Coordonateur : Mr le Professeur Marc SAMAMA
Transcript of Coordonateur : Mr le Professeur Marc SAMAMA
ACADEMIE DE PARIS
ANNEE 2010
MEMOIRE
Pour l’obtention du DES d’Anesthésie Réanimation
Coordonateur : Mr le Professeur Marc SAMAMA
Par Jean Louis DABAN née le 13 Juin 1981
Présenté et soutenu le 19 octobre 2010
EXTUBATION DIFFICILE EN REANIMATION
PEDIATRIQUE APPORTS DES GUIDES
ECHANGEURS CREUX
Travail effectué sous la direction du Pr Orliaguet
Directeur de Mémoire : Dr Duracher
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3
MEMBRES DU JURY
Mr le Pr M.SAMAMA
Hôpital Hôtel Dieu
Mr le Pr B. CHOLLEY
Hôpital Européen Georges Pompidou
Mme Le Pr H. KEITA
Hôpital Louis Mourier
Mr le Pr Didier JOURNOIS
Hôpital Européen Georges Pompidou
4
Résumé :
Titre : Extubation difficile en réanimation pédiatrique : apports des guides échangeurs creux
Introduction :
L’extubation à risque (ED) ou difficile est un concept récent et peu étudié. L’échec
d’extubation, dont le taux varie de 1,8 à 19 % en réanimation pédiatrique, s’accompagne
d’une élévation de morbi-mortalité. L’emploi de guide échangeur creux (GEC) pour sécuriser
les voies aériennes chez l’enfant bien que recommandé par la SFAR a été peu étudié en
réanimation pédiatrique. L’objectif de cette étude rétrospective descriptive était d’évaluer une
procédure de prise en charge de l’ED en réanimation pédiatrique, incluant l’usage du GEC.
Matériels et Méthodes
Les enfants qui présentaient des critères d’ED et bénéficiaient de la mise en place d’un GEC
ont été inclus consécutivement, de mai 2009 à janvier 2010. Le GEC était mis en place lors de
l’extubation à travers la sonde d’intubation. Le bon positionnement était contrôlé par la
présence de CO2 (EtCO2) et une radiographie pulmonaire. Le critère de jugement principal
était le nombre de succès de réintubations sur GEC. Les critères de jugement secondaire
étaient le taux d’échecs d’extubation, le taux de complications et la tolérance clinique
(notamment les signes obstructifs) du GEC.
Résultats
Seize enfants ont bénéficié de 22 extubations sur GEC. Aucune complication n’a été notée
lors de la mise en place des GEC. Des signes d’obstruction modérés à majeurs ont été notés
dans 5 cas sur 22 (23 %). Chez un enfant, la mauvaise tolérance du GEC (agitation,
obstruction) a amené au retrait prématuré du dispositif. Quatre patients (19 %) ont du être
réintubés. Les patients ont été réintubés sur GEC avec succès dans 3 des 4 cas. Aucune autre
complication n’a été relevée. Chaque fois que cela a été nécessaire, les GEC ont permis
l’oxygénation des patients. La durée moyenne d’utilisation des GEC a été de 15 heures.
Conclusion
Ce travail montre l’intérêt du GEC en cas d’ED chez l’enfant, avec un seul échec de
réintubation sur GEC et aucune complication grave relevée. La tolérance du dispositif sur une
période relativement longue semble acceptable, avec un seul retrait pour mauvaise tolérance.
Ces données méritent d’être confirmées par une étude prospective.
5
Table des matières
1 Introduction ..................................................................................................................................... 7
1.1 Du concept d’intubation difficile à celui d’extubation difficile............................................ 7
1.2 Définition de l’extubation difficile .......................................................................................... 8
1.3 Facteurs de risque d’extubation difficile en anesthésie pédiatrique.................................... 8
1.3.1 Risques liés au terrain reconnus chez l’enfant...................................................................9
1.3.2 Risques liés au terrain communément admis chez l’adulte...............................................9
1.3.3 Risques lié à l’intubation ....................................................................................................9
1.3.4 Facteurs de risques liés à la chirurgie...............................................................................10
1.4 Spécificités de la réanimation pédiatrique ........................................................................... 11
1.4.1 Facteurs de risques d’échec d’extubation en réanimation pédiatrique liés au patient ...11
1.4.2 Facteurs de risques iatrogènes d’échec d’extubation en réanimation pédiatrique.........12
1.4.3 Rôle de la corticothérapie dans l’extubation en réanimation pédiatrique ......................12
1.5 Recommandations de la SFAR concernant l’extubation difficile en pédiatrie................. 12
2 Matériel et méthode ...................................................................................................................... 15
2.1 Critères d’inclusion ................................................................................................................ 15
2.2 Critères de non inclusion ....................................................................................................... 16
2.3 Recueil des données ................................................................................................................ 16
2.4 Caractéristiques des guides échangeurs creux .................................................................... 17
2.5 Extubation et réintubation .................................................................................................... 18
2.6 Analyse statistique.................................................................................................................. 19
3 Résultats ......................................................................................................................................... 19
3.1 Caractéristiques de la population ......................................................................................... 19
3.2 Durée d’utilisation du guide échangeur creux..................................................................... 22
3.3 Intubation sur guide échangeur creux et retrait du dispositif ........................................... 23
3.4 Tolérance du guide échangeur creux.................................................................................... 24
6
3.5 Oxygénation sur guide échangeur creux.............................................................................. 24
4 Discussion....................................................................................................................................... 25
5 Conclusion...................................................................................................................................... 28
6 Bibliographie ................................................................................................................................. 29
7
1 Introduction
La requête difficult intubation chez l’enfant sur le moteur de recherche Pubmed ramène plus
de 1000 réponses. A l’inverse, une recherche sur le terme difficult extubation chez l’enfant ne
retrouve que 85 réponses. L’extubation à risque ou difficile est un concept récent et peu
étudié. L’extubation à risque ou difficile est définie lorsqu’un patient ne remplit pas les
critères d’extubation conventionnels proposés par la Conférence d’Experts de la Société
Française d’Anesthésie Réanimation (SFAR) et/ou lorsque des situations particulières liées au
terrain, à une gestion difficile des voies aériennes lors de l’intubation ou en rapport avec l’acte
chirurgical, la rendent complexe (1). La conférence d’experts de la SFAR recommande en
anesthésie, en cas d’extubation difficile, l’utilisation de guides échangeurs creux (GEC) chez
l’adulte et chez l’enfant. Cependant, en pédiatrie peu de données concernant l’utilisation du
GEC sont disponibles en particulier en réanimation pédiatrique. L’objectif de notre étude a été
d’évaluer l’utilisation des GEC dans un service de réanimation chirurgicale pédiatrique.
