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Cours 05: Séries Numériques 1 Cours 05: Séries Numériques Dans tout ce chapitre, K sera égal à R ou C, et E sera un K-espace vectoriel normé. Les différentes informations sur une fonction f : I K que l’on peut obtenir à partir de données sur sa dérivée nous conduisent à construire une notion de dérivée Δ(u) pour une suite u, avec l’espoir que le lien entre u et Δ(u) soit aussi fructueux. Une telle dérivée discrète est infiniment plus simple à construire que son analogue continue, il suffit de poser Δ R N -→ R N u -→ u n+1 - u n nN . On peut reconstruire u à partir de Δ(u) grâce à l’égalité u n - u m = n-1 k=m u k+1 - u k , n>m N, qu’on serait tenté d’appeler théorème fondamental d’analyse discret, s’il n’était trop simple pour mériter ce titre. On va s’intéresser ici aux suites définies via leur image par Δ, i.e pour poursuivre le parallèle, aux primitives discretes. Remarquons que c’est un jeu intéressant de voir si les différents résultats d’analyse sur les fonctions se déclinent dans ce cadre, comme par exemple l’intégration par partie, le changement de variables dans les intégrales, le théorème de la limite de la dérivée généralisé (i.e en +),... . 1 S ÉRIES CONVERGENTES ET DIVERGENTES § 1. Définition.— de la convergence. Définition 1.1 Soit u =(u n ) nN une suite d’éléments de E. I On appelle série de terme général (u n ) la suite (S n ) nN = n k=0 u k nN des sommes partielles. On la note u n , ou u n , ou encore n>n 0 u n . I La série u n est dite convergente lorsque la suite des sommes partielles (S n ) nN admet une limite finie E. Dans le cas contraire, elle est dite divergente. I Si la série converge, on note sa limite + k=0 u k = lim n+n k=0 u k et pour tout n N,R n = + k=0 u k - S n = + k=n+1 u k . La limite de la série u n est plutôt appelée somme de la série. Pour tout n N, on appelle n-ième reste partiel le nombre R n . A noter que la suite des restes partiels n’existe que lorsque la série converge. Dans ce cas, en vertu de l’égalité n N, S n + R n = + k=0 u k , MP du Lycée Berthollet, Annecy, 2019/2020, http://mpberthollet.wordpress.com

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Page 1: Cours 05: Séries NumériquesCours 05: Séries Numériques 1 Cours 05: Séries Numériques Dans tout ce chapitre, K sera égal à R ou C, et Esera un K−espace vectoriel normé. Les

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Cours 05: Séries NumériquesDans tout ce chapitre, K sera égal à R ou C, et E sera un K−espace vectoriel normé.Les différentes informations sur une fonction f : I → K que l’on peut obtenir à partir de

données sur sa dérivée nous conduisent à construire une notion de dérivée ∆(u) pour une suiteu, avec l’espoir que le lien entre u et ∆(u) soit aussi fructueux. Une telle dérivée discrète estinfiniment plus simple à construire que son analogue continue, il suffit de poser

∆ RN −→ RN

u 7−→(un+1 − un

)n∈N

.

On peut reconstruire u à partir de ∆(u) grâce à l’égalité

un − um =n−1∑k=m

(uk+1 − uk

), ∀n > m ∈ N,

qu’on serait tenté d’appeler théorème fondamental d’analyse discret, s’il n’était trop simple pourmériter ce titre.

On va s’intéresser ici aux suites définies via leur image par ∆, i.e pour poursuivre le parallèle,aux primitives discretes.

Remarquons que c’est un jeu intéressant de voir si les différents résultats d’analyse sur lesfonctions se déclinent dans ce cadre, comme par exemple l’intégration par partie, le changementde variables dans les intégrales, le théorème de la limite de la dérivée généralisé (i.e en +∞),.....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

1 SÉRIES CONVERGENTES ET DIVERGENTES

§ 1. Définition.— de la convergence.

Définition 1.1

Soit u = (un)n∈N une suite d’éléments de E.

I On appelle série de terme général (un) la suite (Sn)n∈N =(

n∑k=0

uk

)n∈N

des sommes

partielles. On la note∑

un, ou(∑

un), ou encore

∑n>n0

un.

I La série∑

un est dite convergente lorsque la suite des sommes partielles (Sn)n∈Nadmet une limite finie ` ∈ E. Dans le cas contraire, elle est dite divergente.

I Si la série converge, on note sa limite

+∞∑k=0

uk = limn→+∞

n∑k=0

uk et pour tout n ∈ N, Rn =+∞∑k=0

uk − Sn =+∞∑

k=n+1uk.

La limite de la série∑

un est plutôt appelée somme de la série.Pour tout n ∈ N, on appelle n−ième reste partiel le nombre Rn.

A noter que la suite des restes partiels n’existe que lorsque la série converge. Dans ce cas, envertu de l’égalité

∀n ∈ N, Sn +Rn =+∞∑k=0

uk,

MP du Lycée Berthollet, Annecy, 2019/2020, http://mpberthollet.wordpress.com

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la suite (Rn)n∈N converge évidemment vers 0. Pour tout entier n, la norme de Rn mesure ladistance de la n−ième somme partielle Sn à la limite ` de la série, et son signe -dans le cas oùE = R- indique la position de Sn par rapport à `. En particulier,

pour tout n ∈ N,(Rn > 0⇐⇒ Sn 6 lim

k→+∞Sk

).

