Cours - introduction à la sémiotique peircienne

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Alexandre Coutant Cours introduction à la sémiotique peircienne [email protected] Cours introduction à la sémiotique peircienne Le principe d’une approche ternaire La phanéroscopie Charles S. Peirce développe une approche phénoménologique fondée sur l’étude des phanérons : La phanéroscopie est la description du phanéron ; par phanéron, j’entends la totalité collective de tout ce qui, de quelque manière et en quelque sens que ce soit, est présent à l’esprit, sans considérer aucunement si cela correspond à quelque chose de réel ou non (C.P. 1.284) Il ajoute que : (…) ce que nous devons faire, en étudiant la phénoménologie, est simplement d’ouvrir nos yeux mentaux et de bien regarder le phénomène et de dire quelles sont les caractéristiques qui n’y manquent jamais, que ce phénomène soit quelque chose que l’expérience externe impose à notre considération, ou qu’il s’agisse du plus fou des rêves, ou qu’il s’agisse de la conclusion la plus abstraite et la plus générale de la science. (C.P. 5.41) Pour rendre compte de ces phénomènes, Peirce fait appel à trois catégories nécessaires et suffisantes : Premier est la conception de l’être et de l’exister indépendamment de toute autre chose. Second est la conception de l’être relatif à quelque chose d’autre. Troisième est la conception de la médiation par quoi un premier et un second sont mis en relation (C.P. 6.32 ; Fr. : p. 204). Il suit ainsi un principe logique hérité d’Aristote selon lequel toutes les catégories supérieures à trois y sont malgré tout réductibles tandis que trois n’est pas réductible à deux [Everaert- Desmedt, 1990, pp. 31-32]. Peirce réfute ainsi beaucoup de penseurs modernes (C.P. 5.79- 5.81) : Condillac privilégie la première catégorie, Helmholz la deuxième, Hegel la troisième, Diffusable sous licence Creative Commons – CC BY-SA 3.0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/ 1

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Cours d'introduction à la sémiotique peircienne dans une perspective communicationnelle

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Cours introduction à la sémiotique peircienne

Le principe d’une approche ternaire

La phanéroscopieCharles S. Peirce développe une approche phénoménologique fondée sur l’étude des

phanérons :

La phanéroscopie est la description du phanéron ; par phanéron, j’entends la

totalité collective de tout ce qui, de quelque manière et en quelque sens que ce

soit, est présent à l’esprit, sans considérer aucunement si cela correspond à

quelque chose de réel ou non (C.P. 1.284)

Il ajoute que :

(…) ce que nous devons faire, en étudiant la phénoménologie, est simplement

d’ouvrir nos yeux mentaux et de bien regarder le phénomène et de dire quelles

sont les caractéristiques qui n’y manquent jamais, que ce phénomène soit quelque

chose que l’expérience externe impose à notre considération, ou qu’il s’agisse du

plus fou des rêves, ou qu’il s’agisse de la conclusion la plus abstraite et la plus

générale de la science. (C.P. 5.41)

Pour rendre compte de ces phénomènes, Peirce fait appel à trois catégories nécessaires et

suffisantes :

Premier est la conception de l’être et de l’exister indépendamment de toute autre

chose.

Second est la conception de l’être relatif à quelque chose d’autre.

Troisième est la conception de la médiation par quoi un premier et un second sont

mis en relation (C.P. 6.32 ; Fr. : p. 204).

Il suit ainsi un principe logique hérité d’Aristote selon lequel toutes les catégories supérieures

à trois y sont malgré tout réductibles tandis que trois n’est pas réductible à deux [Everaert-

Desmedt, 1990, pp. 31-32]. Peirce réfute ainsi beaucoup de penseurs modernes (C.P. 5.79-

5.81) : Condillac privilégie la première catégorie, Helmholz la deuxième, Hegel la troisième,

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d’autres comme les nominalistes n’admettent que les deux premières, Berkeley la première et

la troisième, Descartes la deuxième et la troisième. Il reproche même à Kant de ne poser

qu’en principe les trois, confondant ensuite la première et la troisième.

Chaque catégorie a un statut ontologique propre : « Si les phénomènes de Priméité

« existent » en tant que possibles, si les phénomènes de la Tiercéité « existent » en tant

qu’exprimant par des lois une tendance réelle à la réalisation, ceux de la Secondéité

correspondent aux existants bruts, aux événements singuliers, au fait. » [Veron, 1987, p. 107].