1.1 Du concept d’intubation difficile à celui d’extubation difficile
L’intubation difficile fait l’objet de nombreuses publications et recommandations des sociétés
savantes (2-6). L’intubation difficile est définie par la nécessité de plus de deux
laryngoscopies et/ou la mise en œuvre d’une technique alternative après optimisation de la
position de la tête, avec ou sans manipulation laryngée externe (4). Le taux annuel de décès
associé à une difficulté d’intubation est estimé en France à 1:176 000 procédures d’anesthésie
générale (7). Ce taux, calculé sur la base des décès de l’année 1999, est quatre fois inférieur à
celui du début des années 80 montrant l’impact positif des recommandations sur l’intubation
difficile (8).
L’intubation trachéale est considérée comme difficile dans environ 0,5 à 2 % des cas chez
l’adulte. Mais la fréquence de l’intubation difficile varie beaucoup selon les études et la
définition utilisée. Si l’on considère que l’intubation est difficile si le grade de Cormack est
supérieur à 2, l’incidence est de 10,1% ; elle n’est que de 1,9% si l’on considère le nombre de
tentative supérieure ou égale à 3 (9). Chez l’enfant, il existe peu de données sur l’incidence de
l’intubation difficile. L’intubation difficile survient en pédiatrie principalement dans le cadre
de dysmorphies s’intégrant dans des syndromes malformatifs connus (10). L’anticipation
d’une intubation difficile permet en utilisant les techniques anesthésiques adaptées de réduire
8
la morbi-mortalité (11). La fréquence des intubations difficiles non prévues chez l’enfant est
estimée à 0,01%. L’intubation difficile non prévue est à l’origine de complications graves
d’origine hypoxique ou traumatiques sur les voies aériennes (12).
Paradoxalement, l’extubation est un sujet faisant l’objet de moins d’intérêt de la part des
anesthésistes-réanimateurs. Les risques sont pourtant importants lors de l’extubation. On peut
citer le laryngospasme ou la détresse respiratoire hypoxique nécessitant une réintubation en
urgence (13). La réintubation pouvant s’avérer difficile du fait d’une hypoxémie ou d’une
difficulté de contrôle des voies aériennes préexistante ou secondaire à l’acte chirurgical.
Auroy et al. rapportent, sur 131 décès de cause respiratoire en anesthésie, que 17 étaient dus à
une intubation ou à une réintubation impossible chez des malades non ventilables soit 13 %
des cas (7). Dans l’étude de Peterson et al, plus d’un quart des incidents d’anesthésie lié à une
difficulté de contrôle des voies aériennes avaient lieu à l’extubation ou après celle-ci. Dans
plus de 80 % des cas, ces incidents avaient entrainé le décès du patient. Le taux de décès lors
de l’extubation ou après était supérieur au taux de décès lors de l’induction en cas de
problème de contrôle des voies aériennes (14).
1.2 Définition de l’extubation difficile
L’extubation est dite difficile ou à risque selon la SFAR si le patient ne remplit pas les critères
d’extubation conventionnels et/ou si des situations particulières liées au terrain, à une gestion
difficile des voies aériennes à l’induction ou en rapport avec l’acte chirurgical, la rendent
complexe (7). Le risque de réintubation en postopératoire de chirurgie réglée varie de 0,1 à
0,2 % et 59 % des réintubations sont en rapport avec des causes respiratoires (15). Le risque
de complication respiratoire chez l’adulte est plus important après l’extubation qu’à
l’induction de l’anesthésie (16-19). En pédiatrie, la fréquence des complications respiratoires
est aussi supérieure après l’extubation (20).
1.3 Facteurs de risque d’extubation difficile en anesthésie pédiatrique
Les principaux facteurs de risque d’extubation difficile en anesthésie pédiatrique sont liés au
patient, aux conditions d’intubation et à la chirurgie.
