COURS Histoire de L_ecole

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8/6/2019 COURS Histoire de L_ecole http://slidepdf.com/reader/full/cours-histoire-de-lecole 1/25  Petite histoire de l'école primaire. Alain Complido, PIUFM, Lyon, 2005, Cours PE1 Bien qu’il ait une histoire déjà longue, le mé tier d’ensei gnant nous confronte toujours au même problème. L’enseignant est partagé entre « enseigner ce qu’il y a à enseigner » (que ce soient des savoirs, des valeur s, des compétences,…) et tenir compte des désirs et des besoins de l’élève voire de ses parents. Ce qui peut-être ressenti au niveau individuel peut aussi faire l’objet d’une analyse plus générale de l’institution scolaire qui s’est structurée progressivement et qui a dû résoudre un certain nombre de problè me pour devenir un « système éduca tif démocratique de masse » (chacun de ces mots mérite une étude critique). Cette rapide promenade historique vise à observer les hésitations entre deux grandes tendances : celle des programmes et celle des projets. Hésitations problématiques qui expliquent les différents essais de différencia tion de l’enseigne ment. La différenciation appar aît ainsi comme un e constante politi que (avec ses enjeux spécifiques) et non seulement comme un dispositif pédagogique. I. L’effet des religions.  A. Charles Démia. Les origines de l’enseignement primaire pour tous remontent à Charles Démia, prêtre lyonnais (né à Bourg-en-Bress e le 3 octobre 1637, mort à Lyon le 23 octobre 1689) qui fonda en 1666 la congré gation des frères Saint Charles pour l’instruction des enfants pauvres à Lyon . Entre 1666 et 1689 il ouvre une centaine d’écoles à Lyon et à Saint-Etienne. « les jeunes gens mal élevés tombent ordinairement dans la fainéantise ; de là vient qu’il ne font que ribler et battre le pavé, qu’on les voit attroupés par les carrefours, où ils ne s’entretiennent le plus souvent que de discours dissolus, qu’ils deviennent indociles, libertins, joueurs, blasphémateurs, querelleux, ; s’adonnent à l’ivrognerie, à l’impureté, au larcin et brigandages ; qu’ils deviennent enfin les plus dépravés et factieux de l’État, duquel étant les membres corrompus ils gâteraient le reste du corps, si le fouet des bourreaux, les galères des princes, les gibets de la  justice, n’enlevaient de terre ces serpents venimeux, qui infecteraient le monde par leurs venins et leurs dissolutions. » Charles Démia, in Compayré, Charles Démia et les origines de l’enseignement primaire, Delaplane, 1905, pp. 22-23. Ces écoles se mettent clairement au service de l’ordre social et moral : il s’agit de restaurer la santé du corps social par le s vertus prophylactiques d’une éduca tion précoce. Rien dans la “nature” corrompue de ces enfants ne laisse espérer leur salut en dehors d’une correction de leurs penchants. Ce projet de rééducation est réservé à une certaine catégorie de la population, les enfants pauvres livrés à eux-mêmes.

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Petite histoire de l'école primaire.

Alain Complido,PIUFM, Lyon, 2005,

Cours PE1

Bien qu’il ait une histoire déjà longue, le mé tier d’ensei gnant nous confrontetoujours au même problème. L’enseignant est partagé entre « enseigner ce qu’il y a àenseigner » (que ce soient des savoirs, des valeur s, des compétences,…) et tenircompte des désirs et des besoins de l’élève voire de ses parents.

Ce qui peut-être ressenti au niveau individuel peut aussi faire l’objet d’une analyseplus générale de l’institution scolaire qui s’est structurée progressivement et qui a dûrésoudre un certain nombre de problè me pour devenir un « système éduca tifdémocratique de masse » (chacun de ces mots mérite une étude critique).

Cette rapide promenade historique vise à observer les hésitations entre deux grandes

tendances : celle des programmes et celle des projets. Hésitations problématiques quiexpliquent les différents essais de différencia tion de l’enseigne ment. Ladifférenciation appar aît ainsi comme un e constante politi que (avec ses enjeuxspécifiques) et non seulement comme un dispositif pédagogique.

I.  L’effet des religions.

 A.  Charles Démia.

Les origines de l’enseignement primaire pour tous remontent à Charles Démia,prêtre lyonnais (né à Bourg-en-Bress e le 3 octobre 1637, mort à Lyon le

23 octobre 1689) qui fonda en 1666 la congré gation des frères Saint Charles pourl’instruction des enfants pauvres à Lyon . Entre 1666 et 1689 il ouvre une centained’écoles à Lyon et à Saint-Etienne.

« les jeunes gens mal élevés tombent ordinairement dans la fainéantise ; de làvient qu’il ne font que ribler et battre le pavé, qu’on les voit attroupés par lescarrefours, où ils ne s’entretiennent le plus souvent que de discours dissolus, qu’ilsdeviennent indociles, libertins, joueurs, blasphémateurs, querelleux, ; s’adonnent àl’ivrognerie, à l’impureté, au larcin et brigandages ; qu’ils deviennent enfin les plusdépravés et factieux de l’État, duquel étant les membres corrompus ils gâteraient lereste du corps, si le fouet des bourreaux, les galères des princes, les gibets de la

 justice, n’enlevaient de terre ces serpents venimeux, qui infecteraient le monde par

leurs venins et leurs dissolutions. »Charles Démia, in Compayré, Charles Démia et les origines de l’enseignement

primaire, Delaplane, 1905, pp. 22-23.

Ces écoles se mettent clairement au service de l’ordre social et moral : il s’agit derestaurer la santé du corps social par le s vertus prophylactiques d’une éduca tionprécoce. Rien dans la “nature” corrompue de ces enfants ne laisse espérer leur saluten dehors d’une correction de leurs penchants.

Ce projet de rééducation est réservé à une certaine catégorie de la population, lesenfants pauvres livrés à eux-mêmes.

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B.  Jean-Baptiste de La Salle.

Jean-Baptiste de La Salle (1651 – 1719) fond e lui aussi un ordre enseignant en 1691,l’ordre des Frères des écoles chrétiennes qui amplifie le mouvement de généralisationde l’éduc ation. S on optique es t proche de celle de Démia. Il sépare pourtantnettement la fonc tion enseignante de la fonction sa cerdotale : l’enseignement seraconfié exclusivement à des laïcs, même si ces derniers restent soumis au contrôle et àl’autorité de l’Église.

« L'Institut des Frères des Écoles chrétiennes est une Société dans laquelle on faitprofession de tenir les écoles gratuitement. Ceux de cet Institut se nommeront dunom de Frères et ils ne permettront jamais qu'on les nomme autrement, etlorsqu'ils nommeront quelqu'un de leurs Frères ils diront toujours Notre Cher Frère

 “N”.Ils ne pourront être prêtre ni prétendre à l'état ecclésiastique ni même chanter niporter le surplis ni faire aucune fonction dans l'église sinon servir une messe basse.La fin de cet Institut est de donner une éducation chrétienne aux enfants, et c'estpour ce sujet qu'on y tient les écoles afin que les enfants y étant sous la conduitedes maîtres depuis le matin jusqu'au soir, ces maîtres leur puissent apprendre à

bien vivre en les instruisant des mystères de notre sainte religion en leur inspirantles maximes chrétiennes et ainsi leur donner l'éducation qui leur convient.Cet Institut est d'une très grande nécessité parce que les artisans et les pauvresétant ordinairement peu instruits et occupés pendant tout le jour pour gagner la vieà eux et à leurs enfants ne peuvent pas leur donner eux-mêmes les instructions quileur sont nécessaires et une éducation honnête et chrétienne.Ç'a été dans la vue de procurer cet avantage aux enfants des artisans et despauvres qu'on a institué les écoles chrétiennes.Tous les désordres surtout des artisans et des pauvres viennent ordinairement dece qu'ils ont été abandonnés à leur propre conduite et très mal élevés dans leur basâge, ce qu'il est presque impossible de réparer dans un âge plus avancé à causeque les mauvaises habitudes qu'ils ont contractées ne se quittent que très

difficilement et presque jamais entièrement, quelque soin qu'on prenne de lesdétruire soit par les instructions fréquentes soit par l'usage des sacrements. Etcomme le fruit principal qu'on doit attendre de l'institution des écoles chrétiennesest de prévenir ces désordres et d'en empêcher les mauvaises suites, on peutaisément juger qu'elle en est l'importance et la nécessité. »

Jean-Baptiste de La Salle, Règles communes des Frères des écoles chrétiennes (1718 ), CHAPITRE 1er, « De la fin et de la nécessité de cet institut »

Comme chez Démia, la finalité est l’ordre so cial. Il s’agit de pallier la carence del’éducation parentale et de corriger les dé fauts d’une enfance livrée à elle-même ouà des principes jugés trop laxistes.

Le système traditionnel, trop i ndividualisé, était inefficace : le maître consacrai tquelques minutes à chaque élève lors d’un travail i ndividuel. Pendant c e temps lereste des élèves demeuraient oisifs et la confusion s’emparait du groupe.

Comme Démia, il comprend très vite la nécessité de former les futurs enseignants etde diminuer au maximum les coûts de ce projet d’éducation gratuite. Pour y parvenir,il appli que aux éc oles un m odèle pé dagogique réservé au collège jusqu’alors :l’enseignement simultané.

