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D’après des scientifiques la fin du monde a une heure. Le 21 décembre 2012, à 17h39 la planète subira de grands changements. Fiction ou réalité? COURRIER INTERNATIONAL AMÉRIQUE L’avenir radieux d’une superpuissance pétrolière AFRIQUE Coupable d’avoir été violée FRANCE Hollande face à deux Afrique : l’une glande, l’autre gronde n°1168 3,50 €

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Faire une refonte du courrier international, en essayant de jouer avec le gabarit.

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D’après des scientifiques la fin du monde a une heure. Le 21 décembre 2012, à 17h39 la planète subira de grands changements. Fiction ou réalité?

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Barack Obama a remporté une belle victoire. Pour en prendre la mesure, il fautaller en Europe. Presque tous les dirigeants en place au plus fort de la crise, en 2008, et qui se sont représentés devant les électeurs ont été battus. Il est, avec Angela Merkel, l’un des rares sortants réélus. Avec Bill Clinton, il est aussi le premier démocrate depuis 1945 à remporter un second mandat. Même si sa victoire du 6 novembre n’est pas aussi imposante que celle de 2008, elle reste nette et sans discussion.

Entre un Mitt Romney incapable de se définir et un Barack Obama sérieux, faute d’être flamboyant, les Américains n’ont pas hésité. Ils ont renouvelé leur confiance au premier président noir de l’histoire du pays.

Ils ont choisi l’homme du centre. Celui qui, sans oeillères idéologiques, a géré au mieux une situation économique des plus difficiles. Celui qui, avec pragmatisme, a conduit une politique étrangère prudente. Bref, M. Obama a bien mérité d’être ovationné, mardi soir, à Chicago, au rythme d’une chanson d’Aretha Franklin opportunément intitulée : Respect. Qu’il en profite. L’avenir est truffé d’ornières.

Les rendez-vous à l’étranger ne sont pas faciles, de la Syrie à l’Iran, par exemple. Et le front intérieur est ingrat. Le chômage reste élevé (près de 8 %, plus de 20 % chez les jeunes), la reprise est fragile. La configuration politique à Washington ne change pas : la Chambre des représentants reste dominée par les républicains ; les démocrates disposent d’une petite majorité au Sénat.

Cela ne va pas faciliter la tâche de M. Obama. Sa priorité numéro un est le budget - la réduction d’un déficit chronique et qui, cumulé, leste le pays d’une dette de plus de 100 % du produit intérieur brut. Il lui faut trouver d’urgence, d’ici au 31 décembre, un accord avec les républicains.

Si le 44e président ne franchit pas ce “mur budgétaire”, le couperet tombe : l’application automatique de coupes dans les dépenses de l’Etat fédéral et de hausses d’impôts de l’ordre de 600 milliards de dollars. Autant dire, dans ce cas, que la relance est compromise et tout ce qui va avec - emploi, confiance des marchés et des investisseurs, en somme le moral du pays, qui n’est déjà pas au plus haut. Peut-il compter sur les républicains pour trouver un “grand compromis” qui sorte l’Amérique de la folie de la dette ? La défaite de M. Romney devrait les yinciter. Elle est historique : avec un chômage aussi fort, le républicain disposait d’un boulevard pour entrer à la Maison Blanche.

M. Romney n’a marqué des points que lorsqu’il s’est recentré. L’homme que les électeurs ont rejeté, c’est celui qui collait aux extrémistes de droite du Tea Party. Ce qu’ils ont condamné, c’est cette dérive fondamentaliste d’un Parti républicain dont l’obstructionnisme à la Chambre n’avait qu’un seul but : empêcher M. Obama de gouverner. Ils ont échoué.

Le score de mardi doit les inciter à coopérer avec le président. Celui-ci doit nouerune relation de travail constructive avec le Congrès. Alors, les uns et les autres pourront écouter la grande Aretha.

Isabelle Guiraud

ÉDITO

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International

L’avenir radieux d’une superpuissance pétrolière

La France

Hollande face à deux Afrique : l’une glande, l’autre gronde

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Les Etats-Unis sont à la veille d’un nouveau boom énergétique. La vision optimiste et très peu écologique de l’expert en géopolitique Walter Russell Mead.

La première visite africaine du président François Hollande a mis en lumière deux Afrique.

SOMMAIRE

À la Une

21 décembre 2012 : la fin du monde ?

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La fin est proche... Comme si le H1N1 ne suffisait pas à nous angoisser, voilà que le film 2012 nous rappelle que les Mayas l’ont prédit : le 21 décembre 2012, ce sera la fin du monde ? Les Mayas ont-ils vraiment dit cela ?

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Les journalistes de Courrier International sélectionnent et traduisent plus de 1 soo sources du monde entier :journaux, sites, blogs. Ils alimentent l’hebdomadaire et son site courrierintentatlonal.com. Voici la liste exhaustive des sources que nous avons utilisées cette semaine :

The American lnterest Washington, bimestriel. Halllretz Tel-Aviv, quotidien. Asahi Shimbun Tokyo, quotidien. Berliner Zeitung Allemagne, quotidien. Corriere della Sera Milan, quotidien. Cursdeguvernare.ro Bucarest, webzine. The Daily Beast (t hedailybeast. com) New York, site d’information. Democratie VoiceofBurma (english.dvb.no) Oslo, radio et site Internet. The Ecologist (theecologist.org) Londres, site depuis 2009. The Economist Londres, hebdomadaire. L’Essor Bamako, quotidien. evansnicmer.blogspot.com Caracas, blog. The Express Tribune Karachi, quotidien. Financial Times Londres, quotidien . Georgia Times (georgiatimes.info) Tbilissi, journal en ligne. 0 Globo Rio de Janeiro, quotidien. Hindustan Times New Delhi, quotidien. Le Jeudi Luxembourg, hebdomadaire. Kompas Jakarta, quotidien. Leaders Tuni s, webzin e. Novai’a Gazeta Moscou, bihebdomadaire. Ogoniok Moscou, hebdomadaire. Open New Delhi, hebdomadaire. Outlook Bombay, hebdomadaire. Panorama Milan, quotidien . Popular Hechanics New York, mensuel. Politiken Copenhague. quotidien. Publico Lisbonne, quotidien. Le Quotidien d’Oran Algérie, quotidien. La Stampa Turin, quotidien. Süddeutsche Zeitung Munich, quotidien. Sud Quotidien Sénégal, quotidien. Time New York, hebdomadaire. The Times Londres, quotidien. Tehran Bureau New York, webzine. Tunisia Live (tunisia· live.net) Tunis, webzine. La Voz de Galicia La Corogne, quotidien. The Wall Street Journal New York, quotidien. Your Middle East (yourmiddleeast.com) Suède, site couvrant le Moyen -Orient et le Maghreb. - Retrouvez des informations développées sur ces sources (et d’autres encore) sur www.courrierinternational.com

À la Une12\ 21 décembre 2012  : la fin du

monde ?16\ Révélations des Mayas 2012,

un film en préparation ?18\ 2012 : Croyez-vous à la fin du

monde ?

International

−Amériques−6 \ L ’ a v e n i r r a d i e u x d ’ u n e

superpuissance pétrolière9\ Roméo le républicain et Juliette

la démocrate

−Afrique−10\ Coupable d’avoir été violée !

−Asie−11\ Vidya Balan,  la Marilyn de

Bollywood

La France20\ Hollande face à deux Afrique :

l’une glande, l’autre gronde22\ Qatar : l’hypocrisie française23\ Le petit geste de François

Hollande24\ L’espion anglais qui a piégé le

groupe de Tarnac25\ Virez Ghosn pour que Renault

reparte !

Plein Écran2 6 \ L a v i c t o i r e d ’ O b a m a ,

événement politique le plus ‘liké’ de l’histoire26\ HASHTAG PAPAM – Benoît XVI

arrive sur Twitter26\ Réédition : Ikea à la papa27\ «Angry Birds Star Wars», le

côté obscur de Rovio27\ Sept soldats d’élite américains

sanctionnés pour avoir collaboré à un jeu vidéo27\ Gangnam Style : Bientôt le

milliard de vues sur YouTube ?

Edité par Courrier international SA, société anonyme avec directoire et conseil de surveillance au capital de 106 400 €. Actionnaire Le Monde Publications internationales SA. Directoire Antoine Laporte, président et directeur de la publication; Eric Chal. Conseil de surveillance Louis Dreyfus, président. Dépôt légal octobre 2012. Commission paritaire n· 0712c82101 . ISSN n»1154-516X- Imprimé en FrancefPrinted in France Rédaction 6-8, rue Jean-Antoine-de-Baïf, 75212 Paris Cedex 13 Accueil 33 (0)1 46 4616 oo Fax général33 (0)1 46 4616 01 Fax rédaction 33 (0)1 46 4616 02 Site web www.courrierinternational. cam [email protected] Directeur de la rédaction Eric Chal Rédacteurs en chef Jean-Hébert Armengaud (16 57). Claire Carrard (édition, 16 58), Odile Conseil (web. 16 27) Rédacteurs en chef adjoints Catherine André (16 78), Raymond Clarinard (1677), Isabelle Lauze (16 54). 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Ont participé à ce numéro Torunn Amie!, Alice Andersen, Gilles Berton, Aurélie Boissière, Jean-Baptiste Bor, Valérie Brunissen, Adrien Chauvin, Sophie Courtois, Roman Eftimescu, Nicolas Fresneau, Nicolas Gallet, Ghazal Golshiri, Gabriel Hassan, Nathalie Kantt, Virginie Lepetit. Céleste lordet, Jea n~ Baptiste Luciani, Ca· role lyon, François Mazet, Valentine Morizot, Pierangélique Sc houler, Véronique Tranvinh, Maddalena de Vio Secrétaire général Paul Chaine (17 46) . Assistantes: Notuenn Bizien (16 52), Sophie Nézet (partenariats, 16 99), Sophie Jan. Gestion : Julie Delpech de Frayssinet (responsable, 16 13). Comptabilité: 01 48 BB 45 02. Responsable des droits Dalila Bounekta (1616). Ventes au numéro Responsable publications: Brigitte Billiard. Direction des ventes au numéro: Hervé Bonnaud. Chef de produit : Jérôme Pons (o Bos os 0147, fax : 0157 2B 2140). Diffusion internationale : Franck-Olivier Torra (01 57 28 32 22). Promotion Christiane Montillet Marketing Sophie Ger baud (di· rectrice. 161B), Véronique lallemand (16 91), Lucie Torres (17 39), Romaïssa Cherbal (16 Bg). Publicité M Publicité, Bo boulevard Blanqui, 75013 Paris, tél. : 0157 2B 20 20. Directrice générale: Corinne Mrejen . Directeur de la publicité: Etienne Grasset ([email protected], 13 ‘iJ7). Directrice de clientèle : Hedwige Thaler ([email protected], 1407). Chef de publicité : Marjorie Couderc (marjorie.couderc @mpublicite.fr, -n 97). Assistante commerciale : Carole Fraschini ([email protected], 1407) Régions: Eric Langevin (eric. [email protected], 14 09). Annonces classées: Cyril Gardère ([email protected], 13 03). Exécution: Géraldine Doyotte (01 57 2B 39 93). Site Internet :Alexandre de Montmarin (alexandre. [email protected], 01 53 3B 46 SB). 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L’avenir radieux d’une superpuissance pétrolièreLes Etats-Unis sont à la veille d’un nouveau boom énergétique. La vision optimiste et très peu écologique de l’expert en géopolitique Walter Russell Mead.

INTERNATIONAL

Champs de pétrole près de Baskersfield en Californie, États-Unis

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Oubliez le p ic pétro l ier. Oubliez le Moyen-Orient. La révolution énergétique

du XXIe siècle ne sera pas centrée sur l’énergie solaire ou éolienne, et la ruée vers un pétrole en voie de raréfaction ne sera pas le mo-teur des relations internationales. L’abondance énergétique qui a contribué à propulser les Etats-Unis au rang de première puissance mondiale aux XIXe et XXe  siècles est de retour. Et si la révolution qui se profile est à la hauteur des attentes, nous entamons un siècle au cours duquel l’emplacement des nouvelles ressources mondiales et la structure des échanges énergé-tiques conforteront la prospérité des Etats-Unis et son rayonnement sur la scène internationale.

Selon certaines estimations, les Etats-Unis possèdent davantage de pétrole que l’Arabie Saoudite, l’Irak et l’Iran réunis. A en croire un rapport du Government Accounting Office [équivalent de la Cour des comptes] datant de mai dernier, l’un des principaux sites potentiels de production des Etats-Unis [la Green River Formation, une formation rocheuse à cheval sur le Colorado et l’Utah] pourrait receler à lui seul l’équivalent de 3 000 milliards de barils de pétrole de schiste. Si la moitié de ce pétrole est récupérable, les réserves des Etats-Unis conte-nues dans ce seul site équivalent en gros à l’ensemble des réserves connues à l’échelle mondiale.

Emplois bien rémunérés

Edward Luce, un journaliste du Financial Times, plus prompt à pointer le déclin des Etats-Unis qu’à mettre l’accent sur leur avenir, écrivait récemment  : “Les décou-vertes sont si spectaculaires que les experts voient les Etats-Unis comme la nouvelle Arabie Saoudite à l’horizon 2020, avec 15 millions

de barils d’hydrocarbures liquides produits par jour (contre 11  mil-lions de barils par jour cette année dans la pétromonarchie). Il faut en attribuer le mérite à des innovateurs privés, qui ont saisi l’occasion de la flambée du prix du pétrole ces dix dernières années pour conce-voir des moyens d’exploiter des réserves souterraines de pétrole de roche étanche [tight oil] et de gaz de schiste, jusque-là non rentables.” En outre, nos réserves de gaz natu-rel sont telles que les Etats-Unis sont susceptibles de devenir un grand pays exportateur, et il semble que l’approvisionnement du marché intérieur en hydrocarbures de tous types soit assuré à court et moyen terme.

La révolution énergétique n’est pas une baguette magique qui exaucera tous les souhaits des Etats-Unis, mais elle va imprimer un formidable élan à l’économie et aux ambitions internationales du pays. Les Etats-Unis n’en seront pas les seuls bénéficiaires – le Canada, Israël et la Chine, entre autres, en profiteront également –, mais elle aura des conséquences considé-rables sur le rôle des Etats-Unis dans le monde, avec vraisemblable-ment pour principal effet de conso-lider les fondations de l’ordre mon-dial sous direction américaine. Je me bornerai ici à examiner l’incidence de ce boom sur le plan intérieur, une incidence bien plus spectaculaire C’est un bouleversement majeur, et il contribuera sans doute largement à propulser le pays vers son pro-chain stade de développement.

Les effets de la révolution éner-gétique se feront sentir avant tout sur l’emploi.

