Contribution à la modélisation de la cristallisation...
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N° ordre 2007-ISAL-0069 Année 2007
Thèse
Contribution à la modélisation de la cristallisation des polymères
sous cisaillement :
application à l’injection des polymères semi-cristallins
Présentée devant
L’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
Pour obtenir
Le grade de docteur
École doctorale matériaux de Lyon
Par
Nadia BRAHMIA
Soutenue le 24 octobre 2007 devant la Commission d’examen
Jury MM.
Rapporteur J. GRENET Professeur (Université de Rouen)
Rapporteur J. M. HAUDIN Professeur (Ecole des Mines de Paris)
Examinateur M. RAYNAUD Professeur (INSA de Lyon)
Examinateur D. GARCIA Chef de projet R&D,Pôle Européen de Plasturgie (Bellignat)
Directeur de thèse P. BOURGIN Professeur (INSA de Lyon)
Co-directeur de thèse M.BOUTAOUS Maître de conférence (INSA de Lyon)
Invité L.I. PALADE Maître de conférence (INSA de Lyon)
Invité R. FULCHIRON Maître de conférence (Université Claude Bernard - Lyon 1)
Laboratoire de recherche :
Centre Thermique de Lyon (CETHIL UMR CNRS 5008)
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Nadia Brahmia
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Contribution à la modélisation de la cristallisation des polymères
sous cisaillement : application à l’injection des polymères semi-
cristallins
Résumé
L’objectif de ce travail est d’étudier l’influence de la pression et du cisaillement sur la cinétique de cristallisation
des polymères.
Les propriétés thermophysiques d’un polymère (polypropylène) ont été caractérisées et modélisées par des lois
de mélange. La cinétique de cristallisation du polypropylène au repos a été étudiée par calorimétrie. Les
dépendances thermiques du nombre initial de germes activés ainsi que la vitesse de croissance des sphérolites ont
été utilisées avec le modèle cinétique de Schneider et la méthode d’estimation des paramètres de Levenberg-
Marquardt pour décrire d’une manière simultanée les taux de transformation isothermes et ceux obtenus à vitesse
de refroidissement constante. Cette technique a permis d’obtenir les paramètres liés à la cinétique de
cristallisation du polypropylène.
Dans un premier temps, l’étude de l’effet de la pression sur la cristallisation a été menée. Cet effet est pris en
compte en considérant l’augmentation de la température de fusion thermodynamique avec la pression. Pour
étudier ce phénomène, une modélisation du refroidissement isochore d’une plaque en polypropylène est alors
réalisée. Ce modèle tient compte du couplage fort entre les transferts thermiques, la cinétique de cristallisation et
le comportement thermodynamique du polymère. Les résultats obtenus ont permis le suivi des champs de
températures, du taux de transformation, de la pression et de la densité locale au sein du polymère. La
combinaison de l’évolution du volume spécifique en fonction de la température avec un diagramme PvT
théorique calculé à différentes vitesses de refroidissement permet d’estimer la cinétique de refroidissement à
travers l’épaisseur du polymère.
Dans un second temps, l’étude de la cristallisation du polypropylène sous cisaillement a été réalisée. Le modèle
développé repose sur deux hypothèses : la prise en compte de l’effet de la cristallisation sur la viscosité en se
basant sur les principes de la théorie des suspensions concentrées ; et la dépendance du nombre de germe induits
par écoulement du cisaillement et du taux de cisaillement.
L’étude de la cristallisation sous cisaillement dans des conditions isothermes a montré que l’effet de la vitesse de
cisaillement sur le taux de transformation est beaucoup plus important à hautes températures. Pour des basses
températures cet effet est négligeable devant l’effet thermique. Ce phénomène est expliqué par des considérations
sur la répartition de taille des sphérolites. En refroidissement homogène l’effet du cisaillement est moins pertinent
sous des cinétiques de refroidissement élevées. Pour de faibles cinétiques de refroidissement, l’effet du
cisaillement devient plus prépondérant par rapport à l’effet thermique. La prise en compte de la variation en
fonction de la température du nombre de germes induits par cisaillement, pourra apporter une amélioration pour
l’étude de la cristallisation sous cisaillement dans des conditions de refroidissement quelconques.
Mots-clés :
Injection, polymère, modélisation, cristallisation, pression, caractérisation PVT, cisaillement, rhéologie
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Nadia Brahmia
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Abstract
The objective of this work is the study of the effect of pressure and shear on polymers crystallization kinetics. The
cristallization kinetics of polypropylene under quiescent conditions was studied by calorimetry. Their parameters
were identified by using the kinetic model of ‘Schneider’ with a parameter estimation method of ‘Levenberg-
Marqardt’. The effect of the pressure on the cristallization kinetics was taken into account by considering the
increasing of the thermodynamic melting point of polymer with pressure. In order to study this phenomenon, a
modelling of the isochoric cooling of a plate of polypropylene was then carried out. This model take into account
the strong coupling between heat transfer, crystallization and the thermodynamic behavior of polymer. To study
the crystallization of polypropylene under shear, a kinetic model was developed based on two assumptions : the
taking into account of the effect of crystallization on viscosity based on the principles of the theory of the
concentrated suspensions ; and the dependence of the number of nuclei created by the flow, to the shear and the
shear rate. The study of isothermal showed that the effect of the shear rate on crystallization is more important at
high temperatures. For low temperatures this effects is negligible in front of the temperature effect. In the case of
homogeneous cooling crystallization, the effect of shearing is less relevant under high cooling rate. For weak
cooling rate, this effect becomes more dominating compared to the temperature effect.
Key words:
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Nadia Brahmia
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Sommaire
INTRODUCTION ................................................................................................................................. 3
CHAPITRE I: ETAT DE L’ART ........................................................................................................ 7
1 GENERALITES SUR LES POLYMERES .................................................................................. 7
1.1 LES THERMODURCISSABLES ....................................................................................................... 7
1.2 LES ELASTOMERES ....................................................................................................................... 7
1.3 LES THERMOPLASTIQUES ............................................................................................................ 7
1.3.1 LES AMORPHES ........................................................................................................................... 8
1.3.2 LES SEMI-CRISTALLINS ............................................................................................................... 8
2 GENERALITES SUR L’INJECTION ......................................................................................... 8
2.1 LES PRESSES A INJECTER .............................................................................................................. 9
1.1.1 LES OUTILLAGES ......................................................................................................................... 9
2.2 LES PHASES D’UN CYCLE D’INJECTION .................................................................................... 10
2.2.1 LA PHASE DE PLASTIFICATION ................................................................................................ 10
2.2.2 LA PHASE DE REMPLISSAGE ..................................................................................................... 11
2.2.3 LA PHASE DE COMMUTATION ET MAINTIEN .......................................................................... 12
2.2.4 LA PHASE DE REFROIDISSEMENT ............................................................................................. 12
3 LA RESISTANCE THERMIQUE DE CONTACT DANS LE PROCEDE D’INJECTION 13
3.1 INTRODUCTION - GENERALITES .............................................................................................. 13
3.2 CAS DU PROCEDE D’INJECTION ................................................................................................ 14
3.2.1 MECANISMES DE LA RESISTANCE DE CONTACT DANS LE MOULAGE PAR INJECTION .......... 15
3.2.2 INFLUENCE DU PROCEDE D’INJECTION SUR LA RESISTANCE THERMIQUE DE CONTACT ...... 15
3.2.3 MESURES ET MODELISATION DE LA RESISTANCE THERMIQUE DE CONTACT A L’INTERFACE
POLYMERE/MOULE ............................................................................................................................... 16
4 LA CRISTALLISATION DES POLYMERES ......................................................................... 20
4.1 LA CRISTALLISATION THERMIQUEMENT INDUITE ................................................................. 20
4.1.1 GENERALITES ........................................................................................................................... 20
4.1.2 LA THEORIE DE GERMINATION-CROISSANCE ......................................................................... 23
4.1.2.1 Théorie de la germination .................................................................................................. 24
4.1.2.2 Théorie de la croissance ..................................................................................................... 26
4.1.2.3 La vitesse de croissance G .................................................................................................. 27
4.1.2.4 Température de fusion thermodynamique ..................................................................... 29
4.1.3 THEORIES GLOBALES DE CINETIQUE DE CRISTALLISATION .................................................... 30
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7
4.1.3.1 Introduction ......................................................................................................................... 30
4.1.3.2 Approche géométrique ....................................................................................................... 31
4.1.3.3 Approche probabiliste ........................................................................................................ 34
4.1.3.4 Le temps d’induction .......................................................................................................... 35
4.1.3.5 Approche de Schneider ...................................................................................................... 36
4.2 CRISTALLISATION INDUITE PAR LE CISAILLEMENT ............................................................... 38
4.2.1 INTRODUCTION ........................................................................................................................ 38
4.2.2 EFFETS DES CISAILLEMENTS SUR LA CRISTALLISATION DES POLYMERES .............................. 38
4.2.3 EFFETS SUR LA MORPHOLOGIE CRISTALLINE .......................................................................... 39
4.2.4 AUGMENTATION DU NOMBRE DE GERMES ............................................................................. 40
4.2.5 EFFETS DES CISAILLEMENTS DUR LA VITESSE DE CROISSANCE DES CRISTALLITES ................ 40
