Cours de Droit International Prive

download Cours de Droit International Prive

of 109

Transcript of Cours de Droit International Prive

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    1/109

    11

    UNIVERSITE DES ANTILLES ET DE LA GUYANE

    UFR DES SCIENCES JURIDIQUES ET ECONOMIQUES

    DE GUADELOUPE

    MASTER I DROIT PRIVE

    DROIT INTERNATIONAL PRIVE

    Enseignant : Professeur Frdric LECLERC

    INTRODUCTION

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    2/109

    22

    1.- Quest-ce que le Droit International priv ?

    Le droit international priv ( DIP ) peut tre dfini comme lensemble des rgles quigouvernent les relations juridiques impliquant des personnes prives, et qui prsentent uncaractre dextranit.

    Le DIP a ainsi pour objet les rapports juridiques privs comportant un lmentdextranit , cest--dire qui se rattachent plus dun Etat, soit par leurs sujets ( couplecompos de deux personnes de nationalits diffrentes ), soit par leur objet ( contrat de venteentre deux Franais portant sur une maison situe Sainte-Lucie ), soit par leur source (accident survenant en Rpublique dominicaine entre deux voitures de touristes de nationalit

    franaise ).

    Le DIP va permettre de fournir une solution aux problmatiques que soulve la relationjuridique internationale :

    Par exemple, voici une jeune guadeloupenne qui, sur la Campus de Fouillole, tombeamoureuse dun tudiant Erasmus italien venant de lUniversit de Bologne. Elle lpouse,mais malheureusement quelques mois plus tard, alors que le couple est parti vivre en Espagne, elle apprend que son mari tait dj mari. Etant retourne chez elle, cette jeune femmedcide de demander en justice lannulation du mariage devant le Tribunal de grande instance

    de Pointe--Pitre. Mais le peut-elle ? Ne doit-elle pas plutt porter son action en Espagne ouen Italie ? Et supposer que le tribunal de Pointe--Pitre soit internationalement comptent,quel droit va t-il appliquer pour juger de la validit ou de la nullit du mariage ? Le DroitFranais, ou le Droit espagnol, ou le Droit Italien ?

    Le DIP permet de rpondre ces questions.

    Plus prcisment, le DIP rpond une srie de problmatiques :

    Quand surgit un litige international, il faut dterminer quelle sera la juridictioncomptente (tatique, arbitrale) pour en connatre.

    Ensuite, une fois quune juridiction aura retenu sa comptence internationale, il fautidentifier les rgles de droit que le juge devra appliquer pour trancher le litige : leDroit franais o le droit tranger ?

    Quand le juge franais aura appliqu aux faits la rgle de droit pertinente, il rendra unedcision : or, que deviendra cette dcision, pourra-t-elle produire des effets dans unpays tranger ?

    Ces trois sries de problmatiques forment le cur du DIP. Mais elles ne sont pas lesseules. Le DIP sintresse galement au traitement juridique quil convient de rserveraux trangers qui se trouvent sur notre territoire, ce que lon nomme la condition des

    trangers : par exemple, partir de quand peut-on dire quun tranger en France est

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    3/109

    33

    en situation rgulireou au contraire en situation irrgulire ? Et quels sont ses droitssil est interpell sans papiers par la police ?En outre, le DIP dtermine qui est tranger et qui est national de lEtat, travers lesrgles qui composent le Droit de la nationalit. Par exemple, voil un enfant n il y asept ans en Guadeloupe dun couple hatien. A-t-il de planola nationalit franaise, etsinon, dans quelles conditions pourra t-il acqurir ?

    Quelles mthodes, quels outils sont utiliss pour rpondre ces problmatiques ?

    Il y a plusieurs mthodes :

    Selon H. Batiffol, grand auteur de DIP, il y a un pluralisme des mthodes en DIP , pourreprendre le titre de lun des cours quil a professs lAcadmie de Droit International de LaHaye. Cependant, ces mthodes ne sont pas laisses la discrtion des juristes. Elles doivent

    tre utilises de faon ordonne et suivant une hirarchie.Quelles sont ces mthodes ?

    Ces mthodes reposent toutes sur lutilisation de rgles de droit. Simplement, selon les cas, ilsagira de rgles de droit de types diffrents. Afin de bien les identifier et les comprendre, ilest au pralable important de remonter la source afin de sinterroger sur ce quest une rglede droit.

    Ce qui caractrise une rgle de droit, cest quelle est porteuse dune normede comportement qui, ds lors que certaines conditions sont remplies,

    sadresse un groupe plus ou moins tendu de destinataires, pour leurimposer cette norme sous la menace de la contrainte tatique.

    Quelle est la structure de toute rgle de droit ?

    Toute rgle de droit se compose :

    dune hypothse o dun prsuppos dun lment normatif

    toute rgle de droit est soumise un champ dapplication ( personnel, matriel,spatial, temporel ) ainsi qu des conditions dapplication: cest ce quon appelle

    lhypothse ouprsuppos

    llment normatif : toute rgle est productive dune norme de comportement :faire, ne pas faire, pouvoir de faire ou de ne pas faire, incitation faire ou nepas faire.

    On peut scinder les rgles de droit en plusieurs catgories :

    il y a dune part les rgles matrielles (qui peuvent tre substantielles ousanctionatrices)

    et il y a dautre part les rgles de conflits

    Quest-ce quune rgle matrielle ?

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    4/109

    44

    Cest une rgle qui fixe la matire dun rapport de droit en dictant un complexe de droits etdobligations bnficiant ou incombant aux acteurs du rapport de droit. Ces rgles matriellespeuvent tre des rgles matrielles substantielles, ou bien des rgles matriellessanctionatrices.

    Les rgles matrielles substantielles sont des rgles qui noncent des droits desobligations constituant lossature des droits subjectifs reconnus aux individus dansleurs rapports rciproques ( droit de proprit, droit de crance dorigine contractuelleou extra contractuelle ). Elles dfinissent ainsi la substance des rapports de droit, dolappellation de rgles matrielles substantielles : article 544 du Code civil, article1134 du Code civil, articles 1382 et 1383 du Code civil. Cest ainsi que le Droit civil,le Droit commercial, le Droit du travail mais aussi le Droit administratif ou le Droitinternational public se composent de rgles matrielles substantielles.

    Les rgles sanctionatrices sexpliquent par la ncessit dassurer la mise en uvreeffective des doits subjectifs, et donc des rgles matrielles qui en fournissent la

    substance: que serait le droit de proprit sans la protection judiciaire de laction enrevendication, sans lexpulsion ou la saisie-apprhension ? Probablement rien. Le droitsubjectif, pour tre efficient, a besoin de la sanction tatique, notamment travers lebras de la Justice. Or, cette sanction, ce recours la Justice ne soprent pas denimporte quelle manire. Par exemple, laction en revendication, qui protge le droitde proprit, se voit soumise un complexe de droits et dobligations auxquels sontsoumis les plaideurs, et qui rsultent de rgles matrielles sanctionatrices. Le constatest le mme sagissant de la saisie-apprhension, rglemente par larticle 56 de la loidu 9 juillet 1991 ainsi que par les articles 139 et suivants du dcret du 31 juillet 1992,toutes rgles matrielles sanctionatrices. En bref, le Droit judiciaire priv, le Droit desvoies dexcution, le Contentieux administratif, la procdure pnale renferment desrgles matrielles sanctionatrices.Pour en terminer avec cette approche de la notion de rgle matrielle , prcisonsquune rgle matrielle de droit international priv est une rgle matrielle, qui peuttre substantielle ou sanctionatrice, spcialement faite pour sappliquer des rapports

    juridiques internationaux. Par exemple, en matire de litige international affrent uneobligation alimentaire, larticle 5 2) du rglement communautaire du 22 dcembre2000 prvoit que laction peut tre porte devant le Tribunal du lieu o le crancierdaliments a son domicile ou sa rsidence habituelle. Il sagit l dune rgle matrielle

    sanctionatrice de droit international priv. La rgle matrielle est dite de droitinterne lorsquelle a t conue pour rgir les rapports juridiques internes : parexemple larticle 42 alina 1 du Code de procdure civile qui nonce que la

    juridiction territorialement comptente est, sauf disposition contraire, celle du lieu odemeure le dfendeur .

    Aux rgles matrielles sopposent les rgles de conflit.

    Quest-ce quune rgle de conflit ?

    Cest une rgle de droit qui, dans son lment normatif, ne dfinit pas des droits et des

    obligations. Cest une rgle de partage qui intervient en amont.

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    5/109

    55

    Exemple : les rgles de conflit dans le temps ou dans lespace qui dlimitent pour lespremires lempire temporel de la loi ancienne et de la loi nouvelle ; et pour lessecondes lempire spatial de deux lois a prioridsireuses de sappliquer une relation

    juridique internationale. Ceci sans crer proprement parler de droits et dobligations.

    En fait, la rgle de conflit se diffrencie de la rgle matrielle par sonlment normatif : plutt que de prescrire un comportement travers des droitset obligations, elles se bornent dsigner les rgles de droit matrielles appliquer pour rsoudre la problmatique donne.

    Comment ces diffrentes sortes de rgles sont-elles utilises en DIP ?

    .

    Quelle mthode est utilise pour la dtermination de la juridiction comptente ?

    Mme si la question de la dtermination de la juridiction comptente relve de la partie duDIP intitule conflit de juridictions , il nen reste pas moins que cette problmatique estrgle comme on le verra laide de la mthode des rgles matrielles sanctionatrices, quelon soit devant un tribunal arbitral ou devant un tribunal tatique. Soit que lon utilise lesrgles matrielles de comptence internes pour fixer la comptence internationale, soit quelon cre des rgles matrielles de comptence propres aux rapports juridiquesinternationaux.

    Quelle mthode est utilise pour la dtermination du droit applicable ?

    Pour rpondre cette question, il faut distinguer selon que le litige est port devant :

    Un tribunal arbitral Un tribunal tatique

    En effet, il faut savoir quun arbitre, la diffrence du juge tatique na pas de for ,cest--dire nappartient pas une organisation juridictionnelle tatique. Cest un

    juge priv qui nest pas rattach un ordre juridictionnel : la diffrence dun jugetatique, il a donc une libert totale des mthodes.

    Le juge tatique lui, rend la justice au nom du Peuple Franais. Donc il fait partie duneorganisation tatique quil doit respecter. Il doit donc obir lordre juridictionnel qui est lesien, qui constitue son for ..

