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  • Notre Pre qui tes aux cieux, restez-y, et nous, nous restons sur la terre qui est, quelque fois, si jolie

  • 8 dmo des mots

    LES ELECTIONS, ON SEN TAPE !

    IL RESTE MES YEUX ce phnomne ahuris-sant quest llecteur. Nen resterait quun,de ces lecteurs, que je continuerais mequestionner sur son trange motivation.

    Alors ne nous tonnons pas quil y en aitqui ne veulent pas laisser autrui le soin deveiller notre bien-tre, surtout sans nousdemander la permission, surtout quand onsait que le clampin lu en question se contre-fout du quart comme du tiers de notre bien-tre. Ce qui conduit un personnagequelconque prendre le pouvoir est toujoursguid par une mgalomanie galopante et sesintrts propres et, avec, ceux de ses affids ;si on ajoute ses rapports consanguins etincestueux avec la gent de la finance et deleurs mdias aux ordres, on a compris sesmotivations. Cest tout fait trange quunquidam, aprs des sicles de matres avidesqui le grugent, puisse encore croire quun lu

    lui inspire les mots de probit, de dvoue-ment, de travail utile au plus grand nombre,ides de justice, promesses de bien-tre futuravec soulagement immdiat de ses misres.Voil cest ainsi et cest effrayant que rienne lui serve de leon, notre lecteurlambda, pas plus que les comdies grotes-ques et tristes qui, des sicles durant, ontconsist la protection des puissants et parl mme lcrasement des petits. Cet lec-teur qui devrait sapercevoir lvidencequil ne fait que payer pour tout un tas dechoses dont il ne jouira jamais et qui crvede ces combines politiques qui ne le regar-dent mme pas tant elles ne concernent queceux pour qui cet lu est en place, manipula-teurs de ce systme pervers, lui-mme mani-pul par ceux qui le laissent samuser de safonction servile. Car dans la servitude ombre ou rien ne pntre , on a pour chef

    lesclave qui parle le matre (V. Hugo).Une rvolution bourgeoise a abouti per-mettre de choisir son bourgeois, lui-mme auservice des charognards qui viscrent notrelecteur ravi et plein dorgueil car pensantquil peut changer quelque chose avec sapetite enveloppe glisse dans la fente duneurne.

    Une rvolution pour acqurir le triste droitde tendre le couteau son saigneur, a laisserveur et ce titre je naccepte pas de mentaper. Les charognards, les vrais, ne serepaissent que de cadavres, alors que l nousavons faire une espce qui dpouille vif : il ne faut pas que la bte meure car elleest reproductive et productrice de sueur et derevenus qui ne lui permettent pourtant quede survivre.

    Sinon bonne chair canon et monu-ments patriotiques. Parce que sans monu-

    propos dune rflexion nombriliste et premptoire : Les lections, on sen tape!, rflchissons unpeu a me fait penser un individu qui, regardant le paysage quil a devant sa rsidence campa-gnarde, se dit : le nuclaire, on sen tape! sous prtexte que lombre de la centrale se trouve cent bor-nes de l. On peut aussi faire comme si la question des lections ne se posait plus. Or, le fait est : leslections existent, et le climat ambiant mincite plutt ne pas pouvoir men taper.

  • dmo crazy 9

    ments pas de patrie avec son cortge dexnophobie haineuse quil est bon dentrete-nir pour donner lorgueil indispensable lacceptation de cet esclavage qui fait laforce des nations.

    Les lections, on sen tape? Impossible !Cet lecteur, le seul, le dernier, croit encoreque quand il vote pour une telle ou un tel, ila la fiert illusoire de penser quil votecontre celui-l quil ne veut plus voir lhumi-lier ; la triste blague alors que cest contrelui, contre son panouissement dhommelibre quil vote.