Notons enfin que l’on peut retrouver le terme général à partir des sommes partielles ou desrestes partiels grâce aux égalités :

∀n ∈ N∗, un = Sn − Sn−1, un = Rn−1 −Rn.

Enfin, la nature de la série∑n∈N

un ne dépend pas des premiers termes de celle-ci. Précisément, si

n0 ∈ N, la série∑n>0

un converge si et seulement si la série∑n>n0

un converge.

1. On fera attention à ce que∑n>n0

un 6=+∞∑n=n0

un, le premier étant une série et le deuxième un réel, ou

un complexe. Par exemple, on peut toujours parler de la première alors que la seconde n’existe que

si la suite converge :+∞∑k=1

ln k n’existe pas, contrairement à

∑k>1

ln k

.

2. Toute estimation du reste, du type majoration ou équivalent, nous donnera une information sur laqualité de convergence de la suite (Sn).

REMARQUES :

§ 2. Les séries de référence.—

I Les séries télescopiques sont celles qui apparaissent sous la forme∑n>n0

(un+1 − un). Cette

expression permet d’en déduire une expression condensée (ou intégrée si l’on préfère joueravec l’analogie série-intégrale) :

∀n0 6 N ∈ N,N∑

n=n0

(un+1 − un) = uN+1 − un0 ,

si bien que la série∑n>n0

(un+1 − un) converge⇐⇒ la suite (un)n∈N converge.

On voit ici que, bien que les séries aient été définies comme des suites particulières, ellesn’en sont pas : toute suite u peut aussi être vue comme la suite des sommes partielles d’unesérie, dont le terme général est ∆(u).

I Les séries géométriques : pour tout a ∈ C, on appelle série géométrique de raison a lasérie

∑k>0

ak. Fait exceptionnel, on a une expression simple de ses sommes partielles :

∀n0 6 n ∈ N,n∑

k=n0

ak =

an0 − an+1

1− a si a 6= 1,

n+ 1 si a = 1..

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A retenir sous la forme “Premier terme moins dernier terme que multiplie la raison divisépar un moins la raison”.Cette série converge si |a| < 1 et diverge grossièrement sinon.

I La série harmonique∑k>1

1k

. Les deux points qui suivent se déduisent du dernier. Une

preuve est cependant proposée car ce sont deux méthodes qu’il faut garder en mémoire.• La suite des sommes partielles

(Hn

)n>1

tend vers +∞ car pour tout entier n > 1,

Hn >n∑k=1

ln(

1 + 1k

)=

n∑k=1

[ln (k + 1)− ln(k)

]= ln(n+ 1).

• La suite(Hn

)n>1

est équivalente à (lnn)n>1. Ce résultat peut se prouver par une com-paraison série/intégrale que nous ferons dans le cours sur les intégrales impropres.• Il existe un réel γ tel que, lorsque n→ +∞, Hn = lnn+ γ + o(1).

Cela peut se prouver avec l’adjacence des deux suites

(un)n>1 =(Hn − lnn

)n>1

et (vn)n>1 =(un −

1n

)n>1

,

mais nous verrons une méthode plus générale.

I Les séries de Riemann

∑n>1

1ns

, où s ∈ R. Cette série converge si et seulement si s > 1.

On peut le prouver à nouveau avec une comparaison série/intégrale.

§ 3. Structures.— La convergence est une notion stable par combinaison linéaire. Ce résultatest une conséquence immédiate de la linéarité de la limite de suites d’éléments de E.Proposition 1.2

L’ensemble Sc(N, E) des séries convergentes est un sous-espace vectoriel de l’ensembleS (N, E) des séries. L’application Sc(N, E) −→ E∑

n∈Nun 7−→

+∞∑n=0

un

est linéaire.

En conséquence, la somme d’une série convergente et d’une série divergente est une série divergente, toutcomme pour les séries.

REMARQUES :

Donnons une condition nécessaire de convergence :

Proposition 1.3 (Divergence grossière)

Soit∑n∈N

un ∈ S (N, E). Si cette série converge, alors un −−−−→n→+∞

0.

Si la suite des termes généraux (un) ne tend pas vers 0, on dit que la série diverge grossière-ment.

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Démonstration : Si on note ` ∈ E la somme de la série, un = Sn − Sn−1 −−−−−→n→+∞

`− ` = 0E .

La réciproque est évidemment fausse, comme le prouve l’exemple de la série harmonique.

Montrer que la série∑(

cos 1n

)n2

diverge.

EXEMPLES :

..................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................2 SÉRIES À TERME GÉNÉRAL POSITIF

Ce sont exactement les séries dont la suite des sommes partielles croît puisque pour tout entiern > 1, un = Sn − Sn−1. Ainsi,Proposition 2.1

Une série à terme général positif est convergente si et seulement si la suite de ses sommespartielles est majorée, i.e s’il existe A ∈ R tel que pour tout entier n, Sn 6 A.Si ce n’est pas le cas, la suite des sommes partielles tend vers +∞.

Démonstration de la proposition 2.1 : C’est une conséquence immédiate du théorème de la limitemonotone appliqué à la suite des sommes partielles (Sn)n>0.

L’heuristique à partir d’ici sera de comparer le terme général un au terme général d’une sériede référence, i.e dont on connait la nature. C’est la conjecture que vous ferez qui guidera votrepreuve. Soit vous estimez que la STP diverge, auquel cas vous essaierez de minorer son terme gé-néral par le terme général d’une série divergente, soit vous pensez qu’elle converge et dans ce cas,vous pouvez tenter de majorer son terme général par le terme général d’une série convergente,ou bien encore vous majorez la suite des sommes partielles par une constante.

