Cours I : INTRODUCTION A LA SOCIOLINGUISTIQUE I-1-Limites ...
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Cours I
INTRODUCTION A LA SOCIOLINGUISTIQUE
I-1-Limites et chevauchement avec la sociologie
On peut distinguer aujourdrsquohui un double mouvement lrsquoun qui va de la sociologie vers
la linguistique lrsquoautre qui va de la linguistique vers la sociologie Tout sociologue qui
megravene une recherche qui va au-delagrave drsquoun domaine limiteacute qui preacutetend donc agrave une vision
drsquoensemble de sa discipline fait reacutefeacuterence agrave la linguistique comme savoir organiseacute
Cette reacutefeacuterence peut signifier une aide un modegravele valable analogiquement ou le moyen
de trouver un fondement commun agrave toutes les sciences humaines laquo La sociologie est le
discours sur la socieacuteteacute situeacutee et constitueacutee en type le long drsquoun deacuteveloppement
historique global des sciences humaines dans lesquelles les œuvres (art-religion)
prendraient leur sens et leur place(hellip) Le recours agrave la linguistique est le recours agrave un
moyen (code-regravegles-traits) agrave la fois universel et typique de comprendre les œuvres et les
types de socieacuteteacutes qui vont vers notre socieacuteteacute moderne et les utopies qui y sont
possibles raquo
Nombre de sociologues sinon tous recourent agrave quelque chose qui a agrave voir avec la
linguistique sous le nom de contenu de seacutemantique de termes associeacuteshellip Inversement
le linguiste va vers la sociologie ou plus justement vers le thegraveme laquo socieacuteteacute raquo dans la
perspective drsquoune vision complegravete et diffeacuterencieacutee de la langue comme eacutetat institution
texte style et discours La linguistique est agrave la fois et constamment historique
peacutedagogique stylistique et politique parce qursquoen aucun cas la langue nrsquoest conccedilue
comme une opaciteacute mais au contraire comme une transparence analysable en multiples
diffeacuterences lesquelles conduisent soit agrave un ensemble en emboicirctements soit agrave un
eacutequilibre
Crsquoest donc la sociolinguistique qui peut constituer un lien complexe et offrir une
articulation des possibiliteacutes et des types de preuve que peuvent offrir ces deux
disciplines la linguistique et la sociologie
Les articles les revues montrent que la langue nrsquoest pas seulement un moyen de
communication entre les hommes ni un moyen de srsquoinfluencer reacuteciproquement Elle
nrsquoest pas uniquement porteuse drsquoun contenu que celui-ci soit inexprimeacute ou manifeste
mais elle est elle-mecircme un contenu Elle permet drsquoexprimer lrsquoamitieacute ou lrsquoanimositeacute
elle indicateur de la position sociale et des relations de personne agrave personne Elle
deacutetermine les situations et les sujets les buts et les aspirations drsquoune classe sociale ainsi
que lrsquoimportant et vaste domaine de lrsquointeraction qui donne agrave chaque communauteacute
linguistique son caractegravere particulier
Chacune de ces communauteacutes possegravede un certain nombre de varieacuteteacutes linguistiques
toutes diffeacuterentes les unes des autres selon leur fonction Dans la plupart des cas ces
varieacuteteacutes correspondent agrave diverses speacutecialisations relevant du domaine de la profession
ou de lrsquointeacuterecirct par exemple la langue des affaires la langues de la rue de la maison et
crsquoest pourquoi le vocabulaire la prononciation et la structure de la phrase comportent
des eacuteleacutements qui ne sont geacuteneacuteralement pas utiliseacutes et qui parfois ne sont mecircme pas
compris par toute la communauteacute linguistique Les utilisateurs de ces varieacuteteacutes
speacutecialiseacutees ne peuvent pas toujours les employer ils doivent chaque fois se servir
drsquoune varieacuteteacute linguistique qui convient aux auditeurs avec lesquels ils sont en contact
De maniegravere geacuteneacuteral ce sont ces passages drsquoune varieacuteteacute agrave lrsquoautre qui forment lrsquoobjet de
la sociolinguistique ou encore de la sociologie du langage science qui entre autres
srsquoefforce de deacuteterminer qui parle quelle varieacuteteacute de quelle langue quand agrave propos de
quoi et avec quels interlocuteurs
La sociolinguistique essaie de deacutecrire les caracteacuteristiques linguistiques et fonctionnelles
des varieacuteteacutes du reacutepertoire verbal quelle que soit leur nature (qui deacutepend de la
profession de la classe sociale de la reacutegion ou de leur interaction) car les dialectes
initialement reacutegionaux peuvent repreacutesenter des diffeacuterenciations sociales et inversement
La sociolinguistique srsquoefforce de faire plus encore Elle essaie de deacuteterminer lrsquoinfluence
linguistique drsquoune varieacuteteacute sur lrsquoautre et eacutetudie aussi de quelle maniegravere les changements
dans le processus et lrsquoinfluence reacuteciproque des reacuteseaux de locuteurs peuvent modifier
lrsquoextension de leurs reacutepertoires verbaux
Bref la sociolinguistique tacircche de deacutecouvrir quelles lois ou normes sociales
deacuteterminent le comportement linguistique dans les communauteacutes linguistiques et
srsquoefforce de les deacutelimiter et de deacutefinir ce comportement vis agrave vis de la langue mecircme
Elle essaie eacutegalement de deacuteterminer quelle valeur symbolique ont les varieacuteteacutes
linguistiques pour leurs usagers Les varieacuteteacutes peuvent signifier lrsquointimiteacute et lrsquoeacutegaliteacute
drsquoautres correspondent agrave un niveau drsquoeacuteducation ou agrave un caractegravere national en raison du
savoir neacutecessaire agrave leur emploi ou agrave ceux qui en usent Donc la sociolinguistique est
lrsquoeacutetude des caracteacuteristiques des varieacuteteacutes linguistiques des caracteacuteristiques de leurs
fonctions et des caracteacuteristiques de leurs locuteurs en consideacuterant que ces trois facteurs
agissent sans cesse lrsquoun sur lrsquoautre changent et se modifient mutuellement au sein
drsquoune communauteacute linguistique
En reacutesumeacute on peut dire que la sociolinguistique a affaire agrave des pheacutenomegravenes tregraves varieacutes
les fonctions et les usages du langage dans la socieacuteteacute la maicirctrise de la langue lrsquoanalyse
du discours les jugements que les communauteacutes linguistiques portent sur leur(s)
langue(s) la planification et la standardisation linguistiques Elle srsquoest donneacutee pour
tacircche de deacutecrire les diffeacuterentes varieacuteteacutes qui coexistent au sein drsquoune communauteacute
linguistique en les mettant en rapport avec les structures sociales aujourdrsquohui elle
englobe pratiquement tout ce qui est eacutetude du langage dans son contexte
socioculturel
Elle traite donc de trois types drsquoobjets
-La diversiteacute ou varieacuteteacutes linguistiques
-la communication conccedilue comme eacutechange entre deux ou plusieurs acteurs sociaux et
comme ensemble de pratiques socialiseacutees
-Les problegravemes qui relegravevent du plurilinguisme emprunt code switchinghellip
I-2 Limites et chevauchement avec la linguistique
Principale diffeacuterence avec la linguistique laquo geacuteneacuterale raquo celle ci deacutecrit la langue comme
un systegraveme autonome alors que la sociolinguistique considegravere la langue comme une
production un acte social
- La linguistique srsquointeacuteresse principalement agrave la description de systegravemes au
deacuteveloppement dit interne (cf linguistique historique comparatisme etc) cf la
fameuse distinction saussurienne entre langue (produit collectif) et parole (acte
individuel)
- La sociolinguistique srsquointeacuteresse principalement agrave lrsquointeraction entre la socieacuteteacute (au sens
large) et les productions linguistiques chevauchement avec la sociologie la
politologie lrsquohistoire lrsquoanthropologie cf eacutetudes des politiques linguistiques des
rapports languesidentiteacutes des rapports sociaux agrave travers eacutetudes des normes etc Plus
preacuteciseacutement une grande attention sera donneacutee agrave la variation (par opposition agrave la regravegle)
aux facteurs sociaux expliquant cette variation (geacuteographique ethnique sociale etc)
La ville comme lieu de contactvariation va devenir un lieu privileacutegieacute drsquoeacutetudes (par
opposition agrave dialectologie)
Ces diffeacuterents approches des faits langagiers se traduisent eacutegalement par des
meacutethodologies diffeacuterentes la description grammaticale drsquoune langue peut se faire agrave
partir drsquoun informateur ou drsquoun corpus de textes eacutecrits par exemple lrsquoapproche
sociolinguistique suppose des recueils de corpus en laquo situation raquo qui mettront en valeurs
la diversiteacute des usages en fonction de la diversiteacute des locuteurs
I-3- Bref aperccedilu historique de la sociolinguistique geacuteneacuterale
Avant que le terme sociolinguistique ou sociologie de la langue existe il y avait
eacutevidemment des gens qui faisaient de la sociolinguistique laquo sans le savoir raquo cf eacutetudes
dialectales sur les patois et donc prise en compte de la variation geacuteographique eacutetudes
sur les contacts de langues (Schuchardt 1842-1927 Weinreich) linguistique historique
avec en France des gens comme Meillet Marcel Cohen etc ou lrsquoanthropologie
linguistique comme Boas Sapir etc et bien au delagrave en ce qui concerne le rapport
languepenseacutee (logiciens) et le rapport styleclasse sociale
La sociolinguistique comme discipline constitueacutee srsquoest eacutelaboreacutee dans les anneacutees 1960
aux USA autour drsquoun groupe dont la plupart des membres vont devenir ceacutelegravebres dans
leur champ respectif (cf Calvet 2003) Dell Hymes Fishman Gumperz Labov
Ferguson etc Leur approche peut se reacutesumer agrave cette sentence ceacutelegravebre laquo Etudier qui
parle quoi comment ougrave et agrave qui raquo (Fishman 1965) Les rapports sociaux entre les
individus deviennent centraux et non plus peacuteripheacuteriques La sociolinguiste srsquoest
constitueacutee en opposition plus ou moins marqueacutee avec le structuralisme et bien sur avec
le geacuteneacuterativisme Chacun de ces membres deacuteveloppera un champ particulier de la
sociolinguistique
Hymes contact de langue et creacuteolistique Fishman langues des minoriteacutes et rapport
langueidentiteacuteGumperz laquo la sociolinguistique interactionelle et lrsquoethno-meacutethodologie
Labov la sociolinguistique variationiste urbaine Ferguson champ large mais pour
le domaine arabe sur lequel je reviendrai la question de la diglossie et les koines
urbaines
A partir de la fin des anneacutees soixante la sociolinguistique devient un champ important
actif qui a beaucoup apporteacute au renouvellement de nos cateacutegories en particulier gracircce au
domaine de la linguistique de contact et qui a souligneacute la relativiteacute des frontiegraveres et des
cateacutegories
Les langues qui eacutetaient perccedilues comme des systegravemes autonomes vont de plus en plus
ecirctre perccedilues comme des systegravemes poreux fluides variables etc
La sociolinguistique rappelle que les langues sont des abstractions des cateacutegories
construites par les linguistesgrammairiens et les acteurs sociaux et politiques qursquoil
srsquoagisse des cateacutegories comme langues ou dialectes ou varieacuteteacutes Toutes ces cateacutegories
ne reflegravetent pas des reacutealiteacutes inheacuterentes Donc la sociolinguiste a participeacute du mouvement
geacuteneacuteral des ideacutees en Sciences humaines de la deuxiegraveme partie du XXegraveme siegravecle ougrave on
est passeacute de conceptions essentialistes heacuteriteacutees du 19egraveme
s (cf races ethnies langues) agrave
des conceptions beaucoup plus relativistes contextualiseacutees historiciseacutees (il nrsquoexiste pas
de cateacutegories preacute-eacutetablies ce sont les acteurs et les chercheurs qui creacuteent ces cateacutegories
)
Mais comme toute discipline la sociolinguistique a eu eacutegalement tendance agrave se
fragmenter en de multiples sous domaines avec des querelles de meacutethode qui ne sont
pas toujours tregraves passionnantes Parmi les grandes tendances actuelles
a) drsquoune part tous les travaux relevant de la sociologie du langage ougrave lrsquoaccent est
surtout mis sur les groupes sociaux les politiques linguistiques etc et ougrave la description
des faits linguistiques est relativement marginale
b) la linguistique variationiste tendance Labov qui reste dans une conception
systeacutemique du langage mecircme si considegravere que la variation est le moteur de lrsquoeacutevolution
linguistique Cette branche srsquoattache principalement agrave lrsquoeacutetude des variantes sociales agrave
lrsquointeacuterieur de ces systegravemes Domaine qui attache une grande importance aux
correacutelations statistiques comme dans la sociologie et crsquoest pourquoi ce sont
essentiellement des variantes phonologiques qui sont eacutetudieacutees car sont plus facilement
comptabilisables On peut eacutegalement placer dans cette lignes les travaux de lrsquoeacutecole
anglo-saxonne qui ont beaucoup travailleacute sur le contact dialectal en milieu urbain et les
pheacutenomegravenes drsquoaccommodation dialectal (Trudgill Milroy Kersvill etc)
c) tout le domaine de la pragmatique sociolinguistique interactionnelle les actes
du discours etc ougrave lrsquoon va montrer dans des eacutetudes plutocirct micro comment les locuteurs
jouent se positionnent sur les diffeacuterents registresvarieacuteteacutes de langue
d) plus reacutecemment et principalement en France une sociolinguistique urbaine
(Bulot Calvet) qui ne prend pas simplement la ville comme cadre mais qui srsquointerroge
sur lrsquointeraction entre ville et pratiques langagiegraveres sur lrsquourbaniteacute des faits
linguistiques
e) Tout le domaine du contact de langue et de la creacuteolistique qui a connu un essor
tregraves important depuis trente ans et qui regroupe des approches tregraves diffeacuterentes
NAISSANCE DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
II-1 -LE CONTEXTE HISTORIQUE
A lrsquoinverse des linguistes les sociologues preacutefegraverent rattacher lrsquoeacutevolution de la
sociolinguistique agrave des neacutecessiteacutes sociales qursquoagrave des impeacuteratifs eacutepisteacutemologiques Ainsi
lrsquoapparition de cette nouvelle branche de la linguistique dans les pays anglo-saxons et
en France agrave des peacuteriodes diffeacuterentes est une reacuteponse aux interrogations des linguistes
lieacutee au contexte politique et social Aux Etats Unis son apparition est lieacutee agrave la
redeacutecouverte de la pauvreteacute frappant surtout les minoriteacutes Dans les anneacutees 1960-1970
un deacuteficit budgeacutetaire srsquoaggrave car les deacutepenses ne suivent pas les preacutevisions Par
ailleurs la seconde guerre du Vietnam les deux chocs peacutetroliers accentue la pousseacutee
inflationniste un ralentissement de la croissance la hausse des prix tous ces facteurs
entraicircnent une aggravation du chocircmage qui frappe surtout les minoriteacutes linguistiques
Pour remeacutedier agrave des problegravemes que lrsquoon rencontre agrave lrsquoeacutecole pour aider ces minoriteacutes
(noirs portoricains indiens) agrave srsquointeacutegrer des speacutecialistes sociologues
psychologueshellipvont effectuer des recherches laquo On redeacutecouvre que le langage joue un
rocircle important dans la diffeacuterenciation sociale comme en teacutemoignent les problegravemes
scolaires des enfants des milieux deacutefavoriseacutes Le gouvernement feacutedeacuteral lance une
politique sociale visant agrave lrsquointeacutegration scolaire des minoriteacutes linguistiques Un grand
nombre de chercheurs dont Labov Hymes Fishman se fixent comme un de leurs
objectifs drsquoaider agrave reacutesoudre ces problegravemes Ainsi Labov consacre-t-il plusieurs articles
aux causes de lrsquoeacutechec des enfants noirs dans lrsquoapprentissage de la lecture Hymes
entend examiner non seulement les outils linguistiques et la structure sociale Fishman
se penche sur les problegravemes de contact de langue Tous les trois constatent que la
linguistique structurale et geacuteneacuterative se trouve impuissante agrave traiter la question que pose
pour lrsquoeacutecole lrsquoapprentissage de la norme linguistique Pour eux la diffeacuterenciation
linguistique est inseacuteparable du pluralisme culturel dont toute socieacuteteacute est teacutemoin et le
langage est investi de valeurs eacuteconomiques et sociales raquo( Christian Baylon p16)
En France les preacuteoccupations drsquoordre sociologique ont eacuteteacute mises agrave lrsquoeacutecart par le
prestige drsquoun structuralisme agrave sujet reacuteduit et le succegraves de la grammaire de Chomsky qui
proposait un modegravele eacuteliminant le fonctionnement pragmatique du langage Gracircce aux
travaux de recherches anglo-saxons la reacuteflexion sur le langage en tant que pratique
sociale va ecirctre renouveleacutee et la linguistique franccedilaise sera obseacutedeacutee agrave partir du XIX
siegravecle par le problegraveme des rapports de la langue et des mouvements sociaux De
nombreux travaux vont apparaicirctre Ducrot fait connaicirctre ses recherches sur les actes de
parole JB Marcellesie et Gardin se sont fait largement lrsquoeacutecho des ideacutees de Labov Ces
preacuteoccupations sont lieacutees dans les anneacutees 1975-1985 peacuteriode ougrave les conditions socio-
eacuteconomiques se transforment socieacuteteacute en crise chocircmage pousseacutee nationaliste-
seacutecuritaire xeacutenophobie et problegravemes de lrsquointeacutegration car la socieacuteteacute franccedilaise
contemporaine est caracteacuteriseacutee par la confrontation drsquoimaginaires sociaux jaillissement
de des diffeacuterences affirmation des minoriteacutes agrave la recherche de valeurs neuves les
immigreacutes les chocircmeurs les minoriteacutes culturelles srsquoopposeraient aux franccedilais
A- CRISE DE LA LINGUISTIQUE STRUCTURALE
Elle preacutesente des eacutetapes qui se manifeste par des eacutecoles Le structuralisme le
distributionnalisme le fonctionnalisme Elle srsquoest deacuteveloppeacutee en isolant dans la totaliteacute
du langage un objet censeacute ecirctre homogegravene la langue en lrsquoeacutetudiant indeacutependamment de
ses reacutealisations agrave lrsquoensemble de la reacutealiteacute extralinguistique et elle a mis en place un
ensemble de concepts meacutethodologiques et descriptifs Cet ensemble de concepts cette
meacutethodologie rigoureuse a permis le deacuteveloppement drsquoune linguistique descriptive
structurale synchronique centreacutee sur la phonologie la syntaxe la fonction des eacuteleacutements
et leur distribution La grammaire geacuteneacuterative reprend de faccedilon systeacutematique le projet
drsquoune grammaire universelle elle reacutehabilite le sujet parlant mais ideacuteal et tout en
reprenant les concepts eacutetablis par les structuralistes nrsquoeacutelucident pas pour autant le
rapport entre langue et socieacuteteacute
En effet de nombreux reproches ont eacuteteacute prodigueacutes contre la linguistique structurale F
Franccedilois parle de crise de la linguistique Marcellesie affirme qursquoelle est incapable
drsquointeacutegrer de maniegravere satisfaisante la variation et de reacutepondre aux questions de la place
et du rocircle des pheacutenomegravenes langagiers dans la socieacuteteacute (Penseacutee n 209 Janvier 1980 p4)
drsquoougrave la remise en cause de certains concepts
B-LES CONCEPTS SAUSSURIENS ET LEUR REMISE EN CAUSE
-La langue
-Le signe linguistique
-La communication
Ouvrir le deacutebat fondamental sur la nature sociale du langage signifie une remise en
cause drsquoun certain nombre de concepts relatifs agrave la linguistique structurale et agrave la
grammaire geacuteneacuterative qui drsquoune certaine maniegravere ont reacutepondu agrave leur maniegravere agrave la
question fondamentale du rapport entre langage et socieacuteteacute la place qursquoy occupe cette
probleacutematique sa pertinence les reacuteponses qui y sont apporteacutees
En effet on sait le rocircle fondateur qursquoa joueacute en Europe tout au moins Le cours de
linguistique geacuteneacuterale de Ferdinand De Saussure publieacute pour la premiegravere fois en 1916
Depuis la recherche en linguistique comme dans les autres sciences de lrsquohomme et de
la socieacuteteacute srsquoest diversifieacutee drsquoun point de vue geacuteographique autant que theacuteorique voire
atomiseacutee Il convient de souligner cependant que les deux derniegraveres deacutecennies ont vu
progressivement eacutemerger un ensemble drsquohypothegraveses et de pratiques qursquoon range
volontiers sous lrsquoeacutetiquette de linguistique de la parole ou sociolinguistique et qui
srsquoopposent drsquoun point de vue eacutepisteacutemologique agrave la linguistique de la langue du
systegraveme pour reprendre la distinction Saussurienne entre langue ( savoir collectif
social organiseacute en systegraveme) et parole (ensemble des productions individuelles des
reacutealisations linguistiques concregravetes)
Donc la sociolinguistique est bien une linguistique de la parole crsquoest-agrave-dire une
linguistique qui sans neacutegliger les acquis de lrsquoapproche structuraliste des pheacutenomegravenes
langagiers situe son objet dans lrsquoordre du social et du quotidien du priveacute et du
politique de lrsquoaction et de lrsquointeraction pour eacutetudier aussi bien les variations dans
lrsquousage des mots que les rituels de conversation les situations de communication que
les institutions de la langue les pratiques singuliegraveres de langage que les pheacutenomegravenes
collectifs lieacutes au plurilinguisme
1-La langue chez Saussure
Rappelons tout drsquoabord la deacutemarche de Saussure lorsque celui-ci constitue lrsquoobjet de la
linguistique la langue
laquo Pour trouver dans lrsquoensemble du langage la sphegravere qui correspond agrave la langue il faut
se placer devant lrsquoacte individuel qui permet de reconstituer le circuit de la
parole raquo(p27) Cependant si cet acte de communication est deacutejagrave social (deux
participants) cette socialisation est bien pauvre face agrave la reacutealiteacute de lrsquointeraction
linguistique reacuteelle De toute maniegravere lrsquoacte sera encore simplifieacute Saussure ne
srsquointeacuteresse qursquoagrave lrsquoauditeur Pour expliquer ce pheacutenomegravene individuel Saussure passe agrave
un autre niveau laquo La langue nrsquoest pas une fonction du sujet parlant elle est le produit
que lrsquoindividu enregistre passivement raquo(p30) laquo elle est la partie sociale du langage
exteacuterieure agrave lrsquoindividu par son pouvoir coercitif elle est le produit que lrsquoindividu
enregistre passivement (p 30) laquo et il ne peut agrave lui seul ni la creacuteer ni la modifier raquo
(p31)
La langue a donc une double caracteacuteristique
-Une existence exteacuterieure agrave lrsquoindividu au niveau de la psychologie collective raquodans les
cerveaux drsquoun ensemble drsquoindividus car la langue nrsquoest complegravete dans aucun elle
nrsquoexiste parfaitement que dans la masse raquo(p30)
-Une inteacuteriorisation pour chaque individu laquo quelque chose qui est dans chacun drsquoeux
tout en eacutetant commun agrave tous et placeacute en dehors de la volonteacute des deacutepositaires raquo(p38)
On peut dire qursquoagrave ce niveau drsquoanalyse Saussure arrache la langue agrave lrsquoeacutetude des faits de
nature en la rattachant agrave la sociologie laquo la langue est classable parmi les faits
humains tandis que le langage ne lrsquoest pashellip raquo laquo Pour savoir dans quelle mesure une
chose est une reacutealiteacute il faudra et il suffira de rechercher dans quelle mesure elle existe
pour la conscience des sujets raquo (p128)
La langue nrsquoest pas seulement une repreacutesentation collective elle est une veacuteritable
institution sociale systegraveme de signes exprimant des ideacutees Elle est comparable de ce
point de vue aux autres systegravemes de signes et relegraveve de la seacutemiologie laquo science qui
eacutetudie la vie des signes au sein de la vie sociale et formerait une partie de la
psychologie sociale et par conseacutequent de la psychologie geacuteneacuterale raquo( CLG p33) Tel
est le point extrecircme de la reacuteduction de la linguistique agrave la sociologie atteint par
Saussure
Or la sociolinguistique considegravere que lrsquoobjet de son eacutetude ne doit pas ecirctre simplement la
langue systegraveme de signes ou la compeacutetence systegraveme de regravegles Lrsquoopposition
langueparole ou compeacutetenceperformance implique que dans le champ drsquoinvestigation
du linguiste seule la langue (ou la compeacutetence) constitue un systegraveme fermeacute Il faut
donc deacutepasser cette opposition car elle fournit un cadre trop eacutetroit pour lrsquoeacutetude de
problegravemes linguistiques importants comme lrsquoutilisation du langage dans son contexte
socioculturel Pour ce faire certains linguistes constatant le caractegravere systeacutematique de
certains faits linguistiques situeacutes en dehors de la compeacutetence telle que la deacutefinit
Chomsky essayent drsquoeacutelargir cette notion de compeacutetence pour qursquoelle recouvre des faits
que Chomsky attribue agrave la performance Ainsi Hymes degraves 1972 deacuteveloppe le concept
de compeacutetence de communication pour communiquer il ne suffit pas de connaicirctre la
langue le systegraveme linguistique il faut eacutegalement savoir comment srsquoen servir en
fonction du contexte social
CONCLUSION
On peut donc conclure que la sociolinguistique est neacutee agrave partir de lrsquoexistence de deux
facteurs concomitants
-un eacutetat de connaissances mise en question des grammaires formelles reacuteinteacutegration
des donneacutees seacutemantiques appel agrave lrsquointeraction sociale comme donneacutee de la
communication
-un eacutetat de fait existence de problegravemes linguistiques qui inteacuteressent la vie sociale de
certaines communauteacutes
Crsquoest cette dualiteacute radicale du langage agrave la fois inteacutegralement formel et inteacutegralement
traverseacute par des enjeux subjectifs et sociaux qui fait lrsquoobjet de la sociolinguistique
Cours II DEMARCHE ET OBJET DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
III-1 -DEMARCHE
La sociolinguistique implique
- une theacuteorie linguistique qursquoobserver que deacutecrire
-et une conception systeacutematique de la communication parlante une sociologie qui
observer dans quelles relations sociales
La meacutethode en sociolinguistique se reacutepartit en deux deacutemarches successives
1-une description de la structure linguistique et une description de la structure
sociologique
Pour ce faire elle emprunte les acquis theacuteoriques de lrsquoapproche structuraliste des
pheacutenomegravenes langagiers et les concepts et meacutethodes agrave la sociologie car cette
derniegravere laquo montre que tout individu est drsquoabord un objet social le produit drsquoune
socialisation Le langage est une forme de comportement social un instrument de
communication entre les hommes un reacutepertoire de varieacuteteacutes linguistiques imbriqueacutees les
une dans les autres un moyen drsquoexpression de lrsquoindividu raquo
2-une confrontation des deux disciplines geacuteneacuteralement le but viseacute est la connaissance
de la socieacuteteacute le langage est le moyen qui permet cette connaissance Naturellement la
deacutemarche du chercheur variera selon le sujet et aussi selon sa position ideacuteologique
III-2-OBJET DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
La sociolinguistique a affaire agrave des pheacutenomegravenes tregraves varieacutes
-les fonctions et les usages du langage dans la socieacuteteacute
-la maicirctrise de la langue lrsquoanalyse du discours
- les jugements que les communauteacutes linguistiques portent sur leurs langues la
planification et la standardisation linguistiqueshellip
Elle srsquoest donneacutee au deacutepart pour tacircche de deacutecrire les diffeacuterentes varieacuteteacutes qui coexistent
au sein drsquoune communauteacute linguistique en les mettant en rapport avec les structures
sociales aujourdrsquohui elle englobe pratiquement tout ce qui est eacutetude du langage dans
son contexte socioculturel
Lrsquoobjet de son eacutetude nrsquoest pas seulement la langue systegraveme de signes ou la
compeacutetence systegraveme de regravegles Elle deacutepasse cette opposition qui fournit un cadre eacutetroit
pour lrsquoeacutetude de problegravemes linguistiques importants comme lrsquoutilisation du langage dans
son contexte socioculturel et srsquoouvre vers ce que Hymes appelle la compeacutetence de
communication pour communiquer il ne suffit pas de connaicirctre la langue le systegraveme
linguistique il faut eacutegalement savoir comment srsquoen servir en fonction du contexte
social Drsquoautres linguistes tel Labov pensent que toute production linguistique
manifeste des reacutegulariteacutes et peut donc faire lrsquoobjet drsquoune description Cependant
quelque soit les diffeacuterences tous les chercheurs mettent lrsquoaccent sur un objet
unificateur le langage consideacutereacute comme une activiteacute socialement localiseacute dont lrsquoeacutetude
se megravene sur le terrain
Donc sans exageacuterer le caractegravere multipolaire de la sociolinguistique on peut dire agrave la
suite drsquoHENRI Boyer (p7) que laquo celle-ci embrasse agrave travers ses diverses tendances
lrsquoensemble des composantes de lrsquoactiviteacute de la parole non seulement la-les langues et
la socieacuteteacute mais eacutegalement le ou les discours le ou les textes le sujet et la
communication sans oublier les attitudes et les images ce qursquoon appelle les
repreacutesentations psycho-sociolangagiegraveres qui pegravesent sur les pratiques de langage et
conditionnent leur manifestation raquo
Les objets drsquoobservation et drsquoanalyse ne seront pas les mecircmes ils sont conditionneacutes par
la deacutemarche du sociolinguiste selon qursquoil srsquoattache agrave mettre en relation telle ou telle
composante
Ainsi le sociolinguiste peut vouloir inventorier les savoirs linguistiques agrave lrsquoœuvre dans
une communauteacute donneacutee eacutetudier les dialectes les sociolectes et autres varieacuteteacutes en
usage dans tel groupe Il peut eacutegalement mettre en rapport ces savoirs linguistiques et
les institutions qui leur octroient une plus ou moins grande leacutegitimiteacute sociale Il peut
encore analyser le fonctionnement des normes et des eacutevaluations sur lesquelles srsquoappuie
la parole circulante Il ne lui est pas interdit non plus drsquointerroger les divers types de
discours oraux ou eacutecrits pour en deacutecrire le fonctionnement polyphonique crsquoest-agrave-dire
la manifestation plus ou moins probleacutematique de plusieurs voix celles des
interlocuteurs mais eacutegalement la trace lrsquoeacutecho de celles qui circulent dans le contexte
social ougrave srsquoinscrivent les productions linguistiques en question
Le sociolinguiste reacuteintroduit dans son champ drsquoeacutetude le sujet peut aussi bien analyser
les statuts rocircles et places des acteurs- partenaires leur incidence sur le deacuteroulement des
interactions au travers en particulier des strateacutegies mises en œuvre Enfin la
communication elle-mecircme peut retenir son attention au travers des actes de parole
directs ou indirects de leur interpreacutetation plus ou moins preacutevisibles des rituels
sociolangagiers sur lesquels srsquoappuie la parole en communauteacute Donc la
sociolinguistique investit tous les domaines suivants (voir scheacutema suivant p7)
Cours III
VI LA VARIATION LINGUISTIQUE
La question de la variation est une question fondamentale pour la sociolinguistique car il sagit
veacuteritablement de tirer les conseacutequences du constat fait par tout linguiste mecircme deacutebutant on ne
parle pas de la mecircme faccedilon dans toutes les circonstances de sa vie Une mecircme personne au cours
dune journeacutee change consideacuterablement dusage de varieacuteteacute de langue et ceci en raison de ses
interlocuteurs de lobjet de son discours des conditions immeacutediates de productionreacuteception Bien
sucircr en fonction de son milieu social de son histoire personnelle de son implantation
geacuteographique des effets que lon veutpeut produire de la maicirctrise des registres de langues acquise
du rapport agrave la langue et agrave la socieacuteteacute on recourt agrave des varieacuteteacutes linguistiques tregraves diverses qui mecircme
si elles sont globalement appeleacutees franccedilais peuvent comporter des diffeacuterences consideacuterables aux
yeux du linguiste qui les deacutecrit Cest le deacutesir dexpliquer cette variation de trouver les causes de
chaque varieacuteteacute en rendant compte de toutes les donneacutees susceptibles decirctre mises en relation avec
les formes produites qui a donneacute naissance agrave la sociolinguistique La perspective deacuteterministe est
centrale tout ce que nous disons agrave deacutefaut de pouvoir ecirctre directement conditionneacute par
lenvironnement linguistique immeacutediat (cf les variantes conditionneacutees) doit pouvoir ecirctre expliqueacute
par ce que nous sommes on retrouve les questions QUI parle A QUI OU QUAND
COMMENT POURQUOI
En preacutefeacuterant la notion de variation linguistique et en faisant de celle-ci une des
composantes essentielles de son champ disciplinaire la sociolinguistique reacutevegravele son inteacuterecirct prioritaire
pour certaines situation de communication individuelles ou collectives ougrave les locuteurs de maniegravere
permanente ou provisoire sont conduits agrave faire coexister en eux des usages linguistiques certes
distincts mais cependant proches Lrsquoideacutee de variation implique ici celle drsquoun eacutecart mais drsquoun eacutecart
veacutecu
En effet la sociolinguistique entend deacutecrire la langue dans ses emplois ses usages Cet
usage manifeste des variations le locuteur opegravere un choix parmi les varieacuteteacutes-les sous codes- de la
langue qursquoil maicirctrise notamment en fonction de son statut social du style et de la situation qui peut
ecirctre plus ou moins formelle Le formalisme du discours peut se deacutefinir en fonction des termes
constitutifs de lrsquoeacuteveacutenement de parole on peut se sentir obligeacute de se conduire de parler correctement
drsquoune maniegravere formelle face agrave un auditeur drsquoun statut social eacuteleveacute le thegraveme de lrsquoeacutechange neacutecessite
une langue soutenue ou familiegravere deacutejagrave sur le plan lexical la deacutenomination de certains objets risque
de changer radicalement suivant les personnes auxquelles on srsquoadresse le style peut ecirctre
surveilleacute(langue soutenue) familier celui du discours quotidien tel qursquoil est employeacute dans les
situations ordinaires ougrave le langage nrsquoest pas un objet drsquoattention
La sociolinguistique distingue entre variation inter linguistique et variation intralinguistique
VI-1-LA VARIATION INTRALINGUISTIQUE OU VARIATION DANS LES USAGES DE LA
LANGUE Il y a variation intralinguistique lagrave ougrave les locuteurs utilisent deux ou plusieurs variantes drsquoun mecircme
systegraveme donc drsquoune mecircme langue A lrsquointeacuterieur drsquoune mecircme langue il y a une variation constante Celle-ci peut ecirctre geacuteographique ou sociale mais la plupart du temps ces facteurs interfegraverent lrsquousage drsquoun patois est un pheacutenomegravene geacuteographique mais qui marque aussi une hieacuterarchie sociale La variation peut prendre la forme de patois de dialectes de langues de minoriteacute (en France le basque ou lrsquoalsacienne sont pas apparenteacutes au franccedilais) Crsquoest la dialectologie qui depuis la fin du XIX eacuteme siegravecle eacutetudie ce type de pheacutenomegravenes Lrsquourbanisation massive et le deacuteveloppement des communications ont bouleverseacute la
dialectologie traditionnelle qui eacutetait tourneacutee vers le monde rural Aujourdrsquohui crsquoest le monde urbain qui offre les terrains drsquoenquecircte les plus riches Crsquoest pourquoi la sociolinguistique se propose de reacuteinteacutegrer lrsquohomme dans la langue le locuteur son milieu celui auquel il srsquoadresse la communauteacute linguistique mecircme si toutes ces donneacutees sont extrecircmement complexes De fait dans les anneacutees 60 aux eacutetats ndashunis W Labov auteur notamment drsquoune seacuterie drsquoarticles publieacutes en franccedilais dans le recueil Sociolinguistique sociolinguiste bien connu pour son rocircle dans la recherche a fait apparaicirctre lrsquoabsolue neacutecessiteacute de consideacuterer la reacutealiteacute des productions langagiegraveres et non plus des abstractions (cette recherche sur les abstractions correspondait agrave un courant de la linguistique theacuteorique) il nrsquoheacutesite pas agrave dire que la sociolinguistique crsquoest la linguistique mecircme srsquoil est obligeacute de constater que certains linguistes neacutegligent agrave tort lrsquoeacutetude du contexte social Pour nous notre objet drsquoeacutetude est la structure et lrsquoeacutevolution du langage au sein du contexte social formeacute par la communauteacute linguistique Les sujets consideacutereacutes relegravevent du domaine ordinairement appeleacute linguistique geacuteneacuterale phonologie morphologie syntaxe et seacutemantique Les problegravemes theacuteoriques que nous soulegraveverons appartiennent eacutegalement agrave cette cateacutegorie tels la forme des regravegles linguistiques leur combinaison en systegravemes la coexistence de plusieurs systegravemes et lrsquoeacutevolution dans le temps de ces regravegles et de ces systegravemes Srsquoil nrsquoeacutetait pas neacutecessaire de marquer le contraste entre ce travail et lrsquoeacutetude du langage hors de tout contexte social je dirais volontiers qursquoil srsquoagit lagrave tout simplement de linguistique Et lrsquoon peut srsquoeacutetonner qursquoil soit utile de donner une base sociale eacutelargie agrave ce domaine Que la linguistique geacuteneacuterale quel qursquoen soit le contenu doive reposer avant tout sur le langage tel que lrsquoemploient les locuteurs natifs communiquant entre eux dans la vie quotidienne cela paraicirct aller de soi Aussi est-il profitable avant de continuer de voir preacuteciseacutement pourquoi il nrsquoen a pas eacuteteacute ainsi (Labov 1976 Lrsquoeacutetude de la langue dans son contexte social pp 258-259) Pour Labov il nrsquoy a pas drsquoeacutetude de la langue sans prise en compte des hommes qui la parlent sans eacutetude de lrsquoenvironnement social De ce fait Labov tente de correacuteler les maniegraveres de parler avec des variables sociales qui peuvent ecirctre beaucoup plus fines (et qui sont deacutetermineacutees preacuteciseacutement par lrsquoanalyse) que les grandes cateacutegories sociales traditionnelles (profession sexe acircge lieu de reacutesidence etc) Labov devant les donneacutees ordinaires de la situation de communication qui comportent une forte heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et qui sont geacuteneacuteralement consideacutereacutees comme aleacuteatoires va chercher agrave eacutetablir une systeacutematiciteacute (Gadet 1992b) En quelque sorte srsquoattachant au concept de variation libre Labov essaye drsquoeacutetablir les regravegles de cette variation drsquoen montrer les conditionnements Labov met agrave jour des reacutegulariteacutes trop systeacutematiques pour ecirctre le fait du hasard et il srsquoefforce de montrer selon les formules de F Gadet qursquo+ il y a une stratification de lrsquousage de la langue dans la socieacuteteacute dont il a pu eacutetablir qursquoelle eacutetait agrave la fois reacuteguliegravere et extrecircmement fine Elle ne peut toutefois se saisir qursquoagrave travers des consideacuterations de freacutequence puisque ce nrsquoest guegravere la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoune variante qui est en cause mais des taux drsquooccurrences compareacutes (F Gadet 1992b p 6)
Il srsquoagit drsquoassocier chaque variante linguistique agrave une cause extra-linguistique (classe sociale sexe acircge habitat race attitudes du locuteurs circonstances de la communication etc) ou chaque ensemble de variantes linguistiques (reacutealisation dune variable) agrave une ou des variables sociales selon un scheacutema que lrsquoon pourrait repreacutesenter ainsi
Ensemble des variables sociales Ensemble des variables linguistiques Une fois correctement eacutetablies les variables en modifiant lrsquoune des variables sociales on devrait
obtenir une varieacuteteacute nouvelle (un ensemble de variantes diffeacuterentes) au niveau linguistique Attention on rappellera ici la notion de variante conditionneacutee On parle en linguistique de variante
conditionneacutee quand on peut eacutetablir une correacutelation stricte entre lrsquoapparition drsquoune uniteacute linguistique et le
contexte linguistique de son apparition ainsi en franccedilais du Midi la reacutealisation [o] [ɔ] est conditionneacutees ces deux formes sont deux variantes conditionneacutees drsquoune seule uniteacute phonologique le o selon la regravegle
suivante [o] en finale ex pot chaud dos o [ɔ] + C ex rose chaude jaune code Paul pocircle Dans
drsquoautres reacutegions de France on pourra trouver des o et des ɔ non conditionneacutes par le contexte comme le montrent les prononciations laquo parisiennes raquo de saute sotte ou de pocircle Paul
Crsquoest un conditionnement de ce type que Labov a tenteacute drsquoeacutetablir non plus entre un environnement linguistique et certains sons mais entre des variables extra-linguistiques (sexe acircge situation sociale) et des uniteacutes comportant du sens (du morphegraveme uniteacute minimale de signification agrave la phrase ou au discours uniteacute vaste) Dans une perspective deacuteterministe (une deacutemarche scientifique est drsquoune faccedilon ou drsquoune autre preacutesenteacutee comme deacuteterministe) Labov pense que si nous ne parvenons pas agrave eacutetablir un conditionnement strict entre des variables extra-linguistiques et des variantes linguistiques crsquoest parce que notre analyse est
incomplegravete parce que nous avons neacutegligeacute des donneacutees Il propose de ce fait de multiplier les investigations pour trouver les variables pertinentes
Avec William Labov le pegravere de lapproche variationniste en sociolinguistique on a pris lhabitude de distinguer quatre types de variation
la variation diachronique (ou historique) la variation diatopique (ou geacuteographique) la variation diastratique (ou sociale) la variation diaphasique (ou stylistique)
Variation diachronique
La variation diachronique est lieacutee au temps elle permet de cotraster les traits selon quils sont perccedilus comme plus ou moins anciens ou reacutecents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diatopique
La variation diatopique joue sur laxe geacuteographique la diffeacuterenciation dune langue suivant les reacutegions relegraveve de cette variation Pour deacutesigner les usages qui en reacutesultent on parle de reacutegiolectes de topolectes ou de geacuteolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diastratique
La variation diastratique explique les diffeacuterences entre les usages pratiqueacutees par les diverses classes sociales Il est question en ce cas de sociolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diaphasique
On parle de variation diaphasique lorsquon observe une diffeacuterenciation des usages selon les situations de discours ainsi la production langagiegravere est-elle influenceacutee par le caractegravere plus ou moins formel du contexte deacutenonciation et se coule-t-elle en des registres ou des styles diffeacuterents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Franccediloise Gadet propose dajouter la variation diameacutesique quelle deacutefinit ainsi Une autre distinction relevant eacutegalement de lusage intervient entre oral et eacutecrit Elle est particuliegraverement forte dans une langue de culture tregraves standardiseacutee comme la franccedilaise Ici cest la distinction de chenal de transmission de la parole qui constitue le point dancrage de la diffeacuterence aucun locuteur ne parle comme il eacutecrit aucun neacutecrit comme il parle La distinction nest pas purement mateacuterielle elle touche aussi la conception mecircme des discours Il faudra donc distinguer entre ce qui est un effet geacuteneacuteral de loraliteacute et ce qui relegraveve de la variation (Gadet 2004 p 98)
Cette recherche de William Labov (La stratification sociale de lrsquoanglais dans la ville de New york) a eacuteteacute
meneacutee sur la relation entre variation linguistique et stratification sociale dans une grande ville ameacutericaine et en particulier sur lrsquoanglais de noirs Une preacute-enquecircte meneacutee dans trois grands magasins diffeacuterents quant agrave la qualiteacute et au prix des produits vendus et par conseacutequent agrave la cateacutegorie sociale de leur clients a permis de montrer que les employeacutes de ces magasins qui pourtant appartenaient tous agrave la mecircme classe sociale reacutealisaient les variantes phoneacutetiques conformeacutement agrave la faccedilon de parler des clients agrave qui ils avaient affaire en fonction du magasin(du quartier ougrave il se trouvait) voire du rayon dans le magasin( de la nature des produits proposeacutes)
La seule preacutesence de lrsquoobservateur lors drsquoune enquecircte suffit agrave modifier le comportement linguistique de lrsquoenquecircteacute lequel a tendance agrave se rapprocher de la varieacuteteacute officielle ou de prestige Les modaliteacutes de lrsquoenquecircte entraicircnent eacutegalement des variations dans les productions Crsquoest ce qui a ameneacute Labov agrave varier ses strateacutegies (eacutecoute pirate deacuteguisement ) et agrave deacutefinir des styles contextuels dont le plus surveilleacute reacutepond agrave la lecture et le moins surveilleacute au discours spontaneacute familier hors enquecircte Lagrave aussi plus le locuteur accorde drsquoattention agrave son discours plus il se rapproche de la norme officielle Tout cela met en lumiegravere la fonction sociale et symbolique des variations linguistiques qui ne sont que rarement des choix deacutelibeacutereacutes
La varieacuteteacute linguistique propre agrave un groupe dominant srsquoimpose comme marque de prestige et deacutetermine lrsquoattitude des locuteurs du groupe domineacute face agrave leur propre varieacuteteacute les colonisateurs le savent bien et un de leurs premiers soucis est de transmettre leur eacutevaluation Ces travaux de dialectologie urbaine ont permis de deacutevelopper des meacutethodologies originales drsquoanalyse de lrsquousage en situation authentique lrsquoobservateur srsquoefforccedilant de ne pas fausser les donneacutees par sa preacutesence
-variation selon les groupes sociaux il peut srsquoagir de groupes constitueacutes sur les bases de lrsquoorigine
ethnique du pouvoir eacuteconomique du sexe de lrsquoacircge
-variation en fonction de la situation de communication les mecircmes locuteurs ne parlent pas de la
mecircme faccedilon selon les situations (en situation formelle ou en situation familiegravere agrave lrsquoeacutecrit et agrave lrsquooral
A partir de cette enquecircte ceacutelegravebre sur les adolescents noirs lAmeacutericain William Labov a donc rechercheacute les correacutelations entre certaines variations linguistiques et la position sociale des locuteurs etou la situation de communication
Cette deacutemarche la ameneacute agrave isoler deux niveaux de variation
- Un niveau social diffeacuterents locuteurs dune mecircme langue parlent diffeacuteremment
- Un niveau stylistique un mecircme locuteur utilise diffeacuterents registres de langage (familier soutenu) selon la situation Mais W Labov remarque que leacutecart entre langue courante et langue soutenue est beaucoup plus important chez un ouvrier que chez un cadre supeacuterieur
Pour W Labov la langue est soumise agrave trois sortes de regravegles
- Les regravegles cateacutegoriques quaucun locuteur ne viole jamais Aucun francophone ne dit laquo on venons raquo ou laquo nous vient raquo
- Les regravegles semi cateacutegoriques dont la violation - freacutequente - est interpreacutetable socialement la tournure laquo aller au coiffeur raquo est jugeacutee populaire par la norme
- Les regravegles variables
- Se meacutefier de lrsquointrospection drsquoune preacutetendue laquo compeacutetence raquo (cf Chomsky) on ne touche de fait
que des laquo performances raquo et il existe des proceacutedures objectives drsquoanalyse linguistique pour
approcher la variation ndash qui est la regravegle
- Srsquoil y a de la variation il convient toujours de tenter de lrsquoexpliquer les preacutetendues laquo variantes
libres raquo sont des variantes dont le conditionnement nous eacutechappe mais il convient de chercher
parmi les donneacutees sociales au sens large celles qui de fait conditionnent les variantes analyseacutees
-Se rappeler que lrsquoon tente toujours drsquoenquecircter sur la langue drsquoune communauteacute linguistique et non
pas sur celle drsquoun seul individu Se soucier neacutecessairement de la question de la repreacutesentativiteacute des
informateurs
En conseacutequence scepticisme quant aux laquo universaux raquo au sens ougrave ils pourraient ecirctre preacutesents
dans toutes les langues Mais crsquoest lrsquoexplication qui forge lrsquouniversaliteacute (cf ne pas confondre les
universaux de la linguistique avec des universaux du langage )
- Inteacuterecirct particulier pour le changement linguistique tout particuliegraverement les signes du
changement en cours Toutes conditions eacutegales ce qui a entraicircneacute des changements dans le passeacute se
reproduit neacutecessairement maintenant (mais ne pas oublier les caracteacuteristiques sociales qui font
partie des laquo conditions eacutegales raquo)
VI- 2 LA VARIATION INTERLINGUISTIQUE Il nrsquoest pas dans notre intention drsquoeacutenumeacuterer ici toutes les deacutefinitions ou typologies proposeacutees pour le bilinguisme mais de retenir celles qui nous semblent avoir un inteacuterecirct pour la sociolinguistique
VI-2-1 Bilinguisme et plurilinguisme
Tregraves longtemps il y a eu des deacutebats pour savoir srsquoil fallait parler de bilinguisme ou de
plurilinguisme Il y a de nombreuses deacutefinitions nous retenons celle de
-Georges Mounin laquo Le fait pour un individu de parler indiffeacuteremment deux langues raquo laquo eacutegalement
coexistence de deux langues dans la mecircme communauteacute pourvu que la majoriteacute des locuteurs soit
effectivement bilingue raquo
-Deacutefinition du dictionnaire de didactique des langues laquo le bilinguisme est une situation qui
caracteacuterise les communauteacutes linguistiques et les individus installeacutes dans les reacutegions multilingues
-Dictionnaire des sciences du langage de Todorov laquo un individu est dit multilingue srsquoil possegravede
plusieurs langues apprises lrsquoune comme lrsquoautre comme langue maternelle raquo
Le bilinguisme agrave travers ces trois deacutefinitions peut ecirctre consideacutereacute soit comme le fait drsquoune
communauteacute soit comme le fait drsquoun individu Ces diffeacuterences renvoient agrave tout un deacutebat de
linguistes qui consideacuteraient que seuls les individus peuvent ecirctre bilingues et drsquoautres qui
consideacuteraient que cette notion peut srsquoeacutetendre agrave toute une communauteacute linguistique
Se posent alors le problegraveme de degreacute drsquoextension du bilinguisme agrave partir de quel pourcentage
considegravere - t-on que la communauteacute est bilingue et quand peut-on parler de bilinguisme
Selon lrsquoacircge drsquoacquisition des langues on a pu parler de bilinguisme preacutecoce ou tardif selon la
distribution faite dans la communauteacute on parle de bilinguisme composeacute individuel stylistique ou
social Toutes ces approches deacutefendent un point de vue diffeacuterent
Les diffeacuterentes approches -Lrsquoapproche normative
Elle prend en consideacuteration le degreacute de maicirctrise de la langue deux positions srsquoaffrontent lrsquoune dit
que tout le monde est bilingue lrsquoautre que personne est bilingue
a)Tout le monde est bilingue
Les deacutefenseurs de cette thegravese pensent que dans tout acte de communication les locuteurs srsquoadaptent
agrave une situation donneacutee Or une langue varie selon les situations de communication les locuteurs
drsquoune langue disposent drsquoune varieacuteteacute drsquousages maicirctriser une langue crsquoest savoir utiliser cette
varieacuteteacute crsquoestndashagrave-dire savoir adapter son discours agrave chacune de ses situations linguistiques
Mahmoudian eacutecrit laquo on maicirctrise mieux une langue dans la mesure ougrave on manie un nombre plus
eacuteleveacute drsquouniteacutes linguistiques et que lrsquoon comprend mieux le sens qui rattache ces uniteacutes aux
circonstances raquo
Martinet laquo deacuteveloppe la mecircme ideacutee lorsqursquoil dit que la maicirctrise drsquoune langue est constitueacute par une
hieacuterarchie drsquousages possibles qui sont les usagers quotidiens les usagers solennels politiques
artistiques
Ceci implique donc que le locuteur est agrave chaque instant obligeacute drsquoadapter son langage agrave la situation
On peut dire que tout locuteur est bilingue exemple du langage becirctifieacute des parents lorsqursquoils
parlent aux enfants ou les colons qui tentent drsquoadapter leur langue maternelle aux parlers creacuteoles
b) Personne nrsquoest bilingue
Certains linguistes disent que le bilinguisme nrsquoexiste pas dans la mesure ougrave personne nrsquoest capable
de maicirctriser agrave la perfection deux langues crsquoest agrave dire sans aucune interfeacuterence Si on prend en
consideacuteration ces paramegravetres il nrsquoy a pas de bilinguisme
Andreacute Martinet explique que ce critegravere de la perfection nrsquoa guegravere de sens car mecircme un locuteur
unilingue ne possegravede pas agrave la perfection sa langue et qursquoil nrsquoen utilise pas toutes les possibiliteacutes
lexicales ou syntaxiques Ce critegravere de la perfection est rejeteacute car il ne permet nullement de deacutefinir
le bilinguisme ou le monolinguisme
c La troisiegraveme tendance tente de deacutefinir le degreacute de maicirctrise relative
Ils rapportent la meacutethode de Malherbe une seacuterie de critegraveres permettent de deacutefinir une situation de
bilinguisme
-ecirctre en mesure de mener une conversation un discours ou un sermon dans une langue eacutetrangegravere
que ce soit agrave lrsquoeacutecrit ou agrave lrsquooral Savoir lire les journaux dans cette langue et en saisir lrsquohumour
-Etre en mesure de mener une conversation intelligible dans une autre langue et pouvoir lire sa
litteacuterature
-Savoir lire implacablement lrsquoautre langue
-Savoir enseigner les deux langues
-Posseacuteder une grande maicirctrise des deux langues
-Posseacuteder une connaissance parfaite des deux langues
Que dire
La mesure de la perfection repose sur des jugements de valeur subjectifs on mecircle diffeacuterents
niveaux de maicirctrise drsquoune langue lrsquoeacutecrit et lrsquooral
On mecircle pareillement la maicirctrise drsquoune langue et lrsquoaptitude agrave lrsquoenseigner ce qui ne se justifie pas
Beaucoup savent parler une langue mais ne peuvent lrsquoenseigner
On peut dire que les systegravemes de mesure de la perfection linguistique est un faux problegraveme car
toute situation de bilinguisme est marqueacutee par une fluctuation des usages (variation continuelle)
En effet le comportement linguistique des bilingues est tregraves variable il deacutepend de nombreux facteurs drsquoordres psychologiques et sociaux Il y a des pheacutenomegravenes de pressions sociales les situations de communication qui fait qursquoon ne peut eacutetablir des grilles rigoureuses La mesure de perfection se reacutevegravele vaine il faut srsquoen tenir aux propositions de W Mackey laquo le bilinguisme doit ecirctre consideacutereacute comme un concept non pas absolu mais relatif raquo Renzo Titone ajoute en rapportant Mackey qursquoil ne faut pas poser la question cet individu est-il bilingue Mais plutocirct dans quel sens est-il bilingue crsquoest-agrave-dire qursquoil faut rendre compte de la pratique bilingue du locuteur de son comportement bilingue mais pas tenter de deacutefinir la nature du bilinguisme qursquoil pratique
Lrsquoapproche psychologique
A-Le bilinguisme infantile ou preacutecoce On parle de bilinguisme infantile quand il srsquoagit drsquoun enfant qui degraves sa naissance est
simultaneacutement confronteacute agrave deux systegravemes linguistiques diffeacuterents par exemple lorsque la megravere et le
pegravere parlent agrave lrsquoenfant chacun leur langue ou lorsqursquoune 3egraveme
personne parle une autre langue que
celle que parlent les parents En fait cette situation est plus rare que la situation de bilinguisme
preacutecoce ougrave lrsquoon a des enfants monolingues dans les premiegraveres anneacutees de leur enfance qui
apprennent ensuite une seconde langue soit par impreacutegnation du milieu familial et social soit agrave
lrsquoeacutecole Les eacutetudes agrave orientation psychologiques se proposent toujours diffeacuterents objectifs certaines
eacutetudes se proposent drsquoexaminer le comportement de lrsquoenfant qui est aussi tregraves tocirct mis en contact
avec 2 ou plusieurs langues en geacuteneacuteral ces eacutetudes essaient de deacuteterminer la conscience qursquoa
lrsquoenfant de parler ou de ne pas parler plusieurs langues on a 2 types de constatations qui
apparemment sont contradictoires
1-Il semble selon certaines expeacuteriences que les enfants acquiert les diffeacuterentes langues sans
srsquoen apercevoir On cite les propos drsquoun linguiste allemand bilingue qui degraves son plus jeune acircge agrave la
question raquo savez vous depuis le deacutebut que vous parliez deux langues Il reacutepondit laquo je suppose que
non je parlais spontaneacutement la langue de mon interlocuteur sans savoir ce que je faisais et cela
depuis le deacutebut comme jrsquoai pu le deacuteduire du teacutemoignage de mes parents
2- En face de ce premier type de recherche on a une autre type de recherche qui montre que les
enfants distingue assez tocirct entre 3 et 4 ans les diffeacuterents systegravemes qursquoil parle et preacuteciseacutement cette
capaciteacute de parler et la situation dans laquelle ils se trouvent tregraves vite ils perccediloivent ce qursquoon
attend drsquoeux dans la situation scolaire et dans la situation familiale ou amicale
Un autre facteur inteacuteressant crsquoest leur capaciteacute de traduire Renzo Titone cite le cas de conscience
diffeacuterentielle qui lui permet de diffeacuterencier les systegravemes ce qui implique que lrsquoenfant possegravede une
double compeacutetence crsquoest-agrave-dire une maicirctrise intuitive de regravegles et de meacutecanismes diffeacuterents
laquo Lrsquoenfant bilingue reacuteussit-il agrave faire le rapport entre les personnes et les situations distinctes et les
idiomes raquo
Lrsquoenfant pratique la diffeacuterenciation des systegravemes mais il ne possegravede pas la capaciteacute drsquoeacutenoncer de
formuler cette aptitude Il a une conscience intuitive qursquoil ne peut formuler
Le bilinguisme favorable ou deacutefavorable
La question souvent poseacutee est celle de savoir si le bilinguisme est favorable ou deacutefavorable
srsquoil est nuisible ou non Cette question est poseacutee agrave deux niveaux drsquoabord agrave propos des enfants on
se demande bien souvent si le bilinguisme est preacutejudiciable ou non au deacuteveloppement de lrsquoenfant
crsquoest agrave dire agrave son eacutequilibre psychologique affectif drsquoautre part si crsquoest preacutejudiciable agrave lrsquoacquisition
de sa langue maternelle et de sa langue Ces preacutesupposeacutes sont deacutementis par de nombreuses
expeacuteriences faites sur des enfants bilingues
Renzo Titone expose le cas drsquoun enfant qui apprend lrsquoallemand avec sa megravere et le franccedilais avec
son pegravere la prononciation fut celle drsquoun enfant unilingue degraves le deacutebut le bilinguisme ne retardera
pas le deacuteveloppement geacuteneacuteral du langage crsquoest agrave dire que lrsquoacquisition des deux langues nrsquoa pas
entraicircneacute de retard Les emprunts drsquoune langue agrave une autre reacuteitegraverent des cas isoleacutes Dans les deux
langues on assisteacute agrave un deacuteveloppement parallegravelement en phoneacutetique en morphologie en syntaxe
Lrsquoenfant devient tregraves vite conscient de son bilinguisme et traduisait les messages drsquoune langue agrave
une autre Il acquit le concept abstrait de langue Tous ces exemples donneacutes par Titone semblent
contredire la thegravese qui veut que le bilinguisme soit dangereux preacutejudiciable Mecircme thegravese
deacuteveloppeacutee par Abdellah Cheacuteriet pour qui le bilinguisme est contre reacutevolutionnaire dangereux
pour lrsquoauthenticiteacute et pour la langue arabe alors que Lacheraf eacutetait pour le bilinguisme
Selon Cheacuteriet le bilinguisme nrsquoest pas une voie reacutevolutionnaire pour lrsquoenseignement mais
bourgeoise car ce nrsquoest pas le bilinguisme qui donne au peuple sa formation socialiste De plus le
bilinguisme est contraire agrave lrsquoauthenticiteacute et le fait drsquoenseigner une langue eacutetrangegravere agrave lrsquoenfant
orientera sa mentaliteacute et donc son authenticiteacute
Remarque le bilinguisme est consideacutereacute sous un angle particulier on considegravere les deux
langues rivales Pourtant lrsquoAlgeacuterie est plurilingue et Cheacuteriet ne parle jamais des autres langues les
arguments avanceacutes sont biaiseacutes la reacutealiteacute linguistique nrsquoest jamais deacutecrite lrsquoarabe classique est
consideacutereacute comme une langue maternelle En fait le veacuteritable problegraveme dans des cas de bilinguisme
est la prise en charge peacutedagogique et un environnement harmonieux laquo En creacuteant un environnement
adapteacute le petit enfant pourrait tregraves bien apprendre deux langues ou plus sans grave difficulteacute et la
redoutable barriegravere linguistique serait deacutetruite agrave la base raquoTitone
3 Lrsquoapproche sociale On peut parler du bilinguisme social lorsqursquoon prend en consideacuteration lrsquoexpansion du
bilinguisme au niveau de toute une communauteacute Cette approche sociale traite drsquoun certains
nombres de questions
-le statut des langues en contact
-la distribution de ces langues crsquoest-agrave-dire comment les langues se distribuent-elles
parmi les locuteurs comment sont-elles pratiqueacutees par les locuteurs drsquoougrave lrsquoeacutetude drsquoun certains
nombre drsquoeacuteleacutements agrave prendre en charge la situation de communication lrsquoappartenance sexuelle
sociale on srsquoattache aussi au pheacutenomegravene de prestige de valorisation et de deacutevalorisation
pheacutenomegravene de meacutemorisation Crsquoest-agrave-dire lrsquoattitude du locuteur agrave lrsquoeacutegard de ceux qui parlent
-les problegravemes de planification linguistique Elle prend aussi en charge le retentissement
de tous les eacuteleacutements au niveau de la dynamique des langues crsquoest agrave dire la capaciteacute drsquoeacutevolution de
stagnation de vie ou de mort des langues quels sont les symptocircmes qui permettent de reconnaicirctre
ces pheacutenomegravenes
Lrsquoimportance de ces pheacutenomegravenes sociaux se manifeste dans lrsquoexemple que nous
empruntons agrave Juliette Garmadi 1981 La sociolinguistique PUF Paris concernant le cas du
Vaupegraves reacutegion qui se situe au centre de lrsquoAmazonie avec une frontiegravere commune agrave la Colombie et
au breacutesil
Quelles sont les caracteacuteristiques sociales de cette reacutegion il srsquoagit drsquoune population
indienne qui vit dans des habitations disperseacutees cependant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune
population seacutedentaire bien qursquoil lui arrive de se deacuteplacer Il y a plusieurs niveaux de structuration
sociale de cette population elle est structureacutee en uniteacutes deacutefinies par un seul critegravere lrsquouniteacute
linguistique Chaque groupe drsquoindividus parlant la mecircme langue est consideacutereacute comme appartenant
agrave la mecircme tribu La tribu est deacutefinie par la langue du pegravere donc tous ceux qui ont utiliseacutes degraves leur
enfance la langue du pegravere font partie de la mecircme tribu Crsquoest donc la langue du pegravere qui confegravere
lrsquoidentiteacute au groupe agrave la tribu Un indien de cette tribut doit se marier avec une femme drsquoune autre
tribu obligatoirement donc parlant une autre langue sinon cela est consideacutereacute comme un inceste
Exemple un enfant appartenant agrave une tribu doit avoir comme premiegravere langue la langue de son
pegravere la megravere est tenue drsquoapprendre la langue de son mari mais elle peut aussi parler sa langue avec
les autres femmes elle communique avec son fils la langue de son mari
Quels sont les points que suscite lrsquoattention du linguiste par rapport au vaupeacutes
-Au niveau de lrsquoeacutetendue du bilinguisme
Le plurilinguisme pourrait ecirctre envisageacute dans cette reacutegion agrave plusieurs niveaux au niveau familial
ou cellule nucleacuteaire Au niveau de la tribu au niveau du Vaupegraves
Selon Juliette Garmadi il y a une stabiliteacute du plurilinguisme que lrsquointroduction du portugais et de
lrsquoespagnol dans la reacutegion ne semble pas remettre en cause Elle affirme une des premiegraveres
conclusions que lrsquoon peut tirer de lrsquoeacutetude de la situation du Vaupegraves est que les socieacuteteacutes complexes
ne sont pas les seules garantes possibles de la stabiliteacute du plurilinguisme Elle veut dire que lrsquoon
aurait tendance agrave croire qursquoune situation comme le vaupeacutes avec lrsquoaccord de la colonisation aurait
pu voir son plurilinguisme ceacuteder devant la langue du colonisateur or il nrsquoen est rien car le
plurilinguisme du Vaupegraves se maintient tregraves bien Donc les socieacuteteacutes stables ne sont pas les seules
garantes de la stabiliteacute
Lrsquoexistence du plurilinguisme et de sa stabiliteacute ne sont lieacutees ni agrave des types drsquoinstitutions preacutecises ni
au nombre des locuteurs ni agrave la dimension ni agrave la densiteacute drsquoun pays
Juliette Garrmadi agrave travers lrsquoexemple du Vaupegraves semble remettre en question toutes ces
hypothegraveses
-Au niveau psychologique du bilinguisme
Au niveau psychologique le plurilinguisme peut ecirctre preacutecoce ou tardif ce bilinguisme est aussi
eacutequilibreacute car les langues acquises dans lrsquoenfance le sont avec une maicirctrise eacutegales
-Au niveau linguistique et seacutemio culturel
Au niveau des systegravemes culturels transmis par le langage on peut parler de bilinguisme composeacute
crsquoest agrave dire que les langues parleacutees reacutefegraverent agrave une mecircme situation seacutemio culturelle que les langues
indiennes parleacutees dans le Vaupegraves renvoient au mecircme reacutefeacuterent culturel dans la mesure ougrave la culture
indienne de cette reacutegion est homogegravene et que toutes les langues parleacutees sont le veacutehicule de cette
culture homogegravene ce qui peut se traduire en disant que les enfants du Vaupeacutes ont un seul systegraveme
de signifieacute mais qursquoils ont pour le traduire diffeacuterents signifiants correspondant aux diffeacuterentes
langues qursquoils parlent Crsquoest dans ce cas que lrsquoon parle de bilinguisme composeacute car ce dernier
implique theacuteoriquement la permeacuteabiliteacute des systegravemes linguistiques en contact crsquoest-agrave-dire qursquoil y a
tregraves souvent passage drsquoune langue agrave une autre il y a interfeacuterence agrave tout niveau phonologique
lexical et syntaxique
Conclusion
Si lrsquoon srsquoen tient au cas du Vaupeacutes on peut dire agrave propos de lrsquoAlgeacuterie qursquoelle preacutesente bien une
situation de plurilinguisme social Ce bilinguisme peut ecirctre caracteacuteriseacute agrave la fois comme preacutecoce et
tardif(beaucoup drsquoenfants apprennent les langues dans leur petite enfance mais aussi agrave lrsquoeacutecole) Ce
bilinguisme est aussi eacutequilibreacute il est plutocirct coordonneacute que composeacute car le reacutefeacuterent seacutemioculturel du
kabyle et du franccedilais est diffeacuterent du kabyle et de lrsquoarabe le franccedilais lrsquoest aussi
Cours 4
Bilinguisme et diglossie
1-Introduction
Dans une situation de contact de langues le statut de chaque langue varie suivant les rapports de
domination entre les groupes qui les parlent et les perceptions que les individus ont de ces rapports
Il srsquoensuit que les usages langagiers varient dans lrsquoespace social et geacuteographique en fonction de ces
rapports intergroupes si ces rapports changent les rapports de statut et donc les usages eux-mecircmes
varieront Crsquoest agrave de tels pheacutenomegravenes de variations sociolinguistiques que nous allons nous
inteacuteresseacutes En premier lieu nous examinerons le pheacutenomegravene de diglossie qui reacutesulte de relation de
statuts entre une langue et une varieacuteteacute de langue super-ordonneacutee et une autre langue ou varieacuteteacute de
langues subordonneacutees dont les usages respectifs sont en distribution compleacutementaire plus ou moins
stable dans une socieacuteteacute donneacutee
Selon Mackey laquo une socieacuteteacute dont tous les membres seraient capables de comprendre lire parler et
eacutecrire deux langues utiliseacutees dans cette socieacuteteacute devrait sans doute abandonner une de ces langues
car elle serait redondante Autrement dit pour que deux ou plusieurs langues survivent dans une
socieacuteteacute il est neacutecessaire qursquoelles remplissent des fonctions compleacutementaires-soit qursquoelles sont
utiliseacutees par tous les locuteurs pour des fonctions et dans des domaines distincts soit qursquoelles sont
utiliseacutees par des locuteurs appartenant agrave des groupes ethnolinguistiques diffeacuterents soit qursquoun
groupe parle la langue dominante lrsquoautre groupe la langue domineacutee avec entre les deux des
individus bilingues qui parlent la langue de lrsquoun et de lrsquoautre
1-Deacutefinition et historique de la diglossie
La notion de diglossie (du grec ancien diglottos signifiant bilingue) est un concept
sociolinguistique deacuteveloppeacute par Ferguson(1959) pour deacutecrire toute situation dans laquelle deux
varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue sont employeacutees dans des domaines compleacutementaires lrsquoune de ces
varieacuteteacute eacutetant geacuteneacuteralement de statut socialement supeacuterieur agrave lrsquoautre
Dans un sens large la diglossie existe dans toutes les socieacuteteacutes ougrave lrsquousage quotidien diffegravere
sensiblement de la norme officielle il faut que chaque varieacuteteacute soit utiliseacutees de maniegravere
systeacutematique par exemple une varieacuteteacute est employeacutee dans les domaines formelles comme
lrsquoadministration la religion la poeacutesie alors que lrsquoautre est reacuteserveacutee agrave la conversation courante aux
discussions informelles agrave la correspondance non officielle Fergusson qualifie ces deux varieacuteteacutes
lrsquoune haute et lrsquoautre basse Exemple Le monde arabe lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal La
Gregravece le grec le katharevousa et le grec populaire le dhimotiki
Le terme de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Fishman (1967) agrave lrsquousage compleacutementaire institutionnaliseacute
de deux langues distinctes dans une communauteacute donneacutee Cette situation de diglossie se caracteacuterise
par un certain nombre de traits
-La fonction la fonction des deux varieacuteteacutes H et L nrsquoest pas la mecircme il y a reacutepartition de chacune
drsquoentre elles selon les situations de communication
-la notion de prestige on se place ici au niveau de lrsquoattitude des locuteurs qui ont tendance agrave
qualifier H de supeacuterieure de plus belle de plus logique de plus apte agrave exprimer les penseacutees
importantes Ils affirment aussi qursquoils preacutefegraverent entendre un discours politique dans cette varieacuteteacute La
varieacuteteacute L est consideacutereacutee comme eacutetant infeacuterieure incapable drsquoexprimer un discours litteacuteraire
-La litteacuterature eacutetant reacutedigeacutee dans la varieacuteteacute haute elle contribue agrave ce que cette derniegravere soit tenue
dans sa plus haute consideacuteration
Le mode drsquoacquisition La varieacuteteacute basse est geacuteneacuteralement la langue maternelle son acquisition se
fait par lrsquousage donc au sein de la famille La varieacuteteacute haute srsquoapprend agrave lrsquoeacutecole
-La standardisation constitueacutee par la moyenne des usages des locuteurs ex le franccedilais standard
constitue la norme
-La stabiliteacute la situation de diglossie est passagegravere soumise agrave lrsquoeacutevolution Le rapport entre une
langue H et une langue L est ponctuel eacutepheacutemegravere susceptible drsquoeacutevolution
En fait dit Fergusson il nrsquoen est rien La situation de diglossie se caracteacuterise par la stabiliteacute elle
peut durer plusieurs siegravecles Srsquoil y a eacutevolution crsquoest par lrsquointermeacutediaire drsquoune forme de langue
intermeacutediaire qui ne remet pas en cause veacuteritablement le rapport entre H et L comme par exemple
lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal
Le concept de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Gumperz(1971) aux socieacuteteacutes multilingues dans le sens ougrave
celles-ci peuvent utiliser diffeacuterentiellement plusieurs codes (langues dialectes) dans des domaines
et des fonctions compleacutementaires comme lrsquoInde qui a deux langues officielles hautes le hindi et
lrsquoanglais en plus des langues reacutegionales
2-Le rejet de la notion de diglossie
-Martinet utilise plusieurs eacuteleacutements pour remettre en cause la notion de diglossie
Selon Martinet Fishman et Gumperz adoptent la notion de diglossie pour des raisons
sociologiques pour marquer la distinction bilinguisme individuel versus bilinguisme social La
diglossie implique le bilinguisme communautaire
Dans cette perspective on ne voit pas ce que la distinction bilinguisme diglossie apporterait de
nouveau par rapport au bilinguisme individuel et bilinguisme social
Martinet rappelle que la hieacuterarchie entre les langues nrsquoest pas absolue il nrsquoest pas toujours possible
dans toutes les situations linguistiques de deacuteterminer la hieacuterarchie Exemple le Canada
Lrsquoanglais est reacuteserveacute au domaine eacuteconomique et technique le franccedilais est reacuteserveacute au domaine
culturel Ces deux langues sont des langues de prestige bien qursquoelles ne soient pas sur un pied
drsquoeacutegaliteacuteccedila eacutetait la langue de lrsquoeacuteglise or nous dit-il cet argument nrsquoest plus valable car la
katareacuterouza a beaucoup eacutevolueacute par rapport agrave la langue religieuse
Le second argument de Drettas est la remise en cause du systegraveme de standardisation retenue par
Fergusson pour lui on ne peut retenir ce critegravere dans la mesure ougrave le corpus de reacutefeacuterence est
heacuteteacuterogegravene
3- La situation de lrsquoAlgeacuterie
Fergusson considegravere les pays arabes comme un des cas les plus anciens et les plus stables de
diglossie Tout le monde reconnaicirct le prestige de la langue arabe classique
Qui deacutecide de ce prestige Peut on dire drsquoune langue que les locuteurs refusent de parler qursquoelle
nrsquoest pas prestigieuse
Tous les grammairiens qui procircnent la disparition des dialectes au profit de lrsquoarabe classique sont
obligeacutes de reconnaicirctre que ces derniers sont bien vivants les grammairiens parlent de difficulteacute agrave
enseigner une locuteurs natifs il nrsquoexiste pas dans le monde arabe de personnes dont la langue
maternelle est la langue standard
Le prestige de la langue tient essentiellement du mythe nous avons lagrave lrsquoexemple drsquoun discours sur
les langues que les grammairiens les linguistes lrsquoeacutelite intellectuelle ont eacutetabli et qursquoils perpeacutetuent
avec la compliciteacute des instances officielles sans jamais se poser la question de lrsquoadeacutequation de ces
discours agrave la reacutealiteacute des pratiques linguistiques
4-Les tenants de la notion deacutefense et illustration de la diglossie
La deacutefense de la diglossie se fait selon deux axes principaux
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
-La diglossie expression et moyen drsquoun conflit social
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
A partir de la distinction entre varieacuteteacute H et varieacuteteacute L eacutetablie par Ferguson se construit une autre
signification celle de la diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute Il srsquoagit drsquoineacutegaliteacute au
niveau de lrsquoutilisation des deux langues mais aussi des attitudes et repreacutesentations que les locuteurs
ont agrave propos de ces langues Ces deux aspects sont tregraves importants Le terme de diglossie permet
drsquoinsister sur cette ineacutegaliteacute qui peut ecirctre quantitative lorsqursquoil srsquoagit de lrsquoextension drsquoemploi de
ces langues ainsi la varieacuteteacute H a geacuteneacuteralement une zone drsquoextension plus grande que la varieacuteteacute B
On peut parler drsquoineacutegaliteacute qualitative lorsque les langues en preacutesence ont le mecircme statut
-Bilan de La sociolinguistique dans le domaine arabearabophone
Essor tardif malgreacute la richesse du champ puisque aireegravere immenses
Pendant toute la premiegravere partie du XXegraveme siegravecle (Auparavant voir P Larcher) les eacutetudes arabes
ont eacuteteacute diviseacutees en deux grands domaines qui se recoupaient tregraves peu
a) lrsquoeacutetude la langue arabe classique b) eacutetudes dialectales
Dans les deux cas les auteurs visent agrave des descriptions de systegravemes plus ou moins homogegravenes et
stables En ce qui concerne eacutetudes dialectales description qui repose souvent sur le parler drsquoun ou
deux informateurs supposeacutes repreacutesenteacutes lrsquoensemble de leur communauteacute le parler du Caire le
parler de Cherchell le parler de Tunis etc et parfois mecircme le parler eacutegyptien le parler syrien etc
Preacutecurseurs la dialectologie et linguistique historique
Il y a quand mecircme une linguistique historique qui se pose la question de la formation de lrsquoarabe
classique ou dialectale en particulier en ce qui concerne la peacuteriode preacuteceacutedant et suivant la conquecircte
avec des questions comme est ce que lrsquoarabe classique srsquoest constitueacute sur une koineacute poeacutetique
litteacuteraire ou sur une koinegrave dialectale etc (cf P larcher) Autour de cette question de la formation
de lrsquoarabe de la deacutefinition drsquoune koinegrave qursquoil srsquoagisse drsquoune koinegrave litteacuteraire ou dialectale on aborde
les questions de contact drsquoeacutevolution de varieacuteteacutes
-Deacutefinition drsquoune koinegrave = Varieacuteteacute neacutee du contact de diffeacuterentes varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue qui
se deacutelocalise dans le sens que nrsquoest plus le symbolelrsquoeacuteleacutement identificateur drsquoun groupe
socialement et geacuteographiquement distinct et qui de ce fait tend agrave eacuteliminer les traits les plus
particuliers les plus saillants des varieacuteteacutes en contact et tend agrave conserver les traits communs
(beaucoup plus compliqueacute que cela mais tendance geacuteneacuterale)
Donc un certain nombre de travaux autour de ces questions par des gens qui ne se deacuteclarent pas
comme des sociolinguistes mais plutocirct comme des historiens de la langue ou des linguistes Fuumlck
Ferguson Blau Cohen etc etc Relient analyse historico sociale et analyse linguistique mais les
eacuteleacutementspreuves de leur argumentation sont surtout baseacutes sur des eacuteleacutements linguistiques (liste des
traits pour la koinegrave urbaine de Ferguson ou de Cohen ou plus tard de Vesteegh pour sa theacuteorie de la
pidginisationcreacuteolisation) cf on prend un certain nombre de traits des dialectes arabes
contemporains et on les compare a) avec arabe classique et b) avec les eacuteleacutements de dialectologie
historique dont on dispose et on essaie de montrer que relegravevent ou pas drsquoun processus de
koineacuteisation
Tous ces travaux autour des questions de koinegrave litteacuteraire et surtout koinegrave dialectale sont importants
car vont eacutetablir des cateacutegories dialectales baseacutees sur des critegraveres sociaux ethniques cf la distinction
entre parlers dits nomadesbeacutedouins censeacutes ecirctre plus laquo conservateurs raquo (donc avoir gardeacutes des traits
des parlers preacute-Jahili) et parlers seacutedentaires consideacutereacutes comme laquo plus innovants raquo et agrave lrsquointeacuterieur
de ces parlers seacutedentaires les parles urbains consideacutereacutes comme eacutevidemment les plus laquo mixtes raquo car
issus soit du contact entre des dialectes diffeacuterents (koinegrave) soit du contact entre des arabophones et
des non arabophones (langue de contact)
(Pour toutes ces questions de dialectologie historiques et de cateacutegorisation etc je vous renvoie aux
laquo pegraveres laquo de la dialectologie arabe cf en franccedilais Cantineau William et Philippe Marsais pour le
Maghreb Colin etc Ces cateacutegories sont elles mecircmes inspireacutees des eacutecrits de Ibn Khaldoum
VI-2-3- Le deacuteveloppement de la dialectologie
Crsquoest agrave partir de ces cateacutegories dialectales qui se distingueraient pas des traits linguistiques
particulier que se sont deacuteveloppeacutes au Moyen Orient quelques travaux fondateurs comme ceux de
Haim Blanc sur Baghdad (1966) puis de Clive Holes sur Bahrain (1987) et au Maghreb une
sociolinguistiquedialectologie laquo urbaine raquo avec des gens comme Leila Messaoudi (Rabat)
Dominique Caubet (Fegraves) etc et tous les travaux en dialectologie urbaine qui ont montreacute que
diffeacuterentes varieacuteteacutes coexistaient dans une mecircme ville en fonction des appartenances
laquo communautaires raquo crsquoest agrave dire soit appartenance religieuse (juive chreacutetienne musulmane) ou
reacutegionales ou ethniques etc et qui ont pu eacutetudier aussi le renouvellement des parlers urbains en
montrant comment des nouveaux flux de populations drsquoorigine rurale transformaient les anciens
parlers urbains et provoquaient des pheacutenomegravenes de koineacuteisation Mais au Maghreb on reste le plus
souvent dans la dialectologie urbaine plus que dans la sociolinguistique dans le sens ougrave le plus
souvent on identifie un groupe agrave une varieacuteteacute sans deacutecrire les pheacutenomegravenes de variations
drsquoalternance individuelles La personne la plus repreacutesentative de ce courant me semble Leila
Mesaoudi (2003) qui se basant sur les travaux drsquoeacutetudes urbaines (cf Mohamed Naciri pour le
Maroc) a deacuteveloppeacute une opposition entre parler citadinparler urbain et montreacute combien les anciens
parler citadins (preacute-hilalien et andalou) eacutetaient actuellement en deacuteclin face aux nouvelles koineacute
urbaines a fort traits beacutedouins raquo
Crsquoest surtout chez les anglo - saxons et au Mashrek que lrsquoon voit se deacutevelopper une
sociolinguistique variationiste urbaine avec des gens comme Clive Holes Abdel Jawad Ibrahim
Muhamed Amara Niloofar haeri Enam Al Wer etc qui eacutetudient comment eacutevoluent les usages
linguistiques des diffeacuterents types de locuteurs en fonction de leur acircge sexe degreacute drsquoeacutetudes origine
reacutegionale etc Etudes qui analysent principalement les variantes phonologiques comme la
reacutealisation du (q) en q g k la reacutealisation des inter dentales des diphtongues etc Ces
variantes phonologiques sont consideacutereacutees comme des marqueurs de telle ou telle varieacuteteacute cf le (q)
crsquoest agrave la fois classique et certains parlers urbains le g crsquoest plutocirct ruralbeacutedouin mais devenu
urbain dans de nombreux cas le crsquoest plutocirct urbain etc etc Donc on eacutetudie la reacutealisation de ces
variantes aupregraves drsquoun certain nombre de locuteurs et on croise les variables linguistiques avec des
critegraveres sociaux (acircge sexe eacuteducation etc) et on en conclut que dans tel ou tel milieu urbain
lrsquoeacutevolution linguistique va dans le sens du deacuteveloppement de telle ou telle varieacuteteacute de langue
Ce type drsquoeacutetude qui a repris au deacutebut les concepts meacutethodologie variationiste labovienne
deacuteveloppeacute aux USA GB etc srsquoest drsquoabord heurteacute agrave une application trop meacutecaniste de la deacutemarche
labovienne et a du srsquoadapter au contexte arabophone qui est un peu plus speacutecifique du fait de la
fameuse question de la diglossie la varieacuteteacute haute des villes europeacuteennes = la varieacuteteacute parleacutee par
lrsquoeacutelite de ces villes donc standard urbain = varieacuteteacute haute prestigieuse que les autres locuteurs
essaieront ou pas de reproduire en fonction des contextes urbains Les innovations souvent
introduites par les membres des classes moyennes et se diffusent vers le haut puis repris par le
bas etc Les femmes des couches populaires ont tendance agrave reprendre plus vites les variantes
prestigieuses les hommes des milieux populaires sont plus conservateurs
Dans le monde arabe on a commenceacute agrave faire une adeacutequation entre varieacuteteacute haute et fusha
(classiquemoderne) et agrave voir comment les locuteurs des diffeacuterents parlers dialectales acqueacuteraient
ou pas les marqueurs de cette varieacuteteacute haute (donc par exemple la reacutealisation du fameux (qaf) Et
puis on srsquoest rapidement aperccedilu que parallegravelement au fusha il y avait drsquoautres varieacuteteacutes prestigieuses
en particulier les varieacuteteacutes urbaines dans un certain nombre de grand centres urbains comme le
Caire Jeacuterusalem etc les migrants drsquoorigine rurale et surtout les femmes pouvaient privileacutegier la
norme urbaine sur celle du fushahellip (Palva 1982 Ibrahim 1986 etc) Ce qui a ameneacute un certain
nombre de travaux en cours agrave srsquointerroger sur la question de la norme du standard en arabe sur
lrsquoimpact de lrsquoeacuteducation (Nilofar Haeri Enam Al Wer) et donc par ricochet ont deacuteveloppeacute une
critique drsquoune conception qui se voulait plus ou moins universalisante agrave la Bourdieu les classes
dominantes se caracteacuteriseraient par leur maicirctrise de la norme langagiegravere qursquoelles imposent aux
autres Dans le monde arabe on voit que lrsquoune des normes prestigieuses est supposeacutee ecirctre le fusha
norme que peu de gens maicirctrisent dans leur vie quotidienne les eacutelites sont plutocirct plurilingues et pas
toujours tregraves arabiseacutees (ce sont souvent plutocirct les membres des classes moyennes qui ont suivit leur
eacuteducation en arabe) lrsquoautre norme peut ecirctre le vernaculaire urbain (mais pas toujours comme on le
voit pour un certain nombre de vieilles citeacutes maghreacutebines) mais cela peut ecirctre aussi une norme
beacutedouine + - ideacutealiseacutee comme cela semble ecirctre le cas en Jordanie ou face agrave la preacutesence des
palestiniens irakiens syriens etc laquo les vrais hommes jordaniens raquo semblent revendiquer une
norme locale plus beacutedouine
Bref lrsquoensemble de ces travaux plus ou moins reacutecents sur la dialectologiesociolinguistique urbaine
ont eu le meacuterite de mettre en relief la diversiteacute des situations la complexiteacute historique du
deacuteveloppement de certains parlers la pluraliteacute des normes Beaucoup de travail reste agrave faire dans
ce domaine ougrave les vraies eacutetudes de terrain baseacutees sur des corpus restent rares Deux
exemples proches celui de Casablanca et de lrsquoarabe dit marocain Alors que le Maroc est lrsquoun des
pays ougrave lrsquoon dispose drsquoune tradition dialectologique riche et de nombreux travaux contemporains
(en particulier avec les espagnols mais aussi des auteurs marocains) on srsquoaperccediloit que si lrsquoon
connaicirct un peu lrsquohistoire de la formation du parler de Casablanca au deacutebut du XXegraveme s et son
expansion on ne dispose drsquoaucune description sociolinguistique reacuteelle et on reste dans une grande
confusion entre la koinegrave marocaine et le parler de Casablanca De mecircme pour Alger la capitale de
lrsquoAlgeacuterie qui a connu une expansion consideacuterable agrave une politique drsquoarabisation plus ou moins
reacuteussie et accepteacutee quel(s) type(s) drsquoarabe se deacuteveloppent actuellement Y a t il deacuteveloppement
drsquoune koinegrave influence croissante de fusha ou au contraire deacuteveloppement croissant du code
swtiching ou les deux etchellip autant de questions qui nrsquoont pas encore eacuteteacute traiteacutees de faccedilon
satisfaisante
Il apparaicirct enfin que la sociolinguistique arabophone srsquoest peu deacuteveloppeacutee dans un cadre
interactioniste Neacutecessiteacute de deacutevelopper lrsquoanalyse interationnelle de preacutesenter des corpus en action
et de sortir un peu des approches variationistes ou des listes drsquoisoglosses
La question de la diglossie et du continuum dialectalefusha
Crsquoest un des domaines qui a eacuteteacute le plus abordeacute en sociolinguistique arabe agrave la fois dans une
approche du contactcode switching et une approche attitudinales Massivement investi par les
anglo-saxons Donc les articles fondateurs sur la Diglossie Marccedilais +- inaperccedilu Ferguson qui a eu
un impact consideacuterable et de lagrave tout un courant pour savoir la nature le type de diglossie la mise
en eacutevidence niveaux intermeacutediaires entre les deux pocircles etc
Deux grandes tendances
- celles qui consistent agrave nommer et agrave caracteacuteriser des varieacuteteacutes intermeacutediaires entre le pocircle bas
(dialecte) et le pocircle (haut) fusha On va de 3 45 avec des notions comme lsquoammiya al-muthaqafin
(Educated Spoken Arabic) Tendances deacuteveloppeacutees par des gens comme lrsquoeacutecole de Leeds Said El-
badawi au Caire etc Mais ces travaux se heurtent agrave la difficulteacute de trouver des laquo fontiegraveres raquo claires
entres les diffeacuterentes varieacuteteacutes intermeacutediaires
- lrsquoautre tendance est de consideacuterer qursquoil y a deux pocircles + - abstraits et un continuum entre les
deux pocircles sans qursquoil soit possible drsquoisoler des varieacuteteacutes speacutecifiques entre les deux A partir de cette
conception en continuum on peut eacutetudier comment se fait le meacutelange des deux codes et appliquer
un certain nombre de regravegles et meacutethodes reprises des eacutetudes sur le Code Switching et lrsquointerlangue
cela va donc des contraintes syntaxiques de lrsquoeacutepoque Poplack agrave la theacuteorie de la Matrix language de
Myers Scotton (beaucoup drsquoarticles parus dans les volumes de Aspects of Arabic Linguistics et
eacutegalement lrsquoouvrage collectif de Rouchdy 2002 par ex cf les travaux de Gunvor Medjell etc)
Ces travaux ont reccedilu un bon eacutecho dans le monde arabe en geacuteneacuterale car permettent tout en restant
dans lsquodu politiquement correcte raquo de travailler sur de lrsquoarabe moderne de sortir un peu du carcan
du classique sans faire de la laquo dialectologie raquo qui reste une discipline encore trop souvent
consideacutereacutee comme laquo orientalisanteraquo
Les travaux sur le code switching et le continuum ne pacirctissent pas drsquoune image deacutefavorable agrave
lrsquoinverse de la dialectologie qui reste entacheacutee drsquoune reacuteputation de laquo science coloniale raquo Le
domaine des eacutetudes sur diglossieCS reste prolifique et les eacutetudes montrent que la frontiegravere entre le
fusha et le dialectale sont extrecircmement poreuses des domaines reacuteserveacutes au fusha sont de plus en
plus peacuteneacutetreacutes par le dialectal incluant lrsquoeacutecrit (journalistique le roman les publiciteacutes) et tout le
domaine relevant de lrsquooral officiel (les discours publiques les meacutedias etc) et vice versa
lrsquoinfluence principalement lexicale et phonologique du fusha se fait sentir dans lrsquooral dialectal via
eacuteducationmeacutedia certaine deacutemocratisation Il y a de grand corpus en ligne (voir les ameacutericains
comme Parkinson)
On peut se demander si cette porositeacute entre les deux pocircles reflegravete une eacutevolution contemporaine ou
si elle existait auparavant mais nrsquoavait pas eacuteteacute eacutetudieacutee Si on observe le passeacute avec minutie on
constate a) que lrsquoeacutecrit a toujours eacuteteacute +- marqueacute par le dialectal cf le fameux moyen arabe et b)
que les supposeacutees populations analphabegravetes parlant le dialectal avaient un contact avec lrsquoarabe
classique via lrsquoenseignement religieux la poeacutesie sufi etc et donc il y a certainement eu et de la
part des orientalistes et des panarabistes une sureacutevaluation de cette diglossie
Ce qui semble clair cependant crsquoest que par rapport agrave certains pronostiques des anneacutees 50-60 (les
indeacutependances) crsquoest que lrsquoarabe standard moderne ne srsquoest pas imposeacute comme unique meacutedium de
communication dans lrsquoensemble du monde arabe que les laquo dialectes raquo parlers locaux eacutevoluent
mais se maintiennent plus qursquoon aurait pu le croire puisqursquoon voit mecircme resurgir des
reacutegionalismes locaux
Un domaine qui reste agrave explorer pour les deacutecennies agrave venir eacutemergence ou pas de laquo langues
parlers raquo nationauxreacutegionaux A lrsquointeacuterieur drsquoun mecircme pays est ce que sont les tendances agrave la
koineacuteisation ou le maintien des diffeacuterences qui va lrsquoemporter est-ce que ces hypotheacutetiques
varieacuteteacutes nationales seront reconnues comme telles On entend parler drsquoarabe eacutegyptien marocain
algeacuterien syriens Ce sont en grande partie des fictions qui deacutesignent en geacuteneacuterale les varieacuteteacutes parleacutees
dans les capitales mais qui ne sont pas institutionnaliseacutees ni reconnues comme des langues
officielles et dont le rayonnement nrsquointerdit pas le maintien drsquoautres varieacuteteacutes plus locales ou
reacutegionales Mais il y a toujours eu des mouvements militant (mais toujours tregraves minoritaires) pour
lrsquoinstitutionnalisant de ces laquo langues nationales raquo et la rupture avec le fusha cf au Liban en Egypte
au Maroc actuellement (cf le numeacutero de la revue Tel Quel Darja notre langue nationale) On
retrouve donc toujours lrsquoopposition entre ceux qui ont une vision discontinuiste (ammiyya et fusha
sont des systegravemes fondamentalement diffeacuterents) et ceux qui ont une vision plus continuiste
(ammiyya et fusha se complegravetent)
Autres domaines de la Sociolinguistique arabe en deacuteveloppement
- Lrsquoahelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip maternelles en contexte migratoire des regravegles du CS etc
Un autre domaine est lrsquoinfluence de cet arabe de diaspora dans les pays drsquoaccueil cf dans la
creacuteation artistique contemporaine les parlers des jeunes etc (la musique les blagues etc cf les
travaux de Dominique Caubet etc)
CONCLUSION Le terme sociolinguistique implique donc une sensibiliteacute une approche et une meacutethodologie
particuliegraveres partir du reacuteel du concret ecirctre agrave lrsquoeacutecoute des faits de langue de variation se dire que
le marginal le particulier sont toujours instructifs que les langues sont toujours en perpeacutetuel
construction et que les humains sont les acteurs de ces constructions Crsquoest un peu comme un
historien qui deacutecide de sortir de lrsquohistoire officielle de la Cour et des Grands pour srsquointeacuteresser agrave
lrsquohistoire sociale crsquoest plus difficile cela demande de plonger dans des archives plus ou moins
accessibles lisibles etc Pour le linguiste cela demande de recueillir des corpus et de prendre le
temps de les eacutecouter analyser transcrire
Le deacuteveloppement drsquoeacutetudes avec une sensibiliteacute sociolinguistique a permis de sortir drsquoun certain
carcan imposeacute agrave la fois par de nombreux laquo orientalistes raquo et par lrsquoideacuteologie pan arabe des eacutetats
arabes lrsquoarabe est de plus en plus reconnue comme une langue plurielle ayant subi des
deacuteveloppements diffeacuterents selon les lieux et les contextes jouant des rocircles diffeacuterents etc
Pour le moment on sent bien qursquoil y a cependant un fosseacute entre ces avanceacutees et les politiques
didactiques par exemple lrsquoenseignement de lrsquoarabe reste extrecircmement probleacutematique et figeacute tant
dans les pays dits arabophones que dans les pays a forte minoriteacutes non arabophones Alors que par
exemple lrsquoenseignement du FLE ou ALE a totalement inteacutegreacute un certain nombre drsquoacquis de la
sociolinguistique pragmatique linguistique discursive il ne semble pas que ce soit le cas avec
lrsquoarabe malgreacute le nombres drsquoinstituts eacutetrangers ou arabes qui se penchent sur la question
Cours 5 ATTITUDES ET REPRESENTATIONS
Le pheacutenomegravene repreacutesentationnel est un pheacutenomegravene qui a drsquoabord inteacuteresseacute les sciences humaines la psychologie la sociologie lrsquoanthropologie bien avant la linguistique et disposent au cœur de ces sciences drsquoun savoir theacuteorique Il recouvre tout le champ qursquoon nomme repreacutesentations linguistiques langagiegraveres ou sociolinguistiques discours sur les langues attitudes linguistiques jugement sur les langues rapports subjectifs agrave la langue imaginaire linguistique Cependant chaque appellation teacutemoigne drsquoun certains point de vue Guenier deacutefinit les repreacutesentations comme laquo une forme courante et non savante de connaissances
socialement partageacutees qui contribue agrave une vision de la reacutealiteacute commune agrave des ensembles sociaux et
culturels raquo(repreacutesentations linguistiques in Moreau Sociolinguistique concepts de base Mardaga
liegravege 1996 p146)
Deux caractegraveres sont agrave relever dans cette deacutefinition
_Le caractegravere non savant des repreacutesentations il srsquoagit drsquoune forme de connaissance qui ne repose
sur aucune rationaliteacute crsquoest une connaissance intuitive purement subjective Branca-Rosoff citeacute
par Boyer in Sociolinguistique territoire et objets p79 deacutesigne ce pheacutenomegravene laquo drsquoopinions
steacutereacuteotypeacutees raquo Crsquoest donc une certaine vision une certaine perception que les locuteurs ont de
leurs langues et de celles des autres
- Les repreacutesentations linguistiques sont socialement eacutelaboreacutees et partageacutees par tous les membres
drsquoune socieacuteteacute Elles fonctionnent comme des normes sociales ideacutee partageacutee par Labov qui les
situent entre la norme ideacuteologique et les usages effectifs Pour ce dernier la norme sociale est le
fondement mecircme de la communauteacute linguistique qui ne se deacutefinit plus comme un ensemble de
locuteurs partageant les mecircmes usages (au niveau des pratiques elle est plutocirct heacuteteacuterogegravene) mais
comme un ensemble de locuteurs partageant des normes subjectives communes Ainsi les langues
sont jugeacutees positivement alors que drsquoautres le sont neacutegativement Les jugements peuvent ecirctre de
nature estheacutetique peuvent concerner le systegraveme lui-mecircme la valeur de la langue sur le marcheacute
linguistique et enfin le groupe qui la parle Nous avons donc affaire agrave un pheacutenomegravene social et crsquoest
justement ce caractegravere social des repreacutesentations linguistiques qui justifie qursquoelles constituent un
objet de choix de la sociolinguistique cependant cela nrsquoexclut pas qursquoil y ait tout de mecircme une part
individuel
Les locuteurs ne se contentent pas drsquoutiliser les langues et les varieacuteteacutes de langues ils les eacutevaluent
cette eacutevaluation influe beaucoup sur leurs pratiques linguistiques On entre ici dans le domaine des
attitudes et des normes qursquoelles impliquent chaque locuteur eacutevalue sa propre pratique et celle des
autres et ces eacutevaluations jouent un rocircle important dans le changement linguistique
La linguistique diachronique analyse le changement linguistique drsquoougrave provient une innovation
pourquoi et comment srsquoimpose-t-elle est-ce pour des raisons sociologiques qursquoune langue
change Andreacute Martinet a deacutefendu la thegravese que lrsquoeacutevolution phonologique drsquoune langue ne se faisait
pas de maniegravere aleacuteatoire mais srsquoexpliquait par la neacutecessiteacute pour son systegraveme de trouver une
stabiliteacute optimale en reacuteduisant ses deacuteseacutequilibres Drsquoautres linguistes preacutefegraverent mettre lrsquoaccent sur
des meacutecanismes sociaux par exemple un groupe peut imiter la prononciation drsquoun autre jugeacutee
plus prestigieuse
Deux tendances srsquoaffrontent pour expliquer le changement on invoque souvent le principe du
moindre effort les locuteurs confondent certaines formes phoneacutetiquement tregraves proches simplifient
des constructions syntaxiques compliqueacutees Cette tendance au moindre effort du locuteur est
contrebalanceacutee par une autre qui pousse agrave ne pas compromettre la compreacutehension crsquoest-agrave-dire le
moindre effort de lrsquoauditeur
Il nrsquoest pas rare qursquoun eacutetranger en situation officielle srsquoexcuse de ne pas parler la langue de son
interlocuteur Ce faisant il teacutemoigne drsquoune certaine politesse qui compenserait en quelque sorte
laquo lrsquoimpolitesse raquo de ne pas bien parler la langue mais il teacutemoigne aussi de la valeur positive qursquoil
accorde agrave cette langue et agrave ceux qui la parlent A lrsquointeacuterieur drsquoun groupe qui parle la mecircme langue
on observe nous le verrons un un pheacutenomegravene semblable drsquoineacutegaliteacute linguistique entre locuteurs de
statut socioculturel diffeacuterent
Par ailleurs nous sommes tour agrave tour eacutemetteurs et reacutecepteurs nos compeacutetences en tant que
reacutecepteurs sont plus grandes que nos compeacutetences en tant qursquoeacutemetteurs nous nrsquoemployons pas
toutes les structures linguistiques que nous connaissons de mecircme que nous nrsquoappartenons pas agrave
toutes les cateacutegories socioculturelles que nous sommes capables de reconnaicirctre Mais le reacutecepteur
nrsquoa pas un rocircle passif
-il reconstitue le sens de lrsquoeacutenonceacute qursquoil reccediloit selon ses propres schegravemes drsquointerpreacutetation et
lrsquoensemble de ses expeacuteriences
-il perccediloit aussi des signes linguistiques qursquoil interpregravete en fonction des connotations et des
normes en cours dans la classe sociale agrave laquelle il appartient lorsque ces signes peuvent faire
lrsquoobjet de variations ils deviennent des marqueurs socioculturels
-il juge ce qursquoil perccediloit selon lrsquoimage qursquoil a du locuteur de ses intentions de la situation et
du rocircle qursquoil y joue des enjeux de lrsquoacte de langage et selon lrsquoimage qursquoil a de lui mecircme et de ses
compeacutetences la faccedilon de parler est un facteur plus reacuteveacutelateur de la classe sociale des
interlocuteurs que les vecirctements ou les apparences de train de vie
En effet si les repreacutesentations linguistiques sont de nature sociales elles sont en rapport
eacutetroit avec lrsquoideacuteologie qui tente drsquoagir sur elles et les modegraveles Cependant si les repreacutesentations
sont agrave distinguer des discours scientifiques elles sont aussi agrave distinguer des discours ideacuteologiques
tenus par le pouvoir Branca Rossof citeacute par Boyer p79 exprime fort bien cette ideacutee en affirmant
que les repreacutesentations laquo permettent de sortir de lrsquoopposition radicale entre laquo le reacuteel raquo les faits
objectifs deacutegageacutes par la description linguistique et lrsquoideacuteologie les consideacuterations normatives
comme repreacutesentations fausses repreacutesentations eacutecrans raquo Crsquoest donc entre le reacuteel et lrsquoideacuteologie
qursquoelle situe les repreacutesentations Qursquoest ce qursquoest lrsquoideacuteologie laquo Tout systegraveme de repreacutesentations
structureacute et coheacuterent visant agrave rendre compte du monde exteacuterieur de la reacutealiteacute sociale lrsquoideacuteologie se
preacutesente sous forme drsquoun discours construit et totalisant ougrave les ideacutees srsquoenchaicircnent logiquement et
les valeurs concordent raquo (discours et ideacuteologie p4)
Ainsi lrsquoideacuteologie est un systegraveme structureacute parfaitement coheacuterent eacutelaboreacute en fonction drsquoobjectifs
bien deacutetermineacutes officiel car il srsquoagit de faccedilonner lrsquoimaginaire collectif national alors que les
repreacutesentations sociales nrsquoobeacuteissent pas agrave ces contraintes elles sont le fruit drsquoun consensus social
plus ou moins libre Mais il faut souligner qursquoen pratique la limite entre ces deux repreacutesentations
nrsquoest pas toujours clairement repeacuterable et les deux se confondent les ideacuteologues au service de
lrsquoeacutetat sont drsquoabord et avant tout des membres de la socieacuteteacute le pouvoir par les moyens qui lui sont
confeacutereacutes (meacutedia eacutecoles AIE) arrive toujours agrave faccedilonner les mentaliteacutes Ainsi on aime ou on
deacuteteste une langue parce qursquoon se fait une certaine ideacutee drsquoelle ou de ces locuteurs
QUE CONCLURE Lrsquoanalyse des repreacutesentations ne peut ecirctre eacutetudieacutee sans une analyse des pratiques linguistiques
Drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutetudier agrave la fois les comportements et les attitudes des locuteurs drsquoobserver les
productions et de ne pas se contenter de recueillir des paroles des sujets qui peuvent varier selon les
situations et les interactions(voir agrave ce sujet B Maurer Houdebine Canut et Boyer)
Cours 6- LA POLITIQUE LINGUISTIQUE OU LES NORMES LA NORME
Michel Tournier deacutefinissant le normal donne les deacutefinitions suivantes
NORMAL 1 Conforme agrave la norme Ideacuteal 2 Conforme agrave la moyenne Habituelle
Ceci peut servir dintroduction agrave qui aborde la question de la norme Cest bien la un veacuteritable problegraveme car selon les lieux selon les personnes selon le domaine les deux perspectives se mecirclent effectivement et perturbent la compreacutehension Peut-on dire que la norme est un ideacuteal cest-agrave-dire de fait quelque chose que personne natteint ou nincarne vraiment Peut-on dire que la norme est faite de la moyenne des opinions ou de la moyenne des comportements Nous allons rencontrer ces deux voies comme deux eacutecueils entre lesquels il conviendra de naviguer
Georges Mounin lui-mecircme dans son Dictionnaire de la Linguistique (PUFQuadriges reacuteeacuted 1993) commence son article Norme de la faccedilon suivante Moyenne des divers usages dune langue agrave une eacutepoque donneacutee ou usage imposeacute comme le plus correct ou le plus prestigieux par une partie de la socieacuteteacute (le bon usage)
En fait si le normal et le normatif restent des concepts tregraves grand public qui suscitent des deacutefinitions un peu floues il convient de souligner que la norme du franccedilais nest en aucun cas deacutetermineacutee en regardant les usages majoritaires Cest la varieacuteteacute de franccedilais qui agrave une eacutepoque donneacutee est procircneacutee par la socieacuteteacute franccedilaise qui simpose agrave chacun mais aussi qui est deacutefendue par chacun mecircme ceux qui en sont tregraves eacuteloigneacutes y sont attacheacutes Cest dans les classes populaires que tout en pratiquant dautres varieacuteteacutes on tient le plus agrave ce que soit enseigneacutee la norme que lon se soucie de savoir ce qui est correct ce qui ne lest pas - la norme eacutetant plus ou moins assimileacutee agrave ce qui permet de reacuteussir puisque ceux qui ont reacuteussi sont censeacutes pratiquer la norme en offrir une image On devine ainsi que la norme de fait est la varieacuteteacute pratiqueacutee par les hautes couches de la socieacuteteacute dans les situations formelles ougrave elles donnent agrave voir leur langue - varieacuteteacute dailleurs plus ou moins fantasmeacutee (et par lagrave sans doute rejoint-on la notion dideacuteal) que personne ne pratique vraiment et qui ainsi apparaicirct toujours au-delagrave des usages reacuteels Indeacuteniablement cependant des usages se rapprochent davantage de ce qui est preacutesenteacute comme la norme (dans les dictionnaires dans les grammaires) mais ces ouvrages parce quils sont eacutecrits utilisent et preacutesentent obligatoirement une varieacuteteacute diffeacuterente de loral et contribuent agrave la dichotomie si souvent formuleacutee par Monsieur Toutlemonde agrave leacutecrit ccedila va ma langue est correcte mais agrave loral je nai pas le temps de reacutefleacutechir et je parle mal
Dans ces conditions on soulignera que
la norme est une varieacuteteacute eacutecrite que lon enseigne en principe qui est formaliseacutee et toujours plus ou
moins eacuteloigneacutee des varieacuteteacutes parleacutees mecircme quand elles reccediloivent un jugement favorables de
locuteurs solliciteacutees pour donner leur avis
On ne parle jamais comme on eacutecrit (cf chapitre sur langues orales langues eacutecrites) mais les
couches sociales qui ont reacuteussi sont censeacutees davantage incarner la norme
Il est certain que plus les eacutetudes des sujets ont eacuteteacute longues plus ils pratiquent couramment des
varieacuteteacutes proches de lideacuteal quon appelle la norme ne serait-ce que parce que leur impreacutegnation agrave
travers une longue pratique de la langue eacutecrite rejaillit sur leur pratique orale Mais ne neacutegligeons
pas toutefois les facteurs sociologiques et eacuteconomiques qui interfegraverent avec ce que lon croit
attribuer agrave leur langue (richesse visible aisance sociale position eacuteconomique domination
sociale)
Ne veut-on pas imiter ceux quon preacutesente comme les modegraveles normatifs plus parce quils ont
reacuteussi que parce quils parlent bien la cravate de PPDA(1) sa faccedilon de shabiller son aisance et
son sourire parfaitement placeacute ne jouent-ils pas un plus grand rocircle que sa langue mecircme (on connaicirct
dailleurs lusage du prompter agrave la teacuteleacutevision ) pour le faire citer comme quelquun qui parle bien
Indeacuteniablement - et dans toute socieacuteteacute - servent de modegravele ceux qui ont reacuteussi et non pas ceux qui
sont consideacutereacutes comme des parias (cf les clochards ou SDF)
Noublions pas en outre que si les accents reacutegionaux ne sont plus aussi stigmatiseacutes maintenant
quil y a une trentaine danneacutees ils sont lobjet malgreacute tout de preacutecautions subtiles qui amegravenent ceux
qui atteignent les plus hautes responsabiliteacutes sociales agrave sen deacutefaire partiellement (cf le Preacutesident
Giscard dEstaing prenant des cours dorthoeacutepie pour se deacutebarrasser de son accent auvergnat qui
neacutetait pas de mise pour quelquun preacutetendant aux plus hautes fonctions et donc Preacutesident de tous
les Franccedilais) ou bien qui amegravene agrave seacutelectionner pour les plus hautes responsabiliteacutes ceux qui ont un
accent consideacutereacute comme convenable celui qui est accepteacute agrave une eacutepoque donneacutee les deux
comportements interfegraverent constamment et se reacutepondent pour eacuteliminer de la parole publique avec
une image favorable (et non pas plus ou moins ridicule) ceux qui seraient les plus eacuteloigneacutes de la
norme
Les caracteacuteristiques de la norme orale eacutevoluent au fil des siegravecles notre r actuel assez faible
un peu plus grasseyeacute agrave Paris quagrave Marseille nest plus du tout le r rouleacute que prononccedilait les
nobles il y a quelques siegravecles mais elles eacutevoluent bien plus lentement que lusage reacuteel
La norme est donc bien une question qui relegraveve fondamentalement de la sociolinguistique
deacutetermineacutee fixeacutee agrave chaque eacutepoque sur des critegraveres socio-eacuteconomiques elle se transmet dans
lenseignement et donc apparaicirct comme beaucoup plus permanente que les autres varieacuteteacutes non
formaliseacutees qui ne se transmettent que familialement (acquisition non formelle) Leacutecole joue ainsi
un rocircle essentiel dans la transmission la permanence le statut les preacuterogatives accordeacutees agrave la
norme Cest elle qui peut la reacutepandre de faccedilon quasiment universelle dans un pays Sa non-
transmission - cf le discreacutedit de leacutecole pour toute transmission ou la moindre importance accordeacutee
agrave la langue correcte agrave notre eacutepoque - ont pour premier reacutesultat que les couches sociales les plus
eacuteloigneacutees de la norme ny accegravedent plus La norme ne disparaicirct pas pour autant mais elle est alors
surtout lobjet de transmission familiale dans les familles conscientes et capables den assurer la
transmission indeacutependamment de leacutecole Leacutecole en enseignant la norme eacutetait facteur de
deacutemocratisation de la socieacuteteacute franccedilaise si elle renonce agrave cette tacircche on parvient agrave une socieacuteteacute
aristocratique dans laquelle certains savent sans avoir appris (selon lexpression consacreacutee) et ougrave
il ny a plus de chance de veacuteritable mobiliteacute sociale Contrairement agrave nos a priori on peut voir ainsi
que la norme est deacutemocratique quand ideacuteal proposeacute agrave tous elle est accompagneacutee dans son
apprentissage de la transmission des principes qui permettent de latteindre Dire (comme cela se
pratiquait agrave luniversiteacute agrave Lyon dans les anneacutees soixante) il ne faut pas dire un [floslashv] (pour
fleuve) une [foslashj] (pour feuille) cest donner agrave tous une chance dacceacuteder agrave des situations ougrave lon
ne tolegravere pas un accent reacutegional marqueacute ne plus le dire cest laisser encore les plus hautes
positions agrave ceux qui lauront compris tout seuls (dans leur famille) et bien sucircr eacuteliminer ceux qui ne
se doutent mecircme pas que ce genre de prononciation est stigmatiseacutee
On pourra distinguer avec Marie-Louise Moreau (1997) article Les types de normes
les normes de fonctionnement (habitudes linguistiques partageacutees par les membres dune
communauteacute regravegles qui sous-tendent les comportements linguistiques dun sous-groupe)
les normes descriptives (ce sont les normes de fonctionnement rendues explicites par les
descriptions qui en sont faites Mais ainsi ce sont les normes de certains sous-groupes seulement
qui sont deacutecrites on ne sinteacuteresse pas tretiennent des relations complexes avec les normes
prescriptives Elles contribuent grandement agrave la hieacuterarchisation)
les normes fantasmeacutees (ici on est toujours dans le domaine des repreacutesentations le groupe se forge
un ensemble de conceptions sur la langue et son fonctionnement qui nont souvent guegravere de zone
dadheacuterence avec le reacuteel )
La norme ou le bon usage
La norme au sens de langue que lrsquoon doit parler est un discours drsquoautoriteacute fixeacute par une institution
drsquoeacutetat) chargeacutee de creacuteer une langue homogegravene faite pour ecirctre parleacutee par un usager ideacuteal une
langue standard de partout et de nulle part uniforme polie deacutebarrasseacutee de toute impureteacute comme
-les reacutegionalismes les varieacuteteacutes geacuteographiques srsquoopposent au caractegravere centralisateur de la norme
et eacutechappent agrave tout controcircle elles sont donc connoteacutees peacutejorativement et le critegravere de la hieacuterarchie
sociale
-les innovations qursquoil srsquoagisse de changements lexicaux syntaxiques ou phoneacutetiques ils sont
ignoreacutes -non reconnus- ou attesteacutes longtemps apregraves leur apparition lorsque la norme nrsquoa pas reacuteussi
agrave srsquoimposer Face aux variations individuelles et collectives la langue normeacutee se veut homogegravene et
tire sa leacutegitimiteacute de lrsquoeacutecole
Un des comportements sociaux les mieux connus vis agrave vis de la langue est la normalisation
Fishman affirme que laquo la codification est lrsquoacceptation par une communauteacute drsquoun systegraveme formel
de normes qui deacutefinissent lrsquousage correct raquo
Qursquoest-ce que la norme ou lrsquousage correct de la langue laquo La norme est un recueil de perceptions consigneacutees dans des grammaires dites normatives et
correspondant agrave ce qursquoil faut dire pour se conformer au bon usage linguistique de la bonne
socieacuteteacute raquoDenise Franccedilois
Elle repreacutesente un choix approprieacute fondeacutes sur des preacutejugeacutes socioculturels et sur la notion de
niveaux de langues hieacuterarchiseacutees les classes dominantes et les bons auteurs emploient une langue
de qualiteacute qursquoil faut consideacuterer comme un modegravele
Parler de normes revient agrave se reacutefeacuterer agrave plusieurs acceptions
-un ensemble drsquointerdits de prescriptions sur des faccedilons de dire quelquefois accompagneacutees de
justifications de divers ordres
-tenir compte de cet ensemble de prescriptions crsquoest parler correctement sans faire de fautes
Les institutions de la norme sont
-Lrsquoeacutecole lrsquoeacutecole par le biais des grammaires et des enseignants tend agrave imposer agrave lrsquoenfant une
langue uniforme qursquoil nrsquoutilisera pas souvent ailleurs Par lrsquoenseignement de la grammaire elle
lrsquohabitue laquo non seulement agrave concevoir les reacutealiteacutes de la langue mais agrave reacuteprimer son goucirct naturel de
la parole pour substituer agrave la spontaneacuteiteacute langagiegravere une pratique eacutecrite conforme agrave des normes
rigoureuses raquo Elle lui impose de faire des phrases ainsi qursquoune prononciation de lecture standard
qui pour bon nombre drsquoenfants est artificielle cependant cette langue semblera toujours parce
qursquoimposeacutee par lrsquoeacutecole supeacuterieure agrave la sienne
-Lrsquoeacutecrit Lrsquoadministration prend le relais de lrsquoeacutecole pour perpeacutetuer la crainte de la faute et le
respect pour la langue eacutecrite laquo notre langue eacutecrite a plus de digniteacute que notre langue parleacutee
souvent fautive raquo Lrsquoopposition eacutecrit parleacute devient une opposition digne fautif Ceci appelle deux
remarques
La langue parleacutee comme la langue eacutecrite peut comporter tous les niveaux car rien nrsquoempecircche en
theacuteorie drsquoeacutecrire comme on parle ni de parler comme on eacutecrit
-De plus ces deux formes drsquoexpressions ont chacune une speacutecificiteacute de fonctionnement que la
deacutemarche normative semble ignorer Parler crsquoest construire un discours en train de se faire Le
locuteur improvise constamment ce qui lrsquoamegravene agrave heacutesiter agrave se reprendre agrave changer lrsquoorientation
de sa phrase agrave utiliser diverses strateacutegies agrave avoir recours agrave tous les proceacutedeacutes extra et
paralinguistiques regard mimiques gestes intonations Lrsquoeacutecrit nrsquoignore ni les heacutesitations ni les
reprises mais celles-ci disparaissent avec les brouillons Drsquoun point de vue linguistique il nrsquoy a
aucune raison drsquoopposer le parler et lrsquoeacutecrit de faccedilon hieacuterarchique puisque les deux domaines
fonctionnent diffeacuteremment
Une norme linguistique est un trait unificateur drsquoune socieacuteteacute tout le monde la connaicirct et sa
connaissance permet de distinguer les autochtones des eacutetrangers Mais mecircme dans le cas ougrave tout le
monde peut savoir quelles sont les variantes de statut supeacuterieur il nrsquoest pas neacutecessairement vrai que
tous voudront les adopter dans leur discours quotidien Certaines eacutetudes ont montreacute que les
reacuteactions subjectives aux variantes sociolinguistiques eacutetaient diffeacuterentes selon les classes et
impliquaient beaucoup plus qursquoune simple eacutechelle de prestige (cf Labov) Labov dans laquo
Sociolinguistique pp 250-251 339-340 418-419 raquo fait une distinction entre norme cacheacutees
voileacutees et norme manifestes normes stigmatiseacutees et norme accepteacutees Les variantes de statut eacuteleveacute
possegravedent un prestige manifeste elles sont associeacutees au pouvoir social indeacuteniable des locuteurs de
la classe supeacuterieure peuvent ecirctre la condition neacutecessaire drsquoaccegraves agrave des fonctions drsquoun statut plus
eacuteleveacute et sont promulgueacutees par les agents de la normalisation dans la socieacuteteacute tels que les meacutedias et
les instituteurs Mais pour beaucoup de locuteurs de la classe ouvriegravere ou de la petite bourgeoisie
les variables linguistiques laquo non standard raquo associeacutees agrave leurs groupes peuvent aussi posseacuteder un
prestige voileacute (covert prestige celui drsquoun groupe local de statut infeacuterieur) La signification sociale
de base de ces variables au prestige voileacute est celle de la solidariteacute une personne qui les utilise est
consideacutereacutee comme eacutetant un des leurs comme ami possible Pour certains groupes ces formes
peuvent signifier dureteacute ou viriliteacute
Pour compleacuteter vos connaissances dans le domaine de la norme reportez vous aussi sur le web agrave
un article dOlga Ozolina Quelques approches de leacutetude de la norme linguistique
Tout un cours eacutecrit par Benoiumlt Leblanc et Claude Tousignant de la Socieacuteteacute Saint-Jean-
Baptiste de la Mauricie sur la Norme linguistique mais aussi quelques autres notions
essentielles
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srsquoefforce de deacuteterminer qui parle quelle varieacuteteacute de quelle langue quand agrave propos de
quoi et avec quels interlocuteurs
La sociolinguistique essaie de deacutecrire les caracteacuteristiques linguistiques et fonctionnelles
des varieacuteteacutes du reacutepertoire verbal quelle que soit leur nature (qui deacutepend de la
profession de la classe sociale de la reacutegion ou de leur interaction) car les dialectes
initialement reacutegionaux peuvent repreacutesenter des diffeacuterenciations sociales et inversement
La sociolinguistique srsquoefforce de faire plus encore Elle essaie de deacuteterminer lrsquoinfluence
linguistique drsquoune varieacuteteacute sur lrsquoautre et eacutetudie aussi de quelle maniegravere les changements
dans le processus et lrsquoinfluence reacuteciproque des reacuteseaux de locuteurs peuvent modifier
lrsquoextension de leurs reacutepertoires verbaux
Bref la sociolinguistique tacircche de deacutecouvrir quelles lois ou normes sociales
deacuteterminent le comportement linguistique dans les communauteacutes linguistiques et
srsquoefforce de les deacutelimiter et de deacutefinir ce comportement vis agrave vis de la langue mecircme
Elle essaie eacutegalement de deacuteterminer quelle valeur symbolique ont les varieacuteteacutes
linguistiques pour leurs usagers Les varieacuteteacutes peuvent signifier lrsquointimiteacute et lrsquoeacutegaliteacute
drsquoautres correspondent agrave un niveau drsquoeacuteducation ou agrave un caractegravere national en raison du
savoir neacutecessaire agrave leur emploi ou agrave ceux qui en usent Donc la sociolinguistique est
lrsquoeacutetude des caracteacuteristiques des varieacuteteacutes linguistiques des caracteacuteristiques de leurs
fonctions et des caracteacuteristiques de leurs locuteurs en consideacuterant que ces trois facteurs
agissent sans cesse lrsquoun sur lrsquoautre changent et se modifient mutuellement au sein
drsquoune communauteacute linguistique
En reacutesumeacute on peut dire que la sociolinguistique a affaire agrave des pheacutenomegravenes tregraves varieacutes
les fonctions et les usages du langage dans la socieacuteteacute la maicirctrise de la langue lrsquoanalyse
du discours les jugements que les communauteacutes linguistiques portent sur leur(s)
langue(s) la planification et la standardisation linguistiques Elle srsquoest donneacutee pour
tacircche de deacutecrire les diffeacuterentes varieacuteteacutes qui coexistent au sein drsquoune communauteacute
linguistique en les mettant en rapport avec les structures sociales aujourdrsquohui elle
englobe pratiquement tout ce qui est eacutetude du langage dans son contexte
socioculturel
Elle traite donc de trois types drsquoobjets
-La diversiteacute ou varieacuteteacutes linguistiques
-la communication conccedilue comme eacutechange entre deux ou plusieurs acteurs sociaux et
comme ensemble de pratiques socialiseacutees
-Les problegravemes qui relegravevent du plurilinguisme emprunt code switchinghellip
I-2 Limites et chevauchement avec la linguistique
Principale diffeacuterence avec la linguistique laquo geacuteneacuterale raquo celle ci deacutecrit la langue comme
un systegraveme autonome alors que la sociolinguistique considegravere la langue comme une
production un acte social
- La linguistique srsquointeacuteresse principalement agrave la description de systegravemes au
deacuteveloppement dit interne (cf linguistique historique comparatisme etc) cf la
fameuse distinction saussurienne entre langue (produit collectif) et parole (acte
individuel)
- La sociolinguistique srsquointeacuteresse principalement agrave lrsquointeraction entre la socieacuteteacute (au sens
large) et les productions linguistiques chevauchement avec la sociologie la
politologie lrsquohistoire lrsquoanthropologie cf eacutetudes des politiques linguistiques des
rapports languesidentiteacutes des rapports sociaux agrave travers eacutetudes des normes etc Plus
preacuteciseacutement une grande attention sera donneacutee agrave la variation (par opposition agrave la regravegle)
aux facteurs sociaux expliquant cette variation (geacuteographique ethnique sociale etc)
La ville comme lieu de contactvariation va devenir un lieu privileacutegieacute drsquoeacutetudes (par
opposition agrave dialectologie)
Ces diffeacuterents approches des faits langagiers se traduisent eacutegalement par des
meacutethodologies diffeacuterentes la description grammaticale drsquoune langue peut se faire agrave
partir drsquoun informateur ou drsquoun corpus de textes eacutecrits par exemple lrsquoapproche
sociolinguistique suppose des recueils de corpus en laquo situation raquo qui mettront en valeurs
la diversiteacute des usages en fonction de la diversiteacute des locuteurs
I-3- Bref aperccedilu historique de la sociolinguistique geacuteneacuterale
Avant que le terme sociolinguistique ou sociologie de la langue existe il y avait
eacutevidemment des gens qui faisaient de la sociolinguistique laquo sans le savoir raquo cf eacutetudes
dialectales sur les patois et donc prise en compte de la variation geacuteographique eacutetudes
sur les contacts de langues (Schuchardt 1842-1927 Weinreich) linguistique historique
avec en France des gens comme Meillet Marcel Cohen etc ou lrsquoanthropologie
linguistique comme Boas Sapir etc et bien au delagrave en ce qui concerne le rapport
languepenseacutee (logiciens) et le rapport styleclasse sociale
La sociolinguistique comme discipline constitueacutee srsquoest eacutelaboreacutee dans les anneacutees 1960
aux USA autour drsquoun groupe dont la plupart des membres vont devenir ceacutelegravebres dans
leur champ respectif (cf Calvet 2003) Dell Hymes Fishman Gumperz Labov
Ferguson etc Leur approche peut se reacutesumer agrave cette sentence ceacutelegravebre laquo Etudier qui
parle quoi comment ougrave et agrave qui raquo (Fishman 1965) Les rapports sociaux entre les
individus deviennent centraux et non plus peacuteripheacuteriques La sociolinguiste srsquoest
constitueacutee en opposition plus ou moins marqueacutee avec le structuralisme et bien sur avec
le geacuteneacuterativisme Chacun de ces membres deacuteveloppera un champ particulier de la
sociolinguistique
Hymes contact de langue et creacuteolistique Fishman langues des minoriteacutes et rapport
langueidentiteacuteGumperz laquo la sociolinguistique interactionelle et lrsquoethno-meacutethodologie
Labov la sociolinguistique variationiste urbaine Ferguson champ large mais pour
le domaine arabe sur lequel je reviendrai la question de la diglossie et les koines
urbaines
A partir de la fin des anneacutees soixante la sociolinguistique devient un champ important
actif qui a beaucoup apporteacute au renouvellement de nos cateacutegories en particulier gracircce au
domaine de la linguistique de contact et qui a souligneacute la relativiteacute des frontiegraveres et des
cateacutegories
Les langues qui eacutetaient perccedilues comme des systegravemes autonomes vont de plus en plus
ecirctre perccedilues comme des systegravemes poreux fluides variables etc
La sociolinguistique rappelle que les langues sont des abstractions des cateacutegories
construites par les linguistesgrammairiens et les acteurs sociaux et politiques qursquoil
srsquoagisse des cateacutegories comme langues ou dialectes ou varieacuteteacutes Toutes ces cateacutegories
ne reflegravetent pas des reacutealiteacutes inheacuterentes Donc la sociolinguiste a participeacute du mouvement
geacuteneacuteral des ideacutees en Sciences humaines de la deuxiegraveme partie du XXegraveme siegravecle ougrave on
est passeacute de conceptions essentialistes heacuteriteacutees du 19egraveme
s (cf races ethnies langues) agrave
des conceptions beaucoup plus relativistes contextualiseacutees historiciseacutees (il nrsquoexiste pas
de cateacutegories preacute-eacutetablies ce sont les acteurs et les chercheurs qui creacuteent ces cateacutegories
)
Mais comme toute discipline la sociolinguistique a eu eacutegalement tendance agrave se
fragmenter en de multiples sous domaines avec des querelles de meacutethode qui ne sont
pas toujours tregraves passionnantes Parmi les grandes tendances actuelles
a) drsquoune part tous les travaux relevant de la sociologie du langage ougrave lrsquoaccent est
surtout mis sur les groupes sociaux les politiques linguistiques etc et ougrave la description
des faits linguistiques est relativement marginale
b) la linguistique variationiste tendance Labov qui reste dans une conception
systeacutemique du langage mecircme si considegravere que la variation est le moteur de lrsquoeacutevolution
linguistique Cette branche srsquoattache principalement agrave lrsquoeacutetude des variantes sociales agrave
lrsquointeacuterieur de ces systegravemes Domaine qui attache une grande importance aux
correacutelations statistiques comme dans la sociologie et crsquoest pourquoi ce sont
essentiellement des variantes phonologiques qui sont eacutetudieacutees car sont plus facilement
comptabilisables On peut eacutegalement placer dans cette lignes les travaux de lrsquoeacutecole
anglo-saxonne qui ont beaucoup travailleacute sur le contact dialectal en milieu urbain et les
pheacutenomegravenes drsquoaccommodation dialectal (Trudgill Milroy Kersvill etc)
c) tout le domaine de la pragmatique sociolinguistique interactionnelle les actes
du discours etc ougrave lrsquoon va montrer dans des eacutetudes plutocirct micro comment les locuteurs
jouent se positionnent sur les diffeacuterents registresvarieacuteteacutes de langue
d) plus reacutecemment et principalement en France une sociolinguistique urbaine
(Bulot Calvet) qui ne prend pas simplement la ville comme cadre mais qui srsquointerroge
sur lrsquointeraction entre ville et pratiques langagiegraveres sur lrsquourbaniteacute des faits
linguistiques
e) Tout le domaine du contact de langue et de la creacuteolistique qui a connu un essor
tregraves important depuis trente ans et qui regroupe des approches tregraves diffeacuterentes
NAISSANCE DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
II-1 -LE CONTEXTE HISTORIQUE
A lrsquoinverse des linguistes les sociologues preacutefegraverent rattacher lrsquoeacutevolution de la
sociolinguistique agrave des neacutecessiteacutes sociales qursquoagrave des impeacuteratifs eacutepisteacutemologiques Ainsi
lrsquoapparition de cette nouvelle branche de la linguistique dans les pays anglo-saxons et
en France agrave des peacuteriodes diffeacuterentes est une reacuteponse aux interrogations des linguistes
lieacutee au contexte politique et social Aux Etats Unis son apparition est lieacutee agrave la
redeacutecouverte de la pauvreteacute frappant surtout les minoriteacutes Dans les anneacutees 1960-1970
un deacuteficit budgeacutetaire srsquoaggrave car les deacutepenses ne suivent pas les preacutevisions Par
ailleurs la seconde guerre du Vietnam les deux chocs peacutetroliers accentue la pousseacutee
inflationniste un ralentissement de la croissance la hausse des prix tous ces facteurs
entraicircnent une aggravation du chocircmage qui frappe surtout les minoriteacutes linguistiques
Pour remeacutedier agrave des problegravemes que lrsquoon rencontre agrave lrsquoeacutecole pour aider ces minoriteacutes
(noirs portoricains indiens) agrave srsquointeacutegrer des speacutecialistes sociologues
psychologueshellipvont effectuer des recherches laquo On redeacutecouvre que le langage joue un
rocircle important dans la diffeacuterenciation sociale comme en teacutemoignent les problegravemes
scolaires des enfants des milieux deacutefavoriseacutes Le gouvernement feacutedeacuteral lance une
politique sociale visant agrave lrsquointeacutegration scolaire des minoriteacutes linguistiques Un grand
nombre de chercheurs dont Labov Hymes Fishman se fixent comme un de leurs
objectifs drsquoaider agrave reacutesoudre ces problegravemes Ainsi Labov consacre-t-il plusieurs articles
aux causes de lrsquoeacutechec des enfants noirs dans lrsquoapprentissage de la lecture Hymes
entend examiner non seulement les outils linguistiques et la structure sociale Fishman
se penche sur les problegravemes de contact de langue Tous les trois constatent que la
linguistique structurale et geacuteneacuterative se trouve impuissante agrave traiter la question que pose
pour lrsquoeacutecole lrsquoapprentissage de la norme linguistique Pour eux la diffeacuterenciation
linguistique est inseacuteparable du pluralisme culturel dont toute socieacuteteacute est teacutemoin et le
langage est investi de valeurs eacuteconomiques et sociales raquo( Christian Baylon p16)
En France les preacuteoccupations drsquoordre sociologique ont eacuteteacute mises agrave lrsquoeacutecart par le
prestige drsquoun structuralisme agrave sujet reacuteduit et le succegraves de la grammaire de Chomsky qui
proposait un modegravele eacuteliminant le fonctionnement pragmatique du langage Gracircce aux
travaux de recherches anglo-saxons la reacuteflexion sur le langage en tant que pratique
sociale va ecirctre renouveleacutee et la linguistique franccedilaise sera obseacutedeacutee agrave partir du XIX
siegravecle par le problegraveme des rapports de la langue et des mouvements sociaux De
nombreux travaux vont apparaicirctre Ducrot fait connaicirctre ses recherches sur les actes de
parole JB Marcellesie et Gardin se sont fait largement lrsquoeacutecho des ideacutees de Labov Ces
preacuteoccupations sont lieacutees dans les anneacutees 1975-1985 peacuteriode ougrave les conditions socio-
eacuteconomiques se transforment socieacuteteacute en crise chocircmage pousseacutee nationaliste-
seacutecuritaire xeacutenophobie et problegravemes de lrsquointeacutegration car la socieacuteteacute franccedilaise
contemporaine est caracteacuteriseacutee par la confrontation drsquoimaginaires sociaux jaillissement
de des diffeacuterences affirmation des minoriteacutes agrave la recherche de valeurs neuves les
immigreacutes les chocircmeurs les minoriteacutes culturelles srsquoopposeraient aux franccedilais
A- CRISE DE LA LINGUISTIQUE STRUCTURALE
Elle preacutesente des eacutetapes qui se manifeste par des eacutecoles Le structuralisme le
distributionnalisme le fonctionnalisme Elle srsquoest deacuteveloppeacutee en isolant dans la totaliteacute
du langage un objet censeacute ecirctre homogegravene la langue en lrsquoeacutetudiant indeacutependamment de
ses reacutealisations agrave lrsquoensemble de la reacutealiteacute extralinguistique et elle a mis en place un
ensemble de concepts meacutethodologiques et descriptifs Cet ensemble de concepts cette
meacutethodologie rigoureuse a permis le deacuteveloppement drsquoune linguistique descriptive
structurale synchronique centreacutee sur la phonologie la syntaxe la fonction des eacuteleacutements
et leur distribution La grammaire geacuteneacuterative reprend de faccedilon systeacutematique le projet
drsquoune grammaire universelle elle reacutehabilite le sujet parlant mais ideacuteal et tout en
reprenant les concepts eacutetablis par les structuralistes nrsquoeacutelucident pas pour autant le
rapport entre langue et socieacuteteacute
En effet de nombreux reproches ont eacuteteacute prodigueacutes contre la linguistique structurale F
Franccedilois parle de crise de la linguistique Marcellesie affirme qursquoelle est incapable
drsquointeacutegrer de maniegravere satisfaisante la variation et de reacutepondre aux questions de la place
et du rocircle des pheacutenomegravenes langagiers dans la socieacuteteacute (Penseacutee n 209 Janvier 1980 p4)
drsquoougrave la remise en cause de certains concepts
B-LES CONCEPTS SAUSSURIENS ET LEUR REMISE EN CAUSE
-La langue
-Le signe linguistique
-La communication
Ouvrir le deacutebat fondamental sur la nature sociale du langage signifie une remise en
cause drsquoun certain nombre de concepts relatifs agrave la linguistique structurale et agrave la
grammaire geacuteneacuterative qui drsquoune certaine maniegravere ont reacutepondu agrave leur maniegravere agrave la
question fondamentale du rapport entre langage et socieacuteteacute la place qursquoy occupe cette
probleacutematique sa pertinence les reacuteponses qui y sont apporteacutees
En effet on sait le rocircle fondateur qursquoa joueacute en Europe tout au moins Le cours de
linguistique geacuteneacuterale de Ferdinand De Saussure publieacute pour la premiegravere fois en 1916
Depuis la recherche en linguistique comme dans les autres sciences de lrsquohomme et de
la socieacuteteacute srsquoest diversifieacutee drsquoun point de vue geacuteographique autant que theacuteorique voire
atomiseacutee Il convient de souligner cependant que les deux derniegraveres deacutecennies ont vu
progressivement eacutemerger un ensemble drsquohypothegraveses et de pratiques qursquoon range
volontiers sous lrsquoeacutetiquette de linguistique de la parole ou sociolinguistique et qui
srsquoopposent drsquoun point de vue eacutepisteacutemologique agrave la linguistique de la langue du
systegraveme pour reprendre la distinction Saussurienne entre langue ( savoir collectif
social organiseacute en systegraveme) et parole (ensemble des productions individuelles des
reacutealisations linguistiques concregravetes)
Donc la sociolinguistique est bien une linguistique de la parole crsquoest-agrave-dire une
linguistique qui sans neacutegliger les acquis de lrsquoapproche structuraliste des pheacutenomegravenes
langagiers situe son objet dans lrsquoordre du social et du quotidien du priveacute et du
politique de lrsquoaction et de lrsquointeraction pour eacutetudier aussi bien les variations dans
lrsquousage des mots que les rituels de conversation les situations de communication que
les institutions de la langue les pratiques singuliegraveres de langage que les pheacutenomegravenes
collectifs lieacutes au plurilinguisme
1-La langue chez Saussure
Rappelons tout drsquoabord la deacutemarche de Saussure lorsque celui-ci constitue lrsquoobjet de la
linguistique la langue
laquo Pour trouver dans lrsquoensemble du langage la sphegravere qui correspond agrave la langue il faut
se placer devant lrsquoacte individuel qui permet de reconstituer le circuit de la
parole raquo(p27) Cependant si cet acte de communication est deacutejagrave social (deux
participants) cette socialisation est bien pauvre face agrave la reacutealiteacute de lrsquointeraction
linguistique reacuteelle De toute maniegravere lrsquoacte sera encore simplifieacute Saussure ne
srsquointeacuteresse qursquoagrave lrsquoauditeur Pour expliquer ce pheacutenomegravene individuel Saussure passe agrave
un autre niveau laquo La langue nrsquoest pas une fonction du sujet parlant elle est le produit
que lrsquoindividu enregistre passivement raquo(p30) laquo elle est la partie sociale du langage
exteacuterieure agrave lrsquoindividu par son pouvoir coercitif elle est le produit que lrsquoindividu
enregistre passivement (p 30) laquo et il ne peut agrave lui seul ni la creacuteer ni la modifier raquo
(p31)
La langue a donc une double caracteacuteristique
-Une existence exteacuterieure agrave lrsquoindividu au niveau de la psychologie collective raquodans les
cerveaux drsquoun ensemble drsquoindividus car la langue nrsquoest complegravete dans aucun elle
nrsquoexiste parfaitement que dans la masse raquo(p30)
-Une inteacuteriorisation pour chaque individu laquo quelque chose qui est dans chacun drsquoeux
tout en eacutetant commun agrave tous et placeacute en dehors de la volonteacute des deacutepositaires raquo(p38)
On peut dire qursquoagrave ce niveau drsquoanalyse Saussure arrache la langue agrave lrsquoeacutetude des faits de
nature en la rattachant agrave la sociologie laquo la langue est classable parmi les faits
humains tandis que le langage ne lrsquoest pashellip raquo laquo Pour savoir dans quelle mesure une
chose est une reacutealiteacute il faudra et il suffira de rechercher dans quelle mesure elle existe
pour la conscience des sujets raquo (p128)
La langue nrsquoest pas seulement une repreacutesentation collective elle est une veacuteritable
institution sociale systegraveme de signes exprimant des ideacutees Elle est comparable de ce
point de vue aux autres systegravemes de signes et relegraveve de la seacutemiologie laquo science qui
eacutetudie la vie des signes au sein de la vie sociale et formerait une partie de la
psychologie sociale et par conseacutequent de la psychologie geacuteneacuterale raquo( CLG p33) Tel
est le point extrecircme de la reacuteduction de la linguistique agrave la sociologie atteint par
Saussure
Or la sociolinguistique considegravere que lrsquoobjet de son eacutetude ne doit pas ecirctre simplement la
langue systegraveme de signes ou la compeacutetence systegraveme de regravegles Lrsquoopposition
langueparole ou compeacutetenceperformance implique que dans le champ drsquoinvestigation
du linguiste seule la langue (ou la compeacutetence) constitue un systegraveme fermeacute Il faut
donc deacutepasser cette opposition car elle fournit un cadre trop eacutetroit pour lrsquoeacutetude de
problegravemes linguistiques importants comme lrsquoutilisation du langage dans son contexte
socioculturel Pour ce faire certains linguistes constatant le caractegravere systeacutematique de
certains faits linguistiques situeacutes en dehors de la compeacutetence telle que la deacutefinit
Chomsky essayent drsquoeacutelargir cette notion de compeacutetence pour qursquoelle recouvre des faits
que Chomsky attribue agrave la performance Ainsi Hymes degraves 1972 deacuteveloppe le concept
de compeacutetence de communication pour communiquer il ne suffit pas de connaicirctre la
langue le systegraveme linguistique il faut eacutegalement savoir comment srsquoen servir en
fonction du contexte social
CONCLUSION
On peut donc conclure que la sociolinguistique est neacutee agrave partir de lrsquoexistence de deux
facteurs concomitants
-un eacutetat de connaissances mise en question des grammaires formelles reacuteinteacutegration
des donneacutees seacutemantiques appel agrave lrsquointeraction sociale comme donneacutee de la
communication
-un eacutetat de fait existence de problegravemes linguistiques qui inteacuteressent la vie sociale de
certaines communauteacutes
Crsquoest cette dualiteacute radicale du langage agrave la fois inteacutegralement formel et inteacutegralement
traverseacute par des enjeux subjectifs et sociaux qui fait lrsquoobjet de la sociolinguistique
Cours II DEMARCHE ET OBJET DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
III-1 -DEMARCHE
La sociolinguistique implique
- une theacuteorie linguistique qursquoobserver que deacutecrire
-et une conception systeacutematique de la communication parlante une sociologie qui
observer dans quelles relations sociales
La meacutethode en sociolinguistique se reacutepartit en deux deacutemarches successives
1-une description de la structure linguistique et une description de la structure
sociologique
Pour ce faire elle emprunte les acquis theacuteoriques de lrsquoapproche structuraliste des
pheacutenomegravenes langagiers et les concepts et meacutethodes agrave la sociologie car cette
derniegravere laquo montre que tout individu est drsquoabord un objet social le produit drsquoune
socialisation Le langage est une forme de comportement social un instrument de
communication entre les hommes un reacutepertoire de varieacuteteacutes linguistiques imbriqueacutees les
une dans les autres un moyen drsquoexpression de lrsquoindividu raquo
2-une confrontation des deux disciplines geacuteneacuteralement le but viseacute est la connaissance
de la socieacuteteacute le langage est le moyen qui permet cette connaissance Naturellement la
deacutemarche du chercheur variera selon le sujet et aussi selon sa position ideacuteologique
III-2-OBJET DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
La sociolinguistique a affaire agrave des pheacutenomegravenes tregraves varieacutes
-les fonctions et les usages du langage dans la socieacuteteacute
-la maicirctrise de la langue lrsquoanalyse du discours
- les jugements que les communauteacutes linguistiques portent sur leurs langues la
planification et la standardisation linguistiqueshellip
Elle srsquoest donneacutee au deacutepart pour tacircche de deacutecrire les diffeacuterentes varieacuteteacutes qui coexistent
au sein drsquoune communauteacute linguistique en les mettant en rapport avec les structures
sociales aujourdrsquohui elle englobe pratiquement tout ce qui est eacutetude du langage dans
son contexte socioculturel
Lrsquoobjet de son eacutetude nrsquoest pas seulement la langue systegraveme de signes ou la
compeacutetence systegraveme de regravegles Elle deacutepasse cette opposition qui fournit un cadre eacutetroit
pour lrsquoeacutetude de problegravemes linguistiques importants comme lrsquoutilisation du langage dans
son contexte socioculturel et srsquoouvre vers ce que Hymes appelle la compeacutetence de
communication pour communiquer il ne suffit pas de connaicirctre la langue le systegraveme
linguistique il faut eacutegalement savoir comment srsquoen servir en fonction du contexte
social Drsquoautres linguistes tel Labov pensent que toute production linguistique
manifeste des reacutegulariteacutes et peut donc faire lrsquoobjet drsquoune description Cependant
quelque soit les diffeacuterences tous les chercheurs mettent lrsquoaccent sur un objet
unificateur le langage consideacutereacute comme une activiteacute socialement localiseacute dont lrsquoeacutetude
se megravene sur le terrain
Donc sans exageacuterer le caractegravere multipolaire de la sociolinguistique on peut dire agrave la
suite drsquoHENRI Boyer (p7) que laquo celle-ci embrasse agrave travers ses diverses tendances
lrsquoensemble des composantes de lrsquoactiviteacute de la parole non seulement la-les langues et
la socieacuteteacute mais eacutegalement le ou les discours le ou les textes le sujet et la
communication sans oublier les attitudes et les images ce qursquoon appelle les
repreacutesentations psycho-sociolangagiegraveres qui pegravesent sur les pratiques de langage et
conditionnent leur manifestation raquo
Les objets drsquoobservation et drsquoanalyse ne seront pas les mecircmes ils sont conditionneacutes par
la deacutemarche du sociolinguiste selon qursquoil srsquoattache agrave mettre en relation telle ou telle
composante
Ainsi le sociolinguiste peut vouloir inventorier les savoirs linguistiques agrave lrsquoœuvre dans
une communauteacute donneacutee eacutetudier les dialectes les sociolectes et autres varieacuteteacutes en
usage dans tel groupe Il peut eacutegalement mettre en rapport ces savoirs linguistiques et
les institutions qui leur octroient une plus ou moins grande leacutegitimiteacute sociale Il peut
encore analyser le fonctionnement des normes et des eacutevaluations sur lesquelles srsquoappuie
la parole circulante Il ne lui est pas interdit non plus drsquointerroger les divers types de
discours oraux ou eacutecrits pour en deacutecrire le fonctionnement polyphonique crsquoest-agrave-dire
la manifestation plus ou moins probleacutematique de plusieurs voix celles des
interlocuteurs mais eacutegalement la trace lrsquoeacutecho de celles qui circulent dans le contexte
social ougrave srsquoinscrivent les productions linguistiques en question
Le sociolinguiste reacuteintroduit dans son champ drsquoeacutetude le sujet peut aussi bien analyser
les statuts rocircles et places des acteurs- partenaires leur incidence sur le deacuteroulement des
interactions au travers en particulier des strateacutegies mises en œuvre Enfin la
communication elle-mecircme peut retenir son attention au travers des actes de parole
directs ou indirects de leur interpreacutetation plus ou moins preacutevisibles des rituels
sociolangagiers sur lesquels srsquoappuie la parole en communauteacute Donc la
sociolinguistique investit tous les domaines suivants (voir scheacutema suivant p7)
Cours III
VI LA VARIATION LINGUISTIQUE
La question de la variation est une question fondamentale pour la sociolinguistique car il sagit
veacuteritablement de tirer les conseacutequences du constat fait par tout linguiste mecircme deacutebutant on ne
parle pas de la mecircme faccedilon dans toutes les circonstances de sa vie Une mecircme personne au cours
dune journeacutee change consideacuterablement dusage de varieacuteteacute de langue et ceci en raison de ses
interlocuteurs de lobjet de son discours des conditions immeacutediates de productionreacuteception Bien
sucircr en fonction de son milieu social de son histoire personnelle de son implantation
geacuteographique des effets que lon veutpeut produire de la maicirctrise des registres de langues acquise
du rapport agrave la langue et agrave la socieacuteteacute on recourt agrave des varieacuteteacutes linguistiques tregraves diverses qui mecircme
si elles sont globalement appeleacutees franccedilais peuvent comporter des diffeacuterences consideacuterables aux
yeux du linguiste qui les deacutecrit Cest le deacutesir dexpliquer cette variation de trouver les causes de
chaque varieacuteteacute en rendant compte de toutes les donneacutees susceptibles decirctre mises en relation avec
les formes produites qui a donneacute naissance agrave la sociolinguistique La perspective deacuteterministe est
centrale tout ce que nous disons agrave deacutefaut de pouvoir ecirctre directement conditionneacute par
lenvironnement linguistique immeacutediat (cf les variantes conditionneacutees) doit pouvoir ecirctre expliqueacute
par ce que nous sommes on retrouve les questions QUI parle A QUI OU QUAND
COMMENT POURQUOI
En preacutefeacuterant la notion de variation linguistique et en faisant de celle-ci une des
composantes essentielles de son champ disciplinaire la sociolinguistique reacutevegravele son inteacuterecirct prioritaire
pour certaines situation de communication individuelles ou collectives ougrave les locuteurs de maniegravere
permanente ou provisoire sont conduits agrave faire coexister en eux des usages linguistiques certes
distincts mais cependant proches Lrsquoideacutee de variation implique ici celle drsquoun eacutecart mais drsquoun eacutecart
veacutecu
En effet la sociolinguistique entend deacutecrire la langue dans ses emplois ses usages Cet
usage manifeste des variations le locuteur opegravere un choix parmi les varieacuteteacutes-les sous codes- de la
langue qursquoil maicirctrise notamment en fonction de son statut social du style et de la situation qui peut
ecirctre plus ou moins formelle Le formalisme du discours peut se deacutefinir en fonction des termes
constitutifs de lrsquoeacuteveacutenement de parole on peut se sentir obligeacute de se conduire de parler correctement
drsquoune maniegravere formelle face agrave un auditeur drsquoun statut social eacuteleveacute le thegraveme de lrsquoeacutechange neacutecessite
une langue soutenue ou familiegravere deacutejagrave sur le plan lexical la deacutenomination de certains objets risque
de changer radicalement suivant les personnes auxquelles on srsquoadresse le style peut ecirctre
surveilleacute(langue soutenue) familier celui du discours quotidien tel qursquoil est employeacute dans les
situations ordinaires ougrave le langage nrsquoest pas un objet drsquoattention
La sociolinguistique distingue entre variation inter linguistique et variation intralinguistique
VI-1-LA VARIATION INTRALINGUISTIQUE OU VARIATION DANS LES USAGES DE LA
LANGUE Il y a variation intralinguistique lagrave ougrave les locuteurs utilisent deux ou plusieurs variantes drsquoun mecircme
systegraveme donc drsquoune mecircme langue A lrsquointeacuterieur drsquoune mecircme langue il y a une variation constante Celle-ci peut ecirctre geacuteographique ou sociale mais la plupart du temps ces facteurs interfegraverent lrsquousage drsquoun patois est un pheacutenomegravene geacuteographique mais qui marque aussi une hieacuterarchie sociale La variation peut prendre la forme de patois de dialectes de langues de minoriteacute (en France le basque ou lrsquoalsacienne sont pas apparenteacutes au franccedilais) Crsquoest la dialectologie qui depuis la fin du XIX eacuteme siegravecle eacutetudie ce type de pheacutenomegravenes Lrsquourbanisation massive et le deacuteveloppement des communications ont bouleverseacute la
dialectologie traditionnelle qui eacutetait tourneacutee vers le monde rural Aujourdrsquohui crsquoest le monde urbain qui offre les terrains drsquoenquecircte les plus riches Crsquoest pourquoi la sociolinguistique se propose de reacuteinteacutegrer lrsquohomme dans la langue le locuteur son milieu celui auquel il srsquoadresse la communauteacute linguistique mecircme si toutes ces donneacutees sont extrecircmement complexes De fait dans les anneacutees 60 aux eacutetats ndashunis W Labov auteur notamment drsquoune seacuterie drsquoarticles publieacutes en franccedilais dans le recueil Sociolinguistique sociolinguiste bien connu pour son rocircle dans la recherche a fait apparaicirctre lrsquoabsolue neacutecessiteacute de consideacuterer la reacutealiteacute des productions langagiegraveres et non plus des abstractions (cette recherche sur les abstractions correspondait agrave un courant de la linguistique theacuteorique) il nrsquoheacutesite pas agrave dire que la sociolinguistique crsquoest la linguistique mecircme srsquoil est obligeacute de constater que certains linguistes neacutegligent agrave tort lrsquoeacutetude du contexte social Pour nous notre objet drsquoeacutetude est la structure et lrsquoeacutevolution du langage au sein du contexte social formeacute par la communauteacute linguistique Les sujets consideacutereacutes relegravevent du domaine ordinairement appeleacute linguistique geacuteneacuterale phonologie morphologie syntaxe et seacutemantique Les problegravemes theacuteoriques que nous soulegraveverons appartiennent eacutegalement agrave cette cateacutegorie tels la forme des regravegles linguistiques leur combinaison en systegravemes la coexistence de plusieurs systegravemes et lrsquoeacutevolution dans le temps de ces regravegles et de ces systegravemes Srsquoil nrsquoeacutetait pas neacutecessaire de marquer le contraste entre ce travail et lrsquoeacutetude du langage hors de tout contexte social je dirais volontiers qursquoil srsquoagit lagrave tout simplement de linguistique Et lrsquoon peut srsquoeacutetonner qursquoil soit utile de donner une base sociale eacutelargie agrave ce domaine Que la linguistique geacuteneacuterale quel qursquoen soit le contenu doive reposer avant tout sur le langage tel que lrsquoemploient les locuteurs natifs communiquant entre eux dans la vie quotidienne cela paraicirct aller de soi Aussi est-il profitable avant de continuer de voir preacuteciseacutement pourquoi il nrsquoen a pas eacuteteacute ainsi (Labov 1976 Lrsquoeacutetude de la langue dans son contexte social pp 258-259) Pour Labov il nrsquoy a pas drsquoeacutetude de la langue sans prise en compte des hommes qui la parlent sans eacutetude de lrsquoenvironnement social De ce fait Labov tente de correacuteler les maniegraveres de parler avec des variables sociales qui peuvent ecirctre beaucoup plus fines (et qui sont deacutetermineacutees preacuteciseacutement par lrsquoanalyse) que les grandes cateacutegories sociales traditionnelles (profession sexe acircge lieu de reacutesidence etc) Labov devant les donneacutees ordinaires de la situation de communication qui comportent une forte heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et qui sont geacuteneacuteralement consideacutereacutees comme aleacuteatoires va chercher agrave eacutetablir une systeacutematiciteacute (Gadet 1992b) En quelque sorte srsquoattachant au concept de variation libre Labov essaye drsquoeacutetablir les regravegles de cette variation drsquoen montrer les conditionnements Labov met agrave jour des reacutegulariteacutes trop systeacutematiques pour ecirctre le fait du hasard et il srsquoefforce de montrer selon les formules de F Gadet qursquo+ il y a une stratification de lrsquousage de la langue dans la socieacuteteacute dont il a pu eacutetablir qursquoelle eacutetait agrave la fois reacuteguliegravere et extrecircmement fine Elle ne peut toutefois se saisir qursquoagrave travers des consideacuterations de freacutequence puisque ce nrsquoest guegravere la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoune variante qui est en cause mais des taux drsquooccurrences compareacutes (F Gadet 1992b p 6)
Il srsquoagit drsquoassocier chaque variante linguistique agrave une cause extra-linguistique (classe sociale sexe acircge habitat race attitudes du locuteurs circonstances de la communication etc) ou chaque ensemble de variantes linguistiques (reacutealisation dune variable) agrave une ou des variables sociales selon un scheacutema que lrsquoon pourrait repreacutesenter ainsi
Ensemble des variables sociales Ensemble des variables linguistiques Une fois correctement eacutetablies les variables en modifiant lrsquoune des variables sociales on devrait
obtenir une varieacuteteacute nouvelle (un ensemble de variantes diffeacuterentes) au niveau linguistique Attention on rappellera ici la notion de variante conditionneacutee On parle en linguistique de variante
conditionneacutee quand on peut eacutetablir une correacutelation stricte entre lrsquoapparition drsquoune uniteacute linguistique et le
contexte linguistique de son apparition ainsi en franccedilais du Midi la reacutealisation [o] [ɔ] est conditionneacutees ces deux formes sont deux variantes conditionneacutees drsquoune seule uniteacute phonologique le o selon la regravegle
suivante [o] en finale ex pot chaud dos o [ɔ] + C ex rose chaude jaune code Paul pocircle Dans
drsquoautres reacutegions de France on pourra trouver des o et des ɔ non conditionneacutes par le contexte comme le montrent les prononciations laquo parisiennes raquo de saute sotte ou de pocircle Paul
Crsquoest un conditionnement de ce type que Labov a tenteacute drsquoeacutetablir non plus entre un environnement linguistique et certains sons mais entre des variables extra-linguistiques (sexe acircge situation sociale) et des uniteacutes comportant du sens (du morphegraveme uniteacute minimale de signification agrave la phrase ou au discours uniteacute vaste) Dans une perspective deacuteterministe (une deacutemarche scientifique est drsquoune faccedilon ou drsquoune autre preacutesenteacutee comme deacuteterministe) Labov pense que si nous ne parvenons pas agrave eacutetablir un conditionnement strict entre des variables extra-linguistiques et des variantes linguistiques crsquoest parce que notre analyse est
incomplegravete parce que nous avons neacutegligeacute des donneacutees Il propose de ce fait de multiplier les investigations pour trouver les variables pertinentes
Avec William Labov le pegravere de lapproche variationniste en sociolinguistique on a pris lhabitude de distinguer quatre types de variation
la variation diachronique (ou historique) la variation diatopique (ou geacuteographique) la variation diastratique (ou sociale) la variation diaphasique (ou stylistique)
Variation diachronique
La variation diachronique est lieacutee au temps elle permet de cotraster les traits selon quils sont perccedilus comme plus ou moins anciens ou reacutecents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diatopique
La variation diatopique joue sur laxe geacuteographique la diffeacuterenciation dune langue suivant les reacutegions relegraveve de cette variation Pour deacutesigner les usages qui en reacutesultent on parle de reacutegiolectes de topolectes ou de geacuteolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diastratique
La variation diastratique explique les diffeacuterences entre les usages pratiqueacutees par les diverses classes sociales Il est question en ce cas de sociolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diaphasique
On parle de variation diaphasique lorsquon observe une diffeacuterenciation des usages selon les situations de discours ainsi la production langagiegravere est-elle influenceacutee par le caractegravere plus ou moins formel du contexte deacutenonciation et se coule-t-elle en des registres ou des styles diffeacuterents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Franccediloise Gadet propose dajouter la variation diameacutesique quelle deacutefinit ainsi Une autre distinction relevant eacutegalement de lusage intervient entre oral et eacutecrit Elle est particuliegraverement forte dans une langue de culture tregraves standardiseacutee comme la franccedilaise Ici cest la distinction de chenal de transmission de la parole qui constitue le point dancrage de la diffeacuterence aucun locuteur ne parle comme il eacutecrit aucun neacutecrit comme il parle La distinction nest pas purement mateacuterielle elle touche aussi la conception mecircme des discours Il faudra donc distinguer entre ce qui est un effet geacuteneacuteral de loraliteacute et ce qui relegraveve de la variation (Gadet 2004 p 98)
Cette recherche de William Labov (La stratification sociale de lrsquoanglais dans la ville de New york) a eacuteteacute
meneacutee sur la relation entre variation linguistique et stratification sociale dans une grande ville ameacutericaine et en particulier sur lrsquoanglais de noirs Une preacute-enquecircte meneacutee dans trois grands magasins diffeacuterents quant agrave la qualiteacute et au prix des produits vendus et par conseacutequent agrave la cateacutegorie sociale de leur clients a permis de montrer que les employeacutes de ces magasins qui pourtant appartenaient tous agrave la mecircme classe sociale reacutealisaient les variantes phoneacutetiques conformeacutement agrave la faccedilon de parler des clients agrave qui ils avaient affaire en fonction du magasin(du quartier ougrave il se trouvait) voire du rayon dans le magasin( de la nature des produits proposeacutes)
La seule preacutesence de lrsquoobservateur lors drsquoune enquecircte suffit agrave modifier le comportement linguistique de lrsquoenquecircteacute lequel a tendance agrave se rapprocher de la varieacuteteacute officielle ou de prestige Les modaliteacutes de lrsquoenquecircte entraicircnent eacutegalement des variations dans les productions Crsquoest ce qui a ameneacute Labov agrave varier ses strateacutegies (eacutecoute pirate deacuteguisement ) et agrave deacutefinir des styles contextuels dont le plus surveilleacute reacutepond agrave la lecture et le moins surveilleacute au discours spontaneacute familier hors enquecircte Lagrave aussi plus le locuteur accorde drsquoattention agrave son discours plus il se rapproche de la norme officielle Tout cela met en lumiegravere la fonction sociale et symbolique des variations linguistiques qui ne sont que rarement des choix deacutelibeacutereacutes
La varieacuteteacute linguistique propre agrave un groupe dominant srsquoimpose comme marque de prestige et deacutetermine lrsquoattitude des locuteurs du groupe domineacute face agrave leur propre varieacuteteacute les colonisateurs le savent bien et un de leurs premiers soucis est de transmettre leur eacutevaluation Ces travaux de dialectologie urbaine ont permis de deacutevelopper des meacutethodologies originales drsquoanalyse de lrsquousage en situation authentique lrsquoobservateur srsquoefforccedilant de ne pas fausser les donneacutees par sa preacutesence
-variation selon les groupes sociaux il peut srsquoagir de groupes constitueacutes sur les bases de lrsquoorigine
ethnique du pouvoir eacuteconomique du sexe de lrsquoacircge
-variation en fonction de la situation de communication les mecircmes locuteurs ne parlent pas de la
mecircme faccedilon selon les situations (en situation formelle ou en situation familiegravere agrave lrsquoeacutecrit et agrave lrsquooral
A partir de cette enquecircte ceacutelegravebre sur les adolescents noirs lAmeacutericain William Labov a donc rechercheacute les correacutelations entre certaines variations linguistiques et la position sociale des locuteurs etou la situation de communication
Cette deacutemarche la ameneacute agrave isoler deux niveaux de variation
- Un niveau social diffeacuterents locuteurs dune mecircme langue parlent diffeacuteremment
- Un niveau stylistique un mecircme locuteur utilise diffeacuterents registres de langage (familier soutenu) selon la situation Mais W Labov remarque que leacutecart entre langue courante et langue soutenue est beaucoup plus important chez un ouvrier que chez un cadre supeacuterieur
Pour W Labov la langue est soumise agrave trois sortes de regravegles
- Les regravegles cateacutegoriques quaucun locuteur ne viole jamais Aucun francophone ne dit laquo on venons raquo ou laquo nous vient raquo
- Les regravegles semi cateacutegoriques dont la violation - freacutequente - est interpreacutetable socialement la tournure laquo aller au coiffeur raquo est jugeacutee populaire par la norme
- Les regravegles variables
- Se meacutefier de lrsquointrospection drsquoune preacutetendue laquo compeacutetence raquo (cf Chomsky) on ne touche de fait
que des laquo performances raquo et il existe des proceacutedures objectives drsquoanalyse linguistique pour
approcher la variation ndash qui est la regravegle
- Srsquoil y a de la variation il convient toujours de tenter de lrsquoexpliquer les preacutetendues laquo variantes
libres raquo sont des variantes dont le conditionnement nous eacutechappe mais il convient de chercher
parmi les donneacutees sociales au sens large celles qui de fait conditionnent les variantes analyseacutees
-Se rappeler que lrsquoon tente toujours drsquoenquecircter sur la langue drsquoune communauteacute linguistique et non
pas sur celle drsquoun seul individu Se soucier neacutecessairement de la question de la repreacutesentativiteacute des
informateurs
En conseacutequence scepticisme quant aux laquo universaux raquo au sens ougrave ils pourraient ecirctre preacutesents
dans toutes les langues Mais crsquoest lrsquoexplication qui forge lrsquouniversaliteacute (cf ne pas confondre les
universaux de la linguistique avec des universaux du langage )
- Inteacuterecirct particulier pour le changement linguistique tout particuliegraverement les signes du
changement en cours Toutes conditions eacutegales ce qui a entraicircneacute des changements dans le passeacute se
reproduit neacutecessairement maintenant (mais ne pas oublier les caracteacuteristiques sociales qui font
partie des laquo conditions eacutegales raquo)
VI- 2 LA VARIATION INTERLINGUISTIQUE Il nrsquoest pas dans notre intention drsquoeacutenumeacuterer ici toutes les deacutefinitions ou typologies proposeacutees pour le bilinguisme mais de retenir celles qui nous semblent avoir un inteacuterecirct pour la sociolinguistique
VI-2-1 Bilinguisme et plurilinguisme
Tregraves longtemps il y a eu des deacutebats pour savoir srsquoil fallait parler de bilinguisme ou de
plurilinguisme Il y a de nombreuses deacutefinitions nous retenons celle de
-Georges Mounin laquo Le fait pour un individu de parler indiffeacuteremment deux langues raquo laquo eacutegalement
coexistence de deux langues dans la mecircme communauteacute pourvu que la majoriteacute des locuteurs soit
effectivement bilingue raquo
-Deacutefinition du dictionnaire de didactique des langues laquo le bilinguisme est une situation qui
caracteacuterise les communauteacutes linguistiques et les individus installeacutes dans les reacutegions multilingues
-Dictionnaire des sciences du langage de Todorov laquo un individu est dit multilingue srsquoil possegravede
plusieurs langues apprises lrsquoune comme lrsquoautre comme langue maternelle raquo
Le bilinguisme agrave travers ces trois deacutefinitions peut ecirctre consideacutereacute soit comme le fait drsquoune
communauteacute soit comme le fait drsquoun individu Ces diffeacuterences renvoient agrave tout un deacutebat de
linguistes qui consideacuteraient que seuls les individus peuvent ecirctre bilingues et drsquoautres qui
consideacuteraient que cette notion peut srsquoeacutetendre agrave toute une communauteacute linguistique
Se posent alors le problegraveme de degreacute drsquoextension du bilinguisme agrave partir de quel pourcentage
considegravere - t-on que la communauteacute est bilingue et quand peut-on parler de bilinguisme
Selon lrsquoacircge drsquoacquisition des langues on a pu parler de bilinguisme preacutecoce ou tardif selon la
distribution faite dans la communauteacute on parle de bilinguisme composeacute individuel stylistique ou
social Toutes ces approches deacutefendent un point de vue diffeacuterent
Les diffeacuterentes approches -Lrsquoapproche normative
Elle prend en consideacuteration le degreacute de maicirctrise de la langue deux positions srsquoaffrontent lrsquoune dit
que tout le monde est bilingue lrsquoautre que personne est bilingue
a)Tout le monde est bilingue
Les deacutefenseurs de cette thegravese pensent que dans tout acte de communication les locuteurs srsquoadaptent
agrave une situation donneacutee Or une langue varie selon les situations de communication les locuteurs
drsquoune langue disposent drsquoune varieacuteteacute drsquousages maicirctriser une langue crsquoest savoir utiliser cette
varieacuteteacute crsquoestndashagrave-dire savoir adapter son discours agrave chacune de ses situations linguistiques
Mahmoudian eacutecrit laquo on maicirctrise mieux une langue dans la mesure ougrave on manie un nombre plus
eacuteleveacute drsquouniteacutes linguistiques et que lrsquoon comprend mieux le sens qui rattache ces uniteacutes aux
circonstances raquo
Martinet laquo deacuteveloppe la mecircme ideacutee lorsqursquoil dit que la maicirctrise drsquoune langue est constitueacute par une
hieacuterarchie drsquousages possibles qui sont les usagers quotidiens les usagers solennels politiques
artistiques
Ceci implique donc que le locuteur est agrave chaque instant obligeacute drsquoadapter son langage agrave la situation
On peut dire que tout locuteur est bilingue exemple du langage becirctifieacute des parents lorsqursquoils
parlent aux enfants ou les colons qui tentent drsquoadapter leur langue maternelle aux parlers creacuteoles
b) Personne nrsquoest bilingue
Certains linguistes disent que le bilinguisme nrsquoexiste pas dans la mesure ougrave personne nrsquoest capable
de maicirctriser agrave la perfection deux langues crsquoest agrave dire sans aucune interfeacuterence Si on prend en
consideacuteration ces paramegravetres il nrsquoy a pas de bilinguisme
Andreacute Martinet explique que ce critegravere de la perfection nrsquoa guegravere de sens car mecircme un locuteur
unilingue ne possegravede pas agrave la perfection sa langue et qursquoil nrsquoen utilise pas toutes les possibiliteacutes
lexicales ou syntaxiques Ce critegravere de la perfection est rejeteacute car il ne permet nullement de deacutefinir
le bilinguisme ou le monolinguisme
c La troisiegraveme tendance tente de deacutefinir le degreacute de maicirctrise relative
Ils rapportent la meacutethode de Malherbe une seacuterie de critegraveres permettent de deacutefinir une situation de
bilinguisme
-ecirctre en mesure de mener une conversation un discours ou un sermon dans une langue eacutetrangegravere
que ce soit agrave lrsquoeacutecrit ou agrave lrsquooral Savoir lire les journaux dans cette langue et en saisir lrsquohumour
-Etre en mesure de mener une conversation intelligible dans une autre langue et pouvoir lire sa
litteacuterature
-Savoir lire implacablement lrsquoautre langue
-Savoir enseigner les deux langues
-Posseacuteder une grande maicirctrise des deux langues
-Posseacuteder une connaissance parfaite des deux langues
Que dire
La mesure de la perfection repose sur des jugements de valeur subjectifs on mecircle diffeacuterents
niveaux de maicirctrise drsquoune langue lrsquoeacutecrit et lrsquooral
On mecircle pareillement la maicirctrise drsquoune langue et lrsquoaptitude agrave lrsquoenseigner ce qui ne se justifie pas
Beaucoup savent parler une langue mais ne peuvent lrsquoenseigner
On peut dire que les systegravemes de mesure de la perfection linguistique est un faux problegraveme car
toute situation de bilinguisme est marqueacutee par une fluctuation des usages (variation continuelle)
En effet le comportement linguistique des bilingues est tregraves variable il deacutepend de nombreux facteurs drsquoordres psychologiques et sociaux Il y a des pheacutenomegravenes de pressions sociales les situations de communication qui fait qursquoon ne peut eacutetablir des grilles rigoureuses La mesure de perfection se reacutevegravele vaine il faut srsquoen tenir aux propositions de W Mackey laquo le bilinguisme doit ecirctre consideacutereacute comme un concept non pas absolu mais relatif raquo Renzo Titone ajoute en rapportant Mackey qursquoil ne faut pas poser la question cet individu est-il bilingue Mais plutocirct dans quel sens est-il bilingue crsquoest-agrave-dire qursquoil faut rendre compte de la pratique bilingue du locuteur de son comportement bilingue mais pas tenter de deacutefinir la nature du bilinguisme qursquoil pratique
Lrsquoapproche psychologique
A-Le bilinguisme infantile ou preacutecoce On parle de bilinguisme infantile quand il srsquoagit drsquoun enfant qui degraves sa naissance est
simultaneacutement confronteacute agrave deux systegravemes linguistiques diffeacuterents par exemple lorsque la megravere et le
pegravere parlent agrave lrsquoenfant chacun leur langue ou lorsqursquoune 3egraveme
personne parle une autre langue que
celle que parlent les parents En fait cette situation est plus rare que la situation de bilinguisme
preacutecoce ougrave lrsquoon a des enfants monolingues dans les premiegraveres anneacutees de leur enfance qui
apprennent ensuite une seconde langue soit par impreacutegnation du milieu familial et social soit agrave
lrsquoeacutecole Les eacutetudes agrave orientation psychologiques se proposent toujours diffeacuterents objectifs certaines
eacutetudes se proposent drsquoexaminer le comportement de lrsquoenfant qui est aussi tregraves tocirct mis en contact
avec 2 ou plusieurs langues en geacuteneacuteral ces eacutetudes essaient de deacuteterminer la conscience qursquoa
lrsquoenfant de parler ou de ne pas parler plusieurs langues on a 2 types de constatations qui
apparemment sont contradictoires
1-Il semble selon certaines expeacuteriences que les enfants acquiert les diffeacuterentes langues sans
srsquoen apercevoir On cite les propos drsquoun linguiste allemand bilingue qui degraves son plus jeune acircge agrave la
question raquo savez vous depuis le deacutebut que vous parliez deux langues Il reacutepondit laquo je suppose que
non je parlais spontaneacutement la langue de mon interlocuteur sans savoir ce que je faisais et cela
depuis le deacutebut comme jrsquoai pu le deacuteduire du teacutemoignage de mes parents
2- En face de ce premier type de recherche on a une autre type de recherche qui montre que les
enfants distingue assez tocirct entre 3 et 4 ans les diffeacuterents systegravemes qursquoil parle et preacuteciseacutement cette
capaciteacute de parler et la situation dans laquelle ils se trouvent tregraves vite ils perccediloivent ce qursquoon
attend drsquoeux dans la situation scolaire et dans la situation familiale ou amicale
Un autre facteur inteacuteressant crsquoest leur capaciteacute de traduire Renzo Titone cite le cas de conscience
diffeacuterentielle qui lui permet de diffeacuterencier les systegravemes ce qui implique que lrsquoenfant possegravede une
double compeacutetence crsquoest-agrave-dire une maicirctrise intuitive de regravegles et de meacutecanismes diffeacuterents
laquo Lrsquoenfant bilingue reacuteussit-il agrave faire le rapport entre les personnes et les situations distinctes et les
idiomes raquo
Lrsquoenfant pratique la diffeacuterenciation des systegravemes mais il ne possegravede pas la capaciteacute drsquoeacutenoncer de
formuler cette aptitude Il a une conscience intuitive qursquoil ne peut formuler
Le bilinguisme favorable ou deacutefavorable
La question souvent poseacutee est celle de savoir si le bilinguisme est favorable ou deacutefavorable
srsquoil est nuisible ou non Cette question est poseacutee agrave deux niveaux drsquoabord agrave propos des enfants on
se demande bien souvent si le bilinguisme est preacutejudiciable ou non au deacuteveloppement de lrsquoenfant
crsquoest agrave dire agrave son eacutequilibre psychologique affectif drsquoautre part si crsquoest preacutejudiciable agrave lrsquoacquisition
de sa langue maternelle et de sa langue Ces preacutesupposeacutes sont deacutementis par de nombreuses
expeacuteriences faites sur des enfants bilingues
Renzo Titone expose le cas drsquoun enfant qui apprend lrsquoallemand avec sa megravere et le franccedilais avec
son pegravere la prononciation fut celle drsquoun enfant unilingue degraves le deacutebut le bilinguisme ne retardera
pas le deacuteveloppement geacuteneacuteral du langage crsquoest agrave dire que lrsquoacquisition des deux langues nrsquoa pas
entraicircneacute de retard Les emprunts drsquoune langue agrave une autre reacuteitegraverent des cas isoleacutes Dans les deux
langues on assisteacute agrave un deacuteveloppement parallegravelement en phoneacutetique en morphologie en syntaxe
Lrsquoenfant devient tregraves vite conscient de son bilinguisme et traduisait les messages drsquoune langue agrave
une autre Il acquit le concept abstrait de langue Tous ces exemples donneacutes par Titone semblent
contredire la thegravese qui veut que le bilinguisme soit dangereux preacutejudiciable Mecircme thegravese
deacuteveloppeacutee par Abdellah Cheacuteriet pour qui le bilinguisme est contre reacutevolutionnaire dangereux
pour lrsquoauthenticiteacute et pour la langue arabe alors que Lacheraf eacutetait pour le bilinguisme
Selon Cheacuteriet le bilinguisme nrsquoest pas une voie reacutevolutionnaire pour lrsquoenseignement mais
bourgeoise car ce nrsquoest pas le bilinguisme qui donne au peuple sa formation socialiste De plus le
bilinguisme est contraire agrave lrsquoauthenticiteacute et le fait drsquoenseigner une langue eacutetrangegravere agrave lrsquoenfant
orientera sa mentaliteacute et donc son authenticiteacute
Remarque le bilinguisme est consideacutereacute sous un angle particulier on considegravere les deux
langues rivales Pourtant lrsquoAlgeacuterie est plurilingue et Cheacuteriet ne parle jamais des autres langues les
arguments avanceacutes sont biaiseacutes la reacutealiteacute linguistique nrsquoest jamais deacutecrite lrsquoarabe classique est
consideacutereacute comme une langue maternelle En fait le veacuteritable problegraveme dans des cas de bilinguisme
est la prise en charge peacutedagogique et un environnement harmonieux laquo En creacuteant un environnement
adapteacute le petit enfant pourrait tregraves bien apprendre deux langues ou plus sans grave difficulteacute et la
redoutable barriegravere linguistique serait deacutetruite agrave la base raquoTitone
3 Lrsquoapproche sociale On peut parler du bilinguisme social lorsqursquoon prend en consideacuteration lrsquoexpansion du
bilinguisme au niveau de toute une communauteacute Cette approche sociale traite drsquoun certains
nombres de questions
-le statut des langues en contact
-la distribution de ces langues crsquoest-agrave-dire comment les langues se distribuent-elles
parmi les locuteurs comment sont-elles pratiqueacutees par les locuteurs drsquoougrave lrsquoeacutetude drsquoun certains
nombre drsquoeacuteleacutements agrave prendre en charge la situation de communication lrsquoappartenance sexuelle
sociale on srsquoattache aussi au pheacutenomegravene de prestige de valorisation et de deacutevalorisation
pheacutenomegravene de meacutemorisation Crsquoest-agrave-dire lrsquoattitude du locuteur agrave lrsquoeacutegard de ceux qui parlent
-les problegravemes de planification linguistique Elle prend aussi en charge le retentissement
de tous les eacuteleacutements au niveau de la dynamique des langues crsquoest agrave dire la capaciteacute drsquoeacutevolution de
stagnation de vie ou de mort des langues quels sont les symptocircmes qui permettent de reconnaicirctre
ces pheacutenomegravenes
Lrsquoimportance de ces pheacutenomegravenes sociaux se manifeste dans lrsquoexemple que nous
empruntons agrave Juliette Garmadi 1981 La sociolinguistique PUF Paris concernant le cas du
Vaupegraves reacutegion qui se situe au centre de lrsquoAmazonie avec une frontiegravere commune agrave la Colombie et
au breacutesil
Quelles sont les caracteacuteristiques sociales de cette reacutegion il srsquoagit drsquoune population
indienne qui vit dans des habitations disperseacutees cependant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune
population seacutedentaire bien qursquoil lui arrive de se deacuteplacer Il y a plusieurs niveaux de structuration
sociale de cette population elle est structureacutee en uniteacutes deacutefinies par un seul critegravere lrsquouniteacute
linguistique Chaque groupe drsquoindividus parlant la mecircme langue est consideacutereacute comme appartenant
agrave la mecircme tribu La tribu est deacutefinie par la langue du pegravere donc tous ceux qui ont utiliseacutes degraves leur
enfance la langue du pegravere font partie de la mecircme tribu Crsquoest donc la langue du pegravere qui confegravere
lrsquoidentiteacute au groupe agrave la tribu Un indien de cette tribut doit se marier avec une femme drsquoune autre
tribu obligatoirement donc parlant une autre langue sinon cela est consideacutereacute comme un inceste
Exemple un enfant appartenant agrave une tribu doit avoir comme premiegravere langue la langue de son
pegravere la megravere est tenue drsquoapprendre la langue de son mari mais elle peut aussi parler sa langue avec
les autres femmes elle communique avec son fils la langue de son mari
Quels sont les points que suscite lrsquoattention du linguiste par rapport au vaupeacutes
-Au niveau de lrsquoeacutetendue du bilinguisme
Le plurilinguisme pourrait ecirctre envisageacute dans cette reacutegion agrave plusieurs niveaux au niveau familial
ou cellule nucleacuteaire Au niveau de la tribu au niveau du Vaupegraves
Selon Juliette Garmadi il y a une stabiliteacute du plurilinguisme que lrsquointroduction du portugais et de
lrsquoespagnol dans la reacutegion ne semble pas remettre en cause Elle affirme une des premiegraveres
conclusions que lrsquoon peut tirer de lrsquoeacutetude de la situation du Vaupegraves est que les socieacuteteacutes complexes
ne sont pas les seules garantes possibles de la stabiliteacute du plurilinguisme Elle veut dire que lrsquoon
aurait tendance agrave croire qursquoune situation comme le vaupeacutes avec lrsquoaccord de la colonisation aurait
pu voir son plurilinguisme ceacuteder devant la langue du colonisateur or il nrsquoen est rien car le
plurilinguisme du Vaupegraves se maintient tregraves bien Donc les socieacuteteacutes stables ne sont pas les seules
garantes de la stabiliteacute
Lrsquoexistence du plurilinguisme et de sa stabiliteacute ne sont lieacutees ni agrave des types drsquoinstitutions preacutecises ni
au nombre des locuteurs ni agrave la dimension ni agrave la densiteacute drsquoun pays
Juliette Garrmadi agrave travers lrsquoexemple du Vaupegraves semble remettre en question toutes ces
hypothegraveses
-Au niveau psychologique du bilinguisme
Au niveau psychologique le plurilinguisme peut ecirctre preacutecoce ou tardif ce bilinguisme est aussi
eacutequilibreacute car les langues acquises dans lrsquoenfance le sont avec une maicirctrise eacutegales
-Au niveau linguistique et seacutemio culturel
Au niveau des systegravemes culturels transmis par le langage on peut parler de bilinguisme composeacute
crsquoest agrave dire que les langues parleacutees reacutefegraverent agrave une mecircme situation seacutemio culturelle que les langues
indiennes parleacutees dans le Vaupegraves renvoient au mecircme reacutefeacuterent culturel dans la mesure ougrave la culture
indienne de cette reacutegion est homogegravene et que toutes les langues parleacutees sont le veacutehicule de cette
culture homogegravene ce qui peut se traduire en disant que les enfants du Vaupeacutes ont un seul systegraveme
de signifieacute mais qursquoils ont pour le traduire diffeacuterents signifiants correspondant aux diffeacuterentes
langues qursquoils parlent Crsquoest dans ce cas que lrsquoon parle de bilinguisme composeacute car ce dernier
implique theacuteoriquement la permeacuteabiliteacute des systegravemes linguistiques en contact crsquoest-agrave-dire qursquoil y a
tregraves souvent passage drsquoune langue agrave une autre il y a interfeacuterence agrave tout niveau phonologique
lexical et syntaxique
Conclusion
Si lrsquoon srsquoen tient au cas du Vaupeacutes on peut dire agrave propos de lrsquoAlgeacuterie qursquoelle preacutesente bien une
situation de plurilinguisme social Ce bilinguisme peut ecirctre caracteacuteriseacute agrave la fois comme preacutecoce et
tardif(beaucoup drsquoenfants apprennent les langues dans leur petite enfance mais aussi agrave lrsquoeacutecole) Ce
bilinguisme est aussi eacutequilibreacute il est plutocirct coordonneacute que composeacute car le reacutefeacuterent seacutemioculturel du
kabyle et du franccedilais est diffeacuterent du kabyle et de lrsquoarabe le franccedilais lrsquoest aussi
Cours 4
Bilinguisme et diglossie
1-Introduction
Dans une situation de contact de langues le statut de chaque langue varie suivant les rapports de
domination entre les groupes qui les parlent et les perceptions que les individus ont de ces rapports
Il srsquoensuit que les usages langagiers varient dans lrsquoespace social et geacuteographique en fonction de ces
rapports intergroupes si ces rapports changent les rapports de statut et donc les usages eux-mecircmes
varieront Crsquoest agrave de tels pheacutenomegravenes de variations sociolinguistiques que nous allons nous
inteacuteresseacutes En premier lieu nous examinerons le pheacutenomegravene de diglossie qui reacutesulte de relation de
statuts entre une langue et une varieacuteteacute de langue super-ordonneacutee et une autre langue ou varieacuteteacute de
langues subordonneacutees dont les usages respectifs sont en distribution compleacutementaire plus ou moins
stable dans une socieacuteteacute donneacutee
Selon Mackey laquo une socieacuteteacute dont tous les membres seraient capables de comprendre lire parler et