    Le mot For , venant du latin forum, signifie tribunal saisi . La loi dufor, est donc la loi du tribunal saisi. Cest--dire la loi franaise pour le jugefranais, la loi italienne pour le juge italien, etc.

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    6/109

    66

    Historiquement, il faut savoir que cest la mthode du conflit de loisqui a t utilise lapremire. Cette mthode part de lide que le propre du rapport juridique international estde concerner une pluralit dEtats. Par consquent, puisque peu ou pas de rglesmatrielles substantielles de DIP nexistent, il va falloir slectionner parmi les doitstatiques qui ont a priori vocation sappliquer celui qui sera comptent pour traiter laproblmatique pose. Cette mthode va ainsi consister rattacher le rapport juridiqueconcern lordre juridique jug le mieux plac pour en connatre. Or, lordre juridique

    jug le mieux plac pour en connatre sera celui avec lequel le rapport de droit prsente lelien de rattachement le plus troit. Aussi bien, le DIP, catgorie par catgorie de rapportsde droit, dicte-t-il des rgles dites de conflit de lois, cest--dire des rgles qui noncentle rattachement jug le plus appropri dans la matire considre. Par exemple, en matirede statut personnel, le critre rattachement estim le plus appropri est celui de lanationalit, ce qui conduit donner comptence en ce domaine la loi nationale delindividu. Si par exemple se pose la question de savoir si un jeune Mexicain g de 19

    ans est majeur, la rgle de conflit donnera comptence la loi mexicaine pour apporter larponse la question.Le raisonnement comprend comme on le voit plusieurs temps : fairejouer la rgle de conflit et dsigner le Droit applicable, puis puiser au sein de ce Droit lesrgles matrielles substantielles de droit interne apportant la rponse la problmatiquesoumise au juge.

    Cette mthode du conflit de lois qui sera tudie plus loin, nest pas simple. En tous lescas, elle est moins simple que la mthode qui consisterait pour le juge saisi, appliquerdirectement aux litiges internationaux dont il est saisi des rgles matrielles substantiellesde DIP, sans avoir se proccuper de rechercher le Droit applicable au litige. Cettemthode, beaucoup plus simple, nest malheureusement que trs peu pratique, tout

    bonnement parce que de telles rgles matrielles substantielles de DIP, dont elleprsuppose lexistence, nexistent que trs rarement.

    Mais il existe une autre mthode, dcouverte une priode relativement rcente : lamthode des lois de police ou dapplication immdiate..

    Exemple: Voici une entreprise guadeloupenne qui achte en Thalande un stock degomme et de colle destines aux coliers. Cependant la socit guadeloupenne nestpas satisfaite de la qualit du produit quon lui a livr. La socit thalandaise estimeque la livraison est conforme au contrat. Mais la socit franaise invoque la nullit

    du contratcar en France la commercialisation des gommes parfumes est interdite.Cependant, dans le contrat il est indiqu que le prsent contrat sera soumis la loithalandaise. Ainsi pour les exportateurs Thalandais le contrat est donc valable.Cependant, si le litige affrent ce contrat vient devant le juge franais, ce dernier,qui devrait normalement donner comptence au Droit Thalandais dsign par lecontrat conformment au DID franais, ne le fera pas. En effet, il constateralexistence en Droit interne franais de rgles matrielles substantielles relatives lasant publique, particulirement impratives, qui interdisent la commercialisation surle march franais des produits concerns. Le juge appliquera immdiatement cesrgles sans se rfrer la rgle de conflit de lois qui dsigne le droit thalandais, etannulera par consquent le contrat du fait de lillicit de son objet.De la sorte, on le voit, ne se posera mme pas la question de lapplicabilit du droittranger car ici des rgles particulirement impratives du Droit Franais

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    7/109

    77

    revendiquent leur application du fait de la localisation des effets du contrat, etdoivent donc recevoir application immdiatement, peu important que le contrat soitinternational.

    Ainsi ce nest quen labsence de loi de police se voulant applicable au cas despce que le

    juge pourra se tourner vers la premire mthode, car le juge franais est tenu doffice desatisfaire aux exigences de lordre public quexpriment les lois de police.

    En conclusion si on devait hirarchiser ces mthodes, on obtiendrait le classement suivant :

    1. La loi de police2. La rgle matrielle de droit international priv3. La rgle de conflit de lois

    Sachant que 1 et 2 peuvent sinverser : en effet si la rgle matrielle est issue duneconvention internationale, la convention internationale lemporte alors sur la loi de police,simple rgle matrielle substantielle de droit interne. Ainsi dans ce cas-l, la rgle dedroit matriel prime sur la mthode des lois de police.

    Quelle mthode est utilise pour dterminer les effets ltranger dune dcision dejustice ?

    Cest le pays daccueil, cest--dire le pays o lon veut se prvaloir de la dcision trangre,qui va fixer les conditions dintroduction sur son territoire de cette dcision qui a t renduedans son pays dorigine. Pour savoir si cette introduction est envisageable, le juge de lEtatdaccueil va utiliser la mthode des rgles de droit matriel sanctionatrices de son droitinternational priv, ces rgles fixant les chefs de contrle oprer sur la dcision en

    provenance de ltranger. Ainsi quon le verra, ces rgles proviennent aujourdhui en grandepartie du droit europen ou de conventions bilatrales.

    Quelle mthode est utilise pour rglementer la condition des trangers et le droit dela nationalit ?

    La mthode utilise est ici celle des rgles matrielles et substantielles de droit internationalpriv de lEtat concern. En effet, chaque Etat est matre chez lui pour rglementer lacondition des trangers qui se trouvent sur son territoire, ou pour fixer les conditions

    auxquelles se gagne ou au contraire se perd sa nationalit. Classes un peu artificiellementdans la matire du DIP, ces rgles sont mi-chemin du Droit priv et du Droit public, etcroisent souvent la route du Droit communautaire et du Droit europen des droits de lhommeet des liberts fondamentales.

    2.- A quelles sources puise le DIP ?

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    8/109

    88

    Ces sources peuvent tre soit internationalessoit internes. Il serait logique, au regard de leurprsance sur les sources de droit interne, de commencer par exposer les sourcesinternationales. Cependant, les sources internes seront exposes en premier lieu. Pourquoi ?Pour deux raisons. Tout dabord, les sources internes sont historiquement apparues lespremires. Ensuite, elles conservent aujourdhui encore une place prpondrante. Ce qui

    dailleurs met le doigt sur une donne fondamentale du DIP. Il est trs important decomprendre qu la diffrence du DI Public, qui est le mme dans tous les Etats, le DI Priv,international par son objet, demeure aujourdhui encore en large partie une disciplinenationale par ses sources. En clair, il existe un DI Priv franais, comme il existe un DI privespagnol, allemand ou brsilien. La matire ici enseigne est le DI Priv franais. Certes, lamatire sinternationalise de plus en plus sous linfluence notamment du droitcommunautaire. Et ce mouvement va se poursuivre, surtout depuis que le trait dAmsterdama confi lUnion europenne comptence pour lgifrer en matire de DI Priv. Mais, pourlheure, lessentiel de la matire puise aux sources internes.

    Les sources internes

    Il y a trois sources : la loi, la jurisprudence, la doctrine.La loiest une source majeure du DIP dans deux domaines :

    En matire de condition des trangers En matire de nationalit

    En revanche, dans les autres domaines du DIP la loi na quune influence beaucoup plusfaible. Le seul domaine o la loi a une importance notable, cest dans larbitrage international(articles 1492 1507 du CPC). Et encore la jurisprudence de la Cour de cassation joue t-elleen cette matire un rle tout--fait majeur.

    La jurisprudence, est indiscutablement la source la plus importante. Historiquement,

    le DIP a t bti par la jurisprudence. Elle a t le matre duvre du DIP partir duXIXe sicle. Dailleurs la thorie gnrale des conflits de lois a t entirement btiepar elle, et continue dtre affine par la jurisprudence principalement de la Cour decassation. Le DIP a ainsi ses grands arrts, qui fournissent largement la substance de ladiscipline.Cependant, nous le constaterons, la jurisprudence est parfois trs instable, et surcertains points plutt que dvolution jurisprudentielle, il faudrait sans doute parler de circonvolutions jurisprudentielles . Ce qui de lavis de certain, doit minimiser lerle de la jurisprudence.

    La doctrine: si le DIP a ses grands arrts, il a aussi ses grands noms. Lhistoire de la

    discipline atteste du rle prpondrant quont jou quelques grands internationalistesdans son laboration : Dumoulin, DArgentr, Pillet, Mancini, Bartin, Niboyet, et plusprs de nous Batiffol ont pes sur les choix de la Cour de cassation. A cet gard, il estfrappant de constater une interaction entre la doctrine et la jurisprudence, celle-cisuscitant les ractions de la doctrine qui, par ses critiques et propositions suscite enretour les ractions de la jurisprudence. Un organe, le Comit franais de DIP, par larencontre et les dbats quil permet entre universitaires, magistrats et avocats, joue unrle tout--fait intressant dans ldification de la matire.

    Les sources internationales

    Deux catgories de sources internationales peuvent tre recenses : Les sources dorigine publique

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    9/109

    99

    Les sources dorigine prive

    Les sources internationales dorigine publique : il en existe trois sortes, et qui sontdingale importance.1. Les rgles non crites du droit international public

    2.

    Les traits diplomatiques3. La jurisprudence des juridictions internationales

    1) En ce qui concerne les rgles non crites du droit international public, ce sont desrgles qui sont constitues par la conduite qui est habituellement suivie par la plupartdes Etats lorsquils sont confronts une problmatique ; une attitude que vont suivreles autres Etats pour ne pas se mettre en contravention avec ce qui se faithabituellement.

    Un exemple est fourni par larrt du 2 mai1990, rendu dans laffaire Rpubliquedu Guatemala

    Une exportation illicite de caf du Guatemala avait t opre par unesocit qui avait son sige Paris, avec la complicit dun exportateur local. Or, ltatdu Guatemala ntait pas content car comme lexportation du caf avait t dissimule,les droits de douanes et autres taxes navaient pas t pays. Le Guatemala rclamaitdonc paiement des droits de douane ainsi que la restitution en nature ou en valeur desmarchandises. Les juges du fond ayant stant estims incomptents pour appliquer lesrgles de droit public fiscal, douanier ou conomique dun Etat tranger, la Cour decassation les en a approuvs aux motifs quil rsulte des principes, du droitinternational rgissant les relations entre tats que dans la mesure o leur objet est li lexercice de la puissance publique, la demande dun tat tranger fond sur des

    dispositions de droit public ne peuvent tre portes devant les juridictions franaises.