Nous n’en sommes encore qu’au début, mais depuis la crise financière de 2008, le secteur de la fracturation hydraulique [injection

d’eau sous forte pression dans la roche afin de la fracturer et d’en ex-traire les hydrocarbures] a déjà créé à lui seul quelque 600 000 emplois aux Etats-Unis, selon le même ar-ticle du Financial Times. Il faut ajou-ter à cela les emplois nécessaires pour l’extraction et le raffinage de ces nouvelles ressources, et ceux des industries manufacturières et de transformation qui se relocalise-ront aux Etats-Unis pour profiter de ressources abondantes, bon mar-ché et stables.

Ces emplois seront bien payés.

Pour la première fois depuis une génération, nous allons voir augmenter le nombre de postes bien rémunérés destinés à la main-d’œuvre industrielle qualifiée. Certains salaires annuels pourront atteindre, avec les heures supplé-mentaires, des montants supérieurs à 100 000 dollars [77 500 euros]. Et ils se situeront pour la plupart bien au-dessus des rémunérations moyennes de l’industrie.

Cette révolution est également susceptible de faire évoluer le dé-bat sur l’immigration. Les meilleurs emplois de cols bleus dans les sec-teurs pétrolier et gazier nécessite-ront des travailleurs possédant une bonne connaissance de l’anglais et des compétences techniques – des lycées professionnels très spécia-lisés et des instituts universitaires de technologie formeront à ces nou-veaux emplois. La main-d’œuvre peu qualifiée et non anglophone aura du mal à accéder à ces postes, mais elle occupera des emplois moins bien rémunérés destinés à subvenir aux besoins du secteur énergétique et de ses salariés, dans le BTP et la restauration, notam-ment. Et, avec la hausse du niveau de vie des travailleurs nés sur le sol américain, l’immigration (légale) cessera probablement d’être un

sujet aussi sensible.

L’essor du Midwest

Autre bonne nouvelle : ces em-plois seront essentiellement situés loin des côtes. Le dépeuplement des Etats de l’intérieur est l’une des tragédies de ces vingt-cinq dernières années. Voyant le nord des Grandes Plaines déserté, des urbanistes s’étaient mis à envisager de laisser la nature y reprendre ses droits et d’y réintroduire le bison. Désormais, les bisons vont devoir laisser place aux installations de forage et à ceux qui les font fonc-tionner. Le Dakota du Nord n’est pas près de retourner à l’état sauvage.

D’importantes réserves de pé-trole et/ou de gaz ont été localisées dans d’autres régions délaissées. L’ouest de l’Etat de New York, une bonne partie de la Pennsylvanie et de l’Ohio possèdent aussi des quantités considérables de com-bustibles fossiles. Le renouveau de la Rust Belt [littéralement “ceinture de la rouille”, le terme désigne le nord-est du pays, ancien bastion de l’industrie lourde] a peut-être com-mencé. Et les Etats du Sud ne seront pas en reste : on estime que la par-tie américaine du golfe du Mexique, qui produit aujourd’hui 1,2 million de barils par jour, pourrait en ex-traire 2 à 3 millions de plus.

Dans l’ensemble, le bassin fluvial Mississippi-Ohio-Missouri se profile comme le futur axe de la croissance américaine. Le renouveau de cette zone devrait notamment avoir un effet positif pour le climat politique. Le Midwest est une région tradition-nellement modérée – elle est moins à gauche que le nord de la côte Est et moins outrancièrement conser-vatrice que les Etats du Sud. Les habitants du Midwest manifestent

The American Interest

Washington, États-Unis

the-american-interest.com

Des réserves considérables

Bientôt à égalité avec l’Arabie Saoudite

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une tendance au pragmatisme et à l’optimisme, et il sera intéressant de voir l’incidence que cela peut avoir sur la vie politique. En tout état de cause, les côtes Est et Ouest (à moins que la Californie ne se décide à exploiter ses richesses énergé-tiques) verront probablement leur influence décliner, tandis que le Sud continuera à se développer au rythme actuel et que le Midwest sera en plein essor.

Il y a beaucoup d’avantages à ce que l’intérieur du pays soit pros-père. Chicago et Saint Louis sont nettement mieux placés pour appro-visionner le Dakota du Nord et le Wyoming que la Chine et le Japon. Si le Midwest dispose de sources d’énergie sûres et bon marché et que de nouveaux centres urbains émergent à proximité, le renouveau énergétique dans quelques Etats soutiendra la croissance écono-mique dans beaucoup d’autres.

Les perspectives à long terme pour le dollar et le budget fédéral s’éclairciront elles aussi. Jusqu’à récemment encore, quand il s’agis-sait de prédire la santé future des Etats-Unis, on parlait d’une hausse inexorable des importations éner-gétiques qui allait peser lourdement sur la balance commerciale et sur le dollar. Or les importations de pétrole sont appelées à diminuer et les exportations, en particulier de gaz naturel, contribueront à les compenser. De plus, l’Etat fédéral prélèvera des impôts sur la produc-tion énergétique et sur les revenus des travailleurs et des sociétés directement ou indirectement par-ties prenantes de ce nouveau boom

énergétique. Les Etats-Unis seront un lieu

plus attrayant pour les investisse-ments étrangers. La construction des infrastructures nécessaires au fonctionnement de ce nouveau secteur et au transport de ses produits, fournira des possibilités d’investissements sûrs et lucratifs. Une économie américaine moins dépendante du pétrole importé (et celui-ci provenant essentiellement du Canada) sera bien moins expo-sée aux risques liés à l’instabilité du Moyen-Orient. C’est exactement ce que recherchent les investisseurs : une croissance forte dans un lieu sûr.

Esprit d’innovation

Peu d’endroits seront plus sûrs au XXIe siècle que les Etats-Unis, entre les Rocheuses et les Appalaches, entre le golfe du Mexique et la frontière canadienne. Certaines des plus vastes réserves énergétiques du monde seront si-tuées à proximité des terres les plus fertiles de la planète. Peu d’endroits sont aussi à l’abri des guerres, peuvent se prévaloir d’un régime politique aussi stable, protègent au-tant les droits de propriété et offrent une telle protection juridique de-puis si longtemps aux investisseurs étrangers.

Mais toute médaille a son revers, et la révolution énergétique ne déroge pas à la règle. Nous devrons notamment veiller à ce qu’un dollar dopé aux hydrocarbures ne rende pas les produits américains trop chers sur les marchés mondiaux.

A cet effet, nous ferons bien de re-garder vers l’Europe et de prendre exemple sur des pays comme l’Allemagne, qui ont su réagir au cours élevé de l’euro en réduisant les coûts et en améliorant la qualité de sorte que leurs produits restent compétitifs.

Nous devrons également empê-cher la classe politique de distribuer les richesses du pétrole à des pro-fiteurs. Nous n’avons pas envie de devenir le Nigeria ou la Russie de ce nouveau siècle, pays dans lesquels des élites cupides et corrompues ont détourné le processus politique à leur profit et accaparé l’essentiel des richesses en hydrocarbures. Des subsides attractifs et peu coû-teux pour les masses, tandis que la vraie richesse se retrouve sur les comptes suisses de personnes ayant des relations et peu de scru-pules : cela pourrait très bien arri-ver ici, où un tas de gens occupant des postes clés, aussi bien issus du Parti républicain que du Parti démocrate, sont prêts à confisquer le butin. Bien entendu, nous avons la chance de posséder du pétrole, et nous n’y sommes pour rien, mais nous avons fait les découvertes qui nous permettent d’en tirer avantage.

Une section du pipeline Keystone en construction dans le Dakota du Nord, en janvier 2012.

Des artistes contre le gaz de schiste

Walter Russell Mead omet d’évoquer dans son article les fortes résistances auxquelles se heurte, aux Etats-Unis, l’exploitation des gaz et pétrole de schiste par fracturation hydraulique. Des musiciens et des cinéastes se sont joints récemment aux citoyens ordinaires pour dénoncer les dangers de cette technique. “On nous présente le gaz naturel comme une énergie propre. N’en croyez rien !” assurait ainsi le musicien Sean Lennon fin août dans le The New York Times. Le fils de John Lennon et de Yoko Ono évoquait “les fuites de produits chimiques toxiques dans l’eau et dans l’air, et l’émission de méthane autour des puits, un gaz à effet de serre 105 fois plus puissant que le CO2”. Il a créé avec sa mère un collectif baptisé Artists against Fracking, où l’on retrouve des célébrités telles que Paul McCartney, Richard Gere et Lady Gaga. Hollywood n’est pas en reste : après Josh Fox et son documentaire militantGasland, en 2010, c’est Gus Van Sant qui s’attaque au problème. Son film Promised Land, dans lequel Matt Damon joue un employé d’une compagnie gazière chargé de convaincre les habitants d’une petite ville rurale sinistrée de louer leurs terres gorgées de gaz naturel, s’attire les foudres des lobbys pétrolier et gazier avant même sa sortie sur les écrans américains, prévue pour le 28 décembre.

Walter Russell Mead

Professeur de relations internationales au Bard College, dans l’Etat de New York, et auteur de Sous le signe de la Providence. Comment la diplomatie américaine a changé le monde (Odile Jacob, 2003).

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Le 19 novembre 2011, mon mari et moi sommes partis en virée à Las Vegas. Nous nous étions

rencontrés neuf jours plus tôt et, dans une petite chapelle du Strip, nous avons juré de passer le reste de notre vie ensemble. Autant vous dire que, ce jour-là, la politique n’avait aucune importance.

Je suis née et j’ai grandi à Berkeley, sans doute la ville la plus à gauche de toute l’Amérique. Je suis allée dans une école fréquen-tée par des hippies où mes copains s’appelaient Sunshine ou Storm et où on nous répétait que l’ave-nir nous appartenait. J’ai toujours voté démocrate, je suis favorable au mariage homosexuel et je pense qu’il est de notre devoir à tous de prendre en charge ceux qui ne peuvent pas le faire eux-mêmes. Mon mari est un républicain du New Jersey. Il est conseiller stratégique dans une grande entreprise, réser-viste dans le corps des marines et il a été envoyé deux fois en Irak.

Il croit en un Etat réduit à sa plus simple expression, à la responsabi-lité de chacun, à la libre entreprise et à une armée forte. Quand il m’a confié qu’il comptait faire un don pour la campagne du candidat répu-blicain Mitt Romney en notre nom, j’ai sauté au plafond.

Notre première année de ma-riage a été placée sous le signe des élections présidentielles. Nous avons beau être mariés, notre di-vorce politique est consommé et nous nous disputons âprement la garde de la Maison-Blanche. Pour notre premier débat présidentiel en tant que mari et femme [le 3 oc-tobre dernier], nous nous sommes assis chacun à un bout du canapé pour encourager notre candidat par moitié d’écran interposée.

J’ai ouvert les hostilités  : “On dirait un robot, dis-je, en parlant de Romney. — C’est sa coiffure, me rétorque mon mari.— Il a l’air constipé, poursuis-je.

— Mais non, c’est juste qu’il est attentif ”, explique patiemment mon mari.

Plus le débat avance et plus je me recroqueville dans le canapé : on dirait que le candidat de mon mari a pris l’avantage. Quand le thème des déficits est abordé, Obama prend l’air inspiré d’un cruci-verbiste devant une grille très com-pliquée, tandis que Romney récite une liste de solutions pour sauver le pays. Je me demande in petto où est passé l’orateur flamboyant pour qui j’avais bravé une queue intermi-nable devant le bureau de vote, il y a quatre ans. “Tu savais que je votais démocrate quand on s’est connus  ? je lance à mon mari alors que les deux hommes en sont à disséquer le pro-blème des retraites. “Oui mais je pensais que ça te pas-serait, confesse-t-il.—Tu préférerais que je vote républicain ?— Ah non  ! La vie avec toi serait beaucoup moins drôle”, reconnaît-il, sans grands égards pour son propre camp.

La conception de l’économie de mon mari est toute darwinienne : “Moi je fais la chasse aux ours. Les progressistes veulent que les ours restent en vie par amour des ours. Mais dès que les ours les attaquent, ils se mettent à hurler.” Le débat aborde ensuite la réforme de la san-té d’Obama et je décide de contre-attaquer. Quatre jours après notre mariage, nous avons appris que j’avais un cancer du sein. Le cancer a heureusement été soigné à temps et je suis aujourd’hui tirée d’affaire.

Je m’emporte : “Et si j’avais été pauvre ? Si je n’avais pas pu payer mon traitement ? Qui aurait décidé de me laisser mourir ?

— Les comités de la mort  !” s’esclaffe mon mari en levant le poing [référence à l’ex-gouver-neure de l’Alaska Sarah Palin qui clamait qu’avec la réforme de la santé d’Obama des comités spé-ciaux allaient décider de la vie ou de la mort des bébés trisomiques ou des personnes âgées]. J’essaie

de garder mon calme. Je me console en me disant que la vie de couple doit être d’un ennui mortel quand on partage les mêmes convictions politiques. Nous ne sommes peut-être pas toujours d’accord mais, au moins, nous ne manquons pas de sujets de discussion. Le seul pro-blème, c’est qu’il faut être disposé à écouter les arguments de l’autre, même quand ils sont épouvan-tables. Je me console en me disant que la vie de couple doit être d’un ennui mortel quand on partage les mêmes convictions politiques. Nous ne sommes peut-être pas toujours d’accord mais, au moins, nous ne manquons pas de sujets de discus-sion. Le seul problème, c’est qu’il faut être disposé à écouter les argu-ments de l’autre, même quand ils sont épouvantables.

Roméo le républicain et Juliette la démocrate

Susannah Breslin

Oublié le tabou des unions entre Noirs et Blancs, les nouveaux mariages mixtes mélangent droite et gauche. En ces temps de polarisation extrême de la vie politique américaine, la situation n’est pas simple à vivre.

INTERNATIONAL

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A Aïn Zaghouan, à une dizaine de kilomètres du centre-ville, sur la route qui conduit à La

Marsa, banlieue balnéaire et rési-dentielle, entre Rawâd et Carthage, une femme a été violée [dans la nuit du 3 au 4  septembre] par deux agents de police en service, pendant que leur collègue neutra-lisait le compagnon de la femme et le rançonnait. Et qui aurait pensé que la femme violée se trouverait accusée par le juge d’atteinte à la pudeur et aux bonnes mœurs ? Le couple aurait été surpris en train de flirter et la femme agressée aurait porté une tenue indécente, selon les dires de ces agents de police d’un genre nouveau, formatés par la morale islamiste, celle-là même déjà invoquée pour harceler les femmes mises à l’occidentale, igno-rant l’archaïque respect de la ‘awra. Cette notion assimile le dévêtement partiel du corps féminin à une nudi-té provocatrice qui crée le trouble dans la cité. La conformité à la ‘awra exige dans le meilleur des cas de ne voir de la femme que la face et les mains ; dans le pire, rien sinon les yeux qui brillent de leurs mobiles pupilles derrière la trame ajourée

d’une burqa couvrant de noir l’inté-gralité du corps.