    Et lon voudrait quavec une joie sadiqueje prenne plaisir de voir une nouvellepriode lectorale souvrir alors que lonpeut affirmer quelle lest dj, ouverte,quelle la toujours t, et qutant donn nosmurs parlementaires et nos gots politi-ques (qui sont de nous mpriser les uns lesautres), cela ne changera rien. Il faut leregretter, mais le fait est l ! Diviser pourmieux rgner cest bien connu et a marcheencore, ainsi cette Europe avec laquelle onnous bassine, qui devait nous ouvrir deshorizons vastes et enchanteurs, plus de fron-tires et pour faire simple une monnaie uni-que, pour tre plus fort. Curieusementinsidieusement les politiques, les industrielscrapules, ont commenc diviser cetteEurope en tranches et accuser les autres deviles turpitudes : les Grecs feignasses, lesAnglais pas francs du collier (ils gardent leurmonnaie pour mieux nous niquer), lesRoumains et les Polonais font rien que jouerles jaunes en cassant le prix du boulot, lesAllemands qui font rien qu bosser et pasprendre de retraite et ce dans un ordre natio-nal et volontaire qui force ladmiration, doncla haine (salauds de laborieux !). Alors, quedire des Arabes, des Roms, des Noirs, qui nesont rien que des trangers sales et voleurs.Diviser toujours : malignement titiller lajalousie du voisin proche, et les retraits, lesfonctionnaires, chmeurs, jeunes, vieux,pour faire simple tous les autres sauf moi,parce que moi je vote, je bosse, je suis malpay cause des autres, pas cause dupatron, ni du systme qui est pourri gt delintrieur, ni du dput qui vote des lois deplus en plus rpressives, ni du maire qui, lepauvre, nest l que parce que sinon y auraitpersonne dautre (au fait, et alors si on ten-tait le coup de, sans lui, personne dautre,chiche ! La Belgique plus dune anne sansgouvernement et alors ?). Revenons cetteEurope providentielle : leur faire voir auxautres comme on allait pter dans la soie,devenir arrogants, voire mprisants. Ilsallaient voir les Ricains et leur dollar, com-ment quon allait le mettre plat ventre, de

    vert il allait devenir gris tout plichon, et lesChinois, les Patagons et que sais-je encore,des tunes plein les fouilles : travailler, pas ! etgagner, un max! Mais voil, ctait sanscompter le pourquoi du systme, tous lesmercantiles sont l ! Petits et grands. Lecaoua du matin chagrin, il tait unfranc, ben il est un euro ; et vapas chercher le petitcommerant chri.

    Et oquelle estla femmedu bou-langer?Encoreen train decompter fleu-rette avecle beaubergertnbreuxqui sentbon lethym etle serpo-let ?Jtenfous,elle a fil labanque planquer les picaillons. Tous ceux qui lont pu se sont jets commevrole sur la manne cleste ; on calcule pasplus loin que le bout du nez, ctait courudavance cette avidit courte vue et alors,bien videmment que tout sest engouffrdans cette fumisterie et vas-y de tirer sur laficelle, aussi norme soit-elle, tout est bondans le pognon ! Mais les rveils sont dou-loureux parfois parce que les salaires, lesretraites, zont pas suivi le mouvement. unmoment donn, nen voulait plus tout faitdu bourbier europen, le zlecteur zl. On amme feint de lui demander son avis notrelecteur et il sest dit, tu vas voir, je vais leurdire NON! et ils vont faire machine arrire.Crotte-zut, celui que jai lu pour faire chefil contourne ma dcision ! dis-donc, faut tregonfl des fois ! Sitt pass le malaise, il aoubli notre lecteur, prt recommencer.Aujourdhui quand a va un peu, cest grceau chef des Zlus, quand a chahute dans leLandernau? Pardon les gars, cest pas moi,cest lEeeuuurope !

    Les Grecs, on a failli leur demander leuravis eux aussi sur la taille du couteau pourles saigner, ben mme pour a, niet ! a vapas, non? Mais il est barge le Premier minis-tre grec, et pourquoi pas la dmocratie enplus? On change le charognard et allez hop,feignasses, au chagrin. a non plus notre

    lecteur il ne la pas vu. Dac ! cest ailleursque a sest pass, toujours les doigts de pieden ventail dans des paysages idylliques, y aqu les vendre aux Chinois leurs ruinesPanthonesques et tu vas voir comment ilsvont y retourner au trimard, non mais ! Cette