4.2.6 EFFET DE LA PRESSION SUR LA CINETIQUE DE CRISTALLISATION .......................................... 41
4.2.7 EFFET DU TAUX DE CRISTALLISATION SUR LA VISCOSITE ....................................................... 44
4.2.8 CINETIQUE DE CRISTALLISATION ............................................................................................ 46
5 CONCLUSION DE L’ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE ......................................................... 51
CHAPITRE II: MATERIAUX ET TECHNIQUES EXPERIMENTALES .................................. 55
1 INTRODUCTION ....................................................................................................................... 55
2 CARACTERISATION RHEOLOGIQUE................................................................................ 55
2.1 INTRODUCTION.......................................................................................................................... 55
2.2 RHEOMETRE DYNAMIQUE PLAN-PLAN .................................................................................... 56
2.2.1 PRINCIPE DE MESURE ............................................................................................................... 56
2.2.2 PREPARATION DES ECHANTILLONS ET PROTOCOLE DE MESURE ........................................... 57
2.3 LE RHEOMETRE CAPILLAIRE ...................................................................................................... 58
2.3.1 PRINCIPE DE MESURE ............................................................................................................... 58
2.3.1.1 Correction de Rabinovitch ................................................................................................. 59
2.3.2 PREPARATION DES ECHANTILLONS ET PROTOCOLE DE MESURE ........................................... 59
2.4 LES LOIS DE VISCOSITE .............................................................................................................. 59
2.4.1 LES MODELES EMPIRIQUES ....................................................................................................... 59
2.4.1.1 La loi de puissance .............................................................................................................. 59
2.4.1.2 La loi de Cross ..................................................................................................................... 60
2.4.1.3 La loi de Carreau ................................................................................................................. 60
2.4.1.4 La loi de Carreau-Yasuda .................................................................................................. 60
2.4.2 THERMO-DEPENDANCES DES LOIS DE VISCOSITE ................................................................... 60
2.5 RESULTATS ................................................................................................................................. 61
3 CARACTERISATION THERMIQUE ..................................................................................... 65
3.1 INTRODUCTION.......................................................................................................................... 65
3.2 CONDUCTIVITE THERMIQUE .................................................................................................... 65
3.2.1 APPAREIL ET PRINCIPE DE MESURE ......................................................................................... 65
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3.2.1.1 Dispositif expérimental du Centre Thermique de Lyon (CETHIL) ............................. 65
3.2.1.2 Méthode du fil chaud ......................................................................................................... 66
3.2.2 RESULTATS ............................................................................................................................... 66
3.3 ANALYSE THERMIQUE DIFFERENTIELLE (DSC) ...................................................................... 70
3.3.1 INTRODUCTION ........................................................................................................................ 70
3.3.2 APPAREIL ET PRINCIPE DE MESURE ......................................................................................... 70
3.3.3 PROTOCOLE DE MESURE ET PREPARATION DES ECHANTILLONS ........................................... 71
3.3.4 RESULTATS ............................................................................................................................... 71
3.3.5 CAPACITE CALORIFIQUE .......................................................................................................... 74
3.3.5.1 Appareil et principe de mesure ......................................................................................... 74
3.3.5.2 Résultats ............................................................................................................................... 75
3.3.6 CARACTERISATION DE LA CINETIQUE DE CRISTALLISATION ................................................. 78
3.3.7 DETERMINATION DE LA TEMPERATURE DE FUSION THERMODYNAMIQUE .......................... 81
4 CONCLUSION ............................................................................................................................ 83
CHAPITRE III: ETUDE DU REFROIDISSEMENT ISOCHORE D’UN POLYMERE SEMI-
CRISTALLIN: PRISE EN COMPTE DU COMPORTEMENT PVT. .......................................... 87
1 INTRODUCTION ....................................................................................................................... 87
2 ETAT DE L’ART .......................................................................................................................... 88
3 DIAGRAMMES PVT .................................................................................................................. 93
3.1 APPAREIL ET PRINCIPE DE MESURE .......................................................................................... 94
3.2 RESULTATS ................................................................................................................................. 94
3.3 MODELISATION DU VOLUME SPECIFIQUE ............................................................................... 96
4 ETUDE DE REFROIDISSEMENT ISOCHORE D’UNE PLAQUE DE POLYMERE
SEMI-CRISTALLIN .......................................................................................................................... 98
4.1 MODELE MATHEMATIQUE ........................................................................................................ 98
4.1.1 GEOMETRIE ET HYPOTHESES CONSIDEREES ............................................................................ 98
4.1.2 LES EQUATIONS GOUVERNANTES ........................................................................................... 99
4.1.3 RESULTATS ET DISCUSSION .................................................................................................... 102
4.1.3.1 Evolution au cours du temps de la température, du taux de transformation, de la
pression et du volume spécifique lors d’un refroidissement ..................................................... 102
4.1.3.2 Etude paramétrique .......................................................................................................... 108
5 CONCLUSION .......................................................................................................................... 115
CHAPITRE IV : DEVELOPPEMENT D’UN MODELE DE CRISTALLISATION SOUS
CISAILLEMENT .............................................................................................................................. 119
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9
1 INTRODUCTION ..................................................................................................................... 119
2 MODELISATION DES POLYMERES SEMI CRISTALLINS PAR LA THEORIE DE
SUSPENSIONS CONCENTREES ................................................................................................ 120
3 PRISE EN COMPTE DE L’EFFET DE L’ECOULEMENT SUR LA CINETIQUE DE
CRISTALLISATION ....................................................................................................................... 123
4 DEVELOPPEMENT DU MODELE DE CRISTALLISATION SOUS CISAILLEMENT 124
4.1 IDENTIFICATION DES PARAMETRES DU MODELE ................................................................. 128
4.1.1 METHODE INVERSE POUR L’ESTIMATION DES PARAMETRES ............................................... 129
4.1.2 MESURES NECESSAIRES .......................................................................................................... 130
4.1.2.1 Mesures en DSC ................................................................................................................ 130
4.1.2.2 Mesures de rhéologie ........................................................................................................ 132
5 APPLICATION DU MODELE DE TANNER A UN ECOULEMENT ENTRE DEUX
CYLINDRES CO-AXIAUX ............................................................................................................ 136
5.1 GEOMETRIE ET HYPOTHESES CONSIDEREES. ........................................................................ 136
5.2 CAS DES DEUX CYLINDRES AU REPOS .................................................................................... 137
5.2.1 ETUDE DE LA CRISTALLISATION ISOTHERME ........................................................................ 139
5.2.2 ETUDE DE LA CRISTALLISATION A VITESSE DE REFROIDISSEMENT CONSTANTE ................. 140
5.3 CAS DU CYLINDRE EN ROTATION (CRISTALLISATION SOUS CISAILLEMENT) .................... 141
5.3.1 ETUDE DE LA CRISTALLISATION ISOTHERME ........................................................................ 144
5.3.1.1 Influence de la vitesse de cisaillement sur le taux de transformation ....................... 144
5.3.1.2 Influence de la température de cristallisation sur le taux de transformation ........... 154
5.3.2 ETUDE DE LA CRISTALLISATION EN REFROIDISSEMENT HOMOGENE .................................. 157
5.3.2.1 Influence de la vitesse de refroidissement sur le taux de transformation ................ 157
5.3.2.2 Influence de la vitesse de cisaillement sur la cristallisation ........................................ 159
5.3.2.3 Influence de la température initiale sur la cristallisation ............................................ 174
6 CONCLUSION .......................................................................................................................... 181
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES ..................................................................... 185
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ........................................................................................ 191
ANNEXE A - DEVELOPPEMENT DU MODELE DE CRISTALLISATION SOUS
CISAILLEMENT .............................................................................................................................. 201
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Nadia Brahmia
10
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Introduction générale
1
Introduction générale
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Nadia Brahmia
2
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Introduction générale
3
Introduction
Le présent travail entre dans le cadre d’un projet de recherche industrielle sur
l’application des technologies de grille de calcul, centré sur les besoins de la filière plasturgie
en matière d’outils de simulations numériques.