1. Soit n ∈ N∗. Montrer que b√nc − b

√n− 1c est égal à 1 si n est un carré parfait, et à 0 sinon.

2. Montrer que la série∑n>1

b√nc − b

√n− 1c

nconverge.

EXEMPLES :

§ 1. Majoration & minoration du terme général.— Les estimations se feront presque toujourssur les termes généraux.Proposition 2.2

Soient (un)n∈N et (vn)n∈N ∈ RN. Supposons qu”il existe n0 ∈ N tel que pour tout n ∈[[n0,+∞[[, 0 6 un 6 vn. Alors,

I Si∑n∈N

vn converge, alors∑n∈N

un converge.

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I Si∑

un diverge, alors∑

vn diverge.

Démonstration de la proposition 2.2 : Notons pour tout n ∈ N, Sn(v) =n∑k=0

vk et Sn(u) =n∑k=0

uk.

I Puisque la suite (Sn(v))n∈N converge, elle est majorée, i.e il existe M ∈ R tel que pour toutn ∈ N, Sn(v) 6M . Ainsi, pour tout n > n0,

n∑k=n0

uk 6n∑

k=n0

vk =⇒ Sn(u)− Sn0−1(u) 6 Sn(v)− Sn0−1(v) 6M − Sn0−1(v),

=⇒ Sn(u) 6M − Sn0−1(v) + Sn0−1(u)︸ ︷︷ ︸indépendant de n

.

La suite(Sn(u)

)n∈N est donc majorée (car majorée à partir d’un certain rang) ; or, elle croit à

partir du rang n0, donc elle converge.I C’est la contraposition de l’affirmation précédente.

I La série∑n>1

ln(

1 + 1n(n+ 1)

)converge.

I La série∑n>2

n

n2 − 1 diverge.

I Soient∑n>1

un et∑n>1

vn deux séries convergentes de terme général positif.

Montrer que∑n>1

max{un, vn} et∑n>1

√unvn convergent.

EXEMPLES :

Corollaire 2.3 (Règle de D’Alembert et CCP-Analyse 6)

Soit (un)n∈N une suite à valeurs strictement positives telle que la suiteun+1

unadmet une limite

` ∈ R+ ∪ {+∞}. AlorsI Si ` < 1, la série

∑n∈N

un converge.

I Si ` > 1, la série∑n∈N

un diverge grossièrement.

Démonstration de la règle de D’Alembert 2.3 : I Notons α = 1 + `

2 ∈]1, `[. En posant ε = α− ` =1− `

2 > 0 dans la définition de limn→+∞

un+1un

= `, on obtient l’existence d’un entier n0 tel que

pour tout n ∈ [[n0,+∞[[,∣∣∣∣un+1un− `∣∣∣∣ 6 ε, soit en particulier

un+1un

= un+1un−`+` 6 ε+` = α < 1.

Par une récurrence immédiate, on en déduit que pour ces valeurs de n, un 6 un0αn−n0 = Kαn

où K = un0α−n0 . Or, la série de terme général

∑n∈N

Kαn est convergente en tant que série

géométrique de raison α ∈ [0, 1[. D’après la proposition 2.2, la série à termes positifs∑

unconverge.

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I Posons pour tout n ∈ N, an = u−1n .

∑an est une série à termes positifs et

an+1an

= unun+1

−−−−−→n→+∞

`−1 < 1. D’après le premier item, la série∑

an converge, donc la suite (an)n∈N tend vers 0, si

bien que un −−−−−→n→+∞

+∞, ce qui implique la divergence grossière de la série∑

un.

Cette règle portera ses fruits dans assez peu de cas. En revanche, son efficacité sera redoutable pour lesséries entières.

Et si ` = 1, on ne peut pas conclure. Par exemple, si un = 1nα

, alors le rapport(un+1

un

)n∈

de deux termes

consécutifs tend vers 1, or on sait que selon α, la série correspondante peut converger ou diverger.

REMARQUES :

I La série∑n>1

n!nn

converge.

EXEMPLES :

§ 2. Comparaison par domination et par équivalence.— Cet énoncé est aussi le sujet del’exercice CCP Analyse 7.Proposition 2.4

Soient (un)n∈N et (vn)n∈N deux suites réelles positives.I Si un =

n→+∞O(vn), alors la convergence de

∑n∈N

vn implique celle de∑n∈N

un.

I Si un ∼n→+∞

vn, alors la convergence de∑n∈N

vn est équivalente à celle de∑n∈N

un.

Démonstration de la proposition 2.4 : I Il existeM ∈ R et n0 ∈ N tels que pour tout n ∈ [[n0,+∞[[, 0 6un 6Mvn. Or, la série

∑n∈N

Mvn converge par hypothèse. D’après la proposition 2.2, il en est de

même de la série∑n∈N

un.

I Si un ∼n→+∞

vn, alors un =n→+∞

O(vn) et vn =n→+∞

O(un), et on peut utiliser le premier item : si∑n∈N

vn converge, alors∑n∈N

un converge, et si∑n∈N

vn diverge,∑n∈N

un ne peut converger sans quoi∑n∈N

vn convergerait.

EXEMPLES :

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I Quelle est la nature de la série∑n>1

(1− cos π

n

)?

I Soit α ∈ R. Quelle est la nature de la série∑n>1

(3√n3 + αn− 2

√n2 + 3

)?

