, il nous parat essentielque la pr-qualification oblige unpays sengager, de manire constructive, prendre des mesures garantissant sa solvabilit ou contribuant minimiserle risque de crise. Les limites prsumes, en revanche, ne peuvent fonction-

    ner que sil existe une alternative aux dfaillances dsordonnes inaccepta-bles (voir ci-dessous).

    1.3.1. Un prteur en premier ressort

    Commenons par examiner une crise de confiance pure , ce qui cor-respondrait au cas dans lequel la crainte dune dfaillance provoque descarts de taux levs et un accroissement insoutenable de la dette. Imagi-nons une situation dans laquelle les cranciers ont conscience quun payspourrait sen tirer si seulement il pouvait emprunter faibles taux. Suppo-

    sons toutefois quil ne sagisse que dune question de coordination. Si tousles cranciers sentendaient pour prter des taux sans risque, le pays seraiten effet hors de danger et la crainte dune dfaillance pourrait tre carte.En revanche, conformment la nature profonde des crises auto-ralisatri-ces, si un crancier sattend ce que les autres cranciers prtent des tauxmajors, il se ralliera la majorit et demandera galement un taux lev.Danscescirconstances,onpourraitenvisagerdappliquerunemthodecou-ramment utilise dans le domaine du capital-risque qui consiste autoriserun crancier faire une offre qui dpende des engagements dautres inves-

    tisseurs (Chamon, 2002). Supposons par exemple quun investisseur soitautoris faire part de sa volont dacheter tant de millions dobligationsmises par un pays un taux donn, mais quil puisse retirer son offre si lepays en question ne parvient pas convaincre un nombre suffisant (prvu lavance) dautres souscripteurs. Dans ce cas, linvestisseur na pas

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    sinquiter des rserves mises par les autres investisseurs. Soit lmissionest intgralement souscrite au bon niveau de taux et le bon quilibreest atteint, soit ce nest pas le cas et linvestisseur ne se retrouve pas pig

    dans une situation o il serait le seul prter au taux hors risque.Cette proposition prsente le grand avantage de permettre de suivre la

    courbe de loffre du march un spreadde taux donn. Cependant, il nesagit que dune solution statique un problme fondamentalement dyna-mique. En effet, le fond du problme rside souvent dans le fait que lescranciers sinquitent des actions du dbiteur, non seulement dans limm-diat mais aussi dans le futur. Le fait quun dbiteur puisse tre tentdaccrotre son profil de risque dans le futur est une des raisons majeurespourlesquelleslescrancierssontpeudisposssengagerprterfaiblestaux (Cohen, 1991). Lemeilleurmoyen de rsoudre ceproblmedynamiqueest de mettre en place un mcanisme dengagement qui permette un dbi-teur donn dexclure tout emprunt des taux excessifs, non seulement danslimmdiat mais galement dans le futur.

    Selonnous,lemoyenleplussimpledeprocderseraitlesuivant:suppo-sons que le pays parvienne sengager ne pas emprunter des taux majo-rs. Imaginons, par exemple, une sorte de loi sur lusure que le payssappliquerait lui-mme, lui interdisant demprunter un taux suprieur

    un seuil donn, disons lorsque lcart est suprieur 300 points de base.Selon le modle des crises dendettement auto-ralisatrices du type de celuiqui est analys par Cole et Keh (1996 et 2000) et par Cohen (2003), undbiteur qui est victime dune crise de confiance cherche gnralement sloigner de la zone du danger en prenant des mesures nergiques. Nouspensons quil est utile pour un pays de pouvoir sengager mettre en uvrece type de conduite. Avant de poursuivre sur les moyens dune mise enuvre effective de ce mcanisme, considrons les mrites dun tel engage-ment. Si (avec toutes les rserves qui simposent) lon parvenait rendre cetengagement crdible, cela permettrait, en premier lieu, denrayer la spirale

    auto-ralisatrice que nous voquions plus haut. De plus, en augmentantlenjeuquilyaconserverunebonnerputation,cemcanismepeutfacili-terleschoixdepolitiqueconomiquedunpays:ilfaciliterait,dunpointdevue politique, la prompte rsolution des crises dendettement. En somme, ilexiste une double raison justifiant limportance dun engagement sur lescarts de taux. Premirement, le contenu informatif des carts de taux estassez riche, comme nous lavons dj mentionn. Deuximement, les cartsde taux sont la fois un signe avant-coureur et une cause de problmesfuturs.