Cette organisation pédagogique est tout en tière fondée sur le « rang », tant commedisposition spatiale des individu s que comme métho de de classement de s individusselon leur âge, leur s performances, leur condui te, … Cette nouvelle organisation

permet à la fois le contrôle précis des su jets et le travail simultané de tous. Lechapitre 2 3 de l’ouvrage de La Salle qui organi se les écoles s’inti tule : « Durangement des écoliers et du règlement des leçons ». Il y est précisé :

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« Article 1er : De la distribution des écoliers dans les classes et dans les places quileur conviennent.L’Inspecteur1 ayant reçu un écolier et examiné de quoi il est capable, ainsi qu’il aété dit dans le chapitre ci-dessus, lui assignera la classe, la leçon et la place où ildoit être.En plaçant un écolier nouvellement reçu, il aura égard de le placer auprès dequelqu’un qui puisse lui apprendre à suivre facilement a, et qui ne se laisse pas

aller à causer avec lui. Il y aura, dans toutes les classes, des places assignées pourtous les écoliers, de toutes les leçons, en sorte que tous ceux de la même leçonsoient tous placés en un même endroit, et toujours fixe, à moins que cette leçon nesoit transférée dans une autre classe.Les écoliers des plus hautes leçons seront placés dans les bancs les plus proches dela muraille, et les autres ensuite, selon l’ordre des leçons, en avançant vers lemilieu de la classe.L’Inspecteur des écoles aura égard que les tables des écrivains soient placées detelle manière qu’ils puissent écrire dans un beau et plein jour a ; à l’égard desécoliers lisant dans les cartes, ils seront disposés selon qu’il est marqué dansl’article de la lecture des cartes.Il faut que les classes aient un beau jour et un bon air, et qu’il y ait pour cela des

fenêtres aux deux bouts de la classe... Chacun des écoliers en particulier aura saplace réglée, et aucun d’eux ne quittera, ni ne changera la sienne, que par l’ordreet le consentement de l’Inspecteur des écoles.Il aura égard que les écoliers soient [placés] avec ordre et prudence, en sorte queceux dont les parents sont négligents et ont de la vermine a soient séparés de ceuxqui sont propres et qui n’en ont point; qu’un écolier léger et éventé soit entre deuxqui soient sages et posés, un libertin ou seul ou entre deux dont on soit assuré dela piété, un écolier facile à parler entre deux qui soient silencieux et très attentifs,et ainsi du reste

Jean-Baptiste de La Salle, Conduite des écoles chrétiennes, 1706, III, 21.

Le texte de la Conduite des écoles chrétiennes rè gle dans l e détail la disciplin e.

Ainsi, l’efficacité pédagogique se définit-elle comme la transformation des savoirs endisciplines enseignées qui sont autant de moyen de contrôler les esprits et les corps.La pédagogie n’est rien d’autre que la compétence du maître à soumettre uneenfance rétive. Ainsi chaque apprentissage (é criture, lecture,…) est-il en réalité misau service de la soumission à un ordre soci al, moral et politi que et non au servi ced’une émancipation des consciences. Il s’agit de conformer non seulement un enfantmais l’enfance à un ordre moral par un long travail, silencieux, d’i ntériorisation desrègles. J’ai écrit « silencieux » non seul ement par ce que cet objectif n’est pasclairement explicité (il est dissimulé derrière des morceaux d’éloquence sur la charitéet la pauvreté) mais aussi parce que le silence est un des moyens les plus efficaces de

la soumission par intériorisation silencieuse de règles que le maître ne prend mêmepas la pei ne de dire : ils s e c ontente de les appl iquer et de les faire appli quersilencieusement grâce à une codification très précise d’un instrument pédagogiquemajeur : le signal.

« Le maître ne se servira pas de la parole, ni d’aucun signe de la bouche, pourreprendre dans la lecture, mais frappera deux petits coups de suite et l’un surl’autre avec le signal. Dès lors que le maître frappera, l’écolier qui lit recommencerale mot qu’il a dit le dernier; s’il le dit encore mal, ou que ce ne soit pas ce mot danslequel l’écolier a manqué, le maître continuera à frapper deux coups l’un sur l’autreet coup sur coup, jusqu’à ce que l’écolier ait bien dit le mot auquel il a manqué. »(II, 11)« Comme il y a beaucoup d’occasions dans lesquelles les maîtres pourraient parler,a et dans lesquelles on lui enjoint d’user de signe au lieu de parole, c’est ce qui a

1. L’inspecteur contrôle plusieurs écoles. Lorsqu’il n’y a qu’une école, c’est le directeur de l’école.

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obligé aussi d’instituer b un grand nombre de signes de différentes sortes et c, pourles réduire à quelque ordre, on les a distingués par rapport aux exercices et auxactions qui se font le plus ordinairement dans les écoles chrétiennes. Pour faire laplupart des signes qui sont en usage dans les écoles chrétiennes, on se servira d’uninstrument nommé signal, qui sera fait en la forme suivante. Tous les signals detoutes les maisons seront de la même forme sans y rien changer, ni ajouter. Lesmaîtres se serviront tous des mêmes signes; […]. » (II, 12)

L’élève n’est pas considéré alors comme le sujet de l’enseignement mais comme  l’objet d’un assujettissement. La rationali sation de l a pédagogi e (La Salle veut unenseignement par “principes” et non par “expériences”) renvoie in fine à larationalisation des es prits : il s ’agit de re nforcer la raison (en la faisant obéir au xpréceptes de la foi c hrétienne) pour lutter plus efficacement contre l’égar ement despassions.

II. De l'école de la République à l'école démocratique.

Le 1er Empire ne présente pas une œuvre scolaire significative, excepté les créations

de l’Université impériale en 1806 et du baccalauréat ès lettres en 1808 (lebaccalauréat ès sciences deviendra autonome en 1852).

Années BacheliersAnnée

s Bacheliers

1809 31 1820 3059

1810 656 1821 4503

1811 983 1822 1573

1812 1632 1823 1790

1813 1658 1824 1970

1814 578 1825 2161

1815 908 1826 2201

1816 2078 1827 2148

1817 1981 1828 2574

1818 2316 1829 2863

1819 2297 1830 2816

Avec la Restauration — Louis XVIII (1805-1 824) et Charles X (1824-1830) — l’Églisecatholique reprend l e contrôle de l’e nseignement public . La monarchi e de Juill et(1830-1848) remettra l’école sous le contrôle du pouvoir politique.

Le XIX ème siècle, siècle de l’industrialis ation, de l’essor du capitalis me et dupositivisme, sera aussi le siècle du dé veloppement de l ’éducation nationale. Derévoltes en révolution (1848), de guerres perdues en espoirs déçus (la Commune), laRépublique s’impose petit à petit c omme régim e consti tutionnel pe rmettant deréaliser un compromis politique relativement juste entre les as pirations aux libertésciviles et le besoin de réduire d’insupportables inégalités.

Pour autant, l’étude historique écorne que lque peu le mythe de l’école républicaineet la légende de ses “hussards noirs”. D’ab ord parce l’école doit au moins autant à

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Guizot qu’à Ferry, à la monar chie qu’à la républi que. Ensui te parce que si le s“slogans” politiques de l’époque continuent de nous parler, ils ne renvoi ent pourtantpas du tout aux mêmes conceptions de l’égalité, de la réussite ou même de l’école.

La mise en perspectiv e historique permet de déga ger ce que Guy Vincent 2 appelleune « forme scolaire » qui n’a globalement pas subi de modifications notables depuisle XVIIè s. Les éléme nts constitutifs de ce que nous appelons une école r este peu ouprou les mêmes :

1.  - Un lieu séparé : " d'abord un bâtiment construit ou à défaut choisi etaménagé de façon à ce que puisse s'y exercer cette activité distincte desautres activités sociales " (p. 21).

2.  - Un espace structuré selon des exigences éduc atives (p.22) à finalitésmorales.

3.  - Un ordre scolaire i mpersonnel don t le maître est le garant et le modèle.Discipline et surveillance.

4.  - Un travail réglé (l'écolier est astreint " non seulement à faire selon les règles- le résultat n'est pas seul à compter - mais surtout est astreint à faire et àrefaire des exercices d'application des règles " p .55).

5.  - Une " organisation péda gogique " : or ganisation du tem ps, plan d'ét udes,répartition des matières et des exercices (la scolarité, l'année, la semaine l ajournée), programme (p.40), apprentissage simultané.

6.  - Emprise permanen te sur la totalité de s activités et de la conduite del'enfant.

 A.  La mise en place.

1.  L’enseignement mutuel.

Inspiré des concepti ons de Bell et Lancaster, deux pédagogues britanniques ,l’enseignement mutuel , the monitorial system, prévoit la répar tition des élèves parniveau, un monitorat par les él èves plus avancés sur les néophytes et un contr ôlepédagogique collectif. Pendant les Cent Jours (mars 1815 – 22 juin 1815), s’inspirantde cette concepti on, Lazare Carnot fait ouvrir une classe d’essai à Paris. Lemouvement se poursuit sous Louis XVIII (1814 - 1824) : entre 1815 et 1820 plus demille écol es mutuell es s’ouvrent en France. La s olution es t différente mais leproblème à résoudre est globalement le même que celui de La Salle : commentenseigner à un plus grand nombre en minimisant les coûts ? La Restauration s’engage

dans un e ffort d’organisation d’un e nseignement é lémentaire de masse. L’écoled’État est en marche.