9
1.3.1 Risques liés au terrain reconnus chez l’enfant
L’asthme, une infection des voies aériennes supérieures en cours ou une exposition passive au
tabac sont des risques reconnus d’extubation difficile chez l’enfant (1). Ces pathologies sont à
l’origine d’une hyperréactivité de l’ensemble de l’arbre respiratoire et majorent le risque de
bronchospasme ou de laryngospasme à l’extubation. L’existence d’une infection
oropharyngée concomitante est responsable d’une hyperréactivité bronchique et d’œdème des
voies aériennes. Le calibre des voies aériennes de l’enfant (section laryngée du nouveau né 4
mm) est très inférieur à celui de l’adulte (section laryngée de l’adulte 8 mm). Les résistances
au passage d’un gaz dans un tube sont inversement proportionnelles au rayon du tube élevé à
la puissance 4. Compte tenu des particularités de l’enfant, tout obstacle ou réduction de
diamètre des voies aériennes est très mal toléré. Les affections ORL d’origine infectieuse
comme l’épiglottite sont à l’origine d’un œdème majeur au niveau des voies aériennes
supérieures et d’une importante majoration des résistances. L’importance de l’œdème peut
rendre l’intubation difficile voire impossible. L’extubation dans ce contexte doit donc être
prudente.
1.3.2 Risques liés au terrain communément admis chez l’adulte
Un certain nombre de facteur lié au terrain ont montré leur rôle dans les échecs d’extubation
en anesthésie chez l’adulte. Ces facteurs d’extubation difficile pourraient jouer un rôle
identique chez l’enfant. Les pathologies diminuant la capacité ou la commande respiratoire
augmentent le risque lors de l’extubation. L’obésité et le syndrome d’apnée du sommeil
majorent le risque de dépression respiratoire postopératoire, en particulier en cas d’utilisation
d’une analgésie morphinique (14). Ces pathologies s’associent fréquemment à une difficulté
d’intubation.
Les traumatismes crânio-faciaux ou du rachis cervical, à fortiori en cas d’instabilité,
augmentent le risque d’échec lors de l’extubation. Après un acte neurochirurgical, les troubles
de la vigilance ou les atteintes de la commande ventilatoire peuvent aboutir à une détresse
respiratoire difficilement prédictible au moyen des critères classiques de sevrage (21). En
dehors des patients neurochirurgicaux, les états d’agitation ou une confusion accroissent les
risques d’échec d’extubation (22).
1.3.3 Risques lié à l’intubation
Les risques liés à l’intubation regroupent à la fois les difficultés et les conséquences néfastes
de l’intubation. Le principal risque est en rapport avec la difficulté de contrôle des voies
aériennes. Un patient ayant présenté une intubation difficile doit par définition être considéré
10
comme un patient dont l’extubation l’est aussi. L’extubation difficile est souvent consécutive
à une intubation difficile. Dans l’enquête américaine sur les décès et accidents graves en
anesthésie, 7 des 18 patients décédés après extubation avaient eu une intubation difficile (14).
Une intubation difficile avec laryngoscopies multiples ou traumatiques est un facteur de
risque de complications obstructives à l’extubation.
L’utilisation de sonde d’intubation de gros calibre expose à un risque d’œdème glottique et
sous-glottique par gêne au retour veineux (14). L’utilisation d’une canule buccale ou des
aspirations répétées peuvent aussi être à l’origine d’un œdème uvulaire (23). Une intubation
traumatique ou un ballonnet de sonde d’intubation surgonflé ou mal positionné peuvent être à
l’origine d’une atteinte des cordes vocales ou de la muqueuse trachéale. Les lésions laryngées
peuvent s’accompagner d’une obstruction respiratoire.
Chez l’enfant, l’intubation difficile est prédictible et associée dans la majorité des cas à des
anomalies congénitales dysmorphiques (tableau 1-1).
Tableau 1-1 Principales pathologies congénitales à l'origine d'une difficulté d'intubation,
d'après (9)
• Encéphalocèle
• Fente vélo-labio-palatine
• Micrognatie ou syndrome de Pierre Robin
• Dysmorphie crâniofaciale (Crouzon, Apert)
• Dysplasie mandibulaire (Treacher Collins, Goldenhar, Cornelia
de Lange, Möbius)
• Maladie de Hurler
1.3.4 Facteurs de risques liés à la chirurgie
En postopératoire, l’ensemble des interventions portant sur le segment céphalique majore le
risque lors de l’extubation. Les principales chirurgies à risque accru ou pourvoyeuse de
complications à l’extubation sont les chirurgies du rachis cervical, maxillo-faciales avec
blocage intermaxillaire, laryngées ou cervicales (24). Les complications postopératoires
peuvent être liées à une détresse respiratoire par obstruction de la filière respiratoire
secondaire à un œdème des voies aériennes ou à un hématome compressif. Une autre cause
possible de complications est le risque d’échec d’intubation secondaire à la chirurgie après
fixation du rachis cervical ou fixation maxillo-mandibulaire (24).
11
Une intervention en urgence ou d’une durée supérieure à 4 heures constituent également des
facteurs de risque d’échec d’extubation (25,26).