Selon cette logique de la ‘awra que rejettent bien des femmes et des hommes en Tunisie, la victime devient coupable. C’est la loi du pa-triarcat, que les islamistes veulent imposer à une Tunisie qu’on croyait acquise à une modernité construite sur l’égalité des sexes. Le pays est menacé par le gouvernement islamiste d’Ennahda, qui, malgré un discours qui se veut allié de la modernité et de la démocratie, ne cherche pas à se débarrasser du tro-pisme islamiste, lequel se concentre sur la restauration des archaïsmes instaurés par le patriarcat et la phal-locratie au nom de l’islam.

D’après cette vision patriarcale, la femme est toujours à l’origine du désir, elle le provoque, l’allume  ; par son dévêtement partiel assi-milé à une mise à nu, elle suscite la séduction productrice de sédition : elle seule est à l’origine de la fitna (mot qui signifie à la fois “séduc-tion” et “sédition”). Cette fitna fait naître chez l’homme l’idée du viol. Si une femme est violée, c’est qu’elle s’était mise en situation de l’être.

Ce raisonnement odieux semble avoir cheminé dans l’esprit des agents de l’autorité policière et judi-ciaire, justifiés par les ministres de tutelle. Plus odieux encore, les dé-fenseurs et partisans de l’ordre isla-miste sur Internet menacent de viol les femmes qui se sont saisies de cette affaire et qui ont résolument pris la défense de la victime. C’est ce qui est arrivé à Raja Benslama, l’universitaire et intellectuelle très active au sein de la société civile, vigilante en son combat contre l’hégémonie islamiste. Ainsi, après l’appel au meurtre lancé dans la blo-gosphère contre les militants de la modernité par les suppôts des isla-mistes, nous en venons aujourd’hui à l’incitation au viol. Cette inversion des rôles qui donne à la victime le statut de coupable est inacceptable. Il convient d’abord de rappeler que le désir n’a pas pour origine exclu-sive le féminin. L’énergie qui défie la loi peut provenir tout autant du pôle masculin.

Les islamistes veulent mettre fin à la relative liberté des mœurs.

Pour concrétiser leur projet, ils utilisent les salafistes afin d’inti-mider les femmes, les artistes, les intellectuels, les universitaires. Ils sèment la terreur dans le milieu libéral et moderniste. En tolérant les salafistes, les islamistes au pouvoir déshonorent à dessein le principe qui donne à l’Etat la charge de la sécurité, consistant à protéger le citoyen des violences. Pour faire éclore la liberté, il faut libérer le sujet de la peur. Or, délibérément, les islamistes réintroduisent la peur. Non seulement ils encouragent les exactions criminelles des salafistes, mais encore ils entendent faire des policiers et des juges les agents qui transforment les victimes en cou-pables. Le sentiment d’insécurité grandit et la terreur gagne lorsque les représentants de l’autorité se confondent avec les délinquants et les criminels. En tolérant les sala-fistes, les islamistes au pouvoir déshonorent à dessein le principe qui donne à l’Etat la charge de la sécurité, consistant à protéger le citoyen des violences. Pour faire éclore la liberté, il faut libérer le sujet de la peur. Or, délibérément, les islamistes réintroduisent la peur. Non seulement ils encouragent les exactions criminelles des salafistes, mais encore ils entendent faire des policiers et des juges les agents qui transforment les victimes en cou-pables. Le sentiment d’insécurité grandit et la terreur gagne lorsque les représentants de l’autorité se confondent avec les délinquants et les criminels.

Des policiers et des juges qui transforment les victimes en accusés. Comment ce retournement de situation est-il possible ?

Coupable d’avoir été violée !

Manifestation de soutien à la jeune femme violée, samedi à Tunis

Abdelwahab Meddeb

Ecrivain et universitaire franco-tunisien, Abdelwahab Meddeb est le directeur de la revue internationale Dédale et anime l’émission hebdomadaire Cultures d’islam sur France Culture.

INTERNATIONAL

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“Elle n’était pas particulièrement belle –  Hedy Lamarr ou Ava Gardner lui auraient damé le

pion dans un concours de beauté –, mais elle dégageait une sexualité presque surhumaine.” C’est ce que le réalisateur Mike Nichols disait à propos de Marilyn Monroe. Ses pro-pos conviennent aussi parfaitement pour décrire Vidya Balan. Songez à la sexualité de la star de The Dirty Picture [sorti en France sous le même titre en juillet 2012] : c’est ce qui la distingue de la foule des “hé-roïnes parfaites” et qui lui donne le courage d’essayer tout ce qu’une femme peut faire dans le cinéma. Et, si ça ne suffisait pas, cette sexualité lui a permis de séduire une nation de prudes. Si ça n’est pas surhu-main, je me demande ce qui l’est ! A une époque, on s’en souvient, on avait rayé Vidya Balan de la carte. Elle était grosse et moche, quoique sympathique. Elle n’était tout sim-plement pas faite pour les premiers rôles [sa carrière au cinéma avait débuté en  2003]. Mais, en  2011,

elle prenait d’assaut les cinémas avecThe Dirty Picture, où elle in-carne Silk Smitha, un personnage qui tire parti de sa silhouette géné-reuse et porte l’exubérance sexuelle à des sommets inégalés. Et alors ? Un rôle, c’est un rôle, semblait dire l’actrice négligemment. Elle vient de boucler la boucle avec Kahaani, au début de l’année [un thriller de Sujoy Gosh, pas encore sorti en France, dans lequel Vidya Balan incarne une femme enceinte qui se met en quête de son mari disparu]. C’est clair, cette femme va jouer selon ses propres règles.

Depuis, on attribue à Vidya Balan le retour des courbes fémi-nines. Elle a été saluée comme “la coqueluche de notre époque” et a remporté un prix national d’inter-prétation. Et elle n’est pas près de devenir conformiste.

Vidya a appris à la dure qu’il ne fallait pas tenter d’être ce qu’on n’était pas. Les journaux people étaient remplis de photos d’elles peu flatteuses. Le cinéma lui fermait

Elle s’est longtemps cherchée, mais a fini par se trouver en acceptant d’afficher ses formes généreuses et de mettre son “indianité” en avant. Adulée par les Indiens, elle triomphe aujourd’hui sur le grand écran

Aastha Atray Banan

Vidya Balan, la Marilyn de Bollywood

Comme chaque année maintenant, Bollywood s’installera sur la Croisette durant le Festival de Cannes. Hormis l’actrice Aishwarya Rai, qui commence à faire partie des murs, d’autres stars indiennes sont également attendues sur la Côte d’Azur. Niveau cinéma, puisque l’on a parfois tendance a oublié qu’il s’agit avant tout du 7eme art et non d’un défilé de people sans intérêts, l’Inde et Bollywood présenteront à Cannes quelques longs métrages. Le plus attendu étant Gangs Of Wasseypur, une œuvre en deux parties réalisée et produite par Anurag Kashyap et dont l’histoire se déroule dans une petite ville minière du Jharkhand, un Etat de l’est indien non loin du Bangladesh. Elle décrit une rivalité meurtrière qui oppose des familles durant trois générations.

Dans un autre registre, Miss Lovely de Ashim Ahluwalia, dont le casting est composé de parfaits inconnus du grand public. Cela dit, cela ne veut rien dire. Bollywood nous a tellement habitués à des navets uniquement bâtis sur des castings de rêve qu’un bon scenario sans strass et paillettes ne pourra pas nous faire de mal.

Miss Lovely raconte ainsi l’histoire de deux frères, producteurs minables de films d’horreurs médiocres, et d’une jeune femme qui aspire à devenir actrice dans ce milieu glauque du Bombay des années 60.

Un classique de Bollywood, Kalpana, sera également à l’honneur de ce 66 ème Festival de Cannes.

Bollywood sera encore à Cannes

ses portes. “Je me suis laissé ten-ter et j’ai essayé d’être quelqu’un d’autre. Puis je me suis sentie vic-timisée. Je souffrais d’un complexe de persécution. Ma famille a essayé de me parler. Mon beau-frère m’a incitée à me contenter de jouer. Sabyasachi [l’un des grands cou-turiers indiens] m’a dit : ‘Pourquoi est-ce que tu fiches tout en l’air ?’”

Rares sont les sex-symbols qui jouissent de cette liberté. The Dirty Picture n’a pas donné au pays un sex-symbol de plus, mais un sex-symbol que le public n’a pas à sculp-ter, à modifier, ni même à juger.

“Les hommes viennent me dire merci. Ils sont heureux de voir une vraie femme. Les femmes viennent me dire qu’elles n’ont plus honte de leurs seins, mais en sont fières et heureuses. Pour être sexy, il faut se sentir bien dans sa peau. On peut se servir de ses mains soit pour se cou-vrir, soit pour se caresser. J’adore mon corps”, confie l’actrice avec délectation. Cet amour professé sans honte a permis à des millions d’Indiens et d’Indiennes de s’aimer comme ils sont. Comme le disait l’écrivain américain Ralph Waldo Emerson : “Etre soi-même dans un monde qui essaie en permanence de faire de vous quelqu’un d’autre, c’est le plus grand des exploits.” A Bollywood en particulier, cela de-mande une volonté surhumaine.

Vidya Balan dans le film The Dirty Picture

INTERNATIONAL

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21 décembre 2012 : la fin du monde ?

À LA UNE

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2012 : la fin du monde ? Cette question sur la date de l’apocalypse hante les esprits les plus crédules, les plus avides de catastrophisme et les plus arnaqueurs depuis

près de trois ans. Heureusement, la science nous apporte quelques éclairages essentiels sur ces canulars à mourir... de rire !

La fin du monde ne date pas d’aujourd’hui, ni d’hier. Déjà l’an Mil inquiétait les chrétiens. Depuis la chute de l’Empire romain, plus de 180 annonces de fin du monde se sont succédées... sans qu’elles soient suivies d’effet. 1500 ans plus tard, le «bug de l’an 2000» évacué, des illuminés, des astrologues, des crédules et des profiteurs[1] qui veulent se remplir les poches crient à l’apocalypse pour le 21 décembre 2012 ! Alors que le film 2012[2] est sorti, cette nouvelle annonce de fin du monde est l’occasion de faire le point sur cette rumeur sous un angle plus responsable et scientifique.

L’histoire du 21 décembre 2012

La fin du monde en 2012 trouve son origine dans un vieux mythe repris il y a quelques décennies par quelques écrivains illuminés en manque d’inspiration.

L’histoire débute avec les Sumériens (- 4000 à - 1750 av JC environ) qui auraient découvert l’hypothétique planète «Nibiru»[3], dans notre système solaire, en orbite autour du soleil avec une révolution[4] de 3 600 ans. Selon les prétendus calculs des Sumériens, Niribu devait entrer en collision avec la Terre en 2003, puis finalement 2012... Toutefois, les scientifiques de la NASA sont catégoriques : il n’existe aucune planète cachée dans notre système solaire qui pourrait entrer en collision avec la Terre en 2012. Si cela avait été le cas, les astronomes auraient pu la suivre depuis plus de 10 ans et elle serait actuellement visible à l’oeil nu, ce qui n’est manifestement pas le cas.

La fin prétendue du calendrier Maya

Cette légende a ensuite été croisée avec la fin prétendue de l’antique calendrier Tzolk’in de la civilisation Maya, prévue pour le 21 décembre 2012. Si les calendriers sont pratiques pour organiser et planifier son emploi du temps, ils ne permettent toujours pas de prédire l’avenir... De plus, le calendrier Maya, très complexe, ne s’interrompt pas le 21 décembre 2012 mais sans doute en 2116 ou 2220 d’après des calculs récents[5]. Et quand bien même, cette fin ne serait que le commencement d’un nouveau cycle, comme notre calendrier pour chaque fin d’année... De plus, une découverte archéologique récente montre que le calendrier Maya était prévu pour durer encore plusieurs milliers d’années... Au final, aucune étude historique sérieuse n’indique que les

21 décembre 2012 : la fin du monde ? La fin est proche... Comme si le H1N1 ne suffisait pas à nous

angoisser, voilà que le film 2012 nous rappelle que les Mayas l’ont prédit : le 21 décembre 2012, ce sera la fin du monde ? Les Mayas ont-ils vraiment dit cela ?

Extrait du film Constantine

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Mayas aient prévu la fin du monde pour le 21 décembre 2012.

Les prophéties sur la fin du monde

Pour colporter ces thèses fumeuses, les prédicateurs d’apocalypse s’appuient sur des prétendues prophéties, dont les sources sont la plupart du temps invérifiables et dont l’acuité est proche de l’horoscope. C’est à dire qu’elles sont tellement vagues et généralistes qu’elles peuvent se vérifier en extrapolant n’importe quel fait.

Le projet Web bot

Le projet Web bot, qui confirme la fin du monde pour le 21 décembre 2012, en est une illustration moderne. Ses concepteurs prétendent qu’en scannant les mots-clés du web ils peuvent prédire des événements futurs. Ainsi, régulièrement, des prédictions sont avancées : tremblements de terre, épidémies, guerres... Dans les faits, peu de dates convergent, les augures annoncés se sont révélés souvent faux (guerre nucléaire en 2008) ou sont tellement banals qu’ils peuvent se raccrocher facilement à un des nombreux évènements tragiques qui se passent dans le monde à tout moment (ex : plusieurs tremblements de terre auront lieu cette année, une épidémie surviendra...).

Des coïncidences astronomiques inquiétantes en 2012 ?

Un alignement des planètes du système solaire pour 2012 ?

Au-delà de ces fabulations mythologiques, les inquiétudes sur la fin du monde se sont également inspirées de la science et notamment de l’astronomie. Cela débute avec l’agencement des planètes dans le système solaire.

En effet, des rumeurs ont indiqué que le 21 décembre 2012 coïncidait avec un alignement planétaire exceptionnel. Là aussi, les scientifiques sont formels : aucun alignement planétaire n’a été calculé pour les prochaines décennies et la Terre ne passera pas par le plan galactique, prétendu dangereux, en 2012. Et même si cela devait se produire, les effets seraient négligeables. Enfin, rappelons que chaque mois de décembre, la Terre et le Soleil s’alignent approximativement avec le centre de notre galaxie, la Voie lactée, sans qu’il y ait de conséquence notable.

Un surcroît d’activité solaire pour 2012 ?

Si ce n’est l’alignement des planètes, c’est forcément la faute du Soleil ! Les rumeurs soulignent avec inquiétude que le prochain pic d’activité du soleil coïncide également avec la fin du monde annoncée pour décembre 2012. Cependant, l’activité du soleil, déterminée par la présence en plus ou moins grand nombre de taches solaires, est cyclique selon une période de 11 ans, et ce, depuis des temps immémoriaux, sans conséquences apocalyptiques... De plus, le prochain pic d’activité du soleil a été calculé par les scientifiques pour mai 2013 et ne devrait pas être particulièrement exceptionnel, même si les conséquences pourraient être importantes vu la dépendance de nos sociétés à l’électricité et l’électronique.

L’inversion du champ magnétique terrestre pour 2012 ?