    Cependant la Haute Juridiction, ce principe peut tre cart notamment si lesexigences de la solidarit internationale ou la convergence des augmentations encause, le justifie .

    2) Les traits diplomatiques: en DIP, il existe toute une srie de conventions. Elles sontde diffrentes sortes. Premirement il faut faire une distinction quant au nombredEtats parties la convention internationale, en ce sens quil y a des traits bilatrauxet des traits multilatraux. Les traits bilatraux, historiquement, sont apparus les

    premiers, car ils sont plus faciles conclure que les traits multilatraux. Par exempleexiste entre la France et le Maroc une convention du 10 aot 1981 relative au statutdes personnes et de la famille et la coopration judiciaire, qui dicte des rgles deconflit de lois, des rgles de comptence internationale ainsi que des rgles dereconnaissance mutuelle des dcisions dans chacun des Etats. Cependant, depuis unequarantaine dannes, les traits multilatraux se sont considrablement dvelopps.

    Il faut savoir que le trait bilatral lemporte normalement sur le trait multilatral car leslois spciales drogent aux lois gnrales. Cependant, lorsquun trait multilatral stconclu, il prend souvent soin dcarter les conventions bilatrales qui avaient t concluesen Etats signataires.

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    10/109

    1010

    Les traits multilatraux peuvent intervenir dans les domaines les plus varis. Ilsinterviennent dans le domaine des conflits de juridictions cest--dire dans le domaine dela comptence internationale ou dans le domaine des effets des jugements, principalementdans lespace communautaire o cependant, ils sont aujourdhui transforms enRglements communautaires..

    Dautres de ces conventions uniformisent les rgles de conflits de lois. ce propos,mention doit tre faite de la confrence de la Haye qui se runit en session priodiquedepuis 1893 et qui est lorigine de toute une srie de conventions internationales dont laplupart sont entres en vigueur, mais pas toujours en France.

    Exemple : en France ces conventions de la Haye concernent les matires :protection des mineurs, protection internationale des adultes, accidents de lacirculation routire, responsabilit du fait des produits dfectueux, reprsentation,enlvement international denfant, rgimes matrimoniaux, protection desincapables, trust, etc.

    Il y a aussi des conventions qui ont cr des rgles matrielles de DIP . Plus prcismentdes rgles matrielles substantielles de DIP sous plusieurs gides, dabord lgide des Nationsunies ( vente internationale de marchandises ), mais aussi celle UNIDROIT ( crdit-bailinternational, affacturage international )

    Il convient galement dobserver que la Convention Europenne des Droits de lHomme etdes Liberts Fondamentales a des implications de plus en plus fortes en DIP. Il arrive de plusen plus souvent quune solution de DIP soit influence par cet instrument : pour ne citer quunexemple, prenons celui des rpudiations musulmanes prononces ltranger qui, pourtantreconnues par des conventions bilatrales liant la France, ne peuvent plus produire effet enFrance, la Cour de cassation les rejetant car contraires larticle 14 de la CEDH ( principe denon discrimination ) et larticle 5 du protocole additionnel de la CEDH posant le principe delgalit entre les poux lors de la dissolution du mariage.

    3) La jurisprudence des juridictions internationales

    Il nexiste pas comme on le verra de juridictions spcifiques qui connaissent des litigesinternationaux entre personnes prives. Nanmoins, il y a des juridictionssuprationales qui connaissent des litiges intressant le DIP : la Cour Internationale deJustice (CIJ) qui sige la Haye ; la CEDH ; mais aussi la CJCE qui a comptencepour interprter les rgles de droit communautaire, et donc celles qui intressent leDIP.

    Les sources internationales dorigine prive

    Elles ont une grande importance en DIP. Elles jouent un rle de premier plan en droit desaffaires internationales, surtout il faut bien lavouer lorsque le litige se voit port devant une

    juridiction arbitrale.

    Ce sont par exemple les Incoterms : ce sont les rgles manant de la Chambre de CommerceInternationale, qui dfinissent les termes des contrats ayant par exemple pour objet des ventescomportant une opration de transport international ( vente dpart , vente arrive , venteFOB, CIF, FAS, franco wagon,franco usine, etc. ).Trs frquemment utiliss par lesoprateurs du commerce international, ces Incoterms accdent au rang de vritable rgle dedroit du fait de leur adoption gnralise.

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    11/109

    1111

    Ou encore les contrats-types dans le domaine de la vente internationale des crales parexemple.

    De toutes ces pratiques, de ces contrats, de ces incoterms, se dgagent des principes, desusages qui reprsentent le tronc commun de toutes ces sources ; des principes communs lensemble de la communaut des oprateurs du commerce international.

    Cest la naissance de la Lex mercatoria, du nom de lantique Loi des marchandsqui au Moyen-Age sappliquait sur toutes les foires dEurope, et qui constituenotamment lanctre du droit cambiaire.

    Devant les arbitres, cest laLex mercatoriaqui sera souvent applique, de prfrence auDroit tatique, et ce contrairement au juge tatique qui lui ne peut appliquer la Lexmercatoria et doit appliquer le Droit tatique(article 12 du NCPC).

    En 1994, tous ces principes ont t codifis par un organisme : UNIDROIT, qui a publi desprincipes relatifs aux contrats du commerce international.

    Ce quon appelle le soft law : cest--dire un droit qui tire sa force de la volont desparties. Le soft law a la valeur de loi suppltive. A noter cependant que dans un arrtValenciana du 22 octobre 1991, la Cour de cassation a estim que larbitre ayant jug parapplication de la lex mercatoriaest rput avoir statu en droit .

    Le dtail de la matire doit tre prsent abord. Si lon excepte la matire de lacondition des trangers, et le droit de la nationalit, qui malheureusement ne peuventtre tudis ici du fait du volume ncessairement rduit de cet enseignement, troisproblmatiques doivent retenir notre attention.

    Trois problmatiques qui se posent au juriste lorsquil vient tre confront uncontentieux international :

    En premier lieu, la question de la juridiction internationalementcomptente pour connatre du litige donn. Pour ce qui nous concerne ici, savoir un cours de DIP franais, la tche consistera dterminer le raisonnement quilconvient de suivre afin de savoir si une juridiction franaise est internationalementcomptente pour connatre du litige. Cette question de la comptence

    juridictionnelle internationale se pose logiquement la premire. La raison en estque, comme nous le savons maintenant, chaque Etat a son propre systme de DIP, etdonc ses propres rgles de dsignation du droit applicable. Il sensuit quil y a de

    fortes chances pour quun juge par exemple canadien, qui appliquera le DIP canadien,napplique pas les mmes rgles de conflit de lois que son homologue franais, qui luiappliquera le DIP franais et donc les rgles de conflit de lois franaises. Parconsquent, lorsquun juriste sinterroge sur le droit qui sera appliqu au rapport dedroit international dont il est saisi, il doit ncessairement au pralable sinterroger surla juridiction quil souhaite saisir du litige international, puisque de lidentification decette juridiction dpend lidentification du DIP qui fournira la rponse la question dudroit applicable. La dtermination du tribunal comptent prcde logiquement ladtermination du droit applicable. A supposer quil veuille saisir le tribunal parexemple canadien, il devra interroger le DIP canadien afin de savoir si une juridictioncanadienne est ou pas internationalement comptente pour connatre de ce litige. Leprincipe en effet ici est que chaque Etat est matre chez lui pour fixer la comptenceinternationale de ses propres juridictions. Cependant, force est de constater que les

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    12/109

    1212

    instruments internationaux ont accompli leur uvre unificatrice en ce domaine, et quepar exemple en Europe, 26 des 27 Etats membres de lUnion europenne obissent des rgles de comptence internationales identiques dans de nombreux secteurs dudroit priv.

    La mthode suivie pour dterminer la juridiction internationalement comptente pourconnatre du litige est la mthode des rgles matrielles sanctionnatrices, soit que lon forgedes rgles matrielles sanctionnatrices de DIP, soit, et cest comme cela que tout a commenc,que lon utilise en matire internationale des rgles matrielles sanctionnatrices cresinitialement pour les seuls rapports internes.

    En second lieu, la question qui se pose de savoir est celle de savoir enapplication de quelles rgles de droit le juge va trancher le litige qui lui estsoumis.Comme on la vu, le juge saisi va appliquer son propre systme de DIP, et plusprcisment a mettre en uvre la mthode convenant au cas despce, cest--dire au gr deslitiges, la mthode de la rgle de conflit de lois, ou la mthode des rgles matriellessubstantielles de droit international priv, ou bien encore la mthode des lois de police oudapplication immdiate.

    En troisime lieu enfin, peut jaillir la question de savoir quels effets la dcisionqui a t rendue sera susceptible de produire dans un pays tranger. Cette dcisionpourra t-elle y tre reconnue ou mieux encore y tre excute ? Ainsi quil a t dit, cest leDIP du pays daccueil qui dictera les conditions remplir par cette dcision, ce quil fera laide de rgles matrielles sanctionatrices de droit international priv.

    Titre I : La dtermination de la juridiction comptente

    Rflchir la dtermination de la juridiction comptente impose immdiatement de prendreconscience que si la plupart des litiges sont tranchs par des juridictions tatiques, le domainedes relations daffaires internationales se caractrise par un recours frquent larbitrageinternational : beaucoup de contrats internationaux renferment une convention darbitrage, ouclause compromissoire. Les parties sont alors obliges de porter le litige, lorsquil survient,devant le Tribunal arbitral, sans pouvoir aller devant le juge tatique. Cette exclusivit de la

    justice arbitrale en prsence dune convention darbitrage explique quil faille tout dabord

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    13/109

    1313

    traiter de la comptence internationale de la juridiction arbitrale ( Chapitre I ), avant dtudierla comptence internationale de la juridiction tatique ( Chapitre 2 ).

    Chapitre I : La juridiction arbitrale

    En liminaire il est important de remarquer que ce nest pas parcequon va devant un arbitre quon saffranchit de la juridictiontatique. Larbitrage prime sur le juge tatique, mais ce dernierassure un contrle, un encadrement, et plus gnralement uneprsence dans le procs soumis au Tribunal arbitral. Sans entrerdans le dtail, observons quen cas de difficults entourantlinstance arbitrale, le juge tatique pourra tre saisi afin dersoudre la difficult : dsignation dun arbitre, octroi de

    mesures provisoires ou conservatoires, communication depices. ). Surtout, une fois que la sentence aura t rendue, le

    juge tatique pourra connatre dventuelles voies de recours son encontre, ou tre saisi dune demande tendant rendre lasentence excutoire.