    Europe qui, aux jours daujourdhui,na abouti quau rveil de nationa-

    lismes exacerbs les plus chevelus,attention pas de saines rvo-lutions, non ! plutt des appels la guerre, ce qui pourraittre charmant tant il est

    prouv quil est bon, pour unsang neuf des peuples affams,

    que dtre saign blanc. Rienne semble plus efficace pouracclrer la vie comme de mou-

    rir. Laquelle de ces deuxoptions : rvolution ou guerre?On peut rver aux deux enmme temps? Cest curieux

    comme cette Europe chante une mlo-die qui, je ne sais pas pourquoi, me

    fait penser Ptain ! lvidence de tout cela, on

    sen tape ! Nous qui sommes au-dessus, ct de tout cela. Pourma part, il mapparat vident

    que nous sommes, non pas laube, mais en plein cur

    dune immense pagaille face laquelle ceslus qui nous ont entrans par avidit etconcupiscence contents quils sont sy vau-trer voluptueusement, aveugls par le dsirimmdiat de leur propre jouissance nontpas conscience ou bien, plus affreusement,lappellent de leurs vux (a sest vu moultfois), limmense gabegie bouchre en pers-pective, sanguette patriotique qui appellerade si beaux discours pleins de trmolos lar-moyants. Il est facile pour cet lecteur com-pulsif de se planquer derrire lide quuntyran sanguinaire se devine avant mmedavoir assis son systme, la blague quevoici ; a commence par : avec moi touspour le redressement joyeux et facile, avecmoi nous vaincrons, avec ce malentendu dequi vaincrons-nous? a, en gnral, a sedvoile aprs : cest quand tout est en placequon dsigne les ennemis. Pourtant,aujourdhui, ce nationalisme putride, lahaine viscrale des autres gouvernent cepays la mauvaise graine est en terre etcest a quil faut changer.

    Voter ny change rien ! Se remonter lesmanches, car ce sont les mentalits quil fautchanger, pas les lus.

    Non dcidment, je ne men tape pas !

    GABAR

  • 10 coup de gueule

    On le sait : lhomme est une sale bte, toujours sur les starting-blocks pour massacrer son semblable.Pas trop en Europe ni aux tats-Unis, ni en Australie, enfin bref pas trop dans tous les coins o la civi-lisation est un fait accompli depuis des sicles. Non, il existe malheureusement encore des endroits surcette pauvre terre o lhumain se lche comme un gros porc, ne mange pas avec une fourchette et uncouteau, ignore lusage du rince-doigts, passe ses semblables au fil de lpe par simple dsuvrement,pratique en amateur le massacre en srie, le viol industriel, bref, oublie quil est de lespce de Jsus etMozart.

    ON LAURA REMARQU, ce genre dvne-ment dplorable se passe souvent sur lescontinents dshrits que sont lAfrique,lAsie et, dans une moindre mesure, lAm-rique latine. Cest que les humains qui lespeuplent ne sont pas tout fait comme ceuxqui ont pondu la Dclaration des droits delhomme et du citoyen tout en pratiquant latraite ngrire. Heureusement, lhumanismereste une valeur universelle et reconnue,comme la justice. Cest pourquoi les paysciviliss, cest--dire ceux qui sont membrespermanents du Conseil de scurit de lOnu,peuvent sassurer, par le biais des Tribunauxpnaux internationaux (TPI), que les crimi-nels de guerre et les gnocidaires qui bousil-lent lhumanit et sessuient les pieds surleurs intrts privs rpondront de leurs cri-mes. Pour les crimes par eux perptrs, oupar les criminels qui bousillent lhumanitmais servent leurs intrts, vous ny pensezpas, allons, il existe un droit de veto pour a,quexercent la Chine, les USA, la Grande-Bretagne, la France et la Russie.

    Cte dIvoireUn seul exemple, au hasard : la CtedIvoire. Voil un pays qui na vraiment pasde pot. Depuis 2002, il est de fait trononnen deux sous lil paternel des soldats fran-ais de lopration Licorne, qui ont empchles vilains rebelles de prendre le pouvoir,tout en amnageant leur installation pourlongtemps dans le paysage politique et enleur laissant leurs ptards pour quils conti-nuent jouer aux cow-boys et aux Indiens. Ilfaut dire que les entreprises franaises ontbeaucoup souffert de cette trange maniequont les Africains de vouloir faire deuxrepas par jour. Heureusement, en rgle gn-rale, la prsence de treillis en nombre suffi-sant calme les estomacs insatisfaits. Cest

    Les Tribunaux pnaux internationaux

    quil fallait maintenir la paix, cest--direfaire entrer les rebelles au gouvernement touten leur laissant une impunit totale dans lenord du pays. Et rien ne maintient mieux lapaix que des militaires arms jusquaux dentsqui prennent leurs quartiers pour prendresoin de la guerre civile.

