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Contribution Filière Économie Quel avenir pour une formation prise en étau ?

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Contribution Filière Économie

Quel avenir pour une formation prise en étau ?

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Introduction

Publiée en 2012, la contribution de l’ARES intitulée “Vers le futur de la filière économie

gestion” s’articulait autour de trois axes majeurs : une pluridisciplinarité accrue au sein de

ces filières, une uniformisation des intitulés et contenus de Licence et une meilleure

insertion professionnelle des étudiants.

Face aux évolutions récentes de ces filières, il est apparu comme nécessaire de faire le point

sur les évolutions de l’offre de formation en économie gestion et de renouveler une analyse

critique de son fonctionnement actuel. Beaucoup de changements se sont opérés,

notamment suite à l’instauration du cadre national de formation qui a grandement

bouleversé le second point soulevé par cette contribution (La demande d’uniformisation des

intitulés et contenus de Licence), et face à une actualité extrêmement chargée en ce début

d’année 2015, une évolution de cette filière semble devenir une urgence.

Replacer l’étudiant au cœur du débat doit devenir la priorité principale. Les premiers

acteurs de la filière économie sont les principaux ignorés du débat académique actuel et

c’est pourquoi il est important de ne plus focaliser son analyse sur le contenu académique

des enseignements et sur leur influence politique. Mais bien sur la valeur ajoutée que doit apporter la formation à l’étudiant dans le cadre de ses études.

Face à un monde académique qui s'entre-déchire, un manque de clarté dans l’offre de

formation et une concurrence accrue au sein et en dehors des universités, quel avenir pour

une formation prise en étau ?

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I – Une évolution de l’offre de formation récente

« Il serait un mauvais économiste celui qui ne serait qu’économiste » : cette citation signée

par l’économiste autrichien Friedrich Hayek résume parfaitement ce qui a cours au sein de

l’enseignement en économie. La plupart des mentions de licence sont accompagnées d’une

seconde mention (dans la majorité des cas gestion), et seulement un quart des licences en

économie ne sont pas concernées par ce phénomène. Cette formation est marquée par une

variété dans son offre globale au détriment de la clarté.

La mention la plus commune concerne l’association de l’économie et de la gestion, avec

environ 35% des intitulés qui sont concernés. Le reste des mentions reste très disparate

avec des licences économie droit, économie finance, économie science politique, économie

mathématiques sans qu’une tendance particulière n’émerge.

Dans sa dernière contribution, l’ARES dénonçait les dénominations trop nombreuses des

intitulés de licence et, même s’il est possible de les regrouper dans des catégories, nous

n’avons pas moins de 10 mentions différentes à l’heure actuelle pour cette filière.

Aussi des licences d’économie peuvent proposer un parcours académique similaires à des

formations avec une dénomination pourtant différente. Les intitulés sont peu représentatifs en définitive du contenu de la formation ce qui est extrêmement dommageable.

D’après l’arrêté du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations conduisant à la

délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master,

“L'intitulé des diplômes visés par le présent arrêté est défini par un nom de domaine et de

mention. Les nomenclatures de mention des diplômes nationaux de licence, de licence

professionnelle et de master sont fixées par arrêté. [...] Des intitulés de domaines peuvent,

en nombre limité, déroger à ces domaines de référence pour traduire, au niveau d'un site, la

stratégie collective en matière d'offre de formation. Ces demandes de dérogations sont

examinées dans le cadre de l'accréditation des établissements en lien avec la stratégie du site

en matière de formation.”

Le domaine de référence ici admis par cet arrêté est bien le domaine droit-économie-

gestion.

Aussi selon l’arrêté du 22 janvier 2014 fixant lui la nomenclature des mentions du diplôme

national de licence, les deux mentions qui y apparaissent sont les mentions

« économie », « gestion » et « économie et gestion ». Or si le domaine droit-économie-

gestion est bien le même dans l’intégralité des intitulés de licences étudiés, il reste étonnant

de constater que seuls 60% des mentions sont conforment à l’arrêté fixant la nomenclature

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des mentions.

