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35 SPECTRA ANALYSE n° 244 Mai - Juin 2005 T ECHNIQUE INSTRUMENTALE DOSSIER BIOPHOTONIQUE Imagerie Gérald Brun, Maxime Jacquot, Isabelle Verrier, Colette Veillas* LTSI Laboratoire Traitement du Signal et Instrumentation - UMR CNRS 5516 / Université Jean Monnet Saint-Etienne 10, rue Barrouin – 42100 Saint-Etienne - Tél. : 04 77 91 58 17 – Fax : 04 77 91 57 81 – E-Mail : [email protected] Biophotonique : faisabilité d’un dispositif de tomographie optique de cohérence « temps-fréquence » temps réel RÉSUMÉ L’analyse non invasive et optique (1, 2, 3) des tissus vivants en vue du diagnostic médical, du suivi de traitement thérapeutique in vivo, de l’imagerie fonctionnelle ou structurelle des tissus est aujourd’hui en grande expansion et pleinement complémentaire en regard d’autres techniques d’imagerie médicale conventionnelle telles : la radiologie X, l’échographie ultrasonore ou l’imagerie par Résonance Magnétique Nucléaire (IRMN). L’optique s’avère en effet moins traumatisante pour les tissus que les rayonnements X (en raison de l’absence d’ionisation induite lors de la propagation des ondes lumineuses), plus résolvante que les ondes ultrasonores (en raison des courtes longueurs d’onde mises en jeu, voisines ou inférieures au micromètre) et elle s’appuie sur une instrumentation moins onéreuse que les dispositifs d’IRMN. L’optique présente en outre l’avantage de bénéficier de l’évolution rapide des composants optoélectroniques et d’être compatible avec les technologies d’endoscopie et de fibroscopie, autorisant le déport de la sonde de mesure par rapport à son instrumentation (source, détecteur, unité de stockage et de traitement de l’information). Parmi les techniques aujourd’hui largement étudiées et déjà mises en œuvre par les praticiens, la tomographie optique de cohérence (Optical Coherent Tomography ou OCT ) permet de réaliser des images hautes résolution dans de faibles profondeurs de tissus en utilisant le principe d’une échographie optique consistant à sonder point par point le milieu à analyser et à effectuer un balayage pour obtenir une image en coupe, voire une image tridimensionnelle (4, 5, 6, 7, 8). Bien qu’ayant conduit à des dispositifs de hautes performances, le principe d’analyse par sonde locale associée à un balayage mécanique, s’avère préjudiciable au suivi des dynamiques biologiques et à l’obtention d’une véritable imagerie temps réel. Nous proposons ici de valider la faisabilité d’un système d’analyse reposant sur le principe de la tomographie optique de cohérence, mais susceptible de fournir, en temps réel et avec une résolution latérale et axiale de quelques μm , l’image tridimensionnelle fonctionnelle de tissus biologiques. MOTS CLÉS Tomographie optique de cohérence, interférométrie Spectrale, holographie temporelle I - Position du problème, état de l’art Les techniques OCT reposent sur une analyse échographique des tissus biologiques (figure 1, page suivante). Une impulsion lumineuse, possé- dant une extension spatiale de quelques micro- mètres, est envoyée sur le tissu et les différents échos recueillis en réflexion sont porteurs d’infor- mations structurelles sur le milieu de propagation

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35SPECTRA ANALYSE n° 244 • Mai - Juin 2005

TECHNIQUE INSTRUMENTALE

DOSSIER BIOPHOTONIQUE

Imag

erie

Gérald Brun, Maxime Jacquot, Isabelle Verrier, Colette Veillas*

LTSI Laboratoire Traitement du Signal et Instrumentation - UMR CNRS 5516 / Université Jean Monnet Saint-Etienne10, rue Barrouin – 42100 Saint-Etienne - Tél. : 04 77 91 58 17 – Fax : 04 77 91 57 81 – E-Mail : [email protected]

Biophotonique : faisabilité d’un dispositif de tomographie optique de cohérence « temps-fréquence » temps réel