    Examinons prsent les moyens de rendre un tel mcanisme crdible.Supposons quun pays emprunte dabord faibles taux, par exemple leMexique daujourdhui, et supposons quun nouveau choc (chute des prixduptrole...) diminue brusquement la perceptionque lona de sa solvabilit.

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    Si le pays accepte demprunter des taux plus levs, il parie sur son rta-blissement en gageant que les choses finiront par rentrer dans lordre, ousefforce simplement de gagner du temps afin deffectuer des ajustements

    internes. Le problme est quentre-temps, la dette peut grimper en flche,rendant ex postla prise de mesures dcisives par le pays encore plus diffi-cile.Danslecasdunpaysquiseseraitengagsur,mettons,uncartdetauxde300-400pointsdebase,leFMItravailleraitaveccepayspouranalyserlescauses du problme et dgager des solutions pour y remdier. Un pro-gramme serait ainsi labor qui, si le pays lacceptait, lui garantirait laccsaux ressources du FMI en cas de besoin.

    Rien ne devrait tre automatique dans ce processus. Les pays signale-raient ex ante leur volont dviter leffet boule de neige de laugmentation

    des spreads de taux et de laccroissement de la dette et sefforceraientdintervenir le plus tt possible. Cependant, le soutien du FMI resteraitconditionn la mise en uvre de mesures appropries, de telle sorte quelaide ne serait pas accorde sans contrepartie. Par ailleurs, largent du FMIpourrait tre prt un taux dintrt intgrant un spread, par exemple 300points de base, de sorte que les pays ne souhaiteraient pas ncessairementfaireappelauxressourcesduFMIetpourraientsimplementchercherobte-nir des conseils.

    On peut craindre que le contenu informatif des carts de taux ne soit

    rduit si ces derniers deviennent des variables de politique conomique (uneversion particulire de la loi de Goodhart(3)). Certes, si les prteurs saventque les pays prendront des mesures contre laugmentation des spreads detaux, ils modifieront leur politique tarifaire. Sil en rsulte une baisse desspreads detaux,ceseraunebonnechoseensoicarcelapermettraderduireleffet boule de neige. Cependant, il est trs improbable quils ne parvien-nent pas identifier un pays en train de devenir insolvable. En effet, lesmesures destines corriger les dsquilibres sont volontaires, et non auto-matiques. Les prteurs doivent donc surveiller la solvabilit de leurs dbi-

    teurs. Cependant, cette politique pourrait rendre les crises dendettementauto-ralisatrices sinon impossibles, du moins plus improbables.

    Lavantage dune telle approche rside dans le fait quelle permet aupays de prendre trs tt des mesures correctives avec le soutien des prts duFMI. En agissant suffisamment tt, ces mesures ne devraient pas tre dis-suasives. En prouvant sa volont dagir, le pays amliore sa rputation, et cenonpaslorsquilesttroptard,commecestsouventlecas,maisdsledbut,quand le pays est encore capable de retirer un avantage dune amliorationde son image aux yeux des investisseurs internationaux.

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    (3) Nous remercions Olivier Davanne pour cette analogie.

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    Selon nous, cemcanisme pourrait sajouter la facilitdecrditprven-tive, ou simplement la remplacer. La LCP a t cre pour aider les paysmenant une politique de premier ordre faire face aux crises de

    confiance. Comme la soulign Stanley Fischer, ces pays nont pas besoindtre irrprochables . Ilsdoivent se conformer aux normes internationa-les telles que les Principes fondamentaux pour un contrle bancaire efficacedu Comit de Ble, le Code de bonnes pratiques pour la transparence despolitiques montaire et financire, etc. Le pays doit avoir entretenu des relations constructives avec ses cranciers privs et prendre des mesuresappropries pour limiter sa vulnrabilit externe , cette dernire conditionincluantlaviabilitdutauxdechangeetlabsencedarrirssurladettesou-veraine. Lide consiste crer un cadre contraignant de politique de pre-

    mier ordre qui permette de faire la distinction entre les bonnes ou lesmauvaises politiques conomiques et dliminer lala moral.

    Le problme, toutefois, rside dans le fait que le juste quilibre entre cecadre contraignant et une rponse flexible aux crises de confiance na,semble-t-il, toujours pas t trouv. Aucun pays na, jusqu prsent, dciddutiliser la LCP. Les pays craignent que le simple fait de la demander nerevienne envoyer un signal ngatif en direction du march et, malgr lesclauses de quasi pr-qualification qui lui sont attaches, ils ne sont jamaisvraiment certains de lobtenir, ce qui ne ferait quempirer les choses. Notre

    mcanisme prvoit que la LCP soit rserve aux pays qui nont jamaist encessation de paiement, afin dviter une stratgie haut risque. Il sappuie-rait sur les spreads de taux et ventuellement sur dautres mesures compl-mentaires de la solvabilit. Si nous attachons tant dimportance aux spreadsde taux, cest parce quils sont rvlateurs dun problme autant quils con-tribuent lengendrer.

