Contribution pour les États généraux de l’action culturelle … · 2009-03-10 · Les objets...

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Le spectateur est l’œuvre de nos mains… «Dans la grotte, la main ne saisit ni ne taille, elle dépose, elle inscrit un écart qu’elle va proposer aux yeux. Ici la main produit devant les yeux l’objet du premier regard. Si ces images sont si bouleversantes pour nous, ce n’est pas seulement parce que nous y découvrons avec un certain émerveillement la justesse et la sensibilité graphique d’un geste sans défaut ni maladresse. Ce n’est pas non plus parce que l’énigme de ces traces réveille en nous la magie toujours possible des dieux oubliés. Le faire-voir se détache en pleine autonomie, à l’écart de tout vouloir-dire et je n’ai pas la moindre intention de proposer une interprétation à ces dessins et à ces signes. Si ces images nous bouleversent, c’est parce que nous sommes directement concernés par cette adresse puissante, nous recevons de plein fouet un signal émis à destination de notre regard. Ça nous parle parce que ça parle de nous. Ce qui se joue, c’est le sens d’un geste et non la signification d’un objet. Dans le silence millénaire de ces images, il y va de la vir- tualité sonore d’une articulation décisive du spectateur à la parole, donc de la situation de spectateur à ce qu’on a pu appeler la condi- tion humaine» Marie-José Mondzain in Homo Spectateur édition Bayard 2008. Pour André Malraux le montage qui permet d’organiser cette multitude d’images en récit, la bande son qui ne se réduit pas à l’enregistrement des bruits représentés dans l’image, la nais- sance des stars comme Charlie Chaplin permet au cinéma de «ruser avec le mythe». Il conclut cet essai par une formule qui a ouvert un débat sans fin : «Par ailleurs le cinéma est une industrie» Né avec le vingtième siècle, au début de l’ère industrielle, sa technologie et son système de production ont les caractéristiques de l’industrie. Les artistes qui se sont emparés de ces outils ont travaillé dans ce cadre, sa logique et ses contraintes. Personne ne peut nier qu’un grand western est un produit industriel. Toutes les œuvres d’art qui sont nées de ce travail industriel sont toutes des produits industriels, par contre tous les films produits ne sont pas des œuvres d’arts ! Un immense marché du divertissement s’est développé à partir de cette industrie. Les lois du commerce, du libre-échange ont petit à petit modelé les films et les attentes des publics. Des enjeux stratégiques de conquête idéologique du monde se sont appuyés sur cette production. Le travail des artistes s’est poursuivi dans une grande diversité de formes et de récits au cœur de cette im- mense machine à rêve comme il a été dit parfois, produi- sant ce qui reste aujourd’hui de cette multitude de récits et que l’on retrouve dans les mémoires des spectateurs et les cinémathèques du monde. Au milieu du vingtième siècle, la télévision est née. La sal- le obscure n’est plus indispensable. Les sons et les ima- ges animés sont reçus à domicile en pleine lumière sur de petits écrans. Les objets et les êtres vivants sont plus petits que dans la réalité. Le spectateur peut se détacher de la projection. dossier L’histoire des salles nous montre que l’habillage de ce dispositif a été d’une ahurissante diversité. Installé dans un café par les Frères Lumière, on le retrouve dans des baraques foraines, des music-halls, des théâtres. Des garages ont été transformés en salle de cinéma avant de redevenir garage ou super marché. Entre 1920 et 1930 de véritables temples ont été construits à travers le monde autour de la salle obscure. Le cinéma dont parle Roland Barthes est autant le dispositif que son habillage. Chaque cinéma dit, par son architecture et sa scénographie, sa place dans l’espace et sa fonction sociale. Cinéma des villes et cinémas des champs, voire des déserts. L’image du cinéma est une projection lumineuse, produite par une lanterne munie d’un objectif et réceptionnée sur un écran dans une salle obscure. Pour voir cette image, le spectateur doit être dans la salle et face à l’écran. Le dispositif optique permet à cette image d’être de grande taille, agrandissant les objets et les personnes re- présentés au-delà de leurs tailles réelles. L’utilisation du mécanisme du cinématographe devant la lanterne, crée, pour le spectateur, l’illusion de la mise en mouvement des objets et êtres vivants enregistrés. Ce dispositif est resté le même depuis l’invention du cinéma. André Malraux a, dans un texte de 1946 devenu célèbre «Es- quisse d’une psychologie du cinéma» démontré, en une cin- quantaine de pages, la puissance artistique de ce spectacle. «Pendant que monte la clandestine floraison de la peinture moderne, les recherches de représentation se pétrifient dans une quête délirante du mouvement. Ce n’était pas une découverte «artistique» qui devait permet- tre la possession du mouvement. Ce qu’appellent les gestes de noyés du monde baroque n’est plus une modification de l’image, c’est une succession d’images ; il n’est pas étonnant, que cet art tout de gestes et de sentiments, obsédé de théâtre, finisse dans le cinéma … » Quels espaces pour l’action culturelle cinématographique ? Contribution pour les États généraux de l’action culturelle cinématographique qui se tiendront à Paris les 8 et 9 janvier 2009 «Je ne puis jamais, parlant cinéma, m’empêcher Au début était la chambre noire… «Un rayon de soleil qui pénètre par un petit trou dans une chambre obscure dessine sur le mur opposé l’image inversée du décor extérieur» . Léonard de Vinci …et peut-être encore plus la grotte préhistorique ! jugement de Paris-P. Rubens main négative-Grotte Cosquer DR DR