Peirce l’exprime ainsi :

La Priméité est le mode d’être de ce qui est tel qu’il est, positivement et sans

référence à quoi que ce soit d’autre.

La Secondéité est le mode d’être de ce qui est tel qu’il est par rapport à un second,

mais sans considération d’un troisième quel qu’il soit.

La Tiercéité est le mode d’être de ce qui est tel qu’il est, en mettant en relation

réciproque un second et un troisième (C.P. 8.328 ; Fr. : p. 22)

Ce qui est premier est de l’ordre de la qualité, du sentiment, un possible. Ce qui est second est

de l’ordre de l’expérience, de l’existence, un fait. La Secondéité inclue de la Priméité : un fait

est l’incarnation d’un possible. Ce qui est troisième est de l’ordre de la règle, de la médiation,

une loi. La Tiercéité comprend les deux autres catégories : une loi ne se manifeste que dans

des faits qui l’appliquent, et ces faits eux-mêmes incarnent un possible [Everaert-Desmedt,

1990, pp. 33-36]. La Priméité et la Tiercéité sont donc de l’ordre du général, tandis que la

Secondéité est de l’ordre du particulier.

Nicole Everaert-Desmedt ajoute que ces trois catégories sont liées chez l’homme et qu’elles

supposent la Tiercéité car ce dernier vit dans le symbolisme : une pensée est nécessairement

dans des signes [Ibid., p. 104]. Ceci nous amène à définir ce qu’entend Peirce par le signe.

La semiosis

Le triangle sémiotique et ses composants

Le signe fait partie d’un processus appelé la semiosis. Celle-ci correspond à la production de

la signification. Elle « est un processus triadique, qui met en relation un signe ou

representamen (1er), un objet (2e) et un interprétant (3e) » [Ibid., p. 26]. Cette relation est

symbolisée sous la forme d’un triangle :

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Figure 27 : le triangle sémiotique peircien

Celui-ci peut aussi être représenté sous la forme suivante, qui met mieux en valeur selon

Robert Marty la liaison intrinsèque des trois composants :

Figure 28 : la représentation de la triade selon Robert Marty1

Peirce définit ainsi cette relation :

Un representamen est le sujet d’une relation triadique avec un second appelé son

objet, pour un troisième appelé son interprétant, cette relation triadique étant telle

que le representamen détermine son interprétant à entretenir la même relation

triadique avec le même objet pour quelque interprétant (C.P. 1.541 ; Fr. : p. 117).

Le representamen ou signe est donc un élément en représentant un autre. Cet autre constitue

l’ objet de ce signe. Le signe n’est qu’une potentialité, un premier, tant qu’il n’est pas

interprété. L’objet est pour sa part une entité physique ou mentale, un second. Il ne peut être

sans son premier : le representamen. Peirce peut ainsi être lié à Wittgenstein : le signe

représente, il ne peut faire connaître l’objet. Celui-ci doit déjà être connu de l’interprète pour

que le signe puisse fonctionner en tant que tel. De même, l’objet d’un signe n’est pas sa

signification. Celle-ci n’est rendue possible que par l’association des trois termes : signe, objet

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et interprétant. Ce dernier constitue la médiation qui relie le signe à son objet. Il est donc

troisième car il est une règle. Peirce insiste sur une possible mésinterprétation de ses

propositions : l’interprétant n’est pas l’interprète, il est le « moyen que celui-ci utilise pour

effectuer son interprétation » [Ibid., p. 40]. De même, il distingue un objet immédiat d’un

objet dynamique : un signe ne renvoie pas nécessairement à son objet sous tous rapports mais

uniquement en fonction d’une partie de cet objet, ce que Peirce nomme le fondement du signe.

L’objet immédiat constitue alors l’objet tel qu’il est dans la réalité tandis que l’objet

dynamique constitue l’objet tel que le signe le représente. Peirce prend l’exemple de la

couleur rouge : un certaine tonalité de rouge est une qualité (premier), un potentiel qui

s’actualise dans un objet du monde réel, un morceau de papier par exemple (second). Cet

objet peut alors être utilisé comme un échantillon (troisième) de couleur pour des pots de

peinture. Le morceau de papier constitue alors le signe ou representamen de la peinture, qui

devient son objet. L’interprétant représente la loi qui permet de relier la peinture au morceau

de papier rouge pour comprendre qu’il s’agit d’un échantillon. Cette médiation ne peut se

faire si l’individu n’a jamais entendu parler d’un pot de peinture ou d’un échantillon : il ne

pourra alors utiliser l’interprétant adéquat. Enfin, le morceau de papier rouge n’informe pas

sur toutes les caractéristiques du pot de peinture : sa texture, son volume, etc, mais seulement

sur la couleur, qui est le fondement du representamen (l’échantillon peut avoir n’importe

quelle forme, matière, etc, il informera toujours sur la couleur).