Cette forme d’enseignement est liée à l’essor industriel de l’Europe : les i ndustrielsy voient un moyen r apide et é conomique (plusieurs centaines d’élèves c onfiés à unseul maître assisté de moniteurs !) de transmettre aux futurs travailleurs les valeurs nécessaires à la production industrielle : ordre, régularité et une certaine autonomiedans le travail. L’instituteur dirige l’ense mble du haut de sa chaire en utilisant uncode de s ignaux comparable à celui de La Salle. Les fautes discipli naires sontgénéralement jugées par un tribunal d’enfants.

Cette organisation re çoit le soutien des libéraux en France dans leur guerre contreles écoles religieuses (et leur enseignement simultané).

2. L'école primaire française, Lyon, PUL, 1980

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2.  La loi Guizot (28 juin 1833).

Ministre de Louis-Philippe, Guiz ot initie une nouvell e politi que scolaire. La loi quiporte son nom, oblige les communes de plus de 5 000 habitants à ouvrir une écoleprimaire. Pour autant, cette « instruction primaire universelle » ne s’accompagne pasd’une obligation d’instruction pour les pare nts. La loi prévoit aus si l’ouverture d’uneécole normale par département. En 1848, 74 départements entretiennent une ÉcoleNormale. Les maîtres sont nommés par le ministre de l’Instruction Publique e tdeviennent fonctionnaires d’État échappa nt ainsi au contrôl e de l’év êque. Il sdépendent du nouveau corps d’inspecteurs créé par Guizot en 1835 : les inspecteursprimaires et doivent posséder un brevet de capacit é et un certificat de moralité(délivré par le maire ). La loi donne à l’un iversité le monopol e d’orga nisation del’enseignement.

Il ne s’agit plus seulement de « civiliser une enfanc e rétive » ou de préparer unefuture main d’œuvre à l’emploi : le projet est explicitement politique et moral.

« Vous n'ignorez pas que c'est là, sans aucun doute, la plus importante et la plusdifficile partie de votre mission. Vous n'ignorez pas qu'en vous confiant un enfant,

chaque famille vous demande de lui rendre un honnête homme et le pays un boncitoyen. Vous le savez : les vertus ne suivent pas toujours les lumières, et lesleçons que reçoit l'enfance pourraient lui devenir funestes si elles ne s'adressaientqu'à son intelligence. »

François Guizot, Lettre aux instituteurs primaires, 18 juillet 1833.

La loi de 1833 reconnaît la liberté de l’enseignement et autorise l’existenced’instituteurs privés à côté des institut eurs publics (appelés « communaux » car logéset payés par la commune). Les intentions du ministre sont doubles : mettre en placeune vérita ble école d’Ét at e t permett re le dév eloppement d’un en seignementconfessionnel. La loi Guizot réalise un c ompromis politique pour o btenir la pai xsociale.

Le ministr e prit le s oin d’adresser un exemplaire de la loi à chaque i nstituteuraccompagné d’une l ettre. Cette attenti on particulière témoigne de l’importancenouvelle que ce nouveau corps de foncti onnaires r evêt pour l’État. Dans le mêmeesprit, pour aider les maîtres, il fonda le Manuel général de l’instruction primaire.

Mais l’essentiel réside peut-êtr e dans l’ar ticle 10 de la loi : « les communes chefs-lieux du département, et celle dont la population excède six mille âmes, devrontavoir une école primaire supérieure ». De quoi s’agit-il en réalité ? Tout simplementde répondre aux besoins d’une “nouvelle” classe sociale de plus en plus importante :

la classe moyenne. Guizot des sine les linéaments d’un ensei gnement i ntermédiairepour les enfants de ceux qu’un enseigneme nt primaire rudimentaire ne contente plusmais qu’il serait dang ereux de f aire accéder aux collèges de pe ur qu’ils n ’acquièrent« des relations et des goûts qui leur rendent difficile ou presque impossible de rentrerdans l’humble carrière de leurs pères » (Victor Cousin, Sur l’instruction publique dansquelques pays d’Allemagne et particulièrement en Prusse, Berger Levrault, 1933,p. 246, cité par C. Lelièvre, Op. cit., p . 108). La création d es E.P.S . consacre l adualité de l’instruction publique et aura un bel avenir : les républicai ns de la III ème

République y verront le relais politique e t social idéal pour assurer l’assise d’uneRépublique bourgeoise.

« L'organisation de l'enseignement primaire supérieur est l'œuvre du législateurde 1833 (Guizot). Il n'avait pas, sous une monarchie censitaire, de chancessérieuses de vivre, n'ayant pas les mêmes raisons d'être qu'aujourd'hui. Nous nesaurions mieux démontrer l'urgente nécessité de cet ordre d'enseignement qu'en

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citant ces quelques lignes d'un éminent inspecteur général de l'Instructionpublique, Félix Pécaut: "La classe destinée à bénéficier des avantages del'enseignement primaire supérieur ne constitue pas, il est vrai, l'élite intellectuellede la société; mais elle en est comme le noyau solide et résistant, la partielaborieuse, sobre, économe. C'est l'élite de la petite et moyenne propriété rurale,des métiers du petit commerce de détail. Rapprochée encore des cultivateurs et desouvriers des villes, en communication quotidienne avec eux, familière avec leurs

besoins, leurs habitudes et leur manière de penser, elle dispose d'une influencequi échappe aux riches. Plus forte que le clergé et les grands propriétaires, elledomine ostensiblement ou en secret les élections politiques et les électionsmunicipales; quand on l'a pour soi, on a le pays. Si elle pense juste en politique eten économie sociale, le peuple pensera juste aussi. Elle a les instincts conservateursqui accompagnent la propriété ou une petite aisance, mais elle a aussi la hardiesse,le désir du mieux, la confiance en soi qui disposent à accueillir les idées de liberté etde progrès. On ne saurait dire mieux et plus juste. »Rapport de Demarquet, au nom de la quatrième commission du Conseil général dela Somme à la session de septembre 1883, in Le Progrès de la Somme,24 septembre 1883, in Lelièvre, Op. cit. p. 113.

Bien que l a loi Guizot ne s’appl ique que l entement, le nombre des élèves dans leprimaire double pendant la monarchie de Jui llet. Les enfants du peuple sont pourtantexclus du partage du savoir accaparé pa r la bourgeoisie et l’aristocratie. Lesboursiers, peu nombreux (environ 3 000), sont essentie llement des fils defonctionnaires. Les 3 500 bacheliers annuel s sont surtout des citadins (Paris etquelques grandes villes de province).

La loi Guizot met en place une différenciati on structurelle qui transmet un héritageculturel adapté à la position s ociale actuelle et future des enfants. L’école n’est pasencore l’école des éléments du savoir, elle n’est que l’écol e des rudiments : lepouvoir se soucie surtout d’inc ulquer un minimum de culture et de moralité auxenfants du peuple que l’État c ontinue de ma intenir en dehors de la vie politique par

le suffrage censitaire. L’adoption du suffr age universel, après la révolution de 1848,viendra très largement modifier cette “philosophie” de l’école.

L’université et l’enseignement secondaire dispensent un enseignement qui privilégieles humanités classiques en s ’inspirant de l’anti quité (les auteurs postérieurs auXVIIème siècle ne sont pas enseigné s). L’ense ignement libre, essentielleme ntcatholique, transmet une tradition religieuse. Le débat sur l’école se situe entre deuxconservatismes : celui d’un rati onalisme classique s’appuyant sur une philosophieéclectique et celui d’une reli gion traditionnelle. Le conflit entr e les défenseurs de latradition gréco-romai ne et ceux de la tr adition judéo-chrétienne sera tranché,provisoirement, par la loi Falloux.

A la fin du règne de Louis-Philippe, le conflit entre le monopole universitaire et laliberté de l’enseignement est à son comble et Guizot semble pencher du côté desjésuites (il suspendit le cours de Michelet au Collège de Fr ance). Ce conflit se doubled’un affrontement e ntre les défenseurs de la li bre pensé e et les tenants dudogmatisme religieux.

3.  La loi Villemain.

Royer-Collard est partisan d'une éducati on publique assurée par l’uni versité demanière laïque, sous l'autorité de l'État. Te l est le sens de son discours du 28 février1817, où il s'oppose à la mainmise du clergé sur l'instruction :

« L'Université n'est autre chose que le gouvernement appliqué à la directionuniverselle de l'instruction publique. Elle a été élevée sur cette base fondamentale,que l'instruction et l'éducation publique appartiennent à l'État, et sont sous la

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direction supérieure du roi. Il faut renverser cette maxime ou en accepter lesconséquences ; et pour la renverser il faut l'attaquer de front ; il faut prouver quel'instruction publique, et avec elle les doctrines religieuses, philosophiques etpolitiques qui en sont l'âme, sont hors des intérêts généraux de la société ; qu'ellesentrent naturellement dans le commerce comme les besoins privés, qu'ellesappartiennent à l'industrie comme la fabrication des étoffes, ou bien, peut-être,qu'elles forment l'apanage indépendant de quelque puissance particulière qui aurait

le privilège de donner des lois à la puissance publique.[...] L'Université a donc lemonopole de l'éducation, à peu près comme les tribunaux ont le monopole de la justice, ou l'armée celui de la force publique. »

Ce qui sera, à peu de choses près, la position que défendra V. Cousin, en avril-ma i1844, dans sa Défense de l'Université devant la Chambre des Pairs.