1.4 Spécificités de la réanimation pédiatrique
L’échec d’extubation en réanimation selon la SFAR correspond à la nécessité de reventiler un
patient au cours des 24 à 72 premières heures suivant l’extubation en réanimation (1). En
pédiatrie, une période de 48 heures en post extubation est retenue (28). Chez l’adulte, le taux
d’échec d’extubation en réanimation varie de 1,8 à 19 % (29). Chez l’enfant, les taux d’échec
d’extubation rapportés vont de 4 à 19 % (30). Les facteurs d’échec d’extubation en
réanimation sont rencontrés en anesthésie auxquels s’ajoutent des facteurs de risque
spécifique. En pédiatrie, l’échec d’extubation augmente la durée d’hospitalisation en
réanimation, la durée de ventilation mécanique et la mortalité (31). Kurachek et al. ont montré
que les enfants qui présentaient un échec d’extubation avaient une mortalité de 4 % contre 0,8
% en l’absence d’échec (32).
1.4.1 Facteurs de risques d’échec d’extubation en réanimation pédiatrique liés au patient
L’atteinte des voies aériennes supérieures est un facteur majeur d’échec d’extubation en
réanimation pédiatrique. De nombreuses études ont démontré le lien entre atteinte des voies
aériennes et échec d’extubation en réanimation pédiatrique (33-35).
Les patients présentant des troubles neurologiques sont à haut risque d’échec d’extubation en
réaniamtion. Ce sur risque est lié à l’hypotonie pharyngée et à l’inefficacité de la toux,
diminuant la clairance pulmonaire en cas d’atteinte neurologique centrale (21).
Les atteintes pulmonaires sont à l’origine d’une augmentation du taux d’échec d’extubation
en réanimation. L’atteinte pulmonaire ayant amené à l’intubation peut être aigue ou chronique
décompensée et liée à une atteinte parenchymateuse ou musculaire (32).
En pédiatrie, l’âge inférieur à 24 mois est un facteur de risque d’échec d’extubation en
réanimation pédiatrique (32). Une autre spécificité pédiatrique est le rôle joué par les
syndromes génétiques. En pédiatrie, l’existence d’un syndrome génétique est
proportionnellement plus fréquente que chez l’adulte. Un lien entre syndrome génétique et
échec d’extubation en réanimation pédiatrique a été retrouvé dans plusieurs études (32).
12
L’existence d’une anomalie génétique peut être responsable d’anomalies anatomiques ou
fonctionnelles retentissant sur la respiration.
1.4.2 Facteurs de risques iatrogènes d’échec d’extubation en réanimation pédiatrique
Les deux principaux facteurs de risque d’échec d’extubation en réanimation pédiatrique sont
la durée de ventilation préalable à l’extubation et l’extubation non programmée.
La durée de ventilation est un facteur retrouvé dans de nombreuses études. Une durée de
ventilation mécanique supérieure à 48 heures augmente le taux d’échec d’extubation (27,32).
Le taux d’échec d’extubation augmente fortement en cas d’extubation non programmée. Dans
une revue récente de la littérature, Lucas da Silva et al. rapportent un taux de réintubation
allant de 14 à 65 % selon les études après une extubation non programmée (36).
1.4.3 Rôle de la corticothérapie dans l’extubation en réanimation pédiatrique
La corticothérapie pour prévenir ou traiter un stridor après extubation n’a pas fait la preuve de
son efficacité en réanimation pédiatrique, mais peut être proposée sous forme de
déxamethasone avant ou après l’extubation (37,38).
1.5 Recommandations de la SFAR concernant l’extubation difficile en pédiatrie
La conférence d’experts de la SFAR recommande l’utilisation de guide échangeur creux
(GEC) pour la gestion de l’extubation difficile chez l’adulte mais aussi chez l’enfant (figure
1et 2) (1).
13
Figure 1. Extubation à haut risque : gestion d’un guide échangeur creux, d’après (1).
14
Figure 1. Extubation à haut risque : oxygénation avec un guide échangeur creux,
d’après (1).
L’emploi de GEC est proposé préventivement chez les malades après difficulté d’intubation
quand une réintubation pourrait s’avérer difficile ou chez les malades dont l’accès aux voies
aériennes est compromis dans les suites d’un acte chirurgical. Les GEC sécurisent les voies
aériennes après extubation. Ils permettent à la fois l’oxygénation et la réintubation.
15
2 Matériel et méthode
L’étude a été menée au sein du Service de Réanimation Chirurgicale Pédiatrique du Centre
Hospitalo-Universitaire Necker Enfants Malades, Paris. Cette étude rétrospective
monocentrique a inclus 17 patients de moins de 15 ans admis en réanimation chirurgicale et
ayant bénéficié de la pose de 22 GEC sur une période d’étude allant de mai 2009 à janvier
2010. Durant la période d’étude, l’unité de comptait 8 lits de réanimation et 14 lits de
surveillance continue.
L’objectif principal de l’étude était d’évaluer l’utilisation des GEC en Réanimation
pédiatrique pour la réintubation des enfants dont l’accès aux voies aériennes était compromis.
Le critère de jugement principal était le taux de succès des réintubations sur GEC. Les
objectifs secondaires de l’étude étaient l’évaluation de la tolérance et la morbi-mortalité liée à
l’emploi de GEC en réanimation pédiatrique.
