Contra Christianos

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S’il est un document de l’Antiquité qui devrait focaliser l’attention des partici- pants à un Atelier sur Hellénisme et christianisme, c’est bien le traité de Porphyre Contre les chrétiens. Un des plus grands philosophes de la fin de l’Antiquité, formé à la fois par Longin à Athènes et par Plotin à Rome, a attaqué l’Ancien et le Nouveau Testament, tout comme la doctrine et les institutions chrétiennes en quinze livres entiers. Le retentissement de l’ouvrage fut immense puisqu’il suscita sur près d’un siècle au moins trois longues réfutations, en 25 et 30 livres dans le cas d’Eusèbe et d’Apollinaire, et qu’il fut jugé suffisamment impie, c’est-à-dire dangereux, pour que le premier empereur chrétien en ordonnât la destruction systématique sous peine de mort. Et pourtant l’enthousiasme de l’historien ou du philosophe est rapidement refroidi par la considération de l’état de la documentation conservée et ce sont plutôt des débats philologiques qui ont tenu depuis longtemps le devant de la scène. Les nouvelles hypothèses évoquées par le titre de cet atelier ne sont en aucune façon les miennes. Autant prévenir le lecteur : je n’espère aucunement faire avancer les connaissances sur le traité de Porphyre Contre les chrétiens, mais uniquement présenter et discuter un certain nombre d’hypothèses récentes qui ont remis en cause l’image que l’on se faisait de ce traité depuis l’édition préparée par Adolf von Harnack en 1916 1 . 1. A. von Harna, Porphyri Gegen die Chrten, 15 Büer - Zeugnse, Fragmente und Refer@e = Abhandlungen der königlien presen Akademie der Wsensaſten, Phil.-ht. Klse, Berlin 1916, 1 ; Id., « Neue Fragmente des Werkes des Porphyrius gegen die Christen : Die Pseudo-Polycarpiana und die Sriſt des Rhetors Pacatus gegen Porphyrius », Sitzungsberite der presen Akademie der Wsensaſten, Phil.-ht. Kl., Berlin 1921, p. 166-184 ; Id., « Naträge HYPOTHÈSES RÉCENTES SUR LE TRAITÉ DE PORPHYRE CONTRE LES CHRÉTIENS * par Richard Goulet CNRS - Villejuif * Cette étude est parue dans Michel Narcy et Éric Rebillard (édit.), Heénme ? rtianme, coll. « Mythes, Imaginaires, Religions », Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2004, p. 61-109. Les contributions de ce recueil avaient été préparées pour un atelier thématique intitulé « Hellénisme et chris- tianisme : questions de religion, de philosophie et d’histoire dans l’Antiquité tardive », organisé par l’UPR 76 du CNRS en octobre 2001. halshs-00081717, version 1 - 24 Mar 2008 Manuscrit auteur, publié dans "Hellénisme et christianisme, Michel Narcy et Eric Rebillard (Ed.) (2004) 61-109"

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Page 1: Contra Christianos

Srsquoil est un document de lrsquoAntiquiteacute qui devrait focaliser lrsquoattention des partici-pants agrave un Atelier sur Helleacutenisme et christianisme crsquoest bien le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens Un des plus grands philosophes de la fin de lrsquoAntiquiteacute formeacute agrave la fois par Longin agrave Athegravenes et par Plotin agrave Rome a attaqueacute lrsquoAncien et le Nouveau Testament tout comme la doctrine et les institutions chreacutetiennes en quinze livres entiers Le retentissement de lrsquoouvrage fut immense puisqursquoil suscita sur pregraves drsquoun siegravecle au moins trois longues reacutefutations en 25 et 30 livres dans le cas drsquoEusegravebe et drsquoApollinaire et qursquoil fut jugeacute suffisamment impie crsquoest-agrave-dire dangereux pour que le premier empereur chreacutetien en ordonnacirct la destruction systeacutematique sous peine de mort

Et pourtant lrsquoenthousiasme de lrsquohistorien ou du philosophe est rapidement refroidi par la consideacuteration de lrsquoeacutetat de la documentation conserveacutee et ce sont plutocirct des deacutebats philologiques qui ont tenu depuis longtemps le devant de la scegravene

Les nouvelles hypothegraveses eacutevoqueacutees par le titre de cet atelier ne sont en aucune faccedilon les miennes Autant preacutevenir le lecteur je nrsquoespegravere aucunement faire avancer les connaissances sur le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens mais uniquement preacutesenter et discuter un certain nombre drsquohypothegraveses reacutecentes qui ont remis en cause lrsquoimage que lrsquoon se faisait de ce traiteacute depuis lrsquoeacutedition preacutepareacutee par Adolf von Harnack en 19161

1 A von Harnack Porphyrius Gegen die Christen 15 Buumlcher - Zeugnisse Fragmente und Referate = Abhandlungen der koumlniglichen preussischen Akademie der Wissenschaften Phil-hist Klasse Berlin 1916 1 Id laquo Neue Fragmente des Werkes des Porphyrius gegen die Christen Die Pseudo-Polycarpiana und die Schrift des Rhetors Pacatus gegen Porphyrius raquo Sitzungsberichte der preussischen Akademie der Wissenschaften Phil-hist Kl Berlin 1921 p 166-184 Id laquo Nachtraumlge

hypothegraveses reacutecentes

sur le traiteacute de porphyre Contre les Chreacutetiens

par Richard Goulet

CNRS - Villejuif

Cette eacutetude est parue dans Michel Narcy et Eacuteric Rebillard (eacutedit) Helleacutenisme et christianisme coll laquo Mythes Imaginaires Religions raquo Villeneuve drsquoAscq Presses Universitaires du Septentrion 2004 p 61-109 Les contributions de ce recueil avaient eacuteteacute preacutepareacutees pour un atelier theacutematique intituleacute laquo Helleacutenisme et chris-tianisme questions de religion de philosophie et drsquohistoire dans lrsquoAntiquiteacute tardive raquo organiseacute par lrsquoUPR 76 du CNRS en octobre 2001