Corollaire 2.5 (Règle de nαun)

Soit (un)n∈N une suite réelle positive.I S’il existe α > 1 tel que nαun −−−−→

n→+∞0, alors

∑un converge.

I S’il existe α ∈]0, 1] tel que (nαun) converge vers une limite non nulle, alors∑

un di-verge.

Démonstration : I L’hypothèse s’interprète par un =n→+∞

o

( 1nα

), et on peut utiliser le premier item

de la proposition 2.4 avec le fait que∑ 1

nαconverge (car α > 1).

I SI on note K > 0 cete limite, l’hypothèse devient un ∼n→+∞

K

nα. Or la série de terme général(

K

)n>1

diverge puisque α 6 1. On conclut alors avec le deuxième item de la proposition 2.4.

Soit α ∈ R. Déterminer la nature de∑n>1

exp(− nα

).

EXEMPLES :

§ 3. Sommation des relations de comparaison.— L’énoncé qui suit est subtil, et peut s’avérerpuissant pour déterminer des développements asymptotiques de sommes partielles ou de restespartiels.Proposition 2.6 (Sommation des relations de comparaison)

Soient (un)n∈N et (an)n∈N deux suites réelles positives.1. On suppose que

∑n∈N

an converge.

(a) Si un =n→+∞

O(an), alors∑n∈N

un converge et+∞∑k=n

uk =n→+∞

O

(+∞∑k=n

ak

).

(b) Si un =n→+∞

o(an), alors∑n∈N

un converge et+∞∑k=n

uk =n→+∞

o

(+∞∑k=n

ak

).

(c) Si un ∼n→+∞

an, alors∑n∈N

un converge et+∞∑k=n

uk ∼n→+∞

+∞∑k=n

ak.

2. On suppose que∑n∈N

an diverge.

(a) Si un =n→+∞

O(an), alorsn∑k=0

uk =n→+∞

O

(n∑k=0

ak

).

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(b) Si un =n→+∞

o(an), alorsn∑k=0

uk =n→+∞

o

(n∑k=0

ak

).

(c) Si un ∼n→+∞

an, alorsn∑k=0

uk ∼n→+∞

n∑k=0

ak.

Démonstration : 1. (a) Il existe M > 0 et un rang n0 ∈ N à partir duquel uk 6 Mak. Alors pour

n > n0, N ∈ N,n+N∑k=n

uk 6 Mn+N∑k=n

ak 6 MRn(a). Pour tout n > n0, la suite

(n+N∑k=n

uk

)N∈N

est donc bornée et croissante en tant que somme partielle de série à termes positifs,donc elle converge. En faisant tendre N vers +∞, on obtient que pour tout n > n0, 0 6Rn(u) 6MRn(a).

(b) Notons déjà que (un) est dominée par (an) puisqu’elle est négligeable par rapport à celle-ci. La série de terme général (un) converge donc d’après le premier item. Soit ε > 0. Il

existe un rang n0 ∈ N à partir duquel uk 6 εak. Alors pour n > n0, N ∈ N,n+N∑k=n

uk 6

εn+N∑k=n

ak 6 εRn(a). En faisant tendre N vers +∞, on obtient que pour tout n > n0, 0 6

Rn(u) 6 εRn(a).(c) Notons que (un) est dominée par (an) puisqu’elle lui est équivalente. La série de terme

général (un) converge donc d’après le premier item. De plus, un = an + o(an). D’après ledeuxième item, Rn(u) = Rn(a) + o

(Rn(a)

)quand n→ +∞.

2. (a) Il existe M > 0 et un rang n0 ∈ N à partir duquel uk 6Mak. Alors pour n > n0,n∑k=0

uk 6

n0−1∑k=0

uk +Mn∑

k=n0

ak = Sn0−1(u) +M(Sn(a)− Sn0−1(a)

). On en déduit que

0 < Sn(u)Sn(a) 6

Sn0−1(u) +M(Sn(a)− Sn0−1(a)

)Sn(a) −−−−−→

n→+∞M.

La suite(Sn(u)Sn(a)

)n

est donc bornée. En effet, elle est positive et majorée par une suite

elle-même bornée car convergente.

(b) Soit ε > 0. Il existe un rang n0 ∈ N à partir duquel uk 6 εak. Alors pour n > n0,n∑k=0

uk 6

n0−1∑k=0

uk + εn∑

k=n0

ak = Sn0−1(u) + ε(Sn(a)− Sn0−1(a)

). On en déduit que

0 < Sn(u)Sn(a) 6

Sn0−1(u) + ε(Sn(a)− Sn0−1(a)

)Sn(a) −−−−−→

n→+∞ε.

Il existe donc un entier n1 > n0 à partir duquel 0 6Sn0−1(u) + ε

(Sn(a)− Sn0−1(a)

)Sn(a) 6

2ε. Pour ces valeurs de n supérieures à n1, nous avons finalement l’estimation 0 6Sn(u)Sn(a) 6 2ε, ce qui prouve bien que sn(u) = o

(Sn(a)

).

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(c) A nouveau, on utilise que un = an + o(an) et le point précédent.

Lorsque vous vous souviendrez de l’existence de ce théorème, et que vous vous demanderez quelles ensont les hypothèses et les conclusions, souvenez-vous que tous les termes généraux doivent être positifs,que les estimations (o,O ou ∼) sur les termes généraux passent aux restes ou aux sommes, et que si

∑n∈N

an

diverge, il n’y a pas de reste Rn =+∞∑

k=n+1ak, donc que les estimations ne peuvent porter que sur les sommes

partielles.

