COOPÉRATIVES - UQO

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COOPÉRATIVES SOMMET INTERNATIONAL DES COOPÉRATIVES CAHIER THÉMATIQUE C LE DEVOIR, LE JEUDI 2 OCTOBRE 2014 Plaidoyer pour une économie sociale et solidaire Page C 6 Rendez-vous de la Chaire de recherche en développement des collectivités Pages C 4 à C 8 Au cœur de l’enseignement supérieur www.fideseducation.ca FIDES ÉDUCATION Manon Laflamme Tout ce qu’il faut savoir pour réussir son projet d’intervention communautaire PIERRE VALLÉE P our affronter les nouveaux défis qui menacent la planète, l’économie capi- taliste, telle qu’on la pratique au- jourd’hui, n’a pas d’autre choix que de se réformer. Et les coopératives, en parti- culier les coopératives financières, pour- raient être le fer de lance de cette transfor- mation du capitalisme. C’est ce qu’avance Toby Heaps, président-di- recteur général et cofondateur de l’entreprise torontoise Corporate Knights, éditrice d’un ma- gazine sur l’économie verte et également agence de notation écologique. Il viendra pré- senter une étude à ce sujet, réalisée par Corpo- rate Knights, dans le cadre d’un forum au Som- met international des coopératives. Commençons d’abord par mettre la table. Quels sont ces nouveaux défis ? « Selon l’Agence internationale de l’énergie, explique-t-il, l’écono- mie mondiale devrait investir, d’ici 2050, 1000 milliards de dollars américains chaque an- née dans l’énergie renouvelable, dans l’efficacité énergétique et dans les infrastructures à faibles émissions de carbone, si on veut s’assurer que la température de la planète n’augmente pas de plus de 2 degrés Celsius. » Mais où trouver ce capital de 1000 milliards par année, qu’on nomme maintenant, dans les milieux financiers, le « billion vert » ou le « bil- lion propre » ? Il faudrait, dans un premier temps, un changement dans la mentalité des in- vestisseurs, croit Toby Heaps. « Selon la firme Mercer Investment Consulting, il est aujourd’hui considéré comme prudent pour un actionnaire individuel de transférer 40 % de son portefeuille vers des actions liées à des investissements verts, par exemple dans des entreprises d’énergie de sources renouvelables ou dans des entreprises en- gagées dans le transport collectif. De même, on suggère aux investisseurs institutionnels de faire la même opération de transfert pour 2 % de leurs actifs. Dans les deux cas, l’effort à consentir n’est pas énorme, d’autant plus que ces investisse- ments verts affichent un seuil de rentabilité com- parable aux investissements traditionnels. » Autres mesures économiques vertes Selon Toby Heaps, les investisseurs, qu’ils soient individuels ou institutionnels, ont au- jourd’hui à leur disposition des produits et des outils pour effectuer ce transfert. Au premier chef, il nomme les obligations vertes. « De plus en plus de gouvernements et d’entreprises émet- tent sur le marché obligataire des obligations vertes. Hydro-Québec le fait et la province de l’Ontario s’apprête à le faire. C’est le cas aussi d’entreprises privées comme Toyota et Unilever. Ces obligations rapportent le même taux d’intérêt que les obligations ordinaires. Par contre, contrairement aux obligations ordinaires, les obligations vertes garantissent aux acheteurs que les capitaux ainsi amassés seront uniquement in- vestis dans des projets verts. Par exemple, les obli- gations vertes de l’Ontario serviront à développer le transport collectif et les obligations vertes de Toyota sont investies dans la recherche pour améliorer la voiture électrique. » Une autre stratégie que peuvent emprunter les investisseurs est de concentrer une part de leurs investissements sur le marché boursier dans des actions d’entreprises à faibles émis- sions de carbone. « Déjà, pour aider l’investis- seur à s’y retrouver, l’indice TSX de la Bourse de Toronto a mis en place un nouvel indice qui tient compte des émissions de carbone. Ainsi, les entreprises performantes à cet égard reçoivent une meilleure cote que celle attribuée aux entre- prises moins performantes. » Les investisseurs institutionnels, qui ont tous dans leur portefeuille d’importants inves- tissements dans l’immobilier, devraient aussi revoir leur pratique dans ce secteur. « Nous suggérons que ces investisseurs institutionnels commencent d’abord par tenir compte de l’effica- cité énergétique des immeubles dans lesquels ils investissent, pour ensuite investir une partie de ce portefeuille dans des immeubles écoresponsa- bles. C’est d’ailleurs ce qu’a choisi de faire Cal- Pers, le fonds d’investissement des employés pu- blics de la Californie. » Toby Heaps souhaite aussi que les établisse- ments prêteurs augmentent considérablement les prêts consentis aux entreprises vertes. «Il y a là maintenant d’excellentes occasions d’affaires, sans compter que plusieurs des entreprises enga- gées dans l’économie verte sont des coopératives. » Le rôle des coopératives Et on revient au rôle que peuvent jouer les coopératives dans cette transformation de l’économie capitaliste. Selon Toby Heaps, il y a deux raisons pour lesquelles les coopéra- tives peuvent ici faire une différence. La pre- mière, c’est leur philosophie. « Les coopéra- tives, avec leur structure de type un membre un vote, sont plus ouvertes à ce genre d’idée. En- suite, comme elles ne sont pas inscrites en Bourse, elles ne sont pas assujetties aux diktats du marché boursier. De plus, elles ne visent pas uniquement le rendement à court terme et peu- vent donc mieux envisager des stratégies d’in- vestissement à long terme. » La seconde raison, c’est leur taille. « Les coo- pératives financières dans le monde gèrent des actifs d’environ 10 000 milliards de dollars amé- ricains. Et c’est sans compter les milliers de mil- liards en actifs que détiennent les coopératives œuvrant dans d’autres secteurs. Il s’agit là de très importants actifs. Par exemple, on suggère aux coopératives de commencer par transférer vers des investissements verts environ un demi-point de pourcentage, pour atteindre en 2017 la pro- portion de 5 %. Si on fait le calcul, 5 % de 10 000 milliards, ce sont 500 milliards, soit la moitié des 1000 milliards verts qu’on doit investir chaque année. » Selon Toby Heaps, la stratégie pour recueillir ces 1000 milliards verts commence d’abord par la prise de conscience des investisseurs de l’empreinte écologique de leurs investisse- ments. «L’Engagement de Montréal sur le car- bone, qui vient d’avoir lieu, est un premier pas dans cette direction. » Le second élément de cette stratégie consiste à mettre en place un plan visant à convertir 5 % des actifs en investis- sements verts. « Et c’est justement ici que les coopératives ont un rôle stratégique à jouer. En commençant dès aujourd’hui à convertir leurs actifs en investissements verts, et grâce à la taille de leurs actifs. Les coopératives peuvent enclen- cher le bal et produire un effet d’entraînement sur le marché financier.» Collaborateur Le Devoir Les coopératives, fer de lance de l’économie verte AARON VINCENT ELKAIM LA PRESSE CANADIENNE La Bourse de Toronto a mis en place un nouvel indice tenant compte des émissions de carbone pour guider les investisseurs vers des actions d’entreprises à faibles émissions de carbonne JACQUES NADEAU LE DEVOIR La ville de Québec accueillera la deuxième édition du Sommet international des coopératives, du 6 au 9 octobre.

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COOPÉRATIVESSOMMET INTERNATIONAL DES COOPÉRATIVES

C A H I E R T H É M A T I Q U E C › L E D E V O I R , L E J E U D I 2 O C T O B R E 2 0 1 4

Plaidoyer pour uneéconomie sociale et solidairePage C 6

Rendez-vous de laChaire de rechercheen développementdes collectivités Pages C 4 à C 8

Au cœur de l’enseignement supérieurwww.fideseducation.ca

F I D E S ÉDUCATION

Manon Lafl amme

Tout ce qu’il faut savoir pour réussir son projet d’intervention communautaire

P I E R R E V A L L É E

P our af fronter les nouveaux défis quimenacent la planète, l’économie capi-taliste, telle qu’on la pratique au-jourd’hui, n’a pas d’autre choix que

de se réformer. Et les coopératives, en parti-culier les coopératives financières, pour-raient être le fer de lance de cette transfor-mation du capitalisme.

C’est ce qu’avance Toby Heaps, président-di-recteur général et cofondateur de l’entreprisetorontoise Corporate Knights, éditrice d’un ma-gazine sur l’économie ver te et égalementagence de notation écologique. Il viendra pré-senter une étude à ce sujet, réalisée par Corpo-rate Knights, dans le cadre d’un forum au Som-met international des coopératives.

Commençons d’abord par mettre la table.Quels sont ces nouveaux défis ? «Selon l’Agenceinternationale de l’énergie, explique-t-il, l’écono-mie mondiale devrait investir, d’ici 2050,1000 milliards de dollars américains chaque an-née dans l’énergie renouvelable, dans l’ef ficacitéénergétique et dans les infrastructures à faiblesémissions de carbone, si on veut s’assurer que latempérature de la planète n’augmente pas deplus de 2 degrés Celsius. »

Mais où trouver ce capital de 1000 milliardspar année, qu’on nomme maintenant, dans lesmilieux financiers, le « billion vert » ou le « bil-lion propre » ? Il faudrait, dans un premiertemps, un changement dans la mentalité des in-vestisseurs, croit Toby Heaps. « Selon la firmeMercer Investment Consulting, il est aujourd’huiconsidéré comme prudent pour un actionnaireindividuel de transférer 40% de son portefeuillevers des actions liées à des investissements verts,par exemple dans des entreprises d’énergie desources renouvelables ou dans des entreprises en-gagées dans le transport collectif. De même, onsuggère aux investisseurs institutionnels de faire

la même opération de transfert pour 2% de leursactifs. Dans les deux cas, l’ef fort à consentir n’estpas énorme, d’autant plus que ces investisse-ments verts affichent un seuil de rentabilité com-parable aux investissements traditionnels. »

Autres mesures économiques vertesSelon Toby Heaps, les investisseurs, qu’ils

soient individuels ou institutionnels, ont au-jourd’hui à leur disposition des produits et desoutils pour effectuer ce transfert. Au premierchef, il nomme les obligations vertes. «De plusen plus de gouvernements et d’entreprises émet-tent sur le marché obligataire des obligationsver tes. Hydro-Québec le fait et la province del’Ontario s’apprête à le faire. C’est le cas aussid’entreprises privées comme Toyota et Unilever.Ces obligations rapportent le même taux d’intérêtque les obligations ordinaires. Par contre,

contrairement aux obligations ordinaires, lesobligations vertes garantissent aux acheteurs queles capitaux ainsi amassés seront uniquement in-vestis dans des projets verts. Par exemple, les obli-gations vertes de l’Ontario serviront à développerle transport collectif et les obligations vertes deToyota sont investies dans la recherche pouraméliorer la voiture électrique. »

Une autre stratégie que peuvent emprunterles investisseurs est de concentrer une part deleurs investissements sur le marché boursierdans des actions d’entreprises à faibles émis-sions de carbone. « Déjà, pour aider l’investis-seur à s’y retrouver, l’indice TSX de la Bourse deToronto a mis en place un nouvel indice quitient compte des émissions de carbone. Ainsi, lesentreprises per formantes à cet égard reçoiventune meilleure cote que celle attribuée aux entre-prises moins performantes. »

Les investisseurs institutionnels, qui onttous dans leur portefeuille d’importants inves-tissements dans l’immobilier, devraient aussirevoir leur pratique dans ce secteur. « Noussuggérons que ces investisseurs institutionnelscommencent d’abord par tenir compte de l’ef fica-cité énergétique des immeubles dans lesquels ilsinvestissent, pour ensuite investir une partie dece portefeuille dans des immeubles écoresponsa-bles. C’est d’ailleurs ce qu’a choisi de faire Cal-Pers, le fonds d’investissement des employés pu-blics de la Californie. »

Toby Heaps souhaite aussi que les établisse-ments prêteurs augmentent considérablementles prêts consentis aux entreprises vertes. «Il ya là maintenant d’excellentes occasions d’affaires,sans compter que plusieurs des entreprises enga-gées dans l’économie verte sont des coopératives.»