Nous nous sommes intéressés à l’injection. Ce procédé de plasturgie est le plus couramment
utilisé pour la réalisation de grandes séries de pièces plastiques massives et/ou de formes
complexes. Il consiste à mouler le polymère à l’état fondu sous l’action de phénomènes
physiques (écoulement, mise sous pression, refroidissement), et former la pièce souhaitée. Le
polymère injecté subit des transformations thermodynamiques importantes : sa température
augmente fortement, principalement à cause du cisaillement auquel il est soumis par l’action
de la vis de plastification. Il est alors à l’état fondu, et se comporte comme un fluide de
viscosité très élevée. Le polymère fondu est ensuite introduit sous pression, dans l’empreinte
du moule, préalablement fermé et maintenu fermé avec un effort atteignant couramment
plusieurs millions de newtons. Lorsque le moule se refroidit, la pièce se solidifie tout en se
contractant : le volume occupé par la pièce solidifiée est ainsi inférieur à celui de l'empreinte.
On appelle ce phénomène le retrait, c’est un des problèmes techniques fondamentaux du
procédé d’injection.
Le refroidissement incluant la solidification du polymère est la phase la plus importante vis-
à-vis du temps du cycle d’injection. Dans cette phase, les transferts de chaleur s’effectuent
principalement par conduction dans le polymère. Le phénomène de cristallisation induit le
dégagement d’une chaleur latente dû au changement de phase et une grande variation des
propriétés thermophysiques du polymère semi-cristallin. Une modélisation précise des
transferts de chaleur dans ce type de matériau implique essentiellement une description de
la source de chaleur dégagée lors de la solidification ainsi que l’évolution des propriétés
thermophysiques due à la cristallisation et à la variation de température.
La simulation numérique du procédé d’injection a permis de répondre à certains des
problèmes posés sans avoir à passer par des essais industriels, coûteux en temps et en
moyens. Ces simulations dépendent étroitement de la modélisation réalisée, et les modèles
deviennent de plus en plus complexes afin de mieux représenter la réalité physique. Si
l’étape de remplissage dynamique est maintenant correctement prise en compte dans les
logiciels commerciaux, certaines difficultés sont encore rencontrées pour simuler
convenablement l’évolution de la pression et le retrait présent pendant le compactage et le
refroidissement des polymères semi-cristallins; ces phénomènes sont liés directement à la
cristallisation qui dépend largement des conditions thermomécaniques tels que la
température, le temps, la pression, les contraintes, les cisaillements, etc.
La prévision de la cinétique de cristallisation sous cisaillement est une étape difficile et les
études associées sont nombreuses. Les modèles mathématiques existants consistent
essentiellement à modéliser l’influence de la déformation sur la germination et la croissance
cristalline. L’identification des paramètres liés à ces modèles représente souvent une tâche
très difficile, ce qui rend leur utilisation dans des codes d’injection parfois impossible.
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Nadia Brahmia
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Cette thèse a un double objectif :
L’étude de l’effet de la pression sur la cinétique de cristallisation du polymère, en
prenant en compte son comportement pression- volume- température (PvT).
Le développement d’un modèle simple de cristallisation sous cisaillement, pouvant
être facilement implémenté dans un code de calcul d’injection.
La thèse comporte quatre chapitres. Le premier, expose l’état de l’art sur la cristallisation du
polymère induite thermiquement et par cisaillement. Les différents paramètres influant sur
la cinétique de cristallisation, ainsi que l’effet de la cristallisation sur la rhéologie du
polymère sont exposés.
Le deuxième chapitre, présente les différentes techniques expérimentales utilisées pour
caractériser les propriétés thermophysiques du polymère. Les mesures ont porté sur trois
polymères : le polypropylène, le polybutylène téréphtalate et le polystyrène. Des lois de
mélanges ont permis de décrire la conductivité thermique, la capacité calorifique et la
variation du volume spécifique en fonction de la pression, de la température et du taux de
cristallisation.
Après la détermination expérimentale des propriétés thermophysiques des polymères, une
modélisation du refroidissement isochore d’une plaque en polypropylène tenant compte du
comportement PvT a été menée, dans le but d’étudier l’effet de la pression sur la
cristallisation. Le modèle introduit un couplage entre les transferts thermiques, la
cristallisation, la compressibilité ainsi que l’évolution des propriétés thermophysiques du
polymère en fonction de la température, de la pression et du taux d’avancement de la
cristallisation. Cette étude fait l’objet du chapitre III.
Le dernier chapitre concerne le développement d’un modèle de cristallisation sous
cisaillement. Ce modèle repose sur deux considérations : la première concerne la prise en
compte de l’effet de la cristallisation du polymère sur la rhéologie de l’écoulement (en
particulier la viscosité du polymère), en utilisant les principes de la théorie des suspensions
concentrées. La seconde, interprète l’effet de l’écoulement sur la cinétique de cristallisation
par la création d’un nombre de germes supplémentaires qui doit être rajouté au nombre
initial de germes activés. Ce dernier a été lié à l’écoulement par un paramètre qui combine la
déformation et le taux de déformation.
Le modèle développé est appliqué à un écoulement d’un polymère entre deux cylindres co-
axiaux, l’un fixe et l’autre tournant (écoulement de Couette), en utilisant les équations
différentielles de Schneider basées sur l’approche cinétique d’Avrami-Kolmogorov. Ces
équations ont été résolues avec un code commercial basé sur la méthode des éléments finis.
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Chapitre I : état de l’art
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Chapitre I: Etat de l’art
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Nadia Brahmia
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Chapitre I : état de l’art
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Chapitre I: Etat de l’art
1 Généralités sur les polymères
Les polymères sont des produits fabriqués à partir de la polymérisation d’un
monomère. Selon leurs propriétés, on peut distinguer les polymères thermodurcissables et
les polymères thermoplastiques.
1.1 Les thermodurcissables
Les thermodurcissables sont formés de monomères ou de groupes de monomères liés
entre eux par un réseau tridimensionnel de liaisons chimiques formées à la chaleur ou en
présence d’un catalyseur. Cette opération, la réticulation, est irréversible. Les
thermodurcissables sont rigides à la température d’utilisation, et n’ont pas de point de
fusion. Les phénoplastes, les aminoplastes, les polyépoxydes, les polyuréthanes sont des
thermodurcissables.
1.2 Les élastomères
Les élastomères peuvent être considérés comme des thermodurcissables faiblement
pontés, c'est-à-dire comportant moins de liaisons. Leur principale propriété est leur faible
rigidité.
1.3 Les thermoplastiques
Les thermoplastiques se composent de macromolécules linéaires non reliées entre
elles. Ils se caractérisent surtout par leur aptitude au formage plastique lorsqu’ils sont
chauffés au-delà de leur température de ramollissement. Ils redeviennent solides lorsqu’ils
sont refroidis. Le cycle peut être répété de nombreuse fois sans dégradation majeure. Selon
leurs structures, les thermoplastiques sont répartis en deux grandes familles : les amorphes et
les semi cristallins.
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Nadia Brahmia
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1.3.1 Les amorphes
L’état amorphe se caractérise par la configuration de ses chaînes, enchevêtrées sous
forme de pelotes statistiques dans lesquelles on ne peut distinguer d’ordre à grande échelle.
Cette structure confère au polymère un aspect de liquide figé. Les polymères amorphes se
caractérisent par une transformation entre l’état vitreux « rigide » et l’état caoutchoutique
élastique, par une transition vitreuse, transition du second ordre.
1.3.2 Les semi-cristallins
L’état cristallin est caractérisé par l’existence d’un ordre à grande échelle. Les chaînes
s’agencent en ordre régulier, définissant une maille cristalline qui se répète périodiquement
dans l’espace. Des microstructures organisées (lamelles, sphérolites
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Chapitre I : état de l’art
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2.1 Les presses à injecter
La matière plastique est injectée dans le moule par l’intermédiaire d’une presse à
injecter. Elle est composée en général de deux groupes fonctionnels (figure n°1) : le groupe
d’injection et le groupe de fermeture.
Le groupe d’injection, comme son nom l’indique, a comme fonction première de procéder à
l’injection du polymère fondu dans l’empreinte de l’outillage. Cette fonctionnalité est assurée
par l’ensemble vis-fourreau.
Le groupe fermeture a pour fonction, quant à lui, d’accueillir l’outillage et d’assurer les
mouvements d’ouverture et de fermeture du moule lors du cycle de mise en forme.
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Figure 1 : architecture d’une presse à injecter industrielle *1]
1.1.1 Les outillages
Un outillage est composé systématiquement de deux parties, une partie fixe et une
partie mobile. La surface d’appui entre ces deux parties est appelée plan de joint. Les parties
fixe et mobile sont respectivement fixées sur le plateau fixe et le plateau mobile de la presse.
La figure n°2 présente une description d’un outillage.
D’une manière générale, un outillage est composé de six parties fonctionnelles :
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Nadia Brahmia
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- la carcasse : il s’agit du bloc massif de l’outillage qui lui confère sa consistance
mécanique.
- le bloc empreinte : il s’agit de la partie interne de l’outillage qui accueille les parties
male et femelle de l’empreinte, et qui donne la forme de la pièce.
- le bloc de réception buse : il s’agit de la partie destinée à recevoir la buse machine.