Le 21 décembre 2012 pourrait tout aussi bien coïncider avec le moment où le champ magnétique terrestre va s’inverser nous disent ces mêmes prédicateurs de la fin du monde ! Malheureusement (enfin heureusement), les scientifiques n’ont encore aucune preuve d’un éventuel renversement.

Toutefois, les études en cours montrent que l’inversion du champ magnétique terrestre peut être très rapide à l’échelle géologique. Depuis 180 millions d’années, le processus complet de basculement passe par trois phases dont celle du transit qui dure moins de 1000 ans.

La chute d’un astéroïde pour 2012 ?

Selon le Near-Earth Object Program de la NASA, aucun astéroïde connu ne menace la Terre pour 2012. Décidément les auteurs de livres apocalyptiques et les vendeurs de kits de survie pour 2012 se donnent bien du mal pour faire avaler leurs canulars. Mais en ces temps de crise et de doute, on ne recule devant rien pour se faire de l’argent et débiliser les masses.

David Morrison, scientifique de la NASA, indique dans une vidéo mise en ligne sur le site de la NASA en juin 2009 : «Depuis deux ans, j’ai répondu à des centaines de questions au sujet de 2012 et de la supposée menace qui pèse sur la Terre. Je veux saisir l’opportunité qui m’est donnée de vous le dire plus directement : il n’y a aucune menace qui pèse sur la Terre en 2012 (...). Toutes les thèses liées à l’apocalypse ne sont qu’une vaste rumeur.»

Finalement, aucun danger extérieur ne menace notre planète pour le 21 décembre 2012. La seule menace à prendre au sérieux provient de l’ampleur de nos activités qui dégradent notre support de vie avec une rapidité telle que le pronostic vital même de nos sociétés actuelles est dorénavant engagé...

David Morrison, scientifique de la NASA, indique dans une vidéo mise en ligne sur le site de la NASA en juin 2009. « Les anciens Mayas étaient parfaitement capables de développer une architecture sophistiquée, un calendrier, des mathématiques, une langue écrite et un système agricole élaboré sans l’intervention d’extraterrestres », a déclaré Feder, qui est aussi professeur d’archéologie à la Central Connecticut State University. « Les allégations selon lesquelles les Mayas ont été visités par, inspiré par, ou encadrés par les extraterrestres antiques est un peu plus un fantasme fatigué et banal, totalement et complètement dépourvu de toute preuve ».

«Depuis deux ans, j’ai répondu à des centaines de questions au sujet de 2012 et de la supposée menace qui pèse sur la Terre. Je veux saisir l’opportunité qui m’est donnée de vous le dire plus directement : il n’y a aucune menace qui pèse sur la Terre en 2012 (...). Toutes les thèses liées à l’apocalypse ne sont qu’une vaste rumeur.»

À LA UNE

Image extraite du film 2012

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Notre avenir demeure entre nos mains...

Nos « ancêtres », les Mayas, qui en savaient plus que nous sur la puissance des astres, et longtemps avant nous, sans nous avoir connus, ont tout de même eu la gentillesse de vendre la mèche. Ça complote contre nous quelque part dans le cosmos et nous allons en prendre plein la gueule un bon matin du 21 décembre. Malgré nos bombes nucléaires et toute notre arrogance scientifique, nous n’avons absolument aucun moyen de faire face au péril qui arrive, et même pas fuir. Aucune autre planète habitable n’est à la portée de nos moyens de transport spatial. Compte tenu des distances à parcourir, nous ne sommes même pas à l’âge du piéton se traînant par terre pour se rendre de la planète bleue à la lune. Il n’y aura donc rien à faire.

La prédiction maya sur le cataclysme qui va se produire, on y croit ou on n’y croit pas, peu importe. Mais ce « gentil peuple », du fond du gouffre millénaire où il a disparu, pris de panique un jour, nous chuchote discrètement pour nous demander de regarder du côté des Sumériens (planète X - Nibiru), des Hébreux (la Torah) – des peuples anciens qui ne se connaissaient même pas – des Egyptiens, qu’il connaissait peut-être (les pyramides) et des tas d’autres sources encore, indépendantes mais toutes assez unanimes. Ça se recoupe et ça fait froid dans le dos.

Car, voilà un autre problème auquel on ne dispose d’aucune réponse. Les Mayas qui en savaient tellement sur ce genre de péril (leurs calendriers décrivent cinq cycles, tous se terminant par des destructions cataclysmiques) ont fini par se tromper un jour en croyant à leur disparition imminente. Pris de panique, ils disparurent collectivement abandonnant tout dans leurs magnifiques cités. Le danger ne vint pas, mais leur brillante civilisation, elle, disparut à jamais. Peut-être du fait d’une erreur de calcul. Une civilisation peut donc se tromper lourdement sur des prédictions cataclysmiques. Nous aussi. En revanche, nous, nous avons l’avantage de ne pas être aussi moutonniers. Nous sommes façonnés pour croire ou ne pas croire en nous appuyant systématiquement sur des sources considérées comme fiables. Nous sommes façonnés pour croire ou ne pas croire en nous appuyant systématiquement sur des sources considérées comme fiables.

«Toutes les thèses liées à l’apocalypse ne sont qu’une vaste rumeur»

Ils mentent donc par nécessité comme dans l’affaire du nuage de Tchernobyl qui n’a jamais franchi d’un centimètre la frontière de la France. Il devait y avoir un intraitable douanier la-bas. Mais on ne va pas se mettre à ricaner tellement le sujet est grave. Puisqu’on n’obtiendra rien des sources officielles, voyons du côté des scientifiques.

Les scientifiques, nous savons parfaitement comment ils fonctionnent pour les avoir côtoyés dans les universités et dans la vie de tous les jours. Certains se sont « vendus » aux « sources officielles » et ne sont guère plus crédibles que les menteurs qui les payent, assez grassement déjà. Les autres, plus sérieux et honnêtes, ne nous apprendront rien, eux non plus. Ils sont obsédés par leurs carrières qu’ils ne tiennent pas à mettre en péril en confirmant ce qu’ils croient que c’est vrai. Ils se cachent derrières des « hypothèses », des « doutes », des « critiques » du travail des autres, sachant qu’ils nous laissent sur notre faim. Les « malins » savent que si, au final, il se produit quelque chose, ils exhiberont leurs hypothèses, et ça va booster leurs carrières. S’il ne se passe rien, très bien également. Ils avaient émis des doutes et des critiques qu’ils s’empresseront de faire publier pour, là aussi, booster leur carrière. Nombreux d’entre eux n’hésitent même pas à avouer des doutes et des critiques sur leurs propres certitudes. Nous n’apprendrons donc rien de nos brillants scientifiques.

Au sujet de la foi religieuse, tous ceux qui s’intéressent aux « saintes » écritures savent que la fin du monde aura lieu un jour ou l’autre, mais ne savent ni quand ni dans quel scénario. L’apocalypse de Saint Jean manque en précision sur l’époque qui verrait le dernier jour. Quant aux dignitaires

Qui étaient les Mayas?Réunissant plusieurs groupes

ethniques, la société maya fleurit en Amérique centrale entre les années 200 et 900. Elle est célèbre pour sa planification urbaine, ses pyramides, son écriture, ses mathématiques et son astronomie. Le cœur de cette civilisation se situait dans ce qui est aujourd’hui le sud du Mexique et l’État voisin du Guatemala.

Le calendrier maya dit que...On vous arrête tout de suite

: le calendrier maya... n’existe pas! On compte au moins 17 calendriers, et ils étaient utilisés simultanément, parce que chacun avait un usage différent : agriculture, administration, religion, etc.

La plupart couvraient des cycles relativement courts : 260 jours pour le calendrier rituel Tzolk’in, 365 jours pour le Haab. En combinant ces deux petits cycles, les Mayas obtenaient un grand cycle de 52 ans, ce qui suffisait, dans le cours d’une vie, pour couvrir la plupart des circonstances.

Mais pour prédire des événements astronomiques, ou pour garder l’Histoire en mémoire, il fallait davantage que 52 ans. Les Mayas inventèrent donc une solution mathématique, et c’est elle qui nous conduit à la date fatidique de 2012.

Pourquoi 2012?Cette solution s’appelle le

compte long. Il s’agit d’une séquence de cinq chiffres, allant de 1 à 20. En effet, là où nous calculons sur une base de 10, eux calculaient sur une base de 20. C’est ainsi que le jour 1 est 0.0.0.0.1, le jour 21 est 0.0.0.1.1, et ainsi de suite. Avec une telle méthode de calcul, on peut couvrir environ 5126 ans. Il faut bien souligner « environ »... parce que les Mayas tenaient compte des années bissextiles, mais pas aussi précisément que nous. De sorte qu’après 5126 ans, des marges d’erreur commencent à apparaître...

Quel était le jour 1 de ce calendrier? Deux stèles font référence à l’an 3114 av. J.-C. et des experts ont avancé plus précisément la date du 11 août

3114 av. J.-C. S’ils ont raison, cela nous conduit, au terme du compte long, entre le 21 décembre et le 23 décembre 2012. Brrr...

C’est donc par ce calendrier à long terme que les Mayas ont prédit la fin du monde pour décembre 2012?

Eh bien non, ce calendrier ne prédit pas du tout la fin du monde! C’est juste un système de calcul qui, après 5126 ans, arrive en bout de course et repart donc à zéro. L’équivalent de l’odomètre d’une voiture qui, après 99 999 kilomètres, passe à zéro (en général, ça ne signifie pas la mort de la voiture!). Ou l’équivalent de notre propre calendrier qui passe de 1999 à 2000.

Autrement dit, ce qui s’achève en décembre 2012, c’est un cycle. En fait, même l’an 3114 av. J.-C. ne correspondait pas, aux yeux des Mayas, à la création du monde, mais à la fin du cycle précédent et au début du nôtre. Une stèle retrouvée à Tikal (Guatemala) fait référence à un événement mythique qui serait survenu... 5 millions d’années plus tôt! On l’attribue à un dirigeant maya qui, en s’associant aux dieux du passé, voulait légitimer son pouvoir sur le présent, explique l’anthropologue Louise Paradis, de l’Université de Montréal.

Cela signifie que les Mayas croyaient qu’un très grand nombre de cycles s’étaient écoulés avant eux, et qu’un très grand nombre de cycles s’écouleraient... après 2012!

La vérité sur le calendrier Maya

À LA UNE

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religieux, ils ne peuvent pas nous aider. Ils annoncent la fin du monde depuis deux mille ans. Ça devait être quelques temps seulement après la mort du Christ. Rien. Même l’an 2000 leur a posé un lapin. Quand on se plante depuis deux mille ans, il vaut mieux faire profil bas.

Finalement, l’homme s’en remet à lui-même. Il observe, critique, doute, perçoit des choses. Il semble que le fonctionnement de certaines forces de la nature n’est pas à la portée de notre compréhension. Certaines bêtes seraient même plus performantes que nos meilleurs devins et astrologues dont on sait qu’ils prédisent mieux ce qui s’est déjà passé. En tout cas, en Asie du Sud, les éléphants avaient fui longtemps à l’avance. Les pachydermes avaient vu juste alors que nos élites et nos diplômés faisaient plouf dans la flotte. Nos brillants sismologues papotaient avec des collègues devant la machine à café. Ils n’avaient nullement rien vu venir et apportaient, de ce fait, l’aveu que toute notre intelligence ne suffit pas à percevoir les forces de la nature avec autant de précision que certaines de nos bêbêtes. Mais tout ceci n’a pas d’importance face au péril qui nous est annoncé. Même en décidant d’être des éléphants qui perçoivent la menace et fuient se mettre à l’abri, plutôt que des « savants » qui savent tout mais ne voient rien venir, nous n’aurons point de salut. Alors on fait simple : on se calme et on attend. Ce qui n’exclut pas l’angoisse.

Car lorsque la croûte terrestre aura explosé, nous on sera déjà au paradis. Ceux qui se seront enfermés dans des bunkers ne feront que prolonger inutilement leur agonie. Dans ces abris en métal, ça va chauffer rouge comme dans un four et dégouliner comme du caoutchouc. L’agonie sera terrible. Une mort bêtement atroce alors qu’il suffisait de se « laisser mourir ». Mais qu’est-ce qu’ils croyaient ? En tout cas nous on sera déjà partis, sans rancune. D’ailleurs, de notre vivant, leur arrogance et leur frime ne nous impressionnaient même pas. Leurs jets privés se crashaient, leurs villas se fissuraient au moindre tremblement de terre, leurs « superbes » nanas faisaient n’importe quoi et leurs grosses cylindrées finissaient en amas de ferraille sur des platanes, à force de tirer un peu fort sur le champagne. Que reste-t-il ? Leurs milliards amassés dans les paradis fiscaux ? Grosse rigolade ! En pleine apocalypse, on ne peut même pas s’acheter un chewing-gum de 15 centimes avec dix milliards de dollars.

Quand ça va commencer à secouer, surtout pas de panique. On sait depuis des millénaires que ça va secouer un jour. Alors, on se calme. On serre Madame très fort et on rassure les enfants. Inutile d’aller chercher la voiture au garage pour fuir. Elle n’ira nulle part. La panique a provoqué un énorme embouteillage jusqu’aux portes du garage. Inutile de cavaler vers la gare. Il n’y aura même pas une place sur le quai puisque les gens vont se précipiter vers le village de Bugarach dans l’Aude qui, semble-t-il, sera épargné du cataclysme. On ne sait même pas si nos amis les cheminots ne vont pas nous inventer une grève ce jour là. Avec une panique pareille, il y aura forcement quelques altercations ça et là et une possible agression d’un agent. Les syndicats déclencheront une grève totale, et tout le monde sera cloué dans la nature. Moi, pas. Je serai chez moi, en famille.

Des affirmations non fondées concernant les anciens astronautes en Amérique ont été faites depuis des décennies, les plus populaires par Erich von Däniken,

auteur d’œuvre classique et du best-sellers de pseudoscience Chariots of the Gods: Unsolved Mysteries of the Past (Putnam, 1968). Von Daniken a écrit que les anciens Égyptiens n’avaient ni l’intelligence ni les outils pour créer les grandes pyramides de Gizeh, et donc elles ont été faites par des extraterrestres. Certains prétendent que les dessins géants dans le désert de Nazca au Pérou ont été créés par des vaisseaux spatiaux. En fait, les lignes de Nazca ont été créées par les Indiens de Nazca, probablement dans le cadre d’un rituel cérémonial.

Alors les revendications dans ce documentaire réalisé par Julia-Levy (fils du défunt acteur Raul Julia) n’ont rien de nou-veau – mais les preuves de ses affirmations sont censées être présentées.

Quelle sont ces nouvelles preuves preuve qui feront trem-bler la terre? Les cinéastes sont timides au sujet de ce qu’ils ont exactement (ils veulent que vous aller voir le film), mais Luis Augusto García Rosado, le ministre du Tourisme de l’état mexicain de Campeche, a publié une déclaration que le contact entre les Mayas et les extraterrestres est « soutenue par des traductions de certain codex certains » (Le fait que cette révé-lation étonnante a été annoncée par un responsable du tou-risme – et non pas, disons, un archéologue professionnel ou un anthropologue de la Smithsonian Institution – soulève des soupçons qu’ils ne sont pas fondés sur des recherches scien-tifiques solides).