eacutecrire deux langues utiliseacutees dans cette socieacuteteacute devrait sans doute abandonner une de ces langues
car elle serait redondante Autrement dit pour que deux ou plusieurs langues survivent dans une
socieacuteteacute il est neacutecessaire qursquoelles remplissent des fonctions compleacutementaires-soit qursquoelles sont
utiliseacutees par tous les locuteurs pour des fonctions et dans des domaines distincts soit qursquoelles sont
utiliseacutees par des locuteurs appartenant agrave des groupes ethnolinguistiques diffeacuterents soit qursquoun
groupe parle la langue dominante lrsquoautre groupe la langue domineacutee avec entre les deux des
individus bilingues qui parlent la langue de lrsquoun et de lrsquoautre
1-Deacutefinition et historique de la diglossie
La notion de diglossie (du grec ancien diglottos signifiant bilingue) est un concept
sociolinguistique deacuteveloppeacute par Ferguson(1959) pour deacutecrire toute situation dans laquelle deux
varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue sont employeacutees dans des domaines compleacutementaires lrsquoune de ces
varieacuteteacute eacutetant geacuteneacuteralement de statut socialement supeacuterieur agrave lrsquoautre
Dans un sens large la diglossie existe dans toutes les socieacuteteacutes ougrave lrsquousage quotidien diffegravere
sensiblement de la norme officielle il faut que chaque varieacuteteacute soit utiliseacutees de maniegravere
systeacutematique par exemple une varieacuteteacute est employeacutee dans les domaines formelles comme
lrsquoadministration la religion la poeacutesie alors que lrsquoautre est reacuteserveacutee agrave la conversation courante aux
discussions informelles agrave la correspondance non officielle Fergusson qualifie ces deux varieacuteteacutes
lrsquoune haute et lrsquoautre basse Exemple Le monde arabe lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal La
Gregravece le grec le katharevousa et le grec populaire le dhimotiki
Le terme de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Fishman (1967) agrave lrsquousage compleacutementaire institutionnaliseacute
de deux langues distinctes dans une communauteacute donneacutee Cette situation de diglossie se caracteacuterise
par un certain nombre de traits
-La fonction la fonction des deux varieacuteteacutes H et L nrsquoest pas la mecircme il y a reacutepartition de chacune
drsquoentre elles selon les situations de communication
-la notion de prestige on se place ici au niveau de lrsquoattitude des locuteurs qui ont tendance agrave
qualifier H de supeacuterieure de plus belle de plus logique de plus apte agrave exprimer les penseacutees
importantes Ils affirment aussi qursquoils preacutefegraverent entendre un discours politique dans cette varieacuteteacute La
varieacuteteacute L est consideacutereacutee comme eacutetant infeacuterieure incapable drsquoexprimer un discours litteacuteraire
-La litteacuterature eacutetant reacutedigeacutee dans la varieacuteteacute haute elle contribue agrave ce que cette derniegravere soit tenue
dans sa plus haute consideacuteration
Le mode drsquoacquisition La varieacuteteacute basse est geacuteneacuteralement la langue maternelle son acquisition se
fait par lrsquousage donc au sein de la famille La varieacuteteacute haute srsquoapprend agrave lrsquoeacutecole
-La standardisation constitueacutee par la moyenne des usages des locuteurs ex le franccedilais standard
constitue la norme
-La stabiliteacute la situation de diglossie est passagegravere soumise agrave lrsquoeacutevolution Le rapport entre une
langue H et une langue L est ponctuel eacutepheacutemegravere susceptible drsquoeacutevolution
En fait dit Fergusson il nrsquoen est rien La situation de diglossie se caracteacuterise par la stabiliteacute elle
peut durer plusieurs siegravecles Srsquoil y a eacutevolution crsquoest par lrsquointermeacutediaire drsquoune forme de langue
intermeacutediaire qui ne remet pas en cause veacuteritablement le rapport entre H et L comme par exemple
lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal
Le concept de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Gumperz(1971) aux socieacuteteacutes multilingues dans le sens ougrave
celles-ci peuvent utiliser diffeacuterentiellement plusieurs codes (langues dialectes) dans des domaines
et des fonctions compleacutementaires comme lrsquoInde qui a deux langues officielles hautes le hindi et
lrsquoanglais en plus des langues reacutegionales
2-Le rejet de la notion de diglossie
-Martinet utilise plusieurs eacuteleacutements pour remettre en cause la notion de diglossie
Selon Martinet Fishman et Gumperz adoptent la notion de diglossie pour des raisons
sociologiques pour marquer la distinction bilinguisme individuel versus bilinguisme social La
diglossie implique le bilinguisme communautaire
Dans cette perspective on ne voit pas ce que la distinction bilinguisme diglossie apporterait de
nouveau par rapport au bilinguisme individuel et bilinguisme social
Martinet rappelle que la hieacuterarchie entre les langues nrsquoest pas absolue il nrsquoest pas toujours possible
dans toutes les situations linguistiques de deacuteterminer la hieacuterarchie Exemple le Canada
Lrsquoanglais est reacuteserveacute au domaine eacuteconomique et technique le franccedilais est reacuteserveacute au domaine
culturel Ces deux langues sont des langues de prestige bien qursquoelles ne soient pas sur un pied
drsquoeacutegaliteacuteccedila eacutetait la langue de lrsquoeacuteglise or nous dit-il cet argument nrsquoest plus valable car la
katareacuterouza a beaucoup eacutevolueacute par rapport agrave la langue religieuse
Le second argument de Drettas est la remise en cause du systegraveme de standardisation retenue par
Fergusson pour lui on ne peut retenir ce critegravere dans la mesure ougrave le corpus de reacutefeacuterence est
heacuteteacuterogegravene
3- La situation de lrsquoAlgeacuterie
Fergusson considegravere les pays arabes comme un des cas les plus anciens et les plus stables de
diglossie Tout le monde reconnaicirct le prestige de la langue arabe classique
Qui deacutecide de ce prestige Peut on dire drsquoune langue que les locuteurs refusent de parler qursquoelle
nrsquoest pas prestigieuse
Tous les grammairiens qui procircnent la disparition des dialectes au profit de lrsquoarabe classique sont
obligeacutes de reconnaicirctre que ces derniers sont bien vivants les grammairiens parlent de difficulteacute agrave
enseigner une locuteurs natifs il nrsquoexiste pas dans le monde arabe de personnes dont la langue
maternelle est la langue standard
Le prestige de la langue tient essentiellement du mythe nous avons lagrave lrsquoexemple drsquoun discours sur
les langues que les grammairiens les linguistes lrsquoeacutelite intellectuelle ont eacutetabli et qursquoils perpeacutetuent
avec la compliciteacute des instances officielles sans jamais se poser la question de lrsquoadeacutequation de ces
discours agrave la reacutealiteacute des pratiques linguistiques
4-Les tenants de la notion deacutefense et illustration de la diglossie
La deacutefense de la diglossie se fait selon deux axes principaux
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
-La diglossie expression et moyen drsquoun conflit social
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
A partir de la distinction entre varieacuteteacute H et varieacuteteacute L eacutetablie par Ferguson se construit une autre
signification celle de la diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute Il srsquoagit drsquoineacutegaliteacute au
niveau de lrsquoutilisation des deux langues mais aussi des attitudes et repreacutesentations que les locuteurs
ont agrave propos de ces langues Ces deux aspects sont tregraves importants Le terme de diglossie permet
drsquoinsister sur cette ineacutegaliteacute qui peut ecirctre quantitative lorsqursquoil srsquoagit de lrsquoextension drsquoemploi de
ces langues ainsi la varieacuteteacute H a geacuteneacuteralement une zone drsquoextension plus grande que la varieacuteteacute B
On peut parler drsquoineacutegaliteacute qualitative lorsque les langues en preacutesence ont le mecircme statut
-Bilan de La sociolinguistique dans le domaine arabearabophone
Essor tardif malgreacute la richesse du champ puisque aireegravere immenses
Pendant toute la premiegravere partie du XXegraveme siegravecle (Auparavant voir P Larcher) les eacutetudes arabes
ont eacuteteacute diviseacutees en deux grands domaines qui se recoupaient tregraves peu
a) lrsquoeacutetude la langue arabe classique b) eacutetudes dialectales
Dans les deux cas les auteurs visent agrave des descriptions de systegravemes plus ou moins homogegravenes et
stables En ce qui concerne eacutetudes dialectales description qui repose souvent sur le parler drsquoun ou
deux informateurs supposeacutes repreacutesenteacutes lrsquoensemble de leur communauteacute le parler du Caire le
parler de Cherchell le parler de Tunis etc et parfois mecircme le parler eacutegyptien le parler syrien etc
Preacutecurseurs la dialectologie et linguistique historique
Il y a quand mecircme une linguistique historique qui se pose la question de la formation de lrsquoarabe
classique ou dialectale en particulier en ce qui concerne la peacuteriode preacuteceacutedant et suivant la conquecircte
avec des questions comme est ce que lrsquoarabe classique srsquoest constitueacute sur une koineacute poeacutetique
litteacuteraire ou sur une koinegrave dialectale etc (cf P larcher) Autour de cette question de la formation
de lrsquoarabe de la deacutefinition drsquoune koinegrave qursquoil srsquoagisse drsquoune koinegrave litteacuteraire ou dialectale on aborde
les questions de contact drsquoeacutevolution de varieacuteteacutes
-Deacutefinition drsquoune koinegrave = Varieacuteteacute neacutee du contact de diffeacuterentes varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue qui
se deacutelocalise dans le sens que nrsquoest plus le symbolelrsquoeacuteleacutement identificateur drsquoun groupe
socialement et geacuteographiquement distinct et qui de ce fait tend agrave eacuteliminer les traits les plus
particuliers les plus saillants des varieacuteteacutes en contact et tend agrave conserver les traits communs
(beaucoup plus compliqueacute que cela mais tendance geacuteneacuterale)
Donc un certain nombre de travaux autour de ces questions par des gens qui ne se deacuteclarent pas
comme des sociolinguistes mais plutocirct comme des historiens de la langue ou des linguistes Fuumlck
Ferguson Blau Cohen etc etc Relient analyse historico sociale et analyse linguistique mais les
eacuteleacutementspreuves de leur argumentation sont surtout baseacutes sur des eacuteleacutements linguistiques (liste des
traits pour la koinegrave urbaine de Ferguson ou de Cohen ou plus tard de Vesteegh pour sa theacuteorie de la
pidginisationcreacuteolisation) cf on prend un certain nombre de traits des dialectes arabes
contemporains et on les compare a) avec arabe classique et b) avec les eacuteleacutements de dialectologie
historique dont on dispose et on essaie de montrer que relegravevent ou pas drsquoun processus de
koineacuteisation
Tous ces travaux autour des questions de koinegrave litteacuteraire et surtout koinegrave dialectale sont importants
car vont eacutetablir des cateacutegories dialectales baseacutees sur des critegraveres sociaux ethniques cf la distinction
entre parlers dits nomadesbeacutedouins censeacutes ecirctre plus laquo conservateurs raquo (donc avoir gardeacutes des traits
des parlers preacute-Jahili) et parlers seacutedentaires consideacutereacutes comme laquo plus innovants raquo et agrave lrsquointeacuterieur
de ces parlers seacutedentaires les parles urbains consideacutereacutes comme eacutevidemment les plus laquo mixtes raquo car
issus soit du contact entre des dialectes diffeacuterents (koinegrave) soit du contact entre des arabophones et
des non arabophones (langue de contact)
(Pour toutes ces questions de dialectologie historiques et de cateacutegorisation etc je vous renvoie aux
laquo pegraveres laquo de la dialectologie arabe cf en franccedilais Cantineau William et Philippe Marsais pour le
Maghreb Colin etc Ces cateacutegories sont elles mecircmes inspireacutees des eacutecrits de Ibn Khaldoum
VI-2-3- Le deacuteveloppement de la dialectologie
Crsquoest agrave partir de ces cateacutegories dialectales qui se distingueraient pas des traits linguistiques
particulier que se sont deacuteveloppeacutes au Moyen Orient quelques travaux fondateurs comme ceux de
Haim Blanc sur Baghdad (1966) puis de Clive Holes sur Bahrain (1987) et au Maghreb une
sociolinguistiquedialectologie laquo urbaine raquo avec des gens comme Leila Messaoudi (Rabat)
Dominique Caubet (Fegraves) etc et tous les travaux en dialectologie urbaine qui ont montreacute que
diffeacuterentes varieacuteteacutes coexistaient dans une mecircme ville en fonction des appartenances
laquo communautaires raquo crsquoest agrave dire soit appartenance religieuse (juive chreacutetienne musulmane) ou
reacutegionales ou ethniques etc et qui ont pu eacutetudier aussi le renouvellement des parlers urbains en
montrant comment des nouveaux flux de populations drsquoorigine rurale transformaient les anciens
parlers urbains et provoquaient des pheacutenomegravenes de koineacuteisation Mais au Maghreb on reste le plus
souvent dans la dialectologie urbaine plus que dans la sociolinguistique dans le sens ougrave le plus
souvent on identifie un groupe agrave une varieacuteteacute sans deacutecrire les pheacutenomegravenes de variations
drsquoalternance individuelles La personne la plus repreacutesentative de ce courant me semble Leila
Mesaoudi (2003) qui se basant sur les travaux drsquoeacutetudes urbaines (cf Mohamed Naciri pour le
Maroc) a deacuteveloppeacute une opposition entre parler citadinparler urbain et montreacute combien les anciens
parler citadins (preacute-hilalien et andalou) eacutetaient actuellement en deacuteclin face aux nouvelles koineacute
urbaines a fort traits beacutedouins raquo
Crsquoest surtout chez les anglo - saxons et au Mashrek que lrsquoon voit se deacutevelopper une
sociolinguistique variationiste urbaine avec des gens comme Clive Holes Abdel Jawad Ibrahim
Muhamed Amara Niloofar haeri Enam Al Wer etc qui eacutetudient comment eacutevoluent les usages
linguistiques des diffeacuterents types de locuteurs en fonction de leur acircge sexe degreacute drsquoeacutetudes origine
reacutegionale etc Etudes qui analysent principalement les variantes phonologiques comme la
reacutealisation du (q) en q g k la reacutealisation des inter dentales des diphtongues etc Ces
variantes phonologiques sont consideacutereacutees comme des marqueurs de telle ou telle varieacuteteacute cf le (q)
crsquoest agrave la fois classique et certains parlers urbains le g crsquoest plutocirct ruralbeacutedouin mais devenu
urbain dans de nombreux cas le crsquoest plutocirct urbain etc etc Donc on eacutetudie la reacutealisation de ces
variantes aupregraves drsquoun certain nombre de locuteurs et on croise les variables linguistiques avec des
critegraveres sociaux (acircge sexe eacuteducation etc) et on en conclut que dans tel ou tel milieu urbain
lrsquoeacutevolution linguistique va dans le sens du deacuteveloppement de telle ou telle varieacuteteacute de langue
Ce type drsquoeacutetude qui a repris au deacutebut les concepts meacutethodologie variationiste labovienne
deacuteveloppeacute aux USA GB etc srsquoest drsquoabord heurteacute agrave une application trop meacutecaniste de la deacutemarche
labovienne et a du srsquoadapter au contexte arabophone qui est un peu plus speacutecifique du fait de la
fameuse question de la diglossie la varieacuteteacute haute des villes europeacuteennes = la varieacuteteacute parleacutee par
lrsquoeacutelite de ces villes donc standard urbain = varieacuteteacute haute prestigieuse que les autres locuteurs
essaieront ou pas de reproduire en fonction des contextes urbains Les innovations souvent
introduites par les membres des classes moyennes et se diffusent vers le haut puis repris par le
bas etc Les femmes des couches populaires ont tendance agrave reprendre plus vites les variantes
prestigieuses les hommes des milieux populaires sont plus conservateurs
Dans le monde arabe on a commenceacute agrave faire une adeacutequation entre varieacuteteacute haute et fusha
(classiquemoderne) et agrave voir comment les locuteurs des diffeacuterents parlers dialectales acqueacuteraient
ou pas les marqueurs de cette varieacuteteacute haute (donc par exemple la reacutealisation du fameux (qaf) Et
puis on srsquoest rapidement aperccedilu que parallegravelement au fusha il y avait drsquoautres varieacuteteacutes prestigieuses
en particulier les varieacuteteacutes urbaines dans un certain nombre de grand centres urbains comme le
Caire Jeacuterusalem etc les migrants drsquoorigine rurale et surtout les femmes pouvaient privileacutegier la
norme urbaine sur celle du fushahellip (Palva 1982 Ibrahim 1986 etc) Ce qui a ameneacute un certain
nombre de travaux en cours agrave srsquointerroger sur la question de la norme du standard en arabe sur
lrsquoimpact de lrsquoeacuteducation (Nilofar Haeri Enam Al Wer) et donc par ricochet ont deacuteveloppeacute une
critique drsquoune conception qui se voulait plus ou moins universalisante agrave la Bourdieu les classes
dominantes se caracteacuteriseraient par leur maicirctrise de la norme langagiegravere qursquoelles imposent aux
autres Dans le monde arabe on voit que lrsquoune des normes prestigieuses est supposeacutee ecirctre le fusha
norme que peu de gens maicirctrisent dans leur vie quotidienne les eacutelites sont plutocirct plurilingues et pas
toujours tregraves arabiseacutees (ce sont souvent plutocirct les membres des classes moyennes qui ont suivit leur
eacuteducation en arabe) lrsquoautre norme peut ecirctre le vernaculaire urbain (mais pas toujours comme on le
voit pour un certain nombre de vieilles citeacutes maghreacutebines) mais cela peut ecirctre aussi une norme
beacutedouine + - ideacutealiseacutee comme cela semble ecirctre le cas en Jordanie ou face agrave la preacutesence des
palestiniens irakiens syriens etc laquo les vrais hommes jordaniens raquo semblent revendiquer une
norme locale plus beacutedouine
Bref lrsquoensemble de ces travaux plus ou moins reacutecents sur la dialectologiesociolinguistique urbaine
ont eu le meacuterite de mettre en relief la diversiteacute des situations la complexiteacute historique du
deacuteveloppement de certains parlers la pluraliteacute des normes Beaucoup de travail reste agrave faire dans
ce domaine ougrave les vraies eacutetudes de terrain baseacutees sur des corpus restent rares Deux
exemples proches celui de Casablanca et de lrsquoarabe dit marocain Alors que le Maroc est lrsquoun des
pays ougrave lrsquoon dispose drsquoune tradition dialectologique riche et de nombreux travaux contemporains
(en particulier avec les espagnols mais aussi des auteurs marocains) on srsquoaperccediloit que si lrsquoon
connaicirct un peu lrsquohistoire de la formation du parler de Casablanca au deacutebut du XXegraveme s et son
expansion on ne dispose drsquoaucune description sociolinguistique reacuteelle et on reste dans une grande
confusion entre la koinegrave marocaine et le parler de Casablanca De mecircme pour Alger la capitale de
lrsquoAlgeacuterie qui a connu une expansion consideacuterable agrave une politique drsquoarabisation plus ou moins
reacuteussie et accepteacutee quel(s) type(s) drsquoarabe se deacuteveloppent actuellement Y a t il deacuteveloppement
drsquoune koinegrave influence croissante de fusha ou au contraire deacuteveloppement croissant du code
swtiching ou les deux etchellip autant de questions qui nrsquoont pas encore eacuteteacute traiteacutees de faccedilon
satisfaisante
Il apparaicirct enfin que la sociolinguistique arabophone srsquoest peu deacuteveloppeacutee dans un cadre
interactioniste Neacutecessiteacute de deacutevelopper lrsquoanalyse interationnelle de preacutesenter des corpus en action
et de sortir un peu des approches variationistes ou des listes drsquoisoglosses
La question de la diglossie et du continuum dialectalefusha
Crsquoest un des domaines qui a eacuteteacute le plus abordeacute en sociolinguistique arabe agrave la fois dans une
approche du contactcode switching et une approche attitudinales Massivement investi par les
anglo-saxons Donc les articles fondateurs sur la Diglossie Marccedilais +- inaperccedilu Ferguson qui a eu
un impact consideacuterable et de lagrave tout un courant pour savoir la nature le type de diglossie la mise
en eacutevidence niveaux intermeacutediaires entre les deux pocircles etc
Deux grandes tendances
- celles qui consistent agrave nommer et agrave caracteacuteriser des varieacuteteacutes intermeacutediaires entre le pocircle bas
(dialecte) et le pocircle (haut) fusha On va de 3 45 avec des notions comme lsquoammiya al-muthaqafin
(Educated Spoken Arabic) Tendances deacuteveloppeacutees par des gens comme lrsquoeacutecole de Leeds Said El-
badawi au Caire etc Mais ces travaux se heurtent agrave la difficulteacute de trouver des laquo fontiegraveres raquo claires
entres les diffeacuterentes varieacuteteacutes intermeacutediaires
- lrsquoautre tendance est de consideacuterer qursquoil y a deux pocircles + - abstraits et un continuum entre les
deux pocircles sans qursquoil soit possible drsquoisoler des varieacuteteacutes speacutecifiques entre les deux A partir de cette
conception en continuum on peut eacutetudier comment se fait le meacutelange des deux codes et appliquer
un certain nombre de regravegles et meacutethodes reprises des eacutetudes sur le Code Switching et lrsquointerlangue
cela va donc des contraintes syntaxiques de lrsquoeacutepoque Poplack agrave la theacuteorie de la Matrix language de
Myers Scotton (beaucoup drsquoarticles parus dans les volumes de Aspects of Arabic Linguistics et
eacutegalement lrsquoouvrage collectif de Rouchdy 2002 par ex cf les travaux de Gunvor Medjell etc)
Ces travaux ont reccedilu un bon eacutecho dans le monde arabe en geacuteneacuterale car permettent tout en restant
dans lsquodu politiquement correcte raquo de travailler sur de lrsquoarabe moderne de sortir un peu du carcan
du classique sans faire de la laquo dialectologie raquo qui reste une discipline encore trop souvent
consideacutereacutee comme laquo orientalisanteraquo
Les travaux sur le code switching et le continuum ne pacirctissent pas drsquoune image deacutefavorable agrave
lrsquoinverse de la dialectologie qui reste entacheacutee drsquoune reacuteputation de laquo science coloniale raquo Le
domaine des eacutetudes sur diglossieCS reste prolifique et les eacutetudes montrent que la frontiegravere entre le
fusha et le dialectale sont extrecircmement poreuses des domaines reacuteserveacutes au fusha sont de plus en
plus peacuteneacutetreacutes par le dialectal incluant lrsquoeacutecrit (journalistique le roman les publiciteacutes) et tout le
domaine relevant de lrsquooral officiel (les discours publiques les meacutedias etc) et vice versa
lrsquoinfluence principalement lexicale et phonologique du fusha se fait sentir dans lrsquooral dialectal via
eacuteducationmeacutedia certaine deacutemocratisation Il y a de grand corpus en ligne (voir les ameacutericains
comme Parkinson)
On peut se demander si cette porositeacute entre les deux pocircles reflegravete une eacutevolution contemporaine ou
si elle existait auparavant mais nrsquoavait pas eacuteteacute eacutetudieacutee Si on observe le passeacute avec minutie on
constate a) que lrsquoeacutecrit a toujours eacuteteacute +- marqueacute par le dialectal cf le fameux moyen arabe et b)
que les supposeacutees populations analphabegravetes parlant le dialectal avaient un contact avec lrsquoarabe
classique via lrsquoenseignement religieux la poeacutesie sufi etc et donc il y a certainement eu et de la
part des orientalistes et des panarabistes une sureacutevaluation de cette diglossie
Ce qui semble clair cependant crsquoest que par rapport agrave certains pronostiques des anneacutees 50-60 (les
indeacutependances) crsquoest que lrsquoarabe standard moderne ne srsquoest pas imposeacute comme unique meacutedium de
communication dans lrsquoensemble du monde arabe que les laquo dialectes raquo parlers locaux eacutevoluent
mais se maintiennent plus qursquoon aurait pu le croire puisqursquoon voit mecircme resurgir des
reacutegionalismes locaux
Un domaine qui reste agrave explorer pour les deacutecennies agrave venir eacutemergence ou pas de laquo langues
parlers raquo nationauxreacutegionaux A lrsquointeacuterieur drsquoun mecircme pays est ce que sont les tendances agrave la
koineacuteisation ou le maintien des diffeacuterences qui va lrsquoemporter est-ce que ces hypotheacutetiques
varieacuteteacutes nationales seront reconnues comme telles On entend parler drsquoarabe eacutegyptien marocain
algeacuterien syriens Ce sont en grande partie des fictions qui deacutesignent en geacuteneacuterale les varieacuteteacutes parleacutees
dans les capitales mais qui ne sont pas institutionnaliseacutees ni reconnues comme des langues
officielles et dont le rayonnement nrsquointerdit pas le maintien drsquoautres varieacuteteacutes plus locales ou
reacutegionales Mais il y a toujours eu des mouvements militant (mais toujours tregraves minoritaires) pour
lrsquoinstitutionnalisant de ces laquo langues nationales raquo et la rupture avec le fusha cf au Liban en Egypte
au Maroc actuellement (cf le numeacutero de la revue Tel Quel Darja notre langue nationale) On
retrouve donc toujours lrsquoopposition entre ceux qui ont une vision discontinuiste (ammiyya et fusha
sont des systegravemes fondamentalement diffeacuterents) et ceux qui ont une vision plus continuiste
(ammiyya et fusha se complegravetent)
Autres domaines de la Sociolinguistique arabe en deacuteveloppement
- Lrsquoahelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip maternelles en contexte migratoire des regravegles du CS etc
Un autre domaine est lrsquoinfluence de cet arabe de diaspora dans les pays drsquoaccueil cf dans la
creacuteation artistique contemporaine les parlers des jeunes etc (la musique les blagues etc cf les
travaux de Dominique Caubet etc)
CONCLUSION Le terme sociolinguistique implique donc une sensibiliteacute une approche et une meacutethodologie
particuliegraveres partir du reacuteel du concret ecirctre agrave lrsquoeacutecoute des faits de langue de variation se dire que
le marginal le particulier sont toujours instructifs que les langues sont toujours en perpeacutetuel
construction et que les humains sont les acteurs de ces constructions Crsquoest un peu comme un
historien qui deacutecide de sortir de lrsquohistoire officielle de la Cour et des Grands pour srsquointeacuteresser agrave
lrsquohistoire sociale crsquoest plus difficile cela demande de plonger dans des archives plus ou moins
accessibles lisibles etc Pour le linguiste cela demande de recueillir des corpus et de prendre le
temps de les eacutecouter analyser transcrire
Le deacuteveloppement drsquoeacutetudes avec une sensibiliteacute sociolinguistique a permis de sortir drsquoun certain
carcan imposeacute agrave la fois par de nombreux laquo orientalistes raquo et par lrsquoideacuteologie pan arabe des eacutetats
arabes lrsquoarabe est de plus en plus reconnue comme une langue plurielle ayant subi des
deacuteveloppements diffeacuterents selon les lieux et les contextes jouant des rocircles diffeacuterents etc
Pour le moment on sent bien qursquoil y a cependant un fosseacute entre ces avanceacutees et les politiques
didactiques par exemple lrsquoenseignement de lrsquoarabe reste extrecircmement probleacutematique et figeacute tant
dans les pays dits arabophones que dans les pays a forte minoriteacutes non arabophones Alors que par
exemple lrsquoenseignement du FLE ou ALE a totalement inteacutegreacute un certain nombre drsquoacquis de la
sociolinguistique pragmatique linguistique discursive il ne semble pas que ce soit le cas avec
lrsquoarabe malgreacute le nombres drsquoinstituts eacutetrangers ou arabes qui se penchent sur la question
Cours 5 ATTITUDES ET REPRESENTATIONS
Le pheacutenomegravene repreacutesentationnel est un pheacutenomegravene qui a drsquoabord inteacuteresseacute les sciences humaines la psychologie la sociologie lrsquoanthropologie bien avant la linguistique et disposent au cœur de ces sciences drsquoun savoir theacuteorique Il recouvre tout le champ qursquoon nomme repreacutesentations linguistiques langagiegraveres ou sociolinguistiques discours sur les langues attitudes linguistiques jugement sur les langues rapports subjectifs agrave la langue imaginaire linguistique Cependant chaque appellation teacutemoigne drsquoun certains point de vue Guenier deacutefinit les repreacutesentations comme laquo une forme courante et non savante de connaissances
socialement partageacutees qui contribue agrave une vision de la reacutealiteacute commune agrave des ensembles sociaux et
culturels raquo(repreacutesentations linguistiques in Moreau Sociolinguistique concepts de base Mardaga
liegravege 1996 p146)
Deux caractegraveres sont agrave relever dans cette deacutefinition
_Le caractegravere non savant des repreacutesentations il srsquoagit drsquoune forme de connaissance qui ne repose
sur aucune rationaliteacute crsquoest une connaissance intuitive purement subjective Branca-Rosoff citeacute
par Boyer in Sociolinguistique territoire et objets p79 deacutesigne ce pheacutenomegravene laquo drsquoopinions
steacutereacuteotypeacutees raquo Crsquoest donc une certaine vision une certaine perception que les locuteurs ont de
leurs langues et de celles des autres
- Les repreacutesentations linguistiques sont socialement eacutelaboreacutees et partageacutees par tous les membres
drsquoune socieacuteteacute Elles fonctionnent comme des normes sociales ideacutee partageacutee par Labov qui les
situent entre la norme ideacuteologique et les usages effectifs Pour ce dernier la norme sociale est le
fondement mecircme de la communauteacute linguistique qui ne se deacutefinit plus comme un ensemble de
locuteurs partageant les mecircmes usages (au niveau des pratiques elle est plutocirct heacuteteacuterogegravene) mais
comme un ensemble de locuteurs partageant des normes subjectives communes Ainsi les langues
sont jugeacutees positivement alors que drsquoautres le sont neacutegativement Les jugements peuvent ecirctre de
nature estheacutetique peuvent concerner le systegraveme lui-mecircme la valeur de la langue sur le marcheacute
linguistique et enfin le groupe qui la parle Nous avons donc affaire agrave un pheacutenomegravene social et crsquoest
justement ce caractegravere social des repreacutesentations linguistiques qui justifie qursquoelles constituent un
objet de choix de la sociolinguistique cependant cela nrsquoexclut pas qursquoil y ait tout de mecircme une part
individuel
Les locuteurs ne se contentent pas drsquoutiliser les langues et les varieacuteteacutes de langues ils les eacutevaluent
cette eacutevaluation influe beaucoup sur leurs pratiques linguistiques On entre ici dans le domaine des
attitudes et des normes qursquoelles impliquent chaque locuteur eacutevalue sa propre pratique et celle des
autres et ces eacutevaluations jouent un rocircle important dans le changement linguistique
La linguistique diachronique analyse le changement linguistique drsquoougrave provient une innovation
pourquoi et comment srsquoimpose-t-elle est-ce pour des raisons sociologiques qursquoune langue
change Andreacute Martinet a deacutefendu la thegravese que lrsquoeacutevolution phonologique drsquoune langue ne se faisait
pas de maniegravere aleacuteatoire mais srsquoexpliquait par la neacutecessiteacute pour son systegraveme de trouver une
stabiliteacute optimale en reacuteduisant ses deacuteseacutequilibres Drsquoautres linguistes preacutefegraverent mettre lrsquoaccent sur
des meacutecanismes sociaux par exemple un groupe peut imiter la prononciation drsquoun autre jugeacutee
plus prestigieuse
Deux tendances srsquoaffrontent pour expliquer le changement on invoque souvent le principe du
moindre effort les locuteurs confondent certaines formes phoneacutetiquement tregraves proches simplifient
des constructions syntaxiques compliqueacutees Cette tendance au moindre effort du locuteur est
contrebalanceacutee par une autre qui pousse agrave ne pas compromettre la compreacutehension crsquoest-agrave-dire le
moindre effort de lrsquoauditeur
Il nrsquoest pas rare qursquoun eacutetranger en situation officielle srsquoexcuse de ne pas parler la langue de son
interlocuteur Ce faisant il teacutemoigne drsquoune certaine politesse qui compenserait en quelque sorte
laquo lrsquoimpolitesse raquo de ne pas bien parler la langue mais il teacutemoigne aussi de la valeur positive qursquoil
accorde agrave cette langue et agrave ceux qui la parlent A lrsquointeacuterieur drsquoun groupe qui parle la mecircme langue
on observe nous le verrons un un pheacutenomegravene semblable drsquoineacutegaliteacute linguistique entre locuteurs de
statut socioculturel diffeacuterent
Par ailleurs nous sommes tour agrave tour eacutemetteurs et reacutecepteurs nos compeacutetences en tant que
reacutecepteurs sont plus grandes que nos compeacutetences en tant qursquoeacutemetteurs nous nrsquoemployons pas
toutes les structures linguistiques que nous connaissons de mecircme que nous nrsquoappartenons pas agrave
toutes les cateacutegories socioculturelles que nous sommes capables de reconnaicirctre Mais le reacutecepteur
nrsquoa pas un rocircle passif
-il reconstitue le sens de lrsquoeacutenonceacute qursquoil reccediloit selon ses propres schegravemes drsquointerpreacutetation et
lrsquoensemble de ses expeacuteriences
-il perccediloit aussi des signes linguistiques qursquoil interpregravete en fonction des connotations et des
normes en cours dans la classe sociale agrave laquelle il appartient lorsque ces signes peuvent faire
lrsquoobjet de variations ils deviennent des marqueurs socioculturels
-il juge ce qursquoil perccediloit selon lrsquoimage qursquoil a du locuteur de ses intentions de la situation et
du rocircle qursquoil y joue des enjeux de lrsquoacte de langage et selon lrsquoimage qursquoil a de lui mecircme et de ses
compeacutetences la faccedilon de parler est un facteur plus reacuteveacutelateur de la classe sociale des
interlocuteurs que les vecirctements ou les apparences de train de vie
En effet si les repreacutesentations linguistiques sont de nature sociales elles sont en rapport
eacutetroit avec lrsquoideacuteologie qui tente drsquoagir sur elles et les modegraveles Cependant si les repreacutesentations
sont agrave distinguer des discours scientifiques elles sont aussi agrave distinguer des discours ideacuteologiques
tenus par le pouvoir Branca Rossof citeacute par Boyer p79 exprime fort bien cette ideacutee en affirmant
que les repreacutesentations laquo permettent de sortir de lrsquoopposition radicale entre laquo le reacuteel raquo les faits
objectifs deacutegageacutes par la description linguistique et lrsquoideacuteologie les consideacuterations normatives
comme repreacutesentations fausses repreacutesentations eacutecrans raquo Crsquoest donc entre le reacuteel et lrsquoideacuteologie
qursquoelle situe les repreacutesentations Qursquoest ce qursquoest lrsquoideacuteologie laquo Tout systegraveme de repreacutesentations
structureacute et coheacuterent visant agrave rendre compte du monde exteacuterieur de la reacutealiteacute sociale lrsquoideacuteologie se
preacutesente sous forme drsquoun discours construit et totalisant ougrave les ideacutees srsquoenchaicircnent logiquement et
les valeurs concordent raquo (discours et ideacuteologie p4)
Ainsi lrsquoideacuteologie est un systegraveme structureacute parfaitement coheacuterent eacutelaboreacute en fonction drsquoobjectifs
bien deacutetermineacutes officiel car il srsquoagit de faccedilonner lrsquoimaginaire collectif national alors que les
repreacutesentations sociales nrsquoobeacuteissent pas agrave ces contraintes elles sont le fruit drsquoun consensus social
plus ou moins libre Mais il faut souligner qursquoen pratique la limite entre ces deux repreacutesentations
nrsquoest pas toujours clairement repeacuterable et les deux se confondent les ideacuteologues au service de
lrsquoeacutetat sont drsquoabord et avant tout des membres de la socieacuteteacute le pouvoir par les moyens qui lui sont
confeacutereacutes (meacutedia eacutecoles AIE) arrive toujours agrave faccedilonner les mentaliteacutes Ainsi on aime ou on
deacuteteste une langue parce qursquoon se fait une certaine ideacutee drsquoelle ou de ces locuteurs
QUE CONCLURE Lrsquoanalyse des repreacutesentations ne peut ecirctre eacutetudieacutee sans une analyse des pratiques linguistiques
Drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutetudier agrave la fois les comportements et les attitudes des locuteurs drsquoobserver les
productions et de ne pas se contenter de recueillir des paroles des sujets qui peuvent varier selon les
situations et les interactions(voir agrave ce sujet B Maurer Houdebine Canut et Boyer)
Cours 6- LA POLITIQUE LINGUISTIQUE OU LES NORMES LA NORME
Michel Tournier deacutefinissant le normal donne les deacutefinitions suivantes
NORMAL 1 Conforme agrave la norme Ideacuteal 2 Conforme agrave la moyenne Habituelle
Ceci peut servir dintroduction agrave qui aborde la question de la norme Cest bien la un veacuteritable problegraveme car selon les lieux selon les personnes selon le domaine les deux perspectives se mecirclent effectivement et perturbent la compreacutehension Peut-on dire que la norme est un ideacuteal cest-agrave-dire de fait quelque chose que personne natteint ou nincarne vraiment Peut-on dire que la norme est faite de la moyenne des opinions ou de la moyenne des comportements Nous allons rencontrer ces deux voies comme deux eacutecueils entre lesquels il conviendra de naviguer
Georges Mounin lui-mecircme dans son Dictionnaire de la Linguistique (PUFQuadriges reacuteeacuted 1993) commence son article Norme de la faccedilon suivante Moyenne des divers usages dune langue agrave une eacutepoque donneacutee ou usage imposeacute comme le plus correct ou le plus prestigieux par une partie de la socieacuteteacute (le bon usage)
En fait si le normal et le normatif restent des concepts tregraves grand public qui suscitent des deacutefinitions un peu floues il convient de souligner que la norme du franccedilais nest en aucun cas deacutetermineacutee en regardant les usages majoritaires Cest la varieacuteteacute de franccedilais qui agrave une eacutepoque donneacutee est procircneacutee par la socieacuteteacute franccedilaise qui simpose agrave chacun mais aussi qui est deacutefendue par chacun mecircme ceux qui en sont tregraves eacuteloigneacutes y sont attacheacutes Cest dans les classes populaires que tout en pratiquant dautres varieacuteteacutes on tient le plus agrave ce que soit enseigneacutee la norme que lon se soucie de savoir ce qui est correct ce qui ne lest pas - la norme eacutetant plus ou moins assimileacutee agrave ce qui permet de reacuteussir puisque ceux qui ont reacuteussi sont censeacutes pratiquer la norme en offrir une image On devine ainsi que la norme de fait est la varieacuteteacute pratiqueacutee par les hautes couches de la socieacuteteacute dans les situations formelles ougrave elles donnent agrave voir leur langue - varieacuteteacute dailleurs plus ou moins fantasmeacutee (et par lagrave sans doute rejoint-on la notion dideacuteal) que personne ne pratique vraiment et qui ainsi apparaicirct toujours au-delagrave des usages reacuteels Indeacuteniablement cependant des usages se rapprochent davantage de ce qui est preacutesenteacute comme la norme (dans les dictionnaires dans les grammaires) mais ces ouvrages parce quils sont eacutecrits utilisent et preacutesentent obligatoirement une varieacuteteacute diffeacuterente de loral et contribuent agrave la dichotomie si souvent formuleacutee par Monsieur Toutlemonde agrave leacutecrit ccedila va ma langue est correcte mais agrave loral je nai pas le temps de reacutefleacutechir et je parle mal
Dans ces conditions on soulignera que
la norme est une varieacuteteacute eacutecrite que lon enseigne en principe qui est formaliseacutee et toujours plus ou
moins eacuteloigneacutee des varieacuteteacutes parleacutees mecircme quand elles reccediloivent un jugement favorables de
locuteurs solliciteacutees pour donner leur avis
On ne parle jamais comme on eacutecrit (cf chapitre sur langues orales langues eacutecrites) mais les
couches sociales qui ont reacuteussi sont censeacutees davantage incarner la norme
Il est certain que plus les eacutetudes des sujets ont eacuteteacute longues plus ils pratiquent couramment des
varieacuteteacutes proches de lideacuteal quon appelle la norme ne serait-ce que parce que leur impreacutegnation agrave
travers une longue pratique de la langue eacutecrite rejaillit sur leur pratique orale Mais ne neacutegligeons
pas toutefois les facteurs sociologiques et eacuteconomiques qui interfegraverent avec ce que lon croit
attribuer agrave leur langue (richesse visible aisance sociale position eacuteconomique domination
sociale)
Ne veut-on pas imiter ceux quon preacutesente comme les modegraveles normatifs plus parce quils ont
reacuteussi que parce quils parlent bien la cravate de PPDA(1) sa faccedilon de shabiller son aisance et
son sourire parfaitement placeacute ne jouent-ils pas un plus grand rocircle que sa langue mecircme (on connaicirct
dailleurs lusage du prompter agrave la teacuteleacutevision ) pour le faire citer comme quelquun qui parle bien
Indeacuteniablement - et dans toute socieacuteteacute - servent de modegravele ceux qui ont reacuteussi et non pas ceux qui
sont consideacutereacutes comme des parias (cf les clochards ou SDF)
Noublions pas en outre que si les accents reacutegionaux ne sont plus aussi stigmatiseacutes maintenant
quil y a une trentaine danneacutees ils sont lobjet malgreacute tout de preacutecautions subtiles qui amegravenent ceux
qui atteignent les plus hautes responsabiliteacutes sociales agrave sen deacutefaire partiellement (cf le Preacutesident
Giscard dEstaing prenant des cours dorthoeacutepie pour se deacutebarrasser de son accent auvergnat qui
neacutetait pas de mise pour quelquun preacutetendant aux plus hautes fonctions et donc Preacutesident de tous
les Franccedilais) ou bien qui amegravene agrave seacutelectionner pour les plus hautes responsabiliteacutes ceux qui ont un
accent consideacutereacute comme convenable celui qui est accepteacute agrave une eacutepoque donneacutee les deux
comportements interfegraverent constamment et se reacutepondent pour eacuteliminer de la parole publique avec
une image favorable (et non pas plus ou moins ridicule) ceux qui seraient les plus eacuteloigneacutes de la
norme
Les caracteacuteristiques de la norme orale eacutevoluent au fil des siegravecles notre r actuel assez faible
un peu plus grasseyeacute agrave Paris quagrave Marseille nest plus du tout le r rouleacute que prononccedilait les
nobles il y a quelques siegravecles mais elles eacutevoluent bien plus lentement que lusage reacuteel
La norme est donc bien une question qui relegraveve fondamentalement de la sociolinguistique
deacutetermineacutee fixeacutee agrave chaque eacutepoque sur des critegraveres socio-eacuteconomiques elle se transmet dans
lenseignement et donc apparaicirct comme beaucoup plus permanente que les autres varieacuteteacutes non
formaliseacutees qui ne se transmettent que familialement (acquisition non formelle) Leacutecole joue ainsi
un rocircle essentiel dans la transmission la permanence le statut les preacuterogatives accordeacutees agrave la
norme Cest elle qui peut la reacutepandre de faccedilon quasiment universelle dans un pays Sa non-
transmission - cf le discreacutedit de leacutecole pour toute transmission ou la moindre importance accordeacutee
agrave la langue correcte agrave notre eacutepoque - ont pour premier reacutesultat que les couches sociales les plus
eacuteloigneacutees de la norme ny accegravedent plus La norme ne disparaicirct pas pour autant mais elle est alors
surtout lobjet de transmission familiale dans les familles conscientes et capables den assurer la
transmission indeacutependamment de leacutecole Leacutecole en enseignant la norme eacutetait facteur de
deacutemocratisation de la socieacuteteacute franccedilaise si elle renonce agrave cette tacircche on parvient agrave une socieacuteteacute
aristocratique dans laquelle certains savent sans avoir appris (selon lexpression consacreacutee) et ougrave
il ny a plus de chance de veacuteritable mobiliteacute sociale Contrairement agrave nos a priori on peut voir ainsi
que la norme est deacutemocratique quand ideacuteal proposeacute agrave tous elle est accompagneacutee dans son
apprentissage de la transmission des principes qui permettent de latteindre Dire (comme cela se
pratiquait agrave luniversiteacute agrave Lyon dans les anneacutees soixante) il ne faut pas dire un [floslashv] (pour
fleuve) une [foslashj] (pour feuille) cest donner agrave tous une chance dacceacuteder agrave des situations ougrave lon
ne tolegravere pas un accent reacutegional marqueacute ne plus le dire cest laisser encore les plus hautes
positions agrave ceux qui lauront compris tout seuls (dans leur famille) et bien sucircr eacuteliminer ceux qui ne
se doutent mecircme pas que ce genre de prononciation est stigmatiseacutee
On pourra distinguer avec Marie-Louise Moreau (1997) article Les types de normes
les normes de fonctionnement (habitudes linguistiques partageacutees par les membres dune
communauteacute regravegles qui sous-tendent les comportements linguistiques dun sous-groupe)
les normes descriptives (ce sont les normes de fonctionnement rendues explicites par les
descriptions qui en sont faites Mais ainsi ce sont les normes de certains sous-groupes seulement
qui sont deacutecrites on ne sinteacuteresse pas tretiennent des relations complexes avec les normes
prescriptives Elles contribuent grandement agrave la hieacuterarchisation)
les normes fantasmeacutees (ici on est toujours dans le domaine des repreacutesentations le groupe se forge
un ensemble de conceptions sur la langue et son fonctionnement qui nont souvent guegravere de zone
dadheacuterence avec le reacuteel )
La norme ou le bon usage
La norme au sens de langue que lrsquoon doit parler est un discours drsquoautoriteacute fixeacute par une institution
drsquoeacutetat) chargeacutee de creacuteer une langue homogegravene faite pour ecirctre parleacutee par un usager ideacuteal une
langue standard de partout et de nulle part uniforme polie deacutebarrasseacutee de toute impureteacute comme
-les reacutegionalismes les varieacuteteacutes geacuteographiques srsquoopposent au caractegravere centralisateur de la norme
et eacutechappent agrave tout controcircle elles sont donc connoteacutees peacutejorativement et le critegravere de la hieacuterarchie
sociale
-les innovations qursquoil srsquoagisse de changements lexicaux syntaxiques ou phoneacutetiques ils sont
ignoreacutes -non reconnus- ou attesteacutes longtemps apregraves leur apparition lorsque la norme nrsquoa pas reacuteussi
agrave srsquoimposer Face aux variations individuelles et collectives la langue normeacutee se veut homogegravene et
tire sa leacutegitimiteacute de lrsquoeacutecole
Un des comportements sociaux les mieux connus vis agrave vis de la langue est la normalisation
Fishman affirme que laquo la codification est lrsquoacceptation par une communauteacute drsquoun systegraveme formel
de normes qui deacutefinissent lrsquousage correct raquo
Qursquoest-ce que la norme ou lrsquousage correct de la langue laquo La norme est un recueil de perceptions consigneacutees dans des grammaires dites normatives et
correspondant agrave ce qursquoil faut dire pour se conformer au bon usage linguistique de la bonne
socieacuteteacute raquoDenise Franccedilois
Elle repreacutesente un choix approprieacute fondeacutes sur des preacutejugeacutes socioculturels et sur la notion de
niveaux de langues hieacuterarchiseacutees les classes dominantes et les bons auteurs emploient une langue
de qualiteacute qursquoil faut consideacuterer comme un modegravele
Parler de normes revient agrave se reacutefeacuterer agrave plusieurs acceptions
-un ensemble drsquointerdits de prescriptions sur des faccedilons de dire quelquefois accompagneacutees de
justifications de divers ordres
-tenir compte de cet ensemble de prescriptions crsquoest parler correctement sans faire de fautes
Les institutions de la norme sont
-Lrsquoeacutecole lrsquoeacutecole par le biais des grammaires et des enseignants tend agrave imposer agrave lrsquoenfant une
langue uniforme qursquoil nrsquoutilisera pas souvent ailleurs Par lrsquoenseignement de la grammaire elle
lrsquohabitue laquo non seulement agrave concevoir les reacutealiteacutes de la langue mais agrave reacuteprimer son goucirct naturel de
la parole pour substituer agrave la spontaneacuteiteacute langagiegravere une pratique eacutecrite conforme agrave des normes
rigoureuses raquo Elle lui impose de faire des phrases ainsi qursquoune prononciation de lecture standard
qui pour bon nombre drsquoenfants est artificielle cependant cette langue semblera toujours parce
qursquoimposeacutee par lrsquoeacutecole supeacuterieure agrave la sienne
-Lrsquoeacutecrit Lrsquoadministration prend le relais de lrsquoeacutecole pour perpeacutetuer la crainte de la faute et le
respect pour la langue eacutecrite laquo notre langue eacutecrite a plus de digniteacute que notre langue parleacutee
souvent fautive raquo Lrsquoopposition eacutecrit parleacute devient une opposition digne fautif Ceci appelle deux
remarques
La langue parleacutee comme la langue eacutecrite peut comporter tous les niveaux car rien nrsquoempecircche en
theacuteorie drsquoeacutecrire comme on parle ni de parler comme on eacutecrit
-De plus ces deux formes drsquoexpressions ont chacune une speacutecificiteacute de fonctionnement que la
deacutemarche normative semble ignorer Parler crsquoest construire un discours en train de se faire Le
locuteur improvise constamment ce qui lrsquoamegravene agrave heacutesiter agrave se reprendre agrave changer lrsquoorientation
de sa phrase agrave utiliser diverses strateacutegies agrave avoir recours agrave tous les proceacutedeacutes extra et
paralinguistiques regard mimiques gestes intonations Lrsquoeacutecrit nrsquoignore ni les heacutesitations ni les
reprises mais celles-ci disparaissent avec les brouillons Drsquoun point de vue linguistique il nrsquoy a
aucune raison drsquoopposer le parler et lrsquoeacutecrit de faccedilon hieacuterarchique puisque les deux domaines
fonctionnent diffeacuteremment
Une norme linguistique est un trait unificateur drsquoune socieacuteteacute tout le monde la connaicirct et sa
connaissance permet de distinguer les autochtones des eacutetrangers Mais mecircme dans le cas ougrave tout le
monde peut savoir quelles sont les variantes de statut supeacuterieur il nrsquoest pas neacutecessairement vrai que
tous voudront les adopter dans leur discours quotidien Certaines eacutetudes ont montreacute que les
reacuteactions subjectives aux variantes sociolinguistiques eacutetaient diffeacuterentes selon les classes et
impliquaient beaucoup plus qursquoune simple eacutechelle de prestige (cf Labov) Labov dans laquo
Sociolinguistique pp 250-251 339-340 418-419 raquo fait une distinction entre norme cacheacutees
voileacutees et norme manifestes normes stigmatiseacutees et norme accepteacutees Les variantes de statut eacuteleveacute
possegravedent un prestige manifeste elles sont associeacutees au pouvoir social indeacuteniable des locuteurs de
la classe supeacuterieure peuvent ecirctre la condition neacutecessaire drsquoaccegraves agrave des fonctions drsquoun statut plus
eacuteleveacute et sont promulgueacutees par les agents de la normalisation dans la socieacuteteacute tels que les meacutedias et
les instituteurs Mais pour beaucoup de locuteurs de la classe ouvriegravere ou de la petite bourgeoisie
les variables linguistiques laquo non standard raquo associeacutees agrave leurs groupes peuvent aussi posseacuteder un
prestige voileacute (covert prestige celui drsquoun groupe local de statut infeacuterieur) La signification sociale
de base de ces variables au prestige voileacute est celle de la solidariteacute une personne qui les utilise est
consideacutereacutee comme eacutetant un des leurs comme ami possible Pour certains groupes ces formes
peuvent signifier dureteacute ou viriliteacute
Pour compleacuteter vos connaissances dans le domaine de la norme reportez vous aussi sur le web agrave
un article dOlga Ozolina Quelques approches de leacutetude de la norme linguistique
Tout un cours eacutecrit par Benoiumlt Leblanc et Claude Tousignant de la Socieacuteteacute Saint-Jean-
Baptiste de la Mauricie sur la Norme linguistique mais aussi quelques autres notions
essentielles
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La ville comme lieu de contactvariation va devenir un lieu privileacutegieacute drsquoeacutetudes (par
opposition agrave dialectologie)
Ces diffeacuterents approches des faits langagiers se traduisent eacutegalement par des
meacutethodologies diffeacuterentes la description grammaticale drsquoune langue peut se faire agrave
partir drsquoun informateur ou drsquoun corpus de textes eacutecrits par exemple lrsquoapproche
sociolinguistique suppose des recueils de corpus en laquo situation raquo qui mettront en valeurs
la diversiteacute des usages en fonction de la diversiteacute des locuteurs
I-3- Bref aperccedilu historique de la sociolinguistique geacuteneacuterale
Avant que le terme sociolinguistique ou sociologie de la langue existe il y avait
eacutevidemment des gens qui faisaient de la sociolinguistique laquo sans le savoir raquo cf eacutetudes
dialectales sur les patois et donc prise en compte de la variation geacuteographique eacutetudes
sur les contacts de langues (Schuchardt 1842-1927 Weinreich) linguistique historique
avec en France des gens comme Meillet Marcel Cohen etc ou lrsquoanthropologie
linguistique comme Boas Sapir etc et bien au delagrave en ce qui concerne le rapport
languepenseacutee (logiciens) et le rapport styleclasse sociale
La sociolinguistique comme discipline constitueacutee srsquoest eacutelaboreacutee dans les anneacutees 1960
aux USA autour drsquoun groupe dont la plupart des membres vont devenir ceacutelegravebres dans
leur champ respectif (cf Calvet 2003) Dell Hymes Fishman Gumperz Labov
Ferguson etc Leur approche peut se reacutesumer agrave cette sentence ceacutelegravebre laquo Etudier qui
parle quoi comment ougrave et agrave qui raquo (Fishman 1965) Les rapports sociaux entre les
individus deviennent centraux et non plus peacuteripheacuteriques La sociolinguiste srsquoest
constitueacutee en opposition plus ou moins marqueacutee avec le structuralisme et bien sur avec
le geacuteneacuterativisme Chacun de ces membres deacuteveloppera un champ particulier de la
sociolinguistique
Hymes contact de langue et creacuteolistique Fishman langues des minoriteacutes et rapport
langueidentiteacuteGumperz laquo la sociolinguistique interactionelle et lrsquoethno-meacutethodologie
Labov la sociolinguistique variationiste urbaine Ferguson champ large mais pour
le domaine arabe sur lequel je reviendrai la question de la diglossie et les koines
urbaines
A partir de la fin des anneacutees soixante la sociolinguistique devient un champ important
actif qui a beaucoup apporteacute au renouvellement de nos cateacutegories en particulier gracircce au
domaine de la linguistique de contact et qui a souligneacute la relativiteacute des frontiegraveres et des
cateacutegories
Les langues qui eacutetaient perccedilues comme des systegravemes autonomes vont de plus en plus
ecirctre perccedilues comme des systegravemes poreux fluides variables etc
La sociolinguistique rappelle que les langues sont des abstractions des cateacutegories
construites par les linguistesgrammairiens et les acteurs sociaux et politiques qursquoil
srsquoagisse des cateacutegories comme langues ou dialectes ou varieacuteteacutes Toutes ces cateacutegories
ne reflegravetent pas des reacutealiteacutes inheacuterentes Donc la sociolinguiste a participeacute du mouvement
geacuteneacuteral des ideacutees en Sciences humaines de la deuxiegraveme partie du XXegraveme siegravecle ougrave on
est passeacute de conceptions essentialistes heacuteriteacutees du 19egraveme
s (cf races ethnies langues) agrave
des conceptions beaucoup plus relativistes contextualiseacutees historiciseacutees (il nrsquoexiste pas
de cateacutegories preacute-eacutetablies ce sont les acteurs et les chercheurs qui creacuteent ces cateacutegories
)
Mais comme toute discipline la sociolinguistique a eu eacutegalement tendance agrave se
fragmenter en de multiples sous domaines avec des querelles de meacutethode qui ne sont
pas toujours tregraves passionnantes Parmi les grandes tendances actuelles
a) drsquoune part tous les travaux relevant de la sociologie du langage ougrave lrsquoaccent est
surtout mis sur les groupes sociaux les politiques linguistiques etc et ougrave la description
des faits linguistiques est relativement marginale
b) la linguistique variationiste tendance Labov qui reste dans une conception
systeacutemique du langage mecircme si considegravere que la variation est le moteur de lrsquoeacutevolution
linguistique Cette branche srsquoattache principalement agrave lrsquoeacutetude des variantes sociales agrave
lrsquointeacuterieur de ces systegravemes Domaine qui attache une grande importance aux
correacutelations statistiques comme dans la sociologie et crsquoest pourquoi ce sont
essentiellement des variantes phonologiques qui sont eacutetudieacutees car sont plus facilement
comptabilisables On peut eacutegalement placer dans cette lignes les travaux de lrsquoeacutecole
anglo-saxonne qui ont beaucoup travailleacute sur le contact dialectal en milieu urbain et les
pheacutenomegravenes drsquoaccommodation dialectal (Trudgill Milroy Kersvill etc)
c) tout le domaine de la pragmatique sociolinguistique interactionnelle les actes
du discours etc ougrave lrsquoon va montrer dans des eacutetudes plutocirct micro comment les locuteurs
jouent se positionnent sur les diffeacuterents registresvarieacuteteacutes de langue
d) plus reacutecemment et principalement en France une sociolinguistique urbaine
(Bulot Calvet) qui ne prend pas simplement la ville comme cadre mais qui srsquointerroge
sur lrsquointeraction entre ville et pratiques langagiegraveres sur lrsquourbaniteacute des faits
linguistiques
e) Tout le domaine du contact de langue et de la creacuteolistique qui a connu un essor
tregraves important depuis trente ans et qui regroupe des approches tregraves diffeacuterentes
NAISSANCE DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
II-1 -LE CONTEXTE HISTORIQUE
A lrsquoinverse des linguistes les sociologues preacutefegraverent rattacher lrsquoeacutevolution de la
sociolinguistique agrave des neacutecessiteacutes sociales qursquoagrave des impeacuteratifs eacutepisteacutemologiques Ainsi
lrsquoapparition de cette nouvelle branche de la linguistique dans les pays anglo-saxons et
en France agrave des peacuteriodes diffeacuterentes est une reacuteponse aux interrogations des linguistes
lieacutee au contexte politique et social Aux Etats Unis son apparition est lieacutee agrave la
redeacutecouverte de la pauvreteacute frappant surtout les minoriteacutes Dans les anneacutees 1960-1970
un deacuteficit budgeacutetaire srsquoaggrave car les deacutepenses ne suivent pas les preacutevisions Par
ailleurs la seconde guerre du Vietnam les deux chocs peacutetroliers accentue la pousseacutee
inflationniste un ralentissement de la croissance la hausse des prix tous ces facteurs
entraicircnent une aggravation du chocircmage qui frappe surtout les minoriteacutes linguistiques
Pour remeacutedier agrave des problegravemes que lrsquoon rencontre agrave lrsquoeacutecole pour aider ces minoriteacutes
(noirs portoricains indiens) agrave srsquointeacutegrer des speacutecialistes sociologues
psychologueshellipvont effectuer des recherches laquo On redeacutecouvre que le langage joue un
rocircle important dans la diffeacuterenciation sociale comme en teacutemoignent les problegravemes
scolaires des enfants des milieux deacutefavoriseacutes Le gouvernement feacutedeacuteral lance une
politique sociale visant agrave lrsquointeacutegration scolaire des minoriteacutes linguistiques Un grand
nombre de chercheurs dont Labov Hymes Fishman se fixent comme un de leurs
objectifs drsquoaider agrave reacutesoudre ces problegravemes Ainsi Labov consacre-t-il plusieurs articles
aux causes de lrsquoeacutechec des enfants noirs dans lrsquoapprentissage de la lecture Hymes
entend examiner non seulement les outils linguistiques et la structure sociale Fishman
se penche sur les problegravemes de contact de langue Tous les trois constatent que la
linguistique structurale et geacuteneacuterative se trouve impuissante agrave traiter la question que pose
pour lrsquoeacutecole lrsquoapprentissage de la norme linguistique Pour eux la diffeacuterenciation
linguistique est inseacuteparable du pluralisme culturel dont toute socieacuteteacute est teacutemoin et le
langage est investi de valeurs eacuteconomiques et sociales raquo( Christian Baylon p16)
En France les preacuteoccupations drsquoordre sociologique ont eacuteteacute mises agrave lrsquoeacutecart par le
prestige drsquoun structuralisme agrave sujet reacuteduit et le succegraves de la grammaire de Chomsky qui
proposait un modegravele eacuteliminant le fonctionnement pragmatique du langage Gracircce aux
travaux de recherches anglo-saxons la reacuteflexion sur le langage en tant que pratique
sociale va ecirctre renouveleacutee et la linguistique franccedilaise sera obseacutedeacutee agrave partir du XIX
siegravecle par le problegraveme des rapports de la langue et des mouvements sociaux De
nombreux travaux vont apparaicirctre Ducrot fait connaicirctre ses recherches sur les actes de
parole JB Marcellesie et Gardin se sont fait largement lrsquoeacutecho des ideacutees de Labov Ces
preacuteoccupations sont lieacutees dans les anneacutees 1975-1985 peacuteriode ougrave les conditions socio-
eacuteconomiques se transforment socieacuteteacute en crise chocircmage pousseacutee nationaliste-
seacutecuritaire xeacutenophobie et problegravemes de lrsquointeacutegration car la socieacuteteacute franccedilaise
contemporaine est caracteacuteriseacutee par la confrontation drsquoimaginaires sociaux jaillissement
de des diffeacuterences affirmation des minoriteacutes agrave la recherche de valeurs neuves les
immigreacutes les chocircmeurs les minoriteacutes culturelles srsquoopposeraient aux franccedilais
A- CRISE DE LA LINGUISTIQUE STRUCTURALE
Elle preacutesente des eacutetapes qui se manifeste par des eacutecoles Le structuralisme le
distributionnalisme le fonctionnalisme Elle srsquoest deacuteveloppeacutee en isolant dans la totaliteacute
du langage un objet censeacute ecirctre homogegravene la langue en lrsquoeacutetudiant indeacutependamment de
ses reacutealisations agrave lrsquoensemble de la reacutealiteacute extralinguistique et elle a mis en place un
ensemble de concepts meacutethodologiques et descriptifs Cet ensemble de concepts cette
meacutethodologie rigoureuse a permis le deacuteveloppement drsquoune linguistique descriptive
structurale synchronique centreacutee sur la phonologie la syntaxe la fonction des eacuteleacutements
et leur distribution La grammaire geacuteneacuterative reprend de faccedilon systeacutematique le projet
drsquoune grammaire universelle elle reacutehabilite le sujet parlant mais ideacuteal et tout en
reprenant les concepts eacutetablis par les structuralistes nrsquoeacutelucident pas pour autant le
rapport entre langue et socieacuteteacute
En effet de nombreux reproches ont eacuteteacute prodigueacutes contre la linguistique structurale F
Franccedilois parle de crise de la linguistique Marcellesie affirme qursquoelle est incapable
drsquointeacutegrer de maniegravere satisfaisante la variation et de reacutepondre aux questions de la place
et du rocircle des pheacutenomegravenes langagiers dans la socieacuteteacute (Penseacutee n 209 Janvier 1980 p4)
drsquoougrave la remise en cause de certains concepts
B-LES CONCEPTS SAUSSURIENS ET LEUR REMISE EN CAUSE
-La langue
-Le signe linguistique
-La communication
Ouvrir le deacutebat fondamental sur la nature sociale du langage signifie une remise en
cause drsquoun certain nombre de concepts relatifs agrave la linguistique structurale et agrave la
grammaire geacuteneacuterative qui drsquoune certaine maniegravere ont reacutepondu agrave leur maniegravere agrave la
question fondamentale du rapport entre langage et socieacuteteacute la place qursquoy occupe cette
probleacutematique sa pertinence les reacuteponses qui y sont apporteacutees
En effet on sait le rocircle fondateur qursquoa joueacute en Europe tout au moins Le cours de
linguistique geacuteneacuterale de Ferdinand De Saussure publieacute pour la premiegravere fois en 1916
Depuis la recherche en linguistique comme dans les autres sciences de lrsquohomme et de
la socieacuteteacute srsquoest diversifieacutee drsquoun point de vue geacuteographique autant que theacuteorique voire
atomiseacutee Il convient de souligner cependant que les deux derniegraveres deacutecennies ont vu
progressivement eacutemerger un ensemble drsquohypothegraveses et de pratiques qursquoon range
volontiers sous lrsquoeacutetiquette de linguistique de la parole ou sociolinguistique et qui
srsquoopposent drsquoun point de vue eacutepisteacutemologique agrave la linguistique de la langue du
systegraveme pour reprendre la distinction Saussurienne entre langue ( savoir collectif
social organiseacute en systegraveme) et parole (ensemble des productions individuelles des
reacutealisations linguistiques concregravetes)
Donc la sociolinguistique est bien une linguistique de la parole crsquoest-agrave-dire une
linguistique qui sans neacutegliger les acquis de lrsquoapproche structuraliste des pheacutenomegravenes
langagiers situe son objet dans lrsquoordre du social et du quotidien du priveacute et du
politique de lrsquoaction et de lrsquointeraction pour eacutetudier aussi bien les variations dans
lrsquousage des mots que les rituels de conversation les situations de communication que
les institutions de la langue les pratiques singuliegraveres de langage que les pheacutenomegravenes
collectifs lieacutes au plurilinguisme
1-La langue chez Saussure
Rappelons tout drsquoabord la deacutemarche de Saussure lorsque celui-ci constitue lrsquoobjet de la
linguistique la langue
laquo Pour trouver dans lrsquoensemble du langage la sphegravere qui correspond agrave la langue il faut
se placer devant lrsquoacte individuel qui permet de reconstituer le circuit de la
parole raquo(p27) Cependant si cet acte de communication est deacutejagrave social (deux
participants) cette socialisation est bien pauvre face agrave la reacutealiteacute de lrsquointeraction
linguistique reacuteelle De toute maniegravere lrsquoacte sera encore simplifieacute Saussure ne
srsquointeacuteresse qursquoagrave lrsquoauditeur Pour expliquer ce pheacutenomegravene individuel Saussure passe agrave
un autre niveau laquo La langue nrsquoest pas une fonction du sujet parlant elle est le produit
que lrsquoindividu enregistre passivement raquo(p30) laquo elle est la partie sociale du langage
exteacuterieure agrave lrsquoindividu par son pouvoir coercitif elle est le produit que lrsquoindividu
enregistre passivement (p 30) laquo et il ne peut agrave lui seul ni la creacuteer ni la modifier raquo
(p31)
La langue a donc une double caracteacuteristique
-Une existence exteacuterieure agrave lrsquoindividu au niveau de la psychologie collective raquodans les
cerveaux drsquoun ensemble drsquoindividus car la langue nrsquoest complegravete dans aucun elle
nrsquoexiste parfaitement que dans la masse raquo(p30)
-Une inteacuteriorisation pour chaque individu laquo quelque chose qui est dans chacun drsquoeux
tout en eacutetant commun agrave tous et placeacute en dehors de la volonteacute des deacutepositaires raquo(p38)
On peut dire qursquoagrave ce niveau drsquoanalyse Saussure arrache la langue agrave lrsquoeacutetude des faits de
nature en la rattachant agrave la sociologie laquo la langue est classable parmi les faits
humains tandis que le langage ne lrsquoest pashellip raquo laquo Pour savoir dans quelle mesure une
chose est une reacutealiteacute il faudra et il suffira de rechercher dans quelle mesure elle existe
pour la conscience des sujets raquo (p128)
La langue nrsquoest pas seulement une repreacutesentation collective elle est une veacuteritable
institution sociale systegraveme de signes exprimant des ideacutees Elle est comparable de ce
point de vue aux autres systegravemes de signes et relegraveve de la seacutemiologie laquo science qui
eacutetudie la vie des signes au sein de la vie sociale et formerait une partie de la
psychologie sociale et par conseacutequent de la psychologie geacuteneacuterale raquo( CLG p33) Tel
est le point extrecircme de la reacuteduction de la linguistique agrave la sociologie atteint par
Saussure
Or la sociolinguistique considegravere que lrsquoobjet de son eacutetude ne doit pas ecirctre simplement la
langue systegraveme de signes ou la compeacutetence systegraveme de regravegles Lrsquoopposition
langueparole ou compeacutetenceperformance implique que dans le champ drsquoinvestigation
du linguiste seule la langue (ou la compeacutetence) constitue un systegraveme fermeacute Il faut
donc deacutepasser cette opposition car elle fournit un cadre trop eacutetroit pour lrsquoeacutetude de
problegravemes linguistiques importants comme lrsquoutilisation du langage dans son contexte
socioculturel Pour ce faire certains linguistes constatant le caractegravere systeacutematique de
certains faits linguistiques situeacutes en dehors de la compeacutetence telle que la deacutefinit
Chomsky essayent drsquoeacutelargir cette notion de compeacutetence pour qursquoelle recouvre des faits
que Chomsky attribue agrave la performance Ainsi Hymes degraves 1972 deacuteveloppe le concept
de compeacutetence de communication pour communiquer il ne suffit pas de connaicirctre la
langue le systegraveme linguistique il faut eacutegalement savoir comment srsquoen servir en
fonction du contexte social
CONCLUSION
On peut donc conclure que la sociolinguistique est neacutee agrave partir de lrsquoexistence de deux
facteurs concomitants
-un eacutetat de connaissances mise en question des grammaires formelles reacuteinteacutegration
des donneacutees seacutemantiques appel agrave lrsquointeraction sociale comme donneacutee de la
communication
-un eacutetat de fait existence de problegravemes linguistiques qui inteacuteressent la vie sociale de
certaines communauteacutes
Crsquoest cette dualiteacute radicale du langage agrave la fois inteacutegralement formel et inteacutegralement
traverseacute par des enjeux subjectifs et sociaux qui fait lrsquoobjet de la sociolinguistique
Cours II DEMARCHE ET OBJET DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
III-1 -DEMARCHE
La sociolinguistique implique
- une theacuteorie linguistique qursquoobserver que deacutecrire
-et une conception systeacutematique de la communication parlante une sociologie qui
observer dans quelles relations sociales
La meacutethode en sociolinguistique se reacutepartit en deux deacutemarches successives
1-une description de la structure linguistique et une description de la structure
sociologique
Pour ce faire elle emprunte les acquis theacuteoriques de lrsquoapproche structuraliste des
pheacutenomegravenes langagiers et les concepts et meacutethodes agrave la sociologie car cette
derniegravere laquo montre que tout individu est drsquoabord un objet social le produit drsquoune
socialisation Le langage est une forme de comportement social un instrument de
communication entre les hommes un reacutepertoire de varieacuteteacutes linguistiques imbriqueacutees les
une dans les autres un moyen drsquoexpression de lrsquoindividu raquo
2-une confrontation des deux disciplines geacuteneacuteralement le but viseacute est la connaissance
de la socieacuteteacute le langage est le moyen qui permet cette connaissance Naturellement la
deacutemarche du chercheur variera selon le sujet et aussi selon sa position ideacuteologique
III-2-OBJET DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
La sociolinguistique a affaire agrave des pheacutenomegravenes tregraves varieacutes
-les fonctions et les usages du langage dans la socieacuteteacute
-la maicirctrise de la langue lrsquoanalyse du discours
- les jugements que les communauteacutes linguistiques portent sur leurs langues la
planification et la standardisation linguistiqueshellip
Elle srsquoest donneacutee au deacutepart pour tacircche de deacutecrire les diffeacuterentes varieacuteteacutes qui coexistent
au sein drsquoune communauteacute linguistique en les mettant en rapport avec les structures
sociales aujourdrsquohui elle englobe pratiquement tout ce qui est eacutetude du langage dans
son contexte socioculturel
Lrsquoobjet de son eacutetude nrsquoest pas seulement la langue systegraveme de signes ou la
compeacutetence systegraveme de regravegles Elle deacutepasse cette opposition qui fournit un cadre eacutetroit
pour lrsquoeacutetude de problegravemes linguistiques importants comme lrsquoutilisation du langage dans
son contexte socioculturel et srsquoouvre vers ce que Hymes appelle la compeacutetence de
communication pour communiquer il ne suffit pas de connaicirctre la langue le systegraveme
linguistique il faut eacutegalement savoir comment srsquoen servir en fonction du contexte
social Drsquoautres linguistes tel Labov pensent que toute production linguistique
manifeste des reacutegulariteacutes et peut donc faire lrsquoobjet drsquoune description Cependant
quelque soit les diffeacuterences tous les chercheurs mettent lrsquoaccent sur un objet
unificateur le langage consideacutereacute comme une activiteacute socialement localiseacute dont lrsquoeacutetude
se megravene sur le terrain
Donc sans exageacuterer le caractegravere multipolaire de la sociolinguistique on peut dire agrave la
suite drsquoHENRI Boyer (p7) que laquo celle-ci embrasse agrave travers ses diverses tendances
lrsquoensemble des composantes de lrsquoactiviteacute de la parole non seulement la-les langues et
la socieacuteteacute mais eacutegalement le ou les discours le ou les textes le sujet et la
communication sans oublier les attitudes et les images ce qursquoon appelle les
repreacutesentations psycho-sociolangagiegraveres qui pegravesent sur les pratiques de langage et
conditionnent leur manifestation raquo
Les objets drsquoobservation et drsquoanalyse ne seront pas les mecircmes ils sont conditionneacutes par
la deacutemarche du sociolinguiste selon qursquoil srsquoattache agrave mettre en relation telle ou telle
composante
Ainsi le sociolinguiste peut vouloir inventorier les savoirs linguistiques agrave lrsquoœuvre dans
une communauteacute donneacutee eacutetudier les dialectes les sociolectes et autres varieacuteteacutes en
usage dans tel groupe Il peut eacutegalement mettre en rapport ces savoirs linguistiques et
les institutions qui leur octroient une plus ou moins grande leacutegitimiteacute sociale Il peut
encore analyser le fonctionnement des normes et des eacutevaluations sur lesquelles srsquoappuie
la parole circulante Il ne lui est pas interdit non plus drsquointerroger les divers types de
discours oraux ou eacutecrits pour en deacutecrire le fonctionnement polyphonique crsquoest-agrave-dire
la manifestation plus ou moins probleacutematique de plusieurs voix celles des
interlocuteurs mais eacutegalement la trace lrsquoeacutecho de celles qui circulent dans le contexte
social ougrave srsquoinscrivent les productions linguistiques en question
Le sociolinguiste reacuteintroduit dans son champ drsquoeacutetude le sujet peut aussi bien analyser
les statuts rocircles et places des acteurs- partenaires leur incidence sur le deacuteroulement des
interactions au travers en particulier des strateacutegies mises en œuvre Enfin la
communication elle-mecircme peut retenir son attention au travers des actes de parole
directs ou indirects de leur interpreacutetation plus ou moins preacutevisibles des rituels
sociolangagiers sur lesquels srsquoappuie la parole en communauteacute Donc la
sociolinguistique investit tous les domaines suivants (voir scheacutema suivant p7)
Cours III
VI LA VARIATION LINGUISTIQUE
La question de la variation est une question fondamentale pour la sociolinguistique car il sagit
veacuteritablement de tirer les conseacutequences du constat fait par tout linguiste mecircme deacutebutant on ne
parle pas de la mecircme faccedilon dans toutes les circonstances de sa vie Une mecircme personne au cours
dune journeacutee change consideacuterablement dusage de varieacuteteacute de langue et ceci en raison de ses
interlocuteurs de lobjet de son discours des conditions immeacutediates de productionreacuteception Bien
sucircr en fonction de son milieu social de son histoire personnelle de son implantation
geacuteographique des effets que lon veutpeut produire de la maicirctrise des registres de langues acquise
du rapport agrave la langue et agrave la socieacuteteacute on recourt agrave des varieacuteteacutes linguistiques tregraves diverses qui mecircme
si elles sont globalement appeleacutees franccedilais peuvent comporter des diffeacuterences consideacuterables aux
yeux du linguiste qui les deacutecrit Cest le deacutesir dexpliquer cette variation de trouver les causes de
chaque varieacuteteacute en rendant compte de toutes les donneacutees susceptibles decirctre mises en relation avec
les formes produites qui a donneacute naissance agrave la sociolinguistique La perspective deacuteterministe est
centrale tout ce que nous disons agrave deacutefaut de pouvoir ecirctre directement conditionneacute par
lenvironnement linguistique immeacutediat (cf les variantes conditionneacutees) doit pouvoir ecirctre expliqueacute
par ce que nous sommes on retrouve les questions QUI parle A QUI OU QUAND
COMMENT POURQUOI
En preacutefeacuterant la notion de variation linguistique et en faisant de celle-ci une des
composantes essentielles de son champ disciplinaire la sociolinguistique reacutevegravele son inteacuterecirct prioritaire
pour certaines situation de communication individuelles ou collectives ougrave les locuteurs de maniegravere
permanente ou provisoire sont conduits agrave faire coexister en eux des usages linguistiques certes
distincts mais cependant proches Lrsquoideacutee de variation implique ici celle drsquoun eacutecart mais drsquoun eacutecart
veacutecu
En effet la sociolinguistique entend deacutecrire la langue dans ses emplois ses usages Cet
usage manifeste des variations le locuteur opegravere un choix parmi les varieacuteteacutes-les sous codes- de la
langue qursquoil maicirctrise notamment en fonction de son statut social du style et de la situation qui peut
ecirctre plus ou moins formelle Le formalisme du discours peut se deacutefinir en fonction des termes
constitutifs de lrsquoeacuteveacutenement de parole on peut se sentir obligeacute de se conduire de parler correctement
drsquoune maniegravere formelle face agrave un auditeur drsquoun statut social eacuteleveacute le thegraveme de lrsquoeacutechange neacutecessite
une langue soutenue ou familiegravere deacutejagrave sur le plan lexical la deacutenomination de certains objets risque
de changer radicalement suivant les personnes auxquelles on srsquoadresse le style peut ecirctre
surveilleacute(langue soutenue) familier celui du discours quotidien tel qursquoil est employeacute dans les
situations ordinaires ougrave le langage nrsquoest pas un objet drsquoattention
La sociolinguistique distingue entre variation inter linguistique et variation intralinguistique
VI-1-LA VARIATION INTRALINGUISTIQUE OU VARIATION DANS LES USAGES DE LA
LANGUE Il y a variation intralinguistique lagrave ougrave les locuteurs utilisent deux ou plusieurs variantes drsquoun mecircme
systegraveme donc drsquoune mecircme langue A lrsquointeacuterieur drsquoune mecircme langue il y a une variation constante Celle-ci peut ecirctre geacuteographique ou sociale mais la plupart du temps ces facteurs interfegraverent lrsquousage drsquoun patois est un pheacutenomegravene geacuteographique mais qui marque aussi une hieacuterarchie sociale La variation peut prendre la forme de patois de dialectes de langues de minoriteacute (en France le basque ou lrsquoalsacienne sont pas apparenteacutes au franccedilais) Crsquoest la dialectologie qui depuis la fin du XIX eacuteme siegravecle eacutetudie ce type de pheacutenomegravenes Lrsquourbanisation massive et le deacuteveloppement des communications ont bouleverseacute la
dialectologie traditionnelle qui eacutetait tourneacutee vers le monde rural Aujourdrsquohui crsquoest le monde urbain qui offre les terrains drsquoenquecircte les plus riches Crsquoest pourquoi la sociolinguistique se propose de reacuteinteacutegrer lrsquohomme dans la langue le locuteur son milieu celui auquel il srsquoadresse la communauteacute linguistique mecircme si toutes ces donneacutees sont extrecircmement complexes De fait dans les anneacutees 60 aux eacutetats ndashunis W Labov auteur notamment drsquoune seacuterie drsquoarticles publieacutes en franccedilais dans le recueil Sociolinguistique sociolinguiste bien connu pour son rocircle dans la recherche a fait apparaicirctre lrsquoabsolue neacutecessiteacute de consideacuterer la reacutealiteacute des productions langagiegraveres et non plus des abstractions (cette recherche sur les abstractions correspondait agrave un courant de la linguistique theacuteorique) il nrsquoheacutesite pas agrave dire que la sociolinguistique crsquoest la linguistique mecircme srsquoil est obligeacute de constater que certains linguistes neacutegligent agrave tort lrsquoeacutetude du contexte social Pour nous notre objet drsquoeacutetude est la structure et lrsquoeacutevolution du langage au sein du contexte social formeacute par la communauteacute linguistique Les sujets consideacutereacutes relegravevent du domaine ordinairement appeleacute linguistique geacuteneacuterale phonologie morphologie syntaxe et seacutemantique Les problegravemes theacuteoriques que nous soulegraveverons appartiennent eacutegalement agrave cette cateacutegorie tels la forme des regravegles linguistiques leur combinaison en systegravemes la coexistence de plusieurs systegravemes et lrsquoeacutevolution dans le temps de ces regravegles et de ces systegravemes Srsquoil nrsquoeacutetait pas neacutecessaire de marquer le contraste entre ce travail et lrsquoeacutetude du langage hors de tout contexte social je dirais volontiers qursquoil srsquoagit lagrave tout simplement de linguistique Et lrsquoon peut srsquoeacutetonner qursquoil soit utile de donner une base sociale eacutelargie agrave ce domaine Que la linguistique geacuteneacuterale quel qursquoen soit le contenu doive reposer avant tout sur le langage tel que lrsquoemploient les locuteurs natifs communiquant entre eux dans la vie quotidienne cela paraicirct aller de soi Aussi est-il profitable avant de continuer de voir preacuteciseacutement pourquoi il nrsquoen a pas eacuteteacute ainsi (Labov 1976 Lrsquoeacutetude de la langue dans son contexte social pp 258-259) Pour Labov il nrsquoy a pas drsquoeacutetude de la langue sans prise en compte des hommes qui la parlent sans eacutetude de lrsquoenvironnement social De ce fait Labov tente de correacuteler les maniegraveres de parler avec des variables sociales qui peuvent ecirctre beaucoup plus fines (et qui sont deacutetermineacutees preacuteciseacutement par lrsquoanalyse) que les grandes cateacutegories sociales traditionnelles (profession sexe acircge lieu de reacutesidence etc) Labov devant les donneacutees ordinaires de la situation de communication qui comportent une forte heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et qui sont geacuteneacuteralement consideacutereacutees comme aleacuteatoires va chercher agrave eacutetablir une systeacutematiciteacute (Gadet 1992b) En quelque sorte srsquoattachant au concept de variation libre Labov essaye drsquoeacutetablir les regravegles de cette variation drsquoen montrer les conditionnements Labov met agrave jour des reacutegulariteacutes trop systeacutematiques pour ecirctre le fait du hasard et il srsquoefforce de montrer selon les formules de F Gadet qursquo+ il y a une stratification de lrsquousage de la langue dans la socieacuteteacute dont il a pu eacutetablir qursquoelle eacutetait agrave la fois reacuteguliegravere et extrecircmement fine Elle ne peut toutefois se saisir qursquoagrave travers des consideacuterations de freacutequence puisque ce nrsquoest guegravere la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoune variante qui est en cause mais des taux drsquooccurrences compareacutes (F Gadet 1992b p 6)
Il srsquoagit drsquoassocier chaque variante linguistique agrave une cause extra-linguistique (classe sociale sexe acircge habitat race attitudes du locuteurs circonstances de la communication etc) ou chaque ensemble de variantes linguistiques (reacutealisation dune variable) agrave une ou des variables sociales selon un scheacutema que lrsquoon pourrait repreacutesenter ainsi
Ensemble des variables sociales Ensemble des variables linguistiques Une fois correctement eacutetablies les variables en modifiant lrsquoune des variables sociales on devrait
obtenir une varieacuteteacute nouvelle (un ensemble de variantes diffeacuterentes) au niveau linguistique Attention on rappellera ici la notion de variante conditionneacutee On parle en linguistique de variante
conditionneacutee quand on peut eacutetablir une correacutelation stricte entre lrsquoapparition drsquoune uniteacute linguistique et le
contexte linguistique de son apparition ainsi en franccedilais du Midi la reacutealisation [o] [ɔ] est conditionneacutees ces deux formes sont deux variantes conditionneacutees drsquoune seule uniteacute phonologique le o selon la regravegle
suivante [o] en finale ex pot chaud dos o [ɔ] + C ex rose chaude jaune code Paul pocircle Dans
drsquoautres reacutegions de France on pourra trouver des o et des ɔ non conditionneacutes par le contexte comme le montrent les prononciations laquo parisiennes raquo de saute sotte ou de pocircle Paul
Crsquoest un conditionnement de ce type que Labov a tenteacute drsquoeacutetablir non plus entre un environnement linguistique et certains sons mais entre des variables extra-linguistiques (sexe acircge situation sociale) et des uniteacutes comportant du sens (du morphegraveme uniteacute minimale de signification agrave la phrase ou au discours uniteacute vaste) Dans une perspective deacuteterministe (une deacutemarche scientifique est drsquoune faccedilon ou drsquoune autre preacutesenteacutee comme deacuteterministe) Labov pense que si nous ne parvenons pas agrave eacutetablir un conditionnement strict entre des variables extra-linguistiques et des variantes linguistiques crsquoest parce que notre analyse est
incomplegravete parce que nous avons neacutegligeacute des donneacutees Il propose de ce fait de multiplier les investigations pour trouver les variables pertinentes
Avec William Labov le pegravere de lapproche variationniste en sociolinguistique on a pris lhabitude de distinguer quatre types de variation
la variation diachronique (ou historique) la variation diatopique (ou geacuteographique) la variation diastratique (ou sociale) la variation diaphasique (ou stylistique)
Variation diachronique
La variation diachronique est lieacutee au temps elle permet de cotraster les traits selon quils sont perccedilus comme plus ou moins anciens ou reacutecents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diatopique
La variation diatopique joue sur laxe geacuteographique la diffeacuterenciation dune langue suivant les reacutegions relegraveve de cette variation Pour deacutesigner les usages qui en reacutesultent on parle de reacutegiolectes de topolectes ou de geacuteolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diastratique
La variation diastratique explique les diffeacuterences entre les usages pratiqueacutees par les diverses classes sociales Il est question en ce cas de sociolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diaphasique
On parle de variation diaphasique lorsquon observe une diffeacuterenciation des usages selon les situations de discours ainsi la production langagiegravere est-elle influenceacutee par le caractegravere plus ou moins formel du contexte deacutenonciation et se coule-t-elle en des registres ou des styles diffeacuterents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Franccediloise Gadet propose dajouter la variation diameacutesique quelle deacutefinit ainsi Une autre distinction relevant eacutegalement de lusage intervient entre oral et eacutecrit Elle est particuliegraverement forte dans une langue de culture tregraves standardiseacutee comme la franccedilaise Ici cest la distinction de chenal de transmission de la parole qui constitue le point dancrage de la diffeacuterence aucun locuteur ne parle comme il eacutecrit aucun neacutecrit comme il parle La distinction nest pas purement mateacuterielle elle touche aussi la conception mecircme des discours Il faudra donc distinguer entre ce qui est un effet geacuteneacuteral de loraliteacute et ce qui relegraveve de la variation (Gadet 2004 p 98)
Cette recherche de William Labov (La stratification sociale de lrsquoanglais dans la ville de New york) a eacuteteacute
meneacutee sur la relation entre variation linguistique et stratification sociale dans une grande ville ameacutericaine et en particulier sur lrsquoanglais de noirs Une preacute-enquecircte meneacutee dans trois grands magasins diffeacuterents quant agrave la qualiteacute et au prix des produits vendus et par conseacutequent agrave la cateacutegorie sociale de leur clients a permis de montrer que les employeacutes de ces magasins qui pourtant appartenaient tous agrave la mecircme classe sociale reacutealisaient les variantes phoneacutetiques conformeacutement agrave la faccedilon de parler des clients agrave qui ils avaient affaire en fonction du magasin(du quartier ougrave il se trouvait) voire du rayon dans le magasin( de la nature des produits proposeacutes)
La seule preacutesence de lrsquoobservateur lors drsquoune enquecircte suffit agrave modifier le comportement linguistique de lrsquoenquecircteacute lequel a tendance agrave se rapprocher de la varieacuteteacute officielle ou de prestige Les modaliteacutes de lrsquoenquecircte entraicircnent eacutegalement des variations dans les productions Crsquoest ce qui a ameneacute Labov agrave varier ses strateacutegies (eacutecoute pirate deacuteguisement ) et agrave deacutefinir des styles contextuels dont le plus surveilleacute reacutepond agrave la lecture et le moins surveilleacute au discours spontaneacute familier hors enquecircte Lagrave aussi plus le locuteur accorde drsquoattention agrave son discours plus il se rapproche de la norme officielle Tout cela met en lumiegravere la fonction sociale et symbolique des variations linguistiques qui ne sont que rarement des choix deacutelibeacutereacutes
La varieacuteteacute linguistique propre agrave un groupe dominant srsquoimpose comme marque de prestige et deacutetermine lrsquoattitude des locuteurs du groupe domineacute face agrave leur propre varieacuteteacute les colonisateurs le savent bien et un de leurs premiers soucis est de transmettre leur eacutevaluation Ces travaux de dialectologie urbaine ont permis de deacutevelopper des meacutethodologies originales drsquoanalyse de lrsquousage en situation authentique lrsquoobservateur srsquoefforccedilant de ne pas fausser les donneacutees par sa preacutesence
-variation selon les groupes sociaux il peut srsquoagir de groupes constitueacutes sur les bases de lrsquoorigine
ethnique du pouvoir eacuteconomique du sexe de lrsquoacircge
-variation en fonction de la situation de communication les mecircmes locuteurs ne parlent pas de la
mecircme faccedilon selon les situations (en situation formelle ou en situation familiegravere agrave lrsquoeacutecrit et agrave lrsquooral
A partir de cette enquecircte ceacutelegravebre sur les adolescents noirs lAmeacutericain William Labov a donc rechercheacute les correacutelations entre certaines variations linguistiques et la position sociale des locuteurs etou la situation de communication
Cette deacutemarche la ameneacute agrave isoler deux niveaux de variation
- Un niveau social diffeacuterents locuteurs dune mecircme langue parlent diffeacuteremment
- Un niveau stylistique un mecircme locuteur utilise diffeacuterents registres de langage (familier soutenu) selon la situation Mais W Labov remarque que leacutecart entre langue courante et langue soutenue est beaucoup plus important chez un ouvrier que chez un cadre supeacuterieur
Pour W Labov la langue est soumise agrave trois sortes de regravegles
- Les regravegles cateacutegoriques quaucun locuteur ne viole jamais Aucun francophone ne dit laquo on venons raquo ou laquo nous vient raquo
- Les regravegles semi cateacutegoriques dont la violation - freacutequente - est interpreacutetable socialement la tournure laquo aller au coiffeur raquo est jugeacutee populaire par la norme
- Les regravegles variables
- Se meacutefier de lrsquointrospection drsquoune preacutetendue laquo compeacutetence raquo (cf Chomsky) on ne touche de fait
que des laquo performances raquo et il existe des proceacutedures objectives drsquoanalyse linguistique pour
approcher la variation ndash qui est la regravegle
- Srsquoil y a de la variation il convient toujours de tenter de lrsquoexpliquer les preacutetendues laquo variantes
libres raquo sont des variantes dont le conditionnement nous eacutechappe mais il convient de chercher
parmi les donneacutees sociales au sens large celles qui de fait conditionnent les variantes analyseacutees
-Se rappeler que lrsquoon tente toujours drsquoenquecircter sur la langue drsquoune communauteacute linguistique et non
pas sur celle drsquoun seul individu Se soucier neacutecessairement de la question de la repreacutesentativiteacute des
informateurs
En conseacutequence scepticisme quant aux laquo universaux raquo au sens ougrave ils pourraient ecirctre preacutesents
dans toutes les langues Mais crsquoest lrsquoexplication qui forge lrsquouniversaliteacute (cf ne pas confondre les
universaux de la linguistique avec des universaux du langage )
- Inteacuterecirct particulier pour le changement linguistique tout particuliegraverement les signes du
changement en cours Toutes conditions eacutegales ce qui a entraicircneacute des changements dans le passeacute se
reproduit neacutecessairement maintenant (mais ne pas oublier les caracteacuteristiques sociales qui font
partie des laquo conditions eacutegales raquo)
VI- 2 LA VARIATION INTERLINGUISTIQUE Il nrsquoest pas dans notre intention drsquoeacutenumeacuterer ici toutes les deacutefinitions ou typologies proposeacutees pour le bilinguisme mais de retenir celles qui nous semblent avoir un inteacuterecirct pour la sociolinguistique
VI-2-1 Bilinguisme et plurilinguisme
Tregraves longtemps il y a eu des deacutebats pour savoir srsquoil fallait parler de bilinguisme ou de
plurilinguisme Il y a de nombreuses deacutefinitions nous retenons celle de
-Georges Mounin laquo Le fait pour un individu de parler indiffeacuteremment deux langues raquo laquo eacutegalement
coexistence de deux langues dans la mecircme communauteacute pourvu que la majoriteacute des locuteurs soit
effectivement bilingue raquo
-Deacutefinition du dictionnaire de didactique des langues laquo le bilinguisme est une situation qui
caracteacuterise les communauteacutes linguistiques et les individus installeacutes dans les reacutegions multilingues
-Dictionnaire des sciences du langage de Todorov laquo un individu est dit multilingue srsquoil possegravede
plusieurs langues apprises lrsquoune comme lrsquoautre comme langue maternelle raquo
Le bilinguisme agrave travers ces trois deacutefinitions peut ecirctre consideacutereacute soit comme le fait drsquoune
communauteacute soit comme le fait drsquoun individu Ces diffeacuterences renvoient agrave tout un deacutebat de
linguistes qui consideacuteraient que seuls les individus peuvent ecirctre bilingues et drsquoautres qui
consideacuteraient que cette notion peut srsquoeacutetendre agrave toute une communauteacute linguistique
Se posent alors le problegraveme de degreacute drsquoextension du bilinguisme agrave partir de quel pourcentage
considegravere - t-on que la communauteacute est bilingue et quand peut-on parler de bilinguisme
Selon lrsquoacircge drsquoacquisition des langues on a pu parler de bilinguisme preacutecoce ou tardif selon la
distribution faite dans la communauteacute on parle de bilinguisme composeacute individuel stylistique ou
social Toutes ces approches deacutefendent un point de vue diffeacuterent
Les diffeacuterentes approches -Lrsquoapproche normative
Elle prend en consideacuteration le degreacute de maicirctrise de la langue deux positions srsquoaffrontent lrsquoune dit
que tout le monde est bilingue lrsquoautre que personne est bilingue
a)Tout le monde est bilingue
Les deacutefenseurs de cette thegravese pensent que dans tout acte de communication les locuteurs srsquoadaptent
agrave une situation donneacutee Or une langue varie selon les situations de communication les locuteurs
drsquoune langue disposent drsquoune varieacuteteacute drsquousages maicirctriser une langue crsquoest savoir utiliser cette
varieacuteteacute crsquoestndashagrave-dire savoir adapter son discours agrave chacune de ses situations linguistiques
Mahmoudian eacutecrit laquo on maicirctrise mieux une langue dans la mesure ougrave on manie un nombre plus
eacuteleveacute drsquouniteacutes linguistiques et que lrsquoon comprend mieux le sens qui rattache ces uniteacutes aux
circonstances raquo
Martinet laquo deacuteveloppe la mecircme ideacutee lorsqursquoil dit que la maicirctrise drsquoune langue est constitueacute par une
hieacuterarchie drsquousages possibles qui sont les usagers quotidiens les usagers solennels politiques
artistiques
Ceci implique donc que le locuteur est agrave chaque instant obligeacute drsquoadapter son langage agrave la situation
On peut dire que tout locuteur est bilingue exemple du langage becirctifieacute des parents lorsqursquoils
parlent aux enfants ou les colons qui tentent drsquoadapter leur langue maternelle aux parlers creacuteoles
b) Personne nrsquoest bilingue
Certains linguistes disent que le bilinguisme nrsquoexiste pas dans la mesure ougrave personne nrsquoest capable
de maicirctriser agrave la perfection deux langues crsquoest agrave dire sans aucune interfeacuterence Si on prend en
consideacuteration ces paramegravetres il nrsquoy a pas de bilinguisme
Andreacute Martinet explique que ce critegravere de la perfection nrsquoa guegravere de sens car mecircme un locuteur
unilingue ne possegravede pas agrave la perfection sa langue et qursquoil nrsquoen utilise pas toutes les possibiliteacutes
lexicales ou syntaxiques Ce critegravere de la perfection est rejeteacute car il ne permet nullement de deacutefinir
le bilinguisme ou le monolinguisme
c La troisiegraveme tendance tente de deacutefinir le degreacute de maicirctrise relative
Ils rapportent la meacutethode de Malherbe une seacuterie de critegraveres permettent de deacutefinir une situation de
bilinguisme
-ecirctre en mesure de mener une conversation un discours ou un sermon dans une langue eacutetrangegravere
que ce soit agrave lrsquoeacutecrit ou agrave lrsquooral Savoir lire les journaux dans cette langue et en saisir lrsquohumour
-Etre en mesure de mener une conversation intelligible dans une autre langue et pouvoir lire sa
litteacuterature
-Savoir lire implacablement lrsquoautre langue
-Savoir enseigner les deux langues
-Posseacuteder une grande maicirctrise des deux langues
-Posseacuteder une connaissance parfaite des deux langues
Que dire
La mesure de la perfection repose sur des jugements de valeur subjectifs on mecircle diffeacuterents
niveaux de maicirctrise drsquoune langue lrsquoeacutecrit et lrsquooral
On mecircle pareillement la maicirctrise drsquoune langue et lrsquoaptitude agrave lrsquoenseigner ce qui ne se justifie pas
Beaucoup savent parler une langue mais ne peuvent lrsquoenseigner
On peut dire que les systegravemes de mesure de la perfection linguistique est un faux problegraveme car
toute situation de bilinguisme est marqueacutee par une fluctuation des usages (variation continuelle)
En effet le comportement linguistique des bilingues est tregraves variable il deacutepend de nombreux facteurs drsquoordres psychologiques et sociaux Il y a des pheacutenomegravenes de pressions sociales les situations de communication qui fait qursquoon ne peut eacutetablir des grilles rigoureuses La mesure de perfection se reacutevegravele vaine il faut srsquoen tenir aux propositions de W Mackey laquo le bilinguisme doit ecirctre consideacutereacute comme un concept non pas absolu mais relatif raquo Renzo Titone ajoute en rapportant Mackey qursquoil ne faut pas poser la question cet individu est-il bilingue Mais plutocirct dans quel sens est-il bilingue crsquoest-agrave-dire qursquoil faut rendre compte de la pratique bilingue du locuteur de son comportement bilingue mais pas tenter de deacutefinir la nature du bilinguisme qursquoil pratique
Lrsquoapproche psychologique
A-Le bilinguisme infantile ou preacutecoce On parle de bilinguisme infantile quand il srsquoagit drsquoun enfant qui degraves sa naissance est
simultaneacutement confronteacute agrave deux systegravemes linguistiques diffeacuterents par exemple lorsque la megravere et le
pegravere parlent agrave lrsquoenfant chacun leur langue ou lorsqursquoune 3egraveme
personne parle une autre langue que
celle que parlent les parents En fait cette situation est plus rare que la situation de bilinguisme
preacutecoce ougrave lrsquoon a des enfants monolingues dans les premiegraveres anneacutees de leur enfance qui
apprennent ensuite une seconde langue soit par impreacutegnation du milieu familial et social soit agrave
lrsquoeacutecole Les eacutetudes agrave orientation psychologiques se proposent toujours diffeacuterents objectifs certaines
eacutetudes se proposent drsquoexaminer le comportement de lrsquoenfant qui est aussi tregraves tocirct mis en contact
avec 2 ou plusieurs langues en geacuteneacuteral ces eacutetudes essaient de deacuteterminer la conscience qursquoa
lrsquoenfant de parler ou de ne pas parler plusieurs langues on a 2 types de constatations qui
apparemment sont contradictoires
1-Il semble selon certaines expeacuteriences que les enfants acquiert les diffeacuterentes langues sans
srsquoen apercevoir On cite les propos drsquoun linguiste allemand bilingue qui degraves son plus jeune acircge agrave la
question raquo savez vous depuis le deacutebut que vous parliez deux langues Il reacutepondit laquo je suppose que
non je parlais spontaneacutement la langue de mon interlocuteur sans savoir ce que je faisais et cela
depuis le deacutebut comme jrsquoai pu le deacuteduire du teacutemoignage de mes parents
2- En face de ce premier type de recherche on a une autre type de recherche qui montre que les
enfants distingue assez tocirct entre 3 et 4 ans les diffeacuterents systegravemes qursquoil parle et preacuteciseacutement cette
capaciteacute de parler et la situation dans laquelle ils se trouvent tregraves vite ils perccediloivent ce qursquoon
attend drsquoeux dans la situation scolaire et dans la situation familiale ou amicale
Un autre facteur inteacuteressant crsquoest leur capaciteacute de traduire Renzo Titone cite le cas de conscience
diffeacuterentielle qui lui permet de diffeacuterencier les systegravemes ce qui implique que lrsquoenfant possegravede une
double compeacutetence crsquoest-agrave-dire une maicirctrise intuitive de regravegles et de meacutecanismes diffeacuterents
laquo Lrsquoenfant bilingue reacuteussit-il agrave faire le rapport entre les personnes et les situations distinctes et les
idiomes raquo
Lrsquoenfant pratique la diffeacuterenciation des systegravemes mais il ne possegravede pas la capaciteacute drsquoeacutenoncer de
formuler cette aptitude Il a une conscience intuitive qursquoil ne peut formuler
Le bilinguisme favorable ou deacutefavorable
La question souvent poseacutee est celle de savoir si le bilinguisme est favorable ou deacutefavorable
srsquoil est nuisible ou non Cette question est poseacutee agrave deux niveaux drsquoabord agrave propos des enfants on
se demande bien souvent si le bilinguisme est preacutejudiciable ou non au deacuteveloppement de lrsquoenfant
crsquoest agrave dire agrave son eacutequilibre psychologique affectif drsquoautre part si crsquoest preacutejudiciable agrave lrsquoacquisition
de sa langue maternelle et de sa langue Ces preacutesupposeacutes sont deacutementis par de nombreuses
expeacuteriences faites sur des enfants bilingues
Renzo Titone expose le cas drsquoun enfant qui apprend lrsquoallemand avec sa megravere et le franccedilais avec
son pegravere la prononciation fut celle drsquoun enfant unilingue degraves le deacutebut le bilinguisme ne retardera
pas le deacuteveloppement geacuteneacuteral du langage crsquoest agrave dire que lrsquoacquisition des deux langues nrsquoa pas
entraicircneacute de retard Les emprunts drsquoune langue agrave une autre reacuteitegraverent des cas isoleacutes Dans les deux
langues on assisteacute agrave un deacuteveloppement parallegravelement en phoneacutetique en morphologie en syntaxe
Lrsquoenfant devient tregraves vite conscient de son bilinguisme et traduisait les messages drsquoune langue agrave
une autre Il acquit le concept abstrait de langue Tous ces exemples donneacutes par Titone semblent
contredire la thegravese qui veut que le bilinguisme soit dangereux preacutejudiciable Mecircme thegravese
deacuteveloppeacutee par Abdellah Cheacuteriet pour qui le bilinguisme est contre reacutevolutionnaire dangereux
pour lrsquoauthenticiteacute et pour la langue arabe alors que Lacheraf eacutetait pour le bilinguisme
Selon Cheacuteriet le bilinguisme nrsquoest pas une voie reacutevolutionnaire pour lrsquoenseignement mais
bourgeoise car ce nrsquoest pas le bilinguisme qui donne au peuple sa formation socialiste De plus le
bilinguisme est contraire agrave lrsquoauthenticiteacute et le fait drsquoenseigner une langue eacutetrangegravere agrave lrsquoenfant
orientera sa mentaliteacute et donc son authenticiteacute
Remarque le bilinguisme est consideacutereacute sous un angle particulier on considegravere les deux
langues rivales Pourtant lrsquoAlgeacuterie est plurilingue et Cheacuteriet ne parle jamais des autres langues les
arguments avanceacutes sont biaiseacutes la reacutealiteacute linguistique nrsquoest jamais deacutecrite lrsquoarabe classique est
consideacutereacute comme une langue maternelle En fait le veacuteritable problegraveme dans des cas de bilinguisme
est la prise en charge peacutedagogique et un environnement harmonieux laquo En creacuteant un environnement
adapteacute le petit enfant pourrait tregraves bien apprendre deux langues ou plus sans grave difficulteacute et la
redoutable barriegravere linguistique serait deacutetruite agrave la base raquoTitone
3 Lrsquoapproche sociale On peut parler du bilinguisme social lorsqursquoon prend en consideacuteration lrsquoexpansion du
bilinguisme au niveau de toute une communauteacute Cette approche sociale traite drsquoun certains
nombres de questions
-le statut des langues en contact
-la distribution de ces langues crsquoest-agrave-dire comment les langues se distribuent-elles
parmi les locuteurs comment sont-elles pratiqueacutees par les locuteurs drsquoougrave lrsquoeacutetude drsquoun certains
nombre drsquoeacuteleacutements agrave prendre en charge la situation de communication lrsquoappartenance sexuelle
sociale on srsquoattache aussi au pheacutenomegravene de prestige de valorisation et de deacutevalorisation
pheacutenomegravene de meacutemorisation Crsquoest-agrave-dire lrsquoattitude du locuteur agrave lrsquoeacutegard de ceux qui parlent
-les problegravemes de planification linguistique Elle prend aussi en charge le retentissement
de tous les eacuteleacutements au niveau de la dynamique des langues crsquoest agrave dire la capaciteacute drsquoeacutevolution de
stagnation de vie ou de mort des langues quels sont les symptocircmes qui permettent de reconnaicirctre
ces pheacutenomegravenes
Lrsquoimportance de ces pheacutenomegravenes sociaux se manifeste dans lrsquoexemple que nous
empruntons agrave Juliette Garmadi 1981 La sociolinguistique PUF Paris concernant le cas du
Vaupegraves reacutegion qui se situe au centre de lrsquoAmazonie avec une frontiegravere commune agrave la Colombie et
au breacutesil
Quelles sont les caracteacuteristiques sociales de cette reacutegion il srsquoagit drsquoune population
indienne qui vit dans des habitations disperseacutees cependant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune
population seacutedentaire bien qursquoil lui arrive de se deacuteplacer Il y a plusieurs niveaux de structuration
sociale de cette population elle est structureacutee en uniteacutes deacutefinies par un seul critegravere lrsquouniteacute
linguistique Chaque groupe drsquoindividus parlant la mecircme langue est consideacutereacute comme appartenant
agrave la mecircme tribu La tribu est deacutefinie par la langue du pegravere donc tous ceux qui ont utiliseacutes degraves leur
enfance la langue du pegravere font partie de la mecircme tribu Crsquoest donc la langue du pegravere qui confegravere
lrsquoidentiteacute au groupe agrave la tribu Un indien de cette tribut doit se marier avec une femme drsquoune autre
tribu obligatoirement donc parlant une autre langue sinon cela est consideacutereacute comme un inceste
Exemple un enfant appartenant agrave une tribu doit avoir comme premiegravere langue la langue de son
pegravere la megravere est tenue drsquoapprendre la langue de son mari mais elle peut aussi parler sa langue avec
les autres femmes elle communique avec son fils la langue de son mari
Quels sont les points que suscite lrsquoattention du linguiste par rapport au vaupeacutes
-Au niveau de lrsquoeacutetendue du bilinguisme
Le plurilinguisme pourrait ecirctre envisageacute dans cette reacutegion agrave plusieurs niveaux au niveau familial
ou cellule nucleacuteaire Au niveau de la tribu au niveau du Vaupegraves
Selon Juliette Garmadi il y a une stabiliteacute du plurilinguisme que lrsquointroduction du portugais et de
lrsquoespagnol dans la reacutegion ne semble pas remettre en cause Elle affirme une des premiegraveres
conclusions que lrsquoon peut tirer de lrsquoeacutetude de la situation du Vaupegraves est que les socieacuteteacutes complexes
ne sont pas les seules garantes possibles de la stabiliteacute du plurilinguisme Elle veut dire que lrsquoon
aurait tendance agrave croire qursquoune situation comme le vaupeacutes avec lrsquoaccord de la colonisation aurait
pu voir son plurilinguisme ceacuteder devant la langue du colonisateur or il nrsquoen est rien car le
plurilinguisme du Vaupegraves se maintient tregraves bien Donc les socieacuteteacutes stables ne sont pas les seules
garantes de la stabiliteacute
Lrsquoexistence du plurilinguisme et de sa stabiliteacute ne sont lieacutees ni agrave des types drsquoinstitutions preacutecises ni
au nombre des locuteurs ni agrave la dimension ni agrave la densiteacute drsquoun pays
Juliette Garrmadi agrave travers lrsquoexemple du Vaupegraves semble remettre en question toutes ces
hypothegraveses
-Au niveau psychologique du bilinguisme
Au niveau psychologique le plurilinguisme peut ecirctre preacutecoce ou tardif ce bilinguisme est aussi
eacutequilibreacute car les langues acquises dans lrsquoenfance le sont avec une maicirctrise eacutegales
-Au niveau linguistique et seacutemio culturel
Au niveau des systegravemes culturels transmis par le langage on peut parler de bilinguisme composeacute
crsquoest agrave dire que les langues parleacutees reacutefegraverent agrave une mecircme situation seacutemio culturelle que les langues
indiennes parleacutees dans le Vaupegraves renvoient au mecircme reacutefeacuterent culturel dans la mesure ougrave la culture
indienne de cette reacutegion est homogegravene et que toutes les langues parleacutees sont le veacutehicule de cette
culture homogegravene ce qui peut se traduire en disant que les enfants du Vaupeacutes ont un seul systegraveme
de signifieacute mais qursquoils ont pour le traduire diffeacuterents signifiants correspondant aux diffeacuterentes
langues qursquoils parlent Crsquoest dans ce cas que lrsquoon parle de bilinguisme composeacute car ce dernier
implique theacuteoriquement la permeacuteabiliteacute des systegravemes linguistiques en contact crsquoest-agrave-dire qursquoil y a
tregraves souvent passage drsquoune langue agrave une autre il y a interfeacuterence agrave tout niveau phonologique
lexical et syntaxique
Conclusion
Si lrsquoon srsquoen tient au cas du Vaupeacutes on peut dire agrave propos de lrsquoAlgeacuterie qursquoelle preacutesente bien une
situation de plurilinguisme social Ce bilinguisme peut ecirctre caracteacuteriseacute agrave la fois comme preacutecoce et
tardif(beaucoup drsquoenfants apprennent les langues dans leur petite enfance mais aussi agrave lrsquoeacutecole) Ce
bilinguisme est aussi eacutequilibreacute il est plutocirct coordonneacute que composeacute car le reacutefeacuterent seacutemioculturel du
kabyle et du franccedilais est diffeacuterent du kabyle et de lrsquoarabe le franccedilais lrsquoest aussi
Cours 4
Bilinguisme et diglossie
1-Introduction
Dans une situation de contact de langues le statut de chaque langue varie suivant les rapports de
domination entre les groupes qui les parlent et les perceptions que les individus ont de ces rapports
Il srsquoensuit que les usages langagiers varient dans lrsquoespace social et geacuteographique en fonction de ces
rapports intergroupes si ces rapports changent les rapports de statut et donc les usages eux-mecircmes
varieront Crsquoest agrave de tels pheacutenomegravenes de variations sociolinguistiques que nous allons nous
inteacuteresseacutes En premier lieu nous examinerons le pheacutenomegravene de diglossie qui reacutesulte de relation de
statuts entre une langue et une varieacuteteacute de langue super-ordonneacutee et une autre langue ou varieacuteteacute de
langues subordonneacutees dont les usages respectifs sont en distribution compleacutementaire plus ou moins
stable dans une socieacuteteacute donneacutee
Selon Mackey laquo une socieacuteteacute dont tous les membres seraient capables de comprendre lire parler et
eacutecrire deux langues utiliseacutees dans cette socieacuteteacute devrait sans doute abandonner une de ces langues
car elle serait redondante Autrement dit pour que deux ou plusieurs langues survivent dans une
socieacuteteacute il est neacutecessaire qursquoelles remplissent des fonctions compleacutementaires-soit qursquoelles sont
utiliseacutees par tous les locuteurs pour des fonctions et dans des domaines distincts soit qursquoelles sont
utiliseacutees par des locuteurs appartenant agrave des groupes ethnolinguistiques diffeacuterents soit qursquoun
groupe parle la langue dominante lrsquoautre groupe la langue domineacutee avec entre les deux des
individus bilingues qui parlent la langue de lrsquoun et de lrsquoautre
1-Deacutefinition et historique de la diglossie
La notion de diglossie (du grec ancien diglottos signifiant bilingue) est un concept
sociolinguistique deacuteveloppeacute par Ferguson(1959) pour deacutecrire toute situation dans laquelle deux
varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue sont employeacutees dans des domaines compleacutementaires lrsquoune de ces
varieacuteteacute eacutetant geacuteneacuteralement de statut socialement supeacuterieur agrave lrsquoautre
Dans un sens large la diglossie existe dans toutes les socieacuteteacutes ougrave lrsquousage quotidien diffegravere
sensiblement de la norme officielle il faut que chaque varieacuteteacute soit utiliseacutees de maniegravere
systeacutematique par exemple une varieacuteteacute est employeacutee dans les domaines formelles comme
lrsquoadministration la religion la poeacutesie alors que lrsquoautre est reacuteserveacutee agrave la conversation courante aux
discussions informelles agrave la correspondance non officielle Fergusson qualifie ces deux varieacuteteacutes
lrsquoune haute et lrsquoautre basse Exemple Le monde arabe lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal La
Gregravece le grec le katharevousa et le grec populaire le dhimotiki
Le terme de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Fishman (1967) agrave lrsquousage compleacutementaire institutionnaliseacute
de deux langues distinctes dans une communauteacute donneacutee Cette situation de diglossie se caracteacuterise
par un certain nombre de traits
-La fonction la fonction des deux varieacuteteacutes H et L nrsquoest pas la mecircme il y a reacutepartition de chacune
drsquoentre elles selon les situations de communication
-la notion de prestige on se place ici au niveau de lrsquoattitude des locuteurs qui ont tendance agrave
qualifier H de supeacuterieure de plus belle de plus logique de plus apte agrave exprimer les penseacutees
importantes Ils affirment aussi qursquoils preacutefegraverent entendre un discours politique dans cette varieacuteteacute La
varieacuteteacute L est consideacutereacutee comme eacutetant infeacuterieure incapable drsquoexprimer un discours litteacuteraire
-La litteacuterature eacutetant reacutedigeacutee dans la varieacuteteacute haute elle contribue agrave ce que cette derniegravere soit tenue
dans sa plus haute consideacuteration
Le mode drsquoacquisition La varieacuteteacute basse est geacuteneacuteralement la langue maternelle son acquisition se
fait par lrsquousage donc au sein de la famille La varieacuteteacute haute srsquoapprend agrave lrsquoeacutecole
-La standardisation constitueacutee par la moyenne des usages des locuteurs ex le franccedilais standard
constitue la norme
-La stabiliteacute la situation de diglossie est passagegravere soumise agrave lrsquoeacutevolution Le rapport entre une
langue H et une langue L est ponctuel eacutepheacutemegravere susceptible drsquoeacutevolution
En fait dit Fergusson il nrsquoen est rien La situation de diglossie se caracteacuterise par la stabiliteacute elle
peut durer plusieurs siegravecles Srsquoil y a eacutevolution crsquoest par lrsquointermeacutediaire drsquoune forme de langue
intermeacutediaire qui ne remet pas en cause veacuteritablement le rapport entre H et L comme par exemple
lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal
Le concept de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Gumperz(1971) aux socieacuteteacutes multilingues dans le sens ougrave
celles-ci peuvent utiliser diffeacuterentiellement plusieurs codes (langues dialectes) dans des domaines
et des fonctions compleacutementaires comme lrsquoInde qui a deux langues officielles hautes le hindi et
lrsquoanglais en plus des langues reacutegionales
2-Le rejet de la notion de diglossie
-Martinet utilise plusieurs eacuteleacutements pour remettre en cause la notion de diglossie
Selon Martinet Fishman et Gumperz adoptent la notion de diglossie pour des raisons
sociologiques pour marquer la distinction bilinguisme individuel versus bilinguisme social La
diglossie implique le bilinguisme communautaire
Dans cette perspective on ne voit pas ce que la distinction bilinguisme diglossie apporterait de
nouveau par rapport au bilinguisme individuel et bilinguisme social
Martinet rappelle que la hieacuterarchie entre les langues nrsquoest pas absolue il nrsquoest pas toujours possible
dans toutes les situations linguistiques de deacuteterminer la hieacuterarchie Exemple le Canada
Lrsquoanglais est reacuteserveacute au domaine eacuteconomique et technique le franccedilais est reacuteserveacute au domaine
culturel Ces deux langues sont des langues de prestige bien qursquoelles ne soient pas sur un pied
drsquoeacutegaliteacuteccedila eacutetait la langue de lrsquoeacuteglise or nous dit-il cet argument nrsquoest plus valable car la
katareacuterouza a beaucoup eacutevolueacute par rapport agrave la langue religieuse
Le second argument de Drettas est la remise en cause du systegraveme de standardisation retenue par
Fergusson pour lui on ne peut retenir ce critegravere dans la mesure ougrave le corpus de reacutefeacuterence est
heacuteteacuterogegravene
3- La situation de lrsquoAlgeacuterie
Fergusson considegravere les pays arabes comme un des cas les plus anciens et les plus stables de
diglossie Tout le monde reconnaicirct le prestige de la langue arabe classique
Qui deacutecide de ce prestige Peut on dire drsquoune langue que les locuteurs refusent de parler qursquoelle
nrsquoest pas prestigieuse
Tous les grammairiens qui procircnent la disparition des dialectes au profit de lrsquoarabe classique sont
obligeacutes de reconnaicirctre que ces derniers sont bien vivants les grammairiens parlent de difficulteacute agrave
enseigner une locuteurs natifs il nrsquoexiste pas dans le monde arabe de personnes dont la langue
maternelle est la langue standard
Le prestige de la langue tient essentiellement du mythe nous avons lagrave lrsquoexemple drsquoun discours sur
les langues que les grammairiens les linguistes lrsquoeacutelite intellectuelle ont eacutetabli et qursquoils perpeacutetuent
avec la compliciteacute des instances officielles sans jamais se poser la question de lrsquoadeacutequation de ces
discours agrave la reacutealiteacute des pratiques linguistiques
4-Les tenants de la notion deacutefense et illustration de la diglossie
La deacutefense de la diglossie se fait selon deux axes principaux
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
-La diglossie expression et moyen drsquoun conflit social
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
A partir de la distinction entre varieacuteteacute H et varieacuteteacute L eacutetablie par Ferguson se construit une autre
signification celle de la diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute Il srsquoagit drsquoineacutegaliteacute au
niveau de lrsquoutilisation des deux langues mais aussi des attitudes et repreacutesentations que les locuteurs
ont agrave propos de ces langues Ces deux aspects sont tregraves importants Le terme de diglossie permet
drsquoinsister sur cette ineacutegaliteacute qui peut ecirctre quantitative lorsqursquoil srsquoagit de lrsquoextension drsquoemploi de
ces langues ainsi la varieacuteteacute H a geacuteneacuteralement une zone drsquoextension plus grande que la varieacuteteacute B
On peut parler drsquoineacutegaliteacute qualitative lorsque les langues en preacutesence ont le mecircme statut
-Bilan de La sociolinguistique dans le domaine arabearabophone
Essor tardif malgreacute la richesse du champ puisque aireegravere immenses
Pendant toute la premiegravere partie du XXegraveme siegravecle (Auparavant voir P Larcher) les eacutetudes arabes
ont eacuteteacute diviseacutees en deux grands domaines qui se recoupaient tregraves peu
a) lrsquoeacutetude la langue arabe classique b) eacutetudes dialectales
Dans les deux cas les auteurs visent agrave des descriptions de systegravemes plus ou moins homogegravenes et
stables En ce qui concerne eacutetudes dialectales description qui repose souvent sur le parler drsquoun ou
deux informateurs supposeacutes repreacutesenteacutes lrsquoensemble de leur communauteacute le parler du Caire le
parler de Cherchell le parler de Tunis etc et parfois mecircme le parler eacutegyptien le parler syrien etc
Preacutecurseurs la dialectologie et linguistique historique
Il y a quand mecircme une linguistique historique qui se pose la question de la formation de lrsquoarabe
classique ou dialectale en particulier en ce qui concerne la peacuteriode preacuteceacutedant et suivant la conquecircte
avec des questions comme est ce que lrsquoarabe classique srsquoest constitueacute sur une koineacute poeacutetique
litteacuteraire ou sur une koinegrave dialectale etc (cf P larcher) Autour de cette question de la formation
de lrsquoarabe de la deacutefinition drsquoune koinegrave qursquoil srsquoagisse drsquoune koinegrave litteacuteraire ou dialectale on aborde
les questions de contact drsquoeacutevolution de varieacuteteacutes
-Deacutefinition drsquoune koinegrave = Varieacuteteacute neacutee du contact de diffeacuterentes varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue qui
se deacutelocalise dans le sens que nrsquoest plus le symbolelrsquoeacuteleacutement identificateur drsquoun groupe
socialement et geacuteographiquement distinct et qui de ce fait tend agrave eacuteliminer les traits les plus
particuliers les plus saillants des varieacuteteacutes en contact et tend agrave conserver les traits communs
(beaucoup plus compliqueacute que cela mais tendance geacuteneacuterale)
Donc un certain nombre de travaux autour de ces questions par des gens qui ne se deacuteclarent pas
comme des sociolinguistes mais plutocirct comme des historiens de la langue ou des linguistes Fuumlck
Ferguson Blau Cohen etc etc Relient analyse historico sociale et analyse linguistique mais les
eacuteleacutementspreuves de leur argumentation sont surtout baseacutes sur des eacuteleacutements linguistiques (liste des
traits pour la koinegrave urbaine de Ferguson ou de Cohen ou plus tard de Vesteegh pour sa theacuteorie de la
pidginisationcreacuteolisation) cf on prend un certain nombre de traits des dialectes arabes
contemporains et on les compare a) avec arabe classique et b) avec les eacuteleacutements de dialectologie
historique dont on dispose et on essaie de montrer que relegravevent ou pas drsquoun processus de
koineacuteisation
Tous ces travaux autour des questions de koinegrave litteacuteraire et surtout koinegrave dialectale sont importants
car vont eacutetablir des cateacutegories dialectales baseacutees sur des critegraveres sociaux ethniques cf la distinction
entre parlers dits nomadesbeacutedouins censeacutes ecirctre plus laquo conservateurs raquo (donc avoir gardeacutes des traits
des parlers preacute-Jahili) et parlers seacutedentaires consideacutereacutes comme laquo plus innovants raquo et agrave lrsquointeacuterieur
de ces parlers seacutedentaires les parles urbains consideacutereacutes comme eacutevidemment les plus laquo mixtes raquo car
issus soit du contact entre des dialectes diffeacuterents (koinegrave) soit du contact entre des arabophones et
des non arabophones (langue de contact)
(Pour toutes ces questions de dialectologie historiques et de cateacutegorisation etc je vous renvoie aux
laquo pegraveres laquo de la dialectologie arabe cf en franccedilais Cantineau William et Philippe Marsais pour le
Maghreb Colin etc Ces cateacutegories sont elles mecircmes inspireacutees des eacutecrits de Ibn Khaldoum
VI-2-3- Le deacuteveloppement de la dialectologie
Crsquoest agrave partir de ces cateacutegories dialectales qui se distingueraient pas des traits linguistiques
particulier que se sont deacuteveloppeacutes au Moyen Orient quelques travaux fondateurs comme ceux de
Haim Blanc sur Baghdad (1966) puis de Clive Holes sur Bahrain (1987) et au Maghreb une
sociolinguistiquedialectologie laquo urbaine raquo avec des gens comme Leila Messaoudi (Rabat)
Dominique Caubet (Fegraves) etc et tous les travaux en dialectologie urbaine qui ont montreacute que
diffeacuterentes varieacuteteacutes coexistaient dans une mecircme ville en fonction des appartenances
laquo communautaires raquo crsquoest agrave dire soit appartenance religieuse (juive chreacutetienne musulmane) ou
reacutegionales ou ethniques etc et qui ont pu eacutetudier aussi le renouvellement des parlers urbains en
montrant comment des nouveaux flux de populations drsquoorigine rurale transformaient les anciens
parlers urbains et provoquaient des pheacutenomegravenes de koineacuteisation Mais au Maghreb on reste le plus
souvent dans la dialectologie urbaine plus que dans la sociolinguistique dans le sens ougrave le plus
souvent on identifie un groupe agrave une varieacuteteacute sans deacutecrire les pheacutenomegravenes de variations
drsquoalternance individuelles La personne la plus repreacutesentative de ce courant me semble Leila
Mesaoudi (2003) qui se basant sur les travaux drsquoeacutetudes urbaines (cf Mohamed Naciri pour le
Maroc) a deacuteveloppeacute une opposition entre parler citadinparler urbain et montreacute combien les anciens
parler citadins (preacute-hilalien et andalou) eacutetaient actuellement en deacuteclin face aux nouvelles koineacute
urbaines a fort traits beacutedouins raquo
Crsquoest surtout chez les anglo - saxons et au Mashrek que lrsquoon voit se deacutevelopper une
sociolinguistique variationiste urbaine avec des gens comme Clive Holes Abdel Jawad Ibrahim
Muhamed Amara Niloofar haeri Enam Al Wer etc qui eacutetudient comment eacutevoluent les usages
linguistiques des diffeacuterents types de locuteurs en fonction de leur acircge sexe degreacute drsquoeacutetudes origine
reacutegionale etc Etudes qui analysent principalement les variantes phonologiques comme la
reacutealisation du (q) en q g k la reacutealisation des inter dentales des diphtongues etc Ces
variantes phonologiques sont consideacutereacutees comme des marqueurs de telle ou telle varieacuteteacute cf le (q)
crsquoest agrave la fois classique et certains parlers urbains le g crsquoest plutocirct ruralbeacutedouin mais devenu
urbain dans de nombreux cas le crsquoest plutocirct urbain etc etc Donc on eacutetudie la reacutealisation de ces
variantes aupregraves drsquoun certain nombre de locuteurs et on croise les variables linguistiques avec des
critegraveres sociaux (acircge sexe eacuteducation etc) et on en conclut que dans tel ou tel milieu urbain
lrsquoeacutevolution linguistique va dans le sens du deacuteveloppement de telle ou telle varieacuteteacute de langue
Ce type drsquoeacutetude qui a repris au deacutebut les concepts meacutethodologie variationiste labovienne
deacuteveloppeacute aux USA GB etc srsquoest drsquoabord heurteacute agrave une application trop meacutecaniste de la deacutemarche
labovienne et a du srsquoadapter au contexte arabophone qui est un peu plus speacutecifique du fait de la
fameuse question de la diglossie la varieacuteteacute haute des villes europeacuteennes = la varieacuteteacute parleacutee par
lrsquoeacutelite de ces villes donc standard urbain = varieacuteteacute haute prestigieuse que les autres locuteurs
essaieront ou pas de reproduire en fonction des contextes urbains Les innovations souvent
introduites par les membres des classes moyennes et se diffusent vers le haut puis repris par le
bas etc Les femmes des couches populaires ont tendance agrave reprendre plus vites les variantes
prestigieuses les hommes des milieux populaires sont plus conservateurs
Dans le monde arabe on a commenceacute agrave faire une adeacutequation entre varieacuteteacute haute et fusha
(classiquemoderne) et agrave voir comment les locuteurs des diffeacuterents parlers dialectales acqueacuteraient
ou pas les marqueurs de cette varieacuteteacute haute (donc par exemple la reacutealisation du fameux (qaf) Et
puis on srsquoest rapidement aperccedilu que parallegravelement au fusha il y avait drsquoautres varieacuteteacutes prestigieuses
en particulier les varieacuteteacutes urbaines dans un certain nombre de grand centres urbains comme le
Caire Jeacuterusalem etc les migrants drsquoorigine rurale et surtout les femmes pouvaient privileacutegier la
norme urbaine sur celle du fushahellip (Palva 1982 Ibrahim 1986 etc) Ce qui a ameneacute un certain
nombre de travaux en cours agrave srsquointerroger sur la question de la norme du standard en arabe sur
lrsquoimpact de lrsquoeacuteducation (Nilofar Haeri Enam Al Wer) et donc par ricochet ont deacuteveloppeacute une
critique drsquoune conception qui se voulait plus ou moins universalisante agrave la Bourdieu les classes
dominantes se caracteacuteriseraient par leur maicirctrise de la norme langagiegravere qursquoelles imposent aux
autres Dans le monde arabe on voit que lrsquoune des normes prestigieuses est supposeacutee ecirctre le fusha
norme que peu de gens maicirctrisent dans leur vie quotidienne les eacutelites sont plutocirct plurilingues et pas
toujours tregraves arabiseacutees (ce sont souvent plutocirct les membres des classes moyennes qui ont suivit leur
eacuteducation en arabe) lrsquoautre norme peut ecirctre le vernaculaire urbain (mais pas toujours comme on le
voit pour un certain nombre de vieilles citeacutes maghreacutebines) mais cela peut ecirctre aussi une norme
beacutedouine + - ideacutealiseacutee comme cela semble ecirctre le cas en Jordanie ou face agrave la preacutesence des
palestiniens irakiens syriens etc laquo les vrais hommes jordaniens raquo semblent revendiquer une
norme locale plus beacutedouine
Bref lrsquoensemble de ces travaux plus ou moins reacutecents sur la dialectologiesociolinguistique urbaine
ont eu le meacuterite de mettre en relief la diversiteacute des situations la complexiteacute historique du
deacuteveloppement de certains parlers la pluraliteacute des normes Beaucoup de travail reste agrave faire dans
ce domaine ougrave les vraies eacutetudes de terrain baseacutees sur des corpus restent rares Deux
exemples proches celui de Casablanca et de lrsquoarabe dit marocain Alors que le Maroc est lrsquoun des
pays ougrave lrsquoon dispose drsquoune tradition dialectologique riche et de nombreux travaux contemporains
(en particulier avec les espagnols mais aussi des auteurs marocains) on srsquoaperccediloit que si lrsquoon
connaicirct un peu lrsquohistoire de la formation du parler de Casablanca au deacutebut du XXegraveme s et son
expansion on ne dispose drsquoaucune description sociolinguistique reacuteelle et on reste dans une grande
confusion entre la koinegrave marocaine et le parler de Casablanca De mecircme pour Alger la capitale de
lrsquoAlgeacuterie qui a connu une expansion consideacuterable agrave une politique drsquoarabisation plus ou moins
reacuteussie et accepteacutee quel(s) type(s) drsquoarabe se deacuteveloppent actuellement Y a t il deacuteveloppement
drsquoune koinegrave influence croissante de fusha ou au contraire deacuteveloppement croissant du code
swtiching ou les deux etchellip autant de questions qui nrsquoont pas encore eacuteteacute traiteacutees de faccedilon
satisfaisante
Il apparaicirct enfin que la sociolinguistique arabophone srsquoest peu deacuteveloppeacutee dans un cadre
interactioniste Neacutecessiteacute de deacutevelopper lrsquoanalyse interationnelle de preacutesenter des corpus en action
et de sortir un peu des approches variationistes ou des listes drsquoisoglosses
La question de la diglossie et du continuum dialectalefusha
Crsquoest un des domaines qui a eacuteteacute le plus abordeacute en sociolinguistique arabe agrave la fois dans une
approche du contactcode switching et une approche attitudinales Massivement investi par les
anglo-saxons Donc les articles fondateurs sur la Diglossie Marccedilais +- inaperccedilu Ferguson qui a eu
un impact consideacuterable et de lagrave tout un courant pour savoir la nature le type de diglossie la mise
en eacutevidence niveaux intermeacutediaires entre les deux pocircles etc
Deux grandes tendances
- celles qui consistent agrave nommer et agrave caracteacuteriser des varieacuteteacutes intermeacutediaires entre le pocircle bas
(dialecte) et le pocircle (haut) fusha On va de 3 45 avec des notions comme lsquoammiya al-muthaqafin
(Educated Spoken Arabic) Tendances deacuteveloppeacutees par des gens comme lrsquoeacutecole de Leeds Said El-
badawi au Caire etc Mais ces travaux se heurtent agrave la difficulteacute de trouver des laquo fontiegraveres raquo claires
entres les diffeacuterentes varieacuteteacutes intermeacutediaires
- lrsquoautre tendance est de consideacuterer qursquoil y a deux pocircles + - abstraits et un continuum entre les
deux pocircles sans qursquoil soit possible drsquoisoler des varieacuteteacutes speacutecifiques entre les deux A partir de cette
conception en continuum on peut eacutetudier comment se fait le meacutelange des deux codes et appliquer
un certain nombre de regravegles et meacutethodes reprises des eacutetudes sur le Code Switching et lrsquointerlangue
cela va donc des contraintes syntaxiques de lrsquoeacutepoque Poplack agrave la theacuteorie de la Matrix language de
Myers Scotton (beaucoup drsquoarticles parus dans les volumes de Aspects of Arabic Linguistics et
eacutegalement lrsquoouvrage collectif de Rouchdy 2002 par ex cf les travaux de Gunvor Medjell etc)
Ces travaux ont reccedilu un bon eacutecho dans le monde arabe en geacuteneacuterale car permettent tout en restant
dans lsquodu politiquement correcte raquo de travailler sur de lrsquoarabe moderne de sortir un peu du carcan
du classique sans faire de la laquo dialectologie raquo qui reste une discipline encore trop souvent
consideacutereacutee comme laquo orientalisanteraquo
Les travaux sur le code switching et le continuum ne pacirctissent pas drsquoune image deacutefavorable agrave
lrsquoinverse de la dialectologie qui reste entacheacutee drsquoune reacuteputation de laquo science coloniale raquo Le
domaine des eacutetudes sur diglossieCS reste prolifique et les eacutetudes montrent que la frontiegravere entre le
fusha et le dialectale sont extrecircmement poreuses des domaines reacuteserveacutes au fusha sont de plus en
plus peacuteneacutetreacutes par le dialectal incluant lrsquoeacutecrit (journalistique le roman les publiciteacutes) et tout le
domaine relevant de lrsquooral officiel (les discours publiques les meacutedias etc) et vice versa
lrsquoinfluence principalement lexicale et phonologique du fusha se fait sentir dans lrsquooral dialectal via
eacuteducationmeacutedia certaine deacutemocratisation Il y a de grand corpus en ligne (voir les ameacutericains
comme Parkinson)
On peut se demander si cette porositeacute entre les deux pocircles reflegravete une eacutevolution contemporaine ou
si elle existait auparavant mais nrsquoavait pas eacuteteacute eacutetudieacutee Si on observe le passeacute avec minutie on
constate a) que lrsquoeacutecrit a toujours eacuteteacute +- marqueacute par le dialectal cf le fameux moyen arabe et b)
que les supposeacutees populations analphabegravetes parlant le dialectal avaient un contact avec lrsquoarabe
classique via lrsquoenseignement religieux la poeacutesie sufi etc et donc il y a certainement eu et de la
part des orientalistes et des panarabistes une sureacutevaluation de cette diglossie
Ce qui semble clair cependant crsquoest que par rapport agrave certains pronostiques des anneacutees 50-60 (les
indeacutependances) crsquoest que lrsquoarabe standard moderne ne srsquoest pas imposeacute comme unique meacutedium de
communication dans lrsquoensemble du monde arabe que les laquo dialectes raquo parlers locaux eacutevoluent
mais se maintiennent plus qursquoon aurait pu le croire puisqursquoon voit mecircme resurgir des
reacutegionalismes locaux
Un domaine qui reste agrave explorer pour les deacutecennies agrave venir eacutemergence ou pas de laquo langues
parlers raquo nationauxreacutegionaux A lrsquointeacuterieur drsquoun mecircme pays est ce que sont les tendances agrave la
koineacuteisation ou le maintien des diffeacuterences qui va lrsquoemporter est-ce que ces hypotheacutetiques
varieacuteteacutes nationales seront reconnues comme telles On entend parler drsquoarabe eacutegyptien marocain
algeacuterien syriens Ce sont en grande partie des fictions qui deacutesignent en geacuteneacuterale les varieacuteteacutes parleacutees
dans les capitales mais qui ne sont pas institutionnaliseacutees ni reconnues comme des langues
officielles et dont le rayonnement nrsquointerdit pas le maintien drsquoautres varieacuteteacutes plus locales ou
reacutegionales Mais il y a toujours eu des mouvements militant (mais toujours tregraves minoritaires) pour
lrsquoinstitutionnalisant de ces laquo langues nationales raquo et la rupture avec le fusha cf au Liban en Egypte
au Maroc actuellement (cf le numeacutero de la revue Tel Quel Darja notre langue nationale) On
retrouve donc toujours lrsquoopposition entre ceux qui ont une vision discontinuiste (ammiyya et fusha
sont des systegravemes fondamentalement diffeacuterents) et ceux qui ont une vision plus continuiste
(ammiyya et fusha se complegravetent)
Autres domaines de la Sociolinguistique arabe en deacuteveloppement
- Lrsquoahelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip maternelles en contexte migratoire des regravegles du CS etc
Un autre domaine est lrsquoinfluence de cet arabe de diaspora dans les pays drsquoaccueil cf dans la
creacuteation artistique contemporaine les parlers des jeunes etc (la musique les blagues etc cf les
travaux de Dominique Caubet etc)
CONCLUSION Le terme sociolinguistique implique donc une sensibiliteacute une approche et une meacutethodologie
particuliegraveres partir du reacuteel du concret ecirctre agrave lrsquoeacutecoute des faits de langue de variation se dire que
le marginal le particulier sont toujours instructifs que les langues sont toujours en perpeacutetuel
construction et que les humains sont les acteurs de ces constructions Crsquoest un peu comme un
historien qui deacutecide de sortir de lrsquohistoire officielle de la Cour et des Grands pour srsquointeacuteresser agrave
lrsquohistoire sociale crsquoest plus difficile cela demande de plonger dans des archives plus ou moins
accessibles lisibles etc Pour le linguiste cela demande de recueillir des corpus et de prendre le
temps de les eacutecouter analyser transcrire
Le deacuteveloppement drsquoeacutetudes avec une sensibiliteacute sociolinguistique a permis de sortir drsquoun certain
carcan imposeacute agrave la fois par de nombreux laquo orientalistes raquo et par lrsquoideacuteologie pan arabe des eacutetats
arabes lrsquoarabe est de plus en plus reconnue comme une langue plurielle ayant subi des
deacuteveloppements diffeacuterents selon les lieux et les contextes jouant des rocircles diffeacuterents etc
Pour le moment on sent bien qursquoil y a cependant un fosseacute entre ces avanceacutees et les politiques
didactiques par exemple lrsquoenseignement de lrsquoarabe reste extrecircmement probleacutematique et figeacute tant
dans les pays dits arabophones que dans les pays a forte minoriteacutes non arabophones Alors que par
exemple lrsquoenseignement du FLE ou ALE a totalement inteacutegreacute un certain nombre drsquoacquis de la
sociolinguistique pragmatique linguistique discursive il ne semble pas que ce soit le cas avec
lrsquoarabe malgreacute le nombres drsquoinstituts eacutetrangers ou arabes qui se penchent sur la question
Cours 5 ATTITUDES ET REPRESENTATIONS
Le pheacutenomegravene repreacutesentationnel est un pheacutenomegravene qui a drsquoabord inteacuteresseacute les sciences humaines la psychologie la sociologie lrsquoanthropologie bien avant la linguistique et disposent au cœur de ces sciences drsquoun savoir theacuteorique Il recouvre tout le champ qursquoon nomme repreacutesentations linguistiques langagiegraveres ou sociolinguistiques discours sur les langues attitudes linguistiques jugement sur les langues rapports subjectifs agrave la langue imaginaire linguistique Cependant chaque appellation teacutemoigne drsquoun certains point de vue Guenier deacutefinit les repreacutesentations comme laquo une forme courante et non savante de connaissances
socialement partageacutees qui contribue agrave une vision de la reacutealiteacute commune agrave des ensembles sociaux et
culturels raquo(repreacutesentations linguistiques in Moreau Sociolinguistique concepts de base Mardaga
liegravege 1996 p146)
Deux caractegraveres sont agrave relever dans cette deacutefinition
_Le caractegravere non savant des repreacutesentations il srsquoagit drsquoune forme de connaissance qui ne repose
sur aucune rationaliteacute crsquoest une connaissance intuitive purement subjective Branca-Rosoff citeacute
par Boyer in Sociolinguistique territoire et objets p79 deacutesigne ce pheacutenomegravene laquo drsquoopinions
steacutereacuteotypeacutees raquo Crsquoest donc une certaine vision une certaine perception que les locuteurs ont de
leurs langues et de celles des autres
- Les repreacutesentations linguistiques sont socialement eacutelaboreacutees et partageacutees par tous les membres
drsquoune socieacuteteacute Elles fonctionnent comme des normes sociales ideacutee partageacutee par Labov qui les
situent entre la norme ideacuteologique et les usages effectifs Pour ce dernier la norme sociale est le
fondement mecircme de la communauteacute linguistique qui ne se deacutefinit plus comme un ensemble de
locuteurs partageant les mecircmes usages (au niveau des pratiques elle est plutocirct heacuteteacuterogegravene) mais
comme un ensemble de locuteurs partageant des normes subjectives communes Ainsi les langues
sont jugeacutees positivement alors que drsquoautres le sont neacutegativement Les jugements peuvent ecirctre de
nature estheacutetique peuvent concerner le systegraveme lui-mecircme la valeur de la langue sur le marcheacute
linguistique et enfin le groupe qui la parle Nous avons donc affaire agrave un pheacutenomegravene social et crsquoest
justement ce caractegravere social des repreacutesentations linguistiques qui justifie qursquoelles constituent un
objet de choix de la sociolinguistique cependant cela nrsquoexclut pas qursquoil y ait tout de mecircme une part
individuel
Les locuteurs ne se contentent pas drsquoutiliser les langues et les varieacuteteacutes de langues ils les eacutevaluent
cette eacutevaluation influe beaucoup sur leurs pratiques linguistiques On entre ici dans le domaine des
attitudes et des normes qursquoelles impliquent chaque locuteur eacutevalue sa propre pratique et celle des
autres et ces eacutevaluations jouent un rocircle important dans le changement linguistique
La linguistique diachronique analyse le changement linguistique drsquoougrave provient une innovation
pourquoi et comment srsquoimpose-t-elle est-ce pour des raisons sociologiques qursquoune langue
change Andreacute Martinet a deacutefendu la thegravese que lrsquoeacutevolution phonologique drsquoune langue ne se faisait
pas de maniegravere aleacuteatoire mais srsquoexpliquait par la neacutecessiteacute pour son systegraveme de trouver une
stabiliteacute optimale en reacuteduisant ses deacuteseacutequilibres Drsquoautres linguistes preacutefegraverent mettre lrsquoaccent sur
des meacutecanismes sociaux par exemple un groupe peut imiter la prononciation drsquoun autre jugeacutee
plus prestigieuse
Deux tendances srsquoaffrontent pour expliquer le changement on invoque souvent le principe du
moindre effort les locuteurs confondent certaines formes phoneacutetiquement tregraves proches simplifient
des constructions syntaxiques compliqueacutees Cette tendance au moindre effort du locuteur est
contrebalanceacutee par une autre qui pousse agrave ne pas compromettre la compreacutehension crsquoest-agrave-dire le
moindre effort de lrsquoauditeur
Il nrsquoest pas rare qursquoun eacutetranger en situation officielle srsquoexcuse de ne pas parler la langue de son
interlocuteur Ce faisant il teacutemoigne drsquoune certaine politesse qui compenserait en quelque sorte
laquo lrsquoimpolitesse raquo de ne pas bien parler la langue mais il teacutemoigne aussi de la valeur positive qursquoil
accorde agrave cette langue et agrave ceux qui la parlent A lrsquointeacuterieur drsquoun groupe qui parle la mecircme langue
on observe nous le verrons un un pheacutenomegravene semblable drsquoineacutegaliteacute linguistique entre locuteurs de
statut socioculturel diffeacuterent
Par ailleurs nous sommes tour agrave tour eacutemetteurs et reacutecepteurs nos compeacutetences en tant que
reacutecepteurs sont plus grandes que nos compeacutetences en tant qursquoeacutemetteurs nous nrsquoemployons pas
toutes les structures linguistiques que nous connaissons de mecircme que nous nrsquoappartenons pas agrave
toutes les cateacutegories socioculturelles que nous sommes capables de reconnaicirctre Mais le reacutecepteur
nrsquoa pas un rocircle passif
-il reconstitue le sens de lrsquoeacutenonceacute qursquoil reccediloit selon ses propres schegravemes drsquointerpreacutetation et
lrsquoensemble de ses expeacuteriences
-il perccediloit aussi des signes linguistiques qursquoil interpregravete en fonction des connotations et des
normes en cours dans la classe sociale agrave laquelle il appartient lorsque ces signes peuvent faire
lrsquoobjet de variations ils deviennent des marqueurs socioculturels
-il juge ce qursquoil perccediloit selon lrsquoimage qursquoil a du locuteur de ses intentions de la situation et
du rocircle qursquoil y joue des enjeux de lrsquoacte de langage et selon lrsquoimage qursquoil a de lui mecircme et de ses
compeacutetences la faccedilon de parler est un facteur plus reacuteveacutelateur de la classe sociale des
interlocuteurs que les vecirctements ou les apparences de train de vie
En effet si les repreacutesentations linguistiques sont de nature sociales elles sont en rapport
eacutetroit avec lrsquoideacuteologie qui tente drsquoagir sur elles et les modegraveles Cependant si les repreacutesentations
sont agrave distinguer des discours scientifiques elles sont aussi agrave distinguer des discours ideacuteologiques
tenus par le pouvoir Branca Rossof citeacute par Boyer p79 exprime fort bien cette ideacutee en affirmant
que les repreacutesentations laquo permettent de sortir de lrsquoopposition radicale entre laquo le reacuteel raquo les faits
objectifs deacutegageacutes par la description linguistique et lrsquoideacuteologie les consideacuterations normatives
comme repreacutesentations fausses repreacutesentations eacutecrans raquo Crsquoest donc entre le reacuteel et lrsquoideacuteologie
qursquoelle situe les repreacutesentations Qursquoest ce qursquoest lrsquoideacuteologie laquo Tout systegraveme de repreacutesentations
structureacute et coheacuterent visant agrave rendre compte du monde exteacuterieur de la reacutealiteacute sociale lrsquoideacuteologie se
preacutesente sous forme drsquoun discours construit et totalisant ougrave les ideacutees srsquoenchaicircnent logiquement et
les valeurs concordent raquo (discours et ideacuteologie p4)
Ainsi lrsquoideacuteologie est un systegraveme structureacute parfaitement coheacuterent eacutelaboreacute en fonction drsquoobjectifs
bien deacutetermineacutes officiel car il srsquoagit de faccedilonner lrsquoimaginaire collectif national alors que les
repreacutesentations sociales nrsquoobeacuteissent pas agrave ces contraintes elles sont le fruit drsquoun consensus social
plus ou moins libre Mais il faut souligner qursquoen pratique la limite entre ces deux repreacutesentations
nrsquoest pas toujours clairement repeacuterable et les deux se confondent les ideacuteologues au service de
lrsquoeacutetat sont drsquoabord et avant tout des membres de la socieacuteteacute le pouvoir par les moyens qui lui sont
confeacutereacutes (meacutedia eacutecoles AIE) arrive toujours agrave faccedilonner les mentaliteacutes Ainsi on aime ou on
deacuteteste une langue parce qursquoon se fait une certaine ideacutee drsquoelle ou de ces locuteurs
QUE CONCLURE Lrsquoanalyse des repreacutesentations ne peut ecirctre eacutetudieacutee sans une analyse des pratiques linguistiques
Drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutetudier agrave la fois les comportements et les attitudes des locuteurs drsquoobserver les
productions et de ne pas se contenter de recueillir des paroles des sujets qui peuvent varier selon les
situations et les interactions(voir agrave ce sujet B Maurer Houdebine Canut et Boyer)
Cours 6- LA POLITIQUE LINGUISTIQUE OU LES NORMES LA NORME
Michel Tournier deacutefinissant le normal donne les deacutefinitions suivantes
NORMAL 1 Conforme agrave la norme Ideacuteal 2 Conforme agrave la moyenne Habituelle
Ceci peut servir dintroduction agrave qui aborde la question de la norme Cest bien la un veacuteritable problegraveme car selon les lieux selon les personnes selon le domaine les deux perspectives se mecirclent effectivement et perturbent la compreacutehension Peut-on dire que la norme est un ideacuteal cest-agrave-dire de fait quelque chose que personne natteint ou nincarne vraiment Peut-on dire que la norme est faite de la moyenne des opinions ou de la moyenne des comportements Nous allons rencontrer ces deux voies comme deux eacutecueils entre lesquels il conviendra de naviguer
Georges Mounin lui-mecircme dans son Dictionnaire de la Linguistique (PUFQuadriges reacuteeacuted 1993) commence son article Norme de la faccedilon suivante Moyenne des divers usages dune langue agrave une eacutepoque donneacutee ou usage imposeacute comme le plus correct ou le plus prestigieux par une partie de la socieacuteteacute (le bon usage)
En fait si le normal et le normatif restent des concepts tregraves grand public qui suscitent des deacutefinitions un peu floues il convient de souligner que la norme du franccedilais nest en aucun cas deacutetermineacutee en regardant les usages majoritaires Cest la varieacuteteacute de franccedilais qui agrave une eacutepoque donneacutee est procircneacutee par la socieacuteteacute franccedilaise qui simpose agrave chacun mais aussi qui est deacutefendue par chacun mecircme ceux qui en sont tregraves eacuteloigneacutes y sont attacheacutes Cest dans les classes populaires que tout en pratiquant dautres varieacuteteacutes on tient le plus agrave ce que soit enseigneacutee la norme que lon se soucie de savoir ce qui est correct ce qui ne lest pas - la norme eacutetant plus ou moins assimileacutee agrave ce qui permet de reacuteussir puisque ceux qui ont reacuteussi sont censeacutes pratiquer la norme en offrir une image On devine ainsi que la norme de fait est la varieacuteteacute pratiqueacutee par les hautes couches de la socieacuteteacute dans les situations formelles ougrave elles donnent agrave voir leur langue - varieacuteteacute dailleurs plus ou moins fantasmeacutee (et par lagrave sans doute rejoint-on la notion dideacuteal) que personne ne pratique vraiment et qui ainsi apparaicirct toujours au-delagrave des usages reacuteels Indeacuteniablement cependant des usages se rapprochent davantage de ce qui est preacutesenteacute comme la norme (dans les dictionnaires dans les grammaires) mais ces ouvrages parce quils sont eacutecrits utilisent et preacutesentent obligatoirement une varieacuteteacute diffeacuterente de loral et contribuent agrave la dichotomie si souvent formuleacutee par Monsieur Toutlemonde agrave leacutecrit ccedila va ma langue est correcte mais agrave loral je nai pas le temps de reacutefleacutechir et je parle mal
Dans ces conditions on soulignera que
la norme est une varieacuteteacute eacutecrite que lon enseigne en principe qui est formaliseacutee et toujours plus ou
moins eacuteloigneacutee des varieacuteteacutes parleacutees mecircme quand elles reccediloivent un jugement favorables de
locuteurs solliciteacutees pour donner leur avis
On ne parle jamais comme on eacutecrit (cf chapitre sur langues orales langues eacutecrites) mais les
couches sociales qui ont reacuteussi sont censeacutees davantage incarner la norme
Il est certain que plus les eacutetudes des sujets ont eacuteteacute longues plus ils pratiquent couramment des
varieacuteteacutes proches de lideacuteal quon appelle la norme ne serait-ce que parce que leur impreacutegnation agrave
travers une longue pratique de la langue eacutecrite rejaillit sur leur pratique orale Mais ne neacutegligeons
pas toutefois les facteurs sociologiques et eacuteconomiques qui interfegraverent avec ce que lon croit
attribuer agrave leur langue (richesse visible aisance sociale position eacuteconomique domination
sociale)
Ne veut-on pas imiter ceux quon preacutesente comme les modegraveles normatifs plus parce quils ont
reacuteussi que parce quils parlent bien la cravate de PPDA(1) sa faccedilon de shabiller son aisance et
son sourire parfaitement placeacute ne jouent-ils pas un plus grand rocircle que sa langue mecircme (on connaicirct
dailleurs lusage du prompter agrave la teacuteleacutevision ) pour le faire citer comme quelquun qui parle bien
Indeacuteniablement - et dans toute socieacuteteacute - servent de modegravele ceux qui ont reacuteussi et non pas ceux qui
sont consideacutereacutes comme des parias (cf les clochards ou SDF)
Noublions pas en outre que si les accents reacutegionaux ne sont plus aussi stigmatiseacutes maintenant
quil y a une trentaine danneacutees ils sont lobjet malgreacute tout de preacutecautions subtiles qui amegravenent ceux
qui atteignent les plus hautes responsabiliteacutes sociales agrave sen deacutefaire partiellement (cf le Preacutesident
Giscard dEstaing prenant des cours dorthoeacutepie pour se deacutebarrasser de son accent auvergnat qui
neacutetait pas de mise pour quelquun preacutetendant aux plus hautes fonctions et donc Preacutesident de tous
les Franccedilais) ou bien qui amegravene agrave seacutelectionner pour les plus hautes responsabiliteacutes ceux qui ont un
accent consideacutereacute comme convenable celui qui est accepteacute agrave une eacutepoque donneacutee les deux
comportements interfegraverent constamment et se reacutepondent pour eacuteliminer de la parole publique avec
une image favorable (et non pas plus ou moins ridicule) ceux qui seraient les plus eacuteloigneacutes de la
norme
Les caracteacuteristiques de la norme orale eacutevoluent au fil des siegravecles notre r actuel assez faible
un peu plus grasseyeacute agrave Paris quagrave Marseille nest plus du tout le r rouleacute que prononccedilait les
nobles il y a quelques siegravecles mais elles eacutevoluent bien plus lentement que lusage reacuteel
La norme est donc bien une question qui relegraveve fondamentalement de la sociolinguistique
deacutetermineacutee fixeacutee agrave chaque eacutepoque sur des critegraveres socio-eacuteconomiques elle se transmet dans
lenseignement et donc apparaicirct comme beaucoup plus permanente que les autres varieacuteteacutes non
formaliseacutees qui ne se transmettent que familialement (acquisition non formelle) Leacutecole joue ainsi
un rocircle essentiel dans la transmission la permanence le statut les preacuterogatives accordeacutees agrave la
norme Cest elle qui peut la reacutepandre de faccedilon quasiment universelle dans un pays Sa non-
transmission - cf le discreacutedit de leacutecole pour toute transmission ou la moindre importance accordeacutee
agrave la langue correcte agrave notre eacutepoque - ont pour premier reacutesultat que les couches sociales les plus
eacuteloigneacutees de la norme ny accegravedent plus La norme ne disparaicirct pas pour autant mais elle est alors
surtout lobjet de transmission familiale dans les familles conscientes et capables den assurer la
transmission indeacutependamment de leacutecole Leacutecole en enseignant la norme eacutetait facteur de
deacutemocratisation de la socieacuteteacute franccedilaise si elle renonce agrave cette tacircche on parvient agrave une socieacuteteacute
aristocratique dans laquelle certains savent sans avoir appris (selon lexpression consacreacutee) et ougrave
il ny a plus de chance de veacuteritable mobiliteacute sociale Contrairement agrave nos a priori on peut voir ainsi
que la norme est deacutemocratique quand ideacuteal proposeacute agrave tous elle est accompagneacutee dans son
apprentissage de la transmission des principes qui permettent de latteindre Dire (comme cela se
pratiquait agrave luniversiteacute agrave Lyon dans les anneacutees soixante) il ne faut pas dire un [floslashv] (pour
fleuve) une [foslashj] (pour feuille) cest donner agrave tous une chance dacceacuteder agrave des situations ougrave lon
ne tolegravere pas un accent reacutegional marqueacute ne plus le dire cest laisser encore les plus hautes
positions agrave ceux qui lauront compris tout seuls (dans leur famille) et bien sucircr eacuteliminer ceux qui ne
se doutent mecircme pas que ce genre de prononciation est stigmatiseacutee
On pourra distinguer avec Marie-Louise Moreau (1997) article Les types de normes
les normes de fonctionnement (habitudes linguistiques partageacutees par les membres dune
communauteacute regravegles qui sous-tendent les comportements linguistiques dun sous-groupe)
les normes descriptives (ce sont les normes de fonctionnement rendues explicites par les
descriptions qui en sont faites Mais ainsi ce sont les normes de certains sous-groupes seulement
qui sont deacutecrites on ne sinteacuteresse pas tretiennent des relations complexes avec les normes
prescriptives Elles contribuent grandement agrave la hieacuterarchisation)
les normes fantasmeacutees (ici on est toujours dans le domaine des repreacutesentations le groupe se forge
un ensemble de conceptions sur la langue et son fonctionnement qui nont souvent guegravere de zone
dadheacuterence avec le reacuteel )
La norme ou le bon usage
La norme au sens de langue que lrsquoon doit parler est un discours drsquoautoriteacute fixeacute par une institution
drsquoeacutetat) chargeacutee de creacuteer une langue homogegravene faite pour ecirctre parleacutee par un usager ideacuteal une
langue standard de partout et de nulle part uniforme polie deacutebarrasseacutee de toute impureteacute comme
-les reacutegionalismes les varieacuteteacutes geacuteographiques srsquoopposent au caractegravere centralisateur de la norme
et eacutechappent agrave tout controcircle elles sont donc connoteacutees peacutejorativement et le critegravere de la hieacuterarchie
sociale
-les innovations qursquoil srsquoagisse de changements lexicaux syntaxiques ou phoneacutetiques ils sont
ignoreacutes -non reconnus- ou attesteacutes longtemps apregraves leur apparition lorsque la norme nrsquoa pas reacuteussi
agrave srsquoimposer Face aux variations individuelles et collectives la langue normeacutee se veut homogegravene et
tire sa leacutegitimiteacute de lrsquoeacutecole
Un des comportements sociaux les mieux connus vis agrave vis de la langue est la normalisation
Fishman affirme que laquo la codification est lrsquoacceptation par une communauteacute drsquoun systegraveme formel
de normes qui deacutefinissent lrsquousage correct raquo
Qursquoest-ce que la norme ou lrsquousage correct de la langue laquo La norme est un recueil de perceptions consigneacutees dans des grammaires dites normatives et
correspondant agrave ce qursquoil faut dire pour se conformer au bon usage linguistique de la bonne
socieacuteteacute raquoDenise Franccedilois
Elle repreacutesente un choix approprieacute fondeacutes sur des preacutejugeacutes socioculturels et sur la notion de
niveaux de langues hieacuterarchiseacutees les classes dominantes et les bons auteurs emploient une langue
de qualiteacute qursquoil faut consideacuterer comme un modegravele
Parler de normes revient agrave se reacutefeacuterer agrave plusieurs acceptions
-un ensemble drsquointerdits de prescriptions sur des faccedilons de dire quelquefois accompagneacutees de
justifications de divers ordres
-tenir compte de cet ensemble de prescriptions crsquoest parler correctement sans faire de fautes
Les institutions de la norme sont
-Lrsquoeacutecole lrsquoeacutecole par le biais des grammaires et des enseignants tend agrave imposer agrave lrsquoenfant une
langue uniforme qursquoil nrsquoutilisera pas souvent ailleurs Par lrsquoenseignement de la grammaire elle
lrsquohabitue laquo non seulement agrave concevoir les reacutealiteacutes de la langue mais agrave reacuteprimer son goucirct naturel de
la parole pour substituer agrave la spontaneacuteiteacute langagiegravere une pratique eacutecrite conforme agrave des normes
rigoureuses raquo Elle lui impose de faire des phrases ainsi qursquoune prononciation de lecture standard
qui pour bon nombre drsquoenfants est artificielle cependant cette langue semblera toujours parce
qursquoimposeacutee par lrsquoeacutecole supeacuterieure agrave la sienne
-Lrsquoeacutecrit Lrsquoadministration prend le relais de lrsquoeacutecole pour perpeacutetuer la crainte de la faute et le
respect pour la langue eacutecrite laquo notre langue eacutecrite a plus de digniteacute que notre langue parleacutee
souvent fautive raquo Lrsquoopposition eacutecrit parleacute devient une opposition digne fautif Ceci appelle deux
remarques
La langue parleacutee comme la langue eacutecrite peut comporter tous les niveaux car rien nrsquoempecircche en
theacuteorie drsquoeacutecrire comme on parle ni de parler comme on eacutecrit
-De plus ces deux formes drsquoexpressions ont chacune une speacutecificiteacute de fonctionnement que la
deacutemarche normative semble ignorer Parler crsquoest construire un discours en train de se faire Le
locuteur improvise constamment ce qui lrsquoamegravene agrave heacutesiter agrave se reprendre agrave changer lrsquoorientation
de sa phrase agrave utiliser diverses strateacutegies agrave avoir recours agrave tous les proceacutedeacutes extra et
paralinguistiques regard mimiques gestes intonations Lrsquoeacutecrit nrsquoignore ni les heacutesitations ni les
reprises mais celles-ci disparaissent avec les brouillons Drsquoun point de vue linguistique il nrsquoy a
aucune raison drsquoopposer le parler et lrsquoeacutecrit de faccedilon hieacuterarchique puisque les deux domaines
fonctionnent diffeacuteremment
Une norme linguistique est un trait unificateur drsquoune socieacuteteacute tout le monde la connaicirct et sa
connaissance permet de distinguer les autochtones des eacutetrangers Mais mecircme dans le cas ougrave tout le
monde peut savoir quelles sont les variantes de statut supeacuterieur il nrsquoest pas neacutecessairement vrai que
tous voudront les adopter dans leur discours quotidien Certaines eacutetudes ont montreacute que les
reacuteactions subjectives aux variantes sociolinguistiques eacutetaient diffeacuterentes selon les classes et
impliquaient beaucoup plus qursquoune simple eacutechelle de prestige (cf Labov) Labov dans laquo
Sociolinguistique pp 250-251 339-340 418-419 raquo fait une distinction entre norme cacheacutees
voileacutees et norme manifestes normes stigmatiseacutees et norme accepteacutees Les variantes de statut eacuteleveacute
possegravedent un prestige manifeste elles sont associeacutees au pouvoir social indeacuteniable des locuteurs de
la classe supeacuterieure peuvent ecirctre la condition neacutecessaire drsquoaccegraves agrave des fonctions drsquoun statut plus
eacuteleveacute et sont promulgueacutees par les agents de la normalisation dans la socieacuteteacute tels que les meacutedias et
les instituteurs Mais pour beaucoup de locuteurs de la classe ouvriegravere ou de la petite bourgeoisie
les variables linguistiques laquo non standard raquo associeacutees agrave leurs groupes peuvent aussi posseacuteder un
prestige voileacute (covert prestige celui drsquoun groupe local de statut infeacuterieur) La signification sociale
de base de ces variables au prestige voileacute est celle de la solidariteacute une personne qui les utilise est
consideacutereacutee comme eacutetant un des leurs comme ami possible Pour certains groupes ces formes
peuvent signifier dureteacute ou viriliteacute
Pour compleacuteter vos connaissances dans le domaine de la norme reportez vous aussi sur le web agrave
un article dOlga Ozolina Quelques approches de leacutetude de la norme linguistique
Tout un cours eacutecrit par Benoiumlt Leblanc et Claude Tousignant de la Socieacuteteacute Saint-Jean-
Baptiste de la Mauricie sur la Norme linguistique mais aussi quelques autres notions
essentielles
Le franccedilais queacutebeacutecois problegraveme de norme Le texte de lintervention dAM Houdebine Norme et normes 1999
BIBLIOGRAPHIE
I-Sociolinguistique geacuteneacuterale
-BENBERRABEH N Reacuteflexion sur lidentiteacute et langoisse thez ladolescent maghreacutebin
Ed Universiteacute dOran
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LINGUISTIQUE SOCIALE 2829 Universiteacute de Rouen IRED Mont Saint Aignan
301-307
BULOT T DELAMOTTE R 1995 laquo La verbalizatioacuten de fracturas urbanas hacia
una glotopoliacutetica de las ciudadadesraquo dans Signo amp Sentildea 4 Universidad de Buenos
Aires Buenos Aires 121-144
a) drsquoune part tous les travaux relevant de la sociologie du langage ougrave lrsquoaccent est
surtout mis sur les groupes sociaux les politiques linguistiques etc et ougrave la description
des faits linguistiques est relativement marginale
b) la linguistique variationiste tendance Labov qui reste dans une conception
systeacutemique du langage mecircme si considegravere que la variation est le moteur de lrsquoeacutevolution
linguistique Cette branche srsquoattache principalement agrave lrsquoeacutetude des variantes sociales agrave
lrsquointeacuterieur de ces systegravemes Domaine qui attache une grande importance aux
correacutelations statistiques comme dans la sociologie et crsquoest pourquoi ce sont
essentiellement des variantes phonologiques qui sont eacutetudieacutees car sont plus facilement
comptabilisables On peut eacutegalement placer dans cette lignes les travaux de lrsquoeacutecole
anglo-saxonne qui ont beaucoup travailleacute sur le contact dialectal en milieu urbain et les
pheacutenomegravenes drsquoaccommodation dialectal (Trudgill Milroy Kersvill etc)
c) tout le domaine de la pragmatique sociolinguistique interactionnelle les actes
du discours etc ougrave lrsquoon va montrer dans des eacutetudes plutocirct micro comment les locuteurs
jouent se positionnent sur les diffeacuterents registresvarieacuteteacutes de langue
d) plus reacutecemment et principalement en France une sociolinguistique urbaine
(Bulot Calvet) qui ne prend pas simplement la ville comme cadre mais qui srsquointerroge
sur lrsquointeraction entre ville et pratiques langagiegraveres sur lrsquourbaniteacute des faits
linguistiques
e) Tout le domaine du contact de langue et de la creacuteolistique qui a connu un essor
tregraves important depuis trente ans et qui regroupe des approches tregraves diffeacuterentes
NAISSANCE DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
II-1 -LE CONTEXTE HISTORIQUE
A lrsquoinverse des linguistes les sociologues preacutefegraverent rattacher lrsquoeacutevolution de la
sociolinguistique agrave des neacutecessiteacutes sociales qursquoagrave des impeacuteratifs eacutepisteacutemologiques Ainsi
lrsquoapparition de cette nouvelle branche de la linguistique dans les pays anglo-saxons et
en France agrave des peacuteriodes diffeacuterentes est une reacuteponse aux interrogations des linguistes
lieacutee au contexte politique et social Aux Etats Unis son apparition est lieacutee agrave la
redeacutecouverte de la pauvreteacute frappant surtout les minoriteacutes Dans les anneacutees 1960-1970
un deacuteficit budgeacutetaire srsquoaggrave car les deacutepenses ne suivent pas les preacutevisions Par
ailleurs la seconde guerre du Vietnam les deux chocs peacutetroliers accentue la pousseacutee
inflationniste un ralentissement de la croissance la hausse des prix tous ces facteurs
entraicircnent une aggravation du chocircmage qui frappe surtout les minoriteacutes linguistiques
Pour remeacutedier agrave des problegravemes que lrsquoon rencontre agrave lrsquoeacutecole pour aider ces minoriteacutes
(noirs portoricains indiens) agrave srsquointeacutegrer des speacutecialistes sociologues
psychologueshellipvont effectuer des recherches laquo On redeacutecouvre que le langage joue un
rocircle important dans la diffeacuterenciation sociale comme en teacutemoignent les problegravemes
scolaires des enfants des milieux deacutefavoriseacutes Le gouvernement feacutedeacuteral lance une
politique sociale visant agrave lrsquointeacutegration scolaire des minoriteacutes linguistiques Un grand
nombre de chercheurs dont Labov Hymes Fishman se fixent comme un de leurs
objectifs drsquoaider agrave reacutesoudre ces problegravemes Ainsi Labov consacre-t-il plusieurs articles
aux causes de lrsquoeacutechec des enfants noirs dans lrsquoapprentissage de la lecture Hymes
entend examiner non seulement les outils linguistiques et la structure sociale Fishman
se penche sur les problegravemes de contact de langue Tous les trois constatent que la
linguistique structurale et geacuteneacuterative se trouve impuissante agrave traiter la question que pose
pour lrsquoeacutecole lrsquoapprentissage de la norme linguistique Pour eux la diffeacuterenciation
linguistique est inseacuteparable du pluralisme culturel dont toute socieacuteteacute est teacutemoin et le
langage est investi de valeurs eacuteconomiques et sociales raquo( Christian Baylon p16)
En France les preacuteoccupations drsquoordre sociologique ont eacuteteacute mises agrave lrsquoeacutecart par le
prestige drsquoun structuralisme agrave sujet reacuteduit et le succegraves de la grammaire de Chomsky qui
proposait un modegravele eacuteliminant le fonctionnement pragmatique du langage Gracircce aux
travaux de recherches anglo-saxons la reacuteflexion sur le langage en tant que pratique
sociale va ecirctre renouveleacutee et la linguistique franccedilaise sera obseacutedeacutee agrave partir du XIX
siegravecle par le problegraveme des rapports de la langue et des mouvements sociaux De
nombreux travaux vont apparaicirctre Ducrot fait connaicirctre ses recherches sur les actes de
parole JB Marcellesie et Gardin se sont fait largement lrsquoeacutecho des ideacutees de Labov Ces
preacuteoccupations sont lieacutees dans les anneacutees 1975-1985 peacuteriode ougrave les conditions socio-
eacuteconomiques se transforment socieacuteteacute en crise chocircmage pousseacutee nationaliste-
seacutecuritaire xeacutenophobie et problegravemes de lrsquointeacutegration car la socieacuteteacute franccedilaise
contemporaine est caracteacuteriseacutee par la confrontation drsquoimaginaires sociaux jaillissement
de des diffeacuterences affirmation des minoriteacutes agrave la recherche de valeurs neuves les
immigreacutes les chocircmeurs les minoriteacutes culturelles srsquoopposeraient aux franccedilais
A- CRISE DE LA LINGUISTIQUE STRUCTURALE
Elle preacutesente des eacutetapes qui se manifeste par des eacutecoles Le structuralisme le
distributionnalisme le fonctionnalisme Elle srsquoest deacuteveloppeacutee en isolant dans la totaliteacute
du langage un objet censeacute ecirctre homogegravene la langue en lrsquoeacutetudiant indeacutependamment de
ses reacutealisations agrave lrsquoensemble de la reacutealiteacute extralinguistique et elle a mis en place un
ensemble de concepts meacutethodologiques et descriptifs Cet ensemble de concepts cette
meacutethodologie rigoureuse a permis le deacuteveloppement drsquoune linguistique descriptive
structurale synchronique centreacutee sur la phonologie la syntaxe la fonction des eacuteleacutements
et leur distribution La grammaire geacuteneacuterative reprend de faccedilon systeacutematique le projet
drsquoune grammaire universelle elle reacutehabilite le sujet parlant mais ideacuteal et tout en
reprenant les concepts eacutetablis par les structuralistes nrsquoeacutelucident pas pour autant le
rapport entre langue et socieacuteteacute
En effet de nombreux reproches ont eacuteteacute prodigueacutes contre la linguistique structurale F
Franccedilois parle de crise de la linguistique Marcellesie affirme qursquoelle est incapable
drsquointeacutegrer de maniegravere satisfaisante la variation et de reacutepondre aux questions de la place
et du rocircle des pheacutenomegravenes langagiers dans la socieacuteteacute (Penseacutee n 209 Janvier 1980 p4)
drsquoougrave la remise en cause de certains concepts
B-LES CONCEPTS SAUSSURIENS ET LEUR REMISE EN CAUSE
-La langue
-Le signe linguistique
-La communication
Ouvrir le deacutebat fondamental sur la nature sociale du langage signifie une remise en
cause drsquoun certain nombre de concepts relatifs agrave la linguistique structurale et agrave la
grammaire geacuteneacuterative qui drsquoune certaine maniegravere ont reacutepondu agrave leur maniegravere agrave la
question fondamentale du rapport entre langage et socieacuteteacute la place qursquoy occupe cette
probleacutematique sa pertinence les reacuteponses qui y sont apporteacutees
En effet on sait le rocircle fondateur qursquoa joueacute en Europe tout au moins Le cours de
linguistique geacuteneacuterale de Ferdinand De Saussure publieacute pour la premiegravere fois en 1916
Depuis la recherche en linguistique comme dans les autres sciences de lrsquohomme et de
la socieacuteteacute srsquoest diversifieacutee drsquoun point de vue geacuteographique autant que theacuteorique voire
atomiseacutee Il convient de souligner cependant que les deux derniegraveres deacutecennies ont vu
progressivement eacutemerger un ensemble drsquohypothegraveses et de pratiques qursquoon range
volontiers sous lrsquoeacutetiquette de linguistique de la parole ou sociolinguistique et qui
srsquoopposent drsquoun point de vue eacutepisteacutemologique agrave la linguistique de la langue du
systegraveme pour reprendre la distinction Saussurienne entre langue ( savoir collectif
social organiseacute en systegraveme) et parole (ensemble des productions individuelles des
reacutealisations linguistiques concregravetes)
Donc la sociolinguistique est bien une linguistique de la parole crsquoest-agrave-dire une
linguistique qui sans neacutegliger les acquis de lrsquoapproche structuraliste des pheacutenomegravenes
langagiers situe son objet dans lrsquoordre du social et du quotidien du priveacute et du
politique de lrsquoaction et de lrsquointeraction pour eacutetudier aussi bien les variations dans
lrsquousage des mots que les rituels de conversation les situations de communication que
les institutions de la langue les pratiques singuliegraveres de langage que les pheacutenomegravenes
collectifs lieacutes au plurilinguisme
1-La langue chez Saussure
Rappelons tout drsquoabord la deacutemarche de Saussure lorsque celui-ci constitue lrsquoobjet de la
linguistique la langue
laquo Pour trouver dans lrsquoensemble du langage la sphegravere qui correspond agrave la langue il faut
se placer devant lrsquoacte individuel qui permet de reconstituer le circuit de la
parole raquo(p27) Cependant si cet acte de communication est deacutejagrave social (deux
participants) cette socialisation est bien pauvre face agrave la reacutealiteacute de lrsquointeraction
linguistique reacuteelle De toute maniegravere lrsquoacte sera encore simplifieacute Saussure ne
srsquointeacuteresse qursquoagrave lrsquoauditeur Pour expliquer ce pheacutenomegravene individuel Saussure passe agrave
un autre niveau laquo La langue nrsquoest pas une fonction du sujet parlant elle est le produit
que lrsquoindividu enregistre passivement raquo(p30) laquo elle est la partie sociale du langage
exteacuterieure agrave lrsquoindividu par son pouvoir coercitif elle est le produit que lrsquoindividu
enregistre passivement (p 30) laquo et il ne peut agrave lui seul ni la creacuteer ni la modifier raquo
(p31)
La langue a donc une double caracteacuteristique
-Une existence exteacuterieure agrave lrsquoindividu au niveau de la psychologie collective raquodans les
cerveaux drsquoun ensemble drsquoindividus car la langue nrsquoest complegravete dans aucun elle
nrsquoexiste parfaitement que dans la masse raquo(p30)
-Une inteacuteriorisation pour chaque individu laquo quelque chose qui est dans chacun drsquoeux
tout en eacutetant commun agrave tous et placeacute en dehors de la volonteacute des deacutepositaires raquo(p38)
On peut dire qursquoagrave ce niveau drsquoanalyse Saussure arrache la langue agrave lrsquoeacutetude des faits de
nature en la rattachant agrave la sociologie laquo la langue est classable parmi les faits
humains tandis que le langage ne lrsquoest pashellip raquo laquo Pour savoir dans quelle mesure une
chose est une reacutealiteacute il faudra et il suffira de rechercher dans quelle mesure elle existe
pour la conscience des sujets raquo (p128)
La langue nrsquoest pas seulement une repreacutesentation collective elle est une veacuteritable
institution sociale systegraveme de signes exprimant des ideacutees Elle est comparable de ce
point de vue aux autres systegravemes de signes et relegraveve de la seacutemiologie laquo science qui
eacutetudie la vie des signes au sein de la vie sociale et formerait une partie de la
psychologie sociale et par conseacutequent de la psychologie geacuteneacuterale raquo( CLG p33) Tel
est le point extrecircme de la reacuteduction de la linguistique agrave la sociologie atteint par
Saussure
Or la sociolinguistique considegravere que lrsquoobjet de son eacutetude ne doit pas ecirctre simplement la
langue systegraveme de signes ou la compeacutetence systegraveme de regravegles Lrsquoopposition
langueparole ou compeacutetenceperformance implique que dans le champ drsquoinvestigation
du linguiste seule la langue (ou la compeacutetence) constitue un systegraveme fermeacute Il faut
donc deacutepasser cette opposition car elle fournit un cadre trop eacutetroit pour lrsquoeacutetude de
problegravemes linguistiques importants comme lrsquoutilisation du langage dans son contexte
socioculturel Pour ce faire certains linguistes constatant le caractegravere systeacutematique de
certains faits linguistiques situeacutes en dehors de la compeacutetence telle que la deacutefinit
Chomsky essayent drsquoeacutelargir cette notion de compeacutetence pour qursquoelle recouvre des faits
que Chomsky attribue agrave la performance Ainsi Hymes degraves 1972 deacuteveloppe le concept
de compeacutetence de communication pour communiquer il ne suffit pas de connaicirctre la
langue le systegraveme linguistique il faut eacutegalement savoir comment srsquoen servir en
fonction du contexte social
CONCLUSION
On peut donc conclure que la sociolinguistique est neacutee agrave partir de lrsquoexistence de deux
facteurs concomitants
-un eacutetat de connaissances mise en question des grammaires formelles reacuteinteacutegration
des donneacutees seacutemantiques appel agrave lrsquointeraction sociale comme donneacutee de la
communication
-un eacutetat de fait existence de problegravemes linguistiques qui inteacuteressent la vie sociale de
certaines communauteacutes
Crsquoest cette dualiteacute radicale du langage agrave la fois inteacutegralement formel et inteacutegralement
traverseacute par des enjeux subjectifs et sociaux qui fait lrsquoobjet de la sociolinguistique
Cours II DEMARCHE ET OBJET DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
III-1 -DEMARCHE
La sociolinguistique implique
- une theacuteorie linguistique qursquoobserver que deacutecrire
-et une conception systeacutematique de la communication parlante une sociologie qui
observer dans quelles relations sociales
La meacutethode en sociolinguistique se reacutepartit en deux deacutemarches successives
1-une description de la structure linguistique et une description de la structure
sociologique
Pour ce faire elle emprunte les acquis theacuteoriques de lrsquoapproche structuraliste des
pheacutenomegravenes langagiers et les concepts et meacutethodes agrave la sociologie car cette
derniegravere laquo montre que tout individu est drsquoabord un objet social le produit drsquoune
socialisation Le langage est une forme de comportement social un instrument de
communication entre les hommes un reacutepertoire de varieacuteteacutes linguistiques imbriqueacutees les
une dans les autres un moyen drsquoexpression de lrsquoindividu raquo
2-une confrontation des deux disciplines geacuteneacuteralement le but viseacute est la connaissance
de la socieacuteteacute le langage est le moyen qui permet cette connaissance Naturellement la
deacutemarche du chercheur variera selon le sujet et aussi selon sa position ideacuteologique
III-2-OBJET DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
La sociolinguistique a affaire agrave des pheacutenomegravenes tregraves varieacutes
-les fonctions et les usages du langage dans la socieacuteteacute
-la maicirctrise de la langue lrsquoanalyse du discours
- les jugements que les communauteacutes linguistiques portent sur leurs langues la
planification et la standardisation linguistiqueshellip
Elle srsquoest donneacutee au deacutepart pour tacircche de deacutecrire les diffeacuterentes varieacuteteacutes qui coexistent
au sein drsquoune communauteacute linguistique en les mettant en rapport avec les structures
sociales aujourdrsquohui elle englobe pratiquement tout ce qui est eacutetude du langage dans
son contexte socioculturel
Lrsquoobjet de son eacutetude nrsquoest pas seulement la langue systegraveme de signes ou la
compeacutetence systegraveme de regravegles Elle deacutepasse cette opposition qui fournit un cadre eacutetroit
pour lrsquoeacutetude de problegravemes linguistiques importants comme lrsquoutilisation du langage dans
son contexte socioculturel et srsquoouvre vers ce que Hymes appelle la compeacutetence de
communication pour communiquer il ne suffit pas de connaicirctre la langue le systegraveme
linguistique il faut eacutegalement savoir comment srsquoen servir en fonction du contexte
social Drsquoautres linguistes tel Labov pensent que toute production linguistique
manifeste des reacutegulariteacutes et peut donc faire lrsquoobjet drsquoune description Cependant
quelque soit les diffeacuterences tous les chercheurs mettent lrsquoaccent sur un objet
unificateur le langage consideacutereacute comme une activiteacute socialement localiseacute dont lrsquoeacutetude
se megravene sur le terrain
Donc sans exageacuterer le caractegravere multipolaire de la sociolinguistique on peut dire agrave la
suite drsquoHENRI Boyer (p7) que laquo celle-ci embrasse agrave travers ses diverses tendances
lrsquoensemble des composantes de lrsquoactiviteacute de la parole non seulement la-les langues et
la socieacuteteacute mais eacutegalement le ou les discours le ou les textes le sujet et la
communication sans oublier les attitudes et les images ce qursquoon appelle les
repreacutesentations psycho-sociolangagiegraveres qui pegravesent sur les pratiques de langage et
conditionnent leur manifestation raquo
Les objets drsquoobservation et drsquoanalyse ne seront pas les mecircmes ils sont conditionneacutes par
la deacutemarche du sociolinguiste selon qursquoil srsquoattache agrave mettre en relation telle ou telle
composante
Ainsi le sociolinguiste peut vouloir inventorier les savoirs linguistiques agrave lrsquoœuvre dans
une communauteacute donneacutee eacutetudier les dialectes les sociolectes et autres varieacuteteacutes en
usage dans tel groupe Il peut eacutegalement mettre en rapport ces savoirs linguistiques et
les institutions qui leur octroient une plus ou moins grande leacutegitimiteacute sociale Il peut
encore analyser le fonctionnement des normes et des eacutevaluations sur lesquelles srsquoappuie
la parole circulante Il ne lui est pas interdit non plus drsquointerroger les divers types de
discours oraux ou eacutecrits pour en deacutecrire le fonctionnement polyphonique crsquoest-agrave-dire
la manifestation plus ou moins probleacutematique de plusieurs voix celles des
interlocuteurs mais eacutegalement la trace lrsquoeacutecho de celles qui circulent dans le contexte
social ougrave srsquoinscrivent les productions linguistiques en question
Le sociolinguiste reacuteintroduit dans son champ drsquoeacutetude le sujet peut aussi bien analyser
les statuts rocircles et places des acteurs- partenaires leur incidence sur le deacuteroulement des
interactions au travers en particulier des strateacutegies mises en œuvre Enfin la
communication elle-mecircme peut retenir son attention au travers des actes de parole
directs ou indirects de leur interpreacutetation plus ou moins preacutevisibles des rituels
sociolangagiers sur lesquels srsquoappuie la parole en communauteacute Donc la
sociolinguistique investit tous les domaines suivants (voir scheacutema suivant p7)
Cours III
VI LA VARIATION LINGUISTIQUE
La question de la variation est une question fondamentale pour la sociolinguistique car il sagit
veacuteritablement de tirer les conseacutequences du constat fait par tout linguiste mecircme deacutebutant on ne
parle pas de la mecircme faccedilon dans toutes les circonstances de sa vie Une mecircme personne au cours
dune journeacutee change consideacuterablement dusage de varieacuteteacute de langue et ceci en raison de ses
interlocuteurs de lobjet de son discours des conditions immeacutediates de productionreacuteception Bien
sucircr en fonction de son milieu social de son histoire personnelle de son implantation
geacuteographique des effets que lon veutpeut produire de la maicirctrise des registres de langues acquise
du rapport agrave la langue et agrave la socieacuteteacute on recourt agrave des varieacuteteacutes linguistiques tregraves diverses qui mecircme
si elles sont globalement appeleacutees franccedilais peuvent comporter des diffeacuterences consideacuterables aux
yeux du linguiste qui les deacutecrit Cest le deacutesir dexpliquer cette variation de trouver les causes de
chaque varieacuteteacute en rendant compte de toutes les donneacutees susceptibles decirctre mises en relation avec