On constate que ce que la sémiologie saussurienne a nommé le référent n’est pas laissé de

côté. La définition de la semiosis par Peirce atteste que ce dernier avait prévu et évité l’erreur

du binarisme :

Il est important de comprendre ce que j’entends par semiosis. Toute action

dynamique, ou action de la force brutale, physique ou psychique, ou bien s’exerce

entre deux sujets (qu’ils réagissent également l’un sur l’autre, ou que l’un soit

agent et l’autre patient, entièrement ou partiellement) ou bien est en tout cas la

résultante de ces actions entre paires. Mais par « semiosis », j’entends, au

contraire, une action ou influence qui est ou implique la coopération de trois sujets

(subjects), tels qu’un signe, son objet et son interprétant, cette influence tri-

relative (tri-relative influence) n’étant en aucune façon réductible à des actions

entre paires. Σημειωσιζ en Grec de l’époque romaine (…) signifiait l’action de

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presque n’importe quel signe ; et ma définition confère à tout ce qui agit de cette

manière le titre de « signe » (C.P. 5.484)

Un fonctionnement processuel

Peirce ne limite pas le processus interprétatif à la réalisation d’un triangle sémiotique qui

déterminerait une signification stable : « Le sens d’un signe est le signe dans lequel il doit être

traduit » (C.P. 4.132). L’interprétant devient lui-même un signe renvoyant au même objet par

l’intermédiaire d’un nouvel interprétant. Ceci donne naissance à un processus illimité qui peut

être représenté de cette manière :

Figure 29 : représentation de la semiose infinie [Everaert-Desmedt, 1990, p. 45]

Joseph Chenu y voit l’une des caractéristiques les plus importantes de la pensée peircienne :

« De quoi résulte immédiatement l’une des idées les plus profondes de Peirce, que toute

pensée est inachevée, que toute pensée contient de l’implicite et du virtuel qui exigent de

nouvelles pensées » [Chenu, 1984, p. 92]. Jean Fisette en conclue que « la signification d'un

signal réside dans la totalité des effets de sens qu'il pourrait prendre dans l'avenir » [Fisette,

1997, p. 31].

Ces remarques ont une conséquence majeure que Jean-Pierre Esquenazi remarque bien :

L’idée d’une « semiosis » illimitée nous pousse à examiner, non seulement

comment se construit et se stabilise la signification, mais encore comment elle se

modifie. Particulièrement, le changement de contexte interprétatif, capable, non de

changer les signes, mais de transformer les relations entretenues par ces signes

avec d’autres, signifie l’entrée en lice d’un nouvel univers de discours (d’un

nouveau jeu de langage) ; il détermine donc une appréhension nouvelle des signes,

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qui relativise l’ancienne, en attendant d’être relativisée à son tour. [Esquenazi,

1997, p. 67]

Il oppose à une vision absolue et infaillible de la connaissance2 une vision imprécise, faillible,

indéterminée. En effet, non seulement tous nos sens sont des médiateurs : la vision, l’ouïe,

l’odorat, le toucher, le goût ne nous donnent pas un accès direct aux choses qui permettrait

aux nominalistes de penser qu’elles peuvent être parfaitement déterminées. Ils constituent des

médiateurs qui sélectionnent l’information. En outre, la signification ne s’apparente pas à un

phénomène fini, elle est un processus en permanente reconfiguration dont la stabilité relative

donnée par les habitudes ne protège pas de l’évolution.

Les différentes trichotomies

Chacun des trois éléments constitutifs du triangle sémiotique peircien se subdivise selon les

trois catégories de la phanéroscopie :

On distinguera donc de la Priméité, de la Secondéité et de la Tiercéité dans le

representamen, dans le mode de renvoi du representamen à l’objet, et dans la

façon dont l’interprétant opère la relation entre le representamen et l’objet.