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Le spectateur est l’œuvre de nos mains…«Dans la grotte, la main ne saisit ni ne taille, elle dépose, elle inscrit un écart qu’elle va proposer aux yeux. Ici la main produit devant les yeux l’objet du premier regard. Si ces images sont si bouleversantes pour nous, ce n’est pas seulement parce que nous y découvrons avec un certain émerveillement la justesse et la sensibilité graphique d’un geste sans défaut ni maladresse. Ce n’est pas non plus parce que l’énigme de ces traces réveille en nous la magie toujours possible des dieux oubliés. Le faire-voir se détache en pleine autonomie, à l’écart de tout vouloir-dire et je n’ai pas la moindre intention de proposer une interprétation à ces dessins et à ces signes. Si ces images nous bouleversent, c’est parce que nous sommes directement concernés par cette adresse puissante, nous recevons de plein fouet un signal émis à destination de notre regard. Ça nous parle parce que ça parle de nous. Ce qui se joue, c’est le sens d’un geste et non la signification d’un objet. Dans le silence millénaire de ces images, il y va de la vir-tualité sonore d’une articulation décisive du spectateur à la parole, donc de la situation de spectateur à ce qu’on a pu appeler la condi-tion humaine»

Marie-José Mondzain in Homo Spectateur édition Bayard 2008.

Pour André Malraux le montage qui permet d’organiser cette multitude d’images en récit, la bande son qui ne se réduit pas à l’enregistrement des bruits représentés dans l’image, la nais-sance des stars comme Charlie Chaplin permet au cinéma de «ruser avec le mythe».

Il conclut cet essai par une formule qui a ouvert un débat sans fin :

«Par ailleurs le cinéma est une industrie» Né avec le vingtième siècle, au début de l’ère industrielle, sa technologie et son système de production ont les caractéristiques de l’industrie. Les artistes qui se sont emparés de ces outils ont travaillé dans ce cadre, sa logique et ses contraintes. Personne ne peut nier qu’un grand western est un produit industriel. Toutes les œuvres d’art qui sont nées de ce travail industriel sont toutes des produits industriels, par contre tous les films produits ne sont pas des œuvres d’arts !

Un immense marché du divertissement s’est développé à partir de cette industrie. Les lois du commerce, du libre-échange ont petit à petit modelé les films et les attentes des publics. Des enjeux stratégiques de conquête idéologique du monde se sont appuyés sur cette production.

Le travail des artistes s’est poursuivi dans une grande diversité de formes et de récits au cœur de cette im-mense machine à rêve comme il a été dit parfois, produi-sant ce qui reste aujourd’hui de cette multitude de récits et que l’on retrouve dans les mémoires des spectateurs et les cinémathèques du monde.