García Rosado a également parlé « d’une aire d’atterris-sage dans la jungle » qui date de trois millénaires. Ce n’est pas clair pourquoi des étrangers aurait besoin d’une aire d’atter-rissage désignée pour leurs vaisseaux spatiaux, puisque de nombreux rapports de témoins oculaires de (supposée) engins extraterrestres suggèrent qu’ils peuvent atterrir sur n’importe quel terrain (mais peut-être la technologie des trains d’atter-rissage des Ovnis s’est améliorée au cours des 3000 dernières années).

Révélations sur les Maya, un film en préparation, prévu 2012 ?Selon le producteur de films Raul Julia-Levy, les extraterrestres ont contacté la civilisation Maya au Mexique il y a des milliers d’années – et il affirme qu’il va le prouver dans un prochain film, Revelations of the Mayans 2012 and Beyond(Révélations des Mayas: 2012 et au-delà).

À LA UNE

“It’s going to open the eyes of humanity and elevate the consciousness of every human being on the planet. I guarantee it,” says producer Raul Julia-Levy

Roger Verbrakel

Page 17: Courrier International

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Julia-Levy et les autres personnes impliquées dans le film n’étaient pas disponibles pour commenter.

Ken Feder, auteur de Frauds, Myths, and Mysteries: Science and Pseudoscience in Archaeology(McGraw-Hill, 2010) et Encyclopedia of Dubious Archaeology (Greenwood, 2011), a déclaré au magazine Life’s Little Mysteries est qu’il en enten-du parler et les considère comme insultant pour les anciens Mayas et l’auditoire moderne.

«  Les anciens Mayas étaient parfaitement capables de développer une architecture sophistiquée, un calendrier, des mathématiques, une langue écrite et un système agricole éla-boré sans l’intervention d’extraterrestres », a déclaré Feder, qui est aussi professeur d’archéologie à la Central Connecticut State University. « Les allégations selon lesquelles les Mayas ont été visités par, inspiré par, ou encadrés par les extrater-restres antiques est un peu plus un fantasme fatigué et banal, totalement et complètement dépourvu de toute preuve ».

Julia-Levy insiste en disant que le film est un documentaire, et non de la science-fiction, et rejette la suggestion que le film est un stratagème opportuniste pour profiter de l’intérêt et de la vue apocalyptique du calendrier maya de l’année 2012. Il a dit qu’il ne croit rien de moins que la survie de l’humanité peut dépendre de gens qui regarderont ou non son film (ou au moins entendu ses messages) « pour le bien de l’humanité. »

« Les allégations selon lesquelles les Mayas ont été visités par, inspiré par, ou encadrés par les extraterrestres antiques est un peu plus un fantasme fatigué et banal, totalement et complètement dépourvu de toute preuve ».Julia-Levy insiste en disant que le film est un documentaire, et non de la science-fiction, et rejette la suggestion que le film est un stratagème opportuniste pour profiter de l’intérêt et de la vue apocalyp-tique du calendrier maya de l’année 2012. Il a dit qu’il ne croit rien de moins que la survie de l’humanité peut dépendre de gens qui regarderont ou non son film (ou au moins entendu

ses messages) « pour le bien de l’humanité. ». Julia-Levy in-siste en disant que le film est un documentaire, et non de la science-fiction, et rejette la suggestion que le film est un stra-tagème opportuniste pour profiter de l’intérêt et de la vue apo-calyptique du calendrier maya de l’année 2012. Il a dit qu’il ne croit rien de moins que la survie de l’humanité peut dépendre de gens qui regarderont ou non son film (ou au moins entendu ses messages) « pour le bien de l’humanité ».

L’histoire est pleine de promesses et de révélations qui devaient faire trembler la terre et qui n’a pas fonctionné, no-tamment la découverte de l’arche de Noé (a prétendu avoir été trouvé en 1973, 1993, 2006, 2010, etc), la découverte d’un corps de Bigfoot (en 2008 ), et la découverte de la preuve que l’écrasement de Roswell en 1947 était réel. Chacune de ces revendications allait et venait, et il semble probable que cette dernière preuve de contact Maya / extraterrestre sera ajoutée à la liste.

À LA UNE

À gauche : Inscription de la tombe du roi Pakal

En bas : Traduction de la tablette

Nadia Syes

Page 18: Courrier International

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Sur la Toile, des milliers de sites consacrés à la date fati-dique (tapez « 2012 » dans un moteur de recherche et vous aurez l’embarras du choix) nous alertent. Nibiru,

une planète déjà connue des Sumériens quatre mille ans avant Jésus-Christ, s’alignera le 21 décembre avec les autres pla-nètes du système solaire, entraînant une pluie d’astéroïdes, lesquels déclencheront raz de marée et tremblements de terre engendrant l’extermination d’une bonne partie de l’huma-nité. Côté librairies, les livres dédiés à se sujet emplissent les rayons. « Le calendrier maya l’annonce depuis des lustres, et il se termine justement ce jour-là », prétendent les milliers d’afi-cionados de ce cataclysme planétaire. « La Nasa le sait, mais elle se tait… D’ailleurs, cet été, il sera possible d’apercevoir une lueur rougeâtre dans le ciel », affirme Maxime, un jeune internaute.

Le réalisateur Roland Emmerich (Le Jour d’après, 2004) s’est précipité sur cette croyance apocalyptique pour la trans-former en superproduction (2012, qui sortira en novembre prochain). Après avoir vu sur Internet un extrait particulière-ment impressionnant, une consoeur s’inquiète : « Tu te rends compte, si ça arrivait ? » À la rédaction, un échange passionné s’engage : que devons-nous en penser ? En dépit des désac-cords, un constat nous unit : ces histoires de fin du monde nous passionnent tous !

Le grand méchant loup

Pour beaucoup – dont je suis –, cette fascination est liée au plaisir enfantin de se créer de fausses frayeurs. C’est une

survivance de cette habitude qu’ont les enfants de demander, juste avant de se coucher, des histoires qui font trembler : celle de la méchante sorcière qui mange les enfants, ou celle du grand méchant loup qui dévore le Petit Chaperon rouge… Dans ces contes, tout se termine toujours bien. Il s’agit de se shoo-ter à l’adrénaline avant de retomber dans un bienheureux état de sérénité : un peu le même principe que l’orgasme. Devenus adultes, pour obtenir un résultat identique, nous nous précipi-tons sur les faits divers sanglants, les crashs aériens, les pré-dictions alarmistes des voyants ou des astrologues.

Pour la psychanalyste Sylvie Le Poulichet, auteure d’Envi-ronnement et Catastrophe(Mentha, 1991), l’amateur de pré-dictions apocalyptiques n’envisage jamais sérieusement son propre anéantissement : « Il s’installe plutôt à la place du spec-tateur-dénonciateur-survivant, du héros déclarant qu’il a “tou-jours su” que cette histoire finirait mal, qu’“ils” l’ont bien cher-ché. D’autant que le futur survivant peut s’amuser à croire que ses ennemis périront dans la catastrophe. La perspective terri-fiante de fin du monde se métamorphose alors en victoire du moi, avec la délicieuse sensation de maîtriser la vie et la mort. »

747 sur la tour infernale

« Tout fout le camp, c’est la fin… » Selon une thèse freu-dienne de 1911, les impressions de fin du monde résulteraient d’un deuil à la suite duquel notre existence n’aurait plus de sens – perte d’un être cher, mais aussi d’un emploi, d’un lieu, d’un idéal. Déprimés, incapables de nous intéresser à ce qui nous entoure, dès lors sans attrait et étrangement inquiétant,

nous nous sentons vides, comme anesthésiés. Notre monde intérieur s’effondrant, le monde réel se trouve lui aussi mena-cé d’effondrement. Mais aussitôt l’épisode dépressif dépassé, ces sombres pensées disparaissent comme elles sont venues.

Ce phénomène touche les individus, mais aussi les socié-tés, dans les périodes de changement ou de transition. Le mi-lieu des années 1970, avec le premier choc pétrolier, a ainsi vu l’éclosion des films catastrophe : L’Aventure du Poséidon (de Ronald Neame, 1973), Tremblement de terre (de Mark Robson, 1974), La Tour infernale (de John Guillermin et Irwin Allen, 1975)… Ce début de millénaire délaisse le drame individuel pour la tragédie planétaire, où l’humanité dans son ensemble est menacée de disparition – Fusion (de Jon Amiel, 2003), Phénomènes (de M. Night Shyamalan, 2008)… Logique, dans un contexte de crise économique et climatique aiguë faisant planer un sentiment général d’incertitude.

Comment tout cela va-t-il finir ?

Les annonces de fin du monde renforcent les inquiétudes des plus stressés. Mais elles ont aussi l’utilité de déplacer le malaise intérieur vers l’extérieur, de mettre un nom sur ces peurs diffuses qui nous assaillent. De plus, l’image de l’explo-sion, brutale, définitive, est une façon d’exprimer symbolique-ment notre besoin d’un changement radical. « Pour qu’un vrai changement survienne, il faut que tout explose », explique Sylvie Simon, journaliste spécialiste des phénomènes para-normaux, qui a recensé dans son dernier livre toutes les pro-phéties relatives à 2012 (2012, le rendez-vous aux éditions Alphée-Jean Paul bertrand, 2009). « Tout le monde ne mourra pas. Ce sera le calme après l’orage, nous chanterons et nous danserons dans les rues. »

« 2012, c’est un changement du monde actuel, mais ce n’est pas la mort pour tous, renchérit Alexandre, un jeune homme rencontré dans une librairie ésotérique, qui attend avec impa-tience le 21 décembre de cette fameuse année. Le monde que nous connaissons n’existera plus, mais nous serons toujours là, et ce sera le bon moment pour supprimer certaines habi-tudes néfastes. » Traditionnellement, d’ailleurs, les fins du monde, par l’eau ou le feu, purifient la Terre d’une humanité mauvaise, et une poignée de survivants rebâtissent le monde sur des bases plus morales… Au cours du Déluge biblique, Dieu, mécontent des hommes, les noie sous des torrents de pluie, et charge Noé et sa famille de repartir de zéro. À la fin des temps, selon les Évangiles, le mal sera banni et les Justes – qui auront survécu aux guerres, à la peste, aux famines et aux catastrophes naturelles seront enfin récompensés. Au cours du Déluge biblique, Dieu, mécontent des hommes, les noie sous des torrents de pluie, et charge Noé et sa famille de repartir de zéro. À la fin des temps, selon les Évangiles, le mal sera banni

2012 : Croyez-vous à la fin du monde ?Selon le producteur de films Raul Julia-Levy, les extraterrestres ont contacté la civilisation Maya au Mexique il y a des milliers d’années – et il affirme qu’il va le prouver dans un prochain film, Revelations of the Mayans 2012 and Beyond(Révélations des Mayas: 2012 et au-delà).

À LA UNE

Dans 91 jours, c’est la fin du monde, alors c’est l’occasion d’en profiter pour faire tout ce que l’on n’a pas fait… - dessin deligne

Page 19: Courrier International

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Un coup de la CIA« A llez savoir s’“ils” n’utiliseront pas leur technologie pour

créer un cataclysme ce jour-là et se faire passer pour des ex-traterrestres », « 2012, c’est une date qu’“ils” ont planifié », etc. « Ils » ? : les vrais « maîtres du monde », la CIA et autres services secrets, les lucifériens, le grand capital, le complexe militaroindustriel… Visiter les sites consacrés à 2012 permet de faire connaissance avec des internautes friands de théo-ries du complot, persuadés que le silence des autorités est la preuve que le 21 décembre est bien la date de la fin du monde. Ces théories paranoïaques sont issues du désir de maîtriser la marche du monde, et du plaisir narcissique de faire partie des « initiés », de détenir une vérité cachée aux autres, y compris aux plus grands savants.

À la base, ces croyances ne sont pas folles. Effectivement, les services secrets complotent. C’est vrai, bon nombre d’expé-riences scientifiques ont été effectuées au détriment de la san-té des populations. Mais les adeptes de ces théories dérapent du côté de la paranoïa par leur manie de voir des conspirations criminelles là où il s’agit peut-être davantage d’inconscience criminelle (les essais nucléaires français au Sahara ou dans le Pacifique, par exemple).

La fin du monde en 2075 ?

Sur le Net, 2012 provoque aussi des pointes d’humour : « J’ai déjà acheté mon cercueil », « Ils auraient pu attendre Noël », « Sarko ne sera pas réélu »… Le rire, expression des pulsions de vie, est le meilleur rempart contre la peur. Et, soulagement, la Nasa ignore qu’une grosse planète nous menace, ne sait rien d’un alignement exceptionnel des astres de notre galaxie le 21 décembre 2012.

David Morrison, chercheur à l’Institut d’astrobiologie de la Nasa, assure que Nibiru est un canular. Quand les premières questions sur cette « planète » ont commencé à affluer, il pensait avoir affaire à un phénomène passager. Dans ces contes, tout se termine toujours bien. Il s’agit de se shooter à l’adrénaline avant de retomber dans un bienheureux état de sérénité : un peu le même principe que l’orgasme. Devenus adultes, pour obtenir un résultat identique, nous nous pré-cipitons sur les faits divers sanglants, les crashs aériens, les prédictions alarmistes des voyants ou des astrologues. Pour la psychanalyste Sylvie Le Poulichet, auteure d’Environne-ment et Catastrophe(Mentha, 1991), l’amateur de prédictions apocalyptiques n’envisage jamais sérieusement son propre anéantissement : « Il s’installe plutôt à la place du spectateur-dénonciateur-survivant, du héros déclarant qu’il a “toujours su” que cette histoire finirait mal, qu’“ils” l’ont bien cherché. D’autant que le futur survivant peut s’amuser à croire que ses ennemis périront dans la catastrophe. La perspective terri-fiante de fin du monde se métamorphose alors en victoire du moi, avec la délicieuse sensation de maîtriser la vie et la mort. »Progressivement, il s’est trouvé confronté à des centaines d’interlocuteurs convaincus qu’une planète folle, parfaite-ment connue des astronomes mais soigneusement dissimulée au grand public, allait causer un cataclysme mondial. Au fil du temps, le ton des courriers est même devenu menaçant : « S i vraiment il n’y a rien à craindre, pourquoi taisez-vous la vérité ? » Et David Morrison n’a jamais réussi à rassurer les plus anxieux. Iront-ils mieux en 2013 ? En tout cas, la rumeur (sur Internet toujours) indique déjà une nouvelle date de fin du monde : 2075.

Les fins du monde

Entre 2015 et 2020. Selon des prophéties attribuées – à tort, selon des spécialistes du Moyen Âge – à l’évêque irlan-dais Malachie (1094-1148), Benoît XVI devrait être le dernier pape. Après lui, la fin des temps…

2012. Carlos Barrios, historien et anthropologue né au Guatemala, croit que le 21 décembre 2012 sera l’aube d’un nouvel avenir pour l’humanité. Ceux qui survivront aux ter-ribles tremblements de terre connaîtront la paix et l’harmonie.