Le rôle des coopérativesEt on revient au rôle que peuvent jouer les

coopératives dans cette transformation del’économie capitaliste. Selon Toby Heaps, il ya deux raisons pour lesquelles les coopéra-

tives peuvent ici faire une différence. La pre-mière, c’est leur philosophie. « Les coopéra-tives, avec leur structure de type un membre unvote, sont plus ouvertes à ce genre d’idée. En-suite, comme elles ne sont pas inscrites enBourse, elles ne sont pas assujetties aux diktatsdu marché boursier. De plus, elles ne visent pasuniquement le rendement à court terme et peu-vent donc mieux envisager des stratégies d’in-vestissement à long terme. »

La seconde raison, c’est leur taille. «Les coo-pératives financières dans le monde gèrent desactifs d’environ 10000 milliards de dollars amé-ricains. Et c’est sans compter les milliers de mil-liards en actifs que détiennent les coopérativesœuvrant dans d’autres secteurs. Il s’agit là de trèsimportants actifs. Par exemple, on suggère auxcoopératives de commencer par transférer versdes investissements verts environ un demi-pointde pourcentage, pour atteindre en 2017 la pro-portion de 5%. Si on fait le calcul, 5% de 10000milliards, ce sont 500 milliards, soit la moitiédes 1000 milliards ver ts qu’on doit investirchaque année. »

Selon Toby Heaps, la stratégie pour recueillirces 1000 milliards verts commence d’abord parla prise de conscience des investisseurs del’empreinte écologique de leurs investisse-ments. « L’Engagement de Montréal sur le car-bone, qui vient d’avoir lieu, est un premier pasdans cette direction. » Le second élément decette stratégie consiste à mettre en place unplan visant à convertir 5% des actifs en investis-sements verts. « Et c’est justement ici que lescoopératives ont un rôle stratégique à jouer. Encommençant dès aujourd’hui à convertir leursactifs en investissements verts, et grâce à la taillede leurs actifs. Les coopératives peuvent enclen-cher le bal et produire un ef fet d’entraînementsur le marché financier. »

CollaborateurLe Devoir

Les coopératives, fer de lance de l’économie verte

AARON VINCENT ELKAIM LA PRESSE CANADIENNE

La Bourse de Toronto a mis en place un nouvelindice tenant compte des émissions de carbonepour guider les investisseurs vers des actionsd’entreprises à faibles émissions de carbonne

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

La ville de Québec accueillera la deuxième édition du Sommet international des coopératives, du 6 au 9 octobre.

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COOPÉRATIVESL E D E V O I R , L E J E U D I 2 O C T O B R E 2 0 1 4C 2

DESJARDINS, CO-HÔTE DU SOMMET INTERNATIONAL DES COOPÉRATIVES

LE POUVOIR D’INNOVERDES COOPÉRATIVES

200CONFÉRENCIERS DE

RENOMMÉE INTERNATIONALE

27ÉTUDES INÉDITES

PROGRAMME JEUNES LEADERS COOPÉRATIFS

QUELQUES CONFÉRENCIERS

POUR TOUT SAVOIR AU QUOTIDIEN,VISITEZ LE WWW.SOMMETINTER.COOP

DAME PAULINE GREENPRÉSIDENTEALLIANCE COOPÉRATIVE INTERNATIONALE

MONIQUE F. LEROUXPRÉSIDENTE ET CHEF DE LA DIRECTIONMOUVEMENT DESJARDINS

JEFFREY SACHSPROFESSEUR ET DIRECTEUR INSTITUT DE LA TERREUNIVERSITÉ COLOMBIA

ROBERT J. SHILLERCO-LAURÉAT, PRIX NOBEL D’ÉCONOMIE 2013 ET PROFESSEUR ÉMÉRITE D’ÉCONOMIEUNIVERSITÉ YALE

RICHARD WILKINSONPROFESSEUR ÉMÉRITEEQUALITY TRUST

AllianceCoopérative Internationale

HÔTES

DU 6 AU 9 OCTOBREAU CENTRE DES CONGRÈS DE QUÉBEC

PETER H. DIAMANDISFONDATEUR ET PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL FONDATION XPRIZE

Les enjeux qui seront abordés au Sommet in-ternational des coopératives, qui se tiendra auCentre des congrès de Québec, du 6 au 9 oc-tobre, sont au cœur de la mouvance sociétaled’ici et d’ailleurs. Radiographie d’un événe-ment qui en sera à sa deuxième mouture.

T H I E R R Y H A R O U N

D eux ans après sa première édition, cesommet, auquel par ticiperont plus de

2500 experts en provenance d’une centaine depays, sera axé sur cinq grands thèmes qui ser-viront de socle à cette grande messe coopéra-tive : soit le développement de l’entreprise coo-pérative et mutualiste, l’économie, le finance-ment et la capitalisation des entreprises, l’em-ploi, la sécurité alimentaire ainsi que les soinsde santé et les services à la personne. Autantde thèmes qui donneront le ton aux déjeuners-conférences, aux différents forums ou encoreaux tables rondes. Et des tables rondes, il y enaura plusieurs, comme celles portant sur lesdéfis de l’économie mondiale dans une pers-pective de prospérité durable, sur le finance-ment (entre nouvelles réglementations et tur-bulences des marchés) ou encore sur l’accèsaux soins de santé.

Nourrir des milliards de gensUne autre, qui est sûrement très attendue,

traitera du défi consistant à nourrir neuf mil-liards de personnes en 2050. La documentationafférente met justement la table pour le débat àvenir : « La chaîne d’approvisionnement alimen-taire a lieu dans un marché de plus en plus in-ternational qui ne dispose que de peu de protec-tion sociale pour les petits exploitants. Le Nordet le Sud vivent cette situation dif féremment,mais se rejoignent lorsque vient le temps deséchanges commerciaux. La marge de manœuvredes producteurs est de plus en plus réduite. Lesystème économique actuel est souvent créateurd’insécurité et d’instabilité alimentaires : spécu-lation sur les terres et sur les aliments, instabi-lité des prix de la matière première et gaspillagedes aliments sont monnaie courante. Tous lesmaillons de la chaîne agroalimentaire, del’agrofourniture, du financement, en passantpar la production, la transformation, la distri-bution, jusqu’à la table du consommateur, sont

touchés. Quelle solution de rechange proposentles coopératives pour réduire l’insécurité duNord et du Sud? Comment peuvent-elles, ensem-ble, limiter l’accaparement des terres et réduirela spéculation ? Comment se préparent-elles pour soutenir l’approvisionnementalimentaire à long terme dans uneperspective de prospérité durable ? »

Des forums et encore desforums

Et les forums inscrits au programmebrossent également large : commentaccroître l’effectif par la réponse auxbesoins des membres ? Comment ac-croître la performance par la sensibili-sation au modèle d’affaires coopératif ?Comment attirer les talents par la ré-munération, la mission et la culture del’entreprise? Quelles sont les solutionscollectives au développement local ? Et qu’enest-il du transfert d’entreprise aux employés par

le modèle d’affaires coopératif ?Mais il est un forum qui interpelle plus parti-

culièrement Monique Leroux, présidente etchef de la direction du Mouvement Desjardins

(l’un des deux partenaires hôtes duSommet, avec l’Alliance coopérativeinternationale), c’est celui qui traiterade la concurrence mondiale, du déve-loppement des filiales et de l’intercoo-pération. C’est que, voilà, ce forumtentera de faire tomber des préjugés.C’est-à-dire ? « En dépit des appa-rences, les coopératives et les mutuellespossèdent un avantage concurrentielsur les entreprises traditionnelles : leurcapacité à se fédérer et à intercoopérerpour répondre aux marchés internatio-naux», lit-on dans la documentation.

«C’est pour moi un volet très impor-tant », fait valoir Mme Leroux. « Écou-

tez, la plupart des coopératives ont pris nais-sance dans les milieux locaux et régionaux. Mais

nous n’avons pas encore complètement exploité lapossibilité qu’on a à intercoopérer entre groupescoopératifs. Par exemple, nous, chez Desjardins,nous avons signé un accord de coopération avecle Crédit mutuel en France qui nous permetd’améliorer l’of fre de services dans le secteur dupaiement et de la monétique », précise Mme Le-roux, qui va d’ailleurs prononcer le discoursd’ouverture du Sommet. Qu’allez-vous dire lorsde votre allocution ? « Je vais parler de certainsdéfis mondiaux, comme celui de l’emploi. Uneétude de la Banque mondiale fait ressortir que600 millions d’emplois doivent être créés [d’ici2030, pour faire face à l’augmentation de la po-pulation]. Je l’ai lu dans Le Devoir [texte del’AFP publié le 10 septembre dernier]. Et, si ceschif fres sont justes et que nous ne serons pas enmesure de relever ce défi, les conséquences sur lasociété seront très importantes. »

Mme Leroux parlera aussi de sécurité ali-mentaire. « C’est un vrai sujet, à mon avis, etce, partout dans le monde. On se dirige vers unepopulation mondiale de 10 milliards de per-sonnes. Mais comment allons-nous nous assurerde la traçabilité de tout ce qu’on va manger ?Comment allons-nous réussir à nourrir de façonadéquate la population ? », se demande-t-elle.Mme Leroux abordera bien évidemment la pré-sence des coopératives dans ces grands en-jeux. « Comment peut-on innover pour répondreà ces besoins ? Et comment peut-on intercoopé-rer ensemble pour y répondre ? », se demandeencore la patronne du Mouvement Desjardins.

Les attentesQuelles sont vos attentes au sor tir de ce

sommet ? « D’avoir été en mesure de faire pro-gresser notre réflexion, voire cer tains engage-ments et défis dont je vous ai parlé. Deuxième-ment, de résumer ces éléments dans une déclara-tion formelle que nous irons porter aux Nationsunies. Troisièmement, d’avoir pu apporter unevaleur ajoutée aux entrepreneurs collectifs, desor te qu’ils deviennent de meilleurs gestion-naires de coopérative. Et, quatrièmement, queces entrepreneurs aient eu au moins une occa-sion d’intercoopérer, au moins une… », lance-t-elle. Les retombées économiques de ce som-met pour la ville de Québec seraient de l’ordrede 15 millions de dollars.

