COURS collection Collection dirigée par Bernard Beignier...

8
LMD ÉDITION 2014 COURS collection Droit des obligations Cours Thèmes de travaux dirigés Matthieu POUMARÈDE Collection dirigée par Bernard Beignier

Transcript of COURS collection Collection dirigée par Bernard Beignier...

Ce cours présente de manière pédagogique, claire et complète, une matière incontournable :le droit des obligations.

Divisé en deux parties, la première consacrée à l'acte juridique (principalement le contrat)et la seconde au fait juridique (la responsabilité civile et les quasi-contrats), ce cours estdestiné, au premier chef, aux étudiants de deuxième année de licence de droit, ainsi qu'auxétudiants de toutes les filières où est enseigné le droit des obligations (licence d'AES,licence d'économie, écoles de commerce, etc.).

À jour des évolutions jurisprudentielles et législatives les plus récentes, et prenant encompte les apports des différents projets et propositions de réforme du droit des contrats,de la responsabilité civile et du régime des obligations, ce cours permet également auxétudiants de préparer efficacement l'examen d'entrée aux Centres régionaux de formationprofessionnelle d'avocats (CRFPA) et tous les concours où cette matière est au programme.Les conseils de lecture, à la fin de chaque chapitre, seront utilement mis à profit pourapprofondir la matière et s'informer des points d'actualité.

Fidèle à l'esprit de cette collection, le cours s'accompagne de fiches de travaux dirigés. Outrela reproduction d'arrêts fondamentaux, ces fiches sont constituées de cas pratiques et decommentaires d'arrêts corrigés à l'aide du cours. Les étudiants peuvent donc s'entraînerà la rédaction de ces exercices qui sont le plus couramment posés aux examens à partirde la deuxième année.

Matthieu POUMARÈDE est professeur à la Faculté de droit de l'Université Toulouse 1 Capitoleoù il enseigne le droit des obligations.

L M D

2 0 14

Dro

it d

es o

blig

atio

ns

M. P

OU

MA

DE

COURScollection

L M D

É D I T I O N 2 0 1 4

COURScollection

Droit des obligations

CoursThèmes de travaux dirigés

Matthieu POUMARÈDE

Collection dirigéepar Bernard Beignier

ISBN 978-2-275-04111-7www.lextenso-editions.fr 40 €

COURS Droit des obligations - 2014_Mise en page 1 29/08/14 11:23 Page1

THÈME No 6 Les clauses limitatives de réparation

Commentaire d’arrêtThèmes : clause limitative, obligation essentielle (v. supra, n° 670)

Arrêt rendu le 29 juin 2010 par la chambre commerciale de la Cour de cassationAttendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 26  novembre 2008), que la société Faurecia sièges

d’automobiles (la société Faurecia), alors dénommée Bertrand X… équipements, a souhaité en 1997 déployer sur ses sites un logiciel intégré couvrant principalement la gestion de produc-tion et la gestion commerciale ; qu’elle a choisi le logiciel V 12, proposé par la société Oracle mais qui ne devait pas être disponible avant septembre 1999 ; qu’un contrat de licences, un contrat de maintenance et un contrat de formation ont été conclus le 29 mai 1998 entre les sociétés Faurecia et Oracle, tandis qu’un contrat de mise en œuvre du « programme Oracle applications » a été signé courant juillet 1998 entre ces sociétés ; qu’en attendant, les sites ibé-riques de la société Faurecia ayant besoin d’un changement de logiciel pour passer l’an 2000, une solution provisoire a été installée ; qu’aux motifs que la solution provisoire connaissait de graves difficultés et que la version V 12 ne lui était pas livrée, la société Faurecia a cessé de régler les redevances ; qu’assignée en paiement par la société Franfinance, à laquelle la société Oracle avait cédé ces redevances, la société Faurecia a appelé en garantie la société Oracle puis a assigné cette dernière aux fins de nullité pour dol ou résolution pour inexécution de l’ensemble des contrats signés par les parties ; que la cour d’appel a, par application d’une clause des conven-tions conclues entre les parties, limité la condamnation de la société Oracle envers la société Faurecia à la garantie de la condamnation de celle-ci envers la société Franfinance et rejeté les autres demandes de la société Faurecia ; que cet arrêt a été partiellement cassé de ce chef (chambre commerciale, financière et économique, 13 février 2007, pourvoi no Z 05-17.407) ; que, statuant sur renvoi après cassation, la cour d’appel, faisant application de la clause limita-tive de réparation, a condamné la société Oracle à garantir la société Faurecia de sa condamna-tion à payer à la société Franfinance la somme de 203 312 € avec intérêts au taux contractuel légal de 1,5 % par mois à compter du 1er mars 2001 et capitalisation des intérêts échus dans les termes de l’article 1154 à compter du 1er mars 2002.