les formes produites qui a donneacute naissance agrave la sociolinguistique La perspective deacuteterministe est
centrale tout ce que nous disons agrave deacutefaut de pouvoir ecirctre directement conditionneacute par
lenvironnement linguistique immeacutediat (cf les variantes conditionneacutees) doit pouvoir ecirctre expliqueacute
par ce que nous sommes on retrouve les questions QUI parle A QUI OU QUAND
COMMENT POURQUOI
En preacutefeacuterant la notion de variation linguistique et en faisant de celle-ci une des
composantes essentielles de son champ disciplinaire la sociolinguistique reacutevegravele son inteacuterecirct prioritaire
pour certaines situation de communication individuelles ou collectives ougrave les locuteurs de maniegravere
permanente ou provisoire sont conduits agrave faire coexister en eux des usages linguistiques certes
distincts mais cependant proches Lrsquoideacutee de variation implique ici celle drsquoun eacutecart mais drsquoun eacutecart
veacutecu
En effet la sociolinguistique entend deacutecrire la langue dans ses emplois ses usages Cet
usage manifeste des variations le locuteur opegravere un choix parmi les varieacuteteacutes-les sous codes- de la
langue qursquoil maicirctrise notamment en fonction de son statut social du style et de la situation qui peut
ecirctre plus ou moins formelle Le formalisme du discours peut se deacutefinir en fonction des termes
constitutifs de lrsquoeacuteveacutenement de parole on peut se sentir obligeacute de se conduire de parler correctement
drsquoune maniegravere formelle face agrave un auditeur drsquoun statut social eacuteleveacute le thegraveme de lrsquoeacutechange neacutecessite
une langue soutenue ou familiegravere deacutejagrave sur le plan lexical la deacutenomination de certains objets risque
de changer radicalement suivant les personnes auxquelles on srsquoadresse le style peut ecirctre
surveilleacute(langue soutenue) familier celui du discours quotidien tel qursquoil est employeacute dans les
situations ordinaires ougrave le langage nrsquoest pas un objet drsquoattention
La sociolinguistique distingue entre variation inter linguistique et variation intralinguistique
VI-1-LA VARIATION INTRALINGUISTIQUE OU VARIATION DANS LES USAGES DE LA
LANGUE Il y a variation intralinguistique lagrave ougrave les locuteurs utilisent deux ou plusieurs variantes drsquoun mecircme
systegraveme donc drsquoune mecircme langue A lrsquointeacuterieur drsquoune mecircme langue il y a une variation constante Celle-ci peut ecirctre geacuteographique ou sociale mais la plupart du temps ces facteurs interfegraverent lrsquousage drsquoun patois est un pheacutenomegravene geacuteographique mais qui marque aussi une hieacuterarchie sociale La variation peut prendre la forme de patois de dialectes de langues de minoriteacute (en France le basque ou lrsquoalsacienne sont pas apparenteacutes au franccedilais) Crsquoest la dialectologie qui depuis la fin du XIX eacuteme siegravecle eacutetudie ce type de pheacutenomegravenes Lrsquourbanisation massive et le deacuteveloppement des communications ont bouleverseacute la
dialectologie traditionnelle qui eacutetait tourneacutee vers le monde rural Aujourdrsquohui crsquoest le monde urbain qui offre les terrains drsquoenquecircte les plus riches Crsquoest pourquoi la sociolinguistique se propose de reacuteinteacutegrer lrsquohomme dans la langue le locuteur son milieu celui auquel il srsquoadresse la communauteacute linguistique mecircme si toutes ces donneacutees sont extrecircmement complexes De fait dans les anneacutees 60 aux eacutetats ndashunis W Labov auteur notamment drsquoune seacuterie drsquoarticles publieacutes en franccedilais dans le recueil Sociolinguistique sociolinguiste bien connu pour son rocircle dans la recherche a fait apparaicirctre lrsquoabsolue neacutecessiteacute de consideacuterer la reacutealiteacute des productions langagiegraveres et non plus des abstractions (cette recherche sur les abstractions correspondait agrave un courant de la linguistique theacuteorique) il nrsquoheacutesite pas agrave dire que la sociolinguistique crsquoest la linguistique mecircme srsquoil est obligeacute de constater que certains linguistes neacutegligent agrave tort lrsquoeacutetude du contexte social Pour nous notre objet drsquoeacutetude est la structure et lrsquoeacutevolution du langage au sein du contexte social formeacute par la communauteacute linguistique Les sujets consideacutereacutes relegravevent du domaine ordinairement appeleacute linguistique geacuteneacuterale phonologie morphologie syntaxe et seacutemantique Les problegravemes theacuteoriques que nous soulegraveverons appartiennent eacutegalement agrave cette cateacutegorie tels la forme des regravegles linguistiques leur combinaison en systegravemes la coexistence de plusieurs systegravemes et lrsquoeacutevolution dans le temps de ces regravegles et de ces systegravemes Srsquoil nrsquoeacutetait pas neacutecessaire de marquer le contraste entre ce travail et lrsquoeacutetude du langage hors de tout contexte social je dirais volontiers qursquoil srsquoagit lagrave tout simplement de linguistique Et lrsquoon peut srsquoeacutetonner qursquoil soit utile de donner une base sociale eacutelargie agrave ce domaine Que la linguistique geacuteneacuterale quel qursquoen soit le contenu doive reposer avant tout sur le langage tel que lrsquoemploient les locuteurs natifs communiquant entre eux dans la vie quotidienne cela paraicirct aller de soi Aussi est-il profitable avant de continuer de voir preacuteciseacutement pourquoi il nrsquoen a pas eacuteteacute ainsi (Labov 1976 Lrsquoeacutetude de la langue dans son contexte social pp 258-259) Pour Labov il nrsquoy a pas drsquoeacutetude de la langue sans prise en compte des hommes qui la parlent sans eacutetude de lrsquoenvironnement social De ce fait Labov tente de correacuteler les maniegraveres de parler avec des variables sociales qui peuvent ecirctre beaucoup plus fines (et qui sont deacutetermineacutees preacuteciseacutement par lrsquoanalyse) que les grandes cateacutegories sociales traditionnelles (profession sexe acircge lieu de reacutesidence etc) Labov devant les donneacutees ordinaires de la situation de communication qui comportent une forte heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et qui sont geacuteneacuteralement consideacutereacutees comme aleacuteatoires va chercher agrave eacutetablir une systeacutematiciteacute (Gadet 1992b) En quelque sorte srsquoattachant au concept de variation libre Labov essaye drsquoeacutetablir les regravegles de cette variation drsquoen montrer les conditionnements Labov met agrave jour des reacutegulariteacutes trop systeacutematiques pour ecirctre le fait du hasard et il srsquoefforce de montrer selon les formules de F Gadet qursquo+ il y a une stratification de lrsquousage de la langue dans la socieacuteteacute dont il a pu eacutetablir qursquoelle eacutetait agrave la fois reacuteguliegravere et extrecircmement fine Elle ne peut toutefois se saisir qursquoagrave travers des consideacuterations de freacutequence puisque ce nrsquoest guegravere la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoune variante qui est en cause mais des taux drsquooccurrences compareacutes (F Gadet 1992b p 6)
Il srsquoagit drsquoassocier chaque variante linguistique agrave une cause extra-linguistique (classe sociale sexe acircge habitat race attitudes du locuteurs circonstances de la communication etc) ou chaque ensemble de variantes linguistiques (reacutealisation dune variable) agrave une ou des variables sociales selon un scheacutema que lrsquoon pourrait repreacutesenter ainsi
Ensemble des variables sociales Ensemble des variables linguistiques Une fois correctement eacutetablies les variables en modifiant lrsquoune des variables sociales on devrait
obtenir une varieacuteteacute nouvelle (un ensemble de variantes diffeacuterentes) au niveau linguistique Attention on rappellera ici la notion de variante conditionneacutee On parle en linguistique de variante
conditionneacutee quand on peut eacutetablir une correacutelation stricte entre lrsquoapparition drsquoune uniteacute linguistique et le
contexte linguistique de son apparition ainsi en franccedilais du Midi la reacutealisation [o] [ɔ] est conditionneacutees ces deux formes sont deux variantes conditionneacutees drsquoune seule uniteacute phonologique le o selon la regravegle
suivante [o] en finale ex pot chaud dos o [ɔ] + C ex rose chaude jaune code Paul pocircle Dans
drsquoautres reacutegions de France on pourra trouver des o et des ɔ non conditionneacutes par le contexte comme le montrent les prononciations laquo parisiennes raquo de saute sotte ou de pocircle Paul
Crsquoest un conditionnement de ce type que Labov a tenteacute drsquoeacutetablir non plus entre un environnement linguistique et certains sons mais entre des variables extra-linguistiques (sexe acircge situation sociale) et des uniteacutes comportant du sens (du morphegraveme uniteacute minimale de signification agrave la phrase ou au discours uniteacute vaste) Dans une perspective deacuteterministe (une deacutemarche scientifique est drsquoune faccedilon ou drsquoune autre preacutesenteacutee comme deacuteterministe) Labov pense que si nous ne parvenons pas agrave eacutetablir un conditionnement strict entre des variables extra-linguistiques et des variantes linguistiques crsquoest parce que notre analyse est
incomplegravete parce que nous avons neacutegligeacute des donneacutees Il propose de ce fait de multiplier les investigations pour trouver les variables pertinentes
Avec William Labov le pegravere de lapproche variationniste en sociolinguistique on a pris lhabitude de distinguer quatre types de variation
la variation diachronique (ou historique) la variation diatopique (ou geacuteographique) la variation diastratique (ou sociale) la variation diaphasique (ou stylistique)
Variation diachronique
La variation diachronique est lieacutee au temps elle permet de cotraster les traits selon quils sont perccedilus comme plus ou moins anciens ou reacutecents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diatopique
La variation diatopique joue sur laxe geacuteographique la diffeacuterenciation dune langue suivant les reacutegions relegraveve de cette variation Pour deacutesigner les usages qui en reacutesultent on parle de reacutegiolectes de topolectes ou de geacuteolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diastratique
La variation diastratique explique les diffeacuterences entre les usages pratiqueacutees par les diverses classes sociales Il est question en ce cas de sociolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diaphasique
On parle de variation diaphasique lorsquon observe une diffeacuterenciation des usages selon les situations de discours ainsi la production langagiegravere est-elle influenceacutee par le caractegravere plus ou moins formel du contexte deacutenonciation et se coule-t-elle en des registres ou des styles diffeacuterents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Franccediloise Gadet propose dajouter la variation diameacutesique quelle deacutefinit ainsi Une autre distinction relevant eacutegalement de lusage intervient entre oral et eacutecrit Elle est particuliegraverement forte dans une langue de culture tregraves standardiseacutee comme la franccedilaise Ici cest la distinction de chenal de transmission de la parole qui constitue le point dancrage de la diffeacuterence aucun locuteur ne parle comme il eacutecrit aucun neacutecrit comme il parle La distinction nest pas purement mateacuterielle elle touche aussi la conception mecircme des discours Il faudra donc distinguer entre ce qui est un effet geacuteneacuteral de loraliteacute et ce qui relegraveve de la variation (Gadet 2004 p 98)
Cette recherche de William Labov (La stratification sociale de lrsquoanglais dans la ville de New york) a eacuteteacute
meneacutee sur la relation entre variation linguistique et stratification sociale dans une grande ville ameacutericaine et en particulier sur lrsquoanglais de noirs Une preacute-enquecircte meneacutee dans trois grands magasins diffeacuterents quant agrave la qualiteacute et au prix des produits vendus et par conseacutequent agrave la cateacutegorie sociale de leur clients a permis de montrer que les employeacutes de ces magasins qui pourtant appartenaient tous agrave la mecircme classe sociale reacutealisaient les variantes phoneacutetiques conformeacutement agrave la faccedilon de parler des clients agrave qui ils avaient affaire en fonction du magasin(du quartier ougrave il se trouvait) voire du rayon dans le magasin( de la nature des produits proposeacutes)
La seule preacutesence de lrsquoobservateur lors drsquoune enquecircte suffit agrave modifier le comportement linguistique de lrsquoenquecircteacute lequel a tendance agrave se rapprocher de la varieacuteteacute officielle ou de prestige Les modaliteacutes de lrsquoenquecircte entraicircnent eacutegalement des variations dans les productions Crsquoest ce qui a ameneacute Labov agrave varier ses strateacutegies (eacutecoute pirate deacuteguisement ) et agrave deacutefinir des styles contextuels dont le plus surveilleacute reacutepond agrave la lecture et le moins surveilleacute au discours spontaneacute familier hors enquecircte Lagrave aussi plus le locuteur accorde drsquoattention agrave son discours plus il se rapproche de la norme officielle Tout cela met en lumiegravere la fonction sociale et symbolique des variations linguistiques qui ne sont que rarement des choix deacutelibeacutereacutes
La varieacuteteacute linguistique propre agrave un groupe dominant srsquoimpose comme marque de prestige et deacutetermine lrsquoattitude des locuteurs du groupe domineacute face agrave leur propre varieacuteteacute les colonisateurs le savent bien et un de leurs premiers soucis est de transmettre leur eacutevaluation Ces travaux de dialectologie urbaine ont permis de deacutevelopper des meacutethodologies originales drsquoanalyse de lrsquousage en situation authentique lrsquoobservateur srsquoefforccedilant de ne pas fausser les donneacutees par sa preacutesence
-variation selon les groupes sociaux il peut srsquoagir de groupes constitueacutes sur les bases de lrsquoorigine
ethnique du pouvoir eacuteconomique du sexe de lrsquoacircge
-variation en fonction de la situation de communication les mecircmes locuteurs ne parlent pas de la
mecircme faccedilon selon les situations (en situation formelle ou en situation familiegravere agrave lrsquoeacutecrit et agrave lrsquooral
A partir de cette enquecircte ceacutelegravebre sur les adolescents noirs lAmeacutericain William Labov a donc rechercheacute les correacutelations entre certaines variations linguistiques et la position sociale des locuteurs etou la situation de communication
Cette deacutemarche la ameneacute agrave isoler deux niveaux de variation
- Un niveau social diffeacuterents locuteurs dune mecircme langue parlent diffeacuteremment
- Un niveau stylistique un mecircme locuteur utilise diffeacuterents registres de langage (familier soutenu) selon la situation Mais W Labov remarque que leacutecart entre langue courante et langue soutenue est beaucoup plus important chez un ouvrier que chez un cadre supeacuterieur
Pour W Labov la langue est soumise agrave trois sortes de regravegles
- Les regravegles cateacutegoriques quaucun locuteur ne viole jamais Aucun francophone ne dit laquo on venons raquo ou laquo nous vient raquo
- Les regravegles semi cateacutegoriques dont la violation - freacutequente - est interpreacutetable socialement la tournure laquo aller au coiffeur raquo est jugeacutee populaire par la norme
- Les regravegles variables
- Se meacutefier de lrsquointrospection drsquoune preacutetendue laquo compeacutetence raquo (cf Chomsky) on ne touche de fait
que des laquo performances raquo et il existe des proceacutedures objectives drsquoanalyse linguistique pour
approcher la variation ndash qui est la regravegle
- Srsquoil y a de la variation il convient toujours de tenter de lrsquoexpliquer les preacutetendues laquo variantes
libres raquo sont des variantes dont le conditionnement nous eacutechappe mais il convient de chercher
parmi les donneacutees sociales au sens large celles qui de fait conditionnent les variantes analyseacutees
-Se rappeler que lrsquoon tente toujours drsquoenquecircter sur la langue drsquoune communauteacute linguistique et non
pas sur celle drsquoun seul individu Se soucier neacutecessairement de la question de la repreacutesentativiteacute des
informateurs
En conseacutequence scepticisme quant aux laquo universaux raquo au sens ougrave ils pourraient ecirctre preacutesents
dans toutes les langues Mais crsquoest lrsquoexplication qui forge lrsquouniversaliteacute (cf ne pas confondre les
universaux de la linguistique avec des universaux du langage )
- Inteacuterecirct particulier pour le changement linguistique tout particuliegraverement les signes du
changement en cours Toutes conditions eacutegales ce qui a entraicircneacute des changements dans le passeacute se
reproduit neacutecessairement maintenant (mais ne pas oublier les caracteacuteristiques sociales qui font
partie des laquo conditions eacutegales raquo)
VI- 2 LA VARIATION INTERLINGUISTIQUE Il nrsquoest pas dans notre intention drsquoeacutenumeacuterer ici toutes les deacutefinitions ou typologies proposeacutees pour le bilinguisme mais de retenir celles qui nous semblent avoir un inteacuterecirct pour la sociolinguistique
VI-2-1 Bilinguisme et plurilinguisme
Tregraves longtemps il y a eu des deacutebats pour savoir srsquoil fallait parler de bilinguisme ou de
plurilinguisme Il y a de nombreuses deacutefinitions nous retenons celle de
-Georges Mounin laquo Le fait pour un individu de parler indiffeacuteremment deux langues raquo laquo eacutegalement
coexistence de deux langues dans la mecircme communauteacute pourvu que la majoriteacute des locuteurs soit
effectivement bilingue raquo
-Deacutefinition du dictionnaire de didactique des langues laquo le bilinguisme est une situation qui
caracteacuterise les communauteacutes linguistiques et les individus installeacutes dans les reacutegions multilingues
-Dictionnaire des sciences du langage de Todorov laquo un individu est dit multilingue srsquoil possegravede
plusieurs langues apprises lrsquoune comme lrsquoautre comme langue maternelle raquo
Le bilinguisme agrave travers ces trois deacutefinitions peut ecirctre consideacutereacute soit comme le fait drsquoune
communauteacute soit comme le fait drsquoun individu Ces diffeacuterences renvoient agrave tout un deacutebat de
linguistes qui consideacuteraient que seuls les individus peuvent ecirctre bilingues et drsquoautres qui
consideacuteraient que cette notion peut srsquoeacutetendre agrave toute une communauteacute linguistique
Se posent alors le problegraveme de degreacute drsquoextension du bilinguisme agrave partir de quel pourcentage
considegravere - t-on que la communauteacute est bilingue et quand peut-on parler de bilinguisme
Selon lrsquoacircge drsquoacquisition des langues on a pu parler de bilinguisme preacutecoce ou tardif selon la
distribution faite dans la communauteacute on parle de bilinguisme composeacute individuel stylistique ou
social Toutes ces approches deacutefendent un point de vue diffeacuterent
Les diffeacuterentes approches -Lrsquoapproche normative
Elle prend en consideacuteration le degreacute de maicirctrise de la langue deux positions srsquoaffrontent lrsquoune dit
que tout le monde est bilingue lrsquoautre que personne est bilingue
a)Tout le monde est bilingue
Les deacutefenseurs de cette thegravese pensent que dans tout acte de communication les locuteurs srsquoadaptent
agrave une situation donneacutee Or une langue varie selon les situations de communication les locuteurs
drsquoune langue disposent drsquoune varieacuteteacute drsquousages maicirctriser une langue crsquoest savoir utiliser cette
varieacuteteacute crsquoestndashagrave-dire savoir adapter son discours agrave chacune de ses situations linguistiques
Mahmoudian eacutecrit laquo on maicirctrise mieux une langue dans la mesure ougrave on manie un nombre plus
eacuteleveacute drsquouniteacutes linguistiques et que lrsquoon comprend mieux le sens qui rattache ces uniteacutes aux
circonstances raquo
Martinet laquo deacuteveloppe la mecircme ideacutee lorsqursquoil dit que la maicirctrise drsquoune langue est constitueacute par une
hieacuterarchie drsquousages possibles qui sont les usagers quotidiens les usagers solennels politiques
artistiques
Ceci implique donc que le locuteur est agrave chaque instant obligeacute drsquoadapter son langage agrave la situation
On peut dire que tout locuteur est bilingue exemple du langage becirctifieacute des parents lorsqursquoils
parlent aux enfants ou les colons qui tentent drsquoadapter leur langue maternelle aux parlers creacuteoles
b) Personne nrsquoest bilingue
Certains linguistes disent que le bilinguisme nrsquoexiste pas dans la mesure ougrave personne nrsquoest capable
de maicirctriser agrave la perfection deux langues crsquoest agrave dire sans aucune interfeacuterence Si on prend en
consideacuteration ces paramegravetres il nrsquoy a pas de bilinguisme
Andreacute Martinet explique que ce critegravere de la perfection nrsquoa guegravere de sens car mecircme un locuteur
unilingue ne possegravede pas agrave la perfection sa langue et qursquoil nrsquoen utilise pas toutes les possibiliteacutes
lexicales ou syntaxiques Ce critegravere de la perfection est rejeteacute car il ne permet nullement de deacutefinir
le bilinguisme ou le monolinguisme
c La troisiegraveme tendance tente de deacutefinir le degreacute de maicirctrise relative
Ils rapportent la meacutethode de Malherbe une seacuterie de critegraveres permettent de deacutefinir une situation de
bilinguisme
-ecirctre en mesure de mener une conversation un discours ou un sermon dans une langue eacutetrangegravere
que ce soit agrave lrsquoeacutecrit ou agrave lrsquooral Savoir lire les journaux dans cette langue et en saisir lrsquohumour
-Etre en mesure de mener une conversation intelligible dans une autre langue et pouvoir lire sa
litteacuterature
-Savoir lire implacablement lrsquoautre langue
-Savoir enseigner les deux langues
-Posseacuteder une grande maicirctrise des deux langues
-Posseacuteder une connaissance parfaite des deux langues
Que dire
La mesure de la perfection repose sur des jugements de valeur subjectifs on mecircle diffeacuterents
niveaux de maicirctrise drsquoune langue lrsquoeacutecrit et lrsquooral
On mecircle pareillement la maicirctrise drsquoune langue et lrsquoaptitude agrave lrsquoenseigner ce qui ne se justifie pas
Beaucoup savent parler une langue mais ne peuvent lrsquoenseigner
On peut dire que les systegravemes de mesure de la perfection linguistique est un faux problegraveme car
toute situation de bilinguisme est marqueacutee par une fluctuation des usages (variation continuelle)
En effet le comportement linguistique des bilingues est tregraves variable il deacutepend de nombreux facteurs drsquoordres psychologiques et sociaux Il y a des pheacutenomegravenes de pressions sociales les situations de communication qui fait qursquoon ne peut eacutetablir des grilles rigoureuses La mesure de perfection se reacutevegravele vaine il faut srsquoen tenir aux propositions de W Mackey laquo le bilinguisme doit ecirctre consideacutereacute comme un concept non pas absolu mais relatif raquo Renzo Titone ajoute en rapportant Mackey qursquoil ne faut pas poser la question cet individu est-il bilingue Mais plutocirct dans quel sens est-il bilingue crsquoest-agrave-dire qursquoil faut rendre compte de la pratique bilingue du locuteur de son comportement bilingue mais pas tenter de deacutefinir la nature du bilinguisme qursquoil pratique
Lrsquoapproche psychologique
A-Le bilinguisme infantile ou preacutecoce On parle de bilinguisme infantile quand il srsquoagit drsquoun enfant qui degraves sa naissance est
simultaneacutement confronteacute agrave deux systegravemes linguistiques diffeacuterents par exemple lorsque la megravere et le
pegravere parlent agrave lrsquoenfant chacun leur langue ou lorsqursquoune 3egraveme
personne parle une autre langue que
celle que parlent les parents En fait cette situation est plus rare que la situation de bilinguisme
preacutecoce ougrave lrsquoon a des enfants monolingues dans les premiegraveres anneacutees de leur enfance qui
apprennent ensuite une seconde langue soit par impreacutegnation du milieu familial et social soit agrave
lrsquoeacutecole Les eacutetudes agrave orientation psychologiques se proposent toujours diffeacuterents objectifs certaines
eacutetudes se proposent drsquoexaminer le comportement de lrsquoenfant qui est aussi tregraves tocirct mis en contact
avec 2 ou plusieurs langues en geacuteneacuteral ces eacutetudes essaient de deacuteterminer la conscience qursquoa
lrsquoenfant de parler ou de ne pas parler plusieurs langues on a 2 types de constatations qui
apparemment sont contradictoires
1-Il semble selon certaines expeacuteriences que les enfants acquiert les diffeacuterentes langues sans
srsquoen apercevoir On cite les propos drsquoun linguiste allemand bilingue qui degraves son plus jeune acircge agrave la
question raquo savez vous depuis le deacutebut que vous parliez deux langues Il reacutepondit laquo je suppose que
non je parlais spontaneacutement la langue de mon interlocuteur sans savoir ce que je faisais et cela
depuis le deacutebut comme jrsquoai pu le deacuteduire du teacutemoignage de mes parents
2- En face de ce premier type de recherche on a une autre type de recherche qui montre que les
enfants distingue assez tocirct entre 3 et 4 ans les diffeacuterents systegravemes qursquoil parle et preacuteciseacutement cette
capaciteacute de parler et la situation dans laquelle ils se trouvent tregraves vite ils perccediloivent ce qursquoon
attend drsquoeux dans la situation scolaire et dans la situation familiale ou amicale
Un autre facteur inteacuteressant crsquoest leur capaciteacute de traduire Renzo Titone cite le cas de conscience
diffeacuterentielle qui lui permet de diffeacuterencier les systegravemes ce qui implique que lrsquoenfant possegravede une
double compeacutetence crsquoest-agrave-dire une maicirctrise intuitive de regravegles et de meacutecanismes diffeacuterents
laquo Lrsquoenfant bilingue reacuteussit-il agrave faire le rapport entre les personnes et les situations distinctes et les
idiomes raquo
Lrsquoenfant pratique la diffeacuterenciation des systegravemes mais il ne possegravede pas la capaciteacute drsquoeacutenoncer de
formuler cette aptitude Il a une conscience intuitive qursquoil ne peut formuler
Le bilinguisme favorable ou deacutefavorable
La question souvent poseacutee est celle de savoir si le bilinguisme est favorable ou deacutefavorable
srsquoil est nuisible ou non Cette question est poseacutee agrave deux niveaux drsquoabord agrave propos des enfants on
se demande bien souvent si le bilinguisme est preacutejudiciable ou non au deacuteveloppement de lrsquoenfant
crsquoest agrave dire agrave son eacutequilibre psychologique affectif drsquoautre part si crsquoest preacutejudiciable agrave lrsquoacquisition
de sa langue maternelle et de sa langue Ces preacutesupposeacutes sont deacutementis par de nombreuses
expeacuteriences faites sur des enfants bilingues
Renzo Titone expose le cas drsquoun enfant qui apprend lrsquoallemand avec sa megravere et le franccedilais avec
son pegravere la prononciation fut celle drsquoun enfant unilingue degraves le deacutebut le bilinguisme ne retardera
pas le deacuteveloppement geacuteneacuteral du langage crsquoest agrave dire que lrsquoacquisition des deux langues nrsquoa pas
entraicircneacute de retard Les emprunts drsquoune langue agrave une autre reacuteitegraverent des cas isoleacutes Dans les deux
langues on assisteacute agrave un deacuteveloppement parallegravelement en phoneacutetique en morphologie en syntaxe
Lrsquoenfant devient tregraves vite conscient de son bilinguisme et traduisait les messages drsquoune langue agrave
une autre Il acquit le concept abstrait de langue Tous ces exemples donneacutes par Titone semblent
contredire la thegravese qui veut que le bilinguisme soit dangereux preacutejudiciable Mecircme thegravese
deacuteveloppeacutee par Abdellah Cheacuteriet pour qui le bilinguisme est contre reacutevolutionnaire dangereux
pour lrsquoauthenticiteacute et pour la langue arabe alors que Lacheraf eacutetait pour le bilinguisme
Selon Cheacuteriet le bilinguisme nrsquoest pas une voie reacutevolutionnaire pour lrsquoenseignement mais
bourgeoise car ce nrsquoest pas le bilinguisme qui donne au peuple sa formation socialiste De plus le
bilinguisme est contraire agrave lrsquoauthenticiteacute et le fait drsquoenseigner une langue eacutetrangegravere agrave lrsquoenfant
orientera sa mentaliteacute et donc son authenticiteacute
Remarque le bilinguisme est consideacutereacute sous un angle particulier on considegravere les deux
langues rivales Pourtant lrsquoAlgeacuterie est plurilingue et Cheacuteriet ne parle jamais des autres langues les
arguments avanceacutes sont biaiseacutes la reacutealiteacute linguistique nrsquoest jamais deacutecrite lrsquoarabe classique est
consideacutereacute comme une langue maternelle En fait le veacuteritable problegraveme dans des cas de bilinguisme
est la prise en charge peacutedagogique et un environnement harmonieux laquo En creacuteant un environnement
adapteacute le petit enfant pourrait tregraves bien apprendre deux langues ou plus sans grave difficulteacute et la
redoutable barriegravere linguistique serait deacutetruite agrave la base raquoTitone
3 Lrsquoapproche sociale On peut parler du bilinguisme social lorsqursquoon prend en consideacuteration lrsquoexpansion du
bilinguisme au niveau de toute une communauteacute Cette approche sociale traite drsquoun certains
nombres de questions
-le statut des langues en contact
-la distribution de ces langues crsquoest-agrave-dire comment les langues se distribuent-elles
parmi les locuteurs comment sont-elles pratiqueacutees par les locuteurs drsquoougrave lrsquoeacutetude drsquoun certains
nombre drsquoeacuteleacutements agrave prendre en charge la situation de communication lrsquoappartenance sexuelle
sociale on srsquoattache aussi au pheacutenomegravene de prestige de valorisation et de deacutevalorisation
pheacutenomegravene de meacutemorisation Crsquoest-agrave-dire lrsquoattitude du locuteur agrave lrsquoeacutegard de ceux qui parlent
-les problegravemes de planification linguistique Elle prend aussi en charge le retentissement
de tous les eacuteleacutements au niveau de la dynamique des langues crsquoest agrave dire la capaciteacute drsquoeacutevolution de
stagnation de vie ou de mort des langues quels sont les symptocircmes qui permettent de reconnaicirctre
ces pheacutenomegravenes
Lrsquoimportance de ces pheacutenomegravenes sociaux se manifeste dans lrsquoexemple que nous
empruntons agrave Juliette Garmadi 1981 La sociolinguistique PUF Paris concernant le cas du
Vaupegraves reacutegion qui se situe au centre de lrsquoAmazonie avec une frontiegravere commune agrave la Colombie et
au breacutesil
Quelles sont les caracteacuteristiques sociales de cette reacutegion il srsquoagit drsquoune population
indienne qui vit dans des habitations disperseacutees cependant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune
population seacutedentaire bien qursquoil lui arrive de se deacuteplacer Il y a plusieurs niveaux de structuration
sociale de cette population elle est structureacutee en uniteacutes deacutefinies par un seul critegravere lrsquouniteacute
linguistique Chaque groupe drsquoindividus parlant la mecircme langue est consideacutereacute comme appartenant
agrave la mecircme tribu La tribu est deacutefinie par la langue du pegravere donc tous ceux qui ont utiliseacutes degraves leur
enfance la langue du pegravere font partie de la mecircme tribu Crsquoest donc la langue du pegravere qui confegravere
lrsquoidentiteacute au groupe agrave la tribu Un indien de cette tribut doit se marier avec une femme drsquoune autre
tribu obligatoirement donc parlant une autre langue sinon cela est consideacutereacute comme un inceste
Exemple un enfant appartenant agrave une tribu doit avoir comme premiegravere langue la langue de son
pegravere la megravere est tenue drsquoapprendre la langue de son mari mais elle peut aussi parler sa langue avec
les autres femmes elle communique avec son fils la langue de son mari
Quels sont les points que suscite lrsquoattention du linguiste par rapport au vaupeacutes
-Au niveau de lrsquoeacutetendue du bilinguisme
Le plurilinguisme pourrait ecirctre envisageacute dans cette reacutegion agrave plusieurs niveaux au niveau familial
ou cellule nucleacuteaire Au niveau de la tribu au niveau du Vaupegraves
Selon Juliette Garmadi il y a une stabiliteacute du plurilinguisme que lrsquointroduction du portugais et de
lrsquoespagnol dans la reacutegion ne semble pas remettre en cause Elle affirme une des premiegraveres
conclusions que lrsquoon peut tirer de lrsquoeacutetude de la situation du Vaupegraves est que les socieacuteteacutes complexes
ne sont pas les seules garantes possibles de la stabiliteacute du plurilinguisme Elle veut dire que lrsquoon
aurait tendance agrave croire qursquoune situation comme le vaupeacutes avec lrsquoaccord de la colonisation aurait
pu voir son plurilinguisme ceacuteder devant la langue du colonisateur or il nrsquoen est rien car le
plurilinguisme du Vaupegraves se maintient tregraves bien Donc les socieacuteteacutes stables ne sont pas les seules
garantes de la stabiliteacute
Lrsquoexistence du plurilinguisme et de sa stabiliteacute ne sont lieacutees ni agrave des types drsquoinstitutions preacutecises ni
au nombre des locuteurs ni agrave la dimension ni agrave la densiteacute drsquoun pays
Juliette Garrmadi agrave travers lrsquoexemple du Vaupegraves semble remettre en question toutes ces
hypothegraveses
-Au niveau psychologique du bilinguisme
Au niveau psychologique le plurilinguisme peut ecirctre preacutecoce ou tardif ce bilinguisme est aussi
eacutequilibreacute car les langues acquises dans lrsquoenfance le sont avec une maicirctrise eacutegales
-Au niveau linguistique et seacutemio culturel
Au niveau des systegravemes culturels transmis par le langage on peut parler de bilinguisme composeacute
crsquoest agrave dire que les langues parleacutees reacutefegraverent agrave une mecircme situation seacutemio culturelle que les langues
indiennes parleacutees dans le Vaupegraves renvoient au mecircme reacutefeacuterent culturel dans la mesure ougrave la culture
indienne de cette reacutegion est homogegravene et que toutes les langues parleacutees sont le veacutehicule de cette
culture homogegravene ce qui peut se traduire en disant que les enfants du Vaupeacutes ont un seul systegraveme
de signifieacute mais qursquoils ont pour le traduire diffeacuterents signifiants correspondant aux diffeacuterentes
langues qursquoils parlent Crsquoest dans ce cas que lrsquoon parle de bilinguisme composeacute car ce dernier
implique theacuteoriquement la permeacuteabiliteacute des systegravemes linguistiques en contact crsquoest-agrave-dire qursquoil y a
tregraves souvent passage drsquoune langue agrave une autre il y a interfeacuterence agrave tout niveau phonologique
lexical et syntaxique
Conclusion
Si lrsquoon srsquoen tient au cas du Vaupeacutes on peut dire agrave propos de lrsquoAlgeacuterie qursquoelle preacutesente bien une
situation de plurilinguisme social Ce bilinguisme peut ecirctre caracteacuteriseacute agrave la fois comme preacutecoce et
tardif(beaucoup drsquoenfants apprennent les langues dans leur petite enfance mais aussi agrave lrsquoeacutecole) Ce
bilinguisme est aussi eacutequilibreacute il est plutocirct coordonneacute que composeacute car le reacutefeacuterent seacutemioculturel du
kabyle et du franccedilais est diffeacuterent du kabyle et de lrsquoarabe le franccedilais lrsquoest aussi
Cours 4
Bilinguisme et diglossie
1-Introduction
Dans une situation de contact de langues le statut de chaque langue varie suivant les rapports de
domination entre les groupes qui les parlent et les perceptions que les individus ont de ces rapports
Il srsquoensuit que les usages langagiers varient dans lrsquoespace social et geacuteographique en fonction de ces
rapports intergroupes si ces rapports changent les rapports de statut et donc les usages eux-mecircmes
varieront Crsquoest agrave de tels pheacutenomegravenes de variations sociolinguistiques que nous allons nous
inteacuteresseacutes En premier lieu nous examinerons le pheacutenomegravene de diglossie qui reacutesulte de relation de
statuts entre une langue et une varieacuteteacute de langue super-ordonneacutee et une autre langue ou varieacuteteacute de
langues subordonneacutees dont les usages respectifs sont en distribution compleacutementaire plus ou moins
stable dans une socieacuteteacute donneacutee
Selon Mackey laquo une socieacuteteacute dont tous les membres seraient capables de comprendre lire parler et
eacutecrire deux langues utiliseacutees dans cette socieacuteteacute devrait sans doute abandonner une de ces langues
car elle serait redondante Autrement dit pour que deux ou plusieurs langues survivent dans une
socieacuteteacute il est neacutecessaire qursquoelles remplissent des fonctions compleacutementaires-soit qursquoelles sont
utiliseacutees par tous les locuteurs pour des fonctions et dans des domaines distincts soit qursquoelles sont
utiliseacutees par des locuteurs appartenant agrave des groupes ethnolinguistiques diffeacuterents soit qursquoun
groupe parle la langue dominante lrsquoautre groupe la langue domineacutee avec entre les deux des
individus bilingues qui parlent la langue de lrsquoun et de lrsquoautre
1-Deacutefinition et historique de la diglossie
La notion de diglossie (du grec ancien diglottos signifiant bilingue) est un concept
sociolinguistique deacuteveloppeacute par Ferguson(1959) pour deacutecrire toute situation dans laquelle deux
varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue sont employeacutees dans des domaines compleacutementaires lrsquoune de ces
varieacuteteacute eacutetant geacuteneacuteralement de statut socialement supeacuterieur agrave lrsquoautre
Dans un sens large la diglossie existe dans toutes les socieacuteteacutes ougrave lrsquousage quotidien diffegravere
sensiblement de la norme officielle il faut que chaque varieacuteteacute soit utiliseacutees de maniegravere
systeacutematique par exemple une varieacuteteacute est employeacutee dans les domaines formelles comme
lrsquoadministration la religion la poeacutesie alors que lrsquoautre est reacuteserveacutee agrave la conversation courante aux
discussions informelles agrave la correspondance non officielle Fergusson qualifie ces deux varieacuteteacutes
lrsquoune haute et lrsquoautre basse Exemple Le monde arabe lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal La
Gregravece le grec le katharevousa et le grec populaire le dhimotiki
Le terme de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Fishman (1967) agrave lrsquousage compleacutementaire institutionnaliseacute
de deux langues distinctes dans une communauteacute donneacutee Cette situation de diglossie se caracteacuterise
par un certain nombre de traits
-La fonction la fonction des deux varieacuteteacutes H et L nrsquoest pas la mecircme il y a reacutepartition de chacune
drsquoentre elles selon les situations de communication
-la notion de prestige on se place ici au niveau de lrsquoattitude des locuteurs qui ont tendance agrave
qualifier H de supeacuterieure de plus belle de plus logique de plus apte agrave exprimer les penseacutees
importantes Ils affirment aussi qursquoils preacutefegraverent entendre un discours politique dans cette varieacuteteacute La
varieacuteteacute L est consideacutereacutee comme eacutetant infeacuterieure incapable drsquoexprimer un discours litteacuteraire
-La litteacuterature eacutetant reacutedigeacutee dans la varieacuteteacute haute elle contribue agrave ce que cette derniegravere soit tenue
dans sa plus haute consideacuteration
Le mode drsquoacquisition La varieacuteteacute basse est geacuteneacuteralement la langue maternelle son acquisition se
fait par lrsquousage donc au sein de la famille La varieacuteteacute haute srsquoapprend agrave lrsquoeacutecole
-La standardisation constitueacutee par la moyenne des usages des locuteurs ex le franccedilais standard
constitue la norme
-La stabiliteacute la situation de diglossie est passagegravere soumise agrave lrsquoeacutevolution Le rapport entre une
langue H et une langue L est ponctuel eacutepheacutemegravere susceptible drsquoeacutevolution
En fait dit Fergusson il nrsquoen est rien La situation de diglossie se caracteacuterise par la stabiliteacute elle
peut durer plusieurs siegravecles Srsquoil y a eacutevolution crsquoest par lrsquointermeacutediaire drsquoune forme de langue
intermeacutediaire qui ne remet pas en cause veacuteritablement le rapport entre H et L comme par exemple
lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal
Le concept de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Gumperz(1971) aux socieacuteteacutes multilingues dans le sens ougrave
celles-ci peuvent utiliser diffeacuterentiellement plusieurs codes (langues dialectes) dans des domaines
et des fonctions compleacutementaires comme lrsquoInde qui a deux langues officielles hautes le hindi et
lrsquoanglais en plus des langues reacutegionales
2-Le rejet de la notion de diglossie
-Martinet utilise plusieurs eacuteleacutements pour remettre en cause la notion de diglossie
Selon Martinet Fishman et Gumperz adoptent la notion de diglossie pour des raisons
sociologiques pour marquer la distinction bilinguisme individuel versus bilinguisme social La
diglossie implique le bilinguisme communautaire
Dans cette perspective on ne voit pas ce que la distinction bilinguisme diglossie apporterait de
nouveau par rapport au bilinguisme individuel et bilinguisme social
Martinet rappelle que la hieacuterarchie entre les langues nrsquoest pas absolue il nrsquoest pas toujours possible
dans toutes les situations linguistiques de deacuteterminer la hieacuterarchie Exemple le Canada
Lrsquoanglais est reacuteserveacute au domaine eacuteconomique et technique le franccedilais est reacuteserveacute au domaine
culturel Ces deux langues sont des langues de prestige bien qursquoelles ne soient pas sur un pied
drsquoeacutegaliteacuteccedila eacutetait la langue de lrsquoeacuteglise or nous dit-il cet argument nrsquoest plus valable car la
katareacuterouza a beaucoup eacutevolueacute par rapport agrave la langue religieuse
Le second argument de Drettas est la remise en cause du systegraveme de standardisation retenue par
Fergusson pour lui on ne peut retenir ce critegravere dans la mesure ougrave le corpus de reacutefeacuterence est
heacuteteacuterogegravene
3- La situation de lrsquoAlgeacuterie
Fergusson considegravere les pays arabes comme un des cas les plus anciens et les plus stables de
diglossie Tout le monde reconnaicirct le prestige de la langue arabe classique
Qui deacutecide de ce prestige Peut on dire drsquoune langue que les locuteurs refusent de parler qursquoelle
nrsquoest pas prestigieuse
Tous les grammairiens qui procircnent la disparition des dialectes au profit de lrsquoarabe classique sont
obligeacutes de reconnaicirctre que ces derniers sont bien vivants les grammairiens parlent de difficulteacute agrave
enseigner une locuteurs natifs il nrsquoexiste pas dans le monde arabe de personnes dont la langue
maternelle est la langue standard
Le prestige de la langue tient essentiellement du mythe nous avons lagrave lrsquoexemple drsquoun discours sur
les langues que les grammairiens les linguistes lrsquoeacutelite intellectuelle ont eacutetabli et qursquoils perpeacutetuent
avec la compliciteacute des instances officielles sans jamais se poser la question de lrsquoadeacutequation de ces
discours agrave la reacutealiteacute des pratiques linguistiques
4-Les tenants de la notion deacutefense et illustration de la diglossie
La deacutefense de la diglossie se fait selon deux axes principaux
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
-La diglossie expression et moyen drsquoun conflit social
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
A partir de la distinction entre varieacuteteacute H et varieacuteteacute L eacutetablie par Ferguson se construit une autre
signification celle de la diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute Il srsquoagit drsquoineacutegaliteacute au
niveau de lrsquoutilisation des deux langues mais aussi des attitudes et repreacutesentations que les locuteurs
ont agrave propos de ces langues Ces deux aspects sont tregraves importants Le terme de diglossie permet
drsquoinsister sur cette ineacutegaliteacute qui peut ecirctre quantitative lorsqursquoil srsquoagit de lrsquoextension drsquoemploi de
ces langues ainsi la varieacuteteacute H a geacuteneacuteralement une zone drsquoextension plus grande que la varieacuteteacute B
On peut parler drsquoineacutegaliteacute qualitative lorsque les langues en preacutesence ont le mecircme statut
-Bilan de La sociolinguistique dans le domaine arabearabophone
Essor tardif malgreacute la richesse du champ puisque aireegravere immenses
Pendant toute la premiegravere partie du XXegraveme siegravecle (Auparavant voir P Larcher) les eacutetudes arabes
ont eacuteteacute diviseacutees en deux grands domaines qui se recoupaient tregraves peu
a) lrsquoeacutetude la langue arabe classique b) eacutetudes dialectales
Dans les deux cas les auteurs visent agrave des descriptions de systegravemes plus ou moins homogegravenes et
stables En ce qui concerne eacutetudes dialectales description qui repose souvent sur le parler drsquoun ou
deux informateurs supposeacutes repreacutesenteacutes lrsquoensemble de leur communauteacute le parler du Caire le
parler de Cherchell le parler de Tunis etc et parfois mecircme le parler eacutegyptien le parler syrien etc
Preacutecurseurs la dialectologie et linguistique historique
Il y a quand mecircme une linguistique historique qui se pose la question de la formation de lrsquoarabe
classique ou dialectale en particulier en ce qui concerne la peacuteriode preacuteceacutedant et suivant la conquecircte
avec des questions comme est ce que lrsquoarabe classique srsquoest constitueacute sur une koineacute poeacutetique
litteacuteraire ou sur une koinegrave dialectale etc (cf P larcher) Autour de cette question de la formation
de lrsquoarabe de la deacutefinition drsquoune koinegrave qursquoil srsquoagisse drsquoune koinegrave litteacuteraire ou dialectale on aborde
les questions de contact drsquoeacutevolution de varieacuteteacutes
-Deacutefinition drsquoune koinegrave = Varieacuteteacute neacutee du contact de diffeacuterentes varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue qui
se deacutelocalise dans le sens que nrsquoest plus le symbolelrsquoeacuteleacutement identificateur drsquoun groupe
socialement et geacuteographiquement distinct et qui de ce fait tend agrave eacuteliminer les traits les plus
particuliers les plus saillants des varieacuteteacutes en contact et tend agrave conserver les traits communs
(beaucoup plus compliqueacute que cela mais tendance geacuteneacuterale)
Donc un certain nombre de travaux autour de ces questions par des gens qui ne se deacuteclarent pas
comme des sociolinguistes mais plutocirct comme des historiens de la langue ou des linguistes Fuumlck
Ferguson Blau Cohen etc etc Relient analyse historico sociale et analyse linguistique mais les
eacuteleacutementspreuves de leur argumentation sont surtout baseacutes sur des eacuteleacutements linguistiques (liste des
traits pour la koinegrave urbaine de Ferguson ou de Cohen ou plus tard de Vesteegh pour sa theacuteorie de la
pidginisationcreacuteolisation) cf on prend un certain nombre de traits des dialectes arabes
contemporains et on les compare a) avec arabe classique et b) avec les eacuteleacutements de dialectologie
historique dont on dispose et on essaie de montrer que relegravevent ou pas drsquoun processus de
koineacuteisation
Tous ces travaux autour des questions de koinegrave litteacuteraire et surtout koinegrave dialectale sont importants
car vont eacutetablir des cateacutegories dialectales baseacutees sur des critegraveres sociaux ethniques cf la distinction
entre parlers dits nomadesbeacutedouins censeacutes ecirctre plus laquo conservateurs raquo (donc avoir gardeacutes des traits
des parlers preacute-Jahili) et parlers seacutedentaires consideacutereacutes comme laquo plus innovants raquo et agrave lrsquointeacuterieur
de ces parlers seacutedentaires les parles urbains consideacutereacutes comme eacutevidemment les plus laquo mixtes raquo car
issus soit du contact entre des dialectes diffeacuterents (koinegrave) soit du contact entre des arabophones et
des non arabophones (langue de contact)
(Pour toutes ces questions de dialectologie historiques et de cateacutegorisation etc je vous renvoie aux
laquo pegraveres laquo de la dialectologie arabe cf en franccedilais Cantineau William et Philippe Marsais pour le
Maghreb Colin etc Ces cateacutegories sont elles mecircmes inspireacutees des eacutecrits de Ibn Khaldoum
VI-2-3- Le deacuteveloppement de la dialectologie
Crsquoest agrave partir de ces cateacutegories dialectales qui se distingueraient pas des traits linguistiques
particulier que se sont deacuteveloppeacutes au Moyen Orient quelques travaux fondateurs comme ceux de
Haim Blanc sur Baghdad (1966) puis de Clive Holes sur Bahrain (1987) et au Maghreb une
sociolinguistiquedialectologie laquo urbaine raquo avec des gens comme Leila Messaoudi (Rabat)
Dominique Caubet (Fegraves) etc et tous les travaux en dialectologie urbaine qui ont montreacute que
diffeacuterentes varieacuteteacutes coexistaient dans une mecircme ville en fonction des appartenances
laquo communautaires raquo crsquoest agrave dire soit appartenance religieuse (juive chreacutetienne musulmane) ou
reacutegionales ou ethniques etc et qui ont pu eacutetudier aussi le renouvellement des parlers urbains en
montrant comment des nouveaux flux de populations drsquoorigine rurale transformaient les anciens
parlers urbains et provoquaient des pheacutenomegravenes de koineacuteisation Mais au Maghreb on reste le plus
souvent dans la dialectologie urbaine plus que dans la sociolinguistique dans le sens ougrave le plus
souvent on identifie un groupe agrave une varieacuteteacute sans deacutecrire les pheacutenomegravenes de variations
drsquoalternance individuelles La personne la plus repreacutesentative de ce courant me semble Leila
Mesaoudi (2003) qui se basant sur les travaux drsquoeacutetudes urbaines (cf Mohamed Naciri pour le
Maroc) a deacuteveloppeacute une opposition entre parler citadinparler urbain et montreacute combien les anciens
parler citadins (preacute-hilalien et andalou) eacutetaient actuellement en deacuteclin face aux nouvelles koineacute
urbaines a fort traits beacutedouins raquo
Crsquoest surtout chez les anglo - saxons et au Mashrek que lrsquoon voit se deacutevelopper une
sociolinguistique variationiste urbaine avec des gens comme Clive Holes Abdel Jawad Ibrahim
Muhamed Amara Niloofar haeri Enam Al Wer etc qui eacutetudient comment eacutevoluent les usages
linguistiques des diffeacuterents types de locuteurs en fonction de leur acircge sexe degreacute drsquoeacutetudes origine
reacutegionale etc Etudes qui analysent principalement les variantes phonologiques comme la
reacutealisation du (q) en q g k la reacutealisation des inter dentales des diphtongues etc Ces
variantes phonologiques sont consideacutereacutees comme des marqueurs de telle ou telle varieacuteteacute cf le (q)
crsquoest agrave la fois classique et certains parlers urbains le g crsquoest plutocirct ruralbeacutedouin mais devenu
urbain dans de nombreux cas le crsquoest plutocirct urbain etc etc Donc on eacutetudie la reacutealisation de ces
variantes aupregraves drsquoun certain nombre de locuteurs et on croise les variables linguistiques avec des
critegraveres sociaux (acircge sexe eacuteducation etc) et on en conclut que dans tel ou tel milieu urbain
lrsquoeacutevolution linguistique va dans le sens du deacuteveloppement de telle ou telle varieacuteteacute de langue
Ce type drsquoeacutetude qui a repris au deacutebut les concepts meacutethodologie variationiste labovienne
deacuteveloppeacute aux USA GB etc srsquoest drsquoabord heurteacute agrave une application trop meacutecaniste de la deacutemarche
labovienne et a du srsquoadapter au contexte arabophone qui est un peu plus speacutecifique du fait de la
fameuse question de la diglossie la varieacuteteacute haute des villes europeacuteennes = la varieacuteteacute parleacutee par
lrsquoeacutelite de ces villes donc standard urbain = varieacuteteacute haute prestigieuse que les autres locuteurs
essaieront ou pas de reproduire en fonction des contextes urbains Les innovations souvent
introduites par les membres des classes moyennes et se diffusent vers le haut puis repris par le
bas etc Les femmes des couches populaires ont tendance agrave reprendre plus vites les variantes
prestigieuses les hommes des milieux populaires sont plus conservateurs
Dans le monde arabe on a commenceacute agrave faire une adeacutequation entre varieacuteteacute haute et fusha
(classiquemoderne) et agrave voir comment les locuteurs des diffeacuterents parlers dialectales acqueacuteraient
ou pas les marqueurs de cette varieacuteteacute haute (donc par exemple la reacutealisation du fameux (qaf) Et
puis on srsquoest rapidement aperccedilu que parallegravelement au fusha il y avait drsquoautres varieacuteteacutes prestigieuses
en particulier les varieacuteteacutes urbaines dans un certain nombre de grand centres urbains comme le
Caire Jeacuterusalem etc les migrants drsquoorigine rurale et surtout les femmes pouvaient privileacutegier la
norme urbaine sur celle du fushahellip (Palva 1982 Ibrahim 1986 etc) Ce qui a ameneacute un certain
nombre de travaux en cours agrave srsquointerroger sur la question de la norme du standard en arabe sur
lrsquoimpact de lrsquoeacuteducation (Nilofar Haeri Enam Al Wer) et donc par ricochet ont deacuteveloppeacute une
critique drsquoune conception qui se voulait plus ou moins universalisante agrave la Bourdieu les classes
dominantes se caracteacuteriseraient par leur maicirctrise de la norme langagiegravere qursquoelles imposent aux
autres Dans le monde arabe on voit que lrsquoune des normes prestigieuses est supposeacutee ecirctre le fusha
norme que peu de gens maicirctrisent dans leur vie quotidienne les eacutelites sont plutocirct plurilingues et pas
toujours tregraves arabiseacutees (ce sont souvent plutocirct les membres des classes moyennes qui ont suivit leur
eacuteducation en arabe) lrsquoautre norme peut ecirctre le vernaculaire urbain (mais pas toujours comme on le
voit pour un certain nombre de vieilles citeacutes maghreacutebines) mais cela peut ecirctre aussi une norme
beacutedouine + - ideacutealiseacutee comme cela semble ecirctre le cas en Jordanie ou face agrave la preacutesence des
palestiniens irakiens syriens etc laquo les vrais hommes jordaniens raquo semblent revendiquer une
norme locale plus beacutedouine
Bref lrsquoensemble de ces travaux plus ou moins reacutecents sur la dialectologiesociolinguistique urbaine
ont eu le meacuterite de mettre en relief la diversiteacute des situations la complexiteacute historique du
deacuteveloppement de certains parlers la pluraliteacute des normes Beaucoup de travail reste agrave faire dans
ce domaine ougrave les vraies eacutetudes de terrain baseacutees sur des corpus restent rares Deux
exemples proches celui de Casablanca et de lrsquoarabe dit marocain Alors que le Maroc est lrsquoun des
pays ougrave lrsquoon dispose drsquoune tradition dialectologique riche et de nombreux travaux contemporains
(en particulier avec les espagnols mais aussi des auteurs marocains) on srsquoaperccediloit que si lrsquoon
connaicirct un peu lrsquohistoire de la formation du parler de Casablanca au deacutebut du XXegraveme s et son
expansion on ne dispose drsquoaucune description sociolinguistique reacuteelle et on reste dans une grande
confusion entre la koinegrave marocaine et le parler de Casablanca De mecircme pour Alger la capitale de
lrsquoAlgeacuterie qui a connu une expansion consideacuterable agrave une politique drsquoarabisation plus ou moins
reacuteussie et accepteacutee quel(s) type(s) drsquoarabe se deacuteveloppent actuellement Y a t il deacuteveloppement
drsquoune koinegrave influence croissante de fusha ou au contraire deacuteveloppement croissant du code
swtiching ou les deux etchellip autant de questions qui nrsquoont pas encore eacuteteacute traiteacutees de faccedilon
satisfaisante
Il apparaicirct enfin que la sociolinguistique arabophone srsquoest peu deacuteveloppeacutee dans un cadre
interactioniste Neacutecessiteacute de deacutevelopper lrsquoanalyse interationnelle de preacutesenter des corpus en action
et de sortir un peu des approches variationistes ou des listes drsquoisoglosses
La question de la diglossie et du continuum dialectalefusha
Crsquoest un des domaines qui a eacuteteacute le plus abordeacute en sociolinguistique arabe agrave la fois dans une
approche du contactcode switching et une approche attitudinales Massivement investi par les
anglo-saxons Donc les articles fondateurs sur la Diglossie Marccedilais +- inaperccedilu Ferguson qui a eu
un impact consideacuterable et de lagrave tout un courant pour savoir la nature le type de diglossie la mise
en eacutevidence niveaux intermeacutediaires entre les deux pocircles etc
Deux grandes tendances
- celles qui consistent agrave nommer et agrave caracteacuteriser des varieacuteteacutes intermeacutediaires entre le pocircle bas
(dialecte) et le pocircle (haut) fusha On va de 3 45 avec des notions comme lsquoammiya al-muthaqafin
(Educated Spoken Arabic) Tendances deacuteveloppeacutees par des gens comme lrsquoeacutecole de Leeds Said El-
badawi au Caire etc Mais ces travaux se heurtent agrave la difficulteacute de trouver des laquo fontiegraveres raquo claires
entres les diffeacuterentes varieacuteteacutes intermeacutediaires
- lrsquoautre tendance est de consideacuterer qursquoil y a deux pocircles + - abstraits et un continuum entre les
deux pocircles sans qursquoil soit possible drsquoisoler des varieacuteteacutes speacutecifiques entre les deux A partir de cette
conception en continuum on peut eacutetudier comment se fait le meacutelange des deux codes et appliquer
un certain nombre de regravegles et meacutethodes reprises des eacutetudes sur le Code Switching et lrsquointerlangue
cela va donc des contraintes syntaxiques de lrsquoeacutepoque Poplack agrave la theacuteorie de la Matrix language de
Myers Scotton (beaucoup drsquoarticles parus dans les volumes de Aspects of Arabic Linguistics et
eacutegalement lrsquoouvrage collectif de Rouchdy 2002 par ex cf les travaux de Gunvor Medjell etc)
Ces travaux ont reccedilu un bon eacutecho dans le monde arabe en geacuteneacuterale car permettent tout en restant
dans lsquodu politiquement correcte raquo de travailler sur de lrsquoarabe moderne de sortir un peu du carcan
du classique sans faire de la laquo dialectologie raquo qui reste une discipline encore trop souvent
consideacutereacutee comme laquo orientalisanteraquo
Les travaux sur le code switching et le continuum ne pacirctissent pas drsquoune image deacutefavorable agrave
lrsquoinverse de la dialectologie qui reste entacheacutee drsquoune reacuteputation de laquo science coloniale raquo Le
domaine des eacutetudes sur diglossieCS reste prolifique et les eacutetudes montrent que la frontiegravere entre le
fusha et le dialectale sont extrecircmement poreuses des domaines reacuteserveacutes au fusha sont de plus en
plus peacuteneacutetreacutes par le dialectal incluant lrsquoeacutecrit (journalistique le roman les publiciteacutes) et tout le
domaine relevant de lrsquooral officiel (les discours publiques les meacutedias etc) et vice versa
lrsquoinfluence principalement lexicale et phonologique du fusha se fait sentir dans lrsquooral dialectal via
eacuteducationmeacutedia certaine deacutemocratisation Il y a de grand corpus en ligne (voir les ameacutericains
comme Parkinson)
On peut se demander si cette porositeacute entre les deux pocircles reflegravete une eacutevolution contemporaine ou
si elle existait auparavant mais nrsquoavait pas eacuteteacute eacutetudieacutee Si on observe le passeacute avec minutie on
constate a) que lrsquoeacutecrit a toujours eacuteteacute +- marqueacute par le dialectal cf le fameux moyen arabe et b)
que les supposeacutees populations analphabegravetes parlant le dialectal avaient un contact avec lrsquoarabe
classique via lrsquoenseignement religieux la poeacutesie sufi etc et donc il y a certainement eu et de la
part des orientalistes et des panarabistes une sureacutevaluation de cette diglossie
Ce qui semble clair cependant crsquoest que par rapport agrave certains pronostiques des anneacutees 50-60 (les
indeacutependances) crsquoest que lrsquoarabe standard moderne ne srsquoest pas imposeacute comme unique meacutedium de
communication dans lrsquoensemble du monde arabe que les laquo dialectes raquo parlers locaux eacutevoluent
mais se maintiennent plus qursquoon aurait pu le croire puisqursquoon voit mecircme resurgir des
reacutegionalismes locaux
Un domaine qui reste agrave explorer pour les deacutecennies agrave venir eacutemergence ou pas de laquo langues
parlers raquo nationauxreacutegionaux A lrsquointeacuterieur drsquoun mecircme pays est ce que sont les tendances agrave la
koineacuteisation ou le maintien des diffeacuterences qui va lrsquoemporter est-ce que ces hypotheacutetiques
varieacuteteacutes nationales seront reconnues comme telles On entend parler drsquoarabe eacutegyptien marocain
algeacuterien syriens Ce sont en grande partie des fictions qui deacutesignent en geacuteneacuterale les varieacuteteacutes parleacutees
dans les capitales mais qui ne sont pas institutionnaliseacutees ni reconnues comme des langues
officielles et dont le rayonnement nrsquointerdit pas le maintien drsquoautres varieacuteteacutes plus locales ou
reacutegionales Mais il y a toujours eu des mouvements militant (mais toujours tregraves minoritaires) pour
lrsquoinstitutionnalisant de ces laquo langues nationales raquo et la rupture avec le fusha cf au Liban en Egypte
au Maroc actuellement (cf le numeacutero de la revue Tel Quel Darja notre langue nationale) On
retrouve donc toujours lrsquoopposition entre ceux qui ont une vision discontinuiste (ammiyya et fusha
sont des systegravemes fondamentalement diffeacuterents) et ceux qui ont une vision plus continuiste
(ammiyya et fusha se complegravetent)
Autres domaines de la Sociolinguistique arabe en deacuteveloppement
- Lrsquoahelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip maternelles en contexte migratoire des regravegles du CS etc
Un autre domaine est lrsquoinfluence de cet arabe de diaspora dans les pays drsquoaccueil cf dans la
creacuteation artistique contemporaine les parlers des jeunes etc (la musique les blagues etc cf les
travaux de Dominique Caubet etc)
CONCLUSION Le terme sociolinguistique implique donc une sensibiliteacute une approche et une meacutethodologie
particuliegraveres partir du reacuteel du concret ecirctre agrave lrsquoeacutecoute des faits de langue de variation se dire que
le marginal le particulier sont toujours instructifs que les langues sont toujours en perpeacutetuel
construction et que les humains sont les acteurs de ces constructions Crsquoest un peu comme un
historien qui deacutecide de sortir de lrsquohistoire officielle de la Cour et des Grands pour srsquointeacuteresser agrave
lrsquohistoire sociale crsquoest plus difficile cela demande de plonger dans des archives plus ou moins
accessibles lisibles etc Pour le linguiste cela demande de recueillir des corpus et de prendre le
temps de les eacutecouter analyser transcrire
Le deacuteveloppement drsquoeacutetudes avec une sensibiliteacute sociolinguistique a permis de sortir drsquoun certain
carcan imposeacute agrave la fois par de nombreux laquo orientalistes raquo et par lrsquoideacuteologie pan arabe des eacutetats
arabes lrsquoarabe est de plus en plus reconnue comme une langue plurielle ayant subi des
deacuteveloppements diffeacuterents selon les lieux et les contextes jouant des rocircles diffeacuterents etc
Pour le moment on sent bien qursquoil y a cependant un fosseacute entre ces avanceacutees et les politiques
didactiques par exemple lrsquoenseignement de lrsquoarabe reste extrecircmement probleacutematique et figeacute tant
dans les pays dits arabophones que dans les pays a forte minoriteacutes non arabophones Alors que par
exemple lrsquoenseignement du FLE ou ALE a totalement inteacutegreacute un certain nombre drsquoacquis de la
sociolinguistique pragmatique linguistique discursive il ne semble pas que ce soit le cas avec
lrsquoarabe malgreacute le nombres drsquoinstituts eacutetrangers ou arabes qui se penchent sur la question
Cours 5 ATTITUDES ET REPRESENTATIONS
Le pheacutenomegravene repreacutesentationnel est un pheacutenomegravene qui a drsquoabord inteacuteresseacute les sciences humaines la psychologie la sociologie lrsquoanthropologie bien avant la linguistique et disposent au cœur de ces sciences drsquoun savoir theacuteorique Il recouvre tout le champ qursquoon nomme repreacutesentations linguistiques langagiegraveres ou sociolinguistiques discours sur les langues attitudes linguistiques jugement sur les langues rapports subjectifs agrave la langue imaginaire linguistique Cependant chaque appellation teacutemoigne drsquoun certains point de vue Guenier deacutefinit les repreacutesentations comme laquo une forme courante et non savante de connaissances
socialement partageacutees qui contribue agrave une vision de la reacutealiteacute commune agrave des ensembles sociaux et
culturels raquo(repreacutesentations linguistiques in Moreau Sociolinguistique concepts de base Mardaga
liegravege 1996 p146)
Deux caractegraveres sont agrave relever dans cette deacutefinition
_Le caractegravere non savant des repreacutesentations il srsquoagit drsquoune forme de connaissance qui ne repose
sur aucune rationaliteacute crsquoest une connaissance intuitive purement subjective Branca-Rosoff citeacute
par Boyer in Sociolinguistique territoire et objets p79 deacutesigne ce pheacutenomegravene laquo drsquoopinions
steacutereacuteotypeacutees raquo Crsquoest donc une certaine vision une certaine perception que les locuteurs ont de
leurs langues et de celles des autres
- Les repreacutesentations linguistiques sont socialement eacutelaboreacutees et partageacutees par tous les membres
drsquoune socieacuteteacute Elles fonctionnent comme des normes sociales ideacutee partageacutee par Labov qui les
situent entre la norme ideacuteologique et les usages effectifs Pour ce dernier la norme sociale est le
fondement mecircme de la communauteacute linguistique qui ne se deacutefinit plus comme un ensemble de
locuteurs partageant les mecircmes usages (au niveau des pratiques elle est plutocirct heacuteteacuterogegravene) mais
comme un ensemble de locuteurs partageant des normes subjectives communes Ainsi les langues
sont jugeacutees positivement alors que drsquoautres le sont neacutegativement Les jugements peuvent ecirctre de
nature estheacutetique peuvent concerner le systegraveme lui-mecircme la valeur de la langue sur le marcheacute
linguistique et enfin le groupe qui la parle Nous avons donc affaire agrave un pheacutenomegravene social et crsquoest
justement ce caractegravere social des repreacutesentations linguistiques qui justifie qursquoelles constituent un
objet de choix de la sociolinguistique cependant cela nrsquoexclut pas qursquoil y ait tout de mecircme une part
individuel
Les locuteurs ne se contentent pas drsquoutiliser les langues et les varieacuteteacutes de langues ils les eacutevaluent
cette eacutevaluation influe beaucoup sur leurs pratiques linguistiques On entre ici dans le domaine des
attitudes et des normes qursquoelles impliquent chaque locuteur eacutevalue sa propre pratique et celle des
autres et ces eacutevaluations jouent un rocircle important dans le changement linguistique
La linguistique diachronique analyse le changement linguistique drsquoougrave provient une innovation
pourquoi et comment srsquoimpose-t-elle est-ce pour des raisons sociologiques qursquoune langue
change Andreacute Martinet a deacutefendu la thegravese que lrsquoeacutevolution phonologique drsquoune langue ne se faisait
pas de maniegravere aleacuteatoire mais srsquoexpliquait par la neacutecessiteacute pour son systegraveme de trouver une
stabiliteacute optimale en reacuteduisant ses deacuteseacutequilibres Drsquoautres linguistes preacutefegraverent mettre lrsquoaccent sur
des meacutecanismes sociaux par exemple un groupe peut imiter la prononciation drsquoun autre jugeacutee
plus prestigieuse
Deux tendances srsquoaffrontent pour expliquer le changement on invoque souvent le principe du
moindre effort les locuteurs confondent certaines formes phoneacutetiquement tregraves proches simplifient
des constructions syntaxiques compliqueacutees Cette tendance au moindre effort du locuteur est
contrebalanceacutee par une autre qui pousse agrave ne pas compromettre la compreacutehension crsquoest-agrave-dire le
moindre effort de lrsquoauditeur
Il nrsquoest pas rare qursquoun eacutetranger en situation officielle srsquoexcuse de ne pas parler la langue de son
interlocuteur Ce faisant il teacutemoigne drsquoune certaine politesse qui compenserait en quelque sorte
laquo lrsquoimpolitesse raquo de ne pas bien parler la langue mais il teacutemoigne aussi de la valeur positive qursquoil
accorde agrave cette langue et agrave ceux qui la parlent A lrsquointeacuterieur drsquoun groupe qui parle la mecircme langue
on observe nous le verrons un un pheacutenomegravene semblable drsquoineacutegaliteacute linguistique entre locuteurs de
statut socioculturel diffeacuterent
Par ailleurs nous sommes tour agrave tour eacutemetteurs et reacutecepteurs nos compeacutetences en tant que
reacutecepteurs sont plus grandes que nos compeacutetences en tant qursquoeacutemetteurs nous nrsquoemployons pas
toutes les structures linguistiques que nous connaissons de mecircme que nous nrsquoappartenons pas agrave
toutes les cateacutegories socioculturelles que nous sommes capables de reconnaicirctre Mais le reacutecepteur
nrsquoa pas un rocircle passif
-il reconstitue le sens de lrsquoeacutenonceacute qursquoil reccediloit selon ses propres schegravemes drsquointerpreacutetation et
lrsquoensemble de ses expeacuteriences
-il perccediloit aussi des signes linguistiques qursquoil interpregravete en fonction des connotations et des
normes en cours dans la classe sociale agrave laquelle il appartient lorsque ces signes peuvent faire
lrsquoobjet de variations ils deviennent des marqueurs socioculturels
-il juge ce qursquoil perccediloit selon lrsquoimage qursquoil a du locuteur de ses intentions de la situation et
du rocircle qursquoil y joue des enjeux de lrsquoacte de langage et selon lrsquoimage qursquoil a de lui mecircme et de ses
compeacutetences la faccedilon de parler est un facteur plus reacuteveacutelateur de la classe sociale des
interlocuteurs que les vecirctements ou les apparences de train de vie
En effet si les repreacutesentations linguistiques sont de nature sociales elles sont en rapport
eacutetroit avec lrsquoideacuteologie qui tente drsquoagir sur elles et les modegraveles Cependant si les repreacutesentations
sont agrave distinguer des discours scientifiques elles sont aussi agrave distinguer des discours ideacuteologiques
tenus par le pouvoir Branca Rossof citeacute par Boyer p79 exprime fort bien cette ideacutee en affirmant
que les repreacutesentations laquo permettent de sortir de lrsquoopposition radicale entre laquo le reacuteel raquo les faits
objectifs deacutegageacutes par la description linguistique et lrsquoideacuteologie les consideacuterations normatives
comme repreacutesentations fausses repreacutesentations eacutecrans raquo Crsquoest donc entre le reacuteel et lrsquoideacuteologie
qursquoelle situe les repreacutesentations Qursquoest ce qursquoest lrsquoideacuteologie laquo Tout systegraveme de repreacutesentations
structureacute et coheacuterent visant agrave rendre compte du monde exteacuterieur de la reacutealiteacute sociale lrsquoideacuteologie se
preacutesente sous forme drsquoun discours construit et totalisant ougrave les ideacutees srsquoenchaicircnent logiquement et
les valeurs concordent raquo (discours et ideacuteologie p4)
Ainsi lrsquoideacuteologie est un systegraveme structureacute parfaitement coheacuterent eacutelaboreacute en fonction drsquoobjectifs
bien deacutetermineacutes officiel car il srsquoagit de faccedilonner lrsquoimaginaire collectif national alors que les
repreacutesentations sociales nrsquoobeacuteissent pas agrave ces contraintes elles sont le fruit drsquoun consensus social
plus ou moins libre Mais il faut souligner qursquoen pratique la limite entre ces deux repreacutesentations
nrsquoest pas toujours clairement repeacuterable et les deux se confondent les ideacuteologues au service de
lrsquoeacutetat sont drsquoabord et avant tout des membres de la socieacuteteacute le pouvoir par les moyens qui lui sont
confeacutereacutes (meacutedia eacutecoles AIE) arrive toujours agrave faccedilonner les mentaliteacutes Ainsi on aime ou on
deacuteteste une langue parce qursquoon se fait une certaine ideacutee drsquoelle ou de ces locuteurs
QUE CONCLURE Lrsquoanalyse des repreacutesentations ne peut ecirctre eacutetudieacutee sans une analyse des pratiques linguistiques
Drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutetudier agrave la fois les comportements et les attitudes des locuteurs drsquoobserver les
productions et de ne pas se contenter de recueillir des paroles des sujets qui peuvent varier selon les
situations et les interactions(voir agrave ce sujet B Maurer Houdebine Canut et Boyer)
Cours 6- LA POLITIQUE LINGUISTIQUE OU LES NORMES LA NORME
Michel Tournier deacutefinissant le normal donne les deacutefinitions suivantes
NORMAL 1 Conforme agrave la norme Ideacuteal 2 Conforme agrave la moyenne Habituelle
Ceci peut servir dintroduction agrave qui aborde la question de la norme Cest bien la un veacuteritable problegraveme car selon les lieux selon les personnes selon le domaine les deux perspectives se mecirclent effectivement et perturbent la compreacutehension Peut-on dire que la norme est un ideacuteal cest-agrave-dire de fait quelque chose que personne natteint ou nincarne vraiment Peut-on dire que la norme est faite de la moyenne des opinions ou de la moyenne des comportements Nous allons rencontrer ces deux voies comme deux eacutecueils entre lesquels il conviendra de naviguer
Georges Mounin lui-mecircme dans son Dictionnaire de la Linguistique (PUFQuadriges reacuteeacuted 1993) commence son article Norme de la faccedilon suivante Moyenne des divers usages dune langue agrave une eacutepoque donneacutee ou usage imposeacute comme le plus correct ou le plus prestigieux par une partie de la socieacuteteacute (le bon usage)
En fait si le normal et le normatif restent des concepts tregraves grand public qui suscitent des deacutefinitions un peu floues il convient de souligner que la norme du franccedilais nest en aucun cas deacutetermineacutee en regardant les usages majoritaires Cest la varieacuteteacute de franccedilais qui agrave une eacutepoque donneacutee est procircneacutee par la socieacuteteacute franccedilaise qui simpose agrave chacun mais aussi qui est deacutefendue par chacun mecircme ceux qui en sont tregraves eacuteloigneacutes y sont attacheacutes Cest dans les classes populaires que tout en pratiquant dautres varieacuteteacutes on tient le plus agrave ce que soit enseigneacutee la norme que lon se soucie de savoir ce qui est correct ce qui ne lest pas - la norme eacutetant plus ou moins assimileacutee agrave ce qui permet de reacuteussir puisque ceux qui ont reacuteussi sont censeacutes pratiquer la norme en offrir une image On devine ainsi que la norme de fait est la varieacuteteacute pratiqueacutee par les hautes couches de la socieacuteteacute dans les situations formelles ougrave elles donnent agrave voir leur langue - varieacuteteacute dailleurs plus ou moins fantasmeacutee (et par lagrave sans doute rejoint-on la notion dideacuteal) que personne ne pratique vraiment et qui ainsi apparaicirct toujours au-delagrave des usages reacuteels Indeacuteniablement cependant des usages se rapprochent davantage de ce qui est preacutesenteacute comme la norme (dans les dictionnaires dans les grammaires) mais ces ouvrages parce quils sont eacutecrits utilisent et preacutesentent obligatoirement une varieacuteteacute diffeacuterente de loral et contribuent agrave la dichotomie si souvent formuleacutee par Monsieur Toutlemonde agrave leacutecrit ccedila va ma langue est correcte mais agrave loral je nai pas le temps de reacutefleacutechir et je parle mal
Dans ces conditions on soulignera que
la norme est une varieacuteteacute eacutecrite que lon enseigne en principe qui est formaliseacutee et toujours plus ou
moins eacuteloigneacutee des varieacuteteacutes parleacutees mecircme quand elles reccediloivent un jugement favorables de
locuteurs solliciteacutees pour donner leur avis
On ne parle jamais comme on eacutecrit (cf chapitre sur langues orales langues eacutecrites) mais les
couches sociales qui ont reacuteussi sont censeacutees davantage incarner la norme
Il est certain que plus les eacutetudes des sujets ont eacuteteacute longues plus ils pratiquent couramment des
varieacuteteacutes proches de lideacuteal quon appelle la norme ne serait-ce que parce que leur impreacutegnation agrave
travers une longue pratique de la langue eacutecrite rejaillit sur leur pratique orale Mais ne neacutegligeons
pas toutefois les facteurs sociologiques et eacuteconomiques qui interfegraverent avec ce que lon croit
attribuer agrave leur langue (richesse visible aisance sociale position eacuteconomique domination
sociale)
Ne veut-on pas imiter ceux quon preacutesente comme les modegraveles normatifs plus parce quils ont
reacuteussi que parce quils parlent bien la cravate de PPDA(1) sa faccedilon de shabiller son aisance et
son sourire parfaitement placeacute ne jouent-ils pas un plus grand rocircle que sa langue mecircme (on connaicirct
dailleurs lusage du prompter agrave la teacuteleacutevision ) pour le faire citer comme quelquun qui parle bien
Indeacuteniablement - et dans toute socieacuteteacute - servent de modegravele ceux qui ont reacuteussi et non pas ceux qui
sont consideacutereacutes comme des parias (cf les clochards ou SDF)
Noublions pas en outre que si les accents reacutegionaux ne sont plus aussi stigmatiseacutes maintenant
quil y a une trentaine danneacutees ils sont lobjet malgreacute tout de preacutecautions subtiles qui amegravenent ceux
qui atteignent les plus hautes responsabiliteacutes sociales agrave sen deacutefaire partiellement (cf le Preacutesident
Giscard dEstaing prenant des cours dorthoeacutepie pour se deacutebarrasser de son accent auvergnat qui
neacutetait pas de mise pour quelquun preacutetendant aux plus hautes fonctions et donc Preacutesident de tous
les Franccedilais) ou bien qui amegravene agrave seacutelectionner pour les plus hautes responsabiliteacutes ceux qui ont un
accent consideacutereacute comme convenable celui qui est accepteacute agrave une eacutepoque donneacutee les deux
comportements interfegraverent constamment et se reacutepondent pour eacuteliminer de la parole publique avec
une image favorable (et non pas plus ou moins ridicule) ceux qui seraient les plus eacuteloigneacutes de la
norme
Les caracteacuteristiques de la norme orale eacutevoluent au fil des siegravecles notre r actuel assez faible
un peu plus grasseyeacute agrave Paris quagrave Marseille nest plus du tout le r rouleacute que prononccedilait les
nobles il y a quelques siegravecles mais elles eacutevoluent bien plus lentement que lusage reacuteel
La norme est donc bien une question qui relegraveve fondamentalement de la sociolinguistique
deacutetermineacutee fixeacutee agrave chaque eacutepoque sur des critegraveres socio-eacuteconomiques elle se transmet dans
lenseignement et donc apparaicirct comme beaucoup plus permanente que les autres varieacuteteacutes non
formaliseacutees qui ne se transmettent que familialement (acquisition non formelle) Leacutecole joue ainsi
un rocircle essentiel dans la transmission la permanence le statut les preacuterogatives accordeacutees agrave la
norme Cest elle qui peut la reacutepandre de faccedilon quasiment universelle dans un pays Sa non-
transmission - cf le discreacutedit de leacutecole pour toute transmission ou la moindre importance accordeacutee
agrave la langue correcte agrave notre eacutepoque - ont pour premier reacutesultat que les couches sociales les plus
eacuteloigneacutees de la norme ny accegravedent plus La norme ne disparaicirct pas pour autant mais elle est alors
surtout lobjet de transmission familiale dans les familles conscientes et capables den assurer la
transmission indeacutependamment de leacutecole Leacutecole en enseignant la norme eacutetait facteur de
deacutemocratisation de la socieacuteteacute franccedilaise si elle renonce agrave cette tacircche on parvient agrave une socieacuteteacute
aristocratique dans laquelle certains savent sans avoir appris (selon lexpression consacreacutee) et ougrave
il ny a plus de chance de veacuteritable mobiliteacute sociale Contrairement agrave nos a priori on peut voir ainsi
que la norme est deacutemocratique quand ideacuteal proposeacute agrave tous elle est accompagneacutee dans son
apprentissage de la transmission des principes qui permettent de latteindre Dire (comme cela se
pratiquait agrave luniversiteacute agrave Lyon dans les anneacutees soixante) il ne faut pas dire un [floslashv] (pour
fleuve) une [foslashj] (pour feuille) cest donner agrave tous une chance dacceacuteder agrave des situations ougrave lon
ne tolegravere pas un accent reacutegional marqueacute ne plus le dire cest laisser encore les plus hautes
positions agrave ceux qui lauront compris tout seuls (dans leur famille) et bien sucircr eacuteliminer ceux qui ne
se doutent mecircme pas que ce genre de prononciation est stigmatiseacutee
On pourra distinguer avec Marie-Louise Moreau (1997) article Les types de normes
les normes de fonctionnement (habitudes linguistiques partageacutees par les membres dune
communauteacute regravegles qui sous-tendent les comportements linguistiques dun sous-groupe)
les normes descriptives (ce sont les normes de fonctionnement rendues explicites par les
descriptions qui en sont faites Mais ainsi ce sont les normes de certains sous-groupes seulement
qui sont deacutecrites on ne sinteacuteresse pas tretiennent des relations complexes avec les normes
prescriptives Elles contribuent grandement agrave la hieacuterarchisation)
les normes fantasmeacutees (ici on est toujours dans le domaine des repreacutesentations le groupe se forge
un ensemble de conceptions sur la langue et son fonctionnement qui nont souvent guegravere de zone
dadheacuterence avec le reacuteel )
La norme ou le bon usage
La norme au sens de langue que lrsquoon doit parler est un discours drsquoautoriteacute fixeacute par une institution
drsquoeacutetat) chargeacutee de creacuteer une langue homogegravene faite pour ecirctre parleacutee par un usager ideacuteal une
langue standard de partout et de nulle part uniforme polie deacutebarrasseacutee de toute impureteacute comme
-les reacutegionalismes les varieacuteteacutes geacuteographiques srsquoopposent au caractegravere centralisateur de la norme
et eacutechappent agrave tout controcircle elles sont donc connoteacutees peacutejorativement et le critegravere de la hieacuterarchie
sociale
-les innovations qursquoil srsquoagisse de changements lexicaux syntaxiques ou phoneacutetiques ils sont
ignoreacutes -non reconnus- ou attesteacutes longtemps apregraves leur apparition lorsque la norme nrsquoa pas reacuteussi
agrave srsquoimposer Face aux variations individuelles et collectives la langue normeacutee se veut homogegravene et
tire sa leacutegitimiteacute de lrsquoeacutecole
Un des comportements sociaux les mieux connus vis agrave vis de la langue est la normalisation
Fishman affirme que laquo la codification est lrsquoacceptation par une communauteacute drsquoun systegraveme formel
de normes qui deacutefinissent lrsquousage correct raquo
Qursquoest-ce que la norme ou lrsquousage correct de la langue laquo La norme est un recueil de perceptions consigneacutees dans des grammaires dites normatives et
correspondant agrave ce qursquoil faut dire pour se conformer au bon usage linguistique de la bonne
socieacuteteacute raquoDenise Franccedilois
Elle repreacutesente un choix approprieacute fondeacutes sur des preacutejugeacutes socioculturels et sur la notion de
niveaux de langues hieacuterarchiseacutees les classes dominantes et les bons auteurs emploient une langue
de qualiteacute qursquoil faut consideacuterer comme un modegravele
Parler de normes revient agrave se reacutefeacuterer agrave plusieurs acceptions
-un ensemble drsquointerdits de prescriptions sur des faccedilons de dire quelquefois accompagneacutees de
justifications de divers ordres
-tenir compte de cet ensemble de prescriptions crsquoest parler correctement sans faire de fautes
Les institutions de la norme sont
-Lrsquoeacutecole lrsquoeacutecole par le biais des grammaires et des enseignants tend agrave imposer agrave lrsquoenfant une
langue uniforme qursquoil nrsquoutilisera pas souvent ailleurs Par lrsquoenseignement de la grammaire elle
lrsquohabitue laquo non seulement agrave concevoir les reacutealiteacutes de la langue mais agrave reacuteprimer son goucirct naturel de
la parole pour substituer agrave la spontaneacuteiteacute langagiegravere une pratique eacutecrite conforme agrave des normes
rigoureuses raquo Elle lui impose de faire des phrases ainsi qursquoune prononciation de lecture standard
qui pour bon nombre drsquoenfants est artificielle cependant cette langue semblera toujours parce
qursquoimposeacutee par lrsquoeacutecole supeacuterieure agrave la sienne
-Lrsquoeacutecrit Lrsquoadministration prend le relais de lrsquoeacutecole pour perpeacutetuer la crainte de la faute et le
respect pour la langue eacutecrite laquo notre langue eacutecrite a plus de digniteacute que notre langue parleacutee
souvent fautive raquo Lrsquoopposition eacutecrit parleacute devient une opposition digne fautif Ceci appelle deux
remarques
La langue parleacutee comme la langue eacutecrite peut comporter tous les niveaux car rien nrsquoempecircche en
theacuteorie drsquoeacutecrire comme on parle ni de parler comme on eacutecrit
-De plus ces deux formes drsquoexpressions ont chacune une speacutecificiteacute de fonctionnement que la
deacutemarche normative semble ignorer Parler crsquoest construire un discours en train de se faire Le
locuteur improvise constamment ce qui lrsquoamegravene agrave heacutesiter agrave se reprendre agrave changer lrsquoorientation
de sa phrase agrave utiliser diverses strateacutegies agrave avoir recours agrave tous les proceacutedeacutes extra et
paralinguistiques regard mimiques gestes intonations Lrsquoeacutecrit nrsquoignore ni les heacutesitations ni les
reprises mais celles-ci disparaissent avec les brouillons Drsquoun point de vue linguistique il nrsquoy a
aucune raison drsquoopposer le parler et lrsquoeacutecrit de faccedilon hieacuterarchique puisque les deux domaines
fonctionnent diffeacuteremment
Une norme linguistique est un trait unificateur drsquoune socieacuteteacute tout le monde la connaicirct et sa
connaissance permet de distinguer les autochtones des eacutetrangers Mais mecircme dans le cas ougrave tout le
monde peut savoir quelles sont les variantes de statut supeacuterieur il nrsquoest pas neacutecessairement vrai que
tous voudront les adopter dans leur discours quotidien Certaines eacutetudes ont montreacute que les
reacuteactions subjectives aux variantes sociolinguistiques eacutetaient diffeacuterentes selon les classes et
impliquaient beaucoup plus qursquoune simple eacutechelle de prestige (cf Labov) Labov dans laquo
Sociolinguistique pp 250-251 339-340 418-419 raquo fait une distinction entre norme cacheacutees
voileacutees et norme manifestes normes stigmatiseacutees et norme accepteacutees Les variantes de statut eacuteleveacute
possegravedent un prestige manifeste elles sont associeacutees au pouvoir social indeacuteniable des locuteurs de
la classe supeacuterieure peuvent ecirctre la condition neacutecessaire drsquoaccegraves agrave des fonctions drsquoun statut plus
eacuteleveacute et sont promulgueacutees par les agents de la normalisation dans la socieacuteteacute tels que les meacutedias et
les instituteurs Mais pour beaucoup de locuteurs de la classe ouvriegravere ou de la petite bourgeoisie
les variables linguistiques laquo non standard raquo associeacutees agrave leurs groupes peuvent aussi posseacuteder un
prestige voileacute (covert prestige celui drsquoun groupe local de statut infeacuterieur) La signification sociale
de base de ces variables au prestige voileacute est celle de la solidariteacute une personne qui les utilise est
consideacutereacutee comme eacutetant un des leurs comme ami possible Pour certains groupes ces formes
peuvent signifier dureteacute ou viriliteacute
Pour compleacuteter vos connaissances dans le domaine de la norme reportez vous aussi sur le web agrave
un article dOlga Ozolina Quelques approches de leacutetude de la norme linguistique
Tout un cours eacutecrit par Benoiumlt Leblanc et Claude Tousignant de la Socieacuteteacute Saint-Jean-
Baptiste de la Mauricie sur la Norme linguistique mais aussi quelques autres notions
essentielles
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En France les preacuteoccupations drsquoordre sociologique ont eacuteteacute mises agrave lrsquoeacutecart par le
prestige drsquoun structuralisme agrave sujet reacuteduit et le succegraves de la grammaire de Chomsky qui
proposait un modegravele eacuteliminant le fonctionnement pragmatique du langage Gracircce aux
travaux de recherches anglo-saxons la reacuteflexion sur le langage en tant que pratique
sociale va ecirctre renouveleacutee et la linguistique franccedilaise sera obseacutedeacutee agrave partir du XIX
siegravecle par le problegraveme des rapports de la langue et des mouvements sociaux De
nombreux travaux vont apparaicirctre Ducrot fait connaicirctre ses recherches sur les actes de
parole JB Marcellesie et Gardin se sont fait largement lrsquoeacutecho des ideacutees de Labov Ces
preacuteoccupations sont lieacutees dans les anneacutees 1975-1985 peacuteriode ougrave les conditions socio-
eacuteconomiques se transforment socieacuteteacute en crise chocircmage pousseacutee nationaliste-
seacutecuritaire xeacutenophobie et problegravemes de lrsquointeacutegration car la socieacuteteacute franccedilaise
contemporaine est caracteacuteriseacutee par la confrontation drsquoimaginaires sociaux jaillissement
de des diffeacuterences affirmation des minoriteacutes agrave la recherche de valeurs neuves les
immigreacutes les chocircmeurs les minoriteacutes culturelles srsquoopposeraient aux franccedilais
A- CRISE DE LA LINGUISTIQUE STRUCTURALE
Elle preacutesente des eacutetapes qui se manifeste par des eacutecoles Le structuralisme le
distributionnalisme le fonctionnalisme Elle srsquoest deacuteveloppeacutee en isolant dans la totaliteacute
du langage un objet censeacute ecirctre homogegravene la langue en lrsquoeacutetudiant indeacutependamment de
ses reacutealisations agrave lrsquoensemble de la reacutealiteacute extralinguistique et elle a mis en place un
ensemble de concepts meacutethodologiques et descriptifs Cet ensemble de concepts cette
meacutethodologie rigoureuse a permis le deacuteveloppement drsquoune linguistique descriptive
structurale synchronique centreacutee sur la phonologie la syntaxe la fonction des eacuteleacutements
et leur distribution La grammaire geacuteneacuterative reprend de faccedilon systeacutematique le projet
drsquoune grammaire universelle elle reacutehabilite le sujet parlant mais ideacuteal et tout en
reprenant les concepts eacutetablis par les structuralistes nrsquoeacutelucident pas pour autant le
rapport entre langue et socieacuteteacute
En effet de nombreux reproches ont eacuteteacute prodigueacutes contre la linguistique structurale F
Franccedilois parle de crise de la linguistique Marcellesie affirme qursquoelle est incapable
drsquointeacutegrer de maniegravere satisfaisante la variation et de reacutepondre aux questions de la place
et du rocircle des pheacutenomegravenes langagiers dans la socieacuteteacute (Penseacutee n 209 Janvier 1980 p4)
drsquoougrave la remise en cause de certains concepts
B-LES CONCEPTS SAUSSURIENS ET LEUR REMISE EN CAUSE
-La langue
-Le signe linguistique
-La communication
Ouvrir le deacutebat fondamental sur la nature sociale du langage signifie une remise en
cause drsquoun certain nombre de concepts relatifs agrave la linguistique structurale et agrave la
grammaire geacuteneacuterative qui drsquoune certaine maniegravere ont reacutepondu agrave leur maniegravere agrave la
question fondamentale du rapport entre langage et socieacuteteacute la place qursquoy occupe cette
probleacutematique sa pertinence les reacuteponses qui y sont apporteacutees
En effet on sait le rocircle fondateur qursquoa joueacute en Europe tout au moins Le cours de
linguistique geacuteneacuterale de Ferdinand De Saussure publieacute pour la premiegravere fois en 1916
Depuis la recherche en linguistique comme dans les autres sciences de lrsquohomme et de
la socieacuteteacute srsquoest diversifieacutee drsquoun point de vue geacuteographique autant que theacuteorique voire
atomiseacutee Il convient de souligner cependant que les deux derniegraveres deacutecennies ont vu
progressivement eacutemerger un ensemble drsquohypothegraveses et de pratiques qursquoon range
volontiers sous lrsquoeacutetiquette de linguistique de la parole ou sociolinguistique et qui
srsquoopposent drsquoun point de vue eacutepisteacutemologique agrave la linguistique de la langue du
systegraveme pour reprendre la distinction Saussurienne entre langue ( savoir collectif
social organiseacute en systegraveme) et parole (ensemble des productions individuelles des
reacutealisations linguistiques concregravetes)
Donc la sociolinguistique est bien une linguistique de la parole crsquoest-agrave-dire une
linguistique qui sans neacutegliger les acquis de lrsquoapproche structuraliste des pheacutenomegravenes
langagiers situe son objet dans lrsquoordre du social et du quotidien du priveacute et du
politique de lrsquoaction et de lrsquointeraction pour eacutetudier aussi bien les variations dans
lrsquousage des mots que les rituels de conversation les situations de communication que
les institutions de la langue les pratiques singuliegraveres de langage que les pheacutenomegravenes
collectifs lieacutes au plurilinguisme
1-La langue chez Saussure
Rappelons tout drsquoabord la deacutemarche de Saussure lorsque celui-ci constitue lrsquoobjet de la
linguistique la langue
laquo Pour trouver dans lrsquoensemble du langage la sphegravere qui correspond agrave la langue il faut
se placer devant lrsquoacte individuel qui permet de reconstituer le circuit de la
parole raquo(p27) Cependant si cet acte de communication est deacutejagrave social (deux
participants) cette socialisation est bien pauvre face agrave la reacutealiteacute de lrsquointeraction
linguistique reacuteelle De toute maniegravere lrsquoacte sera encore simplifieacute Saussure ne
srsquointeacuteresse qursquoagrave lrsquoauditeur Pour expliquer ce pheacutenomegravene individuel Saussure passe agrave
un autre niveau laquo La langue nrsquoest pas une fonction du sujet parlant elle est le produit
que lrsquoindividu enregistre passivement raquo(p30) laquo elle est la partie sociale du langage
exteacuterieure agrave lrsquoindividu par son pouvoir coercitif elle est le produit que lrsquoindividu
enregistre passivement (p 30) laquo et il ne peut agrave lui seul ni la creacuteer ni la modifier raquo
(p31)
La langue a donc une double caracteacuteristique
-Une existence exteacuterieure agrave lrsquoindividu au niveau de la psychologie collective raquodans les
cerveaux drsquoun ensemble drsquoindividus car la langue nrsquoest complegravete dans aucun elle
nrsquoexiste parfaitement que dans la masse raquo(p30)
-Une inteacuteriorisation pour chaque individu laquo quelque chose qui est dans chacun drsquoeux
tout en eacutetant commun agrave tous et placeacute en dehors de la volonteacute des deacutepositaires raquo(p38)
On peut dire qursquoagrave ce niveau drsquoanalyse Saussure arrache la langue agrave lrsquoeacutetude des faits de
nature en la rattachant agrave la sociologie laquo la langue est classable parmi les faits
humains tandis que le langage ne lrsquoest pashellip raquo laquo Pour savoir dans quelle mesure une
chose est une reacutealiteacute il faudra et il suffira de rechercher dans quelle mesure elle existe
pour la conscience des sujets raquo (p128)
La langue nrsquoest pas seulement une repreacutesentation collective elle est une veacuteritable
institution sociale systegraveme de signes exprimant des ideacutees Elle est comparable de ce
point de vue aux autres systegravemes de signes et relegraveve de la seacutemiologie laquo science qui
eacutetudie la vie des signes au sein de la vie sociale et formerait une partie de la
psychologie sociale et par conseacutequent de la psychologie geacuteneacuterale raquo( CLG p33) Tel
est le point extrecircme de la reacuteduction de la linguistique agrave la sociologie atteint par
Saussure
Or la sociolinguistique considegravere que lrsquoobjet de son eacutetude ne doit pas ecirctre simplement la
langue systegraveme de signes ou la compeacutetence systegraveme de regravegles Lrsquoopposition
langueparole ou compeacutetenceperformance implique que dans le champ drsquoinvestigation
du linguiste seule la langue (ou la compeacutetence) constitue un systegraveme fermeacute Il faut
donc deacutepasser cette opposition car elle fournit un cadre trop eacutetroit pour lrsquoeacutetude de
problegravemes linguistiques importants comme lrsquoutilisation du langage dans son contexte
socioculturel Pour ce faire certains linguistes constatant le caractegravere systeacutematique de
certains faits linguistiques situeacutes en dehors de la compeacutetence telle que la deacutefinit
Chomsky essayent drsquoeacutelargir cette notion de compeacutetence pour qursquoelle recouvre des faits
que Chomsky attribue agrave la performance Ainsi Hymes degraves 1972 deacuteveloppe le concept
de compeacutetence de communication pour communiquer il ne suffit pas de connaicirctre la
langue le systegraveme linguistique il faut eacutegalement savoir comment srsquoen servir en
fonction du contexte social
CONCLUSION
On peut donc conclure que la sociolinguistique est neacutee agrave partir de lrsquoexistence de deux
facteurs concomitants
-un eacutetat de connaissances mise en question des grammaires formelles reacuteinteacutegration
des donneacutees seacutemantiques appel agrave lrsquointeraction sociale comme donneacutee de la
communication
-un eacutetat de fait existence de problegravemes linguistiques qui inteacuteressent la vie sociale de
certaines communauteacutes
Crsquoest cette dualiteacute radicale du langage agrave la fois inteacutegralement formel et inteacutegralement
traverseacute par des enjeux subjectifs et sociaux qui fait lrsquoobjet de la sociolinguistique
Cours II DEMARCHE ET OBJET DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
III-1 -DEMARCHE
La sociolinguistique implique
- une theacuteorie linguistique qursquoobserver que deacutecrire
-et une conception systeacutematique de la communication parlante une sociologie qui
observer dans quelles relations sociales
La meacutethode en sociolinguistique se reacutepartit en deux deacutemarches successives
1-une description de la structure linguistique et une description de la structure
sociologique
Pour ce faire elle emprunte les acquis theacuteoriques de lrsquoapproche structuraliste des
pheacutenomegravenes langagiers et les concepts et meacutethodes agrave la sociologie car cette
derniegravere laquo montre que tout individu est drsquoabord un objet social le produit drsquoune
socialisation Le langage est une forme de comportement social un instrument de
communication entre les hommes un reacutepertoire de varieacuteteacutes linguistiques imbriqueacutees les
une dans les autres un moyen drsquoexpression de lrsquoindividu raquo
2-une confrontation des deux disciplines geacuteneacuteralement le but viseacute est la connaissance
de la socieacuteteacute le langage est le moyen qui permet cette connaissance Naturellement la
deacutemarche du chercheur variera selon le sujet et aussi selon sa position ideacuteologique
III-2-OBJET DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
La sociolinguistique a affaire agrave des pheacutenomegravenes tregraves varieacutes
-les fonctions et les usages du langage dans la socieacuteteacute
-la maicirctrise de la langue lrsquoanalyse du discours
- les jugements que les communauteacutes linguistiques portent sur leurs langues la
planification et la standardisation linguistiqueshellip
Elle srsquoest donneacutee au deacutepart pour tacircche de deacutecrire les diffeacuterentes varieacuteteacutes qui coexistent
au sein drsquoune communauteacute linguistique en les mettant en rapport avec les structures
sociales aujourdrsquohui elle englobe pratiquement tout ce qui est eacutetude du langage dans
son contexte socioculturel
Lrsquoobjet de son eacutetude nrsquoest pas seulement la langue systegraveme de signes ou la
compeacutetence systegraveme de regravegles Elle deacutepasse cette opposition qui fournit un cadre eacutetroit
pour lrsquoeacutetude de problegravemes linguistiques importants comme lrsquoutilisation du langage dans
son contexte socioculturel et srsquoouvre vers ce que Hymes appelle la compeacutetence de
communication pour communiquer il ne suffit pas de connaicirctre la langue le systegraveme
linguistique il faut eacutegalement savoir comment srsquoen servir en fonction du contexte
social Drsquoautres linguistes tel Labov pensent que toute production linguistique
manifeste des reacutegulariteacutes et peut donc faire lrsquoobjet drsquoune description Cependant
quelque soit les diffeacuterences tous les chercheurs mettent lrsquoaccent sur un objet
unificateur le langage consideacutereacute comme une activiteacute socialement localiseacute dont lrsquoeacutetude
se megravene sur le terrain
Donc sans exageacuterer le caractegravere multipolaire de la sociolinguistique on peut dire agrave la
suite drsquoHENRI Boyer (p7) que laquo celle-ci embrasse agrave travers ses diverses tendances
lrsquoensemble des composantes de lrsquoactiviteacute de la parole non seulement la-les langues et
la socieacuteteacute mais eacutegalement le ou les discours le ou les textes le sujet et la
communication sans oublier les attitudes et les images ce qursquoon appelle les
repreacutesentations psycho-sociolangagiegraveres qui pegravesent sur les pratiques de langage et
conditionnent leur manifestation raquo
Les objets drsquoobservation et drsquoanalyse ne seront pas les mecircmes ils sont conditionneacutes par
la deacutemarche du sociolinguiste selon qursquoil srsquoattache agrave mettre en relation telle ou telle
composante
Ainsi le sociolinguiste peut vouloir inventorier les savoirs linguistiques agrave lrsquoœuvre dans
une communauteacute donneacutee eacutetudier les dialectes les sociolectes et autres varieacuteteacutes en
usage dans tel groupe Il peut eacutegalement mettre en rapport ces savoirs linguistiques et
les institutions qui leur octroient une plus ou moins grande leacutegitimiteacute sociale Il peut
encore analyser le fonctionnement des normes et des eacutevaluations sur lesquelles srsquoappuie
la parole circulante Il ne lui est pas interdit non plus drsquointerroger les divers types de
discours oraux ou eacutecrits pour en deacutecrire le fonctionnement polyphonique crsquoest-agrave-dire
la manifestation plus ou moins probleacutematique de plusieurs voix celles des
interlocuteurs mais eacutegalement la trace lrsquoeacutecho de celles qui circulent dans le contexte
social ougrave srsquoinscrivent les productions linguistiques en question
Le sociolinguiste reacuteintroduit dans son champ drsquoeacutetude le sujet peut aussi bien analyser
les statuts rocircles et places des acteurs- partenaires leur incidence sur le deacuteroulement des
interactions au travers en particulier des strateacutegies mises en œuvre Enfin la
communication elle-mecircme peut retenir son attention au travers des actes de parole
directs ou indirects de leur interpreacutetation plus ou moins preacutevisibles des rituels
sociolangagiers sur lesquels srsquoappuie la parole en communauteacute Donc la
sociolinguistique investit tous les domaines suivants (voir scheacutema suivant p7)
Cours III
VI LA VARIATION LINGUISTIQUE
La question de la variation est une question fondamentale pour la sociolinguistique car il sagit
veacuteritablement de tirer les conseacutequences du constat fait par tout linguiste mecircme deacutebutant on ne
parle pas de la mecircme faccedilon dans toutes les circonstances de sa vie Une mecircme personne au cours
dune journeacutee change consideacuterablement dusage de varieacuteteacute de langue et ceci en raison de ses
interlocuteurs de lobjet de son discours des conditions immeacutediates de productionreacuteception Bien
sucircr en fonction de son milieu social de son histoire personnelle de son implantation
geacuteographique des effets que lon veutpeut produire de la maicirctrise des registres de langues acquise
du rapport agrave la langue et agrave la socieacuteteacute on recourt agrave des varieacuteteacutes linguistiques tregraves diverses qui mecircme
si elles sont globalement appeleacutees franccedilais peuvent comporter des diffeacuterences consideacuterables aux
yeux du linguiste qui les deacutecrit Cest le deacutesir dexpliquer cette variation de trouver les causes de
chaque varieacuteteacute en rendant compte de toutes les donneacutees susceptibles decirctre mises en relation avec
les formes produites qui a donneacute naissance agrave la sociolinguistique La perspective deacuteterministe est
centrale tout ce que nous disons agrave deacutefaut de pouvoir ecirctre directement conditionneacute par
lenvironnement linguistique immeacutediat (cf les variantes conditionneacutees) doit pouvoir ecirctre expliqueacute
par ce que nous sommes on retrouve les questions QUI parle A QUI OU QUAND
COMMENT POURQUOI
En preacutefeacuterant la notion de variation linguistique et en faisant de celle-ci une des
composantes essentielles de son champ disciplinaire la sociolinguistique reacutevegravele son inteacuterecirct prioritaire
pour certaines situation de communication individuelles ou collectives ougrave les locuteurs de maniegravere
permanente ou provisoire sont conduits agrave faire coexister en eux des usages linguistiques certes
distincts mais cependant proches Lrsquoideacutee de variation implique ici celle drsquoun eacutecart mais drsquoun eacutecart
veacutecu
En effet la sociolinguistique entend deacutecrire la langue dans ses emplois ses usages Cet
usage manifeste des variations le locuteur opegravere un choix parmi les varieacuteteacutes-les sous codes- de la
langue qursquoil maicirctrise notamment en fonction de son statut social du style et de la situation qui peut
ecirctre plus ou moins formelle Le formalisme du discours peut se deacutefinir en fonction des termes
constitutifs de lrsquoeacuteveacutenement de parole on peut se sentir obligeacute de se conduire de parler correctement
drsquoune maniegravere formelle face agrave un auditeur drsquoun statut social eacuteleveacute le thegraveme de lrsquoeacutechange neacutecessite
une langue soutenue ou familiegravere deacutejagrave sur le plan lexical la deacutenomination de certains objets risque
de changer radicalement suivant les personnes auxquelles on srsquoadresse le style peut ecirctre
surveilleacute(langue soutenue) familier celui du discours quotidien tel qursquoil est employeacute dans les
situations ordinaires ougrave le langage nrsquoest pas un objet drsquoattention
La sociolinguistique distingue entre variation inter linguistique et variation intralinguistique
VI-1-LA VARIATION INTRALINGUISTIQUE OU VARIATION DANS LES USAGES DE LA
LANGUE Il y a variation intralinguistique lagrave ougrave les locuteurs utilisent deux ou plusieurs variantes drsquoun mecircme
systegraveme donc drsquoune mecircme langue A lrsquointeacuterieur drsquoune mecircme langue il y a une variation constante Celle-ci peut ecirctre geacuteographique ou sociale mais la plupart du temps ces facteurs interfegraverent lrsquousage drsquoun patois est un pheacutenomegravene geacuteographique mais qui marque aussi une hieacuterarchie sociale La variation peut prendre la forme de patois de dialectes de langues de minoriteacute (en France le basque ou lrsquoalsacienne sont pas apparenteacutes au franccedilais) Crsquoest la dialectologie qui depuis la fin du XIX eacuteme siegravecle eacutetudie ce type de pheacutenomegravenes Lrsquourbanisation massive et le deacuteveloppement des communications ont bouleverseacute la
dialectologie traditionnelle qui eacutetait tourneacutee vers le monde rural Aujourdrsquohui crsquoest le monde urbain qui offre les terrains drsquoenquecircte les plus riches Crsquoest pourquoi la sociolinguistique se propose de reacuteinteacutegrer lrsquohomme dans la langue le locuteur son milieu celui auquel il srsquoadresse la communauteacute linguistique mecircme si toutes ces donneacutees sont extrecircmement complexes De fait dans les anneacutees 60 aux eacutetats ndashunis W Labov auteur notamment drsquoune seacuterie drsquoarticles publieacutes en franccedilais dans le recueil Sociolinguistique sociolinguiste bien connu pour son rocircle dans la recherche a fait apparaicirctre lrsquoabsolue neacutecessiteacute de consideacuterer la reacutealiteacute des productions langagiegraveres et non plus des abstractions (cette recherche sur les abstractions correspondait agrave un courant de la linguistique theacuteorique) il nrsquoheacutesite pas agrave dire que la sociolinguistique crsquoest la linguistique mecircme srsquoil est obligeacute de constater que certains linguistes neacutegligent agrave tort lrsquoeacutetude du contexte social Pour nous notre objet drsquoeacutetude est la structure et lrsquoeacutevolution du langage au sein du contexte social formeacute par la communauteacute linguistique Les sujets consideacutereacutes relegravevent du domaine ordinairement appeleacute linguistique geacuteneacuterale phonologie morphologie syntaxe et seacutemantique Les problegravemes theacuteoriques que nous soulegraveverons appartiennent eacutegalement agrave cette cateacutegorie tels la forme des regravegles linguistiques leur combinaison en systegravemes la coexistence de plusieurs systegravemes et lrsquoeacutevolution dans le temps de ces regravegles et de ces systegravemes Srsquoil nrsquoeacutetait pas neacutecessaire de marquer le contraste entre ce travail et lrsquoeacutetude du langage hors de tout contexte social je dirais volontiers qursquoil srsquoagit lagrave tout simplement de linguistique Et lrsquoon peut srsquoeacutetonner qursquoil soit utile de donner une base sociale eacutelargie agrave ce domaine Que la linguistique geacuteneacuterale quel qursquoen soit le contenu doive reposer avant tout sur le langage tel que lrsquoemploient les locuteurs natifs communiquant entre eux dans la vie quotidienne cela paraicirct aller de soi Aussi est-il profitable avant de continuer de voir preacuteciseacutement pourquoi il nrsquoen a pas eacuteteacute ainsi (Labov 1976 Lrsquoeacutetude de la langue dans son contexte social pp 258-259) Pour Labov il nrsquoy a pas drsquoeacutetude de la langue sans prise en compte des hommes qui la parlent sans eacutetude de lrsquoenvironnement social De ce fait Labov tente de correacuteler les maniegraveres de parler avec des variables sociales qui peuvent ecirctre beaucoup plus fines (et qui sont deacutetermineacutees preacuteciseacutement par lrsquoanalyse) que les grandes cateacutegories sociales traditionnelles (profession sexe acircge lieu de reacutesidence etc) Labov devant les donneacutees ordinaires de la situation de communication qui comportent une forte heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et qui sont geacuteneacuteralement consideacutereacutees comme aleacuteatoires va chercher agrave eacutetablir une systeacutematiciteacute (Gadet 1992b) En quelque sorte srsquoattachant au concept de variation libre Labov essaye drsquoeacutetablir les regravegles de cette variation drsquoen montrer les conditionnements Labov met agrave jour des reacutegulariteacutes trop systeacutematiques pour ecirctre le fait du hasard et il srsquoefforce de montrer selon les formules de F Gadet qursquo+ il y a une stratification de lrsquousage de la langue dans la socieacuteteacute dont il a pu eacutetablir qursquoelle eacutetait agrave la fois reacuteguliegravere et extrecircmement fine Elle ne peut toutefois se saisir qursquoagrave travers des consideacuterations de freacutequence puisque ce nrsquoest guegravere la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoune variante qui est en cause mais des taux drsquooccurrences compareacutes (F Gadet 1992b p 6)
Il srsquoagit drsquoassocier chaque variante linguistique agrave une cause extra-linguistique (classe sociale sexe acircge habitat race attitudes du locuteurs circonstances de la communication etc) ou chaque ensemble de variantes linguistiques (reacutealisation dune variable) agrave une ou des variables sociales selon un scheacutema que lrsquoon pourrait repreacutesenter ainsi
Ensemble des variables sociales Ensemble des variables linguistiques Une fois correctement eacutetablies les variables en modifiant lrsquoune des variables sociales on devrait
obtenir une varieacuteteacute nouvelle (un ensemble de variantes diffeacuterentes) au niveau linguistique Attention on rappellera ici la notion de variante conditionneacutee On parle en linguistique de variante
conditionneacutee quand on peut eacutetablir une correacutelation stricte entre lrsquoapparition drsquoune uniteacute linguistique et le
contexte linguistique de son apparition ainsi en franccedilais du Midi la reacutealisation [o] [ɔ] est conditionneacutees ces deux formes sont deux variantes conditionneacutees drsquoune seule uniteacute phonologique le o selon la regravegle
suivante [o] en finale ex pot chaud dos o [ɔ] + C ex rose chaude jaune code Paul pocircle Dans
drsquoautres reacutegions de France on pourra trouver des o et des ɔ non conditionneacutes par le contexte comme le montrent les prononciations laquo parisiennes raquo de saute sotte ou de pocircle Paul
Crsquoest un conditionnement de ce type que Labov a tenteacute drsquoeacutetablir non plus entre un environnement linguistique et certains sons mais entre des variables extra-linguistiques (sexe acircge situation sociale) et des uniteacutes comportant du sens (du morphegraveme uniteacute minimale de signification agrave la phrase ou au discours uniteacute vaste) Dans une perspective deacuteterministe (une deacutemarche scientifique est drsquoune faccedilon ou drsquoune autre preacutesenteacutee comme deacuteterministe) Labov pense que si nous ne parvenons pas agrave eacutetablir un conditionnement strict entre des variables extra-linguistiques et des variantes linguistiques crsquoest parce que notre analyse est
incomplegravete parce que nous avons neacutegligeacute des donneacutees Il propose de ce fait de multiplier les investigations pour trouver les variables pertinentes
Avec William Labov le pegravere de lapproche variationniste en sociolinguistique on a pris lhabitude de distinguer quatre types de variation
la variation diachronique (ou historique) la variation diatopique (ou geacuteographique) la variation diastratique (ou sociale) la variation diaphasique (ou stylistique)
Variation diachronique
La variation diachronique est lieacutee au temps elle permet de cotraster les traits selon quils sont perccedilus comme plus ou moins anciens ou reacutecents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diatopique
La variation diatopique joue sur laxe geacuteographique la diffeacuterenciation dune langue suivant les reacutegions relegraveve de cette variation Pour deacutesigner les usages qui en reacutesultent on parle de reacutegiolectes de topolectes ou de geacuteolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diastratique
La variation diastratique explique les diffeacuterences entre les usages pratiqueacutees par les diverses classes sociales Il est question en ce cas de sociolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diaphasique
On parle de variation diaphasique lorsquon observe une diffeacuterenciation des usages selon les situations de discours ainsi la production langagiegravere est-elle influenceacutee par le caractegravere plus ou moins formel du contexte deacutenonciation et se coule-t-elle en des registres ou des styles diffeacuterents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Franccediloise Gadet propose dajouter la variation diameacutesique quelle deacutefinit ainsi Une autre distinction relevant eacutegalement de lusage intervient entre oral et eacutecrit Elle est particuliegraverement forte dans une langue de culture tregraves standardiseacutee comme la franccedilaise Ici cest la distinction de chenal de transmission de la parole qui constitue le point dancrage de la diffeacuterence aucun locuteur ne parle comme il eacutecrit aucun neacutecrit comme il parle La distinction nest pas purement mateacuterielle elle touche aussi la conception mecircme des discours Il faudra donc distinguer entre ce qui est un effet geacuteneacuteral de loraliteacute et ce qui relegraveve de la variation (Gadet 2004 p 98)
Cette recherche de William Labov (La stratification sociale de lrsquoanglais dans la ville de New york) a eacuteteacute
meneacutee sur la relation entre variation linguistique et stratification sociale dans une grande ville ameacutericaine et en particulier sur lrsquoanglais de noirs Une preacute-enquecircte meneacutee dans trois grands magasins diffeacuterents quant agrave la qualiteacute et au prix des produits vendus et par conseacutequent agrave la cateacutegorie sociale de leur clients a permis de montrer que les employeacutes de ces magasins qui pourtant appartenaient tous agrave la mecircme classe sociale reacutealisaient les variantes phoneacutetiques conformeacutement agrave la faccedilon de parler des clients agrave qui ils avaient affaire en fonction du magasin(du quartier ougrave il se trouvait) voire du rayon dans le magasin( de la nature des produits proposeacutes)
La seule preacutesence de lrsquoobservateur lors drsquoune enquecircte suffit agrave modifier le comportement linguistique de lrsquoenquecircteacute lequel a tendance agrave se rapprocher de la varieacuteteacute officielle ou de prestige Les modaliteacutes de lrsquoenquecircte entraicircnent eacutegalement des variations dans les productions Crsquoest ce qui a ameneacute Labov agrave varier ses strateacutegies (eacutecoute pirate deacuteguisement ) et agrave deacutefinir des styles contextuels dont le plus surveilleacute reacutepond agrave la lecture et le moins surveilleacute au discours spontaneacute familier hors enquecircte Lagrave aussi plus le locuteur accorde drsquoattention agrave son discours plus il se rapproche de la norme officielle Tout cela met en lumiegravere la fonction sociale et symbolique des variations linguistiques qui ne sont que rarement des choix deacutelibeacutereacutes
La varieacuteteacute linguistique propre agrave un groupe dominant srsquoimpose comme marque de prestige et deacutetermine lrsquoattitude des locuteurs du groupe domineacute face agrave leur propre varieacuteteacute les colonisateurs le savent bien et un de leurs premiers soucis est de transmettre leur eacutevaluation Ces travaux de dialectologie urbaine ont permis de deacutevelopper des meacutethodologies originales drsquoanalyse de lrsquousage en situation authentique lrsquoobservateur srsquoefforccedilant de ne pas fausser les donneacutees par sa preacutesence
-variation selon les groupes sociaux il peut srsquoagir de groupes constitueacutes sur les bases de lrsquoorigine
ethnique du pouvoir eacuteconomique du sexe de lrsquoacircge
-variation en fonction de la situation de communication les mecircmes locuteurs ne parlent pas de la
mecircme faccedilon selon les situations (en situation formelle ou en situation familiegravere agrave lrsquoeacutecrit et agrave lrsquooral
A partir de cette enquecircte ceacutelegravebre sur les adolescents noirs lAmeacutericain William Labov a donc rechercheacute les correacutelations entre certaines variations linguistiques et la position sociale des locuteurs etou la situation de communication
Cette deacutemarche la ameneacute agrave isoler deux niveaux de variation
- Un niveau social diffeacuterents locuteurs dune mecircme langue parlent diffeacuteremment
- Un niveau stylistique un mecircme locuteur utilise diffeacuterents registres de langage (familier soutenu) selon la situation Mais W Labov remarque que leacutecart entre langue courante et langue soutenue est beaucoup plus important chez un ouvrier que chez un cadre supeacuterieur
Pour W Labov la langue est soumise agrave trois sortes de regravegles
- Les regravegles cateacutegoriques quaucun locuteur ne viole jamais Aucun francophone ne dit laquo on venons raquo ou laquo nous vient raquo
- Les regravegles semi cateacutegoriques dont la violation - freacutequente - est interpreacutetable socialement la tournure laquo aller au coiffeur raquo est jugeacutee populaire par la norme
- Les regravegles variables
- Se meacutefier de lrsquointrospection drsquoune preacutetendue laquo compeacutetence raquo (cf Chomsky) on ne touche de fait
que des laquo performances raquo et il existe des proceacutedures objectives drsquoanalyse linguistique pour
approcher la variation ndash qui est la regravegle
- Srsquoil y a de la variation il convient toujours de tenter de lrsquoexpliquer les preacutetendues laquo variantes
libres raquo sont des variantes dont le conditionnement nous eacutechappe mais il convient de chercher
parmi les donneacutees sociales au sens large celles qui de fait conditionnent les variantes analyseacutees
-Se rappeler que lrsquoon tente toujours drsquoenquecircter sur la langue drsquoune communauteacute linguistique et non
pas sur celle drsquoun seul individu Se soucier neacutecessairement de la question de la repreacutesentativiteacute des
informateurs
En conseacutequence scepticisme quant aux laquo universaux raquo au sens ougrave ils pourraient ecirctre preacutesents
dans toutes les langues Mais crsquoest lrsquoexplication qui forge lrsquouniversaliteacute (cf ne pas confondre les
universaux de la linguistique avec des universaux du langage )
- Inteacuterecirct particulier pour le changement linguistique tout particuliegraverement les signes du
changement en cours Toutes conditions eacutegales ce qui a entraicircneacute des changements dans le passeacute se
reproduit neacutecessairement maintenant (mais ne pas oublier les caracteacuteristiques sociales qui font
partie des laquo conditions eacutegales raquo)
VI- 2 LA VARIATION INTERLINGUISTIQUE Il nrsquoest pas dans notre intention drsquoeacutenumeacuterer ici toutes les deacutefinitions ou typologies proposeacutees pour le bilinguisme mais de retenir celles qui nous semblent avoir un inteacuterecirct pour la sociolinguistique
VI-2-1 Bilinguisme et plurilinguisme
Tregraves longtemps il y a eu des deacutebats pour savoir srsquoil fallait parler de bilinguisme ou de
plurilinguisme Il y a de nombreuses deacutefinitions nous retenons celle de
-Georges Mounin laquo Le fait pour un individu de parler indiffeacuteremment deux langues raquo laquo eacutegalement
coexistence de deux langues dans la mecircme communauteacute pourvu que la majoriteacute des locuteurs soit
effectivement bilingue raquo
-Deacutefinition du dictionnaire de didactique des langues laquo le bilinguisme est une situation qui
caracteacuterise les communauteacutes linguistiques et les individus installeacutes dans les reacutegions multilingues
-Dictionnaire des sciences du langage de Todorov laquo un individu est dit multilingue srsquoil possegravede
plusieurs langues apprises lrsquoune comme lrsquoautre comme langue maternelle raquo
Le bilinguisme agrave travers ces trois deacutefinitions peut ecirctre consideacutereacute soit comme le fait drsquoune
communauteacute soit comme le fait drsquoun individu Ces diffeacuterences renvoient agrave tout un deacutebat de
linguistes qui consideacuteraient que seuls les individus peuvent ecirctre bilingues et drsquoautres qui
consideacuteraient que cette notion peut srsquoeacutetendre agrave toute une communauteacute linguistique
Se posent alors le problegraveme de degreacute drsquoextension du bilinguisme agrave partir de quel pourcentage
considegravere - t-on que la communauteacute est bilingue et quand peut-on parler de bilinguisme
Selon lrsquoacircge drsquoacquisition des langues on a pu parler de bilinguisme preacutecoce ou tardif selon la
distribution faite dans la communauteacute on parle de bilinguisme composeacute individuel stylistique ou
social Toutes ces approches deacutefendent un point de vue diffeacuterent
Les diffeacuterentes approches -Lrsquoapproche normative
Elle prend en consideacuteration le degreacute de maicirctrise de la langue deux positions srsquoaffrontent lrsquoune dit
que tout le monde est bilingue lrsquoautre que personne est bilingue
a)Tout le monde est bilingue
Les deacutefenseurs de cette thegravese pensent que dans tout acte de communication les locuteurs srsquoadaptent
agrave une situation donneacutee Or une langue varie selon les situations de communication les locuteurs
drsquoune langue disposent drsquoune varieacuteteacute drsquousages maicirctriser une langue crsquoest savoir utiliser cette
varieacuteteacute crsquoestndashagrave-dire savoir adapter son discours agrave chacune de ses situations linguistiques
Mahmoudian eacutecrit laquo on maicirctrise mieux une langue dans la mesure ougrave on manie un nombre plus
eacuteleveacute drsquouniteacutes linguistiques et que lrsquoon comprend mieux le sens qui rattache ces uniteacutes aux
circonstances raquo
Martinet laquo deacuteveloppe la mecircme ideacutee lorsqursquoil dit que la maicirctrise drsquoune langue est constitueacute par une
hieacuterarchie drsquousages possibles qui sont les usagers quotidiens les usagers solennels politiques
artistiques
Ceci implique donc que le locuteur est agrave chaque instant obligeacute drsquoadapter son langage agrave la situation
On peut dire que tout locuteur est bilingue exemple du langage becirctifieacute des parents lorsqursquoils
parlent aux enfants ou les colons qui tentent drsquoadapter leur langue maternelle aux parlers creacuteoles
b) Personne nrsquoest bilingue
Certains linguistes disent que le bilinguisme nrsquoexiste pas dans la mesure ougrave personne nrsquoest capable
de maicirctriser agrave la perfection deux langues crsquoest agrave dire sans aucune interfeacuterence Si on prend en
consideacuteration ces paramegravetres il nrsquoy a pas de bilinguisme
Andreacute Martinet explique que ce critegravere de la perfection nrsquoa guegravere de sens car mecircme un locuteur
unilingue ne possegravede pas agrave la perfection sa langue et qursquoil nrsquoen utilise pas toutes les possibiliteacutes
lexicales ou syntaxiques Ce critegravere de la perfection est rejeteacute car il ne permet nullement de deacutefinir
le bilinguisme ou le monolinguisme
c La troisiegraveme tendance tente de deacutefinir le degreacute de maicirctrise relative
Ils rapportent la meacutethode de Malherbe une seacuterie de critegraveres permettent de deacutefinir une situation de
bilinguisme
-ecirctre en mesure de mener une conversation un discours ou un sermon dans une langue eacutetrangegravere
que ce soit agrave lrsquoeacutecrit ou agrave lrsquooral Savoir lire les journaux dans cette langue et en saisir lrsquohumour
-Etre en mesure de mener une conversation intelligible dans une autre langue et pouvoir lire sa
litteacuterature
-Savoir lire implacablement lrsquoautre langue
-Savoir enseigner les deux langues
-Posseacuteder une grande maicirctrise des deux langues
-Posseacuteder une connaissance parfaite des deux langues
Que dire
La mesure de la perfection repose sur des jugements de valeur subjectifs on mecircle diffeacuterents
niveaux de maicirctrise drsquoune langue lrsquoeacutecrit et lrsquooral
On mecircle pareillement la maicirctrise drsquoune langue et lrsquoaptitude agrave lrsquoenseigner ce qui ne se justifie pas
Beaucoup savent parler une langue mais ne peuvent lrsquoenseigner
On peut dire que les systegravemes de mesure de la perfection linguistique est un faux problegraveme car
toute situation de bilinguisme est marqueacutee par une fluctuation des usages (variation continuelle)
En effet le comportement linguistique des bilingues est tregraves variable il deacutepend de nombreux facteurs drsquoordres psychologiques et sociaux Il y a des pheacutenomegravenes de pressions sociales les situations de communication qui fait qursquoon ne peut eacutetablir des grilles rigoureuses La mesure de perfection se reacutevegravele vaine il faut srsquoen tenir aux propositions de W Mackey laquo le bilinguisme doit ecirctre consideacutereacute comme un concept non pas absolu mais relatif raquo Renzo Titone ajoute en rapportant Mackey qursquoil ne faut pas poser la question cet individu est-il bilingue Mais plutocirct dans quel sens est-il bilingue crsquoest-agrave-dire qursquoil faut rendre compte de la pratique bilingue du locuteur de son comportement bilingue mais pas tenter de deacutefinir la nature du bilinguisme qursquoil pratique
Lrsquoapproche psychologique
A-Le bilinguisme infantile ou preacutecoce On parle de bilinguisme infantile quand il srsquoagit drsquoun enfant qui degraves sa naissance est
simultaneacutement confronteacute agrave deux systegravemes linguistiques diffeacuterents par exemple lorsque la megravere et le
pegravere parlent agrave lrsquoenfant chacun leur langue ou lorsqursquoune 3egraveme
personne parle une autre langue que
celle que parlent les parents En fait cette situation est plus rare que la situation de bilinguisme
preacutecoce ougrave lrsquoon a des enfants monolingues dans les premiegraveres anneacutees de leur enfance qui
apprennent ensuite une seconde langue soit par impreacutegnation du milieu familial et social soit agrave
lrsquoeacutecole Les eacutetudes agrave orientation psychologiques se proposent toujours diffeacuterents objectifs certaines
eacutetudes se proposent drsquoexaminer le comportement de lrsquoenfant qui est aussi tregraves tocirct mis en contact
avec 2 ou plusieurs langues en geacuteneacuteral ces eacutetudes essaient de deacuteterminer la conscience qursquoa
lrsquoenfant de parler ou de ne pas parler plusieurs langues on a 2 types de constatations qui
apparemment sont contradictoires
1-Il semble selon certaines expeacuteriences que les enfants acquiert les diffeacuterentes langues sans
srsquoen apercevoir On cite les propos drsquoun linguiste allemand bilingue qui degraves son plus jeune acircge agrave la
question raquo savez vous depuis le deacutebut que vous parliez deux langues Il reacutepondit laquo je suppose que
non je parlais spontaneacutement la langue de mon interlocuteur sans savoir ce que je faisais et cela
depuis le deacutebut comme jrsquoai pu le deacuteduire du teacutemoignage de mes parents
2- En face de ce premier type de recherche on a une autre type de recherche qui montre que les
enfants distingue assez tocirct entre 3 et 4 ans les diffeacuterents systegravemes qursquoil parle et preacuteciseacutement cette
capaciteacute de parler et la situation dans laquelle ils se trouvent tregraves vite ils perccediloivent ce qursquoon
attend drsquoeux dans la situation scolaire et dans la situation familiale ou amicale
Un autre facteur inteacuteressant crsquoest leur capaciteacute de traduire Renzo Titone cite le cas de conscience
diffeacuterentielle qui lui permet de diffeacuterencier les systegravemes ce qui implique que lrsquoenfant possegravede une
double compeacutetence crsquoest-agrave-dire une maicirctrise intuitive de regravegles et de meacutecanismes diffeacuterents
laquo Lrsquoenfant bilingue reacuteussit-il agrave faire le rapport entre les personnes et les situations distinctes et les
idiomes raquo
Lrsquoenfant pratique la diffeacuterenciation des systegravemes mais il ne possegravede pas la capaciteacute drsquoeacutenoncer de
formuler cette aptitude Il a une conscience intuitive qursquoil ne peut formuler
Le bilinguisme favorable ou deacutefavorable
La question souvent poseacutee est celle de savoir si le bilinguisme est favorable ou deacutefavorable
srsquoil est nuisible ou non Cette question est poseacutee agrave deux niveaux drsquoabord agrave propos des enfants on
se demande bien souvent si le bilinguisme est preacutejudiciable ou non au deacuteveloppement de lrsquoenfant
crsquoest agrave dire agrave son eacutequilibre psychologique affectif drsquoautre part si crsquoest preacutejudiciable agrave lrsquoacquisition
de sa langue maternelle et de sa langue Ces preacutesupposeacutes sont deacutementis par de nombreuses
expeacuteriences faites sur des enfants bilingues
Renzo Titone expose le cas drsquoun enfant qui apprend lrsquoallemand avec sa megravere et le franccedilais avec
son pegravere la prononciation fut celle drsquoun enfant unilingue degraves le deacutebut le bilinguisme ne retardera
pas le deacuteveloppement geacuteneacuteral du langage crsquoest agrave dire que lrsquoacquisition des deux langues nrsquoa pas
entraicircneacute de retard Les emprunts drsquoune langue agrave une autre reacuteitegraverent des cas isoleacutes Dans les deux
langues on assisteacute agrave un deacuteveloppement parallegravelement en phoneacutetique en morphologie en syntaxe
Lrsquoenfant devient tregraves vite conscient de son bilinguisme et traduisait les messages drsquoune langue agrave
une autre Il acquit le concept abstrait de langue Tous ces exemples donneacutes par Titone semblent
contredire la thegravese qui veut que le bilinguisme soit dangereux preacutejudiciable Mecircme thegravese
deacuteveloppeacutee par Abdellah Cheacuteriet pour qui le bilinguisme est contre reacutevolutionnaire dangereux
pour lrsquoauthenticiteacute et pour la langue arabe alors que Lacheraf eacutetait pour le bilinguisme
Selon Cheacuteriet le bilinguisme nrsquoest pas une voie reacutevolutionnaire pour lrsquoenseignement mais
bourgeoise car ce nrsquoest pas le bilinguisme qui donne au peuple sa formation socialiste De plus le
bilinguisme est contraire agrave lrsquoauthenticiteacute et le fait drsquoenseigner une langue eacutetrangegravere agrave lrsquoenfant
orientera sa mentaliteacute et donc son authenticiteacute
Remarque le bilinguisme est consideacutereacute sous un angle particulier on considegravere les deux
langues rivales Pourtant lrsquoAlgeacuterie est plurilingue et Cheacuteriet ne parle jamais des autres langues les
arguments avanceacutes sont biaiseacutes la reacutealiteacute linguistique nrsquoest jamais deacutecrite lrsquoarabe classique est
consideacutereacute comme une langue maternelle En fait le veacuteritable problegraveme dans des cas de bilinguisme
est la prise en charge peacutedagogique et un environnement harmonieux laquo En creacuteant un environnement
adapteacute le petit enfant pourrait tregraves bien apprendre deux langues ou plus sans grave difficulteacute et la
redoutable barriegravere linguistique serait deacutetruite agrave la base raquoTitone
3 Lrsquoapproche sociale On peut parler du bilinguisme social lorsqursquoon prend en consideacuteration lrsquoexpansion du
bilinguisme au niveau de toute une communauteacute Cette approche sociale traite drsquoun certains
nombres de questions
-le statut des langues en contact
-la distribution de ces langues crsquoest-agrave-dire comment les langues se distribuent-elles
parmi les locuteurs comment sont-elles pratiqueacutees par les locuteurs drsquoougrave lrsquoeacutetude drsquoun certains
nombre drsquoeacuteleacutements agrave prendre en charge la situation de communication lrsquoappartenance sexuelle
sociale on srsquoattache aussi au pheacutenomegravene de prestige de valorisation et de deacutevalorisation
pheacutenomegravene de meacutemorisation Crsquoest-agrave-dire lrsquoattitude du locuteur agrave lrsquoeacutegard de ceux qui parlent
-les problegravemes de planification linguistique Elle prend aussi en charge le retentissement
de tous les eacuteleacutements au niveau de la dynamique des langues crsquoest agrave dire la capaciteacute drsquoeacutevolution de
stagnation de vie ou de mort des langues quels sont les symptocircmes qui permettent de reconnaicirctre
ces pheacutenomegravenes
Lrsquoimportance de ces pheacutenomegravenes sociaux se manifeste dans lrsquoexemple que nous
empruntons agrave Juliette Garmadi 1981 La sociolinguistique PUF Paris concernant le cas du
Vaupegraves reacutegion qui se situe au centre de lrsquoAmazonie avec une frontiegravere commune agrave la Colombie et
au breacutesil
Quelles sont les caracteacuteristiques sociales de cette reacutegion il srsquoagit drsquoune population
indienne qui vit dans des habitations disperseacutees cependant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune
population seacutedentaire bien qursquoil lui arrive de se deacuteplacer Il y a plusieurs niveaux de structuration
sociale de cette population elle est structureacutee en uniteacutes deacutefinies par un seul critegravere lrsquouniteacute
linguistique Chaque groupe drsquoindividus parlant la mecircme langue est consideacutereacute comme appartenant
agrave la mecircme tribu La tribu est deacutefinie par la langue du pegravere donc tous ceux qui ont utiliseacutes degraves leur
enfance la langue du pegravere font partie de la mecircme tribu Crsquoest donc la langue du pegravere qui confegravere
lrsquoidentiteacute au groupe agrave la tribu Un indien de cette tribut doit se marier avec une femme drsquoune autre
tribu obligatoirement donc parlant une autre langue sinon cela est consideacutereacute comme un inceste
Exemple un enfant appartenant agrave une tribu doit avoir comme premiegravere langue la langue de son
pegravere la megravere est tenue drsquoapprendre la langue de son mari mais elle peut aussi parler sa langue avec
les autres femmes elle communique avec son fils la langue de son mari
Quels sont les points que suscite lrsquoattention du linguiste par rapport au vaupeacutes
-Au niveau de lrsquoeacutetendue du bilinguisme
Le plurilinguisme pourrait ecirctre envisageacute dans cette reacutegion agrave plusieurs niveaux au niveau familial
ou cellule nucleacuteaire Au niveau de la tribu au niveau du Vaupegraves
Selon Juliette Garmadi il y a une stabiliteacute du plurilinguisme que lrsquointroduction du portugais et de
lrsquoespagnol dans la reacutegion ne semble pas remettre en cause Elle affirme une des premiegraveres
conclusions que lrsquoon peut tirer de lrsquoeacutetude de la situation du Vaupegraves est que les socieacuteteacutes complexes
ne sont pas les seules garantes possibles de la stabiliteacute du plurilinguisme Elle veut dire que lrsquoon
aurait tendance agrave croire qursquoune situation comme le vaupeacutes avec lrsquoaccord de la colonisation aurait
pu voir son plurilinguisme ceacuteder devant la langue du colonisateur or il nrsquoen est rien car le
plurilinguisme du Vaupegraves se maintient tregraves bien Donc les socieacuteteacutes stables ne sont pas les seules
garantes de la stabiliteacute
Lrsquoexistence du plurilinguisme et de sa stabiliteacute ne sont lieacutees ni agrave des types drsquoinstitutions preacutecises ni
au nombre des locuteurs ni agrave la dimension ni agrave la densiteacute drsquoun pays
Juliette Garrmadi agrave travers lrsquoexemple du Vaupegraves semble remettre en question toutes ces
hypothegraveses
-Au niveau psychologique du bilinguisme
Au niveau psychologique le plurilinguisme peut ecirctre preacutecoce ou tardif ce bilinguisme est aussi
eacutequilibreacute car les langues acquises dans lrsquoenfance le sont avec une maicirctrise eacutegales
-Au niveau linguistique et seacutemio culturel
Au niveau des systegravemes culturels transmis par le langage on peut parler de bilinguisme composeacute
crsquoest agrave dire que les langues parleacutees reacutefegraverent agrave une mecircme situation seacutemio culturelle que les langues
indiennes parleacutees dans le Vaupegraves renvoient au mecircme reacutefeacuterent culturel dans la mesure ougrave la culture
indienne de cette reacutegion est homogegravene et que toutes les langues parleacutees sont le veacutehicule de cette
culture homogegravene ce qui peut se traduire en disant que les enfants du Vaupeacutes ont un seul systegraveme
de signifieacute mais qursquoils ont pour le traduire diffeacuterents signifiants correspondant aux diffeacuterentes
langues qursquoils parlent Crsquoest dans ce cas que lrsquoon parle de bilinguisme composeacute car ce dernier
implique theacuteoriquement la permeacuteabiliteacute des systegravemes linguistiques en contact crsquoest-agrave-dire qursquoil y a
tregraves souvent passage drsquoune langue agrave une autre il y a interfeacuterence agrave tout niveau phonologique
lexical et syntaxique
Conclusion
Si lrsquoon srsquoen tient au cas du Vaupeacutes on peut dire agrave propos de lrsquoAlgeacuterie qursquoelle preacutesente bien une
situation de plurilinguisme social Ce bilinguisme peut ecirctre caracteacuteriseacute agrave la fois comme preacutecoce et
tardif(beaucoup drsquoenfants apprennent les langues dans leur petite enfance mais aussi agrave lrsquoeacutecole) Ce
bilinguisme est aussi eacutequilibreacute il est plutocirct coordonneacute que composeacute car le reacutefeacuterent seacutemioculturel du
kabyle et du franccedilais est diffeacuterent du kabyle et de lrsquoarabe le franccedilais lrsquoest aussi
Cours 4
Bilinguisme et diglossie
1-Introduction
Dans une situation de contact de langues le statut de chaque langue varie suivant les rapports de
domination entre les groupes qui les parlent et les perceptions que les individus ont de ces rapports
Il srsquoensuit que les usages langagiers varient dans lrsquoespace social et geacuteographique en fonction de ces
rapports intergroupes si ces rapports changent les rapports de statut et donc les usages eux-mecircmes
varieront Crsquoest agrave de tels pheacutenomegravenes de variations sociolinguistiques que nous allons nous
inteacuteresseacutes En premier lieu nous examinerons le pheacutenomegravene de diglossie qui reacutesulte de relation de
statuts entre une langue et une varieacuteteacute de langue super-ordonneacutee et une autre langue ou varieacuteteacute de
langues subordonneacutees dont les usages respectifs sont en distribution compleacutementaire plus ou moins
stable dans une socieacuteteacute donneacutee
Selon Mackey laquo une socieacuteteacute dont tous les membres seraient capables de comprendre lire parler et
eacutecrire deux langues utiliseacutees dans cette socieacuteteacute devrait sans doute abandonner une de ces langues
car elle serait redondante Autrement dit pour que deux ou plusieurs langues survivent dans une
socieacuteteacute il est neacutecessaire qursquoelles remplissent des fonctions compleacutementaires-soit qursquoelles sont
utiliseacutees par tous les locuteurs pour des fonctions et dans des domaines distincts soit qursquoelles sont
utiliseacutees par des locuteurs appartenant agrave des groupes ethnolinguistiques diffeacuterents soit qursquoun
groupe parle la langue dominante lrsquoautre groupe la langue domineacutee avec entre les deux des
individus bilingues qui parlent la langue de lrsquoun et de lrsquoautre
1-Deacutefinition et historique de la diglossie
La notion de diglossie (du grec ancien diglottos signifiant bilingue) est un concept
sociolinguistique deacuteveloppeacute par Ferguson(1959) pour deacutecrire toute situation dans laquelle deux
varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue sont employeacutees dans des domaines compleacutementaires lrsquoune de ces
varieacuteteacute eacutetant geacuteneacuteralement de statut socialement supeacuterieur agrave lrsquoautre
Dans un sens large la diglossie existe dans toutes les socieacuteteacutes ougrave lrsquousage quotidien diffegravere
sensiblement de la norme officielle il faut que chaque varieacuteteacute soit utiliseacutees de maniegravere
systeacutematique par exemple une varieacuteteacute est employeacutee dans les domaines formelles comme
lrsquoadministration la religion la poeacutesie alors que lrsquoautre est reacuteserveacutee agrave la conversation courante aux
discussions informelles agrave la correspondance non officielle Fergusson qualifie ces deux varieacuteteacutes
lrsquoune haute et lrsquoautre basse Exemple Le monde arabe lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal La
Gregravece le grec le katharevousa et le grec populaire le dhimotiki
Le terme de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Fishman (1967) agrave lrsquousage compleacutementaire institutionnaliseacute
de deux langues distinctes dans une communauteacute donneacutee Cette situation de diglossie se caracteacuterise
par un certain nombre de traits
-La fonction la fonction des deux varieacuteteacutes H et L nrsquoest pas la mecircme il y a reacutepartition de chacune
drsquoentre elles selon les situations de communication
-la notion de prestige on se place ici au niveau de lrsquoattitude des locuteurs qui ont tendance agrave
qualifier H de supeacuterieure de plus belle de plus logique de plus apte agrave exprimer les penseacutees
importantes Ils affirment aussi qursquoils preacutefegraverent entendre un discours politique dans cette varieacuteteacute La
varieacuteteacute L est consideacutereacutee comme eacutetant infeacuterieure incapable drsquoexprimer un discours litteacuteraire
-La litteacuterature eacutetant reacutedigeacutee dans la varieacuteteacute haute elle contribue agrave ce que cette derniegravere soit tenue
dans sa plus haute consideacuteration
Le mode drsquoacquisition La varieacuteteacute basse est geacuteneacuteralement la langue maternelle son acquisition se
fait par lrsquousage donc au sein de la famille La varieacuteteacute haute srsquoapprend agrave lrsquoeacutecole
-La standardisation constitueacutee par la moyenne des usages des locuteurs ex le franccedilais standard
constitue la norme
-La stabiliteacute la situation de diglossie est passagegravere soumise agrave lrsquoeacutevolution Le rapport entre une
langue H et une langue L est ponctuel eacutepheacutemegravere susceptible drsquoeacutevolution
En fait dit Fergusson il nrsquoen est rien La situation de diglossie se caracteacuterise par la stabiliteacute elle
peut durer plusieurs siegravecles Srsquoil y a eacutevolution crsquoest par lrsquointermeacutediaire drsquoune forme de langue
intermeacutediaire qui ne remet pas en cause veacuteritablement le rapport entre H et L comme par exemple
lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal
Le concept de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Gumperz(1971) aux socieacuteteacutes multilingues dans le sens ougrave
celles-ci peuvent utiliser diffeacuterentiellement plusieurs codes (langues dialectes) dans des domaines
et des fonctions compleacutementaires comme lrsquoInde qui a deux langues officielles hautes le hindi et
lrsquoanglais en plus des langues reacutegionales
2-Le rejet de la notion de diglossie
-Martinet utilise plusieurs eacuteleacutements pour remettre en cause la notion de diglossie
Selon Martinet Fishman et Gumperz adoptent la notion de diglossie pour des raisons
sociologiques pour marquer la distinction bilinguisme individuel versus bilinguisme social La
diglossie implique le bilinguisme communautaire
Dans cette perspective on ne voit pas ce que la distinction bilinguisme diglossie apporterait de
nouveau par rapport au bilinguisme individuel et bilinguisme social
Martinet rappelle que la hieacuterarchie entre les langues nrsquoest pas absolue il nrsquoest pas toujours possible
dans toutes les situations linguistiques de deacuteterminer la hieacuterarchie Exemple le Canada
Lrsquoanglais est reacuteserveacute au domaine eacuteconomique et technique le franccedilais est reacuteserveacute au domaine
culturel Ces deux langues sont des langues de prestige bien qursquoelles ne soient pas sur un pied
drsquoeacutegaliteacuteccedila eacutetait la langue de lrsquoeacuteglise or nous dit-il cet argument nrsquoest plus valable car la
katareacuterouza a beaucoup eacutevolueacute par rapport agrave la langue religieuse
Le second argument de Drettas est la remise en cause du systegraveme de standardisation retenue par
Fergusson pour lui on ne peut retenir ce critegravere dans la mesure ougrave le corpus de reacutefeacuterence est
heacuteteacuterogegravene
3- La situation de lrsquoAlgeacuterie
Fergusson considegravere les pays arabes comme un des cas les plus anciens et les plus stables de
diglossie Tout le monde reconnaicirct le prestige de la langue arabe classique
Qui deacutecide de ce prestige Peut on dire drsquoune langue que les locuteurs refusent de parler qursquoelle
nrsquoest pas prestigieuse
Tous les grammairiens qui procircnent la disparition des dialectes au profit de lrsquoarabe classique sont
obligeacutes de reconnaicirctre que ces derniers sont bien vivants les grammairiens parlent de difficulteacute agrave
enseigner une locuteurs natifs il nrsquoexiste pas dans le monde arabe de personnes dont la langue
maternelle est la langue standard
Le prestige de la langue tient essentiellement du mythe nous avons lagrave lrsquoexemple drsquoun discours sur
les langues que les grammairiens les linguistes lrsquoeacutelite intellectuelle ont eacutetabli et qursquoils perpeacutetuent
avec la compliciteacute des instances officielles sans jamais se poser la question de lrsquoadeacutequation de ces
discours agrave la reacutealiteacute des pratiques linguistiques
4-Les tenants de la notion deacutefense et illustration de la diglossie
La deacutefense de la diglossie se fait selon deux axes principaux
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
-La diglossie expression et moyen drsquoun conflit social
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
A partir de la distinction entre varieacuteteacute H et varieacuteteacute L eacutetablie par Ferguson se construit une autre
signification celle de la diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute Il srsquoagit drsquoineacutegaliteacute au
niveau de lrsquoutilisation des deux langues mais aussi des attitudes et repreacutesentations que les locuteurs
ont agrave propos de ces langues Ces deux aspects sont tregraves importants Le terme de diglossie permet
drsquoinsister sur cette ineacutegaliteacute qui peut ecirctre quantitative lorsqursquoil srsquoagit de lrsquoextension drsquoemploi de
ces langues ainsi la varieacuteteacute H a geacuteneacuteralement une zone drsquoextension plus grande que la varieacuteteacute B
On peut parler drsquoineacutegaliteacute qualitative lorsque les langues en preacutesence ont le mecircme statut
-Bilan de La sociolinguistique dans le domaine arabearabophone
Essor tardif malgreacute la richesse du champ puisque aireegravere immenses
Pendant toute la premiegravere partie du XXegraveme siegravecle (Auparavant voir P Larcher) les eacutetudes arabes
ont eacuteteacute diviseacutees en deux grands domaines qui se recoupaient tregraves peu
a) lrsquoeacutetude la langue arabe classique b) eacutetudes dialectales
Dans les deux cas les auteurs visent agrave des descriptions de systegravemes plus ou moins homogegravenes et
stables En ce qui concerne eacutetudes dialectales description qui repose souvent sur le parler drsquoun ou
deux informateurs supposeacutes repreacutesenteacutes lrsquoensemble de leur communauteacute le parler du Caire le
parler de Cherchell le parler de Tunis etc et parfois mecircme le parler eacutegyptien le parler syrien etc
Preacutecurseurs la dialectologie et linguistique historique
Il y a quand mecircme une linguistique historique qui se pose la question de la formation de lrsquoarabe
classique ou dialectale en particulier en ce qui concerne la peacuteriode preacuteceacutedant et suivant la conquecircte
avec des questions comme est ce que lrsquoarabe classique srsquoest constitueacute sur une koineacute poeacutetique
litteacuteraire ou sur une koinegrave dialectale etc (cf P larcher) Autour de cette question de la formation
de lrsquoarabe de la deacutefinition drsquoune koinegrave qursquoil srsquoagisse drsquoune koinegrave litteacuteraire ou dialectale on aborde
les questions de contact drsquoeacutevolution de varieacuteteacutes
-Deacutefinition drsquoune koinegrave = Varieacuteteacute neacutee du contact de diffeacuterentes varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue qui
se deacutelocalise dans le sens que nrsquoest plus le symbolelrsquoeacuteleacutement identificateur drsquoun groupe
socialement et geacuteographiquement distinct et qui de ce fait tend agrave eacuteliminer les traits les plus
particuliers les plus saillants des varieacuteteacutes en contact et tend agrave conserver les traits communs
(beaucoup plus compliqueacute que cela mais tendance geacuteneacuterale)
Donc un certain nombre de travaux autour de ces questions par des gens qui ne se deacuteclarent pas
comme des sociolinguistes mais plutocirct comme des historiens de la langue ou des linguistes Fuumlck
Ferguson Blau Cohen etc etc Relient analyse historico sociale et analyse linguistique mais les
eacuteleacutementspreuves de leur argumentation sont surtout baseacutes sur des eacuteleacutements linguistiques (liste des
traits pour la koinegrave urbaine de Ferguson ou de Cohen ou plus tard de Vesteegh pour sa theacuteorie de la
pidginisationcreacuteolisation) cf on prend un certain nombre de traits des dialectes arabes
contemporains et on les compare a) avec arabe classique et b) avec les eacuteleacutements de dialectologie
historique dont on dispose et on essaie de montrer que relegravevent ou pas drsquoun processus de
koineacuteisation
Tous ces travaux autour des questions de koinegrave litteacuteraire et surtout koinegrave dialectale sont importants
car vont eacutetablir des cateacutegories dialectales baseacutees sur des critegraveres sociaux ethniques cf la distinction
entre parlers dits nomadesbeacutedouins censeacutes ecirctre plus laquo conservateurs raquo (donc avoir gardeacutes des traits
des parlers preacute-Jahili) et parlers seacutedentaires consideacutereacutes comme laquo plus innovants raquo et agrave lrsquointeacuterieur
de ces parlers seacutedentaires les parles urbains consideacutereacutes comme eacutevidemment les plus laquo mixtes raquo car
issus soit du contact entre des dialectes diffeacuterents (koinegrave) soit du contact entre des arabophones et
des non arabophones (langue de contact)
(Pour toutes ces questions de dialectologie historiques et de cateacutegorisation etc je vous renvoie aux
laquo pegraveres laquo de la dialectologie arabe cf en franccedilais Cantineau William et Philippe Marsais pour le
Maghreb Colin etc Ces cateacutegories sont elles mecircmes inspireacutees des eacutecrits de Ibn Khaldoum
VI-2-3- Le deacuteveloppement de la dialectologie
Crsquoest agrave partir de ces cateacutegories dialectales qui se distingueraient pas des traits linguistiques
particulier que se sont deacuteveloppeacutes au Moyen Orient quelques travaux fondateurs comme ceux de
Haim Blanc sur Baghdad (1966) puis de Clive Holes sur Bahrain (1987) et au Maghreb une
sociolinguistiquedialectologie laquo urbaine raquo avec des gens comme Leila Messaoudi (Rabat)
Dominique Caubet (Fegraves) etc et tous les travaux en dialectologie urbaine qui ont montreacute que
diffeacuterentes varieacuteteacutes coexistaient dans une mecircme ville en fonction des appartenances
laquo communautaires raquo crsquoest agrave dire soit appartenance religieuse (juive chreacutetienne musulmane) ou
reacutegionales ou ethniques etc et qui ont pu eacutetudier aussi le renouvellement des parlers urbains en
montrant comment des nouveaux flux de populations drsquoorigine rurale transformaient les anciens
parlers urbains et provoquaient des pheacutenomegravenes de koineacuteisation Mais au Maghreb on reste le plus
souvent dans la dialectologie urbaine plus que dans la sociolinguistique dans le sens ougrave le plus
souvent on identifie un groupe agrave une varieacuteteacute sans deacutecrire les pheacutenomegravenes de variations
drsquoalternance individuelles La personne la plus repreacutesentative de ce courant me semble Leila
Mesaoudi (2003) qui se basant sur les travaux drsquoeacutetudes urbaines (cf Mohamed Naciri pour le
Maroc) a deacuteveloppeacute une opposition entre parler citadinparler urbain et montreacute combien les anciens
parler citadins (preacute-hilalien et andalou) eacutetaient actuellement en deacuteclin face aux nouvelles koineacute
urbaines a fort traits beacutedouins raquo
Crsquoest surtout chez les anglo - saxons et au Mashrek que lrsquoon voit se deacutevelopper une
sociolinguistique variationiste urbaine avec des gens comme Clive Holes Abdel Jawad Ibrahim
Muhamed Amara Niloofar haeri Enam Al Wer etc qui eacutetudient comment eacutevoluent les usages
linguistiques des diffeacuterents types de locuteurs en fonction de leur acircge sexe degreacute drsquoeacutetudes origine
reacutegionale etc Etudes qui analysent principalement les variantes phonologiques comme la
reacutealisation du (q) en q g k la reacutealisation des inter dentales des diphtongues etc Ces
variantes phonologiques sont consideacutereacutees comme des marqueurs de telle ou telle varieacuteteacute cf le (q)
crsquoest agrave la fois classique et certains parlers urbains le g crsquoest plutocirct ruralbeacutedouin mais devenu
urbain dans de nombreux cas le crsquoest plutocirct urbain etc etc Donc on eacutetudie la reacutealisation de ces
variantes aupregraves drsquoun certain nombre de locuteurs et on croise les variables linguistiques avec des
critegraveres sociaux (acircge sexe eacuteducation etc) et on en conclut que dans tel ou tel milieu urbain
lrsquoeacutevolution linguistique va dans le sens du deacuteveloppement de telle ou telle varieacuteteacute de langue
Ce type drsquoeacutetude qui a repris au deacutebut les concepts meacutethodologie variationiste labovienne
deacuteveloppeacute aux USA GB etc srsquoest drsquoabord heurteacute agrave une application trop meacutecaniste de la deacutemarche
labovienne et a du srsquoadapter au contexte arabophone qui est un peu plus speacutecifique du fait de la
fameuse question de la diglossie la varieacuteteacute haute des villes europeacuteennes = la varieacuteteacute parleacutee par
lrsquoeacutelite de ces villes donc standard urbain = varieacuteteacute haute prestigieuse que les autres locuteurs
essaieront ou pas de reproduire en fonction des contextes urbains Les innovations souvent
introduites par les membres des classes moyennes et se diffusent vers le haut puis repris par le
bas etc Les femmes des couches populaires ont tendance agrave reprendre plus vites les variantes
prestigieuses les hommes des milieux populaires sont plus conservateurs
Dans le monde arabe on a commenceacute agrave faire une adeacutequation entre varieacuteteacute haute et fusha
(classiquemoderne) et agrave voir comment les locuteurs des diffeacuterents parlers dialectales acqueacuteraient
ou pas les marqueurs de cette varieacuteteacute haute (donc par exemple la reacutealisation du fameux (qaf) Et
puis on srsquoest rapidement aperccedilu que parallegravelement au fusha il y avait drsquoautres varieacuteteacutes prestigieuses
en particulier les varieacuteteacutes urbaines dans un certain nombre de grand centres urbains comme le
Caire Jeacuterusalem etc les migrants drsquoorigine rurale et surtout les femmes pouvaient privileacutegier la
norme urbaine sur celle du fushahellip (Palva 1982 Ibrahim 1986 etc) Ce qui a ameneacute un certain
nombre de travaux en cours agrave srsquointerroger sur la question de la norme du standard en arabe sur
lrsquoimpact de lrsquoeacuteducation (Nilofar Haeri Enam Al Wer) et donc par ricochet ont deacuteveloppeacute une
critique drsquoune conception qui se voulait plus ou moins universalisante agrave la Bourdieu les classes
dominantes se caracteacuteriseraient par leur maicirctrise de la norme langagiegravere qursquoelles imposent aux
autres Dans le monde arabe on voit que lrsquoune des normes prestigieuses est supposeacutee ecirctre le fusha
norme que peu de gens maicirctrisent dans leur vie quotidienne les eacutelites sont plutocirct plurilingues et pas
toujours tregraves arabiseacutees (ce sont souvent plutocirct les membres des classes moyennes qui ont suivit leur
eacuteducation en arabe) lrsquoautre norme peut ecirctre le vernaculaire urbain (mais pas toujours comme on le
voit pour un certain nombre de vieilles citeacutes maghreacutebines) mais cela peut ecirctre aussi une norme
beacutedouine + - ideacutealiseacutee comme cela semble ecirctre le cas en Jordanie ou face agrave la preacutesence des
palestiniens irakiens syriens etc laquo les vrais hommes jordaniens raquo semblent revendiquer une
norme locale plus beacutedouine
Bref lrsquoensemble de ces travaux plus ou moins reacutecents sur la dialectologiesociolinguistique urbaine
ont eu le meacuterite de mettre en relief la diversiteacute des situations la complexiteacute historique du
deacuteveloppement de certains parlers la pluraliteacute des normes Beaucoup de travail reste agrave faire dans
ce domaine ougrave les vraies eacutetudes de terrain baseacutees sur des corpus restent rares Deux
exemples proches celui de Casablanca et de lrsquoarabe dit marocain Alors que le Maroc est lrsquoun des
pays ougrave lrsquoon dispose drsquoune tradition dialectologique riche et de nombreux travaux contemporains
(en particulier avec les espagnols mais aussi des auteurs marocains) on srsquoaperccediloit que si lrsquoon
connaicirct un peu lrsquohistoire de la formation du parler de Casablanca au deacutebut du XXegraveme s et son
expansion on ne dispose drsquoaucune description sociolinguistique reacuteelle et on reste dans une grande
confusion entre la koinegrave marocaine et le parler de Casablanca De mecircme pour Alger la capitale de
lrsquoAlgeacuterie qui a connu une expansion consideacuterable agrave une politique drsquoarabisation plus ou moins
reacuteussie et accepteacutee quel(s) type(s) drsquoarabe se deacuteveloppent actuellement Y a t il deacuteveloppement
drsquoune koinegrave influence croissante de fusha ou au contraire deacuteveloppement croissant du code
swtiching ou les deux etchellip autant de questions qui nrsquoont pas encore eacuteteacute traiteacutees de faccedilon
satisfaisante
Il apparaicirct enfin que la sociolinguistique arabophone srsquoest peu deacuteveloppeacutee dans un cadre
interactioniste Neacutecessiteacute de deacutevelopper lrsquoanalyse interationnelle de preacutesenter des corpus en action
et de sortir un peu des approches variationistes ou des listes drsquoisoglosses
La question de la diglossie et du continuum dialectalefusha
Crsquoest un des domaines qui a eacuteteacute le plus abordeacute en sociolinguistique arabe agrave la fois dans une
approche du contactcode switching et une approche attitudinales Massivement investi par les
anglo-saxons Donc les articles fondateurs sur la Diglossie Marccedilais +- inaperccedilu Ferguson qui a eu
un impact consideacuterable et de lagrave tout un courant pour savoir la nature le type de diglossie la mise
en eacutevidence niveaux intermeacutediaires entre les deux pocircles etc
Deux grandes tendances
- celles qui consistent agrave nommer et agrave caracteacuteriser des varieacuteteacutes intermeacutediaires entre le pocircle bas
(dialecte) et le pocircle (haut) fusha On va de 3 45 avec des notions comme lsquoammiya al-muthaqafin
(Educated Spoken Arabic) Tendances deacuteveloppeacutees par des gens comme lrsquoeacutecole de Leeds Said El-
badawi au Caire etc Mais ces travaux se heurtent agrave la difficulteacute de trouver des laquo fontiegraveres raquo claires
entres les diffeacuterentes varieacuteteacutes intermeacutediaires
- lrsquoautre tendance est de consideacuterer qursquoil y a deux pocircles + - abstraits et un continuum entre les
deux pocircles sans qursquoil soit possible drsquoisoler des varieacuteteacutes speacutecifiques entre les deux A partir de cette
conception en continuum on peut eacutetudier comment se fait le meacutelange des deux codes et appliquer
un certain nombre de regravegles et meacutethodes reprises des eacutetudes sur le Code Switching et lrsquointerlangue
cela va donc des contraintes syntaxiques de lrsquoeacutepoque Poplack agrave la theacuteorie de la Matrix language de
Myers Scotton (beaucoup drsquoarticles parus dans les volumes de Aspects of Arabic Linguistics et
eacutegalement lrsquoouvrage collectif de Rouchdy 2002 par ex cf les travaux de Gunvor Medjell etc)
Ces travaux ont reccedilu un bon eacutecho dans le monde arabe en geacuteneacuterale car permettent tout en restant
dans lsquodu politiquement correcte raquo de travailler sur de lrsquoarabe moderne de sortir un peu du carcan
du classique sans faire de la laquo dialectologie raquo qui reste une discipline encore trop souvent
consideacutereacutee comme laquo orientalisanteraquo
Les travaux sur le code switching et le continuum ne pacirctissent pas drsquoune image deacutefavorable agrave
lrsquoinverse de la dialectologie qui reste entacheacutee drsquoune reacuteputation de laquo science coloniale raquo Le
domaine des eacutetudes sur diglossieCS reste prolifique et les eacutetudes montrent que la frontiegravere entre le
fusha et le dialectale sont extrecircmement poreuses des domaines reacuteserveacutes au fusha sont de plus en
plus peacuteneacutetreacutes par le dialectal incluant lrsquoeacutecrit (journalistique le roman les publiciteacutes) et tout le
domaine relevant de lrsquooral officiel (les discours publiques les meacutedias etc) et vice versa
lrsquoinfluence principalement lexicale et phonologique du fusha se fait sentir dans lrsquooral dialectal via
eacuteducationmeacutedia certaine deacutemocratisation Il y a de grand corpus en ligne (voir les ameacutericains
comme Parkinson)
On peut se demander si cette porositeacute entre les deux pocircles reflegravete une eacutevolution contemporaine ou
si elle existait auparavant mais nrsquoavait pas eacuteteacute eacutetudieacutee Si on observe le passeacute avec minutie on
constate a) que lrsquoeacutecrit a toujours eacuteteacute +- marqueacute par le dialectal cf le fameux moyen arabe et b)
que les supposeacutees populations analphabegravetes parlant le dialectal avaient un contact avec lrsquoarabe
classique via lrsquoenseignement religieux la poeacutesie sufi etc et donc il y a certainement eu et de la
part des orientalistes et des panarabistes une sureacutevaluation de cette diglossie
Ce qui semble clair cependant crsquoest que par rapport agrave certains pronostiques des anneacutees 50-60 (les
indeacutependances) crsquoest que lrsquoarabe standard moderne ne srsquoest pas imposeacute comme unique meacutedium de
communication dans lrsquoensemble du monde arabe que les laquo dialectes raquo parlers locaux eacutevoluent
mais se maintiennent plus qursquoon aurait pu le croire puisqursquoon voit mecircme resurgir des
reacutegionalismes locaux
Un domaine qui reste agrave explorer pour les deacutecennies agrave venir eacutemergence ou pas de laquo langues
parlers raquo nationauxreacutegionaux A lrsquointeacuterieur drsquoun mecircme pays est ce que sont les tendances agrave la
koineacuteisation ou le maintien des diffeacuterences qui va lrsquoemporter est-ce que ces hypotheacutetiques
varieacuteteacutes nationales seront reconnues comme telles On entend parler drsquoarabe eacutegyptien marocain
algeacuterien syriens Ce sont en grande partie des fictions qui deacutesignent en geacuteneacuterale les varieacuteteacutes parleacutees
dans les capitales mais qui ne sont pas institutionnaliseacutees ni reconnues comme des langues
officielles et dont le rayonnement nrsquointerdit pas le maintien drsquoautres varieacuteteacutes plus locales ou
reacutegionales Mais il y a toujours eu des mouvements militant (mais toujours tregraves minoritaires) pour
lrsquoinstitutionnalisant de ces laquo langues nationales raquo et la rupture avec le fusha cf au Liban en Egypte
au Maroc actuellement (cf le numeacutero de la revue Tel Quel Darja notre langue nationale) On
retrouve donc toujours lrsquoopposition entre ceux qui ont une vision discontinuiste (ammiyya et fusha
sont des systegravemes fondamentalement diffeacuterents) et ceux qui ont une vision plus continuiste
(ammiyya et fusha se complegravetent)
Autres domaines de la Sociolinguistique arabe en deacuteveloppement
- Lrsquoahelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip maternelles en contexte migratoire des regravegles du CS etc
Un autre domaine est lrsquoinfluence de cet arabe de diaspora dans les pays drsquoaccueil cf dans la
creacuteation artistique contemporaine les parlers des jeunes etc (la musique les blagues etc cf les
travaux de Dominique Caubet etc)
CONCLUSION Le terme sociolinguistique implique donc une sensibiliteacute une approche et une meacutethodologie
particuliegraveres partir du reacuteel du concret ecirctre agrave lrsquoeacutecoute des faits de langue de variation se dire que
le marginal le particulier sont toujours instructifs que les langues sont toujours en perpeacutetuel
construction et que les humains sont les acteurs de ces constructions Crsquoest un peu comme un
historien qui deacutecide de sortir de lrsquohistoire officielle de la Cour et des Grands pour srsquointeacuteresser agrave
lrsquohistoire sociale crsquoest plus difficile cela demande de plonger dans des archives plus ou moins
accessibles lisibles etc Pour le linguiste cela demande de recueillir des corpus et de prendre le
temps de les eacutecouter analyser transcrire
Le deacuteveloppement drsquoeacutetudes avec une sensibiliteacute sociolinguistique a permis de sortir drsquoun certain
carcan imposeacute agrave la fois par de nombreux laquo orientalistes raquo et par lrsquoideacuteologie pan arabe des eacutetats
arabes lrsquoarabe est de plus en plus reconnue comme une langue plurielle ayant subi des
deacuteveloppements diffeacuterents selon les lieux et les contextes jouant des rocircles diffeacuterents etc
Pour le moment on sent bien qursquoil y a cependant un fosseacute entre ces avanceacutees et les politiques
didactiques par exemple lrsquoenseignement de lrsquoarabe reste extrecircmement probleacutematique et figeacute tant
dans les pays dits arabophones que dans les pays a forte minoriteacutes non arabophones Alors que par
exemple lrsquoenseignement du FLE ou ALE a totalement inteacutegreacute un certain nombre drsquoacquis de la
sociolinguistique pragmatique linguistique discursive il ne semble pas que ce soit le cas avec
lrsquoarabe malgreacute le nombres drsquoinstituts eacutetrangers ou arabes qui se penchent sur la question
Cours 5 ATTITUDES ET REPRESENTATIONS
Le pheacutenomegravene repreacutesentationnel est un pheacutenomegravene qui a drsquoabord inteacuteresseacute les sciences humaines la psychologie la sociologie lrsquoanthropologie bien avant la linguistique et disposent au cœur de ces sciences drsquoun savoir theacuteorique Il recouvre tout le champ qursquoon nomme repreacutesentations linguistiques langagiegraveres ou sociolinguistiques discours sur les langues attitudes linguistiques jugement sur les langues rapports subjectifs agrave la langue imaginaire linguistique Cependant chaque appellation teacutemoigne drsquoun certains point de vue Guenier deacutefinit les repreacutesentations comme laquo une forme courante et non savante de connaissances
socialement partageacutees qui contribue agrave une vision de la reacutealiteacute commune agrave des ensembles sociaux et
culturels raquo(repreacutesentations linguistiques in Moreau Sociolinguistique concepts de base Mardaga
liegravege 1996 p146)
Deux caractegraveres sont agrave relever dans cette deacutefinition
_Le caractegravere non savant des repreacutesentations il srsquoagit drsquoune forme de connaissance qui ne repose
sur aucune rationaliteacute crsquoest une connaissance intuitive purement subjective Branca-Rosoff citeacute
par Boyer in Sociolinguistique territoire et objets p79 deacutesigne ce pheacutenomegravene laquo drsquoopinions
steacutereacuteotypeacutees raquo Crsquoest donc une certaine vision une certaine perception que les locuteurs ont de
leurs langues et de celles des autres
- Les repreacutesentations linguistiques sont socialement eacutelaboreacutees et partageacutees par tous les membres
drsquoune socieacuteteacute Elles fonctionnent comme des normes sociales ideacutee partageacutee par Labov qui les
situent entre la norme ideacuteologique et les usages effectifs Pour ce dernier la norme sociale est le
fondement mecircme de la communauteacute linguistique qui ne se deacutefinit plus comme un ensemble de
locuteurs partageant les mecircmes usages (au niveau des pratiques elle est plutocirct heacuteteacuterogegravene) mais
comme un ensemble de locuteurs partageant des normes subjectives communes Ainsi les langues
sont jugeacutees positivement alors que drsquoautres le sont neacutegativement Les jugements peuvent ecirctre de
nature estheacutetique peuvent concerner le systegraveme lui-mecircme la valeur de la langue sur le marcheacute
linguistique et enfin le groupe qui la parle Nous avons donc affaire agrave un pheacutenomegravene social et crsquoest
justement ce caractegravere social des repreacutesentations linguistiques qui justifie qursquoelles constituent un
objet de choix de la sociolinguistique cependant cela nrsquoexclut pas qursquoil y ait tout de mecircme une part
individuel
Les locuteurs ne se contentent pas drsquoutiliser les langues et les varieacuteteacutes de langues ils les eacutevaluent
cette eacutevaluation influe beaucoup sur leurs pratiques linguistiques On entre ici dans le domaine des
attitudes et des normes qursquoelles impliquent chaque locuteur eacutevalue sa propre pratique et celle des
autres et ces eacutevaluations jouent un rocircle important dans le changement linguistique
La linguistique diachronique analyse le changement linguistique drsquoougrave provient une innovation
pourquoi et comment srsquoimpose-t-elle est-ce pour des raisons sociologiques qursquoune langue
change Andreacute Martinet a deacutefendu la thegravese que lrsquoeacutevolution phonologique drsquoune langue ne se faisait
pas de maniegravere aleacuteatoire mais srsquoexpliquait par la neacutecessiteacute pour son systegraveme de trouver une
stabiliteacute optimale en reacuteduisant ses deacuteseacutequilibres Drsquoautres linguistes preacutefegraverent mettre lrsquoaccent sur
des meacutecanismes sociaux par exemple un groupe peut imiter la prononciation drsquoun autre jugeacutee
plus prestigieuse
Deux tendances srsquoaffrontent pour expliquer le changement on invoque souvent le principe du
moindre effort les locuteurs confondent certaines formes phoneacutetiquement tregraves proches simplifient
des constructions syntaxiques compliqueacutees Cette tendance au moindre effort du locuteur est
contrebalanceacutee par une autre qui pousse agrave ne pas compromettre la compreacutehension crsquoest-agrave-dire le
moindre effort de lrsquoauditeur
Il nrsquoest pas rare qursquoun eacutetranger en situation officielle srsquoexcuse de ne pas parler la langue de son
interlocuteur Ce faisant il teacutemoigne drsquoune certaine politesse qui compenserait en quelque sorte
laquo lrsquoimpolitesse raquo de ne pas bien parler la langue mais il teacutemoigne aussi de la valeur positive qursquoil
accorde agrave cette langue et agrave ceux qui la parlent A lrsquointeacuterieur drsquoun groupe qui parle la mecircme langue
on observe nous le verrons un un pheacutenomegravene semblable drsquoineacutegaliteacute linguistique entre locuteurs de
statut socioculturel diffeacuterent
Par ailleurs nous sommes tour agrave tour eacutemetteurs et reacutecepteurs nos compeacutetences en tant que
reacutecepteurs sont plus grandes que nos compeacutetences en tant qursquoeacutemetteurs nous nrsquoemployons pas
toutes les structures linguistiques que nous connaissons de mecircme que nous nrsquoappartenons pas agrave
toutes les cateacutegories socioculturelles que nous sommes capables de reconnaicirctre Mais le reacutecepteur
nrsquoa pas un rocircle passif
-il reconstitue le sens de lrsquoeacutenonceacute qursquoil reccediloit selon ses propres schegravemes drsquointerpreacutetation et
lrsquoensemble de ses expeacuteriences
-il perccediloit aussi des signes linguistiques qursquoil interpregravete en fonction des connotations et des
normes en cours dans la classe sociale agrave laquelle il appartient lorsque ces signes peuvent faire
lrsquoobjet de variations ils deviennent des marqueurs socioculturels
-il juge ce qursquoil perccediloit selon lrsquoimage qursquoil a du locuteur de ses intentions de la situation et
du rocircle qursquoil y joue des enjeux de lrsquoacte de langage et selon lrsquoimage qursquoil a de lui mecircme et de ses
compeacutetences la faccedilon de parler est un facteur plus reacuteveacutelateur de la classe sociale des
interlocuteurs que les vecirctements ou les apparences de train de vie
En effet si les repreacutesentations linguistiques sont de nature sociales elles sont en rapport
eacutetroit avec lrsquoideacuteologie qui tente drsquoagir sur elles et les modegraveles Cependant si les repreacutesentations
sont agrave distinguer des discours scientifiques elles sont aussi agrave distinguer des discours ideacuteologiques
tenus par le pouvoir Branca Rossof citeacute par Boyer p79 exprime fort bien cette ideacutee en affirmant
que les repreacutesentations laquo permettent de sortir de lrsquoopposition radicale entre laquo le reacuteel raquo les faits
objectifs deacutegageacutes par la description linguistique et lrsquoideacuteologie les consideacuterations normatives
comme repreacutesentations fausses repreacutesentations eacutecrans raquo Crsquoest donc entre le reacuteel et lrsquoideacuteologie
qursquoelle situe les repreacutesentations Qursquoest ce qursquoest lrsquoideacuteologie laquo Tout systegraveme de repreacutesentations
structureacute et coheacuterent visant agrave rendre compte du monde exteacuterieur de la reacutealiteacute sociale lrsquoideacuteologie se
preacutesente sous forme drsquoun discours construit et totalisant ougrave les ideacutees srsquoenchaicircnent logiquement et
les valeurs concordent raquo (discours et ideacuteologie p4)
Ainsi lrsquoideacuteologie est un systegraveme structureacute parfaitement coheacuterent eacutelaboreacute en fonction drsquoobjectifs
bien deacutetermineacutes officiel car il srsquoagit de faccedilonner lrsquoimaginaire collectif national alors que les
repreacutesentations sociales nrsquoobeacuteissent pas agrave ces contraintes elles sont le fruit drsquoun consensus social
plus ou moins libre Mais il faut souligner qursquoen pratique la limite entre ces deux repreacutesentations
nrsquoest pas toujours clairement repeacuterable et les deux se confondent les ideacuteologues au service de
lrsquoeacutetat sont drsquoabord et avant tout des membres de la socieacuteteacute le pouvoir par les moyens qui lui sont
confeacutereacutes (meacutedia eacutecoles AIE) arrive toujours agrave faccedilonner les mentaliteacutes Ainsi on aime ou on
deacuteteste une langue parce qursquoon se fait une certaine ideacutee drsquoelle ou de ces locuteurs
QUE CONCLURE Lrsquoanalyse des repreacutesentations ne peut ecirctre eacutetudieacutee sans une analyse des pratiques linguistiques
Drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutetudier agrave la fois les comportements et les attitudes des locuteurs drsquoobserver les
productions et de ne pas se contenter de recueillir des paroles des sujets qui peuvent varier selon les
situations et les interactions(voir agrave ce sujet B Maurer Houdebine Canut et Boyer)
Cours 6- LA POLITIQUE LINGUISTIQUE OU LES NORMES LA NORME
Michel Tournier deacutefinissant le normal donne les deacutefinitions suivantes
NORMAL 1 Conforme agrave la norme Ideacuteal 2 Conforme agrave la moyenne Habituelle
Ceci peut servir dintroduction agrave qui aborde la question de la norme Cest bien la un veacuteritable problegraveme car selon les lieux selon les personnes selon le domaine les deux perspectives se mecirclent effectivement et perturbent la compreacutehension Peut-on dire que la norme est un ideacuteal cest-agrave-dire de fait quelque chose que personne natteint ou nincarne vraiment Peut-on dire que la norme est faite de la moyenne des opinions ou de la moyenne des comportements Nous allons rencontrer ces deux voies comme deux eacutecueils entre lesquels il conviendra de naviguer
Georges Mounin lui-mecircme dans son Dictionnaire de la Linguistique (PUFQuadriges reacuteeacuted 1993) commence son article Norme de la faccedilon suivante Moyenne des divers usages dune langue agrave une eacutepoque donneacutee ou usage imposeacute comme le plus correct ou le plus prestigieux par une partie de la socieacuteteacute (le bon usage)
En fait si le normal et le normatif restent des concepts tregraves grand public qui suscitent des deacutefinitions un peu floues il convient de souligner que la norme du franccedilais nest en aucun cas deacutetermineacutee en regardant les usages majoritaires Cest la varieacuteteacute de franccedilais qui agrave une eacutepoque donneacutee est procircneacutee par la socieacuteteacute franccedilaise qui simpose agrave chacun mais aussi qui est deacutefendue par chacun mecircme ceux qui en sont tregraves eacuteloigneacutes y sont attacheacutes Cest dans les classes populaires que tout en pratiquant dautres varieacuteteacutes on tient le plus agrave ce que soit enseigneacutee la norme que lon se soucie de savoir ce qui est correct ce qui ne lest pas - la norme eacutetant plus ou moins assimileacutee agrave ce qui permet de reacuteussir puisque ceux qui ont reacuteussi sont censeacutes pratiquer la norme en offrir une image On devine ainsi que la norme de fait est la varieacuteteacute pratiqueacutee par les hautes couches de la socieacuteteacute dans les situations formelles ougrave elles donnent agrave voir leur langue - varieacuteteacute dailleurs plus ou moins fantasmeacutee (et par lagrave sans doute rejoint-on la notion dideacuteal) que personne ne pratique vraiment et qui ainsi apparaicirct toujours au-delagrave des usages reacuteels Indeacuteniablement cependant des usages se rapprochent davantage de ce qui est preacutesenteacute comme la norme (dans les dictionnaires dans les grammaires) mais ces ouvrages parce quils sont eacutecrits utilisent et preacutesentent obligatoirement une varieacuteteacute diffeacuterente de loral et contribuent agrave la dichotomie si souvent formuleacutee par Monsieur Toutlemonde agrave leacutecrit ccedila va ma langue est correcte mais agrave loral je nai pas le temps de reacutefleacutechir et je parle mal
Dans ces conditions on soulignera que
la norme est une varieacuteteacute eacutecrite que lon enseigne en principe qui est formaliseacutee et toujours plus ou
moins eacuteloigneacutee des varieacuteteacutes parleacutees mecircme quand elles reccediloivent un jugement favorables de
locuteurs solliciteacutees pour donner leur avis
On ne parle jamais comme on eacutecrit (cf chapitre sur langues orales langues eacutecrites) mais les
couches sociales qui ont reacuteussi sont censeacutees davantage incarner la norme
Il est certain que plus les eacutetudes des sujets ont eacuteteacute longues plus ils pratiquent couramment des
varieacuteteacutes proches de lideacuteal quon appelle la norme ne serait-ce que parce que leur impreacutegnation agrave
travers une longue pratique de la langue eacutecrite rejaillit sur leur pratique orale Mais ne neacutegligeons
pas toutefois les facteurs sociologiques et eacuteconomiques qui interfegraverent avec ce que lon croit
attribuer agrave leur langue (richesse visible aisance sociale position eacuteconomique domination
sociale)
Ne veut-on pas imiter ceux quon preacutesente comme les modegraveles normatifs plus parce quils ont
reacuteussi que parce quils parlent bien la cravate de PPDA(1) sa faccedilon de shabiller son aisance et
son sourire parfaitement placeacute ne jouent-ils pas un plus grand rocircle que sa langue mecircme (on connaicirct
dailleurs lusage du prompter agrave la teacuteleacutevision ) pour le faire citer comme quelquun qui parle bien
Indeacuteniablement - et dans toute socieacuteteacute - servent de modegravele ceux qui ont reacuteussi et non pas ceux qui
sont consideacutereacutes comme des parias (cf les clochards ou SDF)
Noublions pas en outre que si les accents reacutegionaux ne sont plus aussi stigmatiseacutes maintenant
quil y a une trentaine danneacutees ils sont lobjet malgreacute tout de preacutecautions subtiles qui amegravenent ceux
qui atteignent les plus hautes responsabiliteacutes sociales agrave sen deacutefaire partiellement (cf le Preacutesident
Giscard dEstaing prenant des cours dorthoeacutepie pour se deacutebarrasser de son accent auvergnat qui
neacutetait pas de mise pour quelquun preacutetendant aux plus hautes fonctions et donc Preacutesident de tous
les Franccedilais) ou bien qui amegravene agrave seacutelectionner pour les plus hautes responsabiliteacutes ceux qui ont un
accent consideacutereacute comme convenable celui qui est accepteacute agrave une eacutepoque donneacutee les deux
comportements interfegraverent constamment et se reacutepondent pour eacuteliminer de la parole publique avec
une image favorable (et non pas plus ou moins ridicule) ceux qui seraient les plus eacuteloigneacutes de la
norme
Les caracteacuteristiques de la norme orale eacutevoluent au fil des siegravecles notre r actuel assez faible
un peu plus grasseyeacute agrave Paris quagrave Marseille nest plus du tout le r rouleacute que prononccedilait les
nobles il y a quelques siegravecles mais elles eacutevoluent bien plus lentement que lusage reacuteel
La norme est donc bien une question qui relegraveve fondamentalement de la sociolinguistique
deacutetermineacutee fixeacutee agrave chaque eacutepoque sur des critegraveres socio-eacuteconomiques elle se transmet dans
lenseignement et donc apparaicirct comme beaucoup plus permanente que les autres varieacuteteacutes non
formaliseacutees qui ne se transmettent que familialement (acquisition non formelle) Leacutecole joue ainsi
un rocircle essentiel dans la transmission la permanence le statut les preacuterogatives accordeacutees agrave la
norme Cest elle qui peut la reacutepandre de faccedilon quasiment universelle dans un pays Sa non-
transmission - cf le discreacutedit de leacutecole pour toute transmission ou la moindre importance accordeacutee
agrave la langue correcte agrave notre eacutepoque - ont pour premier reacutesultat que les couches sociales les plus
eacuteloigneacutees de la norme ny accegravedent plus La norme ne disparaicirct pas pour autant mais elle est alors
surtout lobjet de transmission familiale dans les familles conscientes et capables den assurer la
transmission indeacutependamment de leacutecole Leacutecole en enseignant la norme eacutetait facteur de
deacutemocratisation de la socieacuteteacute franccedilaise si elle renonce agrave cette tacircche on parvient agrave une socieacuteteacute
aristocratique dans laquelle certains savent sans avoir appris (selon lexpression consacreacutee) et ougrave
il ny a plus de chance de veacuteritable mobiliteacute sociale Contrairement agrave nos a priori on peut voir ainsi
que la norme est deacutemocratique quand ideacuteal proposeacute agrave tous elle est accompagneacutee dans son
apprentissage de la transmission des principes qui permettent de latteindre Dire (comme cela se
pratiquait agrave luniversiteacute agrave Lyon dans les anneacutees soixante) il ne faut pas dire un [floslashv] (pour
fleuve) une [foslashj] (pour feuille) cest donner agrave tous une chance dacceacuteder agrave des situations ougrave lon
ne tolegravere pas un accent reacutegional marqueacute ne plus le dire cest laisser encore les plus hautes
positions agrave ceux qui lauront compris tout seuls (dans leur famille) et bien sucircr eacuteliminer ceux qui ne
se doutent mecircme pas que ce genre de prononciation est stigmatiseacutee
On pourra distinguer avec Marie-Louise Moreau (1997) article Les types de normes
les normes de fonctionnement (habitudes linguistiques partageacutees par les membres dune