Imag

erie

Imag

erie

RÉSUMÉL’analyse non invasive et optique (1, 2, 3) des tissus vivants en vue du diagnostic médical, du suivi de traitement thérapeutique in vivo, de l’imagerie fonctionnelle ou structurelle des tissus est aujourd’hui en grande expansion et pleinement complémentaire en regard d’autres techniques d’imagerie médicale conventionnelle telles : la radiologie X, l’échographie ultrasonore ou l’imagerie par Résonance Magnétique Nucléaire (IRMN). L’optique s’avère en eff et moins traumatisante pour les tissus que les rayonnements X (en raison de l’absence d’ionisation induite lors de la propagation des ondes lumineuses), plus résolvante que les ondes ultrasonores (en raison des courtes longueurs d’onde mises en jeu, voisines ou inférieures au micromètre) et elle s’appuie sur une instrumentation moins onéreuse que les dispositifs d’IRMN. L’optique présente en outre l’avantage de bénéfi cier de l’évolution rapide des composants optoélectroniques et d’être compatible avec les technologies d’endoscopie et de fi broscopie, autorisant le déport de la sonde de mesure par rapport à son instrumentation (source, détecteur, unité de stockage et de traitement de l’information). Parmi les techniques aujourd’hui largement étudiées et déjà mises en œuvre par les praticiens, la tomographie optique de cohérence (Optical Coherent Tomography ou OCT ) permet de réaliser des images hautes résolution dans de faibles profondeurs de tissus en utilisant le principe d’une échographie optique consistant à sonder point par point le milieu à analyser et à eff ectuer un balayage pour obtenir une image en coupe, voire une image tridimensionnelle (4, 5, 6, 7, 8). Bien qu’ayant conduit à des dispositifs de hautes performances, le principe d’analyse par sonde locale associée à un balayage mécanique, s’avère préjudiciable au suivi des dynamiques biologiques et à l’obtention d’une véritable imagerie temps réel. Nous proposons ici de valider la faisabilité d’un système d’analyse reposant sur le principe de la tomographie optique de cohérence, mais susceptible de fournir, en temps réel et avec une résolution latérale et axiale de quelques μm , l’image tridimensionnelle fonctionnelle de tissus biologiques.

MOTS CLÉSTomographie optique de cohérence, interférométrie Spectrale, holographie temporelle

I - Position du problème, état de l’artLes techniques OCT reposent sur une analyse échographique des tissus biologiques (fi gure 1,

page suivante). Une impulsion lumineuse, possé-dant une extension spatiale de quelques micro-mètres, est envoyée sur le tissu et les diff érents échos recueillis en réfl exion sont porteurs d’infor-mations structurelles sur le milieu de propagation

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DOSSIER BIOPHOTONIQUE

Figure 1

Echographie optique de la rétine réalisée par OCT. (http://eyephoto.ophth.wisc.edu)

τ ∝ e0

Signal d'entréet

t

e0

Milieu à caractériser

Trace échographique

Signal d 'entrée

t e0

τ ∝ e0

Milieu à caractériser

Trace échographique

t

τ ∝ e0

Signal d 'entrée

t

t

e0

Milieu à caractériser

Trace échographique

Figure 2

A) Echographie optique d’un milieu homogène limité par deux faces. Le signal recueilli présente deux échos séparés d’un délai proportionnel à la distance séparant les deux faces. B) Echographie optique d’un milieu stratifi é. Le signal recueilli se présente sous la forme d’une distribution d’échos lumineux plus ou moins retardés et aff aiblis en fonction de la pénétration de l’impulsion initiale dans le milieu. C) Echographie optique d’un milieu fortement hétérogène.Le milieu est constitué de structures de petites tailles (cellules biologiques par exemple) pouvant induire des déviations (diff usions) multiples des faisceaux à leur traversée de l’échantillon. Le signal recueilli va être fortement étalé en raison des parcours aléatoires des faisceaux dans le milieu.

A) B) C)

Figure 3

Dualité entre la largeur spectrale de la source et la durée de la vibration émise.

NOTE

Les auteurs tiennent à exprimer leur reconnaissance et leurs remerciements à leurs collègues et amis Luc Froehly et Patrick Sandoz du Laboratoire P.M. Duffi eux, FEMTO-ST de l’Université de Franche-Comté pour leur collaboration et leurs suggestions avisées.