2.1 Critères d’inclusion
Les enfants de moins de 15 ans admis en réanimation chirurgicale pédiatrique ayant bénéficié
d’un GEC et présentant des difficultés d’accès aux voies aériennes étaient éligibles. Dans
l’étude, la difficulté d’accès aux voies aériennes était définie par la présence d’au moins un
des critères rapportés dans le tableau 2.1.
Tableau 2-1 Critères d’inclusion dans l’étude
• Enfants admis en réanimation intubés pour surveillance postopératoire, chez qui
l’intubation avait été notée difficile
• Enfants bénéficiant d’un GEC en postopératoire d’une :
• chirurgie crânio-‐faciale
• chirurgie ORL impliquant les voies aériennes
• chirurgie du rachis cervical avec fixation du rachis
16
• Enfants traumatisés bénéficiant d’un GEC en cas de :
o traumatisme crânio-‐facial
o traumatisme instable du rachis cervical
o traumatisme ORL
• Enfants présentant une infection grave de la sphère ORL avec retentissement
respiratoire
o épiglottite
o abcès pharyngé
• Enfants bénéficiant d’une procédure de radio-‐embolisation pour des lésions
cervicales, en raison du risque d’œdème
Dans l’étude, l’intubation difficile était définie par la nécessité de plus de deux laryngoscopies
et/ou la mise en œuvre d’une technique alternative après optimisation de la position de la tête,
avec ou sans manipulation laryngée externe. Tous les enfants ayant bénéficié d’une intubation
nasotrachéale ou orotrachéale présentant les critères d’inclusion pouvaient être inclus. Les
malades admis intubés en réanimation pouvaient être inclus dans l’étude sans durée de
ventilation mécanique minimum.
2.2 Critères de non inclusion
Les critères de non inclusion retenus étaient un âge supérieur à 15 ans, les malades en
limitation des thérapeutiques actives et les enfants dont l’extubation n’était pas programmée.
Les patients admis en réanimation avec un GEC déjà placé ne pouvaient pas être inclus.
2.3 Recueil des données
Les données ont été colligées de manière rétrospective à partir de l’étude des dossiers
d’anesthésie et des dossiers de réanimation des patients inclus.
Pour chaque patient, les données suivantes étaient recueillies :
Les caractéristiques du patient :
17
• âge
• poids
• existence d’une intubation difficile
• taille de la sonde d’intubation
• réalisation d’une corticothérapie avant extubation
• type de pathologie : médical, traumatique ou chirurgical
• pour les malades admis après une intervention :
o le caractère urgent ou réglé de la procédure
o le type d’intervention
• échec d’extubation
• délai entre l’extubation et la réintubation
Les caractéristiques du GEC :
• localisation orotrachéale ou nasotrachéale du GEC
• oxygénation sur GEC
• débit maximal d’oxygène sur GEC
• complications à la pose du GEC, à l’ablation ou lors de la réintubation sur GEC
• durée d’utilisation du GEC
• échecs de réintubation sur GEC
La présence de signes de mauvaise tolérance :
• signes d’agitation
• signes respiratoires obstructifs
Dans l’étude, les signes respiratoires obstructifs retenus étaient les signes d’obstruction
haute des voies aériennes (stridor), les signes de tirage (mise en jeu des muscles
accessoires, polypnée) et les signes obstructifs distaux (sibilants à l’auscultation
pulmonaire).
2.4 Caractéristiques des guides échangeurs creux
L’emploi du GEC dans l’unité de Réanimation Chirurgicale pédiatrique de l’Hôpital Necker
Enfants Malades fait l’objet d’un protocole de service depuis janvier 2009. Ce protocole a été
suivi durant la période d’étude. Un GEC de diamètre 11 Fr de marque COOK MedicalTM
18
(photo 1) était mis en place lors de l’extubation chez chacun des enfants inclus. Ce GEC a un
diamètre externe de 3,7 mm, un diamètre interne de 2,3 mm et une longueur de 83 cm. Les
GEC sont des dispositifs semi rigides en polyuréthane radio-opaque. Les GEC disposent de
marques de longueur permettant de les positionner. Dans l’étude, les GEC étaient
positionnées à la commissure labiale lors du positionnement oral, à une distance équivalente à
celle de la sonde d’intubation. Le GEC dispose d’un canal interne permettant l’oxygénation et
d’un raccord autorisant une connexion à un circuit de ventilation mécanique, via un
adaptateur proximal. La mise en place du GEC était contrôlée de manière systématique par la
recherche d’un capnogramme (capnographe mis connecté à l’extrémité distale du GEC) et par
la réalisation d’une radiographie de thorax de face. Une oxygénation à un débit inférieur à 3
l.min-1 pouvait être réalisée sur GEC chez les enfants qui le nécessitaient.
Photo 1: Guide échangeur creux COOK Medical TM
2.5 Extubation et réintubation
Durant la période d’étude aucun protocole de sevrage de la ventilation mécanique n’était en
place dans le service de Réanimation Chirurgicale pédiatrique de l’Hôpital Necker Enfants
Malades. La décision d’extubation était prise par le réanimateur en charge de l’enfant selon
19
les critères habituellement décrits dans la littérature (28,39). De même, aucun protocole ne
régissait la réintubation sur GEC dans notre étude.
2.6 Analyse statistique
L’analyse des données a été réalisée à l’aide du logiciel Excel 2008 de Microsoft corporation.