REMARQUES :

I Au risque d’une indigestion, voici une nouvelle preuve du développement asymptotique de la sérieharmonique. Détaillons en deux étapes :

• Puisque ln(

1 + 1k

)∼ 1k

, que ces deux suites sont positives et que la série harmonique diverge, on

obtient grâce au 2.c du théorème que Hn ∼n∑k=1

ln(

1 + 1k

)=

n∑k=1

ln(k + 1)− ln k = ln(n+ 1), par

télescopage.

• Reprenons l’idée pour obtenir le deuxième terme. Hn − ln(n + 1) =n∑k=1

wk où wk =(1k− ln

(1 + 1

k

)). Or, le DL de ln en 1 nous donne wk ∼

12k2 . La suite

(1

2k2

)k>1

est le terme

général de signe constant d’une série de Riemann convergente, donc on peut conclure que∑k>1

wk

converge également d’après la proposition 2.4, page 6. Si on note γ sa limite,

Hn − ln(n+ 1) =n∑k=1

wk −−−−−→n→+∞

γ,

ou encore Hn − ln(n+ 1) = γ + o(1). On conclut en montrant que ln(n+ 1) = lnn+ o(1).

I Il existe un réel K tel quen∑k=1

√k2 + 1 = n2

2 + n

2 + lnn2 +K + o(1). En effet, on déduit de

•√k2 + 1 ∼ k l’équivalent Sn ∼

n2

2 ,

•√k2 + 1− k ∼ 1

2n et de la divergence de la série harmonique l’équivalent Sn −n2 + n

2 ∼ Hn

2 .

• l’estimation√k2 + 1− k − 1

2n = O

(1n2

)la convergence de la suite

(Sn −

n2 + n

2 − Hn

2

)n>1

EXEMPLES :

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..................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................3 SÉRIES RÉELLES, COMPLEXES, VECTORIELLES

Notez bien que dans les résultats qui vont suivre, la série de référence (an) est toujours posi-tive.

§ 1. Absolue convergence.— C’est le résultat qui permet de ramener l’étude de la nature d’unesérie vectorielle à celle d’une série à terme positif, et donc d’utiliser le chapitre précédent.

Le résultat étonnant qui suit, et qui parait lorsqu’on le lit pour la première fois le fruit d’uneerreur de calcul, a contribué à focaliser l’attention des mathématiciens sur la notion d’absolueconvergence, domaine des séries où ce type de pathologie n’apparait pas. Nous avons vu que

+∞∑k=1

(−1)k+1

k=

+∞∑k=1

( 12k + 1 −

12k + 2

)= ln 2.

Sommons dans un ordre différent : puisque N∗ =∐k∈N

{ 12k + 1 ,

14k + 2 ,

14k + 4

}, on a aussi

ln 2 =+∞∑k=0

( 12k + 1 −

14k + 2 −

14k + 4

)=

+∞∑k=0

( 14k + 2 −

14k + 4

)= ln 2

2 .

L’erreur vient de ce que l’on a supposé que cette application “somme”, que l’on note+∞∑n=0

, était

commutative, ce qu’elle n’est pas. Cette non-commutativité est une conséquence de ce que les

deux séries∑k>1

(−1)2k

2k et∑k>1

(−1)2k+1

2k + 1 divergent, ou bien de manière équivalente, du fait que la

série∑k>1

∣∣∣∣∣(−1)kk

∣∣∣∣∣ diverge alors que la série∑k>1

(−1)kk

converge.. Dans ce cas, on peut d’ailleurs

prouver un résultat stupéfiant : pour tout réel x, il existe une permutation σ de N∗ telle que+∞∑n=1

(−1)σ(n)

σ(n) = x.

Définition 3.1

Soit (un)n∈N ∈ KN une suite numérique. On dit que la série∑n∈N

un converge absolument

lorsque la série à terme général positif∑n∈N|un| converge.

Cette dernière étant à termes positifs, on dispose de tout un arsenal pour identifier sa nature.Par ailleurs :Théorème 3.2 (L’absolue convergence implique la convergence)

Soit (un)n∈N ∈ KN une suite numérique.

Si∑n∈N|un| converge, alors

∑n∈N

un converge et dans ce cas,

∣∣∣∣∣+∞∑n=0

un

∣∣∣∣∣ 6+∞∑n=0|un|.

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Démonstration : On utilise l’égalité un = |un| −(|un| −un

)valable pour tout n ∈ N. On voit qu’en cas

d’absolue convergence, le terme général un est la différence de deux termes généraux positifs deséries convergentes (pour la deuxième, c’est une conséquence de 0 6 |un| − un 6 2|un|).

Si enfin, un ∈ C, ∀n ∈ N, on constate que un = an + ibn où les deux suites réelles (an)n∈N et(bn)n∈N sont majorées en valeur absolue par la suite

(|un|

)n∈N, et sont donc absolument conver-

gentes d’après le premier cas.

La réciproque est clairement fausse puisque la série∑n>1

(1)n+1

nconverge vers ln 2, alors que la

série harmonique diverge. On dira d’une série qu’elle est semi-convergente lorsqu’elle convergemais qu’elle ne converge pas absolument.Grâce à ce résultat, certaines règles dévolues aux séries à terme positif se généralisent. Récrivons-les dans ce cas :Proposition 3.3 (Règle de nαun)

Soit (un)n∈N ∈ CN . S’il existe α > 1 tel que (nαun)n∈N tend vers 0E, alors∑n∈N

un converge

absolument.