- les canaux d’alimentations : il s’agit des canaux qui conduisent de la matière dans
l’empreinte. Ils peuvent être froids ou avec des blocs chauds (dans ce cas régulés en
température) pour certains types d’injection.
- les canaux de refroidissement : il s’agit de canaux dans lesquels un liquide
caloporteur circule pour extraire les calories de l’empreinte lors de la phase de
refroidissement.
- le bloc éjection : il s’agit d’un ensemble plaque-broches dont le mouvement est
assuré par un vérin hydraulique qui permet l’éjection de la pièce une fois celle-ci
refroidie.
Figure 2: schéma d’un outillage *2]
2.2 Les phases d’un cycle d’injection
Le cycle d’injection se décompose en quatre phases séquentielles :
2.2.1 La phase de plastification
La phase de plastification a pour objectif de faire passer le polymère de l’état solide
(sous forme de granulé) à l’état fondu. Cette transformation est réalisée par l’ensemble vis-
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Chapitre I : état de l’art
11
moulepresse à injecter
vis de
plastification
cylindre
(chauffage)
canaux de
refroidissement
partie fixe partie mobile
empreinte
moulepresse à injecter
vis de
plastification
cylindre
(chauffage)
canaux de
refroidissement
partie fixe partie mobile
empreinteb) remplissage du moule
fourreau dont la fonction est de broyer et de chauffer le granulé pour l’amener peu à peu à
l’état fondu. Pour cela, on anime la vis d’un mouvement rotatif qui a pour effet de
transporter la matière de la zone d’alimentation vers la tête de foureau. Au cours du
transport, le polymère est chauffé et broyé, assurant ainsi par effet thermomécanique sa mise
à l’état fondu (figure n°3).
vis de
plastification
cylindre
(chauffage)
polymère en granulés
partie fixe partie mobile
empreinte
moulepresse à injecter
vis de
plastification
cylindre
(chauffage)
polymère en granulés
partie fixe partie mobile
empreinte
moulepresse à injecter
a) plastification
Figure 3 : phase de plastification [3]
2.2.2 La phase de remplissage
Une fois la matière accumulée en tête de fourreau, celle-ci est ensuite injectée dans
l’empreinte de l’outillage par une avancée de la vis. Cette phase du cycle de transformation
est appelée phase dynamique du remplissage. L’avancée de la vis est régulée en débit ou en
pression pour maîtriser la vitesse d’injection du thermoplastique dans l’empreinte (figure
n°4).
Figure 4 : phase de remplissage du moule [3]
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Nadia Brahmia
12
vis de
plastification
canaux de
refroidissement
partie fixe partie mobile
matière en cours de
solidification
force de
fermeture
moulepresse à injecter
vis de
plastification
canaux de
refroidissement
partie fixe partie mobile
matière en cours de
solidification
force de
fermeture
moulepresse à injecter
c) maintien + solidification
2.2.3 La phase de commutation et maintien
La commutation est l’instant clé du procédé d’injection. Il s’agit de l’instant de
transition entre la phase de remplissage dynamique et la phase de maintien. A cet instant, le
pilotage de l’injection passe d’une régulation en vitesse à une régulation en pression. En
général, on choisit de commuter au moment où l’empreinte est complètement remplie. Cet
instant est notifié par la présence d’un pic de pression d’injection prononcé. Cet événement
est alors utilisé pour déclencher la commutation.
Dès lors où la commutation est enclenchée, la presse applique au niveau du bloc d’injection
une consigne de pression de maintien. Cette pression a pour objectif de maintenir la matière
dans la cavité pour compenser les phénomènes de retrait volumique dus au refroidissement
de la matière. Une pression de maintien insuffisante conduit à la formation de défauts
appelés retassures. Il s’agit de zones massives où le retrait de la matière laisse deviner des
zones insuffisamment remplies. Une faible pression de maintien peut être également
responsable de la formation de vacuoles. Il s’agit de bulles de vide présentes au cœur de la
matière pouvant fragiliser l’objet lorsque celui-ci est sollicité mécaniquement. A l’inverse,
une pression de maintien trop élevée contribue à générer des contraintes dans la pièce, qui
auront pour effet au final de la déformer (figure n°5).
Figure 5 : phase de maintien et de solidification [3]
2.2.4 La phase de refroidissement
En parallèle de la phase de maintien, le polymère débute au contact des parois
refroidies de l’outillage son retour à l’état solide. Cette phase appelée phase de
refroidissement perdure jusqu’à ce que le polymère atteigne sa température de démoulage
(figure n°5 et 6).
-
Chapitre I : état de l’art
13
Figure 6 : éjection de la pièce [3]
3 La résistance thermique de contact dans le procédé
d’injection
3.1 Introduction - Généralités
La résistance thermique de contact est la résistance aux flux de chaleur passant à
travers l’interface de deux milieux en contact imparfait suite aux imperfections (rugosité de
surface, non planéité,..). Pour bien comprendre les travaux sur la résistance thermique de
contact, il est très important de mettre en relief les phénomènes physiques de base dont
dépendent la géométrie de l’interface et les transferts de chaleur à travers celle-ci.
Figure 7 : schématisation de la résistance thermique de contact entre deux milieux immobiles
en contact en régime permanent [4]
partie fixe partie mobile
pièce solidifiée
moulepresse à injecter
partie fixe partie mobile
pièce solidifiée
moulepresse à injecter
d) éjection
-
Nadia Brahmia
14
Le contact entre les deux milieux s’effectue seulement en certaines zones de surface
très faible devant la surface apparente (figure n°7). Pour des métaux la surface réelle de
contact représente environ 1% de la surface apparente d’après l’étude de Bardon (1972) [5]
Entre les zones de contact subsiste un espace interstitiel, rempli par un fluide, généralement
de l’air, mauvais conducteur. Lorsqu’un flux de chaleur permanent traverse l’interface entre
les deux milieux, certaines lignes de flux convergent vers les zones de contact où le passage
de chaleur est facilité (passage n1), il en résulte un phénomène de constriction des lignes de
flux qui se caractérise par l’accroissement de la résistance thermique de contact. D’autres
lignes de flux traversent l’espace interstitiel (passage n2), ce transfert de chaleur s’effectue
essentiellement par conduction thermique. Le champ de température qui en résulte se trouve
considérablement perturbé dans une région localisée de part et d’autre de l’interface.
Les deux voies de passage (n1 et n2) sont bien évidemment couplées. Si par exemple le
passage de chaleur par le milieu interstitiel est plus important, la constriction sera d’autant
plus faible. La résistance thermique de contact (RTC) en régime permanent est définie par la
relation suivante :
0
2
0
1 TTR Équation 1
Où T10 et T20 sont les deux températures de contact « fictives », obtenues par extrapolation du
champ de température non perturbé vers l’interface géométrique de contact P et le flux
de chaleur traversant l’interface. Rappelons que le flux de chaleur est la quantité de chaleur
(énergie) par unité de surface (W.m-2). Il en résulte que R est donnée en m2. K / W.
Cette définition implique donc de supposer que l’épaisseur de l’interface est nulle, que le
champ de température se prolonge sans être perturbé jusqu’au plan P et de considérer une
discontinuité de la température sur le plan P. De nombreux travaux de synthèse ont été
réalisés sur la résistance thermique de contact, parmi lesquelles on peut citer ceux de Bardon
(1988) [6 ] et de Fletcher (1988) [7].
3.2 Cas du procédé d’injection
Depuis plusieurs années, une grande partie des études concernant la résistance
thermique de contact a été focalisée sur le contact métal-métal. La géométrie de contact
entre les deux solides est, la plupart du temps, correctement maîtrisée. Lorsque la pression
entre les deux milieux est suffisante, la part de chaleur qui passe par les points de contact est
prédominante, puisqu’on est en présence de deux milieux bons conducteurs de la chaleur, et
l’étude se focalise sur cette voie de passage.
Dans le cas du contact entre deux matériaux, l’un conducteur de conductivité 1 et l’autre
isolant de conductivité 2 , tel est le cas d’un contact entre un polymère et un moule, la
moyenne harmonique des conductivités e est de l’ordre de grandeur du matériau isolant
avec : 221
1211
e
si 1 >> 2.
-
Chapitre I : état de l’art
15
Dans ce cas le passage de la chaleur est modifié à travers l’interface : la proportion de
chaleur passant par le milieu interstitiel devient prépondérante et la résistance de
constriction est fortement affectée. Dans le cas du contact polymère moule, l’aspect
mécanique du contact polymère/métal est également à considérer. En effet, la dureté et les
modules d’élasticité sont beaucoup plus faibles pour un thermoplastique que pour un métal.
La géométrie du contact et donc la surface des points de contact dépendront
particulièrement de la pression.