Sur le premier moyen : Attendu que la société Faurecia fait grief à l’arrêt d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen : 1o/ que l’inexécution, par le débiteur, de l’obligation essentielle à laquelle il s’est contractuellement engagé emporte l’inapplication de la clause limitative d’indemnisa-tion ; qu’en faisant application de la clause limitative de responsabilité après avoir jugé que la société Oracle avait manqué à l’obligation essentielle tenant à la livraison de la version V 12 en 1999, laquelle n’avait pas été livrée à la date convenue, ni plus tard et que la société Oracle ne démontrait aucune faute imputable à la société Faurecia qui l’aurait empêchée d’accomplir ses obligations, ni aucun cas de force majeure, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles 1131, 1134 et 1147 du Code civil ; 2o/ qu’en jugeant que la clause limitative de responsabilité aurait été prétendument valable en ce qu’elle aurait été librement négociée et acceptée et qu’elle n’aurait pas été imposée à Faurecia, la cour d’appel s’est prononcée par un motif inopérant, violant ainsi les articles 1131, 1134, 1147 du Code civil ; 3o/ qu’en jugeant que la clause, qui fixait un plafond d’indemnisation égal au montant

Thème n° 6 Les clauses limitatives de réparation

978-2-275-04111-7__DOCFILE__droit_des_obligations.indd 581 01/09/2014 11:23:50

582 TRAVAUX DIRIGÉS

du prix payé par Faurecia au titre du contrat des licences n’était pas dérisoire et n’avait pas pour effet de décharger par avance la société Oracle du manquement à une obligation essen-tielle lui incombant ou de vider de toute substance cette obligation, la cour d’appel a violé les articles 1131, 1134, 1147 du Code civil ;

Mais attendu que seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ; que l’arrêt relève que si la société Oracle a manqué à une obligation essentielle du contrat, le montant de l’indemnisation négocié aux termes d’une clause stipulant que les prix convenus reflètent la répartition du risque et la limita-tion de responsabilité qui en résultait, n’était pas dérisoire, que la société Oracle a consenti un taux de remise de 49 %, que le contrat prévoit que la société Faurecia sera le principal représentant européen participant à un comité destiné à mener une étude globale afin de développer un pro-duit Oracle pour le secteur automobile et bénéficiera d’un statut préférentiel lors de la définition des exigences nécessaires à une continuelle amélioration de la solution automobile d’Oracle pour la version V 12 d’Oracles applications ; que la cour d’appel en a déduit que la clause limitative de réparation ne vidait pas de toute substance l’obligation essentielle de la société Oracle et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen : Attendu que la société Faurecia fait encore le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen, qu’après avoir constaté que la société Oracle n’avait pas livré la version V 12, en considération de laquelle la société Faurecia avait signé les contrats de licences, de support technique, de formation et de mise en œuvre du programme Oracle applications, qu’elle avait ainsi manqué à une obligation essentielle et ne démontrait aucune faute imputable à la société Faurecia qui l’aurait empêchée d’accomplir ses obligations, ni aucun cas de force majeure, la cour d’appel a jugé que n’était pas rapportée la preuve d’une faute d’une gravité telle qu’elle tiendrait en échec la clause limitative de réparation ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant les articles 1134, 1147 et 1150 du Code civil ;

Mais attendu que la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débi-teur ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu que les deuxième et quatrième moyens ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi, condamne la société Faurecia sièges d’automobiles aux dépens, vu l’article 700 du Code de procédure civile, la condamne à payer à la société Oracle France la somme de 2 500 € et rejette sa demande.