Même s’il faut attendre l’arrivée des prochaines vagues d’accréditation avant d’être fixé sur

l’effet du cadre national de formation sur les intitulés des licences en économie qui peuvent

être proposées, pour le moment l’offre de formation en économie reste très disparate.

La filière économie a besoin d’une meilleure lisibilité de son offre de formation et ce besoin

s’inscrit dans la volonté du cadre national de formation. Cette volonté, qui vise aussi à

faciliter la mise en place de parcours type pour ces licences, ne s’accompagne pour le

moment d’aucune maquette type en son sein. Ce manque justifié par le fait que l’autonomie

des universités ne permet aucunement une organisation aussi centralisée de nos formations reste dommageable ici.

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II – Un monde académique en désaccord constant

Dans le contexte politique et socio-économique actuel, il est difficile de ne pas remarquer

que le débat actuel est très centré autour des questions économiques. Ces question ont

exacerbé un désaccord, un débat pourtant déjà très prégnant au sein de la filière économie :

la question du pluralisme au sein de l’offre de formation en sciences économiques.

Il apparaît comme important de ne pas centrer ces questions autour de la question politique

ou de la gestion de la carrière des enseignants chercheurs en sciences économiques.

Cette opposition orthodoxes-hétérodoxes tourne souvent autour de la question de la

méthodologie dans la recherche en sciences économiques et notamment sur l’emploi des

statistiques et des mathématiques. Il apparaît comme naturel pour une adéquation entre la

recherche et l’offre de formation que, dans une faculté au sein de laquelle l’emploi des

mathématiques est très important auprès de la majorité de ses enseignants chercheurs, la

formation soit elle aussi centré autour de cet usage.

Néanmoins à l’heure actuelle les économistes orthodoxes sont très largement majoritaire au

sein de nos faculté de sciences économiques et de gestion, et de ce fait le courant de pensée

hétérodoxe a du mal à s’exprimer librement en leur sein.

La qualification en sciences économiques est l’une des plus compliquées, aussi d’après le

rapport Hautcoeur : “la section 5 du CNU se distingue par un taux de qualification parmi les

plus faibles et, de manière conséquente [...] relativement à l’ensemble des sections,

l’économie se distingue par de faibles taux de pression, évaporation et qualification”, preuve

d’une difficulté pour les titulaires d’un doctorat au sein de cette filière de devenir maître de

conférence.

Cette opposition dans le monde académique a mis à mal l’enseignement qui se montre peu

varié. Face à ces problèmes, la solution proposée consistant à ouvrir une seconde section en

sciences économiques, ne serait pas bénéfique et accentuerait les conflits entre les

chercheurs en économie. Il faut plutôt pour aider la pluridisciplinarité en économie

permettre une dichotomie disciplinaire entre les différentes sections du CNU et non

idéologique.

La filière économie se distingue par une forte pluridisciplinarité, cette pluridisciplinarité qui

se retrouve dans l’offre de formation très variée, ne se retrouve pas assez étonnamment

dans l’enseignement en économie. Celui-ci est dominé par un courant très largement

majoritaire qui ne laisse que peu de place au courant hétérodoxe.

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Il apparaît comme primordial que les étudiants puissent étudier tous les aspects de leur

discipline, afin d’avoir tous les outils à leur disposition pour la suite de leur parcours. C’est

pourquoi l’ARES encourage la création de nouvelles sections disciplinaires en sciences

économiques au sein du CNU afin de permettre l’enseignement de toutes les tendances de

la recherche en sciences économiques.

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III- Une insertion professionnelle en décalage avec l’offre de

formation

La filière économie ne se distingue pas des autres filières en sciences sociales concernant les

attentes des étudiants en matière d’insertion professionnelle.