dans lequel a voyagé la lumière. La fi gure 2 illustre le principe de cette échographie optique sur des exemples de complexité croissante.Compte tenu de la vitesse de propagation de la lu-mière voisine de dans le vide, il n’est pas possible de discriminer directement les échos issus du milieu biologique en restant compatible avec une exigence de haute résolution spatiale. En eff et, à titre d’exemple, le délai séparant les échos réfl échis par deux interfaces distantes de 3 µm est de 10 fs inaccessible par les détecteurs convention-nels. Il est alors nécessaire de recourir à un dis-positif permettant d’obtenir indirectement cette mesure par l’intermédiaire de la fonction d’inter-corrélation entre une impulsion de référence et le signal issu de l’échantillon à caractériser. Cette fonction est obtenue à partir d’un dispositif interférométrique permettant d’assurer la super-position cohérente des signaux de référence et de mesure. Comme le milieu à analyser doit être sondé par une impulsion lumineuse brève, l’interféromè-tre est éclairé en lumière large bande spectrale. En eff et, en vertu des propriétés de la transformation

de Fourier, la durée des impulsions est inverse-ment proportionnelle à la largeur de la bande spectrale de la source (voir fi gure 3). Ce critère est important puisqu’il conditionne la résolution spa-tiale et axiale du dispositif. Ainsi pour accéder à une résolution axiale il est nécessaire d’utiliser des impul- sions de durée

( ) et donc de met-tre en œuvre une source présentant une largeur s p e c t r a l e o u De telles sources peuvent aujourd’hui être réa-lisées par génération de supercontinuum de lu-mière blanche obtenu à l’aide d’eff ets non linéaires engendrés dans des fi bres optiques à cristal photo-

nique (voir fi gure 4, page suivante) éclairées par un laser à impulsions brèves (nano ou pico seconde).Afi n de réaliser la corrélation des signaux optiques dans l’interféromètre, il convient de superposer de manière cohérente les vibrations lumineuses is-sues respectivement du bras de mesure et du bras de référence. Deux approches sont utilisées : les méthodes de type TDOCT (Time Domain Opti-

10

Δz=1 μm

Δν=1/Δτ = 0,3 GHz ou λ=λ2 /Δz = 1000 nm (λ

0≈ 1μm)0

Δτ = Δz/ c = 3 fs (c=3.10 8 m.s-1)

Δz

Δτ Δν

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Faisabilité d’un dispositif de tomographie optique de cohérence « temps-fréquence » temps réel

cal Coherent Tomography) et FDOCT (Frequency Domain Optical Coherent Tomography).Les techniques TDOCT permettent un enregis-trement direct de la fonction d’intercorrélation optique dans le domaine temporel. Il s’agit de réa-liser la superposition cohérente de la trace écho-graphie de mesure avec l’impulsion de référence alors que cette dernière parcourt un trajet optique variable obtenu en modulant mécaniquement le bras de référence de l’interféromètre à l’aide d’un miroir vibrant monté sur une cale piézoélectrique (figure 5). La fonction d’intercorrélation issue de cette mesure est d’autant plus proche du signal échographique recherché que l’impulsion de dé-part est temporellement étroite (assimilable à une distribution de DIRAC). Les techniques FDOCT permettent d’enregistrer le signal de corrélation dans le domaine spectral. Le dispositif présenté sur la figure 6 est la configuration classique de la tomographie par interférométrie spectrale de type FDOCT. Il s’agit en fait de réaliser la superposition cohérente des deux signaux en les étalant spectra-lement à l’aide d’un élément dispersif (prisme ou réseau de diffraction). Le signal enregistré corres-pond à la densité spectrale d’énergie de la fonction d’intercorrélation de l’impulsion de référence et du signal échographique de mesure. Une transforma-tion de Fourier numérique permet de remonter à la fonction d’intercorrélation.Le dispositif dont nous présentons la faisabilité se distingue des autres technologies d’OCT qui vien-nent d’être décrites par le fait qu’il est susceptible de donner accès, en temps réel (traitement tout optique), à une imagerie tridimensionnelle et à l’information spectroscopique locale (x,y,z) à l’in-térieur des tissus.

Figure 4

A) Exemple de fibre à cristal photonique. B) Exemple de sources de lumière blanche par génération de supercontinuum.

Figure 5

Montage classique d’imagerie par tomographie optique cohérente dans le domaine temporel.

Figure 6

Montage classique d’imagerie par tomographie optique cohérente dans le domaine spectral.