CollaborateurLe Devoir

Le rôle des coopératives dans l’économie mondialeest au cœur des discussions

MICHAËL MONNIER LE DEVOIR

La présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins, Monique Leroux, estime que lescoopératives et les mutuelles possèdent un avantage concurrentiel sur les entreprises traditionnelles.

«Le systèmeéconomiqueactuel estsouventcréateurd’insécurité etd’instabilitéalimentaires»

A S S I A K E T T A N I

S ecrétaire général de l’Or-ganisation internationale

des coopératives de produc-tion industrielles, d’artisanatet de ser vices (CICOPA),Br uno Roelants dresse unconstat positif de l’emploi dansle monde coopératif. Non seu-lement les coopératives of-frent une base d’emploi deplus en plus vaste et impor-tante à l’échelle mondiale,mais elles font aussi preuved’une résilience plus forte qued’autres modèles d’entrepriseen temps de crise.

Le monde coopératif conti-nue d’employer un nombrecroissant de travailleurs : c’estce qui se dégage du Rapportsur les coopératives et l’emploiqui sera présenté le 7 octobreprochain, lors du Sommet in-ternational sur les coopéra-tives. «Nous sommes en mesureau moins de maintenir notreproportion par rapport à la po-pulation active occupée [la po-pulation active moins les chô-meurs]. La tendance est à lahausse », résume Bruno Roe-lants. Dans ce tableau, les sec-

teurs les plus dynamiques sontlogiquement les secteurs nou-veaux, car ils répondent à desbesoins nouveaux. « Tout cequi touche à l’industrie, aux ser-vices et surtout aux services à lacollectivité, comme la santé,l’éducation, les services sociauxet les services écologiques, a ten-dance à être en forte augmenta-tion», précise-t-il.

Quant à savoir s’il faut op-poser le monde coopératif etla productivité, Bruno Roe-lants répond par la négative.« Il existe un rappor t entrel’emploi coopératif tel qu’il estvécu par les gens et l’ef ficacitéentrepreneuriale », soutient-il.Il évoque même un « cerclever tueux » et un « renforce-ment potentiel » entre cesdeux éléments.

Les coopératives disposentégalement d’une force de ré-sistance face aux crises. Uneétude faite en 2012 et intituléeLa résilience du modèle coopé-ratif montre que les coopéra-tives ont tendance à maintenirl’emploi plus de temps et de fa-çon plus résiliente que les au-

L’emploi dans lescoopératives : unemanne d’avenir

VOIR PAGE C 3 : EMPLOI

RÉJEAN MELOCHE

Au Québec, le modèle coopératif contribue à le distinguer de façonimportante du reste du Canada. Avec ses 40000 employés, leMouvement Desjardins est un groupe entrepreneurial de typecoopératif où il y a des assemblées générales entre les caisses.

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COOPÉRATIVESL E D E V O I R , L E J E U D I 2 O C T O B R E 2 0 1 4 C 3

A S S I A K E T T A N I

L’ inégalité économique estun fléau pour la société :

selon Richard Wilkinson,professeur émérite d’épidé-miologie sociale à l’Univer-sité de Nottingham et à l’Uni-versity College de Londres,une société en bonne santéest une société démocra-t ique. Mais, loin de se ré-duire à la sphère politique, ladémocratie doit aussi êtrel ’af faire des entreprises :l’avenir de nos sociétés, et dela planète, en découle.

Auteur du livre L’égalité, c’estla santé, Richard Wilkinson es-time que le prochain grand pro-jet de l’humanité se situe ducôté de l’économie et qu’il esturgent «d’étendre la démocratieà la sphère économique ». Leprofesseur accuse en premierlieu les inégalités salariales,fléau qui gangrène la société àde multiples niveaux. « Danscertaines grosses entreprises, leratio salarial entre le p.-d.g. etun petit employé est de 300,voire 400 contre 1. C’est extrê-mement néfaste : d’un point devue psychosocial, il n’y a pas defaçon plus forte de dire à un panentier de la population qu’il nevaut presque rien. C’est mons-trueux », avance-t-il. De tellesinégalités contribuent à cequ’un sentiment de supériorités’installe en haut de l’échelle,tandis qu’un sentiment d’infé-riorité en ronge le bas.

Or ces inégalités ont desconséquences graves, notam-ment en alimentant uneanxiété permanente et uneobsession du statut social,par ticulièrement chez lesjeunes. « Les inégalités sala-riales af fectent le tissu socialen encourageant la compéti-tion et l’insécurité. » Plus unesociété est inégalitaire, pluscette obsession sociale se faitsentir, jusque dans la façondont ses membres « s’inquiè-tent de la façon dont ils sontperçus et jugés ». Dans les so-ciétés les plus inégalitaires,ces considérations s’immis-cent dans la vie privée : « leshommes et les jeunes femmeschoisissent leur conjoint en ac-cordant une plus grande prio-rité à des considérations finan-cières que dans les sociétés pluségalitaires. L’ensemble du ta-bleau devient dominé par cegenre d’enjeu. »

Et la santé du pays en pâtit.Le professeur fait état de plusde violence, de maladies men-tales, de prison, de gros-sesses précoces ou de toxico-manie dans les sociétés inéga-litaires, et ce, à tous les ni-veaux de l ’échelle sociale.« Nous sommes tous af fectéspar les inégalités, explique-t-il.Réduire les inégalités sala-riales aurait un impact positifsur la qualité de vie de l’en-semble des citoyens. »

Inévitablement, la surimpor-tance du statut social alimentel’engrenage de la surconsom-mation, obstacle majeur au dé-veloppement durable. De plus,la surconsommation a des ef-fets psychologiques non négli-geables. En ef fet, « ceux quipassent le plus de temps à ma-gasiner et qui dépensent trop nesont pas heureux : ils viventdans l’insécurité permanente etnon dans le bien-être». D’autantplus que, pour satisfaire leursaspirations matérielles, cespersonnes auront tendance àtravailler de plus longuesheures, à épargner moins et às’endetter davantage.

C’est donc l’ensemble denotre rappor t à l’économieque nous devons repenser.« Nous devons défaire le pactede surconsommation entre lescompagnies et les consomma-teurs. Les consommateurs ytiennent, car elle est devenuesynonyme de réussite. Les com-pagnies l’encouragent, car ellesveulent faire de plus gros pro-fits. Nous n’avons aucunechance d’avancer vers le déve-loppement durable si l’écono-mie et la société tournent au-tour de la surconsommation. »

À l’échelle mondiale, des so-lutions à court terme existent,affirme-t-il. En premier lieu, ilfaut s’attaquer aux paradis fis-caux et à la fraude fiscale.Mais nous devons surtout pen-ser au « prochain grand projetde l’émancipation humaine » :l’extension de la démocratiedans le milieu du travail. Et lescoopératives sont une bonnepor te d’entrée pour le faire,notamment parce qu’on y faitétat de moins d’inégalités sala-riales. Richard Wilkinson citeégalement la présence d’em-ployés dans les conseils d’ad-ministration et dans les ins-tances décisionnelles des en-

treprises, ainsi que le rachatde compagnies par des em-ployés. «Plusieurs pays de l’Eu-rope de l’Ouest ont légiféré pourexiger qu’il y ait des représen-tants d’employés dans lesconseils d’administration.Mais, à l’exception de payscomme l’Allemagne, ce phéno-mène demeure malheureuse-ment trop léger. Et, dans despays comme l’Angleterre et lesÉtats-Unis, ça n’existe pas dutout. Nous devons nous concen-trer là-dessus. Il faut égalementencourager le développementd’entreprises démocratiques,comme les coopératives. »

Et, contrairement auxidées reçues, une entreprisedémocratique n’est pas for-cément une entreprise enmauvaise santé économique.Au contraire, « les étudesmontrent que les compagnieségalitaires ont une meilleureproductivité, car les condi-tions de travail y sont favora-bles. Lorsque des employés ra-chètent leur compagnie, celle-ci cesse d ’ê tre considéréec o m m e l a p r o p r i é t é d equelqu’un, pour devenir unecommunauté. C’est impor-tant. De nombreuses compa-

gnies s’en sor tiraient mieuxs’il n’y avait pas d’énormesinégalités salariales. »

Mais une telle évolution vanécessiter «des luttes, des lois,des campagnes et des politiquespubliques ». Peine perdue ?Loin de là : aux États-Unis,pourtant au banc des mauvaisélèves, un ou deux États ontimposé une taxe supplémen-taire aux entreprises qui ontde plus grandes inégalités sa-lariales. Les entreprises quiont moins d’inégalités sala-riales bénéficient au contraired’avantages fiscaux. «Nous de-vons aller dans ce sens-là, favo-riser les entreprises plus démo-cratiques et accorder des prêts àdes employés souhaitant rache-ter une entreprise. »

Malheureusement, le mondecontinue d’avancer dans lamauvaise direction. Même lesbons élèves, comme les paysscandinaves et le Japon, per-dent du terrain. «Les pays onttendance à devenir de plus enplus inégalitaires. C’est unegrande perte pour la qualité devie et notre société.»

CollaboratriceLe Devoir

La démocratie passe par l’économietres types d’entreprise, car«elles ont un peu plus d’oxygènedevant une crise ». Elles sont« comme des fourmis : elles onttendance à accumuler du capi-tal. Ainsi, leur ratio capital-dette est généralement plus sainque celui d’autres types d’entre-prise». Grâce à cette autodisci-pline, elles peuvent se retour-ner plus facilement et prendredes décisions drastiquesquand c’est nécessaire. «Dansnos coopératives de travail, il ya eu des assemblées généralesfaites une semaine après lachute de Lehman Brothers. Lestravailleurs membres des coopé-ratives ont décidé de diminuerleur salaire de 10 % pendantquelques mois, le temps que lacrise passe. »

Une décision « immédiate,rapide et légitime » qui estdif ficile à imaginer dans uneentreprise classique, où elleaurait fait l’objet de débatsentre syndicats et patrons.« Le fait que les tra-vailleurs sont aussipatrons permet deprendre des décisionstrès rapidement. »

Autre facteur derési l ience : le pou-voir de se regrou-p e r . E n e f f e t , àl ’exemple du Mou-vement Desjardins,qui rassemble 400b a n q u e s , o u d ugroupe Mondragonen Espagne, la capacité de seregrouper permet de gagneren force et de pouvoir luttercontre le chômage dans desmoments dif f ici les. « Legroupe Mondragon arrive àredistribuer les travailleursdans d’autres coopérativeslorsqu’une coopérative a unexcès de main-d’œuvre au mo-ment d’une crise. Ce groupecoopérati f n ’a jamais misquelqu’un à la por te, dumoins parmi les travailleursmembres. Ce sont plusieurs di-zaines de mill iers de per-sonnes qui n’ont jamais connule chômage. »