Corrigé

L’arrêt rendu le 29 juin 2010 par la chambre commerciale de la Cour de cassation statue sur le sort d’une clause limitative de réparation affectant l’obligation essentielle de l’un des contractants professionnels.

En l’espèce, un équipementier automobile a conclu un contrat de licence, un contrat de maintenance et un contrat de formation portant sur un logiciel de production et de gestion commerciale avec un prestataire de services informatiques. Mais il s’avéra que le logiciel n’était pas au point. Or non seulement la solution de remplacement temporaire engendra nombre de désordres, mais encore le prestataire de services informatiques ne livra jamais la version

978-2-275-04111-7__DOCFILE__droit_des_obligations.indd 582 01/09/2014 11:23:50

Thème n° 6 Les clauses limitatives de réparation 583

définitive du logiciel. L’équipementier automobile ayant alors cessé de payer les redevances dues, le prestataire de services informatiques l’assigna en sollicitant leur paiement, tandis que celui-là sollicita la condamnation du prestataire de services informatiques à l’anéantissement du contrat assorti de dommages et intérêts.

Après un jugement rendu en première instance, la Cour d’appel fit droit à cette demande en admettant la responsabilité du prestataire de services informatiques. Mais ce dernier n’ayant commis aucune faute lourde, elle appliqua la clause limitative de réparation figurant dans le contrat liant l’équipementier automobile au prestataire de services informatiques. Un pre-mier pourvoi fut alors formé contre cet arrêt. La Chambre commerciale censura, au visa de l’article 1131 du Code civil, la décision des juges du fond aux motifs que la livraison du logiciel définitif étant « l’objectif final » de la convention conclue, l’absence de livraison constituait « un manquement à une obligation essentielle de nature à faire échec à l’application de la clause limi-tative de réparation » (Com., 13 févr. 2007, Bull. civ. IV, n° 43). Sur renvoi, la cour d’appel de Paris (CA Paris, 26 nov. 2008, JCP 2009, I, 123, n° 11, obs. Ph. Stoffel-Munck) décida que si le prestataire de services informatiques avait manqué à son obligation essentielle en ne livrant pas ce à quoi il s’était obligé (le logiciel), la clause limitative de réparation, librement négociée et acceptée par l’équipementier automobile, n’avait pas pour effet de décharger par avance le pres-tataire de services informatiques du manquement à une obligation essentielle lui incombant ou de vider de toute substance cette obligation, mais seulement de fixer un plafond d’indem-nisation, lequel n’était pas dérisoire. En conséquence, malgré le manquement à l’obligation essentielle, la clause ne devait pas être écartée et la réparation due par le prestataire limitée. L’équipementier automobile forma un nouveau pourvoi en cassation. Il fit notamment valoir deux arguments afin que la clause limitative de réparation soit écartée. D’une part, l’inexécu-tion de l’obligation essentielle emporte par elle-même l’inapplication de la clause limitative de réparation, peu important qu’elle ait été ou non librement négociée entre professionnels, ou encore que le plafond d’indemnisation fixé soit ou non dérisoire. D’autre part, le manquement à une obligation essentielle s’identifiant à une faute lourde, la clause limitative de réparation devait être mise en échec.

La Cour de cassation devait donc se prononcer sur le point de savoir dans quelles hypo-thèses une clause limitative de réparation, affectant une obligation essentielle et à laquelle ont consenti deux professionnels, peut être écartée.