    Section I : Introduction au droit de larbitrage international

    Paragraphe I : dfinition de larbitrage international

    A.Quest-ce quun arbitrage ?

    Larbitrage est une technique visant faire donner la solution dune question intressant unrapport de droit, par une ou plusieurs personnes qui tiennent leur pouvoir juridictionnel duneconvention prive et statuent sur la base de cette convention sans tre investies de cettemission par ltat.

    De cette dfinition, rsultent deux traits importants de larbitrage :

    Les arbitres ont une mission juridictionnelle

    Cette mission juridictionnelle sexerce par la grce dune convention prive1) La mission juridictionnelle larbitre

    Larticle 1496 du NCPC nonce que: larbitre tranche le litige conformment auxrgles de droit que les parties ont choisies .

    Larticle 1476 du NCPC prcise quant lui que : la sentence arbitrale a, ds quelleest rendu lautorit de la chose juge relativement la contestation quelle tranche.

    Or cette fonction juridictionnelle suppose la runion de deux lments :

    Il faut que la dcision de larbitre soit obligatoire, quelle simpose aux parties quielle est destine.

    Ds que dans un contratil y a une clause

    compromissoire, lesparties devront

    obligatoirement allerdevant le tribunal

    arbitral.Il y a une prsance de

    larbitre sur le jugetatique.

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    14/109

    1414

    Il faut quil y ait contestation, litige.

    Si ces deux lments ne sont pas runis alors quun arbitre a t saisi, cela signifieraitque larbitre serait simplement investi dune mission de conciliation ou dexpertise.

    2) Le fondement conventionnel de larbitrage

    Les arbitres tirent leur pouvoir dune convention. Celasignifie que larbitrage est tributaire de la volont desparties : de ce principe, il y a toute une srie deconsquences :

    La dsignation delarbitre, cest--dire

    son investiture est lefruit de la volontdes parties

    Ce sont encore les parties qui vont dterminer le cadre,ltendue de la missionde larbitre

    De mme, la volont des parties va peser sur lorganisation de larbitrage: les partiesvont fixer laprocdure,par exemple dterminer le calendrier de larbitrage, le jeu desconclusions, la possibilit dauditionner des tmoins, etc.

    Le droit applicableau fond sera galement dtermin par les parties : ce sont ainsi lesparties qui dcideront si le Tribunal arbitral statuera en application de rgles de droittatiques, ou en ayant recours la lex mercatoria, ou bien encore en amiable compositionou e quit.

    Larbitre doit galement rendre sa sentence dans le dlai impartipar les parties ; il nepeut par lui-mme proroger le dlai.

    B.Quest-ce quun arbitrage international ?

    La question de savoir si lon est en prsence dun arbitrage international est trs importante.

    En effet, ainsi quil va tre constat le Droit franais de larbitrage international a pos desrgles matrielles plus souples et librales que celles qui gouvernent en France larbitrageinterne.

    Or, il y a deux conceptions possibles de lextranit dun arbitrage :

    Une conception juridique Une conception conomique

    1) la conception juridique

    Larbitrage devient internationalds lors que les lments du litige se rattachent plus dun Etat.

    Quand les parties ont toutelibert pour organiser la

    procdure, on parledarbitrage ad hoc que lon

    distingue de larbitrageinstitutionnel(cest quand la

    litige est port devant uncentre darbitrage )

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    15/109

    1515

    Exemple: une socit a son sige en Guadeloupe et commande une socit de Nantesdu bois import dIndonsie ; et dans le contrat il est inscrit quen cas de litige, le tribunalarbitral sera celui de Genve.

    Cest un litige international car il se rattache plus dun Etat, alors mme que,

    comme on le voit, le contrat unit deux socits de droit franaisCette conception juridique est ainsi une conception a minima de larbitrageinternational.

    2) La conception conomique

    Elle est plus exigeante. Cette conception ne se contente pas de nimporte quelle extranit.

    Il faut que larbitrage soit intrinsquement international, et que donc, lextranitsoit expressment caractrise.

    Larbitrage sera intrinsquement internationalque si lelitige met en jeu des intrts du commerceinternational.

    Plus prcisment selon la jurisprudence Matter ( nom duprocureur Gnral prs la Cour de cassation initiateur de cette

    jurisprudence ) de la Cour de Cassation du 17 mai 1927, pourquil y ait arbitrage international, le contratauquel se rapporte le litige doit produire comme un mouvement de flux et de reflux de valeursconomiques au-dessus des frontires, et des consquences rciproques dans un pays et

    dans un autre .Selon cette conception, larbitrage dans lexemple prcdent ne serait pas un arbitrageinternational, ds lors que lchange de valeurs conomiques concerne deux socitssitues en France. Pour quil y ait internationalit , il faudra par exemple quelacheteur et le vendeur soient domicilis dans deux Etats diffrents.

    Cette conception a t consacre en 1981( dcret du 12 mai 1981 ) par le NCPC. Selonlarticle 1492 du NCPC, est international larbitrage qui met en cause des intrts du

    commerce international.

    Aujourdhui pour que les rgles matrielles spcifiques sappliquent il faut quon soit

    conomiquement en prsence dun contrat international.

    Paragraphe II : Pourquoi recourir larbitrage international?

    Larbitrage prsente beaucoup davantages :

    La rapidit, un arbitrage pouvant tre rendu en lespace de quelques mois. Larbitrage est rendu par des personnes comptentes, en ce sens quelles seront

    souvent choisies en fonction de leur qualit de technicien dans le domaine abord par

    le litige. Discrtion de larbitrage car les sentences ne sont pas toujours publies

    Larbitrage internationalnintresse que la vie des

    affaires

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    16/109

    1616

    Souplesse et libert dans la procdure et le choix des rgles applicables

    Paragraphe III : les sources de larbitrage

    Ces sources sont internationales et internes

    A.

    Les sources internationales

    Elles sont de deux types :

    Les sources publiques Les sources dorigine prive

    1) Les sources publiques

    Elles sont composes de conventions internationales. Parmi celles-ci, des conventionsmultilatrales, dont :

    La convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et lexcution dessentences arbitrales trangres (ratifie par 120 pays)

    La convention de Genve du 21 avril 1961sur larbitrage international (ratifi par unevingtaine dtats), qui dicte des rgles matrielles sur les diffrentes phases delarbitrage, lexception de la reconnaissance et de lexcution.

    2) Les sources prives internationales

    Il y a des normes prives qui ont une grande importance :

    Les conventions darbitrage-type :Les grands centres arbitraux institutionnels proposent des conventions darbitrage-type, qui ont un grand rayonnement et deviennent de ce fait un modle largement suivi parles praticiens du commerce international.

    Les rglements darbitrageLe mme propos que prcdemment doit ici tre tenu. Les rglements de quelquesgrands centres darbitrage, comme lAAA ( American Arbitration association ) ou laCCI de Paris, rgulirement actualiss, servent de modles et acquirent de ce fait lavaleur de normes.

    La jurisprudence arbitrale internationaleLes sentences rendues par les arbitres sont de plus en plus publies et commentes, etinspirent sur les questions darbitrage quelles traitent les instances arbitralesultrieures..

    B.Les sources internes

    Il y a la loi: aujourdhui larbitrage international est codifi depuis 1981 dans le CPC(article 1492 1507)

    Cette rforme lgislative na fait que reprendre la jurisprudence. En effet, cest

    incontestablement la jurisprudence qui a bti en France le droit de larbitrage international(deux juridictions y ont contribu : la Cour de Cassation et la Cour dAppel de Paris).

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    17/109

    1717

    Aujourdhui, la Cour de cassation joue un rle de tout premier plan dans la constructiondu Droit de larbitrage international : pour preuve la quinzaine de grands arrts rendusdepuis une dizaine dannes, sans la connaissance desquels la matire ne peut trecomprise de faon approfondie. Au titre des sources lgislatives, mention doit tre faite delarticle L.135-1 du Code de la consommation, qui prohibe en tant que clauses abusives

    les stipulations obligeant le consommateur saisir exclusivement une juridictiondarbitrage , toutes les fois du moins o ce consommateur a son domicile sur leterritoire de lun des Etats membres de lUnion europenne, et que le contrat y estpropos, conclu ou excut .

    Section II : Mthode du Droit de larbitrage international

    Paragraphe I : la mthode avant la jurisprudence Dalico du 20dcembre 1993

    Quels sont les problmes que peut poser un arbitrage international ?Schmatiquement, il est possible de regrouper les problmatiques que peut susciter unarbitrage international autour de trois thmes : tout dabord, les questions que peutsoulever la convention darbitrage ; ensuite, linstance arbitrale qui va de la saisine desarbitres jusquau rendu de la sentence ; enfin le sort de la sentence, commencer par sareconnaissance et les effets quelle peut produire au sein des diffrents Etats.

    Cependant, ainsi que le montre la jurisprudence, le contentieux se rapporte le plussouvent la convention darbitrage, tant rappel que la convention darbitrageprendra soit la forme dune clause compromissoire insre dans le contratavant tout litige, soit la forme dun compromisconvenu entre les parties aprs lanaissance du litige:

    Quels sont les problmes que peut poser la clause darbitrage ?La convention darbitrage a la nature dune stipulation contractuelle qui,comme tout contrat peut poser des problmes de formation, deffets ( quelssont ces effets ? quelles sont les parties lies ?), de prennit ( jusququand la convention darbitrage produit-elle ses effets, notamment en casde reconduction, de prorogation du contrat qui la contient ? )

    Quelle mthode employer pour rpondre ces problmatiques ?

    Avant de prciser la mthode devant tre suivie, prcisons que ces problmatiques sont

    susceptibles de surgir devant le Tribunal arbitral, quune des parties par exemple prtendraincomptent car saisi sur le fondement dune convention darbitrage nulle ou inopposable.Mais ces problmatiques pourront galement se prsenter devant le juge tatique ayant connatre dun recours contre la sentence, ou auquel lexequatur de la sentence est demand :lune des parties pourra alors soutenir que la sentence est nulle ou insusceptible dexequatur.

    Lexpos de ce qui va suivre concerne lhypothse o la problmatique affrente laconvention darbitrage va tre soumise une juridiction tatique. Mais, disons le tout desuite, les Tribunaux arbitraux, lorsquils sont confronts ce genre de problmatique, suiventune dmarche similaire.

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    18/109

    1818

    Pour bien comprendre la situation daujourdhui, il savre ncessaire de parler brivementdhier, et du changement radical qui sest produit dans le choix des mthodes il y a quelquesannes.

