CPI : Affaire Bemba : Communiqué de l'UIA

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UIA – 25, rue du Jour – 75001 Paris (France), Association Loi 1901 n° W751207624 Tél. : +33 1 44 88 55 66 / Fax : +33 1 44 88 55 77 / E-mail : [email protected] / Web : www.uianet.org Arrestation et poursuite de plusieurs membres de l’équipe de défense de Jean-Pierre Bemba, accusé devant la CPI : L’UIA rappelle les garanties applicables en cas de mesures de contrainte à l’égard des avocats Le 20 novembre 2013 quatre mandats d‘arrêt ont été délivrés par le Juge unique Cuno Tarfusser de la Chambre préliminaire II de la Cour pénale internationale (CPI) contre Aimé Kilolo Musamba, conseil principal de Jean-Pierre Bemba Gombo, Jean-Jacques Mangenda Kabongo, membre de son équipe de défense, Fidèle Babala Wandu, membre du parti politique de Jean-Pierre Bemba Gombo et Narcisse Arido, témoin de la défense. Le Juge unique a considéré qu’il existait des motifs raisonnables de croire que ces personnes avaient procédé à la subornation de témoins ayant déposé devant la Cour et produit des éléments de preuve qu’ils savaient faux ou falsifiés. Les infractions retenues auraient été commises dans le cadre du procès débuté le 22 novembre 2010 de Jean-Pierre Bemba Gombo, accusé de deux chefs de crimes contre l’humanité et de deux chefs de crimes de guerre. S’ils sont avérés, de tels faits constituent autant d’infractions à l’article 70 du Statut de la Cour pénale internationale. Les 27 novembre et 5 décembre 2013, Aimé Kilolo Musamba, Fidèle Babala Wandu, Jean-Pierre Bemba Gombo et Jean-Jacques Mangenda ont comparu devant le juge Cuno Tarfusser, chacun des accusés étant représenté par un conseil. Au cours de l’audience, le juge a vérifié l’identité des suspects et s’est assuré qu’ils ont été informés des crimes qui leur sont reprochés et des droits que leur reconnaît le Statut de Rome. Le juge unique a par ailleurs établi un calendrier pour une procédure rapide menant à la décision de confirmation des charges. Tout en rappelant la présomption d’innocence comme étant un principe applicable à tout suspect, y compris sous le couvert de l’article 70 du Statut, l’UIA rappelle son attachement indéfectible aux principes déontologiques qui tiennent l’avocat, qui dans son rôle d’auxiliaire de justice, ne peut se confondre avec l’associé ou le complice de son client. La gravité des accusations d’infractions contre l’administration de la justice impose à la CPI un devoir accentué de recherche de la vérité, dans le respect du droit à un procès équitable. La subornation de témoin ou la production d’éléments de preuve faux ou falsifiés, ainsi que les infractions similaires, sont des infractions qui, si prouvées, porteraient une atteinte gravissime à la mission de la CPI de recherche de la vérité et d’accomplissement de la justice.

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UIA – 25, rue du Jour – 75001 Paris (France), Association Loi 1901 n° W751207624 Tél. : +33 1 44 88 55 66 / Fax : +33 1 44 88 55 77 / E-mail : [email protected] / Web : www.uianet.org

Arrestation et poursuite de plusieurs membres de l’équipe de défense de Jean-Pierre Bemba, accusé

devant la CPI :

L’UIA rappelle les garanties applicables en cas de mesures de contrainte à l’égard des avocats

Le 20 novembre 2013 quatre mandats d‘arrêt ont été délivrés par le Juge unique Cuno Tarfusser de

la Chambre préliminaire II de la Cour pénale internationale (CPI) contre Aimé Kilolo Musamba,

conseil principal de Jean-Pierre Bemba Gombo, Jean-Jacques Mangenda Kabongo, membre de son

équipe de défense, Fidèle Babala Wandu, membre du parti politique de Jean-Pierre Bemba Gombo et

Narcisse Arido, témoin de la défense. Le Juge unique a considéré qu’il existait des motifs

raisonnables de croire que ces personnes avaient procédé à la subornation de témoins ayant déposé

devant la Cour et produit des éléments de preuve qu’ils savaient faux ou falsifiés. Les infractions

retenues auraient été commises dans le cadre du procès débuté le 22 novembre 2010 de Jean-Pierre

Bemba Gombo, accusé de deux chefs de crimes contre l’humanité et de deux chefs de crimes de

guerre. S’ils sont avérés, de tels faits constituent autant d’infractions à l’article 70 du Statut de la

Cour pénale internationale.