Au milieu du vingtième siècle, la télévision est née. La sal-le obscure n’est plus indispensable. Les sons et les ima-ges animés sont reçus à domicile en pleine lumière sur de petits écrans. Les objets et les êtres vivants sont plus petits que dans la réalité. Le spectateur peut se détacher de la projection.

dossier

L’histoire des salles nous montre que l’habillage de ce dispositif a été d’une ahurissante diversité. Installé dans un café par les Frères Lumière, on le retrouve dans des baraques foraines, des music-halls, des théâtres. Des garages ont été transformés en salle de cinéma avant de redevenir garage ou super marché.

Entre 1920 et 1930 de véritables temples ont été construits à travers le monde autour de la salle obscure.

Le cinéma dont parle Roland Barthes est autant le dispositif que son habillage. Chaque cinéma dit, par son architecture et sa scénographie, sa place dans l’espace et sa fonction sociale. Cinéma des villes et cinémas des champs, voire des déserts.

L’image du cinéma est une projection lumineuse, produite par une lanterne munie d’un objectif et réceptionnée sur un écran dans une salle obscure. Pour voir cette image, le spectateur doit être dans la salle et face à l’écran. Le dispositif optique permet à cette image d’être de grande taille, agrandissant les objets et les personnes re-présentés au-delà de leurs tailles réelles. L’utilisation du mécanisme du cinématographe devant la lanterne, crée, pour le spectateur, l’illusion de la mise en mouvement des objets et êtres vivants enregistrés. Ce dispositif est resté le même depuis l’invention du cinéma.

André Malraux a, dans un texte de 1946 devenu célèbre «Es-quisse d’une psychologie du cinéma» démontré, en une cin-quantaine de pages, la puissance artistique de ce spectacle.

«Pendant que monte la clandestine floraison de la peinture moderne, les recherches de représentation se pétrifient dans une quête délirante du mouvement.

Ce n’était pas une découverte «artistique» qui devait permet-tre la possession du mouvement. Ce qu’appellent les gestes de noyés du monde baroque n’est plus une modification de l’image, c’est une succession d’images ; il n’est pas étonnant, que cet art tout de gestes et de sentiments, obsédé de théâtre, finisse dans le cinéma … »

Quels espaces pour l’action culturelle cinématographique ?

Contribution pour les États généraux de l’action culturelle cinématographique qui se tiendront à Paris les 8 et 9 janvier 2009

«Je ne puis jamais, parlant cinéma, m’empêcher

Au début était la chambre noire… «Un rayon de soleil qui pénètre par un petit trou dans une chambre obscure dessine sur le mur opposé l’image inversée du décor extérieur» . Léonard de Vinci

…et peut-être encore plus la grotte préhistorique !

jugement de Paris-P. Rubens

main négative-Grotte Cosquer

DR

DR

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Les modes de divertissement se sont alors à nouveau diver-sifiés dans les pays industrialisés. Le public du cinéma s’est considérablement réduit.

Pour faire face à cette concurrence, les salles de cinéma se sont à nouveau transformées. Pour garder dans ce contexte la même fréquentation, elles ont augmenté l’offre de films en multipliant, dans les mêmes espaces, le nombre de salles. Les multisalles sont nées dans un mouvement sysmique de destruction/reconstruction.

Le regard canalisé

Serge Le Péron a écrit un texte prémonitoire dans les Ca-hiers du cinéma en 1980 un « Mesquines Mezzanines »

«L’’architecture interne des salles tend (…) à ne plus être qu’un système totalisant de canalisation des regards (…) Ces mo-ments d’évasion, d’imagination que sont depuis les origines les représentations cinématographiques sont aujourd’hui intégrés à des lieux gérés comme des HLM(…) Plus question de prévoir des espaces «perdus» comme les halls, les bars, les fumoirs et toute innovation est suspecte car supposée opérée au détriment d’une économie spatiale maximale (…) La part réservée à l’ imaginaire se trouve donc restreinte à la portion réglementaire : la taille de l’écran (peau de chagrin en fonc-tion de la taille des salles), absence de hauteur de plafond, décoration minimum, ni scène ni rideaux la plupart du temps (…) Aussi les salles se ressemblent toutes(…) Aucune ne pro-cure plus le sentiment d’une collectivité partageant le même spectacle…»

Depuis sont nés les multiplexes qui en apparence corrigent ces dérives. Certes, ces nouveaux temples ont aménagé de vastes halls, des comptoirs de vente de friandises, des espa-ces de jeux vidéos. Les salles sont techniquement superbes … Le grand commerce a compris la nécessité vitale de proposer au vaste public du cinéma d’autres espaces, mais la logique de chacune de ces innovations reste absolument marchande et renforce encore plus la canalisation des regards et des désirs. Ces nouveaux temples sont comme les parcs d’at-tractions, les nouvelles usines de l’industrie des loisirs.