2008. Selon plusieurs voyants européens, lors de la mise en marche du grand collisionneur d’hadrons du Cern (le plus grand laboratoire de physique des particules du monde, situé

à Genève, en Suisse), un trou noir allait se créer et engloutir la planète.

1999. Des interprétations de l’unique prophétie de Nostradamus précisément datée l’avaient transformée en an-nonce de la destruction du monde par une météorite géante le 24 juillet. Selon l’astrologue Élizabeth Teissier, la sonde Cassini devait s’écraser et provoquer un cataclysme mondial le 28 juillet. Selon le couturier Paco Rabanne, c’est la station spatiale Mir qui devait dévaster Paris le 11 août.

1994, 1975, 1966, 1925, 1918, 1914, 1814. Autant de dates de fin du monde prévues par la secte des Témoins de Jéhovah.

1910. Des voyants prédisent une collision brutale entre la comète de Halley et la Terre.

Isabelle TaubesConseil psy de la rédaction chez Psychologies Magazine

À LA UNE

Page 20: Courrier International

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La visite de François Hollande nous permet d’observer et de déduire qu’il se trouvait face à

deux Afrique, deux éléments d’une pensée binaire.

La première est articulée dans le discours du président de l’Assem-blée nationale du Sénégal, et offre l’image d’une Afrique ankylosée par le passé et nostalgique des quatre communes [période coloniale], pour être caricatural, qui voudrait conserver ses privilèges de voyage en métropole. Elle rappelle com-bien elle connaît les rues de Paris et les amphithéâtres de la Sorbonne. Parallèlement à cette Afrique qui glande, obnubilée par la France, il y a surtout une Afrique jeune aux voix pour l’instant peu audibles dans leur volonté de rompre avec une certaine image de la France providentielle qui les sortirait de l’ornière. Si la première semble être satisfaite du discours de Dakar, la deuxième reste sur sa faim.

Avec cette première visite de François Hollande à Dakar, son dis-cours devant les députés du peuple – bien que ponctué de respect et

d’amitié, marquant ainsi une rup-ture avec son prédécesseur – reste sur le fond profondément professo-ral. On ne peut en aucun cas faire une lecture critique de ses propos sans se désoler, d’abord et avant tout, qu’une partie de son auditoire africain se retrouve dans ce mes-sage. Une Afrique qui semble tou-jours avoir besoin de messies qui viennent lui dire qu’elle est respec-table, qu’elle doit avoir confiance en elle-même, engourdie qu’elle est dans un incorrigible défaut d’estime de soi, incapable de croire en son génie et en son potentiel.

Tout se passe comme si elle ne retrouvait sa fierté, mal placée du reste, que lorsqu’un chef d’état étranger lui dit qu’elle est l’avenir du monde grâce à son taux de crois-sance enviable et à la jeunesse de sa population. Avons-nous vraiment besoin d’attendre d’entendre ces vérités que seule cette Afrique a du mal à croire ? L’Afrique a-t-elle besoin de la visite du président fran-çais pour se convaincre qu’elle est suffisamment entrée ou pas dans l’histoire, ou qu’elle est le berceau

Pour l’universitaire sénégalais Moussa Sow, la première visite africaine du président François Hollande a mis en lumière deux Afrique. L’une, proche des réseaux de la Françafrique applaudit Hollande, l’autre, souvent jeune, bouillonne de colère.

Hollande face à deux Afrique : l’une glande, l’autre gronde

François Hollande a déjà reçu de nombreux chefs d'État africains. Ici, le président sénégalais, Macky Sall, à l'Élysée en juin dernier.

LA FRANCE

Page 21: Courrier International

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de l’humanité ? La réponse est évi-demment non !

Inutile de dire qu’il n’était pas né-cessaire que le président Hollande dise grand-chose pour satisfaire cette première Afrique qui glande, envoûtée qu’elle est par les sirènes de la France. Le nouveau prési-dent français est venu lui redonner confiance, lui dire que la délivrance de visas pour aller en France sera facilitée pour les étudiants et autres artistes. Mais cette Afrique, atta-chée à la France, a-t-elle bien enten-du le véritable motif pour satisfaire sa plateforme revendicative ? Car, c’est dans l’intérêt de la France que ces décisions seront prises, et non par générosité. Que les artistes et autres universitaires se le tiennent pour dit, ils sont des pourvoyeurs de service dont la France a besoin.

Cette même France – ainsi que l’Europe vieillissante – pourrait éga-lement solliciter un jour les services de la jeunesse africaine… éduquée. En résumé, l’immigration restera choisie. Voilà, des réponses légiti-mement intéressées aux demandes peu ambitieuses de nos députés face à un président français venu chercher des marchés pour les en-treprises de son pays. Le président français est également venu s’assu-rer que l’insécurité du nord du Mali ne déborde pas jusqu’à envahir l’Europe. Accordons-nous au moins sur un point : le président français a défini les intérêts de son pays et est venu les défendre en terre afri-caine, soucieux de faire une place à ses entreprises quand les Indiens et les Chinois dament le pion à la France dans les investissements en Afrique.

Une Afrique qui s’impatiente

Cependant, face à cette Afrique tournée vers la France, il y a une autre Afrique, qui, celle-là, s’enra-cine dans la sagesse et les ensei-gnements d’Ahmadou Bamba [pen-seur soufi, inventeur d’un islam nègre] et d’Anta Diop [historien qui a inspiré l’afrocentrisme], qui ne nourrit aucun complexe vis-à-vis de la France où même du monde arabe. Pour cette Afrique-là, les vrais inté-rêts de sa population jeune sont pour l’instant mal posés, donc mal définis.

L’Afrique jeune qui gronde d’impatience est celle-là qui intime l’ordre d’entrer non pas dans l’His-toire mais dans l’avenir, pour maî-triser notre destin. Nous n’avons plus besoin de nous fossiliser dans le passé à moins que ce soit pour y puiser les ressorts psychologiques

qui nous permettent d’investir avec assurance notre détermina-tion. L’heure est venue pour nos politiques de poser les vraies ques-tions qui concernent l’avenir de sa jeunesse, s’il est vrai que l’Afrique est porteuse de l’espoir du monde grâce à ses ressources humaines et naturelles. Les universités fran-çaises ne sont pas les seules qui peuvent développer l’Afrique et enrichir sa jeunesse !

Cette jeunesse a une palette de choix quant à son éducation. Si la France refuse le visa aux étudiants africains, pourquoi ne se tourne-raient-ils pas vers l’Afrique du Sud, le Nigeria, pour consolider les inté-rêts d’un destin panafricain com-mun ? Ce ”paradigm shift” [révolu-tion conceptuelle] nous permet de regarder vers les Etats-Unis, l’Inde et le Brésil qui nous ouvrent les portes de leurs universités. Il s’y ajoute que, stratégiquement, notre jeunesse a besoin d’aller étudier dans les pays émergents afin de re-venir adapter ces modèles de déve-loppement en Afrique.

Le président du Rwanda Paul Kagame a compris les enjeux éco-nomiques du XXIe siècle en met-tant son pays à l’anglais, et le Gabon a pris la décision de suivre cet exemple. Beaucoup de Français qui ont les moyens mettent leurs enfants dans des écoles bilin-gues, conscients qu’ils sont de la dimension linguistique de la

mondialisation.

La France n’est pas l’avenir de l’Afrique 

La repentance de la France concernant la traite négrière et la colonisation n’est utile à l’Afrique que si celle-ci utilise ce passé tra-gique aujourd’hui reconnu pour exi-ger toute sa place dans la construc-tion de l’avenir du monde. La vérité est que l’Afrique a assez payé du sang de ses enfants pour la paix du monde et possède de ce fait un droit historique à s’asseoir à la table où se décide la paix ! Ainsi, la véritable exigence consiste à ce que l’Afrique se fasse une place au Conseil de sécurité des Nations unies. Il est absurde que des résolutions qui la concernent souvent puissent être prises sans qu’elle soit architecte de leur élaboration. L’heure est venue d’arrêter les querelles futiles afin que tous les Etats africains sou-tiennent les demandes de l’Afrique du Sud et du Brésil pour un siège au Conseil de sécurité.

Voilà plus de cinquante ans que la France porte la voix de l’Afrique francophone dans le concert des nations. L’heure est venue que cette Afrique parle par elle-même et pour elle-même. L’Afrique est aujourd’hui économiquement attractive, elle doit en tirer pleine-ment profit. Et si les entreprises françaises veulent retrouver une

place privilégiée dans les inves-tissements en Afrique, elles ont besoin de convaincre que leur offre est plus intéressante que celle des Indiens et des Chinois. L’heure est à la concurrence ! Cependant, face à cette Afrique tournée vers la France, il y a une autre Afrique, qui, celle-là, s’enracine dans la sagesse et les enseignements d’Ahmadou Bamba [penseur soufi, inventeur d’un islam nègre] et d’Anta Diop [historien qui a inspiré l’afrocentrisme], qui ne nourrit aucun complexe vis-à-vis de la France où même du monde arabe. Pour cette Afrique-là, les vrais inté-rêts de sa population jeune sont pour l’instant mal posés, donc mal définis. L’Afrique jeune qui gronde d’impatience est celle-là qui intime l’ordre d’entrer non pas dans l’His-toire mais dans l’avenir, pour maî-triser notre destin. Nous n’avons plus besoin de nous fossiliser dans le passé à moins que ce soit pour y puiser les ressorts psychologiques qui nous permettent d’investir avec assurance notre détermination.

L’heure est venue pour nos politiques de poser les vraies ques-tions qui concernent l’avenir de sa jeunesse, s’il est vrai que l’Afrique est porteuse de l’espoir du monde grâce à ses ressources humaines et naturelles. Les universités fran-çaises ne sont pas les seules qui

François Hollande, samedi à Kinshasa, devant les chefs d’État du Sommet de la francophonie.

Hollande «ne connaît rien à l’Afrique» ironise Bernard Debré

François Hollande se rend dans la capitale du Sénégal vendredi pour s’adresser au peuple africain. Il se rendra ensuite samedi au Sommet de la francophonie, à Kinshasa, en République démocratique du Congo. Un déplacement qui n’a pas manqué de suscité quelques réactions, parfois grinçantes.

L’ex-ministre de la Coopération, Bernard Debré (UMP), a ironisé sur leprésident François Hollande désireux d’écrire une «nouvelle page» en Afrique, continent auquel «il ne connaît absolument rien».

«Chaque fois qu’un socialiste arrive, il tourne la page, c’est extraordinaire !», s’est exclamé le député de Paris sur LCI qui s’est dit familier du continent où il est allé la première fois en 1964. «Mitterrand est arrivé, on tourne la page, sans écrire, et puis après, on écrit». Sous «le règne de Mitterrand, ça n’a pas été triste, ce qu’il a écrit», a poursuivi M. Debré, citant notamment le scandale du Carrefour du développement dans les années 1980.

Relevant que le président de RDC, Joseph Kabila, auquel M. Hollande va «serrer la main» à Kinshasa, où est accueilli le sommet de la Francophonie, n’est pas «l’homme le plus démocratique du monde».

Page 22: Courrier International

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Qatar : l’hypocrisie française

peuvent développer l’Afrique et enrichir sa jeunesse !

Cette jeunesse a une palette de choix quant à son éducation. Si la France refuse le visa aux étudiants africains, pourquoi ne se tourne-raient-ils pas vers l’Afrique du Sud, le Nigeria, pour consolider les inté-rêts d’un destin panafricain com-mun ? Ce ”paradigm shift” [révolu-tion conceptuelle] nous permet de regarder vers les Etats-Unis, l’Inde et le Brésil qui nous ouvrent les portes de leurs universités. Il s’y ajoute que, stratégiquement, notre jeunesse a besoin d’aller étudier dans les pays émergents afin de re-venir adapter ces modèles de déve-loppement en Afrique.

Les “mouvements sournois” du Qatar sont devenus un sujet majeur dans la presse française,

qui, subitement, découvre que ce petit Etat riche est un vecteur de l’“islamisme”, voire du“salafisme”. Il aura fallu un vague projet de sou-tien à des initiatives entrepreneu-riales de jeunes de banlieue pour que le bon Qatar, le “démocrati-seur”, devienne subitement une menace dangereuse.

Il est amusant de constater que c’est un journal présumé de gauche qui a lancé l’alarme contre “l’OPA du Qatar” sur les banlieues [Libération du 24  septembre  2012]… Il a été relayé par des chroniqueurs très à droite, crypto-FN et lepénistes, qui s’effraient soudain de voir “le Qatar commencer à financer la Seine-Saint-Denis, majoritairement musulmane”. Cette soudaine fièvre antiqatarie fait sourire quand on sait que l’argent du Qatar est placé, avec générosité et souvent contre tout bon sens économique, dans des entreprises françaises. Sans que cela ait soulevé de hoquets d’indignation ni d’inquiétudes sur la souveraineté de la France… Aider quelques jeunes à monter des entreprises et soutenir des initia-tives d’associations dans les ban-lieues sous la supervision de l’Etat français serait donc plus “lourd”, plus “grave” que les placements que fait le richissime Etat du Qatar dans des fleurons comme Vinci, Veolia, Lagardère, Total, LV fran-çaises. Sans que cela ait soulevé de hoquets d’indignation ni d’in-quiétudes sur la souveraineté de la France… Aider quelques jeunes à monter des entreprises et sou-tenir des initiatives d’associations dans les banlieues sous la super-vision de l’Etat français serait donc plus “lourd”, plus “grave” que les plaMH ou dans l’équipe du PSG. Il y a certes eu des articles sur le mode “le Qatar achète la France”,

mais on n’y trouve pas l’acrimonie ni le soupçon qui accompagnent le projet “banlieue”. Le Qatar, il suffit de faire une recherche sur Internet, place aussi des fonds ailleurs qu’en France et il s’agit souvent de mon-tants plus substantiels. Il a une stra-tégie diplomatique et médiatique destinée à lui donner un poids géo-politique que sa taille ne lui permet pas d’avoir.

Le Qatar a de l’argent et la chaîne Al-Jazira comme force de frappe mé-diatique. Il n’est pas en conflit avec les puissances occidentales et ne cherche pas à envahir la France en mettant 50 petits millions d’euros dans les banlieues. La lecture de la presse française est d’ailleurs amusante à cet égard, elle qui a tendance à reprocher aux médias du sud de la Méditerranée sa pa-ranoïa. En définitive, on peut en conclure que le Qatar n’est, dans cette affaire, qu’une victime collaté-rale de la suspicion qui entoure les banlieues de France où musulmans, Arabes et Noirs sont en nombre important. Gageons que l’émir du Qatar et ses conseillers le compren-dront vite. Il vaut mieux acheter l’immeuble du Figaro et mettre des sous dans les parfums de France plutôt que de regarder du côté des suspectes banlieues, Méditerranée sa paranoïa. En définitive, on peut en conclure que le Qatar.