Par le présent arrêt, la Cour de cassation, rejette le pourvoi. D’une part, elle décide que « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obli-gation essentielle souscrite par le débiteur ». Or, en l’espèce, si le manquement à l’obligation essentielle était avéré, la clause de réparation librement négociée, qui non seulement n’était pas dérisoire mais reflétait la répartition des risques entre les parties, « ne vidait pas de toute substance l’obligation essentielle du concédant ». D’autre part, la Cour relève qu’aucune faute lourde ne pouvait être reprochée au débiteur, dès lors qu’une telle faute « ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ». En conséquence, la clause limitative de réparation peut pleinement déployer ses effets.

Par cet arrêt la Cour de cassation entend donc préciser les conditions de validité d’une clause limitative de réparation affectant une obligation essentielle. En vertu de cette décision, non seulement la clause est valable tant qu’elle ne contredit pas la portée de l’obligation essentielle, mais encore tant que le cocontractant n’a pas commis de faute lourde.

978-2-275-04111-7__DOCFILE__droit_des_obligations.indd 583 01/09/2014 11:23:50

584 TRAVAUX DIRIGÉS

I. Clause limitative de réparation et portée de l’obligation essentielle

L’arrêt commenté constitue un revirement de jurisprudence ou peut être, plus sûrement, un retour aux sources de la jurisprudence Chronopost. Alors que depuis quelques années la Cour de cassation décidait que le seul fait qu’une clause limitative de réparation affecte une obligation essentielle devait conduire à l’écarter, elle revient, par l’arrêt commenté, à une appréciation plus subtile de l’incidence de la clause sur la portée de l’engagement du débi-teur. Si une telle solution nuancée est préférable à l’automaticité de la sanction qui frappait jusqu’alors ces clauses dès lors qu’elles concernaient une obligation essentielle, reste désor-mais à savoir dans quelles circonstances elles continueront de s’appliquer alors même qu’elles affectent une obligation essentielle.

A. L’abandon de l’éradication automatique des clauses limitatives de réparation

Les clauses limitatives peuvent, selon l’arrêt commenté, être écartées dès lors que leur stipu-lation « contredit la portée de l’obligation essentielle du débiteur ». Cette solution est le fruit d’une évolution de la jurisprudence, ou peut-être d’un retour aux sources, après quelques circonvolu-tions jurisprudentielles commencées en 1996.

La première salve fut tirée par l’arrêt Chronopost rendu le 22  octobre 1996 (Com., 22 oct. 1996, D. 1997, 121, note A. Sériaux). En l’espèce,

la Cour de cassation avait, au visa de l’article 1131 du Code civil, écarté une clause limitative de réparation au motif qu’elle « contredisait la portée de l’engagement pris ». En effet, la clause litigieuse limitait à quelques dizaines d’euros la réparation due par Chronopost à son client en cas de retard dans la livraison du courrier. Or l’obligation de ponctualité et de célérité constitue à l’évidence l’obligation essentielle du transporteur. Partant, la clause contredisant la portée de cette obligation essentielle devait être réputée non écrite. De cette première décision, il semblait donc résulter que la clause limitative ne devait être écartée que si, notamment, en raison de son montant dérisoire, elle contredisait la portée de l’engagement pris par le débiteur. Aussi, si les clauses totalement exonératoires ne pouvaient semble-t-il échapper à la sanction, il devait en aller différemment des clauses limitatives, dont il fallait s’assurer qu’elles ne vident pas l’obliga-tion essentielle de son contenu.

Mais, la jurisprudence prit, par la suite, une tout autre direction en privant « automatique-ment » d’effet toute clause limitative ou exonératoire dès lors qu’elle concerne une obligation essentielle du débiteur. Par plusieurs arrêts, dont l’un rendu le 13 février 2007 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, la Cour de cassation a, en effet, jugé que la clause limita-tive de réparation « doit » être réputée non écrite en cas de manquement à une obligation essen-tielle du contrat (Com., 13 févr. 2007, D. 2007, RTD civ. 2007, 567, obs. B. Fages). Ainsi, le seul fait de stipuler cette clause à propos de l’inexécution d’une obligation essentielle la rendait inefficace lorsque ladite obligation n’était pas correctement exécutée. Il devenait donc impos-sible d’assortir une obligation essentielle d’une clause limitative (et, a fortiori, exonératoire) de réparation, ce qui, tant d’un point de vue théorique que pratique n’apparaissait pas justifié dès lors que, par hypothèse, ces clauses étaient stipulées entre professionnels.