    2. Solutions ex post: renflouer et impliquer

    2.1. Principes gnraux

    Tout le monde en convient, les rengociations dsordonnes de la dettesont gnralement hautement prjudiciables auxdbiteurs comme auxcran-ciers.Quelles mesures pourrait-on prendre, quipermettraient dviter la foisles oprations de sauvetage et le chaos ? Malheureusement, pas celles prco-nises par le secteur officiel, qui recommandent une approche aucas par casdansuncadreglobal .Larechercheduncompromisentreltablissementde

    rgles bien dfinies et une totale libert de dcision a conduit une politiqueincohrente long terme, et par consquent non crdible. Les marchs,comme les hommes politiques, ont conscience du fait que, bien souvent,lorsque des pays importants sont concerns, tout est fait, au mpris desprincipes affichs pralablement, pour viter le dfaut de paiement.

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    Ce constat sest vrifi dans le cas de la Turquie en janvier 2001, delArgentine en aot 2001 et du Brsil plus rcemment. Le fait que la chargede la dette de lArgentine ait malgr tout atteint un niveau insoutenable

    ninfirme en rien cette observation, puisquil paraissait vident, depuislongtemps dj (bien avant aot 2001), que le pays en arriverait l. La ques-tion tait simplement de savoir quand les tats-Unis et le FMI allaient enfinlereconnatreofficiellementetdclarerforfait.Enoutre,lecasdelaTurquieillustre particulirement bien lchec pur et simple de limplication dusecteur priv , avec labsence de coopration des banques. Les effortsdploys pour limiter lala moral et partager le fardeau de la dette nont euque peu de succs.

    Le premier principe, galement le plus simple, est que les oprations de

    sauvetage de grande envergure (large bail-outs) ne peuvent continuer etdoiventcesser.LesressourcesduFMInesontpasinfinies,etlestatsduG7ne sont gure enthousiastes lide de poursuivre une action au niveau de laTurquie, du Brsil ou de lArgentine. En outre, le sentiment gnral, mmesil ne sagit pas dun consensus clairement dfini, est que les oprations derenflouement, du Mexique la Core, en passant par la Russie et toutes cel-les des deux dernires annes, ont laiss dans leur sillage une mauvaisestructure dincitations, la fois pour les investisseurs et les emprunteurs une sorte dala moral.

    Par consquent, une approche fonde sur des rgles (rules-based)savre ncessaire pour parvenir une vritable implication du secteurpriv. Lapproche discrtionnaire privilgie par le prcdent gouverne-ment amricain sest trop souvent transforme en uneprocdure qui se rsu-mait, pour le FMI, mettre en uvre les dcisions prises au cas par cas parlestats-Unis.Lesrglesdoiventclairementfixerdeslimitesdaccsprsu-mes ex ante aux financements du FMI, afin de restreindre toute interven-tion politique et de diminuer lala moral. Il est toutefois impossibledappliquer de telles rgles sil nexiste pas une alternative viable une

    dfaillance juge dsordonne un point inacceptable. Une approche uni-quement fonde sur des limites daccs prsumes aux prts savre incoh-rente long terme et finit par tre dlaisse.

    Toute procdure visant rsoudre des problmes lis la dette souve-raine doit prserver le rle contraignant de la dette, cest lefficacitex ante . Mais une procdure approprie doit galement faciliter le retour la croissance et laccs au march des capitaux, cest lefficacit expost.Lessentiel de la controverse porte prcisment sur le juste quilibre trou-ver entre ces deux lments.

    Lvolution de lasituation depuis1994, caractrisepar une srie decrisesfinancires et de dbats approfondis sur larchitecture financire internatio-nale,aclairementdmontrquelesmarchsnengendrerontpaseuxseulslecadre institutionnel ncessaire une rsolution efficace des problmes de

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    dette souveraine. La proposition Krueger a le mrite davoir sorti le dbat deson enlisement et de lavoir orient vers une intervention officielle quilemporterait sur les initiatives des institutions de march existantes.