Pierre Moscovici s'est déclaré vendredi favorable à ce que le Qatar, allié privilégié de Paris dans le monde arabe, joue un rôle d'investisseur stratégique dans l'économie française.

Investissements via la BPI?

Invité d'Europe 1, le ministre de l'Economie et des Finances n'a pas voulu commenter directement une information d'i>télé selon laquelle l'Etat et la Caisse des dépôts négocieraient avec le riche émirat du Golfe pour qu'il investisse dans l'économie française par le biais de la Banque publique d'investissement.

«C'est bien trop compliqué pour que j'en parle maintenant», a-t-il dit, ajoutant cependant qu'il considérait avec intérêt la volonté manifestée par le Qatar d'investir en France.

«Si le Qatar veut jouer un rôle, en partenariat avec l'Etat français, d'investisseur stratégique, utile, créateur d'emploi, alors nous somme prêts à regarder ça», a-t-il dit. «On en parle. J'ai moi-même rencontré des émissaires du Qatar la semaine dernière».

Aide aux banlieues

Le Qatar, qui s'intéresse de plus en plus à l'économie française, a déjà décidé d'aider les banlieues défavorisées à y créer des entreprises en contribuant à un fonds approuvé par le nouveau gouvernement socialiste.

Le gouvernement de gauche a concrétisé ainsi un projet lancé sous Nicolas Sarkozy fin 2011 mais mis en sommeil à l'approche de la campagne électorale, sous la pression de l'extrême droite qui en faisait un cheval de bataille en dénonçant un supposé risque «d'islamisation».

L'émergence dans la vie économique et publique française de cet Etat du Golfe, grand comme une département français mais aux moyens financiers quasi illimités, ne cesse de se confirmer.

Moscovici favorable à un rôle d'investisseur du Qatar en France

Reuters

Castellino

LA FRANCE

Quand l’émirat investit dans les grandes entreprises, cela ne gêne personne. Quand il le fait dans les banlieues, cela provoque un tollé.

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Qatar : l’hypocrisie française

Le petit geste de François Hollande

vont plaire à Alger, mais sans aller jusqu’à la repentance. En défini-tive, Alger et Paris ne sont pas trop contrariés par cette tournure des événements puisque des deux cô-tés de la Méditerranée, on n’est pas pressé de solder ce passif. Tout en en faisant un débat passionné qui revient au gré du calendrier.

L’Algérie se contente, souvent, pour sa part, de faire de cette tra-gique et douloureuse période un simple cérémonial qui sert plus les tenants du pouvoir que la cause his-torique. Et on attend, du moins dans le discours circonstanciel, d’autres gestes encore plus forts de la France pour “tourner la page”.

Une ligne qui sépare de la recon-naissance globale des méfaits de la colonisation, des crimes contre l’humanité jusqu’à la demande de réparation réclamée par des Algériens. Après ses fleurs de 2011, François Hollande, entre-temps élu président, est prêt à renouveler son geste. Crise financière oblige, le président français “saura trouver les mots justes, synonymes de prise de position claire”, selon la formule du maire de Paris, Bertrand Delanoë,

pour tenter d’apaiser le climat et de réanimer, par ricochet, l’économie de son pays [dans la même journée, avant la publication du communi-qué de l’Elysée faisant état de la déclaration de François Hollande, Bertrand Delanoë a déposé une gerbe de fleurs sur la stèle dédiée aux victimes qu’il avait lui-même fait ériger sur le pont Saint-Michel en 2001]. Car les affaires s’accom-modent largement de quelques concessions politiques idéologique-ment sans impact sur la doctrine de l’Elysée.

En reconnaissant le massacre d’Algériens lors de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris, le président français a fait un geste qui peut plaire à Alger, mais qui reste insuffisant pour solder le passif qui pèse sur les relations entre les deux pays.

Retour en arrière

Le 17 octobre 1961, en pleine guerre d’Algérie, le Front de libération nationale (FLN) avait appelé à une manifestation nocturne à Paris pour protester contre le couvre-feu imposé uniquement aux Algériens, alors appelés “Français musulmans”. Des milliers de manifestants bravèrent l’interdiction édictée par le préfet de police de l’époque, Maurice Papon. Le défilé fut sévèrement réprimé par la police française, faisant entre 30 et 200 victimes, selon les estimations. Le 17 octobre 2012, François Hollande déclare dans un communiqué émanant de l’Elysée : “Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes.”

Stephanie Wastiaux

LA FRANCE

Pour assumer son passé co-lonial, la France, celle des socialistes particulièrement,

semble avoir trouvé la formule. Saucissonner cette longue période tragique en épisodes reconnus et célébrés solennellement.

Dans le sillage de l’ancien am-bassadeur à Alger, Hubert Colin de Verdière, qui avait qualifié les évé-nements du 17 octobre 1961 à Paris de “tragédie inexcusable”, le candi-dat Hollande avait opté, pendant sa campagne électorale, pour un geste plus fort en allant déposer une gerbe de fleurs sur le pont de Clichy. La droite, pour sa part, restait cam-pée sur le principe de “mission civi-lisatrice de la colonisation”.

A cette nuance près, les deux camps, gauche et droite, savent s’astreindre au respect de la ligne rouge. Une ligne qui [nous] sépare de la reconnaissance globale des méfaits de la colonisation, des crimes contre l’humanité jusqu’à la demande de réparation réclamée par des Algériens.

Après ses f leurs de 2011, François Hollande, entre-temps élu président, est prêt à renouveler

François Hollande et le ministre délégué aux Affaires européennes, Bernard Cazeneuve, se sont rendus au Mémorial de Caen-Normandie, ce mercredi.

son geste. Crise financière oblige, le président français “saura trou-ver les mots justes, synonymes de prise de position claire”, selon la formule du maire de Paris, Bertrand Delanoë, pour tenter d’apaiser le climat et de réanimer, par ricochet, l’économie de son pays entre-temps élu président, est prêt à renouveler son geste. Crise financière oblige, le président français “saura trouver les mots justes, synonymes de prise de position claire”, selon la formule du maire de Paris, Bertrand Delanoë, pour tenter d’apaiser le climat et de réanimer, par ricochet, l’économie de son pays [dans la même jour-née, [dans la même journée, avant la publication du communiqué de l’Elysée faisant état de la déclara-tion de François Hollande, Bertrand Delanoë a déposé une gerbe de fleurs sur la stèle dédiée aux vic-times qu’il avait lui-même fait ériger sur le pont Saint-Michel en 2001]. Car les affaires s’accommodent lar-gement de quelques concessions politiques idéologiquement sans impact sur la doctrine de l’Elysée.

François Hollande rend hom-mage aux martyrs, geste et mots qui

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Mardi 6 novembre, comme l’a révélé Rue89, Me William Bourdon, avocat de Yildune

Lévy, mise en examen pour “partici-pation à une association de malfai-teurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme”, a demandé à la juge d’instruction chargée du dos-sier, Jeanne Duyé, la communication de “l’entier dossier de renseigne-ment” dont sa cliente a fait l’objet avec son mari, Julien Coupat, égale-ment mis en examen.

Coloration habituelle

Car ce dossier repose en grande partie sur des informations livrées par l’espion anglais, confirment plusieurs sources proches de l’en-quête, après les premiers doutes dont L’Express, les Inrockuptibles et le livre de David Dufresne, Tarnac, magasin général (Calmann-Lévy, 498 pages, 20 euros), se sont fait l’écho il y a quelques mois. Une source policière reconnaît l’impor-tance des renseignements fournis par les services britanniques : “Il est certain qu’ils ont donné une coloration particulière au dossier. Cela a joué un rôle dans la demande d’ouverture d’une enquête prélimi-naire en avril 2008.”

Mark Kennedy, 42 ans, a passé sept ans sous le nom de Mark Stone à parcourirle monde, de manifes-tations antiracistes en happenings écologistes, sans oublierles réu-nions anti-G20. Il travaillait pour le National Public Order Intelligence Unit (NPOUI), un organisme britan-nique de lutte contre le terrorisme “intérieur”.

En 2009, il participe à l’organi-sation de l’occupation d’une cen-trale à charbon à Ratcliffe-on-Soar (Royaume-Uni). Tous les partici-pants sont interpellés, sauf lui. Le doute s’installe parmi ses proches. Le 20 octobre 2010, une confronta-tion est organisée par les militants, et il se découvre. L’affaire est révé-lée par le quotidienThe Guardian. Le scandale provoque la disparition du NPOUI.

Structure clandestine

Dans le dossier de Tarnac, Mark Kennedy n’apparaît (presque) nulle part. Un “Mark” a été grif-fonné dans les carnets de Julien Coupat. Pourtant, il est partout, dès le début. Car l’enquête sur les militants français n’a pas commencé en novembre 2008, après les sabo-tages de lignes SNCF, mais le 11

avril, lorsque le patron de la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire demande au parquet de Paris d’ouvrir une enquête prélimi-naire sur “une structure clandestine anarcho-autonome (...) projetant de commettre des actions violentes”, sur la base d’”informations commu-niquées par la direction centrale des renseignements généraux”.

Parmi ces éléments, un fait concret : l’interpellation de Julien Coupat et Yildune Lévy par la police canadienne, le 31 janvier 2008, alors qu’ils franchissent clandestinement la frontière américano-canadienne.

Mais aussi des détails plus flous issus de surveillances ou de sources internes au mouvement : la participation du couple “à une réunion d’anarchistes américains àNew York”, du 10 au 15 janvier, et “des relations étroites avec des acti-vistes européens (...) notamment en Pologne, en Espagne, en Grèce, en Italie, enSuisse, en Allemagne et au Royaume-Uni”. Un rapport confi-dentiel rédigé en juin 2008 par la di-rection centrale des renseignements généraux – publié en mars 2012 par Mediapart – est plus précis encore sur les dates et les participants aux réunions européennes, mais il n’a jamais été joint à la procédure...

Les italiens bottent en touche

Depuis quatre ans, tous les ser-vices étrangers répondent la même chose au juge, qui souhaite avoir des détails. Les retours de commis-sions rogatoires internationales et de demandes d’entraide judiciaire, dont Le Monde a eu connaissance, en témoignent. La participation de militants italiens au contre-sommet du G8 d’Heiligendamm (Allemagne) en 2007 ? Les policiers transalpins, pourtant plutôt diserts, bottent en touche et renvoient à des “informa-tions confidentielles”.

La réunion de janvier 2008, à New York ? Le FBI fournit le détail de la surveillance menée à l’extérieur de l’immeuble, photos à l’appui. Mais, pour “les informations confir-mant la tenue, les participants et le contenu”, c’est le problème “des autorités britanniques”. D’ailleurs, une demande à ce sujet reste “en suspens”, notent les Américains.

Dérives considérables

Le juge français n’a pas été plus chanceux que le FBI. Le 5 décembre 2011, les Britanniques répondent à sa demande d’entraide judiciaire en confirmant que “des informations sont disponibles” sur New York... sans en dire plus. Mais, conclutRi-chard May, le patron du National Domestic Extremism Unit (NDEU), qui a pris la suite du NPOUI, “la source de ces informations confi-dentielles ne sera jamais divulguée

Finalement, il y avait bien un homme qui vivait dans la “clandestinité” dans l’affaire de Tarnac. Mais il ne s’agissait pas d’un des jeunes gens interpellés le 11 novembre 2008 en Corrèze, à Rouen et à Paris, contrairement à ce que les rapports de police décrivaient. C’était Mark Kennedy. Son métier : policier britannique infiltré dans la mouvance altermondialiste de 2003 à 2010.

L’espion anglais qui a piégé le groupe de Tarnac

Manifestation de soutien le 21 juin 2009 à Paris au "groupe de Tarnac" mis en examen dans l'enquête sur des sabotages de lignes TGV en 2008

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et aucun rapport formel ne sera communiqué. C’est sur cette base que ces informations confiden-tielles sont fournies”.

La “source”, les mis en examen de Tarnac ont vite compris de qui il s’agissait, après les révélations du scandale anglais et la note de juin 2008 rédigée par la DCRG. Jusque-là, Mark Kennedy les avait plus marqués par son strabisme que pour autre chose. Plutôt dis-cret, il était passé à Tarnac, à l’été 2008, avec d’autres militants. Il n’a en fait jamais cessé de s’intéres-ser aux Français. Pour MeBourdon, “le fait pour les services de s’ap-puyer sur des agents comme Mark Kennedy est la source de dérives considérables de l’action policière. Ce type de personnage tombe for-cément dans la dramatisation et la surenchère”.

Engins explosifs

Ainsi, dans leur réponse au juge d’instruction, les services britan-niques détaillent spontanément une rencontre entre Julien Coupat et d’autres militants européens – dont Mark Kennedy – à Nancy et aux environs, en février 2008, durant laquelle “la fabrication d’engins ex-plosifs improvisés a été discutée et expérimentée”. La réunion n’appa-raissait pas jusque-là dans la pro-cédure, son contenu est désormais invérifiable, mais elle a probable-ment joué un rôle important dans l’estimation de la dangerosité des militants et leur mise en cause. Car la note confidentielle de la DCRG, elle, l’évoque, dans un chapitre qui conclut que le groupe est décidé à mener des “actions violentes”, jus-tement “par la mise en œuvre d’en-gins et de dispositifs incendiaires ou explosifs”.

Pour Mme Bourdon, le fait que des éléments cruciaux pour les mis en cause ont été cachés pendant quatre ans témoigne de l’”extraor-dinaire déloyauté de la procédure”. Pour obtenir toute la lumière sur la genèse de l’”affaire de Tarnac”, l’avocat compte sur la “jurispru-dence Manuel Valls” – le ministre de l’intérieur a autorisé la déclassifica-tion des rapports du renseignement sur Mohamed Merah, en juillet. Mais il faut avant cela que la juge accède à la demande d’acte.

Laurent Borredon

Steeve Miller

Le PDG de Renault, Monsieur Carlos Ghosn, a déclaré [le 28 septembre], sur le ton grave et inspiré de celui qui sent venir

la catastrophe : “Si on ne fait rien, Renault, sous sa forme actuelle, peut disparaître.” Dès que j’ai lu cette phrase, le sang de l’automo-biliste-citoyen conscient de ses responsabili-tés que je suis n’a fait qu’un tour ! Comment cette marque mythique, ce fleuron du savoir-faire français, cette entreprise autrefois natio-nale, cet employeur légendaire, pourrait dis-paraître ? Carlos Ghosn a raison, il faut faire quelque chose.