4.  La loi Falloux.

La seconde République (1848 – 1851) est une république bourgeoise qui, après lemouvement révolutionnaire de 1848 et la période de la Répu blique socialiste (février– mai 1848), prend peur du mouvement ouvrier, prône le retour à l’ordre et finit parélire Louis Napoléon Bonaparte à la présidence de la République. Les « journées de lamisère » sont une des premières manifestations d’un conflit de classes sociales. Leslibéraux, qui trouvero nt dans Adolphe T hiers, chef du parti de l ’ordre, l’incarnationde leurs valeurs et de leurs peurs, redoute nt le dével oppement des idées s ocialisteschez les instituteurs. Le suffrage universel fait entrer tout le peuple en politique.

« Tout change évidemment, en 1848, avec le suffrage universel. Si le paysan estélecteur, l'instituteur qui contribue à former son esprit se trouve forcément promu àun niveau de responsabilité analogue à celui du prêtre ou du médecin, ducabaretier ou du notaire : un guide de l'opinion, un « grand électeur », ou un petitnotable. Ainsi, à la querelle presque cinquantenaire qui se jouait autour des lycéess'ajoute maintenant une querelle semblable autour de l'école communale.On sait le principe delà solution. Conservateurs laïques et conservateurs cléricaux,les uns, pour la plupart, de tradition orléaniste, les autres souvent légitimistes, ontfait taire leurs querelles devant le « péril social »; ils font plus, ils s'accordent surun diagnostic, tenant pour démontré que l'esprit de libre examen, chez les pauvressurtout, prédispose au socialisme, et que l'enseignement de la religion peut seulinculquer au non-possédant un solide respect pour l'ordre et la propriété. »

Maurice Agulhon, 1848 ou l’apprentissage de la République, Seuil, p. 145.

« Courons nous jeter dans les br as des évêques, eux seuls peuv ent nous sauver… »3 :Adolphe Thiers, nommé président d’une commission d’études avec notamm ent VictorCousin et Mgr Dupan loup, met l’enseig nement primaire sous la responsabilité duclergé. La loi Parieu (11 janvier 1850) permet au préfet de révoquer les instituteur s« républicains ». En quelques mois, 4 000 instituteurs quittent l’enseignement. La l oiFalloux (15 mars 1850) proclame la liberté de l’enseignement et renforce la tutelle del’église. Les programmes reçoivent une orientation confes sionnelle, les curé sexercent un droit d’inspection sur les é coles de leur paroisse. Les associationsreligieuses peuvent enseigner av ec une simple lettre d’obédience en lieu et place dubrevet de capacité instauré par Guizot. La loi supprime l’obligation d’ouvrir une écoleprimaire supérieure.

En fondant leur politique sur le cléricalisme, les cons ervateurs donnent l’impressionde vouloir leur revanche sur les Lumières en favorisant l’Église, c’est-à-dire de vouloirdéfaire 1789. Ainsi, la défense de la démocr atie se confondra pour longtemps encore

avec la défense de la laïcité de l’école.

3 A. Thiers, cité par Agulhon, Op. cit., p. 146.

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5.  La loi Duruy.

Victor Duruy, ministre de l’empereur, fait voter le 10 av ril 1867 u ne loi surl'enseignement primaire perm ettant aux co mmunes d'établir la gratuité totale e tobligeant les communes de plus de 500 habitants à entretenir une école de filles.

Il organise une Caisse des Écoles desti nées à faci liter la scolarisation des plus

pauvres.L’histoire de France et sa géographie sont inscrites aux programmes. L’école

primaire n’est plus seulement l’école des rudiments, elle commence à devenir l’écoledes éléments d’un s avoir naguère réservé à l’élite sociale. L’esprit des enfants dupeuple peut accéder à une certaine culture qui favorise l’esprit critique. De mêmechaque école communale accueille désormais une bibliothèque.

B.  La laïcité scolaire.

Jusqu’en 1875, la France a changé onze fois de constitution et fait l’expérience de lafragilité4 du régime républicai n (2 ans pour la première Républi que et un peu plus de

3 ans pour la seconde). Il s’ agit dès lors, pour les Ré publicains, de faire comprendreque la République est le « meilleur des régimes possibles ».

Dès 1869, les républicains du parti radical adoptent le programme 5 annoncé pa rGambetta pour les élections législatives :

« Au nom du suffrage universel, base de toute organisation politique et sociale,donnons mandat à notre député d'affirmer les principes de la démocratie radicale etde revendiquer énergiquement :[…]

-  la suppression du budget des cultes et la séparation des églises et de l'Etat ;-  l'instruction primaire laïque, gratuite et obligatoire, avec concours entre les

intelligences d'élites pour l'admission aux cours supérieurs, également gratuits ; »

Gambetta — Programme de Belle ville (1869).

Les républicains de la III ème République luttent consci emment contre les profonde sdivisions de la nation. L’école se révèlera un des instruments privilégiés d’un nouveaupatriotisme et de la “républicanisation” des esprits. Pour y parvenir l’instruction estrendue gratuite (16 juin 1881), puis obligatoire (28 mars 1882) pour les deux sexes de7 à 13 ans révolus.

« La gratuité permet l’obligation qui, dans un pays divisé de croyances, impose la

laïcité »Jean-Marie Mayeur, Les débuts de la IIIème République, Seuil, 1973, p. 118.

La laïcisation de l’école (1882) puis des enseignants (1886) permettra d’atteindre cesobjectifs. Il s’agit de faire prendre conscience de l’unité de la nation dès le plusjeune âge. Tel sera l e rôle ess entiel dév olu au nouvel enseignement d’instruction

4. La l oi constitutionnelle de 1884, votée en Congrès à Versailles, pr écise en s on article 2 : « La loiconstitutionnelle du 25 février 1875, relative à l'organisation des pouvoirs publics est complétée par unarticle ainsi conçu : " La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une proposition de

révision. - " Les membres des familles ayant régné sur la France sont inél igibles à la présidence de laRépublique. " »5. Programme qu’il n’appliquera que t rès part iellement. Elu à Belleville et à Marseille, Gambettachoisira finalement d’être député de Marseille.

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civique et aux leçons de morale quoti dienne écrite au tableau. L’école s ’adresse aucœur des élèves et veut aussi faire naître un sentiment républicain par

« la plus grande des réformes sociales et la plus sérieuse, la plus durable desréformes politiques… lorsque toute la jeunesse française se sera développée, auragrandi sous cette triple étoile de la gratuité, de l’obligation et de la laïcité, nousn’aurons plus rien à craindre des retours du passé, car nous aurons pour nous en

défendre … l’esprit de toutes ces générations nouvelles, de ces jeunes etinnombrables réserves de la démocratie républicaine, formées à l’école de lascience et de la raison, et qui opposeront à l’esprit rétrograde l’insurmontableobstacle des intelligences libres et des consciences affranchies ».

Jules Ferry, Revue pédagogique, 1882, in Mayeur, Op. cit., p. 113.

L’école a pour finalité de répandre un « esprit laïque » afin :

  De fonder la République et de fortifier l a patrie. La défaite de 1871 estencore très présente et est expl iquée par une sorte de mollesse morale. Sil’instituteur prussien a pu ass urer la victoire de sa patrie , l’insti tuteurfrançais arrivera bien à préparer la revanche ;

  De dévelo pper un « esprit positif », c ’est-à-dire d’assurer le progr èspolitique (la république doit être reconnue comme un progrès par rapport àla monarchie) et soci al par la di ffusion des lumières de la raison. La laïcitése définit alors comme une lutte cont re les f orces obsc urantistes etconservatrices de l’Église. L’idéal laïque d’un Ferdinand Buisson s’appauvritdans la triste réalité d’un m ode de vi e petit bo urgeois, a u moralismeétriqué qui vante pêle-mêle l’épargne, l e travail, la propriété, l’effort,l’hygiène, la sobriété, le tout trouvant son résumé synthétique dans le livrede lecture le plus publié à l’époque, Le tour de la France par deux enfants de G. Bruno, pseu donyme de Mme Guyau, épous e du philo sophe Alfre dFouillée.

Nous sommes bien loin des analyses de Marx. La plus grande des “réformes sociales”,selon l’expression même de Jules Ferry, ne cherchera pas à libérer les enfants dupeuple de leur aliéna tion réelle , ainsi que commence à le souhaiter le mouvementrévolutionnaire social iste. D’aill eurs l’id ée même d’une tell e aliénati on lui estétrangère. Pour lui, dans la lignée de Cond orcet, libérer le peuple se réduit à lelibérer de ses superstitions et de ses croyances.

Jules Ferry et ses collaborateurs vont cont inuer le mouvement de généralisation del’enseignement primaire enta mé depuis la fin du XV IIème siècle. L’école de l aRépublique est une école du peuple, une école faite pour le peuple. Les enfants del’élite sociale ne la fréquenteront pas. Les plus doués des enfants du peuple, ceux quiobtiendront le certifi cat d’études, pourront prolonger leur scolarité d’un an dans uncours complémentaire d’enseignement primaire supérieur.

« Si dans une école il se trouve plus de dix élèves munis du certificat d'études qui,après avoir terminé le cours supérieur, désirent continuer leur instruction, il pourraêtre établi un cours complémentaire d'une année, conformément aux prescriptionsdes décret et arrêté du 15 janvier 1881. »

Jules Ferry, Arrêté du 27 juillet 1882 réglant l'organisation pédagogique et le pland'études des écoles primaires publiques, art. 2, Journal Officiel du 2 août 1882.