    2.2. La proposition Krueger (FMI)

    La proposition Krueger, prsente fin novembre 2001, de crer un mca-nisme de restructuration de la dette souveraine (MRDS) revenait pratique-ment instaurer un tribunal international des faillites oprant sous lgideduFonds.AnneKruegeretsescollguesontensuitelancdiffrentestudesau sein du FMI, tandis que les tats membres et les observateurs extrieursleur faisaient part de leurs commentaires. Dbut avril 2002, Anne Krueger apubli une version rvise de lapproche statutaire , prconisant lind-pendance de cette nouvelle institution vis--vis du Fonds et lui octroyant unpouvoir moins tendu dannulation des contrats de dette. Cela exigerait tou-tefois, linstar de toutes les versions ultrieures de la proposition, damen-der les statuts du FMI.

    Entre-temps, ladministration amricaine sest prononce pour une poli-tique qui va lencontre de la proposition Krueger et privilgie uneapproche volontaire,dcentraliseetcontractuelle .Finavril2002,leG7

    a adopt un plan daction ax sur deux volets : dune part, lapprobationdune srie de nouvelles dispositions relatives aux contrats de dette, quiincluent, mais sans sy limiter, des clauses daction collective (CAC) denature faciliter la restructuration de ladette et les ngociations associes, etquelesemprunteursetlesprteursadopterontsurunebasevolontairecestla ligne amricaine ; dautre part, la poursuite des travaux (tudes) portantsur diffrents aspects des propositions du FMI. Depuis, les deux approchesont fait lobjet de modifications supplmentaires de moindre importance.

    Dans la version rvise du dispositif du FMI, un pays qui estime ne plus

    pouvoir continuer rembourser normalement sa dette demande au Fonds deconfirmer son diagnostic. Le cas chant, le FMI peut alors autoriser unmoratoire (standstill) (bien que le Fonds ait rcemment abandonn cettepossibilit), entranant un gel des recours en justice des cranciers (stay ofcreditor litigation) un mcanisme galement valable pour les dettes dusecteur priv. Le dbiteur peut aussi avoir introduire un contrle des chan-ges. Pendant la dure de la restructuration de la dette, probablement assortiedune rduction de la dette, les nouveaux emprunts sont prioritaires sur lesanciennes crances. Le dbiteur et les cranciers ngocieraient eux-mmes

    la restructuration, mais paralllement un panel de juges, indpendants duFMI, remplirait au minimum les trois fonctions suivantes : vrification de la valeur des crances ; arbitrage des litiges ; supervision du vote des cranciers.

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    Cette proposition a toutefois t finalement refuse son tour par lespays du G7. De ce dbat, il est toutefois apparu quil serait beaucoup plusfacile de parvenir un accord sur la restructuration si les instruments de la

    dette incluaient des CAC, qui feraient ainsi partie du montage financier,mme sil est communment admis que ces CAC ne pourraient sappliquerquaux nouveaux contrats demprunt.

    2.3. Limites des propositions du FMI

    Les propositions du FMI ont soulev plusieurs questions et objectionsfondamentales. Lanalogie entre la faillite dune entreprise et celle dunpays, et plus particulirement une version internationale du chapitre 11 (du

    Code des faillites amricain), se heurtent des limites que nous avons vo-ques en 1.1. Tout dabord, lincapacit dterminer la situation nette ou la valeur de liquidation des crances souveraines implique que lescranciers nont pas doption de sortie bien dfinie. Or, cest cette option desortie(lavaleurdeliquidationauxtermesduchapitre7)quifixelecadredesngociations prvues par le chapitre 11. Par ailleurs, une procdure de res-tructuration ne peut pas imposer un plan de restructuration au terme duquelune catgorie de cranciers obtiendrait moins que ce quelle serait enmesure de retirer dune liquidation (principe du cram-down ). Troisi-

    mement, il est dj difficile de dfinir la soutenabilit de la dette au cha-pitre 11 : plus de 50 % des socits qui sortent du champ dapplication duchapitre 11 finissent par faire nouveau lobjet dun plan de rorganisationou de liquidation ; la tche est a fortiori complexe pour un pays aussi. Enfin,le financement dun dbiteur en possession de ses actifs ( debtor inpossession financing) selon les termes du chapitre 11 a aussi ses inconv-nients : si la dette est dores et dj insoutenable, tout nouveau financementqui donnerait une priorit au remboursement des nouveaux cranciers,entrane lviction des cranciers existants quune liquidation naurait pasautant dsavantags.