    Bref, des morts il y en a eu, et de toutepart. Le concept nauseux divoirit, queGbagbo navait pas invent mais quil abeaucoup utilis, en a fait son contingent.Mais depuis que Gbagbo est lombre, ilnen occasionne plus des masses. On aime-rait pouvoir en dire autant de Ouattara, lau-thentique prsident lu mort de la CtedIvoire, ci-devant chef des rebelles et outsi-der des USA, de lOnu et de la France sarko-zienne. Celui-l, depuis quil a t proclamvainqueur des lections par le monde entier,il na pas chang grand-chose la situationde fait : le pays nest pas runifi, et les rebel-les, ou plutt les ex-rebelles, ramassent lestaxes, contrlent les douanes et font fruc-tueuse exportation des ressources du payspour leur propre compte ; il faut bien vivre.Quelques centaines de milliers de personnesdplaces continuent en chier dans ceszones toujours tenues par eux, et danslouest, comme le note lOnu : Compte tenude la persistance dattaques en reprsailles,darrestations arbitraires, de tueries, de vio-lences sexuelles, de harclement verbal et detaxations illgales, la population continue devivre dans la peur dans une rgion inondedarmes. Mais enfin lessentiel, cest quela Dmocratie a eu le dernier mot, parce queGbagbo, ctait vraiment un mec dangereux,pour ainsi dire un dictateur. Alors daccord,OK, les rebelles de Ouattara, de leur ct, ontun peu tortur, viol et massacr un petit mil-lier de personnes Dukou fin mars 2011,alors que Gbagbo saccrochait au pouvoir

    comme une arapde, mais a, a ne relvepas du TPI, cest diffrent. Ctait dans le feude laction. Et puis merde, un moment ou un autre, il faudra bien que les chefs dtatafricains ralisent les risques quils courenten faisant les yeux doux la Chine alors queles entreprises franaises, et de faon pluslarge occidentales, souffrent dun contexteconomique difficile. Les gens pourraientcomprendre a. Ouattara, lui, la trs biencompris. Il est du ct de la Dmocratie.

    Cest dailleurs un homme simple etentier. Sa dernire lubie : fermer les universi-ts du pays jusqu la rentre 2012, a remplidallgresse le cur des tudiants commedes enseignants, dj le cul dans leau depuisun an cause de la guerre civile. Il faut direque ces salopards avaient vot en crasantemajorit pour Gbagbo. Lors de la conqutedu pays, les universits ont t littralementrayes de la carte. Luniversit de Bouak at dmonte et vendue planche par plancheaux pays voisins par les rebelles. Ouattara afait le projet dentourer dun grand mur lecampus de luniversit de Cocody, mur djsurnomm mur de la honte par toutAbidjan. Ouattara ne peut pas encadrer tousces intellectuels de gauche, il a pour eux lasympathie que notre prsident prouve pourla culture en gnral et les ides dites de gau-che en particulier. Ce qui ne lempche pasdtre un excellent dmocrate, la preuve, ilne comparat pas devant le TPI, lui.

    Heureusement quune justice internatio-nale existe, quand mme. a rassure. Quandon pense que sans a, peut-tre, Gbagbocourrait encore a fout la chair de pouledy penser. Au moins, a y est, la CtedIvoire est libre. Oui, en deux morceaux,mais ces morceaux sont libres. Surtout celuidu nord. Et la Libert, comme la Dmocratie,cest hyper important. Ici, dans nos Dmo-

  • coup de gueule 11

    craties avances, on est absolument libres.On lit des lus, et les lus nous gouvernent,sous le tendre patronage de la finance. Car leproblme des lus, cest quils veulent trerlus. Ils le veulent tel point quils pour-raient se laisser aller des carts lches etpopulistes comme de refuser de casquer lesdettes des banquiers. Ou dinstaurer une taxeconsquente sur les transactions financires,ce genre de choses.