communauteacute regravegles qui sous-tendent les comportements linguistiques dun sous-groupe)
les normes descriptives (ce sont les normes de fonctionnement rendues explicites par les
descriptions qui en sont faites Mais ainsi ce sont les normes de certains sous-groupes seulement
qui sont deacutecrites on ne sinteacuteresse pas tretiennent des relations complexes avec les normes
prescriptives Elles contribuent grandement agrave la hieacuterarchisation)
les normes fantasmeacutees (ici on est toujours dans le domaine des repreacutesentations le groupe se forge
un ensemble de conceptions sur la langue et son fonctionnement qui nont souvent guegravere de zone
dadheacuterence avec le reacuteel )
La norme ou le bon usage
La norme au sens de langue que lrsquoon doit parler est un discours drsquoautoriteacute fixeacute par une institution
drsquoeacutetat) chargeacutee de creacuteer une langue homogegravene faite pour ecirctre parleacutee par un usager ideacuteal une
langue standard de partout et de nulle part uniforme polie deacutebarrasseacutee de toute impureteacute comme
-les reacutegionalismes les varieacuteteacutes geacuteographiques srsquoopposent au caractegravere centralisateur de la norme
et eacutechappent agrave tout controcircle elles sont donc connoteacutees peacutejorativement et le critegravere de la hieacuterarchie
sociale
-les innovations qursquoil srsquoagisse de changements lexicaux syntaxiques ou phoneacutetiques ils sont
ignoreacutes -non reconnus- ou attesteacutes longtemps apregraves leur apparition lorsque la norme nrsquoa pas reacuteussi
agrave srsquoimposer Face aux variations individuelles et collectives la langue normeacutee se veut homogegravene et
tire sa leacutegitimiteacute de lrsquoeacutecole
Un des comportements sociaux les mieux connus vis agrave vis de la langue est la normalisation
Fishman affirme que laquo la codification est lrsquoacceptation par une communauteacute drsquoun systegraveme formel
de normes qui deacutefinissent lrsquousage correct raquo
Qursquoest-ce que la norme ou lrsquousage correct de la langue laquo La norme est un recueil de perceptions consigneacutees dans des grammaires dites normatives et
correspondant agrave ce qursquoil faut dire pour se conformer au bon usage linguistique de la bonne
socieacuteteacute raquoDenise Franccedilois
Elle repreacutesente un choix approprieacute fondeacutes sur des preacutejugeacutes socioculturels et sur la notion de
niveaux de langues hieacuterarchiseacutees les classes dominantes et les bons auteurs emploient une langue
de qualiteacute qursquoil faut consideacuterer comme un modegravele
Parler de normes revient agrave se reacutefeacuterer agrave plusieurs acceptions
-un ensemble drsquointerdits de prescriptions sur des faccedilons de dire quelquefois accompagneacutees de
justifications de divers ordres
-tenir compte de cet ensemble de prescriptions crsquoest parler correctement sans faire de fautes
Les institutions de la norme sont
-Lrsquoeacutecole lrsquoeacutecole par le biais des grammaires et des enseignants tend agrave imposer agrave lrsquoenfant une
langue uniforme qursquoil nrsquoutilisera pas souvent ailleurs Par lrsquoenseignement de la grammaire elle
lrsquohabitue laquo non seulement agrave concevoir les reacutealiteacutes de la langue mais agrave reacuteprimer son goucirct naturel de
la parole pour substituer agrave la spontaneacuteiteacute langagiegravere une pratique eacutecrite conforme agrave des normes
rigoureuses raquo Elle lui impose de faire des phrases ainsi qursquoune prononciation de lecture standard
qui pour bon nombre drsquoenfants est artificielle cependant cette langue semblera toujours parce
qursquoimposeacutee par lrsquoeacutecole supeacuterieure agrave la sienne
-Lrsquoeacutecrit Lrsquoadministration prend le relais de lrsquoeacutecole pour perpeacutetuer la crainte de la faute et le
respect pour la langue eacutecrite laquo notre langue eacutecrite a plus de digniteacute que notre langue parleacutee
souvent fautive raquo Lrsquoopposition eacutecrit parleacute devient une opposition digne fautif Ceci appelle deux
remarques
La langue parleacutee comme la langue eacutecrite peut comporter tous les niveaux car rien nrsquoempecircche en
theacuteorie drsquoeacutecrire comme on parle ni de parler comme on eacutecrit
-De plus ces deux formes drsquoexpressions ont chacune une speacutecificiteacute de fonctionnement que la
deacutemarche normative semble ignorer Parler crsquoest construire un discours en train de se faire Le
locuteur improvise constamment ce qui lrsquoamegravene agrave heacutesiter agrave se reprendre agrave changer lrsquoorientation
de sa phrase agrave utiliser diverses strateacutegies agrave avoir recours agrave tous les proceacutedeacutes extra et
paralinguistiques regard mimiques gestes intonations Lrsquoeacutecrit nrsquoignore ni les heacutesitations ni les
reprises mais celles-ci disparaissent avec les brouillons Drsquoun point de vue linguistique il nrsquoy a
aucune raison drsquoopposer le parler et lrsquoeacutecrit de faccedilon hieacuterarchique puisque les deux domaines
fonctionnent diffeacuteremment
Une norme linguistique est un trait unificateur drsquoune socieacuteteacute tout le monde la connaicirct et sa
connaissance permet de distinguer les autochtones des eacutetrangers Mais mecircme dans le cas ougrave tout le
monde peut savoir quelles sont les variantes de statut supeacuterieur il nrsquoest pas neacutecessairement vrai que
tous voudront les adopter dans leur discours quotidien Certaines eacutetudes ont montreacute que les
reacuteactions subjectives aux variantes sociolinguistiques eacutetaient diffeacuterentes selon les classes et
impliquaient beaucoup plus qursquoune simple eacutechelle de prestige (cf Labov) Labov dans laquo
Sociolinguistique pp 250-251 339-340 418-419 raquo fait une distinction entre norme cacheacutees
voileacutees et norme manifestes normes stigmatiseacutees et norme accepteacutees Les variantes de statut eacuteleveacute
possegravedent un prestige manifeste elles sont associeacutees au pouvoir social indeacuteniable des locuteurs de
la classe supeacuterieure peuvent ecirctre la condition neacutecessaire drsquoaccegraves agrave des fonctions drsquoun statut plus
eacuteleveacute et sont promulgueacutees par les agents de la normalisation dans la socieacuteteacute tels que les meacutedias et
les instituteurs Mais pour beaucoup de locuteurs de la classe ouvriegravere ou de la petite bourgeoisie
les variables linguistiques laquo non standard raquo associeacutees agrave leurs groupes peuvent aussi posseacuteder un
prestige voileacute (covert prestige celui drsquoun groupe local de statut infeacuterieur) La signification sociale
de base de ces variables au prestige voileacute est celle de la solidariteacute une personne qui les utilise est
consideacutereacutee comme eacutetant un des leurs comme ami possible Pour certains groupes ces formes
peuvent signifier dureteacute ou viriliteacute
Pour compleacuteter vos connaissances dans le domaine de la norme reportez vous aussi sur le web agrave
un article dOlga Ozolina Quelques approches de leacutetude de la norme linguistique
Tout un cours eacutecrit par Benoiumlt Leblanc et Claude Tousignant de la Socieacuteteacute Saint-Jean-
Baptiste de la Mauricie sur la Norme linguistique mais aussi quelques autres notions
essentielles
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volontiers sous lrsquoeacutetiquette de linguistique de la parole ou sociolinguistique et qui
srsquoopposent drsquoun point de vue eacutepisteacutemologique agrave la linguistique de la langue du
systegraveme pour reprendre la distinction Saussurienne entre langue ( savoir collectif
social organiseacute en systegraveme) et parole (ensemble des productions individuelles des
reacutealisations linguistiques concregravetes)
Donc la sociolinguistique est bien une linguistique de la parole crsquoest-agrave-dire une
linguistique qui sans neacutegliger les acquis de lrsquoapproche structuraliste des pheacutenomegravenes
langagiers situe son objet dans lrsquoordre du social et du quotidien du priveacute et du
politique de lrsquoaction et de lrsquointeraction pour eacutetudier aussi bien les variations dans
lrsquousage des mots que les rituels de conversation les situations de communication que
les institutions de la langue les pratiques singuliegraveres de langage que les pheacutenomegravenes
collectifs lieacutes au plurilinguisme
1-La langue chez Saussure
Rappelons tout drsquoabord la deacutemarche de Saussure lorsque celui-ci constitue lrsquoobjet de la
linguistique la langue
laquo Pour trouver dans lrsquoensemble du langage la sphegravere qui correspond agrave la langue il faut
se placer devant lrsquoacte individuel qui permet de reconstituer le circuit de la
parole raquo(p27) Cependant si cet acte de communication est deacutejagrave social (deux
participants) cette socialisation est bien pauvre face agrave la reacutealiteacute de lrsquointeraction
linguistique reacuteelle De toute maniegravere lrsquoacte sera encore simplifieacute Saussure ne
srsquointeacuteresse qursquoagrave lrsquoauditeur Pour expliquer ce pheacutenomegravene individuel Saussure passe agrave
un autre niveau laquo La langue nrsquoest pas une fonction du sujet parlant elle est le produit
que lrsquoindividu enregistre passivement raquo(p30) laquo elle est la partie sociale du langage
exteacuterieure agrave lrsquoindividu par son pouvoir coercitif elle est le produit que lrsquoindividu
enregistre passivement (p 30) laquo et il ne peut agrave lui seul ni la creacuteer ni la modifier raquo
(p31)
La langue a donc une double caracteacuteristique
-Une existence exteacuterieure agrave lrsquoindividu au niveau de la psychologie collective raquodans les
cerveaux drsquoun ensemble drsquoindividus car la langue nrsquoest complegravete dans aucun elle
nrsquoexiste parfaitement que dans la masse raquo(p30)
-Une inteacuteriorisation pour chaque individu laquo quelque chose qui est dans chacun drsquoeux
tout en eacutetant commun agrave tous et placeacute en dehors de la volonteacute des deacutepositaires raquo(p38)
On peut dire qursquoagrave ce niveau drsquoanalyse Saussure arrache la langue agrave lrsquoeacutetude des faits de
nature en la rattachant agrave la sociologie laquo la langue est classable parmi les faits
humains tandis que le langage ne lrsquoest pashellip raquo laquo Pour savoir dans quelle mesure une
chose est une reacutealiteacute il faudra et il suffira de rechercher dans quelle mesure elle existe
pour la conscience des sujets raquo (p128)
La langue nrsquoest pas seulement une repreacutesentation collective elle est une veacuteritable
institution sociale systegraveme de signes exprimant des ideacutees Elle est comparable de ce
point de vue aux autres systegravemes de signes et relegraveve de la seacutemiologie laquo science qui
eacutetudie la vie des signes au sein de la vie sociale et formerait une partie de la
psychologie sociale et par conseacutequent de la psychologie geacuteneacuterale raquo( CLG p33) Tel
est le point extrecircme de la reacuteduction de la linguistique agrave la sociologie atteint par
Saussure
Or la sociolinguistique considegravere que lrsquoobjet de son eacutetude ne doit pas ecirctre simplement la
langue systegraveme de signes ou la compeacutetence systegraveme de regravegles Lrsquoopposition
langueparole ou compeacutetenceperformance implique que dans le champ drsquoinvestigation
du linguiste seule la langue (ou la compeacutetence) constitue un systegraveme fermeacute Il faut
donc deacutepasser cette opposition car elle fournit un cadre trop eacutetroit pour lrsquoeacutetude de
problegravemes linguistiques importants comme lrsquoutilisation du langage dans son contexte
socioculturel Pour ce faire certains linguistes constatant le caractegravere systeacutematique de
certains faits linguistiques situeacutes en dehors de la compeacutetence telle que la deacutefinit
Chomsky essayent drsquoeacutelargir cette notion de compeacutetence pour qursquoelle recouvre des faits
que Chomsky attribue agrave la performance Ainsi Hymes degraves 1972 deacuteveloppe le concept
de compeacutetence de communication pour communiquer il ne suffit pas de connaicirctre la
langue le systegraveme linguistique il faut eacutegalement savoir comment srsquoen servir en
fonction du contexte social
CONCLUSION
On peut donc conclure que la sociolinguistique est neacutee agrave partir de lrsquoexistence de deux
facteurs concomitants
-un eacutetat de connaissances mise en question des grammaires formelles reacuteinteacutegration
des donneacutees seacutemantiques appel agrave lrsquointeraction sociale comme donneacutee de la
communication
-un eacutetat de fait existence de problegravemes linguistiques qui inteacuteressent la vie sociale de
certaines communauteacutes
Crsquoest cette dualiteacute radicale du langage agrave la fois inteacutegralement formel et inteacutegralement
traverseacute par des enjeux subjectifs et sociaux qui fait lrsquoobjet de la sociolinguistique
Cours II DEMARCHE ET OBJET DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
III-1 -DEMARCHE
La sociolinguistique implique
- une theacuteorie linguistique qursquoobserver que deacutecrire
-et une conception systeacutematique de la communication parlante une sociologie qui
observer dans quelles relations sociales
La meacutethode en sociolinguistique se reacutepartit en deux deacutemarches successives
1-une description de la structure linguistique et une description de la structure
sociologique
Pour ce faire elle emprunte les acquis theacuteoriques de lrsquoapproche structuraliste des
pheacutenomegravenes langagiers et les concepts et meacutethodes agrave la sociologie car cette
derniegravere laquo montre que tout individu est drsquoabord un objet social le produit drsquoune
socialisation Le langage est une forme de comportement social un instrument de
communication entre les hommes un reacutepertoire de varieacuteteacutes linguistiques imbriqueacutees les
une dans les autres un moyen drsquoexpression de lrsquoindividu raquo
2-une confrontation des deux disciplines geacuteneacuteralement le but viseacute est la connaissance
de la socieacuteteacute le langage est le moyen qui permet cette connaissance Naturellement la
deacutemarche du chercheur variera selon le sujet et aussi selon sa position ideacuteologique
III-2-OBJET DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
La sociolinguistique a affaire agrave des pheacutenomegravenes tregraves varieacutes
-les fonctions et les usages du langage dans la socieacuteteacute
-la maicirctrise de la langue lrsquoanalyse du discours
- les jugements que les communauteacutes linguistiques portent sur leurs langues la
planification et la standardisation linguistiqueshellip
Elle srsquoest donneacutee au deacutepart pour tacircche de deacutecrire les diffeacuterentes varieacuteteacutes qui coexistent
au sein drsquoune communauteacute linguistique en les mettant en rapport avec les structures
sociales aujourdrsquohui elle englobe pratiquement tout ce qui est eacutetude du langage dans
son contexte socioculturel
Lrsquoobjet de son eacutetude nrsquoest pas seulement la langue systegraveme de signes ou la
compeacutetence systegraveme de regravegles Elle deacutepasse cette opposition qui fournit un cadre eacutetroit
pour lrsquoeacutetude de problegravemes linguistiques importants comme lrsquoutilisation du langage dans
son contexte socioculturel et srsquoouvre vers ce que Hymes appelle la compeacutetence de
communication pour communiquer il ne suffit pas de connaicirctre la langue le systegraveme
linguistique il faut eacutegalement savoir comment srsquoen servir en fonction du contexte
social Drsquoautres linguistes tel Labov pensent que toute production linguistique
manifeste des reacutegulariteacutes et peut donc faire lrsquoobjet drsquoune description Cependant
quelque soit les diffeacuterences tous les chercheurs mettent lrsquoaccent sur un objet
unificateur le langage consideacutereacute comme une activiteacute socialement localiseacute dont lrsquoeacutetude
se megravene sur le terrain
Donc sans exageacuterer le caractegravere multipolaire de la sociolinguistique on peut dire agrave la
suite drsquoHENRI Boyer (p7) que laquo celle-ci embrasse agrave travers ses diverses tendances
lrsquoensemble des composantes de lrsquoactiviteacute de la parole non seulement la-les langues et
la socieacuteteacute mais eacutegalement le ou les discours le ou les textes le sujet et la
communication sans oublier les attitudes et les images ce qursquoon appelle les
repreacutesentations psycho-sociolangagiegraveres qui pegravesent sur les pratiques de langage et
conditionnent leur manifestation raquo
Les objets drsquoobservation et drsquoanalyse ne seront pas les mecircmes ils sont conditionneacutes par
la deacutemarche du sociolinguiste selon qursquoil srsquoattache agrave mettre en relation telle ou telle
composante
Ainsi le sociolinguiste peut vouloir inventorier les savoirs linguistiques agrave lrsquoœuvre dans
une communauteacute donneacutee eacutetudier les dialectes les sociolectes et autres varieacuteteacutes en
usage dans tel groupe Il peut eacutegalement mettre en rapport ces savoirs linguistiques et
les institutions qui leur octroient une plus ou moins grande leacutegitimiteacute sociale Il peut
encore analyser le fonctionnement des normes et des eacutevaluations sur lesquelles srsquoappuie
la parole circulante Il ne lui est pas interdit non plus drsquointerroger les divers types de
discours oraux ou eacutecrits pour en deacutecrire le fonctionnement polyphonique crsquoest-agrave-dire
la manifestation plus ou moins probleacutematique de plusieurs voix celles des
interlocuteurs mais eacutegalement la trace lrsquoeacutecho de celles qui circulent dans le contexte
social ougrave srsquoinscrivent les productions linguistiques en question
Le sociolinguiste reacuteintroduit dans son champ drsquoeacutetude le sujet peut aussi bien analyser
les statuts rocircles et places des acteurs- partenaires leur incidence sur le deacuteroulement des
interactions au travers en particulier des strateacutegies mises en œuvre Enfin la
communication elle-mecircme peut retenir son attention au travers des actes de parole
directs ou indirects de leur interpreacutetation plus ou moins preacutevisibles des rituels
sociolangagiers sur lesquels srsquoappuie la parole en communauteacute Donc la
sociolinguistique investit tous les domaines suivants (voir scheacutema suivant p7)
Cours III
VI LA VARIATION LINGUISTIQUE
La question de la variation est une question fondamentale pour la sociolinguistique car il sagit
veacuteritablement de tirer les conseacutequences du constat fait par tout linguiste mecircme deacutebutant on ne
parle pas de la mecircme faccedilon dans toutes les circonstances de sa vie Une mecircme personne au cours
dune journeacutee change consideacuterablement dusage de varieacuteteacute de langue et ceci en raison de ses
interlocuteurs de lobjet de son discours des conditions immeacutediates de productionreacuteception Bien
sucircr en fonction de son milieu social de son histoire personnelle de son implantation
geacuteographique des effets que lon veutpeut produire de la maicirctrise des registres de langues acquise
du rapport agrave la langue et agrave la socieacuteteacute on recourt agrave des varieacuteteacutes linguistiques tregraves diverses qui mecircme
si elles sont globalement appeleacutees franccedilais peuvent comporter des diffeacuterences consideacuterables aux
yeux du linguiste qui les deacutecrit Cest le deacutesir dexpliquer cette variation de trouver les causes de
chaque varieacuteteacute en rendant compte de toutes les donneacutees susceptibles decirctre mises en relation avec
les formes produites qui a donneacute naissance agrave la sociolinguistique La perspective deacuteterministe est
centrale tout ce que nous disons agrave deacutefaut de pouvoir ecirctre directement conditionneacute par
lenvironnement linguistique immeacutediat (cf les variantes conditionneacutees) doit pouvoir ecirctre expliqueacute
par ce que nous sommes on retrouve les questions QUI parle A QUI OU QUAND
COMMENT POURQUOI
En preacutefeacuterant la notion de variation linguistique et en faisant de celle-ci une des
composantes essentielles de son champ disciplinaire la sociolinguistique reacutevegravele son inteacuterecirct prioritaire
pour certaines situation de communication individuelles ou collectives ougrave les locuteurs de maniegravere
permanente ou provisoire sont conduits agrave faire coexister en eux des usages linguistiques certes
distincts mais cependant proches Lrsquoideacutee de variation implique ici celle drsquoun eacutecart mais drsquoun eacutecart
veacutecu
En effet la sociolinguistique entend deacutecrire la langue dans ses emplois ses usages Cet
usage manifeste des variations le locuteur opegravere un choix parmi les varieacuteteacutes-les sous codes- de la
langue qursquoil maicirctrise notamment en fonction de son statut social du style et de la situation qui peut
ecirctre plus ou moins formelle Le formalisme du discours peut se deacutefinir en fonction des termes
constitutifs de lrsquoeacuteveacutenement de parole on peut se sentir obligeacute de se conduire de parler correctement
drsquoune maniegravere formelle face agrave un auditeur drsquoun statut social eacuteleveacute le thegraveme de lrsquoeacutechange neacutecessite
une langue soutenue ou familiegravere deacutejagrave sur le plan lexical la deacutenomination de certains objets risque
de changer radicalement suivant les personnes auxquelles on srsquoadresse le style peut ecirctre
surveilleacute(langue soutenue) familier celui du discours quotidien tel qursquoil est employeacute dans les
situations ordinaires ougrave le langage nrsquoest pas un objet drsquoattention
La sociolinguistique distingue entre variation inter linguistique et variation intralinguistique
VI-1-LA VARIATION INTRALINGUISTIQUE OU VARIATION DANS LES USAGES DE LA
LANGUE Il y a variation intralinguistique lagrave ougrave les locuteurs utilisent deux ou plusieurs variantes drsquoun mecircme
systegraveme donc drsquoune mecircme langue A lrsquointeacuterieur drsquoune mecircme langue il y a une variation constante Celle-ci peut ecirctre geacuteographique ou sociale mais la plupart du temps ces facteurs interfegraverent lrsquousage drsquoun patois est un pheacutenomegravene geacuteographique mais qui marque aussi une hieacuterarchie sociale La variation peut prendre la forme de patois de dialectes de langues de minoriteacute (en France le basque ou lrsquoalsacienne sont pas apparenteacutes au franccedilais) Crsquoest la dialectologie qui depuis la fin du XIX eacuteme siegravecle eacutetudie ce type de pheacutenomegravenes Lrsquourbanisation massive et le deacuteveloppement des communications ont bouleverseacute la
dialectologie traditionnelle qui eacutetait tourneacutee vers le monde rural Aujourdrsquohui crsquoest le monde urbain qui offre les terrains drsquoenquecircte les plus riches Crsquoest pourquoi la sociolinguistique se propose de reacuteinteacutegrer lrsquohomme dans la langue le locuteur son milieu celui auquel il srsquoadresse la communauteacute linguistique mecircme si toutes ces donneacutees sont extrecircmement complexes De fait dans les anneacutees 60 aux eacutetats ndashunis W Labov auteur notamment drsquoune seacuterie drsquoarticles publieacutes en franccedilais dans le recueil Sociolinguistique sociolinguiste bien connu pour son rocircle dans la recherche a fait apparaicirctre lrsquoabsolue neacutecessiteacute de consideacuterer la reacutealiteacute des productions langagiegraveres et non plus des abstractions (cette recherche sur les abstractions correspondait agrave un courant de la linguistique theacuteorique) il nrsquoheacutesite pas agrave dire que la sociolinguistique crsquoest la linguistique mecircme srsquoil est obligeacute de constater que certains linguistes neacutegligent agrave tort lrsquoeacutetude du contexte social Pour nous notre objet drsquoeacutetude est la structure et lrsquoeacutevolution du langage au sein du contexte social formeacute par la communauteacute linguistique Les sujets consideacutereacutes relegravevent du domaine ordinairement appeleacute linguistique geacuteneacuterale phonologie morphologie syntaxe et seacutemantique Les problegravemes theacuteoriques que nous soulegraveverons appartiennent eacutegalement agrave cette cateacutegorie tels la forme des regravegles linguistiques leur combinaison en systegravemes la coexistence de plusieurs systegravemes et lrsquoeacutevolution dans le temps de ces regravegles et de ces systegravemes Srsquoil nrsquoeacutetait pas neacutecessaire de marquer le contraste entre ce travail et lrsquoeacutetude du langage hors de tout contexte social je dirais volontiers qursquoil srsquoagit lagrave tout simplement de linguistique Et lrsquoon peut srsquoeacutetonner qursquoil soit utile de donner une base sociale eacutelargie agrave ce domaine Que la linguistique geacuteneacuterale quel qursquoen soit le contenu doive reposer avant tout sur le langage tel que lrsquoemploient les locuteurs natifs communiquant entre eux dans la vie quotidienne cela paraicirct aller de soi Aussi est-il profitable avant de continuer de voir preacuteciseacutement pourquoi il nrsquoen a pas eacuteteacute ainsi (Labov 1976 Lrsquoeacutetude de la langue dans son contexte social pp 258-259) Pour Labov il nrsquoy a pas drsquoeacutetude de la langue sans prise en compte des hommes qui la parlent sans eacutetude de lrsquoenvironnement social De ce fait Labov tente de correacuteler les maniegraveres de parler avec des variables sociales qui peuvent ecirctre beaucoup plus fines (et qui sont deacutetermineacutees preacuteciseacutement par lrsquoanalyse) que les grandes cateacutegories sociales traditionnelles (profession sexe acircge lieu de reacutesidence etc) Labov devant les donneacutees ordinaires de la situation de communication qui comportent une forte heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et qui sont geacuteneacuteralement consideacutereacutees comme aleacuteatoires va chercher agrave eacutetablir une systeacutematiciteacute (Gadet 1992b) En quelque sorte srsquoattachant au concept de variation libre Labov essaye drsquoeacutetablir les regravegles de cette variation drsquoen montrer les conditionnements Labov met agrave jour des reacutegulariteacutes trop systeacutematiques pour ecirctre le fait du hasard et il srsquoefforce de montrer selon les formules de F Gadet qursquo+ il y a une stratification de lrsquousage de la langue dans la socieacuteteacute dont il a pu eacutetablir qursquoelle eacutetait agrave la fois reacuteguliegravere et extrecircmement fine Elle ne peut toutefois se saisir qursquoagrave travers des consideacuterations de freacutequence puisque ce nrsquoest guegravere la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoune variante qui est en cause mais des taux drsquooccurrences compareacutes (F Gadet 1992b p 6)
Il srsquoagit drsquoassocier chaque variante linguistique agrave une cause extra-linguistique (classe sociale sexe acircge habitat race attitudes du locuteurs circonstances de la communication etc) ou chaque ensemble de variantes linguistiques (reacutealisation dune variable) agrave une ou des variables sociales selon un scheacutema que lrsquoon pourrait repreacutesenter ainsi
Ensemble des variables sociales Ensemble des variables linguistiques Une fois correctement eacutetablies les variables en modifiant lrsquoune des variables sociales on devrait
obtenir une varieacuteteacute nouvelle (un ensemble de variantes diffeacuterentes) au niveau linguistique Attention on rappellera ici la notion de variante conditionneacutee On parle en linguistique de variante
conditionneacutee quand on peut eacutetablir une correacutelation stricte entre lrsquoapparition drsquoune uniteacute linguistique et le
contexte linguistique de son apparition ainsi en franccedilais du Midi la reacutealisation [o] [ɔ] est conditionneacutees ces deux formes sont deux variantes conditionneacutees drsquoune seule uniteacute phonologique le o selon la regravegle
suivante [o] en finale ex pot chaud dos o [ɔ] + C ex rose chaude jaune code Paul pocircle Dans
drsquoautres reacutegions de France on pourra trouver des o et des ɔ non conditionneacutes par le contexte comme le montrent les prononciations laquo parisiennes raquo de saute sotte ou de pocircle Paul
Crsquoest un conditionnement de ce type que Labov a tenteacute drsquoeacutetablir non plus entre un environnement linguistique et certains sons mais entre des variables extra-linguistiques (sexe acircge situation sociale) et des uniteacutes comportant du sens (du morphegraveme uniteacute minimale de signification agrave la phrase ou au discours uniteacute vaste) Dans une perspective deacuteterministe (une deacutemarche scientifique est drsquoune faccedilon ou drsquoune autre preacutesenteacutee comme deacuteterministe) Labov pense que si nous ne parvenons pas agrave eacutetablir un conditionnement strict entre des variables extra-linguistiques et des variantes linguistiques crsquoest parce que notre analyse est
incomplegravete parce que nous avons neacutegligeacute des donneacutees Il propose de ce fait de multiplier les investigations pour trouver les variables pertinentes
Avec William Labov le pegravere de lapproche variationniste en sociolinguistique on a pris lhabitude de distinguer quatre types de variation
la variation diachronique (ou historique) la variation diatopique (ou geacuteographique) la variation diastratique (ou sociale) la variation diaphasique (ou stylistique)
Variation diachronique
La variation diachronique est lieacutee au temps elle permet de cotraster les traits selon quils sont perccedilus comme plus ou moins anciens ou reacutecents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diatopique
La variation diatopique joue sur laxe geacuteographique la diffeacuterenciation dune langue suivant les reacutegions relegraveve de cette variation Pour deacutesigner les usages qui en reacutesultent on parle de reacutegiolectes de topolectes ou de geacuteolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diastratique
La variation diastratique explique les diffeacuterences entre les usages pratiqueacutees par les diverses classes sociales Il est question en ce cas de sociolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diaphasique
On parle de variation diaphasique lorsquon observe une diffeacuterenciation des usages selon les situations de discours ainsi la production langagiegravere est-elle influenceacutee par le caractegravere plus ou moins formel du contexte deacutenonciation et se coule-t-elle en des registres ou des styles diffeacuterents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Franccediloise Gadet propose dajouter la variation diameacutesique quelle deacutefinit ainsi Une autre distinction relevant eacutegalement de lusage intervient entre oral et eacutecrit Elle est particuliegraverement forte dans une langue de culture tregraves standardiseacutee comme la franccedilaise Ici cest la distinction de chenal de transmission de la parole qui constitue le point dancrage de la diffeacuterence aucun locuteur ne parle comme il eacutecrit aucun neacutecrit comme il parle La distinction nest pas purement mateacuterielle elle touche aussi la conception mecircme des discours Il faudra donc distinguer entre ce qui est un effet geacuteneacuteral de loraliteacute et ce qui relegraveve de la variation (Gadet 2004 p 98)
Cette recherche de William Labov (La stratification sociale de lrsquoanglais dans la ville de New york) a eacuteteacute
meneacutee sur la relation entre variation linguistique et stratification sociale dans une grande ville ameacutericaine et en particulier sur lrsquoanglais de noirs Une preacute-enquecircte meneacutee dans trois grands magasins diffeacuterents quant agrave la qualiteacute et au prix des produits vendus et par conseacutequent agrave la cateacutegorie sociale de leur clients a permis de montrer que les employeacutes de ces magasins qui pourtant appartenaient tous agrave la mecircme classe sociale reacutealisaient les variantes phoneacutetiques conformeacutement agrave la faccedilon de parler des clients agrave qui ils avaient affaire en fonction du magasin(du quartier ougrave il se trouvait) voire du rayon dans le magasin( de la nature des produits proposeacutes)
La seule preacutesence de lrsquoobservateur lors drsquoune enquecircte suffit agrave modifier le comportement linguistique de lrsquoenquecircteacute lequel a tendance agrave se rapprocher de la varieacuteteacute officielle ou de prestige Les modaliteacutes de lrsquoenquecircte entraicircnent eacutegalement des variations dans les productions Crsquoest ce qui a ameneacute Labov agrave varier ses strateacutegies (eacutecoute pirate deacuteguisement ) et agrave deacutefinir des styles contextuels dont le plus surveilleacute reacutepond agrave la lecture et le moins surveilleacute au discours spontaneacute familier hors enquecircte Lagrave aussi plus le locuteur accorde drsquoattention agrave son discours plus il se rapproche de la norme officielle Tout cela met en lumiegravere la fonction sociale et symbolique des variations linguistiques qui ne sont que rarement des choix deacutelibeacutereacutes
La varieacuteteacute linguistique propre agrave un groupe dominant srsquoimpose comme marque de prestige et deacutetermine lrsquoattitude des locuteurs du groupe domineacute face agrave leur propre varieacuteteacute les colonisateurs le savent bien et un de leurs premiers soucis est de transmettre leur eacutevaluation Ces travaux de dialectologie urbaine ont permis de deacutevelopper des meacutethodologies originales drsquoanalyse de lrsquousage en situation authentique lrsquoobservateur srsquoefforccedilant de ne pas fausser les donneacutees par sa preacutesence
-variation selon les groupes sociaux il peut srsquoagir de groupes constitueacutes sur les bases de lrsquoorigine
ethnique du pouvoir eacuteconomique du sexe de lrsquoacircge
-variation en fonction de la situation de communication les mecircmes locuteurs ne parlent pas de la
mecircme faccedilon selon les situations (en situation formelle ou en situation familiegravere agrave lrsquoeacutecrit et agrave lrsquooral
A partir de cette enquecircte ceacutelegravebre sur les adolescents noirs lAmeacutericain William Labov a donc rechercheacute les correacutelations entre certaines variations linguistiques et la position sociale des locuteurs etou la situation de communication
Cette deacutemarche la ameneacute agrave isoler deux niveaux de variation
- Un niveau social diffeacuterents locuteurs dune mecircme langue parlent diffeacuteremment
- Un niveau stylistique un mecircme locuteur utilise diffeacuterents registres de langage (familier soutenu) selon la situation Mais W Labov remarque que leacutecart entre langue courante et langue soutenue est beaucoup plus important chez un ouvrier que chez un cadre supeacuterieur
Pour W Labov la langue est soumise agrave trois sortes de regravegles
- Les regravegles cateacutegoriques quaucun locuteur ne viole jamais Aucun francophone ne dit laquo on venons raquo ou laquo nous vient raquo
- Les regravegles semi cateacutegoriques dont la violation - freacutequente - est interpreacutetable socialement la tournure laquo aller au coiffeur raquo est jugeacutee populaire par la norme
- Les regravegles variables
- Se meacutefier de lrsquointrospection drsquoune preacutetendue laquo compeacutetence raquo (cf Chomsky) on ne touche de fait
que des laquo performances raquo et il existe des proceacutedures objectives drsquoanalyse linguistique pour
approcher la variation ndash qui est la regravegle
- Srsquoil y a de la variation il convient toujours de tenter de lrsquoexpliquer les preacutetendues laquo variantes
libres raquo sont des variantes dont le conditionnement nous eacutechappe mais il convient de chercher
parmi les donneacutees sociales au sens large celles qui de fait conditionnent les variantes analyseacutees
-Se rappeler que lrsquoon tente toujours drsquoenquecircter sur la langue drsquoune communauteacute linguistique et non
pas sur celle drsquoun seul individu Se soucier neacutecessairement de la question de la repreacutesentativiteacute des
informateurs
En conseacutequence scepticisme quant aux laquo universaux raquo au sens ougrave ils pourraient ecirctre preacutesents
dans toutes les langues Mais crsquoest lrsquoexplication qui forge lrsquouniversaliteacute (cf ne pas confondre les
universaux de la linguistique avec des universaux du langage )
- Inteacuterecirct particulier pour le changement linguistique tout particuliegraverement les signes du
changement en cours Toutes conditions eacutegales ce qui a entraicircneacute des changements dans le passeacute se
reproduit neacutecessairement maintenant (mais ne pas oublier les caracteacuteristiques sociales qui font
partie des laquo conditions eacutegales raquo)
VI- 2 LA VARIATION INTERLINGUISTIQUE Il nrsquoest pas dans notre intention drsquoeacutenumeacuterer ici toutes les deacutefinitions ou typologies proposeacutees pour le bilinguisme mais de retenir celles qui nous semblent avoir un inteacuterecirct pour la sociolinguistique
VI-2-1 Bilinguisme et plurilinguisme
Tregraves longtemps il y a eu des deacutebats pour savoir srsquoil fallait parler de bilinguisme ou de
plurilinguisme Il y a de nombreuses deacutefinitions nous retenons celle de
-Georges Mounin laquo Le fait pour un individu de parler indiffeacuteremment deux langues raquo laquo eacutegalement
coexistence de deux langues dans la mecircme communauteacute pourvu que la majoriteacute des locuteurs soit
effectivement bilingue raquo
-Deacutefinition du dictionnaire de didactique des langues laquo le bilinguisme est une situation qui
caracteacuterise les communauteacutes linguistiques et les individus installeacutes dans les reacutegions multilingues
-Dictionnaire des sciences du langage de Todorov laquo un individu est dit multilingue srsquoil possegravede
plusieurs langues apprises lrsquoune comme lrsquoautre comme langue maternelle raquo
Le bilinguisme agrave travers ces trois deacutefinitions peut ecirctre consideacutereacute soit comme le fait drsquoune
communauteacute soit comme le fait drsquoun individu Ces diffeacuterences renvoient agrave tout un deacutebat de
linguistes qui consideacuteraient que seuls les individus peuvent ecirctre bilingues et drsquoautres qui
consideacuteraient que cette notion peut srsquoeacutetendre agrave toute une communauteacute linguistique
Se posent alors le problegraveme de degreacute drsquoextension du bilinguisme agrave partir de quel pourcentage
considegravere - t-on que la communauteacute est bilingue et quand peut-on parler de bilinguisme
Selon lrsquoacircge drsquoacquisition des langues on a pu parler de bilinguisme preacutecoce ou tardif selon la
distribution faite dans la communauteacute on parle de bilinguisme composeacute individuel stylistique ou
social Toutes ces approches deacutefendent un point de vue diffeacuterent
Les diffeacuterentes approches -Lrsquoapproche normative
Elle prend en consideacuteration le degreacute de maicirctrise de la langue deux positions srsquoaffrontent lrsquoune dit
que tout le monde est bilingue lrsquoautre que personne est bilingue
a)Tout le monde est bilingue
Les deacutefenseurs de cette thegravese pensent que dans tout acte de communication les locuteurs srsquoadaptent
agrave une situation donneacutee Or une langue varie selon les situations de communication les locuteurs
drsquoune langue disposent drsquoune varieacuteteacute drsquousages maicirctriser une langue crsquoest savoir utiliser cette
varieacuteteacute crsquoestndashagrave-dire savoir adapter son discours agrave chacune de ses situations linguistiques
Mahmoudian eacutecrit laquo on maicirctrise mieux une langue dans la mesure ougrave on manie un nombre plus
eacuteleveacute drsquouniteacutes linguistiques et que lrsquoon comprend mieux le sens qui rattache ces uniteacutes aux
circonstances raquo
Martinet laquo deacuteveloppe la mecircme ideacutee lorsqursquoil dit que la maicirctrise drsquoune langue est constitueacute par une
hieacuterarchie drsquousages possibles qui sont les usagers quotidiens les usagers solennels politiques
artistiques
Ceci implique donc que le locuteur est agrave chaque instant obligeacute drsquoadapter son langage agrave la situation
On peut dire que tout locuteur est bilingue exemple du langage becirctifieacute des parents lorsqursquoils
parlent aux enfants ou les colons qui tentent drsquoadapter leur langue maternelle aux parlers creacuteoles
b) Personne nrsquoest bilingue
Certains linguistes disent que le bilinguisme nrsquoexiste pas dans la mesure ougrave personne nrsquoest capable
de maicirctriser agrave la perfection deux langues crsquoest agrave dire sans aucune interfeacuterence Si on prend en
consideacuteration ces paramegravetres il nrsquoy a pas de bilinguisme
Andreacute Martinet explique que ce critegravere de la perfection nrsquoa guegravere de sens car mecircme un locuteur
unilingue ne possegravede pas agrave la perfection sa langue et qursquoil nrsquoen utilise pas toutes les possibiliteacutes
lexicales ou syntaxiques Ce critegravere de la perfection est rejeteacute car il ne permet nullement de deacutefinir
le bilinguisme ou le monolinguisme
c La troisiegraveme tendance tente de deacutefinir le degreacute de maicirctrise relative
Ils rapportent la meacutethode de Malherbe une seacuterie de critegraveres permettent de deacutefinir une situation de
bilinguisme
-ecirctre en mesure de mener une conversation un discours ou un sermon dans une langue eacutetrangegravere
que ce soit agrave lrsquoeacutecrit ou agrave lrsquooral Savoir lire les journaux dans cette langue et en saisir lrsquohumour
-Etre en mesure de mener une conversation intelligible dans une autre langue et pouvoir lire sa
litteacuterature
-Savoir lire implacablement lrsquoautre langue
-Savoir enseigner les deux langues
-Posseacuteder une grande maicirctrise des deux langues
-Posseacuteder une connaissance parfaite des deux langues
Que dire
La mesure de la perfection repose sur des jugements de valeur subjectifs on mecircle diffeacuterents
niveaux de maicirctrise drsquoune langue lrsquoeacutecrit et lrsquooral
On mecircle pareillement la maicirctrise drsquoune langue et lrsquoaptitude agrave lrsquoenseigner ce qui ne se justifie pas
Beaucoup savent parler une langue mais ne peuvent lrsquoenseigner
On peut dire que les systegravemes de mesure de la perfection linguistique est un faux problegraveme car
toute situation de bilinguisme est marqueacutee par une fluctuation des usages (variation continuelle)
En effet le comportement linguistique des bilingues est tregraves variable il deacutepend de nombreux facteurs drsquoordres psychologiques et sociaux Il y a des pheacutenomegravenes de pressions sociales les situations de communication qui fait qursquoon ne peut eacutetablir des grilles rigoureuses La mesure de perfection se reacutevegravele vaine il faut srsquoen tenir aux propositions de W Mackey laquo le bilinguisme doit ecirctre consideacutereacute comme un concept non pas absolu mais relatif raquo Renzo Titone ajoute en rapportant Mackey qursquoil ne faut pas poser la question cet individu est-il bilingue Mais plutocirct dans quel sens est-il bilingue crsquoest-agrave-dire qursquoil faut rendre compte de la pratique bilingue du locuteur de son comportement bilingue mais pas tenter de deacutefinir la nature du bilinguisme qursquoil pratique
Lrsquoapproche psychologique
A-Le bilinguisme infantile ou preacutecoce On parle de bilinguisme infantile quand il srsquoagit drsquoun enfant qui degraves sa naissance est
simultaneacutement confronteacute agrave deux systegravemes linguistiques diffeacuterents par exemple lorsque la megravere et le
pegravere parlent agrave lrsquoenfant chacun leur langue ou lorsqursquoune 3egraveme
personne parle une autre langue que
celle que parlent les parents En fait cette situation est plus rare que la situation de bilinguisme
preacutecoce ougrave lrsquoon a des enfants monolingues dans les premiegraveres anneacutees de leur enfance qui
apprennent ensuite une seconde langue soit par impreacutegnation du milieu familial et social soit agrave
lrsquoeacutecole Les eacutetudes agrave orientation psychologiques se proposent toujours diffeacuterents objectifs certaines
eacutetudes se proposent drsquoexaminer le comportement de lrsquoenfant qui est aussi tregraves tocirct mis en contact
avec 2 ou plusieurs langues en geacuteneacuteral ces eacutetudes essaient de deacuteterminer la conscience qursquoa
lrsquoenfant de parler ou de ne pas parler plusieurs langues on a 2 types de constatations qui
apparemment sont contradictoires
1-Il semble selon certaines expeacuteriences que les enfants acquiert les diffeacuterentes langues sans
srsquoen apercevoir On cite les propos drsquoun linguiste allemand bilingue qui degraves son plus jeune acircge agrave la
question raquo savez vous depuis le deacutebut que vous parliez deux langues Il reacutepondit laquo je suppose que
non je parlais spontaneacutement la langue de mon interlocuteur sans savoir ce que je faisais et cela
depuis le deacutebut comme jrsquoai pu le deacuteduire du teacutemoignage de mes parents
2- En face de ce premier type de recherche on a une autre type de recherche qui montre que les
enfants distingue assez tocirct entre 3 et 4 ans les diffeacuterents systegravemes qursquoil parle et preacuteciseacutement cette
capaciteacute de parler et la situation dans laquelle ils se trouvent tregraves vite ils perccediloivent ce qursquoon
attend drsquoeux dans la situation scolaire et dans la situation familiale ou amicale
Un autre facteur inteacuteressant crsquoest leur capaciteacute de traduire Renzo Titone cite le cas de conscience
diffeacuterentielle qui lui permet de diffeacuterencier les systegravemes ce qui implique que lrsquoenfant possegravede une
double compeacutetence crsquoest-agrave-dire une maicirctrise intuitive de regravegles et de meacutecanismes diffeacuterents
laquo Lrsquoenfant bilingue reacuteussit-il agrave faire le rapport entre les personnes et les situations distinctes et les
idiomes raquo
Lrsquoenfant pratique la diffeacuterenciation des systegravemes mais il ne possegravede pas la capaciteacute drsquoeacutenoncer de
formuler cette aptitude Il a une conscience intuitive qursquoil ne peut formuler
Le bilinguisme favorable ou deacutefavorable
La question souvent poseacutee est celle de savoir si le bilinguisme est favorable ou deacutefavorable
srsquoil est nuisible ou non Cette question est poseacutee agrave deux niveaux drsquoabord agrave propos des enfants on
se demande bien souvent si le bilinguisme est preacutejudiciable ou non au deacuteveloppement de lrsquoenfant
crsquoest agrave dire agrave son eacutequilibre psychologique affectif drsquoautre part si crsquoest preacutejudiciable agrave lrsquoacquisition
de sa langue maternelle et de sa langue Ces preacutesupposeacutes sont deacutementis par de nombreuses
expeacuteriences faites sur des enfants bilingues
Renzo Titone expose le cas drsquoun enfant qui apprend lrsquoallemand avec sa megravere et le franccedilais avec
son pegravere la prononciation fut celle drsquoun enfant unilingue degraves le deacutebut le bilinguisme ne retardera
pas le deacuteveloppement geacuteneacuteral du langage crsquoest agrave dire que lrsquoacquisition des deux langues nrsquoa pas
entraicircneacute de retard Les emprunts drsquoune langue agrave une autre reacuteitegraverent des cas isoleacutes Dans les deux
langues on assisteacute agrave un deacuteveloppement parallegravelement en phoneacutetique en morphologie en syntaxe
Lrsquoenfant devient tregraves vite conscient de son bilinguisme et traduisait les messages drsquoune langue agrave
une autre Il acquit le concept abstrait de langue Tous ces exemples donneacutes par Titone semblent
contredire la thegravese qui veut que le bilinguisme soit dangereux preacutejudiciable Mecircme thegravese
deacuteveloppeacutee par Abdellah Cheacuteriet pour qui le bilinguisme est contre reacutevolutionnaire dangereux
pour lrsquoauthenticiteacute et pour la langue arabe alors que Lacheraf eacutetait pour le bilinguisme
Selon Cheacuteriet le bilinguisme nrsquoest pas une voie reacutevolutionnaire pour lrsquoenseignement mais
bourgeoise car ce nrsquoest pas le bilinguisme qui donne au peuple sa formation socialiste De plus le
bilinguisme est contraire agrave lrsquoauthenticiteacute et le fait drsquoenseigner une langue eacutetrangegravere agrave lrsquoenfant
orientera sa mentaliteacute et donc son authenticiteacute
Remarque le bilinguisme est consideacutereacute sous un angle particulier on considegravere les deux
langues rivales Pourtant lrsquoAlgeacuterie est plurilingue et Cheacuteriet ne parle jamais des autres langues les
arguments avanceacutes sont biaiseacutes la reacutealiteacute linguistique nrsquoest jamais deacutecrite lrsquoarabe classique est
consideacutereacute comme une langue maternelle En fait le veacuteritable problegraveme dans des cas de bilinguisme
est la prise en charge peacutedagogique et un environnement harmonieux laquo En creacuteant un environnement
adapteacute le petit enfant pourrait tregraves bien apprendre deux langues ou plus sans grave difficulteacute et la
redoutable barriegravere linguistique serait deacutetruite agrave la base raquoTitone
3 Lrsquoapproche sociale On peut parler du bilinguisme social lorsqursquoon prend en consideacuteration lrsquoexpansion du
bilinguisme au niveau de toute une communauteacute Cette approche sociale traite drsquoun certains
nombres de questions
-le statut des langues en contact
-la distribution de ces langues crsquoest-agrave-dire comment les langues se distribuent-elles
parmi les locuteurs comment sont-elles pratiqueacutees par les locuteurs drsquoougrave lrsquoeacutetude drsquoun certains
nombre drsquoeacuteleacutements agrave prendre en charge la situation de communication lrsquoappartenance sexuelle
sociale on srsquoattache aussi au pheacutenomegravene de prestige de valorisation et de deacutevalorisation
pheacutenomegravene de meacutemorisation Crsquoest-agrave-dire lrsquoattitude du locuteur agrave lrsquoeacutegard de ceux qui parlent
-les problegravemes de planification linguistique Elle prend aussi en charge le retentissement
de tous les eacuteleacutements au niveau de la dynamique des langues crsquoest agrave dire la capaciteacute drsquoeacutevolution de
stagnation de vie ou de mort des langues quels sont les symptocircmes qui permettent de reconnaicirctre
ces pheacutenomegravenes
Lrsquoimportance de ces pheacutenomegravenes sociaux se manifeste dans lrsquoexemple que nous
empruntons agrave Juliette Garmadi 1981 La sociolinguistique PUF Paris concernant le cas du
Vaupegraves reacutegion qui se situe au centre de lrsquoAmazonie avec une frontiegravere commune agrave la Colombie et
au breacutesil
Quelles sont les caracteacuteristiques sociales de cette reacutegion il srsquoagit drsquoune population
indienne qui vit dans des habitations disperseacutees cependant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune
population seacutedentaire bien qursquoil lui arrive de se deacuteplacer Il y a plusieurs niveaux de structuration
sociale de cette population elle est structureacutee en uniteacutes deacutefinies par un seul critegravere lrsquouniteacute
linguistique Chaque groupe drsquoindividus parlant la mecircme langue est consideacutereacute comme appartenant
agrave la mecircme tribu La tribu est deacutefinie par la langue du pegravere donc tous ceux qui ont utiliseacutes degraves leur
enfance la langue du pegravere font partie de la mecircme tribu Crsquoest donc la langue du pegravere qui confegravere
lrsquoidentiteacute au groupe agrave la tribu Un indien de cette tribut doit se marier avec une femme drsquoune autre
tribu obligatoirement donc parlant une autre langue sinon cela est consideacutereacute comme un inceste
Exemple un enfant appartenant agrave une tribu doit avoir comme premiegravere langue la langue de son
pegravere la megravere est tenue drsquoapprendre la langue de son mari mais elle peut aussi parler sa langue avec
les autres femmes elle communique avec son fils la langue de son mari
Quels sont les points que suscite lrsquoattention du linguiste par rapport au vaupeacutes
-Au niveau de lrsquoeacutetendue du bilinguisme
Le plurilinguisme pourrait ecirctre envisageacute dans cette reacutegion agrave plusieurs niveaux au niveau familial
ou cellule nucleacuteaire Au niveau de la tribu au niveau du Vaupegraves
Selon Juliette Garmadi il y a une stabiliteacute du plurilinguisme que lrsquointroduction du portugais et de
lrsquoespagnol dans la reacutegion ne semble pas remettre en cause Elle affirme une des premiegraveres
conclusions que lrsquoon peut tirer de lrsquoeacutetude de la situation du Vaupegraves est que les socieacuteteacutes complexes
ne sont pas les seules garantes possibles de la stabiliteacute du plurilinguisme Elle veut dire que lrsquoon
aurait tendance agrave croire qursquoune situation comme le vaupeacutes avec lrsquoaccord de la colonisation aurait
pu voir son plurilinguisme ceacuteder devant la langue du colonisateur or il nrsquoen est rien car le
plurilinguisme du Vaupegraves se maintient tregraves bien Donc les socieacuteteacutes stables ne sont pas les seules
garantes de la stabiliteacute
Lrsquoexistence du plurilinguisme et de sa stabiliteacute ne sont lieacutees ni agrave des types drsquoinstitutions preacutecises ni
au nombre des locuteurs ni agrave la dimension ni agrave la densiteacute drsquoun pays
Juliette Garrmadi agrave travers lrsquoexemple du Vaupegraves semble remettre en question toutes ces
hypothegraveses
-Au niveau psychologique du bilinguisme
Au niveau psychologique le plurilinguisme peut ecirctre preacutecoce ou tardif ce bilinguisme est aussi
eacutequilibreacute car les langues acquises dans lrsquoenfance le sont avec une maicirctrise eacutegales
-Au niveau linguistique et seacutemio culturel
Au niveau des systegravemes culturels transmis par le langage on peut parler de bilinguisme composeacute
crsquoest agrave dire que les langues parleacutees reacutefegraverent agrave une mecircme situation seacutemio culturelle que les langues
indiennes parleacutees dans le Vaupegraves renvoient au mecircme reacutefeacuterent culturel dans la mesure ougrave la culture
indienne de cette reacutegion est homogegravene et que toutes les langues parleacutees sont le veacutehicule de cette
culture homogegravene ce qui peut se traduire en disant que les enfants du Vaupeacutes ont un seul systegraveme
de signifieacute mais qursquoils ont pour le traduire diffeacuterents signifiants correspondant aux diffeacuterentes
langues qursquoils parlent Crsquoest dans ce cas que lrsquoon parle de bilinguisme composeacute car ce dernier
implique theacuteoriquement la permeacuteabiliteacute des systegravemes linguistiques en contact crsquoest-agrave-dire qursquoil y a
tregraves souvent passage drsquoune langue agrave une autre il y a interfeacuterence agrave tout niveau phonologique
lexical et syntaxique
Conclusion
Si lrsquoon srsquoen tient au cas du Vaupeacutes on peut dire agrave propos de lrsquoAlgeacuterie qursquoelle preacutesente bien une
situation de plurilinguisme social Ce bilinguisme peut ecirctre caracteacuteriseacute agrave la fois comme preacutecoce et
tardif(beaucoup drsquoenfants apprennent les langues dans leur petite enfance mais aussi agrave lrsquoeacutecole) Ce
bilinguisme est aussi eacutequilibreacute il est plutocirct coordonneacute que composeacute car le reacutefeacuterent seacutemioculturel du
kabyle et du franccedilais est diffeacuterent du kabyle et de lrsquoarabe le franccedilais lrsquoest aussi
Cours 4
Bilinguisme et diglossie
1-Introduction
Dans une situation de contact de langues le statut de chaque langue varie suivant les rapports de
domination entre les groupes qui les parlent et les perceptions que les individus ont de ces rapports
Il srsquoensuit que les usages langagiers varient dans lrsquoespace social et geacuteographique en fonction de ces
rapports intergroupes si ces rapports changent les rapports de statut et donc les usages eux-mecircmes
varieront Crsquoest agrave de tels pheacutenomegravenes de variations sociolinguistiques que nous allons nous
inteacuteresseacutes En premier lieu nous examinerons le pheacutenomegravene de diglossie qui reacutesulte de relation de
statuts entre une langue et une varieacuteteacute de langue super-ordonneacutee et une autre langue ou varieacuteteacute de
langues subordonneacutees dont les usages respectifs sont en distribution compleacutementaire plus ou moins
stable dans une socieacuteteacute donneacutee
Selon Mackey laquo une socieacuteteacute dont tous les membres seraient capables de comprendre lire parler et
eacutecrire deux langues utiliseacutees dans cette socieacuteteacute devrait sans doute abandonner une de ces langues
car elle serait redondante Autrement dit pour que deux ou plusieurs langues survivent dans une
socieacuteteacute il est neacutecessaire qursquoelles remplissent des fonctions compleacutementaires-soit qursquoelles sont
utiliseacutees par tous les locuteurs pour des fonctions et dans des domaines distincts soit qursquoelles sont
utiliseacutees par des locuteurs appartenant agrave des groupes ethnolinguistiques diffeacuterents soit qursquoun
groupe parle la langue dominante lrsquoautre groupe la langue domineacutee avec entre les deux des
individus bilingues qui parlent la langue de lrsquoun et de lrsquoautre
1-Deacutefinition et historique de la diglossie
La notion de diglossie (du grec ancien diglottos signifiant bilingue) est un concept
sociolinguistique deacuteveloppeacute par Ferguson(1959) pour deacutecrire toute situation dans laquelle deux
varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue sont employeacutees dans des domaines compleacutementaires lrsquoune de ces
varieacuteteacute eacutetant geacuteneacuteralement de statut socialement supeacuterieur agrave lrsquoautre
Dans un sens large la diglossie existe dans toutes les socieacuteteacutes ougrave lrsquousage quotidien diffegravere
sensiblement de la norme officielle il faut que chaque varieacuteteacute soit utiliseacutees de maniegravere
systeacutematique par exemple une varieacuteteacute est employeacutee dans les domaines formelles comme
lrsquoadministration la religion la poeacutesie alors que lrsquoautre est reacuteserveacutee agrave la conversation courante aux
discussions informelles agrave la correspondance non officielle Fergusson qualifie ces deux varieacuteteacutes
lrsquoune haute et lrsquoautre basse Exemple Le monde arabe lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal La
Gregravece le grec le katharevousa et le grec populaire le dhimotiki
Le terme de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Fishman (1967) agrave lrsquousage compleacutementaire institutionnaliseacute
de deux langues distinctes dans une communauteacute donneacutee Cette situation de diglossie se caracteacuterise
par un certain nombre de traits
-La fonction la fonction des deux varieacuteteacutes H et L nrsquoest pas la mecircme il y a reacutepartition de chacune
drsquoentre elles selon les situations de communication
-la notion de prestige on se place ici au niveau de lrsquoattitude des locuteurs qui ont tendance agrave
qualifier H de supeacuterieure de plus belle de plus logique de plus apte agrave exprimer les penseacutees
importantes Ils affirment aussi qursquoils preacutefegraverent entendre un discours politique dans cette varieacuteteacute La
varieacuteteacute L est consideacutereacutee comme eacutetant infeacuterieure incapable drsquoexprimer un discours litteacuteraire
-La litteacuterature eacutetant reacutedigeacutee dans la varieacuteteacute haute elle contribue agrave ce que cette derniegravere soit tenue
dans sa plus haute consideacuteration
Le mode drsquoacquisition La varieacuteteacute basse est geacuteneacuteralement la langue maternelle son acquisition se
fait par lrsquousage donc au sein de la famille La varieacuteteacute haute srsquoapprend agrave lrsquoeacutecole
-La standardisation constitueacutee par la moyenne des usages des locuteurs ex le franccedilais standard
constitue la norme
-La stabiliteacute la situation de diglossie est passagegravere soumise agrave lrsquoeacutevolution Le rapport entre une
langue H et une langue L est ponctuel eacutepheacutemegravere susceptible drsquoeacutevolution
En fait dit Fergusson il nrsquoen est rien La situation de diglossie se caracteacuterise par la stabiliteacute elle
peut durer plusieurs siegravecles Srsquoil y a eacutevolution crsquoest par lrsquointermeacutediaire drsquoune forme de langue
intermeacutediaire qui ne remet pas en cause veacuteritablement le rapport entre H et L comme par exemple
lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal
Le concept de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Gumperz(1971) aux socieacuteteacutes multilingues dans le sens ougrave
celles-ci peuvent utiliser diffeacuterentiellement plusieurs codes (langues dialectes) dans des domaines
et des fonctions compleacutementaires comme lrsquoInde qui a deux langues officielles hautes le hindi et
lrsquoanglais en plus des langues reacutegionales
2-Le rejet de la notion de diglossie
-Martinet utilise plusieurs eacuteleacutements pour remettre en cause la notion de diglossie
Selon Martinet Fishman et Gumperz adoptent la notion de diglossie pour des raisons
sociologiques pour marquer la distinction bilinguisme individuel versus bilinguisme social La
diglossie implique le bilinguisme communautaire
Dans cette perspective on ne voit pas ce que la distinction bilinguisme diglossie apporterait de
nouveau par rapport au bilinguisme individuel et bilinguisme social
Martinet rappelle que la hieacuterarchie entre les langues nrsquoest pas absolue il nrsquoest pas toujours possible
dans toutes les situations linguistiques de deacuteterminer la hieacuterarchie Exemple le Canada
Lrsquoanglais est reacuteserveacute au domaine eacuteconomique et technique le franccedilais est reacuteserveacute au domaine
culturel Ces deux langues sont des langues de prestige bien qursquoelles ne soient pas sur un pied
drsquoeacutegaliteacuteccedila eacutetait la langue de lrsquoeacuteglise or nous dit-il cet argument nrsquoest plus valable car la
katareacuterouza a beaucoup eacutevolueacute par rapport agrave la langue religieuse
Le second argument de Drettas est la remise en cause du systegraveme de standardisation retenue par
Fergusson pour lui on ne peut retenir ce critegravere dans la mesure ougrave le corpus de reacutefeacuterence est
heacuteteacuterogegravene
3- La situation de lrsquoAlgeacuterie
Fergusson considegravere les pays arabes comme un des cas les plus anciens et les plus stables de
diglossie Tout le monde reconnaicirct le prestige de la langue arabe classique
Qui deacutecide de ce prestige Peut on dire drsquoune langue que les locuteurs refusent de parler qursquoelle
nrsquoest pas prestigieuse
Tous les grammairiens qui procircnent la disparition des dialectes au profit de lrsquoarabe classique sont
obligeacutes de reconnaicirctre que ces derniers sont bien vivants les grammairiens parlent de difficulteacute agrave
enseigner une locuteurs natifs il nrsquoexiste pas dans le monde arabe de personnes dont la langue
maternelle est la langue standard
Le prestige de la langue tient essentiellement du mythe nous avons lagrave lrsquoexemple drsquoun discours sur
les langues que les grammairiens les linguistes lrsquoeacutelite intellectuelle ont eacutetabli et qursquoils perpeacutetuent
avec la compliciteacute des instances officielles sans jamais se poser la question de lrsquoadeacutequation de ces
discours agrave la reacutealiteacute des pratiques linguistiques
4-Les tenants de la notion deacutefense et illustration de la diglossie
La deacutefense de la diglossie se fait selon deux axes principaux
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
-La diglossie expression et moyen drsquoun conflit social
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
A partir de la distinction entre varieacuteteacute H et varieacuteteacute L eacutetablie par Ferguson se construit une autre
signification celle de la diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute Il srsquoagit drsquoineacutegaliteacute au
niveau de lrsquoutilisation des deux langues mais aussi des attitudes et repreacutesentations que les locuteurs
ont agrave propos de ces langues Ces deux aspects sont tregraves importants Le terme de diglossie permet
drsquoinsister sur cette ineacutegaliteacute qui peut ecirctre quantitative lorsqursquoil srsquoagit de lrsquoextension drsquoemploi de
ces langues ainsi la varieacuteteacute H a geacuteneacuteralement une zone drsquoextension plus grande que la varieacuteteacute B
On peut parler drsquoineacutegaliteacute qualitative lorsque les langues en preacutesence ont le mecircme statut
-Bilan de La sociolinguistique dans le domaine arabearabophone
Essor tardif malgreacute la richesse du champ puisque aireegravere immenses
Pendant toute la premiegravere partie du XXegraveme siegravecle (Auparavant voir P Larcher) les eacutetudes arabes
ont eacuteteacute diviseacutees en deux grands domaines qui se recoupaient tregraves peu
a) lrsquoeacutetude la langue arabe classique b) eacutetudes dialectales
Dans les deux cas les auteurs visent agrave des descriptions de systegravemes plus ou moins homogegravenes et
stables En ce qui concerne eacutetudes dialectales description qui repose souvent sur le parler drsquoun ou
deux informateurs supposeacutes repreacutesenteacutes lrsquoensemble de leur communauteacute le parler du Caire le
parler de Cherchell le parler de Tunis etc et parfois mecircme le parler eacutegyptien le parler syrien etc
Preacutecurseurs la dialectologie et linguistique historique
Il y a quand mecircme une linguistique historique qui se pose la question de la formation de lrsquoarabe
classique ou dialectale en particulier en ce qui concerne la peacuteriode preacuteceacutedant et suivant la conquecircte
avec des questions comme est ce que lrsquoarabe classique srsquoest constitueacute sur une koineacute poeacutetique
litteacuteraire ou sur une koinegrave dialectale etc (cf P larcher) Autour de cette question de la formation
de lrsquoarabe de la deacutefinition drsquoune koinegrave qursquoil srsquoagisse drsquoune koinegrave litteacuteraire ou dialectale on aborde
les questions de contact drsquoeacutevolution de varieacuteteacutes
-Deacutefinition drsquoune koinegrave = Varieacuteteacute neacutee du contact de diffeacuterentes varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue qui
se deacutelocalise dans le sens que nrsquoest plus le symbolelrsquoeacuteleacutement identificateur drsquoun groupe
socialement et geacuteographiquement distinct et qui de ce fait tend agrave eacuteliminer les traits les plus
particuliers les plus saillants des varieacuteteacutes en contact et tend agrave conserver les traits communs
(beaucoup plus compliqueacute que cela mais tendance geacuteneacuterale)
Donc un certain nombre de travaux autour de ces questions par des gens qui ne se deacuteclarent pas
comme des sociolinguistes mais plutocirct comme des historiens de la langue ou des linguistes Fuumlck
Ferguson Blau Cohen etc etc Relient analyse historico sociale et analyse linguistique mais les
eacuteleacutementspreuves de leur argumentation sont surtout baseacutes sur des eacuteleacutements linguistiques (liste des
traits pour la koinegrave urbaine de Ferguson ou de Cohen ou plus tard de Vesteegh pour sa theacuteorie de la
pidginisationcreacuteolisation) cf on prend un certain nombre de traits des dialectes arabes
contemporains et on les compare a) avec arabe classique et b) avec les eacuteleacutements de dialectologie
historique dont on dispose et on essaie de montrer que relegravevent ou pas drsquoun processus de
koineacuteisation
Tous ces travaux autour des questions de koinegrave litteacuteraire et surtout koinegrave dialectale sont importants
car vont eacutetablir des cateacutegories dialectales baseacutees sur des critegraveres sociaux ethniques cf la distinction
entre parlers dits nomadesbeacutedouins censeacutes ecirctre plus laquo conservateurs raquo (donc avoir gardeacutes des traits
des parlers preacute-Jahili) et parlers seacutedentaires consideacutereacutes comme laquo plus innovants raquo et agrave lrsquointeacuterieur
de ces parlers seacutedentaires les parles urbains consideacutereacutes comme eacutevidemment les plus laquo mixtes raquo car
issus soit du contact entre des dialectes diffeacuterents (koinegrave) soit du contact entre des arabophones et
des non arabophones (langue de contact)
(Pour toutes ces questions de dialectologie historiques et de cateacutegorisation etc je vous renvoie aux
laquo pegraveres laquo de la dialectologie arabe cf en franccedilais Cantineau William et Philippe Marsais pour le
Maghreb Colin etc Ces cateacutegories sont elles mecircmes inspireacutees des eacutecrits de Ibn Khaldoum
VI-2-3- Le deacuteveloppement de la dialectologie
Crsquoest agrave partir de ces cateacutegories dialectales qui se distingueraient pas des traits linguistiques
particulier que se sont deacuteveloppeacutes au Moyen Orient quelques travaux fondateurs comme ceux de
Haim Blanc sur Baghdad (1966) puis de Clive Holes sur Bahrain (1987) et au Maghreb une
sociolinguistiquedialectologie laquo urbaine raquo avec des gens comme Leila Messaoudi (Rabat)
Dominique Caubet (Fegraves) etc et tous les travaux en dialectologie urbaine qui ont montreacute que
diffeacuterentes varieacuteteacutes coexistaient dans une mecircme ville en fonction des appartenances
laquo communautaires raquo crsquoest agrave dire soit appartenance religieuse (juive chreacutetienne musulmane) ou
reacutegionales ou ethniques etc et qui ont pu eacutetudier aussi le renouvellement des parlers urbains en
montrant comment des nouveaux flux de populations drsquoorigine rurale transformaient les anciens
parlers urbains et provoquaient des pheacutenomegravenes de koineacuteisation Mais au Maghreb on reste le plus
souvent dans la dialectologie urbaine plus que dans la sociolinguistique dans le sens ougrave le plus
souvent on identifie un groupe agrave une varieacuteteacute sans deacutecrire les pheacutenomegravenes de variations
drsquoalternance individuelles La personne la plus repreacutesentative de ce courant me semble Leila
Mesaoudi (2003) qui se basant sur les travaux drsquoeacutetudes urbaines (cf Mohamed Naciri pour le
Maroc) a deacuteveloppeacute une opposition entre parler citadinparler urbain et montreacute combien les anciens
parler citadins (preacute-hilalien et andalou) eacutetaient actuellement en deacuteclin face aux nouvelles koineacute
urbaines a fort traits beacutedouins raquo
Crsquoest surtout chez les anglo - saxons et au Mashrek que lrsquoon voit se deacutevelopper une
sociolinguistique variationiste urbaine avec des gens comme Clive Holes Abdel Jawad Ibrahim
Muhamed Amara Niloofar haeri Enam Al Wer etc qui eacutetudient comment eacutevoluent les usages
linguistiques des diffeacuterents types de locuteurs en fonction de leur acircge sexe degreacute drsquoeacutetudes origine
reacutegionale etc Etudes qui analysent principalement les variantes phonologiques comme la
reacutealisation du (q) en q g k la reacutealisation des inter dentales des diphtongues etc Ces
variantes phonologiques sont consideacutereacutees comme des marqueurs de telle ou telle varieacuteteacute cf le (q)
crsquoest agrave la fois classique et certains parlers urbains le g crsquoest plutocirct ruralbeacutedouin mais devenu
urbain dans de nombreux cas le crsquoest plutocirct urbain etc etc Donc on eacutetudie la reacutealisation de ces
variantes aupregraves drsquoun certain nombre de locuteurs et on croise les variables linguistiques avec des
critegraveres sociaux (acircge sexe eacuteducation etc) et on en conclut que dans tel ou tel milieu urbain
lrsquoeacutevolution linguistique va dans le sens du deacuteveloppement de telle ou telle varieacuteteacute de langue
Ce type drsquoeacutetude qui a repris au deacutebut les concepts meacutethodologie variationiste labovienne
deacuteveloppeacute aux USA GB etc srsquoest drsquoabord heurteacute agrave une application trop meacutecaniste de la deacutemarche
labovienne et a du srsquoadapter au contexte arabophone qui est un peu plus speacutecifique du fait de la
fameuse question de la diglossie la varieacuteteacute haute des villes europeacuteennes = la varieacuteteacute parleacutee par
lrsquoeacutelite de ces villes donc standard urbain = varieacuteteacute haute prestigieuse que les autres locuteurs
essaieront ou pas de reproduire en fonction des contextes urbains Les innovations souvent
introduites par les membres des classes moyennes et se diffusent vers le haut puis repris par le
bas etc Les femmes des couches populaires ont tendance agrave reprendre plus vites les variantes
prestigieuses les hommes des milieux populaires sont plus conservateurs
Dans le monde arabe on a commenceacute agrave faire une adeacutequation entre varieacuteteacute haute et fusha
(classiquemoderne) et agrave voir comment les locuteurs des diffeacuterents parlers dialectales acqueacuteraient
ou pas les marqueurs de cette varieacuteteacute haute (donc par exemple la reacutealisation du fameux (qaf) Et
puis on srsquoest rapidement aperccedilu que parallegravelement au fusha il y avait drsquoautres varieacuteteacutes prestigieuses
en particulier les varieacuteteacutes urbaines dans un certain nombre de grand centres urbains comme le
Caire Jeacuterusalem etc les migrants drsquoorigine rurale et surtout les femmes pouvaient privileacutegier la
norme urbaine sur celle du fushahellip (Palva 1982 Ibrahim 1986 etc) Ce qui a ameneacute un certain
nombre de travaux en cours agrave srsquointerroger sur la question de la norme du standard en arabe sur
lrsquoimpact de lrsquoeacuteducation (Nilofar Haeri Enam Al Wer) et donc par ricochet ont deacuteveloppeacute une
critique drsquoune conception qui se voulait plus ou moins universalisante agrave la Bourdieu les classes
dominantes se caracteacuteriseraient par leur maicirctrise de la norme langagiegravere qursquoelles imposent aux
autres Dans le monde arabe on voit que lrsquoune des normes prestigieuses est supposeacutee ecirctre le fusha
norme que peu de gens maicirctrisent dans leur vie quotidienne les eacutelites sont plutocirct plurilingues et pas
toujours tregraves arabiseacutees (ce sont souvent plutocirct les membres des classes moyennes qui ont suivit leur
eacuteducation en arabe) lrsquoautre norme peut ecirctre le vernaculaire urbain (mais pas toujours comme on le
voit pour un certain nombre de vieilles citeacutes maghreacutebines) mais cela peut ecirctre aussi une norme
beacutedouine + - ideacutealiseacutee comme cela semble ecirctre le cas en Jordanie ou face agrave la preacutesence des
palestiniens irakiens syriens etc laquo les vrais hommes jordaniens raquo semblent revendiquer une
norme locale plus beacutedouine
Bref lrsquoensemble de ces travaux plus ou moins reacutecents sur la dialectologiesociolinguistique urbaine
ont eu le meacuterite de mettre en relief la diversiteacute des situations la complexiteacute historique du
deacuteveloppement de certains parlers la pluraliteacute des normes Beaucoup de travail reste agrave faire dans
ce domaine ougrave les vraies eacutetudes de terrain baseacutees sur des corpus restent rares Deux
exemples proches celui de Casablanca et de lrsquoarabe dit marocain Alors que le Maroc est lrsquoun des
pays ougrave lrsquoon dispose drsquoune tradition dialectologique riche et de nombreux travaux contemporains
(en particulier avec les espagnols mais aussi des auteurs marocains) on srsquoaperccediloit que si lrsquoon
connaicirct un peu lrsquohistoire de la formation du parler de Casablanca au deacutebut du XXegraveme s et son
expansion on ne dispose drsquoaucune description sociolinguistique reacuteelle et on reste dans une grande
confusion entre la koinegrave marocaine et le parler de Casablanca De mecircme pour Alger la capitale de
lrsquoAlgeacuterie qui a connu une expansion consideacuterable agrave une politique drsquoarabisation plus ou moins
reacuteussie et accepteacutee quel(s) type(s) drsquoarabe se deacuteveloppent actuellement Y a t il deacuteveloppement
drsquoune koinegrave influence croissante de fusha ou au contraire deacuteveloppement croissant du code
swtiching ou les deux etchellip autant de questions qui nrsquoont pas encore eacuteteacute traiteacutees de faccedilon
satisfaisante
Il apparaicirct enfin que la sociolinguistique arabophone srsquoest peu deacuteveloppeacutee dans un cadre
interactioniste Neacutecessiteacute de deacutevelopper lrsquoanalyse interationnelle de preacutesenter des corpus en action
et de sortir un peu des approches variationistes ou des listes drsquoisoglosses
La question de la diglossie et du continuum dialectalefusha
Crsquoest un des domaines qui a eacuteteacute le plus abordeacute en sociolinguistique arabe agrave la fois dans une
approche du contactcode switching et une approche attitudinales Massivement investi par les
anglo-saxons Donc les articles fondateurs sur la Diglossie Marccedilais +- inaperccedilu Ferguson qui a eu
un impact consideacuterable et de lagrave tout un courant pour savoir la nature le type de diglossie la mise
en eacutevidence niveaux intermeacutediaires entre les deux pocircles etc
Deux grandes tendances
- celles qui consistent agrave nommer et agrave caracteacuteriser des varieacuteteacutes intermeacutediaires entre le pocircle bas
(dialecte) et le pocircle (haut) fusha On va de 3 45 avec des notions comme lsquoammiya al-muthaqafin
(Educated Spoken Arabic) Tendances deacuteveloppeacutees par des gens comme lrsquoeacutecole de Leeds Said El-
badawi au Caire etc Mais ces travaux se heurtent agrave la difficulteacute de trouver des laquo fontiegraveres raquo claires
entres les diffeacuterentes varieacuteteacutes intermeacutediaires
- lrsquoautre tendance est de consideacuterer qursquoil y a deux pocircles + - abstraits et un continuum entre les
deux pocircles sans qursquoil soit possible drsquoisoler des varieacuteteacutes speacutecifiques entre les deux A partir de cette
conception en continuum on peut eacutetudier comment se fait le meacutelange des deux codes et appliquer
un certain nombre de regravegles et meacutethodes reprises des eacutetudes sur le Code Switching et lrsquointerlangue
cela va donc des contraintes syntaxiques de lrsquoeacutepoque Poplack agrave la theacuteorie de la Matrix language de
Myers Scotton (beaucoup drsquoarticles parus dans les volumes de Aspects of Arabic Linguistics et
eacutegalement lrsquoouvrage collectif de Rouchdy 2002 par ex cf les travaux de Gunvor Medjell etc)
Ces travaux ont reccedilu un bon eacutecho dans le monde arabe en geacuteneacuterale car permettent tout en restant
dans lsquodu politiquement correcte raquo de travailler sur de lrsquoarabe moderne de sortir un peu du carcan
du classique sans faire de la laquo dialectologie raquo qui reste une discipline encore trop souvent
consideacutereacutee comme laquo orientalisanteraquo
Les travaux sur le code switching et le continuum ne pacirctissent pas drsquoune image deacutefavorable agrave
lrsquoinverse de la dialectologie qui reste entacheacutee drsquoune reacuteputation de laquo science coloniale raquo Le
domaine des eacutetudes sur diglossieCS reste prolifique et les eacutetudes montrent que la frontiegravere entre le
fusha et le dialectale sont extrecircmement poreuses des domaines reacuteserveacutes au fusha sont de plus en
plus peacuteneacutetreacutes par le dialectal incluant lrsquoeacutecrit (journalistique le roman les publiciteacutes) et tout le
domaine relevant de lrsquooral officiel (les discours publiques les meacutedias etc) et vice versa
lrsquoinfluence principalement lexicale et phonologique du fusha se fait sentir dans lrsquooral dialectal via
eacuteducationmeacutedia certaine deacutemocratisation Il y a de grand corpus en ligne (voir les ameacutericains
comme Parkinson)
On peut se demander si cette porositeacute entre les deux pocircles reflegravete une eacutevolution contemporaine ou
si elle existait auparavant mais nrsquoavait pas eacuteteacute eacutetudieacutee Si on observe le passeacute avec minutie on
constate a) que lrsquoeacutecrit a toujours eacuteteacute +- marqueacute par le dialectal cf le fameux moyen arabe et b)
que les supposeacutees populations analphabegravetes parlant le dialectal avaient un contact avec lrsquoarabe
classique via lrsquoenseignement religieux la poeacutesie sufi etc et donc il y a certainement eu et de la
part des orientalistes et des panarabistes une sureacutevaluation de cette diglossie
Ce qui semble clair cependant crsquoest que par rapport agrave certains pronostiques des anneacutees 50-60 (les
indeacutependances) crsquoest que lrsquoarabe standard moderne ne srsquoest pas imposeacute comme unique meacutedium de
communication dans lrsquoensemble du monde arabe que les laquo dialectes raquo parlers locaux eacutevoluent
mais se maintiennent plus qursquoon aurait pu le croire puisqursquoon voit mecircme resurgir des
reacutegionalismes locaux
Un domaine qui reste agrave explorer pour les deacutecennies agrave venir eacutemergence ou pas de laquo langues
parlers raquo nationauxreacutegionaux A lrsquointeacuterieur drsquoun mecircme pays est ce que sont les tendances agrave la
koineacuteisation ou le maintien des diffeacuterences qui va lrsquoemporter est-ce que ces hypotheacutetiques
varieacuteteacutes nationales seront reconnues comme telles On entend parler drsquoarabe eacutegyptien marocain
algeacuterien syriens Ce sont en grande partie des fictions qui deacutesignent en geacuteneacuterale les varieacuteteacutes parleacutees
dans les capitales mais qui ne sont pas institutionnaliseacutees ni reconnues comme des langues
officielles et dont le rayonnement nrsquointerdit pas le maintien drsquoautres varieacuteteacutes plus locales ou
reacutegionales Mais il y a toujours eu des mouvements militant (mais toujours tregraves minoritaires) pour
lrsquoinstitutionnalisant de ces laquo langues nationales raquo et la rupture avec le fusha cf au Liban en Egypte
au Maroc actuellement (cf le numeacutero de la revue Tel Quel Darja notre langue nationale) On
retrouve donc toujours lrsquoopposition entre ceux qui ont une vision discontinuiste (ammiyya et fusha
sont des systegravemes fondamentalement diffeacuterents) et ceux qui ont une vision plus continuiste
(ammiyya et fusha se complegravetent)
Autres domaines de la Sociolinguistique arabe en deacuteveloppement
- Lrsquoahelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip maternelles en contexte migratoire des regravegles du CS etc
Un autre domaine est lrsquoinfluence de cet arabe de diaspora dans les pays drsquoaccueil cf dans la
creacuteation artistique contemporaine les parlers des jeunes etc (la musique les blagues etc cf les
travaux de Dominique Caubet etc)
CONCLUSION Le terme sociolinguistique implique donc une sensibiliteacute une approche et une meacutethodologie
particuliegraveres partir du reacuteel du concret ecirctre agrave lrsquoeacutecoute des faits de langue de variation se dire que
le marginal le particulier sont toujours instructifs que les langues sont toujours en perpeacutetuel
construction et que les humains sont les acteurs de ces constructions Crsquoest un peu comme un
historien qui deacutecide de sortir de lrsquohistoire officielle de la Cour et des Grands pour srsquointeacuteresser agrave
lrsquohistoire sociale crsquoest plus difficile cela demande de plonger dans des archives plus ou moins
accessibles lisibles etc Pour le linguiste cela demande de recueillir des corpus et de prendre le
temps de les eacutecouter analyser transcrire
Le deacuteveloppement drsquoeacutetudes avec une sensibiliteacute sociolinguistique a permis de sortir drsquoun certain
carcan imposeacute agrave la fois par de nombreux laquo orientalistes raquo et par lrsquoideacuteologie pan arabe des eacutetats
arabes lrsquoarabe est de plus en plus reconnue comme une langue plurielle ayant subi des
deacuteveloppements diffeacuterents selon les lieux et les contextes jouant des rocircles diffeacuterents etc
Pour le moment on sent bien qursquoil y a cependant un fosseacute entre ces avanceacutees et les politiques
didactiques par exemple lrsquoenseignement de lrsquoarabe reste extrecircmement probleacutematique et figeacute tant
dans les pays dits arabophones que dans les pays a forte minoriteacutes non arabophones Alors que par
exemple lrsquoenseignement du FLE ou ALE a totalement inteacutegreacute un certain nombre drsquoacquis de la
sociolinguistique pragmatique linguistique discursive il ne semble pas que ce soit le cas avec
lrsquoarabe malgreacute le nombres drsquoinstituts eacutetrangers ou arabes qui se penchent sur la question
Cours 5 ATTITUDES ET REPRESENTATIONS
Le pheacutenomegravene repreacutesentationnel est un pheacutenomegravene qui a drsquoabord inteacuteresseacute les sciences humaines la psychologie la sociologie lrsquoanthropologie bien avant la linguistique et disposent au cœur de ces sciences drsquoun savoir theacuteorique Il recouvre tout le champ qursquoon nomme repreacutesentations linguistiques langagiegraveres ou sociolinguistiques discours sur les langues attitudes linguistiques jugement sur les langues rapports subjectifs agrave la langue imaginaire linguistique Cependant chaque appellation teacutemoigne drsquoun certains point de vue Guenier deacutefinit les repreacutesentations comme laquo une forme courante et non savante de connaissances
socialement partageacutees qui contribue agrave une vision de la reacutealiteacute commune agrave des ensembles sociaux et
culturels raquo(repreacutesentations linguistiques in Moreau Sociolinguistique concepts de base Mardaga
liegravege 1996 p146)
Deux caractegraveres sont agrave relever dans cette deacutefinition
_Le caractegravere non savant des repreacutesentations il srsquoagit drsquoune forme de connaissance qui ne repose
sur aucune rationaliteacute crsquoest une connaissance intuitive purement subjective Branca-Rosoff citeacute
par Boyer in Sociolinguistique territoire et objets p79 deacutesigne ce pheacutenomegravene laquo drsquoopinions
steacutereacuteotypeacutees raquo Crsquoest donc une certaine vision une certaine perception que les locuteurs ont de
leurs langues et de celles des autres
- Les repreacutesentations linguistiques sont socialement eacutelaboreacutees et partageacutees par tous les membres
drsquoune socieacuteteacute Elles fonctionnent comme des normes sociales ideacutee partageacutee par Labov qui les
situent entre la norme ideacuteologique et les usages effectifs Pour ce dernier la norme sociale est le
fondement mecircme de la communauteacute linguistique qui ne se deacutefinit plus comme un ensemble de
locuteurs partageant les mecircmes usages (au niveau des pratiques elle est plutocirct heacuteteacuterogegravene) mais
comme un ensemble de locuteurs partageant des normes subjectives communes Ainsi les langues
sont jugeacutees positivement alors que drsquoautres le sont neacutegativement Les jugements peuvent ecirctre de
nature estheacutetique peuvent concerner le systegraveme lui-mecircme la valeur de la langue sur le marcheacute
linguistique et enfin le groupe qui la parle Nous avons donc affaire agrave un pheacutenomegravene social et crsquoest
justement ce caractegravere social des repreacutesentations linguistiques qui justifie qursquoelles constituent un
objet de choix de la sociolinguistique cependant cela nrsquoexclut pas qursquoil y ait tout de mecircme une part
individuel
Les locuteurs ne se contentent pas drsquoutiliser les langues et les varieacuteteacutes de langues ils les eacutevaluent
cette eacutevaluation influe beaucoup sur leurs pratiques linguistiques On entre ici dans le domaine des
attitudes et des normes qursquoelles impliquent chaque locuteur eacutevalue sa propre pratique et celle des
autres et ces eacutevaluations jouent un rocircle important dans le changement linguistique
La linguistique diachronique analyse le changement linguistique drsquoougrave provient une innovation
pourquoi et comment srsquoimpose-t-elle est-ce pour des raisons sociologiques qursquoune langue
change Andreacute Martinet a deacutefendu la thegravese que lrsquoeacutevolution phonologique drsquoune langue ne se faisait
pas de maniegravere aleacuteatoire mais srsquoexpliquait par la neacutecessiteacute pour son systegraveme de trouver une
stabiliteacute optimale en reacuteduisant ses deacuteseacutequilibres Drsquoautres linguistes preacutefegraverent mettre lrsquoaccent sur
des meacutecanismes sociaux par exemple un groupe peut imiter la prononciation drsquoun autre jugeacutee
plus prestigieuse
Deux tendances srsquoaffrontent pour expliquer le changement on invoque souvent le principe du
moindre effort les locuteurs confondent certaines formes phoneacutetiquement tregraves proches simplifient
des constructions syntaxiques compliqueacutees Cette tendance au moindre effort du locuteur est
contrebalanceacutee par une autre qui pousse agrave ne pas compromettre la compreacutehension crsquoest-agrave-dire le
moindre effort de lrsquoauditeur
Il nrsquoest pas rare qursquoun eacutetranger en situation officielle srsquoexcuse de ne pas parler la langue de son
interlocuteur Ce faisant il teacutemoigne drsquoune certaine politesse qui compenserait en quelque sorte
laquo lrsquoimpolitesse raquo de ne pas bien parler la langue mais il teacutemoigne aussi de la valeur positive qursquoil
accorde agrave cette langue et agrave ceux qui la parlent A lrsquointeacuterieur drsquoun groupe qui parle la mecircme langue
on observe nous le verrons un un pheacutenomegravene semblable drsquoineacutegaliteacute linguistique entre locuteurs de
statut socioculturel diffeacuterent
Par ailleurs nous sommes tour agrave tour eacutemetteurs et reacutecepteurs nos compeacutetences en tant que
reacutecepteurs sont plus grandes que nos compeacutetences en tant qursquoeacutemetteurs nous nrsquoemployons pas
toutes les structures linguistiques que nous connaissons de mecircme que nous nrsquoappartenons pas agrave
toutes les cateacutegories socioculturelles que nous sommes capables de reconnaicirctre Mais le reacutecepteur
nrsquoa pas un rocircle passif
-il reconstitue le sens de lrsquoeacutenonceacute qursquoil reccediloit selon ses propres schegravemes drsquointerpreacutetation et
lrsquoensemble de ses expeacuteriences
-il perccediloit aussi des signes linguistiques qursquoil interpregravete en fonction des connotations et des
normes en cours dans la classe sociale agrave laquelle il appartient lorsque ces signes peuvent faire
lrsquoobjet de variations ils deviennent des marqueurs socioculturels
-il juge ce qursquoil perccediloit selon lrsquoimage qursquoil a du locuteur de ses intentions de la situation et
du rocircle qursquoil y joue des enjeux de lrsquoacte de langage et selon lrsquoimage qursquoil a de lui mecircme et de ses
compeacutetences la faccedilon de parler est un facteur plus reacuteveacutelateur de la classe sociale des
interlocuteurs que les vecirctements ou les apparences de train de vie
En effet si les repreacutesentations linguistiques sont de nature sociales elles sont en rapport
eacutetroit avec lrsquoideacuteologie qui tente drsquoagir sur elles et les modegraveles Cependant si les repreacutesentations
sont agrave distinguer des discours scientifiques elles sont aussi agrave distinguer des discours ideacuteologiques
tenus par le pouvoir Branca Rossof citeacute par Boyer p79 exprime fort bien cette ideacutee en affirmant
que les repreacutesentations laquo permettent de sortir de lrsquoopposition radicale entre laquo le reacuteel raquo les faits
objectifs deacutegageacutes par la description linguistique et lrsquoideacuteologie les consideacuterations normatives
comme repreacutesentations fausses repreacutesentations eacutecrans raquo Crsquoest donc entre le reacuteel et lrsquoideacuteologie
qursquoelle situe les repreacutesentations Qursquoest ce qursquoest lrsquoideacuteologie laquo Tout systegraveme de repreacutesentations
structureacute et coheacuterent visant agrave rendre compte du monde exteacuterieur de la reacutealiteacute sociale lrsquoideacuteologie se
preacutesente sous forme drsquoun discours construit et totalisant ougrave les ideacutees srsquoenchaicircnent logiquement et
les valeurs concordent raquo (discours et ideacuteologie p4)
Ainsi lrsquoideacuteologie est un systegraveme structureacute parfaitement coheacuterent eacutelaboreacute en fonction drsquoobjectifs
bien deacutetermineacutes officiel car il srsquoagit de faccedilonner lrsquoimaginaire collectif national alors que les
repreacutesentations sociales nrsquoobeacuteissent pas agrave ces contraintes elles sont le fruit drsquoun consensus social
plus ou moins libre Mais il faut souligner qursquoen pratique la limite entre ces deux repreacutesentations
nrsquoest pas toujours clairement repeacuterable et les deux se confondent les ideacuteologues au service de
lrsquoeacutetat sont drsquoabord et avant tout des membres de la socieacuteteacute le pouvoir par les moyens qui lui sont
confeacutereacutes (meacutedia eacutecoles AIE) arrive toujours agrave faccedilonner les mentaliteacutes Ainsi on aime ou on
deacuteteste une langue parce qursquoon se fait une certaine ideacutee drsquoelle ou de ces locuteurs
QUE CONCLURE Lrsquoanalyse des repreacutesentations ne peut ecirctre eacutetudieacutee sans une analyse des pratiques linguistiques
Drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutetudier agrave la fois les comportements et les attitudes des locuteurs drsquoobserver les
productions et de ne pas se contenter de recueillir des paroles des sujets qui peuvent varier selon les
situations et les interactions(voir agrave ce sujet B Maurer Houdebine Canut et Boyer)
Cours 6- LA POLITIQUE LINGUISTIQUE OU LES NORMES LA NORME
Michel Tournier deacutefinissant le normal donne les deacutefinitions suivantes
NORMAL 1 Conforme agrave la norme Ideacuteal 2 Conforme agrave la moyenne Habituelle
Ceci peut servir dintroduction agrave qui aborde la question de la norme Cest bien la un veacuteritable problegraveme car selon les lieux selon les personnes selon le domaine les deux perspectives se mecirclent effectivement et perturbent la compreacutehension Peut-on dire que la norme est un ideacuteal cest-agrave-dire de fait quelque chose que personne natteint ou nincarne vraiment Peut-on dire que la norme est faite de la moyenne des opinions ou de la moyenne des comportements Nous allons rencontrer ces deux voies comme deux eacutecueils entre lesquels il conviendra de naviguer
Georges Mounin lui-mecircme dans son Dictionnaire de la Linguistique (PUFQuadriges reacuteeacuted 1993) commence son article Norme de la faccedilon suivante Moyenne des divers usages dune langue agrave une eacutepoque donneacutee ou usage imposeacute comme le plus correct ou le plus prestigieux par une partie de la socieacuteteacute (le bon usage)
En fait si le normal et le normatif restent des concepts tregraves grand public qui suscitent des deacutefinitions un peu floues il convient de souligner que la norme du franccedilais nest en aucun cas deacutetermineacutee en regardant les usages majoritaires Cest la varieacuteteacute de franccedilais qui agrave une eacutepoque donneacutee est procircneacutee par la socieacuteteacute franccedilaise qui simpose agrave chacun mais aussi qui est deacutefendue par chacun mecircme ceux qui en sont tregraves eacuteloigneacutes y sont attacheacutes Cest dans les classes populaires que tout en pratiquant dautres varieacuteteacutes on tient le plus agrave ce que soit enseigneacutee la norme que lon se soucie de savoir ce qui est correct ce qui ne lest pas - la norme eacutetant plus ou moins assimileacutee agrave ce qui permet de reacuteussir puisque ceux qui ont reacuteussi sont censeacutes pratiquer la norme en offrir une image On devine ainsi que la norme de fait est la varieacuteteacute pratiqueacutee par les hautes couches de la socieacuteteacute dans les situations formelles ougrave elles donnent agrave voir leur langue - varieacuteteacute dailleurs plus ou moins fantasmeacutee (et par lagrave sans doute rejoint-on la notion dideacuteal) que personne ne pratique vraiment et qui ainsi apparaicirct toujours au-delagrave des usages reacuteels Indeacuteniablement cependant des usages se rapprochent davantage de ce qui est preacutesenteacute comme la norme (dans les dictionnaires dans les grammaires) mais ces ouvrages parce quils sont eacutecrits utilisent et preacutesentent obligatoirement une varieacuteteacute diffeacuterente de loral et contribuent agrave la dichotomie si souvent formuleacutee par Monsieur Toutlemonde agrave leacutecrit ccedila va ma langue est correcte mais agrave loral je nai pas le temps de reacutefleacutechir et je parle mal
Dans ces conditions on soulignera que
la norme est une varieacuteteacute eacutecrite que lon enseigne en principe qui est formaliseacutee et toujours plus ou
moins eacuteloigneacutee des varieacuteteacutes parleacutees mecircme quand elles reccediloivent un jugement favorables de
locuteurs solliciteacutees pour donner leur avis
On ne parle jamais comme on eacutecrit (cf chapitre sur langues orales langues eacutecrites) mais les
couches sociales qui ont reacuteussi sont censeacutees davantage incarner la norme
Il est certain que plus les eacutetudes des sujets ont eacuteteacute longues plus ils pratiquent couramment des
varieacuteteacutes proches de lideacuteal quon appelle la norme ne serait-ce que parce que leur impreacutegnation agrave
travers une longue pratique de la langue eacutecrite rejaillit sur leur pratique orale Mais ne neacutegligeons
pas toutefois les facteurs sociologiques et eacuteconomiques qui interfegraverent avec ce que lon croit
attribuer agrave leur langue (richesse visible aisance sociale position eacuteconomique domination
sociale)
Ne veut-on pas imiter ceux quon preacutesente comme les modegraveles normatifs plus parce quils ont
reacuteussi que parce quils parlent bien la cravate de PPDA(1) sa faccedilon de shabiller son aisance et
son sourire parfaitement placeacute ne jouent-ils pas un plus grand rocircle que sa langue mecircme (on connaicirct
dailleurs lusage du prompter agrave la teacuteleacutevision ) pour le faire citer comme quelquun qui parle bien
Indeacuteniablement - et dans toute socieacuteteacute - servent de modegravele ceux qui ont reacuteussi et non pas ceux qui
sont consideacutereacutes comme des parias (cf les clochards ou SDF)
Noublions pas en outre que si les accents reacutegionaux ne sont plus aussi stigmatiseacutes maintenant
quil y a une trentaine danneacutees ils sont lobjet malgreacute tout de preacutecautions subtiles qui amegravenent ceux
qui atteignent les plus hautes responsabiliteacutes sociales agrave sen deacutefaire partiellement (cf le Preacutesident
Giscard dEstaing prenant des cours dorthoeacutepie pour se deacutebarrasser de son accent auvergnat qui
neacutetait pas de mise pour quelquun preacutetendant aux plus hautes fonctions et donc Preacutesident de tous
les Franccedilais) ou bien qui amegravene agrave seacutelectionner pour les plus hautes responsabiliteacutes ceux qui ont un
accent consideacutereacute comme convenable celui qui est accepteacute agrave une eacutepoque donneacutee les deux
comportements interfegraverent constamment et se reacutepondent pour eacuteliminer de la parole publique avec
une image favorable (et non pas plus ou moins ridicule) ceux qui seraient les plus eacuteloigneacutes de la
norme
Les caracteacuteristiques de la norme orale eacutevoluent au fil des siegravecles notre r actuel assez faible
un peu plus grasseyeacute agrave Paris quagrave Marseille nest plus du tout le r rouleacute que prononccedilait les
nobles il y a quelques siegravecles mais elles eacutevoluent bien plus lentement que lusage reacuteel
La norme est donc bien une question qui relegraveve fondamentalement de la sociolinguistique
deacutetermineacutee fixeacutee agrave chaque eacutepoque sur des critegraveres socio-eacuteconomiques elle se transmet dans
lenseignement et donc apparaicirct comme beaucoup plus permanente que les autres varieacuteteacutes non
formaliseacutees qui ne se transmettent que familialement (acquisition non formelle) Leacutecole joue ainsi
un rocircle essentiel dans la transmission la permanence le statut les preacuterogatives accordeacutees agrave la
norme Cest elle qui peut la reacutepandre de faccedilon quasiment universelle dans un pays Sa non-
transmission - cf le discreacutedit de leacutecole pour toute transmission ou la moindre importance accordeacutee
agrave la langue correcte agrave notre eacutepoque - ont pour premier reacutesultat que les couches sociales les plus
eacuteloigneacutees de la norme ny accegravedent plus La norme ne disparaicirct pas pour autant mais elle est alors
surtout lobjet de transmission familiale dans les familles conscientes et capables den assurer la
transmission indeacutependamment de leacutecole Leacutecole en enseignant la norme eacutetait facteur de
deacutemocratisation de la socieacuteteacute franccedilaise si elle renonce agrave cette tacircche on parvient agrave une socieacuteteacute
aristocratique dans laquelle certains savent sans avoir appris (selon lexpression consacreacutee) et ougrave
il ny a plus de chance de veacuteritable mobiliteacute sociale Contrairement agrave nos a priori on peut voir ainsi
que la norme est deacutemocratique quand ideacuteal proposeacute agrave tous elle est accompagneacutee dans son
apprentissage de la transmission des principes qui permettent de latteindre Dire (comme cela se
pratiquait agrave luniversiteacute agrave Lyon dans les anneacutees soixante) il ne faut pas dire un [floslashv] (pour
fleuve) une [foslashj] (pour feuille) cest donner agrave tous une chance dacceacuteder agrave des situations ougrave lon
ne tolegravere pas un accent reacutegional marqueacute ne plus le dire cest laisser encore les plus hautes
positions agrave ceux qui lauront compris tout seuls (dans leur famille) et bien sucircr eacuteliminer ceux qui ne
se doutent mecircme pas que ce genre de prononciation est stigmatiseacutee
On pourra distinguer avec Marie-Louise Moreau (1997) article Les types de normes
les normes de fonctionnement (habitudes linguistiques partageacutees par les membres dune
communauteacute regravegles qui sous-tendent les comportements linguistiques dun sous-groupe)
les normes descriptives (ce sont les normes de fonctionnement rendues explicites par les
descriptions qui en sont faites Mais ainsi ce sont les normes de certains sous-groupes seulement
qui sont deacutecrites on ne sinteacuteresse pas tretiennent des relations complexes avec les normes
prescriptives Elles contribuent grandement agrave la hieacuterarchisation)
les normes fantasmeacutees (ici on est toujours dans le domaine des repreacutesentations le groupe se forge
un ensemble de conceptions sur la langue et son fonctionnement qui nont souvent guegravere de zone
dadheacuterence avec le reacuteel )
La norme ou le bon usage
La norme au sens de langue que lrsquoon doit parler est un discours drsquoautoriteacute fixeacute par une institution
drsquoeacutetat) chargeacutee de creacuteer une langue homogegravene faite pour ecirctre parleacutee par un usager ideacuteal une
langue standard de partout et de nulle part uniforme polie deacutebarrasseacutee de toute impureteacute comme
-les reacutegionalismes les varieacuteteacutes geacuteographiques srsquoopposent au caractegravere centralisateur de la norme
et eacutechappent agrave tout controcircle elles sont donc connoteacutees peacutejorativement et le critegravere de la hieacuterarchie
sociale
-les innovations qursquoil srsquoagisse de changements lexicaux syntaxiques ou phoneacutetiques ils sont
ignoreacutes -non reconnus- ou attesteacutes longtemps apregraves leur apparition lorsque la norme nrsquoa pas reacuteussi
agrave srsquoimposer Face aux variations individuelles et collectives la langue normeacutee se veut homogegravene et
tire sa leacutegitimiteacute de lrsquoeacutecole
Un des comportements sociaux les mieux connus vis agrave vis de la langue est la normalisation
Fishman affirme que laquo la codification est lrsquoacceptation par une communauteacute drsquoun systegraveme formel
de normes qui deacutefinissent lrsquousage correct raquo
Qursquoest-ce que la norme ou lrsquousage correct de la langue laquo La norme est un recueil de perceptions consigneacutees dans des grammaires dites normatives et
correspondant agrave ce qursquoil faut dire pour se conformer au bon usage linguistique de la bonne
socieacuteteacute raquoDenise Franccedilois
Elle repreacutesente un choix approprieacute fondeacutes sur des preacutejugeacutes socioculturels et sur la notion de
niveaux de langues hieacuterarchiseacutees les classes dominantes et les bons auteurs emploient une langue
de qualiteacute qursquoil faut consideacuterer comme un modegravele
Parler de normes revient agrave se reacutefeacuterer agrave plusieurs acceptions
-un ensemble drsquointerdits de prescriptions sur des faccedilons de dire quelquefois accompagneacutees de
justifications de divers ordres
-tenir compte de cet ensemble de prescriptions crsquoest parler correctement sans faire de fautes
Les institutions de la norme sont
-Lrsquoeacutecole lrsquoeacutecole par le biais des grammaires et des enseignants tend agrave imposer agrave lrsquoenfant une
langue uniforme qursquoil nrsquoutilisera pas souvent ailleurs Par lrsquoenseignement de la grammaire elle
lrsquohabitue laquo non seulement agrave concevoir les reacutealiteacutes de la langue mais agrave reacuteprimer son goucirct naturel de
la parole pour substituer agrave la spontaneacuteiteacute langagiegravere une pratique eacutecrite conforme agrave des normes
rigoureuses raquo Elle lui impose de faire des phrases ainsi qursquoune prononciation de lecture standard
qui pour bon nombre drsquoenfants est artificielle cependant cette langue semblera toujours parce
qursquoimposeacutee par lrsquoeacutecole supeacuterieure agrave la sienne
-Lrsquoeacutecrit Lrsquoadministration prend le relais de lrsquoeacutecole pour perpeacutetuer la crainte de la faute et le
respect pour la langue eacutecrite laquo notre langue eacutecrite a plus de digniteacute que notre langue parleacutee
souvent fautive raquo Lrsquoopposition eacutecrit parleacute devient une opposition digne fautif Ceci appelle deux
remarques
La langue parleacutee comme la langue eacutecrite peut comporter tous les niveaux car rien nrsquoempecircche en
theacuteorie drsquoeacutecrire comme on parle ni de parler comme on eacutecrit
-De plus ces deux formes drsquoexpressions ont chacune une speacutecificiteacute de fonctionnement que la
deacutemarche normative semble ignorer Parler crsquoest construire un discours en train de se faire Le
locuteur improvise constamment ce qui lrsquoamegravene agrave heacutesiter agrave se reprendre agrave changer lrsquoorientation
de sa phrase agrave utiliser diverses strateacutegies agrave avoir recours agrave tous les proceacutedeacutes extra et
paralinguistiques regard mimiques gestes intonations Lrsquoeacutecrit nrsquoignore ni les heacutesitations ni les
reprises mais celles-ci disparaissent avec les brouillons Drsquoun point de vue linguistique il nrsquoy a
aucune raison drsquoopposer le parler et lrsquoeacutecrit de faccedilon hieacuterarchique puisque les deux domaines
fonctionnent diffeacuteremment
Une norme linguistique est un trait unificateur drsquoune socieacuteteacute tout le monde la connaicirct et sa
connaissance permet de distinguer les autochtones des eacutetrangers Mais mecircme dans le cas ougrave tout le
monde peut savoir quelles sont les variantes de statut supeacuterieur il nrsquoest pas neacutecessairement vrai que
tous voudront les adopter dans leur discours quotidien Certaines eacutetudes ont montreacute que les
reacuteactions subjectives aux variantes sociolinguistiques eacutetaient diffeacuterentes selon les classes et
impliquaient beaucoup plus qursquoune simple eacutechelle de prestige (cf Labov) Labov dans laquo
Sociolinguistique pp 250-251 339-340 418-419 raquo fait une distinction entre norme cacheacutees
voileacutees et norme manifestes normes stigmatiseacutees et norme accepteacutees Les variantes de statut eacuteleveacute
possegravedent un prestige manifeste elles sont associeacutees au pouvoir social indeacuteniable des locuteurs de
la classe supeacuterieure peuvent ecirctre la condition neacutecessaire drsquoaccegraves agrave des fonctions drsquoun statut plus
eacuteleveacute et sont promulgueacutees par les agents de la normalisation dans la socieacuteteacute tels que les meacutedias et
les instituteurs Mais pour beaucoup de locuteurs de la classe ouvriegravere ou de la petite bourgeoisie
les variables linguistiques laquo non standard raquo associeacutees agrave leurs groupes peuvent aussi posseacuteder un
prestige voileacute (covert prestige celui drsquoun groupe local de statut infeacuterieur) La signification sociale
de base de ces variables au prestige voileacute est celle de la solidariteacute une personne qui les utilise est
consideacutereacutee comme eacutetant un des leurs comme ami possible Pour certains groupes ces formes
peuvent signifier dureteacute ou viriliteacute
Pour compleacuteter vos connaissances dans le domaine de la norme reportez vous aussi sur le web agrave
un article dOlga Ozolina Quelques approches de leacutetude de la norme linguistique
Tout un cours eacutecrit par Benoiumlt Leblanc et Claude Tousignant de la Socieacuteteacute Saint-Jean-
Baptiste de la Mauricie sur la Norme linguistique mais aussi quelques autres notions
essentielles
Le franccedilais queacutebeacutecois problegraveme de norme Le texte de lintervention dAM Houdebine Norme et normes 1999
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Or la sociolinguistique considegravere que lrsquoobjet de son eacutetude ne doit pas ecirctre simplement la
langue systegraveme de signes ou la compeacutetence systegraveme de regravegles Lrsquoopposition
langueparole ou compeacutetenceperformance implique que dans le champ drsquoinvestigation
du linguiste seule la langue (ou la compeacutetence) constitue un systegraveme fermeacute Il faut
donc deacutepasser cette opposition car elle fournit un cadre trop eacutetroit pour lrsquoeacutetude de
problegravemes linguistiques importants comme lrsquoutilisation du langage dans son contexte
socioculturel Pour ce faire certains linguistes constatant le caractegravere systeacutematique de
certains faits linguistiques situeacutes en dehors de la compeacutetence telle que la deacutefinit
Chomsky essayent drsquoeacutelargir cette notion de compeacutetence pour qursquoelle recouvre des faits
que Chomsky attribue agrave la performance Ainsi Hymes degraves 1972 deacuteveloppe le concept
de compeacutetence de communication pour communiquer il ne suffit pas de connaicirctre la
langue le systegraveme linguistique il faut eacutegalement savoir comment srsquoen servir en
fonction du contexte social
CONCLUSION
On peut donc conclure que la sociolinguistique est neacutee agrave partir de lrsquoexistence de deux
facteurs concomitants
-un eacutetat de connaissances mise en question des grammaires formelles reacuteinteacutegration
des donneacutees seacutemantiques appel agrave lrsquointeraction sociale comme donneacutee de la
communication
-un eacutetat de fait existence de problegravemes linguistiques qui inteacuteressent la vie sociale de
certaines communauteacutes
Crsquoest cette dualiteacute radicale du langage agrave la fois inteacutegralement formel et inteacutegralement
traverseacute par des enjeux subjectifs et sociaux qui fait lrsquoobjet de la sociolinguistique
Cours II DEMARCHE ET OBJET DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
III-1 -DEMARCHE
La sociolinguistique implique
- une theacuteorie linguistique qursquoobserver que deacutecrire
-et une conception systeacutematique de la communication parlante une sociologie qui
observer dans quelles relations sociales
La meacutethode en sociolinguistique se reacutepartit en deux deacutemarches successives
1-une description de la structure linguistique et une description de la structure
sociologique
Pour ce faire elle emprunte les acquis theacuteoriques de lrsquoapproche structuraliste des
pheacutenomegravenes langagiers et les concepts et meacutethodes agrave la sociologie car cette
derniegravere laquo montre que tout individu est drsquoabord un objet social le produit drsquoune
socialisation Le langage est une forme de comportement social un instrument de
communication entre les hommes un reacutepertoire de varieacuteteacutes linguistiques imbriqueacutees les
une dans les autres un moyen drsquoexpression de lrsquoindividu raquo
2-une confrontation des deux disciplines geacuteneacuteralement le but viseacute est la connaissance
de la socieacuteteacute le langage est le moyen qui permet cette connaissance Naturellement la
deacutemarche du chercheur variera selon le sujet et aussi selon sa position ideacuteologique
III-2-OBJET DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
La sociolinguistique a affaire agrave des pheacutenomegravenes tregraves varieacutes
-les fonctions et les usages du langage dans la socieacuteteacute
-la maicirctrise de la langue lrsquoanalyse du discours
- les jugements que les communauteacutes linguistiques portent sur leurs langues la
planification et la standardisation linguistiqueshellip
Elle srsquoest donneacutee au deacutepart pour tacircche de deacutecrire les diffeacuterentes varieacuteteacutes qui coexistent
au sein drsquoune communauteacute linguistique en les mettant en rapport avec les structures
sociales aujourdrsquohui elle englobe pratiquement tout ce qui est eacutetude du langage dans
son contexte socioculturel
Lrsquoobjet de son eacutetude nrsquoest pas seulement la langue systegraveme de signes ou la
compeacutetence systegraveme de regravegles Elle deacutepasse cette opposition qui fournit un cadre eacutetroit
pour lrsquoeacutetude de problegravemes linguistiques importants comme lrsquoutilisation du langage dans
son contexte socioculturel et srsquoouvre vers ce que Hymes appelle la compeacutetence de
communication pour communiquer il ne suffit pas de connaicirctre la langue le systegraveme
linguistique il faut eacutegalement savoir comment srsquoen servir en fonction du contexte
social Drsquoautres linguistes tel Labov pensent que toute production linguistique
manifeste des reacutegulariteacutes et peut donc faire lrsquoobjet drsquoune description Cependant
quelque soit les diffeacuterences tous les chercheurs mettent lrsquoaccent sur un objet
unificateur le langage consideacutereacute comme une activiteacute socialement localiseacute dont lrsquoeacutetude
se megravene sur le terrain
Donc sans exageacuterer le caractegravere multipolaire de la sociolinguistique on peut dire agrave la
suite drsquoHENRI Boyer (p7) que laquo celle-ci embrasse agrave travers ses diverses tendances
lrsquoensemble des composantes de lrsquoactiviteacute de la parole non seulement la-les langues et
la socieacuteteacute mais eacutegalement le ou les discours le ou les textes le sujet et la
communication sans oublier les attitudes et les images ce qursquoon appelle les
repreacutesentations psycho-sociolangagiegraveres qui pegravesent sur les pratiques de langage et
conditionnent leur manifestation raquo
Les objets drsquoobservation et drsquoanalyse ne seront pas les mecircmes ils sont conditionneacutes par
la deacutemarche du sociolinguiste selon qursquoil srsquoattache agrave mettre en relation telle ou telle
composante
Ainsi le sociolinguiste peut vouloir inventorier les savoirs linguistiques agrave lrsquoœuvre dans
une communauteacute donneacutee eacutetudier les dialectes les sociolectes et autres varieacuteteacutes en
usage dans tel groupe Il peut eacutegalement mettre en rapport ces savoirs linguistiques et
les institutions qui leur octroient une plus ou moins grande leacutegitimiteacute sociale Il peut
encore analyser le fonctionnement des normes et des eacutevaluations sur lesquelles srsquoappuie
la parole circulante Il ne lui est pas interdit non plus drsquointerroger les divers types de
discours oraux ou eacutecrits pour en deacutecrire le fonctionnement polyphonique crsquoest-agrave-dire
la manifestation plus ou moins probleacutematique de plusieurs voix celles des
interlocuteurs mais eacutegalement la trace lrsquoeacutecho de celles qui circulent dans le contexte
social ougrave srsquoinscrivent les productions linguistiques en question
Le sociolinguiste reacuteintroduit dans son champ drsquoeacutetude le sujet peut aussi bien analyser
les statuts rocircles et places des acteurs- partenaires leur incidence sur le deacuteroulement des
interactions au travers en particulier des strateacutegies mises en œuvre Enfin la
communication elle-mecircme peut retenir son attention au travers des actes de parole
directs ou indirects de leur interpreacutetation plus ou moins preacutevisibles des rituels
sociolangagiers sur lesquels srsquoappuie la parole en communauteacute Donc la
sociolinguistique investit tous les domaines suivants (voir scheacutema suivant p7)
Cours III
VI LA VARIATION LINGUISTIQUE
La question de la variation est une question fondamentale pour la sociolinguistique car il sagit
veacuteritablement de tirer les conseacutequences du constat fait par tout linguiste mecircme deacutebutant on ne
parle pas de la mecircme faccedilon dans toutes les circonstances de sa vie Une mecircme personne au cours
dune journeacutee change consideacuterablement dusage de varieacuteteacute de langue et ceci en raison de ses
interlocuteurs de lobjet de son discours des conditions immeacutediates de productionreacuteception Bien
sucircr en fonction de son milieu social de son histoire personnelle de son implantation
geacuteographique des effets que lon veutpeut produire de la maicirctrise des registres de langues acquise
du rapport agrave la langue et agrave la socieacuteteacute on recourt agrave des varieacuteteacutes linguistiques tregraves diverses qui mecircme
si elles sont globalement appeleacutees franccedilais peuvent comporter des diffeacuterences consideacuterables aux
yeux du linguiste qui les deacutecrit Cest le deacutesir dexpliquer cette variation de trouver les causes de
chaque varieacuteteacute en rendant compte de toutes les donneacutees susceptibles decirctre mises en relation avec
les formes produites qui a donneacute naissance agrave la sociolinguistique La perspective deacuteterministe est
centrale tout ce que nous disons agrave deacutefaut de pouvoir ecirctre directement conditionneacute par
lenvironnement linguistique immeacutediat (cf les variantes conditionneacutees) doit pouvoir ecirctre expliqueacute
par ce que nous sommes on retrouve les questions QUI parle A QUI OU QUAND
COMMENT POURQUOI
En preacutefeacuterant la notion de variation linguistique et en faisant de celle-ci une des
composantes essentielles de son champ disciplinaire la sociolinguistique reacutevegravele son inteacuterecirct prioritaire
pour certaines situation de communication individuelles ou collectives ougrave les locuteurs de maniegravere
permanente ou provisoire sont conduits agrave faire coexister en eux des usages linguistiques certes
distincts mais cependant proches Lrsquoideacutee de variation implique ici celle drsquoun eacutecart mais drsquoun eacutecart
veacutecu
En effet la sociolinguistique entend deacutecrire la langue dans ses emplois ses usages Cet
usage manifeste des variations le locuteur opegravere un choix parmi les varieacuteteacutes-les sous codes- de la
langue qursquoil maicirctrise notamment en fonction de son statut social du style et de la situation qui peut
ecirctre plus ou moins formelle Le formalisme du discours peut se deacutefinir en fonction des termes
constitutifs de lrsquoeacuteveacutenement de parole on peut se sentir obligeacute de se conduire de parler correctement
drsquoune maniegravere formelle face agrave un auditeur drsquoun statut social eacuteleveacute le thegraveme de lrsquoeacutechange neacutecessite
une langue soutenue ou familiegravere deacutejagrave sur le plan lexical la deacutenomination de certains objets risque
de changer radicalement suivant les personnes auxquelles on srsquoadresse le style peut ecirctre
surveilleacute(langue soutenue) familier celui du discours quotidien tel qursquoil est employeacute dans les
situations ordinaires ougrave le langage nrsquoest pas un objet drsquoattention
La sociolinguistique distingue entre variation inter linguistique et variation intralinguistique
VI-1-LA VARIATION INTRALINGUISTIQUE OU VARIATION DANS LES USAGES DE LA
LANGUE Il y a variation intralinguistique lagrave ougrave les locuteurs utilisent deux ou plusieurs variantes drsquoun mecircme
systegraveme donc drsquoune mecircme langue A lrsquointeacuterieur drsquoune mecircme langue il y a une variation constante Celle-ci peut ecirctre geacuteographique ou sociale mais la plupart du temps ces facteurs interfegraverent lrsquousage drsquoun patois est un pheacutenomegravene geacuteographique mais qui marque aussi une hieacuterarchie sociale La variation peut prendre la forme de patois de dialectes de langues de minoriteacute (en France le basque ou lrsquoalsacienne sont pas apparenteacutes au franccedilais) Crsquoest la dialectologie qui depuis la fin du XIX eacuteme siegravecle eacutetudie ce type de pheacutenomegravenes Lrsquourbanisation massive et le deacuteveloppement des communications ont bouleverseacute la
dialectologie traditionnelle qui eacutetait tourneacutee vers le monde rural Aujourdrsquohui crsquoest le monde urbain qui offre les terrains drsquoenquecircte les plus riches Crsquoest pourquoi la sociolinguistique se propose de reacuteinteacutegrer lrsquohomme dans la langue le locuteur son milieu celui auquel il srsquoadresse la communauteacute linguistique mecircme si toutes ces donneacutees sont extrecircmement complexes De fait dans les anneacutees 60 aux eacutetats ndashunis W Labov auteur notamment drsquoune seacuterie drsquoarticles publieacutes en franccedilais dans le recueil Sociolinguistique sociolinguiste bien connu pour son rocircle dans la recherche a fait apparaicirctre lrsquoabsolue neacutecessiteacute de consideacuterer la reacutealiteacute des productions langagiegraveres et non plus des abstractions (cette recherche sur les abstractions correspondait agrave un courant de la linguistique theacuteorique) il nrsquoheacutesite pas agrave dire que la sociolinguistique crsquoest la linguistique mecircme srsquoil est obligeacute de constater que certains linguistes neacutegligent agrave tort lrsquoeacutetude du contexte social Pour nous notre objet drsquoeacutetude est la structure et lrsquoeacutevolution du langage au sein du contexte social formeacute par la communauteacute linguistique Les sujets consideacutereacutes relegravevent du domaine ordinairement appeleacute linguistique geacuteneacuterale phonologie morphologie syntaxe et seacutemantique Les problegravemes theacuteoriques que nous soulegraveverons appartiennent eacutegalement agrave cette cateacutegorie tels la forme des regravegles linguistiques leur combinaison en systegravemes la coexistence de plusieurs systegravemes et lrsquoeacutevolution dans le temps de ces regravegles et de ces systegravemes Srsquoil nrsquoeacutetait pas neacutecessaire de marquer le contraste entre ce travail et lrsquoeacutetude du langage hors de tout contexte social je dirais volontiers qursquoil srsquoagit lagrave tout simplement de linguistique Et lrsquoon peut srsquoeacutetonner qursquoil soit utile de donner une base sociale eacutelargie agrave ce domaine Que la linguistique geacuteneacuterale quel qursquoen soit le contenu doive reposer avant tout sur le langage tel que lrsquoemploient les locuteurs natifs communiquant entre eux dans la vie quotidienne cela paraicirct aller de soi Aussi est-il profitable avant de continuer de voir preacuteciseacutement pourquoi il nrsquoen a pas eacuteteacute ainsi (Labov 1976 Lrsquoeacutetude de la langue dans son contexte social pp 258-259) Pour Labov il nrsquoy a pas drsquoeacutetude de la langue sans prise en compte des hommes qui la parlent sans eacutetude de lrsquoenvironnement social De ce fait Labov tente de correacuteler les maniegraveres de parler avec des variables sociales qui peuvent ecirctre beaucoup plus fines (et qui sont deacutetermineacutees preacuteciseacutement par lrsquoanalyse) que les grandes cateacutegories sociales traditionnelles (profession sexe acircge lieu de reacutesidence etc) Labov devant les donneacutees ordinaires de la situation de communication qui comportent une forte heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et qui sont geacuteneacuteralement consideacutereacutees comme aleacuteatoires va chercher agrave eacutetablir une systeacutematiciteacute (Gadet 1992b) En quelque sorte srsquoattachant au concept de variation libre Labov essaye drsquoeacutetablir les regravegles de cette variation drsquoen montrer les conditionnements Labov met agrave jour des reacutegulariteacutes trop systeacutematiques pour ecirctre le fait du hasard et il srsquoefforce de montrer selon les formules de F Gadet qursquo+ il y a une stratification de lrsquousage de la langue dans la socieacuteteacute dont il a pu eacutetablir qursquoelle eacutetait agrave la fois reacuteguliegravere et extrecircmement fine Elle ne peut toutefois se saisir qursquoagrave travers des consideacuterations de freacutequence puisque ce nrsquoest guegravere la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoune variante qui est en cause mais des taux drsquooccurrences compareacutes (F Gadet 1992b p 6)
Il srsquoagit drsquoassocier chaque variante linguistique agrave une cause extra-linguistique (classe sociale sexe acircge habitat race attitudes du locuteurs circonstances de la communication etc) ou chaque ensemble de variantes linguistiques (reacutealisation dune variable) agrave une ou des variables sociales selon un scheacutema que lrsquoon pourrait repreacutesenter ainsi
Ensemble des variables sociales Ensemble des variables linguistiques Une fois correctement eacutetablies les variables en modifiant lrsquoune des variables sociales on devrait
obtenir une varieacuteteacute nouvelle (un ensemble de variantes diffeacuterentes) au niveau linguistique Attention on rappellera ici la notion de variante conditionneacutee On parle en linguistique de variante
conditionneacutee quand on peut eacutetablir une correacutelation stricte entre lrsquoapparition drsquoune uniteacute linguistique et le
contexte linguistique de son apparition ainsi en franccedilais du Midi la reacutealisation [o] [ɔ] est conditionneacutees ces deux formes sont deux variantes conditionneacutees drsquoune seule uniteacute phonologique le o selon la regravegle
suivante [o] en finale ex pot chaud dos o [ɔ] + C ex rose chaude jaune code Paul pocircle Dans
drsquoautres reacutegions de France on pourra trouver des o et des ɔ non conditionneacutes par le contexte comme le montrent les prononciations laquo parisiennes raquo de saute sotte ou de pocircle Paul
Crsquoest un conditionnement de ce type que Labov a tenteacute drsquoeacutetablir non plus entre un environnement linguistique et certains sons mais entre des variables extra-linguistiques (sexe acircge situation sociale) et des uniteacutes comportant du sens (du morphegraveme uniteacute minimale de signification agrave la phrase ou au discours uniteacute vaste) Dans une perspective deacuteterministe (une deacutemarche scientifique est drsquoune faccedilon ou drsquoune autre preacutesenteacutee comme deacuteterministe) Labov pense que si nous ne parvenons pas agrave eacutetablir un conditionnement strict entre des variables extra-linguistiques et des variantes linguistiques crsquoest parce que notre analyse est
incomplegravete parce que nous avons neacutegligeacute des donneacutees Il propose de ce fait de multiplier les investigations pour trouver les variables pertinentes
Avec William Labov le pegravere de lapproche variationniste en sociolinguistique on a pris lhabitude de distinguer quatre types de variation
la variation diachronique (ou historique) la variation diatopique (ou geacuteographique) la variation diastratique (ou sociale) la variation diaphasique (ou stylistique)
Variation diachronique
La variation diachronique est lieacutee au temps elle permet de cotraster les traits selon quils sont perccedilus comme plus ou moins anciens ou reacutecents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diatopique
La variation diatopique joue sur laxe geacuteographique la diffeacuterenciation dune langue suivant les reacutegions relegraveve de cette variation Pour deacutesigner les usages qui en reacutesultent on parle de reacutegiolectes de topolectes ou de geacuteolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diastratique
La variation diastratique explique les diffeacuterences entre les usages pratiqueacutees par les diverses classes sociales Il est question en ce cas de sociolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diaphasique
On parle de variation diaphasique lorsquon observe une diffeacuterenciation des usages selon les situations de discours ainsi la production langagiegravere est-elle influenceacutee par le caractegravere plus ou moins formel du contexte deacutenonciation et se coule-t-elle en des registres ou des styles diffeacuterents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Franccediloise Gadet propose dajouter la variation diameacutesique quelle deacutefinit ainsi Une autre distinction relevant eacutegalement de lusage intervient entre oral et eacutecrit Elle est particuliegraverement forte dans une langue de culture tregraves standardiseacutee comme la franccedilaise Ici cest la distinction de chenal de transmission de la parole qui constitue le point dancrage de la diffeacuterence aucun locuteur ne parle comme il eacutecrit aucun neacutecrit comme il parle La distinction nest pas purement mateacuterielle elle touche aussi la conception mecircme des discours Il faudra donc distinguer entre ce qui est un effet geacuteneacuteral de loraliteacute et ce qui relegraveve de la variation (Gadet 2004 p 98)
Cette recherche de William Labov (La stratification sociale de lrsquoanglais dans la ville de New york) a eacuteteacute
meneacutee sur la relation entre variation linguistique et stratification sociale dans une grande ville ameacutericaine et en particulier sur lrsquoanglais de noirs Une preacute-enquecircte meneacutee dans trois grands magasins diffeacuterents quant agrave la qualiteacute et au prix des produits vendus et par conseacutequent agrave la cateacutegorie sociale de leur clients a permis de montrer que les employeacutes de ces magasins qui pourtant appartenaient tous agrave la mecircme classe sociale reacutealisaient les variantes phoneacutetiques conformeacutement agrave la faccedilon de parler des clients agrave qui ils avaient affaire en fonction du magasin(du quartier ougrave il se trouvait) voire du rayon dans le magasin( de la nature des produits proposeacutes)
La seule preacutesence de lrsquoobservateur lors drsquoune enquecircte suffit agrave modifier le comportement linguistique de lrsquoenquecircteacute lequel a tendance agrave se rapprocher de la varieacuteteacute officielle ou de prestige Les modaliteacutes de lrsquoenquecircte entraicircnent eacutegalement des variations dans les productions Crsquoest ce qui a ameneacute Labov agrave varier ses strateacutegies (eacutecoute pirate deacuteguisement ) et agrave deacutefinir des styles contextuels dont le plus surveilleacute reacutepond agrave la lecture et le moins surveilleacute au discours spontaneacute familier hors enquecircte Lagrave aussi plus le locuteur accorde drsquoattention agrave son discours plus il se rapproche de la norme officielle Tout cela met en lumiegravere la fonction sociale et symbolique des variations linguistiques qui ne sont que rarement des choix deacutelibeacutereacutes
La varieacuteteacute linguistique propre agrave un groupe dominant srsquoimpose comme marque de prestige et deacutetermine lrsquoattitude des locuteurs du groupe domineacute face agrave leur propre varieacuteteacute les colonisateurs le savent bien et un de leurs premiers soucis est de transmettre leur eacutevaluation Ces travaux de dialectologie urbaine ont permis de deacutevelopper des meacutethodologies originales drsquoanalyse de lrsquousage en situation authentique lrsquoobservateur srsquoefforccedilant de ne pas fausser les donneacutees par sa preacutesence
-variation selon les groupes sociaux il peut srsquoagir de groupes constitueacutes sur les bases de lrsquoorigine
ethnique du pouvoir eacuteconomique du sexe de lrsquoacircge
-variation en fonction de la situation de communication les mecircmes locuteurs ne parlent pas de la
mecircme faccedilon selon les situations (en situation formelle ou en situation familiegravere agrave lrsquoeacutecrit et agrave lrsquooral
A partir de cette enquecircte ceacutelegravebre sur les adolescents noirs lAmeacutericain William Labov a donc rechercheacute les correacutelations entre certaines variations linguistiques et la position sociale des locuteurs etou la situation de communication
Cette deacutemarche la ameneacute agrave isoler deux niveaux de variation
- Un niveau social diffeacuterents locuteurs dune mecircme langue parlent diffeacuteremment
- Un niveau stylistique un mecircme locuteur utilise diffeacuterents registres de langage (familier soutenu) selon la situation Mais W Labov remarque que leacutecart entre langue courante et langue soutenue est beaucoup plus important chez un ouvrier que chez un cadre supeacuterieur
Pour W Labov la langue est soumise agrave trois sortes de regravegles
- Les regravegles cateacutegoriques quaucun locuteur ne viole jamais Aucun francophone ne dit laquo on venons raquo ou laquo nous vient raquo
- Les regravegles semi cateacutegoriques dont la violation - freacutequente - est interpreacutetable socialement la tournure laquo aller au coiffeur raquo est jugeacutee populaire par la norme
- Les regravegles variables
- Se meacutefier de lrsquointrospection drsquoune preacutetendue laquo compeacutetence raquo (cf Chomsky) on ne touche de fait
que des laquo performances raquo et il existe des proceacutedures objectives drsquoanalyse linguistique pour
approcher la variation ndash qui est la regravegle
- Srsquoil y a de la variation il convient toujours de tenter de lrsquoexpliquer les preacutetendues laquo variantes
libres raquo sont des variantes dont le conditionnement nous eacutechappe mais il convient de chercher
parmi les donneacutees sociales au sens large celles qui de fait conditionnent les variantes analyseacutees
-Se rappeler que lrsquoon tente toujours drsquoenquecircter sur la langue drsquoune communauteacute linguistique et non
pas sur celle drsquoun seul individu Se soucier neacutecessairement de la question de la repreacutesentativiteacute des
informateurs
En conseacutequence scepticisme quant aux laquo universaux raquo au sens ougrave ils pourraient ecirctre preacutesents
dans toutes les langues Mais crsquoest lrsquoexplication qui forge lrsquouniversaliteacute (cf ne pas confondre les
universaux de la linguistique avec des universaux du langage )
- Inteacuterecirct particulier pour le changement linguistique tout particuliegraverement les signes du
changement en cours Toutes conditions eacutegales ce qui a entraicircneacute des changements dans le passeacute se
reproduit neacutecessairement maintenant (mais ne pas oublier les caracteacuteristiques sociales qui font
partie des laquo conditions eacutegales raquo)
VI- 2 LA VARIATION INTERLINGUISTIQUE Il nrsquoest pas dans notre intention drsquoeacutenumeacuterer ici toutes les deacutefinitions ou typologies proposeacutees pour le bilinguisme mais de retenir celles qui nous semblent avoir un inteacuterecirct pour la sociolinguistique
VI-2-1 Bilinguisme et plurilinguisme
Tregraves longtemps il y a eu des deacutebats pour savoir srsquoil fallait parler de bilinguisme ou de
plurilinguisme Il y a de nombreuses deacutefinitions nous retenons celle de
-Georges Mounin laquo Le fait pour un individu de parler indiffeacuteremment deux langues raquo laquo eacutegalement
coexistence de deux langues dans la mecircme communauteacute pourvu que la majoriteacute des locuteurs soit
effectivement bilingue raquo
-Deacutefinition du dictionnaire de didactique des langues laquo le bilinguisme est une situation qui
caracteacuterise les communauteacutes linguistiques et les individus installeacutes dans les reacutegions multilingues
-Dictionnaire des sciences du langage de Todorov laquo un individu est dit multilingue srsquoil possegravede
plusieurs langues apprises lrsquoune comme lrsquoautre comme langue maternelle raquo
Le bilinguisme agrave travers ces trois deacutefinitions peut ecirctre consideacutereacute soit comme le fait drsquoune
communauteacute soit comme le fait drsquoun individu Ces diffeacuterences renvoient agrave tout un deacutebat de
linguistes qui consideacuteraient que seuls les individus peuvent ecirctre bilingues et drsquoautres qui
consideacuteraient que cette notion peut srsquoeacutetendre agrave toute une communauteacute linguistique
Se posent alors le problegraveme de degreacute drsquoextension du bilinguisme agrave partir de quel pourcentage
considegravere - t-on que la communauteacute est bilingue et quand peut-on parler de bilinguisme
Selon lrsquoacircge drsquoacquisition des langues on a pu parler de bilinguisme preacutecoce ou tardif selon la
distribution faite dans la communauteacute on parle de bilinguisme composeacute individuel stylistique ou
social Toutes ces approches deacutefendent un point de vue diffeacuterent
Les diffeacuterentes approches -Lrsquoapproche normative
Elle prend en consideacuteration le degreacute de maicirctrise de la langue deux positions srsquoaffrontent lrsquoune dit
que tout le monde est bilingue lrsquoautre que personne est bilingue
a)Tout le monde est bilingue
Les deacutefenseurs de cette thegravese pensent que dans tout acte de communication les locuteurs srsquoadaptent
agrave une situation donneacutee Or une langue varie selon les situations de communication les locuteurs
drsquoune langue disposent drsquoune varieacuteteacute drsquousages maicirctriser une langue crsquoest savoir utiliser cette
varieacuteteacute crsquoestndashagrave-dire savoir adapter son discours agrave chacune de ses situations linguistiques
Mahmoudian eacutecrit laquo on maicirctrise mieux une langue dans la mesure ougrave on manie un nombre plus
eacuteleveacute drsquouniteacutes linguistiques et que lrsquoon comprend mieux le sens qui rattache ces uniteacutes aux
circonstances raquo
Martinet laquo deacuteveloppe la mecircme ideacutee lorsqursquoil dit que la maicirctrise drsquoune langue est constitueacute par une
hieacuterarchie drsquousages possibles qui sont les usagers quotidiens les usagers solennels politiques
artistiques
Ceci implique donc que le locuteur est agrave chaque instant obligeacute drsquoadapter son langage agrave la situation
On peut dire que tout locuteur est bilingue exemple du langage becirctifieacute des parents lorsqursquoils
parlent aux enfants ou les colons qui tentent drsquoadapter leur langue maternelle aux parlers creacuteoles
b) Personne nrsquoest bilingue
Certains linguistes disent que le bilinguisme nrsquoexiste pas dans la mesure ougrave personne nrsquoest capable
de maicirctriser agrave la perfection deux langues crsquoest agrave dire sans aucune interfeacuterence Si on prend en
consideacuteration ces paramegravetres il nrsquoy a pas de bilinguisme
Andreacute Martinet explique que ce critegravere de la perfection nrsquoa guegravere de sens car mecircme un locuteur
unilingue ne possegravede pas agrave la perfection sa langue et qursquoil nrsquoen utilise pas toutes les possibiliteacutes
lexicales ou syntaxiques Ce critegravere de la perfection est rejeteacute car il ne permet nullement de deacutefinir
le bilinguisme ou le monolinguisme
c La troisiegraveme tendance tente de deacutefinir le degreacute de maicirctrise relative
Ils rapportent la meacutethode de Malherbe une seacuterie de critegraveres permettent de deacutefinir une situation de
bilinguisme
-ecirctre en mesure de mener une conversation un discours ou un sermon dans une langue eacutetrangegravere
que ce soit agrave lrsquoeacutecrit ou agrave lrsquooral Savoir lire les journaux dans cette langue et en saisir lrsquohumour
-Etre en mesure de mener une conversation intelligible dans une autre langue et pouvoir lire sa
litteacuterature
-Savoir lire implacablement lrsquoautre langue
-Savoir enseigner les deux langues
-Posseacuteder une grande maicirctrise des deux langues
-Posseacuteder une connaissance parfaite des deux langues
Que dire
La mesure de la perfection repose sur des jugements de valeur subjectifs on mecircle diffeacuterents
niveaux de maicirctrise drsquoune langue lrsquoeacutecrit et lrsquooral
On mecircle pareillement la maicirctrise drsquoune langue et lrsquoaptitude agrave lrsquoenseigner ce qui ne se justifie pas
Beaucoup savent parler une langue mais ne peuvent lrsquoenseigner
On peut dire que les systegravemes de mesure de la perfection linguistique est un faux problegraveme car
toute situation de bilinguisme est marqueacutee par une fluctuation des usages (variation continuelle)
En effet le comportement linguistique des bilingues est tregraves variable il deacutepend de nombreux facteurs drsquoordres psychologiques et sociaux Il y a des pheacutenomegravenes de pressions sociales les situations de communication qui fait qursquoon ne peut eacutetablir des grilles rigoureuses La mesure de perfection se reacutevegravele vaine il faut srsquoen tenir aux propositions de W Mackey laquo le bilinguisme doit ecirctre consideacutereacute comme un concept non pas absolu mais relatif raquo Renzo Titone ajoute en rapportant Mackey qursquoil ne faut pas poser la question cet individu est-il bilingue Mais plutocirct dans quel sens est-il bilingue crsquoest-agrave-dire qursquoil faut rendre compte de la pratique bilingue du locuteur de son comportement bilingue mais pas tenter de deacutefinir la nature du bilinguisme qursquoil pratique
Lrsquoapproche psychologique
A-Le bilinguisme infantile ou preacutecoce On parle de bilinguisme infantile quand il srsquoagit drsquoun enfant qui degraves sa naissance est
simultaneacutement confronteacute agrave deux systegravemes linguistiques diffeacuterents par exemple lorsque la megravere et le
pegravere parlent agrave lrsquoenfant chacun leur langue ou lorsqursquoune 3egraveme
personne parle une autre langue que
celle que parlent les parents En fait cette situation est plus rare que la situation de bilinguisme
preacutecoce ougrave lrsquoon a des enfants monolingues dans les premiegraveres anneacutees de leur enfance qui
apprennent ensuite une seconde langue soit par impreacutegnation du milieu familial et social soit agrave
lrsquoeacutecole Les eacutetudes agrave orientation psychologiques se proposent toujours diffeacuterents objectifs certaines
eacutetudes se proposent drsquoexaminer le comportement de lrsquoenfant qui est aussi tregraves tocirct mis en contact
avec 2 ou plusieurs langues en geacuteneacuteral ces eacutetudes essaient de deacuteterminer la conscience qursquoa
lrsquoenfant de parler ou de ne pas parler plusieurs langues on a 2 types de constatations qui
apparemment sont contradictoires
1-Il semble selon certaines expeacuteriences que les enfants acquiert les diffeacuterentes langues sans
srsquoen apercevoir On cite les propos drsquoun linguiste allemand bilingue qui degraves son plus jeune acircge agrave la
question raquo savez vous depuis le deacutebut que vous parliez deux langues Il reacutepondit laquo je suppose que
non je parlais spontaneacutement la langue de mon interlocuteur sans savoir ce que je faisais et cela
depuis le deacutebut comme jrsquoai pu le deacuteduire du teacutemoignage de mes parents
2- En face de ce premier type de recherche on a une autre type de recherche qui montre que les
enfants distingue assez tocirct entre 3 et 4 ans les diffeacuterents systegravemes qursquoil parle et preacuteciseacutement cette
capaciteacute de parler et la situation dans laquelle ils se trouvent tregraves vite ils perccediloivent ce qursquoon
attend drsquoeux dans la situation scolaire et dans la situation familiale ou amicale
Un autre facteur inteacuteressant crsquoest leur capaciteacute de traduire Renzo Titone cite le cas de conscience
diffeacuterentielle qui lui permet de diffeacuterencier les systegravemes ce qui implique que lrsquoenfant possegravede une
double compeacutetence crsquoest-agrave-dire une maicirctrise intuitive de regravegles et de meacutecanismes diffeacuterents
laquo Lrsquoenfant bilingue reacuteussit-il agrave faire le rapport entre les personnes et les situations distinctes et les
idiomes raquo
Lrsquoenfant pratique la diffeacuterenciation des systegravemes mais il ne possegravede pas la capaciteacute drsquoeacutenoncer de
formuler cette aptitude Il a une conscience intuitive qursquoil ne peut formuler
Le bilinguisme favorable ou deacutefavorable
La question souvent poseacutee est celle de savoir si le bilinguisme est favorable ou deacutefavorable
srsquoil est nuisible ou non Cette question est poseacutee agrave deux niveaux drsquoabord agrave propos des enfants on
se demande bien souvent si le bilinguisme est preacutejudiciable ou non au deacuteveloppement de lrsquoenfant
crsquoest agrave dire agrave son eacutequilibre psychologique affectif drsquoautre part si crsquoest preacutejudiciable agrave lrsquoacquisition
de sa langue maternelle et de sa langue Ces preacutesupposeacutes sont deacutementis par de nombreuses
expeacuteriences faites sur des enfants bilingues
Renzo Titone expose le cas drsquoun enfant qui apprend lrsquoallemand avec sa megravere et le franccedilais avec
son pegravere la prononciation fut celle drsquoun enfant unilingue degraves le deacutebut le bilinguisme ne retardera
pas le deacuteveloppement geacuteneacuteral du langage crsquoest agrave dire que lrsquoacquisition des deux langues nrsquoa pas
entraicircneacute de retard Les emprunts drsquoune langue agrave une autre reacuteitegraverent des cas isoleacutes Dans les deux
langues on assisteacute agrave un deacuteveloppement parallegravelement en phoneacutetique en morphologie en syntaxe
Lrsquoenfant devient tregraves vite conscient de son bilinguisme et traduisait les messages drsquoune langue agrave
une autre Il acquit le concept abstrait de langue Tous ces exemples donneacutes par Titone semblent
contredire la thegravese qui veut que le bilinguisme soit dangereux preacutejudiciable Mecircme thegravese
deacuteveloppeacutee par Abdellah Cheacuteriet pour qui le bilinguisme est contre reacutevolutionnaire dangereux
pour lrsquoauthenticiteacute et pour la langue arabe alors que Lacheraf eacutetait pour le bilinguisme
Selon Cheacuteriet le bilinguisme nrsquoest pas une voie reacutevolutionnaire pour lrsquoenseignement mais
bourgeoise car ce nrsquoest pas le bilinguisme qui donne au peuple sa formation socialiste De plus le
bilinguisme est contraire agrave lrsquoauthenticiteacute et le fait drsquoenseigner une langue eacutetrangegravere agrave lrsquoenfant
orientera sa mentaliteacute et donc son authenticiteacute
Remarque le bilinguisme est consideacutereacute sous un angle particulier on considegravere les deux
langues rivales Pourtant lrsquoAlgeacuterie est plurilingue et Cheacuteriet ne parle jamais des autres langues les
arguments avanceacutes sont biaiseacutes la reacutealiteacute linguistique nrsquoest jamais deacutecrite lrsquoarabe classique est
consideacutereacute comme une langue maternelle En fait le veacuteritable problegraveme dans des cas de bilinguisme
est la prise en charge peacutedagogique et un environnement harmonieux laquo En creacuteant un environnement
adapteacute le petit enfant pourrait tregraves bien apprendre deux langues ou plus sans grave difficulteacute et la
redoutable barriegravere linguistique serait deacutetruite agrave la base raquoTitone
3 Lrsquoapproche sociale On peut parler du bilinguisme social lorsqursquoon prend en consideacuteration lrsquoexpansion du
bilinguisme au niveau de toute une communauteacute Cette approche sociale traite drsquoun certains
nombres de questions
-le statut des langues en contact
-la distribution de ces langues crsquoest-agrave-dire comment les langues se distribuent-elles
parmi les locuteurs comment sont-elles pratiqueacutees par les locuteurs drsquoougrave lrsquoeacutetude drsquoun certains
nombre drsquoeacuteleacutements agrave prendre en charge la situation de communication lrsquoappartenance sexuelle
sociale on srsquoattache aussi au pheacutenomegravene de prestige de valorisation et de deacutevalorisation
pheacutenomegravene de meacutemorisation Crsquoest-agrave-dire lrsquoattitude du locuteur agrave lrsquoeacutegard de ceux qui parlent
-les problegravemes de planification linguistique Elle prend aussi en charge le retentissement
de tous les eacuteleacutements au niveau de la dynamique des langues crsquoest agrave dire la capaciteacute drsquoeacutevolution de
stagnation de vie ou de mort des langues quels sont les symptocircmes qui permettent de reconnaicirctre
ces pheacutenomegravenes
Lrsquoimportance de ces pheacutenomegravenes sociaux se manifeste dans lrsquoexemple que nous
empruntons agrave Juliette Garmadi 1981 La sociolinguistique PUF Paris concernant le cas du
Vaupegraves reacutegion qui se situe au centre de lrsquoAmazonie avec une frontiegravere commune agrave la Colombie et
au breacutesil
Quelles sont les caracteacuteristiques sociales de cette reacutegion il srsquoagit drsquoune population
indienne qui vit dans des habitations disperseacutees cependant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune
population seacutedentaire bien qursquoil lui arrive de se deacuteplacer Il y a plusieurs niveaux de structuration
sociale de cette population elle est structureacutee en uniteacutes deacutefinies par un seul critegravere lrsquouniteacute
linguistique Chaque groupe drsquoindividus parlant la mecircme langue est consideacutereacute comme appartenant
agrave la mecircme tribu La tribu est deacutefinie par la langue du pegravere donc tous ceux qui ont utiliseacutes degraves leur
enfance la langue du pegravere font partie de la mecircme tribu Crsquoest donc la langue du pegravere qui confegravere
lrsquoidentiteacute au groupe agrave la tribu Un indien de cette tribut doit se marier avec une femme drsquoune autre
tribu obligatoirement donc parlant une autre langue sinon cela est consideacutereacute comme un inceste
Exemple un enfant appartenant agrave une tribu doit avoir comme premiegravere langue la langue de son
pegravere la megravere est tenue drsquoapprendre la langue de son mari mais elle peut aussi parler sa langue avec
les autres femmes elle communique avec son fils la langue de son mari
Quels sont les points que suscite lrsquoattention du linguiste par rapport au vaupeacutes
-Au niveau de lrsquoeacutetendue du bilinguisme
Le plurilinguisme pourrait ecirctre envisageacute dans cette reacutegion agrave plusieurs niveaux au niveau familial
ou cellule nucleacuteaire Au niveau de la tribu au niveau du Vaupegraves
Selon Juliette Garmadi il y a une stabiliteacute du plurilinguisme que lrsquointroduction du portugais et de
lrsquoespagnol dans la reacutegion ne semble pas remettre en cause Elle affirme une des premiegraveres
conclusions que lrsquoon peut tirer de lrsquoeacutetude de la situation du Vaupegraves est que les socieacuteteacutes complexes
ne sont pas les seules garantes possibles de la stabiliteacute du plurilinguisme Elle veut dire que lrsquoon
aurait tendance agrave croire qursquoune situation comme le vaupeacutes avec lrsquoaccord de la colonisation aurait
pu voir son plurilinguisme ceacuteder devant la langue du colonisateur or il nrsquoen est rien car le
plurilinguisme du Vaupegraves se maintient tregraves bien Donc les socieacuteteacutes stables ne sont pas les seules
garantes de la stabiliteacute
Lrsquoexistence du plurilinguisme et de sa stabiliteacute ne sont lieacutees ni agrave des types drsquoinstitutions preacutecises ni
au nombre des locuteurs ni agrave la dimension ni agrave la densiteacute drsquoun pays
Juliette Garrmadi agrave travers lrsquoexemple du Vaupegraves semble remettre en question toutes ces
hypothegraveses
-Au niveau psychologique du bilinguisme
Au niveau psychologique le plurilinguisme peut ecirctre preacutecoce ou tardif ce bilinguisme est aussi
eacutequilibreacute car les langues acquises dans lrsquoenfance le sont avec une maicirctrise eacutegales
-Au niveau linguistique et seacutemio culturel
Au niveau des systegravemes culturels transmis par le langage on peut parler de bilinguisme composeacute
crsquoest agrave dire que les langues parleacutees reacutefegraverent agrave une mecircme situation seacutemio culturelle que les langues
indiennes parleacutees dans le Vaupegraves renvoient au mecircme reacutefeacuterent culturel dans la mesure ougrave la culture
indienne de cette reacutegion est homogegravene et que toutes les langues parleacutees sont le veacutehicule de cette
culture homogegravene ce qui peut se traduire en disant que les enfants du Vaupeacutes ont un seul systegraveme
de signifieacute mais qursquoils ont pour le traduire diffeacuterents signifiants correspondant aux diffeacuterentes
langues qursquoils parlent Crsquoest dans ce cas que lrsquoon parle de bilinguisme composeacute car ce dernier
implique theacuteoriquement la permeacuteabiliteacute des systegravemes linguistiques en contact crsquoest-agrave-dire qursquoil y a
tregraves souvent passage drsquoune langue agrave une autre il y a interfeacuterence agrave tout niveau phonologique
lexical et syntaxique
Conclusion
Si lrsquoon srsquoen tient au cas du Vaupeacutes on peut dire agrave propos de lrsquoAlgeacuterie qursquoelle preacutesente bien une
situation de plurilinguisme social Ce bilinguisme peut ecirctre caracteacuteriseacute agrave la fois comme preacutecoce et
tardif(beaucoup drsquoenfants apprennent les langues dans leur petite enfance mais aussi agrave lrsquoeacutecole) Ce
bilinguisme est aussi eacutequilibreacute il est plutocirct coordonneacute que composeacute car le reacutefeacuterent seacutemioculturel du
kabyle et du franccedilais est diffeacuterent du kabyle et de lrsquoarabe le franccedilais lrsquoest aussi
Cours 4
Bilinguisme et diglossie
1-Introduction
Dans une situation de contact de langues le statut de chaque langue varie suivant les rapports de
domination entre les groupes qui les parlent et les perceptions que les individus ont de ces rapports
Il srsquoensuit que les usages langagiers varient dans lrsquoespace social et geacuteographique en fonction de ces
rapports intergroupes si ces rapports changent les rapports de statut et donc les usages eux-mecircmes
varieront Crsquoest agrave de tels pheacutenomegravenes de variations sociolinguistiques que nous allons nous
inteacuteresseacutes En premier lieu nous examinerons le pheacutenomegravene de diglossie qui reacutesulte de relation de
statuts entre une langue et une varieacuteteacute de langue super-ordonneacutee et une autre langue ou varieacuteteacute de
langues subordonneacutees dont les usages respectifs sont en distribution compleacutementaire plus ou moins
stable dans une socieacuteteacute donneacutee
Selon Mackey laquo une socieacuteteacute dont tous les membres seraient capables de comprendre lire parler et
eacutecrire deux langues utiliseacutees dans cette socieacuteteacute devrait sans doute abandonner une de ces langues
car elle serait redondante Autrement dit pour que deux ou plusieurs langues survivent dans une
socieacuteteacute il est neacutecessaire qursquoelles remplissent des fonctions compleacutementaires-soit qursquoelles sont
utiliseacutees par tous les locuteurs pour des fonctions et dans des domaines distincts soit qursquoelles sont
utiliseacutees par des locuteurs appartenant agrave des groupes ethnolinguistiques diffeacuterents soit qursquoun
groupe parle la langue dominante lrsquoautre groupe la langue domineacutee avec entre les deux des
individus bilingues qui parlent la langue de lrsquoun et de lrsquoautre
1-Deacutefinition et historique de la diglossie
La notion de diglossie (du grec ancien diglottos signifiant bilingue) est un concept
sociolinguistique deacuteveloppeacute par Ferguson(1959) pour deacutecrire toute situation dans laquelle deux
varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue sont employeacutees dans des domaines compleacutementaires lrsquoune de ces
varieacuteteacute eacutetant geacuteneacuteralement de statut socialement supeacuterieur agrave lrsquoautre
Dans un sens large la diglossie existe dans toutes les socieacuteteacutes ougrave lrsquousage quotidien diffegravere
sensiblement de la norme officielle il faut que chaque varieacuteteacute soit utiliseacutees de maniegravere
systeacutematique par exemple une varieacuteteacute est employeacutee dans les domaines formelles comme
lrsquoadministration la religion la poeacutesie alors que lrsquoautre est reacuteserveacutee agrave la conversation courante aux
discussions informelles agrave la correspondance non officielle Fergusson qualifie ces deux varieacuteteacutes
lrsquoune haute et lrsquoautre basse Exemple Le monde arabe lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal La
Gregravece le grec le katharevousa et le grec populaire le dhimotiki
Le terme de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Fishman (1967) agrave lrsquousage compleacutementaire institutionnaliseacute
de deux langues distinctes dans une communauteacute donneacutee Cette situation de diglossie se caracteacuterise
par un certain nombre de traits
-La fonction la fonction des deux varieacuteteacutes H et L nrsquoest pas la mecircme il y a reacutepartition de chacune
drsquoentre elles selon les situations de communication
-la notion de prestige on se place ici au niveau de lrsquoattitude des locuteurs qui ont tendance agrave
qualifier H de supeacuterieure de plus belle de plus logique de plus apte agrave exprimer les penseacutees
importantes Ils affirment aussi qursquoils preacutefegraverent entendre un discours politique dans cette varieacuteteacute La
varieacuteteacute L est consideacutereacutee comme eacutetant infeacuterieure incapable drsquoexprimer un discours litteacuteraire
-La litteacuterature eacutetant reacutedigeacutee dans la varieacuteteacute haute elle contribue agrave ce que cette derniegravere soit tenue
dans sa plus haute consideacuteration
Le mode drsquoacquisition La varieacuteteacute basse est geacuteneacuteralement la langue maternelle son acquisition se
fait par lrsquousage donc au sein de la famille La varieacuteteacute haute srsquoapprend agrave lrsquoeacutecole
-La standardisation constitueacutee par la moyenne des usages des locuteurs ex le franccedilais standard
constitue la norme
-La stabiliteacute la situation de diglossie est passagegravere soumise agrave lrsquoeacutevolution Le rapport entre une
langue H et une langue L est ponctuel eacutepheacutemegravere susceptible drsquoeacutevolution
En fait dit Fergusson il nrsquoen est rien La situation de diglossie se caracteacuterise par la stabiliteacute elle
peut durer plusieurs siegravecles Srsquoil y a eacutevolution crsquoest par lrsquointermeacutediaire drsquoune forme de langue
intermeacutediaire qui ne remet pas en cause veacuteritablement le rapport entre H et L comme par exemple
lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal
Le concept de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Gumperz(1971) aux socieacuteteacutes multilingues dans le sens ougrave
celles-ci peuvent utiliser diffeacuterentiellement plusieurs codes (langues dialectes) dans des domaines
et des fonctions compleacutementaires comme lrsquoInde qui a deux langues officielles hautes le hindi et
lrsquoanglais en plus des langues reacutegionales
2-Le rejet de la notion de diglossie
-Martinet utilise plusieurs eacuteleacutements pour remettre en cause la notion de diglossie
Selon Martinet Fishman et Gumperz adoptent la notion de diglossie pour des raisons
sociologiques pour marquer la distinction bilinguisme individuel versus bilinguisme social La
diglossie implique le bilinguisme communautaire
Dans cette perspective on ne voit pas ce que la distinction bilinguisme diglossie apporterait de
nouveau par rapport au bilinguisme individuel et bilinguisme social
Martinet rappelle que la hieacuterarchie entre les langues nrsquoest pas absolue il nrsquoest pas toujours possible
dans toutes les situations linguistiques de deacuteterminer la hieacuterarchie Exemple le Canada
Lrsquoanglais est reacuteserveacute au domaine eacuteconomique et technique le franccedilais est reacuteserveacute au domaine
culturel Ces deux langues sont des langues de prestige bien qursquoelles ne soient pas sur un pied
drsquoeacutegaliteacuteccedila eacutetait la langue de lrsquoeacuteglise or nous dit-il cet argument nrsquoest plus valable car la
katareacuterouza a beaucoup eacutevolueacute par rapport agrave la langue religieuse
Le second argument de Drettas est la remise en cause du systegraveme de standardisation retenue par
Fergusson pour lui on ne peut retenir ce critegravere dans la mesure ougrave le corpus de reacutefeacuterence est
heacuteteacuterogegravene
3- La situation de lrsquoAlgeacuterie
Fergusson considegravere les pays arabes comme un des cas les plus anciens et les plus stables de
diglossie Tout le monde reconnaicirct le prestige de la langue arabe classique
Qui deacutecide de ce prestige Peut on dire drsquoune langue que les locuteurs refusent de parler qursquoelle
nrsquoest pas prestigieuse
Tous les grammairiens qui procircnent la disparition des dialectes au profit de lrsquoarabe classique sont
obligeacutes de reconnaicirctre que ces derniers sont bien vivants les grammairiens parlent de difficulteacute agrave
enseigner une locuteurs natifs il nrsquoexiste pas dans le monde arabe de personnes dont la langue
maternelle est la langue standard
Le prestige de la langue tient essentiellement du mythe nous avons lagrave lrsquoexemple drsquoun discours sur
les langues que les grammairiens les linguistes lrsquoeacutelite intellectuelle ont eacutetabli et qursquoils perpeacutetuent
avec la compliciteacute des instances officielles sans jamais se poser la question de lrsquoadeacutequation de ces
discours agrave la reacutealiteacute des pratiques linguistiques
4-Les tenants de la notion deacutefense et illustration de la diglossie
La deacutefense de la diglossie se fait selon deux axes principaux
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
-La diglossie expression et moyen drsquoun conflit social
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
A partir de la distinction entre varieacuteteacute H et varieacuteteacute L eacutetablie par Ferguson se construit une autre
signification celle de la diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute Il srsquoagit drsquoineacutegaliteacute au
niveau de lrsquoutilisation des deux langues mais aussi des attitudes et repreacutesentations que les locuteurs
ont agrave propos de ces langues Ces deux aspects sont tregraves importants Le terme de diglossie permet
drsquoinsister sur cette ineacutegaliteacute qui peut ecirctre quantitative lorsqursquoil srsquoagit de lrsquoextension drsquoemploi de
ces langues ainsi la varieacuteteacute H a geacuteneacuteralement une zone drsquoextension plus grande que la varieacuteteacute B
On peut parler drsquoineacutegaliteacute qualitative lorsque les langues en preacutesence ont le mecircme statut
-Bilan de La sociolinguistique dans le domaine arabearabophone
Essor tardif malgreacute la richesse du champ puisque aireegravere immenses
Pendant toute la premiegravere partie du XXegraveme siegravecle (Auparavant voir P Larcher) les eacutetudes arabes
ont eacuteteacute diviseacutees en deux grands domaines qui se recoupaient tregraves peu
a) lrsquoeacutetude la langue arabe classique b) eacutetudes dialectales
Dans les deux cas les auteurs visent agrave des descriptions de systegravemes plus ou moins homogegravenes et
stables En ce qui concerne eacutetudes dialectales description qui repose souvent sur le parler drsquoun ou
deux informateurs supposeacutes repreacutesenteacutes lrsquoensemble de leur communauteacute le parler du Caire le
parler de Cherchell le parler de Tunis etc et parfois mecircme le parler eacutegyptien le parler syrien etc
Preacutecurseurs la dialectologie et linguistique historique
Il y a quand mecircme une linguistique historique qui se pose la question de la formation de lrsquoarabe
classique ou dialectale en particulier en ce qui concerne la peacuteriode preacuteceacutedant et suivant la conquecircte
avec des questions comme est ce que lrsquoarabe classique srsquoest constitueacute sur une koineacute poeacutetique
litteacuteraire ou sur une koinegrave dialectale etc (cf P larcher) Autour de cette question de la formation
de lrsquoarabe de la deacutefinition drsquoune koinegrave qursquoil srsquoagisse drsquoune koinegrave litteacuteraire ou dialectale on aborde
les questions de contact drsquoeacutevolution de varieacuteteacutes
-Deacutefinition drsquoune koinegrave = Varieacuteteacute neacutee du contact de diffeacuterentes varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue qui
se deacutelocalise dans le sens que nrsquoest plus le symbolelrsquoeacuteleacutement identificateur drsquoun groupe
socialement et geacuteographiquement distinct et qui de ce fait tend agrave eacuteliminer les traits les plus
particuliers les plus saillants des varieacuteteacutes en contact et tend agrave conserver les traits communs
(beaucoup plus compliqueacute que cela mais tendance geacuteneacuterale)
Donc un certain nombre de travaux autour de ces questions par des gens qui ne se deacuteclarent pas
comme des sociolinguistes mais plutocirct comme des historiens de la langue ou des linguistes Fuumlck
Ferguson Blau Cohen etc etc Relient analyse historico sociale et analyse linguistique mais les
eacuteleacutementspreuves de leur argumentation sont surtout baseacutes sur des eacuteleacutements linguistiques (liste des
traits pour la koinegrave urbaine de Ferguson ou de Cohen ou plus tard de Vesteegh pour sa theacuteorie de la
pidginisationcreacuteolisation) cf on prend un certain nombre de traits des dialectes arabes
contemporains et on les compare a) avec arabe classique et b) avec les eacuteleacutements de dialectologie
historique dont on dispose et on essaie de montrer que relegravevent ou pas drsquoun processus de
koineacuteisation
Tous ces travaux autour des questions de koinegrave litteacuteraire et surtout koinegrave dialectale sont importants
car vont eacutetablir des cateacutegories dialectales baseacutees sur des critegraveres sociaux ethniques cf la distinction
entre parlers dits nomadesbeacutedouins censeacutes ecirctre plus laquo conservateurs raquo (donc avoir gardeacutes des traits
des parlers preacute-Jahili) et parlers seacutedentaires consideacutereacutes comme laquo plus innovants raquo et agrave lrsquointeacuterieur
de ces parlers seacutedentaires les parles urbains consideacutereacutes comme eacutevidemment les plus laquo mixtes raquo car
issus soit du contact entre des dialectes diffeacuterents (koinegrave) soit du contact entre des arabophones et
des non arabophones (langue de contact)
(Pour toutes ces questions de dialectologie historiques et de cateacutegorisation etc je vous renvoie aux
laquo pegraveres laquo de la dialectologie arabe cf en franccedilais Cantineau William et Philippe Marsais pour le
Maghreb Colin etc Ces cateacutegories sont elles mecircmes inspireacutees des eacutecrits de Ibn Khaldoum
VI-2-3- Le deacuteveloppement de la dialectologie
Crsquoest agrave partir de ces cateacutegories dialectales qui se distingueraient pas des traits linguistiques
particulier que se sont deacuteveloppeacutes au Moyen Orient quelques travaux fondateurs comme ceux de
Haim Blanc sur Baghdad (1966) puis de Clive Holes sur Bahrain (1987) et au Maghreb une
sociolinguistiquedialectologie laquo urbaine raquo avec des gens comme Leila Messaoudi (Rabat)
Dominique Caubet (Fegraves) etc et tous les travaux en dialectologie urbaine qui ont montreacute que
diffeacuterentes varieacuteteacutes coexistaient dans une mecircme ville en fonction des appartenances
laquo communautaires raquo crsquoest agrave dire soit appartenance religieuse (juive chreacutetienne musulmane) ou
reacutegionales ou ethniques etc et qui ont pu eacutetudier aussi le renouvellement des parlers urbains en
montrant comment des nouveaux flux de populations drsquoorigine rurale transformaient les anciens
parlers urbains et provoquaient des pheacutenomegravenes de koineacuteisation Mais au Maghreb on reste le plus
souvent dans la dialectologie urbaine plus que dans la sociolinguistique dans le sens ougrave le plus
souvent on identifie un groupe agrave une varieacuteteacute sans deacutecrire les pheacutenomegravenes de variations
drsquoalternance individuelles La personne la plus repreacutesentative de ce courant me semble Leila
Mesaoudi (2003) qui se basant sur les travaux drsquoeacutetudes urbaines (cf Mohamed Naciri pour le
Maroc) a deacuteveloppeacute une opposition entre parler citadinparler urbain et montreacute combien les anciens
parler citadins (preacute-hilalien et andalou) eacutetaient actuellement en deacuteclin face aux nouvelles koineacute
urbaines a fort traits beacutedouins raquo
Crsquoest surtout chez les anglo - saxons et au Mashrek que lrsquoon voit se deacutevelopper une
sociolinguistique variationiste urbaine avec des gens comme Clive Holes Abdel Jawad Ibrahim
Muhamed Amara Niloofar haeri Enam Al Wer etc qui eacutetudient comment eacutevoluent les usages
linguistiques des diffeacuterents types de locuteurs en fonction de leur acircge sexe degreacute drsquoeacutetudes origine
reacutegionale etc Etudes qui analysent principalement les variantes phonologiques comme la
reacutealisation du (q) en q g k la reacutealisation des inter dentales des diphtongues etc Ces
variantes phonologiques sont consideacutereacutees comme des marqueurs de telle ou telle varieacuteteacute cf le (q)
crsquoest agrave la fois classique et certains parlers urbains le g crsquoest plutocirct ruralbeacutedouin mais devenu
urbain dans de nombreux cas le crsquoest plutocirct urbain etc etc Donc on eacutetudie la reacutealisation de ces
variantes aupregraves drsquoun certain nombre de locuteurs et on croise les variables linguistiques avec des
critegraveres sociaux (acircge sexe eacuteducation etc) et on en conclut que dans tel ou tel milieu urbain
lrsquoeacutevolution linguistique va dans le sens du deacuteveloppement de telle ou telle varieacuteteacute de langue
Ce type drsquoeacutetude qui a repris au deacutebut les concepts meacutethodologie variationiste labovienne
deacuteveloppeacute aux USA GB etc srsquoest drsquoabord heurteacute agrave une application trop meacutecaniste de la deacutemarche
labovienne et a du srsquoadapter au contexte arabophone qui est un peu plus speacutecifique du fait de la
fameuse question de la diglossie la varieacuteteacute haute des villes europeacuteennes = la varieacuteteacute parleacutee par
lrsquoeacutelite de ces villes donc standard urbain = varieacuteteacute haute prestigieuse que les autres locuteurs
essaieront ou pas de reproduire en fonction des contextes urbains Les innovations souvent
introduites par les membres des classes moyennes et se diffusent vers le haut puis repris par le
bas etc Les femmes des couches populaires ont tendance agrave reprendre plus vites les variantes
prestigieuses les hommes des milieux populaires sont plus conservateurs
Dans le monde arabe on a commenceacute agrave faire une adeacutequation entre varieacuteteacute haute et fusha
(classiquemoderne) et agrave voir comment les locuteurs des diffeacuterents parlers dialectales acqueacuteraient
ou pas les marqueurs de cette varieacuteteacute haute (donc par exemple la reacutealisation du fameux (qaf) Et
puis on srsquoest rapidement aperccedilu que parallegravelement au fusha il y avait drsquoautres varieacuteteacutes prestigieuses
en particulier les varieacuteteacutes urbaines dans un certain nombre de grand centres urbains comme le
Caire Jeacuterusalem etc les migrants drsquoorigine rurale et surtout les femmes pouvaient privileacutegier la
norme urbaine sur celle du fushahellip (Palva 1982 Ibrahim 1986 etc) Ce qui a ameneacute un certain
nombre de travaux en cours agrave srsquointerroger sur la question de la norme du standard en arabe sur
lrsquoimpact de lrsquoeacuteducation (Nilofar Haeri Enam Al Wer) et donc par ricochet ont deacuteveloppeacute une
critique drsquoune conception qui se voulait plus ou moins universalisante agrave la Bourdieu les classes
dominantes se caracteacuteriseraient par leur maicirctrise de la norme langagiegravere qursquoelles imposent aux
autres Dans le monde arabe on voit que lrsquoune des normes prestigieuses est supposeacutee ecirctre le fusha
norme que peu de gens maicirctrisent dans leur vie quotidienne les eacutelites sont plutocirct plurilingues et pas
toujours tregraves arabiseacutees (ce sont souvent plutocirct les membres des classes moyennes qui ont suivit leur
eacuteducation en arabe) lrsquoautre norme peut ecirctre le vernaculaire urbain (mais pas toujours comme on le
voit pour un certain nombre de vieilles citeacutes maghreacutebines) mais cela peut ecirctre aussi une norme
beacutedouine + - ideacutealiseacutee comme cela semble ecirctre le cas en Jordanie ou face agrave la preacutesence des
palestiniens irakiens syriens etc laquo les vrais hommes jordaniens raquo semblent revendiquer une
norme locale plus beacutedouine
Bref lrsquoensemble de ces travaux plus ou moins reacutecents sur la dialectologiesociolinguistique urbaine
ont eu le meacuterite de mettre en relief la diversiteacute des situations la complexiteacute historique du
deacuteveloppement de certains parlers la pluraliteacute des normes Beaucoup de travail reste agrave faire dans
ce domaine ougrave les vraies eacutetudes de terrain baseacutees sur des corpus restent rares Deux
exemples proches celui de Casablanca et de lrsquoarabe dit marocain Alors que le Maroc est lrsquoun des
pays ougrave lrsquoon dispose drsquoune tradition dialectologique riche et de nombreux travaux contemporains
(en particulier avec les espagnols mais aussi des auteurs marocains) on srsquoaperccediloit que si lrsquoon
connaicirct un peu lrsquohistoire de la formation du parler de Casablanca au deacutebut du XXegraveme s et son
expansion on ne dispose drsquoaucune description sociolinguistique reacuteelle et on reste dans une grande
confusion entre la koinegrave marocaine et le parler de Casablanca De mecircme pour Alger la capitale de
lrsquoAlgeacuterie qui a connu une expansion consideacuterable agrave une politique drsquoarabisation plus ou moins
reacuteussie et accepteacutee quel(s) type(s) drsquoarabe se deacuteveloppent actuellement Y a t il deacuteveloppement
drsquoune koinegrave influence croissante de fusha ou au contraire deacuteveloppement croissant du code
swtiching ou les deux etchellip autant de questions qui nrsquoont pas encore eacuteteacute traiteacutees de faccedilon
satisfaisante
Il apparaicirct enfin que la sociolinguistique arabophone srsquoest peu deacuteveloppeacutee dans un cadre
interactioniste Neacutecessiteacute de deacutevelopper lrsquoanalyse interationnelle de preacutesenter des corpus en action
et de sortir un peu des approches variationistes ou des listes drsquoisoglosses
La question de la diglossie et du continuum dialectalefusha
Crsquoest un des domaines qui a eacuteteacute le plus abordeacute en sociolinguistique arabe agrave la fois dans une
approche du contactcode switching et une approche attitudinales Massivement investi par les
anglo-saxons Donc les articles fondateurs sur la Diglossie Marccedilais +- inaperccedilu Ferguson qui a eu
un impact consideacuterable et de lagrave tout un courant pour savoir la nature le type de diglossie la mise
en eacutevidence niveaux intermeacutediaires entre les deux pocircles etc
Deux grandes tendances
- celles qui consistent agrave nommer et agrave caracteacuteriser des varieacuteteacutes intermeacutediaires entre le pocircle bas
(dialecte) et le pocircle (haut) fusha On va de 3 45 avec des notions comme lsquoammiya al-muthaqafin
(Educated Spoken Arabic) Tendances deacuteveloppeacutees par des gens comme lrsquoeacutecole de Leeds Said El-
badawi au Caire etc Mais ces travaux se heurtent agrave la difficulteacute de trouver des laquo fontiegraveres raquo claires
entres les diffeacuterentes varieacuteteacutes intermeacutediaires
- lrsquoautre tendance est de consideacuterer qursquoil y a deux pocircles + - abstraits et un continuum entre les
deux pocircles sans qursquoil soit possible drsquoisoler des varieacuteteacutes speacutecifiques entre les deux A partir de cette
conception en continuum on peut eacutetudier comment se fait le meacutelange des deux codes et appliquer
un certain nombre de regravegles et meacutethodes reprises des eacutetudes sur le Code Switching et lrsquointerlangue
cela va donc des contraintes syntaxiques de lrsquoeacutepoque Poplack agrave la theacuteorie de la Matrix language de
Myers Scotton (beaucoup drsquoarticles parus dans les volumes de Aspects of Arabic Linguistics et
eacutegalement lrsquoouvrage collectif de Rouchdy 2002 par ex cf les travaux de Gunvor Medjell etc)
Ces travaux ont reccedilu un bon eacutecho dans le monde arabe en geacuteneacuterale car permettent tout en restant
dans lsquodu politiquement correcte raquo de travailler sur de lrsquoarabe moderne de sortir un peu du carcan
du classique sans faire de la laquo dialectologie raquo qui reste une discipline encore trop souvent
consideacutereacutee comme laquo orientalisanteraquo
Les travaux sur le code switching et le continuum ne pacirctissent pas drsquoune image deacutefavorable agrave
lrsquoinverse de la dialectologie qui reste entacheacutee drsquoune reacuteputation de laquo science coloniale raquo Le
domaine des eacutetudes sur diglossieCS reste prolifique et les eacutetudes montrent que la frontiegravere entre le
fusha et le dialectale sont extrecircmement poreuses des domaines reacuteserveacutes au fusha sont de plus en
plus peacuteneacutetreacutes par le dialectal incluant lrsquoeacutecrit (journalistique le roman les publiciteacutes) et tout le
domaine relevant de lrsquooral officiel (les discours publiques les meacutedias etc) et vice versa
lrsquoinfluence principalement lexicale et phonologique du fusha se fait sentir dans lrsquooral dialectal via
eacuteducationmeacutedia certaine deacutemocratisation Il y a de grand corpus en ligne (voir les ameacutericains
comme Parkinson)
On peut se demander si cette porositeacute entre les deux pocircles reflegravete une eacutevolution contemporaine ou
si elle existait auparavant mais nrsquoavait pas eacuteteacute eacutetudieacutee Si on observe le passeacute avec minutie on
constate a) que lrsquoeacutecrit a toujours eacuteteacute +- marqueacute par le dialectal cf le fameux moyen arabe et b)
que les supposeacutees populations analphabegravetes parlant le dialectal avaient un contact avec lrsquoarabe
classique via lrsquoenseignement religieux la poeacutesie sufi etc et donc il y a certainement eu et de la
part des orientalistes et des panarabistes une sureacutevaluation de cette diglossie
Ce qui semble clair cependant crsquoest que par rapport agrave certains pronostiques des anneacutees 50-60 (les
indeacutependances) crsquoest que lrsquoarabe standard moderne ne srsquoest pas imposeacute comme unique meacutedium de
communication dans lrsquoensemble du monde arabe que les laquo dialectes raquo parlers locaux eacutevoluent
mais se maintiennent plus qursquoon aurait pu le croire puisqursquoon voit mecircme resurgir des
reacutegionalismes locaux
Un domaine qui reste agrave explorer pour les deacutecennies agrave venir eacutemergence ou pas de laquo langues
parlers raquo nationauxreacutegionaux A lrsquointeacuterieur drsquoun mecircme pays est ce que sont les tendances agrave la
koineacuteisation ou le maintien des diffeacuterences qui va lrsquoemporter est-ce que ces hypotheacutetiques
varieacuteteacutes nationales seront reconnues comme telles On entend parler drsquoarabe eacutegyptien marocain
algeacuterien syriens Ce sont en grande partie des fictions qui deacutesignent en geacuteneacuterale les varieacuteteacutes parleacutees
dans les capitales mais qui ne sont pas institutionnaliseacutees ni reconnues comme des langues
officielles et dont le rayonnement nrsquointerdit pas le maintien drsquoautres varieacuteteacutes plus locales ou
reacutegionales Mais il y a toujours eu des mouvements militant (mais toujours tregraves minoritaires) pour
lrsquoinstitutionnalisant de ces laquo langues nationales raquo et la rupture avec le fusha cf au Liban en Egypte
au Maroc actuellement (cf le numeacutero de la revue Tel Quel Darja notre langue nationale) On
retrouve donc toujours lrsquoopposition entre ceux qui ont une vision discontinuiste (ammiyya et fusha
sont des systegravemes fondamentalement diffeacuterents) et ceux qui ont une vision plus continuiste
(ammiyya et fusha se complegravetent)
Autres domaines de la Sociolinguistique arabe en deacuteveloppement
- Lrsquoahelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip maternelles en contexte migratoire des regravegles du CS etc
Un autre domaine est lrsquoinfluence de cet arabe de diaspora dans les pays drsquoaccueil cf dans la
creacuteation artistique contemporaine les parlers des jeunes etc (la musique les blagues etc cf les
travaux de Dominique Caubet etc)
CONCLUSION Le terme sociolinguistique implique donc une sensibiliteacute une approche et une meacutethodologie
particuliegraveres partir du reacuteel du concret ecirctre agrave lrsquoeacutecoute des faits de langue de variation se dire que
le marginal le particulier sont toujours instructifs que les langues sont toujours en perpeacutetuel
construction et que les humains sont les acteurs de ces constructions Crsquoest un peu comme un
historien qui deacutecide de sortir de lrsquohistoire officielle de la Cour et des Grands pour srsquointeacuteresser agrave
lrsquohistoire sociale crsquoest plus difficile cela demande de plonger dans des archives plus ou moins
accessibles lisibles etc Pour le linguiste cela demande de recueillir des corpus et de prendre le
temps de les eacutecouter analyser transcrire
Le deacuteveloppement drsquoeacutetudes avec une sensibiliteacute sociolinguistique a permis de sortir drsquoun certain
carcan imposeacute agrave la fois par de nombreux laquo orientalistes raquo et par lrsquoideacuteologie pan arabe des eacutetats
arabes lrsquoarabe est de plus en plus reconnue comme une langue plurielle ayant subi des
deacuteveloppements diffeacuterents selon les lieux et les contextes jouant des rocircles diffeacuterents etc
Pour le moment on sent bien qursquoil y a cependant un fosseacute entre ces avanceacutees et les politiques
didactiques par exemple lrsquoenseignement de lrsquoarabe reste extrecircmement probleacutematique et figeacute tant
dans les pays dits arabophones que dans les pays a forte minoriteacutes non arabophones Alors que par
exemple lrsquoenseignement du FLE ou ALE a totalement inteacutegreacute un certain nombre drsquoacquis de la
sociolinguistique pragmatique linguistique discursive il ne semble pas que ce soit le cas avec
lrsquoarabe malgreacute le nombres drsquoinstituts eacutetrangers ou arabes qui se penchent sur la question
Cours 5 ATTITUDES ET REPRESENTATIONS
Le pheacutenomegravene repreacutesentationnel est un pheacutenomegravene qui a drsquoabord inteacuteresseacute les sciences humaines la psychologie la sociologie lrsquoanthropologie bien avant la linguistique et disposent au cœur de ces sciences drsquoun savoir theacuteorique Il recouvre tout le champ qursquoon nomme repreacutesentations linguistiques langagiegraveres ou sociolinguistiques discours sur les langues attitudes linguistiques jugement sur les langues rapports subjectifs agrave la langue imaginaire linguistique Cependant chaque appellation teacutemoigne drsquoun certains point de vue Guenier deacutefinit les repreacutesentations comme laquo une forme courante et non savante de connaissances
socialement partageacutees qui contribue agrave une vision de la reacutealiteacute commune agrave des ensembles sociaux et
culturels raquo(repreacutesentations linguistiques in Moreau Sociolinguistique concepts de base Mardaga
liegravege 1996 p146)
Deux caractegraveres sont agrave relever dans cette deacutefinition
_Le caractegravere non savant des repreacutesentations il srsquoagit drsquoune forme de connaissance qui ne repose
sur aucune rationaliteacute crsquoest une connaissance intuitive purement subjective Branca-Rosoff citeacute
par Boyer in Sociolinguistique territoire et objets p79 deacutesigne ce pheacutenomegravene laquo drsquoopinions
steacutereacuteotypeacutees raquo Crsquoest donc une certaine vision une certaine perception que les locuteurs ont de
leurs langues et de celles des autres
- Les repreacutesentations linguistiques sont socialement eacutelaboreacutees et partageacutees par tous les membres
drsquoune socieacuteteacute Elles fonctionnent comme des normes sociales ideacutee partageacutee par Labov qui les
situent entre la norme ideacuteologique et les usages effectifs Pour ce dernier la norme sociale est le
fondement mecircme de la communauteacute linguistique qui ne se deacutefinit plus comme un ensemble de
locuteurs partageant les mecircmes usages (au niveau des pratiques elle est plutocirct heacuteteacuterogegravene) mais
comme un ensemble de locuteurs partageant des normes subjectives communes Ainsi les langues
sont jugeacutees positivement alors que drsquoautres le sont neacutegativement Les jugements peuvent ecirctre de
nature estheacutetique peuvent concerner le systegraveme lui-mecircme la valeur de la langue sur le marcheacute
linguistique et enfin le groupe qui la parle Nous avons donc affaire agrave un pheacutenomegravene social et crsquoest
justement ce caractegravere social des repreacutesentations linguistiques qui justifie qursquoelles constituent un
objet de choix de la sociolinguistique cependant cela nrsquoexclut pas qursquoil y ait tout de mecircme une part
individuel
Les locuteurs ne se contentent pas drsquoutiliser les langues et les varieacuteteacutes de langues ils les eacutevaluent
cette eacutevaluation influe beaucoup sur leurs pratiques linguistiques On entre ici dans le domaine des
attitudes et des normes qursquoelles impliquent chaque locuteur eacutevalue sa propre pratique et celle des
autres et ces eacutevaluations jouent un rocircle important dans le changement linguistique
La linguistique diachronique analyse le changement linguistique drsquoougrave provient une innovation
pourquoi et comment srsquoimpose-t-elle est-ce pour des raisons sociologiques qursquoune langue
change Andreacute Martinet a deacutefendu la thegravese que lrsquoeacutevolution phonologique drsquoune langue ne se faisait
pas de maniegravere aleacuteatoire mais srsquoexpliquait par la neacutecessiteacute pour son systegraveme de trouver une
stabiliteacute optimale en reacuteduisant ses deacuteseacutequilibres Drsquoautres linguistes preacutefegraverent mettre lrsquoaccent sur
des meacutecanismes sociaux par exemple un groupe peut imiter la prononciation drsquoun autre jugeacutee
plus prestigieuse
Deux tendances srsquoaffrontent pour expliquer le changement on invoque souvent le principe du
moindre effort les locuteurs confondent certaines formes phoneacutetiquement tregraves proches simplifient
des constructions syntaxiques compliqueacutees Cette tendance au moindre effort du locuteur est
contrebalanceacutee par une autre qui pousse agrave ne pas compromettre la compreacutehension crsquoest-agrave-dire le
moindre effort de lrsquoauditeur
Il nrsquoest pas rare qursquoun eacutetranger en situation officielle srsquoexcuse de ne pas parler la langue de son
interlocuteur Ce faisant il teacutemoigne drsquoune certaine politesse qui compenserait en quelque sorte
laquo lrsquoimpolitesse raquo de ne pas bien parler la langue mais il teacutemoigne aussi de la valeur positive qursquoil
accorde agrave cette langue et agrave ceux qui la parlent A lrsquointeacuterieur drsquoun groupe qui parle la mecircme langue
on observe nous le verrons un un pheacutenomegravene semblable drsquoineacutegaliteacute linguistique entre locuteurs de
statut socioculturel diffeacuterent
Par ailleurs nous sommes tour agrave tour eacutemetteurs et reacutecepteurs nos compeacutetences en tant que
reacutecepteurs sont plus grandes que nos compeacutetences en tant qursquoeacutemetteurs nous nrsquoemployons pas
toutes les structures linguistiques que nous connaissons de mecircme que nous nrsquoappartenons pas agrave
toutes les cateacutegories socioculturelles que nous sommes capables de reconnaicirctre Mais le reacutecepteur
nrsquoa pas un rocircle passif
-il reconstitue le sens de lrsquoeacutenonceacute qursquoil reccediloit selon ses propres schegravemes drsquointerpreacutetation et
lrsquoensemble de ses expeacuteriences
-il perccediloit aussi des signes linguistiques qursquoil interpregravete en fonction des connotations et des