La moyenne, l’écart-type, la médiane, la valeur minimale et la valeur maximale de chaque
variable continue a été calculée.
3 Résultats
Entre mai 2009 et Janvier 2010, dix sept patients ont bénéficié de la mise en place d’un GEC.
Sur les 17 patients, 16 ayant bénéficié de 22 GEC ont été inclus dans l’étude. Une patiente a
été exclue en raison d’un âge supérieur à 15 ans.
3.1 Caractéristiques de la population
Sur la période d’étude 16 enfants ont donc été inclus. L’âge moyen des enfants était de 5,5
ans, avec un maximum de 13 ans et un minimum de 1 an.
Chez quatre enfants, un GEC a été utilisé à plusieurs reprises, soit au cours de la même
hospitalisation soit au cours d’hospitalisations distinctes. Dans trois de ces quatre cas, le GEC
a été utilisé à deux reprises. Un enfant a bénéficié de la mise en place de quatre GEC.
Seul un enfant ayant bénéficié d’un GEC, a été inclus dans l’étude après une intervention
chirurgicale en urgence. Il s’agissait d’une enfant de 1 an présentant une médiastinite sur
abcès rétropharyngé. Les 21 autres GEC ont été posés chez des malades admis en
postopératoire de chirurgie programmée. Aucun patient n’a été inclus pour un motif médical
ou traumatique.
Les différents types de procédures chirurgicales sont rapportés en fonction du nombre de
patients et du nombre de GEC mis en place dans les figures 3.1 (patients) et 3.2 (procédures).
20
Figure 3-1 Type de procédure inclue par patient (N = 16).
Figure 3-2 Répartition du type de procédures en fonction du nombre total de GEC (N =
22).
Chez un malade, un premier GEC a été mis en place après une procédure de radio-
embolisation, puis à trois reprises après chirurgie rachidienne.
Dans 14 cas sur 22, l’intubation a été jugée difficile.
Les sondes d’intubation utilisées avaient des diamètres allant de 3,5 à 7,0 (médiane 4,5).
Toutes comportaient un ballonnet.
Dans plus de la moitié des cas les GEC étaient nasotrachéaux (13 cas sur 22).
Une corticothérapie avant extubation a été réalisée dans 81 % des cas (18 cas sur 22).
6
4
3
2
1 1
Chirurgie craniofaciale
Chirurgie du rachis cervical
Chirurgie ORL
Radio embolisation
Neurochirurgie
Autre
7
6
4
3
1 1
Chirurgie craniofaciale
Chirurgie du rachis cervical
Chirurgie ORL
Radio embolisation
Neurochirurgie
Autre
21
Sur les 22 cas de GEC étudiés seuls 2 patients (9 %) n’ont pas reçu de corticothérapie avant
ou après extubation. Les données sont reportées dans le tableau 3.3.
Tableau 3-3 Caractéristiques de la population étudiée.
N = 22
Poids (kg)
Moyenne (+/- SD)
Médiane
Minimum
Maximum
20,9 (+/- 12)
14
8
48
Age (années)
Moyenne (+/- SD)
Médiane
Minimum
Maximum
5,2 (+/- 4)
3
1
13
Diamètre sonde d’intubation
Moyenne
Médiane
Minimum
Maximum
5
4,5
3,5
6
Intubation difficile
Oui, n (%)
Non, n (%)
14 (64 %)
8 (36 %)
Localisation GEC
Nasotrachéale, n (%)
13 (59 %)
22
Orotrachéale, n (%) 9 (41 %)
3.2 Durée d’utilisation du guide échangeur creux
La mise en place du GEC a été possible pour tous les patients sans complication. A deux
reprises, après contrôle radiographique (photo 2), le GEC a été retiré en raison d’une mise en
place trop distale dans l’arbre bronchique au contrôle radiographique.
Durant l’étude, aucune fausse route œsophagienne n’a été relevée.
Photo 2. Contrôle radiographique guide échangeur creux dans la trachée.
La durée moyenne d’utilisation du GEC a été de 15 heures pour une médiane de 17 heures (3
h - 24 h). La plus courte durée d’utilisation, de 3 heures, a été enregistrée chez un patient
réintubé en urgence à l’aide de son GEC. La durée moyenne d’utilisation pour les patients
réintubés sur GEC a été de 5 h 25 (3 h - 8 h). En l’absence de réintubation, la durée minimum
23
d’utilisation d’un GEC a été de 9 heures. Les données concernant les durées d’utilisation du
GEC sont reportées dans le tableau 3.4.
Tableau 3-4 Durée d’utilisation du GEC (n = 22).
Durée Heures
Moyenne 15
Médiane 17
Minimum en l’absence de réintubation 9
Minimum en présence d’un échec d’extubation 3
Durée maximale, heures 24
3.3 Intubation sur guide échangeur creux et retrait du dispositif
Dans 4 cas, le patient a du être réintubé avant la 48ème heure, soit un taux d’échec d’extubation
de 18 %. Lors de leur réintubation, l’ensemble des patients disposait d’un GEC. Chez 3
patients, la réintubation a pu être réalisé sur GEC sans complication. Chez une patiente de 10
ans, la réintubation sur GEC a été impossible. Le GEC était en position orotrachéale chez
cette malade et mis en place depuis 3 heures. La patiente avait été admise en réanimation en
postopératoire d’une avancée fronto-faciale monobloc dans le cadre d’un syndrome d’Apert.