    Avant 1993, la Cour de cassation, lorsquil fallait rsoudre un problme de validit ou

    defficacit dune convention darbitrage, prescrivait aux juges du fond demployerprincipalement la mthode du conflit de lois : par exemple, si une socit partie un litigeprtendait que la sentence ne pouvait produire le moindre effet son gard, parce quelle avaitt rendue sur la base dune convention darbitrage ayant t signe par un organe de lasocit dpourvu de pouvoir, le juge recherchait la loi applicable cette problmatique. Plusprcisment, il qualifiait la problmatique ( ici une problmatique de droit des socits ), etfaisait jouer la rgle de conflit correspondante, en loccurrence la rgle de conflit de loisdonnant comptence la loi de la socit, cest--dire la loi de son sige social. Puis ilrecherchait au sein de cette loi la rgle matrielle permettant de rpondre la question desavoir si une socit doit tre lie par larbitrage lorsque la convention darbitrage a t signepar un organe dpourvu de pouvoir.

    Mais, paralllement cette dmarche, assez peu satisfaisante, la jurisprudence avaitcommenc dgager des rgles matrielles sanctionatrices de droit international priv,supprimant le recours la mthode du conflit de lois, et donnant des solutions tournes versun objectif de plein panouissement de larbitrage international, le but tant de faire en sorteque la convention darbitrage reoive la plus large application possible. Cest ainsi que dansun trs important arrt Gosset du 7 mai 1963, la Cour de cassation a pos la rgle delautonomie de la clause compromissoire: en clair, mme si le contrat qui contient laclause est argu de nullit ou de caducit ou de rsolution ou de novation, cette clause nenrecevra pas moins effet, ce qui a pour effet de la faire chapper toutes les vicissitudesaffectant le contrat, et dasseoir par consquent la comptence de larbitre pour connatre de

    toutes questions affrentes au contrat et incluses dans sa mission. Dans le mme esprit, larrtHecht du 4 juillet 1972 rendu par la Cour de cassation nhsitait pas inverser le principevalant en droit de larbitrage interne, et affirmer la validit de principe de laccordcompromissoire en matire internationale, cette solution tant affirme sans la moindrerecherche du droit applicable la convention darbitrage. La volont de promouvoirlarbitrage en matire internationale tait l encore manifeste.

    Larrt Dalico, arrt du 20 dcembre 1993, par la 1reChambre civile de la Cour de cassationa acclr le mouvement, et reprsente un tournant radical dans le droit arbitral franais.

    Dornavant il ny a plus lieu dutiliser la mthode du conflit de lois. Toutes les fois que le

    juge est confront un problme defficacit de la convention darbitrage, le juge doitrsoudre cette question laide dune rgle matrielle sanctionatrice de DIP.

    Lexistence et lefficacit de la convention darbitrage sapprcient sous rservedes rgles impratives du droit franais et de lordre public international, daprs lacommune volont des parties, sans quil soit ncessaire de se rfrer une loitatique .

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    19/109

    1919

    Tout le sens de cette jurisprudence est dune part dabandonner la mthode des conflits de loisen invitant le juge, confront une problmatique defficacit de la convention darbitrage, utiliser une rgle matrielle adapte au droit de larbitrage international, voire den crer unesi cette rgle nexiste pas encore. Etant observ dautre part que cette rgle matrielle devraviser donner un maximum defficacit et deffet la convention darbitrage. En effet, mode

    rapide et efficace des litiges du droit du commerce international, larbitrage ne doit pas voirson jeu paralys lors de la survenance du litige par la mauvaise foi dune des parties, prompte invoquer la nullit ou linefficacit de la convention darbitrage.

    Cependant, prend soin de rserver larrt Dalico, la convention darbitrage ne produira deffet

    que si sont satisfaites les exigences de lordre public et les rgles impratives du Droitfranais : en clair, si dans certains contrats, les exigences de lordre public ou des rglesimpratives dtournent de larbitrage, rput dangereux pour la partie faible ( contrat detravail, contrat de consommation ), lefficacit de la convention darbitrage pourra se voiralors remise en question.

    Suite larrt Dalico, plusieurs rgles matrielles sanctionatrices du droit de larbitrageinternational ont t forges par la jurisprudence :

    Les rgles matrielles

    Par exemple, la licit de la clause darbitrage par rfrence, cest--dire la clausedarbitrage qui est extrieure au contrat proprement dit et laquelle ledit contrat serfre. Lessentiel, selon la Cour de cassation, est que la partie destinataire desconditions gnrales o figure la clause compromissoire, ait pu en avoirconnaissance au plus tard au moment de la conclusion du contrat ( arrtProdexport de la 1reCh. Civile de la Cour de cassation du 3 juin 1997 ).Autre exemple, la transmission au banquier cessionnaire dune crance professionnelle( cession Dailly ) de la clause compromissoire qui figurait au contrat pass entre lecdant et le dbiteur cd. Ce qui fait que si le banquier veut agir lencontre dudbiteur cd lorsque la crance sera chue, il devra respecter la clausecompromissoire ( Cass. Civ1, 5 janv.1999, Banque Worms ), laquelle pourtant ilntait pas lorigine partie.

    Avec la jurisprudence Dalico :Abandon de la mthode des conflits de loi au profit des rglesmatrielles sanctionatrices de DIPRespect de la volont des parties afin de donner plein effet auxconventions darbitrage, pour une meilleure efficacitNe pas oublier les limites par rapport lordre public et aux lois depolice

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    20/109

    2020

    Dernier exemple, la rgle matrielle de DIP forge par la Cour de cassation dans son arrtTaurus Films du 8 fvrier 2000, propos dun contrat de sous-mandat pour lexploitation dunfilm, et en vertu de laquelle la clause darbitrage international simpose toute partie venantaux droits de lun des contractants . En clair, de manire gnrale, layant-cause sera li parla convention darbitrage conclue par son auteur.

    En conclusion, toutes les dcisions de la Cour de cassation sont tournes vers lacration de rgles matrielles permettant le plein panouissement de la conventiondarbitrage.

    Chapitre II: La juridiction tatique internationalement comptente

    Ainsi quil a t dit plus haut, les litiges internationaux opposant des personnes prives

    ne sont pas ports devant des juridictions spcialement cres pour en connatre. Laraison en est sans doute quinternationale ou interne, une action en divorce ou uneaction possessoire, ou bien encore fonde sur un contrat de travail ne perd pas sanature profonde, ce qui justifie la comptence des juridictions qui, en droit interne,connaissent ce genre de litiges. Mais, puisque lon a recours aux juridictions tatiques,la question se pose de savoir si dans un pays donn, comme la France, les juridictionsdoivent accepter de connatre dun litige international qui ne mettrait en prsence quedes Etrangers. Cette question mrite dtre pose en premier lieu ( Section 1 ), avantque soient abordes les rgles qui gouvernent la comptence internationale des

    juridictions franaises. A cet gard, il doit tre immdiatement observ que les rglesrgissant la comptence internationale des juridictions franaises proviennent soit de

    conventions internationales ( Section 3 ), soit de ce que lon nomme le droitcommun ( Section 2 ). Normalement, les rgles de comptence dorigineconventionnelle devraient tre tudies les premires, ne serait-ce quen raison de leurprimaut sur les rgles de droit commun, qui impose au juge saisi de vrifier toutdabord sa comptence en contemplation des rgles conventionnelles. Nanmoins, cesont les rgles de droit commun qui retiendront tout dabord notre attention, ne serait-ce que parce quelles sont historiquement apparues les premires.

    Section I : Laptitude des juridictions franaises connatre dun litigeinternational

    Pendant longtemps on a dout du fait que les tribunaux franais puissent connatre des litigesinternationaux impliquant des trangers. Ceci parce que le pouvoir de juridiction apparaissaitcomme un aspect du pouvoir souverain sur les individus. Or en France la justice est rendue aunom du souverain (le peuple franais) envers les Franais sujets du souverain..

    Cette conception est la conception publiciste : rendre la justice est un acte de souverainet.Par consquent, les tribunaux franais ne peuvent rendent la justice que pour des Franais.Cest la thorie du juge naturel.Cette thorie a influenc les rdacteurs du Code civil puisquedeux articles (14 et 15 du Code civil) noncent que: les tribunaux franais sont comptentslorsque, soit le demandeur, soit le dfendeur, est de nationalit franaise . Ainsi, avec cetteconception, les tribunaux franais sont comptents pour connatre de litiges internationaux,pourvu quune des parties soit de nationalit franaise. A contrario, en avait-on dduit, lestribunaux franais devraient se reconnatre incomptents lorsque aucune des parties na la

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    21/109

    2121

    nationalit franaise. Mais cette position allait sattirer de nombreuses critiques du fait de sesnombreux inconvnients : comment refuser la justice des trangers installs enFrance sous peine de commettre un dni de justice ? Dans le mme temps, laconception publiciste de la justice tendait cder le pas une conception plus privatiste de la

    justice : certes acte de souverainet, rendre la justice consiste aussi et peut tre surtout

    rsoudre des conflits dintrts privs. Cette mission doit sinspirer de considrations tellesque la commodit des plaideurs, la proximit du juge comptent avec les donnes du litige, etplus gnralement une bonne administration de la justice. Avec une telle conception, ilimporte peu que les plaideurs soient de nationalit trangre, ds lors que les intrts quilsentendent voir triompher se situent sur notre territoire. Cest pourquoi la Cour de cassationprogressivement, a entrepris de restreindre le principe dincomptence des tribunaux franaisdans les litiges entre trangers. Elle lcarta donc dans diffrents domaines du droit, avant delabandonner compltement dans larrt Patin du 28 juin 1948, ds lors que le litige sinsresuffisamment dans lordre juridique franais.

    Cependant, labandon de ce principe dincomptence mettait en lumire une seconde

    question : o trouver les rgles qui permettraient au juge franais de dire au cas despce sildevrait ou non sestimer comptent. En effet, si aucune des parties ntait franaise, il nepouvait tre question dutiliser les articles 14 et 15 du Code civil. Beaucoup estimrent alorsque la problmatique de la comptence internationale des tribunaux franais sapparente celle de la comptence territoriale, le but tant dattribuer comptence un tribunal silentretient des liens suffisants avec le litige.

    Do une extension en matire internationale des rgles de comptenceterritoriale interne :

    Cour de Cassation arrt Plassa 19 octobre 1959 consacr ensuite par larrtScheffel du 30 octobre 1962: lextranit des partis nest pas une cause

    dincomptence des juridictions franaises, dont la comptence internationalese dtermine par extension des rgles de comptence territoriale interne .