normes en cours dans la classe sociale agrave laquelle il appartient lorsque ces signes peuvent faire
lrsquoobjet de variations ils deviennent des marqueurs socioculturels
-il juge ce qursquoil perccediloit selon lrsquoimage qursquoil a du locuteur de ses intentions de la situation et
du rocircle qursquoil y joue des enjeux de lrsquoacte de langage et selon lrsquoimage qursquoil a de lui mecircme et de ses
compeacutetences la faccedilon de parler est un facteur plus reacuteveacutelateur de la classe sociale des
interlocuteurs que les vecirctements ou les apparences de train de vie
En effet si les repreacutesentations linguistiques sont de nature sociales elles sont en rapport
eacutetroit avec lrsquoideacuteologie qui tente drsquoagir sur elles et les modegraveles Cependant si les repreacutesentations
sont agrave distinguer des discours scientifiques elles sont aussi agrave distinguer des discours ideacuteologiques
tenus par le pouvoir Branca Rossof citeacute par Boyer p79 exprime fort bien cette ideacutee en affirmant
que les repreacutesentations laquo permettent de sortir de lrsquoopposition radicale entre laquo le reacuteel raquo les faits
objectifs deacutegageacutes par la description linguistique et lrsquoideacuteologie les consideacuterations normatives
comme repreacutesentations fausses repreacutesentations eacutecrans raquo Crsquoest donc entre le reacuteel et lrsquoideacuteologie
qursquoelle situe les repreacutesentations Qursquoest ce qursquoest lrsquoideacuteologie laquo Tout systegraveme de repreacutesentations
structureacute et coheacuterent visant agrave rendre compte du monde exteacuterieur de la reacutealiteacute sociale lrsquoideacuteologie se
preacutesente sous forme drsquoun discours construit et totalisant ougrave les ideacutees srsquoenchaicircnent logiquement et
les valeurs concordent raquo (discours et ideacuteologie p4)
Ainsi lrsquoideacuteologie est un systegraveme structureacute parfaitement coheacuterent eacutelaboreacute en fonction drsquoobjectifs
bien deacutetermineacutes officiel car il srsquoagit de faccedilonner lrsquoimaginaire collectif national alors que les
repreacutesentations sociales nrsquoobeacuteissent pas agrave ces contraintes elles sont le fruit drsquoun consensus social
plus ou moins libre Mais il faut souligner qursquoen pratique la limite entre ces deux repreacutesentations
nrsquoest pas toujours clairement repeacuterable et les deux se confondent les ideacuteologues au service de
lrsquoeacutetat sont drsquoabord et avant tout des membres de la socieacuteteacute le pouvoir par les moyens qui lui sont
confeacutereacutes (meacutedia eacutecoles AIE) arrive toujours agrave faccedilonner les mentaliteacutes Ainsi on aime ou on
deacuteteste une langue parce qursquoon se fait une certaine ideacutee drsquoelle ou de ces locuteurs
QUE CONCLURE Lrsquoanalyse des repreacutesentations ne peut ecirctre eacutetudieacutee sans une analyse des pratiques linguistiques
Drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutetudier agrave la fois les comportements et les attitudes des locuteurs drsquoobserver les
productions et de ne pas se contenter de recueillir des paroles des sujets qui peuvent varier selon les
situations et les interactions(voir agrave ce sujet B Maurer Houdebine Canut et Boyer)
Cours 6- LA POLITIQUE LINGUISTIQUE OU LES NORMES LA NORME
Michel Tournier deacutefinissant le normal donne les deacutefinitions suivantes
NORMAL 1 Conforme agrave la norme Ideacuteal 2 Conforme agrave la moyenne Habituelle
Ceci peut servir dintroduction agrave qui aborde la question de la norme Cest bien la un veacuteritable problegraveme car selon les lieux selon les personnes selon le domaine les deux perspectives se mecirclent effectivement et perturbent la compreacutehension Peut-on dire que la norme est un ideacuteal cest-agrave-dire de fait quelque chose que personne natteint ou nincarne vraiment Peut-on dire que la norme est faite de la moyenne des opinions ou de la moyenne des comportements Nous allons rencontrer ces deux voies comme deux eacutecueils entre lesquels il conviendra de naviguer
Georges Mounin lui-mecircme dans son Dictionnaire de la Linguistique (PUFQuadriges reacuteeacuted 1993) commence son article Norme de la faccedilon suivante Moyenne des divers usages dune langue agrave une eacutepoque donneacutee ou usage imposeacute comme le plus correct ou le plus prestigieux par une partie de la socieacuteteacute (le bon usage)
En fait si le normal et le normatif restent des concepts tregraves grand public qui suscitent des deacutefinitions un peu floues il convient de souligner que la norme du franccedilais nest en aucun cas deacutetermineacutee en regardant les usages majoritaires Cest la varieacuteteacute de franccedilais qui agrave une eacutepoque donneacutee est procircneacutee par la socieacuteteacute franccedilaise qui simpose agrave chacun mais aussi qui est deacutefendue par chacun mecircme ceux qui en sont tregraves eacuteloigneacutes y sont attacheacutes Cest dans les classes populaires que tout en pratiquant dautres varieacuteteacutes on tient le plus agrave ce que soit enseigneacutee la norme que lon se soucie de savoir ce qui est correct ce qui ne lest pas - la norme eacutetant plus ou moins assimileacutee agrave ce qui permet de reacuteussir puisque ceux qui ont reacuteussi sont censeacutes pratiquer la norme en offrir une image On devine ainsi que la norme de fait est la varieacuteteacute pratiqueacutee par les hautes couches de la socieacuteteacute dans les situations formelles ougrave elles donnent agrave voir leur langue - varieacuteteacute dailleurs plus ou moins fantasmeacutee (et par lagrave sans doute rejoint-on la notion dideacuteal) que personne ne pratique vraiment et qui ainsi apparaicirct toujours au-delagrave des usages reacuteels Indeacuteniablement cependant des usages se rapprochent davantage de ce qui est preacutesenteacute comme la norme (dans les dictionnaires dans les grammaires) mais ces ouvrages parce quils sont eacutecrits utilisent et preacutesentent obligatoirement une varieacuteteacute diffeacuterente de loral et contribuent agrave la dichotomie si souvent formuleacutee par Monsieur Toutlemonde agrave leacutecrit ccedila va ma langue est correcte mais agrave loral je nai pas le temps de reacutefleacutechir et je parle mal
Dans ces conditions on soulignera que
la norme est une varieacuteteacute eacutecrite que lon enseigne en principe qui est formaliseacutee et toujours plus ou
moins eacuteloigneacutee des varieacuteteacutes parleacutees mecircme quand elles reccediloivent un jugement favorables de
locuteurs solliciteacutees pour donner leur avis
On ne parle jamais comme on eacutecrit (cf chapitre sur langues orales langues eacutecrites) mais les
couches sociales qui ont reacuteussi sont censeacutees davantage incarner la norme
Il est certain que plus les eacutetudes des sujets ont eacuteteacute longues plus ils pratiquent couramment des
varieacuteteacutes proches de lideacuteal quon appelle la norme ne serait-ce que parce que leur impreacutegnation agrave
travers une longue pratique de la langue eacutecrite rejaillit sur leur pratique orale Mais ne neacutegligeons
pas toutefois les facteurs sociologiques et eacuteconomiques qui interfegraverent avec ce que lon croit
attribuer agrave leur langue (richesse visible aisance sociale position eacuteconomique domination
sociale)
Ne veut-on pas imiter ceux quon preacutesente comme les modegraveles normatifs plus parce quils ont
reacuteussi que parce quils parlent bien la cravate de PPDA(1) sa faccedilon de shabiller son aisance et
son sourire parfaitement placeacute ne jouent-ils pas un plus grand rocircle que sa langue mecircme (on connaicirct
dailleurs lusage du prompter agrave la teacuteleacutevision ) pour le faire citer comme quelquun qui parle bien
Indeacuteniablement - et dans toute socieacuteteacute - servent de modegravele ceux qui ont reacuteussi et non pas ceux qui
sont consideacutereacutes comme des parias (cf les clochards ou SDF)
Noublions pas en outre que si les accents reacutegionaux ne sont plus aussi stigmatiseacutes maintenant
quil y a une trentaine danneacutees ils sont lobjet malgreacute tout de preacutecautions subtiles qui amegravenent ceux
qui atteignent les plus hautes responsabiliteacutes sociales agrave sen deacutefaire partiellement (cf le Preacutesident
Giscard dEstaing prenant des cours dorthoeacutepie pour se deacutebarrasser de son accent auvergnat qui
neacutetait pas de mise pour quelquun preacutetendant aux plus hautes fonctions et donc Preacutesident de tous
les Franccedilais) ou bien qui amegravene agrave seacutelectionner pour les plus hautes responsabiliteacutes ceux qui ont un
accent consideacutereacute comme convenable celui qui est accepteacute agrave une eacutepoque donneacutee les deux
comportements interfegraverent constamment et se reacutepondent pour eacuteliminer de la parole publique avec
une image favorable (et non pas plus ou moins ridicule) ceux qui seraient les plus eacuteloigneacutes de la
norme
Les caracteacuteristiques de la norme orale eacutevoluent au fil des siegravecles notre r actuel assez faible
un peu plus grasseyeacute agrave Paris quagrave Marseille nest plus du tout le r rouleacute que prononccedilait les
nobles il y a quelques siegravecles mais elles eacutevoluent bien plus lentement que lusage reacuteel
La norme est donc bien une question qui relegraveve fondamentalement de la sociolinguistique
deacutetermineacutee fixeacutee agrave chaque eacutepoque sur des critegraveres socio-eacuteconomiques elle se transmet dans
lenseignement et donc apparaicirct comme beaucoup plus permanente que les autres varieacuteteacutes non
formaliseacutees qui ne se transmettent que familialement (acquisition non formelle) Leacutecole joue ainsi
un rocircle essentiel dans la transmission la permanence le statut les preacuterogatives accordeacutees agrave la
norme Cest elle qui peut la reacutepandre de faccedilon quasiment universelle dans un pays Sa non-
transmission - cf le discreacutedit de leacutecole pour toute transmission ou la moindre importance accordeacutee
agrave la langue correcte agrave notre eacutepoque - ont pour premier reacutesultat que les couches sociales les plus
eacuteloigneacutees de la norme ny accegravedent plus La norme ne disparaicirct pas pour autant mais elle est alors
surtout lobjet de transmission familiale dans les familles conscientes et capables den assurer la
transmission indeacutependamment de leacutecole Leacutecole en enseignant la norme eacutetait facteur de
deacutemocratisation de la socieacuteteacute franccedilaise si elle renonce agrave cette tacircche on parvient agrave une socieacuteteacute
aristocratique dans laquelle certains savent sans avoir appris (selon lexpression consacreacutee) et ougrave
il ny a plus de chance de veacuteritable mobiliteacute sociale Contrairement agrave nos a priori on peut voir ainsi
que la norme est deacutemocratique quand ideacuteal proposeacute agrave tous elle est accompagneacutee dans son
apprentissage de la transmission des principes qui permettent de latteindre Dire (comme cela se
pratiquait agrave luniversiteacute agrave Lyon dans les anneacutees soixante) il ne faut pas dire un [floslashv] (pour
fleuve) une [foslashj] (pour feuille) cest donner agrave tous une chance dacceacuteder agrave des situations ougrave lon
ne tolegravere pas un accent reacutegional marqueacute ne plus le dire cest laisser encore les plus hautes
positions agrave ceux qui lauront compris tout seuls (dans leur famille) et bien sucircr eacuteliminer ceux qui ne
se doutent mecircme pas que ce genre de prononciation est stigmatiseacutee
On pourra distinguer avec Marie-Louise Moreau (1997) article Les types de normes
les normes de fonctionnement (habitudes linguistiques partageacutees par les membres dune
communauteacute regravegles qui sous-tendent les comportements linguistiques dun sous-groupe)
les normes descriptives (ce sont les normes de fonctionnement rendues explicites par les
descriptions qui en sont faites Mais ainsi ce sont les normes de certains sous-groupes seulement
qui sont deacutecrites on ne sinteacuteresse pas tretiennent des relations complexes avec les normes
prescriptives Elles contribuent grandement agrave la hieacuterarchisation)
les normes fantasmeacutees (ici on est toujours dans le domaine des repreacutesentations le groupe se forge
un ensemble de conceptions sur la langue et son fonctionnement qui nont souvent guegravere de zone
dadheacuterence avec le reacuteel )
La norme ou le bon usage
La norme au sens de langue que lrsquoon doit parler est un discours drsquoautoriteacute fixeacute par une institution
drsquoeacutetat) chargeacutee de creacuteer une langue homogegravene faite pour ecirctre parleacutee par un usager ideacuteal une
langue standard de partout et de nulle part uniforme polie deacutebarrasseacutee de toute impureteacute comme
-les reacutegionalismes les varieacuteteacutes geacuteographiques srsquoopposent au caractegravere centralisateur de la norme
et eacutechappent agrave tout controcircle elles sont donc connoteacutees peacutejorativement et le critegravere de la hieacuterarchie
sociale
-les innovations qursquoil srsquoagisse de changements lexicaux syntaxiques ou phoneacutetiques ils sont
ignoreacutes -non reconnus- ou attesteacutes longtemps apregraves leur apparition lorsque la norme nrsquoa pas reacuteussi
agrave srsquoimposer Face aux variations individuelles et collectives la langue normeacutee se veut homogegravene et
tire sa leacutegitimiteacute de lrsquoeacutecole
Un des comportements sociaux les mieux connus vis agrave vis de la langue est la normalisation
Fishman affirme que laquo la codification est lrsquoacceptation par une communauteacute drsquoun systegraveme formel
de normes qui deacutefinissent lrsquousage correct raquo
Qursquoest-ce que la norme ou lrsquousage correct de la langue laquo La norme est un recueil de perceptions consigneacutees dans des grammaires dites normatives et
correspondant agrave ce qursquoil faut dire pour se conformer au bon usage linguistique de la bonne
socieacuteteacute raquoDenise Franccedilois
Elle repreacutesente un choix approprieacute fondeacutes sur des preacutejugeacutes socioculturels et sur la notion de
niveaux de langues hieacuterarchiseacutees les classes dominantes et les bons auteurs emploient une langue
de qualiteacute qursquoil faut consideacuterer comme un modegravele
Parler de normes revient agrave se reacutefeacuterer agrave plusieurs acceptions
-un ensemble drsquointerdits de prescriptions sur des faccedilons de dire quelquefois accompagneacutees de
justifications de divers ordres
-tenir compte de cet ensemble de prescriptions crsquoest parler correctement sans faire de fautes
Les institutions de la norme sont
-Lrsquoeacutecole lrsquoeacutecole par le biais des grammaires et des enseignants tend agrave imposer agrave lrsquoenfant une
langue uniforme qursquoil nrsquoutilisera pas souvent ailleurs Par lrsquoenseignement de la grammaire elle
lrsquohabitue laquo non seulement agrave concevoir les reacutealiteacutes de la langue mais agrave reacuteprimer son goucirct naturel de
la parole pour substituer agrave la spontaneacuteiteacute langagiegravere une pratique eacutecrite conforme agrave des normes
rigoureuses raquo Elle lui impose de faire des phrases ainsi qursquoune prononciation de lecture standard
qui pour bon nombre drsquoenfants est artificielle cependant cette langue semblera toujours parce
qursquoimposeacutee par lrsquoeacutecole supeacuterieure agrave la sienne
-Lrsquoeacutecrit Lrsquoadministration prend le relais de lrsquoeacutecole pour perpeacutetuer la crainte de la faute et le
respect pour la langue eacutecrite laquo notre langue eacutecrite a plus de digniteacute que notre langue parleacutee
souvent fautive raquo Lrsquoopposition eacutecrit parleacute devient une opposition digne fautif Ceci appelle deux
remarques
La langue parleacutee comme la langue eacutecrite peut comporter tous les niveaux car rien nrsquoempecircche en
theacuteorie drsquoeacutecrire comme on parle ni de parler comme on eacutecrit
-De plus ces deux formes drsquoexpressions ont chacune une speacutecificiteacute de fonctionnement que la
deacutemarche normative semble ignorer Parler crsquoest construire un discours en train de se faire Le
locuteur improvise constamment ce qui lrsquoamegravene agrave heacutesiter agrave se reprendre agrave changer lrsquoorientation
de sa phrase agrave utiliser diverses strateacutegies agrave avoir recours agrave tous les proceacutedeacutes extra et
paralinguistiques regard mimiques gestes intonations Lrsquoeacutecrit nrsquoignore ni les heacutesitations ni les
reprises mais celles-ci disparaissent avec les brouillons Drsquoun point de vue linguistique il nrsquoy a
aucune raison drsquoopposer le parler et lrsquoeacutecrit de faccedilon hieacuterarchique puisque les deux domaines
fonctionnent diffeacuteremment
Une norme linguistique est un trait unificateur drsquoune socieacuteteacute tout le monde la connaicirct et sa
connaissance permet de distinguer les autochtones des eacutetrangers Mais mecircme dans le cas ougrave tout le
monde peut savoir quelles sont les variantes de statut supeacuterieur il nrsquoest pas neacutecessairement vrai que
tous voudront les adopter dans leur discours quotidien Certaines eacutetudes ont montreacute que les
reacuteactions subjectives aux variantes sociolinguistiques eacutetaient diffeacuterentes selon les classes et
impliquaient beaucoup plus qursquoune simple eacutechelle de prestige (cf Labov) Labov dans laquo
Sociolinguistique pp 250-251 339-340 418-419 raquo fait une distinction entre norme cacheacutees
voileacutees et norme manifestes normes stigmatiseacutees et norme accepteacutees Les variantes de statut eacuteleveacute
possegravedent un prestige manifeste elles sont associeacutees au pouvoir social indeacuteniable des locuteurs de
la classe supeacuterieure peuvent ecirctre la condition neacutecessaire drsquoaccegraves agrave des fonctions drsquoun statut plus
eacuteleveacute et sont promulgueacutees par les agents de la normalisation dans la socieacuteteacute tels que les meacutedias et
les instituteurs Mais pour beaucoup de locuteurs de la classe ouvriegravere ou de la petite bourgeoisie
les variables linguistiques laquo non standard raquo associeacutees agrave leurs groupes peuvent aussi posseacuteder un
prestige voileacute (covert prestige celui drsquoun groupe local de statut infeacuterieur) La signification sociale
de base de ces variables au prestige voileacute est celle de la solidariteacute une personne qui les utilise est
consideacutereacutee comme eacutetant un des leurs comme ami possible Pour certains groupes ces formes
peuvent signifier dureteacute ou viriliteacute
Pour compleacuteter vos connaissances dans le domaine de la norme reportez vous aussi sur le web agrave
un article dOlga Ozolina Quelques approches de leacutetude de la norme linguistique
Tout un cours eacutecrit par Benoiumlt Leblanc et Claude Tousignant de la Socieacuteteacute Saint-Jean-
Baptiste de la Mauricie sur la Norme linguistique mais aussi quelques autres notions
essentielles
Le franccedilais queacutebeacutecois problegraveme de norme Le texte de lintervention dAM Houdebine Norme et normes 1999
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Cours II DEMARCHE ET OBJET DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
III-1 -DEMARCHE
La sociolinguistique implique
- une theacuteorie linguistique qursquoobserver que deacutecrire
-et une conception systeacutematique de la communication parlante une sociologie qui
observer dans quelles relations sociales
La meacutethode en sociolinguistique se reacutepartit en deux deacutemarches successives
1-une description de la structure linguistique et une description de la structure
sociologique
Pour ce faire elle emprunte les acquis theacuteoriques de lrsquoapproche structuraliste des
pheacutenomegravenes langagiers et les concepts et meacutethodes agrave la sociologie car cette
derniegravere laquo montre que tout individu est drsquoabord un objet social le produit drsquoune
socialisation Le langage est une forme de comportement social un instrument de
communication entre les hommes un reacutepertoire de varieacuteteacutes linguistiques imbriqueacutees les
une dans les autres un moyen drsquoexpression de lrsquoindividu raquo
2-une confrontation des deux disciplines geacuteneacuteralement le but viseacute est la connaissance
de la socieacuteteacute le langage est le moyen qui permet cette connaissance Naturellement la
deacutemarche du chercheur variera selon le sujet et aussi selon sa position ideacuteologique
III-2-OBJET DE LA SOCIOLINGUISTIQUE
La sociolinguistique a affaire agrave des pheacutenomegravenes tregraves varieacutes
-les fonctions et les usages du langage dans la socieacuteteacute
-la maicirctrise de la langue lrsquoanalyse du discours
- les jugements que les communauteacutes linguistiques portent sur leurs langues la
planification et la standardisation linguistiqueshellip
Elle srsquoest donneacutee au deacutepart pour tacircche de deacutecrire les diffeacuterentes varieacuteteacutes qui coexistent
au sein drsquoune communauteacute linguistique en les mettant en rapport avec les structures
sociales aujourdrsquohui elle englobe pratiquement tout ce qui est eacutetude du langage dans
son contexte socioculturel
Lrsquoobjet de son eacutetude nrsquoest pas seulement la langue systegraveme de signes ou la
compeacutetence systegraveme de regravegles Elle deacutepasse cette opposition qui fournit un cadre eacutetroit
pour lrsquoeacutetude de problegravemes linguistiques importants comme lrsquoutilisation du langage dans
son contexte socioculturel et srsquoouvre vers ce que Hymes appelle la compeacutetence de
communication pour communiquer il ne suffit pas de connaicirctre la langue le systegraveme
linguistique il faut eacutegalement savoir comment srsquoen servir en fonction du contexte
social Drsquoautres linguistes tel Labov pensent que toute production linguistique
manifeste des reacutegulariteacutes et peut donc faire lrsquoobjet drsquoune description Cependant
quelque soit les diffeacuterences tous les chercheurs mettent lrsquoaccent sur un objet
unificateur le langage consideacutereacute comme une activiteacute socialement localiseacute dont lrsquoeacutetude
se megravene sur le terrain
Donc sans exageacuterer le caractegravere multipolaire de la sociolinguistique on peut dire agrave la
suite drsquoHENRI Boyer (p7) que laquo celle-ci embrasse agrave travers ses diverses tendances
lrsquoensemble des composantes de lrsquoactiviteacute de la parole non seulement la-les langues et
la socieacuteteacute mais eacutegalement le ou les discours le ou les textes le sujet et la
communication sans oublier les attitudes et les images ce qursquoon appelle les
repreacutesentations psycho-sociolangagiegraveres qui pegravesent sur les pratiques de langage et
conditionnent leur manifestation raquo
Les objets drsquoobservation et drsquoanalyse ne seront pas les mecircmes ils sont conditionneacutes par
la deacutemarche du sociolinguiste selon qursquoil srsquoattache agrave mettre en relation telle ou telle
composante
Ainsi le sociolinguiste peut vouloir inventorier les savoirs linguistiques agrave lrsquoœuvre dans
une communauteacute donneacutee eacutetudier les dialectes les sociolectes et autres varieacuteteacutes en
usage dans tel groupe Il peut eacutegalement mettre en rapport ces savoirs linguistiques et
les institutions qui leur octroient une plus ou moins grande leacutegitimiteacute sociale Il peut
encore analyser le fonctionnement des normes et des eacutevaluations sur lesquelles srsquoappuie
la parole circulante Il ne lui est pas interdit non plus drsquointerroger les divers types de
discours oraux ou eacutecrits pour en deacutecrire le fonctionnement polyphonique crsquoest-agrave-dire
la manifestation plus ou moins probleacutematique de plusieurs voix celles des
interlocuteurs mais eacutegalement la trace lrsquoeacutecho de celles qui circulent dans le contexte
social ougrave srsquoinscrivent les productions linguistiques en question
Le sociolinguiste reacuteintroduit dans son champ drsquoeacutetude le sujet peut aussi bien analyser
les statuts rocircles et places des acteurs- partenaires leur incidence sur le deacuteroulement des
interactions au travers en particulier des strateacutegies mises en œuvre Enfin la
communication elle-mecircme peut retenir son attention au travers des actes de parole
directs ou indirects de leur interpreacutetation plus ou moins preacutevisibles des rituels
sociolangagiers sur lesquels srsquoappuie la parole en communauteacute Donc la
sociolinguistique investit tous les domaines suivants (voir scheacutema suivant p7)
Cours III
VI LA VARIATION LINGUISTIQUE
La question de la variation est une question fondamentale pour la sociolinguistique car il sagit
veacuteritablement de tirer les conseacutequences du constat fait par tout linguiste mecircme deacutebutant on ne
parle pas de la mecircme faccedilon dans toutes les circonstances de sa vie Une mecircme personne au cours
dune journeacutee change consideacuterablement dusage de varieacuteteacute de langue et ceci en raison de ses
interlocuteurs de lobjet de son discours des conditions immeacutediates de productionreacuteception Bien
sucircr en fonction de son milieu social de son histoire personnelle de son implantation
geacuteographique des effets que lon veutpeut produire de la maicirctrise des registres de langues acquise
du rapport agrave la langue et agrave la socieacuteteacute on recourt agrave des varieacuteteacutes linguistiques tregraves diverses qui mecircme
si elles sont globalement appeleacutees franccedilais peuvent comporter des diffeacuterences consideacuterables aux
yeux du linguiste qui les deacutecrit Cest le deacutesir dexpliquer cette variation de trouver les causes de
chaque varieacuteteacute en rendant compte de toutes les donneacutees susceptibles decirctre mises en relation avec
les formes produites qui a donneacute naissance agrave la sociolinguistique La perspective deacuteterministe est
centrale tout ce que nous disons agrave deacutefaut de pouvoir ecirctre directement conditionneacute par
lenvironnement linguistique immeacutediat (cf les variantes conditionneacutees) doit pouvoir ecirctre expliqueacute
par ce que nous sommes on retrouve les questions QUI parle A QUI OU QUAND
COMMENT POURQUOI
En preacutefeacuterant la notion de variation linguistique et en faisant de celle-ci une des
composantes essentielles de son champ disciplinaire la sociolinguistique reacutevegravele son inteacuterecirct prioritaire
pour certaines situation de communication individuelles ou collectives ougrave les locuteurs de maniegravere
permanente ou provisoire sont conduits agrave faire coexister en eux des usages linguistiques certes
distincts mais cependant proches Lrsquoideacutee de variation implique ici celle drsquoun eacutecart mais drsquoun eacutecart
veacutecu
En effet la sociolinguistique entend deacutecrire la langue dans ses emplois ses usages Cet
usage manifeste des variations le locuteur opegravere un choix parmi les varieacuteteacutes-les sous codes- de la
langue qursquoil maicirctrise notamment en fonction de son statut social du style et de la situation qui peut
ecirctre plus ou moins formelle Le formalisme du discours peut se deacutefinir en fonction des termes
constitutifs de lrsquoeacuteveacutenement de parole on peut se sentir obligeacute de se conduire de parler correctement
drsquoune maniegravere formelle face agrave un auditeur drsquoun statut social eacuteleveacute le thegraveme de lrsquoeacutechange neacutecessite
une langue soutenue ou familiegravere deacutejagrave sur le plan lexical la deacutenomination de certains objets risque
de changer radicalement suivant les personnes auxquelles on srsquoadresse le style peut ecirctre
surveilleacute(langue soutenue) familier celui du discours quotidien tel qursquoil est employeacute dans les
situations ordinaires ougrave le langage nrsquoest pas un objet drsquoattention
La sociolinguistique distingue entre variation inter linguistique et variation intralinguistique
VI-1-LA VARIATION INTRALINGUISTIQUE OU VARIATION DANS LES USAGES DE LA
LANGUE Il y a variation intralinguistique lagrave ougrave les locuteurs utilisent deux ou plusieurs variantes drsquoun mecircme
systegraveme donc drsquoune mecircme langue A lrsquointeacuterieur drsquoune mecircme langue il y a une variation constante Celle-ci peut ecirctre geacuteographique ou sociale mais la plupart du temps ces facteurs interfegraverent lrsquousage drsquoun patois est un pheacutenomegravene geacuteographique mais qui marque aussi une hieacuterarchie sociale La variation peut prendre la forme de patois de dialectes de langues de minoriteacute (en France le basque ou lrsquoalsacienne sont pas apparenteacutes au franccedilais) Crsquoest la dialectologie qui depuis la fin du XIX eacuteme siegravecle eacutetudie ce type de pheacutenomegravenes Lrsquourbanisation massive et le deacuteveloppement des communications ont bouleverseacute la
dialectologie traditionnelle qui eacutetait tourneacutee vers le monde rural Aujourdrsquohui crsquoest le monde urbain qui offre les terrains drsquoenquecircte les plus riches Crsquoest pourquoi la sociolinguistique se propose de reacuteinteacutegrer lrsquohomme dans la langue le locuteur son milieu celui auquel il srsquoadresse la communauteacute linguistique mecircme si toutes ces donneacutees sont extrecircmement complexes De fait dans les anneacutees 60 aux eacutetats ndashunis W Labov auteur notamment drsquoune seacuterie drsquoarticles publieacutes en franccedilais dans le recueil Sociolinguistique sociolinguiste bien connu pour son rocircle dans la recherche a fait apparaicirctre lrsquoabsolue neacutecessiteacute de consideacuterer la reacutealiteacute des productions langagiegraveres et non plus des abstractions (cette recherche sur les abstractions correspondait agrave un courant de la linguistique theacuteorique) il nrsquoheacutesite pas agrave dire que la sociolinguistique crsquoest la linguistique mecircme srsquoil est obligeacute de constater que certains linguistes neacutegligent agrave tort lrsquoeacutetude du contexte social Pour nous notre objet drsquoeacutetude est la structure et lrsquoeacutevolution du langage au sein du contexte social formeacute par la communauteacute linguistique Les sujets consideacutereacutes relegravevent du domaine ordinairement appeleacute linguistique geacuteneacuterale phonologie morphologie syntaxe et seacutemantique Les problegravemes theacuteoriques que nous soulegraveverons appartiennent eacutegalement agrave cette cateacutegorie tels la forme des regravegles linguistiques leur combinaison en systegravemes la coexistence de plusieurs systegravemes et lrsquoeacutevolution dans le temps de ces regravegles et de ces systegravemes Srsquoil nrsquoeacutetait pas neacutecessaire de marquer le contraste entre ce travail et lrsquoeacutetude du langage hors de tout contexte social je dirais volontiers qursquoil srsquoagit lagrave tout simplement de linguistique Et lrsquoon peut srsquoeacutetonner qursquoil soit utile de donner une base sociale eacutelargie agrave ce domaine Que la linguistique geacuteneacuterale quel qursquoen soit le contenu doive reposer avant tout sur le langage tel que lrsquoemploient les locuteurs natifs communiquant entre eux dans la vie quotidienne cela paraicirct aller de soi Aussi est-il profitable avant de continuer de voir preacuteciseacutement pourquoi il nrsquoen a pas eacuteteacute ainsi (Labov 1976 Lrsquoeacutetude de la langue dans son contexte social pp 258-259) Pour Labov il nrsquoy a pas drsquoeacutetude de la langue sans prise en compte des hommes qui la parlent sans eacutetude de lrsquoenvironnement social De ce fait Labov tente de correacuteler les maniegraveres de parler avec des variables sociales qui peuvent ecirctre beaucoup plus fines (et qui sont deacutetermineacutees preacuteciseacutement par lrsquoanalyse) que les grandes cateacutegories sociales traditionnelles (profession sexe acircge lieu de reacutesidence etc) Labov devant les donneacutees ordinaires de la situation de communication qui comportent une forte heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et qui sont geacuteneacuteralement consideacutereacutees comme aleacuteatoires va chercher agrave eacutetablir une systeacutematiciteacute (Gadet 1992b) En quelque sorte srsquoattachant au concept de variation libre Labov essaye drsquoeacutetablir les regravegles de cette variation drsquoen montrer les conditionnements Labov met agrave jour des reacutegulariteacutes trop systeacutematiques pour ecirctre le fait du hasard et il srsquoefforce de montrer selon les formules de F Gadet qursquo+ il y a une stratification de lrsquousage de la langue dans la socieacuteteacute dont il a pu eacutetablir qursquoelle eacutetait agrave la fois reacuteguliegravere et extrecircmement fine Elle ne peut toutefois se saisir qursquoagrave travers des consideacuterations de freacutequence puisque ce nrsquoest guegravere la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoune variante qui est en cause mais des taux drsquooccurrences compareacutes (F Gadet 1992b p 6)
Il srsquoagit drsquoassocier chaque variante linguistique agrave une cause extra-linguistique (classe sociale sexe acircge habitat race attitudes du locuteurs circonstances de la communication etc) ou chaque ensemble de variantes linguistiques (reacutealisation dune variable) agrave une ou des variables sociales selon un scheacutema que lrsquoon pourrait repreacutesenter ainsi
Ensemble des variables sociales Ensemble des variables linguistiques Une fois correctement eacutetablies les variables en modifiant lrsquoune des variables sociales on devrait
obtenir une varieacuteteacute nouvelle (un ensemble de variantes diffeacuterentes) au niveau linguistique Attention on rappellera ici la notion de variante conditionneacutee On parle en linguistique de variante
conditionneacutee quand on peut eacutetablir une correacutelation stricte entre lrsquoapparition drsquoune uniteacute linguistique et le
contexte linguistique de son apparition ainsi en franccedilais du Midi la reacutealisation [o] [ɔ] est conditionneacutees ces deux formes sont deux variantes conditionneacutees drsquoune seule uniteacute phonologique le o selon la regravegle
suivante [o] en finale ex pot chaud dos o [ɔ] + C ex rose chaude jaune code Paul pocircle Dans
drsquoautres reacutegions de France on pourra trouver des o et des ɔ non conditionneacutes par le contexte comme le montrent les prononciations laquo parisiennes raquo de saute sotte ou de pocircle Paul
Crsquoest un conditionnement de ce type que Labov a tenteacute drsquoeacutetablir non plus entre un environnement linguistique et certains sons mais entre des variables extra-linguistiques (sexe acircge situation sociale) et des uniteacutes comportant du sens (du morphegraveme uniteacute minimale de signification agrave la phrase ou au discours uniteacute vaste) Dans une perspective deacuteterministe (une deacutemarche scientifique est drsquoune faccedilon ou drsquoune autre preacutesenteacutee comme deacuteterministe) Labov pense que si nous ne parvenons pas agrave eacutetablir un conditionnement strict entre des variables extra-linguistiques et des variantes linguistiques crsquoest parce que notre analyse est
incomplegravete parce que nous avons neacutegligeacute des donneacutees Il propose de ce fait de multiplier les investigations pour trouver les variables pertinentes
Avec William Labov le pegravere de lapproche variationniste en sociolinguistique on a pris lhabitude de distinguer quatre types de variation
la variation diachronique (ou historique) la variation diatopique (ou geacuteographique) la variation diastratique (ou sociale) la variation diaphasique (ou stylistique)
Variation diachronique
La variation diachronique est lieacutee au temps elle permet de cotraster les traits selon quils sont perccedilus comme plus ou moins anciens ou reacutecents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diatopique
La variation diatopique joue sur laxe geacuteographique la diffeacuterenciation dune langue suivant les reacutegions relegraveve de cette variation Pour deacutesigner les usages qui en reacutesultent on parle de reacutegiolectes de topolectes ou de geacuteolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diastratique
La variation diastratique explique les diffeacuterences entre les usages pratiqueacutees par les diverses classes sociales Il est question en ce cas de sociolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diaphasique
On parle de variation diaphasique lorsquon observe une diffeacuterenciation des usages selon les situations de discours ainsi la production langagiegravere est-elle influenceacutee par le caractegravere plus ou moins formel du contexte deacutenonciation et se coule-t-elle en des registres ou des styles diffeacuterents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Franccediloise Gadet propose dajouter la variation diameacutesique quelle deacutefinit ainsi Une autre distinction relevant eacutegalement de lusage intervient entre oral et eacutecrit Elle est particuliegraverement forte dans une langue de culture tregraves standardiseacutee comme la franccedilaise Ici cest la distinction de chenal de transmission de la parole qui constitue le point dancrage de la diffeacuterence aucun locuteur ne parle comme il eacutecrit aucun neacutecrit comme il parle La distinction nest pas purement mateacuterielle elle touche aussi la conception mecircme des discours Il faudra donc distinguer entre ce qui est un effet geacuteneacuteral de loraliteacute et ce qui relegraveve de la variation (Gadet 2004 p 98)
Cette recherche de William Labov (La stratification sociale de lrsquoanglais dans la ville de New york) a eacuteteacute
meneacutee sur la relation entre variation linguistique et stratification sociale dans une grande ville ameacutericaine et en particulier sur lrsquoanglais de noirs Une preacute-enquecircte meneacutee dans trois grands magasins diffeacuterents quant agrave la qualiteacute et au prix des produits vendus et par conseacutequent agrave la cateacutegorie sociale de leur clients a permis de montrer que les employeacutes de ces magasins qui pourtant appartenaient tous agrave la mecircme classe sociale reacutealisaient les variantes phoneacutetiques conformeacutement agrave la faccedilon de parler des clients agrave qui ils avaient affaire en fonction du magasin(du quartier ougrave il se trouvait) voire du rayon dans le magasin( de la nature des produits proposeacutes)
La seule preacutesence de lrsquoobservateur lors drsquoune enquecircte suffit agrave modifier le comportement linguistique de lrsquoenquecircteacute lequel a tendance agrave se rapprocher de la varieacuteteacute officielle ou de prestige Les modaliteacutes de lrsquoenquecircte entraicircnent eacutegalement des variations dans les productions Crsquoest ce qui a ameneacute Labov agrave varier ses strateacutegies (eacutecoute pirate deacuteguisement ) et agrave deacutefinir des styles contextuels dont le plus surveilleacute reacutepond agrave la lecture et le moins surveilleacute au discours spontaneacute familier hors enquecircte Lagrave aussi plus le locuteur accorde drsquoattention agrave son discours plus il se rapproche de la norme officielle Tout cela met en lumiegravere la fonction sociale et symbolique des variations linguistiques qui ne sont que rarement des choix deacutelibeacutereacutes
La varieacuteteacute linguistique propre agrave un groupe dominant srsquoimpose comme marque de prestige et deacutetermine lrsquoattitude des locuteurs du groupe domineacute face agrave leur propre varieacuteteacute les colonisateurs le savent bien et un de leurs premiers soucis est de transmettre leur eacutevaluation Ces travaux de dialectologie urbaine ont permis de deacutevelopper des meacutethodologies originales drsquoanalyse de lrsquousage en situation authentique lrsquoobservateur srsquoefforccedilant de ne pas fausser les donneacutees par sa preacutesence
-variation selon les groupes sociaux il peut srsquoagir de groupes constitueacutes sur les bases de lrsquoorigine
ethnique du pouvoir eacuteconomique du sexe de lrsquoacircge
-variation en fonction de la situation de communication les mecircmes locuteurs ne parlent pas de la
mecircme faccedilon selon les situations (en situation formelle ou en situation familiegravere agrave lrsquoeacutecrit et agrave lrsquooral
A partir de cette enquecircte ceacutelegravebre sur les adolescents noirs lAmeacutericain William Labov a donc rechercheacute les correacutelations entre certaines variations linguistiques et la position sociale des locuteurs etou la situation de communication
Cette deacutemarche la ameneacute agrave isoler deux niveaux de variation
- Un niveau social diffeacuterents locuteurs dune mecircme langue parlent diffeacuteremment
- Un niveau stylistique un mecircme locuteur utilise diffeacuterents registres de langage (familier soutenu) selon la situation Mais W Labov remarque que leacutecart entre langue courante et langue soutenue est beaucoup plus important chez un ouvrier que chez un cadre supeacuterieur
Pour W Labov la langue est soumise agrave trois sortes de regravegles
- Les regravegles cateacutegoriques quaucun locuteur ne viole jamais Aucun francophone ne dit laquo on venons raquo ou laquo nous vient raquo
- Les regravegles semi cateacutegoriques dont la violation - freacutequente - est interpreacutetable socialement la tournure laquo aller au coiffeur raquo est jugeacutee populaire par la norme
- Les regravegles variables
- Se meacutefier de lrsquointrospection drsquoune preacutetendue laquo compeacutetence raquo (cf Chomsky) on ne touche de fait
que des laquo performances raquo et il existe des proceacutedures objectives drsquoanalyse linguistique pour
approcher la variation ndash qui est la regravegle
- Srsquoil y a de la variation il convient toujours de tenter de lrsquoexpliquer les preacutetendues laquo variantes
libres raquo sont des variantes dont le conditionnement nous eacutechappe mais il convient de chercher
parmi les donneacutees sociales au sens large celles qui de fait conditionnent les variantes analyseacutees
-Se rappeler que lrsquoon tente toujours drsquoenquecircter sur la langue drsquoune communauteacute linguistique et non
pas sur celle drsquoun seul individu Se soucier neacutecessairement de la question de la repreacutesentativiteacute des
informateurs
En conseacutequence scepticisme quant aux laquo universaux raquo au sens ougrave ils pourraient ecirctre preacutesents
dans toutes les langues Mais crsquoest lrsquoexplication qui forge lrsquouniversaliteacute (cf ne pas confondre les
universaux de la linguistique avec des universaux du langage )
- Inteacuterecirct particulier pour le changement linguistique tout particuliegraverement les signes du
changement en cours Toutes conditions eacutegales ce qui a entraicircneacute des changements dans le passeacute se
reproduit neacutecessairement maintenant (mais ne pas oublier les caracteacuteristiques sociales qui font
partie des laquo conditions eacutegales raquo)
VI- 2 LA VARIATION INTERLINGUISTIQUE Il nrsquoest pas dans notre intention drsquoeacutenumeacuterer ici toutes les deacutefinitions ou typologies proposeacutees pour le bilinguisme mais de retenir celles qui nous semblent avoir un inteacuterecirct pour la sociolinguistique
VI-2-1 Bilinguisme et plurilinguisme
Tregraves longtemps il y a eu des deacutebats pour savoir srsquoil fallait parler de bilinguisme ou de
plurilinguisme Il y a de nombreuses deacutefinitions nous retenons celle de
-Georges Mounin laquo Le fait pour un individu de parler indiffeacuteremment deux langues raquo laquo eacutegalement
coexistence de deux langues dans la mecircme communauteacute pourvu que la majoriteacute des locuteurs soit
effectivement bilingue raquo
-Deacutefinition du dictionnaire de didactique des langues laquo le bilinguisme est une situation qui
caracteacuterise les communauteacutes linguistiques et les individus installeacutes dans les reacutegions multilingues
-Dictionnaire des sciences du langage de Todorov laquo un individu est dit multilingue srsquoil possegravede
plusieurs langues apprises lrsquoune comme lrsquoautre comme langue maternelle raquo
Le bilinguisme agrave travers ces trois deacutefinitions peut ecirctre consideacutereacute soit comme le fait drsquoune
communauteacute soit comme le fait drsquoun individu Ces diffeacuterences renvoient agrave tout un deacutebat de
linguistes qui consideacuteraient que seuls les individus peuvent ecirctre bilingues et drsquoautres qui
consideacuteraient que cette notion peut srsquoeacutetendre agrave toute une communauteacute linguistique
Se posent alors le problegraveme de degreacute drsquoextension du bilinguisme agrave partir de quel pourcentage
considegravere - t-on que la communauteacute est bilingue et quand peut-on parler de bilinguisme
Selon lrsquoacircge drsquoacquisition des langues on a pu parler de bilinguisme preacutecoce ou tardif selon la
distribution faite dans la communauteacute on parle de bilinguisme composeacute individuel stylistique ou
social Toutes ces approches deacutefendent un point de vue diffeacuterent
Les diffeacuterentes approches -Lrsquoapproche normative
Elle prend en consideacuteration le degreacute de maicirctrise de la langue deux positions srsquoaffrontent lrsquoune dit
que tout le monde est bilingue lrsquoautre que personne est bilingue
a)Tout le monde est bilingue
Les deacutefenseurs de cette thegravese pensent que dans tout acte de communication les locuteurs srsquoadaptent
agrave une situation donneacutee Or une langue varie selon les situations de communication les locuteurs
drsquoune langue disposent drsquoune varieacuteteacute drsquousages maicirctriser une langue crsquoest savoir utiliser cette
varieacuteteacute crsquoestndashagrave-dire savoir adapter son discours agrave chacune de ses situations linguistiques
Mahmoudian eacutecrit laquo on maicirctrise mieux une langue dans la mesure ougrave on manie un nombre plus
eacuteleveacute drsquouniteacutes linguistiques et que lrsquoon comprend mieux le sens qui rattache ces uniteacutes aux
circonstances raquo
Martinet laquo deacuteveloppe la mecircme ideacutee lorsqursquoil dit que la maicirctrise drsquoune langue est constitueacute par une
hieacuterarchie drsquousages possibles qui sont les usagers quotidiens les usagers solennels politiques
artistiques
Ceci implique donc que le locuteur est agrave chaque instant obligeacute drsquoadapter son langage agrave la situation
On peut dire que tout locuteur est bilingue exemple du langage becirctifieacute des parents lorsqursquoils
parlent aux enfants ou les colons qui tentent drsquoadapter leur langue maternelle aux parlers creacuteoles
b) Personne nrsquoest bilingue
Certains linguistes disent que le bilinguisme nrsquoexiste pas dans la mesure ougrave personne nrsquoest capable
de maicirctriser agrave la perfection deux langues crsquoest agrave dire sans aucune interfeacuterence Si on prend en
consideacuteration ces paramegravetres il nrsquoy a pas de bilinguisme
Andreacute Martinet explique que ce critegravere de la perfection nrsquoa guegravere de sens car mecircme un locuteur
unilingue ne possegravede pas agrave la perfection sa langue et qursquoil nrsquoen utilise pas toutes les possibiliteacutes
lexicales ou syntaxiques Ce critegravere de la perfection est rejeteacute car il ne permet nullement de deacutefinir
le bilinguisme ou le monolinguisme
c La troisiegraveme tendance tente de deacutefinir le degreacute de maicirctrise relative
Ils rapportent la meacutethode de Malherbe une seacuterie de critegraveres permettent de deacutefinir une situation de
bilinguisme
-ecirctre en mesure de mener une conversation un discours ou un sermon dans une langue eacutetrangegravere
que ce soit agrave lrsquoeacutecrit ou agrave lrsquooral Savoir lire les journaux dans cette langue et en saisir lrsquohumour
-Etre en mesure de mener une conversation intelligible dans une autre langue et pouvoir lire sa
litteacuterature
-Savoir lire implacablement lrsquoautre langue
-Savoir enseigner les deux langues
-Posseacuteder une grande maicirctrise des deux langues
-Posseacuteder une connaissance parfaite des deux langues
Que dire
La mesure de la perfection repose sur des jugements de valeur subjectifs on mecircle diffeacuterents
niveaux de maicirctrise drsquoune langue lrsquoeacutecrit et lrsquooral
On mecircle pareillement la maicirctrise drsquoune langue et lrsquoaptitude agrave lrsquoenseigner ce qui ne se justifie pas
Beaucoup savent parler une langue mais ne peuvent lrsquoenseigner
On peut dire que les systegravemes de mesure de la perfection linguistique est un faux problegraveme car
toute situation de bilinguisme est marqueacutee par une fluctuation des usages (variation continuelle)
En effet le comportement linguistique des bilingues est tregraves variable il deacutepend de nombreux facteurs drsquoordres psychologiques et sociaux Il y a des pheacutenomegravenes de pressions sociales les situations de communication qui fait qursquoon ne peut eacutetablir des grilles rigoureuses La mesure de perfection se reacutevegravele vaine il faut srsquoen tenir aux propositions de W Mackey laquo le bilinguisme doit ecirctre consideacutereacute comme un concept non pas absolu mais relatif raquo Renzo Titone ajoute en rapportant Mackey qursquoil ne faut pas poser la question cet individu est-il bilingue Mais plutocirct dans quel sens est-il bilingue crsquoest-agrave-dire qursquoil faut rendre compte de la pratique bilingue du locuteur de son comportement bilingue mais pas tenter de deacutefinir la nature du bilinguisme qursquoil pratique
Lrsquoapproche psychologique
A-Le bilinguisme infantile ou preacutecoce On parle de bilinguisme infantile quand il srsquoagit drsquoun enfant qui degraves sa naissance est
simultaneacutement confronteacute agrave deux systegravemes linguistiques diffeacuterents par exemple lorsque la megravere et le
pegravere parlent agrave lrsquoenfant chacun leur langue ou lorsqursquoune 3egraveme
personne parle une autre langue que
celle que parlent les parents En fait cette situation est plus rare que la situation de bilinguisme
preacutecoce ougrave lrsquoon a des enfants monolingues dans les premiegraveres anneacutees de leur enfance qui
apprennent ensuite une seconde langue soit par impreacutegnation du milieu familial et social soit agrave
lrsquoeacutecole Les eacutetudes agrave orientation psychologiques se proposent toujours diffeacuterents objectifs certaines
eacutetudes se proposent drsquoexaminer le comportement de lrsquoenfant qui est aussi tregraves tocirct mis en contact
avec 2 ou plusieurs langues en geacuteneacuteral ces eacutetudes essaient de deacuteterminer la conscience qursquoa
lrsquoenfant de parler ou de ne pas parler plusieurs langues on a 2 types de constatations qui
apparemment sont contradictoires
1-Il semble selon certaines expeacuteriences que les enfants acquiert les diffeacuterentes langues sans
srsquoen apercevoir On cite les propos drsquoun linguiste allemand bilingue qui degraves son plus jeune acircge agrave la
question raquo savez vous depuis le deacutebut que vous parliez deux langues Il reacutepondit laquo je suppose que
non je parlais spontaneacutement la langue de mon interlocuteur sans savoir ce que je faisais et cela
depuis le deacutebut comme jrsquoai pu le deacuteduire du teacutemoignage de mes parents
2- En face de ce premier type de recherche on a une autre type de recherche qui montre que les
enfants distingue assez tocirct entre 3 et 4 ans les diffeacuterents systegravemes qursquoil parle et preacuteciseacutement cette
capaciteacute de parler et la situation dans laquelle ils se trouvent tregraves vite ils perccediloivent ce qursquoon
attend drsquoeux dans la situation scolaire et dans la situation familiale ou amicale
Un autre facteur inteacuteressant crsquoest leur capaciteacute de traduire Renzo Titone cite le cas de conscience
diffeacuterentielle qui lui permet de diffeacuterencier les systegravemes ce qui implique que lrsquoenfant possegravede une
double compeacutetence crsquoest-agrave-dire une maicirctrise intuitive de regravegles et de meacutecanismes diffeacuterents
laquo Lrsquoenfant bilingue reacuteussit-il agrave faire le rapport entre les personnes et les situations distinctes et les
idiomes raquo
Lrsquoenfant pratique la diffeacuterenciation des systegravemes mais il ne possegravede pas la capaciteacute drsquoeacutenoncer de
formuler cette aptitude Il a une conscience intuitive qursquoil ne peut formuler
Le bilinguisme favorable ou deacutefavorable
La question souvent poseacutee est celle de savoir si le bilinguisme est favorable ou deacutefavorable
srsquoil est nuisible ou non Cette question est poseacutee agrave deux niveaux drsquoabord agrave propos des enfants on
se demande bien souvent si le bilinguisme est preacutejudiciable ou non au deacuteveloppement de lrsquoenfant
crsquoest agrave dire agrave son eacutequilibre psychologique affectif drsquoautre part si crsquoest preacutejudiciable agrave lrsquoacquisition
de sa langue maternelle et de sa langue Ces preacutesupposeacutes sont deacutementis par de nombreuses
expeacuteriences faites sur des enfants bilingues
Renzo Titone expose le cas drsquoun enfant qui apprend lrsquoallemand avec sa megravere et le franccedilais avec
son pegravere la prononciation fut celle drsquoun enfant unilingue degraves le deacutebut le bilinguisme ne retardera
pas le deacuteveloppement geacuteneacuteral du langage crsquoest agrave dire que lrsquoacquisition des deux langues nrsquoa pas
entraicircneacute de retard Les emprunts drsquoune langue agrave une autre reacuteitegraverent des cas isoleacutes Dans les deux
langues on assisteacute agrave un deacuteveloppement parallegravelement en phoneacutetique en morphologie en syntaxe
Lrsquoenfant devient tregraves vite conscient de son bilinguisme et traduisait les messages drsquoune langue agrave
une autre Il acquit le concept abstrait de langue Tous ces exemples donneacutes par Titone semblent
contredire la thegravese qui veut que le bilinguisme soit dangereux preacutejudiciable Mecircme thegravese
deacuteveloppeacutee par Abdellah Cheacuteriet pour qui le bilinguisme est contre reacutevolutionnaire dangereux
pour lrsquoauthenticiteacute et pour la langue arabe alors que Lacheraf eacutetait pour le bilinguisme
Selon Cheacuteriet le bilinguisme nrsquoest pas une voie reacutevolutionnaire pour lrsquoenseignement mais
bourgeoise car ce nrsquoest pas le bilinguisme qui donne au peuple sa formation socialiste De plus le
bilinguisme est contraire agrave lrsquoauthenticiteacute et le fait drsquoenseigner une langue eacutetrangegravere agrave lrsquoenfant
orientera sa mentaliteacute et donc son authenticiteacute
Remarque le bilinguisme est consideacutereacute sous un angle particulier on considegravere les deux
langues rivales Pourtant lrsquoAlgeacuterie est plurilingue et Cheacuteriet ne parle jamais des autres langues les
arguments avanceacutes sont biaiseacutes la reacutealiteacute linguistique nrsquoest jamais deacutecrite lrsquoarabe classique est
consideacutereacute comme une langue maternelle En fait le veacuteritable problegraveme dans des cas de bilinguisme
est la prise en charge peacutedagogique et un environnement harmonieux laquo En creacuteant un environnement
adapteacute le petit enfant pourrait tregraves bien apprendre deux langues ou plus sans grave difficulteacute et la
redoutable barriegravere linguistique serait deacutetruite agrave la base raquoTitone
3 Lrsquoapproche sociale On peut parler du bilinguisme social lorsqursquoon prend en consideacuteration lrsquoexpansion du
bilinguisme au niveau de toute une communauteacute Cette approche sociale traite drsquoun certains
nombres de questions
-le statut des langues en contact
-la distribution de ces langues crsquoest-agrave-dire comment les langues se distribuent-elles
parmi les locuteurs comment sont-elles pratiqueacutees par les locuteurs drsquoougrave lrsquoeacutetude drsquoun certains
nombre drsquoeacuteleacutements agrave prendre en charge la situation de communication lrsquoappartenance sexuelle
sociale on srsquoattache aussi au pheacutenomegravene de prestige de valorisation et de deacutevalorisation
pheacutenomegravene de meacutemorisation Crsquoest-agrave-dire lrsquoattitude du locuteur agrave lrsquoeacutegard de ceux qui parlent
-les problegravemes de planification linguistique Elle prend aussi en charge le retentissement
de tous les eacuteleacutements au niveau de la dynamique des langues crsquoest agrave dire la capaciteacute drsquoeacutevolution de
stagnation de vie ou de mort des langues quels sont les symptocircmes qui permettent de reconnaicirctre
ces pheacutenomegravenes
Lrsquoimportance de ces pheacutenomegravenes sociaux se manifeste dans lrsquoexemple que nous
empruntons agrave Juliette Garmadi 1981 La sociolinguistique PUF Paris concernant le cas du
Vaupegraves reacutegion qui se situe au centre de lrsquoAmazonie avec une frontiegravere commune agrave la Colombie et
au breacutesil
Quelles sont les caracteacuteristiques sociales de cette reacutegion il srsquoagit drsquoune population
indienne qui vit dans des habitations disperseacutees cependant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune
population seacutedentaire bien qursquoil lui arrive de se deacuteplacer Il y a plusieurs niveaux de structuration
sociale de cette population elle est structureacutee en uniteacutes deacutefinies par un seul critegravere lrsquouniteacute
linguistique Chaque groupe drsquoindividus parlant la mecircme langue est consideacutereacute comme appartenant
agrave la mecircme tribu La tribu est deacutefinie par la langue du pegravere donc tous ceux qui ont utiliseacutes degraves leur
enfance la langue du pegravere font partie de la mecircme tribu Crsquoest donc la langue du pegravere qui confegravere
lrsquoidentiteacute au groupe agrave la tribu Un indien de cette tribut doit se marier avec une femme drsquoune autre
tribu obligatoirement donc parlant une autre langue sinon cela est consideacutereacute comme un inceste
Exemple un enfant appartenant agrave une tribu doit avoir comme premiegravere langue la langue de son
pegravere la megravere est tenue drsquoapprendre la langue de son mari mais elle peut aussi parler sa langue avec
les autres femmes elle communique avec son fils la langue de son mari
Quels sont les points que suscite lrsquoattention du linguiste par rapport au vaupeacutes
-Au niveau de lrsquoeacutetendue du bilinguisme
Le plurilinguisme pourrait ecirctre envisageacute dans cette reacutegion agrave plusieurs niveaux au niveau familial
ou cellule nucleacuteaire Au niveau de la tribu au niveau du Vaupegraves
Selon Juliette Garmadi il y a une stabiliteacute du plurilinguisme que lrsquointroduction du portugais et de
lrsquoespagnol dans la reacutegion ne semble pas remettre en cause Elle affirme une des premiegraveres
conclusions que lrsquoon peut tirer de lrsquoeacutetude de la situation du Vaupegraves est que les socieacuteteacutes complexes
ne sont pas les seules garantes possibles de la stabiliteacute du plurilinguisme Elle veut dire que lrsquoon
aurait tendance agrave croire qursquoune situation comme le vaupeacutes avec lrsquoaccord de la colonisation aurait
pu voir son plurilinguisme ceacuteder devant la langue du colonisateur or il nrsquoen est rien car le
plurilinguisme du Vaupegraves se maintient tregraves bien Donc les socieacuteteacutes stables ne sont pas les seules
garantes de la stabiliteacute
Lrsquoexistence du plurilinguisme et de sa stabiliteacute ne sont lieacutees ni agrave des types drsquoinstitutions preacutecises ni
au nombre des locuteurs ni agrave la dimension ni agrave la densiteacute drsquoun pays
Juliette Garrmadi agrave travers lrsquoexemple du Vaupegraves semble remettre en question toutes ces
hypothegraveses
-Au niveau psychologique du bilinguisme
Au niveau psychologique le plurilinguisme peut ecirctre preacutecoce ou tardif ce bilinguisme est aussi
eacutequilibreacute car les langues acquises dans lrsquoenfance le sont avec une maicirctrise eacutegales
-Au niveau linguistique et seacutemio culturel
Au niveau des systegravemes culturels transmis par le langage on peut parler de bilinguisme composeacute
crsquoest agrave dire que les langues parleacutees reacutefegraverent agrave une mecircme situation seacutemio culturelle que les langues
indiennes parleacutees dans le Vaupegraves renvoient au mecircme reacutefeacuterent culturel dans la mesure ougrave la culture
indienne de cette reacutegion est homogegravene et que toutes les langues parleacutees sont le veacutehicule de cette
culture homogegravene ce qui peut se traduire en disant que les enfants du Vaupeacutes ont un seul systegraveme
de signifieacute mais qursquoils ont pour le traduire diffeacuterents signifiants correspondant aux diffeacuterentes
langues qursquoils parlent Crsquoest dans ce cas que lrsquoon parle de bilinguisme composeacute car ce dernier
implique theacuteoriquement la permeacuteabiliteacute des systegravemes linguistiques en contact crsquoest-agrave-dire qursquoil y a
tregraves souvent passage drsquoune langue agrave une autre il y a interfeacuterence agrave tout niveau phonologique
lexical et syntaxique
Conclusion
Si lrsquoon srsquoen tient au cas du Vaupeacutes on peut dire agrave propos de lrsquoAlgeacuterie qursquoelle preacutesente bien une
situation de plurilinguisme social Ce bilinguisme peut ecirctre caracteacuteriseacute agrave la fois comme preacutecoce et
tardif(beaucoup drsquoenfants apprennent les langues dans leur petite enfance mais aussi agrave lrsquoeacutecole) Ce
bilinguisme est aussi eacutequilibreacute il est plutocirct coordonneacute que composeacute car le reacutefeacuterent seacutemioculturel du
kabyle et du franccedilais est diffeacuterent du kabyle et de lrsquoarabe le franccedilais lrsquoest aussi
Cours 4
Bilinguisme et diglossie
1-Introduction
Dans une situation de contact de langues le statut de chaque langue varie suivant les rapports de
domination entre les groupes qui les parlent et les perceptions que les individus ont de ces rapports
Il srsquoensuit que les usages langagiers varient dans lrsquoespace social et geacuteographique en fonction de ces
rapports intergroupes si ces rapports changent les rapports de statut et donc les usages eux-mecircmes
varieront Crsquoest agrave de tels pheacutenomegravenes de variations sociolinguistiques que nous allons nous
inteacuteresseacutes En premier lieu nous examinerons le pheacutenomegravene de diglossie qui reacutesulte de relation de
statuts entre une langue et une varieacuteteacute de langue super-ordonneacutee et une autre langue ou varieacuteteacute de
langues subordonneacutees dont les usages respectifs sont en distribution compleacutementaire plus ou moins
stable dans une socieacuteteacute donneacutee
Selon Mackey laquo une socieacuteteacute dont tous les membres seraient capables de comprendre lire parler et
eacutecrire deux langues utiliseacutees dans cette socieacuteteacute devrait sans doute abandonner une de ces langues
car elle serait redondante Autrement dit pour que deux ou plusieurs langues survivent dans une
socieacuteteacute il est neacutecessaire qursquoelles remplissent des fonctions compleacutementaires-soit qursquoelles sont
utiliseacutees par tous les locuteurs pour des fonctions et dans des domaines distincts soit qursquoelles sont
utiliseacutees par des locuteurs appartenant agrave des groupes ethnolinguistiques diffeacuterents soit qursquoun
groupe parle la langue dominante lrsquoautre groupe la langue domineacutee avec entre les deux des
individus bilingues qui parlent la langue de lrsquoun et de lrsquoautre
1-Deacutefinition et historique de la diglossie
La notion de diglossie (du grec ancien diglottos signifiant bilingue) est un concept
sociolinguistique deacuteveloppeacute par Ferguson(1959) pour deacutecrire toute situation dans laquelle deux
varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue sont employeacutees dans des domaines compleacutementaires lrsquoune de ces
varieacuteteacute eacutetant geacuteneacuteralement de statut socialement supeacuterieur agrave lrsquoautre
Dans un sens large la diglossie existe dans toutes les socieacuteteacutes ougrave lrsquousage quotidien diffegravere
sensiblement de la norme officielle il faut que chaque varieacuteteacute soit utiliseacutees de maniegravere
systeacutematique par exemple une varieacuteteacute est employeacutee dans les domaines formelles comme
lrsquoadministration la religion la poeacutesie alors que lrsquoautre est reacuteserveacutee agrave la conversation courante aux
discussions informelles agrave la correspondance non officielle Fergusson qualifie ces deux varieacuteteacutes
lrsquoune haute et lrsquoautre basse Exemple Le monde arabe lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal La
Gregravece le grec le katharevousa et le grec populaire le dhimotiki
Le terme de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Fishman (1967) agrave lrsquousage compleacutementaire institutionnaliseacute
de deux langues distinctes dans une communauteacute donneacutee Cette situation de diglossie se caracteacuterise
par un certain nombre de traits
-La fonction la fonction des deux varieacuteteacutes H et L nrsquoest pas la mecircme il y a reacutepartition de chacune
drsquoentre elles selon les situations de communication
-la notion de prestige on se place ici au niveau de lrsquoattitude des locuteurs qui ont tendance agrave
qualifier H de supeacuterieure de plus belle de plus logique de plus apte agrave exprimer les penseacutees
importantes Ils affirment aussi qursquoils preacutefegraverent entendre un discours politique dans cette varieacuteteacute La
varieacuteteacute L est consideacutereacutee comme eacutetant infeacuterieure incapable drsquoexprimer un discours litteacuteraire
-La litteacuterature eacutetant reacutedigeacutee dans la varieacuteteacute haute elle contribue agrave ce que cette derniegravere soit tenue
dans sa plus haute consideacuteration
Le mode drsquoacquisition La varieacuteteacute basse est geacuteneacuteralement la langue maternelle son acquisition se
fait par lrsquousage donc au sein de la famille La varieacuteteacute haute srsquoapprend agrave lrsquoeacutecole
-La standardisation constitueacutee par la moyenne des usages des locuteurs ex le franccedilais standard
constitue la norme
-La stabiliteacute la situation de diglossie est passagegravere soumise agrave lrsquoeacutevolution Le rapport entre une
langue H et une langue L est ponctuel eacutepheacutemegravere susceptible drsquoeacutevolution
En fait dit Fergusson il nrsquoen est rien La situation de diglossie se caracteacuterise par la stabiliteacute elle
peut durer plusieurs siegravecles Srsquoil y a eacutevolution crsquoest par lrsquointermeacutediaire drsquoune forme de langue
intermeacutediaire qui ne remet pas en cause veacuteritablement le rapport entre H et L comme par exemple
lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal
Le concept de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Gumperz(1971) aux socieacuteteacutes multilingues dans le sens ougrave
celles-ci peuvent utiliser diffeacuterentiellement plusieurs codes (langues dialectes) dans des domaines
et des fonctions compleacutementaires comme lrsquoInde qui a deux langues officielles hautes le hindi et
lrsquoanglais en plus des langues reacutegionales
2-Le rejet de la notion de diglossie
-Martinet utilise plusieurs eacuteleacutements pour remettre en cause la notion de diglossie
Selon Martinet Fishman et Gumperz adoptent la notion de diglossie pour des raisons
sociologiques pour marquer la distinction bilinguisme individuel versus bilinguisme social La
diglossie implique le bilinguisme communautaire
Dans cette perspective on ne voit pas ce que la distinction bilinguisme diglossie apporterait de
nouveau par rapport au bilinguisme individuel et bilinguisme social
Martinet rappelle que la hieacuterarchie entre les langues nrsquoest pas absolue il nrsquoest pas toujours possible
dans toutes les situations linguistiques de deacuteterminer la hieacuterarchie Exemple le Canada
Lrsquoanglais est reacuteserveacute au domaine eacuteconomique et technique le franccedilais est reacuteserveacute au domaine
culturel Ces deux langues sont des langues de prestige bien qursquoelles ne soient pas sur un pied
drsquoeacutegaliteacuteccedila eacutetait la langue de lrsquoeacuteglise or nous dit-il cet argument nrsquoest plus valable car la
katareacuterouza a beaucoup eacutevolueacute par rapport agrave la langue religieuse
Le second argument de Drettas est la remise en cause du systegraveme de standardisation retenue par
Fergusson pour lui on ne peut retenir ce critegravere dans la mesure ougrave le corpus de reacutefeacuterence est
heacuteteacuterogegravene
3- La situation de lrsquoAlgeacuterie
Fergusson considegravere les pays arabes comme un des cas les plus anciens et les plus stables de
diglossie Tout le monde reconnaicirct le prestige de la langue arabe classique
Qui deacutecide de ce prestige Peut on dire drsquoune langue que les locuteurs refusent de parler qursquoelle
nrsquoest pas prestigieuse
Tous les grammairiens qui procircnent la disparition des dialectes au profit de lrsquoarabe classique sont
obligeacutes de reconnaicirctre que ces derniers sont bien vivants les grammairiens parlent de difficulteacute agrave
enseigner une locuteurs natifs il nrsquoexiste pas dans le monde arabe de personnes dont la langue
maternelle est la langue standard
Le prestige de la langue tient essentiellement du mythe nous avons lagrave lrsquoexemple drsquoun discours sur
les langues que les grammairiens les linguistes lrsquoeacutelite intellectuelle ont eacutetabli et qursquoils perpeacutetuent
avec la compliciteacute des instances officielles sans jamais se poser la question de lrsquoadeacutequation de ces
discours agrave la reacutealiteacute des pratiques linguistiques
4-Les tenants de la notion deacutefense et illustration de la diglossie
La deacutefense de la diglossie se fait selon deux axes principaux
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
-La diglossie expression et moyen drsquoun conflit social
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
A partir de la distinction entre varieacuteteacute H et varieacuteteacute L eacutetablie par Ferguson se construit une autre
signification celle de la diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute Il srsquoagit drsquoineacutegaliteacute au
niveau de lrsquoutilisation des deux langues mais aussi des attitudes et repreacutesentations que les locuteurs
ont agrave propos de ces langues Ces deux aspects sont tregraves importants Le terme de diglossie permet
drsquoinsister sur cette ineacutegaliteacute qui peut ecirctre quantitative lorsqursquoil srsquoagit de lrsquoextension drsquoemploi de
ces langues ainsi la varieacuteteacute H a geacuteneacuteralement une zone drsquoextension plus grande que la varieacuteteacute B
On peut parler drsquoineacutegaliteacute qualitative lorsque les langues en preacutesence ont le mecircme statut
-Bilan de La sociolinguistique dans le domaine arabearabophone
Essor tardif malgreacute la richesse du champ puisque aireegravere immenses
Pendant toute la premiegravere partie du XXegraveme siegravecle (Auparavant voir P Larcher) les eacutetudes arabes
ont eacuteteacute diviseacutees en deux grands domaines qui se recoupaient tregraves peu
a) lrsquoeacutetude la langue arabe classique b) eacutetudes dialectales
Dans les deux cas les auteurs visent agrave des descriptions de systegravemes plus ou moins homogegravenes et
stables En ce qui concerne eacutetudes dialectales description qui repose souvent sur le parler drsquoun ou
deux informateurs supposeacutes repreacutesenteacutes lrsquoensemble de leur communauteacute le parler du Caire le
parler de Cherchell le parler de Tunis etc et parfois mecircme le parler eacutegyptien le parler syrien etc
Preacutecurseurs la dialectologie et linguistique historique
Il y a quand mecircme une linguistique historique qui se pose la question de la formation de lrsquoarabe
classique ou dialectale en particulier en ce qui concerne la peacuteriode preacuteceacutedant et suivant la conquecircte
avec des questions comme est ce que lrsquoarabe classique srsquoest constitueacute sur une koineacute poeacutetique
litteacuteraire ou sur une koinegrave dialectale etc (cf P larcher) Autour de cette question de la formation
de lrsquoarabe de la deacutefinition drsquoune koinegrave qursquoil srsquoagisse drsquoune koinegrave litteacuteraire ou dialectale on aborde
les questions de contact drsquoeacutevolution de varieacuteteacutes
-Deacutefinition drsquoune koinegrave = Varieacuteteacute neacutee du contact de diffeacuterentes varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue qui
se deacutelocalise dans le sens que nrsquoest plus le symbolelrsquoeacuteleacutement identificateur drsquoun groupe
socialement et geacuteographiquement distinct et qui de ce fait tend agrave eacuteliminer les traits les plus
particuliers les plus saillants des varieacuteteacutes en contact et tend agrave conserver les traits communs
(beaucoup plus compliqueacute que cela mais tendance geacuteneacuterale)
Donc un certain nombre de travaux autour de ces questions par des gens qui ne se deacuteclarent pas
comme des sociolinguistes mais plutocirct comme des historiens de la langue ou des linguistes Fuumlck
Ferguson Blau Cohen etc etc Relient analyse historico sociale et analyse linguistique mais les
eacuteleacutementspreuves de leur argumentation sont surtout baseacutes sur des eacuteleacutements linguistiques (liste des
traits pour la koinegrave urbaine de Ferguson ou de Cohen ou plus tard de Vesteegh pour sa theacuteorie de la
pidginisationcreacuteolisation) cf on prend un certain nombre de traits des dialectes arabes
contemporains et on les compare a) avec arabe classique et b) avec les eacuteleacutements de dialectologie
historique dont on dispose et on essaie de montrer que relegravevent ou pas drsquoun processus de
koineacuteisation
Tous ces travaux autour des questions de koinegrave litteacuteraire et surtout koinegrave dialectale sont importants
car vont eacutetablir des cateacutegories dialectales baseacutees sur des critegraveres sociaux ethniques cf la distinction
entre parlers dits nomadesbeacutedouins censeacutes ecirctre plus laquo conservateurs raquo (donc avoir gardeacutes des traits
des parlers preacute-Jahili) et parlers seacutedentaires consideacutereacutes comme laquo plus innovants raquo et agrave lrsquointeacuterieur
de ces parlers seacutedentaires les parles urbains consideacutereacutes comme eacutevidemment les plus laquo mixtes raquo car
issus soit du contact entre des dialectes diffeacuterents (koinegrave) soit du contact entre des arabophones et
des non arabophones (langue de contact)
(Pour toutes ces questions de dialectologie historiques et de cateacutegorisation etc je vous renvoie aux
laquo pegraveres laquo de la dialectologie arabe cf en franccedilais Cantineau William et Philippe Marsais pour le
Maghreb Colin etc Ces cateacutegories sont elles mecircmes inspireacutees des eacutecrits de Ibn Khaldoum
VI-2-3- Le deacuteveloppement de la dialectologie
Crsquoest agrave partir de ces cateacutegories dialectales qui se distingueraient pas des traits linguistiques
particulier que se sont deacuteveloppeacutes au Moyen Orient quelques travaux fondateurs comme ceux de
Haim Blanc sur Baghdad (1966) puis de Clive Holes sur Bahrain (1987) et au Maghreb une
sociolinguistiquedialectologie laquo urbaine raquo avec des gens comme Leila Messaoudi (Rabat)
Dominique Caubet (Fegraves) etc et tous les travaux en dialectologie urbaine qui ont montreacute que
diffeacuterentes varieacuteteacutes coexistaient dans une mecircme ville en fonction des appartenances
laquo communautaires raquo crsquoest agrave dire soit appartenance religieuse (juive chreacutetienne musulmane) ou
reacutegionales ou ethniques etc et qui ont pu eacutetudier aussi le renouvellement des parlers urbains en
montrant comment des nouveaux flux de populations drsquoorigine rurale transformaient les anciens
parlers urbains et provoquaient des pheacutenomegravenes de koineacuteisation Mais au Maghreb on reste le plus
souvent dans la dialectologie urbaine plus que dans la sociolinguistique dans le sens ougrave le plus
souvent on identifie un groupe agrave une varieacuteteacute sans deacutecrire les pheacutenomegravenes de variations
drsquoalternance individuelles La personne la plus repreacutesentative de ce courant me semble Leila
Mesaoudi (2003) qui se basant sur les travaux drsquoeacutetudes urbaines (cf Mohamed Naciri pour le
Maroc) a deacuteveloppeacute une opposition entre parler citadinparler urbain et montreacute combien les anciens
parler citadins (preacute-hilalien et andalou) eacutetaient actuellement en deacuteclin face aux nouvelles koineacute
urbaines a fort traits beacutedouins raquo
Crsquoest surtout chez les anglo - saxons et au Mashrek que lrsquoon voit se deacutevelopper une
sociolinguistique variationiste urbaine avec des gens comme Clive Holes Abdel Jawad Ibrahim
Muhamed Amara Niloofar haeri Enam Al Wer etc qui eacutetudient comment eacutevoluent les usages
linguistiques des diffeacuterents types de locuteurs en fonction de leur acircge sexe degreacute drsquoeacutetudes origine
reacutegionale etc Etudes qui analysent principalement les variantes phonologiques comme la
reacutealisation du (q) en q g k la reacutealisation des inter dentales des diphtongues etc Ces
variantes phonologiques sont consideacutereacutees comme des marqueurs de telle ou telle varieacuteteacute cf le (q)
crsquoest agrave la fois classique et certains parlers urbains le g crsquoest plutocirct ruralbeacutedouin mais devenu
urbain dans de nombreux cas le crsquoest plutocirct urbain etc etc Donc on eacutetudie la reacutealisation de ces
variantes aupregraves drsquoun certain nombre de locuteurs et on croise les variables linguistiques avec des
critegraveres sociaux (acircge sexe eacuteducation etc) et on en conclut que dans tel ou tel milieu urbain
lrsquoeacutevolution linguistique va dans le sens du deacuteveloppement de telle ou telle varieacuteteacute de langue
Ce type drsquoeacutetude qui a repris au deacutebut les concepts meacutethodologie variationiste labovienne
deacuteveloppeacute aux USA GB etc srsquoest drsquoabord heurteacute agrave une application trop meacutecaniste de la deacutemarche
labovienne et a du srsquoadapter au contexte arabophone qui est un peu plus speacutecifique du fait de la
fameuse question de la diglossie la varieacuteteacute haute des villes europeacuteennes = la varieacuteteacute parleacutee par
lrsquoeacutelite de ces villes donc standard urbain = varieacuteteacute haute prestigieuse que les autres locuteurs
essaieront ou pas de reproduire en fonction des contextes urbains Les innovations souvent
introduites par les membres des classes moyennes et se diffusent vers le haut puis repris par le
bas etc Les femmes des couches populaires ont tendance agrave reprendre plus vites les variantes
prestigieuses les hommes des milieux populaires sont plus conservateurs
Dans le monde arabe on a commenceacute agrave faire une adeacutequation entre varieacuteteacute haute et fusha
(classiquemoderne) et agrave voir comment les locuteurs des diffeacuterents parlers dialectales acqueacuteraient
ou pas les marqueurs de cette varieacuteteacute haute (donc par exemple la reacutealisation du fameux (qaf) Et
puis on srsquoest rapidement aperccedilu que parallegravelement au fusha il y avait drsquoautres varieacuteteacutes prestigieuses
en particulier les varieacuteteacutes urbaines dans un certain nombre de grand centres urbains comme le
Caire Jeacuterusalem etc les migrants drsquoorigine rurale et surtout les femmes pouvaient privileacutegier la
norme urbaine sur celle du fushahellip (Palva 1982 Ibrahim 1986 etc) Ce qui a ameneacute un certain
nombre de travaux en cours agrave srsquointerroger sur la question de la norme du standard en arabe sur
lrsquoimpact de lrsquoeacuteducation (Nilofar Haeri Enam Al Wer) et donc par ricochet ont deacuteveloppeacute une
critique drsquoune conception qui se voulait plus ou moins universalisante agrave la Bourdieu les classes
dominantes se caracteacuteriseraient par leur maicirctrise de la norme langagiegravere qursquoelles imposent aux
autres Dans le monde arabe on voit que lrsquoune des normes prestigieuses est supposeacutee ecirctre le fusha
norme que peu de gens maicirctrisent dans leur vie quotidienne les eacutelites sont plutocirct plurilingues et pas
toujours tregraves arabiseacutees (ce sont souvent plutocirct les membres des classes moyennes qui ont suivit leur
eacuteducation en arabe) lrsquoautre norme peut ecirctre le vernaculaire urbain (mais pas toujours comme on le
voit pour un certain nombre de vieilles citeacutes maghreacutebines) mais cela peut ecirctre aussi une norme
beacutedouine + - ideacutealiseacutee comme cela semble ecirctre le cas en Jordanie ou face agrave la preacutesence des
palestiniens irakiens syriens etc laquo les vrais hommes jordaniens raquo semblent revendiquer une
norme locale plus beacutedouine
Bref lrsquoensemble de ces travaux plus ou moins reacutecents sur la dialectologiesociolinguistique urbaine
ont eu le meacuterite de mettre en relief la diversiteacute des situations la complexiteacute historique du
deacuteveloppement de certains parlers la pluraliteacute des normes Beaucoup de travail reste agrave faire dans
ce domaine ougrave les vraies eacutetudes de terrain baseacutees sur des corpus restent rares Deux
exemples proches celui de Casablanca et de lrsquoarabe dit marocain Alors que le Maroc est lrsquoun des
pays ougrave lrsquoon dispose drsquoune tradition dialectologique riche et de nombreux travaux contemporains
(en particulier avec les espagnols mais aussi des auteurs marocains) on srsquoaperccediloit que si lrsquoon
connaicirct un peu lrsquohistoire de la formation du parler de Casablanca au deacutebut du XXegraveme s et son
expansion on ne dispose drsquoaucune description sociolinguistique reacuteelle et on reste dans une grande
confusion entre la koinegrave marocaine et le parler de Casablanca De mecircme pour Alger la capitale de
lrsquoAlgeacuterie qui a connu une expansion consideacuterable agrave une politique drsquoarabisation plus ou moins
reacuteussie et accepteacutee quel(s) type(s) drsquoarabe se deacuteveloppent actuellement Y a t il deacuteveloppement
drsquoune koinegrave influence croissante de fusha ou au contraire deacuteveloppement croissant du code
swtiching ou les deux etchellip autant de questions qui nrsquoont pas encore eacuteteacute traiteacutees de faccedilon
satisfaisante
Il apparaicirct enfin que la sociolinguistique arabophone srsquoest peu deacuteveloppeacutee dans un cadre
interactioniste Neacutecessiteacute de deacutevelopper lrsquoanalyse interationnelle de preacutesenter des corpus en action
et de sortir un peu des approches variationistes ou des listes drsquoisoglosses
La question de la diglossie et du continuum dialectalefusha
Crsquoest un des domaines qui a eacuteteacute le plus abordeacute en sociolinguistique arabe agrave la fois dans une
approche du contactcode switching et une approche attitudinales Massivement investi par les
anglo-saxons Donc les articles fondateurs sur la Diglossie Marccedilais +- inaperccedilu Ferguson qui a eu
un impact consideacuterable et de lagrave tout un courant pour savoir la nature le type de diglossie la mise
en eacutevidence niveaux intermeacutediaires entre les deux pocircles etc
Deux grandes tendances
- celles qui consistent agrave nommer et agrave caracteacuteriser des varieacuteteacutes intermeacutediaires entre le pocircle bas
(dialecte) et le pocircle (haut) fusha On va de 3 45 avec des notions comme lsquoammiya al-muthaqafin
(Educated Spoken Arabic) Tendances deacuteveloppeacutees par des gens comme lrsquoeacutecole de Leeds Said El-
badawi au Caire etc Mais ces travaux se heurtent agrave la difficulteacute de trouver des laquo fontiegraveres raquo claires
entres les diffeacuterentes varieacuteteacutes intermeacutediaires
- lrsquoautre tendance est de consideacuterer qursquoil y a deux pocircles + - abstraits et un continuum entre les
deux pocircles sans qursquoil soit possible drsquoisoler des varieacuteteacutes speacutecifiques entre les deux A partir de cette
conception en continuum on peut eacutetudier comment se fait le meacutelange des deux codes et appliquer
un certain nombre de regravegles et meacutethodes reprises des eacutetudes sur le Code Switching et lrsquointerlangue
cela va donc des contraintes syntaxiques de lrsquoeacutepoque Poplack agrave la theacuteorie de la Matrix language de
Myers Scotton (beaucoup drsquoarticles parus dans les volumes de Aspects of Arabic Linguistics et
eacutegalement lrsquoouvrage collectif de Rouchdy 2002 par ex cf les travaux de Gunvor Medjell etc)
Ces travaux ont reccedilu un bon eacutecho dans le monde arabe en geacuteneacuterale car permettent tout en restant
dans lsquodu politiquement correcte raquo de travailler sur de lrsquoarabe moderne de sortir un peu du carcan
du classique sans faire de la laquo dialectologie raquo qui reste une discipline encore trop souvent
consideacutereacutee comme laquo orientalisanteraquo
Les travaux sur le code switching et le continuum ne pacirctissent pas drsquoune image deacutefavorable agrave
lrsquoinverse de la dialectologie qui reste entacheacutee drsquoune reacuteputation de laquo science coloniale raquo Le
domaine des eacutetudes sur diglossieCS reste prolifique et les eacutetudes montrent que la frontiegravere entre le
fusha et le dialectale sont extrecircmement poreuses des domaines reacuteserveacutes au fusha sont de plus en
plus peacuteneacutetreacutes par le dialectal incluant lrsquoeacutecrit (journalistique le roman les publiciteacutes) et tout le
domaine relevant de lrsquooral officiel (les discours publiques les meacutedias etc) et vice versa
lrsquoinfluence principalement lexicale et phonologique du fusha se fait sentir dans lrsquooral dialectal via
eacuteducationmeacutedia certaine deacutemocratisation Il y a de grand corpus en ligne (voir les ameacutericains
comme Parkinson)
On peut se demander si cette porositeacute entre les deux pocircles reflegravete une eacutevolution contemporaine ou
si elle existait auparavant mais nrsquoavait pas eacuteteacute eacutetudieacutee Si on observe le passeacute avec minutie on
constate a) que lrsquoeacutecrit a toujours eacuteteacute +- marqueacute par le dialectal cf le fameux moyen arabe et b)
que les supposeacutees populations analphabegravetes parlant le dialectal avaient un contact avec lrsquoarabe
classique via lrsquoenseignement religieux la poeacutesie sufi etc et donc il y a certainement eu et de la
part des orientalistes et des panarabistes une sureacutevaluation de cette diglossie
Ce qui semble clair cependant crsquoest que par rapport agrave certains pronostiques des anneacutees 50-60 (les
indeacutependances) crsquoest que lrsquoarabe standard moderne ne srsquoest pas imposeacute comme unique meacutedium de
communication dans lrsquoensemble du monde arabe que les laquo dialectes raquo parlers locaux eacutevoluent
mais se maintiennent plus qursquoon aurait pu le croire puisqursquoon voit mecircme resurgir des
reacutegionalismes locaux
Un domaine qui reste agrave explorer pour les deacutecennies agrave venir eacutemergence ou pas de laquo langues
parlers raquo nationauxreacutegionaux A lrsquointeacuterieur drsquoun mecircme pays est ce que sont les tendances agrave la
koineacuteisation ou le maintien des diffeacuterences qui va lrsquoemporter est-ce que ces hypotheacutetiques
varieacuteteacutes nationales seront reconnues comme telles On entend parler drsquoarabe eacutegyptien marocain
algeacuterien syriens Ce sont en grande partie des fictions qui deacutesignent en geacuteneacuterale les varieacuteteacutes parleacutees
dans les capitales mais qui ne sont pas institutionnaliseacutees ni reconnues comme des langues
officielles et dont le rayonnement nrsquointerdit pas le maintien drsquoautres varieacuteteacutes plus locales ou
reacutegionales Mais il y a toujours eu des mouvements militant (mais toujours tregraves minoritaires) pour
lrsquoinstitutionnalisant de ces laquo langues nationales raquo et la rupture avec le fusha cf au Liban en Egypte
au Maroc actuellement (cf le numeacutero de la revue Tel Quel Darja notre langue nationale) On
retrouve donc toujours lrsquoopposition entre ceux qui ont une vision discontinuiste (ammiyya et fusha
sont des systegravemes fondamentalement diffeacuterents) et ceux qui ont une vision plus continuiste
(ammiyya et fusha se complegravetent)
Autres domaines de la Sociolinguistique arabe en deacuteveloppement
- Lrsquoahelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip maternelles en contexte migratoire des regravegles du CS etc
Un autre domaine est lrsquoinfluence de cet arabe de diaspora dans les pays drsquoaccueil cf dans la
creacuteation artistique contemporaine les parlers des jeunes etc (la musique les blagues etc cf les
travaux de Dominique Caubet etc)
CONCLUSION Le terme sociolinguistique implique donc une sensibiliteacute une approche et une meacutethodologie
particuliegraveres partir du reacuteel du concret ecirctre agrave lrsquoeacutecoute des faits de langue de variation se dire que
le marginal le particulier sont toujours instructifs que les langues sont toujours en perpeacutetuel
construction et que les humains sont les acteurs de ces constructions Crsquoest un peu comme un
historien qui deacutecide de sortir de lrsquohistoire officielle de la Cour et des Grands pour srsquointeacuteresser agrave
lrsquohistoire sociale crsquoest plus difficile cela demande de plonger dans des archives plus ou moins
accessibles lisibles etc Pour le linguiste cela demande de recueillir des corpus et de prendre le
temps de les eacutecouter analyser transcrire
Le deacuteveloppement drsquoeacutetudes avec une sensibiliteacute sociolinguistique a permis de sortir drsquoun certain
carcan imposeacute agrave la fois par de nombreux laquo orientalistes raquo et par lrsquoideacuteologie pan arabe des eacutetats
arabes lrsquoarabe est de plus en plus reconnue comme une langue plurielle ayant subi des
deacuteveloppements diffeacuterents selon les lieux et les contextes jouant des rocircles diffeacuterents etc
Pour le moment on sent bien qursquoil y a cependant un fosseacute entre ces avanceacutees et les politiques
didactiques par exemple lrsquoenseignement de lrsquoarabe reste extrecircmement probleacutematique et figeacute tant
dans les pays dits arabophones que dans les pays a forte minoriteacutes non arabophones Alors que par
exemple lrsquoenseignement du FLE ou ALE a totalement inteacutegreacute un certain nombre drsquoacquis de la
sociolinguistique pragmatique linguistique discursive il ne semble pas que ce soit le cas avec
lrsquoarabe malgreacute le nombres drsquoinstituts eacutetrangers ou arabes qui se penchent sur la question
Cours 5 ATTITUDES ET REPRESENTATIONS
Le pheacutenomegravene repreacutesentationnel est un pheacutenomegravene qui a drsquoabord inteacuteresseacute les sciences humaines la psychologie la sociologie lrsquoanthropologie bien avant la linguistique et disposent au cœur de ces sciences drsquoun savoir theacuteorique Il recouvre tout le champ qursquoon nomme repreacutesentations linguistiques langagiegraveres ou sociolinguistiques discours sur les langues attitudes linguistiques jugement sur les langues rapports subjectifs agrave la langue imaginaire linguistique Cependant chaque appellation teacutemoigne drsquoun certains point de vue Guenier deacutefinit les repreacutesentations comme laquo une forme courante et non savante de connaissances
socialement partageacutees qui contribue agrave une vision de la reacutealiteacute commune agrave des ensembles sociaux et
culturels raquo(repreacutesentations linguistiques in Moreau Sociolinguistique concepts de base Mardaga
liegravege 1996 p146)
Deux caractegraveres sont agrave relever dans cette deacutefinition
_Le caractegravere non savant des repreacutesentations il srsquoagit drsquoune forme de connaissance qui ne repose
sur aucune rationaliteacute crsquoest une connaissance intuitive purement subjective Branca-Rosoff citeacute
par Boyer in Sociolinguistique territoire et objets p79 deacutesigne ce pheacutenomegravene laquo drsquoopinions
steacutereacuteotypeacutees raquo Crsquoest donc une certaine vision une certaine perception que les locuteurs ont de
leurs langues et de celles des autres
- Les repreacutesentations linguistiques sont socialement eacutelaboreacutees et partageacutees par tous les membres
drsquoune socieacuteteacute Elles fonctionnent comme des normes sociales ideacutee partageacutee par Labov qui les
situent entre la norme ideacuteologique et les usages effectifs Pour ce dernier la norme sociale est le
fondement mecircme de la communauteacute linguistique qui ne se deacutefinit plus comme un ensemble de
locuteurs partageant les mecircmes usages (au niveau des pratiques elle est plutocirct heacuteteacuterogegravene) mais
comme un ensemble de locuteurs partageant des normes subjectives communes Ainsi les langues
sont jugeacutees positivement alors que drsquoautres le sont neacutegativement Les jugements peuvent ecirctre de
nature estheacutetique peuvent concerner le systegraveme lui-mecircme la valeur de la langue sur le marcheacute
linguistique et enfin le groupe qui la parle Nous avons donc affaire agrave un pheacutenomegravene social et crsquoest
justement ce caractegravere social des repreacutesentations linguistiques qui justifie qursquoelles constituent un
objet de choix de la sociolinguistique cependant cela nrsquoexclut pas qursquoil y ait tout de mecircme une part
individuel
Les locuteurs ne se contentent pas drsquoutiliser les langues et les varieacuteteacutes de langues ils les eacutevaluent
cette eacutevaluation influe beaucoup sur leurs pratiques linguistiques On entre ici dans le domaine des
attitudes et des normes qursquoelles impliquent chaque locuteur eacutevalue sa propre pratique et celle des
autres et ces eacutevaluations jouent un rocircle important dans le changement linguistique
La linguistique diachronique analyse le changement linguistique drsquoougrave provient une innovation
pourquoi et comment srsquoimpose-t-elle est-ce pour des raisons sociologiques qursquoune langue
change Andreacute Martinet a deacutefendu la thegravese que lrsquoeacutevolution phonologique drsquoune langue ne se faisait
pas de maniegravere aleacuteatoire mais srsquoexpliquait par la neacutecessiteacute pour son systegraveme de trouver une
stabiliteacute optimale en reacuteduisant ses deacuteseacutequilibres Drsquoautres linguistes preacutefegraverent mettre lrsquoaccent sur
des meacutecanismes sociaux par exemple un groupe peut imiter la prononciation drsquoun autre jugeacutee
plus prestigieuse
Deux tendances srsquoaffrontent pour expliquer le changement on invoque souvent le principe du
moindre effort les locuteurs confondent certaines formes phoneacutetiquement tregraves proches simplifient
des constructions syntaxiques compliqueacutees Cette tendance au moindre effort du locuteur est
contrebalanceacutee par une autre qui pousse agrave ne pas compromettre la compreacutehension crsquoest-agrave-dire le
moindre effort de lrsquoauditeur
Il nrsquoest pas rare qursquoun eacutetranger en situation officielle srsquoexcuse de ne pas parler la langue de son
interlocuteur Ce faisant il teacutemoigne drsquoune certaine politesse qui compenserait en quelque sorte
laquo lrsquoimpolitesse raquo de ne pas bien parler la langue mais il teacutemoigne aussi de la valeur positive qursquoil
accorde agrave cette langue et agrave ceux qui la parlent A lrsquointeacuterieur drsquoun groupe qui parle la mecircme langue
on observe nous le verrons un un pheacutenomegravene semblable drsquoineacutegaliteacute linguistique entre locuteurs de
statut socioculturel diffeacuterent
Par ailleurs nous sommes tour agrave tour eacutemetteurs et reacutecepteurs nos compeacutetences en tant que
reacutecepteurs sont plus grandes que nos compeacutetences en tant qursquoeacutemetteurs nous nrsquoemployons pas
toutes les structures linguistiques que nous connaissons de mecircme que nous nrsquoappartenons pas agrave
toutes les cateacutegories socioculturelles que nous sommes capables de reconnaicirctre Mais le reacutecepteur
nrsquoa pas un rocircle passif
-il reconstitue le sens de lrsquoeacutenonceacute qursquoil reccediloit selon ses propres schegravemes drsquointerpreacutetation et
lrsquoensemble de ses expeacuteriences
-il perccediloit aussi des signes linguistiques qursquoil interpregravete en fonction des connotations et des
normes en cours dans la classe sociale agrave laquelle il appartient lorsque ces signes peuvent faire
lrsquoobjet de variations ils deviennent des marqueurs socioculturels
-il juge ce qursquoil perccediloit selon lrsquoimage qursquoil a du locuteur de ses intentions de la situation et
du rocircle qursquoil y joue des enjeux de lrsquoacte de langage et selon lrsquoimage qursquoil a de lui mecircme et de ses
compeacutetences la faccedilon de parler est un facteur plus reacuteveacutelateur de la classe sociale des
interlocuteurs que les vecirctements ou les apparences de train de vie
En effet si les repreacutesentations linguistiques sont de nature sociales elles sont en rapport
eacutetroit avec lrsquoideacuteologie qui tente drsquoagir sur elles et les modegraveles Cependant si les repreacutesentations
sont agrave distinguer des discours scientifiques elles sont aussi agrave distinguer des discours ideacuteologiques
tenus par le pouvoir Branca Rossof citeacute par Boyer p79 exprime fort bien cette ideacutee en affirmant
que les repreacutesentations laquo permettent de sortir de lrsquoopposition radicale entre laquo le reacuteel raquo les faits
objectifs deacutegageacutes par la description linguistique et lrsquoideacuteologie les consideacuterations normatives
comme repreacutesentations fausses repreacutesentations eacutecrans raquo Crsquoest donc entre le reacuteel et lrsquoideacuteologie
qursquoelle situe les repreacutesentations Qursquoest ce qursquoest lrsquoideacuteologie laquo Tout systegraveme de repreacutesentations
structureacute et coheacuterent visant agrave rendre compte du monde exteacuterieur de la reacutealiteacute sociale lrsquoideacuteologie se
preacutesente sous forme drsquoun discours construit et totalisant ougrave les ideacutees srsquoenchaicircnent logiquement et
les valeurs concordent raquo (discours et ideacuteologie p4)
Ainsi lrsquoideacuteologie est un systegraveme structureacute parfaitement coheacuterent eacutelaboreacute en fonction drsquoobjectifs
bien deacutetermineacutes officiel car il srsquoagit de faccedilonner lrsquoimaginaire collectif national alors que les
repreacutesentations sociales nrsquoobeacuteissent pas agrave ces contraintes elles sont le fruit drsquoun consensus social
plus ou moins libre Mais il faut souligner qursquoen pratique la limite entre ces deux repreacutesentations
nrsquoest pas toujours clairement repeacuterable et les deux se confondent les ideacuteologues au service de
lrsquoeacutetat sont drsquoabord et avant tout des membres de la socieacuteteacute le pouvoir par les moyens qui lui sont
confeacutereacutes (meacutedia eacutecoles AIE) arrive toujours agrave faccedilonner les mentaliteacutes Ainsi on aime ou on
deacuteteste une langue parce qursquoon se fait une certaine ideacutee drsquoelle ou de ces locuteurs
QUE CONCLURE Lrsquoanalyse des repreacutesentations ne peut ecirctre eacutetudieacutee sans une analyse des pratiques linguistiques
Drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutetudier agrave la fois les comportements et les attitudes des locuteurs drsquoobserver les
productions et de ne pas se contenter de recueillir des paroles des sujets qui peuvent varier selon les
situations et les interactions(voir agrave ce sujet B Maurer Houdebine Canut et Boyer)
Cours 6- LA POLITIQUE LINGUISTIQUE OU LES NORMES LA NORME
Michel Tournier deacutefinissant le normal donne les deacutefinitions suivantes
NORMAL 1 Conforme agrave la norme Ideacuteal 2 Conforme agrave la moyenne Habituelle
Ceci peut servir dintroduction agrave qui aborde la question de la norme Cest bien la un veacuteritable problegraveme car selon les lieux selon les personnes selon le domaine les deux perspectives se mecirclent effectivement et perturbent la compreacutehension Peut-on dire que la norme est un ideacuteal cest-agrave-dire de fait quelque chose que personne natteint ou nincarne vraiment Peut-on dire que la norme est faite de la moyenne des opinions ou de la moyenne des comportements Nous allons rencontrer ces deux voies comme deux eacutecueils entre lesquels il conviendra de naviguer
Georges Mounin lui-mecircme dans son Dictionnaire de la Linguistique (PUFQuadriges reacuteeacuted 1993) commence son article Norme de la faccedilon suivante Moyenne des divers usages dune langue agrave une eacutepoque donneacutee ou usage imposeacute comme le plus correct ou le plus prestigieux par une partie de la socieacuteteacute (le bon usage)
En fait si le normal et le normatif restent des concepts tregraves grand public qui suscitent des deacutefinitions un peu floues il convient de souligner que la norme du franccedilais nest en aucun cas deacutetermineacutee en regardant les usages majoritaires Cest la varieacuteteacute de franccedilais qui agrave une eacutepoque donneacutee est procircneacutee par la socieacuteteacute franccedilaise qui simpose agrave chacun mais aussi qui est deacutefendue par chacun mecircme ceux qui en sont tregraves eacuteloigneacutes y sont attacheacutes Cest dans les classes populaires que tout en pratiquant dautres varieacuteteacutes on tient le plus agrave ce que soit enseigneacutee la norme que lon se soucie de savoir ce qui est correct ce qui ne lest pas - la norme eacutetant plus ou moins assimileacutee agrave ce qui permet de reacuteussir puisque ceux qui ont reacuteussi sont censeacutes pratiquer la norme en offrir une image On devine ainsi que la norme de fait est la varieacuteteacute pratiqueacutee par les hautes couches de la socieacuteteacute dans les situations formelles ougrave elles donnent agrave voir leur langue - varieacuteteacute dailleurs plus ou moins fantasmeacutee (et par lagrave sans doute rejoint-on la notion dideacuteal) que personne ne pratique vraiment et qui ainsi apparaicirct toujours au-delagrave des usages reacuteels Indeacuteniablement cependant des usages se rapprochent davantage de ce qui est preacutesenteacute comme la norme (dans les dictionnaires dans les grammaires) mais ces ouvrages parce quils sont eacutecrits utilisent et preacutesentent obligatoirement une varieacuteteacute diffeacuterente de loral et contribuent agrave la dichotomie si souvent formuleacutee par Monsieur Toutlemonde agrave leacutecrit ccedila va ma langue est correcte mais agrave loral je nai pas le temps de reacutefleacutechir et je parle mal
Dans ces conditions on soulignera que
la norme est une varieacuteteacute eacutecrite que lon enseigne en principe qui est formaliseacutee et toujours plus ou
moins eacuteloigneacutee des varieacuteteacutes parleacutees mecircme quand elles reccediloivent un jugement favorables de
locuteurs solliciteacutees pour donner leur avis
On ne parle jamais comme on eacutecrit (cf chapitre sur langues orales langues eacutecrites) mais les
couches sociales qui ont reacuteussi sont censeacutees davantage incarner la norme
Il est certain que plus les eacutetudes des sujets ont eacuteteacute longues plus ils pratiquent couramment des
varieacuteteacutes proches de lideacuteal quon appelle la norme ne serait-ce que parce que leur impreacutegnation agrave
travers une longue pratique de la langue eacutecrite rejaillit sur leur pratique orale Mais ne neacutegligeons
pas toutefois les facteurs sociologiques et eacuteconomiques qui interfegraverent avec ce que lon croit
attribuer agrave leur langue (richesse visible aisance sociale position eacuteconomique domination
sociale)
Ne veut-on pas imiter ceux quon preacutesente comme les modegraveles normatifs plus parce quils ont
reacuteussi que parce quils parlent bien la cravate de PPDA(1) sa faccedilon de shabiller son aisance et
son sourire parfaitement placeacute ne jouent-ils pas un plus grand rocircle que sa langue mecircme (on connaicirct
dailleurs lusage du prompter agrave la teacuteleacutevision ) pour le faire citer comme quelquun qui parle bien
Indeacuteniablement - et dans toute socieacuteteacute - servent de modegravele ceux qui ont reacuteussi et non pas ceux qui
sont consideacutereacutes comme des parias (cf les clochards ou SDF)
Noublions pas en outre que si les accents reacutegionaux ne sont plus aussi stigmatiseacutes maintenant
quil y a une trentaine danneacutees ils sont lobjet malgreacute tout de preacutecautions subtiles qui amegravenent ceux
qui atteignent les plus hautes responsabiliteacutes sociales agrave sen deacutefaire partiellement (cf le Preacutesident
Giscard dEstaing prenant des cours dorthoeacutepie pour se deacutebarrasser de son accent auvergnat qui
neacutetait pas de mise pour quelquun preacutetendant aux plus hautes fonctions et donc Preacutesident de tous
les Franccedilais) ou bien qui amegravene agrave seacutelectionner pour les plus hautes responsabiliteacutes ceux qui ont un
accent consideacutereacute comme convenable celui qui est accepteacute agrave une eacutepoque donneacutee les deux
comportements interfegraverent constamment et se reacutepondent pour eacuteliminer de la parole publique avec
une image favorable (et non pas plus ou moins ridicule) ceux qui seraient les plus eacuteloigneacutes de la
norme
Les caracteacuteristiques de la norme orale eacutevoluent au fil des siegravecles notre r actuel assez faible
un peu plus grasseyeacute agrave Paris quagrave Marseille nest plus du tout le r rouleacute que prononccedilait les
nobles il y a quelques siegravecles mais elles eacutevoluent bien plus lentement que lusage reacuteel
La norme est donc bien une question qui relegraveve fondamentalement de la sociolinguistique
deacutetermineacutee fixeacutee agrave chaque eacutepoque sur des critegraveres socio-eacuteconomiques elle se transmet dans
lenseignement et donc apparaicirct comme beaucoup plus permanente que les autres varieacuteteacutes non
formaliseacutees qui ne se transmettent que familialement (acquisition non formelle) Leacutecole joue ainsi
un rocircle essentiel dans la transmission la permanence le statut les preacuterogatives accordeacutees agrave la
norme Cest elle qui peut la reacutepandre de faccedilon quasiment universelle dans un pays Sa non-
transmission - cf le discreacutedit de leacutecole pour toute transmission ou la moindre importance accordeacutee
agrave la langue correcte agrave notre eacutepoque - ont pour premier reacutesultat que les couches sociales les plus
eacuteloigneacutees de la norme ny accegravedent plus La norme ne disparaicirct pas pour autant mais elle est alors
surtout lobjet de transmission familiale dans les familles conscientes et capables den assurer la
transmission indeacutependamment de leacutecole Leacutecole en enseignant la norme eacutetait facteur de
deacutemocratisation de la socieacuteteacute franccedilaise si elle renonce agrave cette tacircche on parvient agrave une socieacuteteacute
aristocratique dans laquelle certains savent sans avoir appris (selon lexpression consacreacutee) et ougrave
il ny a plus de chance de veacuteritable mobiliteacute sociale Contrairement agrave nos a priori on peut voir ainsi
que la norme est deacutemocratique quand ideacuteal proposeacute agrave tous elle est accompagneacutee dans son
apprentissage de la transmission des principes qui permettent de latteindre Dire (comme cela se
pratiquait agrave luniversiteacute agrave Lyon dans les anneacutees soixante) il ne faut pas dire un [floslashv] (pour
fleuve) une [foslashj] (pour feuille) cest donner agrave tous une chance dacceacuteder agrave des situations ougrave lon
ne tolegravere pas un accent reacutegional marqueacute ne plus le dire cest laisser encore les plus hautes
positions agrave ceux qui lauront compris tout seuls (dans leur famille) et bien sucircr eacuteliminer ceux qui ne
se doutent mecircme pas que ce genre de prononciation est stigmatiseacutee
On pourra distinguer avec Marie-Louise Moreau (1997) article Les types de normes
les normes de fonctionnement (habitudes linguistiques partageacutees par les membres dune
communauteacute regravegles qui sous-tendent les comportements linguistiques dun sous-groupe)
les normes descriptives (ce sont les normes de fonctionnement rendues explicites par les
descriptions qui en sont faites Mais ainsi ce sont les normes de certains sous-groupes seulement
qui sont deacutecrites on ne sinteacuteresse pas tretiennent des relations complexes avec les normes
prescriptives Elles contribuent grandement agrave la hieacuterarchisation)
les normes fantasmeacutees (ici on est toujours dans le domaine des repreacutesentations le groupe se forge
un ensemble de conceptions sur la langue et son fonctionnement qui nont souvent guegravere de zone
dadheacuterence avec le reacuteel )
La norme ou le bon usage
La norme au sens de langue que lrsquoon doit parler est un discours drsquoautoriteacute fixeacute par une institution
drsquoeacutetat) chargeacutee de creacuteer une langue homogegravene faite pour ecirctre parleacutee par un usager ideacuteal une
langue standard de partout et de nulle part uniforme polie deacutebarrasseacutee de toute impureteacute comme
-les reacutegionalismes les varieacuteteacutes geacuteographiques srsquoopposent au caractegravere centralisateur de la norme
et eacutechappent agrave tout controcircle elles sont donc connoteacutees peacutejorativement et le critegravere de la hieacuterarchie
sociale
-les innovations qursquoil srsquoagisse de changements lexicaux syntaxiques ou phoneacutetiques ils sont
ignoreacutes -non reconnus- ou attesteacutes longtemps apregraves leur apparition lorsque la norme nrsquoa pas reacuteussi
agrave srsquoimposer Face aux variations individuelles et collectives la langue normeacutee se veut homogegravene et
tire sa leacutegitimiteacute de lrsquoeacutecole
Un des comportements sociaux les mieux connus vis agrave vis de la langue est la normalisation
Fishman affirme que laquo la codification est lrsquoacceptation par une communauteacute drsquoun systegraveme formel
de normes qui deacutefinissent lrsquousage correct raquo
Qursquoest-ce que la norme ou lrsquousage correct de la langue laquo La norme est un recueil de perceptions consigneacutees dans des grammaires dites normatives et
correspondant agrave ce qursquoil faut dire pour se conformer au bon usage linguistique de la bonne
socieacuteteacute raquoDenise Franccedilois
Elle repreacutesente un choix approprieacute fondeacutes sur des preacutejugeacutes socioculturels et sur la notion de
niveaux de langues hieacuterarchiseacutees les classes dominantes et les bons auteurs emploient une langue
de qualiteacute qursquoil faut consideacuterer comme un modegravele
Parler de normes revient agrave se reacutefeacuterer agrave plusieurs acceptions
-un ensemble drsquointerdits de prescriptions sur des faccedilons de dire quelquefois accompagneacutees de
justifications de divers ordres
-tenir compte de cet ensemble de prescriptions crsquoest parler correctement sans faire de fautes
Les institutions de la norme sont
-Lrsquoeacutecole lrsquoeacutecole par le biais des grammaires et des enseignants tend agrave imposer agrave lrsquoenfant une
langue uniforme qursquoil nrsquoutilisera pas souvent ailleurs Par lrsquoenseignement de la grammaire elle
lrsquohabitue laquo non seulement agrave concevoir les reacutealiteacutes de la langue mais agrave reacuteprimer son goucirct naturel de
la parole pour substituer agrave la spontaneacuteiteacute langagiegravere une pratique eacutecrite conforme agrave des normes
rigoureuses raquo Elle lui impose de faire des phrases ainsi qursquoune prononciation de lecture standard
qui pour bon nombre drsquoenfants est artificielle cependant cette langue semblera toujours parce
qursquoimposeacutee par lrsquoeacutecole supeacuterieure agrave la sienne
-Lrsquoeacutecrit Lrsquoadministration prend le relais de lrsquoeacutecole pour perpeacutetuer la crainte de la faute et le
respect pour la langue eacutecrite laquo notre langue eacutecrite a plus de digniteacute que notre langue parleacutee
souvent fautive raquo Lrsquoopposition eacutecrit parleacute devient une opposition digne fautif Ceci appelle deux
remarques
La langue parleacutee comme la langue eacutecrite peut comporter tous les niveaux car rien nrsquoempecircche en
theacuteorie drsquoeacutecrire comme on parle ni de parler comme on eacutecrit
-De plus ces deux formes drsquoexpressions ont chacune une speacutecificiteacute de fonctionnement que la
deacutemarche normative semble ignorer Parler crsquoest construire un discours en train de se faire Le
locuteur improvise constamment ce qui lrsquoamegravene agrave heacutesiter agrave se reprendre agrave changer lrsquoorientation
de sa phrase agrave utiliser diverses strateacutegies agrave avoir recours agrave tous les proceacutedeacutes extra et
paralinguistiques regard mimiques gestes intonations Lrsquoeacutecrit nrsquoignore ni les heacutesitations ni les
reprises mais celles-ci disparaissent avec les brouillons Drsquoun point de vue linguistique il nrsquoy a
aucune raison drsquoopposer le parler et lrsquoeacutecrit de faccedilon hieacuterarchique puisque les deux domaines
fonctionnent diffeacuteremment
Une norme linguistique est un trait unificateur drsquoune socieacuteteacute tout le monde la connaicirct et sa
connaissance permet de distinguer les autochtones des eacutetrangers Mais mecircme dans le cas ougrave tout le
monde peut savoir quelles sont les variantes de statut supeacuterieur il nrsquoest pas neacutecessairement vrai que
tous voudront les adopter dans leur discours quotidien Certaines eacutetudes ont montreacute que les
reacuteactions subjectives aux variantes sociolinguistiques eacutetaient diffeacuterentes selon les classes et
impliquaient beaucoup plus qursquoune simple eacutechelle de prestige (cf Labov) Labov dans laquo
Sociolinguistique pp 250-251 339-340 418-419 raquo fait une distinction entre norme cacheacutees
voileacutees et norme manifestes normes stigmatiseacutees et norme accepteacutees Les variantes de statut eacuteleveacute
possegravedent un prestige manifeste elles sont associeacutees au pouvoir social indeacuteniable des locuteurs de
la classe supeacuterieure peuvent ecirctre la condition neacutecessaire drsquoaccegraves agrave des fonctions drsquoun statut plus
eacuteleveacute et sont promulgueacutees par les agents de la normalisation dans la socieacuteteacute tels que les meacutedias et
les instituteurs Mais pour beaucoup de locuteurs de la classe ouvriegravere ou de la petite bourgeoisie
les variables linguistiques laquo non standard raquo associeacutees agrave leurs groupes peuvent aussi posseacuteder un
prestige voileacute (covert prestige celui drsquoun groupe local de statut infeacuterieur) La signification sociale
de base de ces variables au prestige voileacute est celle de la solidariteacute une personne qui les utilise est
consideacutereacutee comme eacutetant un des leurs comme ami possible Pour certains groupes ces formes
peuvent signifier dureteacute ou viriliteacute
Pour compleacuteter vos connaissances dans le domaine de la norme reportez vous aussi sur le web agrave
un article dOlga Ozolina Quelques approches de leacutetude de la norme linguistique
Tout un cours eacutecrit par Benoiumlt Leblanc et Claude Tousignant de la Socieacuteteacute Saint-Jean-
Baptiste de la Mauricie sur la Norme linguistique mais aussi quelques autres notions
essentielles
Le franccedilais queacutebeacutecois problegraveme de norme Le texte de lintervention dAM Houdebine Norme et normes 1999
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Les objets drsquoobservation et drsquoanalyse ne seront pas les mecircmes ils sont conditionneacutes par
la deacutemarche du sociolinguiste selon qursquoil srsquoattache agrave mettre en relation telle ou telle
composante
Ainsi le sociolinguiste peut vouloir inventorier les savoirs linguistiques agrave lrsquoœuvre dans
une communauteacute donneacutee eacutetudier les dialectes les sociolectes et autres varieacuteteacutes en
usage dans tel groupe Il peut eacutegalement mettre en rapport ces savoirs linguistiques et
les institutions qui leur octroient une plus ou moins grande leacutegitimiteacute sociale Il peut
encore analyser le fonctionnement des normes et des eacutevaluations sur lesquelles srsquoappuie
la parole circulante Il ne lui est pas interdit non plus drsquointerroger les divers types de
discours oraux ou eacutecrits pour en deacutecrire le fonctionnement polyphonique crsquoest-agrave-dire
la manifestation plus ou moins probleacutematique de plusieurs voix celles des
interlocuteurs mais eacutegalement la trace lrsquoeacutecho de celles qui circulent dans le contexte
social ougrave srsquoinscrivent les productions linguistiques en question
Le sociolinguiste reacuteintroduit dans son champ drsquoeacutetude le sujet peut aussi bien analyser
les statuts rocircles et places des acteurs- partenaires leur incidence sur le deacuteroulement des
interactions au travers en particulier des strateacutegies mises en œuvre Enfin la
communication elle-mecircme peut retenir son attention au travers des actes de parole
directs ou indirects de leur interpreacutetation plus ou moins preacutevisibles des rituels
sociolangagiers sur lesquels srsquoappuie la parole en communauteacute Donc la
sociolinguistique investit tous les domaines suivants (voir scheacutema suivant p7)
Cours III
VI LA VARIATION LINGUISTIQUE
La question de la variation est une question fondamentale pour la sociolinguistique car il sagit
veacuteritablement de tirer les conseacutequences du constat fait par tout linguiste mecircme deacutebutant on ne
parle pas de la mecircme faccedilon dans toutes les circonstances de sa vie Une mecircme personne au cours
dune journeacutee change consideacuterablement dusage de varieacuteteacute de langue et ceci en raison de ses
interlocuteurs de lobjet de son discours des conditions immeacutediates de productionreacuteception Bien
sucircr en fonction de son milieu social de son histoire personnelle de son implantation
geacuteographique des effets que lon veutpeut produire de la maicirctrise des registres de langues acquise
du rapport agrave la langue et agrave la socieacuteteacute on recourt agrave des varieacuteteacutes linguistiques tregraves diverses qui mecircme
si elles sont globalement appeleacutees franccedilais peuvent comporter des diffeacuterences consideacuterables aux
yeux du linguiste qui les deacutecrit Cest le deacutesir dexpliquer cette variation de trouver les causes de
chaque varieacuteteacute en rendant compte de toutes les donneacutees susceptibles decirctre mises en relation avec
les formes produites qui a donneacute naissance agrave la sociolinguistique La perspective deacuteterministe est
centrale tout ce que nous disons agrave deacutefaut de pouvoir ecirctre directement conditionneacute par
lenvironnement linguistique immeacutediat (cf les variantes conditionneacutees) doit pouvoir ecirctre expliqueacute
par ce que nous sommes on retrouve les questions QUI parle A QUI OU QUAND
COMMENT POURQUOI
En preacutefeacuterant la notion de variation linguistique et en faisant de celle-ci une des
composantes essentielles de son champ disciplinaire la sociolinguistique reacutevegravele son inteacuterecirct prioritaire
pour certaines situation de communication individuelles ou collectives ougrave les locuteurs de maniegravere
permanente ou provisoire sont conduits agrave faire coexister en eux des usages linguistiques certes
distincts mais cependant proches Lrsquoideacutee de variation implique ici celle drsquoun eacutecart mais drsquoun eacutecart
veacutecu
En effet la sociolinguistique entend deacutecrire la langue dans ses emplois ses usages Cet
usage manifeste des variations le locuteur opegravere un choix parmi les varieacuteteacutes-les sous codes- de la
langue qursquoil maicirctrise notamment en fonction de son statut social du style et de la situation qui peut
ecirctre plus ou moins formelle Le formalisme du discours peut se deacutefinir en fonction des termes
constitutifs de lrsquoeacuteveacutenement de parole on peut se sentir obligeacute de se conduire de parler correctement
drsquoune maniegravere formelle face agrave un auditeur drsquoun statut social eacuteleveacute le thegraveme de lrsquoeacutechange neacutecessite
une langue soutenue ou familiegravere deacutejagrave sur le plan lexical la deacutenomination de certains objets risque
de changer radicalement suivant les personnes auxquelles on srsquoadresse le style peut ecirctre
surveilleacute(langue soutenue) familier celui du discours quotidien tel qursquoil est employeacute dans les
situations ordinaires ougrave le langage nrsquoest pas un objet drsquoattention
La sociolinguistique distingue entre variation inter linguistique et variation intralinguistique
VI-1-LA VARIATION INTRALINGUISTIQUE OU VARIATION DANS LES USAGES DE LA
LANGUE Il y a variation intralinguistique lagrave ougrave les locuteurs utilisent deux ou plusieurs variantes drsquoun mecircme
systegraveme donc drsquoune mecircme langue A lrsquointeacuterieur drsquoune mecircme langue il y a une variation constante Celle-ci peut ecirctre geacuteographique ou sociale mais la plupart du temps ces facteurs interfegraverent lrsquousage drsquoun patois est un pheacutenomegravene geacuteographique mais qui marque aussi une hieacuterarchie sociale La variation peut prendre la forme de patois de dialectes de langues de minoriteacute (en France le basque ou lrsquoalsacienne sont pas apparenteacutes au franccedilais) Crsquoest la dialectologie qui depuis la fin du XIX eacuteme siegravecle eacutetudie ce type de pheacutenomegravenes Lrsquourbanisation massive et le deacuteveloppement des communications ont bouleverseacute la
dialectologie traditionnelle qui eacutetait tourneacutee vers le monde rural Aujourdrsquohui crsquoest le monde urbain qui offre les terrains drsquoenquecircte les plus riches Crsquoest pourquoi la sociolinguistique se propose de reacuteinteacutegrer lrsquohomme dans la langue le locuteur son milieu celui auquel il srsquoadresse la communauteacute linguistique mecircme si toutes ces donneacutees sont extrecircmement complexes De fait dans les anneacutees 60 aux eacutetats ndashunis W Labov auteur notamment drsquoune seacuterie drsquoarticles publieacutes en franccedilais dans le recueil Sociolinguistique sociolinguiste bien connu pour son rocircle dans la recherche a fait apparaicirctre lrsquoabsolue neacutecessiteacute de consideacuterer la reacutealiteacute des productions langagiegraveres et non plus des abstractions (cette recherche sur les abstractions correspondait agrave un courant de la linguistique theacuteorique) il nrsquoheacutesite pas agrave dire que la sociolinguistique crsquoest la linguistique mecircme srsquoil est obligeacute de constater que certains linguistes neacutegligent agrave tort lrsquoeacutetude du contexte social Pour nous notre objet drsquoeacutetude est la structure et lrsquoeacutevolution du langage au sein du contexte social formeacute par la communauteacute linguistique Les sujets consideacutereacutes relegravevent du domaine ordinairement appeleacute linguistique geacuteneacuterale phonologie morphologie syntaxe et seacutemantique Les problegravemes theacuteoriques que nous soulegraveverons appartiennent eacutegalement agrave cette cateacutegorie tels la forme des regravegles linguistiques leur combinaison en systegravemes la coexistence de plusieurs systegravemes et lrsquoeacutevolution dans le temps de ces regravegles et de ces systegravemes Srsquoil nrsquoeacutetait pas neacutecessaire de marquer le contraste entre ce travail et lrsquoeacutetude du langage hors de tout contexte social je dirais volontiers qursquoil srsquoagit lagrave tout simplement de linguistique Et lrsquoon peut srsquoeacutetonner qursquoil soit utile de donner une base sociale eacutelargie agrave ce domaine Que la linguistique geacuteneacuterale quel qursquoen soit le contenu doive reposer avant tout sur le langage tel que lrsquoemploient les locuteurs natifs communiquant entre eux dans la vie quotidienne cela paraicirct aller de soi Aussi est-il profitable avant de continuer de voir preacuteciseacutement pourquoi il nrsquoen a pas eacuteteacute ainsi (Labov 1976 Lrsquoeacutetude de la langue dans son contexte social pp 258-259) Pour Labov il nrsquoy a pas drsquoeacutetude de la langue sans prise en compte des hommes qui la parlent sans eacutetude de lrsquoenvironnement social De ce fait Labov tente de correacuteler les maniegraveres de parler avec des variables sociales qui peuvent ecirctre beaucoup plus fines (et qui sont deacutetermineacutees preacuteciseacutement par lrsquoanalyse) que les grandes cateacutegories sociales traditionnelles (profession sexe acircge lieu de reacutesidence etc) Labov devant les donneacutees ordinaires de la situation de communication qui comportent une forte heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et qui sont geacuteneacuteralement consideacutereacutees comme aleacuteatoires va chercher agrave eacutetablir une systeacutematiciteacute (Gadet 1992b) En quelque sorte srsquoattachant au concept de variation libre Labov essaye drsquoeacutetablir les regravegles de cette variation drsquoen montrer les conditionnements Labov met agrave jour des reacutegulariteacutes trop systeacutematiques pour ecirctre le fait du hasard et il srsquoefforce de montrer selon les formules de F Gadet qursquo+ il y a une stratification de lrsquousage de la langue dans la socieacuteteacute dont il a pu eacutetablir qursquoelle eacutetait agrave la fois reacuteguliegravere et extrecircmement fine Elle ne peut toutefois se saisir qursquoagrave travers des consideacuterations de freacutequence puisque ce nrsquoest guegravere la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoune variante qui est en cause mais des taux drsquooccurrences compareacutes (F Gadet 1992b p 6)
Il srsquoagit drsquoassocier chaque variante linguistique agrave une cause extra-linguistique (classe sociale sexe acircge habitat race attitudes du locuteurs circonstances de la communication etc) ou chaque ensemble de variantes linguistiques (reacutealisation dune variable) agrave une ou des variables sociales selon un scheacutema que lrsquoon pourrait repreacutesenter ainsi
Ensemble des variables sociales Ensemble des variables linguistiques Une fois correctement eacutetablies les variables en modifiant lrsquoune des variables sociales on devrait
obtenir une varieacuteteacute nouvelle (un ensemble de variantes diffeacuterentes) au niveau linguistique Attention on rappellera ici la notion de variante conditionneacutee On parle en linguistique de variante
conditionneacutee quand on peut eacutetablir une correacutelation stricte entre lrsquoapparition drsquoune uniteacute linguistique et le
contexte linguistique de son apparition ainsi en franccedilais du Midi la reacutealisation [o] [ɔ] est conditionneacutees ces deux formes sont deux variantes conditionneacutees drsquoune seule uniteacute phonologique le o selon la regravegle
suivante [o] en finale ex pot chaud dos o [ɔ] + C ex rose chaude jaune code Paul pocircle Dans
drsquoautres reacutegions de France on pourra trouver des o et des ɔ non conditionneacutes par le contexte comme le montrent les prononciations laquo parisiennes raquo de saute sotte ou de pocircle Paul
Crsquoest un conditionnement de ce type que Labov a tenteacute drsquoeacutetablir non plus entre un environnement linguistique et certains sons mais entre des variables extra-linguistiques (sexe acircge situation sociale) et des uniteacutes comportant du sens (du morphegraveme uniteacute minimale de signification agrave la phrase ou au discours uniteacute vaste) Dans une perspective deacuteterministe (une deacutemarche scientifique est drsquoune faccedilon ou drsquoune autre preacutesenteacutee comme deacuteterministe) Labov pense que si nous ne parvenons pas agrave eacutetablir un conditionnement strict entre des variables extra-linguistiques et des variantes linguistiques crsquoest parce que notre analyse est
incomplegravete parce que nous avons neacutegligeacute des donneacutees Il propose de ce fait de multiplier les investigations pour trouver les variables pertinentes
Avec William Labov le pegravere de lapproche variationniste en sociolinguistique on a pris lhabitude de distinguer quatre types de variation
la variation diachronique (ou historique) la variation diatopique (ou geacuteographique) la variation diastratique (ou sociale) la variation diaphasique (ou stylistique)
Variation diachronique
La variation diachronique est lieacutee au temps elle permet de cotraster les traits selon quils sont perccedilus comme plus ou moins anciens ou reacutecents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diatopique
La variation diatopique joue sur laxe geacuteographique la diffeacuterenciation dune langue suivant les reacutegions relegraveve de cette variation Pour deacutesigner les usages qui en reacutesultent on parle de reacutegiolectes de topolectes ou de geacuteolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diastratique
La variation diastratique explique les diffeacuterences entre les usages pratiqueacutees par les diverses classes sociales Il est question en ce cas de sociolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diaphasique
On parle de variation diaphasique lorsquon observe une diffeacuterenciation des usages selon les situations de discours ainsi la production langagiegravere est-elle influenceacutee par le caractegravere plus ou moins formel du contexte deacutenonciation et se coule-t-elle en des registres ou des styles diffeacuterents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Franccediloise Gadet propose dajouter la variation diameacutesique quelle deacutefinit ainsi Une autre distinction relevant eacutegalement de lusage intervient entre oral et eacutecrit Elle est particuliegraverement forte dans une langue de culture tregraves standardiseacutee comme la franccedilaise Ici cest la distinction de chenal de transmission de la parole qui constitue le point dancrage de la diffeacuterence aucun locuteur ne parle comme il eacutecrit aucun neacutecrit comme il parle La distinction nest pas purement mateacuterielle elle touche aussi la conception mecircme des discours Il faudra donc distinguer entre ce qui est un effet geacuteneacuteral de loraliteacute et ce qui relegraveve de la variation (Gadet 2004 p 98)
Cette recherche de William Labov (La stratification sociale de lrsquoanglais dans la ville de New york) a eacuteteacute
meneacutee sur la relation entre variation linguistique et stratification sociale dans une grande ville ameacutericaine et en particulier sur lrsquoanglais de noirs Une preacute-enquecircte meneacutee dans trois grands magasins diffeacuterents quant agrave la qualiteacute et au prix des produits vendus et par conseacutequent agrave la cateacutegorie sociale de leur clients a permis de montrer que les employeacutes de ces magasins qui pourtant appartenaient tous agrave la mecircme classe sociale reacutealisaient les variantes phoneacutetiques conformeacutement agrave la faccedilon de parler des clients agrave qui ils avaient affaire en fonction du magasin(du quartier ougrave il se trouvait) voire du rayon dans le magasin( de la nature des produits proposeacutes)
La seule preacutesence de lrsquoobservateur lors drsquoune enquecircte suffit agrave modifier le comportement linguistique de lrsquoenquecircteacute lequel a tendance agrave se rapprocher de la varieacuteteacute officielle ou de prestige Les modaliteacutes de lrsquoenquecircte entraicircnent eacutegalement des variations dans les productions Crsquoest ce qui a ameneacute Labov agrave varier ses strateacutegies (eacutecoute pirate deacuteguisement ) et agrave deacutefinir des styles contextuels dont le plus surveilleacute reacutepond agrave la lecture et le moins surveilleacute au discours spontaneacute familier hors enquecircte Lagrave aussi plus le locuteur accorde drsquoattention agrave son discours plus il se rapproche de la norme officielle Tout cela met en lumiegravere la fonction sociale et symbolique des variations linguistiques qui ne sont que rarement des choix deacutelibeacutereacutes
La varieacuteteacute linguistique propre agrave un groupe dominant srsquoimpose comme marque de prestige et deacutetermine lrsquoattitude des locuteurs du groupe domineacute face agrave leur propre varieacuteteacute les colonisateurs le savent bien et un de leurs premiers soucis est de transmettre leur eacutevaluation Ces travaux de dialectologie urbaine ont permis de deacutevelopper des meacutethodologies originales drsquoanalyse de lrsquousage en situation authentique lrsquoobservateur srsquoefforccedilant de ne pas fausser les donneacutees par sa preacutesence
-variation selon les groupes sociaux il peut srsquoagir de groupes constitueacutes sur les bases de lrsquoorigine
ethnique du pouvoir eacuteconomique du sexe de lrsquoacircge
-variation en fonction de la situation de communication les mecircmes locuteurs ne parlent pas de la
mecircme faccedilon selon les situations (en situation formelle ou en situation familiegravere agrave lrsquoeacutecrit et agrave lrsquooral
A partir de cette enquecircte ceacutelegravebre sur les adolescents noirs lAmeacutericain William Labov a donc rechercheacute les correacutelations entre certaines variations linguistiques et la position sociale des locuteurs etou la situation de communication
Cette deacutemarche la ameneacute agrave isoler deux niveaux de variation
- Un niveau social diffeacuterents locuteurs dune mecircme langue parlent diffeacuteremment
- Un niveau stylistique un mecircme locuteur utilise diffeacuterents registres de langage (familier soutenu) selon la situation Mais W Labov remarque que leacutecart entre langue courante et langue soutenue est beaucoup plus important chez un ouvrier que chez un cadre supeacuterieur
Pour W Labov la langue est soumise agrave trois sortes de regravegles
- Les regravegles cateacutegoriques quaucun locuteur ne viole jamais Aucun francophone ne dit laquo on venons raquo ou laquo nous vient raquo
- Les regravegles semi cateacutegoriques dont la violation - freacutequente - est interpreacutetable socialement la tournure laquo aller au coiffeur raquo est jugeacutee populaire par la norme
- Les regravegles variables
- Se meacutefier de lrsquointrospection drsquoune preacutetendue laquo compeacutetence raquo (cf Chomsky) on ne touche de fait
que des laquo performances raquo et il existe des proceacutedures objectives drsquoanalyse linguistique pour
approcher la variation ndash qui est la regravegle
- Srsquoil y a de la variation il convient toujours de tenter de lrsquoexpliquer les preacutetendues laquo variantes
libres raquo sont des variantes dont le conditionnement nous eacutechappe mais il convient de chercher
parmi les donneacutees sociales au sens large celles qui de fait conditionnent les variantes analyseacutees
-Se rappeler que lrsquoon tente toujours drsquoenquecircter sur la langue drsquoune communauteacute linguistique et non
pas sur celle drsquoun seul individu Se soucier neacutecessairement de la question de la repreacutesentativiteacute des
informateurs
En conseacutequence scepticisme quant aux laquo universaux raquo au sens ougrave ils pourraient ecirctre preacutesents
dans toutes les langues Mais crsquoest lrsquoexplication qui forge lrsquouniversaliteacute (cf ne pas confondre les
universaux de la linguistique avec des universaux du langage )
- Inteacuterecirct particulier pour le changement linguistique tout particuliegraverement les signes du
changement en cours Toutes conditions eacutegales ce qui a entraicircneacute des changements dans le passeacute se
reproduit neacutecessairement maintenant (mais ne pas oublier les caracteacuteristiques sociales qui font
partie des laquo conditions eacutegales raquo)
VI- 2 LA VARIATION INTERLINGUISTIQUE Il nrsquoest pas dans notre intention drsquoeacutenumeacuterer ici toutes les deacutefinitions ou typologies proposeacutees pour le bilinguisme mais de retenir celles qui nous semblent avoir un inteacuterecirct pour la sociolinguistique
VI-2-1 Bilinguisme et plurilinguisme
Tregraves longtemps il y a eu des deacutebats pour savoir srsquoil fallait parler de bilinguisme ou de
plurilinguisme Il y a de nombreuses deacutefinitions nous retenons celle de
-Georges Mounin laquo Le fait pour un individu de parler indiffeacuteremment deux langues raquo laquo eacutegalement
coexistence de deux langues dans la mecircme communauteacute pourvu que la majoriteacute des locuteurs soit
effectivement bilingue raquo
-Deacutefinition du dictionnaire de didactique des langues laquo le bilinguisme est une situation qui
caracteacuterise les communauteacutes linguistiques et les individus installeacutes dans les reacutegions multilingues
-Dictionnaire des sciences du langage de Todorov laquo un individu est dit multilingue srsquoil possegravede
plusieurs langues apprises lrsquoune comme lrsquoautre comme langue maternelle raquo
Le bilinguisme agrave travers ces trois deacutefinitions peut ecirctre consideacutereacute soit comme le fait drsquoune
communauteacute soit comme le fait drsquoun individu Ces diffeacuterences renvoient agrave tout un deacutebat de
linguistes qui consideacuteraient que seuls les individus peuvent ecirctre bilingues et drsquoautres qui
consideacuteraient que cette notion peut srsquoeacutetendre agrave toute une communauteacute linguistique
Se posent alors le problegraveme de degreacute drsquoextension du bilinguisme agrave partir de quel pourcentage
considegravere - t-on que la communauteacute est bilingue et quand peut-on parler de bilinguisme
Selon lrsquoacircge drsquoacquisition des langues on a pu parler de bilinguisme preacutecoce ou tardif selon la
distribution faite dans la communauteacute on parle de bilinguisme composeacute individuel stylistique ou
social Toutes ces approches deacutefendent un point de vue diffeacuterent
Les diffeacuterentes approches -Lrsquoapproche normative
Elle prend en consideacuteration le degreacute de maicirctrise de la langue deux positions srsquoaffrontent lrsquoune dit
que tout le monde est bilingue lrsquoautre que personne est bilingue
a)Tout le monde est bilingue
Les deacutefenseurs de cette thegravese pensent que dans tout acte de communication les locuteurs srsquoadaptent
agrave une situation donneacutee Or une langue varie selon les situations de communication les locuteurs
drsquoune langue disposent drsquoune varieacuteteacute drsquousages maicirctriser une langue crsquoest savoir utiliser cette
varieacuteteacute crsquoestndashagrave-dire savoir adapter son discours agrave chacune de ses situations linguistiques
Mahmoudian eacutecrit laquo on maicirctrise mieux une langue dans la mesure ougrave on manie un nombre plus
eacuteleveacute drsquouniteacutes linguistiques et que lrsquoon comprend mieux le sens qui rattache ces uniteacutes aux
circonstances raquo
Martinet laquo deacuteveloppe la mecircme ideacutee lorsqursquoil dit que la maicirctrise drsquoune langue est constitueacute par une
hieacuterarchie drsquousages possibles qui sont les usagers quotidiens les usagers solennels politiques
artistiques
Ceci implique donc que le locuteur est agrave chaque instant obligeacute drsquoadapter son langage agrave la situation
On peut dire que tout locuteur est bilingue exemple du langage becirctifieacute des parents lorsqursquoils
parlent aux enfants ou les colons qui tentent drsquoadapter leur langue maternelle aux parlers creacuteoles
b) Personne nrsquoest bilingue
Certains linguistes disent que le bilinguisme nrsquoexiste pas dans la mesure ougrave personne nrsquoest capable
de maicirctriser agrave la perfection deux langues crsquoest agrave dire sans aucune interfeacuterence Si on prend en
consideacuteration ces paramegravetres il nrsquoy a pas de bilinguisme
Andreacute Martinet explique que ce critegravere de la perfection nrsquoa guegravere de sens car mecircme un locuteur
unilingue ne possegravede pas agrave la perfection sa langue et qursquoil nrsquoen utilise pas toutes les possibiliteacutes
lexicales ou syntaxiques Ce critegravere de la perfection est rejeteacute car il ne permet nullement de deacutefinir
le bilinguisme ou le monolinguisme
c La troisiegraveme tendance tente de deacutefinir le degreacute de maicirctrise relative
Ils rapportent la meacutethode de Malherbe une seacuterie de critegraveres permettent de deacutefinir une situation de
bilinguisme
-ecirctre en mesure de mener une conversation un discours ou un sermon dans une langue eacutetrangegravere
que ce soit agrave lrsquoeacutecrit ou agrave lrsquooral Savoir lire les journaux dans cette langue et en saisir lrsquohumour
-Etre en mesure de mener une conversation intelligible dans une autre langue et pouvoir lire sa
litteacuterature
-Savoir lire implacablement lrsquoautre langue
-Savoir enseigner les deux langues
-Posseacuteder une grande maicirctrise des deux langues
-Posseacuteder une connaissance parfaite des deux langues
Que dire
La mesure de la perfection repose sur des jugements de valeur subjectifs on mecircle diffeacuterents
niveaux de maicirctrise drsquoune langue lrsquoeacutecrit et lrsquooral
On mecircle pareillement la maicirctrise drsquoune langue et lrsquoaptitude agrave lrsquoenseigner ce qui ne se justifie pas
Beaucoup savent parler une langue mais ne peuvent lrsquoenseigner
On peut dire que les systegravemes de mesure de la perfection linguistique est un faux problegraveme car
toute situation de bilinguisme est marqueacutee par une fluctuation des usages (variation continuelle)
En effet le comportement linguistique des bilingues est tregraves variable il deacutepend de nombreux facteurs drsquoordres psychologiques et sociaux Il y a des pheacutenomegravenes de pressions sociales les situations de communication qui fait qursquoon ne peut eacutetablir des grilles rigoureuses La mesure de perfection se reacutevegravele vaine il faut srsquoen tenir aux propositions de W Mackey laquo le bilinguisme doit ecirctre consideacutereacute comme un concept non pas absolu mais relatif raquo Renzo Titone ajoute en rapportant Mackey qursquoil ne faut pas poser la question cet individu est-il bilingue Mais plutocirct dans quel sens est-il bilingue crsquoest-agrave-dire qursquoil faut rendre compte de la pratique bilingue du locuteur de son comportement bilingue mais pas tenter de deacutefinir la nature du bilinguisme qursquoil pratique
Lrsquoapproche psychologique
A-Le bilinguisme infantile ou preacutecoce On parle de bilinguisme infantile quand il srsquoagit drsquoun enfant qui degraves sa naissance est
simultaneacutement confronteacute agrave deux systegravemes linguistiques diffeacuterents par exemple lorsque la megravere et le
pegravere parlent agrave lrsquoenfant chacun leur langue ou lorsqursquoune 3egraveme
personne parle une autre langue que
celle que parlent les parents En fait cette situation est plus rare que la situation de bilinguisme
preacutecoce ougrave lrsquoon a des enfants monolingues dans les premiegraveres anneacutees de leur enfance qui
apprennent ensuite une seconde langue soit par impreacutegnation du milieu familial et social soit agrave
lrsquoeacutecole Les eacutetudes agrave orientation psychologiques se proposent toujours diffeacuterents objectifs certaines
eacutetudes se proposent drsquoexaminer le comportement de lrsquoenfant qui est aussi tregraves tocirct mis en contact
avec 2 ou plusieurs langues en geacuteneacuteral ces eacutetudes essaient de deacuteterminer la conscience qursquoa
lrsquoenfant de parler ou de ne pas parler plusieurs langues on a 2 types de constatations qui
apparemment sont contradictoires
1-Il semble selon certaines expeacuteriences que les enfants acquiert les diffeacuterentes langues sans
srsquoen apercevoir On cite les propos drsquoun linguiste allemand bilingue qui degraves son plus jeune acircge agrave la
question raquo savez vous depuis le deacutebut que vous parliez deux langues Il reacutepondit laquo je suppose que
non je parlais spontaneacutement la langue de mon interlocuteur sans savoir ce que je faisais et cela
depuis le deacutebut comme jrsquoai pu le deacuteduire du teacutemoignage de mes parents
2- En face de ce premier type de recherche on a une autre type de recherche qui montre que les
enfants distingue assez tocirct entre 3 et 4 ans les diffeacuterents systegravemes qursquoil parle et preacuteciseacutement cette
capaciteacute de parler et la situation dans laquelle ils se trouvent tregraves vite ils perccediloivent ce qursquoon
attend drsquoeux dans la situation scolaire et dans la situation familiale ou amicale
Un autre facteur inteacuteressant crsquoest leur capaciteacute de traduire Renzo Titone cite le cas de conscience
diffeacuterentielle qui lui permet de diffeacuterencier les systegravemes ce qui implique que lrsquoenfant possegravede une
double compeacutetence crsquoest-agrave-dire une maicirctrise intuitive de regravegles et de meacutecanismes diffeacuterents
laquo Lrsquoenfant bilingue reacuteussit-il agrave faire le rapport entre les personnes et les situations distinctes et les
idiomes raquo
Lrsquoenfant pratique la diffeacuterenciation des systegravemes mais il ne possegravede pas la capaciteacute drsquoeacutenoncer de
formuler cette aptitude Il a une conscience intuitive qursquoil ne peut formuler
Le bilinguisme favorable ou deacutefavorable
La question souvent poseacutee est celle de savoir si le bilinguisme est favorable ou deacutefavorable
srsquoil est nuisible ou non Cette question est poseacutee agrave deux niveaux drsquoabord agrave propos des enfants on
se demande bien souvent si le bilinguisme est preacutejudiciable ou non au deacuteveloppement de lrsquoenfant
crsquoest agrave dire agrave son eacutequilibre psychologique affectif drsquoautre part si crsquoest preacutejudiciable agrave lrsquoacquisition
de sa langue maternelle et de sa langue Ces preacutesupposeacutes sont deacutementis par de nombreuses
expeacuteriences faites sur des enfants bilingues
Renzo Titone expose le cas drsquoun enfant qui apprend lrsquoallemand avec sa megravere et le franccedilais avec
son pegravere la prononciation fut celle drsquoun enfant unilingue degraves le deacutebut le bilinguisme ne retardera
pas le deacuteveloppement geacuteneacuteral du langage crsquoest agrave dire que lrsquoacquisition des deux langues nrsquoa pas
entraicircneacute de retard Les emprunts drsquoune langue agrave une autre reacuteitegraverent des cas isoleacutes Dans les deux
langues on assisteacute agrave un deacuteveloppement parallegravelement en phoneacutetique en morphologie en syntaxe
Lrsquoenfant devient tregraves vite conscient de son bilinguisme et traduisait les messages drsquoune langue agrave
une autre Il acquit le concept abstrait de langue Tous ces exemples donneacutes par Titone semblent
contredire la thegravese qui veut que le bilinguisme soit dangereux preacutejudiciable Mecircme thegravese
deacuteveloppeacutee par Abdellah Cheacuteriet pour qui le bilinguisme est contre reacutevolutionnaire dangereux
pour lrsquoauthenticiteacute et pour la langue arabe alors que Lacheraf eacutetait pour le bilinguisme
Selon Cheacuteriet le bilinguisme nrsquoest pas une voie reacutevolutionnaire pour lrsquoenseignement mais
bourgeoise car ce nrsquoest pas le bilinguisme qui donne au peuple sa formation socialiste De plus le
bilinguisme est contraire agrave lrsquoauthenticiteacute et le fait drsquoenseigner une langue eacutetrangegravere agrave lrsquoenfant
orientera sa mentaliteacute et donc son authenticiteacute
Remarque le bilinguisme est consideacutereacute sous un angle particulier on considegravere les deux
langues rivales Pourtant lrsquoAlgeacuterie est plurilingue et Cheacuteriet ne parle jamais des autres langues les
arguments avanceacutes sont biaiseacutes la reacutealiteacute linguistique nrsquoest jamais deacutecrite lrsquoarabe classique est
consideacutereacute comme une langue maternelle En fait le veacuteritable problegraveme dans des cas de bilinguisme
est la prise en charge peacutedagogique et un environnement harmonieux laquo En creacuteant un environnement
adapteacute le petit enfant pourrait tregraves bien apprendre deux langues ou plus sans grave difficulteacute et la
redoutable barriegravere linguistique serait deacutetruite agrave la base raquoTitone
3 Lrsquoapproche sociale On peut parler du bilinguisme social lorsqursquoon prend en consideacuteration lrsquoexpansion du
bilinguisme au niveau de toute une communauteacute Cette approche sociale traite drsquoun certains
nombres de questions
-le statut des langues en contact
-la distribution de ces langues crsquoest-agrave-dire comment les langues se distribuent-elles
parmi les locuteurs comment sont-elles pratiqueacutees par les locuteurs drsquoougrave lrsquoeacutetude drsquoun certains
nombre drsquoeacuteleacutements agrave prendre en charge la situation de communication lrsquoappartenance sexuelle
sociale on srsquoattache aussi au pheacutenomegravene de prestige de valorisation et de deacutevalorisation
pheacutenomegravene de meacutemorisation Crsquoest-agrave-dire lrsquoattitude du locuteur agrave lrsquoeacutegard de ceux qui parlent
-les problegravemes de planification linguistique Elle prend aussi en charge le retentissement
de tous les eacuteleacutements au niveau de la dynamique des langues crsquoest agrave dire la capaciteacute drsquoeacutevolution de
stagnation de vie ou de mort des langues quels sont les symptocircmes qui permettent de reconnaicirctre
ces pheacutenomegravenes
Lrsquoimportance de ces pheacutenomegravenes sociaux se manifeste dans lrsquoexemple que nous
empruntons agrave Juliette Garmadi 1981 La sociolinguistique PUF Paris concernant le cas du
Vaupegraves reacutegion qui se situe au centre de lrsquoAmazonie avec une frontiegravere commune agrave la Colombie et
au breacutesil
Quelles sont les caracteacuteristiques sociales de cette reacutegion il srsquoagit drsquoune population
indienne qui vit dans des habitations disperseacutees cependant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune
population seacutedentaire bien qursquoil lui arrive de se deacuteplacer Il y a plusieurs niveaux de structuration
sociale de cette population elle est structureacutee en uniteacutes deacutefinies par un seul critegravere lrsquouniteacute
linguistique Chaque groupe drsquoindividus parlant la mecircme langue est consideacutereacute comme appartenant
agrave la mecircme tribu La tribu est deacutefinie par la langue du pegravere donc tous ceux qui ont utiliseacutes degraves leur
enfance la langue du pegravere font partie de la mecircme tribu Crsquoest donc la langue du pegravere qui confegravere
lrsquoidentiteacute au groupe agrave la tribu Un indien de cette tribut doit se marier avec une femme drsquoune autre
tribu obligatoirement donc parlant une autre langue sinon cela est consideacutereacute comme un inceste
Exemple un enfant appartenant agrave une tribu doit avoir comme premiegravere langue la langue de son
pegravere la megravere est tenue drsquoapprendre la langue de son mari mais elle peut aussi parler sa langue avec
les autres femmes elle communique avec son fils la langue de son mari
Quels sont les points que suscite lrsquoattention du linguiste par rapport au vaupeacutes
-Au niveau de lrsquoeacutetendue du bilinguisme
Le plurilinguisme pourrait ecirctre envisageacute dans cette reacutegion agrave plusieurs niveaux au niveau familial
ou cellule nucleacuteaire Au niveau de la tribu au niveau du Vaupegraves
Selon Juliette Garmadi il y a une stabiliteacute du plurilinguisme que lrsquointroduction du portugais et de
lrsquoespagnol dans la reacutegion ne semble pas remettre en cause Elle affirme une des premiegraveres
conclusions que lrsquoon peut tirer de lrsquoeacutetude de la situation du Vaupegraves est que les socieacuteteacutes complexes
ne sont pas les seules garantes possibles de la stabiliteacute du plurilinguisme Elle veut dire que lrsquoon
aurait tendance agrave croire qursquoune situation comme le vaupeacutes avec lrsquoaccord de la colonisation aurait
pu voir son plurilinguisme ceacuteder devant la langue du colonisateur or il nrsquoen est rien car le
plurilinguisme du Vaupegraves se maintient tregraves bien Donc les socieacuteteacutes stables ne sont pas les seules
garantes de la stabiliteacute
Lrsquoexistence du plurilinguisme et de sa stabiliteacute ne sont lieacutees ni agrave des types drsquoinstitutions preacutecises ni
au nombre des locuteurs ni agrave la dimension ni agrave la densiteacute drsquoun pays
Juliette Garrmadi agrave travers lrsquoexemple du Vaupegraves semble remettre en question toutes ces
hypothegraveses
-Au niveau psychologique du bilinguisme
Au niveau psychologique le plurilinguisme peut ecirctre preacutecoce ou tardif ce bilinguisme est aussi
eacutequilibreacute car les langues acquises dans lrsquoenfance le sont avec une maicirctrise eacutegales
-Au niveau linguistique et seacutemio culturel
Au niveau des systegravemes culturels transmis par le langage on peut parler de bilinguisme composeacute
crsquoest agrave dire que les langues parleacutees reacutefegraverent agrave une mecircme situation seacutemio culturelle que les langues
indiennes parleacutees dans le Vaupegraves renvoient au mecircme reacutefeacuterent culturel dans la mesure ougrave la culture
indienne de cette reacutegion est homogegravene et que toutes les langues parleacutees sont le veacutehicule de cette
culture homogegravene ce qui peut se traduire en disant que les enfants du Vaupeacutes ont un seul systegraveme
de signifieacute mais qursquoils ont pour le traduire diffeacuterents signifiants correspondant aux diffeacuterentes
langues qursquoils parlent Crsquoest dans ce cas que lrsquoon parle de bilinguisme composeacute car ce dernier
implique theacuteoriquement la permeacuteabiliteacute des systegravemes linguistiques en contact crsquoest-agrave-dire qursquoil y a
tregraves souvent passage drsquoune langue agrave une autre il y a interfeacuterence agrave tout niveau phonologique
lexical et syntaxique
Conclusion
Si lrsquoon srsquoen tient au cas du Vaupeacutes on peut dire agrave propos de lrsquoAlgeacuterie qursquoelle preacutesente bien une
situation de plurilinguisme social Ce bilinguisme peut ecirctre caracteacuteriseacute agrave la fois comme preacutecoce et
tardif(beaucoup drsquoenfants apprennent les langues dans leur petite enfance mais aussi agrave lrsquoeacutecole) Ce
bilinguisme est aussi eacutequilibreacute il est plutocirct coordonneacute que composeacute car le reacutefeacuterent seacutemioculturel du
kabyle et du franccedilais est diffeacuterent du kabyle et de lrsquoarabe le franccedilais lrsquoest aussi
Cours 4
Bilinguisme et diglossie
1-Introduction
Dans une situation de contact de langues le statut de chaque langue varie suivant les rapports de
domination entre les groupes qui les parlent et les perceptions que les individus ont de ces rapports
Il srsquoensuit que les usages langagiers varient dans lrsquoespace social et geacuteographique en fonction de ces
rapports intergroupes si ces rapports changent les rapports de statut et donc les usages eux-mecircmes
varieront Crsquoest agrave de tels pheacutenomegravenes de variations sociolinguistiques que nous allons nous
inteacuteresseacutes En premier lieu nous examinerons le pheacutenomegravene de diglossie qui reacutesulte de relation de
statuts entre une langue et une varieacuteteacute de langue super-ordonneacutee et une autre langue ou varieacuteteacute de
langues subordonneacutees dont les usages respectifs sont en distribution compleacutementaire plus ou moins
stable dans une socieacuteteacute donneacutee
Selon Mackey laquo une socieacuteteacute dont tous les membres seraient capables de comprendre lire parler et
eacutecrire deux langues utiliseacutees dans cette socieacuteteacute devrait sans doute abandonner une de ces langues
car elle serait redondante Autrement dit pour que deux ou plusieurs langues survivent dans une
socieacuteteacute il est neacutecessaire qursquoelles remplissent des fonctions compleacutementaires-soit qursquoelles sont
utiliseacutees par tous les locuteurs pour des fonctions et dans des domaines distincts soit qursquoelles sont
utiliseacutees par des locuteurs appartenant agrave des groupes ethnolinguistiques diffeacuterents soit qursquoun
groupe parle la langue dominante lrsquoautre groupe la langue domineacutee avec entre les deux des
individus bilingues qui parlent la langue de lrsquoun et de lrsquoautre
1-Deacutefinition et historique de la diglossie
La notion de diglossie (du grec ancien diglottos signifiant bilingue) est un concept
sociolinguistique deacuteveloppeacute par Ferguson(1959) pour deacutecrire toute situation dans laquelle deux
varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue sont employeacutees dans des domaines compleacutementaires lrsquoune de ces
varieacuteteacute eacutetant geacuteneacuteralement de statut socialement supeacuterieur agrave lrsquoautre
Dans un sens large la diglossie existe dans toutes les socieacuteteacutes ougrave lrsquousage quotidien diffegravere
sensiblement de la norme officielle il faut que chaque varieacuteteacute soit utiliseacutees de maniegravere
systeacutematique par exemple une varieacuteteacute est employeacutee dans les domaines formelles comme
lrsquoadministration la religion la poeacutesie alors que lrsquoautre est reacuteserveacutee agrave la conversation courante aux
discussions informelles agrave la correspondance non officielle Fergusson qualifie ces deux varieacuteteacutes
lrsquoune haute et lrsquoautre basse Exemple Le monde arabe lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal La
Gregravece le grec le katharevousa et le grec populaire le dhimotiki
Le terme de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Fishman (1967) agrave lrsquousage compleacutementaire institutionnaliseacute
de deux langues distinctes dans une communauteacute donneacutee Cette situation de diglossie se caracteacuterise
par un certain nombre de traits
-La fonction la fonction des deux varieacuteteacutes H et L nrsquoest pas la mecircme il y a reacutepartition de chacune
drsquoentre elles selon les situations de communication
-la notion de prestige on se place ici au niveau de lrsquoattitude des locuteurs qui ont tendance agrave
qualifier H de supeacuterieure de plus belle de plus logique de plus apte agrave exprimer les penseacutees
importantes Ils affirment aussi qursquoils preacutefegraverent entendre un discours politique dans cette varieacuteteacute La
varieacuteteacute L est consideacutereacutee comme eacutetant infeacuterieure incapable drsquoexprimer un discours litteacuteraire
-La litteacuterature eacutetant reacutedigeacutee dans la varieacuteteacute haute elle contribue agrave ce que cette derniegravere soit tenue
dans sa plus haute consideacuteration
Le mode drsquoacquisition La varieacuteteacute basse est geacuteneacuteralement la langue maternelle son acquisition se
fait par lrsquousage donc au sein de la famille La varieacuteteacute haute srsquoapprend agrave lrsquoeacutecole
-La standardisation constitueacutee par la moyenne des usages des locuteurs ex le franccedilais standard
constitue la norme
-La stabiliteacute la situation de diglossie est passagegravere soumise agrave lrsquoeacutevolution Le rapport entre une
langue H et une langue L est ponctuel eacutepheacutemegravere susceptible drsquoeacutevolution
En fait dit Fergusson il nrsquoen est rien La situation de diglossie se caracteacuterise par la stabiliteacute elle
peut durer plusieurs siegravecles Srsquoil y a eacutevolution crsquoest par lrsquointermeacutediaire drsquoune forme de langue
intermeacutediaire qui ne remet pas en cause veacuteritablement le rapport entre H et L comme par exemple
lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal
Le concept de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Gumperz(1971) aux socieacuteteacutes multilingues dans le sens ougrave
celles-ci peuvent utiliser diffeacuterentiellement plusieurs codes (langues dialectes) dans des domaines
et des fonctions compleacutementaires comme lrsquoInde qui a deux langues officielles hautes le hindi et
lrsquoanglais en plus des langues reacutegionales
2-Le rejet de la notion de diglossie
-Martinet utilise plusieurs eacuteleacutements pour remettre en cause la notion de diglossie
Selon Martinet Fishman et Gumperz adoptent la notion de diglossie pour des raisons
sociologiques pour marquer la distinction bilinguisme individuel versus bilinguisme social La
diglossie implique le bilinguisme communautaire
Dans cette perspective on ne voit pas ce que la distinction bilinguisme diglossie apporterait de
nouveau par rapport au bilinguisme individuel et bilinguisme social
Martinet rappelle que la hieacuterarchie entre les langues nrsquoest pas absolue il nrsquoest pas toujours possible
dans toutes les situations linguistiques de deacuteterminer la hieacuterarchie Exemple le Canada
Lrsquoanglais est reacuteserveacute au domaine eacuteconomique et technique le franccedilais est reacuteserveacute au domaine
culturel Ces deux langues sont des langues de prestige bien qursquoelles ne soient pas sur un pied
drsquoeacutegaliteacuteccedila eacutetait la langue de lrsquoeacuteglise or nous dit-il cet argument nrsquoest plus valable car la
katareacuterouza a beaucoup eacutevolueacute par rapport agrave la langue religieuse
Le second argument de Drettas est la remise en cause du systegraveme de standardisation retenue par
Fergusson pour lui on ne peut retenir ce critegravere dans la mesure ougrave le corpus de reacutefeacuterence est
heacuteteacuterogegravene
3- La situation de lrsquoAlgeacuterie
Fergusson considegravere les pays arabes comme un des cas les plus anciens et les plus stables de
diglossie Tout le monde reconnaicirct le prestige de la langue arabe classique
Qui deacutecide de ce prestige Peut on dire drsquoune langue que les locuteurs refusent de parler qursquoelle
nrsquoest pas prestigieuse
Tous les grammairiens qui procircnent la disparition des dialectes au profit de lrsquoarabe classique sont
obligeacutes de reconnaicirctre que ces derniers sont bien vivants les grammairiens parlent de difficulteacute agrave
enseigner une locuteurs natifs il nrsquoexiste pas dans le monde arabe de personnes dont la langue
maternelle est la langue standard
Le prestige de la langue tient essentiellement du mythe nous avons lagrave lrsquoexemple drsquoun discours sur
les langues que les grammairiens les linguistes lrsquoeacutelite intellectuelle ont eacutetabli et qursquoils perpeacutetuent
avec la compliciteacute des instances officielles sans jamais se poser la question de lrsquoadeacutequation de ces
discours agrave la reacutealiteacute des pratiques linguistiques
4-Les tenants de la notion deacutefense et illustration de la diglossie
La deacutefense de la diglossie se fait selon deux axes principaux
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
-La diglossie expression et moyen drsquoun conflit social
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
A partir de la distinction entre varieacuteteacute H et varieacuteteacute L eacutetablie par Ferguson se construit une autre
signification celle de la diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute Il srsquoagit drsquoineacutegaliteacute au
niveau de lrsquoutilisation des deux langues mais aussi des attitudes et repreacutesentations que les locuteurs
ont agrave propos de ces langues Ces deux aspects sont tregraves importants Le terme de diglossie permet
drsquoinsister sur cette ineacutegaliteacute qui peut ecirctre quantitative lorsqursquoil srsquoagit de lrsquoextension drsquoemploi de
ces langues ainsi la varieacuteteacute H a geacuteneacuteralement une zone drsquoextension plus grande que la varieacuteteacute B
On peut parler drsquoineacutegaliteacute qualitative lorsque les langues en preacutesence ont le mecircme statut
-Bilan de La sociolinguistique dans le domaine arabearabophone
Essor tardif malgreacute la richesse du champ puisque aireegravere immenses
Pendant toute la premiegravere partie du XXegraveme siegravecle (Auparavant voir P Larcher) les eacutetudes arabes
ont eacuteteacute diviseacutees en deux grands domaines qui se recoupaient tregraves peu
a) lrsquoeacutetude la langue arabe classique b) eacutetudes dialectales
Dans les deux cas les auteurs visent agrave des descriptions de systegravemes plus ou moins homogegravenes et
stables En ce qui concerne eacutetudes dialectales description qui repose souvent sur le parler drsquoun ou
deux informateurs supposeacutes repreacutesenteacutes lrsquoensemble de leur communauteacute le parler du Caire le
parler de Cherchell le parler de Tunis etc et parfois mecircme le parler eacutegyptien le parler syrien etc
Preacutecurseurs la dialectologie et linguistique historique
Il y a quand mecircme une linguistique historique qui se pose la question de la formation de lrsquoarabe
classique ou dialectale en particulier en ce qui concerne la peacuteriode preacuteceacutedant et suivant la conquecircte
avec des questions comme est ce que lrsquoarabe classique srsquoest constitueacute sur une koineacute poeacutetique
litteacuteraire ou sur une koinegrave dialectale etc (cf P larcher) Autour de cette question de la formation
de lrsquoarabe de la deacutefinition drsquoune koinegrave qursquoil srsquoagisse drsquoune koinegrave litteacuteraire ou dialectale on aborde
les questions de contact drsquoeacutevolution de varieacuteteacutes
-Deacutefinition drsquoune koinegrave = Varieacuteteacute neacutee du contact de diffeacuterentes varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue qui
se deacutelocalise dans le sens que nrsquoest plus le symbolelrsquoeacuteleacutement identificateur drsquoun groupe
socialement et geacuteographiquement distinct et qui de ce fait tend agrave eacuteliminer les traits les plus
particuliers les plus saillants des varieacuteteacutes en contact et tend agrave conserver les traits communs
(beaucoup plus compliqueacute que cela mais tendance geacuteneacuterale)
Donc un certain nombre de travaux autour de ces questions par des gens qui ne se deacuteclarent pas
comme des sociolinguistes mais plutocirct comme des historiens de la langue ou des linguistes Fuumlck
Ferguson Blau Cohen etc etc Relient analyse historico sociale et analyse linguistique mais les
eacuteleacutementspreuves de leur argumentation sont surtout baseacutes sur des eacuteleacutements linguistiques (liste des
traits pour la koinegrave urbaine de Ferguson ou de Cohen ou plus tard de Vesteegh pour sa theacuteorie de la
pidginisationcreacuteolisation) cf on prend un certain nombre de traits des dialectes arabes
contemporains et on les compare a) avec arabe classique et b) avec les eacuteleacutements de dialectologie
historique dont on dispose et on essaie de montrer que relegravevent ou pas drsquoun processus de
koineacuteisation
Tous ces travaux autour des questions de koinegrave litteacuteraire et surtout koinegrave dialectale sont importants
car vont eacutetablir des cateacutegories dialectales baseacutees sur des critegraveres sociaux ethniques cf la distinction
entre parlers dits nomadesbeacutedouins censeacutes ecirctre plus laquo conservateurs raquo (donc avoir gardeacutes des traits
des parlers preacute-Jahili) et parlers seacutedentaires consideacutereacutes comme laquo plus innovants raquo et agrave lrsquointeacuterieur
de ces parlers seacutedentaires les parles urbains consideacutereacutes comme eacutevidemment les plus laquo mixtes raquo car
issus soit du contact entre des dialectes diffeacuterents (koinegrave) soit du contact entre des arabophones et
des non arabophones (langue de contact)
(Pour toutes ces questions de dialectologie historiques et de cateacutegorisation etc je vous renvoie aux
laquo pegraveres laquo de la dialectologie arabe cf en franccedilais Cantineau William et Philippe Marsais pour le
Maghreb Colin etc Ces cateacutegories sont elles mecircmes inspireacutees des eacutecrits de Ibn Khaldoum
VI-2-3- Le deacuteveloppement de la dialectologie
Crsquoest agrave partir de ces cateacutegories dialectales qui se distingueraient pas des traits linguistiques
particulier que se sont deacuteveloppeacutes au Moyen Orient quelques travaux fondateurs comme ceux de
Haim Blanc sur Baghdad (1966) puis de Clive Holes sur Bahrain (1987) et au Maghreb une
sociolinguistiquedialectologie laquo urbaine raquo avec des gens comme Leila Messaoudi (Rabat)
Dominique Caubet (Fegraves) etc et tous les travaux en dialectologie urbaine qui ont montreacute que
diffeacuterentes varieacuteteacutes coexistaient dans une mecircme ville en fonction des appartenances
laquo communautaires raquo crsquoest agrave dire soit appartenance religieuse (juive chreacutetienne musulmane) ou
reacutegionales ou ethniques etc et qui ont pu eacutetudier aussi le renouvellement des parlers urbains en
montrant comment des nouveaux flux de populations drsquoorigine rurale transformaient les anciens
parlers urbains et provoquaient des pheacutenomegravenes de koineacuteisation Mais au Maghreb on reste le plus
souvent dans la dialectologie urbaine plus que dans la sociolinguistique dans le sens ougrave le plus
souvent on identifie un groupe agrave une varieacuteteacute sans deacutecrire les pheacutenomegravenes de variations
drsquoalternance individuelles La personne la plus repreacutesentative de ce courant me semble Leila
Mesaoudi (2003) qui se basant sur les travaux drsquoeacutetudes urbaines (cf Mohamed Naciri pour le
Maroc) a deacuteveloppeacute une opposition entre parler citadinparler urbain et montreacute combien les anciens
parler citadins (preacute-hilalien et andalou) eacutetaient actuellement en deacuteclin face aux nouvelles koineacute
urbaines a fort traits beacutedouins raquo
Crsquoest surtout chez les anglo - saxons et au Mashrek que lrsquoon voit se deacutevelopper une
sociolinguistique variationiste urbaine avec des gens comme Clive Holes Abdel Jawad Ibrahim
Muhamed Amara Niloofar haeri Enam Al Wer etc qui eacutetudient comment eacutevoluent les usages
linguistiques des diffeacuterents types de locuteurs en fonction de leur acircge sexe degreacute drsquoeacutetudes origine
reacutegionale etc Etudes qui analysent principalement les variantes phonologiques comme la
reacutealisation du (q) en q g k la reacutealisation des inter dentales des diphtongues etc Ces
variantes phonologiques sont consideacutereacutees comme des marqueurs de telle ou telle varieacuteteacute cf le (q)
crsquoest agrave la fois classique et certains parlers urbains le g crsquoest plutocirct ruralbeacutedouin mais devenu
urbain dans de nombreux cas le crsquoest plutocirct urbain etc etc Donc on eacutetudie la reacutealisation de ces
variantes aupregraves drsquoun certain nombre de locuteurs et on croise les variables linguistiques avec des
critegraveres sociaux (acircge sexe eacuteducation etc) et on en conclut que dans tel ou tel milieu urbain
lrsquoeacutevolution linguistique va dans le sens du deacuteveloppement de telle ou telle varieacuteteacute de langue
Ce type drsquoeacutetude qui a repris au deacutebut les concepts meacutethodologie variationiste labovienne
deacuteveloppeacute aux USA GB etc srsquoest drsquoabord heurteacute agrave une application trop meacutecaniste de la deacutemarche
labovienne et a du srsquoadapter au contexte arabophone qui est un peu plus speacutecifique du fait de la
fameuse question de la diglossie la varieacuteteacute haute des villes europeacuteennes = la varieacuteteacute parleacutee par
lrsquoeacutelite de ces villes donc standard urbain = varieacuteteacute haute prestigieuse que les autres locuteurs
essaieront ou pas de reproduire en fonction des contextes urbains Les innovations souvent
introduites par les membres des classes moyennes et se diffusent vers le haut puis repris par le
bas etc Les femmes des couches populaires ont tendance agrave reprendre plus vites les variantes
prestigieuses les hommes des milieux populaires sont plus conservateurs
Dans le monde arabe on a commenceacute agrave faire une adeacutequation entre varieacuteteacute haute et fusha
(classiquemoderne) et agrave voir comment les locuteurs des diffeacuterents parlers dialectales acqueacuteraient
ou pas les marqueurs de cette varieacuteteacute haute (donc par exemple la reacutealisation du fameux (qaf) Et
puis on srsquoest rapidement aperccedilu que parallegravelement au fusha il y avait drsquoautres varieacuteteacutes prestigieuses
en particulier les varieacuteteacutes urbaines dans un certain nombre de grand centres urbains comme le
Caire Jeacuterusalem etc les migrants drsquoorigine rurale et surtout les femmes pouvaient privileacutegier la
norme urbaine sur celle du fushahellip (Palva 1982 Ibrahim 1986 etc) Ce qui a ameneacute un certain
nombre de travaux en cours agrave srsquointerroger sur la question de la norme du standard en arabe sur
lrsquoimpact de lrsquoeacuteducation (Nilofar Haeri Enam Al Wer) et donc par ricochet ont deacuteveloppeacute une
critique drsquoune conception qui se voulait plus ou moins universalisante agrave la Bourdieu les classes
dominantes se caracteacuteriseraient par leur maicirctrise de la norme langagiegravere qursquoelles imposent aux
autres Dans le monde arabe on voit que lrsquoune des normes prestigieuses est supposeacutee ecirctre le fusha
norme que peu de gens maicirctrisent dans leur vie quotidienne les eacutelites sont plutocirct plurilingues et pas
toujours tregraves arabiseacutees (ce sont souvent plutocirct les membres des classes moyennes qui ont suivit leur
eacuteducation en arabe) lrsquoautre norme peut ecirctre le vernaculaire urbain (mais pas toujours comme on le
voit pour un certain nombre de vieilles citeacutes maghreacutebines) mais cela peut ecirctre aussi une norme
beacutedouine + - ideacutealiseacutee comme cela semble ecirctre le cas en Jordanie ou face agrave la preacutesence des
palestiniens irakiens syriens etc laquo les vrais hommes jordaniens raquo semblent revendiquer une
norme locale plus beacutedouine
Bref lrsquoensemble de ces travaux plus ou moins reacutecents sur la dialectologiesociolinguistique urbaine
ont eu le meacuterite de mettre en relief la diversiteacute des situations la complexiteacute historique du
deacuteveloppement de certains parlers la pluraliteacute des normes Beaucoup de travail reste agrave faire dans
ce domaine ougrave les vraies eacutetudes de terrain baseacutees sur des corpus restent rares Deux
exemples proches celui de Casablanca et de lrsquoarabe dit marocain Alors que le Maroc est lrsquoun des
pays ougrave lrsquoon dispose drsquoune tradition dialectologique riche et de nombreux travaux contemporains
(en particulier avec les espagnols mais aussi des auteurs marocains) on srsquoaperccediloit que si lrsquoon
connaicirct un peu lrsquohistoire de la formation du parler de Casablanca au deacutebut du XXegraveme s et son
expansion on ne dispose drsquoaucune description sociolinguistique reacuteelle et on reste dans une grande
confusion entre la koinegrave marocaine et le parler de Casablanca De mecircme pour Alger la capitale de
lrsquoAlgeacuterie qui a connu une expansion consideacuterable agrave une politique drsquoarabisation plus ou moins
reacuteussie et accepteacutee quel(s) type(s) drsquoarabe se deacuteveloppent actuellement Y a t il deacuteveloppement
drsquoune koinegrave influence croissante de fusha ou au contraire deacuteveloppement croissant du code
swtiching ou les deux etchellip autant de questions qui nrsquoont pas encore eacuteteacute traiteacutees de faccedilon
satisfaisante
Il apparaicirct enfin que la sociolinguistique arabophone srsquoest peu deacuteveloppeacutee dans un cadre
interactioniste Neacutecessiteacute de deacutevelopper lrsquoanalyse interationnelle de preacutesenter des corpus en action
et de sortir un peu des approches variationistes ou des listes drsquoisoglosses
La question de la diglossie et du continuum dialectalefusha
Crsquoest un des domaines qui a eacuteteacute le plus abordeacute en sociolinguistique arabe agrave la fois dans une
approche du contactcode switching et une approche attitudinales Massivement investi par les
anglo-saxons Donc les articles fondateurs sur la Diglossie Marccedilais +- inaperccedilu Ferguson qui a eu
un impact consideacuterable et de lagrave tout un courant pour savoir la nature le type de diglossie la mise
en eacutevidence niveaux intermeacutediaires entre les deux pocircles etc
Deux grandes tendances
- celles qui consistent agrave nommer et agrave caracteacuteriser des varieacuteteacutes intermeacutediaires entre le pocircle bas
(dialecte) et le pocircle (haut) fusha On va de 3 45 avec des notions comme lsquoammiya al-muthaqafin
(Educated Spoken Arabic) Tendances deacuteveloppeacutees par des gens comme lrsquoeacutecole de Leeds Said El-
badawi au Caire etc Mais ces travaux se heurtent agrave la difficulteacute de trouver des laquo fontiegraveres raquo claires
entres les diffeacuterentes varieacuteteacutes intermeacutediaires
- lrsquoautre tendance est de consideacuterer qursquoil y a deux pocircles + - abstraits et un continuum entre les
deux pocircles sans qursquoil soit possible drsquoisoler des varieacuteteacutes speacutecifiques entre les deux A partir de cette
conception en continuum on peut eacutetudier comment se fait le meacutelange des deux codes et appliquer
un certain nombre de regravegles et meacutethodes reprises des eacutetudes sur le Code Switching et lrsquointerlangue
cela va donc des contraintes syntaxiques de lrsquoeacutepoque Poplack agrave la theacuteorie de la Matrix language de
Myers Scotton (beaucoup drsquoarticles parus dans les volumes de Aspects of Arabic Linguistics et
eacutegalement lrsquoouvrage collectif de Rouchdy 2002 par ex cf les travaux de Gunvor Medjell etc)
Ces travaux ont reccedilu un bon eacutecho dans le monde arabe en geacuteneacuterale car permettent tout en restant
dans lsquodu politiquement correcte raquo de travailler sur de lrsquoarabe moderne de sortir un peu du carcan
du classique sans faire de la laquo dialectologie raquo qui reste une discipline encore trop souvent
consideacutereacutee comme laquo orientalisanteraquo
Les travaux sur le code switching et le continuum ne pacirctissent pas drsquoune image deacutefavorable agrave
lrsquoinverse de la dialectologie qui reste entacheacutee drsquoune reacuteputation de laquo science coloniale raquo Le
domaine des eacutetudes sur diglossieCS reste prolifique et les eacutetudes montrent que la frontiegravere entre le
fusha et le dialectale sont extrecircmement poreuses des domaines reacuteserveacutes au fusha sont de plus en
plus peacuteneacutetreacutes par le dialectal incluant lrsquoeacutecrit (journalistique le roman les publiciteacutes) et tout le
domaine relevant de lrsquooral officiel (les discours publiques les meacutedias etc) et vice versa
lrsquoinfluence principalement lexicale et phonologique du fusha se fait sentir dans lrsquooral dialectal via
eacuteducationmeacutedia certaine deacutemocratisation Il y a de grand corpus en ligne (voir les ameacutericains
comme Parkinson)
On peut se demander si cette porositeacute entre les deux pocircles reflegravete une eacutevolution contemporaine ou
si elle existait auparavant mais nrsquoavait pas eacuteteacute eacutetudieacutee Si on observe le passeacute avec minutie on
constate a) que lrsquoeacutecrit a toujours eacuteteacute +- marqueacute par le dialectal cf le fameux moyen arabe et b)
que les supposeacutees populations analphabegravetes parlant le dialectal avaient un contact avec lrsquoarabe
classique via lrsquoenseignement religieux la poeacutesie sufi etc et donc il y a certainement eu et de la
part des orientalistes et des panarabistes une sureacutevaluation de cette diglossie
Ce qui semble clair cependant crsquoest que par rapport agrave certains pronostiques des anneacutees 50-60 (les
indeacutependances) crsquoest que lrsquoarabe standard moderne ne srsquoest pas imposeacute comme unique meacutedium de
communication dans lrsquoensemble du monde arabe que les laquo dialectes raquo parlers locaux eacutevoluent
mais se maintiennent plus qursquoon aurait pu le croire puisqursquoon voit mecircme resurgir des
reacutegionalismes locaux
Un domaine qui reste agrave explorer pour les deacutecennies agrave venir eacutemergence ou pas de laquo langues
parlers raquo nationauxreacutegionaux A lrsquointeacuterieur drsquoun mecircme pays est ce que sont les tendances agrave la
koineacuteisation ou le maintien des diffeacuterences qui va lrsquoemporter est-ce que ces hypotheacutetiques
varieacuteteacutes nationales seront reconnues comme telles On entend parler drsquoarabe eacutegyptien marocain
algeacuterien syriens Ce sont en grande partie des fictions qui deacutesignent en geacuteneacuterale les varieacuteteacutes parleacutees
dans les capitales mais qui ne sont pas institutionnaliseacutees ni reconnues comme des langues
officielles et dont le rayonnement nrsquointerdit pas le maintien drsquoautres varieacuteteacutes plus locales ou
reacutegionales Mais il y a toujours eu des mouvements militant (mais toujours tregraves minoritaires) pour
lrsquoinstitutionnalisant de ces laquo langues nationales raquo et la rupture avec le fusha cf au Liban en Egypte
au Maroc actuellement (cf le numeacutero de la revue Tel Quel Darja notre langue nationale) On
retrouve donc toujours lrsquoopposition entre ceux qui ont une vision discontinuiste (ammiyya et fusha
sont des systegravemes fondamentalement diffeacuterents) et ceux qui ont une vision plus continuiste
(ammiyya et fusha se complegravetent)
Autres domaines de la Sociolinguistique arabe en deacuteveloppement
- Lrsquoahelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip maternelles en contexte migratoire des regravegles du CS etc
Un autre domaine est lrsquoinfluence de cet arabe de diaspora dans les pays drsquoaccueil cf dans la
creacuteation artistique contemporaine les parlers des jeunes etc (la musique les blagues etc cf les
travaux de Dominique Caubet etc)
CONCLUSION Le terme sociolinguistique implique donc une sensibiliteacute une approche et une meacutethodologie
particuliegraveres partir du reacuteel du concret ecirctre agrave lrsquoeacutecoute des faits de langue de variation se dire que
le marginal le particulier sont toujours instructifs que les langues sont toujours en perpeacutetuel
construction et que les humains sont les acteurs de ces constructions Crsquoest un peu comme un
historien qui deacutecide de sortir de lrsquohistoire officielle de la Cour et des Grands pour srsquointeacuteresser agrave
lrsquohistoire sociale crsquoest plus difficile cela demande de plonger dans des archives plus ou moins
accessibles lisibles etc Pour le linguiste cela demande de recueillir des corpus et de prendre le
temps de les eacutecouter analyser transcrire
Le deacuteveloppement drsquoeacutetudes avec une sensibiliteacute sociolinguistique a permis de sortir drsquoun certain
carcan imposeacute agrave la fois par de nombreux laquo orientalistes raquo et par lrsquoideacuteologie pan arabe des eacutetats
arabes lrsquoarabe est de plus en plus reconnue comme une langue plurielle ayant subi des
deacuteveloppements diffeacuterents selon les lieux et les contextes jouant des rocircles diffeacuterents etc
Pour le moment on sent bien qursquoil y a cependant un fosseacute entre ces avanceacutees et les politiques
didactiques par exemple lrsquoenseignement de lrsquoarabe reste extrecircmement probleacutematique et figeacute tant
dans les pays dits arabophones que dans les pays a forte minoriteacutes non arabophones Alors que par
exemple lrsquoenseignement du FLE ou ALE a totalement inteacutegreacute un certain nombre drsquoacquis de la
sociolinguistique pragmatique linguistique discursive il ne semble pas que ce soit le cas avec
lrsquoarabe malgreacute le nombres drsquoinstituts eacutetrangers ou arabes qui se penchent sur la question
Cours 5 ATTITUDES ET REPRESENTATIONS
Le pheacutenomegravene repreacutesentationnel est un pheacutenomegravene qui a drsquoabord inteacuteresseacute les sciences humaines la psychologie la sociologie lrsquoanthropologie bien avant la linguistique et disposent au cœur de ces sciences drsquoun savoir theacuteorique Il recouvre tout le champ qursquoon nomme repreacutesentations linguistiques langagiegraveres ou sociolinguistiques discours sur les langues attitudes linguistiques jugement sur les langues rapports subjectifs agrave la langue imaginaire linguistique Cependant chaque appellation teacutemoigne drsquoun certains point de vue Guenier deacutefinit les repreacutesentations comme laquo une forme courante et non savante de connaissances
socialement partageacutees qui contribue agrave une vision de la reacutealiteacute commune agrave des ensembles sociaux et
culturels raquo(repreacutesentations linguistiques in Moreau Sociolinguistique concepts de base Mardaga
liegravege 1996 p146)
Deux caractegraveres sont agrave relever dans cette deacutefinition
_Le caractegravere non savant des repreacutesentations il srsquoagit drsquoune forme de connaissance qui ne repose
sur aucune rationaliteacute crsquoest une connaissance intuitive purement subjective Branca-Rosoff citeacute
par Boyer in Sociolinguistique territoire et objets p79 deacutesigne ce pheacutenomegravene laquo drsquoopinions
steacutereacuteotypeacutees raquo Crsquoest donc une certaine vision une certaine perception que les locuteurs ont de
leurs langues et de celles des autres
- Les repreacutesentations linguistiques sont socialement eacutelaboreacutees et partageacutees par tous les membres
drsquoune socieacuteteacute Elles fonctionnent comme des normes sociales ideacutee partageacutee par Labov qui les
situent entre la norme ideacuteologique et les usages effectifs Pour ce dernier la norme sociale est le
fondement mecircme de la communauteacute linguistique qui ne se deacutefinit plus comme un ensemble de
locuteurs partageant les mecircmes usages (au niveau des pratiques elle est plutocirct heacuteteacuterogegravene) mais
comme un ensemble de locuteurs partageant des normes subjectives communes Ainsi les langues
sont jugeacutees positivement alors que drsquoautres le sont neacutegativement Les jugements peuvent ecirctre de
nature estheacutetique peuvent concerner le systegraveme lui-mecircme la valeur de la langue sur le marcheacute
linguistique et enfin le groupe qui la parle Nous avons donc affaire agrave un pheacutenomegravene social et crsquoest
justement ce caractegravere social des repreacutesentations linguistiques qui justifie qursquoelles constituent un
objet de choix de la sociolinguistique cependant cela nrsquoexclut pas qursquoil y ait tout de mecircme une part
individuel
Les locuteurs ne se contentent pas drsquoutiliser les langues et les varieacuteteacutes de langues ils les eacutevaluent
cette eacutevaluation influe beaucoup sur leurs pratiques linguistiques On entre ici dans le domaine des
attitudes et des normes qursquoelles impliquent chaque locuteur eacutevalue sa propre pratique et celle des
autres et ces eacutevaluations jouent un rocircle important dans le changement linguistique
La linguistique diachronique analyse le changement linguistique drsquoougrave provient une innovation
pourquoi et comment srsquoimpose-t-elle est-ce pour des raisons sociologiques qursquoune langue
change Andreacute Martinet a deacutefendu la thegravese que lrsquoeacutevolution phonologique drsquoune langue ne se faisait
pas de maniegravere aleacuteatoire mais srsquoexpliquait par la neacutecessiteacute pour son systegraveme de trouver une
stabiliteacute optimale en reacuteduisant ses deacuteseacutequilibres Drsquoautres linguistes preacutefegraverent mettre lrsquoaccent sur
des meacutecanismes sociaux par exemple un groupe peut imiter la prononciation drsquoun autre jugeacutee
plus prestigieuse
Deux tendances srsquoaffrontent pour expliquer le changement on invoque souvent le principe du
moindre effort les locuteurs confondent certaines formes phoneacutetiquement tregraves proches simplifient
des constructions syntaxiques compliqueacutees Cette tendance au moindre effort du locuteur est
contrebalanceacutee par une autre qui pousse agrave ne pas compromettre la compreacutehension crsquoest-agrave-dire le
moindre effort de lrsquoauditeur
Il nrsquoest pas rare qursquoun eacutetranger en situation officielle srsquoexcuse de ne pas parler la langue de son
interlocuteur Ce faisant il teacutemoigne drsquoune certaine politesse qui compenserait en quelque sorte
laquo lrsquoimpolitesse raquo de ne pas bien parler la langue mais il teacutemoigne aussi de la valeur positive qursquoil
accorde agrave cette langue et agrave ceux qui la parlent A lrsquointeacuterieur drsquoun groupe qui parle la mecircme langue