3.2.1 Mécanismes de la résistance de contact dans le moulage par injection
Lors du remplissage du moule, la matière entre en contact avec les parois du moule et
commence immédiatement à se refroidir en formant une couche mince solidifiée sur la
surface de la paroi. L’épaisseur de cette couche à la fin du remplissage dépend de la
température d’injection, la température des parois du moule, le temps de remplissage et la
géométrie de la pièce. La résistance thermique de contact est due à la conductance (l’inverse
de la résistance) des zones de contact (voir figure n°7). Une fois que le seuil d’injection ou
toute autre section dans la cavité se solidifie, la partie en aval de la section solidifiée se
trouve isolée de la pression de maintien exercée par la presse. Cette diminution de pression
entraîne l’apparition de contraintes résiduelles de traction de la couche de polymère
solidifiée loin des parois du moule, qui est due à la différence de la pression au moment du
figeage des couches de polymère et provoque le phénomène de retrait. Ce retrait est non
uniforme, due à une orientation préférentielle des chaînes polymères sous l’effet de
l’écoulement.
La pièce entre en contact avec les parois du moule en certains points. La résistance thermique
de contact entre la surface de la pièce et la paroi du moule dépend donc de la nature du
contact entre ces deux surfaces.
3.2.2 Influence du procédé d’injection sur la résistance thermique de
contact
Certains paramètres du procédé de l’injection sont à prendre en compte lors de
l’étude des résistances thermiques de contact entre le polymère et le moule. Il faut tout
d’abord tenir en compte du fait que la micro-géométrie du contact est influencée par la
solidification du polymère sur le moule. Il a été montré dans l’étude de Quillet [4] que la
lame d’air qui freine les transferts thermiques, est une fonction croissante de la rugosité et
joue un rôle prépondérant dans le passage de la chaleur. Or dans les modèles classiques de
la résistance thermique de contact, le milieu interstitiel joue un rôle mineur dans les
transferts de chaleur à l’interface. Par ailleurs, la pression dans la cavité moulante varie
beaucoup pendant la mise en forme et les niveaux de pression atteints sont importants : de
l’ordre de plusieurs centaines de bars. La pression a donc probablement une influence
importante sur la géométrie du contact, sur le milieu interstitiel et donc sur la résistance
thermique de contact.
-
Nadia Brahmia
16
Sridhar et al. [8+ ont lié la variation de la résistance thermique de contact pendant l’injection,
au comportement de l’espace interstitiel produit entre le polymère et le moule suite au retrait
de la pièce refroidie. Les résultats ont montré que l’interface est constituée de régions de bon
contact formées pendant la phase de remplissage et d’interstices de taille finie formés par le
retrait lors du refroidissement. Les dimensions de ces deux régions à un instant donné
dépendent du flux de chaleur à l’interface, de l’uniformité des retraits, etc. L’étude a montré
que la résistance thermique de contact est fonction de l’interstice formé. Les dimensions de
cet interstice varient d’une taille minimale au début du remplissage à une taille maximale
vers la fin de la phase de refroidissement.
3.2.3 Mesures et modélisation de la résistance thermique de contact à
l’interface polymère/moule
Les mesures de la résistance thermique de contact sur un moule réel sont délicates,
car la résistance thermique de contact dépend d’un grand nombre de paramètres qui
proviennent du polymère, du moule et des conditions de moulage.
Quelques études [9], [10+ ont montré que l’utilisation des thermocouples pour la mesure de
la température dans le polymère perturbe la mesure. L’étude de Quillet [4] et Le Bot [11],
montre que les thermocouples utilisés peuvent refroidir localement le polymère. Des
capteurs infrarouges pour mesurer la température de surface du polymère ont été utilisés
par Maier et al. [12] et Lallemand [13]. Ce type de capteur pose des problèmes de calibration,
et on ne peut pas toujours assurer un caractère non intrusif.
D’autres méthodes de mesures ont été proposées. Elles consistent à installer dans la cavité
moulante des thermocouples de très petit diamètre de l’ordre de 80 à 200 µm avant l’arrivée
du polymère dans le moule et sa solidification. Ces méthodes sont très difficiles à mettre en
ouvre car la fixation des thermocouples ne peut pas être assurée dus à la haute viscosité des
polymères, aux fortes pressions et aux grandes vitesses d’injection.
Yu et al. [14], ont réalisé des mesures de la résistance thermique de contact dans des
conditions réelles d’injection. Leurs mesures ont été utilisées dans les simulations de la phase
de refroidissement. Cela leur a permis d’estimer les différences entre les temps de
refroidissement avec et sans résistance thermique de contact. A titre d’exemple, pour une
pièce en polystyrène d’épaisseur 2 mm, la résistance thermique obtenue en refroidissement
est de l’ordre de (1~2). 10-3 m2.K/W. Le temps de refroidissement de cette pièce, calculé en
utilisant cette valeur de la RTC est de l’ordre de 22 s. Dans le cas contraire (la résistance
thermique de contact n’est pas prise en compte), le temps de refroidissement évalué pour la
même pièce est de l’ordre de 13 s.
Manceau [15+ dans son étude, a évalué l’ordre de grandeur de la résistance thermique de
contact en comparant des données expérimentales avec des simulations du procédé
d’injection. Elle donne une valeur moyenne pendant la phase de compactage de l’ordre de
10-5 m2.K/W et de l’ordre de 10-3 m2.K/W pendant le refroidissement, ce qui fait un rapport de
100 entre les deux valeurs.
-
Chapitre I : état de l’art
17
Narh et Sridhar [16+ ont étudié avec un logiciel de simulation du procédé d’injection l’effet de
la résistance thermique de contact sur le temps de refroidissement des pièces injectées. Les
calculs ont montré que le temps de refroidissement nécessaire pour que la pièce atteigne sa
température d’éjection 116 C° pour une résistance thermique de contact de l’ordre de 10-3
m2.k/W est supérieur de 15% au temps de refroidissement calculé pour une résistance
thermique de contact de l’ordre de 4.10-5 m2.k/W (figure n°8).
Figure 8 : variation de la température dans la pièce à une position donnée en fonction du temps de
cycle pour deux valeurs différentes de la résistance thermique de contact [16].
Le Bot *11+ montre l’évolution expérimentale de la résistance thermique de contact avec le
temps dans les parties mobile et fixe d’un moule.
-
Nadia Brahmia
18
Figure 9 : résistance thermique de contact côté mobile et côté fixe
du moule en fonction du temps [11].
La modélisation de la résistance thermique de contact dans le procédé d’injection reste un
enjeu difficile. A notre connaissance, hormis les travaux de Narh et Sridhar [17], Delaunay et
al. [18], [19] Massé et al. [20], les modèles de résistance de thermique de contact sont rares.
Narh et Sridhar [17] ont étudié la résistance thermique de contact en fonction des différents
paramètres tels que la température, la pression et la rugosité de surface de contact. Ces
derniers ont mesuré à l’interface polystyrène/acier la résistance thermique de contact, pour
des pressions allant de 0.2 à 0.25 MPa, et à des températures moyennes entre 65 et 95°C,
inférieures à la température de transition vitreuse du polystyrène ( 100C°).
La variation de la résistance thermique de contact en fonction de la température, de la
pression et des paramètres d’interface, a été décrite par le modèle empirique suivant *17+ :
1
( )92 1 21 2( )
1.25 ln (1 )1
g
g
T T
adc T T
c mh P A v A P
te Équation 2
Où : cR
h1
est la conductance. A1, A2, c1, c2 sont des constantes liées au matériau. v, le
volume spécifique en (m3/kg), P, la pression de contact (MPa). Pac , la pression de contact
adimensionnelle. , la rugosité de surface. m, la taille de l’aspérité. 1, la conductivité
thermique du métal. 2, la conductivité thermique du polymère.
-
Chapitre I : état de l’art
19
Delaunay et al. [18], [19] ont estimé la résistance thermique de contact pendant la phase de
refroidissement du procédé d’injection à l’aide des méthodes inverses. Ils ont déterminé la
température de surface du polymère par une autre méthode inverse, puis le flux de chaleur
et la température de surface du moule grâce à deux ensembles de thermocouples. Une fois le
flux de chaleur et les températures de surface déterminés, la résistance thermique de contact
a été calculée selon la relation :
sm spT TRTC Équation 3
Avec Tsp et Tsm les températures à la surface du polymère et à la surface du moule.
Les auteurs concluent que la résistance thermique de contact dépend des conditions qui
règnent dans le moule et augmente quand la pression diminue. Ils ont remarqué que quand
la pression dans le moule atteint la pression atmosphérique, la résistance thermique de
contact augmente brusquement. Ceci s’explique par le décollement de la pièce.