    Les virer et les remplacerBon, quand le peuple devient dur et le gou-vernement mou, Dmocratie ou pas, videm-ment il faut faire quelque chose, car sinon leslus pourraient se laisser influencer par lepeuple, et ce serait un comble. Le mieux estde les virer pour les remplacer par des gensqui savent ce quest lconomie. Oui, alorsvidemment eux, on ne va pas attendre quilsse fassent lire, a pourrait durer un peulongtemps. Mieux vaut coller les tats soustutelle de lUnion europenne et les gratifierdexperts patents s finances, aprs avoirgicl en beaut leurs gouvernements lus. On

    la fait lIrlande, la Grce, lItalie, qui le tour?

    Car tout se joue ainsi. Le seul pouvoir estfinancier. Alassane Ouattara, par exemple,pas besoin de lui coller un expert sur les bre-telles : il est conomiste de profession. Il aboss au FMI, dont chacun connat la voca-tion mettre de lordre dans les petits papiersdes pays pauvres. Il a mme t vice-gouver-neur, puis gouverneur de la Banque centraledes tats dAfrique de lOuest, linstitutionqui verrouille les chanes du franc CFA surles conomies des pays de la Franafrique,pour le plus grand profit de la maison mre, savoir la Banque de France. Voil un hommequi sait par le menu ce quest le nocolonia-lisme, et que les billets de banque sont plusefficaces pour dominer et soumettre que leskalachnikov.

    Lhomme providentiel, lhomme quil fal-lait pour sauver la Cte dIvoire. Alors queGbagbo, le prof Gbagbo, ah ! ah ! un histo-rien, un crivain, autant dire un parfait ignarede comment les vraies choses se passent dansla vraie vie. Et pourquoi pas un pote? Non,

    il mrite bien son TPI, quon le juge et puis,aprs, quon le pende haut et court. Pas parcequil a fait massacrer des gens, quest-cequon sen fout, des gens ! mais parce quilsest pris pour quelquun, et quil na pasmesur les risques quil courait en nouant descontacts en dehors du pr carr franais, voireoccidental. Eh bien on va le lui rappeler.Cest a, la justice pnale internationale. Ellereoit sa maille de lOtan et est suscite par leConseil de scurit de lOnu, ce qui garantitsa parfaite neutralit.

    Quant aux guerres coloniales avec leur cor-tge datrocits, elles attendront. On ne saitmme plus qui a fait quoi. Comme disait unlu dposant une gerbe sur le monument auxmorts de la guerre dAlgrie dans une petiteville du Gard : Ils ont dfendu la civilisationcontre lobscurantisme et la barbarie. Etpuis les cendres de Bigeard vont tre transf-res aux Invalides. Il y sera en bonne compa-gnie, parmi tous les buveurs de sang. Non, lesguerres coloniales, franchement, il ny a pasde quoi en faire un TPI.

  • 12 la gueule toute verte

    La mer a des reflets dargent

    Quand RoRo et LiLi fendent les flots

    Ds le xve sicle, les mers servaient de sup-port au remplissage des coffres du vieuxmonde. Les navires, remplis de marchandi-ses pilles et desclaves razzis, voguaient lnergie olienne, prfigurant une touchantesensibilit cologique

    Aujourdhui, lconomie globalise implique la fluidit des flux qui relientzones de production et de consommation 1.Les grands chantiers bouleversent notreenvironnement : autoroutes, tunnels, TGV,ponts, etc. Les populations qui en subissentles consquences se rvoltent parfois massi-vement, tels les Italiens de Val de Susa 2.Pour les capitalistes, lenjeu principal est letransport maritime, qui reprsente 90% dutrafic mondial de marchandises.

    La logique productiviste ncessite lacc-lration de lacheminement des matires pre-mires et des biens de consommation. Leprogrs permet aujourdhui la manuten-tion de 200000 tonnes en quelques heures,alors quil y a quelques dizaines dannes,elle ncessitait plusieurs jours pour 10000tonnes, les escales reprsentant plus de 50%du temps !

    Les marchandises solides en vrac (sable,crales, minraux, etc.) sont transportesdans des vraquiers. Appels les chevaux detrait des mers, ils comprennent aussi biendes caboteurs ctiers que des gants de

    350000 tonnes.Le fret emball se rpartit entre Ro-Ro et

    Li-Li. Les premiers sont des rouliers et doi-vent leur nom (Roll on-Roll off) au faitquils se chargent dun ct (avant ouarrire) et se dchargent de lautre. Lesseconds utilisent des grues (Lift on-Lift off)et, depuis 1970, se sont dvelopps lesporte-conteneurs (70 % du fret emball) osempilent des botes mtalliques de 20 ou40 pieds 3. Ils peuvent transporter jusquplusieurs milliers de conteneurs et mesurerplusieurs centaines de mtres ! Leur taille etleur relative rapidit augmentent les risquesdaccident, par collision dans les zones trsfrquentes, ou par les normes vaguesquils gnrent.