A)

B)

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II - Objectif de l’étude et principe de la mesureLa méthode que nous proposons, relève de con-cepts similaires à ceux que nous venons d’exposer et repose sur l’analyse de la réponse impulsionnelle temporelle du milieu sondé. Cette dernière traduit en eff et, en amplitude et en phase, la signature du milieu et permet de remonter à des informations structurelles sur ce dernier. Le dispositif de cor-rélation est un interféromètre de Mach-Zehnder dont la partie terminale assure la recombinaison des faisceaux par l’intermédiaire de deux réseaux de diff raction (fi gure 7). C’est ce procédé original

de recombinaison, qui permet de réaliser la cor-rélation des champs de référence et de mesure en s’aff ranchissant de toute modulation mécanique (9, 10, 11). Le signal mesuré se présente sous la forme d’un train d’impulsions exprimant en amplitude et en phase les variations de chemins optiques ren-contrées par l’onde lumineuse à sa traversée de l’échantillon. L’information obtenue décrit ainsi la structure longitudinale (dans la direction de pro-pagation du faisceau) de l’échantillon testé et ne nécessite aucun mouvement mécanique dans le dispositif expérimental.Chaque bras de l’interféromè-tre véhicule une onde de la forme :

caractérisée par une amplitude et une phase , les indices et désignent res-pectivement les phénomènes induits sur le bras de référence ou sur le bras de mesure.En sortie de l’interféromètre, chaque réseau diff rac-te le faisceau lumineux qu’il reçoit selon un angle

régi par la relation de dispersion des réseaux : , expression dans

laquelle désigne l’angle d’incidence sur chaque réseau, la fréquence spatiale de chaque réseau et la longueur d’onde de travail. Ainsi pour une fréquence de la plage spectrale explorée, le système recombine les ondes et véhicu-lées par chacun des deux bras de l’interféromètre en induisant un déphasage supplémentaire dû aux réseaux de diff raction. L’intensité lumineuse, mesurée à la fréquence , peut alors être expri-mée par la relation suivante :

Expression dans laquelle et désignent respectivement la partie réelle et le complexe con-jugué de la quantité complexe .Le déphasage induit par les réseaux

prend en compte l’an-gle de diff raction obtenu pour la fréquence de travail , ainsi que l’angle obtenu pour la fréquence qui correspond à la confi gura-tion du montage pour laquelle les deux faisceaux émergeants sont confondus (teinte plate exempte de franges d’interférences). L’intensité lumineuse produit ainsi, pour chaque fréquence de la ban-de spectrale explorée, un système de franges d’in-terférences dont la périodicité dépend des valeurs respectives des angles et , c’est-à-dire des valeurs respectives des fréquences et .

L’éclairement fi nal recueilli par le système d’ac-quisition, constitué d’une caméra CCD reliée à un système informatique, provient de la superposi-tion cohérente des diff érents systèmes de franges par sommation sur l’ensemble des fréquences de la plage spectrale , des intensités lumineuses précédemment calculées. Cet éclairement, obtenu instantanément lorsque la source est à large spec-tre, peut être exprimé sous la forme :

Cette relation peut encore être formulée de la maniè-re suivante, en projetant dans un référentiel de coor-données cartésiennes lié au détecteur :

Expression dans laquelle représente un fond lumineux homo-gène ; et

Figure 7

Corrélateur de champ.

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Faisabilité d’un dispositif de tomographie optique de cohérence « temps-fréquence » temps réel

désignent respec-tivement les enveloppes temporelles des ondes

et obtenues par transformation de Fourier de ces deux fonctions; le symbole représente l’opérateur de convolution sur la va-riable où le terme désigne un coefficient issu de la configuration géométrique du montage dépendant notamment de l’angle défini précé-demment et de l’angle correspondant à la fré-quence centrale de la plage spectrale explorée.

Ainsi, comme nous venons de le montrer, le dis-positif permet de recueillir directement la trace de corrélation, en amplitude et en phase, des deux si-gnaux issus de l’interféromètre. Cette formulation est semblable à celle obtenue lors de la restitution d’un hologramme dans le ca-dre de l’holographie spatiale conventionnelle où l’information de profondeur est codée dans la pha-se dont l’obtention nécessite, pendant l’enregistre-ment, la superposition du signal issu de l’objet avec un signal de référence. Lors de la restitution, alors que l’hologramme est éclairé par le signal de réfé-rence, l’information issue de l’objet et enregistrée dans l’hologramme, est corrélée avec le faisceau de référence. Dans l’application que nous présentons ici, nous travaillons sur une dimension temporelle et non spatiale, mais nous avons conservé l’ana-logie avec l’holographie conventionnelle, en dési-gnant la technique présentée sous le vocable d’ho-lographie temporelle. Une première originalité de cette méthode réside donc dans la recombinaison des faisceaux à l’issue de l’interféromètre qui per-met de s’affranchir de toute modulation sur le bras de référence et donc d’accéder à une mesure dy-namique en temps réel d’une trace similaire à celle fournie par la tomographie optique de cohérence dans le domaine temporel (TDOCT). Par ailleurs, l’étude de faisabilité, réalisée avec un laser à colo-rant accordable en longueur d’onde, a aussi permis d’enregistrer les informations spectrales, et a ainsi permis de comparer les possibilités offertes par le dispositif sous l’aspect temporel et sous l’aspect spectral. Cette étude a été réalisée à partir de piles