    Bien entendu, les acteurs du march sont gnralement hostiles toutemesure de nature faciliter le dfaut de paiement. Daucuns disent quecela pourrait prcipiter les crises. On peut toutefois se demander si autoriserun gel des dettes (standstill) inciterait vraiment les cranciers se retirerplus tt et plus rapidement quils ne le font aujourdhui. De plus, une fois lemoratoire annonc et accept, il est probable que le dbiteur continuerait derencontrer des difficults pour lobtention dun crdit commercial courtterme, en dpit de la priorit de cette crance. Les propositions du FMI sem-

    blent toutefois prsenter un certain dsquilibre : le FMI serait comptentpour dcider de linsoutenabilit de la dette existante, mais naurait pas lepouvoir de dterminer le degr de rduction ncessaire pour la rendre sup-portable, puisque cela reviendrait prjuger de lissue des ngociations.Pourtant, il est ncessaire de dterminer des paramtres sur lesquels les

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    ngociations puissent se fonder, et nombreux sont ceux qui pensent que leFonds est le plus qualifi pour cette tche, linstar de ce quil accomplit lheure actuelle pour valuer le dficit de financement (financing gap)

    dun pays.Enoutre, les propositionsduFMI soulvent une objection fondamentaleet

    dterminante : la ncessit quelles impliquent damender dans une largemesure les statuts du FMI, dont lensemble constitue un trait liant les tatsmembres. Dun point de vue politique, un tel amendement nest pas envisa-geable dans un proche avenir. Certains des principaux pays mergents se sontdclars opposs toute proposition en ce sens (y compris les CACs) parcequils craignent une raction des prteurs qui rduirait laccs au march dontils jouissent actuellement et quils estiment peu probable, a priori, de devoir

    recourir un MRDS. quoi sajoute lopposition des tats-Unis. Le pro-blmevaau-deldelarticencedugouvernementenplacedelierlepaysunquelconque trait international. Mme si le gouvernement amricain taitfavorable un amendement des statuts (ce qui nest pas le cas), un tel projetrequerrait lapprobation du Congrs (le Snat ayant le dernier mot). Or, pr-senter au Congrs unprojet lgislatifde quelque nature que ce soit concernantle FMI reviendrait courir le risque douvrir la bote de Pandore et de dcha-ner des vagues dhostilit discordantes mais puissantes contre le Fonds. Lesdbatsqui ont abouti laCommission Meltzer et les ractions provoques par

    le rapport de cette mme Commission ont clairement mis en vidence lamenace sous-jacente dune attaque du Congrs contre le FMI, de nature pri-ver le Fonds dune grande partie de ses fonctions et de son autorit. Daucunsjugeront que ce serait ensoi une excellente chose. Ce nest pas, en tout tat decause, le moyen de lui donner les pouvoirs darbitrage qui sont ncessairespour constituer un tribunal de faillite international.

    2.4. Autres obstacles un tribunal de faillite international

    Il est galement utile de se pencher sur les difficults quun tribunal desfaillites international dot dun rel pouvoir serait amen rencontrer. Sansun trait (et un amendement des statuts du FMI), un tel organe ne serait pasen mesure dordonner une saisie des garanties, si tant est quil y en ait. Il nepourrait pas non plus accorder un rang prioritaire aux nouveaux emprunts(lquivalent du financement du dbiteur en possession de ses actifs, debtorin possession, prvu au chapitre 11). Il ne pourrait pas plus imposer un plande redressement (procdure du cram-down ), bien que lventualit dunplan de redressement et dun financement en faveur du dbiteur en posses-

    sion puisse tre inscrite dans de nouvelles clauses spcifiques ou de nou-veaux accords de prts. En outre, le tribunal ne pourrait pas remplacerlquipe dirigeante : les gouvernements exigeraient videmment desgaranties de souverainet (analogue au chapitre 9 du Code amricain) en cedomaine. Enfin, une fracture politique ne manquerait pas de se produire, car

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    les pays cranciers industrialiss viteraient certainement de tomber sous lajuridictiondunteltribunalsilstaienteux-mmesenpositiondedbiteurs.

    Plus gnralement, il est noter que les lgislations nationales relatives la faillite prsentent de grandes disparits, notamment en ce qui concerne lerle des tribunaux. titre dexemple, la forte implication du juge des failli-tes dans les procdures du chapitre 11 du code amricain tranche avec ledroitbritannique,danslecadreduquel ladministrateurjudiciaireestroi .Parconsquent,ilnestpasralistedesattendreunaccordsuruncodedesfaillites international uniforme, dot dun cadre lgislatif. Notons que lepanel de juges propos dans la dernire version du FMI semble confront nombre de ces mmes obstacles.