    En France, un tiers des 1,5 million demarins sont des officiers, issus de diverspays de lOCDE, les subalternes tant,eux, issus de divers pays du Sud. Cest dansces derniers quon observe un volant dechmage denviron 200 000 travailleurs.Les tches sont de plus en plus automati-ses, le travail dpendant dexperts dfinis-sant la navigation depuis la terre, partlcommande. Un quipage comprend unequinzaine de postes : 3 4 officiers, de lanationalit de larmateur, un personnel depont de manuvriers (matelots, mcani-cien, cuistot) commands par un bosco, etquelques ouvriers de maintenance (peintre,soudeur). Les quipages, de nationalits etde statuts diffrents, sont fournis par desmarchands de main-duvre, les manningagencies, qui prlvent jusqu 50 % dessalaires, qui sont donc faibles. Il subsisteseulement 10 000 marins franais, essen-tiellement des officiers : Au niveau descots, un poste malgache revient quatre foismoins cher quun poste franais, avouecyniquement le prsident de France-Tlcom marine.

    Les nouveaux voyages de Marco Polo

    Les marges de lindustrie et des servicesreposent sur les pressions exerces sur lesentreprises de transport, particulirementdans le secteur maritime qui connat de rapi-

    des transformations :modernisation des flottes, gigantisme des

    navires, accroissement de leur vitesse,doublement des capacits daccueil de

    certains terminaux portuaires, restructuration du travail dans les ports,

    destruction du statut des dockers, automatisation des tches bord, dimi-

    nution de la taille des quipages.Dnormes projets sont en voie de ralisa-

    tion :grands travaux lis lencombrement

    des corridors maritimes (Suez, Panama,Bosphore, etc.),

    bateaux grande vitesse (BGV), auto-routes de la mer (ADM), super-ports, plate-formes multi-modales, etc.

    Ces rseaux hirarchisent les territoires,renforcent la comptition, imposent des axesprivilgis.

    Au niveau europen, le programme Marco Polo , aux normes investisse-ments, fait saliver les socits du secteur :Les transports routiers sont trs chers enraison des repos, des accidents et des grves,les autoroutes maritimes sont cres pourfaire face cette situation. Ce nest quavecla grande vitesse que les autoroutes de lamer sont rentables. Elles ont cr lERT(European round table) qui reoit des res-ponsables politiques, anime le Cercle pourloptimodalit en Europe, o se retrouventsocits de transport, banques, entreprises deconstruction.

    La refonte totale des voies de communi-cation en cours prvoit de nouvelles lignesmaritimes reliant le nord et le sud delEurope, rejoignant la Mer Noire et le Canalde Suez. Ainsi plusieurs ports sont concur-rents en Espagne pour, notamment, recevoirles ferraillescollec-t e se t

    trans-f o r -mes

    p a r

    Pour la ralisation dun jean, les composants parcourent 65000 km, impliquant la main-duvre dunedouzaine de pays. Ce tour du monde se fait de plus en plus sur les ocans, dans des milliers de conte-neurs entasss sur des bateaux plus lourds, plus rapides, fonant sur les autoroutes de la mer. Lespace,le temps se rtrcissent et nos vies, comme celles des marins et des dockers, sont sacrifies au dieu profit.

  • la gueule toute verte 13

    Arcelor en France et en Belgique, puis utili-ses pour la production automobile de lazone cantabrique o a lieu un assemblagepartiel ; la fin de lassemblage est ralise enBelgique, le port de Zeebruge tant reli, parla premire ADM, Bilbao. De mmeCitron doit bientt pouvoir utiliser uneADM Vigo-Saint-Nazaire pour acheminervers le Nord ses vhicules fabriqus enEspagne.

    Plus gnralement sont envisags laconstruction de 3 grands ports entre Suez etGibraltar et, plus long terme, le ravitaille-ment en ptrole sibrien (25% de la produc-tion mondiale) en remplacement desoloducs.