Les 27 novembre et 5 décembre 2013, Aimé Kilolo Musamba, Fidèle Babala Wandu, Jean-Pierre

Bemba Gombo et Jean-Jacques Mangenda ont comparu devant le juge Cuno Tarfusser, chacun des

accusés étant représenté par un conseil. Au cours de l’audience, le juge a vérifié l’identité des

suspects et s’est assuré qu’ils ont été informés des crimes qui leur sont reprochés et des droits que

leur reconnaît le Statut de Rome. Le juge unique a par ailleurs établi un calendrier pour une

procédure rapide menant à la décision de confirmation des charges.

Tout en rappelant la présomption d’innocence comme étant un principe applicable à tout suspect, y

compris sous le couvert de l’article 70 du Statut, l’UIA rappelle son attachement indéfectible aux

principes déontologiques qui tiennent l’avocat, qui dans son rôle d’auxiliaire de justice, ne peut se

confondre avec l’associé ou le complice de son client. La gravité des accusations d’infractions contre

l’administration de la justice impose à la CPI un devoir accentué de recherche de la vérité, dans le

respect du droit à un procès équitable. La subornation de témoin ou la production d’éléments de

preuve faux ou falsifiés, ainsi que les infractions similaires, sont des infractions qui, si prouvées,

porteraient une atteinte gravissime à la mission de la CPI de recherche de la vérité et

d’accomplissement de la justice.

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Si l’UIA ne peut que se féliciter de la coopération entre les Etats ayant procédé à l’exécution des

mandats d’arrêt (Belgique, République Démocratique du Congo, France et Pays-Bas) et la Cour

pénale internationale, elle se doit néanmoins de rappeler l’importance qu’il y a à accompagner de

telles mesures de contrainte de garanties particulières lorsqu’elles sont prises à l’égard d’un avocat.

L’UIA rappelle en outre que la détention provisoire ne peut être prononcée qu’à titre exceptionnel.

La Cour Pénale Internationale est donc invitée à envisager toute mesure coercitive alternative à la

détention provisoire qui a été décidée initialement contre des avocats, Aimé Kilolo Musamba, conseil

principal de Jean-Pierre Bemba Gombo, et Jean-Jacques Mangenda Kabongo, qui sont présumés

innocents.

Sans se prononcer sur les faits de l’espèce et avec la prudence qui s’impose face à une procédure

comportant nombre d’éléments d’ordre confidentiel, l’UIA rappelle que toute mesure de

perquisition ou de visite domiciliaire dans le cabinet d'un avocat doit impérativement être assortie

de garanties spéciales de procédure. Elle invite la Cour Pénale Internationale à faire sienne la

jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, notamment, et rappelle que s’il n’est

pas interdit d'imposer aux avocats un certain nombre d'obligations susceptibles de concerner les

relations avec leurs clients et qu’il en va ainsi notamment en cas de constat de l'existence d'indices

plausibles de participation d'un avocat à une infraction, ou encore dans le cadre de la lutte contre

certaines pratiques, il est alors « impératif d'encadrer strictement de telles mesures, les avocats

occupant une situation centrale dans l'administration de la justice et leur qualité d'intermédiaires

entre les justiciables et les tribunaux permettant de les qualifier d'auxiliaires de justice » (cf. Niemietz

c. Allemagne, 16 décembre 1992, § 37, André c. 24 juillet 2008, § 42 et Da Silveira c. France, 21

janvier 2010, § 37).

L’UIA rappelle en outre qu’il est de principe que les saisies consécutives aux perquisitions doivent

être en relation directe avec l’infraction objet de la poursuite, être destinées à apporter la preuve de

la participation de l’avocat à cette seule infraction lorsque c’est lui qui est en cause et être limitées

aux seuls documents nécessaires à la manifestation de la vérité (Moulin, c. France, 23 novembre

2010).

L’UIA note enfin la situation particulière qui résulte pour M. Jean-Pierre Bemba de l’arrestation de

deux membres de son équipe de défense, dont son conseil principal, et des conséquences de cette

arrestation sur la poursuite de la procédure initiée à son encontre pour crimes de guerre et crimes

contre l’humanité. Il est fondamental que M. Bemba puisse continuer à disposer d’une défense

efficace et que le co-conseil, non visé par les poursuites, puisse disposer à cet égard de toutes les

facilités nécessaires à cette défense. Il semble par ailleurs que la procédure « principale » ne pourrait

que se trouver suspendue tant qu’il ne sera pas statué sur les poursuites initiées sur le fondement de

l’article 70 du Statut, au stade de la confirmation des charges tout d’abord et, le cas échéant, au

fond.