d’interférogrammes ouvrant de nombreux degrés de liberté dans le traitement des informations re-cueillies (figure 8).L’acquisition, pour chaque longueur d’onde de la plage spectrale explorée, de systèmes de franges spatiales conduit à la constitution de piles d’inter-férogrammes intégrant deux dimensions spatiales et une dimension spectrale comme l’illustre la fi-gure 8. L’objectif étant d’obtenir une image tridi-mensionnelle de la surface d’onde après traversée du milieu sondé, divers modes opératoires sont possibles pour recueillir l’information pertinente.En premier lieu, il est possible d’utiliser le dispositif d’une manière totalement conforme au fonction-nement de la tomographie optique de cohérence dans le domaine temporel. Selon cette méthode, l’échantillon peut être éclairé soit ponctuellement (imposant alors un double balayage transversal de la cellule de mesure) soit selon une ligne (permet-tant alors de profiter pleinement du caractère bidi-mensionnel de la matrice CCD et évitant ainsi une direction de balayage transversal). Les différents systèmes de franges spatiales sont sommés pour reconstruire les zones de corrélation qui compor-tent les informations structurelles sur la dimension longitudinale de l’échantillon. Il est ainsi possible de reconstruire une coupe longitudinale de l’objet (voir figure 9 A). Le deuxième mode opératoire consiste à utiliser le champ de la caméra pour enregistrer directement une image bidimensionnelle spatiale et transversa-le de la cellule de mesure et, pour chaque pixel de la caméra, recueillir un interférogramme spectral fournissant l’information de profondeur au point considéré (localisé par le pixel de la caméra dans le champ de l’image bidimensionnelle) (voir. figure 9 B). Ces deux approches (que nous nommerons protocoles 1 et 2 respectivement) consistent donc à traiter de manière différentes les mêmes piles d’interférogrammes. Dans les deux cas, et pour cette étape de faisabilité, il est nécessaire de pro-

Figure 8

Piles d’interférogrammes

Figure 9 A

Premier protocole opératoire

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céder à un balayage soit spectral, soit spatial, pour obtenir l’intégralité de l’information.La validation expérimentale de cette technique a été eff ectuée sur des objets de formes simples et connues (empilement de lamelle de verre ou portion de lentille de Fresnel) immergés dans des solutions aqueuses de lait. La concentration des solutions permet de travailler sur des milieux pré-sentant des caractéristiques de diff usion compara-bles à celles de tissus biologiques peu absorbants (peau par exemple), mais de traiter des objets de géométries simples. La fi gure 10 illustre les traces

de corrélation obtenues à la traversée d’un empile-ment de lamelles de verre et à travers une portion de lentille de Fresnel immergées dans une solution aqueuse de lait opaque à l’œil nu. Ces images peu-vent être indiff éremment issues de l’un ou l’autre des procédés opératoires décrits précédemment. Les résolutions accessibles sont limitées au micro-mètre par la tâche de diff raction des optiques utili-sées dans les directions transversales de l’image et à une dizaine de micromètres par la largeur spec-trale de la source (donc par l’extension spatiale

de l’impulsion de départ) dans la direction axiale (longitudinale).L’utilisation de l’ensemble des informations dispo-nibles dans les piles d’interférogrammes permet en outre de remonter à une image tridimensionnelle de l’échantillon de mesure comme l’illustre l’exem-ple de la fi gure 11 sur laquelle est reconstituée en 3D une lentille de Fresnel immergée en solution turbide.