L’instruction et l’éducation m orale de l’enfance du peuple s ont prises en chargejusqu’à l’âge maximum de 14 ans.

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14 ansCours complémentaire d’enseignement primaire

supérieur13 ans

Cours supérieur12 ans11 ans

Cours moyen10 ans9 ans8 ans

Cours élémentaire7 ans6 ans

Classe enfantine5 ans

Il n’est pas question de passerelles ni d’accession à l’enseignement secondaire.L’école pr imaire n’est pas encore le premier degré d’un parcours éducatif

systématique. L’écol e est bien une école émancipatrice et libératrice, mais desesprits seulement. Il ne s’agit pas de lutt er contre les inégalités sociales mais depermettre le développement d’un esprit critique. Lutter contre l’ignorance ne revientpas à lutter contre les inégalités sociales. Si démocratisation il y a, elle est seulementformelle et non pas sociale : l’instructio n publique ne recherche que l’égalité desdroits et non la promotion sociale des individus.

« L’instruction primaire, en raison de l’âge des élèves et des carrières auxquelles ilsse destinent, n’a ni le temps ni les moyens de leur faire parcourir un cycle d’étudeségal à celui de l’enseignement secondaire ; ce qu’elle peut faire pour eux, c’est queleurs études leur profitent autant et leur rendent dans une sphère plus humble lesmêmes services que les études secondaires aux élèves des lycées : c’est que les

uns comme les autres emportent de l’enseignement public, d’abord une somme deconnaissances appropriées à leurs futurs besoins, ensuite et surtout de bonneshabitudes d'esprit, une intelligence ouverte et éveillée, des idées claires, du

  jugement, de la réflexion, de l'ordre et de la justesse dans la pensée et dans lelangage. “L'objet de l’enseignement primaire n'est pas d’embrasser sur les diversesmatières auxquelles il touche tout qu'il est possible de savoir, mais de bienapprendre dans chacune d'elles ce qu’il n’est pas permis d’ignorer”. »

Jules Ferry, Arrêté du 27 juillet 1882 réglant l'organisation pédagogique et le pland'études des écoles primaires publiques, « Programmes annexes », Journal Officiel

du 2 août 1882.

A côté de cela une autre filière est mise en place pour les enfants des bourgeois : ils’agit des classes primaires des lycées et collège s qui conduisent tout droit àl’enseignement long et aux études supérieures. L’enseignement primaire organisé parJules Ferry est autonome : il se suffit à lu i-même et prépare les enfants du peuple àla vie active. Leur instruction primaire devra leur servir de viatique tout au long deleur vie. Ainsi de Juli en, l’un des deux frères du Tourde France de deux enfants dontil est dit au dernier chapitre qu’il « a a ppris tou t ce qu’u n jeune h omme peutapprendre dans la meilleure école et avec la meilleure volonté possible » au termed’un voyage itinérant qui symbolise avant la lettre de la loi de 1881 le « tour du savoird’un jeune français ».

Dans une telle perspective, l ’échec scolaire est non seulement impensé mais bienimpensable. L’i nstituteur qui réussissait à faire accéder un s eul de ses élèves auLycée faisait alors figure de hér os. Le “ bon” instituteur est cel ui qui fai t réussir les

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bons élèves et il suffit que l’école lutte contre le mépris attaché à leur ap partenancesociale.

Cette école du peupl e ne réussit pourtan t pas à tous les enfants du peuple de lamême manière. 21 % des élèves obtiennent le Certificat d’Études Primaire en 1882.

C.E .P . 1882 à 1939 dans la Somme

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

1882 1895 1905 1925 1935 1939

 Source : « Le certificat d’études sous la troisième République dans la Somme », Cahier du 

C.E.R.P.P., n° 6, 1985, pp. 21 à 47.

ouvriers

agriculteurs

Employés

artisans, commerçants

cadres moyens, petites professionslibérales

Employés d'administration, grandsservices publics

C.E.P. selonorigine socialede 1882 à 1939dans la Somme

 Comme le remarque Claude Lelièvre, ces qu elques statistiques amènent à relativiser

la dichotomie entre « une écol e du peupl e » et une « école des notables ». Il fautpeut-être y voir l’échec de la réforme de Guizot et l a préfiguration de ce qui rendral’école unique nécessaire.

L’école n’est laïque que dans la mesure où elle poursuit un lent mouvement desécularisation des nor mes et val eurs de la société fr ançaise. El le n’est pas encor etotalement laïque dans la mesure où l’ins tituteur paternaliste de Jules Ferry relaiel’ordre social et moral que se chargeaient de transmettre les “bons” pères, c’est-à-dire les bourgeois.

« Si parfois vous étiez embarrassé pour savoir jusqu’où il vous est permis d’aller

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dans votre enseignement moral, voici une règle pratique à laquelle vous pourrezvous tenir. Au moment de proposer aux élèves un précepte, une maximequelconque, demandez-vous s’il se trouve à votre connaissance un seul honnêtehomme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un pèrede famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait debonne foi refuser son assentiment à ce qu’il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ; sinon, parlez hardiment car ce que vous allez communiquer à

l’enfant, ce n’est pas votre propre sagesse ; c’est la sagesse du genre humain, c’estune de ces idées d’ordre universel que plusieurs siècles de civilisation ont fait entrerdans le patrimoine de l’humanité. »

Jules Ferry, Lettre aux instituteurs,  27 novembre 1883.

Le mythe de l’école de Jules Fer ry ne résiste pas à l’étude criti que. Pour faire bref,les lois Ferry ne sont pas seul ement des lois émancipatrices : elles instaurent unvéritable c ontrôle social par l’école qui s e charge « d’insérer » le nouvel émancipédans l ’échelle sociale à sa “jus te” place (celle que l’ordre social reconnaît commetelle). Elles ne sont pas non plus des lois égalitaires : « l’ascenseur social » n’est pasen panne, il n’a jamais vraiment fonc tionné ! L es lois Fe rry ne modifient pa snotablement les courbes des progrès de l’alphabétisation en France, par exemple, etles élèves sont déjà des “héritiers” 6. L’école de Jul es Ferry e st un bon compromisbourgeois : éviter l’agitation sociale en permettant une promotion sociale touterelative (du moins en faisant en sorte que le “peuple” y croie) et assurer et rassurerl’ordre bourgeois7.

III. La question de l’école unique.

 A.  L’effet de la première guerre mondiale.

De même que la déf aite de 18 70 avait pr ofondément bouleversé les mentalités, lapremière guerre mondiale va bouleverser les rapports sociaux.

« Au nom de quel principe, sinon du fait brutal et vil de la fortune, obligeriez-vousdes enfants à fréquenter des écoles rivales ou en tout cas qui s’ignorent, alors queles pères ont vécu coude à coude dans les mêmes tranchées, souffrant et espérantensemble, et ensemble aussi mourant parfois pour la même patrie »

Charles Lambert, L’enseignement de demain : l’École Unique, p. 27

« L'école unique, écrivent les Compagnons de l'Uni versité nouvelle (19 18), résoutsimultanément deux questions : elle est l'enseignement démocratique et elle est lasélection par le mérite. » En 1919, Félix Pécaut, inspecteur général, publie un articleintitulé Ecole unique et démocratisation. La conception de l a démocratisation quedéveloppent les tenants de l’éc ole unique renvoie moins à la notion d’égalité qu’àcelle de justice. Leur conception est proche de celle de « l’égalité des chances » : ils’agit que les inégalités produites soient justes et non d’affir mer que toute formed’inégalité est injuste. Il s’ag it donc d’une démocratisation 8 de la sélecti on (un peucomme un étudia nt devant un concours…) et non d’une démocratisa tion de la“réussite scolaire”.

6. Cf. Pierre Burdieu, Les héritiers, Minuit7. Sur le sens de cet adjectif, qui n’est pas une insulte !, lire B. GROETHUYSEN, Origine de l’espritbourgeois en France, Gallimard, TEL, 1927.8. Cf. A. Prost,Op. cit., p. 55.

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La guerre bouleverse les représ entations que les “élites” se fais aient des femmes etdes o uvriers et permet de pe ndre consci ence que l’école de Jules Ferry était u nenseignement de classe. Edouard Herri ot (1872-1957), ministre de l’Instructionpublique dans le cabinet de l’U nion nationale de Raymond Poincaré en 1926, mit enœuvre la réforme de l’école uniqu e. En 1923, il écrivait dans La solidarité :« l’enseignement tel qu’il est donné dans nos écoles ne répond en aucune manière à

l’esprit de la Démocratie qui se fonde sur le principe de l’égale répartition desrichesses intellectuelles entre tous les citoyens. Il ne s’agit donc pas de réformespartielles ; il faut une réforme totale. Notre enseignement n’est pas en effet unenseignement démocratique mais un enseignement de classe ».

En 1925, les maîtres des Classes élémentaires des lycées et collèges et les maîtres duprimaire ne sont plus distin gués. En 1926, les classes élémentair es des lycées suiventle même programme que les classes du primaire. Malgré ces réformes administratives,les classes élémentaires des Lycées continuent de mener au baccalauréat alors que l eprimaire conduit au Certificat d’Études Primaires.