on observe nous le verrons un un pheacutenomegravene semblable drsquoineacutegaliteacute linguistique entre locuteurs de
statut socioculturel diffeacuterent
Par ailleurs nous sommes tour agrave tour eacutemetteurs et reacutecepteurs nos compeacutetences en tant que
reacutecepteurs sont plus grandes que nos compeacutetences en tant qursquoeacutemetteurs nous nrsquoemployons pas
toutes les structures linguistiques que nous connaissons de mecircme que nous nrsquoappartenons pas agrave
toutes les cateacutegories socioculturelles que nous sommes capables de reconnaicirctre Mais le reacutecepteur
nrsquoa pas un rocircle passif
-il reconstitue le sens de lrsquoeacutenonceacute qursquoil reccediloit selon ses propres schegravemes drsquointerpreacutetation et
lrsquoensemble de ses expeacuteriences
-il perccediloit aussi des signes linguistiques qursquoil interpregravete en fonction des connotations et des
normes en cours dans la classe sociale agrave laquelle il appartient lorsque ces signes peuvent faire
lrsquoobjet de variations ils deviennent des marqueurs socioculturels
-il juge ce qursquoil perccediloit selon lrsquoimage qursquoil a du locuteur de ses intentions de la situation et
du rocircle qursquoil y joue des enjeux de lrsquoacte de langage et selon lrsquoimage qursquoil a de lui mecircme et de ses
compeacutetences la faccedilon de parler est un facteur plus reacuteveacutelateur de la classe sociale des
interlocuteurs que les vecirctements ou les apparences de train de vie
En effet si les repreacutesentations linguistiques sont de nature sociales elles sont en rapport
eacutetroit avec lrsquoideacuteologie qui tente drsquoagir sur elles et les modegraveles Cependant si les repreacutesentations
sont agrave distinguer des discours scientifiques elles sont aussi agrave distinguer des discours ideacuteologiques
tenus par le pouvoir Branca Rossof citeacute par Boyer p79 exprime fort bien cette ideacutee en affirmant
que les repreacutesentations laquo permettent de sortir de lrsquoopposition radicale entre laquo le reacuteel raquo les faits
objectifs deacutegageacutes par la description linguistique et lrsquoideacuteologie les consideacuterations normatives
comme repreacutesentations fausses repreacutesentations eacutecrans raquo Crsquoest donc entre le reacuteel et lrsquoideacuteologie
qursquoelle situe les repreacutesentations Qursquoest ce qursquoest lrsquoideacuteologie laquo Tout systegraveme de repreacutesentations
structureacute et coheacuterent visant agrave rendre compte du monde exteacuterieur de la reacutealiteacute sociale lrsquoideacuteologie se
preacutesente sous forme drsquoun discours construit et totalisant ougrave les ideacutees srsquoenchaicircnent logiquement et
les valeurs concordent raquo (discours et ideacuteologie p4)
Ainsi lrsquoideacuteologie est un systegraveme structureacute parfaitement coheacuterent eacutelaboreacute en fonction drsquoobjectifs
bien deacutetermineacutes officiel car il srsquoagit de faccedilonner lrsquoimaginaire collectif national alors que les
repreacutesentations sociales nrsquoobeacuteissent pas agrave ces contraintes elles sont le fruit drsquoun consensus social
plus ou moins libre Mais il faut souligner qursquoen pratique la limite entre ces deux repreacutesentations
nrsquoest pas toujours clairement repeacuterable et les deux se confondent les ideacuteologues au service de
lrsquoeacutetat sont drsquoabord et avant tout des membres de la socieacuteteacute le pouvoir par les moyens qui lui sont
confeacutereacutes (meacutedia eacutecoles AIE) arrive toujours agrave faccedilonner les mentaliteacutes Ainsi on aime ou on
deacuteteste une langue parce qursquoon se fait une certaine ideacutee drsquoelle ou de ces locuteurs
QUE CONCLURE Lrsquoanalyse des repreacutesentations ne peut ecirctre eacutetudieacutee sans une analyse des pratiques linguistiques
Drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutetudier agrave la fois les comportements et les attitudes des locuteurs drsquoobserver les
productions et de ne pas se contenter de recueillir des paroles des sujets qui peuvent varier selon les
situations et les interactions(voir agrave ce sujet B Maurer Houdebine Canut et Boyer)
Cours 6- LA POLITIQUE LINGUISTIQUE OU LES NORMES LA NORME
Michel Tournier deacutefinissant le normal donne les deacutefinitions suivantes
NORMAL 1 Conforme agrave la norme Ideacuteal 2 Conforme agrave la moyenne Habituelle
Ceci peut servir dintroduction agrave qui aborde la question de la norme Cest bien la un veacuteritable problegraveme car selon les lieux selon les personnes selon le domaine les deux perspectives se mecirclent effectivement et perturbent la compreacutehension Peut-on dire que la norme est un ideacuteal cest-agrave-dire de fait quelque chose que personne natteint ou nincarne vraiment Peut-on dire que la norme est faite de la moyenne des opinions ou de la moyenne des comportements Nous allons rencontrer ces deux voies comme deux eacutecueils entre lesquels il conviendra de naviguer
Georges Mounin lui-mecircme dans son Dictionnaire de la Linguistique (PUFQuadriges reacuteeacuted 1993) commence son article Norme de la faccedilon suivante Moyenne des divers usages dune langue agrave une eacutepoque donneacutee ou usage imposeacute comme le plus correct ou le plus prestigieux par une partie de la socieacuteteacute (le bon usage)
En fait si le normal et le normatif restent des concepts tregraves grand public qui suscitent des deacutefinitions un peu floues il convient de souligner que la norme du franccedilais nest en aucun cas deacutetermineacutee en regardant les usages majoritaires Cest la varieacuteteacute de franccedilais qui agrave une eacutepoque donneacutee est procircneacutee par la socieacuteteacute franccedilaise qui simpose agrave chacun mais aussi qui est deacutefendue par chacun mecircme ceux qui en sont tregraves eacuteloigneacutes y sont attacheacutes Cest dans les classes populaires que tout en pratiquant dautres varieacuteteacutes on tient le plus agrave ce que soit enseigneacutee la norme que lon se soucie de savoir ce qui est correct ce qui ne lest pas - la norme eacutetant plus ou moins assimileacutee agrave ce qui permet de reacuteussir puisque ceux qui ont reacuteussi sont censeacutes pratiquer la norme en offrir une image On devine ainsi que la norme de fait est la varieacuteteacute pratiqueacutee par les hautes couches de la socieacuteteacute dans les situations formelles ougrave elles donnent agrave voir leur langue - varieacuteteacute dailleurs plus ou moins fantasmeacutee (et par lagrave sans doute rejoint-on la notion dideacuteal) que personne ne pratique vraiment et qui ainsi apparaicirct toujours au-delagrave des usages reacuteels Indeacuteniablement cependant des usages se rapprochent davantage de ce qui est preacutesenteacute comme la norme (dans les dictionnaires dans les grammaires) mais ces ouvrages parce quils sont eacutecrits utilisent et preacutesentent obligatoirement une varieacuteteacute diffeacuterente de loral et contribuent agrave la dichotomie si souvent formuleacutee par Monsieur Toutlemonde agrave leacutecrit ccedila va ma langue est correcte mais agrave loral je nai pas le temps de reacutefleacutechir et je parle mal
Dans ces conditions on soulignera que
la norme est une varieacuteteacute eacutecrite que lon enseigne en principe qui est formaliseacutee et toujours plus ou
moins eacuteloigneacutee des varieacuteteacutes parleacutees mecircme quand elles reccediloivent un jugement favorables de
locuteurs solliciteacutees pour donner leur avis
On ne parle jamais comme on eacutecrit (cf chapitre sur langues orales langues eacutecrites) mais les
couches sociales qui ont reacuteussi sont censeacutees davantage incarner la norme
Il est certain que plus les eacutetudes des sujets ont eacuteteacute longues plus ils pratiquent couramment des
varieacuteteacutes proches de lideacuteal quon appelle la norme ne serait-ce que parce que leur impreacutegnation agrave
travers une longue pratique de la langue eacutecrite rejaillit sur leur pratique orale Mais ne neacutegligeons
pas toutefois les facteurs sociologiques et eacuteconomiques qui interfegraverent avec ce que lon croit
attribuer agrave leur langue (richesse visible aisance sociale position eacuteconomique domination
sociale)
Ne veut-on pas imiter ceux quon preacutesente comme les modegraveles normatifs plus parce quils ont
reacuteussi que parce quils parlent bien la cravate de PPDA(1) sa faccedilon de shabiller son aisance et
son sourire parfaitement placeacute ne jouent-ils pas un plus grand rocircle que sa langue mecircme (on connaicirct
dailleurs lusage du prompter agrave la teacuteleacutevision ) pour le faire citer comme quelquun qui parle bien
Indeacuteniablement - et dans toute socieacuteteacute - servent de modegravele ceux qui ont reacuteussi et non pas ceux qui
sont consideacutereacutes comme des parias (cf les clochards ou SDF)
Noublions pas en outre que si les accents reacutegionaux ne sont plus aussi stigmatiseacutes maintenant
quil y a une trentaine danneacutees ils sont lobjet malgreacute tout de preacutecautions subtiles qui amegravenent ceux
qui atteignent les plus hautes responsabiliteacutes sociales agrave sen deacutefaire partiellement (cf le Preacutesident
Giscard dEstaing prenant des cours dorthoeacutepie pour se deacutebarrasser de son accent auvergnat qui
neacutetait pas de mise pour quelquun preacutetendant aux plus hautes fonctions et donc Preacutesident de tous
les Franccedilais) ou bien qui amegravene agrave seacutelectionner pour les plus hautes responsabiliteacutes ceux qui ont un
accent consideacutereacute comme convenable celui qui est accepteacute agrave une eacutepoque donneacutee les deux
comportements interfegraverent constamment et se reacutepondent pour eacuteliminer de la parole publique avec
une image favorable (et non pas plus ou moins ridicule) ceux qui seraient les plus eacuteloigneacutes de la
norme
Les caracteacuteristiques de la norme orale eacutevoluent au fil des siegravecles notre r actuel assez faible
un peu plus grasseyeacute agrave Paris quagrave Marseille nest plus du tout le r rouleacute que prononccedilait les
nobles il y a quelques siegravecles mais elles eacutevoluent bien plus lentement que lusage reacuteel
La norme est donc bien une question qui relegraveve fondamentalement de la sociolinguistique
deacutetermineacutee fixeacutee agrave chaque eacutepoque sur des critegraveres socio-eacuteconomiques elle se transmet dans
lenseignement et donc apparaicirct comme beaucoup plus permanente que les autres varieacuteteacutes non
formaliseacutees qui ne se transmettent que familialement (acquisition non formelle) Leacutecole joue ainsi
un rocircle essentiel dans la transmission la permanence le statut les preacuterogatives accordeacutees agrave la
norme Cest elle qui peut la reacutepandre de faccedilon quasiment universelle dans un pays Sa non-
transmission - cf le discreacutedit de leacutecole pour toute transmission ou la moindre importance accordeacutee
agrave la langue correcte agrave notre eacutepoque - ont pour premier reacutesultat que les couches sociales les plus
eacuteloigneacutees de la norme ny accegravedent plus La norme ne disparaicirct pas pour autant mais elle est alors
surtout lobjet de transmission familiale dans les familles conscientes et capables den assurer la
transmission indeacutependamment de leacutecole Leacutecole en enseignant la norme eacutetait facteur de
deacutemocratisation de la socieacuteteacute franccedilaise si elle renonce agrave cette tacircche on parvient agrave une socieacuteteacute
aristocratique dans laquelle certains savent sans avoir appris (selon lexpression consacreacutee) et ougrave
il ny a plus de chance de veacuteritable mobiliteacute sociale Contrairement agrave nos a priori on peut voir ainsi
que la norme est deacutemocratique quand ideacuteal proposeacute agrave tous elle est accompagneacutee dans son
apprentissage de la transmission des principes qui permettent de latteindre Dire (comme cela se
pratiquait agrave luniversiteacute agrave Lyon dans les anneacutees soixante) il ne faut pas dire un [floslashv] (pour
fleuve) une [foslashj] (pour feuille) cest donner agrave tous une chance dacceacuteder agrave des situations ougrave lon
ne tolegravere pas un accent reacutegional marqueacute ne plus le dire cest laisser encore les plus hautes
positions agrave ceux qui lauront compris tout seuls (dans leur famille) et bien sucircr eacuteliminer ceux qui ne
se doutent mecircme pas que ce genre de prononciation est stigmatiseacutee
On pourra distinguer avec Marie-Louise Moreau (1997) article Les types de normes
les normes de fonctionnement (habitudes linguistiques partageacutees par les membres dune
communauteacute regravegles qui sous-tendent les comportements linguistiques dun sous-groupe)
les normes descriptives (ce sont les normes de fonctionnement rendues explicites par les
descriptions qui en sont faites Mais ainsi ce sont les normes de certains sous-groupes seulement
qui sont deacutecrites on ne sinteacuteresse pas tretiennent des relations complexes avec les normes
prescriptives Elles contribuent grandement agrave la hieacuterarchisation)
les normes fantasmeacutees (ici on est toujours dans le domaine des repreacutesentations le groupe se forge
un ensemble de conceptions sur la langue et son fonctionnement qui nont souvent guegravere de zone
dadheacuterence avec le reacuteel )
La norme ou le bon usage
La norme au sens de langue que lrsquoon doit parler est un discours drsquoautoriteacute fixeacute par une institution
drsquoeacutetat) chargeacutee de creacuteer une langue homogegravene faite pour ecirctre parleacutee par un usager ideacuteal une
langue standard de partout et de nulle part uniforme polie deacutebarrasseacutee de toute impureteacute comme
-les reacutegionalismes les varieacuteteacutes geacuteographiques srsquoopposent au caractegravere centralisateur de la norme
et eacutechappent agrave tout controcircle elles sont donc connoteacutees peacutejorativement et le critegravere de la hieacuterarchie
sociale
-les innovations qursquoil srsquoagisse de changements lexicaux syntaxiques ou phoneacutetiques ils sont
ignoreacutes -non reconnus- ou attesteacutes longtemps apregraves leur apparition lorsque la norme nrsquoa pas reacuteussi
agrave srsquoimposer Face aux variations individuelles et collectives la langue normeacutee se veut homogegravene et
tire sa leacutegitimiteacute de lrsquoeacutecole
Un des comportements sociaux les mieux connus vis agrave vis de la langue est la normalisation
Fishman affirme que laquo la codification est lrsquoacceptation par une communauteacute drsquoun systegraveme formel
de normes qui deacutefinissent lrsquousage correct raquo
Qursquoest-ce que la norme ou lrsquousage correct de la langue laquo La norme est un recueil de perceptions consigneacutees dans des grammaires dites normatives et
correspondant agrave ce qursquoil faut dire pour se conformer au bon usage linguistique de la bonne
socieacuteteacute raquoDenise Franccedilois
Elle repreacutesente un choix approprieacute fondeacutes sur des preacutejugeacutes socioculturels et sur la notion de
niveaux de langues hieacuterarchiseacutees les classes dominantes et les bons auteurs emploient une langue
de qualiteacute qursquoil faut consideacuterer comme un modegravele
Parler de normes revient agrave se reacutefeacuterer agrave plusieurs acceptions
-un ensemble drsquointerdits de prescriptions sur des faccedilons de dire quelquefois accompagneacutees de
justifications de divers ordres
-tenir compte de cet ensemble de prescriptions crsquoest parler correctement sans faire de fautes
Les institutions de la norme sont
-Lrsquoeacutecole lrsquoeacutecole par le biais des grammaires et des enseignants tend agrave imposer agrave lrsquoenfant une
langue uniforme qursquoil nrsquoutilisera pas souvent ailleurs Par lrsquoenseignement de la grammaire elle
lrsquohabitue laquo non seulement agrave concevoir les reacutealiteacutes de la langue mais agrave reacuteprimer son goucirct naturel de
la parole pour substituer agrave la spontaneacuteiteacute langagiegravere une pratique eacutecrite conforme agrave des normes
rigoureuses raquo Elle lui impose de faire des phrases ainsi qursquoune prononciation de lecture standard
qui pour bon nombre drsquoenfants est artificielle cependant cette langue semblera toujours parce
qursquoimposeacutee par lrsquoeacutecole supeacuterieure agrave la sienne
-Lrsquoeacutecrit Lrsquoadministration prend le relais de lrsquoeacutecole pour perpeacutetuer la crainte de la faute et le
respect pour la langue eacutecrite laquo notre langue eacutecrite a plus de digniteacute que notre langue parleacutee
souvent fautive raquo Lrsquoopposition eacutecrit parleacute devient une opposition digne fautif Ceci appelle deux
remarques
La langue parleacutee comme la langue eacutecrite peut comporter tous les niveaux car rien nrsquoempecircche en
theacuteorie drsquoeacutecrire comme on parle ni de parler comme on eacutecrit
-De plus ces deux formes drsquoexpressions ont chacune une speacutecificiteacute de fonctionnement que la
deacutemarche normative semble ignorer Parler crsquoest construire un discours en train de se faire Le
locuteur improvise constamment ce qui lrsquoamegravene agrave heacutesiter agrave se reprendre agrave changer lrsquoorientation
de sa phrase agrave utiliser diverses strateacutegies agrave avoir recours agrave tous les proceacutedeacutes extra et
paralinguistiques regard mimiques gestes intonations Lrsquoeacutecrit nrsquoignore ni les heacutesitations ni les
reprises mais celles-ci disparaissent avec les brouillons Drsquoun point de vue linguistique il nrsquoy a
aucune raison drsquoopposer le parler et lrsquoeacutecrit de faccedilon hieacuterarchique puisque les deux domaines
fonctionnent diffeacuteremment
Une norme linguistique est un trait unificateur drsquoune socieacuteteacute tout le monde la connaicirct et sa
connaissance permet de distinguer les autochtones des eacutetrangers Mais mecircme dans le cas ougrave tout le
monde peut savoir quelles sont les variantes de statut supeacuterieur il nrsquoest pas neacutecessairement vrai que
tous voudront les adopter dans leur discours quotidien Certaines eacutetudes ont montreacute que les
reacuteactions subjectives aux variantes sociolinguistiques eacutetaient diffeacuterentes selon les classes et
impliquaient beaucoup plus qursquoune simple eacutechelle de prestige (cf Labov) Labov dans laquo
Sociolinguistique pp 250-251 339-340 418-419 raquo fait une distinction entre norme cacheacutees
voileacutees et norme manifestes normes stigmatiseacutees et norme accepteacutees Les variantes de statut eacuteleveacute
possegravedent un prestige manifeste elles sont associeacutees au pouvoir social indeacuteniable des locuteurs de
la classe supeacuterieure peuvent ecirctre la condition neacutecessaire drsquoaccegraves agrave des fonctions drsquoun statut plus
eacuteleveacute et sont promulgueacutees par les agents de la normalisation dans la socieacuteteacute tels que les meacutedias et
les instituteurs Mais pour beaucoup de locuteurs de la classe ouvriegravere ou de la petite bourgeoisie
les variables linguistiques laquo non standard raquo associeacutees agrave leurs groupes peuvent aussi posseacuteder un
prestige voileacute (covert prestige celui drsquoun groupe local de statut infeacuterieur) La signification sociale
de base de ces variables au prestige voileacute est celle de la solidariteacute une personne qui les utilise est
consideacutereacutee comme eacutetant un des leurs comme ami possible Pour certains groupes ces formes
peuvent signifier dureteacute ou viriliteacute
Pour compleacuteter vos connaissances dans le domaine de la norme reportez vous aussi sur le web agrave
un article dOlga Ozolina Quelques approches de leacutetude de la norme linguistique
Tout un cours eacutecrit par Benoiumlt Leblanc et Claude Tousignant de la Socieacuteteacute Saint-Jean-
Baptiste de la Mauricie sur la Norme linguistique mais aussi quelques autres notions
essentielles
Le franccedilais queacutebeacutecois problegraveme de norme Le texte de lintervention dAM Houdebine Norme et normes 1999
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Cours III
VI LA VARIATION LINGUISTIQUE
La question de la variation est une question fondamentale pour la sociolinguistique car il sagit
veacuteritablement de tirer les conseacutequences du constat fait par tout linguiste mecircme deacutebutant on ne
parle pas de la mecircme faccedilon dans toutes les circonstances de sa vie Une mecircme personne au cours
dune journeacutee change consideacuterablement dusage de varieacuteteacute de langue et ceci en raison de ses
interlocuteurs de lobjet de son discours des conditions immeacutediates de productionreacuteception Bien
sucircr en fonction de son milieu social de son histoire personnelle de son implantation
geacuteographique des effets que lon veutpeut produire de la maicirctrise des registres de langues acquise
du rapport agrave la langue et agrave la socieacuteteacute on recourt agrave des varieacuteteacutes linguistiques tregraves diverses qui mecircme
si elles sont globalement appeleacutees franccedilais peuvent comporter des diffeacuterences consideacuterables aux
yeux du linguiste qui les deacutecrit Cest le deacutesir dexpliquer cette variation de trouver les causes de
chaque varieacuteteacute en rendant compte de toutes les donneacutees susceptibles decirctre mises en relation avec
les formes produites qui a donneacute naissance agrave la sociolinguistique La perspective deacuteterministe est
centrale tout ce que nous disons agrave deacutefaut de pouvoir ecirctre directement conditionneacute par
lenvironnement linguistique immeacutediat (cf les variantes conditionneacutees) doit pouvoir ecirctre expliqueacute
par ce que nous sommes on retrouve les questions QUI parle A QUI OU QUAND
COMMENT POURQUOI
En preacutefeacuterant la notion de variation linguistique et en faisant de celle-ci une des
composantes essentielles de son champ disciplinaire la sociolinguistique reacutevegravele son inteacuterecirct prioritaire
pour certaines situation de communication individuelles ou collectives ougrave les locuteurs de maniegravere
permanente ou provisoire sont conduits agrave faire coexister en eux des usages linguistiques certes
distincts mais cependant proches Lrsquoideacutee de variation implique ici celle drsquoun eacutecart mais drsquoun eacutecart
veacutecu
En effet la sociolinguistique entend deacutecrire la langue dans ses emplois ses usages Cet
usage manifeste des variations le locuteur opegravere un choix parmi les varieacuteteacutes-les sous codes- de la
langue qursquoil maicirctrise notamment en fonction de son statut social du style et de la situation qui peut
ecirctre plus ou moins formelle Le formalisme du discours peut se deacutefinir en fonction des termes
constitutifs de lrsquoeacuteveacutenement de parole on peut se sentir obligeacute de se conduire de parler correctement
drsquoune maniegravere formelle face agrave un auditeur drsquoun statut social eacuteleveacute le thegraveme de lrsquoeacutechange neacutecessite
une langue soutenue ou familiegravere deacutejagrave sur le plan lexical la deacutenomination de certains objets risque
de changer radicalement suivant les personnes auxquelles on srsquoadresse le style peut ecirctre
surveilleacute(langue soutenue) familier celui du discours quotidien tel qursquoil est employeacute dans les
situations ordinaires ougrave le langage nrsquoest pas un objet drsquoattention
La sociolinguistique distingue entre variation inter linguistique et variation intralinguistique
VI-1-LA VARIATION INTRALINGUISTIQUE OU VARIATION DANS LES USAGES DE LA
LANGUE Il y a variation intralinguistique lagrave ougrave les locuteurs utilisent deux ou plusieurs variantes drsquoun mecircme
systegraveme donc drsquoune mecircme langue A lrsquointeacuterieur drsquoune mecircme langue il y a une variation constante Celle-ci peut ecirctre geacuteographique ou sociale mais la plupart du temps ces facteurs interfegraverent lrsquousage drsquoun patois est un pheacutenomegravene geacuteographique mais qui marque aussi une hieacuterarchie sociale La variation peut prendre la forme de patois de dialectes de langues de minoriteacute (en France le basque ou lrsquoalsacienne sont pas apparenteacutes au franccedilais) Crsquoest la dialectologie qui depuis la fin du XIX eacuteme siegravecle eacutetudie ce type de pheacutenomegravenes Lrsquourbanisation massive et le deacuteveloppement des communications ont bouleverseacute la
dialectologie traditionnelle qui eacutetait tourneacutee vers le monde rural Aujourdrsquohui crsquoest le monde urbain qui offre les terrains drsquoenquecircte les plus riches Crsquoest pourquoi la sociolinguistique se propose de reacuteinteacutegrer lrsquohomme dans la langue le locuteur son milieu celui auquel il srsquoadresse la communauteacute linguistique mecircme si toutes ces donneacutees sont extrecircmement complexes De fait dans les anneacutees 60 aux eacutetats ndashunis W Labov auteur notamment drsquoune seacuterie drsquoarticles publieacutes en franccedilais dans le recueil Sociolinguistique sociolinguiste bien connu pour son rocircle dans la recherche a fait apparaicirctre lrsquoabsolue neacutecessiteacute de consideacuterer la reacutealiteacute des productions langagiegraveres et non plus des abstractions (cette recherche sur les abstractions correspondait agrave un courant de la linguistique theacuteorique) il nrsquoheacutesite pas agrave dire que la sociolinguistique crsquoest la linguistique mecircme srsquoil est obligeacute de constater que certains linguistes neacutegligent agrave tort lrsquoeacutetude du contexte social Pour nous notre objet drsquoeacutetude est la structure et lrsquoeacutevolution du langage au sein du contexte social formeacute par la communauteacute linguistique Les sujets consideacutereacutes relegravevent du domaine ordinairement appeleacute linguistique geacuteneacuterale phonologie morphologie syntaxe et seacutemantique Les problegravemes theacuteoriques que nous soulegraveverons appartiennent eacutegalement agrave cette cateacutegorie tels la forme des regravegles linguistiques leur combinaison en systegravemes la coexistence de plusieurs systegravemes et lrsquoeacutevolution dans le temps de ces regravegles et de ces systegravemes Srsquoil nrsquoeacutetait pas neacutecessaire de marquer le contraste entre ce travail et lrsquoeacutetude du langage hors de tout contexte social je dirais volontiers qursquoil srsquoagit lagrave tout simplement de linguistique Et lrsquoon peut srsquoeacutetonner qursquoil soit utile de donner une base sociale eacutelargie agrave ce domaine Que la linguistique geacuteneacuterale quel qursquoen soit le contenu doive reposer avant tout sur le langage tel que lrsquoemploient les locuteurs natifs communiquant entre eux dans la vie quotidienne cela paraicirct aller de soi Aussi est-il profitable avant de continuer de voir preacuteciseacutement pourquoi il nrsquoen a pas eacuteteacute ainsi (Labov 1976 Lrsquoeacutetude de la langue dans son contexte social pp 258-259) Pour Labov il nrsquoy a pas drsquoeacutetude de la langue sans prise en compte des hommes qui la parlent sans eacutetude de lrsquoenvironnement social De ce fait Labov tente de correacuteler les maniegraveres de parler avec des variables sociales qui peuvent ecirctre beaucoup plus fines (et qui sont deacutetermineacutees preacuteciseacutement par lrsquoanalyse) que les grandes cateacutegories sociales traditionnelles (profession sexe acircge lieu de reacutesidence etc) Labov devant les donneacutees ordinaires de la situation de communication qui comportent une forte heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et qui sont geacuteneacuteralement consideacutereacutees comme aleacuteatoires va chercher agrave eacutetablir une systeacutematiciteacute (Gadet 1992b) En quelque sorte srsquoattachant au concept de variation libre Labov essaye drsquoeacutetablir les regravegles de cette variation drsquoen montrer les conditionnements Labov met agrave jour des reacutegulariteacutes trop systeacutematiques pour ecirctre le fait du hasard et il srsquoefforce de montrer selon les formules de F Gadet qursquo+ il y a une stratification de lrsquousage de la langue dans la socieacuteteacute dont il a pu eacutetablir qursquoelle eacutetait agrave la fois reacuteguliegravere et extrecircmement fine Elle ne peut toutefois se saisir qursquoagrave travers des consideacuterations de freacutequence puisque ce nrsquoest guegravere la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoune variante qui est en cause mais des taux drsquooccurrences compareacutes (F Gadet 1992b p 6)
Il srsquoagit drsquoassocier chaque variante linguistique agrave une cause extra-linguistique (classe sociale sexe acircge habitat race attitudes du locuteurs circonstances de la communication etc) ou chaque ensemble de variantes linguistiques (reacutealisation dune variable) agrave une ou des variables sociales selon un scheacutema que lrsquoon pourrait repreacutesenter ainsi
Ensemble des variables sociales Ensemble des variables linguistiques Une fois correctement eacutetablies les variables en modifiant lrsquoune des variables sociales on devrait
obtenir une varieacuteteacute nouvelle (un ensemble de variantes diffeacuterentes) au niveau linguistique Attention on rappellera ici la notion de variante conditionneacutee On parle en linguistique de variante
conditionneacutee quand on peut eacutetablir une correacutelation stricte entre lrsquoapparition drsquoune uniteacute linguistique et le
contexte linguistique de son apparition ainsi en franccedilais du Midi la reacutealisation [o] [ɔ] est conditionneacutees ces deux formes sont deux variantes conditionneacutees drsquoune seule uniteacute phonologique le o selon la regravegle
suivante [o] en finale ex pot chaud dos o [ɔ] + C ex rose chaude jaune code Paul pocircle Dans
drsquoautres reacutegions de France on pourra trouver des o et des ɔ non conditionneacutes par le contexte comme le montrent les prononciations laquo parisiennes raquo de saute sotte ou de pocircle Paul
Crsquoest un conditionnement de ce type que Labov a tenteacute drsquoeacutetablir non plus entre un environnement linguistique et certains sons mais entre des variables extra-linguistiques (sexe acircge situation sociale) et des uniteacutes comportant du sens (du morphegraveme uniteacute minimale de signification agrave la phrase ou au discours uniteacute vaste) Dans une perspective deacuteterministe (une deacutemarche scientifique est drsquoune faccedilon ou drsquoune autre preacutesenteacutee comme deacuteterministe) Labov pense que si nous ne parvenons pas agrave eacutetablir un conditionnement strict entre des variables extra-linguistiques et des variantes linguistiques crsquoest parce que notre analyse est
incomplegravete parce que nous avons neacutegligeacute des donneacutees Il propose de ce fait de multiplier les investigations pour trouver les variables pertinentes
Avec William Labov le pegravere de lapproche variationniste en sociolinguistique on a pris lhabitude de distinguer quatre types de variation
la variation diachronique (ou historique) la variation diatopique (ou geacuteographique) la variation diastratique (ou sociale) la variation diaphasique (ou stylistique)
Variation diachronique
La variation diachronique est lieacutee au temps elle permet de cotraster les traits selon quils sont perccedilus comme plus ou moins anciens ou reacutecents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diatopique
La variation diatopique joue sur laxe geacuteographique la diffeacuterenciation dune langue suivant les reacutegions relegraveve de cette variation Pour deacutesigner les usages qui en reacutesultent on parle de reacutegiolectes de topolectes ou de geacuteolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diastratique
La variation diastratique explique les diffeacuterences entre les usages pratiqueacutees par les diverses classes sociales Il est question en ce cas de sociolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diaphasique
On parle de variation diaphasique lorsquon observe une diffeacuterenciation des usages selon les situations de discours ainsi la production langagiegravere est-elle influenceacutee par le caractegravere plus ou moins formel du contexte deacutenonciation et se coule-t-elle en des registres ou des styles diffeacuterents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Franccediloise Gadet propose dajouter la variation diameacutesique quelle deacutefinit ainsi Une autre distinction relevant eacutegalement de lusage intervient entre oral et eacutecrit Elle est particuliegraverement forte dans une langue de culture tregraves standardiseacutee comme la franccedilaise Ici cest la distinction de chenal de transmission de la parole qui constitue le point dancrage de la diffeacuterence aucun locuteur ne parle comme il eacutecrit aucun neacutecrit comme il parle La distinction nest pas purement mateacuterielle elle touche aussi la conception mecircme des discours Il faudra donc distinguer entre ce qui est un effet geacuteneacuteral de loraliteacute et ce qui relegraveve de la variation (Gadet 2004 p 98)
Cette recherche de William Labov (La stratification sociale de lrsquoanglais dans la ville de New york) a eacuteteacute
meneacutee sur la relation entre variation linguistique et stratification sociale dans une grande ville ameacutericaine et en particulier sur lrsquoanglais de noirs Une preacute-enquecircte meneacutee dans trois grands magasins diffeacuterents quant agrave la qualiteacute et au prix des produits vendus et par conseacutequent agrave la cateacutegorie sociale de leur clients a permis de montrer que les employeacutes de ces magasins qui pourtant appartenaient tous agrave la mecircme classe sociale reacutealisaient les variantes phoneacutetiques conformeacutement agrave la faccedilon de parler des clients agrave qui ils avaient affaire en fonction du magasin(du quartier ougrave il se trouvait) voire du rayon dans le magasin( de la nature des produits proposeacutes)
La seule preacutesence de lrsquoobservateur lors drsquoune enquecircte suffit agrave modifier le comportement linguistique de lrsquoenquecircteacute lequel a tendance agrave se rapprocher de la varieacuteteacute officielle ou de prestige Les modaliteacutes de lrsquoenquecircte entraicircnent eacutegalement des variations dans les productions Crsquoest ce qui a ameneacute Labov agrave varier ses strateacutegies (eacutecoute pirate deacuteguisement ) et agrave deacutefinir des styles contextuels dont le plus surveilleacute reacutepond agrave la lecture et le moins surveilleacute au discours spontaneacute familier hors enquecircte Lagrave aussi plus le locuteur accorde drsquoattention agrave son discours plus il se rapproche de la norme officielle Tout cela met en lumiegravere la fonction sociale et symbolique des variations linguistiques qui ne sont que rarement des choix deacutelibeacutereacutes
La varieacuteteacute linguistique propre agrave un groupe dominant srsquoimpose comme marque de prestige et deacutetermine lrsquoattitude des locuteurs du groupe domineacute face agrave leur propre varieacuteteacute les colonisateurs le savent bien et un de leurs premiers soucis est de transmettre leur eacutevaluation Ces travaux de dialectologie urbaine ont permis de deacutevelopper des meacutethodologies originales drsquoanalyse de lrsquousage en situation authentique lrsquoobservateur srsquoefforccedilant de ne pas fausser les donneacutees par sa preacutesence
-variation selon les groupes sociaux il peut srsquoagir de groupes constitueacutes sur les bases de lrsquoorigine
ethnique du pouvoir eacuteconomique du sexe de lrsquoacircge
-variation en fonction de la situation de communication les mecircmes locuteurs ne parlent pas de la
mecircme faccedilon selon les situations (en situation formelle ou en situation familiegravere agrave lrsquoeacutecrit et agrave lrsquooral
A partir de cette enquecircte ceacutelegravebre sur les adolescents noirs lAmeacutericain William Labov a donc rechercheacute les correacutelations entre certaines variations linguistiques et la position sociale des locuteurs etou la situation de communication
Cette deacutemarche la ameneacute agrave isoler deux niveaux de variation
- Un niveau social diffeacuterents locuteurs dune mecircme langue parlent diffeacuteremment
- Un niveau stylistique un mecircme locuteur utilise diffeacuterents registres de langage (familier soutenu) selon la situation Mais W Labov remarque que leacutecart entre langue courante et langue soutenue est beaucoup plus important chez un ouvrier que chez un cadre supeacuterieur
Pour W Labov la langue est soumise agrave trois sortes de regravegles
- Les regravegles cateacutegoriques quaucun locuteur ne viole jamais Aucun francophone ne dit laquo on venons raquo ou laquo nous vient raquo
- Les regravegles semi cateacutegoriques dont la violation - freacutequente - est interpreacutetable socialement la tournure laquo aller au coiffeur raquo est jugeacutee populaire par la norme
- Les regravegles variables
- Se meacutefier de lrsquointrospection drsquoune preacutetendue laquo compeacutetence raquo (cf Chomsky) on ne touche de fait
que des laquo performances raquo et il existe des proceacutedures objectives drsquoanalyse linguistique pour
approcher la variation ndash qui est la regravegle
- Srsquoil y a de la variation il convient toujours de tenter de lrsquoexpliquer les preacutetendues laquo variantes
libres raquo sont des variantes dont le conditionnement nous eacutechappe mais il convient de chercher
parmi les donneacutees sociales au sens large celles qui de fait conditionnent les variantes analyseacutees
-Se rappeler que lrsquoon tente toujours drsquoenquecircter sur la langue drsquoune communauteacute linguistique et non
pas sur celle drsquoun seul individu Se soucier neacutecessairement de la question de la repreacutesentativiteacute des
informateurs
En conseacutequence scepticisme quant aux laquo universaux raquo au sens ougrave ils pourraient ecirctre preacutesents
dans toutes les langues Mais crsquoest lrsquoexplication qui forge lrsquouniversaliteacute (cf ne pas confondre les
universaux de la linguistique avec des universaux du langage )
- Inteacuterecirct particulier pour le changement linguistique tout particuliegraverement les signes du
changement en cours Toutes conditions eacutegales ce qui a entraicircneacute des changements dans le passeacute se
reproduit neacutecessairement maintenant (mais ne pas oublier les caracteacuteristiques sociales qui font
partie des laquo conditions eacutegales raquo)
VI- 2 LA VARIATION INTERLINGUISTIQUE Il nrsquoest pas dans notre intention drsquoeacutenumeacuterer ici toutes les deacutefinitions ou typologies proposeacutees pour le bilinguisme mais de retenir celles qui nous semblent avoir un inteacuterecirct pour la sociolinguistique
VI-2-1 Bilinguisme et plurilinguisme
Tregraves longtemps il y a eu des deacutebats pour savoir srsquoil fallait parler de bilinguisme ou de
plurilinguisme Il y a de nombreuses deacutefinitions nous retenons celle de
-Georges Mounin laquo Le fait pour un individu de parler indiffeacuteremment deux langues raquo laquo eacutegalement
coexistence de deux langues dans la mecircme communauteacute pourvu que la majoriteacute des locuteurs soit
effectivement bilingue raquo
-Deacutefinition du dictionnaire de didactique des langues laquo le bilinguisme est une situation qui
caracteacuterise les communauteacutes linguistiques et les individus installeacutes dans les reacutegions multilingues
-Dictionnaire des sciences du langage de Todorov laquo un individu est dit multilingue srsquoil possegravede
plusieurs langues apprises lrsquoune comme lrsquoautre comme langue maternelle raquo
Le bilinguisme agrave travers ces trois deacutefinitions peut ecirctre consideacutereacute soit comme le fait drsquoune
communauteacute soit comme le fait drsquoun individu Ces diffeacuterences renvoient agrave tout un deacutebat de
linguistes qui consideacuteraient que seuls les individus peuvent ecirctre bilingues et drsquoautres qui
consideacuteraient que cette notion peut srsquoeacutetendre agrave toute une communauteacute linguistique
Se posent alors le problegraveme de degreacute drsquoextension du bilinguisme agrave partir de quel pourcentage
considegravere - t-on que la communauteacute est bilingue et quand peut-on parler de bilinguisme
Selon lrsquoacircge drsquoacquisition des langues on a pu parler de bilinguisme preacutecoce ou tardif selon la
distribution faite dans la communauteacute on parle de bilinguisme composeacute individuel stylistique ou
social Toutes ces approches deacutefendent un point de vue diffeacuterent
Les diffeacuterentes approches -Lrsquoapproche normative
Elle prend en consideacuteration le degreacute de maicirctrise de la langue deux positions srsquoaffrontent lrsquoune dit
que tout le monde est bilingue lrsquoautre que personne est bilingue
a)Tout le monde est bilingue
Les deacutefenseurs de cette thegravese pensent que dans tout acte de communication les locuteurs srsquoadaptent
agrave une situation donneacutee Or une langue varie selon les situations de communication les locuteurs
drsquoune langue disposent drsquoune varieacuteteacute drsquousages maicirctriser une langue crsquoest savoir utiliser cette
varieacuteteacute crsquoestndashagrave-dire savoir adapter son discours agrave chacune de ses situations linguistiques
Mahmoudian eacutecrit laquo on maicirctrise mieux une langue dans la mesure ougrave on manie un nombre plus
eacuteleveacute drsquouniteacutes linguistiques et que lrsquoon comprend mieux le sens qui rattache ces uniteacutes aux
circonstances raquo
Martinet laquo deacuteveloppe la mecircme ideacutee lorsqursquoil dit que la maicirctrise drsquoune langue est constitueacute par une
hieacuterarchie drsquousages possibles qui sont les usagers quotidiens les usagers solennels politiques
artistiques
Ceci implique donc que le locuteur est agrave chaque instant obligeacute drsquoadapter son langage agrave la situation
On peut dire que tout locuteur est bilingue exemple du langage becirctifieacute des parents lorsqursquoils
parlent aux enfants ou les colons qui tentent drsquoadapter leur langue maternelle aux parlers creacuteoles
b) Personne nrsquoest bilingue
Certains linguistes disent que le bilinguisme nrsquoexiste pas dans la mesure ougrave personne nrsquoest capable
de maicirctriser agrave la perfection deux langues crsquoest agrave dire sans aucune interfeacuterence Si on prend en
consideacuteration ces paramegravetres il nrsquoy a pas de bilinguisme
Andreacute Martinet explique que ce critegravere de la perfection nrsquoa guegravere de sens car mecircme un locuteur
unilingue ne possegravede pas agrave la perfection sa langue et qursquoil nrsquoen utilise pas toutes les possibiliteacutes
lexicales ou syntaxiques Ce critegravere de la perfection est rejeteacute car il ne permet nullement de deacutefinir
le bilinguisme ou le monolinguisme
c La troisiegraveme tendance tente de deacutefinir le degreacute de maicirctrise relative
Ils rapportent la meacutethode de Malherbe une seacuterie de critegraveres permettent de deacutefinir une situation de
bilinguisme
-ecirctre en mesure de mener une conversation un discours ou un sermon dans une langue eacutetrangegravere
que ce soit agrave lrsquoeacutecrit ou agrave lrsquooral Savoir lire les journaux dans cette langue et en saisir lrsquohumour
-Etre en mesure de mener une conversation intelligible dans une autre langue et pouvoir lire sa
litteacuterature
-Savoir lire implacablement lrsquoautre langue
-Savoir enseigner les deux langues
-Posseacuteder une grande maicirctrise des deux langues
-Posseacuteder une connaissance parfaite des deux langues
Que dire
La mesure de la perfection repose sur des jugements de valeur subjectifs on mecircle diffeacuterents
niveaux de maicirctrise drsquoune langue lrsquoeacutecrit et lrsquooral
On mecircle pareillement la maicirctrise drsquoune langue et lrsquoaptitude agrave lrsquoenseigner ce qui ne se justifie pas
Beaucoup savent parler une langue mais ne peuvent lrsquoenseigner
On peut dire que les systegravemes de mesure de la perfection linguistique est un faux problegraveme car
toute situation de bilinguisme est marqueacutee par une fluctuation des usages (variation continuelle)
En effet le comportement linguistique des bilingues est tregraves variable il deacutepend de nombreux facteurs drsquoordres psychologiques et sociaux Il y a des pheacutenomegravenes de pressions sociales les situations de communication qui fait qursquoon ne peut eacutetablir des grilles rigoureuses La mesure de perfection se reacutevegravele vaine il faut srsquoen tenir aux propositions de W Mackey laquo le bilinguisme doit ecirctre consideacutereacute comme un concept non pas absolu mais relatif raquo Renzo Titone ajoute en rapportant Mackey qursquoil ne faut pas poser la question cet individu est-il bilingue Mais plutocirct dans quel sens est-il bilingue crsquoest-agrave-dire qursquoil faut rendre compte de la pratique bilingue du locuteur de son comportement bilingue mais pas tenter de deacutefinir la nature du bilinguisme qursquoil pratique
Lrsquoapproche psychologique
A-Le bilinguisme infantile ou preacutecoce On parle de bilinguisme infantile quand il srsquoagit drsquoun enfant qui degraves sa naissance est
simultaneacutement confronteacute agrave deux systegravemes linguistiques diffeacuterents par exemple lorsque la megravere et le
pegravere parlent agrave lrsquoenfant chacun leur langue ou lorsqursquoune 3egraveme
personne parle une autre langue que
celle que parlent les parents En fait cette situation est plus rare que la situation de bilinguisme
preacutecoce ougrave lrsquoon a des enfants monolingues dans les premiegraveres anneacutees de leur enfance qui
apprennent ensuite une seconde langue soit par impreacutegnation du milieu familial et social soit agrave
lrsquoeacutecole Les eacutetudes agrave orientation psychologiques se proposent toujours diffeacuterents objectifs certaines
eacutetudes se proposent drsquoexaminer le comportement de lrsquoenfant qui est aussi tregraves tocirct mis en contact
avec 2 ou plusieurs langues en geacuteneacuteral ces eacutetudes essaient de deacuteterminer la conscience qursquoa
lrsquoenfant de parler ou de ne pas parler plusieurs langues on a 2 types de constatations qui
apparemment sont contradictoires
1-Il semble selon certaines expeacuteriences que les enfants acquiert les diffeacuterentes langues sans
srsquoen apercevoir On cite les propos drsquoun linguiste allemand bilingue qui degraves son plus jeune acircge agrave la
question raquo savez vous depuis le deacutebut que vous parliez deux langues Il reacutepondit laquo je suppose que
non je parlais spontaneacutement la langue de mon interlocuteur sans savoir ce que je faisais et cela
depuis le deacutebut comme jrsquoai pu le deacuteduire du teacutemoignage de mes parents
2- En face de ce premier type de recherche on a une autre type de recherche qui montre que les
enfants distingue assez tocirct entre 3 et 4 ans les diffeacuterents systegravemes qursquoil parle et preacuteciseacutement cette
capaciteacute de parler et la situation dans laquelle ils se trouvent tregraves vite ils perccediloivent ce qursquoon
attend drsquoeux dans la situation scolaire et dans la situation familiale ou amicale
Un autre facteur inteacuteressant crsquoest leur capaciteacute de traduire Renzo Titone cite le cas de conscience
diffeacuterentielle qui lui permet de diffeacuterencier les systegravemes ce qui implique que lrsquoenfant possegravede une
double compeacutetence crsquoest-agrave-dire une maicirctrise intuitive de regravegles et de meacutecanismes diffeacuterents
laquo Lrsquoenfant bilingue reacuteussit-il agrave faire le rapport entre les personnes et les situations distinctes et les
idiomes raquo
Lrsquoenfant pratique la diffeacuterenciation des systegravemes mais il ne possegravede pas la capaciteacute drsquoeacutenoncer de
formuler cette aptitude Il a une conscience intuitive qursquoil ne peut formuler
Le bilinguisme favorable ou deacutefavorable
La question souvent poseacutee est celle de savoir si le bilinguisme est favorable ou deacutefavorable
srsquoil est nuisible ou non Cette question est poseacutee agrave deux niveaux drsquoabord agrave propos des enfants on
se demande bien souvent si le bilinguisme est preacutejudiciable ou non au deacuteveloppement de lrsquoenfant
crsquoest agrave dire agrave son eacutequilibre psychologique affectif drsquoautre part si crsquoest preacutejudiciable agrave lrsquoacquisition
de sa langue maternelle et de sa langue Ces preacutesupposeacutes sont deacutementis par de nombreuses
expeacuteriences faites sur des enfants bilingues
Renzo Titone expose le cas drsquoun enfant qui apprend lrsquoallemand avec sa megravere et le franccedilais avec
son pegravere la prononciation fut celle drsquoun enfant unilingue degraves le deacutebut le bilinguisme ne retardera
pas le deacuteveloppement geacuteneacuteral du langage crsquoest agrave dire que lrsquoacquisition des deux langues nrsquoa pas
entraicircneacute de retard Les emprunts drsquoune langue agrave une autre reacuteitegraverent des cas isoleacutes Dans les deux
langues on assisteacute agrave un deacuteveloppement parallegravelement en phoneacutetique en morphologie en syntaxe
Lrsquoenfant devient tregraves vite conscient de son bilinguisme et traduisait les messages drsquoune langue agrave
une autre Il acquit le concept abstrait de langue Tous ces exemples donneacutes par Titone semblent
contredire la thegravese qui veut que le bilinguisme soit dangereux preacutejudiciable Mecircme thegravese
deacuteveloppeacutee par Abdellah Cheacuteriet pour qui le bilinguisme est contre reacutevolutionnaire dangereux
pour lrsquoauthenticiteacute et pour la langue arabe alors que Lacheraf eacutetait pour le bilinguisme
Selon Cheacuteriet le bilinguisme nrsquoest pas une voie reacutevolutionnaire pour lrsquoenseignement mais
bourgeoise car ce nrsquoest pas le bilinguisme qui donne au peuple sa formation socialiste De plus le
bilinguisme est contraire agrave lrsquoauthenticiteacute et le fait drsquoenseigner une langue eacutetrangegravere agrave lrsquoenfant
orientera sa mentaliteacute et donc son authenticiteacute
Remarque le bilinguisme est consideacutereacute sous un angle particulier on considegravere les deux
langues rivales Pourtant lrsquoAlgeacuterie est plurilingue et Cheacuteriet ne parle jamais des autres langues les
arguments avanceacutes sont biaiseacutes la reacutealiteacute linguistique nrsquoest jamais deacutecrite lrsquoarabe classique est
consideacutereacute comme une langue maternelle En fait le veacuteritable problegraveme dans des cas de bilinguisme
est la prise en charge peacutedagogique et un environnement harmonieux laquo En creacuteant un environnement
adapteacute le petit enfant pourrait tregraves bien apprendre deux langues ou plus sans grave difficulteacute et la
redoutable barriegravere linguistique serait deacutetruite agrave la base raquoTitone
3 Lrsquoapproche sociale On peut parler du bilinguisme social lorsqursquoon prend en consideacuteration lrsquoexpansion du
bilinguisme au niveau de toute une communauteacute Cette approche sociale traite drsquoun certains
nombres de questions
-le statut des langues en contact
-la distribution de ces langues crsquoest-agrave-dire comment les langues se distribuent-elles
parmi les locuteurs comment sont-elles pratiqueacutees par les locuteurs drsquoougrave lrsquoeacutetude drsquoun certains
nombre drsquoeacuteleacutements agrave prendre en charge la situation de communication lrsquoappartenance sexuelle
sociale on srsquoattache aussi au pheacutenomegravene de prestige de valorisation et de deacutevalorisation
pheacutenomegravene de meacutemorisation Crsquoest-agrave-dire lrsquoattitude du locuteur agrave lrsquoeacutegard de ceux qui parlent
-les problegravemes de planification linguistique Elle prend aussi en charge le retentissement
de tous les eacuteleacutements au niveau de la dynamique des langues crsquoest agrave dire la capaciteacute drsquoeacutevolution de
stagnation de vie ou de mort des langues quels sont les symptocircmes qui permettent de reconnaicirctre
ces pheacutenomegravenes
Lrsquoimportance de ces pheacutenomegravenes sociaux se manifeste dans lrsquoexemple que nous
empruntons agrave Juliette Garmadi 1981 La sociolinguistique PUF Paris concernant le cas du
Vaupegraves reacutegion qui se situe au centre de lrsquoAmazonie avec une frontiegravere commune agrave la Colombie et
au breacutesil
Quelles sont les caracteacuteristiques sociales de cette reacutegion il srsquoagit drsquoune population
indienne qui vit dans des habitations disperseacutees cependant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune
population seacutedentaire bien qursquoil lui arrive de se deacuteplacer Il y a plusieurs niveaux de structuration
sociale de cette population elle est structureacutee en uniteacutes deacutefinies par un seul critegravere lrsquouniteacute
linguistique Chaque groupe drsquoindividus parlant la mecircme langue est consideacutereacute comme appartenant
agrave la mecircme tribu La tribu est deacutefinie par la langue du pegravere donc tous ceux qui ont utiliseacutes degraves leur
enfance la langue du pegravere font partie de la mecircme tribu Crsquoest donc la langue du pegravere qui confegravere
lrsquoidentiteacute au groupe agrave la tribu Un indien de cette tribut doit se marier avec une femme drsquoune autre
tribu obligatoirement donc parlant une autre langue sinon cela est consideacutereacute comme un inceste
Exemple un enfant appartenant agrave une tribu doit avoir comme premiegravere langue la langue de son
pegravere la megravere est tenue drsquoapprendre la langue de son mari mais elle peut aussi parler sa langue avec
les autres femmes elle communique avec son fils la langue de son mari
Quels sont les points que suscite lrsquoattention du linguiste par rapport au vaupeacutes
-Au niveau de lrsquoeacutetendue du bilinguisme
Le plurilinguisme pourrait ecirctre envisageacute dans cette reacutegion agrave plusieurs niveaux au niveau familial
ou cellule nucleacuteaire Au niveau de la tribu au niveau du Vaupegraves
Selon Juliette Garmadi il y a une stabiliteacute du plurilinguisme que lrsquointroduction du portugais et de
lrsquoespagnol dans la reacutegion ne semble pas remettre en cause Elle affirme une des premiegraveres
conclusions que lrsquoon peut tirer de lrsquoeacutetude de la situation du Vaupegraves est que les socieacuteteacutes complexes
ne sont pas les seules garantes possibles de la stabiliteacute du plurilinguisme Elle veut dire que lrsquoon
aurait tendance agrave croire qursquoune situation comme le vaupeacutes avec lrsquoaccord de la colonisation aurait
pu voir son plurilinguisme ceacuteder devant la langue du colonisateur or il nrsquoen est rien car le
plurilinguisme du Vaupegraves se maintient tregraves bien Donc les socieacuteteacutes stables ne sont pas les seules
garantes de la stabiliteacute
Lrsquoexistence du plurilinguisme et de sa stabiliteacute ne sont lieacutees ni agrave des types drsquoinstitutions preacutecises ni
au nombre des locuteurs ni agrave la dimension ni agrave la densiteacute drsquoun pays
Juliette Garrmadi agrave travers lrsquoexemple du Vaupegraves semble remettre en question toutes ces
hypothegraveses
-Au niveau psychologique du bilinguisme
Au niveau psychologique le plurilinguisme peut ecirctre preacutecoce ou tardif ce bilinguisme est aussi
eacutequilibreacute car les langues acquises dans lrsquoenfance le sont avec une maicirctrise eacutegales
-Au niveau linguistique et seacutemio culturel
Au niveau des systegravemes culturels transmis par le langage on peut parler de bilinguisme composeacute
crsquoest agrave dire que les langues parleacutees reacutefegraverent agrave une mecircme situation seacutemio culturelle que les langues
indiennes parleacutees dans le Vaupegraves renvoient au mecircme reacutefeacuterent culturel dans la mesure ougrave la culture
indienne de cette reacutegion est homogegravene et que toutes les langues parleacutees sont le veacutehicule de cette
culture homogegravene ce qui peut se traduire en disant que les enfants du Vaupeacutes ont un seul systegraveme
de signifieacute mais qursquoils ont pour le traduire diffeacuterents signifiants correspondant aux diffeacuterentes
langues qursquoils parlent Crsquoest dans ce cas que lrsquoon parle de bilinguisme composeacute car ce dernier
implique theacuteoriquement la permeacuteabiliteacute des systegravemes linguistiques en contact crsquoest-agrave-dire qursquoil y a
tregraves souvent passage drsquoune langue agrave une autre il y a interfeacuterence agrave tout niveau phonologique
lexical et syntaxique
Conclusion
Si lrsquoon srsquoen tient au cas du Vaupeacutes on peut dire agrave propos de lrsquoAlgeacuterie qursquoelle preacutesente bien une
situation de plurilinguisme social Ce bilinguisme peut ecirctre caracteacuteriseacute agrave la fois comme preacutecoce et
tardif(beaucoup drsquoenfants apprennent les langues dans leur petite enfance mais aussi agrave lrsquoeacutecole) Ce
bilinguisme est aussi eacutequilibreacute il est plutocirct coordonneacute que composeacute car le reacutefeacuterent seacutemioculturel du
kabyle et du franccedilais est diffeacuterent du kabyle et de lrsquoarabe le franccedilais lrsquoest aussi
Cours 4
Bilinguisme et diglossie
1-Introduction
Dans une situation de contact de langues le statut de chaque langue varie suivant les rapports de
domination entre les groupes qui les parlent et les perceptions que les individus ont de ces rapports
Il srsquoensuit que les usages langagiers varient dans lrsquoespace social et geacuteographique en fonction de ces
rapports intergroupes si ces rapports changent les rapports de statut et donc les usages eux-mecircmes
varieront Crsquoest agrave de tels pheacutenomegravenes de variations sociolinguistiques que nous allons nous
inteacuteresseacutes En premier lieu nous examinerons le pheacutenomegravene de diglossie qui reacutesulte de relation de
statuts entre une langue et une varieacuteteacute de langue super-ordonneacutee et une autre langue ou varieacuteteacute de
langues subordonneacutees dont les usages respectifs sont en distribution compleacutementaire plus ou moins
stable dans une socieacuteteacute donneacutee
Selon Mackey laquo une socieacuteteacute dont tous les membres seraient capables de comprendre lire parler et
eacutecrire deux langues utiliseacutees dans cette socieacuteteacute devrait sans doute abandonner une de ces langues
car elle serait redondante Autrement dit pour que deux ou plusieurs langues survivent dans une
socieacuteteacute il est neacutecessaire qursquoelles remplissent des fonctions compleacutementaires-soit qursquoelles sont
utiliseacutees par tous les locuteurs pour des fonctions et dans des domaines distincts soit qursquoelles sont
utiliseacutees par des locuteurs appartenant agrave des groupes ethnolinguistiques diffeacuterents soit qursquoun
groupe parle la langue dominante lrsquoautre groupe la langue domineacutee avec entre les deux des
individus bilingues qui parlent la langue de lrsquoun et de lrsquoautre
1-Deacutefinition et historique de la diglossie
La notion de diglossie (du grec ancien diglottos signifiant bilingue) est un concept
sociolinguistique deacuteveloppeacute par Ferguson(1959) pour deacutecrire toute situation dans laquelle deux
varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue sont employeacutees dans des domaines compleacutementaires lrsquoune de ces
varieacuteteacute eacutetant geacuteneacuteralement de statut socialement supeacuterieur agrave lrsquoautre
Dans un sens large la diglossie existe dans toutes les socieacuteteacutes ougrave lrsquousage quotidien diffegravere
sensiblement de la norme officielle il faut que chaque varieacuteteacute soit utiliseacutees de maniegravere
systeacutematique par exemple une varieacuteteacute est employeacutee dans les domaines formelles comme
lrsquoadministration la religion la poeacutesie alors que lrsquoautre est reacuteserveacutee agrave la conversation courante aux
discussions informelles agrave la correspondance non officielle Fergusson qualifie ces deux varieacuteteacutes
lrsquoune haute et lrsquoautre basse Exemple Le monde arabe lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal La
Gregravece le grec le katharevousa et le grec populaire le dhimotiki
Le terme de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Fishman (1967) agrave lrsquousage compleacutementaire institutionnaliseacute
de deux langues distinctes dans une communauteacute donneacutee Cette situation de diglossie se caracteacuterise
par un certain nombre de traits
-La fonction la fonction des deux varieacuteteacutes H et L nrsquoest pas la mecircme il y a reacutepartition de chacune
drsquoentre elles selon les situations de communication
-la notion de prestige on se place ici au niveau de lrsquoattitude des locuteurs qui ont tendance agrave
qualifier H de supeacuterieure de plus belle de plus logique de plus apte agrave exprimer les penseacutees
importantes Ils affirment aussi qursquoils preacutefegraverent entendre un discours politique dans cette varieacuteteacute La
varieacuteteacute L est consideacutereacutee comme eacutetant infeacuterieure incapable drsquoexprimer un discours litteacuteraire
-La litteacuterature eacutetant reacutedigeacutee dans la varieacuteteacute haute elle contribue agrave ce que cette derniegravere soit tenue
dans sa plus haute consideacuteration
Le mode drsquoacquisition La varieacuteteacute basse est geacuteneacuteralement la langue maternelle son acquisition se
fait par lrsquousage donc au sein de la famille La varieacuteteacute haute srsquoapprend agrave lrsquoeacutecole
-La standardisation constitueacutee par la moyenne des usages des locuteurs ex le franccedilais standard
constitue la norme
-La stabiliteacute la situation de diglossie est passagegravere soumise agrave lrsquoeacutevolution Le rapport entre une
langue H et une langue L est ponctuel eacutepheacutemegravere susceptible drsquoeacutevolution
En fait dit Fergusson il nrsquoen est rien La situation de diglossie se caracteacuterise par la stabiliteacute elle
peut durer plusieurs siegravecles Srsquoil y a eacutevolution crsquoest par lrsquointermeacutediaire drsquoune forme de langue
intermeacutediaire qui ne remet pas en cause veacuteritablement le rapport entre H et L comme par exemple
lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal
Le concept de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Gumperz(1971) aux socieacuteteacutes multilingues dans le sens ougrave
celles-ci peuvent utiliser diffeacuterentiellement plusieurs codes (langues dialectes) dans des domaines
et des fonctions compleacutementaires comme lrsquoInde qui a deux langues officielles hautes le hindi et
lrsquoanglais en plus des langues reacutegionales
2-Le rejet de la notion de diglossie
-Martinet utilise plusieurs eacuteleacutements pour remettre en cause la notion de diglossie
Selon Martinet Fishman et Gumperz adoptent la notion de diglossie pour des raisons
sociologiques pour marquer la distinction bilinguisme individuel versus bilinguisme social La
diglossie implique le bilinguisme communautaire
Dans cette perspective on ne voit pas ce que la distinction bilinguisme diglossie apporterait de
nouveau par rapport au bilinguisme individuel et bilinguisme social
Martinet rappelle que la hieacuterarchie entre les langues nrsquoest pas absolue il nrsquoest pas toujours possible
dans toutes les situations linguistiques de deacuteterminer la hieacuterarchie Exemple le Canada
Lrsquoanglais est reacuteserveacute au domaine eacuteconomique et technique le franccedilais est reacuteserveacute au domaine
culturel Ces deux langues sont des langues de prestige bien qursquoelles ne soient pas sur un pied
drsquoeacutegaliteacuteccedila eacutetait la langue de lrsquoeacuteglise or nous dit-il cet argument nrsquoest plus valable car la
katareacuterouza a beaucoup eacutevolueacute par rapport agrave la langue religieuse
Le second argument de Drettas est la remise en cause du systegraveme de standardisation retenue par
Fergusson pour lui on ne peut retenir ce critegravere dans la mesure ougrave le corpus de reacutefeacuterence est
heacuteteacuterogegravene
3- La situation de lrsquoAlgeacuterie
Fergusson considegravere les pays arabes comme un des cas les plus anciens et les plus stables de
diglossie Tout le monde reconnaicirct le prestige de la langue arabe classique
Qui deacutecide de ce prestige Peut on dire drsquoune langue que les locuteurs refusent de parler qursquoelle
nrsquoest pas prestigieuse
Tous les grammairiens qui procircnent la disparition des dialectes au profit de lrsquoarabe classique sont
obligeacutes de reconnaicirctre que ces derniers sont bien vivants les grammairiens parlent de difficulteacute agrave
enseigner une locuteurs natifs il nrsquoexiste pas dans le monde arabe de personnes dont la langue
maternelle est la langue standard
Le prestige de la langue tient essentiellement du mythe nous avons lagrave lrsquoexemple drsquoun discours sur
les langues que les grammairiens les linguistes lrsquoeacutelite intellectuelle ont eacutetabli et qursquoils perpeacutetuent
avec la compliciteacute des instances officielles sans jamais se poser la question de lrsquoadeacutequation de ces
discours agrave la reacutealiteacute des pratiques linguistiques
4-Les tenants de la notion deacutefense et illustration de la diglossie
La deacutefense de la diglossie se fait selon deux axes principaux
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
-La diglossie expression et moyen drsquoun conflit social
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
A partir de la distinction entre varieacuteteacute H et varieacuteteacute L eacutetablie par Ferguson se construit une autre
signification celle de la diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute Il srsquoagit drsquoineacutegaliteacute au
niveau de lrsquoutilisation des deux langues mais aussi des attitudes et repreacutesentations que les locuteurs
ont agrave propos de ces langues Ces deux aspects sont tregraves importants Le terme de diglossie permet
drsquoinsister sur cette ineacutegaliteacute qui peut ecirctre quantitative lorsqursquoil srsquoagit de lrsquoextension drsquoemploi de
ces langues ainsi la varieacuteteacute H a geacuteneacuteralement une zone drsquoextension plus grande que la varieacuteteacute B
On peut parler drsquoineacutegaliteacute qualitative lorsque les langues en preacutesence ont le mecircme statut
-Bilan de La sociolinguistique dans le domaine arabearabophone
Essor tardif malgreacute la richesse du champ puisque aireegravere immenses
Pendant toute la premiegravere partie du XXegraveme siegravecle (Auparavant voir P Larcher) les eacutetudes arabes
ont eacuteteacute diviseacutees en deux grands domaines qui se recoupaient tregraves peu
a) lrsquoeacutetude la langue arabe classique b) eacutetudes dialectales
Dans les deux cas les auteurs visent agrave des descriptions de systegravemes plus ou moins homogegravenes et
stables En ce qui concerne eacutetudes dialectales description qui repose souvent sur le parler drsquoun ou
deux informateurs supposeacutes repreacutesenteacutes lrsquoensemble de leur communauteacute le parler du Caire le
parler de Cherchell le parler de Tunis etc et parfois mecircme le parler eacutegyptien le parler syrien etc
Preacutecurseurs la dialectologie et linguistique historique
Il y a quand mecircme une linguistique historique qui se pose la question de la formation de lrsquoarabe
classique ou dialectale en particulier en ce qui concerne la peacuteriode preacuteceacutedant et suivant la conquecircte
avec des questions comme est ce que lrsquoarabe classique srsquoest constitueacute sur une koineacute poeacutetique
litteacuteraire ou sur une koinegrave dialectale etc (cf P larcher) Autour de cette question de la formation
de lrsquoarabe de la deacutefinition drsquoune koinegrave qursquoil srsquoagisse drsquoune koinegrave litteacuteraire ou dialectale on aborde
les questions de contact drsquoeacutevolution de varieacuteteacutes
-Deacutefinition drsquoune koinegrave = Varieacuteteacute neacutee du contact de diffeacuterentes varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue qui
se deacutelocalise dans le sens que nrsquoest plus le symbolelrsquoeacuteleacutement identificateur drsquoun groupe
socialement et geacuteographiquement distinct et qui de ce fait tend agrave eacuteliminer les traits les plus
particuliers les plus saillants des varieacuteteacutes en contact et tend agrave conserver les traits communs
(beaucoup plus compliqueacute que cela mais tendance geacuteneacuterale)
Donc un certain nombre de travaux autour de ces questions par des gens qui ne se deacuteclarent pas
comme des sociolinguistes mais plutocirct comme des historiens de la langue ou des linguistes Fuumlck
Ferguson Blau Cohen etc etc Relient analyse historico sociale et analyse linguistique mais les
eacuteleacutementspreuves de leur argumentation sont surtout baseacutes sur des eacuteleacutements linguistiques (liste des
traits pour la koinegrave urbaine de Ferguson ou de Cohen ou plus tard de Vesteegh pour sa theacuteorie de la
pidginisationcreacuteolisation) cf on prend un certain nombre de traits des dialectes arabes
contemporains et on les compare a) avec arabe classique et b) avec les eacuteleacutements de dialectologie
historique dont on dispose et on essaie de montrer que relegravevent ou pas drsquoun processus de
koineacuteisation
Tous ces travaux autour des questions de koinegrave litteacuteraire et surtout koinegrave dialectale sont importants
car vont eacutetablir des cateacutegories dialectales baseacutees sur des critegraveres sociaux ethniques cf la distinction
entre parlers dits nomadesbeacutedouins censeacutes ecirctre plus laquo conservateurs raquo (donc avoir gardeacutes des traits
des parlers preacute-Jahili) et parlers seacutedentaires consideacutereacutes comme laquo plus innovants raquo et agrave lrsquointeacuterieur
de ces parlers seacutedentaires les parles urbains consideacutereacutes comme eacutevidemment les plus laquo mixtes raquo car
issus soit du contact entre des dialectes diffeacuterents (koinegrave) soit du contact entre des arabophones et
des non arabophones (langue de contact)
(Pour toutes ces questions de dialectologie historiques et de cateacutegorisation etc je vous renvoie aux
laquo pegraveres laquo de la dialectologie arabe cf en franccedilais Cantineau William et Philippe Marsais pour le
Maghreb Colin etc Ces cateacutegories sont elles mecircmes inspireacutees des eacutecrits de Ibn Khaldoum
VI-2-3- Le deacuteveloppement de la dialectologie
Crsquoest agrave partir de ces cateacutegories dialectales qui se distingueraient pas des traits linguistiques
particulier que se sont deacuteveloppeacutes au Moyen Orient quelques travaux fondateurs comme ceux de
Haim Blanc sur Baghdad (1966) puis de Clive Holes sur Bahrain (1987) et au Maghreb une
sociolinguistiquedialectologie laquo urbaine raquo avec des gens comme Leila Messaoudi (Rabat)
Dominique Caubet (Fegraves) etc et tous les travaux en dialectologie urbaine qui ont montreacute que
diffeacuterentes varieacuteteacutes coexistaient dans une mecircme ville en fonction des appartenances
laquo communautaires raquo crsquoest agrave dire soit appartenance religieuse (juive chreacutetienne musulmane) ou
reacutegionales ou ethniques etc et qui ont pu eacutetudier aussi le renouvellement des parlers urbains en
montrant comment des nouveaux flux de populations drsquoorigine rurale transformaient les anciens
parlers urbains et provoquaient des pheacutenomegravenes de koineacuteisation Mais au Maghreb on reste le plus
souvent dans la dialectologie urbaine plus que dans la sociolinguistique dans le sens ougrave le plus
souvent on identifie un groupe agrave une varieacuteteacute sans deacutecrire les pheacutenomegravenes de variations
drsquoalternance individuelles La personne la plus repreacutesentative de ce courant me semble Leila
Mesaoudi (2003) qui se basant sur les travaux drsquoeacutetudes urbaines (cf Mohamed Naciri pour le
Maroc) a deacuteveloppeacute une opposition entre parler citadinparler urbain et montreacute combien les anciens
parler citadins (preacute-hilalien et andalou) eacutetaient actuellement en deacuteclin face aux nouvelles koineacute
urbaines a fort traits beacutedouins raquo
Crsquoest surtout chez les anglo - saxons et au Mashrek que lrsquoon voit se deacutevelopper une
sociolinguistique variationiste urbaine avec des gens comme Clive Holes Abdel Jawad Ibrahim
Muhamed Amara Niloofar haeri Enam Al Wer etc qui eacutetudient comment eacutevoluent les usages
linguistiques des diffeacuterents types de locuteurs en fonction de leur acircge sexe degreacute drsquoeacutetudes origine
reacutegionale etc Etudes qui analysent principalement les variantes phonologiques comme la
reacutealisation du (q) en q g k la reacutealisation des inter dentales des diphtongues etc Ces
variantes phonologiques sont consideacutereacutees comme des marqueurs de telle ou telle varieacuteteacute cf le (q)
crsquoest agrave la fois classique et certains parlers urbains le g crsquoest plutocirct ruralbeacutedouin mais devenu
urbain dans de nombreux cas le crsquoest plutocirct urbain etc etc Donc on eacutetudie la reacutealisation de ces
variantes aupregraves drsquoun certain nombre de locuteurs et on croise les variables linguistiques avec des
critegraveres sociaux (acircge sexe eacuteducation etc) et on en conclut que dans tel ou tel milieu urbain
lrsquoeacutevolution linguistique va dans le sens du deacuteveloppement de telle ou telle varieacuteteacute de langue
Ce type drsquoeacutetude qui a repris au deacutebut les concepts meacutethodologie variationiste labovienne
deacuteveloppeacute aux USA GB etc srsquoest drsquoabord heurteacute agrave une application trop meacutecaniste de la deacutemarche
labovienne et a du srsquoadapter au contexte arabophone qui est un peu plus speacutecifique du fait de la
fameuse question de la diglossie la varieacuteteacute haute des villes europeacuteennes = la varieacuteteacute parleacutee par
lrsquoeacutelite de ces villes donc standard urbain = varieacuteteacute haute prestigieuse que les autres locuteurs
essaieront ou pas de reproduire en fonction des contextes urbains Les innovations souvent
introduites par les membres des classes moyennes et se diffusent vers le haut puis repris par le
bas etc Les femmes des couches populaires ont tendance agrave reprendre plus vites les variantes
prestigieuses les hommes des milieux populaires sont plus conservateurs
Dans le monde arabe on a commenceacute agrave faire une adeacutequation entre varieacuteteacute haute et fusha
(classiquemoderne) et agrave voir comment les locuteurs des diffeacuterents parlers dialectales acqueacuteraient
ou pas les marqueurs de cette varieacuteteacute haute (donc par exemple la reacutealisation du fameux (qaf) Et
puis on srsquoest rapidement aperccedilu que parallegravelement au fusha il y avait drsquoautres varieacuteteacutes prestigieuses
en particulier les varieacuteteacutes urbaines dans un certain nombre de grand centres urbains comme le
Caire Jeacuterusalem etc les migrants drsquoorigine rurale et surtout les femmes pouvaient privileacutegier la
norme urbaine sur celle du fushahellip (Palva 1982 Ibrahim 1986 etc) Ce qui a ameneacute un certain
nombre de travaux en cours agrave srsquointerroger sur la question de la norme du standard en arabe sur
lrsquoimpact de lrsquoeacuteducation (Nilofar Haeri Enam Al Wer) et donc par ricochet ont deacuteveloppeacute une
critique drsquoune conception qui se voulait plus ou moins universalisante agrave la Bourdieu les classes
dominantes se caracteacuteriseraient par leur maicirctrise de la norme langagiegravere qursquoelles imposent aux
autres Dans le monde arabe on voit que lrsquoune des normes prestigieuses est supposeacutee ecirctre le fusha
norme que peu de gens maicirctrisent dans leur vie quotidienne les eacutelites sont plutocirct plurilingues et pas
toujours tregraves arabiseacutees (ce sont souvent plutocirct les membres des classes moyennes qui ont suivit leur
eacuteducation en arabe) lrsquoautre norme peut ecirctre le vernaculaire urbain (mais pas toujours comme on le
voit pour un certain nombre de vieilles citeacutes maghreacutebines) mais cela peut ecirctre aussi une norme
beacutedouine + - ideacutealiseacutee comme cela semble ecirctre le cas en Jordanie ou face agrave la preacutesence des
palestiniens irakiens syriens etc laquo les vrais hommes jordaniens raquo semblent revendiquer une
norme locale plus beacutedouine
Bref lrsquoensemble de ces travaux plus ou moins reacutecents sur la dialectologiesociolinguistique urbaine
ont eu le meacuterite de mettre en relief la diversiteacute des situations la complexiteacute historique du
deacuteveloppement de certains parlers la pluraliteacute des normes Beaucoup de travail reste agrave faire dans
ce domaine ougrave les vraies eacutetudes de terrain baseacutees sur des corpus restent rares Deux
exemples proches celui de Casablanca et de lrsquoarabe dit marocain Alors que le Maroc est lrsquoun des
pays ougrave lrsquoon dispose drsquoune tradition dialectologique riche et de nombreux travaux contemporains
(en particulier avec les espagnols mais aussi des auteurs marocains) on srsquoaperccediloit que si lrsquoon
connaicirct un peu lrsquohistoire de la formation du parler de Casablanca au deacutebut du XXegraveme s et son
expansion on ne dispose drsquoaucune description sociolinguistique reacuteelle et on reste dans une grande
confusion entre la koinegrave marocaine et le parler de Casablanca De mecircme pour Alger la capitale de
lrsquoAlgeacuterie qui a connu une expansion consideacuterable agrave une politique drsquoarabisation plus ou moins
reacuteussie et accepteacutee quel(s) type(s) drsquoarabe se deacuteveloppent actuellement Y a t il deacuteveloppement
drsquoune koinegrave influence croissante de fusha ou au contraire deacuteveloppement croissant du code
swtiching ou les deux etchellip autant de questions qui nrsquoont pas encore eacuteteacute traiteacutees de faccedilon
satisfaisante
Il apparaicirct enfin que la sociolinguistique arabophone srsquoest peu deacuteveloppeacutee dans un cadre
interactioniste Neacutecessiteacute de deacutevelopper lrsquoanalyse interationnelle de preacutesenter des corpus en action
et de sortir un peu des approches variationistes ou des listes drsquoisoglosses
La question de la diglossie et du continuum dialectalefusha
Crsquoest un des domaines qui a eacuteteacute le plus abordeacute en sociolinguistique arabe agrave la fois dans une
approche du contactcode switching et une approche attitudinales Massivement investi par les
anglo-saxons Donc les articles fondateurs sur la Diglossie Marccedilais +- inaperccedilu Ferguson qui a eu
un impact consideacuterable et de lagrave tout un courant pour savoir la nature le type de diglossie la mise
en eacutevidence niveaux intermeacutediaires entre les deux pocircles etc
Deux grandes tendances
- celles qui consistent agrave nommer et agrave caracteacuteriser des varieacuteteacutes intermeacutediaires entre le pocircle bas
(dialecte) et le pocircle (haut) fusha On va de 3 45 avec des notions comme lsquoammiya al-muthaqafin
(Educated Spoken Arabic) Tendances deacuteveloppeacutees par des gens comme lrsquoeacutecole de Leeds Said El-
badawi au Caire etc Mais ces travaux se heurtent agrave la difficulteacute de trouver des laquo fontiegraveres raquo claires
entres les diffeacuterentes varieacuteteacutes intermeacutediaires
- lrsquoautre tendance est de consideacuterer qursquoil y a deux pocircles + - abstraits et un continuum entre les
deux pocircles sans qursquoil soit possible drsquoisoler des varieacuteteacutes speacutecifiques entre les deux A partir de cette
conception en continuum on peut eacutetudier comment se fait le meacutelange des deux codes et appliquer
un certain nombre de regravegles et meacutethodes reprises des eacutetudes sur le Code Switching et lrsquointerlangue
cela va donc des contraintes syntaxiques de lrsquoeacutepoque Poplack agrave la theacuteorie de la Matrix language de
Myers Scotton (beaucoup drsquoarticles parus dans les volumes de Aspects of Arabic Linguistics et
eacutegalement lrsquoouvrage collectif de Rouchdy 2002 par ex cf les travaux de Gunvor Medjell etc)
Ces travaux ont reccedilu un bon eacutecho dans le monde arabe en geacuteneacuterale car permettent tout en restant
dans lsquodu politiquement correcte raquo de travailler sur de lrsquoarabe moderne de sortir un peu du carcan
du classique sans faire de la laquo dialectologie raquo qui reste une discipline encore trop souvent
consideacutereacutee comme laquo orientalisanteraquo
Les travaux sur le code switching et le continuum ne pacirctissent pas drsquoune image deacutefavorable agrave
lrsquoinverse de la dialectologie qui reste entacheacutee drsquoune reacuteputation de laquo science coloniale raquo Le
domaine des eacutetudes sur diglossieCS reste prolifique et les eacutetudes montrent que la frontiegravere entre le
fusha et le dialectale sont extrecircmement poreuses des domaines reacuteserveacutes au fusha sont de plus en
plus peacuteneacutetreacutes par le dialectal incluant lrsquoeacutecrit (journalistique le roman les publiciteacutes) et tout le
domaine relevant de lrsquooral officiel (les discours publiques les meacutedias etc) et vice versa
lrsquoinfluence principalement lexicale et phonologique du fusha se fait sentir dans lrsquooral dialectal via
eacuteducationmeacutedia certaine deacutemocratisation Il y a de grand corpus en ligne (voir les ameacutericains
comme Parkinson)
On peut se demander si cette porositeacute entre les deux pocircles reflegravete une eacutevolution contemporaine ou
si elle existait auparavant mais nrsquoavait pas eacuteteacute eacutetudieacutee Si on observe le passeacute avec minutie on
constate a) que lrsquoeacutecrit a toujours eacuteteacute +- marqueacute par le dialectal cf le fameux moyen arabe et b)
que les supposeacutees populations analphabegravetes parlant le dialectal avaient un contact avec lrsquoarabe
classique via lrsquoenseignement religieux la poeacutesie sufi etc et donc il y a certainement eu et de la
part des orientalistes et des panarabistes une sureacutevaluation de cette diglossie
Ce qui semble clair cependant crsquoest que par rapport agrave certains pronostiques des anneacutees 50-60 (les
indeacutependances) crsquoest que lrsquoarabe standard moderne ne srsquoest pas imposeacute comme unique meacutedium de
communication dans lrsquoensemble du monde arabe que les laquo dialectes raquo parlers locaux eacutevoluent
mais se maintiennent plus qursquoon aurait pu le croire puisqursquoon voit mecircme resurgir des
reacutegionalismes locaux
Un domaine qui reste agrave explorer pour les deacutecennies agrave venir eacutemergence ou pas de laquo langues
parlers raquo nationauxreacutegionaux A lrsquointeacuterieur drsquoun mecircme pays est ce que sont les tendances agrave la
koineacuteisation ou le maintien des diffeacuterences qui va lrsquoemporter est-ce que ces hypotheacutetiques
varieacuteteacutes nationales seront reconnues comme telles On entend parler drsquoarabe eacutegyptien marocain
algeacuterien syriens Ce sont en grande partie des fictions qui deacutesignent en geacuteneacuterale les varieacuteteacutes parleacutees
dans les capitales mais qui ne sont pas institutionnaliseacutees ni reconnues comme des langues
officielles et dont le rayonnement nrsquointerdit pas le maintien drsquoautres varieacuteteacutes plus locales ou
reacutegionales Mais il y a toujours eu des mouvements militant (mais toujours tregraves minoritaires) pour
lrsquoinstitutionnalisant de ces laquo langues nationales raquo et la rupture avec le fusha cf au Liban en Egypte
au Maroc actuellement (cf le numeacutero de la revue Tel Quel Darja notre langue nationale) On
retrouve donc toujours lrsquoopposition entre ceux qui ont une vision discontinuiste (ammiyya et fusha
sont des systegravemes fondamentalement diffeacuterents) et ceux qui ont une vision plus continuiste
(ammiyya et fusha se complegravetent)
Autres domaines de la Sociolinguistique arabe en deacuteveloppement
- Lrsquoahelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip maternelles en contexte migratoire des regravegles du CS etc
Un autre domaine est lrsquoinfluence de cet arabe de diaspora dans les pays drsquoaccueil cf dans la
creacuteation artistique contemporaine les parlers des jeunes etc (la musique les blagues etc cf les
travaux de Dominique Caubet etc)
CONCLUSION Le terme sociolinguistique implique donc une sensibiliteacute une approche et une meacutethodologie
particuliegraveres partir du reacuteel du concret ecirctre agrave lrsquoeacutecoute des faits de langue de variation se dire que
le marginal le particulier sont toujours instructifs que les langues sont toujours en perpeacutetuel
construction et que les humains sont les acteurs de ces constructions Crsquoest un peu comme un
historien qui deacutecide de sortir de lrsquohistoire officielle de la Cour et des Grands pour srsquointeacuteresser agrave
lrsquohistoire sociale crsquoest plus difficile cela demande de plonger dans des archives plus ou moins
accessibles lisibles etc Pour le linguiste cela demande de recueillir des corpus et de prendre le
temps de les eacutecouter analyser transcrire
Le deacuteveloppement drsquoeacutetudes avec une sensibiliteacute sociolinguistique a permis de sortir drsquoun certain
carcan imposeacute agrave la fois par de nombreux laquo orientalistes raquo et par lrsquoideacuteologie pan arabe des eacutetats
arabes lrsquoarabe est de plus en plus reconnue comme une langue plurielle ayant subi des
deacuteveloppements diffeacuterents selon les lieux et les contextes jouant des rocircles diffeacuterents etc
Pour le moment on sent bien qursquoil y a cependant un fosseacute entre ces avanceacutees et les politiques
didactiques par exemple lrsquoenseignement de lrsquoarabe reste extrecircmement probleacutematique et figeacute tant
dans les pays dits arabophones que dans les pays a forte minoriteacutes non arabophones Alors que par
exemple lrsquoenseignement du FLE ou ALE a totalement inteacutegreacute un certain nombre drsquoacquis de la
sociolinguistique pragmatique linguistique discursive il ne semble pas que ce soit le cas avec
lrsquoarabe malgreacute le nombres drsquoinstituts eacutetrangers ou arabes qui se penchent sur la question
Cours 5 ATTITUDES ET REPRESENTATIONS
Le pheacutenomegravene repreacutesentationnel est un pheacutenomegravene qui a drsquoabord inteacuteresseacute les sciences humaines la psychologie la sociologie lrsquoanthropologie bien avant la linguistique et disposent au cœur de ces sciences drsquoun savoir theacuteorique Il recouvre tout le champ qursquoon nomme repreacutesentations linguistiques langagiegraveres ou sociolinguistiques discours sur les langues attitudes linguistiques jugement sur les langues rapports subjectifs agrave la langue imaginaire linguistique Cependant chaque appellation teacutemoigne drsquoun certains point de vue Guenier deacutefinit les repreacutesentations comme laquo une forme courante et non savante de connaissances
socialement partageacutees qui contribue agrave une vision de la reacutealiteacute commune agrave des ensembles sociaux et
culturels raquo(repreacutesentations linguistiques in Moreau Sociolinguistique concepts de base Mardaga
liegravege 1996 p146)
Deux caractegraveres sont agrave relever dans cette deacutefinition
_Le caractegravere non savant des repreacutesentations il srsquoagit drsquoune forme de connaissance qui ne repose
sur aucune rationaliteacute crsquoest une connaissance intuitive purement subjective Branca-Rosoff citeacute
par Boyer in Sociolinguistique territoire et objets p79 deacutesigne ce pheacutenomegravene laquo drsquoopinions
steacutereacuteotypeacutees raquo Crsquoest donc une certaine vision une certaine perception que les locuteurs ont de
leurs langues et de celles des autres
- Les repreacutesentations linguistiques sont socialement eacutelaboreacutees et partageacutees par tous les membres
drsquoune socieacuteteacute Elles fonctionnent comme des normes sociales ideacutee partageacutee par Labov qui les
situent entre la norme ideacuteologique et les usages effectifs Pour ce dernier la norme sociale est le
fondement mecircme de la communauteacute linguistique qui ne se deacutefinit plus comme un ensemble de
locuteurs partageant les mecircmes usages (au niveau des pratiques elle est plutocirct heacuteteacuterogegravene) mais
comme un ensemble de locuteurs partageant des normes subjectives communes Ainsi les langues
sont jugeacutees positivement alors que drsquoautres le sont neacutegativement Les jugements peuvent ecirctre de
nature estheacutetique peuvent concerner le systegraveme lui-mecircme la valeur de la langue sur le marcheacute
linguistique et enfin le groupe qui la parle Nous avons donc affaire agrave un pheacutenomegravene social et crsquoest
justement ce caractegravere social des repreacutesentations linguistiques qui justifie qursquoelles constituent un
objet de choix de la sociolinguistique cependant cela nrsquoexclut pas qursquoil y ait tout de mecircme une part
individuel
Les locuteurs ne se contentent pas drsquoutiliser les langues et les varieacuteteacutes de langues ils les eacutevaluent
cette eacutevaluation influe beaucoup sur leurs pratiques linguistiques On entre ici dans le domaine des
attitudes et des normes qursquoelles impliquent chaque locuteur eacutevalue sa propre pratique et celle des
autres et ces eacutevaluations jouent un rocircle important dans le changement linguistique
La linguistique diachronique analyse le changement linguistique drsquoougrave provient une innovation
pourquoi et comment srsquoimpose-t-elle est-ce pour des raisons sociologiques qursquoune langue
change Andreacute Martinet a deacutefendu la thegravese que lrsquoeacutevolution phonologique drsquoune langue ne se faisait
pas de maniegravere aleacuteatoire mais srsquoexpliquait par la neacutecessiteacute pour son systegraveme de trouver une
stabiliteacute optimale en reacuteduisant ses deacuteseacutequilibres Drsquoautres linguistes preacutefegraverent mettre lrsquoaccent sur
des meacutecanismes sociaux par exemple un groupe peut imiter la prononciation drsquoun autre jugeacutee
plus prestigieuse
Deux tendances srsquoaffrontent pour expliquer le changement on invoque souvent le principe du
moindre effort les locuteurs confondent certaines formes phoneacutetiquement tregraves proches simplifient
des constructions syntaxiques compliqueacutees Cette tendance au moindre effort du locuteur est
contrebalanceacutee par une autre qui pousse agrave ne pas compromettre la compreacutehension crsquoest-agrave-dire le
moindre effort de lrsquoauditeur
Il nrsquoest pas rare qursquoun eacutetranger en situation officielle srsquoexcuse de ne pas parler la langue de son
interlocuteur Ce faisant il teacutemoigne drsquoune certaine politesse qui compenserait en quelque sorte
laquo lrsquoimpolitesse raquo de ne pas bien parler la langue mais il teacutemoigne aussi de la valeur positive qursquoil
accorde agrave cette langue et agrave ceux qui la parlent A lrsquointeacuterieur drsquoun groupe qui parle la mecircme langue
on observe nous le verrons un un pheacutenomegravene semblable drsquoineacutegaliteacute linguistique entre locuteurs de
statut socioculturel diffeacuterent
Par ailleurs nous sommes tour agrave tour eacutemetteurs et reacutecepteurs nos compeacutetences en tant que
reacutecepteurs sont plus grandes que nos compeacutetences en tant qursquoeacutemetteurs nous nrsquoemployons pas
toutes les structures linguistiques que nous connaissons de mecircme que nous nrsquoappartenons pas agrave
toutes les cateacutegories socioculturelles que nous sommes capables de reconnaicirctre Mais le reacutecepteur
nrsquoa pas un rocircle passif
-il reconstitue le sens de lrsquoeacutenonceacute qursquoil reccediloit selon ses propres schegravemes drsquointerpreacutetation et
lrsquoensemble de ses expeacuteriences
-il perccediloit aussi des signes linguistiques qursquoil interpregravete en fonction des connotations et des
normes en cours dans la classe sociale agrave laquelle il appartient lorsque ces signes peuvent faire
lrsquoobjet de variations ils deviennent des marqueurs socioculturels
-il juge ce qursquoil perccediloit selon lrsquoimage qursquoil a du locuteur de ses intentions de la situation et
du rocircle qursquoil y joue des enjeux de lrsquoacte de langage et selon lrsquoimage qursquoil a de lui mecircme et de ses
compeacutetences la faccedilon de parler est un facteur plus reacuteveacutelateur de la classe sociale des
interlocuteurs que les vecirctements ou les apparences de train de vie
En effet si les repreacutesentations linguistiques sont de nature sociales elles sont en rapport
eacutetroit avec lrsquoideacuteologie qui tente drsquoagir sur elles et les modegraveles Cependant si les repreacutesentations
sont agrave distinguer des discours scientifiques elles sont aussi agrave distinguer des discours ideacuteologiques
tenus par le pouvoir Branca Rossof citeacute par Boyer p79 exprime fort bien cette ideacutee en affirmant
que les repreacutesentations laquo permettent de sortir de lrsquoopposition radicale entre laquo le reacuteel raquo les faits
objectifs deacutegageacutes par la description linguistique et lrsquoideacuteologie les consideacuterations normatives
comme repreacutesentations fausses repreacutesentations eacutecrans raquo Crsquoest donc entre le reacuteel et lrsquoideacuteologie
qursquoelle situe les repreacutesentations Qursquoest ce qursquoest lrsquoideacuteologie laquo Tout systegraveme de repreacutesentations
structureacute et coheacuterent visant agrave rendre compte du monde exteacuterieur de la reacutealiteacute sociale lrsquoideacuteologie se
preacutesente sous forme drsquoun discours construit et totalisant ougrave les ideacutees srsquoenchaicircnent logiquement et
les valeurs concordent raquo (discours et ideacuteologie p4)
Ainsi lrsquoideacuteologie est un systegraveme structureacute parfaitement coheacuterent eacutelaboreacute en fonction drsquoobjectifs
bien deacutetermineacutes officiel car il srsquoagit de faccedilonner lrsquoimaginaire collectif national alors que les
repreacutesentations sociales nrsquoobeacuteissent pas agrave ces contraintes elles sont le fruit drsquoun consensus social
plus ou moins libre Mais il faut souligner qursquoen pratique la limite entre ces deux repreacutesentations
nrsquoest pas toujours clairement repeacuterable et les deux se confondent les ideacuteologues au service de
lrsquoeacutetat sont drsquoabord et avant tout des membres de la socieacuteteacute le pouvoir par les moyens qui lui sont
confeacutereacutes (meacutedia eacutecoles AIE) arrive toujours agrave faccedilonner les mentaliteacutes Ainsi on aime ou on
deacuteteste une langue parce qursquoon se fait une certaine ideacutee drsquoelle ou de ces locuteurs
QUE CONCLURE Lrsquoanalyse des repreacutesentations ne peut ecirctre eacutetudieacutee sans une analyse des pratiques linguistiques
Drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutetudier agrave la fois les comportements et les attitudes des locuteurs drsquoobserver les
productions et de ne pas se contenter de recueillir des paroles des sujets qui peuvent varier selon les
situations et les interactions(voir agrave ce sujet B Maurer Houdebine Canut et Boyer)
Cours 6- LA POLITIQUE LINGUISTIQUE OU LES NORMES LA NORME
Michel Tournier deacutefinissant le normal donne les deacutefinitions suivantes
NORMAL 1 Conforme agrave la norme Ideacuteal 2 Conforme agrave la moyenne Habituelle
Ceci peut servir dintroduction agrave qui aborde la question de la norme Cest bien la un veacuteritable problegraveme car selon les lieux selon les personnes selon le domaine les deux perspectives se mecirclent effectivement et perturbent la compreacutehension Peut-on dire que la norme est un ideacuteal cest-agrave-dire de fait quelque chose que personne natteint ou nincarne vraiment Peut-on dire que la norme est faite de la moyenne des opinions ou de la moyenne des comportements Nous allons rencontrer ces deux voies comme deux eacutecueils entre lesquels il conviendra de naviguer
Georges Mounin lui-mecircme dans son Dictionnaire de la Linguistique (PUFQuadriges reacuteeacuted 1993) commence son article Norme de la faccedilon suivante Moyenne des divers usages dune langue agrave une eacutepoque donneacutee ou usage imposeacute comme le plus correct ou le plus prestigieux par une partie de la socieacuteteacute (le bon usage)
En fait si le normal et le normatif restent des concepts tregraves grand public qui suscitent des deacutefinitions un peu floues il convient de souligner que la norme du franccedilais nest en aucun cas deacutetermineacutee en regardant les usages majoritaires Cest la varieacuteteacute de franccedilais qui agrave une eacutepoque donneacutee est procircneacutee par la socieacuteteacute franccedilaise qui simpose agrave chacun mais aussi qui est deacutefendue par chacun mecircme ceux qui en sont tregraves eacuteloigneacutes y sont attacheacutes Cest dans les classes populaires que tout en pratiquant dautres varieacuteteacutes on tient le plus agrave ce que soit enseigneacutee la norme que lon se soucie de savoir ce qui est correct ce qui ne lest pas - la norme eacutetant plus ou moins assimileacutee agrave ce qui permet de reacuteussir puisque ceux qui ont reacuteussi sont censeacutes pratiquer la norme en offrir une image On devine ainsi que la norme de fait est la varieacuteteacute pratiqueacutee par les hautes couches de la socieacuteteacute dans les situations formelles ougrave elles donnent agrave voir leur langue - varieacuteteacute dailleurs plus ou moins fantasmeacutee (et par lagrave sans doute rejoint-on la notion dideacuteal) que personne ne pratique vraiment et qui ainsi apparaicirct toujours au-delagrave des usages reacuteels Indeacuteniablement cependant des usages se rapprochent davantage de ce qui est preacutesenteacute comme la norme (dans les dictionnaires dans les grammaires) mais ces ouvrages parce quils sont eacutecrits utilisent et preacutesentent obligatoirement une varieacuteteacute diffeacuterente de loral et contribuent agrave la dichotomie si souvent formuleacutee par Monsieur Toutlemonde agrave leacutecrit ccedila va ma langue est correcte mais agrave loral je nai pas le temps de reacutefleacutechir et je parle mal
Dans ces conditions on soulignera que
la norme est une varieacuteteacute eacutecrite que lon enseigne en principe qui est formaliseacutee et toujours plus ou
moins eacuteloigneacutee des varieacuteteacutes parleacutees mecircme quand elles reccediloivent un jugement favorables de
locuteurs solliciteacutees pour donner leur avis
On ne parle jamais comme on eacutecrit (cf chapitre sur langues orales langues eacutecrites) mais les
couches sociales qui ont reacuteussi sont censeacutees davantage incarner la norme
Il est certain que plus les eacutetudes des sujets ont eacuteteacute longues plus ils pratiquent couramment des
varieacuteteacutes proches de lideacuteal quon appelle la norme ne serait-ce que parce que leur impreacutegnation agrave
travers une longue pratique de la langue eacutecrite rejaillit sur leur pratique orale Mais ne neacutegligeons
pas toutefois les facteurs sociologiques et eacuteconomiques qui interfegraverent avec ce que lon croit
attribuer agrave leur langue (richesse visible aisance sociale position eacuteconomique domination
sociale)
Ne veut-on pas imiter ceux quon preacutesente comme les modegraveles normatifs plus parce quils ont
reacuteussi que parce quils parlent bien la cravate de PPDA(1) sa faccedilon de shabiller son aisance et
son sourire parfaitement placeacute ne jouent-ils pas un plus grand rocircle que sa langue mecircme (on connaicirct
dailleurs lusage du prompter agrave la teacuteleacutevision ) pour le faire citer comme quelquun qui parle bien
Indeacuteniablement - et dans toute socieacuteteacute - servent de modegravele ceux qui ont reacuteussi et non pas ceux qui
sont consideacutereacutes comme des parias (cf les clochards ou SDF)
Noublions pas en outre que si les accents reacutegionaux ne sont plus aussi stigmatiseacutes maintenant
quil y a une trentaine danneacutees ils sont lobjet malgreacute tout de preacutecautions subtiles qui amegravenent ceux
qui atteignent les plus hautes responsabiliteacutes sociales agrave sen deacutefaire partiellement (cf le Preacutesident
Giscard dEstaing prenant des cours dorthoeacutepie pour se deacutebarrasser de son accent auvergnat qui
neacutetait pas de mise pour quelquun preacutetendant aux plus hautes fonctions et donc Preacutesident de tous
les Franccedilais) ou bien qui amegravene agrave seacutelectionner pour les plus hautes responsabiliteacutes ceux qui ont un
accent consideacutereacute comme convenable celui qui est accepteacute agrave une eacutepoque donneacutee les deux
comportements interfegraverent constamment et se reacutepondent pour eacuteliminer de la parole publique avec
une image favorable (et non pas plus ou moins ridicule) ceux qui seraient les plus eacuteloigneacutes de la
norme
Les caracteacuteristiques de la norme orale eacutevoluent au fil des siegravecles notre r actuel assez faible
un peu plus grasseyeacute agrave Paris quagrave Marseille nest plus du tout le r rouleacute que prononccedilait les
nobles il y a quelques siegravecles mais elles eacutevoluent bien plus lentement que lusage reacuteel
La norme est donc bien une question qui relegraveve fondamentalement de la sociolinguistique
deacutetermineacutee fixeacutee agrave chaque eacutepoque sur des critegraveres socio-eacuteconomiques elle se transmet dans
lenseignement et donc apparaicirct comme beaucoup plus permanente que les autres varieacuteteacutes non
formaliseacutees qui ne se transmettent que familialement (acquisition non formelle) Leacutecole joue ainsi
un rocircle essentiel dans la transmission la permanence le statut les preacuterogatives accordeacutees agrave la
norme Cest elle qui peut la reacutepandre de faccedilon quasiment universelle dans un pays Sa non-
transmission - cf le discreacutedit de leacutecole pour toute transmission ou la moindre importance accordeacutee
agrave la langue correcte agrave notre eacutepoque - ont pour premier reacutesultat que les couches sociales les plus
eacuteloigneacutees de la norme ny accegravedent plus La norme ne disparaicirct pas pour autant mais elle est alors
surtout lobjet de transmission familiale dans les familles conscientes et capables den assurer la
transmission indeacutependamment de leacutecole Leacutecole en enseignant la norme eacutetait facteur de
deacutemocratisation de la socieacuteteacute franccedilaise si elle renonce agrave cette tacircche on parvient agrave une socieacuteteacute
aristocratique dans laquelle certains savent sans avoir appris (selon lexpression consacreacutee) et ougrave
il ny a plus de chance de veacuteritable mobiliteacute sociale Contrairement agrave nos a priori on peut voir ainsi
que la norme est deacutemocratique quand ideacuteal proposeacute agrave tous elle est accompagneacutee dans son
apprentissage de la transmission des principes qui permettent de latteindre Dire (comme cela se
pratiquait agrave luniversiteacute agrave Lyon dans les anneacutees soixante) il ne faut pas dire un [floslashv] (pour
fleuve) une [foslashj] (pour feuille) cest donner agrave tous une chance dacceacuteder agrave des situations ougrave lon
ne tolegravere pas un accent reacutegional marqueacute ne plus le dire cest laisser encore les plus hautes
positions agrave ceux qui lauront compris tout seuls (dans leur famille) et bien sucircr eacuteliminer ceux qui ne
se doutent mecircme pas que ce genre de prononciation est stigmatiseacutee
On pourra distinguer avec Marie-Louise Moreau (1997) article Les types de normes
les normes de fonctionnement (habitudes linguistiques partageacutees par les membres dune
communauteacute regravegles qui sous-tendent les comportements linguistiques dun sous-groupe)
les normes descriptives (ce sont les normes de fonctionnement rendues explicites par les
descriptions qui en sont faites Mais ainsi ce sont les normes de certains sous-groupes seulement
qui sont deacutecrites on ne sinteacuteresse pas tretiennent des relations complexes avec les normes
prescriptives Elles contribuent grandement agrave la hieacuterarchisation)
les normes fantasmeacutees (ici on est toujours dans le domaine des repreacutesentations le groupe se forge
un ensemble de conceptions sur la langue et son fonctionnement qui nont souvent guegravere de zone
dadheacuterence avec le reacuteel )
La norme ou le bon usage
La norme au sens de langue que lrsquoon doit parler est un discours drsquoautoriteacute fixeacute par une institution
drsquoeacutetat) chargeacutee de creacuteer une langue homogegravene faite pour ecirctre parleacutee par un usager ideacuteal une
langue standard de partout et de nulle part uniforme polie deacutebarrasseacutee de toute impureteacute comme
-les reacutegionalismes les varieacuteteacutes geacuteographiques srsquoopposent au caractegravere centralisateur de la norme
et eacutechappent agrave tout controcircle elles sont donc connoteacutees peacutejorativement et le critegravere de la hieacuterarchie
sociale
-les innovations qursquoil srsquoagisse de changements lexicaux syntaxiques ou phoneacutetiques ils sont
ignoreacutes -non reconnus- ou attesteacutes longtemps apregraves leur apparition lorsque la norme nrsquoa pas reacuteussi
agrave srsquoimposer Face aux variations individuelles et collectives la langue normeacutee se veut homogegravene et
tire sa leacutegitimiteacute de lrsquoeacutecole
Un des comportements sociaux les mieux connus vis agrave vis de la langue est la normalisation
Fishman affirme que laquo la codification est lrsquoacceptation par une communauteacute drsquoun systegraveme formel
de normes qui deacutefinissent lrsquousage correct raquo
Qursquoest-ce que la norme ou lrsquousage correct de la langue laquo La norme est un recueil de perceptions consigneacutees dans des grammaires dites normatives et
correspondant agrave ce qursquoil faut dire pour se conformer au bon usage linguistique de la bonne
socieacuteteacute raquoDenise Franccedilois
Elle repreacutesente un choix approprieacute fondeacutes sur des preacutejugeacutes socioculturels et sur la notion de
niveaux de langues hieacuterarchiseacutees les classes dominantes et les bons auteurs emploient une langue
de qualiteacute qursquoil faut consideacuterer comme un modegravele
Parler de normes revient agrave se reacutefeacuterer agrave plusieurs acceptions
-un ensemble drsquointerdits de prescriptions sur des faccedilons de dire quelquefois accompagneacutees de
justifications de divers ordres
-tenir compte de cet ensemble de prescriptions crsquoest parler correctement sans faire de fautes
Les institutions de la norme sont
-Lrsquoeacutecole lrsquoeacutecole par le biais des grammaires et des enseignants tend agrave imposer agrave lrsquoenfant une
langue uniforme qursquoil nrsquoutilisera pas souvent ailleurs Par lrsquoenseignement de la grammaire elle
lrsquohabitue laquo non seulement agrave concevoir les reacutealiteacutes de la langue mais agrave reacuteprimer son goucirct naturel de
la parole pour substituer agrave la spontaneacuteiteacute langagiegravere une pratique eacutecrite conforme agrave des normes
rigoureuses raquo Elle lui impose de faire des phrases ainsi qursquoune prononciation de lecture standard
qui pour bon nombre drsquoenfants est artificielle cependant cette langue semblera toujours parce
qursquoimposeacutee par lrsquoeacutecole supeacuterieure agrave la sienne
-Lrsquoeacutecrit Lrsquoadministration prend le relais de lrsquoeacutecole pour perpeacutetuer la crainte de la faute et le
respect pour la langue eacutecrite laquo notre langue eacutecrite a plus de digniteacute que notre langue parleacutee
souvent fautive raquo Lrsquoopposition eacutecrit parleacute devient une opposition digne fautif Ceci appelle deux
remarques
La langue parleacutee comme la langue eacutecrite peut comporter tous les niveaux car rien nrsquoempecircche en
theacuteorie drsquoeacutecrire comme on parle ni de parler comme on eacutecrit
-De plus ces deux formes drsquoexpressions ont chacune une speacutecificiteacute de fonctionnement que la
deacutemarche normative semble ignorer Parler crsquoest construire un discours en train de se faire Le
locuteur improvise constamment ce qui lrsquoamegravene agrave heacutesiter agrave se reprendre agrave changer lrsquoorientation
de sa phrase agrave utiliser diverses strateacutegies agrave avoir recours agrave tous les proceacutedeacutes extra et
paralinguistiques regard mimiques gestes intonations Lrsquoeacutecrit nrsquoignore ni les heacutesitations ni les
reprises mais celles-ci disparaissent avec les brouillons Drsquoun point de vue linguistique il nrsquoy a
aucune raison drsquoopposer le parler et lrsquoeacutecrit de faccedilon hieacuterarchique puisque les deux domaines
fonctionnent diffeacuteremment
Une norme linguistique est un trait unificateur drsquoune socieacuteteacute tout le monde la connaicirct et sa
connaissance permet de distinguer les autochtones des eacutetrangers Mais mecircme dans le cas ougrave tout le
monde peut savoir quelles sont les variantes de statut supeacuterieur il nrsquoest pas neacutecessairement vrai que
tous voudront les adopter dans leur discours quotidien Certaines eacutetudes ont montreacute que les
reacuteactions subjectives aux variantes sociolinguistiques eacutetaient diffeacuterentes selon les classes et
impliquaient beaucoup plus qursquoune simple eacutechelle de prestige (cf Labov) Labov dans laquo
Sociolinguistique pp 250-251 339-340 418-419 raquo fait une distinction entre norme cacheacutees
voileacutees et norme manifestes normes stigmatiseacutees et norme accepteacutees Les variantes de statut eacuteleveacute
possegravedent un prestige manifeste elles sont associeacutees au pouvoir social indeacuteniable des locuteurs de
la classe supeacuterieure peuvent ecirctre la condition neacutecessaire drsquoaccegraves agrave des fonctions drsquoun statut plus
eacuteleveacute et sont promulgueacutees par les agents de la normalisation dans la socieacuteteacute tels que les meacutedias et
les instituteurs Mais pour beaucoup de locuteurs de la classe ouvriegravere ou de la petite bourgeoisie
les variables linguistiques laquo non standard raquo associeacutees agrave leurs groupes peuvent aussi posseacuteder un
prestige voileacute (covert prestige celui drsquoun groupe local de statut infeacuterieur) La signification sociale
de base de ces variables au prestige voileacute est celle de la solidariteacute une personne qui les utilise est
consideacutereacutee comme eacutetant un des leurs comme ami possible Pour certains groupes ces formes
peuvent signifier dureteacute ou viriliteacute
Pour compleacuteter vos connaissances dans le domaine de la norme reportez vous aussi sur le web agrave
un article dOlga Ozolina Quelques approches de leacutetude de la norme linguistique
Tout un cours eacutecrit par Benoiumlt Leblanc et Claude Tousignant de la Socieacuteteacute Saint-Jean-
Baptiste de la Mauricie sur la Norme linguistique mais aussi quelques autres notions
essentielles
Le franccedilais queacutebeacutecois problegraveme de norme Le texte de lintervention dAM Houdebine Norme et normes 1999
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dialectologie traditionnelle qui eacutetait tourneacutee vers le monde rural Aujourdrsquohui crsquoest le monde urbain qui offre les terrains drsquoenquecircte les plus riches Crsquoest pourquoi la sociolinguistique se propose de reacuteinteacutegrer lrsquohomme dans la langue le locuteur son milieu celui auquel il srsquoadresse la communauteacute linguistique mecircme si toutes ces donneacutees sont extrecircmement complexes De fait dans les anneacutees 60 aux eacutetats ndashunis W Labov auteur notamment drsquoune seacuterie drsquoarticles publieacutes en franccedilais dans le recueil Sociolinguistique sociolinguiste bien connu pour son rocircle dans la recherche a fait apparaicirctre lrsquoabsolue neacutecessiteacute de consideacuterer la reacutealiteacute des productions langagiegraveres et non plus des abstractions (cette recherche sur les abstractions correspondait agrave un courant de la linguistique theacuteorique) il nrsquoheacutesite pas agrave dire que la sociolinguistique crsquoest la linguistique mecircme srsquoil est obligeacute de constater que certains linguistes neacutegligent agrave tort lrsquoeacutetude du contexte social Pour nous notre objet drsquoeacutetude est la structure et lrsquoeacutevolution du langage au sein du contexte social formeacute par la communauteacute linguistique Les sujets consideacutereacutes relegravevent du domaine ordinairement appeleacute linguistique geacuteneacuterale phonologie morphologie syntaxe et seacutemantique Les problegravemes theacuteoriques que nous soulegraveverons appartiennent eacutegalement agrave cette cateacutegorie tels la forme des regravegles linguistiques leur combinaison en systegravemes la coexistence de plusieurs systegravemes et lrsquoeacutevolution dans le temps de ces regravegles et de ces systegravemes Srsquoil nrsquoeacutetait pas neacutecessaire de marquer le contraste entre ce travail et lrsquoeacutetude du langage hors de tout contexte social je dirais volontiers qursquoil srsquoagit lagrave tout simplement de linguistique Et lrsquoon peut srsquoeacutetonner qursquoil soit utile de donner une base sociale eacutelargie agrave ce domaine Que la linguistique geacuteneacuterale quel qursquoen soit le contenu doive reposer avant tout sur le langage tel que lrsquoemploient les locuteurs natifs communiquant entre eux dans la vie quotidienne cela paraicirct aller de soi Aussi est-il profitable avant de continuer de voir preacuteciseacutement pourquoi il nrsquoen a pas eacuteteacute ainsi (Labov 1976 Lrsquoeacutetude de la langue dans son contexte social pp 258-259) Pour Labov il nrsquoy a pas drsquoeacutetude de la langue sans prise en compte des hommes qui la parlent sans eacutetude de lrsquoenvironnement social De ce fait Labov tente de correacuteler les maniegraveres de parler avec des variables sociales qui peuvent ecirctre beaucoup plus fines (et qui sont deacutetermineacutees preacuteciseacutement par lrsquoanalyse) que les grandes cateacutegories sociales traditionnelles (profession sexe acircge lieu de reacutesidence etc) Labov devant les donneacutees ordinaires de la situation de communication qui comportent une forte heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et qui sont geacuteneacuteralement consideacutereacutees comme aleacuteatoires va chercher agrave eacutetablir une systeacutematiciteacute (Gadet 1992b) En quelque sorte srsquoattachant au concept de variation libre Labov essaye drsquoeacutetablir les regravegles de cette variation drsquoen montrer les conditionnements Labov met agrave jour des reacutegulariteacutes trop systeacutematiques pour ecirctre le fait du hasard et il srsquoefforce de montrer selon les formules de F Gadet qursquo+ il y a une stratification de lrsquousage de la langue dans la socieacuteteacute dont il a pu eacutetablir qursquoelle eacutetait agrave la fois reacuteguliegravere et extrecircmement fine Elle ne peut toutefois se saisir qursquoagrave travers des consideacuterations de freacutequence puisque ce nrsquoest guegravere la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoune variante qui est en cause mais des taux drsquooccurrences compareacutes (F Gadet 1992b p 6)
Il srsquoagit drsquoassocier chaque variante linguistique agrave une cause extra-linguistique (classe sociale sexe acircge habitat race attitudes du locuteurs circonstances de la communication etc) ou chaque ensemble de variantes linguistiques (reacutealisation dune variable) agrave une ou des variables sociales selon un scheacutema que lrsquoon pourrait repreacutesenter ainsi
Ensemble des variables sociales Ensemble des variables linguistiques Une fois correctement eacutetablies les variables en modifiant lrsquoune des variables sociales on devrait
obtenir une varieacuteteacute nouvelle (un ensemble de variantes diffeacuterentes) au niveau linguistique Attention on rappellera ici la notion de variante conditionneacutee On parle en linguistique de variante
conditionneacutee quand on peut eacutetablir une correacutelation stricte entre lrsquoapparition drsquoune uniteacute linguistique et le
contexte linguistique de son apparition ainsi en franccedilais du Midi la reacutealisation [o] [ɔ] est conditionneacutees ces deux formes sont deux variantes conditionneacutees drsquoune seule uniteacute phonologique le o selon la regravegle
suivante [o] en finale ex pot chaud dos o [ɔ] + C ex rose chaude jaune code Paul pocircle Dans
drsquoautres reacutegions de France on pourra trouver des o et des ɔ non conditionneacutes par le contexte comme le montrent les prononciations laquo parisiennes raquo de saute sotte ou de pocircle Paul
Crsquoest un conditionnement de ce type que Labov a tenteacute drsquoeacutetablir non plus entre un environnement linguistique et certains sons mais entre des variables extra-linguistiques (sexe acircge situation sociale) et des uniteacutes comportant du sens (du morphegraveme uniteacute minimale de signification agrave la phrase ou au discours uniteacute vaste) Dans une perspective deacuteterministe (une deacutemarche scientifique est drsquoune faccedilon ou drsquoune autre preacutesenteacutee comme deacuteterministe) Labov pense que si nous ne parvenons pas agrave eacutetablir un conditionnement strict entre des variables extra-linguistiques et des variantes linguistiques crsquoest parce que notre analyse est
incomplegravete parce que nous avons neacutegligeacute des donneacutees Il propose de ce fait de multiplier les investigations pour trouver les variables pertinentes
Avec William Labov le pegravere de lapproche variationniste en sociolinguistique on a pris lhabitude de distinguer quatre types de variation
la variation diachronique (ou historique) la variation diatopique (ou geacuteographique) la variation diastratique (ou sociale) la variation diaphasique (ou stylistique)
Variation diachronique
La variation diachronique est lieacutee au temps elle permet de cotraster les traits selon quils sont perccedilus comme plus ou moins anciens ou reacutecents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diatopique
La variation diatopique joue sur laxe geacuteographique la diffeacuterenciation dune langue suivant les reacutegions relegraveve de cette variation Pour deacutesigner les usages qui en reacutesultent on parle de reacutegiolectes de topolectes ou de geacuteolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diastratique
La variation diastratique explique les diffeacuterences entre les usages pratiqueacutees par les diverses classes sociales Il est question en ce cas de sociolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diaphasique
On parle de variation diaphasique lorsquon observe une diffeacuterenciation des usages selon les situations de discours ainsi la production langagiegravere est-elle influenceacutee par le caractegravere plus ou moins formel du contexte deacutenonciation et se coule-t-elle en des registres ou des styles diffeacuterents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Franccediloise Gadet propose dajouter la variation diameacutesique quelle deacutefinit ainsi Une autre distinction relevant eacutegalement de lusage intervient entre oral et eacutecrit Elle est particuliegraverement forte dans une langue de culture tregraves standardiseacutee comme la franccedilaise Ici cest la distinction de chenal de transmission de la parole qui constitue le point dancrage de la diffeacuterence aucun locuteur ne parle comme il eacutecrit aucun neacutecrit comme il parle La distinction nest pas purement mateacuterielle elle touche aussi la conception mecircme des discours Il faudra donc distinguer entre ce qui est un effet geacuteneacuteral de loraliteacute et ce qui relegraveve de la variation (Gadet 2004 p 98)
Cette recherche de William Labov (La stratification sociale de lrsquoanglais dans la ville de New york) a eacuteteacute
meneacutee sur la relation entre variation linguistique et stratification sociale dans une grande ville ameacutericaine et en particulier sur lrsquoanglais de noirs Une preacute-enquecircte meneacutee dans trois grands magasins diffeacuterents quant agrave la qualiteacute et au prix des produits vendus et par conseacutequent agrave la cateacutegorie sociale de leur clients a permis de montrer que les employeacutes de ces magasins qui pourtant appartenaient tous agrave la mecircme classe sociale reacutealisaient les variantes phoneacutetiques conformeacutement agrave la faccedilon de parler des clients agrave qui ils avaient affaire en fonction du magasin(du quartier ougrave il se trouvait) voire du rayon dans le magasin( de la nature des produits proposeacutes)
La seule preacutesence de lrsquoobservateur lors drsquoune enquecircte suffit agrave modifier le comportement linguistique de lrsquoenquecircteacute lequel a tendance agrave se rapprocher de la varieacuteteacute officielle ou de prestige Les modaliteacutes de lrsquoenquecircte entraicircnent eacutegalement des variations dans les productions Crsquoest ce qui a ameneacute Labov agrave varier ses strateacutegies (eacutecoute pirate deacuteguisement ) et agrave deacutefinir des styles contextuels dont le plus surveilleacute reacutepond agrave la lecture et le moins surveilleacute au discours spontaneacute familier hors enquecircte Lagrave aussi plus le locuteur accorde drsquoattention agrave son discours plus il se rapproche de la norme officielle Tout cela met en lumiegravere la fonction sociale et symbolique des variations linguistiques qui ne sont que rarement des choix deacutelibeacutereacutes
La varieacuteteacute linguistique propre agrave un groupe dominant srsquoimpose comme marque de prestige et deacutetermine lrsquoattitude des locuteurs du groupe domineacute face agrave leur propre varieacuteteacute les colonisateurs le savent bien et un de leurs premiers soucis est de transmettre leur eacutevaluation Ces travaux de dialectologie urbaine ont permis de deacutevelopper des meacutethodologies originales drsquoanalyse de lrsquousage en situation authentique lrsquoobservateur srsquoefforccedilant de ne pas fausser les donneacutees par sa preacutesence
-variation selon les groupes sociaux il peut srsquoagir de groupes constitueacutes sur les bases de lrsquoorigine
ethnique du pouvoir eacuteconomique du sexe de lrsquoacircge
-variation en fonction de la situation de communication les mecircmes locuteurs ne parlent pas de la
mecircme faccedilon selon les situations (en situation formelle ou en situation familiegravere agrave lrsquoeacutecrit et agrave lrsquooral
A partir de cette enquecircte ceacutelegravebre sur les adolescents noirs lAmeacutericain William Labov a donc rechercheacute les correacutelations entre certaines variations linguistiques et la position sociale des locuteurs etou la situation de communication
Cette deacutemarche la ameneacute agrave isoler deux niveaux de variation
- Un niveau social diffeacuterents locuteurs dune mecircme langue parlent diffeacuteremment
- Un niveau stylistique un mecircme locuteur utilise diffeacuterents registres de langage (familier soutenu) selon la situation Mais W Labov remarque que leacutecart entre langue courante et langue soutenue est beaucoup plus important chez un ouvrier que chez un cadre supeacuterieur
Pour W Labov la langue est soumise agrave trois sortes de regravegles
- Les regravegles cateacutegoriques quaucun locuteur ne viole jamais Aucun francophone ne dit laquo on venons raquo ou laquo nous vient raquo
- Les regravegles semi cateacutegoriques dont la violation - freacutequente - est interpreacutetable socialement la tournure laquo aller au coiffeur raquo est jugeacutee populaire par la norme
- Les regravegles variables
- Se meacutefier de lrsquointrospection drsquoune preacutetendue laquo compeacutetence raquo (cf Chomsky) on ne touche de fait
que des laquo performances raquo et il existe des proceacutedures objectives drsquoanalyse linguistique pour
approcher la variation ndash qui est la regravegle
- Srsquoil y a de la variation il convient toujours de tenter de lrsquoexpliquer les preacutetendues laquo variantes
libres raquo sont des variantes dont le conditionnement nous eacutechappe mais il convient de chercher
parmi les donneacutees sociales au sens large celles qui de fait conditionnent les variantes analyseacutees
-Se rappeler que lrsquoon tente toujours drsquoenquecircter sur la langue drsquoune communauteacute linguistique et non
pas sur celle drsquoun seul individu Se soucier neacutecessairement de la question de la repreacutesentativiteacute des
informateurs
En conseacutequence scepticisme quant aux laquo universaux raquo au sens ougrave ils pourraient ecirctre preacutesents
dans toutes les langues Mais crsquoest lrsquoexplication qui forge lrsquouniversaliteacute (cf ne pas confondre les
universaux de la linguistique avec des universaux du langage )
- Inteacuterecirct particulier pour le changement linguistique tout particuliegraverement les signes du
changement en cours Toutes conditions eacutegales ce qui a entraicircneacute des changements dans le passeacute se
reproduit neacutecessairement maintenant (mais ne pas oublier les caracteacuteristiques sociales qui font
partie des laquo conditions eacutegales raquo)
VI- 2 LA VARIATION INTERLINGUISTIQUE Il nrsquoest pas dans notre intention drsquoeacutenumeacuterer ici toutes les deacutefinitions ou typologies proposeacutees pour le bilinguisme mais de retenir celles qui nous semblent avoir un inteacuterecirct pour la sociolinguistique
VI-2-1 Bilinguisme et plurilinguisme
Tregraves longtemps il y a eu des deacutebats pour savoir srsquoil fallait parler de bilinguisme ou de
plurilinguisme Il y a de nombreuses deacutefinitions nous retenons celle de
-Georges Mounin laquo Le fait pour un individu de parler indiffeacuteremment deux langues raquo laquo eacutegalement
coexistence de deux langues dans la mecircme communauteacute pourvu que la majoriteacute des locuteurs soit
effectivement bilingue raquo
-Deacutefinition du dictionnaire de didactique des langues laquo le bilinguisme est une situation qui
caracteacuterise les communauteacutes linguistiques et les individus installeacutes dans les reacutegions multilingues
-Dictionnaire des sciences du langage de Todorov laquo un individu est dit multilingue srsquoil possegravede
plusieurs langues apprises lrsquoune comme lrsquoautre comme langue maternelle raquo
Le bilinguisme agrave travers ces trois deacutefinitions peut ecirctre consideacutereacute soit comme le fait drsquoune
communauteacute soit comme le fait drsquoun individu Ces diffeacuterences renvoient agrave tout un deacutebat de
linguistes qui consideacuteraient que seuls les individus peuvent ecirctre bilingues et drsquoautres qui
consideacuteraient que cette notion peut srsquoeacutetendre agrave toute une communauteacute linguistique
Se posent alors le problegraveme de degreacute drsquoextension du bilinguisme agrave partir de quel pourcentage
considegravere - t-on que la communauteacute est bilingue et quand peut-on parler de bilinguisme
Selon lrsquoacircge drsquoacquisition des langues on a pu parler de bilinguisme preacutecoce ou tardif selon la
distribution faite dans la communauteacute on parle de bilinguisme composeacute individuel stylistique ou
social Toutes ces approches deacutefendent un point de vue diffeacuterent
Les diffeacuterentes approches -Lrsquoapproche normative
Elle prend en consideacuteration le degreacute de maicirctrise de la langue deux positions srsquoaffrontent lrsquoune dit
que tout le monde est bilingue lrsquoautre que personne est bilingue
a)Tout le monde est bilingue
Les deacutefenseurs de cette thegravese pensent que dans tout acte de communication les locuteurs srsquoadaptent
agrave une situation donneacutee Or une langue varie selon les situations de communication les locuteurs
drsquoune langue disposent drsquoune varieacuteteacute drsquousages maicirctriser une langue crsquoest savoir utiliser cette
varieacuteteacute crsquoestndashagrave-dire savoir adapter son discours agrave chacune de ses situations linguistiques
Mahmoudian eacutecrit laquo on maicirctrise mieux une langue dans la mesure ougrave on manie un nombre plus
eacuteleveacute drsquouniteacutes linguistiques et que lrsquoon comprend mieux le sens qui rattache ces uniteacutes aux
circonstances raquo
Martinet laquo deacuteveloppe la mecircme ideacutee lorsqursquoil dit que la maicirctrise drsquoune langue est constitueacute par une
hieacuterarchie drsquousages possibles qui sont les usagers quotidiens les usagers solennels politiques
artistiques
Ceci implique donc que le locuteur est agrave chaque instant obligeacute drsquoadapter son langage agrave la situation
On peut dire que tout locuteur est bilingue exemple du langage becirctifieacute des parents lorsqursquoils
parlent aux enfants ou les colons qui tentent drsquoadapter leur langue maternelle aux parlers creacuteoles
b) Personne nrsquoest bilingue
Certains linguistes disent que le bilinguisme nrsquoexiste pas dans la mesure ougrave personne nrsquoest capable
de maicirctriser agrave la perfection deux langues crsquoest agrave dire sans aucune interfeacuterence Si on prend en
consideacuteration ces paramegravetres il nrsquoy a pas de bilinguisme
Andreacute Martinet explique que ce critegravere de la perfection nrsquoa guegravere de sens car mecircme un locuteur
unilingue ne possegravede pas agrave la perfection sa langue et qursquoil nrsquoen utilise pas toutes les possibiliteacutes
lexicales ou syntaxiques Ce critegravere de la perfection est rejeteacute car il ne permet nullement de deacutefinir
le bilinguisme ou le monolinguisme
c La troisiegraveme tendance tente de deacutefinir le degreacute de maicirctrise relative
Ils rapportent la meacutethode de Malherbe une seacuterie de critegraveres permettent de deacutefinir une situation de
bilinguisme
-ecirctre en mesure de mener une conversation un discours ou un sermon dans une langue eacutetrangegravere
que ce soit agrave lrsquoeacutecrit ou agrave lrsquooral Savoir lire les journaux dans cette langue et en saisir lrsquohumour
-Etre en mesure de mener une conversation intelligible dans une autre langue et pouvoir lire sa
litteacuterature
-Savoir lire implacablement lrsquoautre langue
-Savoir enseigner les deux langues
-Posseacuteder une grande maicirctrise des deux langues
-Posseacuteder une connaissance parfaite des deux langues
Que dire
La mesure de la perfection repose sur des jugements de valeur subjectifs on mecircle diffeacuterents
niveaux de maicirctrise drsquoune langue lrsquoeacutecrit et lrsquooral
On mecircle pareillement la maicirctrise drsquoune langue et lrsquoaptitude agrave lrsquoenseigner ce qui ne se justifie pas
Beaucoup savent parler une langue mais ne peuvent lrsquoenseigner
On peut dire que les systegravemes de mesure de la perfection linguistique est un faux problegraveme car
toute situation de bilinguisme est marqueacutee par une fluctuation des usages (variation continuelle)
En effet le comportement linguistique des bilingues est tregraves variable il deacutepend de nombreux facteurs drsquoordres psychologiques et sociaux Il y a des pheacutenomegravenes de pressions sociales les situations de communication qui fait qursquoon ne peut eacutetablir des grilles rigoureuses La mesure de perfection se reacutevegravele vaine il faut srsquoen tenir aux propositions de W Mackey laquo le bilinguisme doit ecirctre consideacutereacute comme un concept non pas absolu mais relatif raquo Renzo Titone ajoute en rapportant Mackey qursquoil ne faut pas poser la question cet individu est-il bilingue Mais plutocirct dans quel sens est-il bilingue crsquoest-agrave-dire qursquoil faut rendre compte de la pratique bilingue du locuteur de son comportement bilingue mais pas tenter de deacutefinir la nature du bilinguisme qursquoil pratique
Lrsquoapproche psychologique
A-Le bilinguisme infantile ou preacutecoce On parle de bilinguisme infantile quand il srsquoagit drsquoun enfant qui degraves sa naissance est
simultaneacutement confronteacute agrave deux systegravemes linguistiques diffeacuterents par exemple lorsque la megravere et le
pegravere parlent agrave lrsquoenfant chacun leur langue ou lorsqursquoune 3egraveme
personne parle une autre langue que
celle que parlent les parents En fait cette situation est plus rare que la situation de bilinguisme
preacutecoce ougrave lrsquoon a des enfants monolingues dans les premiegraveres anneacutees de leur enfance qui
apprennent ensuite une seconde langue soit par impreacutegnation du milieu familial et social soit agrave
lrsquoeacutecole Les eacutetudes agrave orientation psychologiques se proposent toujours diffeacuterents objectifs certaines
eacutetudes se proposent drsquoexaminer le comportement de lrsquoenfant qui est aussi tregraves tocirct mis en contact
avec 2 ou plusieurs langues en geacuteneacuteral ces eacutetudes essaient de deacuteterminer la conscience qursquoa
lrsquoenfant de parler ou de ne pas parler plusieurs langues on a 2 types de constatations qui
apparemment sont contradictoires
1-Il semble selon certaines expeacuteriences que les enfants acquiert les diffeacuterentes langues sans
srsquoen apercevoir On cite les propos drsquoun linguiste allemand bilingue qui degraves son plus jeune acircge agrave la
question raquo savez vous depuis le deacutebut que vous parliez deux langues Il reacutepondit laquo je suppose que
non je parlais spontaneacutement la langue de mon interlocuteur sans savoir ce que je faisais et cela
depuis le deacutebut comme jrsquoai pu le deacuteduire du teacutemoignage de mes parents
2- En face de ce premier type de recherche on a une autre type de recherche qui montre que les
enfants distingue assez tocirct entre 3 et 4 ans les diffeacuterents systegravemes qursquoil parle et preacuteciseacutement cette
capaciteacute de parler et la situation dans laquelle ils se trouvent tregraves vite ils perccediloivent ce qursquoon
attend drsquoeux dans la situation scolaire et dans la situation familiale ou amicale
Un autre facteur inteacuteressant crsquoest leur capaciteacute de traduire Renzo Titone cite le cas de conscience
diffeacuterentielle qui lui permet de diffeacuterencier les systegravemes ce qui implique que lrsquoenfant possegravede une
double compeacutetence crsquoest-agrave-dire une maicirctrise intuitive de regravegles et de meacutecanismes diffeacuterents
laquo Lrsquoenfant bilingue reacuteussit-il agrave faire le rapport entre les personnes et les situations distinctes et les
idiomes raquo
Lrsquoenfant pratique la diffeacuterenciation des systegravemes mais il ne possegravede pas la capaciteacute drsquoeacutenoncer de
formuler cette aptitude Il a une conscience intuitive qursquoil ne peut formuler
Le bilinguisme favorable ou deacutefavorable
La question souvent poseacutee est celle de savoir si le bilinguisme est favorable ou deacutefavorable
srsquoil est nuisible ou non Cette question est poseacutee agrave deux niveaux drsquoabord agrave propos des enfants on
se demande bien souvent si le bilinguisme est preacutejudiciable ou non au deacuteveloppement de lrsquoenfant
crsquoest agrave dire agrave son eacutequilibre psychologique affectif drsquoautre part si crsquoest preacutejudiciable agrave lrsquoacquisition
de sa langue maternelle et de sa langue Ces preacutesupposeacutes sont deacutementis par de nombreuses
expeacuteriences faites sur des enfants bilingues
Renzo Titone expose le cas drsquoun enfant qui apprend lrsquoallemand avec sa megravere et le franccedilais avec
son pegravere la prononciation fut celle drsquoun enfant unilingue degraves le deacutebut le bilinguisme ne retardera
pas le deacuteveloppement geacuteneacuteral du langage crsquoest agrave dire que lrsquoacquisition des deux langues nrsquoa pas
entraicircneacute de retard Les emprunts drsquoune langue agrave une autre reacuteitegraverent des cas isoleacutes Dans les deux
langues on assisteacute agrave un deacuteveloppement parallegravelement en phoneacutetique en morphologie en syntaxe
Lrsquoenfant devient tregraves vite conscient de son bilinguisme et traduisait les messages drsquoune langue agrave
une autre Il acquit le concept abstrait de langue Tous ces exemples donneacutes par Titone semblent
contredire la thegravese qui veut que le bilinguisme soit dangereux preacutejudiciable Mecircme thegravese
deacuteveloppeacutee par Abdellah Cheacuteriet pour qui le bilinguisme est contre reacutevolutionnaire dangereux
pour lrsquoauthenticiteacute et pour la langue arabe alors que Lacheraf eacutetait pour le bilinguisme
Selon Cheacuteriet le bilinguisme nrsquoest pas une voie reacutevolutionnaire pour lrsquoenseignement mais
bourgeoise car ce nrsquoest pas le bilinguisme qui donne au peuple sa formation socialiste De plus le
bilinguisme est contraire agrave lrsquoauthenticiteacute et le fait drsquoenseigner une langue eacutetrangegravere agrave lrsquoenfant
orientera sa mentaliteacute et donc son authenticiteacute
Remarque le bilinguisme est consideacutereacute sous un angle particulier on considegravere les deux
langues rivales Pourtant lrsquoAlgeacuterie est plurilingue et Cheacuteriet ne parle jamais des autres langues les
arguments avanceacutes sont biaiseacutes la reacutealiteacute linguistique nrsquoest jamais deacutecrite lrsquoarabe classique est
consideacutereacute comme une langue maternelle En fait le veacuteritable problegraveme dans des cas de bilinguisme
est la prise en charge peacutedagogique et un environnement harmonieux laquo En creacuteant un environnement
adapteacute le petit enfant pourrait tregraves bien apprendre deux langues ou plus sans grave difficulteacute et la
redoutable barriegravere linguistique serait deacutetruite agrave la base raquoTitone
3 Lrsquoapproche sociale On peut parler du bilinguisme social lorsqursquoon prend en consideacuteration lrsquoexpansion du
bilinguisme au niveau de toute une communauteacute Cette approche sociale traite drsquoun certains
nombres de questions
-le statut des langues en contact
-la distribution de ces langues crsquoest-agrave-dire comment les langues se distribuent-elles
parmi les locuteurs comment sont-elles pratiqueacutees par les locuteurs drsquoougrave lrsquoeacutetude drsquoun certains
nombre drsquoeacuteleacutements agrave prendre en charge la situation de communication lrsquoappartenance sexuelle
sociale on srsquoattache aussi au pheacutenomegravene de prestige de valorisation et de deacutevalorisation
pheacutenomegravene de meacutemorisation Crsquoest-agrave-dire lrsquoattitude du locuteur agrave lrsquoeacutegard de ceux qui parlent
-les problegravemes de planification linguistique Elle prend aussi en charge le retentissement
de tous les eacuteleacutements au niveau de la dynamique des langues crsquoest agrave dire la capaciteacute drsquoeacutevolution de
stagnation de vie ou de mort des langues quels sont les symptocircmes qui permettent de reconnaicirctre
ces pheacutenomegravenes
Lrsquoimportance de ces pheacutenomegravenes sociaux se manifeste dans lrsquoexemple que nous
empruntons agrave Juliette Garmadi 1981 La sociolinguistique PUF Paris concernant le cas du
Vaupegraves reacutegion qui se situe au centre de lrsquoAmazonie avec une frontiegravere commune agrave la Colombie et
au breacutesil
Quelles sont les caracteacuteristiques sociales de cette reacutegion il srsquoagit drsquoune population
indienne qui vit dans des habitations disperseacutees cependant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune
population seacutedentaire bien qursquoil lui arrive de se deacuteplacer Il y a plusieurs niveaux de structuration
sociale de cette population elle est structureacutee en uniteacutes deacutefinies par un seul critegravere lrsquouniteacute
linguistique Chaque groupe drsquoindividus parlant la mecircme langue est consideacutereacute comme appartenant
agrave la mecircme tribu La tribu est deacutefinie par la langue du pegravere donc tous ceux qui ont utiliseacutes degraves leur
enfance la langue du pegravere font partie de la mecircme tribu Crsquoest donc la langue du pegravere qui confegravere
lrsquoidentiteacute au groupe agrave la tribu Un indien de cette tribut doit se marier avec une femme drsquoune autre
tribu obligatoirement donc parlant une autre langue sinon cela est consideacutereacute comme un inceste
Exemple un enfant appartenant agrave une tribu doit avoir comme premiegravere langue la langue de son
pegravere la megravere est tenue drsquoapprendre la langue de son mari mais elle peut aussi parler sa langue avec
les autres femmes elle communique avec son fils la langue de son mari
Quels sont les points que suscite lrsquoattention du linguiste par rapport au vaupeacutes
-Au niveau de lrsquoeacutetendue du bilinguisme
Le plurilinguisme pourrait ecirctre envisageacute dans cette reacutegion agrave plusieurs niveaux au niveau familial
ou cellule nucleacuteaire Au niveau de la tribu au niveau du Vaupegraves
Selon Juliette Garmadi il y a une stabiliteacute du plurilinguisme que lrsquointroduction du portugais et de
lrsquoespagnol dans la reacutegion ne semble pas remettre en cause Elle affirme une des premiegraveres
conclusions que lrsquoon peut tirer de lrsquoeacutetude de la situation du Vaupegraves est que les socieacuteteacutes complexes
ne sont pas les seules garantes possibles de la stabiliteacute du plurilinguisme Elle veut dire que lrsquoon
aurait tendance agrave croire qursquoune situation comme le vaupeacutes avec lrsquoaccord de la colonisation aurait
pu voir son plurilinguisme ceacuteder devant la langue du colonisateur or il nrsquoen est rien car le
plurilinguisme du Vaupegraves se maintient tregraves bien Donc les socieacuteteacutes stables ne sont pas les seules
garantes de la stabiliteacute
Lrsquoexistence du plurilinguisme et de sa stabiliteacute ne sont lieacutees ni agrave des types drsquoinstitutions preacutecises ni
au nombre des locuteurs ni agrave la dimension ni agrave la densiteacute drsquoun pays
Juliette Garrmadi agrave travers lrsquoexemple du Vaupegraves semble remettre en question toutes ces
hypothegraveses
-Au niveau psychologique du bilinguisme
Au niveau psychologique le plurilinguisme peut ecirctre preacutecoce ou tardif ce bilinguisme est aussi
eacutequilibreacute car les langues acquises dans lrsquoenfance le sont avec une maicirctrise eacutegales
-Au niveau linguistique et seacutemio culturel
Au niveau des systegravemes culturels transmis par le langage on peut parler de bilinguisme composeacute
crsquoest agrave dire que les langues parleacutees reacutefegraverent agrave une mecircme situation seacutemio culturelle que les langues
indiennes parleacutees dans le Vaupegraves renvoient au mecircme reacutefeacuterent culturel dans la mesure ougrave la culture
indienne de cette reacutegion est homogegravene et que toutes les langues parleacutees sont le veacutehicule de cette
culture homogegravene ce qui peut se traduire en disant que les enfants du Vaupeacutes ont un seul systegraveme
de signifieacute mais qursquoils ont pour le traduire diffeacuterents signifiants correspondant aux diffeacuterentes
langues qursquoils parlent Crsquoest dans ce cas que lrsquoon parle de bilinguisme composeacute car ce dernier
implique theacuteoriquement la permeacuteabiliteacute des systegravemes linguistiques en contact crsquoest-agrave-dire qursquoil y a
tregraves souvent passage drsquoune langue agrave une autre il y a interfeacuterence agrave tout niveau phonologique
lexical et syntaxique
Conclusion
Si lrsquoon srsquoen tient au cas du Vaupeacutes on peut dire agrave propos de lrsquoAlgeacuterie qursquoelle preacutesente bien une
situation de plurilinguisme social Ce bilinguisme peut ecirctre caracteacuteriseacute agrave la fois comme preacutecoce et
tardif(beaucoup drsquoenfants apprennent les langues dans leur petite enfance mais aussi agrave lrsquoeacutecole) Ce
bilinguisme est aussi eacutequilibreacute il est plutocirct coordonneacute que composeacute car le reacutefeacuterent seacutemioculturel du
kabyle et du franccedilais est diffeacuterent du kabyle et de lrsquoarabe le franccedilais lrsquoest aussi
Cours 4
Bilinguisme et diglossie
1-Introduction
Dans une situation de contact de langues le statut de chaque langue varie suivant les rapports de
domination entre les groupes qui les parlent et les perceptions que les individus ont de ces rapports
Il srsquoensuit que les usages langagiers varient dans lrsquoespace social et geacuteographique en fonction de ces
rapports intergroupes si ces rapports changent les rapports de statut et donc les usages eux-mecircmes
varieront Crsquoest agrave de tels pheacutenomegravenes de variations sociolinguistiques que nous allons nous
inteacuteresseacutes En premier lieu nous examinerons le pheacutenomegravene de diglossie qui reacutesulte de relation de
statuts entre une langue et une varieacuteteacute de langue super-ordonneacutee et une autre langue ou varieacuteteacute de
langues subordonneacutees dont les usages respectifs sont en distribution compleacutementaire plus ou moins
stable dans une socieacuteteacute donneacutee
Selon Mackey laquo une socieacuteteacute dont tous les membres seraient capables de comprendre lire parler et
eacutecrire deux langues utiliseacutees dans cette socieacuteteacute devrait sans doute abandonner une de ces langues
car elle serait redondante Autrement dit pour que deux ou plusieurs langues survivent dans une
socieacuteteacute il est neacutecessaire qursquoelles remplissent des fonctions compleacutementaires-soit qursquoelles sont
utiliseacutees par tous les locuteurs pour des fonctions et dans des domaines distincts soit qursquoelles sont
utiliseacutees par des locuteurs appartenant agrave des groupes ethnolinguistiques diffeacuterents soit qursquoun
groupe parle la langue dominante lrsquoautre groupe la langue domineacutee avec entre les deux des
individus bilingues qui parlent la langue de lrsquoun et de lrsquoautre
1-Deacutefinition et historique de la diglossie
La notion de diglossie (du grec ancien diglottos signifiant bilingue) est un concept
sociolinguistique deacuteveloppeacute par Ferguson(1959) pour deacutecrire toute situation dans laquelle deux
varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue sont employeacutees dans des domaines compleacutementaires lrsquoune de ces
varieacuteteacute eacutetant geacuteneacuteralement de statut socialement supeacuterieur agrave lrsquoautre
Dans un sens large la diglossie existe dans toutes les socieacuteteacutes ougrave lrsquousage quotidien diffegravere
sensiblement de la norme officielle il faut que chaque varieacuteteacute soit utiliseacutees de maniegravere
systeacutematique par exemple une varieacuteteacute est employeacutee dans les domaines formelles comme
lrsquoadministration la religion la poeacutesie alors que lrsquoautre est reacuteserveacutee agrave la conversation courante aux
discussions informelles agrave la correspondance non officielle Fergusson qualifie ces deux varieacuteteacutes
lrsquoune haute et lrsquoautre basse Exemple Le monde arabe lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal La
Gregravece le grec le katharevousa et le grec populaire le dhimotiki
Le terme de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Fishman (1967) agrave lrsquousage compleacutementaire institutionnaliseacute
de deux langues distinctes dans une communauteacute donneacutee Cette situation de diglossie se caracteacuterise
par un certain nombre de traits
-La fonction la fonction des deux varieacuteteacutes H et L nrsquoest pas la mecircme il y a reacutepartition de chacune
drsquoentre elles selon les situations de communication
-la notion de prestige on se place ici au niveau de lrsquoattitude des locuteurs qui ont tendance agrave
qualifier H de supeacuterieure de plus belle de plus logique de plus apte agrave exprimer les penseacutees
importantes Ils affirment aussi qursquoils preacutefegraverent entendre un discours politique dans cette varieacuteteacute La
varieacuteteacute L est consideacutereacutee comme eacutetant infeacuterieure incapable drsquoexprimer un discours litteacuteraire
-La litteacuterature eacutetant reacutedigeacutee dans la varieacuteteacute haute elle contribue agrave ce que cette derniegravere soit tenue
dans sa plus haute consideacuteration
Le mode drsquoacquisition La varieacuteteacute basse est geacuteneacuteralement la langue maternelle son acquisition se
fait par lrsquousage donc au sein de la famille La varieacuteteacute haute srsquoapprend agrave lrsquoeacutecole
-La standardisation constitueacutee par la moyenne des usages des locuteurs ex le franccedilais standard
constitue la norme
-La stabiliteacute la situation de diglossie est passagegravere soumise agrave lrsquoeacutevolution Le rapport entre une
langue H et une langue L est ponctuel eacutepheacutemegravere susceptible drsquoeacutevolution
En fait dit Fergusson il nrsquoen est rien La situation de diglossie se caracteacuterise par la stabiliteacute elle
peut durer plusieurs siegravecles Srsquoil y a eacutevolution crsquoest par lrsquointermeacutediaire drsquoune forme de langue
intermeacutediaire qui ne remet pas en cause veacuteritablement le rapport entre H et L comme par exemple
lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal
Le concept de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Gumperz(1971) aux socieacuteteacutes multilingues dans le sens ougrave
celles-ci peuvent utiliser diffeacuterentiellement plusieurs codes (langues dialectes) dans des domaines
et des fonctions compleacutementaires comme lrsquoInde qui a deux langues officielles hautes le hindi et
lrsquoanglais en plus des langues reacutegionales
2-Le rejet de la notion de diglossie
-Martinet utilise plusieurs eacuteleacutements pour remettre en cause la notion de diglossie
Selon Martinet Fishman et Gumperz adoptent la notion de diglossie pour des raisons
sociologiques pour marquer la distinction bilinguisme individuel versus bilinguisme social La
diglossie implique le bilinguisme communautaire
Dans cette perspective on ne voit pas ce que la distinction bilinguisme diglossie apporterait de
nouveau par rapport au bilinguisme individuel et bilinguisme social
Martinet rappelle que la hieacuterarchie entre les langues nrsquoest pas absolue il nrsquoest pas toujours possible
dans toutes les situations linguistiques de deacuteterminer la hieacuterarchie Exemple le Canada
Lrsquoanglais est reacuteserveacute au domaine eacuteconomique et technique le franccedilais est reacuteserveacute au domaine
culturel Ces deux langues sont des langues de prestige bien qursquoelles ne soient pas sur un pied
drsquoeacutegaliteacuteccedila eacutetait la langue de lrsquoeacuteglise or nous dit-il cet argument nrsquoest plus valable car la
katareacuterouza a beaucoup eacutevolueacute par rapport agrave la langue religieuse
Le second argument de Drettas est la remise en cause du systegraveme de standardisation retenue par
Fergusson pour lui on ne peut retenir ce critegravere dans la mesure ougrave le corpus de reacutefeacuterence est
heacuteteacuterogegravene
3- La situation de lrsquoAlgeacuterie
Fergusson considegravere les pays arabes comme un des cas les plus anciens et les plus stables de
diglossie Tout le monde reconnaicirct le prestige de la langue arabe classique
Qui deacutecide de ce prestige Peut on dire drsquoune langue que les locuteurs refusent de parler qursquoelle
nrsquoest pas prestigieuse
Tous les grammairiens qui procircnent la disparition des dialectes au profit de lrsquoarabe classique sont
obligeacutes de reconnaicirctre que ces derniers sont bien vivants les grammairiens parlent de difficulteacute agrave
enseigner une locuteurs natifs il nrsquoexiste pas dans le monde arabe de personnes dont la langue
maternelle est la langue standard
Le prestige de la langue tient essentiellement du mythe nous avons lagrave lrsquoexemple drsquoun discours sur
les langues que les grammairiens les linguistes lrsquoeacutelite intellectuelle ont eacutetabli et qursquoils perpeacutetuent
avec la compliciteacute des instances officielles sans jamais se poser la question de lrsquoadeacutequation de ces
discours agrave la reacutealiteacute des pratiques linguistiques
4-Les tenants de la notion deacutefense et illustration de la diglossie
La deacutefense de la diglossie se fait selon deux axes principaux
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
-La diglossie expression et moyen drsquoun conflit social
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
A partir de la distinction entre varieacuteteacute H et varieacuteteacute L eacutetablie par Ferguson se construit une autre
signification celle de la diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute Il srsquoagit drsquoineacutegaliteacute au
niveau de lrsquoutilisation des deux langues mais aussi des attitudes et repreacutesentations que les locuteurs
ont agrave propos de ces langues Ces deux aspects sont tregraves importants Le terme de diglossie permet
drsquoinsister sur cette ineacutegaliteacute qui peut ecirctre quantitative lorsqursquoil srsquoagit de lrsquoextension drsquoemploi de
ces langues ainsi la varieacuteteacute H a geacuteneacuteralement une zone drsquoextension plus grande que la varieacuteteacute B
On peut parler drsquoineacutegaliteacute qualitative lorsque les langues en preacutesence ont le mecircme statut
-Bilan de La sociolinguistique dans le domaine arabearabophone
Essor tardif malgreacute la richesse du champ puisque aireegravere immenses
Pendant toute la premiegravere partie du XXegraveme siegravecle (Auparavant voir P Larcher) les eacutetudes arabes
ont eacuteteacute diviseacutees en deux grands domaines qui se recoupaient tregraves peu
a) lrsquoeacutetude la langue arabe classique b) eacutetudes dialectales
Dans les deux cas les auteurs visent agrave des descriptions de systegravemes plus ou moins homogegravenes et
stables En ce qui concerne eacutetudes dialectales description qui repose souvent sur le parler drsquoun ou
deux informateurs supposeacutes repreacutesenteacutes lrsquoensemble de leur communauteacute le parler du Caire le
parler de Cherchell le parler de Tunis etc et parfois mecircme le parler eacutegyptien le parler syrien etc
Preacutecurseurs la dialectologie et linguistique historique
Il y a quand mecircme une linguistique historique qui se pose la question de la formation de lrsquoarabe
classique ou dialectale en particulier en ce qui concerne la peacuteriode preacuteceacutedant et suivant la conquecircte
avec des questions comme est ce que lrsquoarabe classique srsquoest constitueacute sur une koineacute poeacutetique
litteacuteraire ou sur une koinegrave dialectale etc (cf P larcher) Autour de cette question de la formation
de lrsquoarabe de la deacutefinition drsquoune koinegrave qursquoil srsquoagisse drsquoune koinegrave litteacuteraire ou dialectale on aborde
les questions de contact drsquoeacutevolution de varieacuteteacutes
-Deacutefinition drsquoune koinegrave = Varieacuteteacute neacutee du contact de diffeacuterentes varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue qui
se deacutelocalise dans le sens que nrsquoest plus le symbolelrsquoeacuteleacutement identificateur drsquoun groupe
socialement et geacuteographiquement distinct et qui de ce fait tend agrave eacuteliminer les traits les plus
particuliers les plus saillants des varieacuteteacutes en contact et tend agrave conserver les traits communs
(beaucoup plus compliqueacute que cela mais tendance geacuteneacuterale)
Donc un certain nombre de travaux autour de ces questions par des gens qui ne se deacuteclarent pas
comme des sociolinguistes mais plutocirct comme des historiens de la langue ou des linguistes Fuumlck
Ferguson Blau Cohen etc etc Relient analyse historico sociale et analyse linguistique mais les
eacuteleacutementspreuves de leur argumentation sont surtout baseacutes sur des eacuteleacutements linguistiques (liste des
traits pour la koinegrave urbaine de Ferguson ou de Cohen ou plus tard de Vesteegh pour sa theacuteorie de la
pidginisationcreacuteolisation) cf on prend un certain nombre de traits des dialectes arabes
contemporains et on les compare a) avec arabe classique et b) avec les eacuteleacutements de dialectologie
historique dont on dispose et on essaie de montrer que relegravevent ou pas drsquoun processus de
koineacuteisation
Tous ces travaux autour des questions de koinegrave litteacuteraire et surtout koinegrave dialectale sont importants
car vont eacutetablir des cateacutegories dialectales baseacutees sur des critegraveres sociaux ethniques cf la distinction
entre parlers dits nomadesbeacutedouins censeacutes ecirctre plus laquo conservateurs raquo (donc avoir gardeacutes des traits
des parlers preacute-Jahili) et parlers seacutedentaires consideacutereacutes comme laquo plus innovants raquo et agrave lrsquointeacuterieur
de ces parlers seacutedentaires les parles urbains consideacutereacutes comme eacutevidemment les plus laquo mixtes raquo car
issus soit du contact entre des dialectes diffeacuterents (koinegrave) soit du contact entre des arabophones et
des non arabophones (langue de contact)
(Pour toutes ces questions de dialectologie historiques et de cateacutegorisation etc je vous renvoie aux
laquo pegraveres laquo de la dialectologie arabe cf en franccedilais Cantineau William et Philippe Marsais pour le
Maghreb Colin etc Ces cateacutegories sont elles mecircmes inspireacutees des eacutecrits de Ibn Khaldoum
VI-2-3- Le deacuteveloppement de la dialectologie
Crsquoest agrave partir de ces cateacutegories dialectales qui se distingueraient pas des traits linguistiques
particulier que se sont deacuteveloppeacutes au Moyen Orient quelques travaux fondateurs comme ceux de
Haim Blanc sur Baghdad (1966) puis de Clive Holes sur Bahrain (1987) et au Maghreb une
sociolinguistiquedialectologie laquo urbaine raquo avec des gens comme Leila Messaoudi (Rabat)
Dominique Caubet (Fegraves) etc et tous les travaux en dialectologie urbaine qui ont montreacute que
diffeacuterentes varieacuteteacutes coexistaient dans une mecircme ville en fonction des appartenances
laquo communautaires raquo crsquoest agrave dire soit appartenance religieuse (juive chreacutetienne musulmane) ou
reacutegionales ou ethniques etc et qui ont pu eacutetudier aussi le renouvellement des parlers urbains en
montrant comment des nouveaux flux de populations drsquoorigine rurale transformaient les anciens
parlers urbains et provoquaient des pheacutenomegravenes de koineacuteisation Mais au Maghreb on reste le plus
souvent dans la dialectologie urbaine plus que dans la sociolinguistique dans le sens ougrave le plus
souvent on identifie un groupe agrave une varieacuteteacute sans deacutecrire les pheacutenomegravenes de variations
drsquoalternance individuelles La personne la plus repreacutesentative de ce courant me semble Leila
Mesaoudi (2003) qui se basant sur les travaux drsquoeacutetudes urbaines (cf Mohamed Naciri pour le
Maroc) a deacuteveloppeacute une opposition entre parler citadinparler urbain et montreacute combien les anciens
parler citadins (preacute-hilalien et andalou) eacutetaient actuellement en deacuteclin face aux nouvelles koineacute
urbaines a fort traits beacutedouins raquo
Crsquoest surtout chez les anglo - saxons et au Mashrek que lrsquoon voit se deacutevelopper une
sociolinguistique variationiste urbaine avec des gens comme Clive Holes Abdel Jawad Ibrahim
Muhamed Amara Niloofar haeri Enam Al Wer etc qui eacutetudient comment eacutevoluent les usages
linguistiques des diffeacuterents types de locuteurs en fonction de leur acircge sexe degreacute drsquoeacutetudes origine
reacutegionale etc Etudes qui analysent principalement les variantes phonologiques comme la
reacutealisation du (q) en q g k la reacutealisation des inter dentales des diphtongues etc Ces
variantes phonologiques sont consideacutereacutees comme des marqueurs de telle ou telle varieacuteteacute cf le (q)
crsquoest agrave la fois classique et certains parlers urbains le g crsquoest plutocirct ruralbeacutedouin mais devenu
urbain dans de nombreux cas le crsquoest plutocirct urbain etc etc Donc on eacutetudie la reacutealisation de ces
variantes aupregraves drsquoun certain nombre de locuteurs et on croise les variables linguistiques avec des
critegraveres sociaux (acircge sexe eacuteducation etc) et on en conclut que dans tel ou tel milieu urbain
lrsquoeacutevolution linguistique va dans le sens du deacuteveloppement de telle ou telle varieacuteteacute de langue
Ce type drsquoeacutetude qui a repris au deacutebut les concepts meacutethodologie variationiste labovienne
deacuteveloppeacute aux USA GB etc srsquoest drsquoabord heurteacute agrave une application trop meacutecaniste de la deacutemarche
labovienne et a du srsquoadapter au contexte arabophone qui est un peu plus speacutecifique du fait de la
fameuse question de la diglossie la varieacuteteacute haute des villes europeacuteennes = la varieacuteteacute parleacutee par
lrsquoeacutelite de ces villes donc standard urbain = varieacuteteacute haute prestigieuse que les autres locuteurs
essaieront ou pas de reproduire en fonction des contextes urbains Les innovations souvent
introduites par les membres des classes moyennes et se diffusent vers le haut puis repris par le
bas etc Les femmes des couches populaires ont tendance agrave reprendre plus vites les variantes
prestigieuses les hommes des milieux populaires sont plus conservateurs
Dans le monde arabe on a commenceacute agrave faire une adeacutequation entre varieacuteteacute haute et fusha
(classiquemoderne) et agrave voir comment les locuteurs des diffeacuterents parlers dialectales acqueacuteraient
ou pas les marqueurs de cette varieacuteteacute haute (donc par exemple la reacutealisation du fameux (qaf) Et
puis on srsquoest rapidement aperccedilu que parallegravelement au fusha il y avait drsquoautres varieacuteteacutes prestigieuses
en particulier les varieacuteteacutes urbaines dans un certain nombre de grand centres urbains comme le
Caire Jeacuterusalem etc les migrants drsquoorigine rurale et surtout les femmes pouvaient privileacutegier la
norme urbaine sur celle du fushahellip (Palva 1982 Ibrahim 1986 etc) Ce qui a ameneacute un certain
nombre de travaux en cours agrave srsquointerroger sur la question de la norme du standard en arabe sur
lrsquoimpact de lrsquoeacuteducation (Nilofar Haeri Enam Al Wer) et donc par ricochet ont deacuteveloppeacute une
critique drsquoune conception qui se voulait plus ou moins universalisante agrave la Bourdieu les classes
dominantes se caracteacuteriseraient par leur maicirctrise de la norme langagiegravere qursquoelles imposent aux
autres Dans le monde arabe on voit que lrsquoune des normes prestigieuses est supposeacutee ecirctre le fusha
norme que peu de gens maicirctrisent dans leur vie quotidienne les eacutelites sont plutocirct plurilingues et pas
toujours tregraves arabiseacutees (ce sont souvent plutocirct les membres des classes moyennes qui ont suivit leur
eacuteducation en arabe) lrsquoautre norme peut ecirctre le vernaculaire urbain (mais pas toujours comme on le
voit pour un certain nombre de vieilles citeacutes maghreacutebines) mais cela peut ecirctre aussi une norme
beacutedouine + - ideacutealiseacutee comme cela semble ecirctre le cas en Jordanie ou face agrave la preacutesence des
palestiniens irakiens syriens etc laquo les vrais hommes jordaniens raquo semblent revendiquer une
norme locale plus beacutedouine
Bref lrsquoensemble de ces travaux plus ou moins reacutecents sur la dialectologiesociolinguistique urbaine
ont eu le meacuterite de mettre en relief la diversiteacute des situations la complexiteacute historique du
deacuteveloppement de certains parlers la pluraliteacute des normes Beaucoup de travail reste agrave faire dans
ce domaine ougrave les vraies eacutetudes de terrain baseacutees sur des corpus restent rares Deux
exemples proches celui de Casablanca et de lrsquoarabe dit marocain Alors que le Maroc est lrsquoun des
pays ougrave lrsquoon dispose drsquoune tradition dialectologique riche et de nombreux travaux contemporains
(en particulier avec les espagnols mais aussi des auteurs marocains) on srsquoaperccediloit que si lrsquoon
connaicirct un peu lrsquohistoire de la formation du parler de Casablanca au deacutebut du XXegraveme s et son
expansion on ne dispose drsquoaucune description sociolinguistique reacuteelle et on reste dans une grande
confusion entre la koinegrave marocaine et le parler de Casablanca De mecircme pour Alger la capitale de
lrsquoAlgeacuterie qui a connu une expansion consideacuterable agrave une politique drsquoarabisation plus ou moins
reacuteussie et accepteacutee quel(s) type(s) drsquoarabe se deacuteveloppent actuellement Y a t il deacuteveloppement
drsquoune koinegrave influence croissante de fusha ou au contraire deacuteveloppement croissant du code
swtiching ou les deux etchellip autant de questions qui nrsquoont pas encore eacuteteacute traiteacutees de faccedilon
satisfaisante
Il apparaicirct enfin que la sociolinguistique arabophone srsquoest peu deacuteveloppeacutee dans un cadre
interactioniste Neacutecessiteacute de deacutevelopper lrsquoanalyse interationnelle de preacutesenter des corpus en action
et de sortir un peu des approches variationistes ou des listes drsquoisoglosses
La question de la diglossie et du continuum dialectalefusha
Crsquoest un des domaines qui a eacuteteacute le plus abordeacute en sociolinguistique arabe agrave la fois dans une
approche du contactcode switching et une approche attitudinales Massivement investi par les
anglo-saxons Donc les articles fondateurs sur la Diglossie Marccedilais +- inaperccedilu Ferguson qui a eu
un impact consideacuterable et de lagrave tout un courant pour savoir la nature le type de diglossie la mise
en eacutevidence niveaux intermeacutediaires entre les deux pocircles etc
Deux grandes tendances
- celles qui consistent agrave nommer et agrave caracteacuteriser des varieacuteteacutes intermeacutediaires entre le pocircle bas
(dialecte) et le pocircle (haut) fusha On va de 3 45 avec des notions comme lsquoammiya al-muthaqafin
(Educated Spoken Arabic) Tendances deacuteveloppeacutees par des gens comme lrsquoeacutecole de Leeds Said El-
badawi au Caire etc Mais ces travaux se heurtent agrave la difficulteacute de trouver des laquo fontiegraveres raquo claires
entres les diffeacuterentes varieacuteteacutes intermeacutediaires
- lrsquoautre tendance est de consideacuterer qursquoil y a deux pocircles + - abstraits et un continuum entre les
deux pocircles sans qursquoil soit possible drsquoisoler des varieacuteteacutes speacutecifiques entre les deux A partir de cette
conception en continuum on peut eacutetudier comment se fait le meacutelange des deux codes et appliquer
un certain nombre de regravegles et meacutethodes reprises des eacutetudes sur le Code Switching et lrsquointerlangue
cela va donc des contraintes syntaxiques de lrsquoeacutepoque Poplack agrave la theacuteorie de la Matrix language de
Myers Scotton (beaucoup drsquoarticles parus dans les volumes de Aspects of Arabic Linguistics et
eacutegalement lrsquoouvrage collectif de Rouchdy 2002 par ex cf les travaux de Gunvor Medjell etc)
Ces travaux ont reccedilu un bon eacutecho dans le monde arabe en geacuteneacuterale car permettent tout en restant
dans lsquodu politiquement correcte raquo de travailler sur de lrsquoarabe moderne de sortir un peu du carcan
du classique sans faire de la laquo dialectologie raquo qui reste une discipline encore trop souvent
consideacutereacutee comme laquo orientalisanteraquo
Les travaux sur le code switching et le continuum ne pacirctissent pas drsquoune image deacutefavorable agrave
lrsquoinverse de la dialectologie qui reste entacheacutee drsquoune reacuteputation de laquo science coloniale raquo Le
domaine des eacutetudes sur diglossieCS reste prolifique et les eacutetudes montrent que la frontiegravere entre le
fusha et le dialectale sont extrecircmement poreuses des domaines reacuteserveacutes au fusha sont de plus en
plus peacuteneacutetreacutes par le dialectal incluant lrsquoeacutecrit (journalistique le roman les publiciteacutes) et tout le
domaine relevant de lrsquooral officiel (les discours publiques les meacutedias etc) et vice versa
lrsquoinfluence principalement lexicale et phonologique du fusha se fait sentir dans lrsquooral dialectal via
eacuteducationmeacutedia certaine deacutemocratisation Il y a de grand corpus en ligne (voir les ameacutericains
comme Parkinson)
On peut se demander si cette porositeacute entre les deux pocircles reflegravete une eacutevolution contemporaine ou
si elle existait auparavant mais nrsquoavait pas eacuteteacute eacutetudieacutee Si on observe le passeacute avec minutie on
constate a) que lrsquoeacutecrit a toujours eacuteteacute +- marqueacute par le dialectal cf le fameux moyen arabe et b)
que les supposeacutees populations analphabegravetes parlant le dialectal avaient un contact avec lrsquoarabe
classique via lrsquoenseignement religieux la poeacutesie sufi etc et donc il y a certainement eu et de la
part des orientalistes et des panarabistes une sureacutevaluation de cette diglossie
Ce qui semble clair cependant crsquoest que par rapport agrave certains pronostiques des anneacutees 50-60 (les
indeacutependances) crsquoest que lrsquoarabe standard moderne ne srsquoest pas imposeacute comme unique meacutedium de
communication dans lrsquoensemble du monde arabe que les laquo dialectes raquo parlers locaux eacutevoluent
mais se maintiennent plus qursquoon aurait pu le croire puisqursquoon voit mecircme resurgir des
reacutegionalismes locaux
Un domaine qui reste agrave explorer pour les deacutecennies agrave venir eacutemergence ou pas de laquo langues
parlers raquo nationauxreacutegionaux A lrsquointeacuterieur drsquoun mecircme pays est ce que sont les tendances agrave la
koineacuteisation ou le maintien des diffeacuterences qui va lrsquoemporter est-ce que ces hypotheacutetiques
varieacuteteacutes nationales seront reconnues comme telles On entend parler drsquoarabe eacutegyptien marocain
algeacuterien syriens Ce sont en grande partie des fictions qui deacutesignent en geacuteneacuterale les varieacuteteacutes parleacutees
dans les capitales mais qui ne sont pas institutionnaliseacutees ni reconnues comme des langues
officielles et dont le rayonnement nrsquointerdit pas le maintien drsquoautres varieacuteteacutes plus locales ou
reacutegionales Mais il y a toujours eu des mouvements militant (mais toujours tregraves minoritaires) pour
lrsquoinstitutionnalisant de ces laquo langues nationales raquo et la rupture avec le fusha cf au Liban en Egypte
au Maroc actuellement (cf le numeacutero de la revue Tel Quel Darja notre langue nationale) On
retrouve donc toujours lrsquoopposition entre ceux qui ont une vision discontinuiste (ammiyya et fusha
sont des systegravemes fondamentalement diffeacuterents) et ceux qui ont une vision plus continuiste
(ammiyya et fusha se complegravetent)
Autres domaines de la Sociolinguistique arabe en deacuteveloppement
- Lrsquoahelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip maternelles en contexte migratoire des regravegles du CS etc
Un autre domaine est lrsquoinfluence de cet arabe de diaspora dans les pays drsquoaccueil cf dans la
creacuteation artistique contemporaine les parlers des jeunes etc (la musique les blagues etc cf les
travaux de Dominique Caubet etc)
CONCLUSION Le terme sociolinguistique implique donc une sensibiliteacute une approche et une meacutethodologie
particuliegraveres partir du reacuteel du concret ecirctre agrave lrsquoeacutecoute des faits de langue de variation se dire que
le marginal le particulier sont toujours instructifs que les langues sont toujours en perpeacutetuel
construction et que les humains sont les acteurs de ces constructions Crsquoest un peu comme un
historien qui deacutecide de sortir de lrsquohistoire officielle de la Cour et des Grands pour srsquointeacuteresser agrave
lrsquohistoire sociale crsquoest plus difficile cela demande de plonger dans des archives plus ou moins
accessibles lisibles etc Pour le linguiste cela demande de recueillir des corpus et de prendre le
temps de les eacutecouter analyser transcrire
Le deacuteveloppement drsquoeacutetudes avec une sensibiliteacute sociolinguistique a permis de sortir drsquoun certain
carcan imposeacute agrave la fois par de nombreux laquo orientalistes raquo et par lrsquoideacuteologie pan arabe des eacutetats
arabes lrsquoarabe est de plus en plus reconnue comme une langue plurielle ayant subi des
deacuteveloppements diffeacuterents selon les lieux et les contextes jouant des rocircles diffeacuterents etc
Pour le moment on sent bien qursquoil y a cependant un fosseacute entre ces avanceacutees et les politiques
didactiques par exemple lrsquoenseignement de lrsquoarabe reste extrecircmement probleacutematique et figeacute tant
dans les pays dits arabophones que dans les pays a forte minoriteacutes non arabophones Alors que par
exemple lrsquoenseignement du FLE ou ALE a totalement inteacutegreacute un certain nombre drsquoacquis de la
sociolinguistique pragmatique linguistique discursive il ne semble pas que ce soit le cas avec
lrsquoarabe malgreacute le nombres drsquoinstituts eacutetrangers ou arabes qui se penchent sur la question
Cours 5 ATTITUDES ET REPRESENTATIONS
Le pheacutenomegravene repreacutesentationnel est un pheacutenomegravene qui a drsquoabord inteacuteresseacute les sciences humaines la psychologie la sociologie lrsquoanthropologie bien avant la linguistique et disposent au cœur de ces sciences drsquoun savoir theacuteorique Il recouvre tout le champ qursquoon nomme repreacutesentations linguistiques langagiegraveres ou sociolinguistiques discours sur les langues attitudes linguistiques jugement sur les langues rapports subjectifs agrave la langue imaginaire linguistique Cependant chaque appellation teacutemoigne drsquoun certains point de vue Guenier deacutefinit les repreacutesentations comme laquo une forme courante et non savante de connaissances
socialement partageacutees qui contribue agrave une vision de la reacutealiteacute commune agrave des ensembles sociaux et
culturels raquo(repreacutesentations linguistiques in Moreau Sociolinguistique concepts de base Mardaga
liegravege 1996 p146)
Deux caractegraveres sont agrave relever dans cette deacutefinition
_Le caractegravere non savant des repreacutesentations il srsquoagit drsquoune forme de connaissance qui ne repose
sur aucune rationaliteacute crsquoest une connaissance intuitive purement subjective Branca-Rosoff citeacute
par Boyer in Sociolinguistique territoire et objets p79 deacutesigne ce pheacutenomegravene laquo drsquoopinions
steacutereacuteotypeacutees raquo Crsquoest donc une certaine vision une certaine perception que les locuteurs ont de
leurs langues et de celles des autres
- Les repreacutesentations linguistiques sont socialement eacutelaboreacutees et partageacutees par tous les membres
drsquoune socieacuteteacute Elles fonctionnent comme des normes sociales ideacutee partageacutee par Labov qui les
situent entre la norme ideacuteologique et les usages effectifs Pour ce dernier la norme sociale est le
fondement mecircme de la communauteacute linguistique qui ne se deacutefinit plus comme un ensemble de
locuteurs partageant les mecircmes usages (au niveau des pratiques elle est plutocirct heacuteteacuterogegravene) mais
comme un ensemble de locuteurs partageant des normes subjectives communes Ainsi les langues
sont jugeacutees positivement alors que drsquoautres le sont neacutegativement Les jugements peuvent ecirctre de
nature estheacutetique peuvent concerner le systegraveme lui-mecircme la valeur de la langue sur le marcheacute
linguistique et enfin le groupe qui la parle Nous avons donc affaire agrave un pheacutenomegravene social et crsquoest
justement ce caractegravere social des repreacutesentations linguistiques qui justifie qursquoelles constituent un
objet de choix de la sociolinguistique cependant cela nrsquoexclut pas qursquoil y ait tout de mecircme une part
individuel
Les locuteurs ne se contentent pas drsquoutiliser les langues et les varieacuteteacutes de langues ils les eacutevaluent
cette eacutevaluation influe beaucoup sur leurs pratiques linguistiques On entre ici dans le domaine des
attitudes et des normes qursquoelles impliquent chaque locuteur eacutevalue sa propre pratique et celle des
autres et ces eacutevaluations jouent un rocircle important dans le changement linguistique
La linguistique diachronique analyse le changement linguistique drsquoougrave provient une innovation
pourquoi et comment srsquoimpose-t-elle est-ce pour des raisons sociologiques qursquoune langue
change Andreacute Martinet a deacutefendu la thegravese que lrsquoeacutevolution phonologique drsquoune langue ne se faisait
pas de maniegravere aleacuteatoire mais srsquoexpliquait par la neacutecessiteacute pour son systegraveme de trouver une
stabiliteacute optimale en reacuteduisant ses deacuteseacutequilibres Drsquoautres linguistes preacutefegraverent mettre lrsquoaccent sur
des meacutecanismes sociaux par exemple un groupe peut imiter la prononciation drsquoun autre jugeacutee
plus prestigieuse
Deux tendances srsquoaffrontent pour expliquer le changement on invoque souvent le principe du
moindre effort les locuteurs confondent certaines formes phoneacutetiquement tregraves proches simplifient
des constructions syntaxiques compliqueacutees Cette tendance au moindre effort du locuteur est
contrebalanceacutee par une autre qui pousse agrave ne pas compromettre la compreacutehension crsquoest-agrave-dire le
moindre effort de lrsquoauditeur
Il nrsquoest pas rare qursquoun eacutetranger en situation officielle srsquoexcuse de ne pas parler la langue de son
interlocuteur Ce faisant il teacutemoigne drsquoune certaine politesse qui compenserait en quelque sorte
laquo lrsquoimpolitesse raquo de ne pas bien parler la langue mais il teacutemoigne aussi de la valeur positive qursquoil
accorde agrave cette langue et agrave ceux qui la parlent A lrsquointeacuterieur drsquoun groupe qui parle la mecircme langue
on observe nous le verrons un un pheacutenomegravene semblable drsquoineacutegaliteacute linguistique entre locuteurs de
statut socioculturel diffeacuterent
Par ailleurs nous sommes tour agrave tour eacutemetteurs et reacutecepteurs nos compeacutetences en tant que
reacutecepteurs sont plus grandes que nos compeacutetences en tant qursquoeacutemetteurs nous nrsquoemployons pas
toutes les structures linguistiques que nous connaissons de mecircme que nous nrsquoappartenons pas agrave
toutes les cateacutegories socioculturelles que nous sommes capables de reconnaicirctre Mais le reacutecepteur
nrsquoa pas un rocircle passif
-il reconstitue le sens de lrsquoeacutenonceacute qursquoil reccediloit selon ses propres schegravemes drsquointerpreacutetation et
lrsquoensemble de ses expeacuteriences
-il perccediloit aussi des signes linguistiques qursquoil interpregravete en fonction des connotations et des
normes en cours dans la classe sociale agrave laquelle il appartient lorsque ces signes peuvent faire
lrsquoobjet de variations ils deviennent des marqueurs socioculturels
-il juge ce qursquoil perccediloit selon lrsquoimage qursquoil a du locuteur de ses intentions de la situation et
du rocircle qursquoil y joue des enjeux de lrsquoacte de langage et selon lrsquoimage qursquoil a de lui mecircme et de ses
compeacutetences la faccedilon de parler est un facteur plus reacuteveacutelateur de la classe sociale des
interlocuteurs que les vecirctements ou les apparences de train de vie
En effet si les repreacutesentations linguistiques sont de nature sociales elles sont en rapport
eacutetroit avec lrsquoideacuteologie qui tente drsquoagir sur elles et les modegraveles Cependant si les repreacutesentations
sont agrave distinguer des discours scientifiques elles sont aussi agrave distinguer des discours ideacuteologiques
tenus par le pouvoir Branca Rossof citeacute par Boyer p79 exprime fort bien cette ideacutee en affirmant
que les repreacutesentations laquo permettent de sortir de lrsquoopposition radicale entre laquo le reacuteel raquo les faits
objectifs deacutegageacutes par la description linguistique et lrsquoideacuteologie les consideacuterations normatives
comme repreacutesentations fausses repreacutesentations eacutecrans raquo Crsquoest donc entre le reacuteel et lrsquoideacuteologie
qursquoelle situe les repreacutesentations Qursquoest ce qursquoest lrsquoideacuteologie laquo Tout systegraveme de repreacutesentations
structureacute et coheacuterent visant agrave rendre compte du monde exteacuterieur de la reacutealiteacute sociale lrsquoideacuteologie se
preacutesente sous forme drsquoun discours construit et totalisant ougrave les ideacutees srsquoenchaicircnent logiquement et
les valeurs concordent raquo (discours et ideacuteologie p4)
Ainsi lrsquoideacuteologie est un systegraveme structureacute parfaitement coheacuterent eacutelaboreacute en fonction drsquoobjectifs
bien deacutetermineacutes officiel car il srsquoagit de faccedilonner lrsquoimaginaire collectif national alors que les
repreacutesentations sociales nrsquoobeacuteissent pas agrave ces contraintes elles sont le fruit drsquoun consensus social
plus ou moins libre Mais il faut souligner qursquoen pratique la limite entre ces deux repreacutesentations
nrsquoest pas toujours clairement repeacuterable et les deux se confondent les ideacuteologues au service de
lrsquoeacutetat sont drsquoabord et avant tout des membres de la socieacuteteacute le pouvoir par les moyens qui lui sont
confeacutereacutes (meacutedia eacutecoles AIE) arrive toujours agrave faccedilonner les mentaliteacutes Ainsi on aime ou on
deacuteteste une langue parce qursquoon se fait une certaine ideacutee drsquoelle ou de ces locuteurs
QUE CONCLURE Lrsquoanalyse des repreacutesentations ne peut ecirctre eacutetudieacutee sans une analyse des pratiques linguistiques
Drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutetudier agrave la fois les comportements et les attitudes des locuteurs drsquoobserver les
productions et de ne pas se contenter de recueillir des paroles des sujets qui peuvent varier selon les
situations et les interactions(voir agrave ce sujet B Maurer Houdebine Canut et Boyer)
Cours 6- LA POLITIQUE LINGUISTIQUE OU LES NORMES LA NORME
Michel Tournier deacutefinissant le normal donne les deacutefinitions suivantes
NORMAL 1 Conforme agrave la norme Ideacuteal 2 Conforme agrave la moyenne Habituelle
Ceci peut servir dintroduction agrave qui aborde la question de la norme Cest bien la un veacuteritable problegraveme car selon les lieux selon les personnes selon le domaine les deux perspectives se mecirclent effectivement et perturbent la compreacutehension Peut-on dire que la norme est un ideacuteal cest-agrave-dire de fait quelque chose que personne natteint ou nincarne vraiment Peut-on dire que la norme est faite de la moyenne des opinions ou de la moyenne des comportements Nous allons rencontrer ces deux voies comme deux eacutecueils entre lesquels il conviendra de naviguer
Georges Mounin lui-mecircme dans son Dictionnaire de la Linguistique (PUFQuadriges reacuteeacuted 1993) commence son article Norme de la faccedilon suivante Moyenne des divers usages dune langue agrave une eacutepoque donneacutee ou usage imposeacute comme le plus correct ou le plus prestigieux par une partie de la socieacuteteacute (le bon usage)
En fait si le normal et le normatif restent des concepts tregraves grand public qui suscitent des deacutefinitions un peu floues il convient de souligner que la norme du franccedilais nest en aucun cas deacutetermineacutee en regardant les usages majoritaires Cest la varieacuteteacute de franccedilais qui agrave une eacutepoque donneacutee est procircneacutee par la socieacuteteacute franccedilaise qui simpose agrave chacun mais aussi qui est deacutefendue par chacun mecircme ceux qui en sont tregraves eacuteloigneacutes y sont attacheacutes Cest dans les classes populaires que tout en pratiquant dautres varieacuteteacutes on tient le plus agrave ce que soit enseigneacutee la norme que lon se soucie de savoir ce qui est correct ce qui ne lest pas - la norme eacutetant plus ou moins assimileacutee agrave ce qui permet de reacuteussir puisque ceux qui ont reacuteussi sont censeacutes pratiquer la norme en offrir une image On devine ainsi que la norme de fait est la varieacuteteacute pratiqueacutee par les hautes couches de la socieacuteteacute dans les situations formelles ougrave elles donnent agrave voir leur langue - varieacuteteacute dailleurs plus ou moins fantasmeacutee (et par lagrave sans doute rejoint-on la notion dideacuteal) que personne ne pratique vraiment et qui ainsi apparaicirct toujours au-delagrave des usages reacuteels Indeacuteniablement cependant des usages se rapprochent davantage de ce qui est preacutesenteacute comme la norme (dans les dictionnaires dans les grammaires) mais ces ouvrages parce quils sont eacutecrits utilisent et preacutesentent obligatoirement une varieacuteteacute diffeacuterente de loral et contribuent agrave la dichotomie si souvent formuleacutee par Monsieur Toutlemonde agrave leacutecrit ccedila va ma langue est correcte mais agrave loral je nai pas le temps de reacutefleacutechir et je parle mal
Dans ces conditions on soulignera que
la norme est une varieacuteteacute eacutecrite que lon enseigne en principe qui est formaliseacutee et toujours plus ou
moins eacuteloigneacutee des varieacuteteacutes parleacutees mecircme quand elles reccediloivent un jugement favorables de
locuteurs solliciteacutees pour donner leur avis
On ne parle jamais comme on eacutecrit (cf chapitre sur langues orales langues eacutecrites) mais les
couches sociales qui ont reacuteussi sont censeacutees davantage incarner la norme
Il est certain que plus les eacutetudes des sujets ont eacuteteacute longues plus ils pratiquent couramment des
varieacuteteacutes proches de lideacuteal quon appelle la norme ne serait-ce que parce que leur impreacutegnation agrave
travers une longue pratique de la langue eacutecrite rejaillit sur leur pratique orale Mais ne neacutegligeons
pas toutefois les facteurs sociologiques et eacuteconomiques qui interfegraverent avec ce que lon croit
attribuer agrave leur langue (richesse visible aisance sociale position eacuteconomique domination
sociale)
Ne veut-on pas imiter ceux quon preacutesente comme les modegraveles normatifs plus parce quils ont
reacuteussi que parce quils parlent bien la cravate de PPDA(1) sa faccedilon de shabiller son aisance et
son sourire parfaitement placeacute ne jouent-ils pas un plus grand rocircle que sa langue mecircme (on connaicirct
dailleurs lusage du prompter agrave la teacuteleacutevision ) pour le faire citer comme quelquun qui parle bien
Indeacuteniablement - et dans toute socieacuteteacute - servent de modegravele ceux qui ont reacuteussi et non pas ceux qui
sont consideacutereacutes comme des parias (cf les clochards ou SDF)
Noublions pas en outre que si les accents reacutegionaux ne sont plus aussi stigmatiseacutes maintenant
quil y a une trentaine danneacutees ils sont lobjet malgreacute tout de preacutecautions subtiles qui amegravenent ceux
qui atteignent les plus hautes responsabiliteacutes sociales agrave sen deacutefaire partiellement (cf le Preacutesident
Giscard dEstaing prenant des cours dorthoeacutepie pour se deacutebarrasser de son accent auvergnat qui
neacutetait pas de mise pour quelquun preacutetendant aux plus hautes fonctions et donc Preacutesident de tous
les Franccedilais) ou bien qui amegravene agrave seacutelectionner pour les plus hautes responsabiliteacutes ceux qui ont un
accent consideacutereacute comme convenable celui qui est accepteacute agrave une eacutepoque donneacutee les deux
comportements interfegraverent constamment et se reacutepondent pour eacuteliminer de la parole publique avec
une image favorable (et non pas plus ou moins ridicule) ceux qui seraient les plus eacuteloigneacutes de la
norme
Les caracteacuteristiques de la norme orale eacutevoluent au fil des siegravecles notre r actuel assez faible
un peu plus grasseyeacute agrave Paris quagrave Marseille nest plus du tout le r rouleacute que prononccedilait les
nobles il y a quelques siegravecles mais elles eacutevoluent bien plus lentement que lusage reacuteel
La norme est donc bien une question qui relegraveve fondamentalement de la sociolinguistique
deacutetermineacutee fixeacutee agrave chaque eacutepoque sur des critegraveres socio-eacuteconomiques elle se transmet dans
lenseignement et donc apparaicirct comme beaucoup plus permanente que les autres varieacuteteacutes non
formaliseacutees qui ne se transmettent que familialement (acquisition non formelle) Leacutecole joue ainsi
un rocircle essentiel dans la transmission la permanence le statut les preacuterogatives accordeacutees agrave la