Par ailleurs, on note queles coopératives contribuentlargement à formaliser l’em-ploi et qu’elles ont joué de-puis le XIXe siècle un rôlefondamental de ce côté. « Au-jourd’hui, on s’aperçoit que,dans des secteurs très por tésp a r l e s e c t e u r i n f o r m e l ,comme la construction, oùbeaucoup de choses ne sontpas très claires sur le plan dela formalité de l’emploi, lescoopératives ont tendance à

être le plus réglementairespossible, à cause du statut deleurs travailleurs. C’est unetendance for te, qui est extrê-mement impor tante sur leplan de l’évolution de l’emploidans le monde. »

Au Québec, le modèle coo-pératif contribue à le distin-guer de façon importante dureste du Canada. En effet, avecses 40000 employés, le Mouve-ment Desjardins est un«groupe entrepreneurial de typecoopératif où il y a des assem-blées générales entre lescaisses», obéissant à une «gou-vernance complexe entre entre-prises qui est tout à fait origi-nale ». Bruno Roelants parled’une « expérience québécoiseabsolument fondamentale», quipermet au groupe Desjardinsd’être «beaucoup plus fort queles credit unions dans le Ca-nada anglophone et aux États-Unis ». Le deuxième grandavantage du Québec par rap-port au reste du Canada, selonBruno Roelants, est le fait que,en cas de dissolution, per-sonne ne peut mettre la mainsur les réserves accumuléespar les coopératives et les re-

distribuer entre lesmembres. «Elles doi-vent forcément êtreutilisées pour dévelop-per le mouvement coo-pératif. Les membresdes coopératives nepeuvent donc pas tireravantage de ces ré-serves en liquidant lacoopérative et en es-sayant d’avoir chacunune part du gâteau, cequi est possible dans

beaucoup de pays du monde etdans le reste du Canada. » Se-lon lui, cela expliquerait enpar tie le fait que le bassind’emploi coopératif est plusgrand au Québec que dans lereste du Canada, notammentdans le secteur de l’industrie etdes ser vices. « C’est quelquechose de fondamental que leQuébec a réussi à mettre enplace, qui contraste avec les au-tres provinces. Il y a beaucoupplus de densité de coopérativesde travail et nous considéronsqu’il y a un rapport. »

Le Rapport mondial sur lescoopératives et l’emploi présen-tera l’état des connaissancessur l’emploi dans les coopéra-tives dans le monde à traversune approche à la fois quantita-tive et qualitative. Il a été ré-digé à la suite d’une étude me-née dans dix régions : en Ar-gentine, au Brésil, au Québec,aux États-Unis, en Afrique duSud, au Japon, en Corée, enInde, en Italie et en Espagne.

CollaboratriceLe Devoir

SUITE DE LA PAGE C 2

EMPLOI

Transition écologique et solidarité internationale :Deux des principaux défis de la prochaine décennie pour les coopératives

Pour prendre connaissance du programme et pour s’inscrirew3.uqo.ca/crdc

UN RENDEZ-VOUS INTERNATIONAL LE 6 OCTOBRE À QUÉBEC

www.caissesolidaire.coop/ www.upadi-agri.org/ w3.uqo.ca/crdc www.fondssolidaritesud.org/

www.irec.net

TRANSITION ÉCOLOGIQUE DE L’ÉCONOMIE

Au coeur des travaux de l’IRÉC

L’Institut de recherche en économie contemporaine a mis en place un auda-cieux programme de recherche centré sur le renouvellement du modèle

économique québécois et sur les défis que posent les mutations contemporaines. Il rejoint les réflexions d’un important courant

au sien de différents mouvements de la société civile (coopé-ratif, économie sociale, syndical, coopération internationale)

pour la transition écologique de l’économie, transition rendue nécessaire par les effets des changements

climatiques et un éventuel changement de base énergétique.

Confrontée comme toutes les autres économies à d’importants défis de reconfiguration de son

appareil de production, de réfection de ses réseaux de distribution et d’échanges de même qu’à une révision

en profondeur de ses modes d’occupation du territoire et ses stratégies de développement local et régional, l’économie du Québec

est particulièrement bien positionnée non seulement pour réussir cette transition, mais encore et surtout pour se tailler une place enviable parmi les

économies porteuses des innovations qui définiront les conditions de prospérité et de compétitivité pour les décennies à venir.

L’IRÉC a identifié trois enjeux majeurs pouvant servir de base à des propositions concrètes qui peuvent faire l’objet d’interventions aussi bien à court qu’à moyen et

long terme : • L’électrification du transport; • L’efficacité énergétique et le dévelop-pement immobilier; • Le développement de la filière biomasse.

Quelques uns des travaux de l’IRÉC : Stratégie pour une grappe de mobilité durable; Habitation durable et rénovation énergétique; Indépendance énergétique et reconversion industrielle.

INSTITUT DE RECHERCHE EN ÉCONOMIE CONTEMPORAINE

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

«Nous n’avons aucune chance d’avancer vers le développement durable si l’économie et la sociététournent autour de la surconsommation», estime le professeur d’épidémiologie Richard Wilkinson.Le monde

coopératifcontinued’employer unnombrecroissant detravailleurs

COURTOISIE BRUNO ROELANTS

Le secrétaire général de l’Organisation internationale descoopératives de production industrielles, d’artisanat et de services(CICOPA), Bruno Roelants

Page 4: COOPÉRATIVES - UQO

COOPÉRATIVESL E D E V O I R , L E J E U D I 2 O C T O B R E 2 0 1 4C 4

En 2012, l’Union des producteurs agricoles (UPA) du Qué-bec et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation etl’agriculture (FAO) ont signé un mémorandum. L’objectif :promouvoir le développement de l’agriculture familiale. Lepoint sur cette collaboration et ses défis, avec André Beau-doin, secrétaire général de l’UPA Développement internatio-nal (UPA-DI).

L’agriculturefamiliale

C L A U D E L A F L E U R

L undi prochain, la Chaire de recherche duCanada en développement des collectivités

organisera un rendez-vous international dans lecadre de la deuxième édition du Sommet inter-national des coopératives. Ce « rendez-vous »d’une journée porte pour titre «Transition éco-logique et solidarité internationale : quellespriorités pour la prochaine décennie ? ». On yprésentera quatre tables rondes sur l’agricul-ture durable, la transition énergétique, la fi-nance solidaire et les Objectifs du millénaireaprès 2015.

«Le diagnostic que nous posons, c’est que, dansle mouvement coopératif, il y a eu des avancéessubstantielles au cours de la dernière décennie,mais que la notion de développement durablen’est pas assez prise en compte», rapporte LouisFavreau, titulaire de la Chaire de recherche duCanada en développement des collectivités(CRDC) et professeur au Département de tra-vail social et de sciences sociales de l’Univer-sité du Québec en Outaouais.

« Et nous pensons que nous sommes dans unmoment favorable d’écoute du mouvement coopé-ratif en regard avec le développement durable,estime le chercheur et coorganisateur du ren-dez-vous. C’est le bon moment d’enfoncer davan-tage “ le clou” ! », dit-il en riant.

L’agriculture durable pour nourrirl’humanité !

La chaire que dirige M. Favreau étudie de-puis une vingtaine d’années le développement

des collectivités, notamment la façon dont la dé-mocratie évolue dans les quartiers des villes et,en région, dans les villages. « Nous avonsd’abord travaillé sur le développement des collec-tivités au Québec, mais, depuis sept ou huit ans,nous étudions davantage le développement descollectivités dans les pays du Sud, précise lechercheur. Nous analysons également les parte-nariats entre le Nord et le Sud, particulièremententre le Québec et les pays du Sud.»

Or il estime que le développement durable nepréoccupe pas suffisamment le mouvement coo-pératif. «Ce n’est pas une priorité assez forte, mêmes’il y a eu de grands pas en avant», commente-t-il.

Pour illustrer ce qu’on entend par développe-ment durable en ce domaine, Louis Favreaucite le bel exemple de Nutrinor, une coopéra-tive présente dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean qui appartient à plus de 1200 produc-teurs agricoles et qui distribue sa gamme deproduits laitiers à l’échelle planétaire. Or cettecoopérative s’est dotée d’une politique de déve-loppement durable qui a fait remplacer le trans-port par camion par le train, «ce qui n’est tout demême pas banal ! », souligne au passage M. Fa-vreau. De même, tous les bâtiments de Nutri-nor sont chauffés avec de la biomasse et nonplus du mazout. «Nutrinor a passé des contratsavec trois coopératives forestières afin d’utiliserleurs résidus de bois transformés en biomasse »,précise le chercheur, admiratif.

Cet exemple illustre d’ailleurs à merveilleles deux premiers thèmes du rendez-vous or-ganisé par la CRDC : l’agriculture viable et du-rable, ainsi que la transition énergétique. « Ce

sont incidemment les deux principaux volets dela crise écologique, soit l’axe agriculture-alimen-tation et l’axe énergie-climat, fait remarquerLouis Favreau. En fin de compte, l’enjeu donton parlera sera l’agriculture durable pour nour-rir l’humanité ! »

L’après-midi sera consacré au développementd’une économie solidaire, poursuit Louis Fa-vreau. En particulier, on mettra de l’avant unnouveau concept en matière de coopération in-ternationale en lançant l’idée d’un fonds d’éco-nomie solidaire.

«Un peu à la manière des fonds de travailleurs[tels le Fonds de solidarité de la FTQ et Fon-daction de la CSN], il s’agirait de mettre surpied un fonds d’investissement pour aider les col-lectivités du Sud à se développer » expliqueM. Favreau.

« Il s’agirait, pour les organismes de coopéra-tion internationale, les coopératives, les syndi-cats, etc., de s’inscrire dans une nouvelle dyna-mique, celle des prêts et des garanties de prêt »précise-t-il. Ce fonds appuierait donc les organi-sations locales de travailleurs, les coopérativeset d’autres regroupements communautairesdans leur développement en leur prêtant lessommes nécessaires.

«Et il ne s’agirait pas d’une entreprise à fondsperdus, ajoute M. Favreau, au contraire, même.Il s’agirait d’aider les petites et moyennes entre-prises coopératives du Sud à se développer, de lamême manière que les fonds de travailleurs ai-dent nos PME.»

Déjà, un peu partout sur la planète, les syndi-cats aident les travailleurs à s’organiser en coo-

pératives et à développer des réseaux, ou encoredes agriculteurs à commercialiser leurs produitsen coopération. « Et c’est là qu’intervient la fi-nance solidaire, poursuit Louis Favreau, c’est-à-dire qu’on n’est plus seulement dans le microcré-dit, mais plutôt dans les prêts pour soutenir les pe-tites et moyennes entreprises du Sud.»