    Super flux, super-port et mga-profits

    Des recherches sont ralises pour des BGVmilitaires, chargs de la surveillance et de lin-terception des boat-people. De son ct,BGV International construit des bateauxpouvant transporter 150 remorques 70 km/h,contre 30 km/h actuellement. Boulogne-sur-mer avait pass un contrat de 5 BGV avecJohn Paul Airs, de la socit ChikaraShipping. Celui-ci, aprs une fire dclara-tion: Nous sommes en train de changer la facedu transport maritime en Europe, sest volati-lis, aprs avoir empoch les subventionspubliques Sans se dcourager, le patronatlocal affirme sa volont dinscrire le port deBoulogne dans lecadre des autoroutesde la mer et du dve-loppement durable :une passerelle capa-ble daccueillir descatamarans rapides etdes BGV vient dtreinaugure. La scu-rit na pas toublie afin de tra-quer les sans-papiers:arsenal policier, bar-bels, vido-surveil-lance, dtecteurs debattements cardia-ques, etc.

    Et ce nest rien ct du super-portprvu Cap Djinet,prs dAlger. Ceprojet pharaonique

    comporte 20 km de quais adosss 5000hectares de zones dactivits : ptrochimie,production daluminium, complexe sidrur-gique, construction navale, constructionautomobile, fabrication de conteneurs, cen-trales lectriques, dessalement deau de mer.Les emplois annoncs accentueraient ledsert industriel des zones dlaisses.

    Le dernier concept tendance remis lamode est celui de Hub Port, dvelopppendant la Seconde Guerre mondiale afindaccrotre la rapidit dacheminementdnormes quantits de matriel militaireamricain. Depuis, linformatisation destches permet la spculation financire et latraabilit des marchandises : localisation,quantit, tat, valeur des stocks. Chaqueopration emballage, vrification, trans-port, assurance, transfert de proprit,ddouanement, livraison, paiement faitlobjet de ngociations commerciales. Celaimplique des investissements technologi-ques considrables, et laction de vritables traders de la mer.

    loge de la lenteurLe pavillon du capitalisme vert 4 flotte auvent : Les ADM sont la proposition concrteapporte au Grenelle de lenvironnement(Armateurs de France), Les BGV sont desnavires verts dune grande rapidit pour unefaible consommation nergtique (BGV-France), La premire autoroute de la mer

    ainsi cre serait une alternative la route,une bonne chose ct environnement (Vertsdu Boulonnais). Aucune allusion aux peintu-res anti-fooling 5 contenant des pesticides,aux dgazages rejetant hydrocarbures et rsi-dus de ballasts, lutilisation de bunkerfuel. Ce fuel lourd, trs bon march, est uncarburant particulirement polluant, gn-rant des substances toxiques (CO2, soufre,etc.), causant la mort par empoisonnementde milliers de marins !

    Le projet de super-port Pasaa en Espagneimplique destruction des falaises, disparitiondes calanques, aplanissement des collinesFace la raction des populations, est envisa-ge la cration dune le artificielle gante, partir de millions de mtres cubes de terreprlevs dans la montagne voisine!

    Nous laisserons-nous mener en bateau,soumis aux choix des capitalistes et de leurscomplices, tels Rupert Murdoch qui assne,du haut de son immense fortune et de sonempire mdiatique : Le monde change unevitesse folle. Dsormais ce sera le rapide quibattra le lent.

    Dans nos luttes sociales, ralentissons,immobilisons la circulation des produits,donc des profits.

    Dans ce monde o la vitesse est devenuele nouvel absolu pour lacquisition desrichesses, le vecteur dune vritable dromocratie 6, revendiquons, pour profiter

    de notre vie, aprsle droit laparesse, le droit la lenteur.

    LAN NOIR

    ________

    1. Voir Creuse-Citron,n 5, Transports : tra-fics en tous genres.2. NO TAV : Non autrain grande vitesseLyon-Turin.3.de 6 ou 12 mtresenviron.4. Voir Creuse-Citron,n 29, Vert et dura-ble le capitalisme?5. Suppression desorganismes vivants dela coque.6.De dromos = course.

    [Cet article sinspire de Fortunes de mer,

    Acratie, 2010.]

  • Roger et Bella Belboch,