[Everaert-Desmedt, 1993, p. 46]

Cette distinction donne lieu à trois trichotomies : celle du representamen, celle de l’objet, et

celle de l’interprétant. Un representamen peut être un possible (qualisigne), un existant

(sinsigne), ou une loi (légisigne). Il peut renvoyer à son objet selon la similarité (icône), la

contiguïté contextuelle (indice) ou une loi (symbole). Enfin, l’interprétant est la règle, mais

nous avons observé qu’en vertu de la semiose infinie il devient à son tour un signe qui peut

relever de l’une des trois catégories. Il constituera alors un rhème (Priméité), un dicisigne

(Secondéité) ou un argument (Tiercéité) [Ibid., pp. 48-91]. Ces trois trichotomies peuvent être

représentées sous la forme d’un tableau :

1Signe en soiRepresentamen

2Signe-objet

3Signe-interprétant

2 Une critique régulièrement adressée à la sémiologie que Stéphane Olivesi (2006) élargit à l’ensemble des sciences de l’information et de la communication et plus encore aux applications professionnelles de ces théories. Il rejoint les propos d’Yves Jeanneret Lors d’un séminaire à l’ENS Lyon le 16 octobre 2006 sur le thème « dépasser l’alternative entre sémiotique et anthropologie ». Il soutient que la discipline a tenté d’évacuer l’incertitude du sens dès ses origines. Des conséquences sont visibles dans les applications professionnelles des sciences de l’information et de la communication : le consulting a pris la forme de déclarations de certitudes. Cette démarche est particulièrement évidente dans l’utilisation de la sémiotique et il regrette qu’on en oublie qu’elle n’est pas juste cette forme dénaturée.

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1PriméitéPossibilité

Qualisigne Icône Rhème

2SecondéitéRéel

Sinsigne Indice Dicisigne

3TiercéitéNécessité

Légisigne Symbole Argument

Figure 30 : position des catégories dans le processus interprétatif [Ibid., p. 92]

Selon le principe voulant que la secondéité contienne de la priméité et que la Tiercéité

contienne les deux catégories inférieures, nous pouvons obtenir une classe de signes élargie

que Nicole Everaert-Desmedt récapitule et exemplifie [Ibid., p. 94]. Les numéros représentent

les catégories de la phanéroscopie dont relèvent chaque élément du triangle sémiotique :

• 1.1.1. Le qualisigne iconique rhématique (ex : un sentiment vague de peine)

• 2.2.1. Le sinsigne iconique rhématique (ex : une maquette)

• 2.2.1. Le sinsigne indiciel rhématique (ex : un cri spontané)

• 2.2.2. Le sinsigne indiciel dicent (ex : une girouette)

• 3.1.1. Le légisigne iconique rhématique (ex : une onomatopée)

• 3.2.1. Le légisigne indiciel rhématique (ex : un embrayeur « je »)

• 3.2.2. Le légisigne indiciel dicent (ex : un feu rouge en contexte)

• 3.3.1. Le légisigne symbolique rhématique (ex : un nom commun « pomme »)

• 3.3.2. : Le légisigne symbolique dicent (ex : une proposition « il fait froid ici »)

• 3.3.3. Le légisigne symbolique argumental qui se scinde en trois processus : l’abduction

(ex : « il fait froid ici » interprété comme une demande de fermer la fenêtre) ; l’induction

(ex : « il n’y a pas de fumée sans feu ») ; et la déduction (ex : le feu rouge en général dans

le code de la route)

La clôture sémiotique

Claudine Tiercelin ajoute qu’il n’existe que des purs symboles. Les icônes et indice sont pour

leur part toujours liés à de la Tiercéité. Leur sens ne se précise que par l’effet de la semiose,

qui est troisième. Nous avons effectivement insisté sur le fait que l’être humain vit dans le

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symbolique : le réel n’a pas de sens, ce dernier n’existe qu’à l’intérieur de la semiosis. Ce

constat interdit toute relation duale, toute relation non médiate entre un signe et ce qu’il

signifie. La Tiercéité remplace en outre l’idée ontologique de représentabilité, ajoute

Tiercelin. Cette dernière est remplacée avantageusement par l’idée de Tiercéité qui dépasse la

pensée humaine. Peirce montre en effet avec l’exemple du tournesol suivant le soleil qu’une

structure d’intelligibilité y est décelable de la même manière. On se départit ici totalement du

modèle sémiologique saussurien, fondé sur la langue comme modèle et donc propre à

l’humain, car la catégorie ontologique de la Tiercéité est apte à rendre compte de la semiose

dans son sens le plus large [Tiercelin, 1993, pp. 62-64].