L’idée est nouvelle, indique-t-il, puisqu’elle aété lancée ce printemps par l’économisteClaude Dorion, coordonnateur de Développe-ment solidaire international (DSI), qui of fredéjà une expertise technique de coopération enmatière de finances et de services-conseils àl’échelle internationale. Celui-ci a proposé sonprojet lors de l’assemblée générale de l’Associa-tion québécoise des organismes de coopérationinternationale (AQOCI), qui regroupe 70 orga-nismes de coopération. Or l’AQOCI soutient leprojet de financement solidaire, et le rendez-vous de lundi marquera un pas de plus en in-cluant la participation de représentants d’im-portantes organisations françaises, dont Domi-nique Lesaffre, président d’INAISE, et HuguesSibille, vice-président du Crédit coopératif.

Louis Favreau se dit d’ailleurs convaincu quela centaine de participants au rendez-vous enté-rineront avec enthousiasme ce projet. «La tran-sition écologique de l’économie n’est pas qu’unenjeu local, mais bien un enjeu planétaire, dit-il.C’est donc dire que la solidarité internationaledoit s’intensifier et, par conséquent, qu’elle doitêtre reconfigurée. »

CollaborateurLe Devoir

6E RENDEZ-VOUS DE LA CHAIRE DE RECHERCHE EN DÉVELOPPEMENT DES COLLECTIVITÉS

Organiser la transition écologique de l’économie

PEDRO RUIZ LE DEVOIR

Une des tables rondes du Rendez-vous de la Chaire de recherche en développement des collectivités soulèvera la question de l’agriculture durable.

É T I E N N E P L A M O N D O NÉ M O N D

L e partenariat entre la FAOet l’UPA a été scellé il y a à

peine deux ans. Déjà, plu-sieurs mesures concrètes ontété mises de l’avant dans le ca-dre de cette collaboration.Elles visent surtout à amélio-rer la sécurité alimentaire depays africains. Un programme,nommé CoOPéquité, a été misen place au Niger afin de pro-mouvoir la gouvernance etl’équité au sein des organisa-tions de producteurs et des or-ganismes ruraux. Axé sur lerenforcement des capacités,ce programme appuie aussi legouvernement dans son initia-tive des 3N, qui signifie « LesNigériens nourrissent les Nigé-riens ». « On travaille avec desorganisations pour bien fairecomprendre le rôle des organi-sations paysannes et de l’agri-culture familiale dans ce plangouvernemental », explique An-dré Beaudoin en entrevue télé-

phonique. Dans quatre paysdu Maghreb, soit l’Algérie, leMaroc, la Tunisie et la Mauri-tanie, des activités et des for-mations sont élaborées pourdes organisations présentesdans les domaines de l’apicul-ture, de l’élevage de petits ru-minants et de la pêche artisa-nale. Au Burkina Faso, l’exper-tise de l’UPA-DI a été sollicitéepar la FAO pour permettre auxagriculteurs dans la filière dutournesol de s’engager dans lemarché.

«On est convaincu que l’agri-culture familiale a une placefondamentale dans la sécuritéalimentaire mondiale , ditM. Beaudoin. Pour qu’ellepuisse émerger, cette agricul-ture a besoin de services quidoivent être offerts par les orga-nisations paysannes et les orga-nisations professionnelles deproducteurs et de productricesagricoles. »

Si plusieurs activités sont

VOIR PAGE C 5: AGRICULTURE

Page 5: COOPÉRATIVES - UQO

COOPÉRATIVESL E D E V O I R , L E J E U D I 2 O C T O B R E 2 0 1 4 C 5

Appui à la création et au déve-loppement d’entreprises et decoopératives grâce à des ser-vices professionnels de hautequalité et adaptés aux valeursde l’économie sociale.

Les expertsen gestion au service

des coopératives

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Confronté à l’augmentation impor tante duprix du pétrole et à la nécessité de réduireses émissions de gaz à ef fet de serre, le Qué-bec devra, pour rester concurrentiel et attein-dre ses objectifs de lutte contre les change-ments climatiques, diminuer sa consomma-tion d’énergie de sources fossiles au coursdes prochaines années. Comment y parvenir ?Robert Laplante, directeur général de l’Insti-tut de recherche en économie contemporaine(IREC), et Normand Mousseau, professeur dephysique à l’Université de Montréal (UdeM)et coprésident de la Commission sur les en-jeux énergétiques du Québec, se prononcentsur le sujet dans le cadre du Sommet interna-tional des coopératives.

É M I L I E C O R R I V E A U

A u Québec, la production d’énergie desources renouvelables permet de combler

près de la moitié des besoins énergétiques de laprovince. Parmi elles, on compte notammentl’hydroélectricité, mais également la biomasse,le biogaz ainsi que les énergies solaire et éo-lienne. Grâce à sa capacité de production mas-sive, le Québec dispose d’importants surplusd’énergie de sources propres et peu coûteuses,ce qui le place dans une situation enviable sur leplan de la sécurité énergétique. «Il y a très peude sociétés au monde qui aient un portefeuilleénergétique aussi avantageux», note M. Laplante.

Là où le bât blesse, c’est que les Québécoisfigurent parmi les plus grands consommateursd’énergie au monde, avec une utilisationmoyenne de près de cinq tonnes équivalent pé-trole (tep) par habitant. Les secteurs de l’in-dustrie et des transports sont ceux d’où éma-nent les plus grandes demandes en énergie.Or ils sont aussi ceux qui dépendant le plus

des hydrocarbures. Ainsi, malgré son impor-tante production d’énergie de sources renou-velables, le Québec dépend à plus de 50 % dupétrole et du gaz naturel pour satisfaire ses be-soins en énergie.

N’étant pas un producteur d’hydrocarburesfossiles, le Québec doit importer la part qu’ilconsomme ou transforme sur son territoire.Or cela coûte cher. « Notre consommationd’énergie de sources fossiles a d’ores et déjà com-mencé à nous appauvrir sérieusement. Ça désta-bilise considérablement notre balance commer-ciale et, bien entendu, ce flux monétaire de 14ou 15 milliards qui sort du Québec chaque an-née a un impact sournois et insidieux sur notrecompétitivité et sur notre capacité à nous ins-crire dans les échanges économiques », précise ledirecteur de l’IREC.

Vers une meilleure maîtrise de l’énergieD’après M. Mousseau et M. Laplante, avec

son riche portefeuille énergétique, le Québec atout ce qu’il faut pour se défaire de sa dépen-dance envers les sources d’énergie fossiles.Toutefois, comme la province est déjà bien en-

gagée dans le chemin du « mal-développe-ment », les spécialistes estiment qu’elle devrarapidement poser des actions structurantes sielle désire réellement s’inscrire dans un para-digme de maîtrise de l’énergie et de consom-mation durable.

«Ce qu’il faut comprendre, c’est que des pistesde solution faciles, il n’y en a pas au Québec,souligne M. Mousseau. Partout dans le monde,on s’ef force de diminuer la dépendance aux hy-drocarbures fossiles en réduisant leur proportiondans l’électricité. Ici, ça ne ser t pas à grand-chose d’agir sur l’électricité, parce qu’elle estdéjà à 99,7% renouvelable. Ce qu’il nous reste àfaire, c’est d’agir de façon importante et structu-rée sur les secteurs où notre utilisation de l’éner-

gie est déficiente. »Pour M. Mousseau, cela implique notamment

une importante révision de nos façons de faire enmatière d’aménagement du territoire. À son avis,il faut dès maintenant se mettre à le développerde façon plus intelligente, en rabattant notam-ment la population vers certains grands axes, etimplanter des structures qui permettront uneréelle efficacité du transport en commun.

M. Laplante, lui, croit qu’une action globaled’électrification du transport collectif repré-sente une avenue particulièrement intéressantepour le Québec. « Si nous voulons être sérieuxdans notre démarche, il faut investir massive-ment du côté de l’électrification du transport col-lectif. Pourquoi ? Parce que cette action globalepeut avoir un ef fet direct sur notre structure in-dustrielle », relève-t-il.

Les deux spécialistes jugent également né-cessaire que le Québec adopte une approcheplus globale de l’exploitation de ses ressourcesénergétiques, afin d’assurer des retombées op-timales pour l’ensemble de sa population.

M. Laplante et M. Mousseau se retrouve-ront à Québec le 6 octobre prochain pour trai-ter de la question, à l’occasion du Sommet in-ternational des coopératives. En compagniede M. François L’Italien, chercheur à l’IREC,et de M. Stéphane Labranche, politologue al’Institut d’études politiques de Grenoble, ilspar ticiperont à une table ronde intitulée« La transition énergétique de l’économie :comment sortir des énergies fossiles ».

CollaboratriceLe Devoir

6E RENDEZ-VOUS DE LA CHAIRE DE RECHERCHE EN DÉVELOPPEMENT DES COLLECTIVITÉS

Comment sortir le Québec des sources d’énergie fossiles?

JACQUES GRENIER LE DEVOIR

L’industrie québécoise pourrait par exemple faire un plus grand usage de l’abondante biomasseforestière qui peut être transformée en biocarburants.

amorcées, démontrer l ’ im-portance et la pertinence del’agriculture familiale dans laréponse à l’insécurité alimen-taire reste un défi de taille,juge M. Beaudoin. « Le prin-cipal obstacle, c’est le para-digme qui est ancré dans l’es-prit de beaucoup de décideursselon lequel c’est l’agricultureindustrielle qui est la mieuxplacée pour produire des vo-lumes à peu de frais pournourrir le monde […]. Il fautfaire comprendre qu’on estdans la mauvaise directionlorsque le système alimentairerepose uniquement sur l’agri-culture industrielle. »

Alors que l’Année internatio-nale de l’agriculture familiale,telle que désignée par les Na-tions unies, s’achève, la balleest dans le camp du mondeagricole, croit M. Beaudoin.« Fort de ces discussions et decette prise de conscience, il fautcontinuer d’informer les déci-deurs du monde pour qu’ongarde le cap sur ce type d’agri-culture, en sachant que, sansque les projecteurs s’éteignent, lalumière sera plus tamisée dansles prochaines années pour fairevaloir ce point de vue. » Selonlui, les changements clima-tiques, les conflits armés dansdes zones agricoles et la spécu-lation sur les denrées alimen-taires font «qu’on ne peut plusfermer les yeux» sur les autresfaçons de faire de l’agriculture,dont l’agriculture familiale.

Une question d’accèsAndré Beaudoin soulève un

autre enjeu majeur auquel de-vra répondre l’UPA-DI dansson travail avec la FAO : celui

de mettre à la disposition desorganisations de producteursagricoles les moyens, tech-niques ou financiers, et les mé-canismes nécessaires pouraméliorer leur capacité d’agir.« Pour rivaliser avec l’agricul-ture industrielle, l’agriculturefamiliale a un problème d’ac-cès, ajoute M. Beaudoin. Onparle d’abord de l’accès à laconnaissance. Les Monsanto dece monde ont beaucoup plus demoyens pour accéder aux résul-tats des recherches, qu’ils fonteux-mêmes, alors que ce n’estpas à la portée d’une organisa-tion paysanne. L’accès à laconnaissance et à la recherchedoit donc passer par des struc-tures gouvernementales et pa-ragouvernementales. Ce qui estun défi. » Il souligne aussi lesenjeux de l’accès à des in-trants agricoles de qualité,tout comme celui de l’accès aufinancement. « Il est actuelle-ment beaucoup plus facile pour

les grands groupes, que ce soitdes fonds de placement ou desentreprises privées d’envergure,d’accaparer des terres que ce nel’est pour de petits produc-teurs. » Il ajoute l’importanced’accéder ensuite au marché.« Tous ces mécanismes d’accèssont absolument essentiels pourque l’agriculture familialepuisse jouer son rôle. »

Comme les moyens de plu-sieurs petits producteurs agri-coles du monde s’avèrent limi-tés, M. Beaudoin croit que lesregroupements et les organi-sations professionnelles peu-vent «permettre à l’agriculturefamiliale d’évoluer à côté desautres types d’agriculture».