«Par ailleurs le cinéma est un art !»Au moment où, pour paraphraser André Malraux, le rapport de Alain Auclaire sur l’action culturelle cinématographique, établi à la demande du Ministère de la Culture, s’intitule pa-radoxalement «Par ailleurs le cinéma est un divertissement» il semble indispensable de réaffirmer la dimension artistique du cinéma qui est fondatrice du désir, des émotions, du plai-sir, des spectateurs. Le divertissement n’est qu’un ersatz de cette force pulsionnelle et jouissive que déclenche chez l’être humain l’expérience artistique. C’est elle qui ouvre le désir de parole et au-delà le désir de connaissance.

L’action culturelle, qui est une action volontaire développée par les pouvoirs publics mais aussi par tout le mouvement associatif, n’est fondée que sur la volonté de faire vivre dans notre vie quotidienne collective l’expérience spécifique,

indispensable et fragile que construit la création artistique, de la partager, de la parler, de la penser.

L’industrie du loisir et du divertissement n’a que faire de cet effort pédagogique ! Le commerce produit, avec ses propres moyens, les outils du conditionnement du désir de consom-mer. Le marketing est partout, dès la naissance du produit. Les médias sont en permanence instrumentalisés par sa lo-gique.

Certes, cette industrie traverse elle aussi des crises écono-miques, elle est porteuse d’emplois et d’aménagement du territoire, et la puissance publique a une responsabilité à as-sumer de ce point de vue-là, mais pas au nom de sa politique d’action culturelle !

Quels espaces pour l’action culturelle ?Jusqu’à aujourd’hui l’action culturelle, cinématographique, s’est développée dans les espaces construits par l’industrie du cinéma ou dans leurs marges et avec ses outils de pro-duction.

C’est ainsi que le mouvement des ciné-clubs, emblématique de cette action, a négocié avec les sociétés de distribution de films et aussi, parfois douloureusement, sa place dans les salles de cinéma commerciales. Il s’est servi des cantines scolaires, des salles polyvalentes et du format 16mm des films, proposant par là des rencontres inconfortables entre les œuvres et le public.

La capacité d’adaptation des acteurs de l’action culturelle ci-nématographique est infinie tant leur mission est essentielle et leur volonté d’action inébranlable.

Des cinémathèques se sont construites à partir de collec-tions de films plus ou moins légalement réunis ! Une mul-titude de festivals ont vu le jour. Le cinéma a tant bien que mal trouvé sa place à l’école, au collège et au lycée et de plus en plus dans les musées ! Des collectivités publiques et des associations se sont engagées dans la construction de salles à vocation culturelle non-marchande.

De nombreuses initiatives se sont aussi, pour exister, im-briquées dans des logiques marchandes, comme celle du développement dans les années soixante et dix du réseau des salles «art et essai». Ces réseaux n’ont pas créé des salles d’un nouveau type, ils ont utilisé le parc de salles existantes aussi bien les salles mono écrans que les multisalles des an-nées soixante. Ces salles ont une gestion commerciale, elles subissent les contraintes économiques du marché même si leurs objectifs culturels sont constamment réaffirmés.

Toute l’organisation du cinéma en France est construite sur ce double impératif : soutenir d’une part une industrie et son commerce et d’autre part la création artistique et la rencon-tre des œuvres par un large public. Le Centre National de la Cinématographie qui dépend du Ministère de la Culture est le garant de cette logique. C’est pourquoi l’apostrophe d’André Malraux est toujours utilisée comme défense et il-lustration de cette politique.