La liaison entre les catégories démontre à quel point la pensée de Peirce est analytique (i.e.

permet de comprendre l’interprétation en contexte) et non taxinomique (i.e. propose une liste

de correspondances applicable universellement). Ce qui permet à Jean-Pierre Esquenazi de

préciser l’analyse de l’image en opposant à ce terme flou et polysémique la trichotomie de

l’indice, de l’icône et du symbole. Il propose alors de forger le concept de symbole iconique

en s’attachant à deux notions : la qualité et la ressemblance. « La qualité est celle que possède

le signe et son objet, la ressemblance est la façon d’interpréter le signe comme le signe de cet

objet en fonction de cette qualité » [Esquenazi, 1997, p. 64]. Ce fonctionnement qualifie

l’icône. L’auteur évoque une possible contradiction à l’immédiateté de l’icône qui passe par le

degré d’interprétabilité. En effet, un symbole, bien que passant par une loi, permet une

interprétation beaucoup plus immédiate que l’icône. Esquenazi cite en exemple la possibilité

de donner un sens, bien que non garanti de validité, à une expression entendue à l’intérieur

d’une conversation sans avoir entendu le reste alors qu’une photographie ne nous donnera pas

de possibilités d’interprétation sans référence au contexte dans lequel nous la percevons. Il

faut donc voir selon lui dans l’icône plutôt une propension à retranscrire un système

symbolique de manière immédiate, quand elle est associée à un indice clair3. C’est pourquoi il

propose le terme de symbole iconique. Nous pouvons ajouter que ce symbole iconique est

contextualisé pour insister sur le fait qu’Esquenazi a bien retenu les trois catégories de Peirce.

Il s’accorde de la sorte avec la critique de Dominique Château (1997) des réductions du

3 C’est ce que soutient aussi Jean Fisette en remarquant que le signe linguistique est plus conventionnel que le signe visuel, mais que le monde multilingue offert par la mondialisation a forcé à effectuer un gros travail de construction d'icônes « conventionnalisées » [Fisette, 1997, pp. 37-38]. Ces nouvelles conventions sont effectivement retrouvées dans les travaux portant sur les campagnes de communication internationales (Coutant, 2004).

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système complexe de Peirce qui distinguent de purs icônes, indices, ou symboles tandis que

les signes sont toujours un assemblage des trois :

Parler d'images ou d'icône dans la traduction saussurienne amène à penser

l'universalité de ce mode de compréhension et occulte que pour Peirce il y a

nécessairement une part de symbolique, c'est cette part qui clôt la semiose en

donnant la valeur définitive au signe avant que celui-ci ne soit réinvesti dans une

autre. [Chateau, 1997, p. 18]

Cette part irréductible de symbolique fait que la sémiotique ne suffit pas en elle-même pour

répondre à la question de l'interprétation. Il faudra aller chercher comment chacun où chaque

groupe culturel utilise un niveau symbolique spécifique. Chaque classe de signe désigne

moins un type de signe qu'un « mode de fonctionnement » [Ibid., p. 57] : « la sémiotique

peircienne est le résultat provisoirement fixé en système d'une dynamique de la pensée qui

reproduit sur le plan théorique la dynamique de son objet » [Ibid., p. 45]. Peirce prend des

exemples pour illustrer, et non pour fixer une détermination : on doit toujours garder à l'esprit

que le sens définitif du signe suppose qu'il soit envisagé sous tous ses aspects, dans toutes ses

relations avec d'autres objets, ce qui est impossible. Cette remarque sous-entend l’intérêt que

peut revêtir une analyse sociologique : elle permet de déterminer quels angles sont retenus

parmi des communautés d’interprétation. Selon Veron, c’est ce qu’avait exclu l’approche

binaire : avec Saussure, la question de la construction d’un « réel », des systèmes de

représentations, de l’interprétation, a été occultée [Veron, 1987, p. 100]. Nous allons à présent

démontrer en quoi cette approche peircienne encourage une analyse sociologique de la

signification.

Une ouverture au socialEn ouvrant la théorie du signe sur le contexte, Peirce a permis d’envisager des liens avec une

théorie du social.