Toutefois, par un arrêt rendu le 18 décembre 2007 (Com., 18 déc. 2007, JCP 2008, I, 125, obs. Ph. Stoffel-Munck), la chambre commerciale a décidé du maintien d’une clause limitative

978-2-275-04111-7__DOCFILE__droit_des_obligations.indd 584 01/09/2014 11:23:50

Thème n° 6 Les clauses limitatives de réparation 585

de réparation bien que celle-ci soit stipulée à propos de l’inexécution d’une obligation essen-tielle. En l’espèce, le cocontractant réclamait l’annulation d’une clause limitative de répara-tion parce qu’elle portait sur une obligation essentielle. Mais la Cour de cassation maintient la décision des juges du fond au motif que la clause litigieuse « n’avait pas pour effet de vider de toute substance l’obligation essentielle de fourniture d’électricité, caractérisant ainsi l’absence de contrariété entre ladite clause et la portée de l’engagement souscrit ». De cette décision, il semblait résulter une atténuation de la rigueur avec laquelle les clauses limitatives de réparation étaient jusqu’alors écartées lorsqu’elles avaient trait à une obligation essentielle. En effet, il pourrait res-sortir de cette motivation que seule la clause qui contredit « la portée de l’engagement souscrit » par le débiteur doit être réputée non écrite. En d’autres termes, la clause, bien que relative à une obligation essentielle, peut jouer si elle ne prive pas le contrat de tout intérêt pour le créancier.

Cette solution a été nettement reprise par la cour d’appel de Paris dans l’arrêt rendu le 26 novembre 2008. Statuant sur renvoi dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt commenté, la cour d’appel prend le contre-pied de la décision rendue le 13 février 2007. Après avoir relevé que le prestataire de services informatiques a manqué à son obligation essentielle en ne livrant pas ce à quoi il s’était obligé, la cour d’appel valide la clause limitative de réparation. Très net-tement, en effet, la cour d’appel de Paris décide que seule une clause limitative qui contredit effectivement la portée de l’obligation essentielle doit être écartée. Dans le cas contraire, elle peut survivre et déployer ses effets.

C’est cette solution que valide la Cour de cassation dans l’arrêt commenté lorsqu’elle décide que « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obli-gation essentielle souscrite par le débiteur » (v.  également Com., 3  déc.  2013, n°  12-26412, RDC 2014, 176, note T. Génicon).

B. L’appréciation nuancée de la validité des clauses limitatives de réparation

En remplaçant l’automaticité de la sanction de la clause limitative de réparation afférente à une obligation essentielle par une appréciation plus subtile de sa contrariété à la portée de l’obligation essentielle, la Cour de cassation entend conférer davantage de souplesse au régime de ces clauses et offre, à nouveau, aux professionnels la possibilité de les intégrer dans leurs contrats. De ce point de vue, cette solution, en ce qu’elle restaure la liberté contractuelle au sein des relations entre professionnels, là où la jurisprudence antérieure neutralisait de manière automatique et donc aveugle ces clauses, doit être approuvée. Si les clauses limitatives de répa-ration doivent demeurer sous « surveillance » lorsqu’elles sont insérées dans un contrat de consommation, il n’apparaît pas nécessaire de condamner leur existence dès lors qu’elles sont négociées et insérées dans un contrat conclu entre professionnels.