Vainqueur des élections législatives du 3 mai 1936, le Front populaire accède au

pouvoir jusqu’en avril 1938. Jean Zay, memb re du puissant parti radical (E. Herriot,C. Chautemps, E. Daladier, A. Sarraut, T. Steeg — tous chefs du gouvernement. Parmiles intelle ctuels, Al ain et Lé vy-Bruhl r estent les plus c onnus) es t ministre del’Instruction Publique de 1936 à 1939. Par la loi du 9 août 1936, il prolonge la périoded’instruction obligatoire jusqu’à 14 ans.

Jean Zay instaura un « tronc commun » en tentant d’unifier le primaire et enrattachant les Écoles primaires Supérieures au premier cycle des lycées. Il décided’instaurer des programmes communs au premier cycle nouveau des lycées etcollèges et aux écoles primaires supérieur es en quatre ans (décret du 21 mai 1937).Le lendemain, 22 mai, il fait de la sixième une classe d’orientation. Une semaine plus

tard, l e 1er

juin, il supprime l’enseignement par “classes” et instaure unenseignement à trois degrés.

Troisième degré Ecole Normale Supérieure, Universités et Grandes Écoles.

Deuxième degré Ecoles Primaires Supérieures (EPS) et classes du secondaire

Premier degré Classes primaires des Lycées et classes de l’école primaireélémentaire.

La sixième devient une classe d’orientation. Jean Zay a rompu l’étanchéité des deuxécoles en construisant des passerelles que seul un petit nombre parviendra à franchir.Pour la masse, l’école primaire reste encore la seule école.

La guerre des clans se déchaîne en mê me temps qu’éclate la deuxième guerremondiale. Jean Zay rejoint s on régiment. En quelques semaines, il a pourtant lanc éun mouvement qui ne s’arrêtera plus : celui de la démocratisation.

B.  Un texte de référence : le plan Langevin-Wallon (1947).

Le mot “démocratisation” apparaît pour la première fois en 1947 dans le fameuxrapport.

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Ce “plan” n’a jamai s été appl iqué ni m ême discuté à l’Ass emblée. Il constituepourtant une référence en ce qu’il s’appui e sur une analyse du passé et propose deuxprincipes essentiels pour l’avenir.

« Le premier principe, celui qui par sa valeur propre et l'ampleur de sesconséquences domine tous les autres est le PRINCIPE DE JUSTICE. Il offre deuxaspects non point opposés mais complémentaires: l'égalité et la diversité.

Tous les enfants, quelles que soient leurs origines familiales, sociales, ethniques,ont un droit égal au développement maximum que leur personnalité comporte. Ilsne doivent trouver d'autre limitation que celle de leurs aptitudes. L'enseignementdoit donc offrir à tous d'égales possibilités de développement, ouvrir à tous l'accèsde la culture, se démocratiser moins par une sélection qui éloigne du peupleles plus doués que par une élévation continue du niveau culturel del'ensemble   de la nation. L'introduction de « la justice à l'école » par ladémocratisation de l'enseignement mettra chacun à la place que lui assignent sesaptitudes, pour le grand bien de tous. La diversification des fonctions seracommandée non plus par la fortune ou la classe sociale mais par la capacité àremplirLa fonction. La démocratisation de l'enseignement, conforme à la justice, assure

une meilleure distribution des tâches sociales. Elle sert l'intérêt collectif en mêmetemps que le bonheur individuel.[…]La mise en valeur des aptitudes individuelles en vue d'une utilisation plus exactedes compétences pose le PRINCIPE DE L'ORIENTATION. Orientation scolaired'abord, puis orientation professionnelle doivent aboutir à mettre chaquetravailleur, chaque citoyen au poste le mieux adapté à ses possibilités, le plusfavorable à son rendement. A la sélection actuelle qui aboutit à détourner les plusdoués de professions où ils pourraient rendre d'éminents services, doit sesubstituer un classement des travailleurs, fondé à la fois sur les aptitudesindividuelles et les besoins sociaux »

Pour que l’école se démocratise, il faut :

  Une société juste, c ’est-à-dire une revalorisation du travail : « L'équitéexige la reconnaissance de l'égale dignité de toutes les tâches sociales, dela haute valeur matérielle et morale des activités manuelles, del'intelligence pratique, de la valeur technique. Ce reclassement des valeursréelles est indispensable dans une société démocratique moderne dont leprogrès et la vie même sont subordonnés à l'exacte utilisation descompétences. » 

  Une scolarisation longue (de 6 à 18 ans) ;

  Une organisation de l’enseignement du 1er degré (jusqu’à 18 ans) en cycl es.Le 1er cycle (de 3 à 11 ans) ; le 2nd cycle (de 11 à 15 ans) et le 3ème cycle (de

15 à 18 ans) doivent permettre la scolarisation de tous ;  Une orientation progressive à partir des aptitudes réelles des élèves « et

non par le rang social ou le niveau de fortune » : seul le 2 nd cycle sera unepériode d’orientation, le 3ème assurant la détermination ;

  Un accès égal à une vaste culture générale ;

  Un système de bourses pour assurer une gratuité réelle ;

  Une meilleure formation des maîtres (deux années d’École Normale et unelicence universitaire).

A la différence de la démocratisati on de l’école uni que (cf. supra), ladémocratisation n’es t plus cell e d’une “ égalité des chances” mais d’une égalitédevant l’école. La nouvelle démocratisation prend donc la forme d’une augmentation

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progressive du niveau culturel non des individus mais de la nation. Le critèrepertinent n’est plus alors le taux de réussite en fonction de la classe sociale mais letaux d’accès d’une génération à un niveau d’enseignement.

C.  Les réformes Berthoin (1959) et Fouchet (1963).

Le 6 janvier 1959, la période d’instruction obligatoire est portée à 16 ans révolus.

Les cours complémentaires de l’enseigneme nt primaire supérieur dev iennent de sC.E.G., Collèges d’e nseignement généraux ; les centres d’apprentissage deviennentdes C.E.T., collèges d’enseignement technique.

Un cycle d’orientation est mis en place après le premier trimestre de sixi ème et enfin de cinquième. Mais l’orientation s’effectuant dans des établissements à l’identitétrès marquée, peu d’élèves sont véri tablement orientés (95 % eff ectuent leur

scolarité là où ils ont commencé leur sixième). La réforme de 1959 échoue sur unpoint essentiel : l'orientation. En effet, le cycle d’observation n’entraî ne aucuneredistribution en 4 ème des él èves qui continuent leur scolarité dans le typed’établissement au sein duquel ils l’ont commencée. Ce constat guide la réforme duministre de l’Éducati on Christian Fouchet et du recteur Capelle. Par décret (n° 63-793), les procédures d’observati on et d’orientation sont étendues à toutes les classesdu premier cycle. Les orientations décisives sont reportées à la fin de la 3ème.

D’autre part, des col lèges d’enseignement secondaire (CES) s ont mis en place ettoute nouvelle création d’établi ssement de premier cycle doit prendre cette forme.Les lycées perdent pr ogressivement leurs " petits lycées ", dé tachés pour constitu er

des CES distincts. Les CES comprennent désormais trois filières :  celle de l'enseignem ent généra l long (cla ssique ou moderne l ong) aboutissant

aux lycées et sanctionné par le baccalauréat ;

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  un ensei gnement général court complé té d'une cl asse complémentaire ouconduisant à l'enseignement professionnel en deux ans (CET) ;

  un cycle de transition (6ème et 5ème) suivi d'un cycle terminal pratique.

En 1963, sont créés les C.E.S., collèges d’enseignement secondaires.

À côté des CES, les CEG demeur ent. Ils peuvent abriter l'ensemble de ces filières à

l'exception de l'enseignement général long classique.

C.E.G. Classes de transitionEnseignement moderne

courtEnseignement moderne

long

C.E.S. Voie III : enseignementterminal (2 ans)“transition” ou“pratique” dispensé pardes instituteursspécialisés 

Voie II : enseignementgénéral moderne court(M2), dispensé par desprofesseurs bivalents (des instituteurs qui ontpassé le CAP-CEG)

Voie I : enseignementgénéral classique oumoderne long (M1)dispensé par desprofesseurs certifiés ou agrégés.

Vie active (parfoisC.E.T.)

C.E.T. ou LycéeTechnique Lycée

Le primair e supérieur tend à disparaître, du m oins structurel lement, au profit ducollège mais les anciennes “filières” perdur ent. Même si deux années d’observationprécèdent deux années d’orie ntation, ces deux cycle s s’effectuent dans des « voiesétroites » (I, II & III). Par exemple, 5 % d’élèves passent de la voie III à la voie I.

Peu à peu les deux fil ières modernes (M1 & M2) fusionnent. Se di stinguait encore lafilière classique par l’enseign ement du l atin. Celui disparaît des progr ammes desixième en 1968 et de cinquième en 1969. Les classes de transition se rapprochent desclasses de sixième et cinquième par l’introduction d’une langue vivante.

D.  Le collège unique.

Pour donner les mêmes chances à tous , il fallait que la structure du système scolair erendît possible une véritable orientation. Le meilleur moyen était d’unifier le collège.

René Haby, ministre de l’éducation de 1974 à 1978 sous la présidence de V. Giscardd’Estaing, prolonge la réforme du Recteur Capelle dont il était un des collaborateurs.L’esprit de la réfor me part d’un cons tat simple : quelle qu’en s oit l’origine ,

l’inégalité devant l ’école doit être compen sée par une adaptation de la pédagogie àla diversité des élèves. La différenciation pédagogique es t née. L’organisationprécédente différenciait elle aussi mais par des filières en proposant des parcoursdifférents qui consacraient en quelque sor te les inégalités sociales ou intellectuelles .Pour donner les mêmes chanc es à tous en luttant contre ces mêmes inégalités , ladifférenciation s’effectuera désormais dans une seule et même structure : le collège.