Une étude similaire par Massé et al. [20] sur la résistance thermique de contact a permis de
remarquer que la rugosité du moule avait une influence sur le refroidissement et le
détachement de la pièce, à cause des phénomènes de piégeage de gaz entre les rugosités. La
pression appliquée pour compenser le retrait (pendant le compactage) a une grande
importance. Elle entraîne une modification des conditions de contact et conditionne le
refroidissement. Les deux paramètres importants sont donc la pression et la rugosité de la
surface du moule. Massé [20] en déduit une loi empirique, qui a été vérifiée seulement dans
le cas des polymères amorphes:
0
( )
0( ) .
P t
PRTC t R e Équation 4
Où R0 et P0 sont fonctions de la rugosité et doivent être déterminées pour chaque couple
polymère/métal. La RTC (t) dépend aussi de la conductivité thermique du matériau.
L’ensemble des travaux sur la résistance thermique de contact permet de conclure que celle-
ci ne doit pas prendre une valeur constante au cours de l’injection. Pour améliorer la
simulation et en tenant compte du retrait que subit la pièce pendant le refroidissement,
toutes les études montrent la nécessité d’utiliser des valeurs de l’ordre de 10-3 m2.K/W
pendant le refroidissement et de l’ordre de 10-5 m2.k/W pendant la phase de remplissage.
Le caractère empirique des modèles, conduit généralement à l’utilisation des valeurs
moyennées de la résistance thermique de contact pour chaque phase lors des simulations.
-
Nadia Brahmia
20
4 La cristallisation des polymères
Dans le cas d’un polymère semi-cristallin, la modélisation du procédé d’injection en particulier la phase de refroidissement nécessite la prise en compte de la cinétique de
cristallisation. La cristallisation d’un polymère est souvent thermiquement induite.
Cependant, de nombreux paramètres autres que la température peuvent intervenir et
influencer l’avancement de la cristallisation. Les premières théories cinétiques de
cristallisations ont été établies par Avrami, et servent généralement de base pour des modèles
plus élaborés. Dans un premier temps, nous présentons le processus de cristallisation, les
mécanismes de germination et de croissance et les théories globales de cinétique de
cristallisation. Dans un second temps, nous présentons les paramètres influant sur la
cinétique de cristallisation et les modèles mathématiques utilisés pour la modélisation.
4.1 La cristallisation thermiquement induite
4.1.1 Généralités
La cristallisation d’un polymère engendre des structures cristallines, souvent des
sphérolites en conditions statiques, dont le nombre et la taille déterminent les propriétés
mécaniques finales du produit. Afin de maîtriser ces paramètres, il est important de
comprendre la cristallisation d’un polymère selon les conditions de refroidissement
appliquées pour pouvoir par la suite la modéliser.
La capacité d’un polymère à cristalliser dépend fortement de sa tacticité. Cette propriété est
évaluée selon la position des groupements portés par les carbones asymétriques par rapport
au plan du squelette carboné. La forme obtenue dépend du catalyseur de polymérisation
utilisé. Le polymère est isotactique lorsque tous les groupements sont situés du même côté
du plan; syndiotactique, lorsque les groupements sont situés alternativement d’un côté puis
de l’autre du plan et atactique lorsque les groupements sont répartis aléatoirement (figure
n°10).
En général, seules les formes régulières isotactiques et syndiotactiques peuvent former des
cristaux. La forme isotactique conduira à des taux de cristallinité plus élevés que la forme
syndiotactique. Cependant, des exceptions existent pour quelques polymères atactiques à
groupements peu encombrants.
-
Chapitre I : état de l’art
21
Figure 10: stéréoisomères du polypropylène
La lamelle cristalline, d’une épaisseur de l’ordre de 10 nm, est l’entité de base
rencontrée lors de la cristallisation statique d’un polymère [21]. Elles sont constituées
d’alignements (ou conformations) de segments de chaînes macromoléculaires
présentes au sein du fondu. Différents modèles existent quant aux mécanismes de
formation, et donc à la structure de ces alignements. Un descriptif synthétique de ces
modèles est fourni par Rattia [22].
- le repliement aléatoire des chaînes (« random reentry model », Flory) ;
- le repliement adjacent des chaînes (« adjacent reentry model », Hoffman) ;
D’après ces deux modèles, les chaînes diffusent dans le fondu et se replient afin de créer des
conformations et ainsi permettre la croissance de la lamelle cristalline.
- le modèle de solidification (« erstarrungsmodell », Fischer) : selon ce modèle, il n’y a pas
de diffusion importante des segments de chaînes, le cristal se formant à partir des
conformations favorables existant à l’état fondu.
a) repliement aléatoire b) repliement adjacent
-
Nadia Brahmia
22
liens interlamellaires enchevêtrés dédoublements de lamelles
Le sphérolite est la plus grosse entité de microstructure formée lors de la
solidification d’un polymère semi-cristallin à partir de l’état fondu (cas du procédé
d’injection). Son ordre de grandeur est le micron. C’est un agglomérat
approximativement sphérique constitué de lamelles monocristallines radiales,
séparées par des zones amorphes (cf. figure n°11).
Le mécanisme de formation supposé est représenté sur la figure n° 12 : après germination
(homogène ou hétérogène), les lamelles cristallines s’empilent tout en continuant à croître
linéairement ; la microstructure évolue alors vers une forme sphérique par courbure et
disposition en éventail des cristallites [23].
La croissance des lamelles se fait essentiellement par repliement et dépôt des chaînes
macromoléculaires au sein de la même lamelle cristalline, mais une même chaîne peut aussi
appartenir à plusieurs lamelles cristallines adjacentes. Dans ce cas, elle comporte des
portions dans la phase amorphe. Ceci explique que, contrairement aux systèmes constitués
d’atomes ou de petites molécules, les matériaux polymères ne peuvent en général pas
atteindre la cristallinité totale (sauf dans le cas des monocristaux formés en solution), car cela
nécessiterait un réarrangement trop important des chaînes.
En raison de la présence de ces zones amorphes interlamellaires, les sphérolites sont par
nature des entités semi-cristallines.
Figure 11 : schématisation d’un sphérolite, formé de lamelles à chaînes repliées *24]
a) Conformation de chaînes à l’état fondu - b) Alignement de conformations
-
Chapitre I : état de l’art
23
Empilement
de lamelles Axialite (ou
cylindrite)
Sphérolite
naissant
Figure 12 : formation d'un sphérolite
L’étude de la cinétique de cristallisation peut être abordée différemment selon l’échelle à
laquelle le phénomène est observé. A l’échelle moléculaire, la théorie de la germination et de
la croissance s’appuie sur des principes thermodynamiques. A l’échelle macroscopique, les
théories globales de la cinétique de cristallisation s’intéressent à la description de la
transformation progressive de la matière à l’état fondu en entités cristallines, tels que les
sphérolites par exemple.
4.1.2 La théorie de germination-croissance
La cristallisation d’un polymère passe par différentes étapes : la germination qui voit
l’apparition des premiers germes cristallins dans le fondu, la croissance qui correspond au
développement des cristaux et enfin une éventuelle cristallisation secondaire qui tend à
parfaire les cristaux précédemment formés pendant la cristallisation primaire. L’ensemble de
cette théorie de la germination-croissance est présentée dans les travaux d’Hoffman-Lauritzen
[25].
D’après la thermodynamique, toute évolution spontanée d’un système à pression constante a
lieu dans le sens d’une diminution de son enthalpie libre g. La température de fusion
thermodynamique notée Tf0 est donc déterminée par l’intersection des courbes gliquide (T) et
gsolide (T).
Ainsi, en dessous de la température de fusion Tf0, la phase cristalline (solide) est plus stable
que la phase fondue (liquide), et inversement au dessus de Tf0. Ces considérations sont
valables pour tout corps (figure n°13).
-
Nadia Brahmia
24
T
g
Tf0
fondu
cristal
gV < 0
T
T
Figure 13 : enthalpie libre d'un système diphasique cristal/fondu.
4.1.2.1 Théorie de la germination
La formation d’un germe résulte de deux mécanismes antagonistes du point de vue
énergétique :
- une variation d’enthalpie libre gV associée à la transformation d’un volume de fondu
en cristal. Ce terme est proportionnel au volume du germe, et il est d’autant plus
négatif que la surfusion T = Tf0 – T est plus grande ;
- une variation d’enthalpie libre gS associée à la formation d’interface fondu-cristal.
Ce terme est proportionnel à la surface totale d’interface, et toujours positif.
La variation totale d’enthalpie libre du système lors de la germination passe donc par un
maximum, et s’écrit :
V Sg g g Équation 5
Afin de fixer les idées, intéressons-nous au cas simple de la formation d’un germe sphérique
(un seul paramètre dimensionnel : le rayon r). La variation d’enthalpie libre est représentée
sur la figure n° 14.
Le germe formé sera stable (c'est-à-dire qu’il pourra continuer à croître) uniquement si une
augmentation de sa taille conduit à une diminution de l’enthalpie libre du système. Ceci est
vérifié au-delà du maximum de g, c'est-à-dire pour r > r* (rayon critique). Dans le cas
contraire, le germe est instable et il tend à disparaître.