    2.5. Nouveau cadre institutionnel

    Lesobstaclesinstitutionnelslacrationduntribunaldefailliteinterna-tional nous paraissent aujourdhui trop importants pour constituer un hori-zon de reforme crdible. Il nous semble toutefois essentiel de crer unnouveau dispositif institutionnel qui pourrait agir de manire efficace dansle cas dune crise de solvabilit , lorsquune restructuration de la dettesavrerait ncessaire. Paralllement aux clubs de Paris et de Londres, quisoccupent respectivement des dettes vis--vis des tats et des banques, il

    pourrait y avoir un comit permanent (mais lger ) regroupant les cran-ciers obligataires, disons un Club de New York , qui ne serait pas sansressembler aux anciens comits de cranciers obligataires tels le CFB(Council of Foreign Bondholders) et FBPC(Foreign Bondholders Protec-tive Council). Son rle consisterait superviser les ngociations des cran-ciers obligataires avec le dbiteur. Et parce quil traiterait avec lensembledes cranciers obligataires lors de ngociations simultanes, au sein dunemme instance, cette institution contribuerait rsoudre le problme delagrgation des crances.

    On pourrait galement envisager la cration dun nouvel organe demdiation indpendant du FMI, comme lont propos Eichengreen et Portesen 1995, dot dune structure administrative lgre , destine coordon-ner les clubs de Paris, Londres et New York, et veiller en premier lieu auxchanges dinformations et aux confrontations dhypothses en tempsopportun. Cet organe pourrait vrifier la valeur des crances, superviser levote des cranciers obligataires et assumer dautres fonctions encore, parexemple entriner ou non un moratoire. Plus gnralement, il pourraitsuperviser la mise en uvre dun code de bonne conduite inspir des propo-

    sitions de la Banque de France (cf. point 2.11 ci-dessous). Il sagit dun pro-jet similaire au Centre international pour le rglement des diffrends relatifsaux investissements (CIRDI, ICSID International Center for the Settlementof Investment Disputes). La proposition de lInstitute of InternationalFinance de runir tous les cranciers au sein dun comit de ngociation

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    unique semble clipser sans raison valable les structures existantes, lesclubs de Paris et de Londres, dont le fonctionnement est efficace. Au fil desannes, le Club de Paris, le Club de Londres et le Club de New York, sous

    lgide de ce nouvel organe de mdiation, seraient amens dfinir un code de bonne pratique pour les restructurations.

    De nouveaux accords contractuels verraient le jour : les clauses dactioncollective (CAC). Une innovation contractuelle de nature faciliter les res-tructurations consisterait en effet utiliser des CAC dans les emprunts obli-gataires (une pratique courante dans le droit britannique mais pas NewYork (Buchheit et Gulati, 2002). Dans ce cas de figure, le fiduciaire agit aunom de tous les porteurs dune garantie donne et centralise lapplication detoute dcision (il partage notamment le produit de tout rglement entre les

    diffrents cranciers obligataires).

    2.6. Les CAC

    Les contrats de dette sont incomplets et, comme nous venons de le voir,les problmes qui en rsultent sont plus graves pour les prts internationauxque pour les prts aux entreprises. La structure institutionnelle et juridiqueencadrant les prts internationaux doit tenir compte de ce point fondamen-tal. La notion de clause daction collective permet de couvrir tout un

    ventail de propositions. linstar de ce qui a t propos par Eichengreenet Portes en 1995 et labor dernirement par Taylor (2002) et le groupe detravail du G10 (2002), lide est dintroduire dans les contrats obligataires,voire dans tous les instruments de prts bancaires, une srie de clauses quifavoriserait, selon nous, des restructurations ordonnes des dettes interna-tionales, au lieu de la succession chaotique des dfaillances que nous obser-vons lheure actuelle, par exemple en Argentine. Ces dispositionsincluraient des clauses permettant une priode de gel des paiements et desrecours en justice, dtaillant les modalits des ngociations ; une clause per-mettant de modifier, la majorit qualifie, les termes de la dette (y comprisles montants et les chances) ; une clause de partage, qui impose une rpar-tition au prorata, entre les cranciers obligataires, de tout paiement reu parlun dentre eux ; et une clause de non-acclration, afin dviter que le nonrespect dune chance de paiement noblige le dbiteur un rembourse-ment intgral et anticip de sa dette.