La distinc tion entre C.E.S. et C.E.G., les filières, les classes de transition sontsupprimées par la loi du 11 juillet 1975 (a ppliquées à la rentrée 1977). Les C.E.T.deviennent des L.E.P., lycées d’enseignement professionnel.

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De même que la diff érenciation pédagogique empêche le collège unique d’être uncollège uniforme, de même, l’égalité à l’école ne ser a pas celle des “réussites” maiscelle des “chances”.

IV.  La massification de l’enseignement.

 A.  Une crise de croissance ?

1.  La décentralisation.

L’éducation pu blique est vic time de son succè s : l’a bandon des « paliersd’orientation », la cr oissance de la demande scolai re, les mutations soc iales fontcroître le taux de scolarisation.

L’augmentation du nombre d’enseignants, la complexification du système malgré sonunification ont rendu la centr alisation de l’admini stration incompati ble avec lesbesoins d’adaptation. Progressivement s’im pose l’i dée que l’échelon national n’es tpas le plus pertinen t, ni le plus compét ent, po ur régler des problème s locaux ouspécifiques.Du « dinosaure » (O. Guichard en 1978) au « mammouth » (Claude Allègre en 1997),

de la gauche à la droite, une idée s’impose : la décentralisation (tr ansfert decompétences politiques, autonomie et décision).

La déconcentration (transfert de compétences administratives, maintien du contrôlecentral), commencée dans les années 1960, ne suffit plus.

Les lycées et les col lèges devi ennent de s E.P.L.E. c’est-à -dire des établissementsautonomes à capacité juridique. Même rela tive (puisque l’État garde les “grands”pouvoirs : programmes, horaires, inspection s pédagogiques, gestion et rém unération

des professeurs, carte scolaire, contrôle des établis sements), cette autonomie n’enest pas m oins effec tive : le projet d’ét ablissement permet une adaptation à lapopulation scolaire et une dé finition d’objectifs ; la dotati on horaire global d’unétablissement le laisse libre d’opérer des choix dans l’utilisati on et la répartition desmoyens. Les collectivités territoriales (mairies pour les écoles, département pour lescollèges, région pour les lycées) sont membres du conseil d’administration ou d’école.Les pouvoirs importants des collectivités locales en matière de financement modifientles orientations des politiques éducatives nationales.

La décentralisation d’un système unifi é depuis 1975 a encore pour effet dedécentraliser la gestion de l’hétérogénéité. Les anciens ordres éducatifs (l e primaire

et le secondaire du XIXè

) et les différentes filières (a vant 1975) étaient hétérogènes.Ce sont les structures qui différenciaient. Depuis 1982, la structure est la même (un« système éducatif ») mais les différences continuent de se faire au niveau desétablissements. C’es t pourquoi on voi t fl eurir tou s les ans dans la presse desclassements des établissements. La hiér archisation et l’hétérogénéité n’ont pasdisparu, elles ont changé de nature. Cette hiérarchisation met l es établissements enconcurrence dans un « système » unique. La concurr ence n’es t donc pas seulemententre les établissements publics et privés ma is entre tous les établissements, qu’ilssoient publics ou privés.

Dès 1963, la mise en place d’un « carte sc olaire » veut éviter l’engorgement des« lycées classiques ». L’afflux de la major ité de la nouvelle population scolaire quin’habite pas le centre des grandes villes sera dirigé vers les nouveauxétablissements : des lycées neufs des banlieues résidentielles aux établissements desbanlieues populaires plus souvent appelées « difficiles ». La mise en place de la carte

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scolaire s’accompagne du développement d’une s tratégie de « contournement »(dérogation, proposition et choix « d’options rares »). L’enseignement privé joue alorsun rôle privilégié dans la recherche de l a « désectorisation », c’est-à-di re dans lemaintien dans les fai ts d’une différenciation par établissements. A cela s’ajoute lapérennisation de l’utilisation stratégique des filières : les ensei gnements techniqueset profess ionnels restent les parents pa uvres de la dém ocratisation mais ont

indiscutablement pe rmis d’absorber le plus gro s de la massification ; da nsl’enseignement g énéral, o n o bserve un e « démocratisation ségrégative » selonl’expression du sociologue Pierr e Merle 9 qui va jusqu’à parler de séries bourgeoises(bac S) et de séries populaires (bac STT).

2.  La loi d’orientation de 1989.

Le 10 juillet 1989, la loi d’orientation rend obligatoire le projet pour les écoles, lescollèges et les lycées.

Article premier (modifié par les lois nos 94-665 du 4 août 1994 et 98-657 du 29  juillet 1998). - L'éducation est la première priorité nationale. Le service public de

l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Ilcontribue à l'égalité des chances. 

Deux nouv eautés caractérisent cette loi : la créati on des I.U .F.M. et du ConseilNational des Programmes. Pour le reste, le texte donne un statut légal à despratiques déjà existantes (projet, équipe pédagogique,…). Le maître mot de la loi es tégalité. Elle définit u n objectif quanti tatif (« Art. 3. - La Nation se fixe comme objectif de 

conduire d'ici dix ans l'ensemble d'une classe d'âge au minimum au niveau du certificat d'aptitude 

professionnelle ou du brevet d'études professionnelles et 80 % au niveau du baccalauréat. ») etqualitatif (« Art. 1. - Les élèves et les étudiants élaborent leur projet d'orientation scolaire,

universitaire et professionnelle en fonction de leurs aspirations et de leurs capacités avec l'aide des parents, des enseignants, des personnels d'orientation et des professionnels compétents. Les 

administrations concernées, les collectivités territoriales, les entreprises et les associations y contribuent. »).

3.  La loi d’orientation « pour l’avenir de l’école » du 24 avril 2005.

a) Le « socle commun de connaissances »

La loi institue un « socle commun de connaissances » :

« Article 9Après l’article L. 122-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 122-1-1ainsi rédigé :

 “Art. L. 122-1-1 - La scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les

moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun constitué d’un ensemble deconnaissances et de compétences qu’il est indispensable de maîtriser pouraccomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenirpersonnel et professionnel et réussir sa vie en société. Ce socle comprend :-  la maîtrise de la langue française ;-  la maîtrise des principaux éléments de mathématiques ;-  une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la

citoyenneté ;-  la pratique d’au moins une langue vivante étrangère ;-  la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication.

Ces connaissances et compétences sont précisées par décret pris après avis duHaut Conseil de l’éducation.

L’acquisition du socle commun par les élèves fait l’objet d’une évaluation, qui est

9. Cf. l’article de Pierre Merle, « Le concept de démocratisation de l'institution scolaire : une typologieet sa mise à l'épreuve », Revue Population, numéro 1, janvier-février 2000, INED.

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prise en compte dans la poursuite de la scolarité.Le Gouvernement présente tous les trois ans au Parlement un rapport sur lamanière dont les programmes prennent en compte le socle commun et sur lamaîtrise de celui-ci par les élèves au cours de leur scolarité obligatoire.Parallèlement à l’acquisition du socle commun, d’autres enseignements sontdispensés au cours de la scolarité obligatoire. »

Bulletin officiel n°18 du 5 mai 2005

A la fin du collège , un brev et nationa l sanctionne l’acqui sition du socle deconnaissances et des autres ens eignements. Des bourses aux mérites sont attribuéesaux élèves ayant obtenu une mention ou « méritants ».

« Le nouveau diplôme national du brevet validera la formation acquise à l’issue ducollège, notamment par trois épreuves écrites nationales. Il attestera la maîtrisedes connaissances et des compétences indispensables. Il prendra en compte lesrésultats de l'éducation physique et sportive et, selon des choix propres aux élèves,les autres enseignements et activités d’approfondissement et de diversification. Ilinclura une note de vie scolaire :• Trois épreuves écrites terminales définies au plan national :

-  français ;-  mathématiques ;-  au choix : histoire-géographie-éducation civique ou physique et sciences de la

vie et de la terre.• Trois notes de contrôle continu pour tous les élèves :

-  sciences physiques et sciences de la vie et de la Terre ou histoire-géographie-éducation civique ; le contrôle continu s’applique automatiquement à la (aux)matière(s) non choisie(s) à l’écrit ;

-  la première langue vivante étrangère ;-  l’éducation physique et sportive.

• Des matières au choix de l’élève en contrôle continu : technologie, secondelangue vivante étrangère ou régionale, latin, grec, musique, arts, découverte

professionnelle.• Une note de vie scolaire qui prendra en compte :

-  l’assiduité ;-  le respect du règlement intérieur ;-  l’engagement dans la vie de l’établissement.

Le Brevet informatique et internet (B2i) sera pris en compte dans l’attribution dudiplôme national du brevet. »

Extrait de « La loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'École, lesfiches »

b) Le Haut conseil de l’éducation.

Elle crée aussi un « Haut conseil de l’éducation » qui émet des avis et peut formulerdes propositions à la demande du ministre. Ce conseil est plus spécialement chargé del’évaluation du système éducatif.

c) Le « P. P. R. E. »

« Article 16Après l’article L. 311-3 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 311-3-1ainsi rédigé :

 “Art. L. 311-3-1 - À tout moment de la scolarité obligatoire, lorsqu’il apparaît qu’unélève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences

indispensables à la fin d’un cycle, le directeur d’école ou le chef d’établissementpropose aux parents ou au responsable légal de l’élève de mettre conjointement enplace un programme personnalisé de réussite éducative.” »

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B.  La démocratisation de la réussite ?