Ainsi, pour être écartée, la clause doit désormais vider l’obligation essentielle de sa substance et contredire, par voie de conséquence, la portée de l’engagement souscrit par le débiteur. Bref, n’est pas valable, la clause dont la mise en œuvre conduirait à libérer le débiteur de tout enga-gement. Ce n’est plus la clause limitative de réparation qui est, en elle-même, désormais pour-chassée, mais ses effets qui doivent être scrutés. Soit, malgré son application l’engagement du débiteur demeure ; elle est alors valable. Soit, sa mise en œuvre vide la substance de l’engage-ment du débiteur ; elle sera écartée.

Toutefois, si la solution radicale, précédemment retenue par les juges, devait être aban-donnée, la solution désormais admise ne manque pas de susciter des interrogations, malgré

978-2-275-04111-7__DOCFILE__droit_des_obligations.indd 585 01/09/2014 11:23:50

586 TRAVAUX DIRIGÉS

les précisions apportées par l’arrêt. En effet, la question essentielle qu’il convient de se poser n’est plus vraiment celle de savoir si la clause limitative de réparation affecte ou non une obligation essentielle, mais si elle remet en cause la portée de l’engagement du débiteur. Or se pose alors la question de savoir comment apprécier cette contrariété. De ce point de vue, l’arrêt commenté n’est pas exempt d’incertitudes. Non seulement, les juges ont procédé à une analyse intrinsèque de la portée de la clause, mais également à une analyse au regard de l’économie générale du contrat. Il en résulte que les quelques certitudes que l’on peut avoir à l’issue du premier degré d’analyse fondent lorsqu’il s’agit d’identifier une clause illicite à l’aune de l’ensemble contractuel.

En l’espèce, pour parvenir à décider de l’application de la clause, les juges du fond avaient relevé, d’une part que le plafond de réparation avait été négocié via « une clause stipulant que les prix convenus reflètent la répartition du risque », et, d’autre part que « le montant » de ce plafond, qui correspondait au prix payé par le créancier, n’était pas dérisoire. D’une telle analyse, il pourrait en résulter, a contrario, plusieurs enseignements. Les clauses imposées et les clauses totalement exonératoires de responsabilité ne semblent pas être valables dès lors qu’elles contredisent nécessairement la portée de l’engagement pris par le débiteur. En l’absol-vant de toute responsabilité, le caractère contraignant de l’obligation disparaît. D’ailleurs, et conformément à ce que décide l’arrêt, il est possible de rapprocher ces clauses de celles pré-voyant un montant de réparation dérisoire. Leur application n’exclut par la réparation en cas d’inexécution, mais, en ce qu’elle n’est pas effective, de telles clauses contredisent la portée de l’engagement du débiteur.

Pour autant ces quelques certitudes s’évaporent rapidement. En effet, au surplus, les juges se livrent à une appréciation de la clause à l’aune de l’économie générale du contrat. C’est ainsi que la cour d’appel de Paris relève que le prestataire de services informatiques avait, en contrepartie de la clause limitative, consenti une remise de 49 % à l’équipementier auto-mobile, auquel était en outre accordée une série d’avantages au cours de l’exécution du contrat. Or cette analyse de l’équilibre contractuel pourrait bien remettre en cause la pre-mière approche qui conduisait à conclure à l’invalidité des clauses exonératoires ou pré-voyant un montant dérisoire de réparation. En effet, s’il advenait à l’analyse de l’ensemble du contrat que ces clauses étaient la contrepartie d’avantages consentis à l’autre partie, il n’est pas certain que les juges les écarteraient.

En conséquence, la solution retenue par la Cour de cassation dans cet arrêt rendu le 29 juin 2010 paraît plus satisfaisante que celle qui conduisait à éradiquer les clauses de réparation dès lors qu’elles affectaient une obligation essentielle. Elle n’est toutefois pas, en ce qu’elle réintro-duit dans ce domaine une forte (et nécessaire) dose de nuance, exempte d’incertitude.