    Cette jurisprudence est demeure constante depuis.

    Ainsi, en vertu de cette jurisprudence un tribunal pourra connatre dun litigeinternational toute les fois o se localiseront en France un des critres retenus par lesrgles de comptence territoriale que contient notre Code de procdure civile. Ce pointdoit tre prsent approfondi.

    Section II : Les rgles de droit commun

    Ces rgles de droit commun se dcomposent en deux catgories de rgles. Dune partles rgles de comptence dites ordinaires ( 1 ), par opposition aux rgles decomptente extraordinaires ou plutt exorbitantes de droit commun que sont lesarticles 14 et 15 du Code civil ( 2 ). Les rgles de comptence ordinaires doivent treexamines en premier lieu, car elles ont prsance sur les articles 14 et 15 qui, commeil va tre vu, ont un caractre subsidiaire .

    Paragraphe I : les rgles ordinaires de comptence internationale

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    22/109

    2222

    Le principe est l extension en matire internationale des rgles internes de comptenceterritoriale. Mais ce principe souffre dexceptions.

    A.Lextension dans le domaine international des rgles de comptenceterritoriale interne

    Ce principe rsulte des arrts Pelassa et Scheffel. En vertu de ce principe, un tribunalfranais va tre internationalement comptent toute les fois que se localise en France lun descritres prvus par nos rgles de comptence territoriale cest--dire par exemple :

    De faon gnrale, le domicile du dfendeur ( art.42 CPC ) En matire contractuelle, le lieu dexcution du contrat ( art.46 CPC ) En matire de responsabilit extracontractuelle, le lieu de la ralisation du dommage (

    art.46 CPC ) En matire de divorce, le lieu de rsidence commune de la famille / A dfaut de

    rsidence commune, le lieu de rsidence du parent avec lequel vivent les enfants

    mineurs /A dfaut dun tel lieu, le lieu de rsidence de celui qui na pas pris linitiativede la demande (article 1070 du CPC) etc.

    B.Les exceptions au principe

    Le principe de lextension en matire internationale des rgles de comptence territoriale estcart dans certaines hypothses. Pourquoi ?

    Parce quil se peut que le critre retenu en droit interne de la comptence ne convienne pas audomaine international.

    Exemple : les clauses attributives de juridiction( article 48 CPC) sont mal vues endroit interne, qui ne les tolre que lorsque elles ont t convenues entre des personnesayant toutes contract en qualit de commerant. Doit-on transposer cette rglematire internationale ?

    La rponse est ngativepour une double raison: cest une clause importanteen DIP car quand on choisit sa juridiction, ce qui apprciable lorsque lesparties sont par hypothse localises dans des pays parfois loigns les uns desautres, on choisit par l mme le droit applicable ( on se souvient en effetque la dtermination de la juridiction comptente conditionne le droitapplicable). De plus, la ligne de partage retenue ici en Droit franais entrece qui est commercial et ce qui ne lest nest pas satisfaisante. Il y a bien

    des rapports daffaires qui ne sont pas commerciaux ( par exemple lescontrats touchant la proprit intellectuelle ), certains Etats ignorant audemeurant notre summa divisio entre matires civiles et matirescommerciales.

    On comprend donc que la Cour de Cassation nait pas retenu la prohibition de larticle48, et quelle ait invers en matire internationale le principe de prohibition pour en faire unprincipe de validit des clauses attributives de juridiction. Ceci dans un arrt du 17 dcembre1985, rendu dans laffaire Compagnies des signaux et dentreprises lectriques (Sorelec), oelle a dcid que : les clauses prorogeant la comptence internationale sont en principelicites, quand il sagit dun litige international et quand la clause ne fait pas chec la

    comptence territoriale imprative dune juridiction franaise . Dans le mme souci dedonner un large champ dapplication aux clauses attributives de juridiction, la Premire

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    23/109

    2323

    Chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrt du 22 octobre 2008, a mme admisquen matire patrimoniale, les clauses dlection de for dsignant un tribunal trangerdoivent recevoir application, quand bien mme le litige relverait au fond dune loi de policefranaise. La solution a de quoi inquiter ceux qui craignent que les parties puissent ainsi, endonnant comptence un juge tranger, chapper lapplication des lois de police franaise

    quappliquerait le juge franais sil avait connatre de laffaire. Cependant, le risque ne doitpas tre exagr : si le juge tranger ne fait pas application dans sa dcision de la loi de policefranaise qui se veut applicable, sa dcision na gure de chance dtre reconnue en France.

    La deuxime raison de lexception au principe dextensionrside dans le besoin ressentide dpasser les critres internes afin de donner aux Tribunaux franais une comptenceinternationale quils ne devraient normalement pas avoir. Deux exemples :

    tout dabord lexemple de la comptence fonde sur la volont dviter un dni de justice,les juridictions franaises tant normalement incomptentes alors quil existe un trs fortrisque que les plaideurs ne trouvent ltranger aucun juge qui sestime comptent. Un

    exemple en est fourni par un arrt rendu le 10 mai 2006 par la Cour de cassation danslaffaire de lemploye de maison nigriane, o a t admise la comptence des tribunauxfranais pour connatre de laction en paiement de salaires intente par une employe demaison nigriane exerant habituellement ses fonctions au Nigria, lencontre de sonemployeur britannique auprs duquel sa famille lavait place, et qui avait t contrainte de lesuivre dans lun de ses dplacements en France, pour y accomplir un travail en contrepartiedune rmunration drisoire.

    Ensuite, lorsque sont en pril sur le territoire franais la scurit des personnes ou lascurit des biens, les juridictions franaises se reconnatront comptentes pour prendre lesmesures adquates alors mme que normalement elles devraient tre dclares incomptentes.

    Paragraphe II : les rgles exorbitantes de comptence fonde sur lanationalit

    Larticle 14 du Code civil dispose que :

    Ltranger mme non-rsident en France pourra tre cit devant les tribunauxfranais pour lexcution des obligations par lui contractes en France envers unFranais.

    Il pourra tre traduit devant les tribunaux de France pour les obligations par lui

    contractes en pays tranger envers des Franais.

    Larticle 15 nonce quant lui quun Franais peut tre traduit devant un tribunal de Francepour des obligations par lui contractes en pays tranger mme avec un tranger.

    Ainsi larticle 14 concerne le Franais demandeur en justice qui est li par un rapportde droit avec un Etranger.

    Exemple : le Franais victime dun accident de la circulation routire en Italie

    Larticle 15 vise lhypothse du Franais dfendeur.Exemple : le Franais auteur dun accident de la circulation routire en Italie

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    24/109

    2424

    Pourquoi cesarticles existent-t-ils ?

    Cest on la vu la conception publiciste de la justice, qui impose que chaque fois quunjusticiable franais est impliqu dans un rapport de droit avec un tranger (quil soit dfendeurou demandeur) les juges franais puissent tre comptents.

    Ces articles, du fait de leur caractre nationaliste, ont t beaucoup critiqus, surtout ltranger, ce qui dailleurs doit dissuader de leur utilisation, la dcision rendue en France surleur fondement nayant que trs peu de chances dtre reconnue ltranger. De plus, ainsiquon va le voir, les instruments internationaux, notamment europens, mais aussi la

    jurisprudence ont trs fortement diminu leur champ dintervention ( A ) ainsi que leur force (B ). En dfinitive ces articles 14 et 15 ont un champ dapplication de plus en plus rduit,et un rle de plus en plus effac.

    A.Le champ dapplication des articles 14 et 15 du Code civil

    1)

    Le champ dapplication ratione personaePour que jouent les articles 14 et 15, il est ncessaire et suffisant que lune des parties soit denationalit franaise au jour de lintroduction de linstance. Cest une rgle qui vaut tant pourles personnes physiques que pour les personnes morales.

    Une problmatique particulire a surgi dans lhypothse dune transmission de droits : voilun auteur tranger qui transmet ses droits un ayant cause franais, qui ensuite exerce uneaction en vue de faire sanctionner les droits ainsi transmis : en la personne de qui va-t-onapprcier la nationalit franaise pour le jeu des articles 14 et 15 ? En la personne de lauteurou de son ayant cause ?

    Exemple : soit A (tranger) qui cde B (franais) une crance lencontre deZ (tranger)Est-ce que B, qui ont t cds les droits, peut se prvaloir de larticle 14pour agir contre Z en France ?

    Si on fait jouer la logique de la transmission des droits, B ne devrait pas pouvoir se prvaloirde larticle 14, puisque celui dont il tient ses droits nest pas franais. Or, nul ne peuttransmettre plus de droits quil nen a lui-mme. La Cour de cassation a un temps retenu cettevision des choses. Puis, dans un arrt du 21 mars 1966, Compagnie La Mtropole,la Cour de

    Cassation a chang dopinion et estim que la comptence internationale des tribunauxfranais est fonde en vertu de larticle 14 du Code civil, non sur les droits ns des faitslitigieux mais sur la nationalit des parties . En clair, cest en la personne de layantcause titre universel ou titre particulier, partie laction en justice, que devra treralise la condition de nationalit franaise. Cette solution a t raffirme par la suite, eta mme t tendue laction oblique dans un arrt du 31 janvier 1995.

    Cependant cette position a suscit quelques critiques, car elle risque de djouer les prvisionsde celui qui tait li avec lauteur tranger, et qui, de faon pour lui imprvisible, va se voirassign en France sur le fondement de la nationalit franaise dun adversaire jusque linconnu. Du coup la Cour de Cassation a voulu temprer la rgle et la carte lorsque layant

    cause franais tient ses droits dun auteur qui, dans le contrat donnant naissance laction,avait souscrit avec son cocontractant une clause attributive de juridiction en faveur dun

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    25/109

    2525

    tribunal tranger ou une clause compromissoire ( Cass.civ.1, 25 nov. 1986, Cie Zim denavigation ) : voil une marchandises expdie de New-York Amsterdam par un Amricainqui confie cette marchandise une compagnie de navigation maritime isralienne. Le contratde transport maritime contient une clause attributive de juridiction en faveur des juridictionsnew-yorkaises. La marchandise tant arrive avarie Amsterdam, le destinataire nerlandais

    se fait garantir par sa compagnie dassurances franaises, qui ensuite exerce une actionrcursoire contre la Compagnie de navigation devant les juridictions franaises en seprvalant de larticle 14 du Code civil. Selon la Cour de cassation, les juridictions franaisessont incomptentes, lapplication de larticle 14 se voyant paralyse par la clause attributivede juridiction liant lauteur de la Compagnie dassurances, en loccurrence le destinataire dela marchandise avarie.