Proposition 3.4

Soit (un)n∈N ∈ CN et (an)n∈N une suite réelle positive. Si un =n→+∞

O(an) et∑n>0

an converge,

alors∑n>0

un converge absolument.

Proposition 3.5 (Règle de D’Alembert)

Soit (un)n∈N ∈ CN une suite ne s’annulant pas, telle que la suite∣∣∣∣un+1

un

∣∣∣∣ admet une limite

` ∈ R+ ∪ {+∞}. AlorsI Si ` < 1, la série

∑n∈N

un converge absolument.

I Si ` > 1, la série∑n∈N

un diverge grossièrement.

L’hypothèse sur laquelle on ne transige pas est la positivité de la suite de référence.

§ 2. Séries alternées.— Une série est dite alternée si elle est de la forme∑n>0

(−1)nun, où (un)n∈N

est une suite positive. Il existe une condition suffisante simple de convergence d’un telle suite,appelée critère des séries alternées, ou règle de Leibnitz :

Théorème 3.6 (Règle de Leibniz)

Soit (un)n∈N une suite réelle. Si cette suite décroit vers 0, alors :I∑n>0

(−1)nun est convergente.

I Pour tout n ∈ N, le reste Rn =+∞∑

k=n+1(−1)kuk de cette série est du signe de son premier

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terme, i.e du signe de (1)n+1.I Pour tout n ∈ N, |Rn| 6 un+1.

Démonstration : I Les deux suites(S2n+1

)n∈N et

(S2n

)n∈N sont adjacentes.

En effet, pour tout n ∈ N, S2n − S2n+1 = u2n+1 −−−−−→n→+∞

0, et S2n+1 − S2n−1 = u2n − u2n+1 >

0, S2n+2 − S2n = u2n+2 − u2n 6 0. Elles ont par conséquent une limite commune ` ∈ C. Leur

convergence implique la convergence de(Sn)n∈N vers ` =

+∞∑k=0

uk. D’où le premier point.

I La monotonie de ces deux suites extraites impliquent de plus que pour tout entier natureln, S2n+1 6 ` 6 S2n.En soustrayant ces inégalités par S2n, on obtient d’une part −u2n+1 6 R2n 6 0.Et en soustrayant S2n+1 6 ` 6 S2n+2 par S2n+1, on obtient 0 6 R2n+1 6 u2n+2.

I L’hypothèse de décroissante du terme général est indispensable. En effet, prenons par exemple la

série∑k>1

ln(

1 + (−1)k+1√k

). C’est une série alternée dont le terme général est de limite nulle, et

pourtant elle diverge, en vertu de

ln(

1 + (−1)k+1√k

)= (−1)k+1

√k− vk où vk ∼

n→+∞

12k .

La série∑k>1

(−1)k+1√k

est convergente en tant que série alternée qui vérifie la règle de Leibniz, alors

que∑k>1

12k est une série à termes positifs divergente. Or, on sait que la somme d’une série dont

l’une converge et l’autre pas est divergente.I Les développements limités du terme général peuvent s’avérer très efficaces pour déterminer la

nature d’une série∑

un. Dans ce cas, il faut pousser celui-ci jusqu’à O(an), où∑

an convergeabsolument.

REMARQUES :

§ 3. Produit de Cauchy.— On définit le produit de Cauchy de deux séries∑n∈N

un et∑n∈N

vn

réelles ou complexes par∑n∈N

wn, où pour tout n ∈ N, wn =n∑k=0

ukvn−k.

Théorème 3.7

Si∑n∈N

an et∑n∈N

bn convergent absolument, alors

I∑n∈N

cn converge absolument, et

I+∞∑n=0

(n∑k=0

akbn−k

)=(+∞∑k=0

ak

)×(+∞∑k=0

bk

).

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Cours 05: Séries Numériques 13

Démonstration : I Cas où les ak et les bk sont positifs : Notons que cn =n∑k=0

akbn−k =∑

(p,q)∈N2p+q=n

apbq.

Posons Kn = [[0, n]] × [[0, n]] ⊂ N2 et Tn = {(p, q) ∈ N2/p + q 6 n}. Il faut remarquer que

Tn ⊂ Kn ⊂ T2n. On note alors pour tout n ∈ N, Sn(a) =n∑k=0

ak et idem pour b et c. Alors

Sn(c) =n∑k=0

ck =n∑k=0

∑(p,q)∈N2p+q=k

apbq =∑

(p,q)∈Tn

apbq

6∑

(p,q)∈Kn

apbq car Tn ⊂ Kn et apbq > 0,

=n∑p=0

ap

n∑q=0

bq = Sn(a)Sn(b) 6+∞∑p=0

ap

+∞∑q=0

bq.

Remarquer que l’on a simplement utilisé la positivité de tous ces réels, ainsi que l’inclusionTn ⊂ Kn. La suite (Sn(c))n est donc croissante et majorée, donc convergente. Un passage à lalimite dans l’inégalité que l’on vient d ’établir nous donne de plus Sn(c) 6 Sn(a)Sn(b).D’autre part, puisque pour tout entier n,Kn ⊂ T2n, on montre de même que Sn(a)Sn(b) 6S2n(c). Ainsi, S(c) = S(a)S(b).

I Cas général : Notons αn = |an|, βn = |bn| et γn =n∑k=0

αkβn−k leur produit de Cauchy. La série∑n>0

γn est donc convergente d’après le premier cas. Puisque pour tout entier n ∈ N, |cn| 6 γn, la

série∑n>0

cn converge puisqu’elle converge absolument. Alors, en adaptant le calcul de la section

précédente, on montre que pour tout n ∈ N,∣∣Sn(a)Sn(b)− Sn(c)∣∣ 6 ∑

(p,q)∈Kn−Tn

|ap||bq| = Sn(α)Sn(β)− Sn(γ).