La laryngoscopie réalisée après retrait du GEC a retrouvé une patiente grade IV de la
classification Cormack. L’intubation a pu être réalisée à l’aide d’un mandrin d’Eschmann.
Durant cette séquence, la patiente a présenté un épisode de désaturation (SpO2 minimale à 85
%), sans séquelle secondaire. Chez les malades réintubés sur GEC, aucune désaturation n’a
été rapportée. Les résultats sont rapportés dans le tableau 3.5.
Aucune auto-ablation de GEC n’a été relevée. Le retrait des GEC n’a pas été à l’origine de
complications.
24
Tableau 3-5 Taux d’échec d’extubation et taux de réintubation sur GEC.
N (%)
Echec d’extubation, n = 22 4 (18%)
Réintubations sur GEC réussies, n = 4 3 (75%)
3.4 Tolérance du guide échangeur creux
Un état d’agitation, en raison de l’inconfort lié au GEC, a été relevé dans un seul cas (1/22
GEC). Chez ce malade, l’agitation était associée à des signes respiratoires obstructifs. Au
total, 6 patients ont présenté des signes respiratoires obstructifs modérés à sévères. La
mauvaise tolérance du dispositif (agitation et majoration de l’obstruction respiratoire) n’a
obligé au retrait que dans un seul cas. Chez ce malade, le retrait du GEC a permis une
amélioration immédiate de l’état respiratoire et une résolution de l’état d’agitation.
Les résultats sont rapportés dans le tableau 3.6.
Tableau 3-6 Signes obstructifs sur GEC.
N (%)
Signes obstructifs sévères, n = 22 1 (4,5%)
Signes obstructifs modérés, n = 22 6 (27%)
3.5 Oxygénation sur guide échangeur creux
Pour 50 % des malades (11/22), le GEC a permis une oxygénation. Le débit maximal
d’oxygène sur GEC a été de 3 L.min-1. Aucune complication liée à l’oxygénation sur GEC n’a
été relevée. En particulier, l’oxygénation sur GEC n’a pas entraîné de pneumothorax.
25
4 Discussion
L’utilisation de GEC en réanimation pédiatrique est aisée. Dans notre étude, l’ensemble des
enfants inclus a pu bénéficié de la mise en place d’un GEC sans complication grave à la pose,
durant l’utilisation ou au retrait. Le GEC permet de sécuriser les voies aériennes de l’enfant
après extubation à risque en réanimation pédiatrique en permettant de réintuber le patient dans
de bonnes conditions de sécurité. Pour autant, le taux de succès des réintubation sur GEC
n’est pas de 100%. Dans notre étude, un enfant n’a pas pu être réintubé sur GEC.
Il n’existe pas de critère prédictif robuste permettant de prévoir un échec d’extubation en
réanimation pédiatrique. Dans une méta-analyse portant sur 13 études pédiatriques
prospectives, aucune étude ne retrouve de critère prédictif d’échec d’extubation en
réanimation (30). L’extubation en réanimation pédiatrique est une étape délicate du fait des
risques d’échec d’extubation. En cas de difficulté d’accès aux voies aériennes lors d’un échec
d’extubation, l’intubation difficile en urgence peut être à l’origine d’une morbidité et d’une
mortalité importante. Chez les enfants présentant des risques d’échec d’extubation et dont
l’accès aux voies aériennes est compromis, de nombreux auteurs ont proposé des dispositifs
variés parfois artisanaux de sécurisation des voies aériennes supérieures afin de diminuer les
risques lors de la réintubation (40-43). Actuellement, l’utilisation de GEC permet de sécuriser
les voies aériennes supérieures lors de l’extubation à risque. Dans notre étude seul des GEC
de diamètre 11 Fr ont été utilisés. L’utilisation de GEC 11 Fr a déjà été rapportée avec succès
dans la littérature (44). L’emploi de GEC de diamètre inférieur a été rapporté en néonatologie
(45).
En réanimation, les taux d’échec d’extubation nécessitant une réintubation vont de 4 à 19 %
(30). Deux études récentes rapportent un taux d’échec d’extubation de 6 % dans des
populations générales de réanimation pédiatrique (32,33). L’utilisation de système de
sécurisation des voies aériennes supérieures en réanimation permet de faciliter une potentielle
réintubation en cas d’échec d’extubation sans en augmenter la fréquence dans la littérature.
Dans notre étude, le taux d’échec d’extubation est de 18 %. Le taux important de réintubation
dans notre population peut être expliqué par un biais de recrutement. La forte proportion des
dysmorphies syndromiques (37,5 % des patients) et l’existence d’une chirurgie du segment
céphalique chez l’ensemble de nos patients sont deux facteurs connus d’échec d’extubation
(46,47).
26
La réintubation sur GEC peut aboutir à un échec. Dans notre étude, le taux de succès de la
réintubation sur GEC est de 75 % (3 cas sur 4). Les principales études pédiatriques ne
rapportent pas d’échec de réintubation sur GEC (44,48). Mais Loudermilk et al. notent deux
retraits non programmés dans leur étude (44). Chez l’adulte, Mort et al. observent un taux
d’échec de 8 % (4 échecs pour 51 réintubation sur GEC) (49). Compte tenu du risque d’échec,
en cas de réintubation sur GEC, l’ensemble du matériel et le chariot d’intubation difficile
doivent être disponibles et prêts à l’usage.