III - Conclusion et perspectivesLes techniques reposant sur la tomographie opti-que de cohérence sont aujourd’hui amplement uti-lisées pour l’imagerie fonctionnelle ou structurelle de tissus vivants notamment dans le domaine de l’ophtalmologie et de la cosmétique. Comme nous l’avons souligné, deux types de dispositifs sont en compétition suivant que l’on traite directement la trace échographique temporelle ou le signal spec-tral associé. L’une et l’autre de ces techniques né-cessitent de sonder l’échantillon point par point (ou ligne par ligne) afi n d’obtenir une information tridimensionnelle. Bien que des progrès considé-rables soient survenus sur l’électronique de dé-tection et de traitement, rendant aujourd’hui les temps d’acquisition acceptables, ces méthodes in-duisant un balayage, ne peuvent pas fonctionner en temps réel et assurer un suivi des dynamiques biologiques. Le travail présenté dans cet article vise à s’af-franchir le plus possible du traitement numéri-

que des informations pour s’attacher à explorer une voie d’analyse physique alternative. Cette étude préliminaire a permis de montrer que la redondance d’informations obtenue lorsque l’on peut accéder simultanément à la trace écho-graphique temporelle (technique TDOCT) et à l’information spectrale contenue dans le signal de mesure (FDOCT) peut conduire à l’obten-tion directe d’une image tridimensionnelle de l’échantillon sondé. Dans les premières analyses que nous venons de décrire, la reconstruction

Figure 9 B

Deuxième protocole opératoire.

z

Lames de verreimmergées

en solution turbide Trace échographiquerecueillie

Direction dufaisceau laser

z

Lentille deFRESNEL

Trace échographiquerecueillie

Direction dufaisceau laser

Figure 10

A) Trace échographique d’une coupe longitudinale d’un empilement de lamelles de verre. B) Trace échographique d’une coupe longitudinale de lentille de Fresnel.

A) B)

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Faisabilité d’un dispositif de tomographie optique de cohérence « temps-fréquence » temps réel

(1) BRUNNER H., LAZAR R., SESCHEK R., MEIER T., AND BENARDON D. « Photon propagation in tissues », Proc. SPIE : Handbook of Theore-tical Computer Science B, 3194, 205-211, Elsevier Science Publishers, North-Holland, 1998.

(2) TOÏDA M., KONDO M., ICHIMURA T., AND INABA H., Two dimensio-nal coherent detection, imaging in multiple scattering media based on the directional capability of the optical heterodyne method, Appl. Phys., 1991, B52, 391-394.

(3) THOMSON C., WEBB K., AND WEINER A., Imaging in scattering media use of laser speckle, JOSA, Optics and Image Science, 1997, 14, 2269-2277.

(4) HOELSCHER D., KEMMER C., RUPP F., AND BLAZEK V., « High reso-lution imaging with advanced chirp optical coherence tomography », Proc. SPIE Photonics West (San Jose), 3915/10, 2000.

(5) SCHMITT J., « Restoration of optical coherence images of living tis-sue using the CELAN algorithm », Journal of Biomedical Optics, 1998, 3, 66-75.

(6) SCHMITT J., LEE S., AND YUNK K., « An optical coherence micros-cope with enhanced power in thick tissue », Opt. Com., 1997, 142, 203-207.

(7) XIANG S., ZHAO Y., CHEN Z., AND NELSON J., « Array detection of optical coherence tomography », Proc. SPIE Photonics West (San Jose), 3915/12, 2000.

(8) DUNSTY C. AND FRENCH P. M. W., « Technique for depth-resolved imaging through turbid media including coherence-gated imaging », J. Phys. D : Appl. Phys., 2003, 36, 207-227.

(9) BRUN G., VERRIER I., TROADEC D., AND VEILLAS C., « Low cohe-rence interferometric technique for detection of transparent objects in turbid media », Opt. Com., 1999, 168, 261-275.

(10) K. BEN HOUCINE, G. BRUN, I. VERRIER, F. FROEHLY AND C. VEILLAS, « High-resolution optical correlation imaging in a scattering medium », Optics Letters, 2001, 26, 1969-1971,.

(11) K. BEN HOUCINE, M. JACQUOT, I. VERRIER, G. BRUN AND C. VEILLAS, « Imaging through turbid medium using SISAM correlator », Optics Letters, 2004, 29, 2908-2910

Figure 11

Image tridimensionnelle d’une lentille de Fresnel.3D nécessite encore de procéder soit à un ba-

layage spectral (exploration de la bande spectra-le longueur d’onde par longueur d’onde à l’aide du laser à colorant), soit à un balayage spatial de l’échantillon. L’objectif des travaux à venir est de proposer un dispositif permettant d’obtenir simultanément, en lumière blanche, le signal

temporel et le signal spectral afin de pouvoir accéder en temps réel aux piles d’interférogram-mes décrits ici et donc d’en extraire une image tridimensionnelle et fonctionnelle. L’étude du dispositif final est en cours et devrait faire l’objet d’une prochaine publication scientifique pour en présenter le principe.

BIBLIOGRAPHIE