Présence au SommetL’agriculture familiale aura

droit à son forum, le 9 octobreprochain à Québec, dans le ca-dre du Sommet internationaldes coopératives. L’agricul-ture, dans son sens large, seraau cœur de plusieurs autres ta-bles rondes et présentations.André Beaudoin, aussi mem-bre du comité de validation duSommet, explique que d’y sou-ligner cet enjeu permettra de« faire prendre conscience aumouvement coopératif qu’il aun rôle à jouer, au même titreque les autres acteurs de la so-ciété civile, pour faire évoluerles mentalités sur ces questionsfondamentales ». Bien qu’ilconsidère que la promotion etle développement des multi-ples formes d’agriculture nepeuvent relever de la respon-sabilité d’un seul acteur, ilcroit que le mouvement coopé-ratif peut jouer « un rôle assezdéterminant, puisqu’il est toutde même assez bien ancré, par-tout dans le monde, dans le sec-teur agricole et rural ».

CollaborateurLe Devoir

SUITE DE LA PAGE C 4

AGRICULTURE

UPA-DI

André Beaudoin, secrétairegénéral de l’UPA Développementinternational (UPA-DI)

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COOPÉRATIVESL E D E V O I R , L E J E U D I 2 O C T O B R E 2 0 1 4C 6

6E RENDEZ-VOUS DE LA CHAIRE DE RECHERCHE ET DE DÉVELOPPEMENT DES COLLECTIVITÉS

Plaider pour une économie à caractère social et solidaire

T H I E R R Y H A R O U N

E n marge de la toute der-nière Assemblée générale

des Nations unies, les RMBont organisé, le 22 septembredernier, la première réuniondu groupe-pilote internationalde l’économie sociale et soli-daire. Deux grands thèmesont ponctué cette rencontre,soit le développement de

l’ÉSS dans le monde et le sou-tien à la création et au déve-loppement d’entreprises dansce secteur à l’échelle plané-taire, notamment par l’entre-mise de la question desformes de financement. Gé-rald Larose en revient d’ail-leurs avec des idées plein latête et des convictions bien as-sises. « À la suite de cette pre-mière rencontre, on va souhai-

ter qu’il y ait davantage d’Étatset d’ONG qui seront autour dela table, de sor te que l’écono-mie sociale et solidaire occupesur le plan politique » la placequi lui revient surl’échiquier mondial,fait-il valoir.

Il précise que l’ÉSScompte pour environ10 % du PIB mondial.Si, à l’échelle écono-mique, cette filièrefait son chemin, il enreste encore beau-coup à faire sur leplan politique. «Politi-quement, il faut le dire, l’écono-mie sociale est très méconnue.C’est peu pris en compte et lecontexte actuel nous oblige à dé-multiplier nos démarches pourfaire en sorte que la voix de cesecteur se fasse entendre partout

sur la planète.»Ce groupe-pilote vise notam-

ment à promouvoir l’ÉSS et à ac-croître la prise en compte de cemodèle économique dans la

mise en œuvre despolitiques publiques.De manière concrète,c’est une plateformecomposée d’États (laFrance, le Maroc, leLuxembourg, l’Équa-teur, la Colombie etle Québec à titre d’ob-servateur) et d’asso-ciations, comme l’As-sociation internatio-

nale de la mutualité et l’Alliancecoopérative internationale, demême que d’organisations inter-nationales telles que desagences de l’ONU (ONUSIDA,PNUD, UNESCO et ONUFemmes, entre autres).

Des militantsComment les RMB sont-

elles perçues à New York? « Jepense qu’on nous prend pourdes militants. Ce n’est pas mau-vais. Ils nous savent déterminéset nous faisons la démonstra-tion que le mouvement de l’éco-nomie sociale et solidaire estprésent partout dans le monde.Ils trouvent qu’on brasse lacage un peu. »

M. Larose fait d’ailleurs re-marquer que les entrepriseset les organismes du secteurde l’ÉSS ont su, plus que d’au-tres, résister à la crise finan-cière de 2008. « Toutes lesagences nous l’ont confirmé. Etpar ailleurs — je mets ici monchapeau de syndicaliste — onnotera que c’est dans ce secteurde l’économie qu’on retrouveles meilleures conditions de tra-vail et salariales. C’est une éco-nomie collective et communau-taire. C’est une économie quipoursuit des objectifs, qui a desfinalités sociales. C’est égale-ment une économie qui est plu-rielle. Elle est innovante, elleest mature. »

Des pelleteux de nuages?Le passage à New York du

groupe-pilote était aussi uneoccasion de faire tomber cer-tains préjugés qu’on accole àl’ÉSS. Quand on lui fait remar-quer que par fois les entre-prises de ce secteur sont per-çues comme des « pelleteuxde nuages », M. Larose ré-pond par l’af firmative. « Oui,oui, c’est vrai. Mais, parcontre, quand on fait la dé-monstration que les entreprisesde ce secteur représentent 10 %du PIB, qu’au Québec c’estl ’ÉSS qui amasse le plusd’épargne par l’entremise duMouvement Desjardins et quel’agriculture au Québec se pra-tique en mode social et soli-d a i r e à h a u t e u r d e 7 0 %— pensons à Agropur et la

Coopérative fédérée — là ons’aperçoit qu’on est dans lesligues majeures ! », lance d’unsouf fle Gérald Larose, quipoursuit sur sa lancée en rap-pelant que l’ÉSS, c’est égale-ment le commerce équitable.« On est en train de révolution-ner un peu les rapports Nord-Sud avec des échanges interna-tionaux dans le domaine ducafé et des fleurs, entre autres. »

Gérald Larose rappelleavec raison que la bonneconduite de l’ÉSS ne va passans l’apport des femmes, auQuébec comme ailleurs. « Les

femmes sont fondamentale-ment présentes dans ce secteur.Je pense à l’Afrique, où l’écono-mie est une réalité de femmes.Elles sont majoritaires danscette économie. »

La journée du 6 octobreTout juste débarqué de New

York, Gérald Larose sera souspeu à Québec avec son asso-ciation, les RMB, dans le ca-dre des rendez-vous du Som-met international des coopéra-tives. À cette occasion, laChaire de recherche en déve-loppement des collectivités del’Université du Québec en Ou-taouais organise un événe-ment, le 6 octobre, sur lethème de la transition écolo-gique et de la solidarité inter-nationale. « Je souhaite quecette rencontre du 6 octobre demême que ce Sommet interna-tional des coopératives, noteGérald Larose, soient des occa-sions pour que les gens pren-nent la mesure de la puissance— disons-le ainsi — qu’ils ontentre les mains pour influer surun nouveau type de développe-ment économique. »

Les RMBMise sur pied en 2005, l’as-

sociation Les Rencontres duMont-Blanc – Forum interna-tional des dirigeants de l’éco-nomie sociale et solidaire estnée de la volonté de dirigeantsd’entreprises sociales et soli-daires de se rassembler pourconstruire des projets conci-liant efficacité sociale, civique,écologique et économique.Des événements bisannuelssont organisés à travers lemonde, lors desquels deséchanges ont lieu autour d’ungrand thème.

Il résulte toujours de ces évé-nements des idées et des enga-gements. En 2013, lors de leurdernière rencontre, tenue àChamonix, en France, les parti-cipants s’étaient entendus pourengager « des actions de lob-bying pour que, dans tous lespays, des lois sur l’ÉSS soient vo-tées et que les indicateurs des en-treprises des ÉSS soient intégrésdans les systèmes nationaux destatistiques». Il était aussi ques-tion de renforcer les alliancesentre les banques coopérativeset les nouveaux systèmes de fi-nancement (crowdfunding)pour développer les capacitésde financement de l’ÉSS.

CollaborateurLe Devoir

www.fondaction.com

DONNER DU SENS À L’ARGENT

Fondaction est un fonds de

travailleurs solide, innovant

et collectif. En soutenant la

croissance d’entreprises

collectives et responsables,

Fondaction participe

au développement d’une

économie plurielle.

La reconnaissance de l’économie dite sociale et solidaire(ÉSS) en qualité de joueur important sur l’échiquier mondialpar les acteurs politiques est l’un des mandats que se sontdonnés Les Rencontres du Mont-Blanc – Forum internationaldes dirigeants de l’économie sociale et solidaire (RMB) de-puis leur fondation. Des représentations en ce sens ont étéfaites récemment par cette association auprès des Nationsunies à New York et le vice-président des RMB, Gérald La-rose, était aux premières loges.

«Politiquement,il faut le dire,l’économiesociale est trèsméconnue»

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Le vice-président des Rencontres du Mont-Blanc, Gérald Larose

LUIS ACOSTA AGENCE FRANCE-PRESSE

Selon Gérald Larose, on est en train de révolutionner un peu les rapports Nord-Sud avec des échanges internationaux dans le domaine du café et des fleurs, entre autres.

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COOPÉRATIVESL E D E V O I R , L E J E U D I 2 O C T O B R E 2 0 1 4 C 7

Le potentiel des coopératives en tant que le-vier pour nous sortir de la crise économiqueet écologique est largement sous-estimé,d’après Louis Favreau, titulaire de la Chairede recherche en développement des collectivi-tés (CRDC) de l’Université du Québec en Ou-taouais (UQO). Des actions concrètes qui per-mettront de faire valoir ce point de vue serontélaborées lors du premier Rendez-vous inter-national de la CRDC, dans le cadre du 2e Som-met international des coopératives, prévu le6 octobre prochain, à Québec.

M A R I E - È V E C L O U T I E R

C’ est à la suite d’une première participationde la Chaire, en 2012, au 1er Sommet inter-

national des coopératives, organisé par le Mou-vement Desjardins et l’Alliance coopérative in-ternationale (ACI), que l’idée du partenariat estnée. « Organiser ce Rendez-vous internationalpermettra de mettre le doigt sur les points faiblesdu développement durable, ou bien ce qu’on pour-rait aujourd’hui appeler plus justement la transi-tion écologique de l’économie, et de réfléchir auxmoyens à mettre en place pour freiner le modèleéconomique standard», explique Louis Favreau,qui gère la CRDC depuis bientôt 20 ans.

En ef fet, alors que les coopératives pour-raient jouer, aux yeux du sociologue, un rôledéterminant pour assurer cette transition, ellesne sont pas assez représentées dans le mondede l’économie pour affirmer cette position, cartrop souvent mises de côté par la pensée domi-nante. « Pourtant, les coopératives et l’ensembledes entreprises collectives forment 10 % du PIBde la plupar t des pays. Dans les pays scandi-naves, le chif fre peut monter jusqu’à 15 %. AuQuébec, on estime cette contribution à environ8%», avance Louis Favreau.