    Il a t object que lintroduction de telles clauses dans les contratsdemprunt affaiblirait le rlecontraignant de la dette et inciterait les prteurs fermer, rduire ou entraver laccs au march dont certains pays bnfi-

    cient dj ou auquel ils aspirent. Ces objections ignorent ou cartent lesrsultats empiriques des comparaisons effectues entre les obligations detype britannique , gnralement assorties de CAC, et les obligations detype amricain , qui en sont dpourvues. Cette tude comparative montrequen gnral les conditions accordes aux mauvais emprunteurs sont

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    moins favorables dans le cas des obligations britanniques, tandis que lesconditions accordes aux bons emprunteurs (dtermins par la cote decrdit) savrent au contraire plus favorables que dans le cas des obligations

    amricaines (Eichengreen et Mody, 2000a et 2000b, Becker et al., 2002 etGugiatti et Richards, 2003).

    Toutefois, lamanire laplusconvaincantede rpondre cette critique estde faire preuve dimagination et de se demander quoi ressembleraient lesprts aux entreprises en labsence de codes de faillite. Peut-on srieusementcroire que si les accords permettant une restructuration ordonne de la dettetaient supprims, les conditions accordes aux emprunteurs en seraientamliores ?

    Le dbat autour des CAC est arriv un point o il devient impratif dedfinir plus prcisment ce que ces clauses recouvrent. Il nous sembleessentiel tout dabord que les CAC soient aussi uniformes que possible. Lesformules standards dun contrat de vente prsentent un avantage : elles vi-tent lacheteur de devoir lire les petits caractres. Ce dernier peut alors seconcentrer sur les caractristiques essentielles de la marchandise ou du ser-vice quil acquiert, qui devraient se rpercuter dans le prix de vente. LesCAC doivent devenir des routines, et ne plus attirer lattention spcifiquedes cranciers(4).

    Prenons lexemple dun repas au restaurant. Le contrat ne stend pas surles caractristiques de la nourriture, du service ou de lambiance (bien quelonsoitendroitdesupposerqueltablissementsatisfaitauxrglesdesantpublique, la lgislation du travail et aux normes dhygine). Le contratconsiste rgler laddition qui vous est prsente et non contracter un cr-dit de trois mois sans intrt (bien que le restaurant ait pu prciser au pra-lable que les cartes de crdit ne sont pas acceptes). Le prix reflte donc laqualit de la nourriture, le service et le dcor. Cest linformation que nousvoulons que les prix transmettent, linformation sur les lments fondamen-

    taux. Le march des obligations souveraines perdrait considrablement entransparence si les prix devaient reflter les diffrences prsentes par lesclauses contractuelles, que les acheteurs nont ni le temps, ni les moyens, nilenvie dvaluer. Si le Mexique jouit dun meilleur crdit que le Brsil enraison de la supriorit de ses fondamentaux, cela devrait apparatre auniveau des spreads de taux et non se traduire par un niveau de vote la super majorit moins lev. Lalternative consisterait mettre les carac-tristiques des CAC en concurrence parmi les souscripteurs, entranant ceque la communaut des investisseurs serait raisonnablement en droit deconsidrer comme une dtrioration des normes.

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    (4) Les tribunaux new-yorkais ont adopt une thorie dite de la chaudire ( boilerplate )selon laquelle les acteurs de march ont tous intrt ce que leurs contrats soient interprtsde manire uniforme et prvisible (voir sur cette thorie Buchheit et Gulati, 2000).

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    Alors,quefaut-iluniformiser ?Ilexistelheureactuellediffrentsmod-les de CAC, proposs par le G10, la bande des 7 (un groupe constitu desix associations dinstitutions financires du secteur priv, agissant sous

    lgide de lInstitute of International Finance) et le Trsor amricain (Taylor,2002). Tous considrent que les clauses fondamentales sont les suivantes : la clause dfinissant les modalits de la restructuration ; la reprsentation (de prfrence un fiduciaire) ; laction majoritaire (avec des seuils diffrents pour les sujets rser-vs et non rservs ) ; le retrait du droit de vote (les obligations dtenues par des tats nedevraient pas participer au vote) ; lacclration des paiements ( la suite dun cas de dfaut ) et

    lannulation de lacclration ; les litiges (initis par un reprsentant) ; le partage du produit du rglement ; linformation (sur demande).

    Il sagit l dexemples typiques de CAC. Dautres clauses, ayant dj unstatut de norme, sont le traitement gal ( pari passu ), la clause de sretngative et la clause de dfaillance croise (Roubini et Setser, 2003)(5).