1.  « 80 % d’une classe d’âge ».

Crise philanthropique ? Moment d’égaremen t d’un mi nistre en panne d’ins piration ?Evolution de la demande sociale plutôt. Les parents et les élèves ont de plus en pl usconscience qu’en pé riode de crise économique , le diplôme ne sanctionne pa s

seulement des acquisitions culturelles. Il représente aussi une valeur sur le marché dutravail. L’enseignement est en train de de venir une marchandis e et l’éche c scolairen’est plus seulement un échec à l’école qui ne concerne que l’école, ses élèves et sesprofesseurs. L’échec scolaire devient un enjeu socio-économique.

Ce slogan est devenu un princ ipe politi que : dém ocratiser l’école, ce n’est pl usdémocratiser la sélection, c’est en finir avec la méritocratie qui n’est qu’une manièredétournée de réintroduire une sélection culturelle et sociale à l’école (cf. le handicapsocio-culturel), c’est vouloir que tous « réussissent ».

La lutte contre l’échec scolaire devient une priorité : la mise en place de pédagogiesde compensation (du « handicap ») pa ssera par une individualis ation, unedifférenciation et une centration sur l’élève.Mais l’expr ession même de l’intention de démocrati sation en termes quantitatifs

(« 80 % ») laissait craindre dès le départ que la question d’une dém ocratisationqualitative était lais sée de côté. Les politi ques o nt-ils ou blié la leçon de PierreBourdieu ? Ont-ils renoncé conscie mment a u corolla ire d’une véritabl edémocratisation : composer avec la diversité socio-culturelle du plus grand nombre ?

L’école pr imaire, habituée qu’elle est à scolariser tous les enfants, sera peubouleversée par la massification. Les pr oblèmes éclatent au collège dont il estregrettable qu’une réforme administrative (la loi Haby) ait tenu lieu de réflexionpolitique, sur les finalités, et pédagogique, sur les contenus et méthodes.

Source : Ministère de la jeunesse, 2003, http://www.education.gouv.fr/stateval/grands_chiffres/gchif_e.htm 

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 Source : Ministère de la jeunesse, 2005, http://www.education.gouv.fr/stateval/grands_chiffres/gchif_e.htm 

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bac général Bac

 Evolution du taux d’accès au « niveau IV »

2.  Les Z.E.P.

Le ministère Savary (1981 – 1984) met en plac e les Z.E.P. : il s’ agit là aussi d’unelogique de compensation. L’uniformité du système et l’autonomie des établissementsne permettent pas de réaliser les objectifs nationaux dans certaines « zones »particulièrement « handicapées ». Penser les difficultés des élèves en termes de« zones » revient à diagnosti quer l’origine de l’échec : c’est le tissu social dans sagénéralité qu’il faut « recoudre » (donc la solution ne passe pas uniquement parl’école qui doit s’ass ocier à de nouveaux partenaires). L’égalité passe désormais parla promoti on d’une politique i négalitaire en termes de moyens (ce qui se trouverésumé pa r un second slogan : « donner plus à ceux qui ont le moins »). En Z.E.P.,l’école es t encore pl us décentr alisée qu’ai lleurs et plus ouve rte qu’aill eurs sur la« société civile ».

Plusieurs principes des Z.E.P. peuvent être dégagés :

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  L’action scolaire n’est qu’un élément de la zone d’éducation. C’est la zonequi est pri oritaire, pas seulement l’éc ole (donc auss i des ass ociations desoutien,…) ;

  Le projet d’école ou d’établissement est la cheville ouvrière de la Z.E.P. Ilrepose sur un bila n (une analyse des be soins, une év aluation diagnostiquequi indi que l’écart à la moyenne nati onale, dégagée par les évaluationsnationales, posées comme norme) ;

  La naissance d ’une nouvelle relation éducative : ce n’est plus un indivi duqui e nseigne mais une « communauté é ducative » qui intè gre différentsacteurs (e n particul ier les parents, les entreprises locales et lescollectivités territoriales).

Les Z.E.P., parfois trop importantes en te rmes de nombre d’élèves, ont laissé laplace aux R.E.P (“Réseaux d’Éducation Pri oritaire”) qui mettent en réseau de pluspetites unités éducatives.

V. Conclusion.La réussite de la dé mocratisation quantitative ne doit pas ma squer les inquiét udes

qui pèsent sur une démocratisation plus qualitative.

Ce rapide parcours historique a tenté de montrer qu’un des enjeux fondamentaux del’école était la réussite de la différenciation scolaire dans une société nécessairementhétérogène et inégalitaire.

Pour résumer quatre logiques sont possibles et sont à chaque fois l’objet d’un c hoixpolitique :

1.  la différenciation des établissements : des groupes sociaux différ ents

fréquentent des types d’établissements différents. La démocratisation signifiealors sélection lorsque les passerelles existent ;

2.  la différenciation des filières : des groupes sociaux différents fréquentent le“même” (cf. supra à propos de l a carte scolaire) établissement mais dans desfilières différentes. La démocr atisation s ignifie alors orientation selon les“aptitudes” des élèves après une période d’indétermination ;

3.  la différenciation de la pédagogie : des groupes sociaux hétérogènesfréquentent les “mêmes” (cf. supra la « démocratisation s égrégative »)filières et donc les mêmes classes. La démocratisation signifie alors desapproches didactiques et pédag ogiques différentes d’un même enseignem entpour compenser l’hétérogénéité culturelle des élèves ;

4.  la différenciation des cursus : des parcours indi vidualisés ou colle ctifsdifférents dans des structures classiques ou différentes (par exemple les« cycles » à l’école primaire, ou les Z.E.P.).

Il va de s oi que ces quatre aspe cts de la différenciation ne sont pas nécessairementcontradictoires entre eux mais que certains sont prépondérants en fonction des choixeffectués.

La massification de l’enseignement n’a été possible qu’au prix :

1.  d’une sélection, explicite ou im plicite, continue. La lutte contr e une logi quede l’héritage passe par l’adoption d’une logique de « l’égalité des chances ».L’école devient alors ambiguë : elle est à la fois une « machine à réussir » et à

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la fois une « machine à exclure » (alors qu’auparavant elle faisait réussi rcertains et excluait les autres, ce qui avait au moins le mérite d’être clair…) ;

2.  d’une distribution plus large des diplômes (cf. les objectifs des lois de 1989 et2005). De sanction d’un « niveau culturel », le diplôme devient un instrumentde la course à l’emploi : une conception instrumental des savoirs et de l’école(le « consumérisme » scolaire) se développe. L’éc ole elle-même devient unmarché scolaire où s ’accentuent les écarts selon les stratégies de placementdes familles ;

3.  d’une ouv erture sur la socié té. Les pu blics de l’École ne sont pas t ousd’emblée des élèves et les professeurs ont maintenant, qu’ils l e veuillent ounon, à instituer l’élève dans l’écolier, enfant ou adolescent.

4.  d’une remise en question des autorités traditionnelles des enseignants et desdisciplines.

Pour terminer, on ne peut que c onstater la difficulté qu’éprouve le système scolai reà permettre aux bons élèves d’origine ouvrière d’accéder aux « bonnes classes » (voir

le rôle que jouent les CPGE a ctuellement). Faute d’avoir réussi à sélectionner etorienter selon les apprentissages des élèves et non selon leur héritage, l’école a vouludémocratiser la réussite, sans toutefois év iter l’échec des élèv es les moins favoriséssocialement.

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VI.  Bibliographie succincte.

Agulhon, Maurice, 1848 ou l’apprentissage de la République, 1973, Seuil, Points,250 p.

Albertini, Pierre, L’école en France, XIXè – XXè siècle, Hachette, 1998, 191 p.

Avanzini, Guy (dir.), La pédagogie au XXè siècle, Privat, 1975, 399 p.Combes, Jean, L’école primaire sous la IIIe République, Editions Sud Ouest, 2002,

189 p.

Compayré, Gabriel,  Charles Démia et les origines de l’enseignement primaire,Delaplane, 1905, 118 p.

Compayré, Gabriel,  Histoire critique des doctrines de l’éducation en Francedepuis le seizième siècle, Hachette, 1904, tome second, 437 p.

Foucault, Michel, Surveiller et punir, Gallimard, 1975, coll. Tel, 360 p.

Guizot, François,  Instruction publique, éducation, Extraits, précédés d'uneintroduction par Félix Cadet, Belin et fils, 1889, 347 p.

Jardin, A. et Tudesq, A.J., La France des notables, Seuil, 1973, Points, 249 p.

La Salle, Jean-Baptiste de, Conduites des écoles chrétiennes, 1706.

La Salle, Jean-Baptiste de, Règles communes des frères des écoles chrétiennes,1718.

Lelièvre, Claude,  Histoire des Institutions scolaires (1789-1989), Nathan, 1990,238 p.

Mayeur, Jean-Marie, Les débuts de la IIIème République, Seuil, 1973, Points, 235 p.

Prost, Antoine, Education, société et politiques, une histoire de l’enseignementde 1945 à nos jours, 1992, Seuil, Points, édition revue de 1997, 255 p.

Snyders, Georges, La pédagogie en France aux XVIIè et XVIIIè siècles, PUF, 1965,459 p.