    2) Le champ dapplication ratione materiae

    Il a longtemps t estim, par une interprtation littrale des articles 14 et 15 du Code civil,

    qui emploient le terme obligations , que ces articles ne devraient jouer quen droit desobligations. Cette thse restrictive a t abandonne ds 1842 par la Cour de Cassationdansun arrt compagnie du Britannia du 13 dcembre 1842, qui a conclu la gnralit dudomaine dapplication des articles 14 et 15. Ce qui, quelques annes plus tard, a t confirmpar larrt Weiss du 27 mai 1970, la Cour de Cassationayant dit :

    larticle 14 qui permet aux plaideursfranais dattraire un tranger devantla juridiction franaise, a une porte

    gnrale stendant toutes matires, lexclusion des actions rellesimmobilires et des demandes en

    partage portant sur des immeublessitus ltranger, ainsi que desdemandes relatives des voie

    dexcution pratiques hors de France; larticle 14 sapplique notamment tout litige ayant pour fondement la responsabilit extra contractuelle .

    Cette formule vaut galement pour larticle 15.

    Les exceptions au jeu de larticle 14, que rserve la Cour de cassation dans sonarrt Weiss, sexpliquent par le fait quen ces domaines, la souverainet des

    Etats trangers, o la dcision rendue sexcutera ncessairement, esttroitement concerne, et doit en consquence tre sauvegarde.

    B.Les effets des articles 14 et 15

    Ils ont pour effet de donner comptence aux tribunaux franais afin de connatre du litigeinternational.

    Ainsi la seule nationalit franaise dun plaideur suffira donner comptence auxtribunaux franais et ceci dans une hypothse bien prcise : celles o aucune rgleordinaire de comptence nattribue comptence aux tribunaux franais.

    En effet dans un arrt du 19 novembre 1985, socit Cognac and Brandies from France, laCour de Cassation a dcid que : larticle 14 du Code civil qui donne comptence la

    La comptenceimprative: cest unecomptence laquelle

    on ne peut drogerconventionnellement

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    26/109

    2626

    juridiction franaise en raison de la nationalit franaise du demandeur, na lieu desappliquer que quand aucun critre ordinaire de comptence territoriale nest ralis enFrance .

    Donc il faut retenir que les articles 14 et 15 nont quun caractre subsidiaire. Par

    exemple, si un litige oppose une socit lilloise une socit marocaine situe Marrakech propos dune livraison Marseille dun lot de conserves de sardines lhuile,la socit lilloise ne pourra invoquer larticle 14 du Code civil pour assigner sonadversaire Lille. Elle devra porter son action devant le Tribunal de commerce deMarseille, comptent en vertu de larticle 46 CPC, en tant que tribunal du lieu de livraisoneffective de la marchandise.

    Quelle est la force de la comptence quattribuent les articles 14 et 15 auxtribunaux franais ?

    Est-ce que les articles 14 et 15 confrent une comptence imprative en mmetemps quune comptence exclusive aux tribunaux franais ?

    Les articles 14 et 15 ne confrent pas de comptence imprative. Les parties, ainsi quil vatre vu, ont le droit dy renoncer.

    Mais confrent t-ils une comptence exclusive, tant prcis que le terme de comptence exclusive vise dcrire la comptence dun Tribunal propos

    dun litige donn, qui vince toute autre comptence dun autre Tribunal pourconnatre de ce litige ?

    Pendant trs longtemps, la jurisprudence a estim que les articles 14 et 15 confraient unecomptence exclusive aux Tribunaux franais, et a mme admis par la suite que les jugespouvaient soulever doffice lapplication des articles 14 et 15 du Code civil. Lareconnaissance de ce caractre exclusif savrait fcheuse surtout propos de larticle 15. Eneffet, elle permettait un Franais condamn ltranger par exemple au titre de saresponsabilit civile de faire obstacle la reconnaissance de la dcision trangre, ce quiobligeait le plaideur tranger recommencer un nouveau procs en France, ce quil ne faisaitpas. Le dfendeur franais pouvait de la sorte chapper bon compte une condamnation

    prononce ltranger par un juge pourtant comptent au regard dune bonne administrationde la justice. On ne peut en consquence que se rjouir que la Cour de cassation, dans un arrtPrieur du 23 mai 2006, se soit enfin dcide admettre que larticle 15 du Code civil neconsacre quune comptence facultative de la juridiction franaise, impropre exclure lacomptence indirecte dun tribunal tranger, ds lors que le litige se rattache de manirecaractrise lEtat dont la juridiction est saisie, et que le choix de la juridiction nest pas

    frauduleux .La mme analyse a t suivie un an plus tard pour larticle 14 dans un arrt de lamme Premire Chambre civile du 22 mai 2007.

    A supposer quils jouent, les articles 14 et 15 du Code civil donne comptence aux tribunauxfranais dans leur ensemble, mais ne prcisent pas lequel est territorialement comptent. Par

    hypothse, aucune juridiction franaise nest comptente en vertu dune rgle de comptenceterritoriale. La jurisprudence admet en consquence, depuis larrt Dame Mora du 13 juin

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    27/109

    2727

    1978 que le demandeur franais peut saisir le tribunal franais quil choisit en raison dunlien de rattachement de linstance au territoire franais ou dfaut selon les exigences dunebonne administration de la justice. En clair, le demandeur qui fonde son action sur larticle14 du Code civil dispose dune grande latitude de choix.

    C.La renonciation aux articles 14 et 15

    Ces articles ont aujourdhui un caractre facultatif pour le juge, mais aussi pour les parties quipeuvent y renoncer.

    Mais la renonciation qui en droit est un acte abdicatif, donc grave, doit remplir certainesconditions :

    Lacte doit maner du bnficiaireSi cest larticle 14 : du demandeur franaisSi cest larticle 15 : depuis larrt Prieur du seul demandeur tranger, la

    renonciation du dfendeur franais nayant plus dintrt depuis que larticle15 a perdu son caractre exclusif.

    La renonciation doit tre certaine.Elle doit rsulter effectivement dactes manifestantsans quivoque la volont de renoncer.

    La renonciation doit tre soit expresse soit tacite:Expresse : la renonciation rsultera dun accord de volont des plaideursprenant la forme dune clause attributive de juridiction ou dune clausecompromissoire.

    Tacite : la renonciation rsulte dune action en justice ltranger de la part dudemandeur franais ( article 14 ), ou du demandeur tranger ( article 15 ).

    Chaque fois quune action sera dicte par lurgence ou la ncessit, il ne sera pas possibledy voir une renonciation.

    Paragraphe III : le rgime de la comptence internationale

    A.

    Lexception dincomptence internationaleComme en droit interne, celui qui soulve lexception dincomptence doit le faire avant toutedfense au fond, in limine litis ( art.74 CPC ).

    Concrtement, laction prendra la forme dun dclinatoire de comptence. Celui qui soulvelexception, naura pas prciser la nature ni le ressort exact du tribunal ; il lui suffira deprciser lEtat dans lequel se trouve la juridiction comptente.

    Ainsi, soit le juge accepte lexception et se dclare incomptent.

    Cependant un contredit est possible devant la Cour dappel. Si la Cour dappel le

    rejette, elle reverra les parties mieux se pourvoir, puisqu elle ne peut oprer un

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    28/109

    2828

    rglement de juges comme en Droit interne, et attribuer comptence un jugetranger. La souverainet de chaque Etat linterdit en effet.Lexception dincomptence en matire internationale peut tre souleve toutmoment de la procdure (article 92 du CPC).

    Soit le juge se dclare comptent et juge au fond. ce moment-l les parties peuventinterjeter appel, l encore par la voie du contredit. Si la Cour dappel laccueille, ellerenverra l encore les parties mieux se pourvoir.

    B.La concurrence de procdures : lexception de litispendance et lexceptionde connexit

    Lorsque surgit un contentieux international, chacune des parties va tre tente deporter laffaire devant ses propres juridictions. Do le risque de procduresconcurrentes, avec pour corollaire le risque de contrarit de dcisions pour un seul etmme litige, ou pour des litiges trs voisins, ce qui est particulirement fcheux. Onsait quen droit interne lexception de litispendance et de connexit permettentdobvier ce danger. Ces exceptions peuvent-elles jouer en matire internationale ?Ainsi quon va le voir, la jurisprudence, qui a d rpondre cette question, a prouvdes difficults les admettre.

    1) Lexception de litispendance en matire internationale

    La litispendance de faon gnrale suppose une identit du litige:

    Il faut quentre les deux litiges il y ait une triple identit: Dobjet De cause De parties

    Il faut une dualit dinstances. Il faut quune juridiction franaise soit saisie maisquauparavant une juridiction trangre ait t saisie.

    Est-ce que le juge franais peut ou doit se dclarer incomptent auprofit du juge tranger ?

    Cette question a dabord tait rgle par des traits bilatraux (le juge franais acceptait de se

    dclarer incomptent au profit du juge de lautre Etat, saisi antrieurement, etrciproquement).

    En revanche, indpendamment de ces traits bilatraux, lexception de litispendanceinternationale rencontrait une franche hostilit. Ceci pour toute une srie de raisons, dont leprincipe dindpendance et de souverainet des ordres juridictionnels. Mais ces raisons ont t

    juges moins imprieuses que la volont dliminer les inconvnients pratiques lis au refusdadmission de lexception de litispendance. Cest pourquoi, dans un arrt du 27 novembre1974, socit Miniera di Fragne , la Cour de Cassation a dcid que :

    lexception de litispendance peut tre reue devant le juge franais en vertu dudroit commun franais (hors droit conventionnel) en raison dune instance engage

    devant un tribunal tranger galement comptent, la condition que la dcision intervenir ltranger, soit susceptible dtre reconnue en France.

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    29/109

    2929

    Ainsi, pour que lexception prospre, le juge franais doit vrifier que le juge tranger saisien premier est comptent (en vertu des rgles du pays tranger mais aussi en vertu desrgles franaises) et que la dcision trangre est susceptible dtre reue en France.Mme si ces conditions sont remplies, ladmission de lexception de litispendance nest quefacultativepour le juge franais. Sil ladmet, le juge franais aura le choix de se dessaisir

    ou de surseoir statuer jusqu ce quil se soit assur que le tribunal tranger t valablementsaisi.