La figure n° 14, montre également que plus la surfusion T est importante, plus le rayon
critique est faible, i.e. plus la germination est statistiquement favorisée.
-
Chapitre I : état de l’art
25
gV(T) r3 g(T1)
T croissant (T1 T2)
gS r²
r*(T1)
g
r
g(T2)
r*(T2)
Figure 14 : enthalpie libre de formation d'un germe sphérique
Dans le cas de germes non sphériques, le raisonnement qualitatif reste identique, mais avec
plusieurs paramètres dimensionnels. On peut ainsi comprendre que la variable qui gouverne
la vitesse de germination est la surfusion.
Le germe cristallin peut être constitué par le polymère lui-même. Dans ce cas particulier qui
reste rare dans la cristallisation des polymères sauf en cas de surfusion élevée, la germination
est homogène. Le germe peut également se constituer sur un corps étranger auquel cas la
germination est hétérogène. A ces deux types de germination correspondent différentes
géométries de germe : primaire, secondaire ou tertiaire.
Germination primaire
Il s’agit de la première étape de la formation de toute entité cristalline. Elle peut être
hétérogène : dépôt d’un segment sur un substrat préexistant dans le fondu (résidu de
catalyseur, impureté, reliquat d’organisation cristalline préexistante) ou homogène
(formation d’un germe stable à partir du fondu).
Germination secondaire (figure n° 15 (a))
Elle correspond au dépôt d’un segment sur la surface d’une entité cristalline afin de débuter
une nouvelle couche. Elle est par nature hétérogène.
Germination tertiaire (figure n° 15 (b))
C’est le dépôt d’un segment au creux d’une « marche » formée par un substrat et un germe
secondaire ou tertiaire (complétion d’une couche). Elle est également hétérogène.
-
Nadia Brahmia
26
Figure 15 : germinations secondaire et tertiaire
On comprend donc que les enthalpies libres de formation de ces différents types de germes
ne sont pas égales. Pour une même énergie de volume, plus l’aire de l’interface cristal-liquide
à former est importante, plus la germination sera difficile. Ainsi, un germe primaire sera
moins probable qu’un germe secondaire et, à plus forte raison, qu’un germe tertiaire.
4.1.2.2 Théorie de la croissance
La croissance d’une lamelle cristalline de polymère correspond au dépôt d’un germe
secondaire sur substrat cohérent puis à la complétion de la couche de cristaux sur toute la
largeur de la lamelle par germination tertiaire sur substrat cohérent.
Les différentes vitesses de croissance, illustrées dans la figure n°16 sont notées :
- i vitesse de dépôt des germes secondaires (germes/m.s)
- j vitesse de complétion de la couche (vitesse de dépôt des germes tertiaires) (m/s)
- G vitesse de croissance globale de la lamelle (m/s)
La vitesse de croissance des lamelles cristalline G peut s’exprimer à partir de ces deux
paramètres, en fonction du régime de croissance.
Figure 16 : schématisation des différentes vitesse i, j et G [26]
(a) (b) direction de croissance
de la lamelle nouveau segment de
chaîne
lamelle cristalline
-
Chapitre I : état de l’art
27
i i
i
j j j
On distingue trois régimes de croissance (figure n°17) selon la valeur de la surfusion, c'est-à-
dire, selon l’écart entre la température de fusion thermodynamique et la température
considérée :
Régime I ou 2j iL (figure n°17 a)
A faibles surfusions, la germination est difficile. Il s’agit du régime I dit de mononucléation.
Dans ce cas, la vitesse de dépôt des germes secondaires i est très faible en comparaison de la
vitesse de complétion des couches cristallines j. Chaque couche cristalline est complétée
avant le dépôt d’un nouveau germe secondaire. Ainsi, la vitesse de croissance G est limitée
par la vitesse de dépôt des germes secondaires : G i.
Régime II ou 2j i L (figure n° 17 b)
Pour une surfusion moyenne, la vitesse de dépôt des germes secondaires i et la vitesse de
complétion des couches cristallines j sont équivalentes. La croissance des lamelles se fait
simultanément dans le sens de la largeur et dans le sens de la longueur. La vitesse de
croissance s’écrit donc : G (ij) 1/2.
Régime III ou 2j iL (figure n°17 c)
Pour des hautes surfusions, la vitesse de dépôt des germes secondaires i est très élevée et la
croissance des lamelles se fait par plusieurs dépôts de germes secondaires sur une même
couche cristalline. C’est donc à nouveau la germination secondaire qui régit la croissance.
Dans ce cas, la vitesse de croissance cristalline s’écrit à nouveau comme : G i.
Figure 17 : les 3 régimes de croissance cristalline.
4.1.2.3 La vitesse de croissance G
La vitesse de croissance globale des lamelles cristalline G (m/s), représentative de la
vitesse de cristallisation, s’écrit comme la multiplication du terme de dépôt des germes
secondaires et tertiaires à la surface de la lamelle en croissance et du terme de diffusion de la
chaîne au sein du fondu :
-
Nadia Brahmia
28
*
0 exp expt
B
terme de diffusion terme de croissance
g gG G
R T k T Équation 6
Cette expression fait apparaître une constante pré-exponentielle G0 (m/s), indépendante de la
température, et deux facteurs exponentiels.
Le premier facteur exponentiel est le terme de diffusion (ou transport) des chaînes
macromoléculaires dans le fondu. Il est proportionnel à la vitesse caractéristique de
déplacement des chaînes vers les surfaces des lamelles cristallines en croissance. R est la
constante des gaz parfait; gt est l’énergie d’activation gouvernant le déplacement,
fréquemment exprimée par une loi semi-empirique :
*
t
U Tg
T T Équation 7
U* représente l’énergie d’activation du mouvement des macromolécules au sein du fondu et
T est la température à laquelle le mouvement moléculaire devient impossible (T =Tg -30°C).
Quand la température est inférieure à T , le terme de transport est nul donc la croissance est
défavorisée.
Le second facteur exponentiel correspond au dépôt des germes à la surface de la lamelle en
croissance. Dans ce terme de croissance, Bk est la constante de Boltzmann, et g* est la
variation d’enthalpie libre critique associée au dépôt d’un germe (secondaire ou tertiaire) sur
le substrat. g* s’écrit en fonction de l’énergie libre d’interface cristal/fondu ( ), de l’énergie
libre des surfaces de repliement du cristal e , de l’épaisseur moléculaire b0, et de l’énergie
libre de transition gt :
* 0 e
t
j bg
g Équation 8
j est un entier qui dépend du régime de croissance (j = 4 pour les régimes I et III, j = 2 pour le
régime II). En introduisant la constante Kg :
0
0 e f
g
B f
j b TK
k h Équation 9
avec hf , l’enthalpie de fusion par unité de volume, on obtient finalement l’expression de
Hoffman-Lauritzen classiquement utilisée :
0
*.exp .exp
. .
gKUG G
R T T f T T Équation 10
-
Chapitre I : état de l’art
29
Tg Tf
G
T
Tc max
Gmax
où f est un facteur correcteur pour la variation de l’enthalpie de fusion en fonction de la
température : 0
2
f
Tf
T T.
La vitesse de croissance G varie avec la température selon une courbe s’approchant d’une
gaussienne telle qu’il est montré sur la figure n° 18.
Figure 18 : vitesse de croissance cristalline
La forme de cette courbe résulte de 2 mécanismes : la viscosité, qui ralentit la croissance des
cristallites près de Tg, et le coût énergétique de la nucléation, qui devient infini à partir de Tf.
A faibles et fortes surfusions, la croissance des lamelles est lente soit parce que le dépôt des
germes est thermodynamiquement défavorisé (hautes températures) soit parce que la
diffusion des chaînes dans le fondu est freinée (bases températures).
La température Tc max, correspondant au maximum de la vitesse de cristallisation Gmax, est de
l’ordre de 2
g fT T.
4.1.2.4 Température de fusion thermodynamique
Comme indiqué précédemment, la température de fusion thermodynamique Tf0 (ou à
l’équilibre) est définie au point d’intersection des courbes d’enthalpie libre du solide et du
liquide. Dans le cas d’un polymère semi-cristallin, ce point se situe à l’intersection des
courbes d’enthalpie libre du cristal parfait de dimensions infinies et du matériau amorphe.
Or le solide réel est semi-cristallin, et en dessous de Tf0 la phase amorphe est présente en
proportion importante et se trouve hors équilibre. De plus, les polymères cristallisent en
lamelles de faible épaisseur pour lesquelles les effets de surface ne sont plus négligeables
devant les effets de volume, et doivent être pris en compte [25].
-
Nadia Brahmia
30
Pour ces raisons, l’enthalpie libre du polymère solide réelle est supérieure à celle du cristal
parfait. Il en résulte que la température de fusion Tf du polymère réel est inférieure à la
température de fusion thermodynamique du cristal.