On conclut aisément par un passage à la limite.

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..................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................4 COMPLÉMENTS

§ 1. L’exponentielle complexe.— Avec les outils dont nous disposons dans ce cours, nous allonspouvoir asseoir solidement l’analyse de TS, i.e définir proprement la fonction exponentielle com-plexe, et partant de celle-ci, sa restriction aux réels évidemment, ainsi que ch et sh, mais aussicos et sin. Aucune de ces fonctions n’a jamais été l’objet d’une définition propre dans les pro-grammes du secondaire -ce qui n’a peut-être pas empêché vos professeurs de vous en proposerune évidemment-.

Tout commence avec l’exponentielle complexe. Pour tout z ∈ C, D’Alembert nous apprend

que la série de terme général(zn

n!

)n∈N

converge absolument. Posons donc :

exp(z) =+∞∑n=0

zn

n! .

Nous allons démontrer successivementI Cette application est un morphisme de groupes de (C,+) dans (C∗,×) :

Pour tous z, w ∈ C, exp(z)× exp(w) = exp(z + w).I La fonction f : x ∈ R 7−→ expx ∈ R est dérivable en 0 et f ′(0) = 1. Elle est donc dérivable

sur R grâce à sa propriété de morphisme, et égale à sa dérivée.I f est croissante et son image est ]0,+∞[.I Pour tout réel x, le complexe exp(ix) est de module 1. On appelle cosx sa partie réelle

et sin x sa partie imaginaire. On peut dès à présent démontrer toutes les formules detrigonométrie.

I Il existe un unique nombre réel que l’on note π, tel que exp(iπ/2) = i.I Ces deux fonctions sont dérivables, et cos′ = − sin, sin′ = cos.

§ 2. Développement décimal d’un réel.— Soit x ∈ R. On se souvient que la suite (rn)n∈N =(b10nxc

10n

)n∈N

converge vers x. En fait,

Théorème 4.1

Soit x ∈ R.

1. Les suites (rn)n∈N et (sn)n∈N =(rn + 10−n

)n∈N

sont des suites adjacentes de décimauxqui convergent vers x, avec rn 6 x < sn pour tout n ∈ N.

2. On a x =+∞∑n=0

an10n , où

a0 = r0 = bxc, et pour tout n > 1, an = 10n(rn − rn−1) = b10nxc − 10b10n−1xc.

De plus, a0 ∈ Z et pour tout n > 1, an ∈ [[0, 9]].

Démonstration : 1. Pour tout entier n, 10nrn 6 10nx < 10nrn + 1, si bien que

10n+1rn+1 > 10n+1x− 1 > 10n+1rn − 1.

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Cours 05: Séries Numériques 15

Ainsi, l’entier 10n+1rn+1−10n+1rn est> −1, i.e rn+1 > rn. De même, 10n+1sn+1 = 10n+1rn+1+1 6 10n+1x < 10n+1rn + 10 = 10n+1sn. D’où l’adjacence des deux suites.

2. Ainsi, an = 10n(rn − rn−1)est positif. De plus, an = b10nxc − 10b10n−1xc, c’est donc bien unentier. Enfin, puisque b10nxc 6 10nx et b10n−1xc > 10n−1x − 1, an < 10. Enfin, r0 = a0 et

pour tout n ∈ N, rn+1 = an+110n+1 + rn, donc rn =

n∑k=0

ak10k .

I Calculer les développements décimaux de 32, 456 et de −32, 456.I Le développement décimal de la constante de Ramanujan vaut

eπ√

163 = 262537412640768743.9999999999992...

EXERCICES :

Notons D l’ensemble des suites (an)n∈N telles que a0 ∈ N et pour tout n > 1, an ∈ [[0, 9]]. Onpeut naturellement se demander si l’application

δ [0,+∞[ −→ Dx 7−→ (an)n∈N

est bijective. La réponse est négative : la suite (an)n∈N∗ ne peut pas stationner à 9. Rappelons que(un)n∈N stationne à 9 signifie qu’il existe n0 ∈ N tel que pour tout n ∈ N, n > n0 ⇒ an = 9.

Proposition 4.2

Pour tout x ∈ R+, la suite (an)n∈N∗ ne peut pas stationner à 9.

Démonstration : Supposons que an = 0 pour tout n > n0, alors rn = rn0 + 10−n0 − 10−n, et doncsn = sn0 , i.e (sn) est stationnaire à x, ce qui est absurde puisque pour tout n, sn > x.

Nous noterons dorénavant D ′ l’ensemble des suites (an)n∈N ∈ D qui ne stationnent pas à 9.

Définition 4.3

Développement illimité propre de x Pour tout x > 0, on appelle développement illimité

propre de x toute égalité x =+∞∑n=0

an10n où (an)n∈N∗ ∈ D ′. Un tel développement est noté

x = a0, a1a2 . . . an . . . et les an, pour n > 1 sont les chiffres de x qui apparaissent dans cetteécriture.

Le développement 1 = 0, 99 . . . 9 . . . est impropre.

Théorème 4.4

1. Soit x ∈ R+. Le développement illimité propre de x existe et est unique.Il est donné par l’application δ, i.e a0 = bxc et ∀n ∈ N, an = b10nxc − 10b10n−1xc.