Dans notre étude, chez les 3 autres malades, la réintubation sur GEC a pu être réalisé de
manière aisée dès la première tentative et sans désaturation, malgré les difficultés potentielles
liées à la chirurgie ou au terrain.
La tolérance du GEC dans notre étude est acceptable avec un seul retrait en rapport avec
l’apparition de signes obstructifs avec agitation après 20 heures d’utilisation. Chez ce malade
de 2 ans en postopératoire d’une avancée fronto-faciale monobloc dans le cadre d’un
syndrome de Crouzon, le retrait du GEC a permis une amélioration immédiate des signes
obstructifs. Dans 27 % des cas (6/22) des signes obstructifs sans gravité ont été notés, malgré
une utilisation large de la corticothérapie et des béta 2-mimétiques. L’importance des signes
obstructifs peut s’expliquer par les caractéristiques de la population étudiée (syndromes
dysmorphiques, chirurgie ORL). La mise en cause du GEC comme facteur aggravant
l’obstruction respiratoire post-extubation n’a pas encore été rapportée dans la littérature, mais
n’est pas surprenant car malgré un diamètre réduit, ce dispositif réduit le calibre des voies
aériennes.
Aucune complication traumatique liée à l’emploi de GEC n’a été notée dans notre étude. En
particulier, aucun pneumothorax ou aucune lésion traumatique de la trachée n’a été observée
(50,51). L’absence de traumatisme dans notre étude peut s’expliquer par une mise en place
prudente, contrôlée par l’apparition d’un capnogramme et la réalisation d’une radiographie
thoracique. L’oxygénation a été réalisée à faible débit pour 50 % des patients sans incident.
Les pneumothorax secondaires à une oxygénation, dans la littérature concernent des cas avec
recours à la jet ventilation sur GEC (52).
La majorité des réintubations a lieu habituellement dans les 4 premières heures post-
extubation (25,27). La bonne tolérance du GEC permet une durée d’utilisation prolongée. Le
27
maintien en place du GEC, en cas de bonne tolérance au cours des 10 premières heures post-
extubation, permet de sécuriser les VAS lors de la période la plus à risque. Dans notre étude,
les enfants disposaient tous de leur GEC lors de leur réintubation. Un des patients a été
réintubé plus de 8 heures après son extubation.
En cas d’extubation non programmée, 50 % des patients ne sont pas réintubés (53). Les
patients présentant une extubation à risque sont parfois ventilés plus longtemps devant
l’inquiétude liée à la nécessité d’une réintubation potentiellement difficile. L’emploi du GEC
permet de sécuriser les VAS, diminuant les risques d’une extubation difficile. Chez les
patients qui présentent des critères de sevrabilité, l’emploi de GEC devrait permettre de tenter
plus facilement une extubation en diminuant les risques d’un potentiel échec. Cette pratique
devrait permettre de réduire la durée totale de ventilation mécanique.
Notre travail comporte certaines limites. Le caractère rétrospectif de l’étude et la faible
population inclue diminuent l’impact de nos résultats. Dans la littérature, l’ensemble des
données pédiatriques disponible repose essentiellement sur des études observationnelles
n’incluant pas plus de 40 patients (44). L’absence de groupe contrôle dans ces études ne
permet pas de conclure de manière définitive sur l’intérêt du GEC dans l’extubation difficile
en pédiatrie. L’absence de groupe témoin ne permet pas de juger du risque complémentaire
d’échec d’extubation lié à l’emploi de GEC. Dans notre étude, nous n’avons utilisé qu’un seul
type de GEC de diamètre 11 Fr de marque COOK Medical TM. Aucune étude n’a montré que
l’emploi de GEC de diamètre inférieur n’apportait de gain sur la présence de signes
obstructifs respiratoires. Les GEC 11 Fr semblent représenter un compromis idéal entre
souplesse et rigidité pour permettre la réintubation (44). De plus, les GEC 11 Fr ont une
longueur de 83 cm à l’inverse des guides de diamètre inférieur (8Fr- longueur 45 cm). Cette
longueur, deux fois supérieure à celle d’une sonde d’intubation, permet un maintien continu
du GEC (avec oxygénation continue si nécessaire) lors du passage de la sonde d’intubation
sur le GEC et lors de la réintubation, sécurisant ainsi le geste.
28
5 Conclusion
Le GEC représente un dispositif médical intéressant en réanimation pédiatrique en cas de
d’extubation difficile avec difficultés de contrôle des voies aériennes. Néanmoins, la
réintubation sur GEC peut être aboutir à un échec. Ce risque oblige en cas de réintubation sur
GEC à disposer de l’ensemble des matériels permettant de gérer une intubation difficile,
comme lors d’une induction anesthésique avec intubation difficile. Dans notre expérience,
aucune complication grave n’a été relevée et la tolérance du dispositif sur une période
relativement longue semble acceptable, avec un seul retrait pour mauvaise tolérance. Ces
données méritent d’être confirmées par une étude prospective portant sur un échantillon plus
important.
29
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