La méthode d’Hoffman-Weeks [27] permet de déterminer la valeur de 0fT par une procédure
d’exploitation. En effet, la température de fusion fT est toujours supérieure à la température
de cristallisation Tc, et la variation de fT en fonction de Tc est supposée être linéaire dans le
cadre de la théorie d’Hoffman-Lauritzen [23]. Etant donnée que fT ne peut jamais être
inférieure à Tc, la droite définit par f cT T représente la condition d’équilibre
thermodynamique entre le cristal et le fondu. La valeur de 0fT est alors donnée par le point
d’intersection entre la droite extrapolée ( )f cT f T et la ligne f cT T .
4.1.3 Théories globales de cinétique de cristallisation
4.1.3.1 Introduction
Les théories cinétiques dites « globales » décrivent l’évolution du taux de
transformation (t) en fonction du temps et en fonction de la température. Ce taux de
transformation représente la fraction de volume cristallisée.
On définit le taux de transformation (encore appelé cristallinité relative) comme le rapport de
la fraction volumique cristallisée (ou simplement cristallinité) Xc sur la fraction volumique
cristallisable X ..
( , )cX t T
X Équation 11
varie donc entre les valeurs 0 (à l’état fondu) et 1 (en fin de cristallisation), alors que X est
toujours inférieur à 1 et dépend des conditions de cristallisation.
Les théories cinétiques reposent sur les hypothèses générales suivantes [28], [29]:
les germes potentiels sont répartis aléatoirement et uniformément dans le fondu; la
croissance des entités semi-cristallines démarre instantanément après activation des
germes : il n’y a pas de temps d’induction ;
les germes potentiels ne peuvent disparaître que par activation ou absorption par une
entité semi-cristalline en croissance (un germe absorbé ne peut plus être activé) ;
la géométrie de croissance des entités semi-cristalline est imposée : sphères
(croissance 3D), disques (croissance 2D) ou bâtonnets (croissance 1D) ;
la collision de deux entités en croissance bloque leur croissance : ceci implique que la
géométrie des entités est conservée (une sphère reste une sphère) ;
le volume total de polymère considéré est constant durant la transformation
(hypothèse isovolumique) ;
-
Chapitre I : état de l’art
31
la cristallisation secondaire (cristallisation ultérieure et partielle des zones amorphes
situées entre les lamelles des entités semi-cristallines) n’est pas prise en compte :
ainsi, la cristallinité finale X des sphérolites est invariante durant la transformation.
C’est une conséquence de l’hypothèse isovolumique : il ne se crée pas de volume
cristallisable en cours de transformation.
Deux types d’approches ont été employés lors du développement des théories globales de
cinétique de cristallisation : l’approche géométrique, qui exprime le volume occupé par les
entités semi-cristallines, et l’approche probabiliste, qui calcule la probabilité qu’un élément
de volume soit transformé. La principale différence réside dans le traitement mathématique,
mais les hypothèses de base et surtout les résultats sont identiques.
4.1.3.2 Approche géométrique
L’approche géométrique considère la croissance libre d’entités cristallines de
géométrie simple, puis applique une correction prenant en compte la diminution du volume
cristallisable disponible (c’est à dire le fait que la croissance de chaque entité ne soit pas libre,
mais entravée par le contact avec les entités voisines en croissance).
Pour un volume fini, la variation de taux de transformation d s’écrit en fonction de la
variation de taux de transformation pour un volume disponible infini, d ’ :
(1 ) 'd d Équation 12
expression qui s’intègre, en spécifiant la dépendance au temps :
1 exp 't t Équation 13
où ’ représente le taux de transformation fictif qui serait obtenu pour une croissance libre
des cristallites. Cette relation très générale est la base de tous les modèles de type Avrami.
Elle peut être étendue à la croissance simultanée de plusieurs phases cristallines, en
supposant que chaque phase se développe indépendamment des autres, en partageant avec
elles le volume disponible [30] :
1 exp 'ii
t t Équation 14
L’objet des nombreuses variantes développées sur la base du modèle d’Avrami est
d’exprimer le terme ' t en fonction des conditions de cristallisation.
Dans le cas le plus général, le taux de transformation fictif à un instant t s’écrit [23] :
0' ' ,
t
t n v t d Équation 15
-
Nadia Brahmia
32
avec : n nombre de germes (s-1.m-3) dont l’activation a lieu à l’instant , et ' ,v t
volume fictif à l’instant t d’un germe activé à l’instant (lié à la vitesse de croissance).
On a donc bien une expression du taux de transformation qui prend en compte les vitesses
des deux mécanismes gouvernant la cristallisation, à savoir la germination et la croissance.
4.1.3.2.1 Cas Isotherme. Théorie d’Avrami
La théorie d’Avrami – Evans [30], [31],[32] permet de calculer le taux de
transformation en faisant l’hypothèse supplémentaire que la cristallisation a lieu à
température constante. La fréquence d’activation des germes q et la vitesse de croissance des
cristallites G sont donc constantes.
De façon simplifiée, Avrami écrit le taux de transformation sous la forme :
1 exp nAvramit k t Équation 16
où Avramik est un paramètre (souvent appelé constante d’Avrami) dépendant de la
température et du mode de croissance) et n est l’exposant d’Avrami dépendant du mode de
croissance (voir tableau n° 1).
Croissance suivant : Germination
hétérogène homogène
3 dimensions n = 3 n = 4
2 dimensions n = 2 n = 3
1 dimension n = 1 n = 2
Tableau 1 : exposant d'Avrami pour différents modes de germination – croissance
4.1.3.2.2 Cas de refroidissement à vitesse constante. Théorie d’Ozawa.
La théorie d’Ozawa [33] permet de décrire la cinétique de cristallisation dans
le cas où la vitesse de refroidissement est constante. La variation de la température entraîne
une variation de la vitesse de croissance G et de la fréquence d’activation des germes q. La
théorie fait l’hypothèse supplémentaire que G et q varient de la même façon avec la
température (hypothèse isocinétique) :
G Tcte
q T Équation 17
L’expression du taux de transformation s’écrit alors :
-
Chapitre I : état de l’art
33
( )1 exp Ozawa
n
k TT Équation 18
où est la vitesse de refroidissement (constante), et n l’exposant d’Avrami.
4.1.3.2.3 Cas d’un refroidissement quelconque. Théorie de Nakamura.
Nakamura [34], [35+ a généralisé la théorie d’Avrami dans le cas où la vitesse de
refroidissement est quelconque. L’hypothèse isocinétique est toujours considérée. Le taux de
transformation s’écrit suivant l’expression générale :
01 exp
nt
t K T d Équation 19
L’exposant n est celui d’Avrami, défini précédemment.
La fonction cinétique de Nakamura K est liée à la constante d’Avrami Avramik par la relation :
1/ n
AvramiK k Équation 20
Une forme différentielle de l’équation de Nakamura a été donnée par Patel et al. [36]; en
supposant que K ne dépend que de la température :
1
( )1 ln 1
n
nNakamura
d tn k T t t
dt Équation 21
L’avantage de cette formulation, bien adaptée à la résolution numérique, est que le temps
n’apparaît pas comme variable indépendante.
Dans la pratique, pour les polymères, les valeurs de l’exposant obtenues expérimentalement
sont rarement entières alors que les structures observées sont sphérolitiques. Cette
incompatibilité entre la théorie et l’expérience peut s’expliquer par de nombreuses déviations
des hypothèses de base. En effet, les hypothèses citées plus haut ne sont jamais totalement
vérifiées. La germination est souvent entre sporadique et instantanée et un temps
d’induction pendant lequel aucun germe n’est activé peut s’observer. L’homogénéité de la
répartition des germes est rarement vérifiée. En effet, les germes apparaissent
préférentiellement sur les surfaces hétérogènes. D’autre part, la vitesse de croissance des
germes n’est pas constante pendant tout le processus de cristallisation, les défauts présents
sur la chaîne macromoléculaire sont rejetés dans le fondu et la phase fondu s’enrichit donc
de défauts au fur et à mesure, ce qui peut entraîner une diminution de la vitesse de
cristallisation en fin de processus. Sachant que, la cristallisation s’accompagne toujours d’une
variation de volume (où les densités des phases cristallines et amorphes sont différentes),
l’hypothèse de l’invariabilité du volume considéré comme infini fait également défaut.
Enfin, ces théories ne tient pas en compte la germination secondaire qui peut avoir lieu dans
-
Nadia Brahmia
34
la phase amorphe située entre les lamelles cristallines ou dans les cristallites (épaississement
lamellaires).
4.1.3.2.4 Nombre initial de germes
Dans le cas du modèle isotherme d’Avrami, N0 représente le nombre initial de germes
par unité de volume à la température considérée :
0 ( )N N T Équation 22
Pour le modèle général