2. L’application δ : [0,+∞[→ D ′ réalise une bijection.

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Démonstration : 1. Ok pour l’existence, c’est une conséquence des deux théorèmes précédents.

Montrons l’unicité en prenant une suite (bn)n∈N ∈ D ′ telle que x =+∞∑n=0

bn10n , et faisons une

récurrence forte sur n.

I Initialisation : b0 6 x. De plus,+∞∑n=1

9− bn10n > 0 car ce nombre est > (9 − bn0)10−n0 , où

bn0 est un des entiers différents de 9. Ainsi, x − b0 =+∞∑n=1

bn10n <

+∞∑n=1

910n = 1. D’où

b0 6 x < b0 + 1, i.e b0 = bxc.I Induction : Supposons que b0 = bxc et que pour tout n ∈ [[1, p − 1]], bn = b10nxc −

10b10n−1xc. Alors, 10px =p−1∑n=0

10p−nbn + bp ++∞∑

n=p+110p−nbn︸ ︷︷ ︸∈[0,1[

. Ainsi, bp est la partie entière

du réel 10px−p−1∑n=0

10p−nbn. Or,

10px−p−1∑n=0

10p−nbn = 10px− 10pbxc −p−1∑n=1

10p−n(b10nxc − 10b10n−1xc

)︸ ︷︷ ︸

somme télescopique

= 10px− 10b10p−1xc

Ainsi, bp = b10px− 10b10p−1xcc = b10pxc − 10b10p−1xc.

2. On vient de prouver la surjectivité de δ puisque si (bn)n∈N ∈ D ′, le réel x =+∞∑n=0

an10n est un

antécédent de cette suite :

δ (x) =(b10nxc − 10b10n−1xc

)n∈N

=(bn)n∈N.

Quant à l’injectivité, si x, y ∈ R+ vérifient δ(x) = δ(y), on montre facilement que pour toutn ∈ N, b10nxc = b10nyc. Et puisque deux nombres ayant même partie entière diffèrent d’auplus 1, on a |x− y| 6 10−n pour tout n ∈ N, i.e x = y.

Corollaire 4.5

R n’est pas dénombrable.

Démonstration : Cette preuve s’appelle argument diagonal de Cantor (1891). Supposons que R soitdénombrable, i.e que D ′ le soit. Alors l’ensemble des suites à valeurs dans {0, 1}est égalementdénombrable. Il existe donc une bijection ψ : N → {0, 1}N. Soit p ∈ N. La suite Ψ(p) ∈ {0, 1}N aun p−ième terme égal à 0 ou 1. Notons bp l’autre élément de {0, 1}. La suite (bn)n∈N ∈ {0, 1}N estalors différente de Ψ(p), et ce pour tout p ∈ N. Ainsi, cette suite n’est pas dans l’image de Ψ, ce quiest absurde.

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Cours 05: Séries Numériques 17

I Montrer que pour tout n ∈ N∗, le premier chiffre après la virgule du développement décimal illimitépropre de

√n2 + n est 4.

I Montrer que pour tout n > 5, le premier chiffre après la virgule du développement décimal illimitépropre de

√n2 + 2n est 9.

EXERCICES :

Finissons par quelques jolies caractérisations des décimaux et des rationnels.

Théorème 4.6

Soit x ∈ R.I Le développement décimal illimité propre de x est nul à partir d’un certain rang si et

seulement si x est décimal.I Le développement décimal illimité propre de x est périodique à partir d’un certain rang

si et seulement si x est rationnel.

Démonstration : I Cela signifie que la suite (rn) stationne, et donc qu’il existe n ∈ N tel que x = rn.I Le réel x > 0 est rationnel si et seulement si x − bxcl’est. De plus une suite (an)n>0 est ulti-

mement périodique si et seulement si (an)n>1 l’est. Ainsi, on peut supposer que 0 < x < 1.Suppsons que la suite (an) soit ultimement périodique, i.e qu’il existe p ∈ N et t ∈ N∗ tels que

pour tout entier n > p, an = an+t. Ainsi, en notant r =p−1∑n=0

an10n ,

x = r +t−1∑j=0

+∞∑k=0

ap+j10p+j+kt = r +

t−1∑j=0

(ap+j10p+j

+∞∑k=0

(10−t

)k)= r +

t−1∑j=0

(ap+j10p+j

) 11− 10−t ∈ Q.

Réciproquement, si x = a

b, où 0 < a < b, pour tout n ∈ N, la division euclidienne de 10na

par b s’écrit 10na = bqn + rn, où rn ∈ [[0, b[[. Il existe donc n < m tels que rn = rm. Ainsi,10nab− 10ma

b= qn − qm ∈ N. Or, si

a

b=

+∞∑p=0

ap10p , alors

10mab− 10na

b=

m∑p=0

ap10p−m −

n∑p=0

ap10p−n︸ ︷︷ ︸

∈N

++∞∑

p=m+1

ap10p−m −

+∞∑p=n+1

ap10p−n .

En écrivant cette égalité ainsi

10mab− 10na

b︸ ︷︷ ︸∈N

++∞∑p=1

ap+n10p =

m∑p=0

ap10p−m −

n∑p=0

ap10p−n︸ ︷︷ ︸

∈N

++∞∑p=1

ap+m10p ,

elle apparait comme une égalité de développements illimités propres. Par unicité de celui-ci,pour tout p ∈ N∗, ap+n = ap+m.

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Le réel x =+∞∑k=0

110(k2) est irrationnel.

EXEMPLES :

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