D’après l’enquête de l'Observatoire de la Vie Étudiante (OVE) en 2010 nommée “Conditions

de vie”, 86.80% des étudiants en filière économie accordent soit une très grande soit une

grande importance aux débouchés professionnels au sein de leur filière. Ce chiffre s'inscrit

dans la moyenne de ceux des autres disciplines en sciences sociales (89.60 % en droit, 94.80

% en gestion et 79.9% en AES). Si l’on compare à d’autres filières cet intérêt est beaucoup

moins important (47.2% en sociologie, 54.6% en histoire).

Pourtant, il est à noter qu’il est très inférieur à ce que l’on peut considérer comme sa

discipline sœur : la gestion. Ce décalage en termes d’insertion professionnelle devient très

significatif lorsque la question du stage est abordée.

Seulement 31% des étudiants au sein de la filière économie ont effectué ou doivent effectuer

un stage, alors que 71% des étudiants en gestion ont répondu par l’affirmative à cette

question.

Cet écart s’accentue d’autant plus lorsque la question du caractère obligatoire du stage est

abordée: pour seulement 59% des étudiants en économie le stage revêtait un caractère

obligatoire, alors qu’il le revêtait dans 92% des cas pour les étudiants en gestion.

Les étudiants en économie sont donc plus pessimistes quant à leur insertion professionnelle :

26.10% d’entre eux sont pessimistes quant à leur insertion professionnelle future, ce qui

représente quasiment 10 points de plus que les étudiants en gestion (16.9%) et reste

supérieur aux étudiants en droit (24.5%).

Il est regrettable que le stage pour les étudiants en économie ne revêt pas un caractère aussi

important que pour les étudiants en gestion. En effet on peut constater lorsque l’on analyse

l’insertion professionnelle des étudiants issus de la filière économie que ceux-ci s’insèrent

dans des domaines très similaires.

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Source : Rapport sur "L'avenir des sciences économiques à l'Université en France" du 5 juin

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On peut constater que la filière économie se distingue de la filière de gestion par une plus

grande insertion dans les activités financières et d’assurance et d’administration publique,

mais une moins grande insertion en revanche dans le secteur du commerce, transports,

hébergement et restauration ou l’industrie.

Néanmoins, il est à noter que ces débouchés ne sont pas éloignés les uns des autres, et que

les étudiants en économie et en gestion s’insèrent généralement dans les mêmes secteurs

d’activité.

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Source : Rapport sur "L'avenir des sciences économiques à l'Université en France" du 5 juin

2014

Source : Rapport sur "L'avenir des sciences économiques à l'Université en France" du 5 juin

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Au vu de l’analyse du type d’emploi occupé par les étudiants issus de la filière économie, on

constate que les principales catégories d’emploi dans lesquelles s’insèrent les étudiants en

économie sont celle du commerce de la relation client ou des ressources humaines, du

management de l’administration et de la logistique. Ces types d’emploi sont pourtant très

proches de ceux qui peuvent être obtenus au sein des filières de gestion.

Au vu de ces résultats, il semble que l’enseignement en économie représente plus une valeur

ajoutée pour les étudiants dans les domaines de la gestion qu’en tant de fonction principale.

C’est pourquoi la présence d’un stage obligatoire en licence serait une valeur ajoutée très importante pour les étudiants, d’autant plus que près de 35% des mentions de licence en

économie sont des licences d’économie-gestion.

Il est donc nécessaire de favoriser l'insertion professionnelle de ces étudiants en mettant

l’offre de formation en adéquation avec leur orientation finale.

La proposition du rapport Hautcoeur demandant à “Renforcer le caractère pluridisciplinaire

du premier cycle et organiser une spécialisation progressive en économie”, semble être

effectivement une bonne perspective, qui s’inscrit parfaitement dans le premier semestre

commun en sciences sociales que défend l’ARES.