Et, contrairement à l’économie privée, l’écono-mie coopérative et solidaire entraîne la produc-

tion de biens utiles et non futiles, pour repren-dre les mots du chercheur à l’UQO. Pendantque les gens de la classe moyenne des paysémergents ne font que consommer la plupart dutemps, les membres d’une coopérative expri-ment leurs besoins en biens de nécessité quivont souvent servir à toute une collectivité.

Repenser la coopération Nord-SudPour structurer la réflexion lors du Rendez-

vous de la CRDC, un certain nombre de chan-tiers prioritaires tournant autour de deux axesont été identifiés, soit l’agriculture, l’alimenta-tion et la santé, puis l’énergie et le climat.«Puisque la mondialisation, combinée aux tech-nologies de l’information et aux multinationales,forme une menace pour nos collectivités, il estimportant que nos démarches ne soient pas uni-quement locales. Voilà pourquoi la question de lasolidarité internationale sera également abordée,notamment sous l’angle de la reconfiguration descoopérations Nord-Sud», ajoute M. Favreau.

Une des tables rondes prévues le 6 octobreprochain sera justement consacrée à la reconfi-guration de la solidarité internationale du Qué-

bec avec les pays du Sud. « Depuis près de 40ans, les organismes de coopération internatio-nale du Québec fonctionnent selon un système dedons qui proviennent du public et des gouverne-ments. N’étant plus suf fisante aujourd’hui pourassurer la viabilité des projets de développement,il faudrait que cette logique du don se mute enun fonds dédié à l’économie du Sud qui fonction-nerait selon un système de prêts et de garantiesde prêt », avance l’organisateur de l’événement.

Ce changement est d’ailleurs basé sur plu-sieurs fondements. Claude Dorion, coordon-nateur de Développement solidaire interna-tional (DSI) et animateur de la table ronde,explique : « Même si la logique du don fonc-tionne depuis des décennies, les ressourcessont de plus en plus ténues. Nous n’avons qu’àpenser à feu l’Agence canadienne de dévelop-pement international [qui a été fusionnéeavec le ministère des Af faires étrangères etdu Commerce international pour devenir leministère des Af faires étrangères, du Com-merce et du Développement, le 21 mars2013]. De plus, l’épargne solidaire devient unchoix d’investissement logique pour ceux et

celles qui désirent qu’une partie de leur argentait des retombées sociales, écologiques et com-munautaires. Finalement, les organisationsont besoin de nouveaux outils financiers pourassurer leurs activités courantes. »

Une première expérience d’ici deuxans?

Avec la composition de la table ronde, soit Do-minique Lesaffre, directeur des investissements àla SIDI (Solidarité internationale pour le dévelop-pement et l’investissement), Denis Labelle, prési-dent de l’Association québécoise des organismesde coopération internationale (AQOCI), etHugues Sibille, vice-président du Crédit coopératifen France, Claude Dorion se montre assez opti-miste quant à l’élaboration d’un scénario concretpour mettre en place au Québec un système deprêts et de garanties de prêt avec le Sud. Aprèstout, la SIDI fonctionne de cette manière depuisprès de 30 ans. C’est notamment grâce à ellequ’une organisation paysanne sénégalaise a pumettre en place un projet d’électrification pour sonvillage par l’utilisation de panneaux solaires, vial’obtention de petites sommes d’argent rembour-sables sur trois ans, pour ne citer qu’un exemple.

« Selon la bonne volonté des partenaires quivoudraient s’engager dans le projet et selon l’ou-verture du gouvernement à cette idée, une initia-tive semblable pourrait voir le jour d’ici deuxans», avance Claude Dorion.

«Au Québec, nous avons un nombre d’acteursen finance solidaire assez significatif. Si tout cemonde ne plaçait ne serait-ce qu’une infime par-tie de ses épargnes dans ce fonds, je crois qu’il estenvisageable qu’il atteigne les 20 millions de dol-lars, autrement dit, une somme assez substan-tielle, indique M. Dorion. Bien entendu, ce sys-tème doit être mis en place à coups de quelquesmillions par année seulement, car il n’est pasquestion de débuter par un échec. Une collabora-tion avec la SIDI pourrait aussi nous être utileafin de bénéficier de son expérience. »

CollaboratriceLe Devoir

6E RENDEZ-VOUS DE LA CHAIRE DE RECHERCHE ET DE DÉVELOPPEMENT DES COLLECTIVITÉS

Un fonds d’investissement pour les économies du Sud

GEORGES GOBET AGENCE FRANCE-PRESSE

La SIDI a permis à une organisation paysanne sénégalaise de mettre en place un projetd’électrification pour son village par l’utilisation de panneaux solaires.

A R N A U D S T O P A

Sortie de crise en vue. Lestumultes des quatre der-

nières années ont amené lesorganismes de coopération in-ternationale (OCI) à s’adapteraux nouvelles conditions de fi-nancement et à repenser leursmoyens d’action.

En décembre 2010, l’Agencecanadienne du développementinternational (ACDI) a modifiéson fonctionnement. Alorsqu’elle servait de bailleur defonds aux OCI pour leurs pro-jets, ces derniers doivent doré-navant passer par des appelsd’of fres, sujets à un contrôleidéologique des conservateurs,selon les OCI. Dès lors, pluslaïques et plus portés sur le dé-veloppement économique et so-cial que sur la gestion de crisehumanitaire, ils connaissentune crise sans précédent. «Dujour au lendemain, 90% des pro-jets ont essuyé un refus. On necroit pas que ces nouveaux pro-jets soient devenus mauvais d’unseul coup», indique Denis La-belle, président de l’Associationquébécoise des organismes decoopération internationale(AQOCI).

Depuis, les OCI sont dans latourmente. Michèle Asselin,coordonnatrice du Centre inter-national de solidarité ouvrière(CISO) et vice-présidente del’AQOCI, a dû réviser ses ambi-tions pour son projet en Haïti,où l’organisme a bâti, entre au-tres, une boulangerie. « Onavait proposé à l’ACDI un projetde 400000$ sur trois ans pourconsolider les acquis, mais il aété refusé, comme la plupart desprojets québécois. Ç’a été difficile,on a dû faire des mises à pieddans l’équipe de travail. Mais ona réduit le projet à 40000$, fi-nancé avec nos cotisations, pourpermettre de garder un levierpour nos partenaires. Ça resteun contrecoup important.»

Mais, depuis un an, les chosessemblent s’améliorer au niveaufédéral, selon Denis Labelle.

«Avec le nouveau ministre duDéveloppement international,Christian Paradis, le ton achangé. Il a l’air plus ouver t.Avec ses deux prédécesseurs [BevOda et Julian Fantino], il étaitimpossible d’avoir des rendez-vous. Est-ce peut-être parce qu’onentre en année électorale?» Uneposition rejointe par sa vice-pré-sidente. «Cela semble plus ou-vert, même si c’est difficile d’abor-der des sujets comme l’avorte-ment ou la planification sociale.»

Aide provincialeSi les OCI ont du mal à se fi-

nancer auprès des instances fé-dérales, ils estiment que Qué-bec pourrait jouer un nouveaurôle. Le ministère des Relationsinternationales (MRI) proposeen effet le Programme québé-cois de développement interna-tional, doté d’une enveloppe detroismillions de dollars, mais ilreste insuf fisant pour la de-mande. Michèle Asselin s’es-time chanceuse. «Seuls 23% desprojets ont été retenus pour l’an-née 2014-2015. Ç’a été unebonne nouvelle quand notre pro-jet a été accepté, car il y a uneattention particulière pour Haïtiici. Mais l’enveloppe reste troppetite.»

En 2013, le ministre del’époque, Jean-François Lisée,avait proposé la création d’uneagence québécoise de solida-rité internationale (AQSI). Unebonne idée, selon François Au-det, professeur à l’École dessciences de la gestion de l’Uni-versité du Québec à Montréal,tant qu’elle ne se concrétisaitpas. «Compte tenu du retrait dufédéral, il y avait une niche àprendre dans le débat. Mais,d’un point de vue réaliste, çaveut dire quoi comme argent ?On parle d’austérité, c’est nor-mal que les libéraux ne repren-nent pas l’idée. » L’AQOCI es-time plutôt avoir l’oreille de laministre Christine Saint-Pierre. « Notre rôle est deconvaincre que l’AQSI est uneidée portée par les OCI et non

par le Parti québécois et M. Li-sée uniquement, dit Denis La-belle. Elle devra soutenir les va-leurs québécoises des OCI, quipriorisent le droit humain, ledéveloppement local, l’égalitédes genres et l’éducation.»

Il pense aussi que la créa-tion d’un fonds québécois desolidarité internationale, sur lemodèle du Fonds de solidaritéde la FTQ, pourrait aider àaméliorer la situation. Lefonds of frirait, comme levierfinancier, des garanties québé-coises à des prêts dans despays du Sud, par des établisse-ments financiers locaux, avecobligation de rembourser aubout de cinq ans. « Les ins-

tances ont peur de prêter. Il fautcréer un climat de confiance etcroire dans la créativité despays du Sud pour faire croîtreleur économie. »

Selon François Audet, la sen-sibilisation de la populationquébécoise aux enjeux et à laplace des OCI dans l’équilibreinternational est déficiente.

«C’est le principal échec des OCIdans les 30 dernières années.»

CollaborateurLe Devoir

ORGANISMES DE COOPÉRATION INTERNATIONALE

Les OCI dans la tourmente

L’Union des producteurs agricoles - Développement international (UPA DI) travaille au quotidien avec 25 000agricultrices et agriculteurs dans une vingtaine de pays en développement. Ensemble nous œuvrons àl’émancipation de l’agriculture familiale.

Pour ce faire, nous comptons sur un réseau d’organisations agricoles comptantplus de 2 500 000 membres.

Au-delà de la force du nombre, ce qui est inspirant c’est la capacité de contribuer, à partir d’implications locales, à la solution globale de la sécurité alimentaire mondiale. La production de semences, la mise en place de services collectifs, tels que l’achat d’intrants et la mise en marché collective,sont autant d’exemples probants.

Pouvoir partager

Lier l’aide aux intérêts écono-miques canadiens est une idéeà laquelle s’oppose l’AQOCI,alors que le gouvernement ca-nadien s’y engouffre. Mais ellen’y appose pas une fin de non-recevoir. Certains de ses mem-bres tentent l’expérience avecdes sociétés minières enAfrique. «Pour vivre l’expé-

rience et évaluer la situation,explique Denis Labelle. En-suite, on se donnera une ré-ponse. Est-ce possible? Dansquel cadre? […] C’est un im-mense chantier éthique: trou-ver les moyens de le faire sansfaire une image sociale aux in-dustries et prioriser unique-ment l’intérêt économique.»

Les industries comme solution?