Cet équilibre fragile entre art et commerce qui est constam-ment aménagé par les réformes successives des aides publi-ques que sont les subventions et les fonds spéciaux, fait de taxes prélevées sur des recettes commerciales de l’industrie audiovisuelle, est aujourd’hui à nouveau menacé. La crise économique mondiale et la révolution technique de la nu-mérisation de tous les outils de la production et de la diffu-sion intègrent l’industrie du cinéma et de la télévision dans un espace économique infiniment plus vaste et puissant, celui de l’Internet et de la téléphonie mobile.

Les artistes s’emparent de tous ces nouveaux outils, les spec-tateurs utilisent tous les écrans. L’art cinématographique se modifie. À côté du spectacle qui se poursuit, plus technique

que mythique, d’autres formes, d’autres usages s’inventent.

L’action culturelle est confrontée à toutes ces mutations. Elle cherche à la fois à accompagner le travail des artistes, la diffusion de leurs œuvres et prendre la mesure des déca-lages sociaux et culturels qui écartent tout un large public de cette recherche fondamentale pour l’être humain qu’est l’expérience artistique.

Sa vocation première est d’être une action collective qui in-fluence aussi les usages individuels.

Les espaces que construisent les diverses industries concer-nées sont de plus en plus inadaptés à ce travail pédagogi-que.

Aujourd’hui l’action culturelle a certes besoin de salles de cinéma aussi performantes du point de vue de l’image, du son et des supports, que celle des multiplexes mais doit aus-si pouvoir mettre en relation le spectacle audiovisuel avec toutes les autres formes de spectacle, ce qui implique un espace scénique techniquement adapté devant l’écran et les compléments de locaux et matériel techniques nécessaires à toutes les formes de spectacle vivant.

Développer la rencontre entre les créateurs et le public en dépassant la seule promotion commerciale implique d’ima-giner d’autres espaces de débats, de rencontres à construire hors de la salle. Pouvoir manger et boire ensemble dans l’es-pace même du cinéma est de plus en plus nécessaire à l’or-ganisation des rencontres avec le public. Ouvrir des pistes de réflexion, créer des passerelles impliquent des expositions, des temps de formations dans des salles lumineuses et à la dimension de groupes de tailles diverses. Comment accueillir aujourd’hui dans le lieu du cinéma toutes les nouvelles for-mes de création audiovisuelle ? Quelle peut être la place d’un travail collectif sur les images et les sons diffusés sur tous les écrans domestiques ou portables. Comment inscrire un espace public dans la communauté virtuelle des espaces nu-mériques ? Comment rendre visible la production de l’édition vidéo dans les salles ?

«You do it !» «tu peux le faire !»

Avant d’être un mot d’ordre politique cette injonction a été un mot d’ordre commercial. Dire à tous les individus qu’ils peuvent faire un film grâce aux nouveaux outils et le mon-trer dans le monde entier sur Internet.. Aujourd’hui, c’est de-venu une pratique courante si l’on prend en compte ce qui se passe sur des sites comme You tube ou Daily Motion pour ne parler que des plus célèbres. L’action culturelle cinématogra-phique a, depuis quelques années, développé des actions pé-dagogiques de production. Les ateliers collectifs sont de plus en plus nombreux, à l’école, dans les équipements sociaux, dans les prisons et les hôpitaux. Ce travail qui est presque toujours accompagné par des intervenants artistiques qui sont eux-mêmes des créateurs ou souhaitent le devenir, ne trouvent pas facilement d’espaces où se déployer. Où sont les plateaux adaptés à ces aventures ? Les salles de montage à la fois individuelles et collectives ?Les salles de visionne-ment et les salles de réunion ?

Le cahier des charges de tous ces espaces à inventer de-mande un travail collectif des acteurs de l’action culturelle et une prise en compte des pouvoirs publics et de l’indus-trie audiovisuelle empreinte d’une très grande ouverture. Le temps n’est pas au renoncement mais bien à l’exigence d’une rénovation très profonde des espaces publics du ci-néma indispensable au développement de l’action culturelle cinématographique.

Jean-Pierre Daniel

de penser “salle“ plus que f ilm.» Roland Barthes «En sortant du cinéma» Communication Paris 1975.

cinéma UGC-Anvers