En effet, une notion essentielle du modèle construit par Peirce est celle d’habitude. Nous

avons déjà souligné que le signe ne peut faire connaître l’objet, nous devons tout d’abord

connaître celui-ci, en avoir fait l’expérience. Le signe ne renvoie pas non plus à l’intégralité

de l’objet mais à l’un de ses aspects. Un même objet immédiat peut donc donner lieu à

différents objets dynamiques. Les interprétants sont quant à eux limités par les habitudes, ce

que Peirce appelle l’interprétant logique final. Cette précision valide la place essentielle du

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contexte dans l’interprétation : nous nous habituons à attribuer une signification particulière à

un signe selon des contetxes sociaux. Gérard Deledalle prend l’exemple du terme « racine »,

qui renverra à un grand auteur français pour l’enseignant de lettres mais plutôt à une formule

mathématique pour un enseignant de mathématiques, à une partie du corps humain pour un

dentiste et à une partie d’un végétal pour un jardinier [Everaert-Desmedt, 1990, p. 42]. Les

interprétants sont appliqués selon des habitudes que nous forgeons au fur et à mesure de nos

socialisations. Ce qui explique la possibilité d’interpréter un message autrement que comme

l’avait prévu son auteur. Jean-Pierre Esquenazi est extrêmement clair à ce sujet :

Aucune règle d’interprétation, aucun interprétant immédiat ne détermine

exactement l’interprétation effective des signes. Les images du journal télévisé ont

beau être (télé)guidées par le présentateur, rien n’assure que dans les salons, on se

laisse conduire si facilement. Wittgenstein écrit à ce propos : « La grammaire...

décrit uniquement, mais n’explique en aucune manière, l’usage des signes. » Ce

qu’il y a donc à expliquer, ce sont les interprétations qui ont cours dans telle ou

telle société de tel ensemble de signes. [Esquenazi, 1997, p. 67]

La pression sociale va déterminer les chances pour un interprétant d’être utilisé. Esquenazi

évoque ainsi l’interprétation auctoriale des films, si socialement favorisée dans les milieux

intellectuels français qu’elle en aboutit à ce que l’on puisse nier aux interprètes le droit d’être

un public s’ils ne passent pas par celle-ci [Esquenazi, 2003, p. 11]. Une idée de la

détermination sociale des interprétants que sous-entend aussi Serge Proulx en faisant appel à

de Certeau [Proulx, 1994, p. 182] :

Propp suppose que ce qui est essentiel dans le récit est sa structure. Or la structure

n’est pas du tout essentielle, elle est un cadre qui rend possible des opérations

mais qui n’est pas du tout les opérations. En effet l’opération consiste à changer

tel ou tel détail en raison de la conjoncture, en raison du public, en raison du

moment, en raison de la tactique etc., pour faire un coup avec le récit. (de Certeau,

1983 : 95)

Claudine Tiercelin explique le rôle fondamental de « l’ensemble des habitudes ». Elles

permettent d’attribuer à l’objet un rôle causal, lui rendant possible l’exercice d’une secondéité

et l’entrée dans le processus de signification. Peirce constate une relation causale entre l’objet

et le signe mais aussi entre le signe et l’objet : « l’objet est introduit à l’existence par le

signe ». L’expérience collatérale transforme l’objet en signe pour qu’il puisse fonctionner Diffusable sous licence Creative Commons – CC BY-SA 3.0

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dynamiquement dans la relation-signe [Tiercelin, 1993, pp. 69-70]. L’idée selon laquelle « la

précision absolue est impossible » (C.P. 5.506), entendue aussi chez les sémioticiens

saussuriens, aboutit alors à une conclusion différente. Là où les seconds proposent de saturer

l’image de sens, Peirce, réfutant l’immanence, donne comme solution à ce vague le fait que

l’on comprenne régulièrement les phénomènes auxquels nous sommes confrontés, malgré

cette imprécision. Il lie ce fait à la maîtrise d’un ensemble d’interprétants grâce à une

familiarisation avec ces dernier [Ibid., p. 82]. La solution n’est donc pas sémiotique (le vague

demeure irréductible) mais sociale (des habitudes d’interprétation sont développées par des

groupes sociaux).

On rejoint les propositions critiques de Pierre Bourdieu vis-à-vis de l’analyse de discours :

une science des discours ne peut se faire qu’en référence à des groupes sociaux qui les

utilisent : « Ce n’est que par exception – c'est-à-dire dans les situations abstraites et

artificielles de l’expérimentation – que les échanges symboliques se réduisent à des rapports

de pure communication et que le contenu informatif du message épuise le contenu de la

communication » [Bourdieu, 2001, p. 105].

Bourdieu et Veron se rejoignent ainsi sur la critique d’une certaine forme d’analyse de

discours qui ne serait pas sociale. Les effets des discours ne peuvent être déduits uniquement

de son contenu :

Un énoncé performatif est voué à l’échec toutes les fois qu’il n’est pas prononcé

par une personne ayant le pouvoir de le prononcer, ou, plus généralement, toutes

les fois que les « personnes ou circonstances particulières » ne sont pas « celles

qui conviennent pour qu’on puisse invoquer la procédure en question », bref

toutes les fois que le locuteur n’a pas autorité pour émettre les mots qu’il énonce.