AQOCI

Le président de l’Association québécoise des organismes de coopération internationale, Denis Labelle

Page 8: COOPÉRATIVES - UQO

COOPÉRATIVESL E D E V O I R , L E J E U D I 2 O C T O B R E 2 0 1 4C 8

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Contribuer au renouvellement des pratiques associées au développement social, au développement socioéconomique des territoires et à la dimension internationale du développement local.

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J É R Ô M E D E L G A D O

« C’ est l’État qui a empêché Karl Marxd’avoir raison. » D’une voix calme, les

deux mains sur le volant, Claude Dorion, di-recteur d’une entreprise de services d’exper-tise en gestion — MCE Conseils — expliquele b.a.-ba de la finance sociale et des principesauxquels il adhère. Ça tombe bien qu’il y aitun bouchon pour sortir de Québec, ça lui per-met, au bout de son téléphone, de vanter unsystème dans lequel l’aide au financementprend en compte, oui, la rentabilité d’un pro-jet, mais aussi son impact sur la collectivité etsur l’environnement.

C’est l’État qui a empêché Karl Marx d’avoirraison, dit-il sur le même ton paisible qui per-dure depuis 30 minutes, parce qu’il a refusé lamain tendue de la gauche et ses solutions, lorsd’une crise mondiale survenue il y a moins dedix ans sous l’effet des politiques bancaires auxÉtats-Unis.

« Le système financier dominant a fait unepreuve de ses… Comment dire ? De ses écarts deconduite en 2006-2008, avec des conséquencesspectaculaires au niveau négatif. Le système ca-pitaliste à lui seul s’en allait vers… Je ne suispas sûr, croit l’homme d’affaires, qu’il s’en se-rait sorti tout seul s’il n’y avait pas eu une inter-vention massive des gouvernements pour redres-ser la situation. »

Or, note-t-il, «dans le bruit de la crise, les éta-blissements financiers d’économie sociale, les mu-tuelles, n’ont pas été entendus».

« On a manqué, dit-il, l’occasion de démontrerqu’une finance qui se fait autrement, avec unelogique moins spéculative, basée sur une renta-bilité élargie, amène peut-être des rendementsmoins spectaculaires lorsque ça va bien, mais

les établissements sont beaucoup plus stables àlong terme. »

Claude Dorion, ou plutôt sa boîte, MCE, estmembre de l’INAISE, une association interna-tionale d’investisseurs en économie sociale.Fondé à Barcelone en 1989 et comptant au-jourd’hui une cinquantaine d’antennes dansune trentaine de pays, le regroupement seral’un de ceux parmi tant d’autres qui auront voixau chapitre pendant le Sommet des coopéra-tives Québec 2014.

Dans cette association qui prône le jeu d’égalà égal entre le Nord et le Sud, les membres fi-nancent des projets individuels ou offrent unapprovisionnement de fonds pour des organisa-tions de microcrédit. Au Nord comme au Sud.Et qui touche tous les secteurs, de l’agricultureaux services de soins à domicile.

Le nombre de « bénéficiaires ou usagers desstructures» est plutôt notable, dit Claude Dorion.«On parle quand même de plusieurs dizaines demillions de dollars en jeu, de bilans cumulatifs quidépassent le milliard et de millions d’usagers fi-naux (entrepreneurs, micro-entrepreneurs, entre-preneurs sociaux). C’est un petit nombre d’organi-sations qui ont un impact significatif.»

Claude Dorion aime bien l’exemple de laBanque malienne de solidarité, qui s’est déve-loppée sous « l’amalgame de petites opérationsde microcrédit, isolées les unes des autres ». Cetétablissement membre de l’INAISE est devenu,selon lui, « une véritable force d’interventiondans le contexte économique, somme toute dif fi-cile, du Mali ».

À Québec, l’INAISE fera sa représentationavec « une ambition modeste de démontrer desexemples d’échanges qui ont des impacts et quiméritent d’être multipliées », note le gestionnairequébécois, diplômé en économie de l’Univer-sité de Montréal.

« À l’INAISE, poursuit-il, on souhaite deschangements dans l’industrie financière tradi-tionnelle, [que] la caisse de la rentabilité maxi-male à court terme [soit] moins présente et [qu’ily ait] une prise de considération de facteurs pluslarges dans l’analyse de l’impact économiqued’une entreprise à financer. »

L’association internationale défend l’écono-mie sociale, locale et écologique, mais sans en-foncer la tête dans des principes. Ce n’est pas la

contestation radicale du modèle dominant quil’anime. Plutôt, le dialogue avec celui-ci. «En fi-nance sociale, commente l’économiste, la capa-cité de remboursement d’un produit financier de-meure une condition sine qua non d’un finance-ment, mais on analyse l’entreprise autant sur sarentabilité que sur son impact économique pluslarge, son impact social, écologique. Par le dia-logue, on veut insuffler des modifications dans lecomportement des établissements traditionnelspour qu’ils [reconnaissent ceci].»

Le « bruit de la crise » s’est-il estompé suffi-samment pour que le grand capital entende cesrevendications ? Claude Dorion en doute. Il nehaussera pas le ton, il ne criera rien derrièreson volant, mais il ne pense pas moins que lesystème dominant demeure immuable.

« Tous les États sont dans une situation plusdif ficile qu’en 2006 et, par conséquent, ils sontmoins disponibles à participer. » Il est pourtantpersuadé qu’un « cofinancement bien ciblé del’État, pour 10 % du coût d’un projet, peut per-mettre de monter une activité qui sera rentablepour lui aussi », par le biais des politiques fis-cales. Or les mesures d’austérité, comme cellesen vogue à Québec, voire l’attitude d’un gouver-nement conservateur du type de Stephen Har-per, qui coupe l’aide aux organismes à but nonlucratif inscrits en coopération internationale,nuit à chaque petit plan d’économie sociale.

Malgré sa mondialisation, malgré le succèsd’une organisation comme l’INAISE, la financesociale ne se porte pas si bien. «Franchement,on a manqué une occasion», selon le patron deMCE Conseils, de l’immiscer partout. Et on arefusé de donner raison à Marx.

CollaborateurLe Devoir

6E RENDEZ-VOUS DE LA CHAIRE DE RECHERCHE ET DE DÉVELOPPEMENT DES COLLECTIVITÉS

L’économie sociale ignorée durant la crise

COURTOISIE MCE CONSEILS

« Une rentabilité élargie amène peut-être desrendements moins spectaculaires lorsque ça vabien, mais les établissements sont beaucoup plusstables à long terme », croit Claude Dorion,directeur de MCE Conseils.

A L E X A N D R E L A M P R O N

L éopold Beaulieu, prési-dent-directeur général de

Fondaction, le fonds de travail-leurs de la CSN, est l’un deceux qui croient que la crisefait ressortir des faits qui dé-montrent clairement « quenous sommes près d’un point denon-retour».

Les changements clima-tiques, la rareté croissante desressources naturelles et lesinégalités entre les riches etles pauvres sont, entre autres,des exemples qui tendent à dé-montrer qu’il faut agir dèsmaintenant.

« La finance mondiale a étédéréglementée, af firme M.Beaulieu. L’éthique a trop sou-vent laissé sa place à la cupi-dité dans la poursuite du rende-ment maximum à court termeet la manière dont s’est poursui-vie la croissance économiqueau cours des cinq dernières dé-

cennies n’est plus viable. »À la base, les mouvements

syndical et coopératif demeu-rent une solution de rechange,car ils par tent d’un principefondamental commun auxdeux : la prédominance despersonnes sur le capital. Ceprincipe est devenu une condi-tion essentielle en vue d’un dé-veloppement plus durable etplus responsable de la société,«un véritable déterminant pourl’avenir de la planète », insisteLéopold Beaulieu.

« Cela passe par une démo-cratisation de l ’économie,ajoute le p.-d.g. de Fondac-tion. Si nous voulons garantirles liber tés citoyennes et faireen sor te que l’économie soitau centre de la société, l’ap-proche du développement du-rable reste très impor tante,car elle conjugue bien les di-mensions écologique, écono-mique et sociale. Une gestionbeaucoup plus collaborative

de la prise de décisions, desactions et de l’orientation estdonc un incontournable. »

En fait, cer tainesaspirations sociétalesdes coopératives etdes syndicats l’illus-trent bien, telles quela Caisse d’économiesolidaire et l’entre-prise MCE Conseils,notamment.

Un virageDenise Gagnon,

directrice du Servicede la solidarité inter-nationale à la FTQ,croit aussi que lemouvement coopéra-tif est issu d’organi-sations populaires etde syndicats. Selon elle, lemouvement syndical doitnéanmoins prendre un viragepour se renouveler afin demondialiser ses actions de so-lidarité, ce qui lui permettra

de forger de nouvelles al -liances.

« Au-delà du strict objectifd’accroître la richessenationale, il faut exa-miner comment les re-venus sont redistri-bués, affirme-t-elle. Lacompétitivité de l’éco-nomie d’un pays n’estrien sans les solidari-tés qui unissent sa po-pulation.»

Des partenaires,d’abord

D’autre par t, il nefait aucun doute queles syndicats et lescoopératives peuventfaire bon ménage,d’après Gaston Bé-

dard, directeur général duConseil québécois de la coopé-ration et de la mutualité, etPierre Charette, président duRéseau de la coopération du tra-vail du Québec. Ils vont jusqu’à

parler de «partenariats».« Le mouvement syndical a

mis en place des fonds de tra-vailleurs visant à s’assurer queles entreprises aient le capitalnécessaire afin de se développer,d’éviter une délocalisation oud’empêcher des regroupementsà l’extérieur, relate M. Bédard.Ces fonds investissent davan-tage dans différentes entreprisescoopératives et mutuelles. »

Le regard sur les enjeux in-ternationaux demeure néces-saire, mais ce rapprochemententre les deux mouvements apour ef fet de changer le rôletraditionnel bien connu dessyndicats, afin qu’ils devien-nent de plus en plus les pro-moteurs d’une coopération,par exemple, dans le cadre durachat d’entreprises.

« Ils ne sont plus perçus dansun rôle de défense des droits destravailleurs contre la partie pa-tronale, car elle est déterminéepar les travailleurs, explique

de son côté Pierre Charette.Les syndicats se trouvent plutôtà avoir un rôle de partenairede la gestion des ressources hu-maines, par exemple. »

Un potentielÀ l’aube du Sommet inter-

national des coopératives,Gaston Bédard insiste vrai-ment pour dire que le travaildoit demeurer au cœur desdiscussions.

«Toutes les parties prenantesdu monde du travail, que cesoient les syndicats, les gouver-nements et les autres, doivent sepréoccuper de cet enjeu du tra-vail pour les prochaines années,afin d’assurer la formation denouvelles coopératives de tra-vailleurs et d’entrepreneurs, etdans le but de reprendre des en-treprises et, aussi, d’en lancerd’autres», réaffirme M. Bédard.

CollaborateurLe Devoir

SYNDICATS ET COOPÉRATIVES

Main dans la main pour les enjeux internationaux

L’éthique atrop souventlaissé sa placeà la cupiditédans lapoursuite durendementmaximum àcourt terme