De plus, selon le rapport Hautcoeur : ”Malgré la création des Journées de l'économie qui se

sont imposées comme un lieu important de diffusion des savoirs, il n'existe pas –

contrairement aux États-Unis par exemple – de lieu où soient menées des réflexions

régulières sur la pédagogie et l'enseignement et sur l'insertion des étudiants. Ceci est

d’autant plus problématique que la démarche réflexive sur l’histoire et les méthodes de la

discipline tend à disparaître des cursus.”

Cette chambre de concertation semble indispensable aujourd’hui afin de répondre à ces

différents enjeux. C’est pourquoi l’ARES appuie les propositions de la commission

Hautcoeur et souhaite la création prochaine d’un Conseil National de l’Enseignement en

Économie, qui assurera les réflexions sur la pédagogie, l’enseignement et l’insertion

professionnelle des étudiants.

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IV- Une filière prise en étau dans l’offre globale de formation

La filière économie n’utilise pas l’enseignement en économie afin de directement assurer un

débouché à ses étudiants (voir chiffres ci-dessus). L’économie leur sert à mieux appréhender

le contexte socio-économique et l’analyse de leur environnement. La majorité des

formations usent de l’économie afin de former de meilleurs gestionnaires. Le rapport

Hautcoeur recommandait : “D’éviter d'isoler de l'économie les étudiants en licence de

gestion, qui devraient bénéficier des mêmes possibilités, même dans les IAE, et pour lesquels

une formation généraliste en économie devrait toujours être importante.”

Pourtant, si l’économie est principalement là, pour servir la gestion, la filière souffre d’une

prise en étau dans l’offre globale de formation. Les licences de gestion pures, lorsqu’elles

existent, sont beaucoup plus choisies que les licences d’économie car l’économie perd ici un

de ses attraits majeur, sa pluridisciplinarité. Il faut ajouter à cela l’existence des IAE qui

proposent des formations très prisées en gestion et enfin l’existence d’écoles privées qui se

placent elles aussi sur le segment des études de gestion à prix prohibitif. Il apparaît donc

comme important de clarifier les frontières de cette filière afin de la rendre plus lisible dans

l’offre globale de formation. Si conformément aux recommandations du rapport Hautcoeur

toutes les filières en gestion étaient accompagnées d’un enseignement en économie, la licence de gestion perdrait un de ses intérêts majeurs.

La filière économie risque de souffrir à long terme de son manque de lisibilité face à

l’enseignement en gestion, c’est pourquoi il est urgent de réformer cet enseignement afin de

clarifier sa position sur le spectre des formations en sciences sociales. La valeur ajoutée

qu’apporte l’économie doit pouvoir se distinguer dans les domaines d’insertions des

diplômés de formations en économie.

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Conclusion

Afin de réformer la filière économie et continuer de lui assurer une place de premier plan

dans la formation en droit-économie-gestion, il apparaît comme nécessaire de :

Créer un conseil national de l’enseignement en économie sur le modèle du conseil

national du droit.

Mettre en place un stage obligatoire en licence d’économie.

Clarifier conformément au cadre national de formation les intitulés de licence en

économie.

D’augmenter la part du pluralisme dans l’enseignement en économie en enseignant

tous les aspects de sa recherche

D’ouvrir de nouvelles sections en sciences économiques au sein du conseil national

des universités selon les différentes disciplines de la science économique

D’augmenter le caractère pluridisciplinaire du premier cycle avec un premier

semestre commun en sciences sociale suivi d’une spécialisation progressive en

économie.

Lier l’enseignement en économie à l’enseignement en gestion.

Valoriser la modularité au sein de la licence en offrant aux étudiants des choix

optionnels leur permettant de faire valoir leur pluridisciplinarité.

Réaliser des cours de méthodologie scientifique en économie afin de favoriser

l’utilisation pratique des connaissances théoriques en économie.

Tourner l’enseignement en mathématiques et statistiques vers la pratique et

l’utilisation des logiciels et outils statistiques afin de les aider à mieux s’insérer sur le

marché de l’emploi.

Délivrer des enseignements visant à mieux comprendre les débats économiques

contemporains.