[Ibid., p. 109]

Ce que Veron confirme en déclarant que le pouvoir est « le système de rapports d’un discours

à ses effets » [Veron, 1987, p. 131]. Il ajoute à ce constat une critique de la focalisation sur la

technologie :

Considérer les technologies de production de discours comme des « extensions de

l’homme » à la façon de Mc Luhan, c’est faire l’économie de l’analyse du

décalage entre la production et la reconnaissance et projeter, d’une manière

mécanique, les innovations des dispositifs de production sur le sujet récepteur :

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dans le domaine des discours sociaux, l’utopie technocratique consiste toujours à

provoquer une sorte de télescopage imaginaire entre la production et la

reconnaissance, en projetant la première sur la seconde. [Ibid., pp. 146-147]

Ceci rejoint une régulière confusion entre intention et résultat et que Veron déplore, car elle

laisse dans l’ombre l’analyse des effets [Ibid., pp. 168-169].

L’intérêt de Peirce est d’encourager à porter de l’intérêt à la fois aux discours prononcés mais

aussi aux contextes dans lesquels ils le sont. Bernard Lahire (2004) soutient alors qu’il est

nécessaire d’analyser qui parle, mais aussi ce qu’il dit et à qui. C’est ainsi qu’une réelle

compréhension des effets des discours pourra être développée.

Une condition de l’actionConséquence de cette ouverture au social, l’approche peircienne encourage effectivement à

évaluer aussi l’effet de la semiose. Pour Everaert-Desmedt, « Il n’y a pas de sémiotique (de

production de signification) en dehors de la pragmatique, c'est-à-dire d’une action dans un

contexte » [Everaert-Desmedt, 1990, p. 29]. Ainsi, Peirce soutient que « La signification d’un

concept est la somme de ses effets possibles sur la conduite » [C.P. 5.9]. Ou encore, « Toute

la fonction de la pensée est de produire des habitudes d’action » [C.P. 5.400]. Nous

aboutissons à la maxime pragmatique de Peirce : « Considérer quels sont les effets pratiques

que nous pensons pouvoir être produits par l’objet de notre conception. La conception de tous

ces effets est la conception complète de l’objet ». Cette approche acquiert une résonance

particulière au regard de la difficulté constatée chez les professionnels de la communication à

évaluer les effets de leurs productions. Elle constitue une piste susceptible d’apporter plus de

réponses qu’une théorie se focalisant sur un objet produit ou sur la mémorisation de ceux-ci.

La signification d’un signe, dit Peirce, est ce qu’il fait, comment il agit sur

l’interprète, quel effet il produit. Décrire la signification d’un signe c’est décrire le

processus cognitif par lequel le signe est interprété et provoque un type d’action.

[…] La démarche interprétative conduit l’interprète de la perception à l’action,

par le biais de la pensée. [Ibid., p. 29]

Dans ces conditions, l’analyse focalisera sur ce que les praticiens recherchent tant. L’objet

cesse d’avoir la priorité sur les effets qu’il produit. Ainsi, Gérard Deledalle traduit une

proposition de Peirce laissant bien apparaître le rôle prioritaire de l’interprétation :

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Si un mot, une proposition, une phrase conduit à agir de deux manières

différentes, le mot, la proposition, la phrase n’a pas une, mais deux significations ;

Si deux mots, deux propositions, deux phrases ne donnent jamais lieu qu’à un seul

type d’action, ils n’ont pas deux signification mais une seule. [Peirce, 1978, pp.

148-149]

Le rôle de la pensée est, selon Peirce, de produire des croyances. Les croyances se distinguent

entre elles par les modes d’action différents qu’elles vont produire : si elles produisent les

mêmes modes d’action, elles sont identiques. Cependant, le pragmatisme de Peirce demeure

une tentative de clarification intellectuelle. Peirce n’entend pas appliquer son pragmatisme sur

des images, des actions, des sensations, des expériences en général, dans leur aspect

sensationnel, mais bien sur des habitudes et dispositions, « sur la manière dont nous devrions

réagir » [Tiercelin, 1993, p. 32]. Il applique son pragmatisme à l’action et à la pratique

« conçues ». Nous pouvons alors rapprocher la pensée de Peirce de celle de la sociologie de

Goffman. Les habitudes, les conduites peirciennes renvoient à l’idée de cadre de référence de