    Toutes ces dispositions devraient tre uniformes et ne prsenter que desdiffrences mineures. En outre, elles ne devraient pas scarter de trop duvocabulaire des obligations de droit anglais, dores et dj prsentes engrande quantit sur le march (ce qui rejoint les propositions du G10 et duTrsor amricain mais pas cellesde la bandedes 7 associations dinstitu-tions financires du secteur priv, cf. point 2.8 ci-dessous). La nouvellemission obligataire du Mexique (fvrier 2003) nest pas dote dune clausedfinissant les modalits de la restructuration, mais rien nindique quilsagit dune question de principe, et il serait souhaitable, dans lintrtmme du Mexique, dintroduire une telle clause lors de sa prochaine mis-sion obligataire. Le seul domaine o les acteurs du march pourraient rai-

    sonnablement souhaiter une diffrenciation concernerait la clausedinformation, qui pourrait tre plus exigeante vis--vis des metteurs detitres moins bien nots.

    Certes, des problmes subsistent. Par exemple, comment traiter lesanciennes obligations qui nincluent pas de telles clauses ? Les obligationssont frquemment changes et, si ncessaire, des mesures dassouplisse-mentpourraient y contribuer. LeClubde New Yorkpourrait secharger de lacoordination des missions croises ; les activits du CFB etdu FBPCfour-nissent un prcdent historique considrable en la matire. Il semble diffi-cile que chaque instrument soit dot dune mta-CAC qui imposerait un

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    (5) Voir aussi le compte rendu de la runion du FMI (Executive Board) du 7 avril 2003 :www.imf.org/external/np/sec/pn/2003/pn0353.htm.

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    vote la majorit qualifie tous les cranciers obligataires, dont le rsultatsappliquerait lensemble des instruments en circulation dun dbiteurdonn.(6) Les accords de sortie ont t utiliss avec succs pour faire

    pression sur les cranciers dissidents dans le cas de lquateur (voir encadret Buchheit et Gulati, 2002). Les acteurs de march sont farouchementopposs ce type de mesures agressives. Le problme de lagrgation descrances est loin dtre simple, mais lassociation des nouvelles institutionset des CAC peut y apporter une solution satisfaisante (Buchheit, 2000 et2002)(7). Avec lintroduction de CAC dans toutes les nouvelles obligations,missions et changes de titres de crance, cest lensemble de toutes lesobligations qui seront assorties de CAC en lespace dune dcennie (notonsque si ce processus avait commenc en 1996, nous aurions dj pratique-

    ment atteint ce stade).Toutefois, un point fondamental diffrencie les CAC du MRDS : ce der-nier traiterait simultanment toutes les obligations souveraines mises dansdes juridictionstrangres. Il supplanterait donc lescontrats existants et exi-gerait une lgislation nationale valable en droit international, cest--direayant la force dun trait. La rforme qui est propose ici dispense dunetelle tape dont on a dit combien elle tait aujourdhui difficile envisager.De fait, en avril 2003, les directeurs excutifs du FMI ont conclu leur dbaten indiquant quun accord sur un MRDS ne semble pas acquis, car il exi-

    gerait un amendement aux articles du Fonds (FMI, 2003b)(8)

    . La runionduCMFI(Comitmontaireetfinancierinternational)quisuivit,asanssur-prise, conclut sont tour quil se fliciterait de lusage ordinaire des CACspar les marchs financiers et invite le FMI promouvoir leur inclusionvolontaire dans le cadre de lactivit de surveillance qui lui est confie (parlarticle IV)(9) (FMI, 2003c).

    CONSEIL D'ANALYSE CONOMIQUE34

    (6) Lchange en cours des obligations uruguayennes inclut toutefois une provision de cetype. Les obligations peuvent tre restructures avec laccord des deux tiers seulement desdtenteurs de nimporte quelle obligation pourvu que, pondr par la valeur des titres, 85 %de lensemble des dtenteurs agrent la restructuration.(7) Les accords de sortie, exit consents ont t utiliss avec succs pour faire pression surles cranciers dissidents dans le cas de lquateur (voir Buchheit, 2000 et 2002) Les acteursdu march sont farouchement opposs ce type de mesures agressives. Il serait sans douteutile de se demander si les metteurs devraient tenter dintgrer ex ante des clauses dagrga-tion leurs obligations De telles clauses prvoiraient que les dtenteurs dune obligationdoi-vent voter conjointement avec dautres dans le cadre dun mme programme. Mais mme cetypede mta-CAC est susceptibledeseheurter une forte rsistancede lapartdumarch.(8) Report of the Managing Director to the International Monetary and Financial Com-mittee on a Statutory Debt Restructuring Mechanism, 8 avril 2003,www.imf.org/exgternal/np/omd/203/040803.ht.(9) Communiqu du CMFI, 12 avril 2003.

  • 8/7/2019 crise de la dette

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    2.7. Moratoires

    En labsence dun nouvel accord internation