    2) Lexception de connexit en matire internationale

    Il sagit dune dualit dinstances sur des litiges non identiques mais qui ont des liens trstroits. Donc pour une bonne administration de la justice, lintrt est de runir les deux litigesdans la mme juridiction : par exemple une instance en excution du contrat et une instanceen nullit de ce mme contrat.

    Pendant longtemps, la France a refus de faire jouer en droit commun lexception deconnexit. La jurisprudence est ensuite revenue sur cette position.

    Ainsi la Cour de Cassation dans un arrt du 22 juin 1999 Benichou , a pos trois conditionspour que soit accueillie lexception de connexit internationale :

    Il faut une dualit dinstances pendantes la fois en France et ltranger Les deux juridictionsdoivent avoir t comptemment saisies Il doit exister entre les deux instances en cours un lien de nature crer un risque de

    contrarit des dcisions.

    Si ces trois conditions sont remplies, le juge pourra accueillir lexception de connexit.

    Section III : Les rgles conventionnelles de comptence internationale

    Paragraphe I : le dispositif conventionnel

    Ce sont des rgles vrifier en premier lieu avant toute autre chose, du fait de la primautdes rgles issues de traits internationaux ou du droit communautaire sur les rgles ditesde droit commun.

    La comptence internationale des juridictions franaises peut rsulter de diffrentsinstruments.

    Il se peut quait t conclu entre la France et un autre pays un trait bilatral.

    Ces traits ne sont pas rares. La plupart sont des traits simples ; mais dautres sontdoubles. Il est donc toujours important de sinterroger sur lexistence ou non duntrait bilatral.

    Quest-ce quun trait double ou simple ?

    Il faut savoir que la matire des conflits de juridictions se divise en deux sries de rgles:

    Les rgles fixant la comptence internationale des juridictions lorsquelles sontsaisies directement dun litige, ce que lon nomme la comptence directe .

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    30/109

    3030

    Les rgles dterminant les effets quun jugement tranger est susceptible deproduire dans lEtat dont manent ces rgles.

    Si le trait est double, cela signifie que ce trait va sintresser ces deux sries dequestions.

    Si le trait est simple, cela signifie quil ne sintressera qu une seule des deuxproblmatiques le plus souvent la seconde.

    Il faut noter, quil sera plus facile duniformiser, de simplifier les rgles de reconnaissanceet dexcution des dcisions trangres si lon a uniformis les rgles de comptencedirecte au pralable. En effet, en pareil cas, les Etats parties hsiteront beaucoup moins accueillir libralement des dcisions en provenance de juridictions dautres Etats parties.Pourquoi ? Parce que le chef essentiel de contrle des dcisions trangres rside dans lacomptence du juge dorigine qui a rendu la dcision. Or ce contrle ne sert ici rienpuisque par hypothse la juridiction dorigine aura apprci sa comptence internationale laide des mmes rgles de comptence que celles en vigueur dans lEtat daccueil. Telleest la philosophie qui a prsid llaboration des dispositifs Bruxelles I et Bruxelles IIdans le but dassurer la libre circulation des jugements.

    Mais il y a galement des traits multilatraux. Il y en a beaucoup, voire trop, carcela engendre des risques de chevauchements. En effet il y a des rapports de droit surlesquels il est possible dhsiter entre lapplication de plusieurs conventions, ce qui nefacilite pas la tche du juriste.

    Exemple : pour connatre la juridiction internationalement comptente afin deconnatre dune problmatique affrente la protection dun enfant mineur, il y

    a deux textes pouvant sappliquer : Le rglement communautaire Bruxelles II bis du 27 novembre 2003 La convention de la Haye du 5 octobre 1961 sur la comptence des

    autorits et la loi applicable en matire de protection des mineurs

    La convention de La Haye de 1961 vient cependant d tre remplace par une nouvelleconvention de la Haye du 19 octobre 1996 en matire de responsabilit parentale et demesures de protection des enfants. Cette nouvelle convention, qui est entre en vigueur aumois de fvrier 2011, concerne :

    La comptence

    La loi applicable La reconnaissance Lexcution La coopration

    Entre les deux instruments ( Rglement et Convention de 1961 ), il faut savoir quilexistait des problmes darticulation, dont on se demande sils subsisteront avec lentreen vigueur de la nouvelle convention de 1996. . Ce point sera abord plus loin avecltude du Rglement Bruxelles II

    Pour dterminer si le juge dun Etat partie une convention internationale doit apprcier

    sa comptence internationale en ayant recours aux rgles de comptence prvues par telleou telle convention , il faut toujours vrifier que le litige entre bien dans le champ

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    31/109

    3131

    dapplication de cette convention : cest--dire, dans son champ dapplication personnel,matriel, gographique et temporel.

    A lheure actuelle, le dispositif conventionnel en France est essentiellement luvredu droit communautaire. Il se compose dune part du dispositif Bruxelles I, issu de la

    Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la comptence et les effets desjugements en matire civile et commerciale ( 2 ). Mais il comporte galement ledispositif Bruxelles II, issu de la Convention de Bruxelles du 28 mai 1998 sur lacomptence, la reconnaissance et lexcution des dcisions en matire matrimoniale ( 3 ). Il faut y ajouter le Rglement n4/2009 du 18 dcembre 2008 sur la comptence,la loi applicable, la reconnaissance et lexcution des dcisions et la coopration enmatire dobligations alimentaires, qui sera applicable compter du 18 juin 2011 et sesubstituera dans son champ dapplication matriel aux dispositions du RglementBruxelles I. Enfin, il ne faut pas oublier le Rglement communautaire n1346/2000 du29 mai 2000 relatif aux procdures dinsolvabilit qui dicte en ce domaine des rglesde comptence internationale, mais dont il ne sera pas question ici du fait des limites

    assignes au prsent cours.

    Paragraphe II : Le dispositif de Bruxelles I

    Pourquoi un dispositif Bruxelles I ?

    Ceci pour amnager la libre circulation des jugements, et plus largement crer un espacejudiciaire europen. Ce qui ncessitait de simplifier les rgles en matire de reconnaissanceet dexcution des jugements au sein de lespace europen, objectif qui lui-mme prsupposaitquaient t unifies travers lEurope les rgles de comptence directe.

    Do la cration dun instrument qui comporte deux volets :

    Lnonciation des rgles de comptence internationale directe que devront utiliser lesjuridictions des Etats membres afin dapprcier leur comptence internationale.

    Lnonciation de rgles allgeant considrablement le contrle de lEtat daccueil enmatire de reconnaissance et dexcution des dcisions de justice et assimils.

    Cette convention a t signe Bruxelles le 27 septembre 1968 et cest une conventiondouble puisquelle concerne tant la comptence judiciaire que lexcution des dcisions enmatire civile et commerciale.

    Cette convention est entre en vigueur en 1973 entre les six premiers tats membresoriginaires de la communaut. Puis il y a eu ladhsion de trois autres tats (Danemark,Irlande, Royaume-Uni en 1978), ensuite ladhsion de la Grce ( 1981 ), puis celle delEspagne et du Portugal ( 1989 ). Entre temps, les Etats de lAELE ( Islande, Norvge,Autriche, Pologne, Sude, Suisse, Finlande ) ont souhait participer un dispositif similaire.Simplement, ntant pas membres de lUnion europenne, ils nont pu adhrer laConvention de Bruxelles. Il a donc fallu crer une convention jumelle laquellepourraient adhrer dun ct les Etats de lAELE, de lautre les Etats de lUnion europenne.Ainsi, grce ce nouvel instrument venant sajouter la Convention de Bruxelles, les rglesde comptence directe seraient unifies travers lUnion europenne et lAELE, tandis queles jugements circuleraient librement au sein de ce vaste espace.

    Ainsi naquit la Convention de Lugano signe le 16 septembre 1988, qui a tremplace une nouvelle Convention de Lugano en date du 30 octobre 2007.

  • 8/10/2019 Cours de Droit International Prive

    32/109

    3232

    Ladoption de cette nouvelle convention sexplique par la volont daligner lesdispositions de la Convention de Lugano sur celles du Rglement 44/2001 dit Bruxelles I du 22 dcembre 2000, qui comme on va le voir sest substitu laConvention de Bruxelles en la modifiant le 1er mars 2002. Elle rgit depuis le 1er

    janvier 2010 les relations entre les Etats de lUnion Europenne et les Etats de lAELE

    ( aujourdhui seulement lIslande, la Norvge, Suisse, puisque les autres Etats ontrejoint lUnion europenne). Cependant, elle nest applicable en Suisse que depuis le1er janvier 2011. Cette convention reprend le mme dispositif que la RglementBruxelles I. Le champ de partage entre les deux instruments est le suivant : lorsque lescritres de localisation gographique ( qui vont tre tudis ci-aprs ) se concrtisentsur le territoire dun Etat de lAELE, la juridiction saisie dun Etat membre de lAELEou de lUnion europenne apprciera sa comptence laune des dispositions de laConvention de Lugano. Par contre, si les critres de localisation se concrtisent sur leterritoire dun Etat membre de lUnion europenne, le juge saisi devra appliquer ledispositif Bruxelles I sil relve dun Etat membre de lUnion europenne. Si le jugesaisi appartient un Etat membre de lAELE, il appliquera son droit commun,

    puisquil ne peut appliquer Bruxelles I et que la Convention de Lugano dcline sacomptence.

    A ce jour, le dispositif Bruxelles I sapplique 27 Etats. A lorigine issu de la Convention deBruxelles du 27 septembre 1968, il figure lheure actuelle dans le Rglement n44/2001 du22 dcembre 2000, qui compter du 1ermars 2002, sest substitu la convention. Ceci dansles 27 Etats membres, lexception du Danemark qui aujourdhui encore demeure partie laConvention de Bruxelles. Si le Rglement a repris la plupart des dispositions de la Conventionde Bruxelles, il en a modifi plusieurs, et en a ajout dautres, notamment en matire decontrat de travail. Ce qui fait que la numrotation des articles a chang.

    En revanche, mme si la nouvelle Convention de Lugano du 30 octobre 2007 a le mmecontenu que le Rglement Bruxelles, lunification des rgles nest pas pour autantgarantie. En effet, si la Cour de justice de lUnion Europenne a comptence pourinterprter Bruxelles I, cette comptence ne stend pas la Convention de Lugano, quinest pas du droit communautaire. En outre, contrairement aux juridictions des Etatsmembres de lUnion europenne, les juridictions des Etats membres de lAELE nont pascomptence pour saisir la CJUE dun recours en interprtation du dispositif Bruxelles. Demme que linterprtation pouvant tre donne par la CJUE sur tel ou tel article dudispositif Bruxelles I ne simpose pas ces