Goffman (1990) qui peuvent effectivement être compris comme des outils permettant

d’attribuer un sens aux phénomènes auxquels nous sommes confrontés et d’en découler des

conduites. Goffman complète bien la conception peircienne en montrant comment ces

habitudes se trouvent confrontées à d’autres dans des interactions (1974), créant ainsi des

normes, que nous pouvons définir comme des habitudes partagées. C’est dans cette optique

que nous pouvons lire Jean-Claude Kaufmann lorsqu’il soutient que la société dans son

ensemble est une énorme machine à fabriquer les repères du juste, du vrai, du bon, du bien, de

la norme. Il se sert des travaux de Marcel Gauchet pour ajouter que cette démarche ne cherche

pas à augmenter la connaissance pure mais à définir l'évidence des valeurs communes

[Kaufmann, 2004].

Claudine Tiercelin insiste sur le fait que c’est le signe en acte qui est important pour Peirce. Il

ne s’agit pas d’une théorie de la représentation mais de la traduction de signes en autres signes

[Tiercelin, 1993, p. 60]. Cette ultime remarque nous rappelle la dimension fondamentalement

processuelle de la philosophie peircienne.

ConclusionLa pragmatique peircienne contredit à la fois l’approche par l’intuition et la foi dans

l’immanence du sens. Elle encourage non seulement au développement d’une sociologie de la

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signification mais elle invalide aussi « l’évidence privée ». Ainsi des quatre principes

anticartésiens développés par Peirce :

1. « … Nous n’avons aucun pouvoir d’introspection, mais toute notre

connaissance du monde intérieur est dérivée par un raisonnement hypothétique de

notre connaissance des faits extérieurs. »

2. « Nous n’avons aucun pouvoir d’intuition, mais toute notre connaissance est

logiquement déterminée par des connaissances antérieures. »

3. « Nous n’avons pas le pouvoir de penser sans signes. »

4. « Nous n’avons pas de conception de l’absolument inconnaissable » [C.P.

5.265].4

La démonstration de Peirce, dans le même extrait, de la validité de ces quatre « incapacités »,

a pour conséquence d’opposer « à l’apparente simplicité de l’évidence privée, la force d’un

raisonnement pluriel et public » [Tiercelin, 1993, p. 15]. Une force que saura voir et utiliser

Eliseo Veron pour mettre au point une méthode d’analyse sémiotique fondée sur le contrat de

communication (Veron, 1983, 1985). Elle se fonde sur la nécessité de s’appuyer sur de vastes

corpus offrant la possibilité de comparer, et par là de valider statistiquement les observations

que nous établissons. On retrouve une proximité avec un principe fondamental de l’approche

sociologique. François de Singly insiste fortement sur ce point dans la partie théorique

générale autour de la sociologie qui ouvre son ouvrage sur la méthodologie du questionnaire

[De Singly, 2001].

Nous pouvons laisser Nicole Everaert-Desmedt résumer cette philosophie :

Peirce pose au centre de sa sémiotique, sur un même pied, les termes

correspondant au signifiant, au signifié, et au référent. Ces trois composantes se

projettent sur la situation d’énonciation. Nous verrons que la dimension

pragmatique est inséparable du processus sémiotique. Il n’y a aucune coupure

méthodologique chez Peirce, l’ensemble des composantes doivent nécessairement

4 Lahire soutient la même idée en citant pour sa part Jacques Bouveresse : « la conception « cartésienne » (au sens chomskyen du mot) donne aisément l'impression que nous pensons d'une certaine manière en dehors du langage et que nous utilisons le langage comme une sorte de code plus ou moins arbitraire pour extérioriser ce que nous pensons. C'est oublier que le langage dans lequel nous communiquons est également le langage dans lequel nous pensons, que nous pensons dans une certaine mesure en mot, et souvent dans les mêmes mots dont nous nous servons pour communiquer nos pensées » [Lahire, 2001, p. 202]. Nous pouvons évoquer Mikhaïl Bakhtine pour qui « la conscience est une fiction » hors d’une construction dans un matériau langagier [Bakhtine, 1977, p. 129].

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être posées en même temps, et elles ont toutes la même importance. Saussure avait

abandonné le référent en l’écartant de la tâche du linguiste, et il avait renvoyé les

aspects énonciatifs à la « parole » […] Rien de tel chez Peirce : la sémiotique sera

globale ou elle ne sera pas ! [Everaert-Desmedt, 1990, p. 24].

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