norme Cest elle qui peut la reacutepandre de faccedilon quasiment universelle dans un pays Sa non-
transmission - cf le discreacutedit de leacutecole pour toute transmission ou la moindre importance accordeacutee
agrave la langue correcte agrave notre eacutepoque - ont pour premier reacutesultat que les couches sociales les plus
eacuteloigneacutees de la norme ny accegravedent plus La norme ne disparaicirct pas pour autant mais elle est alors
surtout lobjet de transmission familiale dans les familles conscientes et capables den assurer la
transmission indeacutependamment de leacutecole Leacutecole en enseignant la norme eacutetait facteur de
deacutemocratisation de la socieacuteteacute franccedilaise si elle renonce agrave cette tacircche on parvient agrave une socieacuteteacute
aristocratique dans laquelle certains savent sans avoir appris (selon lexpression consacreacutee) et ougrave
il ny a plus de chance de veacuteritable mobiliteacute sociale Contrairement agrave nos a priori on peut voir ainsi
que la norme est deacutemocratique quand ideacuteal proposeacute agrave tous elle est accompagneacutee dans son
apprentissage de la transmission des principes qui permettent de latteindre Dire (comme cela se
pratiquait agrave luniversiteacute agrave Lyon dans les anneacutees soixante) il ne faut pas dire un [floslashv] (pour
fleuve) une [foslashj] (pour feuille) cest donner agrave tous une chance dacceacuteder agrave des situations ougrave lon
ne tolegravere pas un accent reacutegional marqueacute ne plus le dire cest laisser encore les plus hautes
positions agrave ceux qui lauront compris tout seuls (dans leur famille) et bien sucircr eacuteliminer ceux qui ne
se doutent mecircme pas que ce genre de prononciation est stigmatiseacutee
On pourra distinguer avec Marie-Louise Moreau (1997) article Les types de normes
les normes de fonctionnement (habitudes linguistiques partageacutees par les membres dune
communauteacute regravegles qui sous-tendent les comportements linguistiques dun sous-groupe)
les normes descriptives (ce sont les normes de fonctionnement rendues explicites par les
descriptions qui en sont faites Mais ainsi ce sont les normes de certains sous-groupes seulement
qui sont deacutecrites on ne sinteacuteresse pas tretiennent des relations complexes avec les normes
prescriptives Elles contribuent grandement agrave la hieacuterarchisation)
les normes fantasmeacutees (ici on est toujours dans le domaine des repreacutesentations le groupe se forge
un ensemble de conceptions sur la langue et son fonctionnement qui nont souvent guegravere de zone
dadheacuterence avec le reacuteel )
La norme ou le bon usage
La norme au sens de langue que lrsquoon doit parler est un discours drsquoautoriteacute fixeacute par une institution
drsquoeacutetat) chargeacutee de creacuteer une langue homogegravene faite pour ecirctre parleacutee par un usager ideacuteal une
langue standard de partout et de nulle part uniforme polie deacutebarrasseacutee de toute impureteacute comme
-les reacutegionalismes les varieacuteteacutes geacuteographiques srsquoopposent au caractegravere centralisateur de la norme
et eacutechappent agrave tout controcircle elles sont donc connoteacutees peacutejorativement et le critegravere de la hieacuterarchie
sociale
-les innovations qursquoil srsquoagisse de changements lexicaux syntaxiques ou phoneacutetiques ils sont
ignoreacutes -non reconnus- ou attesteacutes longtemps apregraves leur apparition lorsque la norme nrsquoa pas reacuteussi
agrave srsquoimposer Face aux variations individuelles et collectives la langue normeacutee se veut homogegravene et
tire sa leacutegitimiteacute de lrsquoeacutecole
Un des comportements sociaux les mieux connus vis agrave vis de la langue est la normalisation
Fishman affirme que laquo la codification est lrsquoacceptation par une communauteacute drsquoun systegraveme formel
de normes qui deacutefinissent lrsquousage correct raquo
Qursquoest-ce que la norme ou lrsquousage correct de la langue laquo La norme est un recueil de perceptions consigneacutees dans des grammaires dites normatives et
correspondant agrave ce qursquoil faut dire pour se conformer au bon usage linguistique de la bonne
socieacuteteacute raquoDenise Franccedilois
Elle repreacutesente un choix approprieacute fondeacutes sur des preacutejugeacutes socioculturels et sur la notion de
niveaux de langues hieacuterarchiseacutees les classes dominantes et les bons auteurs emploient une langue
de qualiteacute qursquoil faut consideacuterer comme un modegravele
Parler de normes revient agrave se reacutefeacuterer agrave plusieurs acceptions
-un ensemble drsquointerdits de prescriptions sur des faccedilons de dire quelquefois accompagneacutees de
justifications de divers ordres
-tenir compte de cet ensemble de prescriptions crsquoest parler correctement sans faire de fautes
Les institutions de la norme sont
-Lrsquoeacutecole lrsquoeacutecole par le biais des grammaires et des enseignants tend agrave imposer agrave lrsquoenfant une
langue uniforme qursquoil nrsquoutilisera pas souvent ailleurs Par lrsquoenseignement de la grammaire elle
lrsquohabitue laquo non seulement agrave concevoir les reacutealiteacutes de la langue mais agrave reacuteprimer son goucirct naturel de
la parole pour substituer agrave la spontaneacuteiteacute langagiegravere une pratique eacutecrite conforme agrave des normes
rigoureuses raquo Elle lui impose de faire des phrases ainsi qursquoune prononciation de lecture standard
qui pour bon nombre drsquoenfants est artificielle cependant cette langue semblera toujours parce
qursquoimposeacutee par lrsquoeacutecole supeacuterieure agrave la sienne
-Lrsquoeacutecrit Lrsquoadministration prend le relais de lrsquoeacutecole pour perpeacutetuer la crainte de la faute et le
respect pour la langue eacutecrite laquo notre langue eacutecrite a plus de digniteacute que notre langue parleacutee
souvent fautive raquo Lrsquoopposition eacutecrit parleacute devient une opposition digne fautif Ceci appelle deux
remarques
La langue parleacutee comme la langue eacutecrite peut comporter tous les niveaux car rien nrsquoempecircche en
theacuteorie drsquoeacutecrire comme on parle ni de parler comme on eacutecrit
-De plus ces deux formes drsquoexpressions ont chacune une speacutecificiteacute de fonctionnement que la
deacutemarche normative semble ignorer Parler crsquoest construire un discours en train de se faire Le
locuteur improvise constamment ce qui lrsquoamegravene agrave heacutesiter agrave se reprendre agrave changer lrsquoorientation
de sa phrase agrave utiliser diverses strateacutegies agrave avoir recours agrave tous les proceacutedeacutes extra et
paralinguistiques regard mimiques gestes intonations Lrsquoeacutecrit nrsquoignore ni les heacutesitations ni les
reprises mais celles-ci disparaissent avec les brouillons Drsquoun point de vue linguistique il nrsquoy a
aucune raison drsquoopposer le parler et lrsquoeacutecrit de faccedilon hieacuterarchique puisque les deux domaines
fonctionnent diffeacuteremment
Une norme linguistique est un trait unificateur drsquoune socieacuteteacute tout le monde la connaicirct et sa
connaissance permet de distinguer les autochtones des eacutetrangers Mais mecircme dans le cas ougrave tout le
monde peut savoir quelles sont les variantes de statut supeacuterieur il nrsquoest pas neacutecessairement vrai que
tous voudront les adopter dans leur discours quotidien Certaines eacutetudes ont montreacute que les
reacuteactions subjectives aux variantes sociolinguistiques eacutetaient diffeacuterentes selon les classes et
impliquaient beaucoup plus qursquoune simple eacutechelle de prestige (cf Labov) Labov dans laquo
Sociolinguistique pp 250-251 339-340 418-419 raquo fait une distinction entre norme cacheacutees
voileacutees et norme manifestes normes stigmatiseacutees et norme accepteacutees Les variantes de statut eacuteleveacute
possegravedent un prestige manifeste elles sont associeacutees au pouvoir social indeacuteniable des locuteurs de
la classe supeacuterieure peuvent ecirctre la condition neacutecessaire drsquoaccegraves agrave des fonctions drsquoun statut plus
eacuteleveacute et sont promulgueacutees par les agents de la normalisation dans la socieacuteteacute tels que les meacutedias et
les instituteurs Mais pour beaucoup de locuteurs de la classe ouvriegravere ou de la petite bourgeoisie
les variables linguistiques laquo non standard raquo associeacutees agrave leurs groupes peuvent aussi posseacuteder un
prestige voileacute (covert prestige celui drsquoun groupe local de statut infeacuterieur) La signification sociale
de base de ces variables au prestige voileacute est celle de la solidariteacute une personne qui les utilise est
consideacutereacutee comme eacutetant un des leurs comme ami possible Pour certains groupes ces formes
peuvent signifier dureteacute ou viriliteacute
Pour compleacuteter vos connaissances dans le domaine de la norme reportez vous aussi sur le web agrave
un article dOlga Ozolina Quelques approches de leacutetude de la norme linguistique
Tout un cours eacutecrit par Benoiumlt Leblanc et Claude Tousignant de la Socieacuteteacute Saint-Jean-
Baptiste de la Mauricie sur la Norme linguistique mais aussi quelques autres notions
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incomplegravete parce que nous avons neacutegligeacute des donneacutees Il propose de ce fait de multiplier les investigations pour trouver les variables pertinentes
Avec William Labov le pegravere de lapproche variationniste en sociolinguistique on a pris lhabitude de distinguer quatre types de variation
la variation diachronique (ou historique) la variation diatopique (ou geacuteographique) la variation diastratique (ou sociale) la variation diaphasique (ou stylistique)
Variation diachronique
La variation diachronique est lieacutee au temps elle permet de cotraster les traits selon quils sont perccedilus comme plus ou moins anciens ou reacutecents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diatopique
La variation diatopique joue sur laxe geacuteographique la diffeacuterenciation dune langue suivant les reacutegions relegraveve de cette variation Pour deacutesigner les usages qui en reacutesultent on parle de reacutegiolectes de topolectes ou de geacuteolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diastratique
La variation diastratique explique les diffeacuterences entre les usages pratiqueacutees par les diverses classes sociales Il est question en ce cas de sociolectes (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Variation diaphasique
On parle de variation diaphasique lorsquon observe une diffeacuterenciation des usages selon les situations de discours ainsi la production langagiegravere est-elle influenceacutee par le caractegravere plus ou moins formel du contexte deacutenonciation et se coule-t-elle en des registres ou des styles diffeacuterents (M L Moreau article Variation in Sociolinguistique Concepts de base Mardaga 1997 p 284
Franccediloise Gadet propose dajouter la variation diameacutesique quelle deacutefinit ainsi Une autre distinction relevant eacutegalement de lusage intervient entre oral et eacutecrit Elle est particuliegraverement forte dans une langue de culture tregraves standardiseacutee comme la franccedilaise Ici cest la distinction de chenal de transmission de la parole qui constitue le point dancrage de la diffeacuterence aucun locuteur ne parle comme il eacutecrit aucun neacutecrit comme il parle La distinction nest pas purement mateacuterielle elle touche aussi la conception mecircme des discours Il faudra donc distinguer entre ce qui est un effet geacuteneacuteral de loraliteacute et ce qui relegraveve de la variation (Gadet 2004 p 98)
Cette recherche de William Labov (La stratification sociale de lrsquoanglais dans la ville de New york) a eacuteteacute
meneacutee sur la relation entre variation linguistique et stratification sociale dans une grande ville ameacutericaine et en particulier sur lrsquoanglais de noirs Une preacute-enquecircte meneacutee dans trois grands magasins diffeacuterents quant agrave la qualiteacute et au prix des produits vendus et par conseacutequent agrave la cateacutegorie sociale de leur clients a permis de montrer que les employeacutes de ces magasins qui pourtant appartenaient tous agrave la mecircme classe sociale reacutealisaient les variantes phoneacutetiques conformeacutement agrave la faccedilon de parler des clients agrave qui ils avaient affaire en fonction du magasin(du quartier ougrave il se trouvait) voire du rayon dans le magasin( de la nature des produits proposeacutes)
La seule preacutesence de lrsquoobservateur lors drsquoune enquecircte suffit agrave modifier le comportement linguistique de lrsquoenquecircteacute lequel a tendance agrave se rapprocher de la varieacuteteacute officielle ou de prestige Les modaliteacutes de lrsquoenquecircte entraicircnent eacutegalement des variations dans les productions Crsquoest ce qui a ameneacute Labov agrave varier ses strateacutegies (eacutecoute pirate deacuteguisement ) et agrave deacutefinir des styles contextuels dont le plus surveilleacute reacutepond agrave la lecture et le moins surveilleacute au discours spontaneacute familier hors enquecircte Lagrave aussi plus le locuteur accorde drsquoattention agrave son discours plus il se rapproche de la norme officielle Tout cela met en lumiegravere la fonction sociale et symbolique des variations linguistiques qui ne sont que rarement des choix deacutelibeacutereacutes
La varieacuteteacute linguistique propre agrave un groupe dominant srsquoimpose comme marque de prestige et deacutetermine lrsquoattitude des locuteurs du groupe domineacute face agrave leur propre varieacuteteacute les colonisateurs le savent bien et un de leurs premiers soucis est de transmettre leur eacutevaluation Ces travaux de dialectologie urbaine ont permis de deacutevelopper des meacutethodologies originales drsquoanalyse de lrsquousage en situation authentique lrsquoobservateur srsquoefforccedilant de ne pas fausser les donneacutees par sa preacutesence
-variation selon les groupes sociaux il peut srsquoagir de groupes constitueacutes sur les bases de lrsquoorigine
ethnique du pouvoir eacuteconomique du sexe de lrsquoacircge
-variation en fonction de la situation de communication les mecircmes locuteurs ne parlent pas de la
mecircme faccedilon selon les situations (en situation formelle ou en situation familiegravere agrave lrsquoeacutecrit et agrave lrsquooral
A partir de cette enquecircte ceacutelegravebre sur les adolescents noirs lAmeacutericain William Labov a donc rechercheacute les correacutelations entre certaines variations linguistiques et la position sociale des locuteurs etou la situation de communication
Cette deacutemarche la ameneacute agrave isoler deux niveaux de variation
- Un niveau social diffeacuterents locuteurs dune mecircme langue parlent diffeacuteremment
- Un niveau stylistique un mecircme locuteur utilise diffeacuterents registres de langage (familier soutenu) selon la situation Mais W Labov remarque que leacutecart entre langue courante et langue soutenue est beaucoup plus important chez un ouvrier que chez un cadre supeacuterieur
Pour W Labov la langue est soumise agrave trois sortes de regravegles
- Les regravegles cateacutegoriques quaucun locuteur ne viole jamais Aucun francophone ne dit laquo on venons raquo ou laquo nous vient raquo
- Les regravegles semi cateacutegoriques dont la violation - freacutequente - est interpreacutetable socialement la tournure laquo aller au coiffeur raquo est jugeacutee populaire par la norme
- Les regravegles variables
- Se meacutefier de lrsquointrospection drsquoune preacutetendue laquo compeacutetence raquo (cf Chomsky) on ne touche de fait
que des laquo performances raquo et il existe des proceacutedures objectives drsquoanalyse linguistique pour
approcher la variation ndash qui est la regravegle
- Srsquoil y a de la variation il convient toujours de tenter de lrsquoexpliquer les preacutetendues laquo variantes
libres raquo sont des variantes dont le conditionnement nous eacutechappe mais il convient de chercher
parmi les donneacutees sociales au sens large celles qui de fait conditionnent les variantes analyseacutees
-Se rappeler que lrsquoon tente toujours drsquoenquecircter sur la langue drsquoune communauteacute linguistique et non
pas sur celle drsquoun seul individu Se soucier neacutecessairement de la question de la repreacutesentativiteacute des
informateurs
En conseacutequence scepticisme quant aux laquo universaux raquo au sens ougrave ils pourraient ecirctre preacutesents
dans toutes les langues Mais crsquoest lrsquoexplication qui forge lrsquouniversaliteacute (cf ne pas confondre les
universaux de la linguistique avec des universaux du langage )
- Inteacuterecirct particulier pour le changement linguistique tout particuliegraverement les signes du
changement en cours Toutes conditions eacutegales ce qui a entraicircneacute des changements dans le passeacute se
reproduit neacutecessairement maintenant (mais ne pas oublier les caracteacuteristiques sociales qui font
partie des laquo conditions eacutegales raquo)
VI- 2 LA VARIATION INTERLINGUISTIQUE Il nrsquoest pas dans notre intention drsquoeacutenumeacuterer ici toutes les deacutefinitions ou typologies proposeacutees pour le bilinguisme mais de retenir celles qui nous semblent avoir un inteacuterecirct pour la sociolinguistique
VI-2-1 Bilinguisme et plurilinguisme
Tregraves longtemps il y a eu des deacutebats pour savoir srsquoil fallait parler de bilinguisme ou de
plurilinguisme Il y a de nombreuses deacutefinitions nous retenons celle de
-Georges Mounin laquo Le fait pour un individu de parler indiffeacuteremment deux langues raquo laquo eacutegalement
coexistence de deux langues dans la mecircme communauteacute pourvu que la majoriteacute des locuteurs soit
effectivement bilingue raquo
-Deacutefinition du dictionnaire de didactique des langues laquo le bilinguisme est une situation qui
caracteacuterise les communauteacutes linguistiques et les individus installeacutes dans les reacutegions multilingues
-Dictionnaire des sciences du langage de Todorov laquo un individu est dit multilingue srsquoil possegravede
plusieurs langues apprises lrsquoune comme lrsquoautre comme langue maternelle raquo
Le bilinguisme agrave travers ces trois deacutefinitions peut ecirctre consideacutereacute soit comme le fait drsquoune
communauteacute soit comme le fait drsquoun individu Ces diffeacuterences renvoient agrave tout un deacutebat de
linguistes qui consideacuteraient que seuls les individus peuvent ecirctre bilingues et drsquoautres qui
consideacuteraient que cette notion peut srsquoeacutetendre agrave toute une communauteacute linguistique
Se posent alors le problegraveme de degreacute drsquoextension du bilinguisme agrave partir de quel pourcentage
considegravere - t-on que la communauteacute est bilingue et quand peut-on parler de bilinguisme
Selon lrsquoacircge drsquoacquisition des langues on a pu parler de bilinguisme preacutecoce ou tardif selon la
distribution faite dans la communauteacute on parle de bilinguisme composeacute individuel stylistique ou
social Toutes ces approches deacutefendent un point de vue diffeacuterent
Les diffeacuterentes approches -Lrsquoapproche normative
Elle prend en consideacuteration le degreacute de maicirctrise de la langue deux positions srsquoaffrontent lrsquoune dit
que tout le monde est bilingue lrsquoautre que personne est bilingue
a)Tout le monde est bilingue
Les deacutefenseurs de cette thegravese pensent que dans tout acte de communication les locuteurs srsquoadaptent
agrave une situation donneacutee Or une langue varie selon les situations de communication les locuteurs
drsquoune langue disposent drsquoune varieacuteteacute drsquousages maicirctriser une langue crsquoest savoir utiliser cette
varieacuteteacute crsquoestndashagrave-dire savoir adapter son discours agrave chacune de ses situations linguistiques
Mahmoudian eacutecrit laquo on maicirctrise mieux une langue dans la mesure ougrave on manie un nombre plus
eacuteleveacute drsquouniteacutes linguistiques et que lrsquoon comprend mieux le sens qui rattache ces uniteacutes aux
circonstances raquo
Martinet laquo deacuteveloppe la mecircme ideacutee lorsqursquoil dit que la maicirctrise drsquoune langue est constitueacute par une
hieacuterarchie drsquousages possibles qui sont les usagers quotidiens les usagers solennels politiques
artistiques
Ceci implique donc que le locuteur est agrave chaque instant obligeacute drsquoadapter son langage agrave la situation
On peut dire que tout locuteur est bilingue exemple du langage becirctifieacute des parents lorsqursquoils
parlent aux enfants ou les colons qui tentent drsquoadapter leur langue maternelle aux parlers creacuteoles
b) Personne nrsquoest bilingue
Certains linguistes disent que le bilinguisme nrsquoexiste pas dans la mesure ougrave personne nrsquoest capable
de maicirctriser agrave la perfection deux langues crsquoest agrave dire sans aucune interfeacuterence Si on prend en
consideacuteration ces paramegravetres il nrsquoy a pas de bilinguisme
Andreacute Martinet explique que ce critegravere de la perfection nrsquoa guegravere de sens car mecircme un locuteur
unilingue ne possegravede pas agrave la perfection sa langue et qursquoil nrsquoen utilise pas toutes les possibiliteacutes
lexicales ou syntaxiques Ce critegravere de la perfection est rejeteacute car il ne permet nullement de deacutefinir
le bilinguisme ou le monolinguisme
c La troisiegraveme tendance tente de deacutefinir le degreacute de maicirctrise relative
Ils rapportent la meacutethode de Malherbe une seacuterie de critegraveres permettent de deacutefinir une situation de
bilinguisme
-ecirctre en mesure de mener une conversation un discours ou un sermon dans une langue eacutetrangegravere
que ce soit agrave lrsquoeacutecrit ou agrave lrsquooral Savoir lire les journaux dans cette langue et en saisir lrsquohumour
-Etre en mesure de mener une conversation intelligible dans une autre langue et pouvoir lire sa
litteacuterature
-Savoir lire implacablement lrsquoautre langue
-Savoir enseigner les deux langues
-Posseacuteder une grande maicirctrise des deux langues
-Posseacuteder une connaissance parfaite des deux langues
Que dire
La mesure de la perfection repose sur des jugements de valeur subjectifs on mecircle diffeacuterents
niveaux de maicirctrise drsquoune langue lrsquoeacutecrit et lrsquooral
On mecircle pareillement la maicirctrise drsquoune langue et lrsquoaptitude agrave lrsquoenseigner ce qui ne se justifie pas
Beaucoup savent parler une langue mais ne peuvent lrsquoenseigner
On peut dire que les systegravemes de mesure de la perfection linguistique est un faux problegraveme car
toute situation de bilinguisme est marqueacutee par une fluctuation des usages (variation continuelle)
En effet le comportement linguistique des bilingues est tregraves variable il deacutepend de nombreux facteurs drsquoordres psychologiques et sociaux Il y a des pheacutenomegravenes de pressions sociales les situations de communication qui fait qursquoon ne peut eacutetablir des grilles rigoureuses La mesure de perfection se reacutevegravele vaine il faut srsquoen tenir aux propositions de W Mackey laquo le bilinguisme doit ecirctre consideacutereacute comme un concept non pas absolu mais relatif raquo Renzo Titone ajoute en rapportant Mackey qursquoil ne faut pas poser la question cet individu est-il bilingue Mais plutocirct dans quel sens est-il bilingue crsquoest-agrave-dire qursquoil faut rendre compte de la pratique bilingue du locuteur de son comportement bilingue mais pas tenter de deacutefinir la nature du bilinguisme qursquoil pratique
Lrsquoapproche psychologique
A-Le bilinguisme infantile ou preacutecoce On parle de bilinguisme infantile quand il srsquoagit drsquoun enfant qui degraves sa naissance est
simultaneacutement confronteacute agrave deux systegravemes linguistiques diffeacuterents par exemple lorsque la megravere et le
pegravere parlent agrave lrsquoenfant chacun leur langue ou lorsqursquoune 3egraveme
personne parle une autre langue que
celle que parlent les parents En fait cette situation est plus rare que la situation de bilinguisme
preacutecoce ougrave lrsquoon a des enfants monolingues dans les premiegraveres anneacutees de leur enfance qui
apprennent ensuite une seconde langue soit par impreacutegnation du milieu familial et social soit agrave
lrsquoeacutecole Les eacutetudes agrave orientation psychologiques se proposent toujours diffeacuterents objectifs certaines
eacutetudes se proposent drsquoexaminer le comportement de lrsquoenfant qui est aussi tregraves tocirct mis en contact
avec 2 ou plusieurs langues en geacuteneacuteral ces eacutetudes essaient de deacuteterminer la conscience qursquoa
lrsquoenfant de parler ou de ne pas parler plusieurs langues on a 2 types de constatations qui
apparemment sont contradictoires
1-Il semble selon certaines expeacuteriences que les enfants acquiert les diffeacuterentes langues sans
srsquoen apercevoir On cite les propos drsquoun linguiste allemand bilingue qui degraves son plus jeune acircge agrave la
question raquo savez vous depuis le deacutebut que vous parliez deux langues Il reacutepondit laquo je suppose que
non je parlais spontaneacutement la langue de mon interlocuteur sans savoir ce que je faisais et cela
depuis le deacutebut comme jrsquoai pu le deacuteduire du teacutemoignage de mes parents
2- En face de ce premier type de recherche on a une autre type de recherche qui montre que les
enfants distingue assez tocirct entre 3 et 4 ans les diffeacuterents systegravemes qursquoil parle et preacuteciseacutement cette
capaciteacute de parler et la situation dans laquelle ils se trouvent tregraves vite ils perccediloivent ce qursquoon
attend drsquoeux dans la situation scolaire et dans la situation familiale ou amicale
Un autre facteur inteacuteressant crsquoest leur capaciteacute de traduire Renzo Titone cite le cas de conscience
diffeacuterentielle qui lui permet de diffeacuterencier les systegravemes ce qui implique que lrsquoenfant possegravede une
double compeacutetence crsquoest-agrave-dire une maicirctrise intuitive de regravegles et de meacutecanismes diffeacuterents
laquo Lrsquoenfant bilingue reacuteussit-il agrave faire le rapport entre les personnes et les situations distinctes et les
idiomes raquo
Lrsquoenfant pratique la diffeacuterenciation des systegravemes mais il ne possegravede pas la capaciteacute drsquoeacutenoncer de
formuler cette aptitude Il a une conscience intuitive qursquoil ne peut formuler
Le bilinguisme favorable ou deacutefavorable
La question souvent poseacutee est celle de savoir si le bilinguisme est favorable ou deacutefavorable
srsquoil est nuisible ou non Cette question est poseacutee agrave deux niveaux drsquoabord agrave propos des enfants on
se demande bien souvent si le bilinguisme est preacutejudiciable ou non au deacuteveloppement de lrsquoenfant
crsquoest agrave dire agrave son eacutequilibre psychologique affectif drsquoautre part si crsquoest preacutejudiciable agrave lrsquoacquisition
de sa langue maternelle et de sa langue Ces preacutesupposeacutes sont deacutementis par de nombreuses
expeacuteriences faites sur des enfants bilingues
Renzo Titone expose le cas drsquoun enfant qui apprend lrsquoallemand avec sa megravere et le franccedilais avec
son pegravere la prononciation fut celle drsquoun enfant unilingue degraves le deacutebut le bilinguisme ne retardera
pas le deacuteveloppement geacuteneacuteral du langage crsquoest agrave dire que lrsquoacquisition des deux langues nrsquoa pas
entraicircneacute de retard Les emprunts drsquoune langue agrave une autre reacuteitegraverent des cas isoleacutes Dans les deux
langues on assisteacute agrave un deacuteveloppement parallegravelement en phoneacutetique en morphologie en syntaxe
Lrsquoenfant devient tregraves vite conscient de son bilinguisme et traduisait les messages drsquoune langue agrave
une autre Il acquit le concept abstrait de langue Tous ces exemples donneacutes par Titone semblent
contredire la thegravese qui veut que le bilinguisme soit dangereux preacutejudiciable Mecircme thegravese
deacuteveloppeacutee par Abdellah Cheacuteriet pour qui le bilinguisme est contre reacutevolutionnaire dangereux
pour lrsquoauthenticiteacute et pour la langue arabe alors que Lacheraf eacutetait pour le bilinguisme
Selon Cheacuteriet le bilinguisme nrsquoest pas une voie reacutevolutionnaire pour lrsquoenseignement mais
bourgeoise car ce nrsquoest pas le bilinguisme qui donne au peuple sa formation socialiste De plus le
bilinguisme est contraire agrave lrsquoauthenticiteacute et le fait drsquoenseigner une langue eacutetrangegravere agrave lrsquoenfant
orientera sa mentaliteacute et donc son authenticiteacute
Remarque le bilinguisme est consideacutereacute sous un angle particulier on considegravere les deux
langues rivales Pourtant lrsquoAlgeacuterie est plurilingue et Cheacuteriet ne parle jamais des autres langues les
arguments avanceacutes sont biaiseacutes la reacutealiteacute linguistique nrsquoest jamais deacutecrite lrsquoarabe classique est
consideacutereacute comme une langue maternelle En fait le veacuteritable problegraveme dans des cas de bilinguisme
est la prise en charge peacutedagogique et un environnement harmonieux laquo En creacuteant un environnement
adapteacute le petit enfant pourrait tregraves bien apprendre deux langues ou plus sans grave difficulteacute et la
redoutable barriegravere linguistique serait deacutetruite agrave la base raquoTitone
3 Lrsquoapproche sociale On peut parler du bilinguisme social lorsqursquoon prend en consideacuteration lrsquoexpansion du
bilinguisme au niveau de toute une communauteacute Cette approche sociale traite drsquoun certains
nombres de questions
-le statut des langues en contact
-la distribution de ces langues crsquoest-agrave-dire comment les langues se distribuent-elles
parmi les locuteurs comment sont-elles pratiqueacutees par les locuteurs drsquoougrave lrsquoeacutetude drsquoun certains
nombre drsquoeacuteleacutements agrave prendre en charge la situation de communication lrsquoappartenance sexuelle
sociale on srsquoattache aussi au pheacutenomegravene de prestige de valorisation et de deacutevalorisation
pheacutenomegravene de meacutemorisation Crsquoest-agrave-dire lrsquoattitude du locuteur agrave lrsquoeacutegard de ceux qui parlent
-les problegravemes de planification linguistique Elle prend aussi en charge le retentissement
de tous les eacuteleacutements au niveau de la dynamique des langues crsquoest agrave dire la capaciteacute drsquoeacutevolution de
stagnation de vie ou de mort des langues quels sont les symptocircmes qui permettent de reconnaicirctre
ces pheacutenomegravenes
Lrsquoimportance de ces pheacutenomegravenes sociaux se manifeste dans lrsquoexemple que nous
empruntons agrave Juliette Garmadi 1981 La sociolinguistique PUF Paris concernant le cas du
Vaupegraves reacutegion qui se situe au centre de lrsquoAmazonie avec une frontiegravere commune agrave la Colombie et
au breacutesil
Quelles sont les caracteacuteristiques sociales de cette reacutegion il srsquoagit drsquoune population
indienne qui vit dans des habitations disperseacutees cependant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune
population seacutedentaire bien qursquoil lui arrive de se deacuteplacer Il y a plusieurs niveaux de structuration
sociale de cette population elle est structureacutee en uniteacutes deacutefinies par un seul critegravere lrsquouniteacute
linguistique Chaque groupe drsquoindividus parlant la mecircme langue est consideacutereacute comme appartenant
agrave la mecircme tribu La tribu est deacutefinie par la langue du pegravere donc tous ceux qui ont utiliseacutes degraves leur
enfance la langue du pegravere font partie de la mecircme tribu Crsquoest donc la langue du pegravere qui confegravere
lrsquoidentiteacute au groupe agrave la tribu Un indien de cette tribut doit se marier avec une femme drsquoune autre
tribu obligatoirement donc parlant une autre langue sinon cela est consideacutereacute comme un inceste
Exemple un enfant appartenant agrave une tribu doit avoir comme premiegravere langue la langue de son
pegravere la megravere est tenue drsquoapprendre la langue de son mari mais elle peut aussi parler sa langue avec
les autres femmes elle communique avec son fils la langue de son mari
Quels sont les points que suscite lrsquoattention du linguiste par rapport au vaupeacutes
-Au niveau de lrsquoeacutetendue du bilinguisme
Le plurilinguisme pourrait ecirctre envisageacute dans cette reacutegion agrave plusieurs niveaux au niveau familial
ou cellule nucleacuteaire Au niveau de la tribu au niveau du Vaupegraves
Selon Juliette Garmadi il y a une stabiliteacute du plurilinguisme que lrsquointroduction du portugais et de
lrsquoespagnol dans la reacutegion ne semble pas remettre en cause Elle affirme une des premiegraveres
conclusions que lrsquoon peut tirer de lrsquoeacutetude de la situation du Vaupegraves est que les socieacuteteacutes complexes
ne sont pas les seules garantes possibles de la stabiliteacute du plurilinguisme Elle veut dire que lrsquoon
aurait tendance agrave croire qursquoune situation comme le vaupeacutes avec lrsquoaccord de la colonisation aurait
pu voir son plurilinguisme ceacuteder devant la langue du colonisateur or il nrsquoen est rien car le
plurilinguisme du Vaupegraves se maintient tregraves bien Donc les socieacuteteacutes stables ne sont pas les seules
garantes de la stabiliteacute
Lrsquoexistence du plurilinguisme et de sa stabiliteacute ne sont lieacutees ni agrave des types drsquoinstitutions preacutecises ni
au nombre des locuteurs ni agrave la dimension ni agrave la densiteacute drsquoun pays
Juliette Garrmadi agrave travers lrsquoexemple du Vaupegraves semble remettre en question toutes ces
hypothegraveses
-Au niveau psychologique du bilinguisme
Au niveau psychologique le plurilinguisme peut ecirctre preacutecoce ou tardif ce bilinguisme est aussi
eacutequilibreacute car les langues acquises dans lrsquoenfance le sont avec une maicirctrise eacutegales
-Au niveau linguistique et seacutemio culturel
Au niveau des systegravemes culturels transmis par le langage on peut parler de bilinguisme composeacute
crsquoest agrave dire que les langues parleacutees reacutefegraverent agrave une mecircme situation seacutemio culturelle que les langues
indiennes parleacutees dans le Vaupegraves renvoient au mecircme reacutefeacuterent culturel dans la mesure ougrave la culture
indienne de cette reacutegion est homogegravene et que toutes les langues parleacutees sont le veacutehicule de cette
culture homogegravene ce qui peut se traduire en disant que les enfants du Vaupeacutes ont un seul systegraveme
de signifieacute mais qursquoils ont pour le traduire diffeacuterents signifiants correspondant aux diffeacuterentes
langues qursquoils parlent Crsquoest dans ce cas que lrsquoon parle de bilinguisme composeacute car ce dernier
implique theacuteoriquement la permeacuteabiliteacute des systegravemes linguistiques en contact crsquoest-agrave-dire qursquoil y a
tregraves souvent passage drsquoune langue agrave une autre il y a interfeacuterence agrave tout niveau phonologique
lexical et syntaxique
Conclusion
Si lrsquoon srsquoen tient au cas du Vaupeacutes on peut dire agrave propos de lrsquoAlgeacuterie qursquoelle preacutesente bien une
situation de plurilinguisme social Ce bilinguisme peut ecirctre caracteacuteriseacute agrave la fois comme preacutecoce et
tardif(beaucoup drsquoenfants apprennent les langues dans leur petite enfance mais aussi agrave lrsquoeacutecole) Ce
bilinguisme est aussi eacutequilibreacute il est plutocirct coordonneacute que composeacute car le reacutefeacuterent seacutemioculturel du
kabyle et du franccedilais est diffeacuterent du kabyle et de lrsquoarabe le franccedilais lrsquoest aussi
Cours 4
Bilinguisme et diglossie
1-Introduction
Dans une situation de contact de langues le statut de chaque langue varie suivant les rapports de
domination entre les groupes qui les parlent et les perceptions que les individus ont de ces rapports
Il srsquoensuit que les usages langagiers varient dans lrsquoespace social et geacuteographique en fonction de ces
rapports intergroupes si ces rapports changent les rapports de statut et donc les usages eux-mecircmes
varieront Crsquoest agrave de tels pheacutenomegravenes de variations sociolinguistiques que nous allons nous
inteacuteresseacutes En premier lieu nous examinerons le pheacutenomegravene de diglossie qui reacutesulte de relation de
statuts entre une langue et une varieacuteteacute de langue super-ordonneacutee et une autre langue ou varieacuteteacute de
langues subordonneacutees dont les usages respectifs sont en distribution compleacutementaire plus ou moins
stable dans une socieacuteteacute donneacutee
Selon Mackey laquo une socieacuteteacute dont tous les membres seraient capables de comprendre lire parler et
eacutecrire deux langues utiliseacutees dans cette socieacuteteacute devrait sans doute abandonner une de ces langues
car elle serait redondante Autrement dit pour que deux ou plusieurs langues survivent dans une
socieacuteteacute il est neacutecessaire qursquoelles remplissent des fonctions compleacutementaires-soit qursquoelles sont
utiliseacutees par tous les locuteurs pour des fonctions et dans des domaines distincts soit qursquoelles sont
utiliseacutees par des locuteurs appartenant agrave des groupes ethnolinguistiques diffeacuterents soit qursquoun
groupe parle la langue dominante lrsquoautre groupe la langue domineacutee avec entre les deux des
individus bilingues qui parlent la langue de lrsquoun et de lrsquoautre
1-Deacutefinition et historique de la diglossie
La notion de diglossie (du grec ancien diglottos signifiant bilingue) est un concept
sociolinguistique deacuteveloppeacute par Ferguson(1959) pour deacutecrire toute situation dans laquelle deux
varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue sont employeacutees dans des domaines compleacutementaires lrsquoune de ces
varieacuteteacute eacutetant geacuteneacuteralement de statut socialement supeacuterieur agrave lrsquoautre
Dans un sens large la diglossie existe dans toutes les socieacuteteacutes ougrave lrsquousage quotidien diffegravere
sensiblement de la norme officielle il faut que chaque varieacuteteacute soit utiliseacutees de maniegravere
systeacutematique par exemple une varieacuteteacute est employeacutee dans les domaines formelles comme
lrsquoadministration la religion la poeacutesie alors que lrsquoautre est reacuteserveacutee agrave la conversation courante aux
discussions informelles agrave la correspondance non officielle Fergusson qualifie ces deux varieacuteteacutes
lrsquoune haute et lrsquoautre basse Exemple Le monde arabe lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal La
Gregravece le grec le katharevousa et le grec populaire le dhimotiki
Le terme de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Fishman (1967) agrave lrsquousage compleacutementaire institutionnaliseacute
de deux langues distinctes dans une communauteacute donneacutee Cette situation de diglossie se caracteacuterise
par un certain nombre de traits
-La fonction la fonction des deux varieacuteteacutes H et L nrsquoest pas la mecircme il y a reacutepartition de chacune
drsquoentre elles selon les situations de communication
-la notion de prestige on se place ici au niveau de lrsquoattitude des locuteurs qui ont tendance agrave
qualifier H de supeacuterieure de plus belle de plus logique de plus apte agrave exprimer les penseacutees
importantes Ils affirment aussi qursquoils preacutefegraverent entendre un discours politique dans cette varieacuteteacute La
varieacuteteacute L est consideacutereacutee comme eacutetant infeacuterieure incapable drsquoexprimer un discours litteacuteraire
-La litteacuterature eacutetant reacutedigeacutee dans la varieacuteteacute haute elle contribue agrave ce que cette derniegravere soit tenue
dans sa plus haute consideacuteration
Le mode drsquoacquisition La varieacuteteacute basse est geacuteneacuteralement la langue maternelle son acquisition se
fait par lrsquousage donc au sein de la famille La varieacuteteacute haute srsquoapprend agrave lrsquoeacutecole
-La standardisation constitueacutee par la moyenne des usages des locuteurs ex le franccedilais standard
constitue la norme
-La stabiliteacute la situation de diglossie est passagegravere soumise agrave lrsquoeacutevolution Le rapport entre une
langue H et une langue L est ponctuel eacutepheacutemegravere susceptible drsquoeacutevolution
En fait dit Fergusson il nrsquoen est rien La situation de diglossie se caracteacuterise par la stabiliteacute elle
peut durer plusieurs siegravecles Srsquoil y a eacutevolution crsquoest par lrsquointermeacutediaire drsquoune forme de langue
intermeacutediaire qui ne remet pas en cause veacuteritablement le rapport entre H et L comme par exemple
lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal
Le concept de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Gumperz(1971) aux socieacuteteacutes multilingues dans le sens ougrave
celles-ci peuvent utiliser diffeacuterentiellement plusieurs codes (langues dialectes) dans des domaines
et des fonctions compleacutementaires comme lrsquoInde qui a deux langues officielles hautes le hindi et
lrsquoanglais en plus des langues reacutegionales
2-Le rejet de la notion de diglossie
-Martinet utilise plusieurs eacuteleacutements pour remettre en cause la notion de diglossie
Selon Martinet Fishman et Gumperz adoptent la notion de diglossie pour des raisons
sociologiques pour marquer la distinction bilinguisme individuel versus bilinguisme social La
diglossie implique le bilinguisme communautaire
Dans cette perspective on ne voit pas ce que la distinction bilinguisme diglossie apporterait de
nouveau par rapport au bilinguisme individuel et bilinguisme social
Martinet rappelle que la hieacuterarchie entre les langues nrsquoest pas absolue il nrsquoest pas toujours possible
dans toutes les situations linguistiques de deacuteterminer la hieacuterarchie Exemple le Canada
Lrsquoanglais est reacuteserveacute au domaine eacuteconomique et technique le franccedilais est reacuteserveacute au domaine
culturel Ces deux langues sont des langues de prestige bien qursquoelles ne soient pas sur un pied
drsquoeacutegaliteacuteccedila eacutetait la langue de lrsquoeacuteglise or nous dit-il cet argument nrsquoest plus valable car la
katareacuterouza a beaucoup eacutevolueacute par rapport agrave la langue religieuse
Le second argument de Drettas est la remise en cause du systegraveme de standardisation retenue par
Fergusson pour lui on ne peut retenir ce critegravere dans la mesure ougrave le corpus de reacutefeacuterence est
heacuteteacuterogegravene
3- La situation de lrsquoAlgeacuterie
Fergusson considegravere les pays arabes comme un des cas les plus anciens et les plus stables de
diglossie Tout le monde reconnaicirct le prestige de la langue arabe classique
Qui deacutecide de ce prestige Peut on dire drsquoune langue que les locuteurs refusent de parler qursquoelle
nrsquoest pas prestigieuse
Tous les grammairiens qui procircnent la disparition des dialectes au profit de lrsquoarabe classique sont
obligeacutes de reconnaicirctre que ces derniers sont bien vivants les grammairiens parlent de difficulteacute agrave
enseigner une locuteurs natifs il nrsquoexiste pas dans le monde arabe de personnes dont la langue
maternelle est la langue standard
Le prestige de la langue tient essentiellement du mythe nous avons lagrave lrsquoexemple drsquoun discours sur
les langues que les grammairiens les linguistes lrsquoeacutelite intellectuelle ont eacutetabli et qursquoils perpeacutetuent
avec la compliciteacute des instances officielles sans jamais se poser la question de lrsquoadeacutequation de ces
discours agrave la reacutealiteacute des pratiques linguistiques
4-Les tenants de la notion deacutefense et illustration de la diglossie
La deacutefense de la diglossie se fait selon deux axes principaux
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
-La diglossie expression et moyen drsquoun conflit social
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
A partir de la distinction entre varieacuteteacute H et varieacuteteacute L eacutetablie par Ferguson se construit une autre
signification celle de la diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute Il srsquoagit drsquoineacutegaliteacute au
niveau de lrsquoutilisation des deux langues mais aussi des attitudes et repreacutesentations que les locuteurs
ont agrave propos de ces langues Ces deux aspects sont tregraves importants Le terme de diglossie permet
drsquoinsister sur cette ineacutegaliteacute qui peut ecirctre quantitative lorsqursquoil srsquoagit de lrsquoextension drsquoemploi de
ces langues ainsi la varieacuteteacute H a geacuteneacuteralement une zone drsquoextension plus grande que la varieacuteteacute B
On peut parler drsquoineacutegaliteacute qualitative lorsque les langues en preacutesence ont le mecircme statut
-Bilan de La sociolinguistique dans le domaine arabearabophone
Essor tardif malgreacute la richesse du champ puisque aireegravere immenses
Pendant toute la premiegravere partie du XXegraveme siegravecle (Auparavant voir P Larcher) les eacutetudes arabes
ont eacuteteacute diviseacutees en deux grands domaines qui se recoupaient tregraves peu
a) lrsquoeacutetude la langue arabe classique b) eacutetudes dialectales
Dans les deux cas les auteurs visent agrave des descriptions de systegravemes plus ou moins homogegravenes et
stables En ce qui concerne eacutetudes dialectales description qui repose souvent sur le parler drsquoun ou
deux informateurs supposeacutes repreacutesenteacutes lrsquoensemble de leur communauteacute le parler du Caire le
parler de Cherchell le parler de Tunis etc et parfois mecircme le parler eacutegyptien le parler syrien etc
Preacutecurseurs la dialectologie et linguistique historique
Il y a quand mecircme une linguistique historique qui se pose la question de la formation de lrsquoarabe
classique ou dialectale en particulier en ce qui concerne la peacuteriode preacuteceacutedant et suivant la conquecircte
avec des questions comme est ce que lrsquoarabe classique srsquoest constitueacute sur une koineacute poeacutetique
litteacuteraire ou sur une koinegrave dialectale etc (cf P larcher) Autour de cette question de la formation
de lrsquoarabe de la deacutefinition drsquoune koinegrave qursquoil srsquoagisse drsquoune koinegrave litteacuteraire ou dialectale on aborde
les questions de contact drsquoeacutevolution de varieacuteteacutes
-Deacutefinition drsquoune koinegrave = Varieacuteteacute neacutee du contact de diffeacuterentes varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue qui
se deacutelocalise dans le sens que nrsquoest plus le symbolelrsquoeacuteleacutement identificateur drsquoun groupe
socialement et geacuteographiquement distinct et qui de ce fait tend agrave eacuteliminer les traits les plus
particuliers les plus saillants des varieacuteteacutes en contact et tend agrave conserver les traits communs
(beaucoup plus compliqueacute que cela mais tendance geacuteneacuterale)
Donc un certain nombre de travaux autour de ces questions par des gens qui ne se deacuteclarent pas
comme des sociolinguistes mais plutocirct comme des historiens de la langue ou des linguistes Fuumlck
Ferguson Blau Cohen etc etc Relient analyse historico sociale et analyse linguistique mais les
eacuteleacutementspreuves de leur argumentation sont surtout baseacutes sur des eacuteleacutements linguistiques (liste des
traits pour la koinegrave urbaine de Ferguson ou de Cohen ou plus tard de Vesteegh pour sa theacuteorie de la
pidginisationcreacuteolisation) cf on prend un certain nombre de traits des dialectes arabes
contemporains et on les compare a) avec arabe classique et b) avec les eacuteleacutements de dialectologie
historique dont on dispose et on essaie de montrer que relegravevent ou pas drsquoun processus de
koineacuteisation
Tous ces travaux autour des questions de koinegrave litteacuteraire et surtout koinegrave dialectale sont importants
car vont eacutetablir des cateacutegories dialectales baseacutees sur des critegraveres sociaux ethniques cf la distinction
entre parlers dits nomadesbeacutedouins censeacutes ecirctre plus laquo conservateurs raquo (donc avoir gardeacutes des traits
des parlers preacute-Jahili) et parlers seacutedentaires consideacutereacutes comme laquo plus innovants raquo et agrave lrsquointeacuterieur
de ces parlers seacutedentaires les parles urbains consideacutereacutes comme eacutevidemment les plus laquo mixtes raquo car
issus soit du contact entre des dialectes diffeacuterents (koinegrave) soit du contact entre des arabophones et
des non arabophones (langue de contact)
(Pour toutes ces questions de dialectologie historiques et de cateacutegorisation etc je vous renvoie aux
laquo pegraveres laquo de la dialectologie arabe cf en franccedilais Cantineau William et Philippe Marsais pour le
Maghreb Colin etc Ces cateacutegories sont elles mecircmes inspireacutees des eacutecrits de Ibn Khaldoum
VI-2-3- Le deacuteveloppement de la dialectologie
Crsquoest agrave partir de ces cateacutegories dialectales qui se distingueraient pas des traits linguistiques
particulier que se sont deacuteveloppeacutes au Moyen Orient quelques travaux fondateurs comme ceux de
Haim Blanc sur Baghdad (1966) puis de Clive Holes sur Bahrain (1987) et au Maghreb une
sociolinguistiquedialectologie laquo urbaine raquo avec des gens comme Leila Messaoudi (Rabat)
Dominique Caubet (Fegraves) etc et tous les travaux en dialectologie urbaine qui ont montreacute que
diffeacuterentes varieacuteteacutes coexistaient dans une mecircme ville en fonction des appartenances
laquo communautaires raquo crsquoest agrave dire soit appartenance religieuse (juive chreacutetienne musulmane) ou
reacutegionales ou ethniques etc et qui ont pu eacutetudier aussi le renouvellement des parlers urbains en
montrant comment des nouveaux flux de populations drsquoorigine rurale transformaient les anciens
parlers urbains et provoquaient des pheacutenomegravenes de koineacuteisation Mais au Maghreb on reste le plus
souvent dans la dialectologie urbaine plus que dans la sociolinguistique dans le sens ougrave le plus
souvent on identifie un groupe agrave une varieacuteteacute sans deacutecrire les pheacutenomegravenes de variations
drsquoalternance individuelles La personne la plus repreacutesentative de ce courant me semble Leila
Mesaoudi (2003) qui se basant sur les travaux drsquoeacutetudes urbaines (cf Mohamed Naciri pour le
Maroc) a deacuteveloppeacute une opposition entre parler citadinparler urbain et montreacute combien les anciens
parler citadins (preacute-hilalien et andalou) eacutetaient actuellement en deacuteclin face aux nouvelles koineacute
urbaines a fort traits beacutedouins raquo
Crsquoest surtout chez les anglo - saxons et au Mashrek que lrsquoon voit se deacutevelopper une
sociolinguistique variationiste urbaine avec des gens comme Clive Holes Abdel Jawad Ibrahim
Muhamed Amara Niloofar haeri Enam Al Wer etc qui eacutetudient comment eacutevoluent les usages
linguistiques des diffeacuterents types de locuteurs en fonction de leur acircge sexe degreacute drsquoeacutetudes origine
reacutegionale etc Etudes qui analysent principalement les variantes phonologiques comme la
reacutealisation du (q) en q g k la reacutealisation des inter dentales des diphtongues etc Ces
variantes phonologiques sont consideacutereacutees comme des marqueurs de telle ou telle varieacuteteacute cf le (q)
crsquoest agrave la fois classique et certains parlers urbains le g crsquoest plutocirct ruralbeacutedouin mais devenu
urbain dans de nombreux cas le crsquoest plutocirct urbain etc etc Donc on eacutetudie la reacutealisation de ces
variantes aupregraves drsquoun certain nombre de locuteurs et on croise les variables linguistiques avec des
critegraveres sociaux (acircge sexe eacuteducation etc) et on en conclut que dans tel ou tel milieu urbain
lrsquoeacutevolution linguistique va dans le sens du deacuteveloppement de telle ou telle varieacuteteacute de langue
Ce type drsquoeacutetude qui a repris au deacutebut les concepts meacutethodologie variationiste labovienne
deacuteveloppeacute aux USA GB etc srsquoest drsquoabord heurteacute agrave une application trop meacutecaniste de la deacutemarche
labovienne et a du srsquoadapter au contexte arabophone qui est un peu plus speacutecifique du fait de la
fameuse question de la diglossie la varieacuteteacute haute des villes europeacuteennes = la varieacuteteacute parleacutee par
lrsquoeacutelite de ces villes donc standard urbain = varieacuteteacute haute prestigieuse que les autres locuteurs
essaieront ou pas de reproduire en fonction des contextes urbains Les innovations souvent
introduites par les membres des classes moyennes et se diffusent vers le haut puis repris par le
bas etc Les femmes des couches populaires ont tendance agrave reprendre plus vites les variantes
prestigieuses les hommes des milieux populaires sont plus conservateurs
Dans le monde arabe on a commenceacute agrave faire une adeacutequation entre varieacuteteacute haute et fusha
(classiquemoderne) et agrave voir comment les locuteurs des diffeacuterents parlers dialectales acqueacuteraient
ou pas les marqueurs de cette varieacuteteacute haute (donc par exemple la reacutealisation du fameux (qaf) Et
puis on srsquoest rapidement aperccedilu que parallegravelement au fusha il y avait drsquoautres varieacuteteacutes prestigieuses
en particulier les varieacuteteacutes urbaines dans un certain nombre de grand centres urbains comme le
Caire Jeacuterusalem etc les migrants drsquoorigine rurale et surtout les femmes pouvaient privileacutegier la
norme urbaine sur celle du fushahellip (Palva 1982 Ibrahim 1986 etc) Ce qui a ameneacute un certain
nombre de travaux en cours agrave srsquointerroger sur la question de la norme du standard en arabe sur
lrsquoimpact de lrsquoeacuteducation (Nilofar Haeri Enam Al Wer) et donc par ricochet ont deacuteveloppeacute une
critique drsquoune conception qui se voulait plus ou moins universalisante agrave la Bourdieu les classes
dominantes se caracteacuteriseraient par leur maicirctrise de la norme langagiegravere qursquoelles imposent aux
autres Dans le monde arabe on voit que lrsquoune des normes prestigieuses est supposeacutee ecirctre le fusha
norme que peu de gens maicirctrisent dans leur vie quotidienne les eacutelites sont plutocirct plurilingues et pas
toujours tregraves arabiseacutees (ce sont souvent plutocirct les membres des classes moyennes qui ont suivit leur
eacuteducation en arabe) lrsquoautre norme peut ecirctre le vernaculaire urbain (mais pas toujours comme on le
voit pour un certain nombre de vieilles citeacutes maghreacutebines) mais cela peut ecirctre aussi une norme
beacutedouine + - ideacutealiseacutee comme cela semble ecirctre le cas en Jordanie ou face agrave la preacutesence des
palestiniens irakiens syriens etc laquo les vrais hommes jordaniens raquo semblent revendiquer une
norme locale plus beacutedouine
Bref lrsquoensemble de ces travaux plus ou moins reacutecents sur la dialectologiesociolinguistique urbaine
ont eu le meacuterite de mettre en relief la diversiteacute des situations la complexiteacute historique du
deacuteveloppement de certains parlers la pluraliteacute des normes Beaucoup de travail reste agrave faire dans
ce domaine ougrave les vraies eacutetudes de terrain baseacutees sur des corpus restent rares Deux
exemples proches celui de Casablanca et de lrsquoarabe dit marocain Alors que le Maroc est lrsquoun des
pays ougrave lrsquoon dispose drsquoune tradition dialectologique riche et de nombreux travaux contemporains
(en particulier avec les espagnols mais aussi des auteurs marocains) on srsquoaperccediloit que si lrsquoon
connaicirct un peu lrsquohistoire de la formation du parler de Casablanca au deacutebut du XXegraveme s et son
expansion on ne dispose drsquoaucune description sociolinguistique reacuteelle et on reste dans une grande
confusion entre la koinegrave marocaine et le parler de Casablanca De mecircme pour Alger la capitale de
lrsquoAlgeacuterie qui a connu une expansion consideacuterable agrave une politique drsquoarabisation plus ou moins
reacuteussie et accepteacutee quel(s) type(s) drsquoarabe se deacuteveloppent actuellement Y a t il deacuteveloppement
drsquoune koinegrave influence croissante de fusha ou au contraire deacuteveloppement croissant du code
swtiching ou les deux etchellip autant de questions qui nrsquoont pas encore eacuteteacute traiteacutees de faccedilon
satisfaisante
Il apparaicirct enfin que la sociolinguistique arabophone srsquoest peu deacuteveloppeacutee dans un cadre
interactioniste Neacutecessiteacute de deacutevelopper lrsquoanalyse interationnelle de preacutesenter des corpus en action
et de sortir un peu des approches variationistes ou des listes drsquoisoglosses
La question de la diglossie et du continuum dialectalefusha
Crsquoest un des domaines qui a eacuteteacute le plus abordeacute en sociolinguistique arabe agrave la fois dans une
approche du contactcode switching et une approche attitudinales Massivement investi par les
anglo-saxons Donc les articles fondateurs sur la Diglossie Marccedilais +- inaperccedilu Ferguson qui a eu
un impact consideacuterable et de lagrave tout un courant pour savoir la nature le type de diglossie la mise
en eacutevidence niveaux intermeacutediaires entre les deux pocircles etc
Deux grandes tendances
- celles qui consistent agrave nommer et agrave caracteacuteriser des varieacuteteacutes intermeacutediaires entre le pocircle bas
(dialecte) et le pocircle (haut) fusha On va de 3 45 avec des notions comme lsquoammiya al-muthaqafin
(Educated Spoken Arabic) Tendances deacuteveloppeacutees par des gens comme lrsquoeacutecole de Leeds Said El-
badawi au Caire etc Mais ces travaux se heurtent agrave la difficulteacute de trouver des laquo fontiegraveres raquo claires
entres les diffeacuterentes varieacuteteacutes intermeacutediaires
- lrsquoautre tendance est de consideacuterer qursquoil y a deux pocircles + - abstraits et un continuum entre les
deux pocircles sans qursquoil soit possible drsquoisoler des varieacuteteacutes speacutecifiques entre les deux A partir de cette
conception en continuum on peut eacutetudier comment se fait le meacutelange des deux codes et appliquer
un certain nombre de regravegles et meacutethodes reprises des eacutetudes sur le Code Switching et lrsquointerlangue
cela va donc des contraintes syntaxiques de lrsquoeacutepoque Poplack agrave la theacuteorie de la Matrix language de
Myers Scotton (beaucoup drsquoarticles parus dans les volumes de Aspects of Arabic Linguistics et
eacutegalement lrsquoouvrage collectif de Rouchdy 2002 par ex cf les travaux de Gunvor Medjell etc)
Ces travaux ont reccedilu un bon eacutecho dans le monde arabe en geacuteneacuterale car permettent tout en restant
dans lsquodu politiquement correcte raquo de travailler sur de lrsquoarabe moderne de sortir un peu du carcan
du classique sans faire de la laquo dialectologie raquo qui reste une discipline encore trop souvent
consideacutereacutee comme laquo orientalisanteraquo
Les travaux sur le code switching et le continuum ne pacirctissent pas drsquoune image deacutefavorable agrave
lrsquoinverse de la dialectologie qui reste entacheacutee drsquoune reacuteputation de laquo science coloniale raquo Le
domaine des eacutetudes sur diglossieCS reste prolifique et les eacutetudes montrent que la frontiegravere entre le
fusha et le dialectale sont extrecircmement poreuses des domaines reacuteserveacutes au fusha sont de plus en
plus peacuteneacutetreacutes par le dialectal incluant lrsquoeacutecrit (journalistique le roman les publiciteacutes) et tout le
domaine relevant de lrsquooral officiel (les discours publiques les meacutedias etc) et vice versa
lrsquoinfluence principalement lexicale et phonologique du fusha se fait sentir dans lrsquooral dialectal via
eacuteducationmeacutedia certaine deacutemocratisation Il y a de grand corpus en ligne (voir les ameacutericains
comme Parkinson)
On peut se demander si cette porositeacute entre les deux pocircles reflegravete une eacutevolution contemporaine ou
si elle existait auparavant mais nrsquoavait pas eacuteteacute eacutetudieacutee Si on observe le passeacute avec minutie on
constate a) que lrsquoeacutecrit a toujours eacuteteacute +- marqueacute par le dialectal cf le fameux moyen arabe et b)
que les supposeacutees populations analphabegravetes parlant le dialectal avaient un contact avec lrsquoarabe
classique via lrsquoenseignement religieux la poeacutesie sufi etc et donc il y a certainement eu et de la
part des orientalistes et des panarabistes une sureacutevaluation de cette diglossie
Ce qui semble clair cependant crsquoest que par rapport agrave certains pronostiques des anneacutees 50-60 (les
indeacutependances) crsquoest que lrsquoarabe standard moderne ne srsquoest pas imposeacute comme unique meacutedium de
communication dans lrsquoensemble du monde arabe que les laquo dialectes raquo parlers locaux eacutevoluent
mais se maintiennent plus qursquoon aurait pu le croire puisqursquoon voit mecircme resurgir des
reacutegionalismes locaux
Un domaine qui reste agrave explorer pour les deacutecennies agrave venir eacutemergence ou pas de laquo langues
parlers raquo nationauxreacutegionaux A lrsquointeacuterieur drsquoun mecircme pays est ce que sont les tendances agrave la
koineacuteisation ou le maintien des diffeacuterences qui va lrsquoemporter est-ce que ces hypotheacutetiques
varieacuteteacutes nationales seront reconnues comme telles On entend parler drsquoarabe eacutegyptien marocain
algeacuterien syriens Ce sont en grande partie des fictions qui deacutesignent en geacuteneacuterale les varieacuteteacutes parleacutees
dans les capitales mais qui ne sont pas institutionnaliseacutees ni reconnues comme des langues
officielles et dont le rayonnement nrsquointerdit pas le maintien drsquoautres varieacuteteacutes plus locales ou
reacutegionales Mais il y a toujours eu des mouvements militant (mais toujours tregraves minoritaires) pour
lrsquoinstitutionnalisant de ces laquo langues nationales raquo et la rupture avec le fusha cf au Liban en Egypte
au Maroc actuellement (cf le numeacutero de la revue Tel Quel Darja notre langue nationale) On
retrouve donc toujours lrsquoopposition entre ceux qui ont une vision discontinuiste (ammiyya et fusha
sont des systegravemes fondamentalement diffeacuterents) et ceux qui ont une vision plus continuiste
(ammiyya et fusha se complegravetent)
Autres domaines de la Sociolinguistique arabe en deacuteveloppement
- Lrsquoahelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip maternelles en contexte migratoire des regravegles du CS etc
Un autre domaine est lrsquoinfluence de cet arabe de diaspora dans les pays drsquoaccueil cf dans la
creacuteation artistique contemporaine les parlers des jeunes etc (la musique les blagues etc cf les
travaux de Dominique Caubet etc)
CONCLUSION Le terme sociolinguistique implique donc une sensibiliteacute une approche et une meacutethodologie
particuliegraveres partir du reacuteel du concret ecirctre agrave lrsquoeacutecoute des faits de langue de variation se dire que
le marginal le particulier sont toujours instructifs que les langues sont toujours en perpeacutetuel
construction et que les humains sont les acteurs de ces constructions Crsquoest un peu comme un
historien qui deacutecide de sortir de lrsquohistoire officielle de la Cour et des Grands pour srsquointeacuteresser agrave
lrsquohistoire sociale crsquoest plus difficile cela demande de plonger dans des archives plus ou moins
accessibles lisibles etc Pour le linguiste cela demande de recueillir des corpus et de prendre le
temps de les eacutecouter analyser transcrire
Le deacuteveloppement drsquoeacutetudes avec une sensibiliteacute sociolinguistique a permis de sortir drsquoun certain
carcan imposeacute agrave la fois par de nombreux laquo orientalistes raquo et par lrsquoideacuteologie pan arabe des eacutetats
arabes lrsquoarabe est de plus en plus reconnue comme une langue plurielle ayant subi des
deacuteveloppements diffeacuterents selon les lieux et les contextes jouant des rocircles diffeacuterents etc
Pour le moment on sent bien qursquoil y a cependant un fosseacute entre ces avanceacutees et les politiques
didactiques par exemple lrsquoenseignement de lrsquoarabe reste extrecircmement probleacutematique et figeacute tant
dans les pays dits arabophones que dans les pays a forte minoriteacutes non arabophones Alors que par
exemple lrsquoenseignement du FLE ou ALE a totalement inteacutegreacute un certain nombre drsquoacquis de la
sociolinguistique pragmatique linguistique discursive il ne semble pas que ce soit le cas avec
lrsquoarabe malgreacute le nombres drsquoinstituts eacutetrangers ou arabes qui se penchent sur la question
Cours 5 ATTITUDES ET REPRESENTATIONS
Le pheacutenomegravene repreacutesentationnel est un pheacutenomegravene qui a drsquoabord inteacuteresseacute les sciences humaines la psychologie la sociologie lrsquoanthropologie bien avant la linguistique et disposent au cœur de ces sciences drsquoun savoir theacuteorique Il recouvre tout le champ qursquoon nomme repreacutesentations linguistiques langagiegraveres ou sociolinguistiques discours sur les langues attitudes linguistiques jugement sur les langues rapports subjectifs agrave la langue imaginaire linguistique Cependant chaque appellation teacutemoigne drsquoun certains point de vue Guenier deacutefinit les repreacutesentations comme laquo une forme courante et non savante de connaissances
socialement partageacutees qui contribue agrave une vision de la reacutealiteacute commune agrave des ensembles sociaux et
culturels raquo(repreacutesentations linguistiques in Moreau Sociolinguistique concepts de base Mardaga
liegravege 1996 p146)
Deux caractegraveres sont agrave relever dans cette deacutefinition
_Le caractegravere non savant des repreacutesentations il srsquoagit drsquoune forme de connaissance qui ne repose
sur aucune rationaliteacute crsquoest une connaissance intuitive purement subjective Branca-Rosoff citeacute
par Boyer in Sociolinguistique territoire et objets p79 deacutesigne ce pheacutenomegravene laquo drsquoopinions
steacutereacuteotypeacutees raquo Crsquoest donc une certaine vision une certaine perception que les locuteurs ont de
leurs langues et de celles des autres
- Les repreacutesentations linguistiques sont socialement eacutelaboreacutees et partageacutees par tous les membres
drsquoune socieacuteteacute Elles fonctionnent comme des normes sociales ideacutee partageacutee par Labov qui les
situent entre la norme ideacuteologique et les usages effectifs Pour ce dernier la norme sociale est le
fondement mecircme de la communauteacute linguistique qui ne se deacutefinit plus comme un ensemble de
locuteurs partageant les mecircmes usages (au niveau des pratiques elle est plutocirct heacuteteacuterogegravene) mais
comme un ensemble de locuteurs partageant des normes subjectives communes Ainsi les langues
sont jugeacutees positivement alors que drsquoautres le sont neacutegativement Les jugements peuvent ecirctre de
nature estheacutetique peuvent concerner le systegraveme lui-mecircme la valeur de la langue sur le marcheacute
linguistique et enfin le groupe qui la parle Nous avons donc affaire agrave un pheacutenomegravene social et crsquoest
justement ce caractegravere social des repreacutesentations linguistiques qui justifie qursquoelles constituent un
objet de choix de la sociolinguistique cependant cela nrsquoexclut pas qursquoil y ait tout de mecircme une part
individuel
Les locuteurs ne se contentent pas drsquoutiliser les langues et les varieacuteteacutes de langues ils les eacutevaluent
cette eacutevaluation influe beaucoup sur leurs pratiques linguistiques On entre ici dans le domaine des
attitudes et des normes qursquoelles impliquent chaque locuteur eacutevalue sa propre pratique et celle des
autres et ces eacutevaluations jouent un rocircle important dans le changement linguistique
La linguistique diachronique analyse le changement linguistique drsquoougrave provient une innovation
pourquoi et comment srsquoimpose-t-elle est-ce pour des raisons sociologiques qursquoune langue
change Andreacute Martinet a deacutefendu la thegravese que lrsquoeacutevolution phonologique drsquoune langue ne se faisait
pas de maniegravere aleacuteatoire mais srsquoexpliquait par la neacutecessiteacute pour son systegraveme de trouver une
stabiliteacute optimale en reacuteduisant ses deacuteseacutequilibres Drsquoautres linguistes preacutefegraverent mettre lrsquoaccent sur
des meacutecanismes sociaux par exemple un groupe peut imiter la prononciation drsquoun autre jugeacutee
plus prestigieuse
Deux tendances srsquoaffrontent pour expliquer le changement on invoque souvent le principe du
moindre effort les locuteurs confondent certaines formes phoneacutetiquement tregraves proches simplifient
des constructions syntaxiques compliqueacutees Cette tendance au moindre effort du locuteur est
contrebalanceacutee par une autre qui pousse agrave ne pas compromettre la compreacutehension crsquoest-agrave-dire le
moindre effort de lrsquoauditeur
Il nrsquoest pas rare qursquoun eacutetranger en situation officielle srsquoexcuse de ne pas parler la langue de son
interlocuteur Ce faisant il teacutemoigne drsquoune certaine politesse qui compenserait en quelque sorte
laquo lrsquoimpolitesse raquo de ne pas bien parler la langue mais il teacutemoigne aussi de la valeur positive qursquoil
accorde agrave cette langue et agrave ceux qui la parlent A lrsquointeacuterieur drsquoun groupe qui parle la mecircme langue
on observe nous le verrons un un pheacutenomegravene semblable drsquoineacutegaliteacute linguistique entre locuteurs de
statut socioculturel diffeacuterent
Par ailleurs nous sommes tour agrave tour eacutemetteurs et reacutecepteurs nos compeacutetences en tant que
reacutecepteurs sont plus grandes que nos compeacutetences en tant qursquoeacutemetteurs nous nrsquoemployons pas
toutes les structures linguistiques que nous connaissons de mecircme que nous nrsquoappartenons pas agrave
toutes les cateacutegories socioculturelles que nous sommes capables de reconnaicirctre Mais le reacutecepteur
nrsquoa pas un rocircle passif
-il reconstitue le sens de lrsquoeacutenonceacute qursquoil reccediloit selon ses propres schegravemes drsquointerpreacutetation et
lrsquoensemble de ses expeacuteriences
-il perccediloit aussi des signes linguistiques qursquoil interpregravete en fonction des connotations et des
normes en cours dans la classe sociale agrave laquelle il appartient lorsque ces signes peuvent faire
lrsquoobjet de variations ils deviennent des marqueurs socioculturels
-il juge ce qursquoil perccediloit selon lrsquoimage qursquoil a du locuteur de ses intentions de la situation et
du rocircle qursquoil y joue des enjeux de lrsquoacte de langage et selon lrsquoimage qursquoil a de lui mecircme et de ses
compeacutetences la faccedilon de parler est un facteur plus reacuteveacutelateur de la classe sociale des
interlocuteurs que les vecirctements ou les apparences de train de vie
En effet si les repreacutesentations linguistiques sont de nature sociales elles sont en rapport
eacutetroit avec lrsquoideacuteologie qui tente drsquoagir sur elles et les modegraveles Cependant si les repreacutesentations
sont agrave distinguer des discours scientifiques elles sont aussi agrave distinguer des discours ideacuteologiques
tenus par le pouvoir Branca Rossof citeacute par Boyer p79 exprime fort bien cette ideacutee en affirmant
que les repreacutesentations laquo permettent de sortir de lrsquoopposition radicale entre laquo le reacuteel raquo les faits
objectifs deacutegageacutes par la description linguistique et lrsquoideacuteologie les consideacuterations normatives
comme repreacutesentations fausses repreacutesentations eacutecrans raquo Crsquoest donc entre le reacuteel et lrsquoideacuteologie
qursquoelle situe les repreacutesentations Qursquoest ce qursquoest lrsquoideacuteologie laquo Tout systegraveme de repreacutesentations
structureacute et coheacuterent visant agrave rendre compte du monde exteacuterieur de la reacutealiteacute sociale lrsquoideacuteologie se
preacutesente sous forme drsquoun discours construit et totalisant ougrave les ideacutees srsquoenchaicircnent logiquement et
les valeurs concordent raquo (discours et ideacuteologie p4)
Ainsi lrsquoideacuteologie est un systegraveme structureacute parfaitement coheacuterent eacutelaboreacute en fonction drsquoobjectifs
bien deacutetermineacutes officiel car il srsquoagit de faccedilonner lrsquoimaginaire collectif national alors que les
repreacutesentations sociales nrsquoobeacuteissent pas agrave ces contraintes elles sont le fruit drsquoun consensus social
plus ou moins libre Mais il faut souligner qursquoen pratique la limite entre ces deux repreacutesentations
nrsquoest pas toujours clairement repeacuterable et les deux se confondent les ideacuteologues au service de
lrsquoeacutetat sont drsquoabord et avant tout des membres de la socieacuteteacute le pouvoir par les moyens qui lui sont
confeacutereacutes (meacutedia eacutecoles AIE) arrive toujours agrave faccedilonner les mentaliteacutes Ainsi on aime ou on
deacuteteste une langue parce qursquoon se fait une certaine ideacutee drsquoelle ou de ces locuteurs
QUE CONCLURE Lrsquoanalyse des repreacutesentations ne peut ecirctre eacutetudieacutee sans une analyse des pratiques linguistiques
Drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutetudier agrave la fois les comportements et les attitudes des locuteurs drsquoobserver les
productions et de ne pas se contenter de recueillir des paroles des sujets qui peuvent varier selon les
situations et les interactions(voir agrave ce sujet B Maurer Houdebine Canut et Boyer)
Cours 6- LA POLITIQUE LINGUISTIQUE OU LES NORMES LA NORME
Michel Tournier deacutefinissant le normal donne les deacutefinitions suivantes
NORMAL 1 Conforme agrave la norme Ideacuteal 2 Conforme agrave la moyenne Habituelle
Ceci peut servir dintroduction agrave qui aborde la question de la norme Cest bien la un veacuteritable problegraveme car selon les lieux selon les personnes selon le domaine les deux perspectives se mecirclent effectivement et perturbent la compreacutehension Peut-on dire que la norme est un ideacuteal cest-agrave-dire de fait quelque chose que personne natteint ou nincarne vraiment Peut-on dire que la norme est faite de la moyenne des opinions ou de la moyenne des comportements Nous allons rencontrer ces deux voies comme deux eacutecueils entre lesquels il conviendra de naviguer
Georges Mounin lui-mecircme dans son Dictionnaire de la Linguistique (PUFQuadriges reacuteeacuted 1993) commence son article Norme de la faccedilon suivante Moyenne des divers usages dune langue agrave une eacutepoque donneacutee ou usage imposeacute comme le plus correct ou le plus prestigieux par une partie de la socieacuteteacute (le bon usage)
En fait si le normal et le normatif restent des concepts tregraves grand public qui suscitent des deacutefinitions un peu floues il convient de souligner que la norme du franccedilais nest en aucun cas deacutetermineacutee en regardant les usages majoritaires Cest la varieacuteteacute de franccedilais qui agrave une eacutepoque donneacutee est procircneacutee par la socieacuteteacute franccedilaise qui simpose agrave chacun mais aussi qui est deacutefendue par chacun mecircme ceux qui en sont tregraves eacuteloigneacutes y sont attacheacutes Cest dans les classes populaires que tout en pratiquant dautres varieacuteteacutes on tient le plus agrave ce que soit enseigneacutee la norme que lon se soucie de savoir ce qui est correct ce qui ne lest pas - la norme eacutetant plus ou moins assimileacutee agrave ce qui permet de reacuteussir puisque ceux qui ont reacuteussi sont censeacutes pratiquer la norme en offrir une image On devine ainsi que la norme de fait est la varieacuteteacute pratiqueacutee par les hautes couches de la socieacuteteacute dans les situations formelles ougrave elles donnent agrave voir leur langue - varieacuteteacute dailleurs plus ou moins fantasmeacutee (et par lagrave sans doute rejoint-on la notion dideacuteal) que personne ne pratique vraiment et qui ainsi apparaicirct toujours au-delagrave des usages reacuteels Indeacuteniablement cependant des usages se rapprochent davantage de ce qui est preacutesenteacute comme la norme (dans les dictionnaires dans les grammaires) mais ces ouvrages parce quils sont eacutecrits utilisent et preacutesentent obligatoirement une varieacuteteacute diffeacuterente de loral et contribuent agrave la dichotomie si souvent formuleacutee par Monsieur Toutlemonde agrave leacutecrit ccedila va ma langue est correcte mais agrave loral je nai pas le temps de reacutefleacutechir et je parle mal
Dans ces conditions on soulignera que
la norme est une varieacuteteacute eacutecrite que lon enseigne en principe qui est formaliseacutee et toujours plus ou
moins eacuteloigneacutee des varieacuteteacutes parleacutees mecircme quand elles reccediloivent un jugement favorables de
locuteurs solliciteacutees pour donner leur avis
On ne parle jamais comme on eacutecrit (cf chapitre sur langues orales langues eacutecrites) mais les
couches sociales qui ont reacuteussi sont censeacutees davantage incarner la norme
Il est certain que plus les eacutetudes des sujets ont eacuteteacute longues plus ils pratiquent couramment des
varieacuteteacutes proches de lideacuteal quon appelle la norme ne serait-ce que parce que leur impreacutegnation agrave
travers une longue pratique de la langue eacutecrite rejaillit sur leur pratique orale Mais ne neacutegligeons
pas toutefois les facteurs sociologiques et eacuteconomiques qui interfegraverent avec ce que lon croit
attribuer agrave leur langue (richesse visible aisance sociale position eacuteconomique domination
sociale)
Ne veut-on pas imiter ceux quon preacutesente comme les modegraveles normatifs plus parce quils ont
reacuteussi que parce quils parlent bien la cravate de PPDA(1) sa faccedilon de shabiller son aisance et
son sourire parfaitement placeacute ne jouent-ils pas un plus grand rocircle que sa langue mecircme (on connaicirct
dailleurs lusage du prompter agrave la teacuteleacutevision ) pour le faire citer comme quelquun qui parle bien
Indeacuteniablement - et dans toute socieacuteteacute - servent de modegravele ceux qui ont reacuteussi et non pas ceux qui
sont consideacutereacutes comme des parias (cf les clochards ou SDF)
Noublions pas en outre que si les accents reacutegionaux ne sont plus aussi stigmatiseacutes maintenant
quil y a une trentaine danneacutees ils sont lobjet malgreacute tout de preacutecautions subtiles qui amegravenent ceux
qui atteignent les plus hautes responsabiliteacutes sociales agrave sen deacutefaire partiellement (cf le Preacutesident
Giscard dEstaing prenant des cours dorthoeacutepie pour se deacutebarrasser de son accent auvergnat qui
neacutetait pas de mise pour quelquun preacutetendant aux plus hautes fonctions et donc Preacutesident de tous
les Franccedilais) ou bien qui amegravene agrave seacutelectionner pour les plus hautes responsabiliteacutes ceux qui ont un
accent consideacutereacute comme convenable celui qui est accepteacute agrave une eacutepoque donneacutee les deux
comportements interfegraverent constamment et se reacutepondent pour eacuteliminer de la parole publique avec
une image favorable (et non pas plus ou moins ridicule) ceux qui seraient les plus eacuteloigneacutes de la
norme
Les caracteacuteristiques de la norme orale eacutevoluent au fil des siegravecles notre r actuel assez faible
un peu plus grasseyeacute agrave Paris quagrave Marseille nest plus du tout le r rouleacute que prononccedilait les
nobles il y a quelques siegravecles mais elles eacutevoluent bien plus lentement que lusage reacuteel
La norme est donc bien une question qui relegraveve fondamentalement de la sociolinguistique
deacutetermineacutee fixeacutee agrave chaque eacutepoque sur des critegraveres socio-eacuteconomiques elle se transmet dans
lenseignement et donc apparaicirct comme beaucoup plus permanente que les autres varieacuteteacutes non
formaliseacutees qui ne se transmettent que familialement (acquisition non formelle) Leacutecole joue ainsi
un rocircle essentiel dans la transmission la permanence le statut les preacuterogatives accordeacutees agrave la
norme Cest elle qui peut la reacutepandre de faccedilon quasiment universelle dans un pays Sa non-
transmission - cf le discreacutedit de leacutecole pour toute transmission ou la moindre importance accordeacutee
agrave la langue correcte agrave notre eacutepoque - ont pour premier reacutesultat que les couches sociales les plus
eacuteloigneacutees de la norme ny accegravedent plus La norme ne disparaicirct pas pour autant mais elle est alors
surtout lobjet de transmission familiale dans les familles conscientes et capables den assurer la
transmission indeacutependamment de leacutecole Leacutecole en enseignant la norme eacutetait facteur de
deacutemocratisation de la socieacuteteacute franccedilaise si elle renonce agrave cette tacircche on parvient agrave une socieacuteteacute
aristocratique dans laquelle certains savent sans avoir appris (selon lexpression consacreacutee) et ougrave
il ny a plus de chance de veacuteritable mobiliteacute sociale Contrairement agrave nos a priori on peut voir ainsi
que la norme est deacutemocratique quand ideacuteal proposeacute agrave tous elle est accompagneacutee dans son
apprentissage de la transmission des principes qui permettent de latteindre Dire (comme cela se
pratiquait agrave luniversiteacute agrave Lyon dans les anneacutees soixante) il ne faut pas dire un [floslashv] (pour
fleuve) une [foslashj] (pour feuille) cest donner agrave tous une chance dacceacuteder agrave des situations ougrave lon
ne tolegravere pas un accent reacutegional marqueacute ne plus le dire cest laisser encore les plus hautes
positions agrave ceux qui lauront compris tout seuls (dans leur famille) et bien sucircr eacuteliminer ceux qui ne
se doutent mecircme pas que ce genre de prononciation est stigmatiseacutee
On pourra distinguer avec Marie-Louise Moreau (1997) article Les types de normes
les normes de fonctionnement (habitudes linguistiques partageacutees par les membres dune
communauteacute regravegles qui sous-tendent les comportements linguistiques dun sous-groupe)
les normes descriptives (ce sont les normes de fonctionnement rendues explicites par les
descriptions qui en sont faites Mais ainsi ce sont les normes de certains sous-groupes seulement
qui sont deacutecrites on ne sinteacuteresse pas tretiennent des relations complexes avec les normes
prescriptives Elles contribuent grandement agrave la hieacuterarchisation)
les normes fantasmeacutees (ici on est toujours dans le domaine des repreacutesentations le groupe se forge
un ensemble de conceptions sur la langue et son fonctionnement qui nont souvent guegravere de zone
dadheacuterence avec le reacuteel )
La norme ou le bon usage
La norme au sens de langue que lrsquoon doit parler est un discours drsquoautoriteacute fixeacute par une institution
drsquoeacutetat) chargeacutee de creacuteer une langue homogegravene faite pour ecirctre parleacutee par un usager ideacuteal une
langue standard de partout et de nulle part uniforme polie deacutebarrasseacutee de toute impureteacute comme
-les reacutegionalismes les varieacuteteacutes geacuteographiques srsquoopposent au caractegravere centralisateur de la norme
et eacutechappent agrave tout controcircle elles sont donc connoteacutees peacutejorativement et le critegravere de la hieacuterarchie
sociale
-les innovations qursquoil srsquoagisse de changements lexicaux syntaxiques ou phoneacutetiques ils sont
ignoreacutes -non reconnus- ou attesteacutes longtemps apregraves leur apparition lorsque la norme nrsquoa pas reacuteussi
agrave srsquoimposer Face aux variations individuelles et collectives la langue normeacutee se veut homogegravene et
tire sa leacutegitimiteacute de lrsquoeacutecole
Un des comportements sociaux les mieux connus vis agrave vis de la langue est la normalisation
Fishman affirme que laquo la codification est lrsquoacceptation par une communauteacute drsquoun systegraveme formel
de normes qui deacutefinissent lrsquousage correct raquo
Qursquoest-ce que la norme ou lrsquousage correct de la langue laquo La norme est un recueil de perceptions consigneacutees dans des grammaires dites normatives et
correspondant agrave ce qursquoil faut dire pour se conformer au bon usage linguistique de la bonne
socieacuteteacute raquoDenise Franccedilois
Elle repreacutesente un choix approprieacute fondeacutes sur des preacutejugeacutes socioculturels et sur la notion de
niveaux de langues hieacuterarchiseacutees les classes dominantes et les bons auteurs emploient une langue
de qualiteacute qursquoil faut consideacuterer comme un modegravele
Parler de normes revient agrave se reacutefeacuterer agrave plusieurs acceptions
-un ensemble drsquointerdits de prescriptions sur des faccedilons de dire quelquefois accompagneacutees de
justifications de divers ordres
-tenir compte de cet ensemble de prescriptions crsquoest parler correctement sans faire de fautes
Les institutions de la norme sont
-Lrsquoeacutecole lrsquoeacutecole par le biais des grammaires et des enseignants tend agrave imposer agrave lrsquoenfant une
langue uniforme qursquoil nrsquoutilisera pas souvent ailleurs Par lrsquoenseignement de la grammaire elle
lrsquohabitue laquo non seulement agrave concevoir les reacutealiteacutes de la langue mais agrave reacuteprimer son goucirct naturel de
la parole pour substituer agrave la spontaneacuteiteacute langagiegravere une pratique eacutecrite conforme agrave des normes
rigoureuses raquo Elle lui impose de faire des phrases ainsi qursquoune prononciation de lecture standard
qui pour bon nombre drsquoenfants est artificielle cependant cette langue semblera toujours parce
qursquoimposeacutee par lrsquoeacutecole supeacuterieure agrave la sienne
-Lrsquoeacutecrit Lrsquoadministration prend le relais de lrsquoeacutecole pour perpeacutetuer la crainte de la faute et le
respect pour la langue eacutecrite laquo notre langue eacutecrite a plus de digniteacute que notre langue parleacutee
souvent fautive raquo Lrsquoopposition eacutecrit parleacute devient une opposition digne fautif Ceci appelle deux
remarques
La langue parleacutee comme la langue eacutecrite peut comporter tous les niveaux car rien nrsquoempecircche en
theacuteorie drsquoeacutecrire comme on parle ni de parler comme on eacutecrit
-De plus ces deux formes drsquoexpressions ont chacune une speacutecificiteacute de fonctionnement que la
deacutemarche normative semble ignorer Parler crsquoest construire un discours en train de se faire Le
locuteur improvise constamment ce qui lrsquoamegravene agrave heacutesiter agrave se reprendre agrave changer lrsquoorientation
de sa phrase agrave utiliser diverses strateacutegies agrave avoir recours agrave tous les proceacutedeacutes extra et
paralinguistiques regard mimiques gestes intonations Lrsquoeacutecrit nrsquoignore ni les heacutesitations ni les
reprises mais celles-ci disparaissent avec les brouillons Drsquoun point de vue linguistique il nrsquoy a
aucune raison drsquoopposer le parler et lrsquoeacutecrit de faccedilon hieacuterarchique puisque les deux domaines
fonctionnent diffeacuteremment
Une norme linguistique est un trait unificateur drsquoune socieacuteteacute tout le monde la connaicirct et sa
connaissance permet de distinguer les autochtones des eacutetrangers Mais mecircme dans le cas ougrave tout le
monde peut savoir quelles sont les variantes de statut supeacuterieur il nrsquoest pas neacutecessairement vrai que
tous voudront les adopter dans leur discours quotidien Certaines eacutetudes ont montreacute que les
reacuteactions subjectives aux variantes sociolinguistiques eacutetaient diffeacuterentes selon les classes et
impliquaient beaucoup plus qursquoune simple eacutechelle de prestige (cf Labov) Labov dans laquo
Sociolinguistique pp 250-251 339-340 418-419 raquo fait une distinction entre norme cacheacutees
voileacutees et norme manifestes normes stigmatiseacutees et norme accepteacutees Les variantes de statut eacuteleveacute
possegravedent un prestige manifeste elles sont associeacutees au pouvoir social indeacuteniable des locuteurs de
la classe supeacuterieure peuvent ecirctre la condition neacutecessaire drsquoaccegraves agrave des fonctions drsquoun statut plus
eacuteleveacute et sont promulgueacutees par les agents de la normalisation dans la socieacuteteacute tels que les meacutedias et
les instituteurs Mais pour beaucoup de locuteurs de la classe ouvriegravere ou de la petite bourgeoisie
les variables linguistiques laquo non standard raquo associeacutees agrave leurs groupes peuvent aussi posseacuteder un
prestige voileacute (covert prestige celui drsquoun groupe local de statut infeacuterieur) La signification sociale
de base de ces variables au prestige voileacute est celle de la solidariteacute une personne qui les utilise est
consideacutereacutee comme eacutetant un des leurs comme ami possible Pour certains groupes ces formes
peuvent signifier dureteacute ou viriliteacute
Pour compleacuteter vos connaissances dans le domaine de la norme reportez vous aussi sur le web agrave
un article dOlga Ozolina Quelques approches de leacutetude de la norme linguistique
Tout un cours eacutecrit par Benoiumlt Leblanc et Claude Tousignant de la Socieacuteteacute Saint-Jean-
Baptiste de la Mauricie sur la Norme linguistique mais aussi quelques autres notions
essentielles
Le franccedilais queacutebeacutecois problegraveme de norme Le texte de lintervention dAM Houdebine Norme et normes 1999
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meneacutee sur la relation entre variation linguistique et stratification sociale dans une grande ville ameacutericaine et en particulier sur lrsquoanglais de noirs Une preacute-enquecircte meneacutee dans trois grands magasins diffeacuterents quant agrave la qualiteacute et au prix des produits vendus et par conseacutequent agrave la cateacutegorie sociale de leur clients a permis de montrer que les employeacutes de ces magasins qui pourtant appartenaient tous agrave la mecircme classe sociale reacutealisaient les variantes phoneacutetiques conformeacutement agrave la faccedilon de parler des clients agrave qui ils avaient affaire en fonction du magasin(du quartier ougrave il se trouvait) voire du rayon dans le magasin( de la nature des produits proposeacutes)
La seule preacutesence de lrsquoobservateur lors drsquoune enquecircte suffit agrave modifier le comportement linguistique de lrsquoenquecircteacute lequel a tendance agrave se rapprocher de la varieacuteteacute officielle ou de prestige Les modaliteacutes de lrsquoenquecircte entraicircnent eacutegalement des variations dans les productions Crsquoest ce qui a ameneacute Labov agrave varier ses strateacutegies (eacutecoute pirate deacuteguisement ) et agrave deacutefinir des styles contextuels dont le plus surveilleacute reacutepond agrave la lecture et le moins surveilleacute au discours spontaneacute familier hors enquecircte Lagrave aussi plus le locuteur accorde drsquoattention agrave son discours plus il se rapproche de la norme officielle Tout cela met en lumiegravere la fonction sociale et symbolique des variations linguistiques qui ne sont que rarement des choix deacutelibeacutereacutes
La varieacuteteacute linguistique propre agrave un groupe dominant srsquoimpose comme marque de prestige et deacutetermine lrsquoattitude des locuteurs du groupe domineacute face agrave leur propre varieacuteteacute les colonisateurs le savent bien et un de leurs premiers soucis est de transmettre leur eacutevaluation Ces travaux de dialectologie urbaine ont permis de deacutevelopper des meacutethodologies originales drsquoanalyse de lrsquousage en situation authentique lrsquoobservateur srsquoefforccedilant de ne pas fausser les donneacutees par sa preacutesence
-variation selon les groupes sociaux il peut srsquoagir de groupes constitueacutes sur les bases de lrsquoorigine
ethnique du pouvoir eacuteconomique du sexe de lrsquoacircge
-variation en fonction de la situation de communication les mecircmes locuteurs ne parlent pas de la
mecircme faccedilon selon les situations (en situation formelle ou en situation familiegravere agrave lrsquoeacutecrit et agrave lrsquooral
A partir de cette enquecircte ceacutelegravebre sur les adolescents noirs lAmeacutericain William Labov a donc rechercheacute les correacutelations entre certaines variations linguistiques et la position sociale des locuteurs etou la situation de communication
Cette deacutemarche la ameneacute agrave isoler deux niveaux de variation
- Un niveau social diffeacuterents locuteurs dune mecircme langue parlent diffeacuteremment
- Un niveau stylistique un mecircme locuteur utilise diffeacuterents registres de langage (familier soutenu) selon la situation Mais W Labov remarque que leacutecart entre langue courante et langue soutenue est beaucoup plus important chez un ouvrier que chez un cadre supeacuterieur
Pour W Labov la langue est soumise agrave trois sortes de regravegles
- Les regravegles cateacutegoriques quaucun locuteur ne viole jamais Aucun francophone ne dit laquo on venons raquo ou laquo nous vient raquo
- Les regravegles semi cateacutegoriques dont la violation - freacutequente - est interpreacutetable socialement la tournure laquo aller au coiffeur raquo est jugeacutee populaire par la norme
- Les regravegles variables
- Se meacutefier de lrsquointrospection drsquoune preacutetendue laquo compeacutetence raquo (cf Chomsky) on ne touche de fait
que des laquo performances raquo et il existe des proceacutedures objectives drsquoanalyse linguistique pour
approcher la variation ndash qui est la regravegle
- Srsquoil y a de la variation il convient toujours de tenter de lrsquoexpliquer les preacutetendues laquo variantes
libres raquo sont des variantes dont le conditionnement nous eacutechappe mais il convient de chercher
parmi les donneacutees sociales au sens large celles qui de fait conditionnent les variantes analyseacutees
-Se rappeler que lrsquoon tente toujours drsquoenquecircter sur la langue drsquoune communauteacute linguistique et non
pas sur celle drsquoun seul individu Se soucier neacutecessairement de la question de la repreacutesentativiteacute des
informateurs
En conseacutequence scepticisme quant aux laquo universaux raquo au sens ougrave ils pourraient ecirctre preacutesents
dans toutes les langues Mais crsquoest lrsquoexplication qui forge lrsquouniversaliteacute (cf ne pas confondre les
universaux de la linguistique avec des universaux du langage )
- Inteacuterecirct particulier pour le changement linguistique tout particuliegraverement les signes du
changement en cours Toutes conditions eacutegales ce qui a entraicircneacute des changements dans le passeacute se
reproduit neacutecessairement maintenant (mais ne pas oublier les caracteacuteristiques sociales qui font
partie des laquo conditions eacutegales raquo)
VI- 2 LA VARIATION INTERLINGUISTIQUE Il nrsquoest pas dans notre intention drsquoeacutenumeacuterer ici toutes les deacutefinitions ou typologies proposeacutees pour le bilinguisme mais de retenir celles qui nous semblent avoir un inteacuterecirct pour la sociolinguistique
VI-2-1 Bilinguisme et plurilinguisme
Tregraves longtemps il y a eu des deacutebats pour savoir srsquoil fallait parler de bilinguisme ou de
plurilinguisme Il y a de nombreuses deacutefinitions nous retenons celle de
-Georges Mounin laquo Le fait pour un individu de parler indiffeacuteremment deux langues raquo laquo eacutegalement
coexistence de deux langues dans la mecircme communauteacute pourvu que la majoriteacute des locuteurs soit
effectivement bilingue raquo
-Deacutefinition du dictionnaire de didactique des langues laquo le bilinguisme est une situation qui
caracteacuterise les communauteacutes linguistiques et les individus installeacutes dans les reacutegions multilingues
-Dictionnaire des sciences du langage de Todorov laquo un individu est dit multilingue srsquoil possegravede
plusieurs langues apprises lrsquoune comme lrsquoautre comme langue maternelle raquo
Le bilinguisme agrave travers ces trois deacutefinitions peut ecirctre consideacutereacute soit comme le fait drsquoune
communauteacute soit comme le fait drsquoun individu Ces diffeacuterences renvoient agrave tout un deacutebat de
linguistes qui consideacuteraient que seuls les individus peuvent ecirctre bilingues et drsquoautres qui
consideacuteraient que cette notion peut srsquoeacutetendre agrave toute une communauteacute linguistique
Se posent alors le problegraveme de degreacute drsquoextension du bilinguisme agrave partir de quel pourcentage
considegravere - t-on que la communauteacute est bilingue et quand peut-on parler de bilinguisme
Selon lrsquoacircge drsquoacquisition des langues on a pu parler de bilinguisme preacutecoce ou tardif selon la
distribution faite dans la communauteacute on parle de bilinguisme composeacute individuel stylistique ou
social Toutes ces approches deacutefendent un point de vue diffeacuterent
Les diffeacuterentes approches -Lrsquoapproche normative
Elle prend en consideacuteration le degreacute de maicirctrise de la langue deux positions srsquoaffrontent lrsquoune dit
que tout le monde est bilingue lrsquoautre que personne est bilingue
a)Tout le monde est bilingue
Les deacutefenseurs de cette thegravese pensent que dans tout acte de communication les locuteurs srsquoadaptent
agrave une situation donneacutee Or une langue varie selon les situations de communication les locuteurs
drsquoune langue disposent drsquoune varieacuteteacute drsquousages maicirctriser une langue crsquoest savoir utiliser cette
varieacuteteacute crsquoestndashagrave-dire savoir adapter son discours agrave chacune de ses situations linguistiques
Mahmoudian eacutecrit laquo on maicirctrise mieux une langue dans la mesure ougrave on manie un nombre plus
eacuteleveacute drsquouniteacutes linguistiques et que lrsquoon comprend mieux le sens qui rattache ces uniteacutes aux
circonstances raquo
Martinet laquo deacuteveloppe la mecircme ideacutee lorsqursquoil dit que la maicirctrise drsquoune langue est constitueacute par une
hieacuterarchie drsquousages possibles qui sont les usagers quotidiens les usagers solennels politiques
artistiques
Ceci implique donc que le locuteur est agrave chaque instant obligeacute drsquoadapter son langage agrave la situation
On peut dire que tout locuteur est bilingue exemple du langage becirctifieacute des parents lorsqursquoils
parlent aux enfants ou les colons qui tentent drsquoadapter leur langue maternelle aux parlers creacuteoles
b) Personne nrsquoest bilingue
Certains linguistes disent que le bilinguisme nrsquoexiste pas dans la mesure ougrave personne nrsquoest capable
de maicirctriser agrave la perfection deux langues crsquoest agrave dire sans aucune interfeacuterence Si on prend en
consideacuteration ces paramegravetres il nrsquoy a pas de bilinguisme
Andreacute Martinet explique que ce critegravere de la perfection nrsquoa guegravere de sens car mecircme un locuteur
unilingue ne possegravede pas agrave la perfection sa langue et qursquoil nrsquoen utilise pas toutes les possibiliteacutes
lexicales ou syntaxiques Ce critegravere de la perfection est rejeteacute car il ne permet nullement de deacutefinir
le bilinguisme ou le monolinguisme
c La troisiegraveme tendance tente de deacutefinir le degreacute de maicirctrise relative
Ils rapportent la meacutethode de Malherbe une seacuterie de critegraveres permettent de deacutefinir une situation de
bilinguisme
-ecirctre en mesure de mener une conversation un discours ou un sermon dans une langue eacutetrangegravere
que ce soit agrave lrsquoeacutecrit ou agrave lrsquooral Savoir lire les journaux dans cette langue et en saisir lrsquohumour
-Etre en mesure de mener une conversation intelligible dans une autre langue et pouvoir lire sa
litteacuterature
-Savoir lire implacablement lrsquoautre langue
-Savoir enseigner les deux langues
-Posseacuteder une grande maicirctrise des deux langues
-Posseacuteder une connaissance parfaite des deux langues
Que dire
La mesure de la perfection repose sur des jugements de valeur subjectifs on mecircle diffeacuterents
niveaux de maicirctrise drsquoune langue lrsquoeacutecrit et lrsquooral
On mecircle pareillement la maicirctrise drsquoune langue et lrsquoaptitude agrave lrsquoenseigner ce qui ne se justifie pas
Beaucoup savent parler une langue mais ne peuvent lrsquoenseigner
On peut dire que les systegravemes de mesure de la perfection linguistique est un faux problegraveme car
toute situation de bilinguisme est marqueacutee par une fluctuation des usages (variation continuelle)
En effet le comportement linguistique des bilingues est tregraves variable il deacutepend de nombreux facteurs drsquoordres psychologiques et sociaux Il y a des pheacutenomegravenes de pressions sociales les situations de communication qui fait qursquoon ne peut eacutetablir des grilles rigoureuses La mesure de perfection se reacutevegravele vaine il faut srsquoen tenir aux propositions de W Mackey laquo le bilinguisme doit ecirctre consideacutereacute comme un concept non pas absolu mais relatif raquo Renzo Titone ajoute en rapportant Mackey qursquoil ne faut pas poser la question cet individu est-il bilingue Mais plutocirct dans quel sens est-il bilingue crsquoest-agrave-dire qursquoil faut rendre compte de la pratique bilingue du locuteur de son comportement bilingue mais pas tenter de deacutefinir la nature du bilinguisme qursquoil pratique
Lrsquoapproche psychologique
A-Le bilinguisme infantile ou preacutecoce On parle de bilinguisme infantile quand il srsquoagit drsquoun enfant qui degraves sa naissance est
simultaneacutement confronteacute agrave deux systegravemes linguistiques diffeacuterents par exemple lorsque la megravere et le
pegravere parlent agrave lrsquoenfant chacun leur langue ou lorsqursquoune 3egraveme
personne parle une autre langue que
celle que parlent les parents En fait cette situation est plus rare que la situation de bilinguisme
preacutecoce ougrave lrsquoon a des enfants monolingues dans les premiegraveres anneacutees de leur enfance qui
apprennent ensuite une seconde langue soit par impreacutegnation du milieu familial et social soit agrave
lrsquoeacutecole Les eacutetudes agrave orientation psychologiques se proposent toujours diffeacuterents objectifs certaines
eacutetudes se proposent drsquoexaminer le comportement de lrsquoenfant qui est aussi tregraves tocirct mis en contact
avec 2 ou plusieurs langues en geacuteneacuteral ces eacutetudes essaient de deacuteterminer la conscience qursquoa
lrsquoenfant de parler ou de ne pas parler plusieurs langues on a 2 types de constatations qui
apparemment sont contradictoires
1-Il semble selon certaines expeacuteriences que les enfants acquiert les diffeacuterentes langues sans
srsquoen apercevoir On cite les propos drsquoun linguiste allemand bilingue qui degraves son plus jeune acircge agrave la
question raquo savez vous depuis le deacutebut que vous parliez deux langues Il reacutepondit laquo je suppose que
non je parlais spontaneacutement la langue de mon interlocuteur sans savoir ce que je faisais et cela
depuis le deacutebut comme jrsquoai pu le deacuteduire du teacutemoignage de mes parents
2- En face de ce premier type de recherche on a une autre type de recherche qui montre que les
enfants distingue assez tocirct entre 3 et 4 ans les diffeacuterents systegravemes qursquoil parle et preacuteciseacutement cette
capaciteacute de parler et la situation dans laquelle ils se trouvent tregraves vite ils perccediloivent ce qursquoon
attend drsquoeux dans la situation scolaire et dans la situation familiale ou amicale
Un autre facteur inteacuteressant crsquoest leur capaciteacute de traduire Renzo Titone cite le cas de conscience
diffeacuterentielle qui lui permet de diffeacuterencier les systegravemes ce qui implique que lrsquoenfant possegravede une
double compeacutetence crsquoest-agrave-dire une maicirctrise intuitive de regravegles et de meacutecanismes diffeacuterents
laquo Lrsquoenfant bilingue reacuteussit-il agrave faire le rapport entre les personnes et les situations distinctes et les
idiomes raquo
Lrsquoenfant pratique la diffeacuterenciation des systegravemes mais il ne possegravede pas la capaciteacute drsquoeacutenoncer de
formuler cette aptitude Il a une conscience intuitive qursquoil ne peut formuler
Le bilinguisme favorable ou deacutefavorable
La question souvent poseacutee est celle de savoir si le bilinguisme est favorable ou deacutefavorable
srsquoil est nuisible ou non Cette question est poseacutee agrave deux niveaux drsquoabord agrave propos des enfants on
se demande bien souvent si le bilinguisme est preacutejudiciable ou non au deacuteveloppement de lrsquoenfant
crsquoest agrave dire agrave son eacutequilibre psychologique affectif drsquoautre part si crsquoest preacutejudiciable agrave lrsquoacquisition
de sa langue maternelle et de sa langue Ces preacutesupposeacutes sont deacutementis par de nombreuses
expeacuteriences faites sur des enfants bilingues
Renzo Titone expose le cas drsquoun enfant qui apprend lrsquoallemand avec sa megravere et le franccedilais avec
son pegravere la prononciation fut celle drsquoun enfant unilingue degraves le deacutebut le bilinguisme ne retardera
pas le deacuteveloppement geacuteneacuteral du langage crsquoest agrave dire que lrsquoacquisition des deux langues nrsquoa pas
entraicircneacute de retard Les emprunts drsquoune langue agrave une autre reacuteitegraverent des cas isoleacutes Dans les deux
langues on assisteacute agrave un deacuteveloppement parallegravelement en phoneacutetique en morphologie en syntaxe
Lrsquoenfant devient tregraves vite conscient de son bilinguisme et traduisait les messages drsquoune langue agrave
une autre Il acquit le concept abstrait de langue Tous ces exemples donneacutes par Titone semblent
contredire la thegravese qui veut que le bilinguisme soit dangereux preacutejudiciable Mecircme thegravese
deacuteveloppeacutee par Abdellah Cheacuteriet pour qui le bilinguisme est contre reacutevolutionnaire dangereux
pour lrsquoauthenticiteacute et pour la langue arabe alors que Lacheraf eacutetait pour le bilinguisme
Selon Cheacuteriet le bilinguisme nrsquoest pas une voie reacutevolutionnaire pour lrsquoenseignement mais
bourgeoise car ce nrsquoest pas le bilinguisme qui donne au peuple sa formation socialiste De plus le
bilinguisme est contraire agrave lrsquoauthenticiteacute et le fait drsquoenseigner une langue eacutetrangegravere agrave lrsquoenfant
orientera sa mentaliteacute et donc son authenticiteacute
Remarque le bilinguisme est consideacutereacute sous un angle particulier on considegravere les deux
langues rivales Pourtant lrsquoAlgeacuterie est plurilingue et Cheacuteriet ne parle jamais des autres langues les
arguments avanceacutes sont biaiseacutes la reacutealiteacute linguistique nrsquoest jamais deacutecrite lrsquoarabe classique est
consideacutereacute comme une langue maternelle En fait le veacuteritable problegraveme dans des cas de bilinguisme
est la prise en charge peacutedagogique et un environnement harmonieux laquo En creacuteant un environnement
adapteacute le petit enfant pourrait tregraves bien apprendre deux langues ou plus sans grave difficulteacute et la
redoutable barriegravere linguistique serait deacutetruite agrave la base raquoTitone
3 Lrsquoapproche sociale On peut parler du bilinguisme social lorsqursquoon prend en consideacuteration lrsquoexpansion du
bilinguisme au niveau de toute une communauteacute Cette approche sociale traite drsquoun certains
nombres de questions
-le statut des langues en contact
-la distribution de ces langues crsquoest-agrave-dire comment les langues se distribuent-elles
parmi les locuteurs comment sont-elles pratiqueacutees par les locuteurs drsquoougrave lrsquoeacutetude drsquoun certains
nombre drsquoeacuteleacutements agrave prendre en charge la situation de communication lrsquoappartenance sexuelle
sociale on srsquoattache aussi au pheacutenomegravene de prestige de valorisation et de deacutevalorisation
pheacutenomegravene de meacutemorisation Crsquoest-agrave-dire lrsquoattitude du locuteur agrave lrsquoeacutegard de ceux qui parlent
-les problegravemes de planification linguistique Elle prend aussi en charge le retentissement
de tous les eacuteleacutements au niveau de la dynamique des langues crsquoest agrave dire la capaciteacute drsquoeacutevolution de
stagnation de vie ou de mort des langues quels sont les symptocircmes qui permettent de reconnaicirctre
ces pheacutenomegravenes
Lrsquoimportance de ces pheacutenomegravenes sociaux se manifeste dans lrsquoexemple que nous
empruntons agrave Juliette Garmadi 1981 La sociolinguistique PUF Paris concernant le cas du
Vaupegraves reacutegion qui se situe au centre de lrsquoAmazonie avec une frontiegravere commune agrave la Colombie et
au breacutesil
Quelles sont les caracteacuteristiques sociales de cette reacutegion il srsquoagit drsquoune population
indienne qui vit dans des habitations disperseacutees cependant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune
population seacutedentaire bien qursquoil lui arrive de se deacuteplacer Il y a plusieurs niveaux de structuration
sociale de cette population elle est structureacutee en uniteacutes deacutefinies par un seul critegravere lrsquouniteacute
linguistique Chaque groupe drsquoindividus parlant la mecircme langue est consideacutereacute comme appartenant
agrave la mecircme tribu La tribu est deacutefinie par la langue du pegravere donc tous ceux qui ont utiliseacutes degraves leur
enfance la langue du pegravere font partie de la mecircme tribu Crsquoest donc la langue du pegravere qui confegravere
lrsquoidentiteacute au groupe agrave la tribu Un indien de cette tribut doit se marier avec une femme drsquoune autre
tribu obligatoirement donc parlant une autre langue sinon cela est consideacutereacute comme un inceste
Exemple un enfant appartenant agrave une tribu doit avoir comme premiegravere langue la langue de son
pegravere la megravere est tenue drsquoapprendre la langue de son mari mais elle peut aussi parler sa langue avec
les autres femmes elle communique avec son fils la langue de son mari
Quels sont les points que suscite lrsquoattention du linguiste par rapport au vaupeacutes
-Au niveau de lrsquoeacutetendue du bilinguisme
Le plurilinguisme pourrait ecirctre envisageacute dans cette reacutegion agrave plusieurs niveaux au niveau familial
ou cellule nucleacuteaire Au niveau de la tribu au niveau du Vaupegraves
Selon Juliette Garmadi il y a une stabiliteacute du plurilinguisme que lrsquointroduction du portugais et de
lrsquoespagnol dans la reacutegion ne semble pas remettre en cause Elle affirme une des premiegraveres
conclusions que lrsquoon peut tirer de lrsquoeacutetude de la situation du Vaupegraves est que les socieacuteteacutes complexes
ne sont pas les seules garantes possibles de la stabiliteacute du plurilinguisme Elle veut dire que lrsquoon
aurait tendance agrave croire qursquoune situation comme le vaupeacutes avec lrsquoaccord de la colonisation aurait
pu voir son plurilinguisme ceacuteder devant la langue du colonisateur or il nrsquoen est rien car le
plurilinguisme du Vaupegraves se maintient tregraves bien Donc les socieacuteteacutes stables ne sont pas les seules
garantes de la stabiliteacute
Lrsquoexistence du plurilinguisme et de sa stabiliteacute ne sont lieacutees ni agrave des types drsquoinstitutions preacutecises ni
au nombre des locuteurs ni agrave la dimension ni agrave la densiteacute drsquoun pays
Juliette Garrmadi agrave travers lrsquoexemple du Vaupegraves semble remettre en question toutes ces
hypothegraveses
-Au niveau psychologique du bilinguisme
Au niveau psychologique le plurilinguisme peut ecirctre preacutecoce ou tardif ce bilinguisme est aussi
eacutequilibreacute car les langues acquises dans lrsquoenfance le sont avec une maicirctrise eacutegales
-Au niveau linguistique et seacutemio culturel
Au niveau des systegravemes culturels transmis par le langage on peut parler de bilinguisme composeacute
crsquoest agrave dire que les langues parleacutees reacutefegraverent agrave une mecircme situation seacutemio culturelle que les langues
indiennes parleacutees dans le Vaupegraves renvoient au mecircme reacutefeacuterent culturel dans la mesure ougrave la culture
indienne de cette reacutegion est homogegravene et que toutes les langues parleacutees sont le veacutehicule de cette
culture homogegravene ce qui peut se traduire en disant que les enfants du Vaupeacutes ont un seul systegraveme
de signifieacute mais qursquoils ont pour le traduire diffeacuterents signifiants correspondant aux diffeacuterentes
langues qursquoils parlent Crsquoest dans ce cas que lrsquoon parle de bilinguisme composeacute car ce dernier
implique theacuteoriquement la permeacuteabiliteacute des systegravemes linguistiques en contact crsquoest-agrave-dire qursquoil y a
tregraves souvent passage drsquoune langue agrave une autre il y a interfeacuterence agrave tout niveau phonologique
lexical et syntaxique
Conclusion
Si lrsquoon srsquoen tient au cas du Vaupeacutes on peut dire agrave propos de lrsquoAlgeacuterie qursquoelle preacutesente bien une
situation de plurilinguisme social Ce bilinguisme peut ecirctre caracteacuteriseacute agrave la fois comme preacutecoce et
tardif(beaucoup drsquoenfants apprennent les langues dans leur petite enfance mais aussi agrave lrsquoeacutecole) Ce
bilinguisme est aussi eacutequilibreacute il est plutocirct coordonneacute que composeacute car le reacutefeacuterent seacutemioculturel du
kabyle et du franccedilais est diffeacuterent du kabyle et de lrsquoarabe le franccedilais lrsquoest aussi
Cours 4
Bilinguisme et diglossie
1-Introduction
Dans une situation de contact de langues le statut de chaque langue varie suivant les rapports de
domination entre les groupes qui les parlent et les perceptions que les individus ont de ces rapports
Il srsquoensuit que les usages langagiers varient dans lrsquoespace social et geacuteographique en fonction de ces
rapports intergroupes si ces rapports changent les rapports de statut et donc les usages eux-mecircmes
varieront Crsquoest agrave de tels pheacutenomegravenes de variations sociolinguistiques que nous allons nous
inteacuteresseacutes En premier lieu nous examinerons le pheacutenomegravene de diglossie qui reacutesulte de relation de
statuts entre une langue et une varieacuteteacute de langue super-ordonneacutee et une autre langue ou varieacuteteacute de
langues subordonneacutees dont les usages respectifs sont en distribution compleacutementaire plus ou moins
stable dans une socieacuteteacute donneacutee
Selon Mackey laquo une socieacuteteacute dont tous les membres seraient capables de comprendre lire parler et
eacutecrire deux langues utiliseacutees dans cette socieacuteteacute devrait sans doute abandonner une de ces langues
car elle serait redondante Autrement dit pour que deux ou plusieurs langues survivent dans une
socieacuteteacute il est neacutecessaire qursquoelles remplissent des fonctions compleacutementaires-soit qursquoelles sont
utiliseacutees par tous les locuteurs pour des fonctions et dans des domaines distincts soit qursquoelles sont
utiliseacutees par des locuteurs appartenant agrave des groupes ethnolinguistiques diffeacuterents soit qursquoun
groupe parle la langue dominante lrsquoautre groupe la langue domineacutee avec entre les deux des
individus bilingues qui parlent la langue de lrsquoun et de lrsquoautre
1-Deacutefinition et historique de la diglossie
La notion de diglossie (du grec ancien diglottos signifiant bilingue) est un concept
sociolinguistique deacuteveloppeacute par Ferguson(1959) pour deacutecrire toute situation dans laquelle deux
varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue sont employeacutees dans des domaines compleacutementaires lrsquoune de ces
varieacuteteacute eacutetant geacuteneacuteralement de statut socialement supeacuterieur agrave lrsquoautre
Dans un sens large la diglossie existe dans toutes les socieacuteteacutes ougrave lrsquousage quotidien diffegravere
sensiblement de la norme officielle il faut que chaque varieacuteteacute soit utiliseacutees de maniegravere
systeacutematique par exemple une varieacuteteacute est employeacutee dans les domaines formelles comme
lrsquoadministration la religion la poeacutesie alors que lrsquoautre est reacuteserveacutee agrave la conversation courante aux
discussions informelles agrave la correspondance non officielle Fergusson qualifie ces deux varieacuteteacutes
lrsquoune haute et lrsquoautre basse Exemple Le monde arabe lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal La
Gregravece le grec le katharevousa et le grec populaire le dhimotiki
Le terme de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Fishman (1967) agrave lrsquousage compleacutementaire institutionnaliseacute
de deux langues distinctes dans une communauteacute donneacutee Cette situation de diglossie se caracteacuterise
par un certain nombre de traits
-La fonction la fonction des deux varieacuteteacutes H et L nrsquoest pas la mecircme il y a reacutepartition de chacune
drsquoentre elles selon les situations de communication
-la notion de prestige on se place ici au niveau de lrsquoattitude des locuteurs qui ont tendance agrave
qualifier H de supeacuterieure de plus belle de plus logique de plus apte agrave exprimer les penseacutees
importantes Ils affirment aussi qursquoils preacutefegraverent entendre un discours politique dans cette varieacuteteacute La
varieacuteteacute L est consideacutereacutee comme eacutetant infeacuterieure incapable drsquoexprimer un discours litteacuteraire
-La litteacuterature eacutetant reacutedigeacutee dans la varieacuteteacute haute elle contribue agrave ce que cette derniegravere soit tenue
dans sa plus haute consideacuteration
Le mode drsquoacquisition La varieacuteteacute basse est geacuteneacuteralement la langue maternelle son acquisition se
fait par lrsquousage donc au sein de la famille La varieacuteteacute haute srsquoapprend agrave lrsquoeacutecole
-La standardisation constitueacutee par la moyenne des usages des locuteurs ex le franccedilais standard
constitue la norme
-La stabiliteacute la situation de diglossie est passagegravere soumise agrave lrsquoeacutevolution Le rapport entre une
langue H et une langue L est ponctuel eacutepheacutemegravere susceptible drsquoeacutevolution
En fait dit Fergusson il nrsquoen est rien La situation de diglossie se caracteacuterise par la stabiliteacute elle
peut durer plusieurs siegravecles Srsquoil y a eacutevolution crsquoest par lrsquointermeacutediaire drsquoune forme de langue
intermeacutediaire qui ne remet pas en cause veacuteritablement le rapport entre H et L comme par exemple
lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal
Le concept de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Gumperz(1971) aux socieacuteteacutes multilingues dans le sens ougrave
celles-ci peuvent utiliser diffeacuterentiellement plusieurs codes (langues dialectes) dans des domaines
et des fonctions compleacutementaires comme lrsquoInde qui a deux langues officielles hautes le hindi et
lrsquoanglais en plus des langues reacutegionales
2-Le rejet de la notion de diglossie
-Martinet utilise plusieurs eacuteleacutements pour remettre en cause la notion de diglossie
Selon Martinet Fishman et Gumperz adoptent la notion de diglossie pour des raisons
sociologiques pour marquer la distinction bilinguisme individuel versus bilinguisme social La
diglossie implique le bilinguisme communautaire
Dans cette perspective on ne voit pas ce que la distinction bilinguisme diglossie apporterait de
nouveau par rapport au bilinguisme individuel et bilinguisme social
Martinet rappelle que la hieacuterarchie entre les langues nrsquoest pas absolue il nrsquoest pas toujours possible
dans toutes les situations linguistiques de deacuteterminer la hieacuterarchie Exemple le Canada
Lrsquoanglais est reacuteserveacute au domaine eacuteconomique et technique le franccedilais est reacuteserveacute au domaine
culturel Ces deux langues sont des langues de prestige bien qursquoelles ne soient pas sur un pied
drsquoeacutegaliteacuteccedila eacutetait la langue de lrsquoeacuteglise or nous dit-il cet argument nrsquoest plus valable car la
katareacuterouza a beaucoup eacutevolueacute par rapport agrave la langue religieuse
Le second argument de Drettas est la remise en cause du systegraveme de standardisation retenue par
Fergusson pour lui on ne peut retenir ce critegravere dans la mesure ougrave le corpus de reacutefeacuterence est
heacuteteacuterogegravene
3- La situation de lrsquoAlgeacuterie
Fergusson considegravere les pays arabes comme un des cas les plus anciens et les plus stables de
diglossie Tout le monde reconnaicirct le prestige de la langue arabe classique
Qui deacutecide de ce prestige Peut on dire drsquoune langue que les locuteurs refusent de parler qursquoelle
nrsquoest pas prestigieuse
Tous les grammairiens qui procircnent la disparition des dialectes au profit de lrsquoarabe classique sont
obligeacutes de reconnaicirctre que ces derniers sont bien vivants les grammairiens parlent de difficulteacute agrave
enseigner une locuteurs natifs il nrsquoexiste pas dans le monde arabe de personnes dont la langue
maternelle est la langue standard
Le prestige de la langue tient essentiellement du mythe nous avons lagrave lrsquoexemple drsquoun discours sur
les langues que les grammairiens les linguistes lrsquoeacutelite intellectuelle ont eacutetabli et qursquoils perpeacutetuent
avec la compliciteacute des instances officielles sans jamais se poser la question de lrsquoadeacutequation de ces
discours agrave la reacutealiteacute des pratiques linguistiques
4-Les tenants de la notion deacutefense et illustration de la diglossie
La deacutefense de la diglossie se fait selon deux axes principaux
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
-La diglossie expression et moyen drsquoun conflit social
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
A partir de la distinction entre varieacuteteacute H et varieacuteteacute L eacutetablie par Ferguson se construit une autre
signification celle de la diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute Il srsquoagit drsquoineacutegaliteacute au
niveau de lrsquoutilisation des deux langues mais aussi des attitudes et repreacutesentations que les locuteurs
ont agrave propos de ces langues Ces deux aspects sont tregraves importants Le terme de diglossie permet
drsquoinsister sur cette ineacutegaliteacute qui peut ecirctre quantitative lorsqursquoil srsquoagit de lrsquoextension drsquoemploi de
ces langues ainsi la varieacuteteacute H a geacuteneacuteralement une zone drsquoextension plus grande que la varieacuteteacute B
On peut parler drsquoineacutegaliteacute qualitative lorsque les langues en preacutesence ont le mecircme statut
-Bilan de La sociolinguistique dans le domaine arabearabophone
Essor tardif malgreacute la richesse du champ puisque aireegravere immenses
Pendant toute la premiegravere partie du XXegraveme siegravecle (Auparavant voir P Larcher) les eacutetudes arabes
ont eacuteteacute diviseacutees en deux grands domaines qui se recoupaient tregraves peu
a) lrsquoeacutetude la langue arabe classique b) eacutetudes dialectales
Dans les deux cas les auteurs visent agrave des descriptions de systegravemes plus ou moins homogegravenes et
stables En ce qui concerne eacutetudes dialectales description qui repose souvent sur le parler drsquoun ou
deux informateurs supposeacutes repreacutesenteacutes lrsquoensemble de leur communauteacute le parler du Caire le
parler de Cherchell le parler de Tunis etc et parfois mecircme le parler eacutegyptien le parler syrien etc
Preacutecurseurs la dialectologie et linguistique historique
Il y a quand mecircme une linguistique historique qui se pose la question de la formation de lrsquoarabe
classique ou dialectale en particulier en ce qui concerne la peacuteriode preacuteceacutedant et suivant la conquecircte
avec des questions comme est ce que lrsquoarabe classique srsquoest constitueacute sur une koineacute poeacutetique
litteacuteraire ou sur une koinegrave dialectale etc (cf P larcher) Autour de cette question de la formation
de lrsquoarabe de la deacutefinition drsquoune koinegrave qursquoil srsquoagisse drsquoune koinegrave litteacuteraire ou dialectale on aborde
les questions de contact drsquoeacutevolution de varieacuteteacutes
-Deacutefinition drsquoune koinegrave = Varieacuteteacute neacutee du contact de diffeacuterentes varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue qui
se deacutelocalise dans le sens que nrsquoest plus le symbolelrsquoeacuteleacutement identificateur drsquoun groupe
socialement et geacuteographiquement distinct et qui de ce fait tend agrave eacuteliminer les traits les plus
particuliers les plus saillants des varieacuteteacutes en contact et tend agrave conserver les traits communs
(beaucoup plus compliqueacute que cela mais tendance geacuteneacuterale)
Donc un certain nombre de travaux autour de ces questions par des gens qui ne se deacuteclarent pas
comme des sociolinguistes mais plutocirct comme des historiens de la langue ou des linguistes Fuumlck
Ferguson Blau Cohen etc etc Relient analyse historico sociale et analyse linguistique mais les
eacuteleacutementspreuves de leur argumentation sont surtout baseacutes sur des eacuteleacutements linguistiques (liste des
traits pour la koinegrave urbaine de Ferguson ou de Cohen ou plus tard de Vesteegh pour sa theacuteorie de la
pidginisationcreacuteolisation) cf on prend un certain nombre de traits des dialectes arabes
contemporains et on les compare a) avec arabe classique et b) avec les eacuteleacutements de dialectologie
historique dont on dispose et on essaie de montrer que relegravevent ou pas drsquoun processus de
koineacuteisation
Tous ces travaux autour des questions de koinegrave litteacuteraire et surtout koinegrave dialectale sont importants
car vont eacutetablir des cateacutegories dialectales baseacutees sur des critegraveres sociaux ethniques cf la distinction
entre parlers dits nomadesbeacutedouins censeacutes ecirctre plus laquo conservateurs raquo (donc avoir gardeacutes des traits
des parlers preacute-Jahili) et parlers seacutedentaires consideacutereacutes comme laquo plus innovants raquo et agrave lrsquointeacuterieur
de ces parlers seacutedentaires les parles urbains consideacutereacutes comme eacutevidemment les plus laquo mixtes raquo car
issus soit du contact entre des dialectes diffeacuterents (koinegrave) soit du contact entre des arabophones et
des non arabophones (langue de contact)
(Pour toutes ces questions de dialectologie historiques et de cateacutegorisation etc je vous renvoie aux
laquo pegraveres laquo de la dialectologie arabe cf en franccedilais Cantineau William et Philippe Marsais pour le
Maghreb Colin etc Ces cateacutegories sont elles mecircmes inspireacutees des eacutecrits de Ibn Khaldoum
VI-2-3- Le deacuteveloppement de la dialectologie
Crsquoest agrave partir de ces cateacutegories dialectales qui se distingueraient pas des traits linguistiques
particulier que se sont deacuteveloppeacutes au Moyen Orient quelques travaux fondateurs comme ceux de
Haim Blanc sur Baghdad (1966) puis de Clive Holes sur Bahrain (1987) et au Maghreb une
sociolinguistiquedialectologie laquo urbaine raquo avec des gens comme Leila Messaoudi (Rabat)
Dominique Caubet (Fegraves) etc et tous les travaux en dialectologie urbaine qui ont montreacute que
diffeacuterentes varieacuteteacutes coexistaient dans une mecircme ville en fonction des appartenances
laquo communautaires raquo crsquoest agrave dire soit appartenance religieuse (juive chreacutetienne musulmane) ou
reacutegionales ou ethniques etc et qui ont pu eacutetudier aussi le renouvellement des parlers urbains en
montrant comment des nouveaux flux de populations drsquoorigine rurale transformaient les anciens
parlers urbains et provoquaient des pheacutenomegravenes de koineacuteisation Mais au Maghreb on reste le plus
souvent dans la dialectologie urbaine plus que dans la sociolinguistique dans le sens ougrave le plus
souvent on identifie un groupe agrave une varieacuteteacute sans deacutecrire les pheacutenomegravenes de variations
drsquoalternance individuelles La personne la plus repreacutesentative de ce courant me semble Leila
Mesaoudi (2003) qui se basant sur les travaux drsquoeacutetudes urbaines (cf Mohamed Naciri pour le
Maroc) a deacuteveloppeacute une opposition entre parler citadinparler urbain et montreacute combien les anciens
parler citadins (preacute-hilalien et andalou) eacutetaient actuellement en deacuteclin face aux nouvelles koineacute
urbaines a fort traits beacutedouins raquo
Crsquoest surtout chez les anglo - saxons et au Mashrek que lrsquoon voit se deacutevelopper une
sociolinguistique variationiste urbaine avec des gens comme Clive Holes Abdel Jawad Ibrahim
Muhamed Amara Niloofar haeri Enam Al Wer etc qui eacutetudient comment eacutevoluent les usages
linguistiques des diffeacuterents types de locuteurs en fonction de leur acircge sexe degreacute drsquoeacutetudes origine
reacutegionale etc Etudes qui analysent principalement les variantes phonologiques comme la
reacutealisation du (q) en q g k la reacutealisation des inter dentales des diphtongues etc Ces
variantes phonologiques sont consideacutereacutees comme des marqueurs de telle ou telle varieacuteteacute cf le (q)
crsquoest agrave la fois classique et certains parlers urbains le g crsquoest plutocirct ruralbeacutedouin mais devenu
urbain dans de nombreux cas le crsquoest plutocirct urbain etc etc Donc on eacutetudie la reacutealisation de ces
variantes aupregraves drsquoun certain nombre de locuteurs et on croise les variables linguistiques avec des
critegraveres sociaux (acircge sexe eacuteducation etc) et on en conclut que dans tel ou tel milieu urbain
lrsquoeacutevolution linguistique va dans le sens du deacuteveloppement de telle ou telle varieacuteteacute de langue
Ce type drsquoeacutetude qui a repris au deacutebut les concepts meacutethodologie variationiste labovienne
deacuteveloppeacute aux USA GB etc srsquoest drsquoabord heurteacute agrave une application trop meacutecaniste de la deacutemarche
labovienne et a du srsquoadapter au contexte arabophone qui est un peu plus speacutecifique du fait de la
fameuse question de la diglossie la varieacuteteacute haute des villes europeacuteennes = la varieacuteteacute parleacutee par
lrsquoeacutelite de ces villes donc standard urbain = varieacuteteacute haute prestigieuse que les autres locuteurs
essaieront ou pas de reproduire en fonction des contextes urbains Les innovations souvent
introduites par les membres des classes moyennes et se diffusent vers le haut puis repris par le
bas etc Les femmes des couches populaires ont tendance agrave reprendre plus vites les variantes
prestigieuses les hommes des milieux populaires sont plus conservateurs
Dans le monde arabe on a commenceacute agrave faire une adeacutequation entre varieacuteteacute haute et fusha
(classiquemoderne) et agrave voir comment les locuteurs des diffeacuterents parlers dialectales acqueacuteraient
ou pas les marqueurs de cette varieacuteteacute haute (donc par exemple la reacutealisation du fameux (qaf) Et
puis on srsquoest rapidement aperccedilu que parallegravelement au fusha il y avait drsquoautres varieacuteteacutes prestigieuses
en particulier les varieacuteteacutes urbaines dans un certain nombre de grand centres urbains comme le
Caire Jeacuterusalem etc les migrants drsquoorigine rurale et surtout les femmes pouvaient privileacutegier la
norme urbaine sur celle du fushahellip (Palva 1982 Ibrahim 1986 etc) Ce qui a ameneacute un certain
nombre de travaux en cours agrave srsquointerroger sur la question de la norme du standard en arabe sur
lrsquoimpact de lrsquoeacuteducation (Nilofar Haeri Enam Al Wer) et donc par ricochet ont deacuteveloppeacute une
critique drsquoune conception qui se voulait plus ou moins universalisante agrave la Bourdieu les classes
dominantes se caracteacuteriseraient par leur maicirctrise de la norme langagiegravere qursquoelles imposent aux
autres Dans le monde arabe on voit que lrsquoune des normes prestigieuses est supposeacutee ecirctre le fusha
norme que peu de gens maicirctrisent dans leur vie quotidienne les eacutelites sont plutocirct plurilingues et pas
toujours tregraves arabiseacutees (ce sont souvent plutocirct les membres des classes moyennes qui ont suivit leur
eacuteducation en arabe) lrsquoautre norme peut ecirctre le vernaculaire urbain (mais pas toujours comme on le
voit pour un certain nombre de vieilles citeacutes maghreacutebines) mais cela peut ecirctre aussi une norme
beacutedouine + - ideacutealiseacutee comme cela semble ecirctre le cas en Jordanie ou face agrave la preacutesence des
palestiniens irakiens syriens etc laquo les vrais hommes jordaniens raquo semblent revendiquer une
norme locale plus beacutedouine
Bref lrsquoensemble de ces travaux plus ou moins reacutecents sur la dialectologiesociolinguistique urbaine
ont eu le meacuterite de mettre en relief la diversiteacute des situations la complexiteacute historique du
deacuteveloppement de certains parlers la pluraliteacute des normes Beaucoup de travail reste agrave faire dans
ce domaine ougrave les vraies eacutetudes de terrain baseacutees sur des corpus restent rares Deux
exemples proches celui de Casablanca et de lrsquoarabe dit marocain Alors que le Maroc est lrsquoun des
pays ougrave lrsquoon dispose drsquoune tradition dialectologique riche et de nombreux travaux contemporains
(en particulier avec les espagnols mais aussi des auteurs marocains) on srsquoaperccediloit que si lrsquoon
connaicirct un peu lrsquohistoire de la formation du parler de Casablanca au deacutebut du XXegraveme s et son
expansion on ne dispose drsquoaucune description sociolinguistique reacuteelle et on reste dans une grande
confusion entre la koinegrave marocaine et le parler de Casablanca De mecircme pour Alger la capitale de
lrsquoAlgeacuterie qui a connu une expansion consideacuterable agrave une politique drsquoarabisation plus ou moins
reacuteussie et accepteacutee quel(s) type(s) drsquoarabe se deacuteveloppent actuellement Y a t il deacuteveloppement
drsquoune koinegrave influence croissante de fusha ou au contraire deacuteveloppement croissant du code
swtiching ou les deux etchellip autant de questions qui nrsquoont pas encore eacuteteacute traiteacutees de faccedilon
satisfaisante
Il apparaicirct enfin que la sociolinguistique arabophone srsquoest peu deacuteveloppeacutee dans un cadre
interactioniste Neacutecessiteacute de deacutevelopper lrsquoanalyse interationnelle de preacutesenter des corpus en action
et de sortir un peu des approches variationistes ou des listes drsquoisoglosses
La question de la diglossie et du continuum dialectalefusha
Crsquoest un des domaines qui a eacuteteacute le plus abordeacute en sociolinguistique arabe agrave la fois dans une
approche du contactcode switching et une approche attitudinales Massivement investi par les
anglo-saxons Donc les articles fondateurs sur la Diglossie Marccedilais +- inaperccedilu Ferguson qui a eu
un impact consideacuterable et de lagrave tout un courant pour savoir la nature le type de diglossie la mise
en eacutevidence niveaux intermeacutediaires entre les deux pocircles etc
Deux grandes tendances
- celles qui consistent agrave nommer et agrave caracteacuteriser des varieacuteteacutes intermeacutediaires entre le pocircle bas
(dialecte) et le pocircle (haut) fusha On va de 3 45 avec des notions comme lsquoammiya al-muthaqafin
(Educated Spoken Arabic) Tendances deacuteveloppeacutees par des gens comme lrsquoeacutecole de Leeds Said El-
badawi au Caire etc Mais ces travaux se heurtent agrave la difficulteacute de trouver des laquo fontiegraveres raquo claires
entres les diffeacuterentes varieacuteteacutes intermeacutediaires
- lrsquoautre tendance est de consideacuterer qursquoil y a deux pocircles + - abstraits et un continuum entre les
deux pocircles sans qursquoil soit possible drsquoisoler des varieacuteteacutes speacutecifiques entre les deux A partir de cette
conception en continuum on peut eacutetudier comment se fait le meacutelange des deux codes et appliquer
un certain nombre de regravegles et meacutethodes reprises des eacutetudes sur le Code Switching et lrsquointerlangue
cela va donc des contraintes syntaxiques de lrsquoeacutepoque Poplack agrave la theacuteorie de la Matrix language de
Myers Scotton (beaucoup drsquoarticles parus dans les volumes de Aspects of Arabic Linguistics et
eacutegalement lrsquoouvrage collectif de Rouchdy 2002 par ex cf les travaux de Gunvor Medjell etc)
Ces travaux ont reccedilu un bon eacutecho dans le monde arabe en geacuteneacuterale car permettent tout en restant
dans lsquodu politiquement correcte raquo de travailler sur de lrsquoarabe moderne de sortir un peu du carcan
du classique sans faire de la laquo dialectologie raquo qui reste une discipline encore trop souvent
consideacutereacutee comme laquo orientalisanteraquo
Les travaux sur le code switching et le continuum ne pacirctissent pas drsquoune image deacutefavorable agrave
lrsquoinverse de la dialectologie qui reste entacheacutee drsquoune reacuteputation de laquo science coloniale raquo Le
domaine des eacutetudes sur diglossieCS reste prolifique et les eacutetudes montrent que la frontiegravere entre le
fusha et le dialectale sont extrecircmement poreuses des domaines reacuteserveacutes au fusha sont de plus en
plus peacuteneacutetreacutes par le dialectal incluant lrsquoeacutecrit (journalistique le roman les publiciteacutes) et tout le
domaine relevant de lrsquooral officiel (les discours publiques les meacutedias etc) et vice versa
lrsquoinfluence principalement lexicale et phonologique du fusha se fait sentir dans lrsquooral dialectal via
eacuteducationmeacutedia certaine deacutemocratisation Il y a de grand corpus en ligne (voir les ameacutericains
comme Parkinson)
On peut se demander si cette porositeacute entre les deux pocircles reflegravete une eacutevolution contemporaine ou
si elle existait auparavant mais nrsquoavait pas eacuteteacute eacutetudieacutee Si on observe le passeacute avec minutie on
constate a) que lrsquoeacutecrit a toujours eacuteteacute +- marqueacute par le dialectal cf le fameux moyen arabe et b)
que les supposeacutees populations analphabegravetes parlant le dialectal avaient un contact avec lrsquoarabe
classique via lrsquoenseignement religieux la poeacutesie sufi etc et donc il y a certainement eu et de la
part des orientalistes et des panarabistes une sureacutevaluation de cette diglossie
Ce qui semble clair cependant crsquoest que par rapport agrave certains pronostiques des anneacutees 50-60 (les
indeacutependances) crsquoest que lrsquoarabe standard moderne ne srsquoest pas imposeacute comme unique meacutedium de
communication dans lrsquoensemble du monde arabe que les laquo dialectes raquo parlers locaux eacutevoluent
mais se maintiennent plus qursquoon aurait pu le croire puisqursquoon voit mecircme resurgir des
reacutegionalismes locaux
Un domaine qui reste agrave explorer pour les deacutecennies agrave venir eacutemergence ou pas de laquo langues
parlers raquo nationauxreacutegionaux A lrsquointeacuterieur drsquoun mecircme pays est ce que sont les tendances agrave la
koineacuteisation ou le maintien des diffeacuterences qui va lrsquoemporter est-ce que ces hypotheacutetiques
varieacuteteacutes nationales seront reconnues comme telles On entend parler drsquoarabe eacutegyptien marocain
algeacuterien syriens Ce sont en grande partie des fictions qui deacutesignent en geacuteneacuterale les varieacuteteacutes parleacutees
dans les capitales mais qui ne sont pas institutionnaliseacutees ni reconnues comme des langues
officielles et dont le rayonnement nrsquointerdit pas le maintien drsquoautres varieacuteteacutes plus locales ou
reacutegionales Mais il y a toujours eu des mouvements militant (mais toujours tregraves minoritaires) pour
lrsquoinstitutionnalisant de ces laquo langues nationales raquo et la rupture avec le fusha cf au Liban en Egypte
au Maroc actuellement (cf le numeacutero de la revue Tel Quel Darja notre langue nationale) On
retrouve donc toujours lrsquoopposition entre ceux qui ont une vision discontinuiste (ammiyya et fusha
sont des systegravemes fondamentalement diffeacuterents) et ceux qui ont une vision plus continuiste
(ammiyya et fusha se complegravetent)
Autres domaines de la Sociolinguistique arabe en deacuteveloppement
- Lrsquoahelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip maternelles en contexte migratoire des regravegles du CS etc
Un autre domaine est lrsquoinfluence de cet arabe de diaspora dans les pays drsquoaccueil cf dans la
creacuteation artistique contemporaine les parlers des jeunes etc (la musique les blagues etc cf les
travaux de Dominique Caubet etc)
CONCLUSION Le terme sociolinguistique implique donc une sensibiliteacute une approche et une meacutethodologie
particuliegraveres partir du reacuteel du concret ecirctre agrave lrsquoeacutecoute des faits de langue de variation se dire que
le marginal le particulier sont toujours instructifs que les langues sont toujours en perpeacutetuel
construction et que les humains sont les acteurs de ces constructions Crsquoest un peu comme un
historien qui deacutecide de sortir de lrsquohistoire officielle de la Cour et des Grands pour srsquointeacuteresser agrave
lrsquohistoire sociale crsquoest plus difficile cela demande de plonger dans des archives plus ou moins
accessibles lisibles etc Pour le linguiste cela demande de recueillir des corpus et de prendre le
temps de les eacutecouter analyser transcrire
Le deacuteveloppement drsquoeacutetudes avec une sensibiliteacute sociolinguistique a permis de sortir drsquoun certain
carcan imposeacute agrave la fois par de nombreux laquo orientalistes raquo et par lrsquoideacuteologie pan arabe des eacutetats
arabes lrsquoarabe est de plus en plus reconnue comme une langue plurielle ayant subi des
deacuteveloppements diffeacuterents selon les lieux et les contextes jouant des rocircles diffeacuterents etc
Pour le moment on sent bien qursquoil y a cependant un fosseacute entre ces avanceacutees et les politiques
didactiques par exemple lrsquoenseignement de lrsquoarabe reste extrecircmement probleacutematique et figeacute tant
dans les pays dits arabophones que dans les pays a forte minoriteacutes non arabophones Alors que par
exemple lrsquoenseignement du FLE ou ALE a totalement inteacutegreacute un certain nombre drsquoacquis de la
sociolinguistique pragmatique linguistique discursive il ne semble pas que ce soit le cas avec
lrsquoarabe malgreacute le nombres drsquoinstituts eacutetrangers ou arabes qui se penchent sur la question
Cours 5 ATTITUDES ET REPRESENTATIONS
Le pheacutenomegravene repreacutesentationnel est un pheacutenomegravene qui a drsquoabord inteacuteresseacute les sciences humaines la psychologie la sociologie lrsquoanthropologie bien avant la linguistique et disposent au cœur de ces sciences drsquoun savoir theacuteorique Il recouvre tout le champ qursquoon nomme repreacutesentations linguistiques langagiegraveres ou sociolinguistiques discours sur les langues attitudes linguistiques jugement sur les langues rapports subjectifs agrave la langue imaginaire linguistique Cependant chaque appellation teacutemoigne drsquoun certains point de vue Guenier deacutefinit les repreacutesentations comme laquo une forme courante et non savante de connaissances
socialement partageacutees qui contribue agrave une vision de la reacutealiteacute commune agrave des ensembles sociaux et
culturels raquo(repreacutesentations linguistiques in Moreau Sociolinguistique concepts de base Mardaga
liegravege 1996 p146)
Deux caractegraveres sont agrave relever dans cette deacutefinition
_Le caractegravere non savant des repreacutesentations il srsquoagit drsquoune forme de connaissance qui ne repose
sur aucune rationaliteacute crsquoest une connaissance intuitive purement subjective Branca-Rosoff citeacute
par Boyer in Sociolinguistique territoire et objets p79 deacutesigne ce pheacutenomegravene laquo drsquoopinions
steacutereacuteotypeacutees raquo Crsquoest donc une certaine vision une certaine perception que les locuteurs ont de
leurs langues et de celles des autres
- Les repreacutesentations linguistiques sont socialement eacutelaboreacutees et partageacutees par tous les membres
drsquoune socieacuteteacute Elles fonctionnent comme des normes sociales ideacutee partageacutee par Labov qui les
situent entre la norme ideacuteologique et les usages effectifs Pour ce dernier la norme sociale est le
fondement mecircme de la communauteacute linguistique qui ne se deacutefinit plus comme un ensemble de
locuteurs partageant les mecircmes usages (au niveau des pratiques elle est plutocirct heacuteteacuterogegravene) mais
comme un ensemble de locuteurs partageant des normes subjectives communes Ainsi les langues
sont jugeacutees positivement alors que drsquoautres le sont neacutegativement Les jugements peuvent ecirctre de
nature estheacutetique peuvent concerner le systegraveme lui-mecircme la valeur de la langue sur le marcheacute
linguistique et enfin le groupe qui la parle Nous avons donc affaire agrave un pheacutenomegravene social et crsquoest
justement ce caractegravere social des repreacutesentations linguistiques qui justifie qursquoelles constituent un
objet de choix de la sociolinguistique cependant cela nrsquoexclut pas qursquoil y ait tout de mecircme une part
individuel
Les locuteurs ne se contentent pas drsquoutiliser les langues et les varieacuteteacutes de langues ils les eacutevaluent
cette eacutevaluation influe beaucoup sur leurs pratiques linguistiques On entre ici dans le domaine des
attitudes et des normes qursquoelles impliquent chaque locuteur eacutevalue sa propre pratique et celle des
autres et ces eacutevaluations jouent un rocircle important dans le changement linguistique
La linguistique diachronique analyse le changement linguistique drsquoougrave provient une innovation
pourquoi et comment srsquoimpose-t-elle est-ce pour des raisons sociologiques qursquoune langue
change Andreacute Martinet a deacutefendu la thegravese que lrsquoeacutevolution phonologique drsquoune langue ne se faisait
pas de maniegravere aleacuteatoire mais srsquoexpliquait par la neacutecessiteacute pour son systegraveme de trouver une
stabiliteacute optimale en reacuteduisant ses deacuteseacutequilibres Drsquoautres linguistes preacutefegraverent mettre lrsquoaccent sur
des meacutecanismes sociaux par exemple un groupe peut imiter la prononciation drsquoun autre jugeacutee
plus prestigieuse
Deux tendances srsquoaffrontent pour expliquer le changement on invoque souvent le principe du
moindre effort les locuteurs confondent certaines formes phoneacutetiquement tregraves proches simplifient
des constructions syntaxiques compliqueacutees Cette tendance au moindre effort du locuteur est
contrebalanceacutee par une autre qui pousse agrave ne pas compromettre la compreacutehension crsquoest-agrave-dire le
moindre effort de lrsquoauditeur
Il nrsquoest pas rare qursquoun eacutetranger en situation officielle srsquoexcuse de ne pas parler la langue de son
interlocuteur Ce faisant il teacutemoigne drsquoune certaine politesse qui compenserait en quelque sorte
laquo lrsquoimpolitesse raquo de ne pas bien parler la langue mais il teacutemoigne aussi de la valeur positive qursquoil
accorde agrave cette langue et agrave ceux qui la parlent A lrsquointeacuterieur drsquoun groupe qui parle la mecircme langue
on observe nous le verrons un un pheacutenomegravene semblable drsquoineacutegaliteacute linguistique entre locuteurs de
statut socioculturel diffeacuterent
Par ailleurs nous sommes tour agrave tour eacutemetteurs et reacutecepteurs nos compeacutetences en tant que
reacutecepteurs sont plus grandes que nos compeacutetences en tant qursquoeacutemetteurs nous nrsquoemployons pas
toutes les structures linguistiques que nous connaissons de mecircme que nous nrsquoappartenons pas agrave
toutes les cateacutegories socioculturelles que nous sommes capables de reconnaicirctre Mais le reacutecepteur
nrsquoa pas un rocircle passif
-il reconstitue le sens de lrsquoeacutenonceacute qursquoil reccediloit selon ses propres schegravemes drsquointerpreacutetation et
lrsquoensemble de ses expeacuteriences
-il perccediloit aussi des signes linguistiques qursquoil interpregravete en fonction des connotations et des
normes en cours dans la classe sociale agrave laquelle il appartient lorsque ces signes peuvent faire
lrsquoobjet de variations ils deviennent des marqueurs socioculturels
-il juge ce qursquoil perccediloit selon lrsquoimage qursquoil a du locuteur de ses intentions de la situation et
du rocircle qursquoil y joue des enjeux de lrsquoacte de langage et selon lrsquoimage qursquoil a de lui mecircme et de ses
compeacutetences la faccedilon de parler est un facteur plus reacuteveacutelateur de la classe sociale des
interlocuteurs que les vecirctements ou les apparences de train de vie
En effet si les repreacutesentations linguistiques sont de nature sociales elles sont en rapport
eacutetroit avec lrsquoideacuteologie qui tente drsquoagir sur elles et les modegraveles Cependant si les repreacutesentations
sont agrave distinguer des discours scientifiques elles sont aussi agrave distinguer des discours ideacuteologiques
tenus par le pouvoir Branca Rossof citeacute par Boyer p79 exprime fort bien cette ideacutee en affirmant
que les repreacutesentations laquo permettent de sortir de lrsquoopposition radicale entre laquo le reacuteel raquo les faits
objectifs deacutegageacutes par la description linguistique et lrsquoideacuteologie les consideacuterations normatives
comme repreacutesentations fausses repreacutesentations eacutecrans raquo Crsquoest donc entre le reacuteel et lrsquoideacuteologie
qursquoelle situe les repreacutesentations Qursquoest ce qursquoest lrsquoideacuteologie laquo Tout systegraveme de repreacutesentations
structureacute et coheacuterent visant agrave rendre compte du monde exteacuterieur de la reacutealiteacute sociale lrsquoideacuteologie se
preacutesente sous forme drsquoun discours construit et totalisant ougrave les ideacutees srsquoenchaicircnent logiquement et
les valeurs concordent raquo (discours et ideacuteologie p4)
Ainsi lrsquoideacuteologie est un systegraveme structureacute parfaitement coheacuterent eacutelaboreacute en fonction drsquoobjectifs
bien deacutetermineacutes officiel car il srsquoagit de faccedilonner lrsquoimaginaire collectif national alors que les
repreacutesentations sociales nrsquoobeacuteissent pas agrave ces contraintes elles sont le fruit drsquoun consensus social
plus ou moins libre Mais il faut souligner qursquoen pratique la limite entre ces deux repreacutesentations
nrsquoest pas toujours clairement repeacuterable et les deux se confondent les ideacuteologues au service de
lrsquoeacutetat sont drsquoabord et avant tout des membres de la socieacuteteacute le pouvoir par les moyens qui lui sont
confeacutereacutes (meacutedia eacutecoles AIE) arrive toujours agrave faccedilonner les mentaliteacutes Ainsi on aime ou on
deacuteteste une langue parce qursquoon se fait une certaine ideacutee drsquoelle ou de ces locuteurs
QUE CONCLURE Lrsquoanalyse des repreacutesentations ne peut ecirctre eacutetudieacutee sans une analyse des pratiques linguistiques
Drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutetudier agrave la fois les comportements et les attitudes des locuteurs drsquoobserver les
productions et de ne pas se contenter de recueillir des paroles des sujets qui peuvent varier selon les
situations et les interactions(voir agrave ce sujet B Maurer Houdebine Canut et Boyer)
Cours 6- LA POLITIQUE LINGUISTIQUE OU LES NORMES LA NORME
Michel Tournier deacutefinissant le normal donne les deacutefinitions suivantes
NORMAL 1 Conforme agrave la norme Ideacuteal 2 Conforme agrave la moyenne Habituelle
Ceci peut servir dintroduction agrave qui aborde la question de la norme Cest bien la un veacuteritable problegraveme car selon les lieux selon les personnes selon le domaine les deux perspectives se mecirclent effectivement et perturbent la compreacutehension Peut-on dire que la norme est un ideacuteal cest-agrave-dire de fait quelque chose que personne natteint ou nincarne vraiment Peut-on dire que la norme est faite de la moyenne des opinions ou de la moyenne des comportements Nous allons rencontrer ces deux voies comme deux eacutecueils entre lesquels il conviendra de naviguer
Georges Mounin lui-mecircme dans son Dictionnaire de la Linguistique (PUFQuadriges reacuteeacuted 1993) commence son article Norme de la faccedilon suivante Moyenne des divers usages dune langue agrave une eacutepoque donneacutee ou usage imposeacute comme le plus correct ou le plus prestigieux par une partie de la socieacuteteacute (le bon usage)
En fait si le normal et le normatif restent des concepts tregraves grand public qui suscitent des deacutefinitions un peu floues il convient de souligner que la norme du franccedilais nest en aucun cas deacutetermineacutee en regardant les usages majoritaires Cest la varieacuteteacute de franccedilais qui agrave une eacutepoque donneacutee est procircneacutee par la socieacuteteacute franccedilaise qui simpose agrave chacun mais aussi qui est deacutefendue par chacun mecircme ceux qui en sont tregraves eacuteloigneacutes y sont attacheacutes Cest dans les classes populaires que tout en pratiquant dautres varieacuteteacutes on tient le plus agrave ce que soit enseigneacutee la norme que lon se soucie de savoir ce qui est correct ce qui ne lest pas - la norme eacutetant plus ou moins assimileacutee agrave ce qui permet de reacuteussir puisque ceux qui ont reacuteussi sont censeacutes pratiquer la norme en offrir une image On devine ainsi que la norme de fait est la varieacuteteacute pratiqueacutee par les hautes couches de la socieacuteteacute dans les situations formelles ougrave elles donnent agrave voir leur langue - varieacuteteacute dailleurs plus ou moins fantasmeacutee (et par lagrave sans doute rejoint-on la notion dideacuteal) que personne ne pratique vraiment et qui ainsi apparaicirct toujours au-delagrave des usages reacuteels Indeacuteniablement cependant des usages se rapprochent davantage de ce qui est preacutesenteacute comme la norme (dans les dictionnaires dans les grammaires) mais ces ouvrages parce quils sont eacutecrits utilisent et preacutesentent obligatoirement une varieacuteteacute diffeacuterente de loral et contribuent agrave la dichotomie si souvent formuleacutee par Monsieur Toutlemonde agrave leacutecrit ccedila va ma langue est correcte mais agrave loral je nai pas le temps de reacutefleacutechir et je parle mal
Dans ces conditions on soulignera que
la norme est une varieacuteteacute eacutecrite que lon enseigne en principe qui est formaliseacutee et toujours plus ou
moins eacuteloigneacutee des varieacuteteacutes parleacutees mecircme quand elles reccediloivent un jugement favorables de
locuteurs solliciteacutees pour donner leur avis
On ne parle jamais comme on eacutecrit (cf chapitre sur langues orales langues eacutecrites) mais les
couches sociales qui ont reacuteussi sont censeacutees davantage incarner la norme
Il est certain que plus les eacutetudes des sujets ont eacuteteacute longues plus ils pratiquent couramment des
varieacuteteacutes proches de lideacuteal quon appelle la norme ne serait-ce que parce que leur impreacutegnation agrave
travers une longue pratique de la langue eacutecrite rejaillit sur leur pratique orale Mais ne neacutegligeons
pas toutefois les facteurs sociologiques et eacuteconomiques qui interfegraverent avec ce que lon croit
attribuer agrave leur langue (richesse visible aisance sociale position eacuteconomique domination
sociale)
Ne veut-on pas imiter ceux quon preacutesente comme les modegraveles normatifs plus parce quils ont
reacuteussi que parce quils parlent bien la cravate de PPDA(1) sa faccedilon de shabiller son aisance et
son sourire parfaitement placeacute ne jouent-ils pas un plus grand rocircle que sa langue mecircme (on connaicirct
dailleurs lusage du prompter agrave la teacuteleacutevision ) pour le faire citer comme quelquun qui parle bien
Indeacuteniablement - et dans toute socieacuteteacute - servent de modegravele ceux qui ont reacuteussi et non pas ceux qui
sont consideacutereacutes comme des parias (cf les clochards ou SDF)
Noublions pas en outre que si les accents reacutegionaux ne sont plus aussi stigmatiseacutes maintenant
quil y a une trentaine danneacutees ils sont lobjet malgreacute tout de preacutecautions subtiles qui amegravenent ceux
qui atteignent les plus hautes responsabiliteacutes sociales agrave sen deacutefaire partiellement (cf le Preacutesident
Giscard dEstaing prenant des cours dorthoeacutepie pour se deacutebarrasser de son accent auvergnat qui
neacutetait pas de mise pour quelquun preacutetendant aux plus hautes fonctions et donc Preacutesident de tous
les Franccedilais) ou bien qui amegravene agrave seacutelectionner pour les plus hautes responsabiliteacutes ceux qui ont un
accent consideacutereacute comme convenable celui qui est accepteacute agrave une eacutepoque donneacutee les deux
comportements interfegraverent constamment et se reacutepondent pour eacuteliminer de la parole publique avec
une image favorable (et non pas plus ou moins ridicule) ceux qui seraient les plus eacuteloigneacutes de la
norme
Les caracteacuteristiques de la norme orale eacutevoluent au fil des siegravecles notre r actuel assez faible
un peu plus grasseyeacute agrave Paris quagrave Marseille nest plus du tout le r rouleacute que prononccedilait les
nobles il y a quelques siegravecles mais elles eacutevoluent bien plus lentement que lusage reacuteel
La norme est donc bien une question qui relegraveve fondamentalement de la sociolinguistique
deacutetermineacutee fixeacutee agrave chaque eacutepoque sur des critegraveres socio-eacuteconomiques elle se transmet dans
lenseignement et donc apparaicirct comme beaucoup plus permanente que les autres varieacuteteacutes non
formaliseacutees qui ne se transmettent que familialement (acquisition non formelle) Leacutecole joue ainsi
un rocircle essentiel dans la transmission la permanence le statut les preacuterogatives accordeacutees agrave la
norme Cest elle qui peut la reacutepandre de faccedilon quasiment universelle dans un pays Sa non-
transmission - cf le discreacutedit de leacutecole pour toute transmission ou la moindre importance accordeacutee
agrave la langue correcte agrave notre eacutepoque - ont pour premier reacutesultat que les couches sociales les plus
eacuteloigneacutees de la norme ny accegravedent plus La norme ne disparaicirct pas pour autant mais elle est alors
surtout lobjet de transmission familiale dans les familles conscientes et capables den assurer la
transmission indeacutependamment de leacutecole Leacutecole en enseignant la norme eacutetait facteur de
deacutemocratisation de la socieacuteteacute franccedilaise si elle renonce agrave cette tacircche on parvient agrave une socieacuteteacute
aristocratique dans laquelle certains savent sans avoir appris (selon lexpression consacreacutee) et ougrave
il ny a plus de chance de veacuteritable mobiliteacute sociale Contrairement agrave nos a priori on peut voir ainsi
que la norme est deacutemocratique quand ideacuteal proposeacute agrave tous elle est accompagneacutee dans son
apprentissage de la transmission des principes qui permettent de latteindre Dire (comme cela se
pratiquait agrave luniversiteacute agrave Lyon dans les anneacutees soixante) il ne faut pas dire un [floslashv] (pour
fleuve) une [foslashj] (pour feuille) cest donner agrave tous une chance dacceacuteder agrave des situations ougrave lon
ne tolegravere pas un accent reacutegional marqueacute ne plus le dire cest laisser encore les plus hautes
positions agrave ceux qui lauront compris tout seuls (dans leur famille) et bien sucircr eacuteliminer ceux qui ne
se doutent mecircme pas que ce genre de prononciation est stigmatiseacutee
On pourra distinguer avec Marie-Louise Moreau (1997) article Les types de normes
les normes de fonctionnement (habitudes linguistiques partageacutees par les membres dune
communauteacute regravegles qui sous-tendent les comportements linguistiques dun sous-groupe)
les normes descriptives (ce sont les normes de fonctionnement rendues explicites par les
descriptions qui en sont faites Mais ainsi ce sont les normes de certains sous-groupes seulement
qui sont deacutecrites on ne sinteacuteresse pas tretiennent des relations complexes avec les normes
prescriptives Elles contribuent grandement agrave la hieacuterarchisation)
les normes fantasmeacutees (ici on est toujours dans le domaine des repreacutesentations le groupe se forge
un ensemble de conceptions sur la langue et son fonctionnement qui nont souvent guegravere de zone
dadheacuterence avec le reacuteel )
La norme ou le bon usage
La norme au sens de langue que lrsquoon doit parler est un discours drsquoautoriteacute fixeacute par une institution
drsquoeacutetat) chargeacutee de creacuteer une langue homogegravene faite pour ecirctre parleacutee par un usager ideacuteal une
langue standard de partout et de nulle part uniforme polie deacutebarrasseacutee de toute impureteacute comme
-les reacutegionalismes les varieacuteteacutes geacuteographiques srsquoopposent au caractegravere centralisateur de la norme
et eacutechappent agrave tout controcircle elles sont donc connoteacutees peacutejorativement et le critegravere de la hieacuterarchie
sociale
-les innovations qursquoil srsquoagisse de changements lexicaux syntaxiques ou phoneacutetiques ils sont
ignoreacutes -non reconnus- ou attesteacutes longtemps apregraves leur apparition lorsque la norme nrsquoa pas reacuteussi
agrave srsquoimposer Face aux variations individuelles et collectives la langue normeacutee se veut homogegravene et
tire sa leacutegitimiteacute de lrsquoeacutecole
Un des comportements sociaux les mieux connus vis agrave vis de la langue est la normalisation
Fishman affirme que laquo la codification est lrsquoacceptation par une communauteacute drsquoun systegraveme formel
de normes qui deacutefinissent lrsquousage correct raquo
Qursquoest-ce que la norme ou lrsquousage correct de la langue laquo La norme est un recueil de perceptions consigneacutees dans des grammaires dites normatives et
correspondant agrave ce qursquoil faut dire pour se conformer au bon usage linguistique de la bonne
socieacuteteacute raquoDenise Franccedilois
Elle repreacutesente un choix approprieacute fondeacutes sur des preacutejugeacutes socioculturels et sur la notion de
niveaux de langues hieacuterarchiseacutees les classes dominantes et les bons auteurs emploient une langue
de qualiteacute qursquoil faut consideacuterer comme un modegravele
Parler de normes revient agrave se reacutefeacuterer agrave plusieurs acceptions
-un ensemble drsquointerdits de prescriptions sur des faccedilons de dire quelquefois accompagneacutees de
justifications de divers ordres
-tenir compte de cet ensemble de prescriptions crsquoest parler correctement sans faire de fautes
Les institutions de la norme sont
-Lrsquoeacutecole lrsquoeacutecole par le biais des grammaires et des enseignants tend agrave imposer agrave lrsquoenfant une
langue uniforme qursquoil nrsquoutilisera pas souvent ailleurs Par lrsquoenseignement de la grammaire elle
lrsquohabitue laquo non seulement agrave concevoir les reacutealiteacutes de la langue mais agrave reacuteprimer son goucirct naturel de
la parole pour substituer agrave la spontaneacuteiteacute langagiegravere une pratique eacutecrite conforme agrave des normes
rigoureuses raquo Elle lui impose de faire des phrases ainsi qursquoune prononciation de lecture standard
qui pour bon nombre drsquoenfants est artificielle cependant cette langue semblera toujours parce
qursquoimposeacutee par lrsquoeacutecole supeacuterieure agrave la sienne
-Lrsquoeacutecrit Lrsquoadministration prend le relais de lrsquoeacutecole pour perpeacutetuer la crainte de la faute et le
respect pour la langue eacutecrite laquo notre langue eacutecrite a plus de digniteacute que notre langue parleacutee
souvent fautive raquo Lrsquoopposition eacutecrit parleacute devient une opposition digne fautif Ceci appelle deux
remarques
La langue parleacutee comme la langue eacutecrite peut comporter tous les niveaux car rien nrsquoempecircche en
theacuteorie drsquoeacutecrire comme on parle ni de parler comme on eacutecrit
-De plus ces deux formes drsquoexpressions ont chacune une speacutecificiteacute de fonctionnement que la
deacutemarche normative semble ignorer Parler crsquoest construire un discours en train de se faire Le
locuteur improvise constamment ce qui lrsquoamegravene agrave heacutesiter agrave se reprendre agrave changer lrsquoorientation
de sa phrase agrave utiliser diverses strateacutegies agrave avoir recours agrave tous les proceacutedeacutes extra et
paralinguistiques regard mimiques gestes intonations Lrsquoeacutecrit nrsquoignore ni les heacutesitations ni les
reprises mais celles-ci disparaissent avec les brouillons Drsquoun point de vue linguistique il nrsquoy a
aucune raison drsquoopposer le parler et lrsquoeacutecrit de faccedilon hieacuterarchique puisque les deux domaines
fonctionnent diffeacuteremment
Une norme linguistique est un trait unificateur drsquoune socieacuteteacute tout le monde la connaicirct et sa
connaissance permet de distinguer les autochtones des eacutetrangers Mais mecircme dans le cas ougrave tout le
monde peut savoir quelles sont les variantes de statut supeacuterieur il nrsquoest pas neacutecessairement vrai que
tous voudront les adopter dans leur discours quotidien Certaines eacutetudes ont montreacute que les
reacuteactions subjectives aux variantes sociolinguistiques eacutetaient diffeacuterentes selon les classes et
impliquaient beaucoup plus qursquoune simple eacutechelle de prestige (cf Labov) Labov dans laquo
Sociolinguistique pp 250-251 339-340 418-419 raquo fait une distinction entre norme cacheacutees
voileacutees et norme manifestes normes stigmatiseacutees et norme accepteacutees Les variantes de statut eacuteleveacute
possegravedent un prestige manifeste elles sont associeacutees au pouvoir social indeacuteniable des locuteurs de
la classe supeacuterieure peuvent ecirctre la condition neacutecessaire drsquoaccegraves agrave des fonctions drsquoun statut plus
eacuteleveacute et sont promulgueacutees par les agents de la normalisation dans la socieacuteteacute tels que les meacutedias et
les instituteurs Mais pour beaucoup de locuteurs de la classe ouvriegravere ou de la petite bourgeoisie
les variables linguistiques laquo non standard raquo associeacutees agrave leurs groupes peuvent aussi posseacuteder un
prestige voileacute (covert prestige celui drsquoun groupe local de statut infeacuterieur) La signification sociale
de base de ces variables au prestige voileacute est celle de la solidariteacute une personne qui les utilise est
consideacutereacutee comme eacutetant un des leurs comme ami possible Pour certains groupes ces formes
peuvent signifier dureteacute ou viriliteacute
Pour compleacuteter vos connaissances dans le domaine de la norme reportez vous aussi sur le web agrave
un article dOlga Ozolina Quelques approches de leacutetude de la norme linguistique
Tout un cours eacutecrit par Benoiumlt Leblanc et Claude Tousignant de la Socieacuteteacute Saint-Jean-
Baptiste de la Mauricie sur la Norme linguistique mais aussi quelques autres notions
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-Se rappeler que lrsquoon tente toujours drsquoenquecircter sur la langue drsquoune communauteacute linguistique et non
pas sur celle drsquoun seul individu Se soucier neacutecessairement de la question de la repreacutesentativiteacute des
informateurs
En conseacutequence scepticisme quant aux laquo universaux raquo au sens ougrave ils pourraient ecirctre preacutesents
dans toutes les langues Mais crsquoest lrsquoexplication qui forge lrsquouniversaliteacute (cf ne pas confondre les
universaux de la linguistique avec des universaux du langage )
- Inteacuterecirct particulier pour le changement linguistique tout particuliegraverement les signes du
changement en cours Toutes conditions eacutegales ce qui a entraicircneacute des changements dans le passeacute se
reproduit neacutecessairement maintenant (mais ne pas oublier les caracteacuteristiques sociales qui font
partie des laquo conditions eacutegales raquo)
VI- 2 LA VARIATION INTERLINGUISTIQUE Il nrsquoest pas dans notre intention drsquoeacutenumeacuterer ici toutes les deacutefinitions ou typologies proposeacutees pour le bilinguisme mais de retenir celles qui nous semblent avoir un inteacuterecirct pour la sociolinguistique
VI-2-1 Bilinguisme et plurilinguisme
Tregraves longtemps il y a eu des deacutebats pour savoir srsquoil fallait parler de bilinguisme ou de
plurilinguisme Il y a de nombreuses deacutefinitions nous retenons celle de
-Georges Mounin laquo Le fait pour un individu de parler indiffeacuteremment deux langues raquo laquo eacutegalement
coexistence de deux langues dans la mecircme communauteacute pourvu que la majoriteacute des locuteurs soit
effectivement bilingue raquo
-Deacutefinition du dictionnaire de didactique des langues laquo le bilinguisme est une situation qui
caracteacuterise les communauteacutes linguistiques et les individus installeacutes dans les reacutegions multilingues
-Dictionnaire des sciences du langage de Todorov laquo un individu est dit multilingue srsquoil possegravede
plusieurs langues apprises lrsquoune comme lrsquoautre comme langue maternelle raquo
Le bilinguisme agrave travers ces trois deacutefinitions peut ecirctre consideacutereacute soit comme le fait drsquoune
communauteacute soit comme le fait drsquoun individu Ces diffeacuterences renvoient agrave tout un deacutebat de
linguistes qui consideacuteraient que seuls les individus peuvent ecirctre bilingues et drsquoautres qui
consideacuteraient que cette notion peut srsquoeacutetendre agrave toute une communauteacute linguistique
Se posent alors le problegraveme de degreacute drsquoextension du bilinguisme agrave partir de quel pourcentage
considegravere - t-on que la communauteacute est bilingue et quand peut-on parler de bilinguisme
Selon lrsquoacircge drsquoacquisition des langues on a pu parler de bilinguisme preacutecoce ou tardif selon la
distribution faite dans la communauteacute on parle de bilinguisme composeacute individuel stylistique ou
social Toutes ces approches deacutefendent un point de vue diffeacuterent
Les diffeacuterentes approches -Lrsquoapproche normative
Elle prend en consideacuteration le degreacute de maicirctrise de la langue deux positions srsquoaffrontent lrsquoune dit
que tout le monde est bilingue lrsquoautre que personne est bilingue
a)Tout le monde est bilingue
Les deacutefenseurs de cette thegravese pensent que dans tout acte de communication les locuteurs srsquoadaptent
agrave une situation donneacutee Or une langue varie selon les situations de communication les locuteurs
drsquoune langue disposent drsquoune varieacuteteacute drsquousages maicirctriser une langue crsquoest savoir utiliser cette
varieacuteteacute crsquoestndashagrave-dire savoir adapter son discours agrave chacune de ses situations linguistiques
Mahmoudian eacutecrit laquo on maicirctrise mieux une langue dans la mesure ougrave on manie un nombre plus
eacuteleveacute drsquouniteacutes linguistiques et que lrsquoon comprend mieux le sens qui rattache ces uniteacutes aux
circonstances raquo
Martinet laquo deacuteveloppe la mecircme ideacutee lorsqursquoil dit que la maicirctrise drsquoune langue est constitueacute par une
hieacuterarchie drsquousages possibles qui sont les usagers quotidiens les usagers solennels politiques
artistiques
Ceci implique donc que le locuteur est agrave chaque instant obligeacute drsquoadapter son langage agrave la situation
On peut dire que tout locuteur est bilingue exemple du langage becirctifieacute des parents lorsqursquoils
parlent aux enfants ou les colons qui tentent drsquoadapter leur langue maternelle aux parlers creacuteoles
b) Personne nrsquoest bilingue
Certains linguistes disent que le bilinguisme nrsquoexiste pas dans la mesure ougrave personne nrsquoest capable
de maicirctriser agrave la perfection deux langues crsquoest agrave dire sans aucune interfeacuterence Si on prend en
consideacuteration ces paramegravetres il nrsquoy a pas de bilinguisme
Andreacute Martinet explique que ce critegravere de la perfection nrsquoa guegravere de sens car mecircme un locuteur
unilingue ne possegravede pas agrave la perfection sa langue et qursquoil nrsquoen utilise pas toutes les possibiliteacutes
lexicales ou syntaxiques Ce critegravere de la perfection est rejeteacute car il ne permet nullement de deacutefinir
le bilinguisme ou le monolinguisme
c La troisiegraveme tendance tente de deacutefinir le degreacute de maicirctrise relative
Ils rapportent la meacutethode de Malherbe une seacuterie de critegraveres permettent de deacutefinir une situation de
bilinguisme
-ecirctre en mesure de mener une conversation un discours ou un sermon dans une langue eacutetrangegravere
que ce soit agrave lrsquoeacutecrit ou agrave lrsquooral Savoir lire les journaux dans cette langue et en saisir lrsquohumour
-Etre en mesure de mener une conversation intelligible dans une autre langue et pouvoir lire sa
litteacuterature
-Savoir lire implacablement lrsquoautre langue
-Savoir enseigner les deux langues
-Posseacuteder une grande maicirctrise des deux langues
-Posseacuteder une connaissance parfaite des deux langues
Que dire
La mesure de la perfection repose sur des jugements de valeur subjectifs on mecircle diffeacuterents
niveaux de maicirctrise drsquoune langue lrsquoeacutecrit et lrsquooral
On mecircle pareillement la maicirctrise drsquoune langue et lrsquoaptitude agrave lrsquoenseigner ce qui ne se justifie pas
Beaucoup savent parler une langue mais ne peuvent lrsquoenseigner
On peut dire que les systegravemes de mesure de la perfection linguistique est un faux problegraveme car
toute situation de bilinguisme est marqueacutee par une fluctuation des usages (variation continuelle)
En effet le comportement linguistique des bilingues est tregraves variable il deacutepend de nombreux facteurs drsquoordres psychologiques et sociaux Il y a des pheacutenomegravenes de pressions sociales les situations de communication qui fait qursquoon ne peut eacutetablir des grilles rigoureuses La mesure de perfection se reacutevegravele vaine il faut srsquoen tenir aux propositions de W Mackey laquo le bilinguisme doit ecirctre consideacutereacute comme un concept non pas absolu mais relatif raquo Renzo Titone ajoute en rapportant Mackey qursquoil ne faut pas poser la question cet individu est-il bilingue Mais plutocirct dans quel sens est-il bilingue crsquoest-agrave-dire qursquoil faut rendre compte de la pratique bilingue du locuteur de son comportement bilingue mais pas tenter de deacutefinir la nature du bilinguisme qursquoil pratique
Lrsquoapproche psychologique
A-Le bilinguisme infantile ou preacutecoce On parle de bilinguisme infantile quand il srsquoagit drsquoun enfant qui degraves sa naissance est
simultaneacutement confronteacute agrave deux systegravemes linguistiques diffeacuterents par exemple lorsque la megravere et le
pegravere parlent agrave lrsquoenfant chacun leur langue ou lorsqursquoune 3egraveme
personne parle une autre langue que
celle que parlent les parents En fait cette situation est plus rare que la situation de bilinguisme
preacutecoce ougrave lrsquoon a des enfants monolingues dans les premiegraveres anneacutees de leur enfance qui
apprennent ensuite une seconde langue soit par impreacutegnation du milieu familial et social soit agrave
lrsquoeacutecole Les eacutetudes agrave orientation psychologiques se proposent toujours diffeacuterents objectifs certaines
eacutetudes se proposent drsquoexaminer le comportement de lrsquoenfant qui est aussi tregraves tocirct mis en contact
avec 2 ou plusieurs langues en geacuteneacuteral ces eacutetudes essaient de deacuteterminer la conscience qursquoa
lrsquoenfant de parler ou de ne pas parler plusieurs langues on a 2 types de constatations qui
apparemment sont contradictoires
1-Il semble selon certaines expeacuteriences que les enfants acquiert les diffeacuterentes langues sans
srsquoen apercevoir On cite les propos drsquoun linguiste allemand bilingue qui degraves son plus jeune acircge agrave la
question raquo savez vous depuis le deacutebut que vous parliez deux langues Il reacutepondit laquo je suppose que
non je parlais spontaneacutement la langue de mon interlocuteur sans savoir ce que je faisais et cela
depuis le deacutebut comme jrsquoai pu le deacuteduire du teacutemoignage de mes parents
2- En face de ce premier type de recherche on a une autre type de recherche qui montre que les
enfants distingue assez tocirct entre 3 et 4 ans les diffeacuterents systegravemes qursquoil parle et preacuteciseacutement cette
capaciteacute de parler et la situation dans laquelle ils se trouvent tregraves vite ils perccediloivent ce qursquoon
attend drsquoeux dans la situation scolaire et dans la situation familiale ou amicale
Un autre facteur inteacuteressant crsquoest leur capaciteacute de traduire Renzo Titone cite le cas de conscience
diffeacuterentielle qui lui permet de diffeacuterencier les systegravemes ce qui implique que lrsquoenfant possegravede une
double compeacutetence crsquoest-agrave-dire une maicirctrise intuitive de regravegles et de meacutecanismes diffeacuterents
laquo Lrsquoenfant bilingue reacuteussit-il agrave faire le rapport entre les personnes et les situations distinctes et les
idiomes raquo
Lrsquoenfant pratique la diffeacuterenciation des systegravemes mais il ne possegravede pas la capaciteacute drsquoeacutenoncer de
formuler cette aptitude Il a une conscience intuitive qursquoil ne peut formuler
Le bilinguisme favorable ou deacutefavorable
La question souvent poseacutee est celle de savoir si le bilinguisme est favorable ou deacutefavorable
srsquoil est nuisible ou non Cette question est poseacutee agrave deux niveaux drsquoabord agrave propos des enfants on
se demande bien souvent si le bilinguisme est preacutejudiciable ou non au deacuteveloppement de lrsquoenfant
crsquoest agrave dire agrave son eacutequilibre psychologique affectif drsquoautre part si crsquoest preacutejudiciable agrave lrsquoacquisition
de sa langue maternelle et de sa langue Ces preacutesupposeacutes sont deacutementis par de nombreuses
expeacuteriences faites sur des enfants bilingues
Renzo Titone expose le cas drsquoun enfant qui apprend lrsquoallemand avec sa megravere et le franccedilais avec
son pegravere la prononciation fut celle drsquoun enfant unilingue degraves le deacutebut le bilinguisme ne retardera
pas le deacuteveloppement geacuteneacuteral du langage crsquoest agrave dire que lrsquoacquisition des deux langues nrsquoa pas
entraicircneacute de retard Les emprunts drsquoune langue agrave une autre reacuteitegraverent des cas isoleacutes Dans les deux
langues on assisteacute agrave un deacuteveloppement parallegravelement en phoneacutetique en morphologie en syntaxe
Lrsquoenfant devient tregraves vite conscient de son bilinguisme et traduisait les messages drsquoune langue agrave
une autre Il acquit le concept abstrait de langue Tous ces exemples donneacutes par Titone semblent
contredire la thegravese qui veut que le bilinguisme soit dangereux preacutejudiciable Mecircme thegravese
deacuteveloppeacutee par Abdellah Cheacuteriet pour qui le bilinguisme est contre reacutevolutionnaire dangereux
pour lrsquoauthenticiteacute et pour la langue arabe alors que Lacheraf eacutetait pour le bilinguisme
Selon Cheacuteriet le bilinguisme nrsquoest pas une voie reacutevolutionnaire pour lrsquoenseignement mais
bourgeoise car ce nrsquoest pas le bilinguisme qui donne au peuple sa formation socialiste De plus le
bilinguisme est contraire agrave lrsquoauthenticiteacute et le fait drsquoenseigner une langue eacutetrangegravere agrave lrsquoenfant
orientera sa mentaliteacute et donc son authenticiteacute
Remarque le bilinguisme est consideacutereacute sous un angle particulier on considegravere les deux
langues rivales Pourtant lrsquoAlgeacuterie est plurilingue et Cheacuteriet ne parle jamais des autres langues les
arguments avanceacutes sont biaiseacutes la reacutealiteacute linguistique nrsquoest jamais deacutecrite lrsquoarabe classique est
consideacutereacute comme une langue maternelle En fait le veacuteritable problegraveme dans des cas de bilinguisme
est la prise en charge peacutedagogique et un environnement harmonieux laquo En creacuteant un environnement
adapteacute le petit enfant pourrait tregraves bien apprendre deux langues ou plus sans grave difficulteacute et la
redoutable barriegravere linguistique serait deacutetruite agrave la base raquoTitone
3 Lrsquoapproche sociale On peut parler du bilinguisme social lorsqursquoon prend en consideacuteration lrsquoexpansion du
bilinguisme au niveau de toute une communauteacute Cette approche sociale traite drsquoun certains
nombres de questions
-le statut des langues en contact
-la distribution de ces langues crsquoest-agrave-dire comment les langues se distribuent-elles
parmi les locuteurs comment sont-elles pratiqueacutees par les locuteurs drsquoougrave lrsquoeacutetude drsquoun certains
nombre drsquoeacuteleacutements agrave prendre en charge la situation de communication lrsquoappartenance sexuelle
sociale on srsquoattache aussi au pheacutenomegravene de prestige de valorisation et de deacutevalorisation
pheacutenomegravene de meacutemorisation Crsquoest-agrave-dire lrsquoattitude du locuteur agrave lrsquoeacutegard de ceux qui parlent
-les problegravemes de planification linguistique Elle prend aussi en charge le retentissement
de tous les eacuteleacutements au niveau de la dynamique des langues crsquoest agrave dire la capaciteacute drsquoeacutevolution de
stagnation de vie ou de mort des langues quels sont les symptocircmes qui permettent de reconnaicirctre
ces pheacutenomegravenes
Lrsquoimportance de ces pheacutenomegravenes sociaux se manifeste dans lrsquoexemple que nous
empruntons agrave Juliette Garmadi 1981 La sociolinguistique PUF Paris concernant le cas du
Vaupegraves reacutegion qui se situe au centre de lrsquoAmazonie avec une frontiegravere commune agrave la Colombie et
au breacutesil
Quelles sont les caracteacuteristiques sociales de cette reacutegion il srsquoagit drsquoune population
indienne qui vit dans des habitations disperseacutees cependant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune
population seacutedentaire bien qursquoil lui arrive de se deacuteplacer Il y a plusieurs niveaux de structuration
sociale de cette population elle est structureacutee en uniteacutes deacutefinies par un seul critegravere lrsquouniteacute
linguistique Chaque groupe drsquoindividus parlant la mecircme langue est consideacutereacute comme appartenant
agrave la mecircme tribu La tribu est deacutefinie par la langue du pegravere donc tous ceux qui ont utiliseacutes degraves leur
enfance la langue du pegravere font partie de la mecircme tribu Crsquoest donc la langue du pegravere qui confegravere
lrsquoidentiteacute au groupe agrave la tribu Un indien de cette tribut doit se marier avec une femme drsquoune autre
tribu obligatoirement donc parlant une autre langue sinon cela est consideacutereacute comme un inceste
Exemple un enfant appartenant agrave une tribu doit avoir comme premiegravere langue la langue de son
pegravere la megravere est tenue drsquoapprendre la langue de son mari mais elle peut aussi parler sa langue avec
les autres femmes elle communique avec son fils la langue de son mari
Quels sont les points que suscite lrsquoattention du linguiste par rapport au vaupeacutes
-Au niveau de lrsquoeacutetendue du bilinguisme
Le plurilinguisme pourrait ecirctre envisageacute dans cette reacutegion agrave plusieurs niveaux au niveau familial
ou cellule nucleacuteaire Au niveau de la tribu au niveau du Vaupegraves
Selon Juliette Garmadi il y a une stabiliteacute du plurilinguisme que lrsquointroduction du portugais et de
lrsquoespagnol dans la reacutegion ne semble pas remettre en cause Elle affirme une des premiegraveres
conclusions que lrsquoon peut tirer de lrsquoeacutetude de la situation du Vaupegraves est que les socieacuteteacutes complexes
ne sont pas les seules garantes possibles de la stabiliteacute du plurilinguisme Elle veut dire que lrsquoon
aurait tendance agrave croire qursquoune situation comme le vaupeacutes avec lrsquoaccord de la colonisation aurait
pu voir son plurilinguisme ceacuteder devant la langue du colonisateur or il nrsquoen est rien car le
plurilinguisme du Vaupegraves se maintient tregraves bien Donc les socieacuteteacutes stables ne sont pas les seules
garantes de la stabiliteacute
Lrsquoexistence du plurilinguisme et de sa stabiliteacute ne sont lieacutees ni agrave des types drsquoinstitutions preacutecises ni
au nombre des locuteurs ni agrave la dimension ni agrave la densiteacute drsquoun pays
Juliette Garrmadi agrave travers lrsquoexemple du Vaupegraves semble remettre en question toutes ces
hypothegraveses
-Au niveau psychologique du bilinguisme
Au niveau psychologique le plurilinguisme peut ecirctre preacutecoce ou tardif ce bilinguisme est aussi
eacutequilibreacute car les langues acquises dans lrsquoenfance le sont avec une maicirctrise eacutegales
-Au niveau linguistique et seacutemio culturel
Au niveau des systegravemes culturels transmis par le langage on peut parler de bilinguisme composeacute
crsquoest agrave dire que les langues parleacutees reacutefegraverent agrave une mecircme situation seacutemio culturelle que les langues
indiennes parleacutees dans le Vaupegraves renvoient au mecircme reacutefeacuterent culturel dans la mesure ougrave la culture
indienne de cette reacutegion est homogegravene et que toutes les langues parleacutees sont le veacutehicule de cette
culture homogegravene ce qui peut se traduire en disant que les enfants du Vaupeacutes ont un seul systegraveme
de signifieacute mais qursquoils ont pour le traduire diffeacuterents signifiants correspondant aux diffeacuterentes
langues qursquoils parlent Crsquoest dans ce cas que lrsquoon parle de bilinguisme composeacute car ce dernier
implique theacuteoriquement la permeacuteabiliteacute des systegravemes linguistiques en contact crsquoest-agrave-dire qursquoil y a
tregraves souvent passage drsquoune langue agrave une autre il y a interfeacuterence agrave tout niveau phonologique
lexical et syntaxique
Conclusion
Si lrsquoon srsquoen tient au cas du Vaupeacutes on peut dire agrave propos de lrsquoAlgeacuterie qursquoelle preacutesente bien une
situation de plurilinguisme social Ce bilinguisme peut ecirctre caracteacuteriseacute agrave la fois comme preacutecoce et
tardif(beaucoup drsquoenfants apprennent les langues dans leur petite enfance mais aussi agrave lrsquoeacutecole) Ce
bilinguisme est aussi eacutequilibreacute il est plutocirct coordonneacute que composeacute car le reacutefeacuterent seacutemioculturel du
kabyle et du franccedilais est diffeacuterent du kabyle et de lrsquoarabe le franccedilais lrsquoest aussi
Cours 4
Bilinguisme et diglossie
1-Introduction
Dans une situation de contact de langues le statut de chaque langue varie suivant les rapports de
domination entre les groupes qui les parlent et les perceptions que les individus ont de ces rapports
Il srsquoensuit que les usages langagiers varient dans lrsquoespace social et geacuteographique en fonction de ces
rapports intergroupes si ces rapports changent les rapports de statut et donc les usages eux-mecircmes
varieront Crsquoest agrave de tels pheacutenomegravenes de variations sociolinguistiques que nous allons nous
inteacuteresseacutes En premier lieu nous examinerons le pheacutenomegravene de diglossie qui reacutesulte de relation de
statuts entre une langue et une varieacuteteacute de langue super-ordonneacutee et une autre langue ou varieacuteteacute de
langues subordonneacutees dont les usages respectifs sont en distribution compleacutementaire plus ou moins
stable dans une socieacuteteacute donneacutee
Selon Mackey laquo une socieacuteteacute dont tous les membres seraient capables de comprendre lire parler et
eacutecrire deux langues utiliseacutees dans cette socieacuteteacute devrait sans doute abandonner une de ces langues
car elle serait redondante Autrement dit pour que deux ou plusieurs langues survivent dans une