II. Clause limitative de réparation et faute lourde

Si l’on s’accorde pour considérer que les clauses limitatives ou exonératoires de réparation peuvent être appliquées, y compris en cas de faute légère, elles ne sauraient l’être en cas de dol. Cette faute intentionnelle fait échec aux clauses limitatives ou exonératoires de réparation, en même temps qu’elles permettent d’écarter la limitation prévue à l’article 1150 du Code civil. Mais, de manière traditionnelle, la jurisprudence assimile au dol la faute lourde, ce que cet arrêt confirme, tout en réaffirmant une conception subjective de la faute lourde.

978-2-275-04111-7__DOCFILE__droit_des_obligations.indd 586 01/09/2014 11:23:50

Thème n° 6 Les clauses limitatives de réparation 587

A. L’assimilation de la faute lourde au dol

Sur le fondement de l’article  1150 du Code civil, la faute lourde est traditionnellement assimilée au dol en vertu de l’adage culpa lata dolo aequiparatur. Cette assimilation conduit par conséquent à décider que la commission de cette faute, qui peut être définie comme « un comportement d’une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obli-gation à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il avait acceptée » (Com., 3 avr. 1990, Bull. civ. IV, n° 108), entraîne une obligation de réparer l’intégralité du préjudice. En effet, non seulement sa commission implique la neutralisation de la clause limitative de réparation, mais encore permet la réparation de l’intégralité du préjudice, la réparation n’étant plus limitée au seul préjudice prévisible.

L’arrêt ne dément aucunement cette analyse qui semble s’inscrire dans une perspective moderne tendant à généraliser l’application du principe d’assimilation de la faute lourde au dol, même si dans certains domaines, le législateur (C. com., art. L. 133-8 rédac. L. n° 2009-1503, 8 déc. 2009), mais aussi la Cour de cassation (Civ. 3e, 27 juin 2001, D. 2001, 2995, concl. J.-F. Weber, note J.-P. Karila) demeurent réticents à assimiler la faute lourde au dol en raison de la trop grande sévérité que cela pourrait entraîner à l’égard du débiteur, pourtant inapte à l’accomplissement de la mission qu’il avait acceptée !

B. Une conception subjective de la faute lourde

Le pourvoi invoquait le fait que le manquement à l’obligation essentielle constituait, en lui-même, une faute lourde. Ce faisant, il se référait à une jurisprudence inaugurée à la fin des années 1990 qui, par un « tour de passe-passe » juridique, était parvenue à déduire du man-quement à une obligation essentielle, une faute lourde à même d’écarter les clauses limitatives de réparation. À chaque fois que l’une des parties n’exécutait pas (ou mal) son obligation essen-tielle, ce manquement, analysé en une faute lourde, faisait échec à la clause limitative afférente à cette obligation. Cette conception objective de la faute lourde a toutefois été abandonnée par la Cour de cassation qui est revenue dès l’année 2005 à une conception unique, et donc subjective, de la faute lourde assimilée au dol. Après avoir affirmé que « la faute lourde de nature à tenir en échec la limitation d’indemnisation prévue par le contrat type ne saurait résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle », la Cour décida dans cet arrêt que « seule une faute lourde caractérisée par une négligence d’une extrême gravité confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de sa mission contractuelle peut mettre en échec la limitation d’indemnisation prévue au contrat type établi annexé au décret » (Cass. mixte, 22 avr. 2005, D. 2005, 1864, note J.-P. Tosi).

Bien qu’un arrêt rendu le 18 décembre 2007 ait pu raviver les doutes sur les intentions de la Cour de cassation, l’argument avancé par le pourvoi n’avait donc que peu de chance de convaincre les juges, revenus depuis plusieurs années maintenant à une conception sub-jective de la faute lourde, c’est-à-dire fondée sur l’appréciation du comportement du débi-teur. Pas davantage que la Cour d’appel, la Cour de cassation ne fut ainsi convaincue, cette dernière rejetant le pourvoi au motif que « la faute lourde ne peut résulter du seul manque-ment à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ».

978-2-275-04111-7__DOCFILE__droit_des_obligations.indd 587 01/09/2014 11:23:50