Lui est convaincu qu’il faut renforcer la compétitivité de sa boîte. Comment ? En baissant le coût du travail. Où ? En France. Car ailleurs, Renault l’a déjà fait. Dans ses usines roumaines, l’ouvrier plafonne à 500 euros par mois. Dans son usine marocaine, il ira chercher environ 250 euros par mois. Alors, évidemment, Carlos trouve qu’un prolo français à 1 500 balles. Quand on pense à ce que fut l’aventure automobile française avant que des hurluberlus surpayés ne viennent la dégrader ! Renault, ce fut la fameuse 4 CV, la géniale 4L, la sympathique R5, la formidable Espace, etc. S’il s’était appelé Signal. c’est trop ! Après y avoir longuement réfléchi, j’ai trouvé une façon d’abaisser le coût du travail chez Renault. En virant le nullissime Carlos Ghosn !l ira chercher environ 250 euros par mois. Cette brêle perçoit 9,9 millions d’euros par an. Ce qui représente, selon ma calculette préférée, l’équivalent de 550 salaires annuels d’ouvriers français ou de 3 300 Marocains ! Il ira chercher environ 250 euros par mois.

Les dirigeants des constructeurs français sont nuls

Il faut avoir une belle audace pour oser se plaindre de la paye ridicule des braves gens quand on pique presque 10  patates par an ! Mais c’est vraisemblablement parce que l’au-dace industrielle et technologique du patron de Renault légitime cette fortune. Peut-être le génie de Carlos justifie-t-il ce salaire délirant ? Peut-être les résultats de la stratégie de ce superpatron que le monde entier nous envie relativisent-ils la monstruosité de ses émolu-ments ? Tu parles Charles ! Aucune quincaille-rie-bazar du pire bled d’Amérique latine ne le prendrait comme stagiaire magasinier !

Quand on pense à ce que fut l’aventure au-tomobile française avant que des hurluberlus surpayés ne viennent la dégrader ! Renault, ce fut la fameuse 4 CV, la géniale 4L, la sym-pathique R5, la formidable Espace, etc. S’il s’était appelé Signal, il aurait créé une mul-tinationale de dentifrice ! Donc, le cher (hors de prix) Mittal fabrique de la ferraille dans des pays où ses salariés sont payés deux coups de pied au cul et un demi-bol de riz Aujourd’hui, après la désolante Vel Satis, la ruineuse Avantime, ou la désespérante Wing, toutes des flops, on a droit à Kangoo ou Clio ! Pas de quoi se ruer chez son concessionnaire. La concurrence hexagonale n’est pas en reste ! Si l’industrie automobile française se casse la figure, ça n’est sûrement pas à cause du niveau des salaires de ses employés mais de l’incompétence navrante de ses dirigeants ! La compétitivité tant réclamée par le Medef,

elle est plombée par des actionnaires obnu-bilés par leurs dividendes et des prétendus capitaines d’industrie qui sont en fait de si-nistres naufrageurs.

A une époque qui voit les Japonais inven-ter des voitures hybrides performantes, ou d’autres développer de vraies voitures élec-triques, Carlos Ghosn ose essayer de vendre des trucs innommables et leur donner des noms improbables ! Vous avez déjà vu une Twizi ? Ce truc qui est plus moche qu’un fer à repasser, plus inutile qu’un Carlos, plus ridi-cule qu’un Ghosn, plus désolant qu’un PDG ? Si c’est ça l’électrique, le pétrole a de beaux jours devant lui ! Cette casserole à deux places, sans même un coffret pour ranger son portefeuille, à l’autonomie inférieure à celle d’un vélo électrique, inconfortable et qui fout la honte à qui la conduit (sauf quand c’est pour faire une promotion publicitaire rigo-lote) suffirait comme pièce à conviction pour condamner Carlos le fat [le gros] aux travaux forcés !

Virons le bras cassé !

Heureusement, il y a Dacia. C’est laid, mais pas cher ! Low cost, comme on dit ! Et le rêve de Carlos Ghosn, en plus de conser-ver ses 10 millions d’euros, ce serait que les ouvriers européens soient payés comme ceux du Maroc ou du Bangladesh. Ma solution est plus simple et plus radicale. Plus efficace et plus définitive ! Qu’on vire ce bras cassé, qu’on récupère son salaire et qu’on confie l’entreprise à un chef d’atelier expérimenté, flanqué de deux ingénieurs inventifs et d’un designer tout jute sorti de l’école. Autrement, un Indien qui s’appelle Bagnol viendra rache-ter Renault pour fermer toutes les usines, licencier tout le monde et, débarrassé d’un concurrent, vendre sa camelote venue d’ail-leurs !

C’est ce qu’a fait Monsieur Mittal. Un beau matin, il s’est demandé dans quelle industrie il pourrait investir son fric. Et puis l’évidence lui est apparue : quand on s’appelle Mittal, on fait dans le métal ! S’il s’était appelé Signal, il aurait créé une multinationale de dentifrice ! Donc, le cher (hors de prix) Mittal fabrique de la ferraille dans des pays où ses salariés sont payés deux coups de pied au cul et un demi-bol de riz. Pourquoi, dès lors, a-t-il racheté Arcelor, dont les ouvriers sont un peu mieux traités ?

Eh bien pour fermer TOUTES les usines en Europe, licencier tous ces types qui osent vouloir un syndicat, des conditions de travail et de rémunération décentes, et se débar-rasser d’un concurrent. Fallait-il être bête ou faire semblant de l’être pour ne pas le voir venir ! Je soupçonne Carlos Ghosn de toucher 10 millions d’euros de la part de Renault et 25 millions en douce de la part de Tata Motors. Pendant ce temps-là, dans un vieux garage, un mec travaille obstinément sur le moteur à eau. Dommage qu’il soit voué à un accident mortel de la circulation avant de déposer son brevet !

L’idée que le fleuron de l’industrie automobile disparaisse à cause de son manque de compétitivité fait bondir ce chroniqueur luxembourgeois. Pour plus d’efficacité, dit-il, virons le PDG aux dix millions d’euros de salaire.

Virez Ghosn pour que Renault reparte !

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PLEIN ÉCRAN

Réédition : Ikea à la papa

Si Ikea est né en 1943, l’année 1951 a marqué un tournant pour l’enseigne suédoise. C’est à ce moment-là qu’elle édite son pre-mier catalogue. En couverture : le fauteuil M-K Chair. Avec son dossier haut et ses “oreilles”, le modèle est un symbole de cette époque révo-lue : “C’était le fauteuil où le chef de famille lisait et se reposait. Il collait idéalement à cette période de l’après-guerre”, explique Muriel Rolland à la communication d’Ikea France. Disponible dans plusieurs finitions, cette assise était fabri-quée en petite série par des arti-sans locaux et vendue uniquement en Suède. A l’époque, l’entreprise n’était encore qu’un petit distribu-teur qui revendait du mobilier fabri-qué par d’autres.

Ce n’est que quatre ans plus tard, en 1955, qu’Ikea commence à produire ses propres modèles et abandonne le M-K Chair... pour le ressortir des cartons plus d’un demi-siècle plus tard. “Cette an-née, nous avons souhaité mettre en avant notre collection de tex-tile, en montrant que retapisser un meuble de famille peutmodifier sa physionomie, indique Muriel Rolland. Nous avons cherché dans nos archives quelle pièce ancienne pouvait être remise au goût du jour simplement grâce à un nouveau tissu, et nous avons pensé que ce modèle était le plus pertinent.” “Ce fauteuil de père ou de grand-père peut aujourd’hui convenir à chaque style de vie, chaque âge...”, estime Josefine Grönqvist, responsable du développement des fauteuils chez Ikea. La version 2012 respecte celle de 1951, elle a simplement été affi-née et accompagnée d’un repose-pied pour plus de confort.

La victoire d’Obama, événement politique le plus ‘liké’ de l’histoire

Le monde a d’abord appris la réélection de Barack Obama sur Twitter. ‘Quatre années de plus’, a tout simplement posté l’équipe du président américain le mercredi 7 novembre à 5 h 16 (heure de Paris). Le message reprenait le slogan mar-telé durant la campagne, accompa-gné d’une photo de Barack Obama et sa femme Michelle vraisembla-blement prise en août dernier qui ne laissait guère de doutes sur l’issue du scrutin.

Le message historique a éga-lement été posté sur Facebook au même moment. ‘Avec plus de 2,1 millions de ‘J’aime’, cette photo publiée sur la page officielle de Barack Obama est la plus aimée sur Facebook depuis la création du réseau social, selon l’entreprise. 

Peu avant l’annonce de la vic-toire, deux tweets de remerciement à la même tonalité, et sur le même compte, avaient été publiés.

Ils sont venus confirmer ce que commençaient alors à déclarer les chaînes américaines Fow News et NBC, alors qu’elles annonçaient la victoire de l’Etat de l’Ohio par les démocrates. 

Ces tweets du compte officiel de Barack Obama ont également pris de court de nombreux sites d’infor-mation et les agences de presse, qui n’avançaient pas encore le nom d’un vainqueur.  Ces derniers ont ensuite relayé la réélection du président démocrate en prenant son compte Twitter comme source, au même titre que les chaînes d’information.

Ce faisant, ce tweet du ‘Four more years’ de Barack Obama est devenu le message le plus partagé depuis la création du réseau social (plus de 420 000 retweets en deux heures). Dans le même temps, il ré-coltait plus de 1,3 million de J’aime et 186 000 partages sur Facebook.

HASHTAG PAPAM – Benoît XVI arrive sur Twitter

Le pape aura son propre compte Twitter d’ici à la fin de l’année, et ce n’est visiblement pas la récente affaire Vatileaks qui l’en dissuadera.

Davantage habitué à la méthode papier-crayon, Benoît XVI avait publié son premier tweet d’une ta-blette Apple, en 2011, à l’occasion du lancement du nouveau site du Saint-Siège. “Chers amis, je viens de lancer www.ews.va. Que soit loué notre Seigneur Jésus-Christ. Avec mes prières et mes bénédic-tions”, avait-il écrit en anglais sur le fil Twitter du Vatican.

Le Vatican n’a pas précisé l’adresse de la page ou si le pape tweetera lui-même, mais ce compte personnel servira essentiellement à relayer sa parole et à fédérer ses abonnés autour de ses actions caritatives.

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«Angry Birds Star Wars», le côté obscur de Rovio

Le studio finlandais Rovio a lan-cé, jeudi 8 novembre, Angry Birds Star Wars. Cetitre conçu avec l’ac-cord de Lucas Arts, nouvelle acqui-sition de Disney, est disponible sur toutes les plates-formes mobiles, d’iOS à Android, en passant par Windows Phone, mais aussi sur Kindle Fire d’Amazon.

Dans Angry Birds Stars Wars, Rovio recycle les recettes de ses pré-cédents titres, à commencer par son esprit cartoon, qu’il mâtine d’une surcouche de références à la Guerre des étoiles. Le joueur aura accès à deux types de monde. Sur la pla-nète Tatooine, on retrouve les méca-niques du premier Angry Birds : le joueur doit détruire les forteresses bâties par les cochons verts, passés du côté obscur. Une autre partie se joue aussi dans l’espace, et la mé-canique s’appuie cette fois-ci sur la gravité. Une recette déjà éprouvée, depuis Angry Birds Space.

Au final cette version semble plus avoir une vocation commer-ciale qu’apporter de réelles inno-vations. D’autres titres, destinés au grand public, avaient pourtant montré qu’il était possible de réin-terprétation avec humour la célèbre saga de George Lucas. Lego Star Wars, par exemple, joue pleinement

le jeu des références à la série, mais a su proposer un gameplay incitant à la réflexion, et cohérent avec l’univers de Lego. La licence Lego s’est malheuresement ensuite perdue dans ses nombreuses repro-ductions : Lego Indiana Jones, Lego Batman,Lego Harry Potter, etc..

Pour Rovio, l’intention est en tout cas claire : revenir aux fondamen-taux qui ont permis que le jeu ori-ginel soit téléchargé plus d’un mil-liard de fois, toutes plates-formes confondues. Le studio a rencontré un succès mitigé avec les aventures du jeune prodige de la physique, Amazing Alex. Le dernier titre du studio finlandais,Bad Piggies, sorti il y a à peine un mois, témoignait pour sa part de meilleures inten-tions. Dans Bad Piggies, il ne s’agit plus de précipiter des oiseaux avec un lance-pierre, mais d’incarner l’ennemi porcin. La mécanique de jeu a aussi été modifiée en consé-quence. Il s’agit cette fois pour le joueur de construire différents véhi-cules capables d’atteindre les nids des volatiles. Pour Rovio, l’intention est en tout cas claire : revenir aux fondamentaux qui ont permis que le jeu originel soit téléchargé plus d’un milliard de fois, toutes plates-formes confondues.

Gangnam Style : Bientôt le milliard de vues sur YouTube ?

Rien n’arrêtera le phénomène Gangnam Style ! En effet, le célèbre tube du rappeur sud-coréen Psy bat tous les records et, d’après la société d’analyse ChannelMeter, il pourrait bien dépasser le milliard de vues sur YouTube d’ici la fin de l’année...Plus qu’un tube, un véritable phénomène mondial ! En effet, le hit “Gangnam Style” du rappeur sud-coréen Psy connaît un succès d’ampleur mondial, d’ailleurs les joueurs NBA des Los Angeles Clippers ont dansé au son de la chanson en plein match. Le clip vidéo cartonne sur YouTube puisque, mis en ligne au mois de juillet dernier, il compte déjà plus de 643 millions de vues et pourrait bien battre le roi du site de partage de vidéos en ligne Justin Bieber et son clip “Baby”, vidéo la plus visionnée du site avec plus de 795 millions de vues. La société d’analyse ChannelMeter considère même que la vidéo de Psy pourrait atteindre le seuil du milliard de vues sur YouTube d’ici la fin de l’année, ce qui serait une grande première dans l’histoire du site ! Alors Psy parviendra-t-il à battre ce record ? Les paris sont lancés ! Et vous, qu’en pensez-vous ?

Sept soldats d’élite américains sanctionnés pour avoir collaboré à un jeu vidéo

Sept membres d’une unité d’élite des Navy Seals, dont un mili-taire ayant participé au raid contre Oussama Ben Laden, ont reçu un blâme pour avoir dévoilé des infor-mations confidentielles alors qu’ils coopéraient à la production du jeu vidéoMedal of Honor, a révélé la chaîne américaine CBS jeudi 8 novembre.

Selon CBS, les sept soldats d’élite du SEAL Team Six ont travail-lé deux jours comme consultants pour Electronic Arts, le producteur du jeu. Un responsable de l’admi-nistration américaine a confirmé les faits sous couvert d’anonymat. Un autre responsable de la défense a précisé que d’autres membres de cette unité pourraient être visés à leur tour.

Les sept soldats d’élite ont reçu une lettre d’avertissement. Ils se sont également vu infliger une rete-nue sur salaire équivalant à la moi-tié de leurs traitements sur deux mois.

Cette nouvelle affaire survient deux mois après qu’un autre mili-taire d’élite, Matt Bissonnette, ancien des Navy Seals, a évité de peu des poursuites judiciaires pour avoir écrit un livre non autorisé sur le raid de mai 2011 qui a conduit à la mort d’Oussama Ben Laden au Pakistan.

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