socieacuteteacute il est neacutecessaire qursquoelles remplissent des fonctions compleacutementaires-soit qursquoelles sont
utiliseacutees par tous les locuteurs pour des fonctions et dans des domaines distincts soit qursquoelles sont
utiliseacutees par des locuteurs appartenant agrave des groupes ethnolinguistiques diffeacuterents soit qursquoun
groupe parle la langue dominante lrsquoautre groupe la langue domineacutee avec entre les deux des
individus bilingues qui parlent la langue de lrsquoun et de lrsquoautre
1-Deacutefinition et historique de la diglossie
La notion de diglossie (du grec ancien diglottos signifiant bilingue) est un concept
sociolinguistique deacuteveloppeacute par Ferguson(1959) pour deacutecrire toute situation dans laquelle deux
varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue sont employeacutees dans des domaines compleacutementaires lrsquoune de ces
varieacuteteacute eacutetant geacuteneacuteralement de statut socialement supeacuterieur agrave lrsquoautre
Dans un sens large la diglossie existe dans toutes les socieacuteteacutes ougrave lrsquousage quotidien diffegravere
sensiblement de la norme officielle il faut que chaque varieacuteteacute soit utiliseacutees de maniegravere
systeacutematique par exemple une varieacuteteacute est employeacutee dans les domaines formelles comme
lrsquoadministration la religion la poeacutesie alors que lrsquoautre est reacuteserveacutee agrave la conversation courante aux
discussions informelles agrave la correspondance non officielle Fergusson qualifie ces deux varieacuteteacutes
lrsquoune haute et lrsquoautre basse Exemple Le monde arabe lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal La
Gregravece le grec le katharevousa et le grec populaire le dhimotiki
Le terme de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Fishman (1967) agrave lrsquousage compleacutementaire institutionnaliseacute
de deux langues distinctes dans une communauteacute donneacutee Cette situation de diglossie se caracteacuterise
par un certain nombre de traits
-La fonction la fonction des deux varieacuteteacutes H et L nrsquoest pas la mecircme il y a reacutepartition de chacune
drsquoentre elles selon les situations de communication
-la notion de prestige on se place ici au niveau de lrsquoattitude des locuteurs qui ont tendance agrave
qualifier H de supeacuterieure de plus belle de plus logique de plus apte agrave exprimer les penseacutees
importantes Ils affirment aussi qursquoils preacutefegraverent entendre un discours politique dans cette varieacuteteacute La
varieacuteteacute L est consideacutereacutee comme eacutetant infeacuterieure incapable drsquoexprimer un discours litteacuteraire
-La litteacuterature eacutetant reacutedigeacutee dans la varieacuteteacute haute elle contribue agrave ce que cette derniegravere soit tenue
dans sa plus haute consideacuteration
Le mode drsquoacquisition La varieacuteteacute basse est geacuteneacuteralement la langue maternelle son acquisition se
fait par lrsquousage donc au sein de la famille La varieacuteteacute haute srsquoapprend agrave lrsquoeacutecole
-La standardisation constitueacutee par la moyenne des usages des locuteurs ex le franccedilais standard
constitue la norme
-La stabiliteacute la situation de diglossie est passagegravere soumise agrave lrsquoeacutevolution Le rapport entre une
langue H et une langue L est ponctuel eacutepheacutemegravere susceptible drsquoeacutevolution
En fait dit Fergusson il nrsquoen est rien La situation de diglossie se caracteacuterise par la stabiliteacute elle
peut durer plusieurs siegravecles Srsquoil y a eacutevolution crsquoest par lrsquointermeacutediaire drsquoune forme de langue
intermeacutediaire qui ne remet pas en cause veacuteritablement le rapport entre H et L comme par exemple
lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal
Le concept de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Gumperz(1971) aux socieacuteteacutes multilingues dans le sens ougrave
celles-ci peuvent utiliser diffeacuterentiellement plusieurs codes (langues dialectes) dans des domaines
et des fonctions compleacutementaires comme lrsquoInde qui a deux langues officielles hautes le hindi et
lrsquoanglais en plus des langues reacutegionales
2-Le rejet de la notion de diglossie
-Martinet utilise plusieurs eacuteleacutements pour remettre en cause la notion de diglossie
Selon Martinet Fishman et Gumperz adoptent la notion de diglossie pour des raisons
sociologiques pour marquer la distinction bilinguisme individuel versus bilinguisme social La
diglossie implique le bilinguisme communautaire
Dans cette perspective on ne voit pas ce que la distinction bilinguisme diglossie apporterait de
nouveau par rapport au bilinguisme individuel et bilinguisme social
Martinet rappelle que la hieacuterarchie entre les langues nrsquoest pas absolue il nrsquoest pas toujours possible
dans toutes les situations linguistiques de deacuteterminer la hieacuterarchie Exemple le Canada
Lrsquoanglais est reacuteserveacute au domaine eacuteconomique et technique le franccedilais est reacuteserveacute au domaine
culturel Ces deux langues sont des langues de prestige bien qursquoelles ne soient pas sur un pied
drsquoeacutegaliteacuteccedila eacutetait la langue de lrsquoeacuteglise or nous dit-il cet argument nrsquoest plus valable car la
katareacuterouza a beaucoup eacutevolueacute par rapport agrave la langue religieuse
Le second argument de Drettas est la remise en cause du systegraveme de standardisation retenue par
Fergusson pour lui on ne peut retenir ce critegravere dans la mesure ougrave le corpus de reacutefeacuterence est
heacuteteacuterogegravene
3- La situation de lrsquoAlgeacuterie
Fergusson considegravere les pays arabes comme un des cas les plus anciens et les plus stables de
diglossie Tout le monde reconnaicirct le prestige de la langue arabe classique
Qui deacutecide de ce prestige Peut on dire drsquoune langue que les locuteurs refusent de parler qursquoelle
nrsquoest pas prestigieuse
Tous les grammairiens qui procircnent la disparition des dialectes au profit de lrsquoarabe classique sont
obligeacutes de reconnaicirctre que ces derniers sont bien vivants les grammairiens parlent de difficulteacute agrave
enseigner une locuteurs natifs il nrsquoexiste pas dans le monde arabe de personnes dont la langue
maternelle est la langue standard
Le prestige de la langue tient essentiellement du mythe nous avons lagrave lrsquoexemple drsquoun discours sur
les langues que les grammairiens les linguistes lrsquoeacutelite intellectuelle ont eacutetabli et qursquoils perpeacutetuent
avec la compliciteacute des instances officielles sans jamais se poser la question de lrsquoadeacutequation de ces
discours agrave la reacutealiteacute des pratiques linguistiques
4-Les tenants de la notion deacutefense et illustration de la diglossie
La deacutefense de la diglossie se fait selon deux axes principaux
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
-La diglossie expression et moyen drsquoun conflit social
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
A partir de la distinction entre varieacuteteacute H et varieacuteteacute L eacutetablie par Ferguson se construit une autre
signification celle de la diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute Il srsquoagit drsquoineacutegaliteacute au
niveau de lrsquoutilisation des deux langues mais aussi des attitudes et repreacutesentations que les locuteurs
ont agrave propos de ces langues Ces deux aspects sont tregraves importants Le terme de diglossie permet
drsquoinsister sur cette ineacutegaliteacute qui peut ecirctre quantitative lorsqursquoil srsquoagit de lrsquoextension drsquoemploi de
ces langues ainsi la varieacuteteacute H a geacuteneacuteralement une zone drsquoextension plus grande que la varieacuteteacute B
On peut parler drsquoineacutegaliteacute qualitative lorsque les langues en preacutesence ont le mecircme statut
-Bilan de La sociolinguistique dans le domaine arabearabophone
Essor tardif malgreacute la richesse du champ puisque aireegravere immenses
Pendant toute la premiegravere partie du XXegraveme siegravecle (Auparavant voir P Larcher) les eacutetudes arabes
ont eacuteteacute diviseacutees en deux grands domaines qui se recoupaient tregraves peu
a) lrsquoeacutetude la langue arabe classique b) eacutetudes dialectales
Dans les deux cas les auteurs visent agrave des descriptions de systegravemes plus ou moins homogegravenes et
stables En ce qui concerne eacutetudes dialectales description qui repose souvent sur le parler drsquoun ou
deux informateurs supposeacutes repreacutesenteacutes lrsquoensemble de leur communauteacute le parler du Caire le
parler de Cherchell le parler de Tunis etc et parfois mecircme le parler eacutegyptien le parler syrien etc
Preacutecurseurs la dialectologie et linguistique historique
Il y a quand mecircme une linguistique historique qui se pose la question de la formation de lrsquoarabe
classique ou dialectale en particulier en ce qui concerne la peacuteriode preacuteceacutedant et suivant la conquecircte
avec des questions comme est ce que lrsquoarabe classique srsquoest constitueacute sur une koineacute poeacutetique
litteacuteraire ou sur une koinegrave dialectale etc (cf P larcher) Autour de cette question de la formation
de lrsquoarabe de la deacutefinition drsquoune koinegrave qursquoil srsquoagisse drsquoune koinegrave litteacuteraire ou dialectale on aborde
les questions de contact drsquoeacutevolution de varieacuteteacutes
-Deacutefinition drsquoune koinegrave = Varieacuteteacute neacutee du contact de diffeacuterentes varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue qui
se deacutelocalise dans le sens que nrsquoest plus le symbolelrsquoeacuteleacutement identificateur drsquoun groupe
socialement et geacuteographiquement distinct et qui de ce fait tend agrave eacuteliminer les traits les plus
particuliers les plus saillants des varieacuteteacutes en contact et tend agrave conserver les traits communs
(beaucoup plus compliqueacute que cela mais tendance geacuteneacuterale)
Donc un certain nombre de travaux autour de ces questions par des gens qui ne se deacuteclarent pas
comme des sociolinguistes mais plutocirct comme des historiens de la langue ou des linguistes Fuumlck
Ferguson Blau Cohen etc etc Relient analyse historico sociale et analyse linguistique mais les
eacuteleacutementspreuves de leur argumentation sont surtout baseacutes sur des eacuteleacutements linguistiques (liste des
traits pour la koinegrave urbaine de Ferguson ou de Cohen ou plus tard de Vesteegh pour sa theacuteorie de la
pidginisationcreacuteolisation) cf on prend un certain nombre de traits des dialectes arabes
contemporains et on les compare a) avec arabe classique et b) avec les eacuteleacutements de dialectologie
historique dont on dispose et on essaie de montrer que relegravevent ou pas drsquoun processus de
koineacuteisation
Tous ces travaux autour des questions de koinegrave litteacuteraire et surtout koinegrave dialectale sont importants
car vont eacutetablir des cateacutegories dialectales baseacutees sur des critegraveres sociaux ethniques cf la distinction
entre parlers dits nomadesbeacutedouins censeacutes ecirctre plus laquo conservateurs raquo (donc avoir gardeacutes des traits
des parlers preacute-Jahili) et parlers seacutedentaires consideacutereacutes comme laquo plus innovants raquo et agrave lrsquointeacuterieur
de ces parlers seacutedentaires les parles urbains consideacutereacutes comme eacutevidemment les plus laquo mixtes raquo car
issus soit du contact entre des dialectes diffeacuterents (koinegrave) soit du contact entre des arabophones et
des non arabophones (langue de contact)
(Pour toutes ces questions de dialectologie historiques et de cateacutegorisation etc je vous renvoie aux
laquo pegraveres laquo de la dialectologie arabe cf en franccedilais Cantineau William et Philippe Marsais pour le
Maghreb Colin etc Ces cateacutegories sont elles mecircmes inspireacutees des eacutecrits de Ibn Khaldoum
VI-2-3- Le deacuteveloppement de la dialectologie
Crsquoest agrave partir de ces cateacutegories dialectales qui se distingueraient pas des traits linguistiques
particulier que se sont deacuteveloppeacutes au Moyen Orient quelques travaux fondateurs comme ceux de
Haim Blanc sur Baghdad (1966) puis de Clive Holes sur Bahrain (1987) et au Maghreb une
sociolinguistiquedialectologie laquo urbaine raquo avec des gens comme Leila Messaoudi (Rabat)
Dominique Caubet (Fegraves) etc et tous les travaux en dialectologie urbaine qui ont montreacute que
diffeacuterentes varieacuteteacutes coexistaient dans une mecircme ville en fonction des appartenances
laquo communautaires raquo crsquoest agrave dire soit appartenance religieuse (juive chreacutetienne musulmane) ou
reacutegionales ou ethniques etc et qui ont pu eacutetudier aussi le renouvellement des parlers urbains en
montrant comment des nouveaux flux de populations drsquoorigine rurale transformaient les anciens
parlers urbains et provoquaient des pheacutenomegravenes de koineacuteisation Mais au Maghreb on reste le plus
souvent dans la dialectologie urbaine plus que dans la sociolinguistique dans le sens ougrave le plus
souvent on identifie un groupe agrave une varieacuteteacute sans deacutecrire les pheacutenomegravenes de variations
drsquoalternance individuelles La personne la plus repreacutesentative de ce courant me semble Leila
Mesaoudi (2003) qui se basant sur les travaux drsquoeacutetudes urbaines (cf Mohamed Naciri pour le
Maroc) a deacuteveloppeacute une opposition entre parler citadinparler urbain et montreacute combien les anciens
parler citadins (preacute-hilalien et andalou) eacutetaient actuellement en deacuteclin face aux nouvelles koineacute
urbaines a fort traits beacutedouins raquo
Crsquoest surtout chez les anglo - saxons et au Mashrek que lrsquoon voit se deacutevelopper une
sociolinguistique variationiste urbaine avec des gens comme Clive Holes Abdel Jawad Ibrahim
Muhamed Amara Niloofar haeri Enam Al Wer etc qui eacutetudient comment eacutevoluent les usages
linguistiques des diffeacuterents types de locuteurs en fonction de leur acircge sexe degreacute drsquoeacutetudes origine
reacutegionale etc Etudes qui analysent principalement les variantes phonologiques comme la
reacutealisation du (q) en q g k la reacutealisation des inter dentales des diphtongues etc Ces
variantes phonologiques sont consideacutereacutees comme des marqueurs de telle ou telle varieacuteteacute cf le (q)
crsquoest agrave la fois classique et certains parlers urbains le g crsquoest plutocirct ruralbeacutedouin mais devenu
urbain dans de nombreux cas le crsquoest plutocirct urbain etc etc Donc on eacutetudie la reacutealisation de ces
variantes aupregraves drsquoun certain nombre de locuteurs et on croise les variables linguistiques avec des
critegraveres sociaux (acircge sexe eacuteducation etc) et on en conclut que dans tel ou tel milieu urbain
lrsquoeacutevolution linguistique va dans le sens du deacuteveloppement de telle ou telle varieacuteteacute de langue
Ce type drsquoeacutetude qui a repris au deacutebut les concepts meacutethodologie variationiste labovienne
deacuteveloppeacute aux USA GB etc srsquoest drsquoabord heurteacute agrave une application trop meacutecaniste de la deacutemarche
labovienne et a du srsquoadapter au contexte arabophone qui est un peu plus speacutecifique du fait de la
fameuse question de la diglossie la varieacuteteacute haute des villes europeacuteennes = la varieacuteteacute parleacutee par
lrsquoeacutelite de ces villes donc standard urbain = varieacuteteacute haute prestigieuse que les autres locuteurs
essaieront ou pas de reproduire en fonction des contextes urbains Les innovations souvent
introduites par les membres des classes moyennes et se diffusent vers le haut puis repris par le
bas etc Les femmes des couches populaires ont tendance agrave reprendre plus vites les variantes
prestigieuses les hommes des milieux populaires sont plus conservateurs
Dans le monde arabe on a commenceacute agrave faire une adeacutequation entre varieacuteteacute haute et fusha
(classiquemoderne) et agrave voir comment les locuteurs des diffeacuterents parlers dialectales acqueacuteraient
ou pas les marqueurs de cette varieacuteteacute haute (donc par exemple la reacutealisation du fameux (qaf) Et
puis on srsquoest rapidement aperccedilu que parallegravelement au fusha il y avait drsquoautres varieacuteteacutes prestigieuses
en particulier les varieacuteteacutes urbaines dans un certain nombre de grand centres urbains comme le
Caire Jeacuterusalem etc les migrants drsquoorigine rurale et surtout les femmes pouvaient privileacutegier la
norme urbaine sur celle du fushahellip (Palva 1982 Ibrahim 1986 etc) Ce qui a ameneacute un certain
nombre de travaux en cours agrave srsquointerroger sur la question de la norme du standard en arabe sur
lrsquoimpact de lrsquoeacuteducation (Nilofar Haeri Enam Al Wer) et donc par ricochet ont deacuteveloppeacute une
critique drsquoune conception qui se voulait plus ou moins universalisante agrave la Bourdieu les classes
dominantes se caracteacuteriseraient par leur maicirctrise de la norme langagiegravere qursquoelles imposent aux
autres Dans le monde arabe on voit que lrsquoune des normes prestigieuses est supposeacutee ecirctre le fusha
norme que peu de gens maicirctrisent dans leur vie quotidienne les eacutelites sont plutocirct plurilingues et pas
toujours tregraves arabiseacutees (ce sont souvent plutocirct les membres des classes moyennes qui ont suivit leur
eacuteducation en arabe) lrsquoautre norme peut ecirctre le vernaculaire urbain (mais pas toujours comme on le
voit pour un certain nombre de vieilles citeacutes maghreacutebines) mais cela peut ecirctre aussi une norme
beacutedouine + - ideacutealiseacutee comme cela semble ecirctre le cas en Jordanie ou face agrave la preacutesence des
palestiniens irakiens syriens etc laquo les vrais hommes jordaniens raquo semblent revendiquer une
norme locale plus beacutedouine
Bref lrsquoensemble de ces travaux plus ou moins reacutecents sur la dialectologiesociolinguistique urbaine
ont eu le meacuterite de mettre en relief la diversiteacute des situations la complexiteacute historique du
deacuteveloppement de certains parlers la pluraliteacute des normes Beaucoup de travail reste agrave faire dans
ce domaine ougrave les vraies eacutetudes de terrain baseacutees sur des corpus restent rares Deux
exemples proches celui de Casablanca et de lrsquoarabe dit marocain Alors que le Maroc est lrsquoun des
pays ougrave lrsquoon dispose drsquoune tradition dialectologique riche et de nombreux travaux contemporains
(en particulier avec les espagnols mais aussi des auteurs marocains) on srsquoaperccediloit que si lrsquoon
connaicirct un peu lrsquohistoire de la formation du parler de Casablanca au deacutebut du XXegraveme s et son
expansion on ne dispose drsquoaucune description sociolinguistique reacuteelle et on reste dans une grande
confusion entre la koinegrave marocaine et le parler de Casablanca De mecircme pour Alger la capitale de
lrsquoAlgeacuterie qui a connu une expansion consideacuterable agrave une politique drsquoarabisation plus ou moins
reacuteussie et accepteacutee quel(s) type(s) drsquoarabe se deacuteveloppent actuellement Y a t il deacuteveloppement
drsquoune koinegrave influence croissante de fusha ou au contraire deacuteveloppement croissant du code
swtiching ou les deux etchellip autant de questions qui nrsquoont pas encore eacuteteacute traiteacutees de faccedilon
satisfaisante
Il apparaicirct enfin que la sociolinguistique arabophone srsquoest peu deacuteveloppeacutee dans un cadre
interactioniste Neacutecessiteacute de deacutevelopper lrsquoanalyse interationnelle de preacutesenter des corpus en action
et de sortir un peu des approches variationistes ou des listes drsquoisoglosses
La question de la diglossie et du continuum dialectalefusha
Crsquoest un des domaines qui a eacuteteacute le plus abordeacute en sociolinguistique arabe agrave la fois dans une
approche du contactcode switching et une approche attitudinales Massivement investi par les
anglo-saxons Donc les articles fondateurs sur la Diglossie Marccedilais +- inaperccedilu Ferguson qui a eu
un impact consideacuterable et de lagrave tout un courant pour savoir la nature le type de diglossie la mise
en eacutevidence niveaux intermeacutediaires entre les deux pocircles etc
Deux grandes tendances
- celles qui consistent agrave nommer et agrave caracteacuteriser des varieacuteteacutes intermeacutediaires entre le pocircle bas
(dialecte) et le pocircle (haut) fusha On va de 3 45 avec des notions comme lsquoammiya al-muthaqafin
(Educated Spoken Arabic) Tendances deacuteveloppeacutees par des gens comme lrsquoeacutecole de Leeds Said El-
badawi au Caire etc Mais ces travaux se heurtent agrave la difficulteacute de trouver des laquo fontiegraveres raquo claires
entres les diffeacuterentes varieacuteteacutes intermeacutediaires
- lrsquoautre tendance est de consideacuterer qursquoil y a deux pocircles + - abstraits et un continuum entre les
deux pocircles sans qursquoil soit possible drsquoisoler des varieacuteteacutes speacutecifiques entre les deux A partir de cette
conception en continuum on peut eacutetudier comment se fait le meacutelange des deux codes et appliquer
un certain nombre de regravegles et meacutethodes reprises des eacutetudes sur le Code Switching et lrsquointerlangue
cela va donc des contraintes syntaxiques de lrsquoeacutepoque Poplack agrave la theacuteorie de la Matrix language de
Myers Scotton (beaucoup drsquoarticles parus dans les volumes de Aspects of Arabic Linguistics et
eacutegalement lrsquoouvrage collectif de Rouchdy 2002 par ex cf les travaux de Gunvor Medjell etc)
Ces travaux ont reccedilu un bon eacutecho dans le monde arabe en geacuteneacuterale car permettent tout en restant
dans lsquodu politiquement correcte raquo de travailler sur de lrsquoarabe moderne de sortir un peu du carcan
du classique sans faire de la laquo dialectologie raquo qui reste une discipline encore trop souvent
consideacutereacutee comme laquo orientalisanteraquo
Les travaux sur le code switching et le continuum ne pacirctissent pas drsquoune image deacutefavorable agrave
lrsquoinverse de la dialectologie qui reste entacheacutee drsquoune reacuteputation de laquo science coloniale raquo Le
domaine des eacutetudes sur diglossieCS reste prolifique et les eacutetudes montrent que la frontiegravere entre le
fusha et le dialectale sont extrecircmement poreuses des domaines reacuteserveacutes au fusha sont de plus en
plus peacuteneacutetreacutes par le dialectal incluant lrsquoeacutecrit (journalistique le roman les publiciteacutes) et tout le
domaine relevant de lrsquooral officiel (les discours publiques les meacutedias etc) et vice versa
lrsquoinfluence principalement lexicale et phonologique du fusha se fait sentir dans lrsquooral dialectal via
eacuteducationmeacutedia certaine deacutemocratisation Il y a de grand corpus en ligne (voir les ameacutericains
comme Parkinson)
On peut se demander si cette porositeacute entre les deux pocircles reflegravete une eacutevolution contemporaine ou
si elle existait auparavant mais nrsquoavait pas eacuteteacute eacutetudieacutee Si on observe le passeacute avec minutie on
constate a) que lrsquoeacutecrit a toujours eacuteteacute +- marqueacute par le dialectal cf le fameux moyen arabe et b)
que les supposeacutees populations analphabegravetes parlant le dialectal avaient un contact avec lrsquoarabe
classique via lrsquoenseignement religieux la poeacutesie sufi etc et donc il y a certainement eu et de la
part des orientalistes et des panarabistes une sureacutevaluation de cette diglossie
Ce qui semble clair cependant crsquoest que par rapport agrave certains pronostiques des anneacutees 50-60 (les
indeacutependances) crsquoest que lrsquoarabe standard moderne ne srsquoest pas imposeacute comme unique meacutedium de
communication dans lrsquoensemble du monde arabe que les laquo dialectes raquo parlers locaux eacutevoluent
mais se maintiennent plus qursquoon aurait pu le croire puisqursquoon voit mecircme resurgir des
reacutegionalismes locaux
Un domaine qui reste agrave explorer pour les deacutecennies agrave venir eacutemergence ou pas de laquo langues
parlers raquo nationauxreacutegionaux A lrsquointeacuterieur drsquoun mecircme pays est ce que sont les tendances agrave la
koineacuteisation ou le maintien des diffeacuterences qui va lrsquoemporter est-ce que ces hypotheacutetiques
varieacuteteacutes nationales seront reconnues comme telles On entend parler drsquoarabe eacutegyptien marocain
algeacuterien syriens Ce sont en grande partie des fictions qui deacutesignent en geacuteneacuterale les varieacuteteacutes parleacutees
dans les capitales mais qui ne sont pas institutionnaliseacutees ni reconnues comme des langues
officielles et dont le rayonnement nrsquointerdit pas le maintien drsquoautres varieacuteteacutes plus locales ou
reacutegionales Mais il y a toujours eu des mouvements militant (mais toujours tregraves minoritaires) pour
lrsquoinstitutionnalisant de ces laquo langues nationales raquo et la rupture avec le fusha cf au Liban en Egypte
au Maroc actuellement (cf le numeacutero de la revue Tel Quel Darja notre langue nationale) On
retrouve donc toujours lrsquoopposition entre ceux qui ont une vision discontinuiste (ammiyya et fusha
sont des systegravemes fondamentalement diffeacuterents) et ceux qui ont une vision plus continuiste
(ammiyya et fusha se complegravetent)
Autres domaines de la Sociolinguistique arabe en deacuteveloppement
- Lrsquoahelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip maternelles en contexte migratoire des regravegles du CS etc
Un autre domaine est lrsquoinfluence de cet arabe de diaspora dans les pays drsquoaccueil cf dans la
creacuteation artistique contemporaine les parlers des jeunes etc (la musique les blagues etc cf les
travaux de Dominique Caubet etc)
CONCLUSION Le terme sociolinguistique implique donc une sensibiliteacute une approche et une meacutethodologie
particuliegraveres partir du reacuteel du concret ecirctre agrave lrsquoeacutecoute des faits de langue de variation se dire que
le marginal le particulier sont toujours instructifs que les langues sont toujours en perpeacutetuel
construction et que les humains sont les acteurs de ces constructions Crsquoest un peu comme un
historien qui deacutecide de sortir de lrsquohistoire officielle de la Cour et des Grands pour srsquointeacuteresser agrave
lrsquohistoire sociale crsquoest plus difficile cela demande de plonger dans des archives plus ou moins
accessibles lisibles etc Pour le linguiste cela demande de recueillir des corpus et de prendre le
temps de les eacutecouter analyser transcrire
Le deacuteveloppement drsquoeacutetudes avec une sensibiliteacute sociolinguistique a permis de sortir drsquoun certain
carcan imposeacute agrave la fois par de nombreux laquo orientalistes raquo et par lrsquoideacuteologie pan arabe des eacutetats
arabes lrsquoarabe est de plus en plus reconnue comme une langue plurielle ayant subi des
deacuteveloppements diffeacuterents selon les lieux et les contextes jouant des rocircles diffeacuterents etc
Pour le moment on sent bien qursquoil y a cependant un fosseacute entre ces avanceacutees et les politiques
didactiques par exemple lrsquoenseignement de lrsquoarabe reste extrecircmement probleacutematique et figeacute tant
dans les pays dits arabophones que dans les pays a forte minoriteacutes non arabophones Alors que par
exemple lrsquoenseignement du FLE ou ALE a totalement inteacutegreacute un certain nombre drsquoacquis de la
sociolinguistique pragmatique linguistique discursive il ne semble pas que ce soit le cas avec
lrsquoarabe malgreacute le nombres drsquoinstituts eacutetrangers ou arabes qui se penchent sur la question
Cours 5 ATTITUDES ET REPRESENTATIONS
Le pheacutenomegravene repreacutesentationnel est un pheacutenomegravene qui a drsquoabord inteacuteresseacute les sciences humaines la psychologie la sociologie lrsquoanthropologie bien avant la linguistique et disposent au cœur de ces sciences drsquoun savoir theacuteorique Il recouvre tout le champ qursquoon nomme repreacutesentations linguistiques langagiegraveres ou sociolinguistiques discours sur les langues attitudes linguistiques jugement sur les langues rapports subjectifs agrave la langue imaginaire linguistique Cependant chaque appellation teacutemoigne drsquoun certains point de vue Guenier deacutefinit les repreacutesentations comme laquo une forme courante et non savante de connaissances
socialement partageacutees qui contribue agrave une vision de la reacutealiteacute commune agrave des ensembles sociaux et
culturels raquo(repreacutesentations linguistiques in Moreau Sociolinguistique concepts de base Mardaga
liegravege 1996 p146)
Deux caractegraveres sont agrave relever dans cette deacutefinition
_Le caractegravere non savant des repreacutesentations il srsquoagit drsquoune forme de connaissance qui ne repose
sur aucune rationaliteacute crsquoest une connaissance intuitive purement subjective Branca-Rosoff citeacute
par Boyer in Sociolinguistique territoire et objets p79 deacutesigne ce pheacutenomegravene laquo drsquoopinions
steacutereacuteotypeacutees raquo Crsquoest donc une certaine vision une certaine perception que les locuteurs ont de
leurs langues et de celles des autres
- Les repreacutesentations linguistiques sont socialement eacutelaboreacutees et partageacutees par tous les membres
drsquoune socieacuteteacute Elles fonctionnent comme des normes sociales ideacutee partageacutee par Labov qui les
situent entre la norme ideacuteologique et les usages effectifs Pour ce dernier la norme sociale est le
fondement mecircme de la communauteacute linguistique qui ne se deacutefinit plus comme un ensemble de
locuteurs partageant les mecircmes usages (au niveau des pratiques elle est plutocirct heacuteteacuterogegravene) mais
comme un ensemble de locuteurs partageant des normes subjectives communes Ainsi les langues
sont jugeacutees positivement alors que drsquoautres le sont neacutegativement Les jugements peuvent ecirctre de
nature estheacutetique peuvent concerner le systegraveme lui-mecircme la valeur de la langue sur le marcheacute
linguistique et enfin le groupe qui la parle Nous avons donc affaire agrave un pheacutenomegravene social et crsquoest
justement ce caractegravere social des repreacutesentations linguistiques qui justifie qursquoelles constituent un
objet de choix de la sociolinguistique cependant cela nrsquoexclut pas qursquoil y ait tout de mecircme une part
individuel
Les locuteurs ne se contentent pas drsquoutiliser les langues et les varieacuteteacutes de langues ils les eacutevaluent
cette eacutevaluation influe beaucoup sur leurs pratiques linguistiques On entre ici dans le domaine des
attitudes et des normes qursquoelles impliquent chaque locuteur eacutevalue sa propre pratique et celle des
autres et ces eacutevaluations jouent un rocircle important dans le changement linguistique
La linguistique diachronique analyse le changement linguistique drsquoougrave provient une innovation
pourquoi et comment srsquoimpose-t-elle est-ce pour des raisons sociologiques qursquoune langue
change Andreacute Martinet a deacutefendu la thegravese que lrsquoeacutevolution phonologique drsquoune langue ne se faisait
pas de maniegravere aleacuteatoire mais srsquoexpliquait par la neacutecessiteacute pour son systegraveme de trouver une
stabiliteacute optimale en reacuteduisant ses deacuteseacutequilibres Drsquoautres linguistes preacutefegraverent mettre lrsquoaccent sur
des meacutecanismes sociaux par exemple un groupe peut imiter la prononciation drsquoun autre jugeacutee
plus prestigieuse
Deux tendances srsquoaffrontent pour expliquer le changement on invoque souvent le principe du
moindre effort les locuteurs confondent certaines formes phoneacutetiquement tregraves proches simplifient
des constructions syntaxiques compliqueacutees Cette tendance au moindre effort du locuteur est
contrebalanceacutee par une autre qui pousse agrave ne pas compromettre la compreacutehension crsquoest-agrave-dire le
moindre effort de lrsquoauditeur
Il nrsquoest pas rare qursquoun eacutetranger en situation officielle srsquoexcuse de ne pas parler la langue de son
interlocuteur Ce faisant il teacutemoigne drsquoune certaine politesse qui compenserait en quelque sorte
laquo lrsquoimpolitesse raquo de ne pas bien parler la langue mais il teacutemoigne aussi de la valeur positive qursquoil
accorde agrave cette langue et agrave ceux qui la parlent A lrsquointeacuterieur drsquoun groupe qui parle la mecircme langue
on observe nous le verrons un un pheacutenomegravene semblable drsquoineacutegaliteacute linguistique entre locuteurs de
statut socioculturel diffeacuterent
Par ailleurs nous sommes tour agrave tour eacutemetteurs et reacutecepteurs nos compeacutetences en tant que
reacutecepteurs sont plus grandes que nos compeacutetences en tant qursquoeacutemetteurs nous nrsquoemployons pas
toutes les structures linguistiques que nous connaissons de mecircme que nous nrsquoappartenons pas agrave
toutes les cateacutegories socioculturelles que nous sommes capables de reconnaicirctre Mais le reacutecepteur
nrsquoa pas un rocircle passif
-il reconstitue le sens de lrsquoeacutenonceacute qursquoil reccediloit selon ses propres schegravemes drsquointerpreacutetation et
lrsquoensemble de ses expeacuteriences
-il perccediloit aussi des signes linguistiques qursquoil interpregravete en fonction des connotations et des
normes en cours dans la classe sociale agrave laquelle il appartient lorsque ces signes peuvent faire
lrsquoobjet de variations ils deviennent des marqueurs socioculturels
-il juge ce qursquoil perccediloit selon lrsquoimage qursquoil a du locuteur de ses intentions de la situation et
du rocircle qursquoil y joue des enjeux de lrsquoacte de langage et selon lrsquoimage qursquoil a de lui mecircme et de ses
compeacutetences la faccedilon de parler est un facteur plus reacuteveacutelateur de la classe sociale des
interlocuteurs que les vecirctements ou les apparences de train de vie
En effet si les repreacutesentations linguistiques sont de nature sociales elles sont en rapport
eacutetroit avec lrsquoideacuteologie qui tente drsquoagir sur elles et les modegraveles Cependant si les repreacutesentations
sont agrave distinguer des discours scientifiques elles sont aussi agrave distinguer des discours ideacuteologiques
tenus par le pouvoir Branca Rossof citeacute par Boyer p79 exprime fort bien cette ideacutee en affirmant
que les repreacutesentations laquo permettent de sortir de lrsquoopposition radicale entre laquo le reacuteel raquo les faits
objectifs deacutegageacutes par la description linguistique et lrsquoideacuteologie les consideacuterations normatives
comme repreacutesentations fausses repreacutesentations eacutecrans raquo Crsquoest donc entre le reacuteel et lrsquoideacuteologie
qursquoelle situe les repreacutesentations Qursquoest ce qursquoest lrsquoideacuteologie laquo Tout systegraveme de repreacutesentations
structureacute et coheacuterent visant agrave rendre compte du monde exteacuterieur de la reacutealiteacute sociale lrsquoideacuteologie se
preacutesente sous forme drsquoun discours construit et totalisant ougrave les ideacutees srsquoenchaicircnent logiquement et
les valeurs concordent raquo (discours et ideacuteologie p4)
Ainsi lrsquoideacuteologie est un systegraveme structureacute parfaitement coheacuterent eacutelaboreacute en fonction drsquoobjectifs
bien deacutetermineacutes officiel car il srsquoagit de faccedilonner lrsquoimaginaire collectif national alors que les
repreacutesentations sociales nrsquoobeacuteissent pas agrave ces contraintes elles sont le fruit drsquoun consensus social
plus ou moins libre Mais il faut souligner qursquoen pratique la limite entre ces deux repreacutesentations
nrsquoest pas toujours clairement repeacuterable et les deux se confondent les ideacuteologues au service de
lrsquoeacutetat sont drsquoabord et avant tout des membres de la socieacuteteacute le pouvoir par les moyens qui lui sont
confeacutereacutes (meacutedia eacutecoles AIE) arrive toujours agrave faccedilonner les mentaliteacutes Ainsi on aime ou on
deacuteteste une langue parce qursquoon se fait une certaine ideacutee drsquoelle ou de ces locuteurs
QUE CONCLURE Lrsquoanalyse des repreacutesentations ne peut ecirctre eacutetudieacutee sans une analyse des pratiques linguistiques
Drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutetudier agrave la fois les comportements et les attitudes des locuteurs drsquoobserver les
productions et de ne pas se contenter de recueillir des paroles des sujets qui peuvent varier selon les
situations et les interactions(voir agrave ce sujet B Maurer Houdebine Canut et Boyer)
Cours 6- LA POLITIQUE LINGUISTIQUE OU LES NORMES LA NORME
Michel Tournier deacutefinissant le normal donne les deacutefinitions suivantes
NORMAL 1 Conforme agrave la norme Ideacuteal 2 Conforme agrave la moyenne Habituelle
Ceci peut servir dintroduction agrave qui aborde la question de la norme Cest bien la un veacuteritable problegraveme car selon les lieux selon les personnes selon le domaine les deux perspectives se mecirclent effectivement et perturbent la compreacutehension Peut-on dire que la norme est un ideacuteal cest-agrave-dire de fait quelque chose que personne natteint ou nincarne vraiment Peut-on dire que la norme est faite de la moyenne des opinions ou de la moyenne des comportements Nous allons rencontrer ces deux voies comme deux eacutecueils entre lesquels il conviendra de naviguer
Georges Mounin lui-mecircme dans son Dictionnaire de la Linguistique (PUFQuadriges reacuteeacuted 1993) commence son article Norme de la faccedilon suivante Moyenne des divers usages dune langue agrave une eacutepoque donneacutee ou usage imposeacute comme le plus correct ou le plus prestigieux par une partie de la socieacuteteacute (le bon usage)
En fait si le normal et le normatif restent des concepts tregraves grand public qui suscitent des deacutefinitions un peu floues il convient de souligner que la norme du franccedilais nest en aucun cas deacutetermineacutee en regardant les usages majoritaires Cest la varieacuteteacute de franccedilais qui agrave une eacutepoque donneacutee est procircneacutee par la socieacuteteacute franccedilaise qui simpose agrave chacun mais aussi qui est deacutefendue par chacun mecircme ceux qui en sont tregraves eacuteloigneacutes y sont attacheacutes Cest dans les classes populaires que tout en pratiquant dautres varieacuteteacutes on tient le plus agrave ce que soit enseigneacutee la norme que lon se soucie de savoir ce qui est correct ce qui ne lest pas - la norme eacutetant plus ou moins assimileacutee agrave ce qui permet de reacuteussir puisque ceux qui ont reacuteussi sont censeacutes pratiquer la norme en offrir une image On devine ainsi que la norme de fait est la varieacuteteacute pratiqueacutee par les hautes couches de la socieacuteteacute dans les situations formelles ougrave elles donnent agrave voir leur langue - varieacuteteacute dailleurs plus ou moins fantasmeacutee (et par lagrave sans doute rejoint-on la notion dideacuteal) que personne ne pratique vraiment et qui ainsi apparaicirct toujours au-delagrave des usages reacuteels Indeacuteniablement cependant des usages se rapprochent davantage de ce qui est preacutesenteacute comme la norme (dans les dictionnaires dans les grammaires) mais ces ouvrages parce quils sont eacutecrits utilisent et preacutesentent obligatoirement une varieacuteteacute diffeacuterente de loral et contribuent agrave la dichotomie si souvent formuleacutee par Monsieur Toutlemonde agrave leacutecrit ccedila va ma langue est correcte mais agrave loral je nai pas le temps de reacutefleacutechir et je parle mal
Dans ces conditions on soulignera que
la norme est une varieacuteteacute eacutecrite que lon enseigne en principe qui est formaliseacutee et toujours plus ou
moins eacuteloigneacutee des varieacuteteacutes parleacutees mecircme quand elles reccediloivent un jugement favorables de
locuteurs solliciteacutees pour donner leur avis
On ne parle jamais comme on eacutecrit (cf chapitre sur langues orales langues eacutecrites) mais les
couches sociales qui ont reacuteussi sont censeacutees davantage incarner la norme
Il est certain que plus les eacutetudes des sujets ont eacuteteacute longues plus ils pratiquent couramment des
varieacuteteacutes proches de lideacuteal quon appelle la norme ne serait-ce que parce que leur impreacutegnation agrave
travers une longue pratique de la langue eacutecrite rejaillit sur leur pratique orale Mais ne neacutegligeons
pas toutefois les facteurs sociologiques et eacuteconomiques qui interfegraverent avec ce que lon croit
attribuer agrave leur langue (richesse visible aisance sociale position eacuteconomique domination
sociale)
Ne veut-on pas imiter ceux quon preacutesente comme les modegraveles normatifs plus parce quils ont
reacuteussi que parce quils parlent bien la cravate de PPDA(1) sa faccedilon de shabiller son aisance et
son sourire parfaitement placeacute ne jouent-ils pas un plus grand rocircle que sa langue mecircme (on connaicirct
dailleurs lusage du prompter agrave la teacuteleacutevision ) pour le faire citer comme quelquun qui parle bien
Indeacuteniablement - et dans toute socieacuteteacute - servent de modegravele ceux qui ont reacuteussi et non pas ceux qui
sont consideacutereacutes comme des parias (cf les clochards ou SDF)
Noublions pas en outre que si les accents reacutegionaux ne sont plus aussi stigmatiseacutes maintenant
quil y a une trentaine danneacutees ils sont lobjet malgreacute tout de preacutecautions subtiles qui amegravenent ceux
qui atteignent les plus hautes responsabiliteacutes sociales agrave sen deacutefaire partiellement (cf le Preacutesident
Giscard dEstaing prenant des cours dorthoeacutepie pour se deacutebarrasser de son accent auvergnat qui
neacutetait pas de mise pour quelquun preacutetendant aux plus hautes fonctions et donc Preacutesident de tous
les Franccedilais) ou bien qui amegravene agrave seacutelectionner pour les plus hautes responsabiliteacutes ceux qui ont un
accent consideacutereacute comme convenable celui qui est accepteacute agrave une eacutepoque donneacutee les deux
comportements interfegraverent constamment et se reacutepondent pour eacuteliminer de la parole publique avec
une image favorable (et non pas plus ou moins ridicule) ceux qui seraient les plus eacuteloigneacutes de la
norme
Les caracteacuteristiques de la norme orale eacutevoluent au fil des siegravecles notre r actuel assez faible
un peu plus grasseyeacute agrave Paris quagrave Marseille nest plus du tout le r rouleacute que prononccedilait les
nobles il y a quelques siegravecles mais elles eacutevoluent bien plus lentement que lusage reacuteel
La norme est donc bien une question qui relegraveve fondamentalement de la sociolinguistique
deacutetermineacutee fixeacutee agrave chaque eacutepoque sur des critegraveres socio-eacuteconomiques elle se transmet dans
lenseignement et donc apparaicirct comme beaucoup plus permanente que les autres varieacuteteacutes non
formaliseacutees qui ne se transmettent que familialement (acquisition non formelle) Leacutecole joue ainsi
un rocircle essentiel dans la transmission la permanence le statut les preacuterogatives accordeacutees agrave la
norme Cest elle qui peut la reacutepandre de faccedilon quasiment universelle dans un pays Sa non-
transmission - cf le discreacutedit de leacutecole pour toute transmission ou la moindre importance accordeacutee
agrave la langue correcte agrave notre eacutepoque - ont pour premier reacutesultat que les couches sociales les plus
eacuteloigneacutees de la norme ny accegravedent plus La norme ne disparaicirct pas pour autant mais elle est alors
surtout lobjet de transmission familiale dans les familles conscientes et capables den assurer la
transmission indeacutependamment de leacutecole Leacutecole en enseignant la norme eacutetait facteur de
deacutemocratisation de la socieacuteteacute franccedilaise si elle renonce agrave cette tacircche on parvient agrave une socieacuteteacute
aristocratique dans laquelle certains savent sans avoir appris (selon lexpression consacreacutee) et ougrave
il ny a plus de chance de veacuteritable mobiliteacute sociale Contrairement agrave nos a priori on peut voir ainsi
que la norme est deacutemocratique quand ideacuteal proposeacute agrave tous elle est accompagneacutee dans son
apprentissage de la transmission des principes qui permettent de latteindre Dire (comme cela se
pratiquait agrave luniversiteacute agrave Lyon dans les anneacutees soixante) il ne faut pas dire un [floslashv] (pour
fleuve) une [foslashj] (pour feuille) cest donner agrave tous une chance dacceacuteder agrave des situations ougrave lon
ne tolegravere pas un accent reacutegional marqueacute ne plus le dire cest laisser encore les plus hautes
positions agrave ceux qui lauront compris tout seuls (dans leur famille) et bien sucircr eacuteliminer ceux qui ne
se doutent mecircme pas que ce genre de prononciation est stigmatiseacutee
On pourra distinguer avec Marie-Louise Moreau (1997) article Les types de normes
les normes de fonctionnement (habitudes linguistiques partageacutees par les membres dune
communauteacute regravegles qui sous-tendent les comportements linguistiques dun sous-groupe)
les normes descriptives (ce sont les normes de fonctionnement rendues explicites par les
descriptions qui en sont faites Mais ainsi ce sont les normes de certains sous-groupes seulement
qui sont deacutecrites on ne sinteacuteresse pas tretiennent des relations complexes avec les normes
prescriptives Elles contribuent grandement agrave la hieacuterarchisation)
les normes fantasmeacutees (ici on est toujours dans le domaine des repreacutesentations le groupe se forge
un ensemble de conceptions sur la langue et son fonctionnement qui nont souvent guegravere de zone
dadheacuterence avec le reacuteel )
La norme ou le bon usage
La norme au sens de langue que lrsquoon doit parler est un discours drsquoautoriteacute fixeacute par une institution
drsquoeacutetat) chargeacutee de creacuteer une langue homogegravene faite pour ecirctre parleacutee par un usager ideacuteal une
langue standard de partout et de nulle part uniforme polie deacutebarrasseacutee de toute impureteacute comme
-les reacutegionalismes les varieacuteteacutes geacuteographiques srsquoopposent au caractegravere centralisateur de la norme
et eacutechappent agrave tout controcircle elles sont donc connoteacutees peacutejorativement et le critegravere de la hieacuterarchie
sociale
-les innovations qursquoil srsquoagisse de changements lexicaux syntaxiques ou phoneacutetiques ils sont
ignoreacutes -non reconnus- ou attesteacutes longtemps apregraves leur apparition lorsque la norme nrsquoa pas reacuteussi
agrave srsquoimposer Face aux variations individuelles et collectives la langue normeacutee se veut homogegravene et
tire sa leacutegitimiteacute de lrsquoeacutecole
Un des comportements sociaux les mieux connus vis agrave vis de la langue est la normalisation
Fishman affirme que laquo la codification est lrsquoacceptation par une communauteacute drsquoun systegraveme formel
de normes qui deacutefinissent lrsquousage correct raquo
Qursquoest-ce que la norme ou lrsquousage correct de la langue laquo La norme est un recueil de perceptions consigneacutees dans des grammaires dites normatives et
correspondant agrave ce qursquoil faut dire pour se conformer au bon usage linguistique de la bonne
socieacuteteacute raquoDenise Franccedilois
Elle repreacutesente un choix approprieacute fondeacutes sur des preacutejugeacutes socioculturels et sur la notion de
niveaux de langues hieacuterarchiseacutees les classes dominantes et les bons auteurs emploient une langue
de qualiteacute qursquoil faut consideacuterer comme un modegravele
Parler de normes revient agrave se reacutefeacuterer agrave plusieurs acceptions
-un ensemble drsquointerdits de prescriptions sur des faccedilons de dire quelquefois accompagneacutees de
justifications de divers ordres
-tenir compte de cet ensemble de prescriptions crsquoest parler correctement sans faire de fautes
Les institutions de la norme sont
-Lrsquoeacutecole lrsquoeacutecole par le biais des grammaires et des enseignants tend agrave imposer agrave lrsquoenfant une
langue uniforme qursquoil nrsquoutilisera pas souvent ailleurs Par lrsquoenseignement de la grammaire elle
lrsquohabitue laquo non seulement agrave concevoir les reacutealiteacutes de la langue mais agrave reacuteprimer son goucirct naturel de
la parole pour substituer agrave la spontaneacuteiteacute langagiegravere une pratique eacutecrite conforme agrave des normes
rigoureuses raquo Elle lui impose de faire des phrases ainsi qursquoune prononciation de lecture standard
qui pour bon nombre drsquoenfants est artificielle cependant cette langue semblera toujours parce
qursquoimposeacutee par lrsquoeacutecole supeacuterieure agrave la sienne
-Lrsquoeacutecrit Lrsquoadministration prend le relais de lrsquoeacutecole pour perpeacutetuer la crainte de la faute et le
respect pour la langue eacutecrite laquo notre langue eacutecrite a plus de digniteacute que notre langue parleacutee
souvent fautive raquo Lrsquoopposition eacutecrit parleacute devient une opposition digne fautif Ceci appelle deux
remarques
La langue parleacutee comme la langue eacutecrite peut comporter tous les niveaux car rien nrsquoempecircche en
theacuteorie drsquoeacutecrire comme on parle ni de parler comme on eacutecrit
-De plus ces deux formes drsquoexpressions ont chacune une speacutecificiteacute de fonctionnement que la
deacutemarche normative semble ignorer Parler crsquoest construire un discours en train de se faire Le
locuteur improvise constamment ce qui lrsquoamegravene agrave heacutesiter agrave se reprendre agrave changer lrsquoorientation
de sa phrase agrave utiliser diverses strateacutegies agrave avoir recours agrave tous les proceacutedeacutes extra et
paralinguistiques regard mimiques gestes intonations Lrsquoeacutecrit nrsquoignore ni les heacutesitations ni les
reprises mais celles-ci disparaissent avec les brouillons Drsquoun point de vue linguistique il nrsquoy a
aucune raison drsquoopposer le parler et lrsquoeacutecrit de faccedilon hieacuterarchique puisque les deux domaines
fonctionnent diffeacuteremment
Une norme linguistique est un trait unificateur drsquoune socieacuteteacute tout le monde la connaicirct et sa
connaissance permet de distinguer les autochtones des eacutetrangers Mais mecircme dans le cas ougrave tout le
monde peut savoir quelles sont les variantes de statut supeacuterieur il nrsquoest pas neacutecessairement vrai que
tous voudront les adopter dans leur discours quotidien Certaines eacutetudes ont montreacute que les
reacuteactions subjectives aux variantes sociolinguistiques eacutetaient diffeacuterentes selon les classes et
impliquaient beaucoup plus qursquoune simple eacutechelle de prestige (cf Labov) Labov dans laquo
Sociolinguistique pp 250-251 339-340 418-419 raquo fait une distinction entre norme cacheacutees
voileacutees et norme manifestes normes stigmatiseacutees et norme accepteacutees Les variantes de statut eacuteleveacute
possegravedent un prestige manifeste elles sont associeacutees au pouvoir social indeacuteniable des locuteurs de
la classe supeacuterieure peuvent ecirctre la condition neacutecessaire drsquoaccegraves agrave des fonctions drsquoun statut plus
eacuteleveacute et sont promulgueacutees par les agents de la normalisation dans la socieacuteteacute tels que les meacutedias et
les instituteurs Mais pour beaucoup de locuteurs de la classe ouvriegravere ou de la petite bourgeoisie
les variables linguistiques laquo non standard raquo associeacutees agrave leurs groupes peuvent aussi posseacuteder un
prestige voileacute (covert prestige celui drsquoun groupe local de statut infeacuterieur) La signification sociale
de base de ces variables au prestige voileacute est celle de la solidariteacute une personne qui les utilise est
consideacutereacutee comme eacutetant un des leurs comme ami possible Pour certains groupes ces formes
peuvent signifier dureteacute ou viriliteacute
Pour compleacuteter vos connaissances dans le domaine de la norme reportez vous aussi sur le web agrave
un article dOlga Ozolina Quelques approches de leacutetude de la norme linguistique
Tout un cours eacutecrit par Benoiumlt Leblanc et Claude Tousignant de la Socieacuteteacute Saint-Jean-
Baptiste de la Mauricie sur la Norme linguistique mais aussi quelques autres notions
essentielles
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Mahmoudian eacutecrit laquo on maicirctrise mieux une langue dans la mesure ougrave on manie un nombre plus
eacuteleveacute drsquouniteacutes linguistiques et que lrsquoon comprend mieux le sens qui rattache ces uniteacutes aux
circonstances raquo
Martinet laquo deacuteveloppe la mecircme ideacutee lorsqursquoil dit que la maicirctrise drsquoune langue est constitueacute par une
hieacuterarchie drsquousages possibles qui sont les usagers quotidiens les usagers solennels politiques
artistiques
Ceci implique donc que le locuteur est agrave chaque instant obligeacute drsquoadapter son langage agrave la situation
On peut dire que tout locuteur est bilingue exemple du langage becirctifieacute des parents lorsqursquoils
parlent aux enfants ou les colons qui tentent drsquoadapter leur langue maternelle aux parlers creacuteoles
b) Personne nrsquoest bilingue
Certains linguistes disent que le bilinguisme nrsquoexiste pas dans la mesure ougrave personne nrsquoest capable
de maicirctriser agrave la perfection deux langues crsquoest agrave dire sans aucune interfeacuterence Si on prend en
consideacuteration ces paramegravetres il nrsquoy a pas de bilinguisme
Andreacute Martinet explique que ce critegravere de la perfection nrsquoa guegravere de sens car mecircme un locuteur
unilingue ne possegravede pas agrave la perfection sa langue et qursquoil nrsquoen utilise pas toutes les possibiliteacutes
lexicales ou syntaxiques Ce critegravere de la perfection est rejeteacute car il ne permet nullement de deacutefinir
le bilinguisme ou le monolinguisme
c La troisiegraveme tendance tente de deacutefinir le degreacute de maicirctrise relative
Ils rapportent la meacutethode de Malherbe une seacuterie de critegraveres permettent de deacutefinir une situation de
bilinguisme
-ecirctre en mesure de mener une conversation un discours ou un sermon dans une langue eacutetrangegravere
que ce soit agrave lrsquoeacutecrit ou agrave lrsquooral Savoir lire les journaux dans cette langue et en saisir lrsquohumour
-Etre en mesure de mener une conversation intelligible dans une autre langue et pouvoir lire sa
litteacuterature
-Savoir lire implacablement lrsquoautre langue
-Savoir enseigner les deux langues
-Posseacuteder une grande maicirctrise des deux langues
-Posseacuteder une connaissance parfaite des deux langues
Que dire
La mesure de la perfection repose sur des jugements de valeur subjectifs on mecircle diffeacuterents
niveaux de maicirctrise drsquoune langue lrsquoeacutecrit et lrsquooral
On mecircle pareillement la maicirctrise drsquoune langue et lrsquoaptitude agrave lrsquoenseigner ce qui ne se justifie pas
Beaucoup savent parler une langue mais ne peuvent lrsquoenseigner
On peut dire que les systegravemes de mesure de la perfection linguistique est un faux problegraveme car
toute situation de bilinguisme est marqueacutee par une fluctuation des usages (variation continuelle)
En effet le comportement linguistique des bilingues est tregraves variable il deacutepend de nombreux facteurs drsquoordres psychologiques et sociaux Il y a des pheacutenomegravenes de pressions sociales les situations de communication qui fait qursquoon ne peut eacutetablir des grilles rigoureuses La mesure de perfection se reacutevegravele vaine il faut srsquoen tenir aux propositions de W Mackey laquo le bilinguisme doit ecirctre consideacutereacute comme un concept non pas absolu mais relatif raquo Renzo Titone ajoute en rapportant Mackey qursquoil ne faut pas poser la question cet individu est-il bilingue Mais plutocirct dans quel sens est-il bilingue crsquoest-agrave-dire qursquoil faut rendre compte de la pratique bilingue du locuteur de son comportement bilingue mais pas tenter de deacutefinir la nature du bilinguisme qursquoil pratique
Lrsquoapproche psychologique
A-Le bilinguisme infantile ou preacutecoce On parle de bilinguisme infantile quand il srsquoagit drsquoun enfant qui degraves sa naissance est
simultaneacutement confronteacute agrave deux systegravemes linguistiques diffeacuterents par exemple lorsque la megravere et le
pegravere parlent agrave lrsquoenfant chacun leur langue ou lorsqursquoune 3egraveme
personne parle une autre langue que
celle que parlent les parents En fait cette situation est plus rare que la situation de bilinguisme
preacutecoce ougrave lrsquoon a des enfants monolingues dans les premiegraveres anneacutees de leur enfance qui
apprennent ensuite une seconde langue soit par impreacutegnation du milieu familial et social soit agrave
lrsquoeacutecole Les eacutetudes agrave orientation psychologiques se proposent toujours diffeacuterents objectifs certaines
eacutetudes se proposent drsquoexaminer le comportement de lrsquoenfant qui est aussi tregraves tocirct mis en contact
avec 2 ou plusieurs langues en geacuteneacuteral ces eacutetudes essaient de deacuteterminer la conscience qursquoa
lrsquoenfant de parler ou de ne pas parler plusieurs langues on a 2 types de constatations qui
apparemment sont contradictoires
1-Il semble selon certaines expeacuteriences que les enfants acquiert les diffeacuterentes langues sans
srsquoen apercevoir On cite les propos drsquoun linguiste allemand bilingue qui degraves son plus jeune acircge agrave la
question raquo savez vous depuis le deacutebut que vous parliez deux langues Il reacutepondit laquo je suppose que
non je parlais spontaneacutement la langue de mon interlocuteur sans savoir ce que je faisais et cela
depuis le deacutebut comme jrsquoai pu le deacuteduire du teacutemoignage de mes parents
2- En face de ce premier type de recherche on a une autre type de recherche qui montre que les
enfants distingue assez tocirct entre 3 et 4 ans les diffeacuterents systegravemes qursquoil parle et preacuteciseacutement cette
capaciteacute de parler et la situation dans laquelle ils se trouvent tregraves vite ils perccediloivent ce qursquoon
attend drsquoeux dans la situation scolaire et dans la situation familiale ou amicale
Un autre facteur inteacuteressant crsquoest leur capaciteacute de traduire Renzo Titone cite le cas de conscience
diffeacuterentielle qui lui permet de diffeacuterencier les systegravemes ce qui implique que lrsquoenfant possegravede une
double compeacutetence crsquoest-agrave-dire une maicirctrise intuitive de regravegles et de meacutecanismes diffeacuterents
laquo Lrsquoenfant bilingue reacuteussit-il agrave faire le rapport entre les personnes et les situations distinctes et les
idiomes raquo
Lrsquoenfant pratique la diffeacuterenciation des systegravemes mais il ne possegravede pas la capaciteacute drsquoeacutenoncer de
formuler cette aptitude Il a une conscience intuitive qursquoil ne peut formuler
Le bilinguisme favorable ou deacutefavorable
La question souvent poseacutee est celle de savoir si le bilinguisme est favorable ou deacutefavorable
srsquoil est nuisible ou non Cette question est poseacutee agrave deux niveaux drsquoabord agrave propos des enfants on
se demande bien souvent si le bilinguisme est preacutejudiciable ou non au deacuteveloppement de lrsquoenfant
crsquoest agrave dire agrave son eacutequilibre psychologique affectif drsquoautre part si crsquoest preacutejudiciable agrave lrsquoacquisition
de sa langue maternelle et de sa langue Ces preacutesupposeacutes sont deacutementis par de nombreuses
expeacuteriences faites sur des enfants bilingues
Renzo Titone expose le cas drsquoun enfant qui apprend lrsquoallemand avec sa megravere et le franccedilais avec
son pegravere la prononciation fut celle drsquoun enfant unilingue degraves le deacutebut le bilinguisme ne retardera
pas le deacuteveloppement geacuteneacuteral du langage crsquoest agrave dire que lrsquoacquisition des deux langues nrsquoa pas
entraicircneacute de retard Les emprunts drsquoune langue agrave une autre reacuteitegraverent des cas isoleacutes Dans les deux
langues on assisteacute agrave un deacuteveloppement parallegravelement en phoneacutetique en morphologie en syntaxe
Lrsquoenfant devient tregraves vite conscient de son bilinguisme et traduisait les messages drsquoune langue agrave
une autre Il acquit le concept abstrait de langue Tous ces exemples donneacutes par Titone semblent
contredire la thegravese qui veut que le bilinguisme soit dangereux preacutejudiciable Mecircme thegravese
deacuteveloppeacutee par Abdellah Cheacuteriet pour qui le bilinguisme est contre reacutevolutionnaire dangereux
pour lrsquoauthenticiteacute et pour la langue arabe alors que Lacheraf eacutetait pour le bilinguisme
Selon Cheacuteriet le bilinguisme nrsquoest pas une voie reacutevolutionnaire pour lrsquoenseignement mais
bourgeoise car ce nrsquoest pas le bilinguisme qui donne au peuple sa formation socialiste De plus le
bilinguisme est contraire agrave lrsquoauthenticiteacute et le fait drsquoenseigner une langue eacutetrangegravere agrave lrsquoenfant
orientera sa mentaliteacute et donc son authenticiteacute
Remarque le bilinguisme est consideacutereacute sous un angle particulier on considegravere les deux
langues rivales Pourtant lrsquoAlgeacuterie est plurilingue et Cheacuteriet ne parle jamais des autres langues les
arguments avanceacutes sont biaiseacutes la reacutealiteacute linguistique nrsquoest jamais deacutecrite lrsquoarabe classique est
consideacutereacute comme une langue maternelle En fait le veacuteritable problegraveme dans des cas de bilinguisme
est la prise en charge peacutedagogique et un environnement harmonieux laquo En creacuteant un environnement
adapteacute le petit enfant pourrait tregraves bien apprendre deux langues ou plus sans grave difficulteacute et la
redoutable barriegravere linguistique serait deacutetruite agrave la base raquoTitone
3 Lrsquoapproche sociale On peut parler du bilinguisme social lorsqursquoon prend en consideacuteration lrsquoexpansion du
bilinguisme au niveau de toute une communauteacute Cette approche sociale traite drsquoun certains
nombres de questions
-le statut des langues en contact
-la distribution de ces langues crsquoest-agrave-dire comment les langues se distribuent-elles
parmi les locuteurs comment sont-elles pratiqueacutees par les locuteurs drsquoougrave lrsquoeacutetude drsquoun certains
nombre drsquoeacuteleacutements agrave prendre en charge la situation de communication lrsquoappartenance sexuelle
sociale on srsquoattache aussi au pheacutenomegravene de prestige de valorisation et de deacutevalorisation
pheacutenomegravene de meacutemorisation Crsquoest-agrave-dire lrsquoattitude du locuteur agrave lrsquoeacutegard de ceux qui parlent
-les problegravemes de planification linguistique Elle prend aussi en charge le retentissement
de tous les eacuteleacutements au niveau de la dynamique des langues crsquoest agrave dire la capaciteacute drsquoeacutevolution de
stagnation de vie ou de mort des langues quels sont les symptocircmes qui permettent de reconnaicirctre
ces pheacutenomegravenes
Lrsquoimportance de ces pheacutenomegravenes sociaux se manifeste dans lrsquoexemple que nous
empruntons agrave Juliette Garmadi 1981 La sociolinguistique PUF Paris concernant le cas du
Vaupegraves reacutegion qui se situe au centre de lrsquoAmazonie avec une frontiegravere commune agrave la Colombie et
au breacutesil
Quelles sont les caracteacuteristiques sociales de cette reacutegion il srsquoagit drsquoune population
indienne qui vit dans des habitations disperseacutees cependant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune
population seacutedentaire bien qursquoil lui arrive de se deacuteplacer Il y a plusieurs niveaux de structuration
sociale de cette population elle est structureacutee en uniteacutes deacutefinies par un seul critegravere lrsquouniteacute
linguistique Chaque groupe drsquoindividus parlant la mecircme langue est consideacutereacute comme appartenant
agrave la mecircme tribu La tribu est deacutefinie par la langue du pegravere donc tous ceux qui ont utiliseacutes degraves leur
enfance la langue du pegravere font partie de la mecircme tribu Crsquoest donc la langue du pegravere qui confegravere
lrsquoidentiteacute au groupe agrave la tribu Un indien de cette tribut doit se marier avec une femme drsquoune autre
tribu obligatoirement donc parlant une autre langue sinon cela est consideacutereacute comme un inceste
Exemple un enfant appartenant agrave une tribu doit avoir comme premiegravere langue la langue de son
pegravere la megravere est tenue drsquoapprendre la langue de son mari mais elle peut aussi parler sa langue avec
les autres femmes elle communique avec son fils la langue de son mari
Quels sont les points que suscite lrsquoattention du linguiste par rapport au vaupeacutes
-Au niveau de lrsquoeacutetendue du bilinguisme
Le plurilinguisme pourrait ecirctre envisageacute dans cette reacutegion agrave plusieurs niveaux au niveau familial
ou cellule nucleacuteaire Au niveau de la tribu au niveau du Vaupegraves
Selon Juliette Garmadi il y a une stabiliteacute du plurilinguisme que lrsquointroduction du portugais et de
lrsquoespagnol dans la reacutegion ne semble pas remettre en cause Elle affirme une des premiegraveres
conclusions que lrsquoon peut tirer de lrsquoeacutetude de la situation du Vaupegraves est que les socieacuteteacutes complexes
ne sont pas les seules garantes possibles de la stabiliteacute du plurilinguisme Elle veut dire que lrsquoon
aurait tendance agrave croire qursquoune situation comme le vaupeacutes avec lrsquoaccord de la colonisation aurait
pu voir son plurilinguisme ceacuteder devant la langue du colonisateur or il nrsquoen est rien car le
plurilinguisme du Vaupegraves se maintient tregraves bien Donc les socieacuteteacutes stables ne sont pas les seules
garantes de la stabiliteacute
Lrsquoexistence du plurilinguisme et de sa stabiliteacute ne sont lieacutees ni agrave des types drsquoinstitutions preacutecises ni
au nombre des locuteurs ni agrave la dimension ni agrave la densiteacute drsquoun pays
Juliette Garrmadi agrave travers lrsquoexemple du Vaupegraves semble remettre en question toutes ces
hypothegraveses
-Au niveau psychologique du bilinguisme
Au niveau psychologique le plurilinguisme peut ecirctre preacutecoce ou tardif ce bilinguisme est aussi
eacutequilibreacute car les langues acquises dans lrsquoenfance le sont avec une maicirctrise eacutegales
-Au niveau linguistique et seacutemio culturel
Au niveau des systegravemes culturels transmis par le langage on peut parler de bilinguisme composeacute
crsquoest agrave dire que les langues parleacutees reacutefegraverent agrave une mecircme situation seacutemio culturelle que les langues
indiennes parleacutees dans le Vaupegraves renvoient au mecircme reacutefeacuterent culturel dans la mesure ougrave la culture
indienne de cette reacutegion est homogegravene et que toutes les langues parleacutees sont le veacutehicule de cette
culture homogegravene ce qui peut se traduire en disant que les enfants du Vaupeacutes ont un seul systegraveme
de signifieacute mais qursquoils ont pour le traduire diffeacuterents signifiants correspondant aux diffeacuterentes
langues qursquoils parlent Crsquoest dans ce cas que lrsquoon parle de bilinguisme composeacute car ce dernier
implique theacuteoriquement la permeacuteabiliteacute des systegravemes linguistiques en contact crsquoest-agrave-dire qursquoil y a
tregraves souvent passage drsquoune langue agrave une autre il y a interfeacuterence agrave tout niveau phonologique
lexical et syntaxique
Conclusion
Si lrsquoon srsquoen tient au cas du Vaupeacutes on peut dire agrave propos de lrsquoAlgeacuterie qursquoelle preacutesente bien une
situation de plurilinguisme social Ce bilinguisme peut ecirctre caracteacuteriseacute agrave la fois comme preacutecoce et
tardif(beaucoup drsquoenfants apprennent les langues dans leur petite enfance mais aussi agrave lrsquoeacutecole) Ce
bilinguisme est aussi eacutequilibreacute il est plutocirct coordonneacute que composeacute car le reacutefeacuterent seacutemioculturel du
kabyle et du franccedilais est diffeacuterent du kabyle et de lrsquoarabe le franccedilais lrsquoest aussi
Cours 4
Bilinguisme et diglossie
1-Introduction
Dans une situation de contact de langues le statut de chaque langue varie suivant les rapports de
domination entre les groupes qui les parlent et les perceptions que les individus ont de ces rapports
Il srsquoensuit que les usages langagiers varient dans lrsquoespace social et geacuteographique en fonction de ces
rapports intergroupes si ces rapports changent les rapports de statut et donc les usages eux-mecircmes
varieront Crsquoest agrave de tels pheacutenomegravenes de variations sociolinguistiques que nous allons nous
inteacuteresseacutes En premier lieu nous examinerons le pheacutenomegravene de diglossie qui reacutesulte de relation de
statuts entre une langue et une varieacuteteacute de langue super-ordonneacutee et une autre langue ou varieacuteteacute de
langues subordonneacutees dont les usages respectifs sont en distribution compleacutementaire plus ou moins
stable dans une socieacuteteacute donneacutee
Selon Mackey laquo une socieacuteteacute dont tous les membres seraient capables de comprendre lire parler et
eacutecrire deux langues utiliseacutees dans cette socieacuteteacute devrait sans doute abandonner une de ces langues
car elle serait redondante Autrement dit pour que deux ou plusieurs langues survivent dans une
socieacuteteacute il est neacutecessaire qursquoelles remplissent des fonctions compleacutementaires-soit qursquoelles sont
utiliseacutees par tous les locuteurs pour des fonctions et dans des domaines distincts soit qursquoelles sont
utiliseacutees par des locuteurs appartenant agrave des groupes ethnolinguistiques diffeacuterents soit qursquoun
groupe parle la langue dominante lrsquoautre groupe la langue domineacutee avec entre les deux des
individus bilingues qui parlent la langue de lrsquoun et de lrsquoautre
1-Deacutefinition et historique de la diglossie
La notion de diglossie (du grec ancien diglottos signifiant bilingue) est un concept
sociolinguistique deacuteveloppeacute par Ferguson(1959) pour deacutecrire toute situation dans laquelle deux
varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue sont employeacutees dans des domaines compleacutementaires lrsquoune de ces
varieacuteteacute eacutetant geacuteneacuteralement de statut socialement supeacuterieur agrave lrsquoautre
Dans un sens large la diglossie existe dans toutes les socieacuteteacutes ougrave lrsquousage quotidien diffegravere
sensiblement de la norme officielle il faut que chaque varieacuteteacute soit utiliseacutees de maniegravere
systeacutematique par exemple une varieacuteteacute est employeacutee dans les domaines formelles comme
lrsquoadministration la religion la poeacutesie alors que lrsquoautre est reacuteserveacutee agrave la conversation courante aux
discussions informelles agrave la correspondance non officielle Fergusson qualifie ces deux varieacuteteacutes
lrsquoune haute et lrsquoautre basse Exemple Le monde arabe lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal La
Gregravece le grec le katharevousa et le grec populaire le dhimotiki
Le terme de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Fishman (1967) agrave lrsquousage compleacutementaire institutionnaliseacute
de deux langues distinctes dans une communauteacute donneacutee Cette situation de diglossie se caracteacuterise
par un certain nombre de traits
-La fonction la fonction des deux varieacuteteacutes H et L nrsquoest pas la mecircme il y a reacutepartition de chacune
drsquoentre elles selon les situations de communication
-la notion de prestige on se place ici au niveau de lrsquoattitude des locuteurs qui ont tendance agrave
qualifier H de supeacuterieure de plus belle de plus logique de plus apte agrave exprimer les penseacutees
importantes Ils affirment aussi qursquoils preacutefegraverent entendre un discours politique dans cette varieacuteteacute La
varieacuteteacute L est consideacutereacutee comme eacutetant infeacuterieure incapable drsquoexprimer un discours litteacuteraire
-La litteacuterature eacutetant reacutedigeacutee dans la varieacuteteacute haute elle contribue agrave ce que cette derniegravere soit tenue
dans sa plus haute consideacuteration
Le mode drsquoacquisition La varieacuteteacute basse est geacuteneacuteralement la langue maternelle son acquisition se
fait par lrsquousage donc au sein de la famille La varieacuteteacute haute srsquoapprend agrave lrsquoeacutecole
-La standardisation constitueacutee par la moyenne des usages des locuteurs ex le franccedilais standard
constitue la norme
-La stabiliteacute la situation de diglossie est passagegravere soumise agrave lrsquoeacutevolution Le rapport entre une
langue H et une langue L est ponctuel eacutepheacutemegravere susceptible drsquoeacutevolution
En fait dit Fergusson il nrsquoen est rien La situation de diglossie se caracteacuterise par la stabiliteacute elle
peut durer plusieurs siegravecles Srsquoil y a eacutevolution crsquoest par lrsquointermeacutediaire drsquoune forme de langue
intermeacutediaire qui ne remet pas en cause veacuteritablement le rapport entre H et L comme par exemple
lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal
Le concept de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Gumperz(1971) aux socieacuteteacutes multilingues dans le sens ougrave
celles-ci peuvent utiliser diffeacuterentiellement plusieurs codes (langues dialectes) dans des domaines
et des fonctions compleacutementaires comme lrsquoInde qui a deux langues officielles hautes le hindi et
lrsquoanglais en plus des langues reacutegionales
2-Le rejet de la notion de diglossie
-Martinet utilise plusieurs eacuteleacutements pour remettre en cause la notion de diglossie
Selon Martinet Fishman et Gumperz adoptent la notion de diglossie pour des raisons
sociologiques pour marquer la distinction bilinguisme individuel versus bilinguisme social La
diglossie implique le bilinguisme communautaire
Dans cette perspective on ne voit pas ce que la distinction bilinguisme diglossie apporterait de
nouveau par rapport au bilinguisme individuel et bilinguisme social
Martinet rappelle que la hieacuterarchie entre les langues nrsquoest pas absolue il nrsquoest pas toujours possible
dans toutes les situations linguistiques de deacuteterminer la hieacuterarchie Exemple le Canada
Lrsquoanglais est reacuteserveacute au domaine eacuteconomique et technique le franccedilais est reacuteserveacute au domaine
culturel Ces deux langues sont des langues de prestige bien qursquoelles ne soient pas sur un pied
drsquoeacutegaliteacuteccedila eacutetait la langue de lrsquoeacuteglise or nous dit-il cet argument nrsquoest plus valable car la
katareacuterouza a beaucoup eacutevolueacute par rapport agrave la langue religieuse
Le second argument de Drettas est la remise en cause du systegraveme de standardisation retenue par
Fergusson pour lui on ne peut retenir ce critegravere dans la mesure ougrave le corpus de reacutefeacuterence est
heacuteteacuterogegravene
3- La situation de lrsquoAlgeacuterie
Fergusson considegravere les pays arabes comme un des cas les plus anciens et les plus stables de
diglossie Tout le monde reconnaicirct le prestige de la langue arabe classique
Qui deacutecide de ce prestige Peut on dire drsquoune langue que les locuteurs refusent de parler qursquoelle
nrsquoest pas prestigieuse
Tous les grammairiens qui procircnent la disparition des dialectes au profit de lrsquoarabe classique sont
obligeacutes de reconnaicirctre que ces derniers sont bien vivants les grammairiens parlent de difficulteacute agrave
enseigner une locuteurs natifs il nrsquoexiste pas dans le monde arabe de personnes dont la langue
maternelle est la langue standard
Le prestige de la langue tient essentiellement du mythe nous avons lagrave lrsquoexemple drsquoun discours sur
les langues que les grammairiens les linguistes lrsquoeacutelite intellectuelle ont eacutetabli et qursquoils perpeacutetuent
avec la compliciteacute des instances officielles sans jamais se poser la question de lrsquoadeacutequation de ces
discours agrave la reacutealiteacute des pratiques linguistiques
4-Les tenants de la notion deacutefense et illustration de la diglossie
La deacutefense de la diglossie se fait selon deux axes principaux
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
-La diglossie expression et moyen drsquoun conflit social
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
A partir de la distinction entre varieacuteteacute H et varieacuteteacute L eacutetablie par Ferguson se construit une autre
signification celle de la diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute Il srsquoagit drsquoineacutegaliteacute au
niveau de lrsquoutilisation des deux langues mais aussi des attitudes et repreacutesentations que les locuteurs
ont agrave propos de ces langues Ces deux aspects sont tregraves importants Le terme de diglossie permet
drsquoinsister sur cette ineacutegaliteacute qui peut ecirctre quantitative lorsqursquoil srsquoagit de lrsquoextension drsquoemploi de
ces langues ainsi la varieacuteteacute H a geacuteneacuteralement une zone drsquoextension plus grande que la varieacuteteacute B
On peut parler drsquoineacutegaliteacute qualitative lorsque les langues en preacutesence ont le mecircme statut
-Bilan de La sociolinguistique dans le domaine arabearabophone
Essor tardif malgreacute la richesse du champ puisque aireegravere immenses
Pendant toute la premiegravere partie du XXegraveme siegravecle (Auparavant voir P Larcher) les eacutetudes arabes
ont eacuteteacute diviseacutees en deux grands domaines qui se recoupaient tregraves peu
a) lrsquoeacutetude la langue arabe classique b) eacutetudes dialectales
Dans les deux cas les auteurs visent agrave des descriptions de systegravemes plus ou moins homogegravenes et
stables En ce qui concerne eacutetudes dialectales description qui repose souvent sur le parler drsquoun ou
deux informateurs supposeacutes repreacutesenteacutes lrsquoensemble de leur communauteacute le parler du Caire le
parler de Cherchell le parler de Tunis etc et parfois mecircme le parler eacutegyptien le parler syrien etc
Preacutecurseurs la dialectologie et linguistique historique
Il y a quand mecircme une linguistique historique qui se pose la question de la formation de lrsquoarabe
classique ou dialectale en particulier en ce qui concerne la peacuteriode preacuteceacutedant et suivant la conquecircte
avec des questions comme est ce que lrsquoarabe classique srsquoest constitueacute sur une koineacute poeacutetique
litteacuteraire ou sur une koinegrave dialectale etc (cf P larcher) Autour de cette question de la formation
de lrsquoarabe de la deacutefinition drsquoune koinegrave qursquoil srsquoagisse drsquoune koinegrave litteacuteraire ou dialectale on aborde
les questions de contact drsquoeacutevolution de varieacuteteacutes
-Deacutefinition drsquoune koinegrave = Varieacuteteacute neacutee du contact de diffeacuterentes varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue qui
se deacutelocalise dans le sens que nrsquoest plus le symbolelrsquoeacuteleacutement identificateur drsquoun groupe
socialement et geacuteographiquement distinct et qui de ce fait tend agrave eacuteliminer les traits les plus
particuliers les plus saillants des varieacuteteacutes en contact et tend agrave conserver les traits communs
(beaucoup plus compliqueacute que cela mais tendance geacuteneacuterale)
Donc un certain nombre de travaux autour de ces questions par des gens qui ne se deacuteclarent pas
comme des sociolinguistes mais plutocirct comme des historiens de la langue ou des linguistes Fuumlck
Ferguson Blau Cohen etc etc Relient analyse historico sociale et analyse linguistique mais les
eacuteleacutementspreuves de leur argumentation sont surtout baseacutes sur des eacuteleacutements linguistiques (liste des
traits pour la koinegrave urbaine de Ferguson ou de Cohen ou plus tard de Vesteegh pour sa theacuteorie de la
pidginisationcreacuteolisation) cf on prend un certain nombre de traits des dialectes arabes
contemporains et on les compare a) avec arabe classique et b) avec les eacuteleacutements de dialectologie
historique dont on dispose et on essaie de montrer que relegravevent ou pas drsquoun processus de
koineacuteisation
Tous ces travaux autour des questions de koinegrave litteacuteraire et surtout koinegrave dialectale sont importants
car vont eacutetablir des cateacutegories dialectales baseacutees sur des critegraveres sociaux ethniques cf la distinction
entre parlers dits nomadesbeacutedouins censeacutes ecirctre plus laquo conservateurs raquo (donc avoir gardeacutes des traits
des parlers preacute-Jahili) et parlers seacutedentaires consideacutereacutes comme laquo plus innovants raquo et agrave lrsquointeacuterieur
de ces parlers seacutedentaires les parles urbains consideacutereacutes comme eacutevidemment les plus laquo mixtes raquo car
issus soit du contact entre des dialectes diffeacuterents (koinegrave) soit du contact entre des arabophones et
des non arabophones (langue de contact)
(Pour toutes ces questions de dialectologie historiques et de cateacutegorisation etc je vous renvoie aux
laquo pegraveres laquo de la dialectologie arabe cf en franccedilais Cantineau William et Philippe Marsais pour le
Maghreb Colin etc Ces cateacutegories sont elles mecircmes inspireacutees des eacutecrits de Ibn Khaldoum
VI-2-3- Le deacuteveloppement de la dialectologie
Crsquoest agrave partir de ces cateacutegories dialectales qui se distingueraient pas des traits linguistiques
particulier que se sont deacuteveloppeacutes au Moyen Orient quelques travaux fondateurs comme ceux de
Haim Blanc sur Baghdad (1966) puis de Clive Holes sur Bahrain (1987) et au Maghreb une
sociolinguistiquedialectologie laquo urbaine raquo avec des gens comme Leila Messaoudi (Rabat)
Dominique Caubet (Fegraves) etc et tous les travaux en dialectologie urbaine qui ont montreacute que
diffeacuterentes varieacuteteacutes coexistaient dans une mecircme ville en fonction des appartenances
laquo communautaires raquo crsquoest agrave dire soit appartenance religieuse (juive chreacutetienne musulmane) ou
reacutegionales ou ethniques etc et qui ont pu eacutetudier aussi le renouvellement des parlers urbains en
montrant comment des nouveaux flux de populations drsquoorigine rurale transformaient les anciens
parlers urbains et provoquaient des pheacutenomegravenes de koineacuteisation Mais au Maghreb on reste le plus
souvent dans la dialectologie urbaine plus que dans la sociolinguistique dans le sens ougrave le plus
souvent on identifie un groupe agrave une varieacuteteacute sans deacutecrire les pheacutenomegravenes de variations
drsquoalternance individuelles La personne la plus repreacutesentative de ce courant me semble Leila
Mesaoudi (2003) qui se basant sur les travaux drsquoeacutetudes urbaines (cf Mohamed Naciri pour le
Maroc) a deacuteveloppeacute une opposition entre parler citadinparler urbain et montreacute combien les anciens
parler citadins (preacute-hilalien et andalou) eacutetaient actuellement en deacuteclin face aux nouvelles koineacute
urbaines a fort traits beacutedouins raquo
Crsquoest surtout chez les anglo - saxons et au Mashrek que lrsquoon voit se deacutevelopper une
sociolinguistique variationiste urbaine avec des gens comme Clive Holes Abdel Jawad Ibrahim
Muhamed Amara Niloofar haeri Enam Al Wer etc qui eacutetudient comment eacutevoluent les usages
linguistiques des diffeacuterents types de locuteurs en fonction de leur acircge sexe degreacute drsquoeacutetudes origine
reacutegionale etc Etudes qui analysent principalement les variantes phonologiques comme la
reacutealisation du (q) en q g k la reacutealisation des inter dentales des diphtongues etc Ces
variantes phonologiques sont consideacutereacutees comme des marqueurs de telle ou telle varieacuteteacute cf le (q)
crsquoest agrave la fois classique et certains parlers urbains le g crsquoest plutocirct ruralbeacutedouin mais devenu
urbain dans de nombreux cas le crsquoest plutocirct urbain etc etc Donc on eacutetudie la reacutealisation de ces
variantes aupregraves drsquoun certain nombre de locuteurs et on croise les variables linguistiques avec des
critegraveres sociaux (acircge sexe eacuteducation etc) et on en conclut que dans tel ou tel milieu urbain
lrsquoeacutevolution linguistique va dans le sens du deacuteveloppement de telle ou telle varieacuteteacute de langue
Ce type drsquoeacutetude qui a repris au deacutebut les concepts meacutethodologie variationiste labovienne
deacuteveloppeacute aux USA GB etc srsquoest drsquoabord heurteacute agrave une application trop meacutecaniste de la deacutemarche
labovienne et a du srsquoadapter au contexte arabophone qui est un peu plus speacutecifique du fait de la
fameuse question de la diglossie la varieacuteteacute haute des villes europeacuteennes = la varieacuteteacute parleacutee par
lrsquoeacutelite de ces villes donc standard urbain = varieacuteteacute haute prestigieuse que les autres locuteurs
essaieront ou pas de reproduire en fonction des contextes urbains Les innovations souvent
introduites par les membres des classes moyennes et se diffusent vers le haut puis repris par le
bas etc Les femmes des couches populaires ont tendance agrave reprendre plus vites les variantes
prestigieuses les hommes des milieux populaires sont plus conservateurs
Dans le monde arabe on a commenceacute agrave faire une adeacutequation entre varieacuteteacute haute et fusha
(classiquemoderne) et agrave voir comment les locuteurs des diffeacuterents parlers dialectales acqueacuteraient
ou pas les marqueurs de cette varieacuteteacute haute (donc par exemple la reacutealisation du fameux (qaf) Et
puis on srsquoest rapidement aperccedilu que parallegravelement au fusha il y avait drsquoautres varieacuteteacutes prestigieuses
en particulier les varieacuteteacutes urbaines dans un certain nombre de grand centres urbains comme le
Caire Jeacuterusalem etc les migrants drsquoorigine rurale et surtout les femmes pouvaient privileacutegier la
norme urbaine sur celle du fushahellip (Palva 1982 Ibrahim 1986 etc) Ce qui a ameneacute un certain
nombre de travaux en cours agrave srsquointerroger sur la question de la norme du standard en arabe sur
lrsquoimpact de lrsquoeacuteducation (Nilofar Haeri Enam Al Wer) et donc par ricochet ont deacuteveloppeacute une
critique drsquoune conception qui se voulait plus ou moins universalisante agrave la Bourdieu les classes
dominantes se caracteacuteriseraient par leur maicirctrise de la norme langagiegravere qursquoelles imposent aux
autres Dans le monde arabe on voit que lrsquoune des normes prestigieuses est supposeacutee ecirctre le fusha
norme que peu de gens maicirctrisent dans leur vie quotidienne les eacutelites sont plutocirct plurilingues et pas
toujours tregraves arabiseacutees (ce sont souvent plutocirct les membres des classes moyennes qui ont suivit leur
eacuteducation en arabe) lrsquoautre norme peut ecirctre le vernaculaire urbain (mais pas toujours comme on le
voit pour un certain nombre de vieilles citeacutes maghreacutebines) mais cela peut ecirctre aussi une norme
beacutedouine + - ideacutealiseacutee comme cela semble ecirctre le cas en Jordanie ou face agrave la preacutesence des
palestiniens irakiens syriens etc laquo les vrais hommes jordaniens raquo semblent revendiquer une
norme locale plus beacutedouine
Bref lrsquoensemble de ces travaux plus ou moins reacutecents sur la dialectologiesociolinguistique urbaine
ont eu le meacuterite de mettre en relief la diversiteacute des situations la complexiteacute historique du
deacuteveloppement de certains parlers la pluraliteacute des normes Beaucoup de travail reste agrave faire dans
ce domaine ougrave les vraies eacutetudes de terrain baseacutees sur des corpus restent rares Deux
exemples proches celui de Casablanca et de lrsquoarabe dit marocain Alors que le Maroc est lrsquoun des
pays ougrave lrsquoon dispose drsquoune tradition dialectologique riche et de nombreux travaux contemporains
(en particulier avec les espagnols mais aussi des auteurs marocains) on srsquoaperccediloit que si lrsquoon
connaicirct un peu lrsquohistoire de la formation du parler de Casablanca au deacutebut du XXegraveme s et son
expansion on ne dispose drsquoaucune description sociolinguistique reacuteelle et on reste dans une grande
confusion entre la koinegrave marocaine et le parler de Casablanca De mecircme pour Alger la capitale de
lrsquoAlgeacuterie qui a connu une expansion consideacuterable agrave une politique drsquoarabisation plus ou moins
reacuteussie et accepteacutee quel(s) type(s) drsquoarabe se deacuteveloppent actuellement Y a t il deacuteveloppement
drsquoune koinegrave influence croissante de fusha ou au contraire deacuteveloppement croissant du code
swtiching ou les deux etchellip autant de questions qui nrsquoont pas encore eacuteteacute traiteacutees de faccedilon
satisfaisante
Il apparaicirct enfin que la sociolinguistique arabophone srsquoest peu deacuteveloppeacutee dans un cadre
interactioniste Neacutecessiteacute de deacutevelopper lrsquoanalyse interationnelle de preacutesenter des corpus en action
et de sortir un peu des approches variationistes ou des listes drsquoisoglosses
La question de la diglossie et du continuum dialectalefusha
Crsquoest un des domaines qui a eacuteteacute le plus abordeacute en sociolinguistique arabe agrave la fois dans une
approche du contactcode switching et une approche attitudinales Massivement investi par les
anglo-saxons Donc les articles fondateurs sur la Diglossie Marccedilais +- inaperccedilu Ferguson qui a eu
un impact consideacuterable et de lagrave tout un courant pour savoir la nature le type de diglossie la mise
en eacutevidence niveaux intermeacutediaires entre les deux pocircles etc
Deux grandes tendances
- celles qui consistent agrave nommer et agrave caracteacuteriser des varieacuteteacutes intermeacutediaires entre le pocircle bas
(dialecte) et le pocircle (haut) fusha On va de 3 45 avec des notions comme lsquoammiya al-muthaqafin
(Educated Spoken Arabic) Tendances deacuteveloppeacutees par des gens comme lrsquoeacutecole de Leeds Said El-
badawi au Caire etc Mais ces travaux se heurtent agrave la difficulteacute de trouver des laquo fontiegraveres raquo claires
entres les diffeacuterentes varieacuteteacutes intermeacutediaires
- lrsquoautre tendance est de consideacuterer qursquoil y a deux pocircles + - abstraits et un continuum entre les
deux pocircles sans qursquoil soit possible drsquoisoler des varieacuteteacutes speacutecifiques entre les deux A partir de cette
conception en continuum on peut eacutetudier comment se fait le meacutelange des deux codes et appliquer
un certain nombre de regravegles et meacutethodes reprises des eacutetudes sur le Code Switching et lrsquointerlangue
cela va donc des contraintes syntaxiques de lrsquoeacutepoque Poplack agrave la theacuteorie de la Matrix language de
Myers Scotton (beaucoup drsquoarticles parus dans les volumes de Aspects of Arabic Linguistics et
eacutegalement lrsquoouvrage collectif de Rouchdy 2002 par ex cf les travaux de Gunvor Medjell etc)
Ces travaux ont reccedilu un bon eacutecho dans le monde arabe en geacuteneacuterale car permettent tout en restant
dans lsquodu politiquement correcte raquo de travailler sur de lrsquoarabe moderne de sortir un peu du carcan
du classique sans faire de la laquo dialectologie raquo qui reste une discipline encore trop souvent
consideacutereacutee comme laquo orientalisanteraquo
Les travaux sur le code switching et le continuum ne pacirctissent pas drsquoune image deacutefavorable agrave
lrsquoinverse de la dialectologie qui reste entacheacutee drsquoune reacuteputation de laquo science coloniale raquo Le
domaine des eacutetudes sur diglossieCS reste prolifique et les eacutetudes montrent que la frontiegravere entre le
fusha et le dialectale sont extrecircmement poreuses des domaines reacuteserveacutes au fusha sont de plus en
plus peacuteneacutetreacutes par le dialectal incluant lrsquoeacutecrit (journalistique le roman les publiciteacutes) et tout le
domaine relevant de lrsquooral officiel (les discours publiques les meacutedias etc) et vice versa
lrsquoinfluence principalement lexicale et phonologique du fusha se fait sentir dans lrsquooral dialectal via
eacuteducationmeacutedia certaine deacutemocratisation Il y a de grand corpus en ligne (voir les ameacutericains
comme Parkinson)
On peut se demander si cette porositeacute entre les deux pocircles reflegravete une eacutevolution contemporaine ou
si elle existait auparavant mais nrsquoavait pas eacuteteacute eacutetudieacutee Si on observe le passeacute avec minutie on
constate a) que lrsquoeacutecrit a toujours eacuteteacute +- marqueacute par le dialectal cf le fameux moyen arabe et b)
que les supposeacutees populations analphabegravetes parlant le dialectal avaient un contact avec lrsquoarabe
classique via lrsquoenseignement religieux la poeacutesie sufi etc et donc il y a certainement eu et de la
part des orientalistes et des panarabistes une sureacutevaluation de cette diglossie
Ce qui semble clair cependant crsquoest que par rapport agrave certains pronostiques des anneacutees 50-60 (les
indeacutependances) crsquoest que lrsquoarabe standard moderne ne srsquoest pas imposeacute comme unique meacutedium de
communication dans lrsquoensemble du monde arabe que les laquo dialectes raquo parlers locaux eacutevoluent
mais se maintiennent plus qursquoon aurait pu le croire puisqursquoon voit mecircme resurgir des
reacutegionalismes locaux
Un domaine qui reste agrave explorer pour les deacutecennies agrave venir eacutemergence ou pas de laquo langues
parlers raquo nationauxreacutegionaux A lrsquointeacuterieur drsquoun mecircme pays est ce que sont les tendances agrave la
koineacuteisation ou le maintien des diffeacuterences qui va lrsquoemporter est-ce que ces hypotheacutetiques
varieacuteteacutes nationales seront reconnues comme telles On entend parler drsquoarabe eacutegyptien marocain
algeacuterien syriens Ce sont en grande partie des fictions qui deacutesignent en geacuteneacuterale les varieacuteteacutes parleacutees
dans les capitales mais qui ne sont pas institutionnaliseacutees ni reconnues comme des langues
officielles et dont le rayonnement nrsquointerdit pas le maintien drsquoautres varieacuteteacutes plus locales ou
reacutegionales Mais il y a toujours eu des mouvements militant (mais toujours tregraves minoritaires) pour
lrsquoinstitutionnalisant de ces laquo langues nationales raquo et la rupture avec le fusha cf au Liban en Egypte
au Maroc actuellement (cf le numeacutero de la revue Tel Quel Darja notre langue nationale) On
retrouve donc toujours lrsquoopposition entre ceux qui ont une vision discontinuiste (ammiyya et fusha
sont des systegravemes fondamentalement diffeacuterents) et ceux qui ont une vision plus continuiste
(ammiyya et fusha se complegravetent)
Autres domaines de la Sociolinguistique arabe en deacuteveloppement
- Lrsquoahelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip maternelles en contexte migratoire des regravegles du CS etc
Un autre domaine est lrsquoinfluence de cet arabe de diaspora dans les pays drsquoaccueil cf dans la
creacuteation artistique contemporaine les parlers des jeunes etc (la musique les blagues etc cf les
travaux de Dominique Caubet etc)
CONCLUSION Le terme sociolinguistique implique donc une sensibiliteacute une approche et une meacutethodologie
particuliegraveres partir du reacuteel du concret ecirctre agrave lrsquoeacutecoute des faits de langue de variation se dire que
le marginal le particulier sont toujours instructifs que les langues sont toujours en perpeacutetuel
construction et que les humains sont les acteurs de ces constructions Crsquoest un peu comme un
historien qui deacutecide de sortir de lrsquohistoire officielle de la Cour et des Grands pour srsquointeacuteresser agrave
lrsquohistoire sociale crsquoest plus difficile cela demande de plonger dans des archives plus ou moins
accessibles lisibles etc Pour le linguiste cela demande de recueillir des corpus et de prendre le
temps de les eacutecouter analyser transcrire
Le deacuteveloppement drsquoeacutetudes avec une sensibiliteacute sociolinguistique a permis de sortir drsquoun certain
carcan imposeacute agrave la fois par de nombreux laquo orientalistes raquo et par lrsquoideacuteologie pan arabe des eacutetats
arabes lrsquoarabe est de plus en plus reconnue comme une langue plurielle ayant subi des
deacuteveloppements diffeacuterents selon les lieux et les contextes jouant des rocircles diffeacuterents etc
Pour le moment on sent bien qursquoil y a cependant un fosseacute entre ces avanceacutees et les politiques
didactiques par exemple lrsquoenseignement de lrsquoarabe reste extrecircmement probleacutematique et figeacute tant
dans les pays dits arabophones que dans les pays a forte minoriteacutes non arabophones Alors que par
exemple lrsquoenseignement du FLE ou ALE a totalement inteacutegreacute un certain nombre drsquoacquis de la
sociolinguistique pragmatique linguistique discursive il ne semble pas que ce soit le cas avec
lrsquoarabe malgreacute le nombres drsquoinstituts eacutetrangers ou arabes qui se penchent sur la question
Cours 5 ATTITUDES ET REPRESENTATIONS
Le pheacutenomegravene repreacutesentationnel est un pheacutenomegravene qui a drsquoabord inteacuteresseacute les sciences humaines la psychologie la sociologie lrsquoanthropologie bien avant la linguistique et disposent au cœur de ces sciences drsquoun savoir theacuteorique Il recouvre tout le champ qursquoon nomme repreacutesentations linguistiques langagiegraveres ou sociolinguistiques discours sur les langues attitudes linguistiques jugement sur les langues rapports subjectifs agrave la langue imaginaire linguistique Cependant chaque appellation teacutemoigne drsquoun certains point de vue Guenier deacutefinit les repreacutesentations comme laquo une forme courante et non savante de connaissances
socialement partageacutees qui contribue agrave une vision de la reacutealiteacute commune agrave des ensembles sociaux et
culturels raquo(repreacutesentations linguistiques in Moreau Sociolinguistique concepts de base Mardaga
liegravege 1996 p146)
Deux caractegraveres sont agrave relever dans cette deacutefinition
_Le caractegravere non savant des repreacutesentations il srsquoagit drsquoune forme de connaissance qui ne repose
sur aucune rationaliteacute crsquoest une connaissance intuitive purement subjective Branca-Rosoff citeacute
par Boyer in Sociolinguistique territoire et objets p79 deacutesigne ce pheacutenomegravene laquo drsquoopinions
steacutereacuteotypeacutees raquo Crsquoest donc une certaine vision une certaine perception que les locuteurs ont de
leurs langues et de celles des autres
- Les repreacutesentations linguistiques sont socialement eacutelaboreacutees et partageacutees par tous les membres
drsquoune socieacuteteacute Elles fonctionnent comme des normes sociales ideacutee partageacutee par Labov qui les
situent entre la norme ideacuteologique et les usages effectifs Pour ce dernier la norme sociale est le
fondement mecircme de la communauteacute linguistique qui ne se deacutefinit plus comme un ensemble de
locuteurs partageant les mecircmes usages (au niveau des pratiques elle est plutocirct heacuteteacuterogegravene) mais
comme un ensemble de locuteurs partageant des normes subjectives communes Ainsi les langues
sont jugeacutees positivement alors que drsquoautres le sont neacutegativement Les jugements peuvent ecirctre de
nature estheacutetique peuvent concerner le systegraveme lui-mecircme la valeur de la langue sur le marcheacute
linguistique et enfin le groupe qui la parle Nous avons donc affaire agrave un pheacutenomegravene social et crsquoest
justement ce caractegravere social des repreacutesentations linguistiques qui justifie qursquoelles constituent un
objet de choix de la sociolinguistique cependant cela nrsquoexclut pas qursquoil y ait tout de mecircme une part
individuel
Les locuteurs ne se contentent pas drsquoutiliser les langues et les varieacuteteacutes de langues ils les eacutevaluent
cette eacutevaluation influe beaucoup sur leurs pratiques linguistiques On entre ici dans le domaine des
attitudes et des normes qursquoelles impliquent chaque locuteur eacutevalue sa propre pratique et celle des
autres et ces eacutevaluations jouent un rocircle important dans le changement linguistique
La linguistique diachronique analyse le changement linguistique drsquoougrave provient une innovation
pourquoi et comment srsquoimpose-t-elle est-ce pour des raisons sociologiques qursquoune langue
change Andreacute Martinet a deacutefendu la thegravese que lrsquoeacutevolution phonologique drsquoune langue ne se faisait
pas de maniegravere aleacuteatoire mais srsquoexpliquait par la neacutecessiteacute pour son systegraveme de trouver une
stabiliteacute optimale en reacuteduisant ses deacuteseacutequilibres Drsquoautres linguistes preacutefegraverent mettre lrsquoaccent sur
des meacutecanismes sociaux par exemple un groupe peut imiter la prononciation drsquoun autre jugeacutee
plus prestigieuse
Deux tendances srsquoaffrontent pour expliquer le changement on invoque souvent le principe du
moindre effort les locuteurs confondent certaines formes phoneacutetiquement tregraves proches simplifient
des constructions syntaxiques compliqueacutees Cette tendance au moindre effort du locuteur est
contrebalanceacutee par une autre qui pousse agrave ne pas compromettre la compreacutehension crsquoest-agrave-dire le
moindre effort de lrsquoauditeur
Il nrsquoest pas rare qursquoun eacutetranger en situation officielle srsquoexcuse de ne pas parler la langue de son
interlocuteur Ce faisant il teacutemoigne drsquoune certaine politesse qui compenserait en quelque sorte
laquo lrsquoimpolitesse raquo de ne pas bien parler la langue mais il teacutemoigne aussi de la valeur positive qursquoil
accorde agrave cette langue et agrave ceux qui la parlent A lrsquointeacuterieur drsquoun groupe qui parle la mecircme langue
on observe nous le verrons un un pheacutenomegravene semblable drsquoineacutegaliteacute linguistique entre locuteurs de
statut socioculturel diffeacuterent
Par ailleurs nous sommes tour agrave tour eacutemetteurs et reacutecepteurs nos compeacutetences en tant que
reacutecepteurs sont plus grandes que nos compeacutetences en tant qursquoeacutemetteurs nous nrsquoemployons pas
toutes les structures linguistiques que nous connaissons de mecircme que nous nrsquoappartenons pas agrave
toutes les cateacutegories socioculturelles que nous sommes capables de reconnaicirctre Mais le reacutecepteur
nrsquoa pas un rocircle passif
-il reconstitue le sens de lrsquoeacutenonceacute qursquoil reccediloit selon ses propres schegravemes drsquointerpreacutetation et
lrsquoensemble de ses expeacuteriences
-il perccediloit aussi des signes linguistiques qursquoil interpregravete en fonction des connotations et des
normes en cours dans la classe sociale agrave laquelle il appartient lorsque ces signes peuvent faire
lrsquoobjet de variations ils deviennent des marqueurs socioculturels
-il juge ce qursquoil perccediloit selon lrsquoimage qursquoil a du locuteur de ses intentions de la situation et
du rocircle qursquoil y joue des enjeux de lrsquoacte de langage et selon lrsquoimage qursquoil a de lui mecircme et de ses
compeacutetences la faccedilon de parler est un facteur plus reacuteveacutelateur de la classe sociale des
interlocuteurs que les vecirctements ou les apparences de train de vie
En effet si les repreacutesentations linguistiques sont de nature sociales elles sont en rapport
eacutetroit avec lrsquoideacuteologie qui tente drsquoagir sur elles et les modegraveles Cependant si les repreacutesentations
sont agrave distinguer des discours scientifiques elles sont aussi agrave distinguer des discours ideacuteologiques
tenus par le pouvoir Branca Rossof citeacute par Boyer p79 exprime fort bien cette ideacutee en affirmant
que les repreacutesentations laquo permettent de sortir de lrsquoopposition radicale entre laquo le reacuteel raquo les faits
objectifs deacutegageacutes par la description linguistique et lrsquoideacuteologie les consideacuterations normatives
comme repreacutesentations fausses repreacutesentations eacutecrans raquo Crsquoest donc entre le reacuteel et lrsquoideacuteologie
qursquoelle situe les repreacutesentations Qursquoest ce qursquoest lrsquoideacuteologie laquo Tout systegraveme de repreacutesentations
structureacute et coheacuterent visant agrave rendre compte du monde exteacuterieur de la reacutealiteacute sociale lrsquoideacuteologie se
preacutesente sous forme drsquoun discours construit et totalisant ougrave les ideacutees srsquoenchaicircnent logiquement et
les valeurs concordent raquo (discours et ideacuteologie p4)
Ainsi lrsquoideacuteologie est un systegraveme structureacute parfaitement coheacuterent eacutelaboreacute en fonction drsquoobjectifs
bien deacutetermineacutes officiel car il srsquoagit de faccedilonner lrsquoimaginaire collectif national alors que les
repreacutesentations sociales nrsquoobeacuteissent pas agrave ces contraintes elles sont le fruit drsquoun consensus social
plus ou moins libre Mais il faut souligner qursquoen pratique la limite entre ces deux repreacutesentations
nrsquoest pas toujours clairement repeacuterable et les deux se confondent les ideacuteologues au service de
lrsquoeacutetat sont drsquoabord et avant tout des membres de la socieacuteteacute le pouvoir par les moyens qui lui sont
confeacutereacutes (meacutedia eacutecoles AIE) arrive toujours agrave faccedilonner les mentaliteacutes Ainsi on aime ou on
deacuteteste une langue parce qursquoon se fait une certaine ideacutee drsquoelle ou de ces locuteurs
QUE CONCLURE Lrsquoanalyse des repreacutesentations ne peut ecirctre eacutetudieacutee sans une analyse des pratiques linguistiques
Drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutetudier agrave la fois les comportements et les attitudes des locuteurs drsquoobserver les
productions et de ne pas se contenter de recueillir des paroles des sujets qui peuvent varier selon les
situations et les interactions(voir agrave ce sujet B Maurer Houdebine Canut et Boyer)
Cours 6- LA POLITIQUE LINGUISTIQUE OU LES NORMES LA NORME
Michel Tournier deacutefinissant le normal donne les deacutefinitions suivantes
NORMAL 1 Conforme agrave la norme Ideacuteal 2 Conforme agrave la moyenne Habituelle
Ceci peut servir dintroduction agrave qui aborde la question de la norme Cest bien la un veacuteritable problegraveme car selon les lieux selon les personnes selon le domaine les deux perspectives se mecirclent effectivement et perturbent la compreacutehension Peut-on dire que la norme est un ideacuteal cest-agrave-dire de fait quelque chose que personne natteint ou nincarne vraiment Peut-on dire que la norme est faite de la moyenne des opinions ou de la moyenne des comportements Nous allons rencontrer ces deux voies comme deux eacutecueils entre lesquels il conviendra de naviguer
Georges Mounin lui-mecircme dans son Dictionnaire de la Linguistique (PUFQuadriges reacuteeacuted 1993) commence son article Norme de la faccedilon suivante Moyenne des divers usages dune langue agrave une eacutepoque donneacutee ou usage imposeacute comme le plus correct ou le plus prestigieux par une partie de la socieacuteteacute (le bon usage)
En fait si le normal et le normatif restent des concepts tregraves grand public qui suscitent des deacutefinitions un peu floues il convient de souligner que la norme du franccedilais nest en aucun cas deacutetermineacutee en regardant les usages majoritaires Cest la varieacuteteacute de franccedilais qui agrave une eacutepoque donneacutee est procircneacutee par la socieacuteteacute franccedilaise qui simpose agrave chacun mais aussi qui est deacutefendue par chacun mecircme ceux qui en sont tregraves eacuteloigneacutes y sont attacheacutes Cest dans les classes populaires que tout en pratiquant dautres varieacuteteacutes on tient le plus agrave ce que soit enseigneacutee la norme que lon se soucie de savoir ce qui est correct ce qui ne lest pas - la norme eacutetant plus ou moins assimileacutee agrave ce qui permet de reacuteussir puisque ceux qui ont reacuteussi sont censeacutes pratiquer la norme en offrir une image On devine ainsi que la norme de fait est la varieacuteteacute pratiqueacutee par les hautes couches de la socieacuteteacute dans les situations formelles ougrave elles donnent agrave voir leur langue - varieacuteteacute dailleurs plus ou moins fantasmeacutee (et par lagrave sans doute rejoint-on la notion dideacuteal) que personne ne pratique vraiment et qui ainsi apparaicirct toujours au-delagrave des usages reacuteels Indeacuteniablement cependant des usages se rapprochent davantage de ce qui est preacutesenteacute comme la norme (dans les dictionnaires dans les grammaires) mais ces ouvrages parce quils sont eacutecrits utilisent et preacutesentent obligatoirement une varieacuteteacute diffeacuterente de loral et contribuent agrave la dichotomie si souvent formuleacutee par Monsieur Toutlemonde agrave leacutecrit ccedila va ma langue est correcte mais agrave loral je nai pas le temps de reacutefleacutechir et je parle mal
Dans ces conditions on soulignera que
la norme est une varieacuteteacute eacutecrite que lon enseigne en principe qui est formaliseacutee et toujours plus ou
moins eacuteloigneacutee des varieacuteteacutes parleacutees mecircme quand elles reccediloivent un jugement favorables de
locuteurs solliciteacutees pour donner leur avis
On ne parle jamais comme on eacutecrit (cf chapitre sur langues orales langues eacutecrites) mais les
couches sociales qui ont reacuteussi sont censeacutees davantage incarner la norme
Il est certain que plus les eacutetudes des sujets ont eacuteteacute longues plus ils pratiquent couramment des
varieacuteteacutes proches de lideacuteal quon appelle la norme ne serait-ce que parce que leur impreacutegnation agrave
travers une longue pratique de la langue eacutecrite rejaillit sur leur pratique orale Mais ne neacutegligeons
pas toutefois les facteurs sociologiques et eacuteconomiques qui interfegraverent avec ce que lon croit
attribuer agrave leur langue (richesse visible aisance sociale position eacuteconomique domination
sociale)
Ne veut-on pas imiter ceux quon preacutesente comme les modegraveles normatifs plus parce quils ont
reacuteussi que parce quils parlent bien la cravate de PPDA(1) sa faccedilon de shabiller son aisance et
son sourire parfaitement placeacute ne jouent-ils pas un plus grand rocircle que sa langue mecircme (on connaicirct
dailleurs lusage du prompter agrave la teacuteleacutevision ) pour le faire citer comme quelquun qui parle bien
Indeacuteniablement - et dans toute socieacuteteacute - servent de modegravele ceux qui ont reacuteussi et non pas ceux qui
sont consideacutereacutes comme des parias (cf les clochards ou SDF)
Noublions pas en outre que si les accents reacutegionaux ne sont plus aussi stigmatiseacutes maintenant
quil y a une trentaine danneacutees ils sont lobjet malgreacute tout de preacutecautions subtiles qui amegravenent ceux
qui atteignent les plus hautes responsabiliteacutes sociales agrave sen deacutefaire partiellement (cf le Preacutesident
Giscard dEstaing prenant des cours dorthoeacutepie pour se deacutebarrasser de son accent auvergnat qui
neacutetait pas de mise pour quelquun preacutetendant aux plus hautes fonctions et donc Preacutesident de tous
les Franccedilais) ou bien qui amegravene agrave seacutelectionner pour les plus hautes responsabiliteacutes ceux qui ont un
accent consideacutereacute comme convenable celui qui est accepteacute agrave une eacutepoque donneacutee les deux
comportements interfegraverent constamment et se reacutepondent pour eacuteliminer de la parole publique avec
une image favorable (et non pas plus ou moins ridicule) ceux qui seraient les plus eacuteloigneacutes de la
norme
Les caracteacuteristiques de la norme orale eacutevoluent au fil des siegravecles notre r actuel assez faible
un peu plus grasseyeacute agrave Paris quagrave Marseille nest plus du tout le r rouleacute que prononccedilait les
nobles il y a quelques siegravecles mais elles eacutevoluent bien plus lentement que lusage reacuteel
La norme est donc bien une question qui relegraveve fondamentalement de la sociolinguistique
deacutetermineacutee fixeacutee agrave chaque eacutepoque sur des critegraveres socio-eacuteconomiques elle se transmet dans
lenseignement et donc apparaicirct comme beaucoup plus permanente que les autres varieacuteteacutes non
formaliseacutees qui ne se transmettent que familialement (acquisition non formelle) Leacutecole joue ainsi
un rocircle essentiel dans la transmission la permanence le statut les preacuterogatives accordeacutees agrave la
norme Cest elle qui peut la reacutepandre de faccedilon quasiment universelle dans un pays Sa non-
transmission - cf le discreacutedit de leacutecole pour toute transmission ou la moindre importance accordeacutee
agrave la langue correcte agrave notre eacutepoque - ont pour premier reacutesultat que les couches sociales les plus
eacuteloigneacutees de la norme ny accegravedent plus La norme ne disparaicirct pas pour autant mais elle est alors
surtout lobjet de transmission familiale dans les familles conscientes et capables den assurer la
transmission indeacutependamment de leacutecole Leacutecole en enseignant la norme eacutetait facteur de
deacutemocratisation de la socieacuteteacute franccedilaise si elle renonce agrave cette tacircche on parvient agrave une socieacuteteacute
aristocratique dans laquelle certains savent sans avoir appris (selon lexpression consacreacutee) et ougrave
il ny a plus de chance de veacuteritable mobiliteacute sociale Contrairement agrave nos a priori on peut voir ainsi
que la norme est deacutemocratique quand ideacuteal proposeacute agrave tous elle est accompagneacutee dans son
apprentissage de la transmission des principes qui permettent de latteindre Dire (comme cela se
pratiquait agrave luniversiteacute agrave Lyon dans les anneacutees soixante) il ne faut pas dire un [floslashv] (pour
fleuve) une [foslashj] (pour feuille) cest donner agrave tous une chance dacceacuteder agrave des situations ougrave lon
ne tolegravere pas un accent reacutegional marqueacute ne plus le dire cest laisser encore les plus hautes
positions agrave ceux qui lauront compris tout seuls (dans leur famille) et bien sucircr eacuteliminer ceux qui ne
se doutent mecircme pas que ce genre de prononciation est stigmatiseacutee
On pourra distinguer avec Marie-Louise Moreau (1997) article Les types de normes
les normes de fonctionnement (habitudes linguistiques partageacutees par les membres dune
communauteacute regravegles qui sous-tendent les comportements linguistiques dun sous-groupe)
les normes descriptives (ce sont les normes de fonctionnement rendues explicites par les
descriptions qui en sont faites Mais ainsi ce sont les normes de certains sous-groupes seulement
qui sont deacutecrites on ne sinteacuteresse pas tretiennent des relations complexes avec les normes
prescriptives Elles contribuent grandement agrave la hieacuterarchisation)
les normes fantasmeacutees (ici on est toujours dans le domaine des repreacutesentations le groupe se forge
un ensemble de conceptions sur la langue et son fonctionnement qui nont souvent guegravere de zone
dadheacuterence avec le reacuteel )
La norme ou le bon usage
La norme au sens de langue que lrsquoon doit parler est un discours drsquoautoriteacute fixeacute par une institution
drsquoeacutetat) chargeacutee de creacuteer une langue homogegravene faite pour ecirctre parleacutee par un usager ideacuteal une
langue standard de partout et de nulle part uniforme polie deacutebarrasseacutee de toute impureteacute comme
-les reacutegionalismes les varieacuteteacutes geacuteographiques srsquoopposent au caractegravere centralisateur de la norme
et eacutechappent agrave tout controcircle elles sont donc connoteacutees peacutejorativement et le critegravere de la hieacuterarchie
sociale
-les innovations qursquoil srsquoagisse de changements lexicaux syntaxiques ou phoneacutetiques ils sont
ignoreacutes -non reconnus- ou attesteacutes longtemps apregraves leur apparition lorsque la norme nrsquoa pas reacuteussi
agrave srsquoimposer Face aux variations individuelles et collectives la langue normeacutee se veut homogegravene et
tire sa leacutegitimiteacute de lrsquoeacutecole
Un des comportements sociaux les mieux connus vis agrave vis de la langue est la normalisation
Fishman affirme que laquo la codification est lrsquoacceptation par une communauteacute drsquoun systegraveme formel
de normes qui deacutefinissent lrsquousage correct raquo
Qursquoest-ce que la norme ou lrsquousage correct de la langue laquo La norme est un recueil de perceptions consigneacutees dans des grammaires dites normatives et
correspondant agrave ce qursquoil faut dire pour se conformer au bon usage linguistique de la bonne
socieacuteteacute raquoDenise Franccedilois
Elle repreacutesente un choix approprieacute fondeacutes sur des preacutejugeacutes socioculturels et sur la notion de
niveaux de langues hieacuterarchiseacutees les classes dominantes et les bons auteurs emploient une langue
de qualiteacute qursquoil faut consideacuterer comme un modegravele
Parler de normes revient agrave se reacutefeacuterer agrave plusieurs acceptions
-un ensemble drsquointerdits de prescriptions sur des faccedilons de dire quelquefois accompagneacutees de
justifications de divers ordres
-tenir compte de cet ensemble de prescriptions crsquoest parler correctement sans faire de fautes
Les institutions de la norme sont
-Lrsquoeacutecole lrsquoeacutecole par le biais des grammaires et des enseignants tend agrave imposer agrave lrsquoenfant une
langue uniforme qursquoil nrsquoutilisera pas souvent ailleurs Par lrsquoenseignement de la grammaire elle
lrsquohabitue laquo non seulement agrave concevoir les reacutealiteacutes de la langue mais agrave reacuteprimer son goucirct naturel de
la parole pour substituer agrave la spontaneacuteiteacute langagiegravere une pratique eacutecrite conforme agrave des normes
rigoureuses raquo Elle lui impose de faire des phrases ainsi qursquoune prononciation de lecture standard
qui pour bon nombre drsquoenfants est artificielle cependant cette langue semblera toujours parce
qursquoimposeacutee par lrsquoeacutecole supeacuterieure agrave la sienne
-Lrsquoeacutecrit Lrsquoadministration prend le relais de lrsquoeacutecole pour perpeacutetuer la crainte de la faute et le
respect pour la langue eacutecrite laquo notre langue eacutecrite a plus de digniteacute que notre langue parleacutee
souvent fautive raquo Lrsquoopposition eacutecrit parleacute devient une opposition digne fautif Ceci appelle deux
remarques
La langue parleacutee comme la langue eacutecrite peut comporter tous les niveaux car rien nrsquoempecircche en
theacuteorie drsquoeacutecrire comme on parle ni de parler comme on eacutecrit
-De plus ces deux formes drsquoexpressions ont chacune une speacutecificiteacute de fonctionnement que la
deacutemarche normative semble ignorer Parler crsquoest construire un discours en train de se faire Le
locuteur improvise constamment ce qui lrsquoamegravene agrave heacutesiter agrave se reprendre agrave changer lrsquoorientation
de sa phrase agrave utiliser diverses strateacutegies agrave avoir recours agrave tous les proceacutedeacutes extra et
paralinguistiques regard mimiques gestes intonations Lrsquoeacutecrit nrsquoignore ni les heacutesitations ni les
reprises mais celles-ci disparaissent avec les brouillons Drsquoun point de vue linguistique il nrsquoy a
aucune raison drsquoopposer le parler et lrsquoeacutecrit de faccedilon hieacuterarchique puisque les deux domaines
fonctionnent diffeacuteremment
Une norme linguistique est un trait unificateur drsquoune socieacuteteacute tout le monde la connaicirct et sa
connaissance permet de distinguer les autochtones des eacutetrangers Mais mecircme dans le cas ougrave tout le
monde peut savoir quelles sont les variantes de statut supeacuterieur il nrsquoest pas neacutecessairement vrai que
tous voudront les adopter dans leur discours quotidien Certaines eacutetudes ont montreacute que les
reacuteactions subjectives aux variantes sociolinguistiques eacutetaient diffeacuterentes selon les classes et
impliquaient beaucoup plus qursquoune simple eacutechelle de prestige (cf Labov) Labov dans laquo
Sociolinguistique pp 250-251 339-340 418-419 raquo fait une distinction entre norme cacheacutees
voileacutees et norme manifestes normes stigmatiseacutees et norme accepteacutees Les variantes de statut eacuteleveacute
possegravedent un prestige manifeste elles sont associeacutees au pouvoir social indeacuteniable des locuteurs de
la classe supeacuterieure peuvent ecirctre la condition neacutecessaire drsquoaccegraves agrave des fonctions drsquoun statut plus
eacuteleveacute et sont promulgueacutees par les agents de la normalisation dans la socieacuteteacute tels que les meacutedias et
les instituteurs Mais pour beaucoup de locuteurs de la classe ouvriegravere ou de la petite bourgeoisie
les variables linguistiques laquo non standard raquo associeacutees agrave leurs groupes peuvent aussi posseacuteder un
prestige voileacute (covert prestige celui drsquoun groupe local de statut infeacuterieur) La signification sociale
de base de ces variables au prestige voileacute est celle de la solidariteacute une personne qui les utilise est
consideacutereacutee comme eacutetant un des leurs comme ami possible Pour certains groupes ces formes
peuvent signifier dureteacute ou viriliteacute
Pour compleacuteter vos connaissances dans le domaine de la norme reportez vous aussi sur le web agrave
un article dOlga Ozolina Quelques approches de leacutetude de la norme linguistique
Tout un cours eacutecrit par Benoiumlt Leblanc et Claude Tousignant de la Socieacuteteacute Saint-Jean-
Baptiste de la Mauricie sur la Norme linguistique mais aussi quelques autres notions
essentielles
Le franccedilais queacutebeacutecois problegraveme de norme Le texte de lintervention dAM Houdebine Norme et normes 1999
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Lrsquoapproche psychologique
A-Le bilinguisme infantile ou preacutecoce On parle de bilinguisme infantile quand il srsquoagit drsquoun enfant qui degraves sa naissance est
simultaneacutement confronteacute agrave deux systegravemes linguistiques diffeacuterents par exemple lorsque la megravere et le
pegravere parlent agrave lrsquoenfant chacun leur langue ou lorsqursquoune 3egraveme
personne parle une autre langue que
celle que parlent les parents En fait cette situation est plus rare que la situation de bilinguisme
preacutecoce ougrave lrsquoon a des enfants monolingues dans les premiegraveres anneacutees de leur enfance qui
apprennent ensuite une seconde langue soit par impreacutegnation du milieu familial et social soit agrave
lrsquoeacutecole Les eacutetudes agrave orientation psychologiques se proposent toujours diffeacuterents objectifs certaines
eacutetudes se proposent drsquoexaminer le comportement de lrsquoenfant qui est aussi tregraves tocirct mis en contact
avec 2 ou plusieurs langues en geacuteneacuteral ces eacutetudes essaient de deacuteterminer la conscience qursquoa
lrsquoenfant de parler ou de ne pas parler plusieurs langues on a 2 types de constatations qui
apparemment sont contradictoires
1-Il semble selon certaines expeacuteriences que les enfants acquiert les diffeacuterentes langues sans
srsquoen apercevoir On cite les propos drsquoun linguiste allemand bilingue qui degraves son plus jeune acircge agrave la
question raquo savez vous depuis le deacutebut que vous parliez deux langues Il reacutepondit laquo je suppose que
non je parlais spontaneacutement la langue de mon interlocuteur sans savoir ce que je faisais et cela
depuis le deacutebut comme jrsquoai pu le deacuteduire du teacutemoignage de mes parents
2- En face de ce premier type de recherche on a une autre type de recherche qui montre que les
enfants distingue assez tocirct entre 3 et 4 ans les diffeacuterents systegravemes qursquoil parle et preacuteciseacutement cette
capaciteacute de parler et la situation dans laquelle ils se trouvent tregraves vite ils perccediloivent ce qursquoon
attend drsquoeux dans la situation scolaire et dans la situation familiale ou amicale
Un autre facteur inteacuteressant crsquoest leur capaciteacute de traduire Renzo Titone cite le cas de conscience
diffeacuterentielle qui lui permet de diffeacuterencier les systegravemes ce qui implique que lrsquoenfant possegravede une
double compeacutetence crsquoest-agrave-dire une maicirctrise intuitive de regravegles et de meacutecanismes diffeacuterents
laquo Lrsquoenfant bilingue reacuteussit-il agrave faire le rapport entre les personnes et les situations distinctes et les
idiomes raquo
Lrsquoenfant pratique la diffeacuterenciation des systegravemes mais il ne possegravede pas la capaciteacute drsquoeacutenoncer de
formuler cette aptitude Il a une conscience intuitive qursquoil ne peut formuler
Le bilinguisme favorable ou deacutefavorable
La question souvent poseacutee est celle de savoir si le bilinguisme est favorable ou deacutefavorable
srsquoil est nuisible ou non Cette question est poseacutee agrave deux niveaux drsquoabord agrave propos des enfants on
se demande bien souvent si le bilinguisme est preacutejudiciable ou non au deacuteveloppement de lrsquoenfant
crsquoest agrave dire agrave son eacutequilibre psychologique affectif drsquoautre part si crsquoest preacutejudiciable agrave lrsquoacquisition
de sa langue maternelle et de sa langue Ces preacutesupposeacutes sont deacutementis par de nombreuses
expeacuteriences faites sur des enfants bilingues
Renzo Titone expose le cas drsquoun enfant qui apprend lrsquoallemand avec sa megravere et le franccedilais avec
son pegravere la prononciation fut celle drsquoun enfant unilingue degraves le deacutebut le bilinguisme ne retardera
pas le deacuteveloppement geacuteneacuteral du langage crsquoest agrave dire que lrsquoacquisition des deux langues nrsquoa pas
entraicircneacute de retard Les emprunts drsquoune langue agrave une autre reacuteitegraverent des cas isoleacutes Dans les deux
langues on assisteacute agrave un deacuteveloppement parallegravelement en phoneacutetique en morphologie en syntaxe
Lrsquoenfant devient tregraves vite conscient de son bilinguisme et traduisait les messages drsquoune langue agrave
une autre Il acquit le concept abstrait de langue Tous ces exemples donneacutes par Titone semblent
contredire la thegravese qui veut que le bilinguisme soit dangereux preacutejudiciable Mecircme thegravese
deacuteveloppeacutee par Abdellah Cheacuteriet pour qui le bilinguisme est contre reacutevolutionnaire dangereux
pour lrsquoauthenticiteacute et pour la langue arabe alors que Lacheraf eacutetait pour le bilinguisme
Selon Cheacuteriet le bilinguisme nrsquoest pas une voie reacutevolutionnaire pour lrsquoenseignement mais
bourgeoise car ce nrsquoest pas le bilinguisme qui donne au peuple sa formation socialiste De plus le
bilinguisme est contraire agrave lrsquoauthenticiteacute et le fait drsquoenseigner une langue eacutetrangegravere agrave lrsquoenfant
orientera sa mentaliteacute et donc son authenticiteacute
Remarque le bilinguisme est consideacutereacute sous un angle particulier on considegravere les deux
langues rivales Pourtant lrsquoAlgeacuterie est plurilingue et Cheacuteriet ne parle jamais des autres langues les
arguments avanceacutes sont biaiseacutes la reacutealiteacute linguistique nrsquoest jamais deacutecrite lrsquoarabe classique est
consideacutereacute comme une langue maternelle En fait le veacuteritable problegraveme dans des cas de bilinguisme
est la prise en charge peacutedagogique et un environnement harmonieux laquo En creacuteant un environnement
adapteacute le petit enfant pourrait tregraves bien apprendre deux langues ou plus sans grave difficulteacute et la
redoutable barriegravere linguistique serait deacutetruite agrave la base raquoTitone
3 Lrsquoapproche sociale On peut parler du bilinguisme social lorsqursquoon prend en consideacuteration lrsquoexpansion du
bilinguisme au niveau de toute une communauteacute Cette approche sociale traite drsquoun certains
nombres de questions
-le statut des langues en contact
-la distribution de ces langues crsquoest-agrave-dire comment les langues se distribuent-elles
parmi les locuteurs comment sont-elles pratiqueacutees par les locuteurs drsquoougrave lrsquoeacutetude drsquoun certains
nombre drsquoeacuteleacutements agrave prendre en charge la situation de communication lrsquoappartenance sexuelle
sociale on srsquoattache aussi au pheacutenomegravene de prestige de valorisation et de deacutevalorisation
pheacutenomegravene de meacutemorisation Crsquoest-agrave-dire lrsquoattitude du locuteur agrave lrsquoeacutegard de ceux qui parlent
-les problegravemes de planification linguistique Elle prend aussi en charge le retentissement
de tous les eacuteleacutements au niveau de la dynamique des langues crsquoest agrave dire la capaciteacute drsquoeacutevolution de
stagnation de vie ou de mort des langues quels sont les symptocircmes qui permettent de reconnaicirctre
ces pheacutenomegravenes
Lrsquoimportance de ces pheacutenomegravenes sociaux se manifeste dans lrsquoexemple que nous
empruntons agrave Juliette Garmadi 1981 La sociolinguistique PUF Paris concernant le cas du
Vaupegraves reacutegion qui se situe au centre de lrsquoAmazonie avec une frontiegravere commune agrave la Colombie et
au breacutesil
Quelles sont les caracteacuteristiques sociales de cette reacutegion il srsquoagit drsquoune population
indienne qui vit dans des habitations disperseacutees cependant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune
population seacutedentaire bien qursquoil lui arrive de se deacuteplacer Il y a plusieurs niveaux de structuration
sociale de cette population elle est structureacutee en uniteacutes deacutefinies par un seul critegravere lrsquouniteacute
linguistique Chaque groupe drsquoindividus parlant la mecircme langue est consideacutereacute comme appartenant
agrave la mecircme tribu La tribu est deacutefinie par la langue du pegravere donc tous ceux qui ont utiliseacutes degraves leur
enfance la langue du pegravere font partie de la mecircme tribu Crsquoest donc la langue du pegravere qui confegravere
lrsquoidentiteacute au groupe agrave la tribu Un indien de cette tribut doit se marier avec une femme drsquoune autre
tribu obligatoirement donc parlant une autre langue sinon cela est consideacutereacute comme un inceste
Exemple un enfant appartenant agrave une tribu doit avoir comme premiegravere langue la langue de son
pegravere la megravere est tenue drsquoapprendre la langue de son mari mais elle peut aussi parler sa langue avec
les autres femmes elle communique avec son fils la langue de son mari
Quels sont les points que suscite lrsquoattention du linguiste par rapport au vaupeacutes
-Au niveau de lrsquoeacutetendue du bilinguisme
Le plurilinguisme pourrait ecirctre envisageacute dans cette reacutegion agrave plusieurs niveaux au niveau familial
ou cellule nucleacuteaire Au niveau de la tribu au niveau du Vaupegraves
Selon Juliette Garmadi il y a une stabiliteacute du plurilinguisme que lrsquointroduction du portugais et de
lrsquoespagnol dans la reacutegion ne semble pas remettre en cause Elle affirme une des premiegraveres
conclusions que lrsquoon peut tirer de lrsquoeacutetude de la situation du Vaupegraves est que les socieacuteteacutes complexes
ne sont pas les seules garantes possibles de la stabiliteacute du plurilinguisme Elle veut dire que lrsquoon
aurait tendance agrave croire qursquoune situation comme le vaupeacutes avec lrsquoaccord de la colonisation aurait
pu voir son plurilinguisme ceacuteder devant la langue du colonisateur or il nrsquoen est rien car le
plurilinguisme du Vaupegraves se maintient tregraves bien Donc les socieacuteteacutes stables ne sont pas les seules
garantes de la stabiliteacute
Lrsquoexistence du plurilinguisme et de sa stabiliteacute ne sont lieacutees ni agrave des types drsquoinstitutions preacutecises ni
au nombre des locuteurs ni agrave la dimension ni agrave la densiteacute drsquoun pays
Juliette Garrmadi agrave travers lrsquoexemple du Vaupegraves semble remettre en question toutes ces
hypothegraveses
-Au niveau psychologique du bilinguisme
Au niveau psychologique le plurilinguisme peut ecirctre preacutecoce ou tardif ce bilinguisme est aussi
eacutequilibreacute car les langues acquises dans lrsquoenfance le sont avec une maicirctrise eacutegales
-Au niveau linguistique et seacutemio culturel
Au niveau des systegravemes culturels transmis par le langage on peut parler de bilinguisme composeacute
crsquoest agrave dire que les langues parleacutees reacutefegraverent agrave une mecircme situation seacutemio culturelle que les langues
indiennes parleacutees dans le Vaupegraves renvoient au mecircme reacutefeacuterent culturel dans la mesure ougrave la culture
indienne de cette reacutegion est homogegravene et que toutes les langues parleacutees sont le veacutehicule de cette
culture homogegravene ce qui peut se traduire en disant que les enfants du Vaupeacutes ont un seul systegraveme
de signifieacute mais qursquoils ont pour le traduire diffeacuterents signifiants correspondant aux diffeacuterentes
langues qursquoils parlent Crsquoest dans ce cas que lrsquoon parle de bilinguisme composeacute car ce dernier
implique theacuteoriquement la permeacuteabiliteacute des systegravemes linguistiques en contact crsquoest-agrave-dire qursquoil y a
tregraves souvent passage drsquoune langue agrave une autre il y a interfeacuterence agrave tout niveau phonologique
lexical et syntaxique
Conclusion
Si lrsquoon srsquoen tient au cas du Vaupeacutes on peut dire agrave propos de lrsquoAlgeacuterie qursquoelle preacutesente bien une
situation de plurilinguisme social Ce bilinguisme peut ecirctre caracteacuteriseacute agrave la fois comme preacutecoce et
tardif(beaucoup drsquoenfants apprennent les langues dans leur petite enfance mais aussi agrave lrsquoeacutecole) Ce
bilinguisme est aussi eacutequilibreacute il est plutocirct coordonneacute que composeacute car le reacutefeacuterent seacutemioculturel du
kabyle et du franccedilais est diffeacuterent du kabyle et de lrsquoarabe le franccedilais lrsquoest aussi
Cours 4
Bilinguisme et diglossie
1-Introduction
Dans une situation de contact de langues le statut de chaque langue varie suivant les rapports de
domination entre les groupes qui les parlent et les perceptions que les individus ont de ces rapports
Il srsquoensuit que les usages langagiers varient dans lrsquoespace social et geacuteographique en fonction de ces
rapports intergroupes si ces rapports changent les rapports de statut et donc les usages eux-mecircmes
varieront Crsquoest agrave de tels pheacutenomegravenes de variations sociolinguistiques que nous allons nous
inteacuteresseacutes En premier lieu nous examinerons le pheacutenomegravene de diglossie qui reacutesulte de relation de
statuts entre une langue et une varieacuteteacute de langue super-ordonneacutee et une autre langue ou varieacuteteacute de
langues subordonneacutees dont les usages respectifs sont en distribution compleacutementaire plus ou moins
stable dans une socieacuteteacute donneacutee
Selon Mackey laquo une socieacuteteacute dont tous les membres seraient capables de comprendre lire parler et
eacutecrire deux langues utiliseacutees dans cette socieacuteteacute devrait sans doute abandonner une de ces langues
car elle serait redondante Autrement dit pour que deux ou plusieurs langues survivent dans une
socieacuteteacute il est neacutecessaire qursquoelles remplissent des fonctions compleacutementaires-soit qursquoelles sont
utiliseacutees par tous les locuteurs pour des fonctions et dans des domaines distincts soit qursquoelles sont
utiliseacutees par des locuteurs appartenant agrave des groupes ethnolinguistiques diffeacuterents soit qursquoun
groupe parle la langue dominante lrsquoautre groupe la langue domineacutee avec entre les deux des
individus bilingues qui parlent la langue de lrsquoun et de lrsquoautre
1-Deacutefinition et historique de la diglossie
La notion de diglossie (du grec ancien diglottos signifiant bilingue) est un concept
sociolinguistique deacuteveloppeacute par Ferguson(1959) pour deacutecrire toute situation dans laquelle deux
varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue sont employeacutees dans des domaines compleacutementaires lrsquoune de ces
varieacuteteacute eacutetant geacuteneacuteralement de statut socialement supeacuterieur agrave lrsquoautre
Dans un sens large la diglossie existe dans toutes les socieacuteteacutes ougrave lrsquousage quotidien diffegravere
sensiblement de la norme officielle il faut que chaque varieacuteteacute soit utiliseacutees de maniegravere
systeacutematique par exemple une varieacuteteacute est employeacutee dans les domaines formelles comme
lrsquoadministration la religion la poeacutesie alors que lrsquoautre est reacuteserveacutee agrave la conversation courante aux
discussions informelles agrave la correspondance non officielle Fergusson qualifie ces deux varieacuteteacutes
lrsquoune haute et lrsquoautre basse Exemple Le monde arabe lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal La
Gregravece le grec le katharevousa et le grec populaire le dhimotiki
Le terme de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Fishman (1967) agrave lrsquousage compleacutementaire institutionnaliseacute
de deux langues distinctes dans une communauteacute donneacutee Cette situation de diglossie se caracteacuterise
par un certain nombre de traits
-La fonction la fonction des deux varieacuteteacutes H et L nrsquoest pas la mecircme il y a reacutepartition de chacune
drsquoentre elles selon les situations de communication
-la notion de prestige on se place ici au niveau de lrsquoattitude des locuteurs qui ont tendance agrave
qualifier H de supeacuterieure de plus belle de plus logique de plus apte agrave exprimer les penseacutees
importantes Ils affirment aussi qursquoils preacutefegraverent entendre un discours politique dans cette varieacuteteacute La
varieacuteteacute L est consideacutereacutee comme eacutetant infeacuterieure incapable drsquoexprimer un discours litteacuteraire
-La litteacuterature eacutetant reacutedigeacutee dans la varieacuteteacute haute elle contribue agrave ce que cette derniegravere soit tenue
dans sa plus haute consideacuteration
Le mode drsquoacquisition La varieacuteteacute basse est geacuteneacuteralement la langue maternelle son acquisition se
fait par lrsquousage donc au sein de la famille La varieacuteteacute haute srsquoapprend agrave lrsquoeacutecole
-La standardisation constitueacutee par la moyenne des usages des locuteurs ex le franccedilais standard
constitue la norme
-La stabiliteacute la situation de diglossie est passagegravere soumise agrave lrsquoeacutevolution Le rapport entre une
langue H et une langue L est ponctuel eacutepheacutemegravere susceptible drsquoeacutevolution
En fait dit Fergusson il nrsquoen est rien La situation de diglossie se caracteacuterise par la stabiliteacute elle
peut durer plusieurs siegravecles Srsquoil y a eacutevolution crsquoest par lrsquointermeacutediaire drsquoune forme de langue
intermeacutediaire qui ne remet pas en cause veacuteritablement le rapport entre H et L comme par exemple
lrsquoarabe classique et lrsquoarabe dialectal
Le concept de diglossie a eacuteteacute eacutetendu par Gumperz(1971) aux socieacuteteacutes multilingues dans le sens ougrave
celles-ci peuvent utiliser diffeacuterentiellement plusieurs codes (langues dialectes) dans des domaines
et des fonctions compleacutementaires comme lrsquoInde qui a deux langues officielles hautes le hindi et
lrsquoanglais en plus des langues reacutegionales
2-Le rejet de la notion de diglossie
-Martinet utilise plusieurs eacuteleacutements pour remettre en cause la notion de diglossie
Selon Martinet Fishman et Gumperz adoptent la notion de diglossie pour des raisons
sociologiques pour marquer la distinction bilinguisme individuel versus bilinguisme social La
diglossie implique le bilinguisme communautaire
Dans cette perspective on ne voit pas ce que la distinction bilinguisme diglossie apporterait de
nouveau par rapport au bilinguisme individuel et bilinguisme social
Martinet rappelle que la hieacuterarchie entre les langues nrsquoest pas absolue il nrsquoest pas toujours possible
dans toutes les situations linguistiques de deacuteterminer la hieacuterarchie Exemple le Canada
Lrsquoanglais est reacuteserveacute au domaine eacuteconomique et technique le franccedilais est reacuteserveacute au domaine
culturel Ces deux langues sont des langues de prestige bien qursquoelles ne soient pas sur un pied
drsquoeacutegaliteacuteccedila eacutetait la langue de lrsquoeacuteglise or nous dit-il cet argument nrsquoest plus valable car la
katareacuterouza a beaucoup eacutevolueacute par rapport agrave la langue religieuse
Le second argument de Drettas est la remise en cause du systegraveme de standardisation retenue par
Fergusson pour lui on ne peut retenir ce critegravere dans la mesure ougrave le corpus de reacutefeacuterence est
heacuteteacuterogegravene
3- La situation de lrsquoAlgeacuterie
Fergusson considegravere les pays arabes comme un des cas les plus anciens et les plus stables de
diglossie Tout le monde reconnaicirct le prestige de la langue arabe classique
Qui deacutecide de ce prestige Peut on dire drsquoune langue que les locuteurs refusent de parler qursquoelle
nrsquoest pas prestigieuse
Tous les grammairiens qui procircnent la disparition des dialectes au profit de lrsquoarabe classique sont
obligeacutes de reconnaicirctre que ces derniers sont bien vivants les grammairiens parlent de difficulteacute agrave
enseigner une locuteurs natifs il nrsquoexiste pas dans le monde arabe de personnes dont la langue
maternelle est la langue standard
Le prestige de la langue tient essentiellement du mythe nous avons lagrave lrsquoexemple drsquoun discours sur
les langues que les grammairiens les linguistes lrsquoeacutelite intellectuelle ont eacutetabli et qursquoils perpeacutetuent
avec la compliciteacute des instances officielles sans jamais se poser la question de lrsquoadeacutequation de ces
discours agrave la reacutealiteacute des pratiques linguistiques
4-Les tenants de la notion deacutefense et illustration de la diglossie
La deacutefense de la diglossie se fait selon deux axes principaux
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
-La diglossie expression et moyen drsquoun conflit social
-La diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute
A partir de la distinction entre varieacuteteacute H et varieacuteteacute L eacutetablie par Ferguson se construit une autre
signification celle de la diglossie symbole ou manifestation de lrsquoineacutegaliteacute Il srsquoagit drsquoineacutegaliteacute au
niveau de lrsquoutilisation des deux langues mais aussi des attitudes et repreacutesentations que les locuteurs
ont agrave propos de ces langues Ces deux aspects sont tregraves importants Le terme de diglossie permet
drsquoinsister sur cette ineacutegaliteacute qui peut ecirctre quantitative lorsqursquoil srsquoagit de lrsquoextension drsquoemploi de
ces langues ainsi la varieacuteteacute H a geacuteneacuteralement une zone drsquoextension plus grande que la varieacuteteacute B
On peut parler drsquoineacutegaliteacute qualitative lorsque les langues en preacutesence ont le mecircme statut
-Bilan de La sociolinguistique dans le domaine arabearabophone
Essor tardif malgreacute la richesse du champ puisque aireegravere immenses
Pendant toute la premiegravere partie du XXegraveme siegravecle (Auparavant voir P Larcher) les eacutetudes arabes
ont eacuteteacute diviseacutees en deux grands domaines qui se recoupaient tregraves peu
a) lrsquoeacutetude la langue arabe classique b) eacutetudes dialectales
Dans les deux cas les auteurs visent agrave des descriptions de systegravemes plus ou moins homogegravenes et
stables En ce qui concerne eacutetudes dialectales description qui repose souvent sur le parler drsquoun ou
deux informateurs supposeacutes repreacutesenteacutes lrsquoensemble de leur communauteacute le parler du Caire le
parler de Cherchell le parler de Tunis etc et parfois mecircme le parler eacutegyptien le parler syrien etc
Preacutecurseurs la dialectologie et linguistique historique
Il y a quand mecircme une linguistique historique qui se pose la question de la formation de lrsquoarabe
classique ou dialectale en particulier en ce qui concerne la peacuteriode preacuteceacutedant et suivant la conquecircte
avec des questions comme est ce que lrsquoarabe classique srsquoest constitueacute sur une koineacute poeacutetique
litteacuteraire ou sur une koinegrave dialectale etc (cf P larcher) Autour de cette question de la formation
de lrsquoarabe de la deacutefinition drsquoune koinegrave qursquoil srsquoagisse drsquoune koinegrave litteacuteraire ou dialectale on aborde
les questions de contact drsquoeacutevolution de varieacuteteacutes
-Deacutefinition drsquoune koinegrave = Varieacuteteacute neacutee du contact de diffeacuterentes varieacuteteacutes drsquoune mecircme langue qui
se deacutelocalise dans le sens que nrsquoest plus le symbolelrsquoeacuteleacutement identificateur drsquoun groupe
socialement et geacuteographiquement distinct et qui de ce fait tend agrave eacuteliminer les traits les plus
particuliers les plus saillants des varieacuteteacutes en contact et tend agrave conserver les traits communs
(beaucoup plus compliqueacute que cela mais tendance geacuteneacuterale)
Donc un certain nombre de travaux autour de ces questions par des gens qui ne se deacuteclarent pas
comme des sociolinguistes mais plutocirct comme des historiens de la langue ou des linguistes Fuumlck
Ferguson Blau Cohen etc etc Relient analyse historico sociale et analyse linguistique mais les
eacuteleacutementspreuves de leur argumentation sont surtout baseacutes sur des eacuteleacutements linguistiques (liste des
traits pour la koinegrave urbaine de Ferguson ou de Cohen ou plus tard de Vesteegh pour sa theacuteorie de la
pidginisationcreacuteolisation) cf on prend un certain nombre de traits des dialectes arabes
contemporains et on les compare a) avec arabe classique et b) avec les eacuteleacutements de dialectologie
historique dont on dispose et on essaie de montrer que relegravevent ou pas drsquoun processus de
koineacuteisation
Tous ces travaux autour des questions de koinegrave litteacuteraire et surtout koinegrave dialectale sont importants
car vont eacutetablir des cateacutegories dialectales baseacutees sur des critegraveres sociaux ethniques cf la distinction
entre parlers dits nomadesbeacutedouins censeacutes ecirctre plus laquo conservateurs raquo (donc avoir gardeacutes des traits
des parlers preacute-Jahili) et parlers seacutedentaires consideacutereacutes comme laquo plus innovants raquo et agrave lrsquointeacuterieur
de ces parlers seacutedentaires les parles urbains consideacutereacutes comme eacutevidemment les plus laquo mixtes raquo car
issus soit du contact entre des dialectes diffeacuterents (koinegrave) soit du contact entre des arabophones et
des non arabophones (langue de contact)
(Pour toutes ces questions de dialectologie historiques et de cateacutegorisation etc je vous renvoie aux
laquo pegraveres laquo de la dialectologie arabe cf en franccedilais Cantineau William et Philippe Marsais pour le
Maghreb Colin etc Ces cateacutegories sont elles mecircmes inspireacutees des eacutecrits de Ibn Khaldoum
VI-2-3- Le deacuteveloppement de la dialectologie
Crsquoest agrave partir de ces cateacutegories dialectales qui se distingueraient pas des traits linguistiques
particulier que se sont deacuteveloppeacutes au Moyen Orient quelques travaux fondateurs comme ceux de
Haim Blanc sur Baghdad (1966) puis de Clive Holes sur Bahrain (1987) et au Maghreb une
sociolinguistiquedialectologie laquo urbaine raquo avec des gens comme Leila Messaoudi (Rabat)
Dominique Caubet (Fegraves) etc et tous les travaux en dialectologie urbaine qui ont montreacute que
diffeacuterentes varieacuteteacutes coexistaient dans une mecircme ville en fonction des appartenances
laquo communautaires raquo crsquoest agrave dire soit appartenance religieuse (juive chreacutetienne musulmane) ou
reacutegionales ou ethniques etc et qui ont pu eacutetudier aussi le renouvellement des parlers urbains en
montrant comment des nouveaux flux de populations drsquoorigine rurale transformaient les anciens
parlers urbains et provoquaient des pheacutenomegravenes de koineacuteisation Mais au Maghreb on reste le plus
souvent dans la dialectologie urbaine plus que dans la sociolinguistique dans le sens ougrave le plus
souvent on identifie un groupe agrave une varieacuteteacute sans deacutecrire les pheacutenomegravenes de variations
drsquoalternance individuelles La personne la plus repreacutesentative de ce courant me semble Leila
Mesaoudi (2003) qui se basant sur les travaux drsquoeacutetudes urbaines (cf Mohamed Naciri pour le
Maroc) a deacuteveloppeacute une opposition entre parler citadinparler urbain et montreacute combien les anciens
parler citadins (preacute-hilalien et andalou) eacutetaient actuellement en deacuteclin face aux nouvelles koineacute
urbaines a fort traits beacutedouins raquo
Crsquoest surtout chez les anglo - saxons et au Mashrek que lrsquoon voit se deacutevelopper une
sociolinguistique variationiste urbaine avec des gens comme Clive Holes Abdel Jawad Ibrahim
Muhamed Amara Niloofar haeri Enam Al Wer etc qui eacutetudient comment eacutevoluent les usages
linguistiques des diffeacuterents types de locuteurs en fonction de leur acircge sexe degreacute drsquoeacutetudes origine
reacutegionale etc Etudes qui analysent principalement les variantes phonologiques comme la
reacutealisation du (q) en q g k la reacutealisation des inter dentales des diphtongues etc Ces
variantes phonologiques sont consideacutereacutees comme des marqueurs de telle ou telle varieacuteteacute cf le (q)
crsquoest agrave la fois classique et certains parlers urbains le g crsquoest plutocirct ruralbeacutedouin mais devenu
urbain dans de nombreux cas le crsquoest plutocirct urbain etc etc Donc on eacutetudie la reacutealisation de ces
variantes aupregraves drsquoun certain nombre de locuteurs et on croise les variables linguistiques avec des
critegraveres sociaux (acircge sexe eacuteducation etc) et on en conclut que dans tel ou tel milieu urbain
lrsquoeacutevolution linguistique va dans le sens du deacuteveloppement de telle ou telle varieacuteteacute de langue
Ce type drsquoeacutetude qui a repris au deacutebut les concepts meacutethodologie variationiste labovienne
deacuteveloppeacute aux USA GB etc srsquoest drsquoabord heurteacute agrave une application trop meacutecaniste de la deacutemarche
labovienne et a du srsquoadapter au contexte arabophone qui est un peu plus speacutecifique du fait de la
fameuse question de la diglossie la varieacuteteacute haute des villes europeacuteennes = la varieacuteteacute parleacutee par
lrsquoeacutelite de ces villes donc standard urbain = varieacuteteacute haute prestigieuse que les autres locuteurs
essaieront ou pas de reproduire en fonction des contextes urbains Les innovations souvent
introduites par les membres des classes moyennes et se diffusent vers le haut puis repris par le
bas etc Les femmes des couches populaires ont tendance agrave reprendre plus vites les variantes
prestigieuses les hommes des milieux populaires sont plus conservateurs
Dans le monde arabe on a commenceacute agrave faire une adeacutequation entre varieacuteteacute haute et fusha
(classiquemoderne) et agrave voir comment les locuteurs des diffeacuterents parlers dialectales acqueacuteraient
ou pas les marqueurs de cette varieacuteteacute haute (donc par exemple la reacutealisation du fameux (qaf) Et
puis on srsquoest rapidement aperccedilu que parallegravelement au fusha il y avait drsquoautres varieacuteteacutes prestigieuses
en particulier les varieacuteteacutes urbaines dans un certain nombre de grand centres urbains comme le
Caire Jeacuterusalem etc les migrants drsquoorigine rurale et surtout les femmes pouvaient privileacutegier la
norme urbaine sur celle du fushahellip (Palva 1982 Ibrahim 1986 etc) Ce qui a ameneacute un certain
nombre de travaux en cours agrave srsquointerroger sur la question de la norme du standard en arabe sur
lrsquoimpact de lrsquoeacuteducation (Nilofar Haeri Enam Al Wer) et donc par ricochet ont deacuteveloppeacute une
critique drsquoune conception qui se voulait plus ou moins universalisante agrave la Bourdieu les classes
dominantes se caracteacuteriseraient par leur maicirctrise de la norme langagiegravere qursquoelles imposent aux
autres Dans le monde arabe on voit que lrsquoune des normes prestigieuses est supposeacutee ecirctre le fusha
norme que peu de gens maicirctrisent dans leur vie quotidienne les eacutelites sont plutocirct plurilingues et pas
toujours tregraves arabiseacutees (ce sont souvent plutocirct les membres des classes moyennes qui ont suivit leur
eacuteducation en arabe) lrsquoautre norme peut ecirctre le vernaculaire urbain (mais pas toujours comme on le
voit pour un certain nombre de vieilles citeacutes maghreacutebines) mais cela peut ecirctre aussi une norme
beacutedouine + - ideacutealiseacutee comme cela semble ecirctre le cas en Jordanie ou face agrave la preacutesence des
palestiniens irakiens syriens etc laquo les vrais hommes jordaniens raquo semblent revendiquer une
norme locale plus beacutedouine
Bref lrsquoensemble de ces travaux plus ou moins reacutecents sur la dialectologiesociolinguistique urbaine
ont eu le meacuterite de mettre en relief la diversiteacute des situations la complexiteacute historique du
deacuteveloppement de certains parlers la pluraliteacute des normes Beaucoup de travail reste agrave faire dans
ce domaine ougrave les vraies eacutetudes de terrain baseacutees sur des corpus restent rares Deux
exemples proches celui de Casablanca et de lrsquoarabe dit marocain Alors que le Maroc est lrsquoun des
pays ougrave lrsquoon dispose drsquoune tradition dialectologique riche et de nombreux travaux contemporains
(en particulier avec les espagnols mais aussi des auteurs marocains) on srsquoaperccediloit que si lrsquoon
connaicirct un peu lrsquohistoire de la formation du parler de Casablanca au deacutebut du XXegraveme s et son
expansion on ne dispose drsquoaucune description sociolinguistique reacuteelle et on reste dans une grande
confusion entre la koinegrave marocaine et le parler de Casablanca De mecircme pour Alger la capitale de
lrsquoAlgeacuterie qui a connu une expansion consideacuterable agrave une politique drsquoarabisation plus ou moins
reacuteussie et accepteacutee quel(s) type(s) drsquoarabe se deacuteveloppent actuellement Y a t il deacuteveloppement
drsquoune koinegrave influence croissante de fusha ou au contraire deacuteveloppement croissant du code
swtiching ou les deux etchellip autant de questions qui nrsquoont pas encore eacuteteacute traiteacutees de faccedilon
satisfaisante
Il apparaicirct enfin que la sociolinguistique arabophone srsquoest peu deacuteveloppeacutee dans un cadre
interactioniste Neacutecessiteacute de deacutevelopper lrsquoanalyse interationnelle de preacutesenter des corpus en action
et de sortir un peu des approches variationistes ou des listes drsquoisoglosses
La question de la diglossie et du continuum dialectalefusha
Crsquoest un des domaines qui a eacuteteacute le plus abordeacute en sociolinguistique arabe agrave la fois dans une
approche du contactcode switching et une approche attitudinales Massivement investi par les
anglo-saxons Donc les articles fondateurs sur la Diglossie Marccedilais +- inaperccedilu Ferguson qui a eu
un impact consideacuterable et de lagrave tout un courant pour savoir la nature le type de diglossie la mise
en eacutevidence niveaux intermeacutediaires entre les deux pocircles etc
Deux grandes tendances
- celles qui consistent agrave nommer et agrave caracteacuteriser des varieacuteteacutes intermeacutediaires entre le pocircle bas
(dialecte) et le pocircle (haut) fusha On va de 3 45 avec des notions comme lsquoammiya al-muthaqafin
(Educated Spoken Arabic) Tendances deacuteveloppeacutees par des gens comme lrsquoeacutecole de Leeds Said El-
badawi au Caire etc Mais ces travaux se heurtent agrave la difficulteacute de trouver des laquo fontiegraveres raquo claires
entres les diffeacuterentes varieacuteteacutes intermeacutediaires
- lrsquoautre tendance est de consideacuterer qursquoil y a deux pocircles + - abstraits et un continuum entre les
deux pocircles sans qursquoil soit possible drsquoisoler des varieacuteteacutes speacutecifiques entre les deux A partir de cette
conception en continuum on peut eacutetudier comment se fait le meacutelange des deux codes et appliquer
un certain nombre de regravegles et meacutethodes reprises des eacutetudes sur le Code Switching et lrsquointerlangue
cela va donc des contraintes syntaxiques de lrsquoeacutepoque Poplack agrave la theacuteorie de la Matrix language de
Myers Scotton (beaucoup drsquoarticles parus dans les volumes de Aspects of Arabic Linguistics et
eacutegalement lrsquoouvrage collectif de Rouchdy 2002 par ex cf les travaux de Gunvor Medjell etc)
Ces travaux ont reccedilu un bon eacutecho dans le monde arabe en geacuteneacuterale car permettent tout en restant
dans lsquodu politiquement correcte raquo de travailler sur de lrsquoarabe moderne de sortir un peu du carcan
du classique sans faire de la laquo dialectologie raquo qui reste une discipline encore trop souvent
consideacutereacutee comme laquo orientalisanteraquo
Les travaux sur le code switching et le continuum ne pacirctissent pas drsquoune image deacutefavorable agrave
lrsquoinverse de la dialectologie qui reste entacheacutee drsquoune reacuteputation de laquo science coloniale raquo Le
domaine des eacutetudes sur diglossieCS reste prolifique et les eacutetudes montrent que la frontiegravere entre le
fusha et le dialectale sont extrecircmement poreuses des domaines reacuteserveacutes au fusha sont de plus en
plus peacuteneacutetreacutes par le dialectal incluant lrsquoeacutecrit (journalistique le roman les publiciteacutes) et tout le
domaine relevant de lrsquooral officiel (les discours publiques les meacutedias etc) et vice versa
lrsquoinfluence principalement lexicale et phonologique du fusha se fait sentir dans lrsquooral dialectal via
eacuteducationmeacutedia certaine deacutemocratisation Il y a de grand corpus en ligne (voir les ameacutericains
comme Parkinson)
On peut se demander si cette porositeacute entre les deux pocircles reflegravete une eacutevolution contemporaine ou
si elle existait auparavant mais nrsquoavait pas eacuteteacute eacutetudieacutee Si on observe le passeacute avec minutie on
constate a) que lrsquoeacutecrit a toujours eacuteteacute +- marqueacute par le dialectal cf le fameux moyen arabe et b)
que les supposeacutees populations analphabegravetes parlant le dialectal avaient un contact avec lrsquoarabe
classique via lrsquoenseignement religieux la poeacutesie sufi etc et donc il y a certainement eu et de la
part des orientalistes et des panarabistes une sureacutevaluation de cette diglossie
Ce qui semble clair cependant crsquoest que par rapport agrave certains pronostiques des anneacutees 50-60 (les
indeacutependances) crsquoest que lrsquoarabe standard moderne ne srsquoest pas imposeacute comme unique meacutedium de
communication dans lrsquoensemble du monde arabe que les laquo dialectes raquo parlers locaux eacutevoluent
mais se maintiennent plus qursquoon aurait pu le croire puisqursquoon voit mecircme resurgir des
reacutegionalismes locaux
Un domaine qui reste agrave explorer pour les deacutecennies agrave venir eacutemergence ou pas de laquo langues
parlers raquo nationauxreacutegionaux A lrsquointeacuterieur drsquoun mecircme pays est ce que sont les tendances agrave la
koineacuteisation ou le maintien des diffeacuterences qui va lrsquoemporter est-ce que ces hypotheacutetiques
varieacuteteacutes nationales seront reconnues comme telles On entend parler drsquoarabe eacutegyptien marocain
algeacuterien syriens Ce sont en grande partie des fictions qui deacutesignent en geacuteneacuterale les varieacuteteacutes parleacutees
dans les capitales mais qui ne sont pas institutionnaliseacutees ni reconnues comme des langues
officielles et dont le rayonnement nrsquointerdit pas le maintien drsquoautres varieacuteteacutes plus locales ou
reacutegionales Mais il y a toujours eu des mouvements militant (mais toujours tregraves minoritaires) pour
lrsquoinstitutionnalisant de ces laquo langues nationales raquo et la rupture avec le fusha cf au Liban en Egypte
au Maroc actuellement (cf le numeacutero de la revue Tel Quel Darja notre langue nationale) On
retrouve donc toujours lrsquoopposition entre ceux qui ont une vision discontinuiste (ammiyya et fusha
sont des systegravemes fondamentalement diffeacuterents) et ceux qui ont une vision plus continuiste
(ammiyya et fusha se complegravetent)
Autres domaines de la Sociolinguistique arabe en deacuteveloppement
- Lrsquoahelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip maternelles en contexte migratoire des regravegles du CS etc
Un autre domaine est lrsquoinfluence de cet arabe de diaspora dans les pays drsquoaccueil cf dans la
creacuteation artistique contemporaine les parlers des jeunes etc (la musique les blagues etc cf les
travaux de Dominique Caubet etc)
CONCLUSION Le terme sociolinguistique implique donc une sensibiliteacute une approche et une meacutethodologie
particuliegraveres partir du reacuteel du concret ecirctre agrave lrsquoeacutecoute des faits de langue de variation se dire que
le marginal le particulier sont toujours instructifs que les langues sont toujours en perpeacutetuel
construction et que les humains sont les acteurs de ces constructions Crsquoest un peu comme un
historien qui deacutecide de sortir de lrsquohistoire officielle de la Cour et des Grands pour srsquointeacuteresser agrave
lrsquohistoire sociale crsquoest plus difficile cela demande de plonger dans des archives plus ou moins
accessibles lisibles etc Pour le linguiste cela demande de recueillir des corpus et de prendre le
temps de les eacutecouter analyser transcrire
Le deacuteveloppement drsquoeacutetudes avec une sensibiliteacute sociolinguistique a permis de sortir drsquoun certain
carcan imposeacute agrave la fois par de nombreux laquo orientalistes raquo et par lrsquoideacuteologie pan arabe des eacutetats
arabes lrsquoarabe est de plus en plus reconnue comme une langue plurielle ayant subi des
deacuteveloppements diffeacuterents selon les lieux et les contextes jouant des rocircles diffeacuterents etc
Pour le moment on sent bien qursquoil y a cependant un fosseacute entre ces avanceacutees et les politiques
didactiques par exemple lrsquoenseignement de lrsquoarabe reste extrecircmement probleacutematique et figeacute tant
dans les pays dits arabophones que dans les pays a forte minoriteacutes non arabophones Alors que par
exemple lrsquoenseignement du FLE ou ALE a totalement inteacutegreacute un certain nombre drsquoacquis de la
sociolinguistique pragmatique linguistique discursive il ne semble pas que ce soit le cas avec
lrsquoarabe malgreacute le nombres drsquoinstituts eacutetrangers ou arabes qui se penchent sur la question
Cours 5 ATTITUDES ET REPRESENTATIONS
Le pheacutenomegravene repreacutesentationnel est un pheacutenomegravene qui a drsquoabord inteacuteresseacute les sciences humaines la psychologie la sociologie lrsquoanthropologie bien avant la linguistique et disposent au cœur de ces sciences drsquoun savoir theacuteorique Il recouvre tout le champ qursquoon nomme repreacutesentations linguistiques langagiegraveres ou sociolinguistiques discours sur les langues attitudes linguistiques jugement sur les langues rapports subjectifs agrave la langue imaginaire linguistique Cependant chaque appellation teacutemoigne drsquoun certains point de vue Guenier deacutefinit les repreacutesentations comme laquo une forme courante et non savante de connaissances
socialement partageacutees qui contribue agrave une vision de la reacutealiteacute commune agrave des ensembles sociaux et
culturels raquo(repreacutesentations linguistiques in Moreau Sociolinguistique concepts de base Mardaga
liegravege 1996 p146)
Deux caractegraveres sont agrave relever dans cette deacutefinition
_Le caractegravere non savant des repreacutesentations il srsquoagit drsquoune forme de connaissance qui ne repose
sur aucune rationaliteacute crsquoest une connaissance intuitive purement subjective Branca-Rosoff citeacute
par Boyer in Sociolinguistique territoire et objets p79 deacutesigne ce pheacutenomegravene laquo drsquoopinions
steacutereacuteotypeacutees raquo Crsquoest donc une certaine vision une certaine perception que les locuteurs ont de
leurs langues et de celles des autres
- Les repreacutesentations linguistiques sont socialement eacutelaboreacutees et partageacutees par tous les membres
drsquoune socieacuteteacute Elles fonctionnent comme des normes sociales ideacutee partageacutee par Labov qui les
situent entre la norme ideacuteologique et les usages effectifs Pour ce dernier la norme sociale est le
fondement mecircme de la communauteacute linguistique qui ne se deacutefinit plus comme un ensemble de
locuteurs partageant les mecircmes usages (au niveau des pratiques elle est plutocirct heacuteteacuterogegravene) mais
comme un ensemble de locuteurs partageant des normes subjectives communes Ainsi les langues
sont jugeacutees positivement alors que drsquoautres le sont neacutegativement Les jugements peuvent ecirctre de
nature estheacutetique peuvent concerner le systegraveme lui-mecircme la valeur de la langue sur le marcheacute
linguistique et enfin le groupe qui la parle Nous avons donc affaire agrave un pheacutenomegravene social et crsquoest
justement ce caractegravere social des repreacutesentations linguistiques qui justifie qursquoelles constituent un
objet de choix de la sociolinguistique cependant cela nrsquoexclut pas qursquoil y ait tout de mecircme une part
individuel
Les locuteurs ne se contentent pas drsquoutiliser les langues et les varieacuteteacutes de langues ils les eacutevaluent
cette eacutevaluation influe beaucoup sur leurs pratiques linguistiques On entre ici dans le domaine des
attitudes et des normes qursquoelles impliquent chaque locuteur eacutevalue sa propre pratique et celle des
autres et ces eacutevaluations jouent un rocircle important dans le changement linguistique
La linguistique diachronique analyse le changement linguistique drsquoougrave provient une innovation
pourquoi et comment srsquoimpose-t-elle est-ce pour des raisons sociologiques qursquoune langue
change Andreacute Martinet a deacutefendu la thegravese que lrsquoeacutevolution phonologique drsquoune langue ne se faisait
pas de maniegravere aleacuteatoire mais srsquoexpliquait par la neacutecessiteacute pour son systegraveme de trouver une
stabiliteacute optimale en reacuteduisant ses deacuteseacutequilibres Drsquoautres linguistes preacutefegraverent mettre lrsquoaccent sur
des meacutecanismes sociaux par exemple un groupe peut imiter la prononciation drsquoun autre jugeacutee
plus prestigieuse
Deux tendances srsquoaffrontent pour expliquer le changement on invoque souvent le principe du
moindre effort les locuteurs confondent certaines formes phoneacutetiquement tregraves proches simplifient
des constructions syntaxiques compliqueacutees Cette tendance au moindre effort du locuteur est
contrebalanceacutee par une autre qui pousse agrave ne pas compromettre la compreacutehension crsquoest-agrave-dire le
moindre effort de lrsquoauditeur
Il nrsquoest pas rare qursquoun eacutetranger en situation officielle srsquoexcuse de ne pas parler la langue de son
interlocuteur Ce faisant il teacutemoigne drsquoune certaine politesse qui compenserait en quelque sorte
laquo lrsquoimpolitesse raquo de ne pas bien parler la langue mais il teacutemoigne aussi de la valeur positive qursquoil
accorde agrave cette langue et agrave ceux qui la parlent A lrsquointeacuterieur drsquoun groupe qui parle la mecircme langue
on observe nous le verrons un un pheacutenomegravene semblable drsquoineacutegaliteacute linguistique entre locuteurs de
statut socioculturel diffeacuterent
Par ailleurs nous sommes tour agrave tour eacutemetteurs et reacutecepteurs nos compeacutetences en tant que
reacutecepteurs sont plus grandes que nos compeacutetences en tant qursquoeacutemetteurs nous nrsquoemployons pas
toutes les structures linguistiques que nous connaissons de mecircme que nous nrsquoappartenons pas agrave
toutes les cateacutegories socioculturelles que nous sommes capables de reconnaicirctre Mais le reacutecepteur
nrsquoa pas un rocircle passif
-il reconstitue le sens de lrsquoeacutenonceacute qursquoil reccediloit selon ses propres schegravemes drsquointerpreacutetation et
lrsquoensemble de ses expeacuteriences
-il perccediloit aussi des signes linguistiques qursquoil interpregravete en fonction des connotations et des
normes en cours dans la classe sociale agrave laquelle il appartient lorsque ces signes peuvent faire
lrsquoobjet de variations ils deviennent des marqueurs socioculturels
-il juge ce qursquoil perccediloit selon lrsquoimage qursquoil a du locuteur de ses intentions de la situation et
du rocircle qursquoil y joue des enjeux de lrsquoacte de langage et selon lrsquoimage qursquoil a de lui mecircme et de ses
compeacutetences la faccedilon de parler est un facteur plus reacuteveacutelateur de la classe sociale des
interlocuteurs que les vecirctements ou les apparences de train de vie
En effet si les repreacutesentations linguistiques sont de nature sociales elles sont en rapport
eacutetroit avec lrsquoideacuteologie qui tente drsquoagir sur elles et les modegraveles Cependant si les repreacutesentations
sont agrave distinguer des discours scientifiques elles sont aussi agrave distinguer des discours ideacuteologiques
tenus par le pouvoir Branca Rossof citeacute par Boyer p79 exprime fort bien cette ideacutee en affirmant
que les repreacutesentations laquo permettent de sortir de lrsquoopposition radicale entre laquo le reacuteel raquo les faits
objectifs deacutegageacutes par la description linguistique et lrsquoideacuteologie les consideacuterations normatives
comme repreacutesentations fausses repreacutesentations eacutecrans raquo Crsquoest donc entre le reacuteel et lrsquoideacuteologie
qursquoelle situe les repreacutesentations Qursquoest ce qursquoest lrsquoideacuteologie laquo Tout systegraveme de repreacutesentations
structureacute et coheacuterent visant agrave rendre compte du monde exteacuterieur de la reacutealiteacute sociale lrsquoideacuteologie se
preacutesente sous forme drsquoun discours construit et totalisant ougrave les ideacutees srsquoenchaicircnent logiquement et
les valeurs concordent raquo (discours et ideacuteologie p4)
Ainsi lrsquoideacuteologie est un systegraveme structureacute parfaitement coheacuterent eacutelaboreacute en fonction drsquoobjectifs
bien deacutetermineacutes officiel car il srsquoagit de faccedilonner lrsquoimaginaire collectif national alors que les
repreacutesentations sociales nrsquoobeacuteissent pas agrave ces contraintes elles sont le fruit drsquoun consensus social
plus ou moins libre Mais il faut souligner qursquoen pratique la limite entre ces deux repreacutesentations
nrsquoest pas toujours clairement repeacuterable et les deux se confondent les ideacuteologues au service de
lrsquoeacutetat sont drsquoabord et avant tout des membres de la socieacuteteacute le pouvoir par les moyens qui lui sont
confeacutereacutes (meacutedia eacutecoles AIE) arrive toujours agrave faccedilonner les mentaliteacutes Ainsi on aime ou on
deacuteteste une langue parce qursquoon se fait une certaine ideacutee drsquoelle ou de ces locuteurs
QUE CONCLURE Lrsquoanalyse des repreacutesentations ne peut ecirctre eacutetudieacutee sans une analyse des pratiques linguistiques
Drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutetudier agrave la fois les comportements et les attitudes des locuteurs drsquoobserver les
productions et de ne pas se contenter de recueillir des paroles des sujets qui peuvent varier selon les
situations et les interactions(voir agrave ce sujet B Maurer Houdebine Canut et Boyer)
Cours 6- LA POLITIQUE LINGUISTIQUE OU LES NORMES LA NORME
Michel Tournier deacutefinissant le normal donne les deacutefinitions suivantes
NORMAL 1 Conforme agrave la norme Ideacuteal 2 Conforme agrave la moyenne Habituelle
Ceci peut servir dintroduction agrave qui aborde la question de la norme Cest bien la un veacuteritable problegraveme car selon les lieux selon les personnes selon le domaine les deux perspectives se mecirclent effectivement et perturbent la compreacutehension Peut-on dire que la norme est un ideacuteal cest-agrave-dire de fait quelque chose que personne natteint ou nincarne vraiment Peut-on dire que la norme est faite de la moyenne des opinions ou de la moyenne des comportements Nous allons rencontrer ces deux voies comme deux eacutecueils entre lesquels il conviendra de naviguer
Georges Mounin lui-mecircme dans son Dictionnaire de la Linguistique (PUFQuadriges reacuteeacuted 1993) commence son article Norme de la faccedilon suivante Moyenne des divers usages dune langue agrave une eacutepoque donneacutee ou usage imposeacute comme le plus correct ou le plus prestigieux par une partie de la socieacuteteacute (le bon usage)
En fait si le normal et le normatif restent des concepts tregraves grand public qui suscitent des deacutefinitions un peu floues il convient de souligner que la norme du franccedilais nest en aucun cas deacutetermineacutee en regardant les usages majoritaires Cest la varieacuteteacute de franccedilais qui agrave une eacutepoque donneacutee est procircneacutee par la socieacuteteacute franccedilaise qui simpose agrave chacun mais aussi qui est deacutefendue par chacun mecircme ceux qui en sont tregraves eacuteloigneacutes y sont attacheacutes Cest dans les classes populaires que tout en pratiquant dautres varieacuteteacutes on tient le plus agrave ce que soit enseigneacutee la norme que lon se soucie de savoir ce qui est correct ce qui ne lest pas - la norme eacutetant plus ou moins assimileacutee agrave ce qui permet de reacuteussir puisque ceux qui ont reacuteussi sont censeacutes pratiquer la norme en offrir une image On devine ainsi que la norme de fait est la varieacuteteacute pratiqueacutee par les hautes couches de la socieacuteteacute dans les situations formelles ougrave elles donnent agrave voir leur langue - varieacuteteacute dailleurs plus ou moins fantasmeacutee (et par lagrave sans doute rejoint-on la notion dideacuteal) que personne ne pratique vraiment et qui ainsi apparaicirct toujours au-delagrave des usages reacuteels Indeacuteniablement cependant des usages se rapprochent davantage de ce qui est preacutesenteacute comme la norme (dans les dictionnaires dans les grammaires) mais ces ouvrages parce quils sont eacutecrits utilisent et preacutesentent obligatoirement une varieacuteteacute diffeacuterente de loral et contribuent agrave la dichotomie si souvent formuleacutee par Monsieur Toutlemonde agrave leacutecrit ccedila va ma langue est correcte mais agrave loral je nai pas le temps de reacutefleacutechir et je parle mal
Dans ces conditions on soulignera que
la norme est une varieacuteteacute eacutecrite que lon enseigne en principe qui est formaliseacutee et toujours plus ou
moins eacuteloigneacutee des varieacuteteacutes parleacutees mecircme quand elles reccediloivent un jugement favorables de
locuteurs solliciteacutees pour donner leur avis
On ne parle jamais comme on eacutecrit (cf chapitre sur langues orales langues eacutecrites) mais les
couches sociales qui ont reacuteussi sont censeacutees davantage incarner la norme
Il est certain que plus les eacutetudes des sujets ont eacuteteacute longues plus ils pratiquent couramment des
varieacuteteacutes proches de lideacuteal quon appelle la norme ne serait-ce que parce que leur impreacutegnation agrave
travers une longue pratique de la langue eacutecrite rejaillit sur leur pratique orale Mais ne neacutegligeons
pas toutefois les facteurs sociologiques et eacuteconomiques qui interfegraverent avec ce que lon croit
attribuer agrave leur langue (richesse visible aisance sociale position eacuteconomique domination
sociale)
Ne veut-on pas imiter ceux quon preacutesente comme les modegraveles normatifs plus parce quils ont
reacuteussi que parce quils parlent bien la cravate de PPDA(1) sa faccedilon de shabiller son aisance et
son sourire parfaitement placeacute ne jouent-ils pas un plus grand rocircle que sa langue mecircme (on connaicirct
dailleurs lusage du prompter agrave la teacuteleacutevision ) pour le faire citer comme quelquun qui parle bien
Indeacuteniablement - et dans toute socieacuteteacute - servent de modegravele ceux qui ont reacuteussi et non pas ceux qui
sont consideacutereacutes comme des parias (cf les clochards ou SDF)
Noublions pas en outre que si les accents reacutegionaux ne sont plus aussi stigmatiseacutes maintenant
quil y a une trentaine danneacutees ils sont lobjet malgreacute tout de preacutecautions subtiles qui amegravenent ceux
qui atteignent les plus hautes responsabiliteacutes sociales agrave sen deacutefaire partiellement (cf le Preacutesident
Giscard dEstaing prenant des cours dorthoeacutepie pour se deacutebarrasser de son accent auvergnat qui
neacutetait pas de mise pour quelquun preacutetendant aux plus hautes fonctions et donc Preacutesident de tous
les Franccedilais) ou bien qui amegravene agrave seacutelectionner pour les plus hautes responsabiliteacutes ceux qui ont un
accent consideacutereacute comme convenable celui qui est accepteacute agrave une eacutepoque donneacutee les deux
comportements interfegraverent constamment et se reacutepondent pour eacuteliminer de la parole publique avec
une image favorable (et non pas plus ou moins ridicule) ceux qui seraient les plus eacuteloigneacutes de la
norme
Les caracteacuteristiques de la norme orale eacutevoluent au fil des siegravecles notre r actuel assez faible
un peu plus grasseyeacute agrave Paris quagrave Marseille nest plus du tout le r rouleacute que prononccedilait les
nobles il y a quelques siegravecles mais elles eacutevoluent bien plus lentement que lusage reacuteel
La norme est donc bien une question qui relegraveve fondamentalement de la sociolinguistique
deacutetermineacutee fixeacutee agrave chaque eacutepoque sur des critegraveres socio-eacuteconomiques elle se transmet dans
lenseignement et donc apparaicirct comme beaucoup plus permanente que les autres varieacuteteacutes non
formaliseacutees qui ne se transmettent que familialement (acquisition non formelle) Leacutecole joue ainsi
un rocircle essentiel dans la transmission la permanence le statut les preacuterogatives accordeacutees agrave la
norme Cest elle qui peut la reacutepandre de faccedilon quasiment universelle dans un pays Sa non-
transmission - cf le discreacutedit de leacutecole pour toute transmission ou la moindre importance accordeacutee
agrave la langue correcte agrave notre eacutepoque - ont pour premier reacutesultat que les couches sociales les plus
eacuteloigneacutees de la norme ny accegravedent plus La norme ne disparaicirct pas pour autant mais elle est alors
surtout lobjet de transmission familiale dans les familles conscientes et capables den assurer la
transmission indeacutependamment de leacutecole Leacutecole en enseignant la norme eacutetait facteur de
deacutemocratisation de la socieacuteteacute franccedilaise si elle renonce agrave cette tacircche on parvient agrave une socieacuteteacute
aristocratique dans laquelle certains savent sans avoir appris (selon lexpression consacreacutee) et ougrave
il ny a plus de chance de veacuteritable mobiliteacute sociale Contrairement agrave nos a priori on peut voir ainsi
que la norme est deacutemocratique quand ideacuteal proposeacute agrave tous elle est accompagneacutee dans son
apprentissage de la transmission des principes qui permettent de latteindre Dire (comme cela se
pratiquait agrave luniversiteacute agrave Lyon dans les anneacutees soixante) il ne faut pas dire un [floslashv] (pour
fleuve) une [foslashj] (pour feuille) cest donner agrave tous une chance dacceacuteder agrave des situations ougrave lon
ne tolegravere pas un accent reacutegional marqueacute ne plus le dire cest laisser encore les plus hautes
positions agrave ceux qui lauront compris tout seuls (dans leur famille) et bien sucircr eacuteliminer ceux qui ne
se doutent mecircme pas que ce genre de prononciation est stigmatiseacutee
On pourra distinguer avec Marie-Louise Moreau (1997) article Les types de normes
les normes de fonctionnement (habitudes linguistiques partageacutees par les membres dune
communauteacute regravegles qui sous-tendent les comportements linguistiques dun sous-groupe)
les normes descriptives (ce sont les normes de fonctionnement rendues explicites par les
descriptions qui en sont faites Mais ainsi ce sont les normes de certains sous-groupes seulement
qui sont deacutecrites on ne sinteacuteresse pas tretiennent des relations complexes avec les normes
prescriptives Elles contribuent grandement agrave la hieacuterarchisation)
les normes fantasmeacutees (ici on est toujours dans le domaine des repreacutesentations le groupe se forge
un ensemble de conceptions sur la langue et son fonctionnement qui nont souvent guegravere de zone
dadheacuterence avec le reacuteel )
La norme ou le bon usage
La norme au sens de langue que lrsquoon doit parler est un discours drsquoautoriteacute fixeacute par une institution
drsquoeacutetat) chargeacutee de creacuteer une langue homogegravene faite pour ecirctre parleacutee par un usager ideacuteal une
langue standard de partout et de nulle part uniforme polie deacutebarrasseacutee de toute impureteacute comme
-les reacutegionalismes les varieacuteteacutes geacuteographiques srsquoopposent au caractegravere centralisateur de la norme
et eacutechappent agrave tout controcircle elles sont donc connoteacutees peacutejorativement et le critegravere de la hieacuterarchie
sociale
-les innovations qursquoil srsquoagisse de changements lexicaux syntaxiques ou phoneacutetiques ils sont
ignoreacutes -non reconnus- ou attesteacutes longtemps apregraves leur apparition lorsque la norme nrsquoa pas reacuteussi
agrave srsquoimposer Face aux variations individuelles et collectives la langue normeacutee se veut homogegravene et
tire sa leacutegitimiteacute de lrsquoeacutecole
Un des comportements sociaux les mieux connus vis agrave vis de la langue est la normalisation
Fishman affirme que laquo la codification est lrsquoacceptation par une communauteacute drsquoun systegraveme formel
de normes qui deacutefinissent lrsquousage correct raquo
Qursquoest-ce que la norme ou lrsquousage correct de la langue laquo La norme est un recueil de perceptions consigneacutees dans des grammaires dites normatives et
correspondant agrave ce qursquoil faut dire pour se conformer au bon usage linguistique de la bonne
socieacuteteacute raquoDenise Franccedilois
Elle repreacutesente un choix approprieacute fondeacutes sur des preacutejugeacutes socioculturels et sur la notion de
niveaux de langues hieacuterarchiseacutees les classes dominantes et les bons auteurs emploient une langue
de qualiteacute qursquoil faut consideacuterer comme un modegravele
Parler de normes revient agrave se reacutefeacuterer agrave plusieurs acceptions
-un ensemble drsquointerdits de prescriptions sur des faccedilons de dire quelquefois accompagneacutees de
justifications de divers ordres
-tenir compte de cet ensemble de prescriptions crsquoest parler correctement sans faire de fautes
Les institutions de la norme sont
-Lrsquoeacutecole lrsquoeacutecole par le biais des grammaires et des enseignants tend agrave imposer agrave lrsquoenfant une
langue uniforme qursquoil nrsquoutilisera pas souvent ailleurs Par lrsquoenseignement de la grammaire elle
lrsquohabitue laquo non seulement agrave concevoir les reacutealiteacutes de la langue mais agrave reacuteprimer son goucirct naturel de
la parole pour substituer agrave la spontaneacuteiteacute langagiegravere une pratique eacutecrite conforme agrave des normes
rigoureuses raquo Elle lui impose de faire des phrases ainsi qursquoune prononciation de lecture standard
qui pour bon nombre drsquoenfants est artificielle cependant cette langue semblera toujours parce
qursquoimposeacutee par lrsquoeacutecole supeacuterieure agrave la sienne
-Lrsquoeacutecrit Lrsquoadministration prend le relais de lrsquoeacutecole pour perpeacutetuer la crainte de la faute et le
respect pour la langue eacutecrite laquo notre langue eacutecrite a plus de digniteacute que notre langue parleacutee
souvent fautive raquo Lrsquoopposition eacutecrit parleacute devient une opposition digne fautif Ceci appelle deux
remarques
La langue parleacutee comme la langue eacutecrite peut comporter tous les niveaux car rien nrsquoempecircche en
theacuteorie drsquoeacutecrire comme on parle ni de parler comme on eacutecrit
-De plus ces deux formes drsquoexpressions ont chacune une speacutecificiteacute de fonctionnement que la
deacutemarche normative semble ignorer Parler crsquoest construire un discours en train de se faire Le
locuteur improvise constamment ce qui lrsquoamegravene agrave heacutesiter agrave se reprendre agrave changer lrsquoorientation
de sa phrase agrave utiliser diverses strateacutegies agrave avoir recours agrave tous les proceacutedeacutes extra et
paralinguistiques regard mimiques gestes intonations Lrsquoeacutecrit nrsquoignore ni les heacutesitations ni les
reprises mais celles-ci disparaissent avec les brouillons Drsquoun point de vue linguistique il nrsquoy a
aucune raison drsquoopposer le parler et lrsquoeacutecrit de faccedilon hieacuterarchique puisque les deux domaines
fonctionnent diffeacuteremment
Une norme linguistique est un trait unificateur drsquoune socieacuteteacute tout le monde la connaicirct et sa
connaissance permet de distinguer les autochtones des eacutetrangers Mais mecircme dans le cas ougrave tout le
monde peut savoir quelles sont les variantes de statut supeacuterieur il nrsquoest pas neacutecessairement vrai que
tous voudront les adopter dans leur discours quotidien Certaines eacutetudes ont montreacute que les
reacuteactions subjectives aux variantes sociolinguistiques eacutetaient diffeacuterentes selon les classes et
impliquaient beaucoup plus qursquoune simple eacutechelle de prestige (cf Labov) Labov dans laquo
Sociolinguistique pp 250-251 339-340 418-419 raquo fait une distinction entre norme cacheacutees
voileacutees et norme manifestes normes stigmatiseacutees et norme accepteacutees Les variantes de statut eacuteleveacute
possegravedent un prestige manifeste elles sont associeacutees au pouvoir social indeacuteniable des locuteurs de
la classe supeacuterieure peuvent ecirctre la condition neacutecessaire drsquoaccegraves agrave des fonctions drsquoun statut plus
eacuteleveacute et sont promulgueacutees par les agents de la normalisation dans la socieacuteteacute tels que les meacutedias et
les instituteurs Mais pour beaucoup de locuteurs de la classe ouvriegravere ou de la petite bourgeoisie
les variables linguistiques laquo non standard raquo associeacutees agrave leurs groupes peuvent aussi posseacuteder un
prestige voileacute (covert prestige celui drsquoun groupe local de statut infeacuterieur) La signification sociale
de base de ces variables au prestige voileacute est celle de la solidariteacute une personne qui les utilise est
consideacutereacutee comme eacutetant un des leurs comme ami possible Pour certains groupes ces formes
peuvent signifier dureteacute ou viriliteacute
Pour compleacuteter vos connaissances dans le domaine de la norme reportez vous aussi sur le web agrave
un article dOlga Ozolina Quelques approches de leacutetude de la norme linguistique
Tout un cours eacutecrit par Benoiumlt Leblanc et Claude Tousignant de la Socieacuteteacute Saint-Jean-
Baptiste de la Mauricie sur la Norme linguistique mais aussi quelques autres notions
essentielles
Le franccedilais queacutebeacutecois problegraveme de norme Le texte de lintervention dAM Houdebine Norme et normes 1999
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