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Manuscrit auteur publieacute dans Helleacutenisme et christianisme Michel Narcy et Eric Rebillard (Ed) (2004) 61-109

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Il y a seulement quelques anneacutees on aurait pu preacutesenter le traiteacute Contre les chreacute-tiens de la faccedilon suivante Porphyre de Tyr a composeacute les quinze livres du traiteacute intituleacute Contre les chreacutetiens vers 270 en Sicile Lrsquoempereur Constantin en exigea la destruction agrave lrsquoeacutepoque du Concile de Niceacutee Lrsquoouvrage fit lrsquoobjet de reacutefuta-tions chreacutetiennes par Meacutethode drsquoOlympe Eusegravebe de Ceacutesareacutee et Apollinaire de Laodiceacutee Les attaques de | Porphyre inspiregraverent les objections de lrsquoAdversaire paiumlen dans lrsquoApocriticus de Macaire de Magneacutesie

Srsquoil faut en croire les historiens qui ont reacutecemment eacutetudieacute la question il faudrait remettre en cause la plupart de ces affirmations Tout drsquoabord lrsquoouvrage a pu ecirctre composeacute beaucoup plus tard qursquoen 270 peut-ecirctre au deacutebut du ive siegravecle pas neacutecessairement en Sicile et le titre de lrsquoouvrage nrsquoeacutetait peut-ecirctre pas Κατὰ Χριστιανῶν Quant aux fragments un esprit critique devrait en eacuteliminer la plus grande partie ougrave le nom de Porphyre nrsquoapparaicirct pas et encore moins le titre du traiteacute Crsquoest le cas des extraits tireacutes de Macaire de Magneacutesie et de bien drsquoautres fragments Il ne resterait en veacuteriteacute qursquoune poigneacutee de fragments incontestables

Cette reacuteduction drastique du nombre des fragments devrait cependant ecirctre compenseacutee par lrsquoajout des listes de souverains helleacutenistiques jusqursquoagrave reacutecemment attribueacutees agrave une Chronique de Porphyre ainsi que de nombreux extraits du philo-sophe jusqursquoici attribueacutes agrave drsquoautres ouvrages qui demanderaient agrave ecirctre identifieacutes comme les parties drsquoun unique ouvrage antichreacutetien dont le titre nrsquoaurait pas eacuteteacute Contre les chreacutetiens mais bien Sur la philosophie tireacutee des oracles Crsquoest de cet ouvrage que proviendraient les extraits conserveacutes du traiteacute Contre les chreacutetiens de la Lettre agrave Aneacutebon du Περὶ ἀγαλμάτων du De regressu animae du traiteacute Sur la matiegravere de mecircme que lrsquoensemble du De abstinentia Crsquoest agrave cet unique ouvrage traduit en latin par Marius Victorinus que se reacuteduiraient eacutegalement les ceacutelegravebres libri Platonicorum lus par Augustin agrave Milan crsquoest dans cet ouvrage qui joua un rocircle deacutecisif dans sa conversion qursquoAugustin aurait puiseacute non seulement tout ce qursquoil cite de Porphyre mais encore des extraits de Plotin et de Platon Cet ouvrage serait eacutegalement la principale source antichreacutetienne drsquoArnobe et il se cacherait derriegravere lrsquoouvrage en trois livres composeacute par un adversaire anonyme de Lactance au deacutebut de la perseacute-cution de Diocleacutetien

Si lrsquoon excepte le problegraveme de la datation et de la localisation de lrsquoouvrage ainsi que celui de la reacuteattribution des fragments de la Chronique les principaux eacuteleacutements de cette nouvelle interpreacutetation de Porphyre ont eacuteteacute proposeacutes par Pier Franco Beatrice dans une seacuterie drsquoarticles parus entre 1988 et 19952 Lrsquoaboutissement

zur Abhandlung Neue Fragmente des Werks des Porphyrius gegen die Christen raquo ibid 1921 p 834-835 2 Voici dans lrsquoordre chronologique les eacutetudes de PF Beatrice sur Porphyre avec leur abbreacute-viation eacuteventuelle dans la preacutesente contribution laquo Un oracle antichreacutetien chez Arnobe raquo dans Meacutemorial Dom Jean Gribomont (1920-1986) Roma 1988 p 107-129 (laquo Arnobe raquo) laquo Quosdam

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naturel de cette theacuteorie reacutevolutionnaire serait la publication drsquoune nouvelle eacutedition des fragments du traiteacute Contre les chreacutetiens ou plutocirct comme nous le verrons une nouvelle eacutedition des fragments de la Philosophie des Oracles3

Selon cette thegravese audacieuse il conviendrait donc drsquoidentifier les ouvrages suivants de Porphyre

ndash le traiteacute Sur la philosophie tireacutees des oracles (en trois livres ) 303-350 F Smith ndash le traiteacute Contre les chreacutetiens en quinze livres ndash le De regressu animae qui comprenait plus drsquoun livre 283-302 F Smith ndash le Περὶ ἀγαλμάτων 351-360a F Smith ndash la Lettre agrave Aneacutebon ndash le traiteacute Sur la matiegravere en six livres 234-237 F Smith ndash les fragments auparavant attribueacutes agrave une Chronique de Porphyre ndash le De abstinentia en quatre livresPour bien marquer drsquoentreacutee de jeu la radicaliteacute de la thegravese de M Beatrice je

citerai la conclusion drsquoun des derniers articles qursquoil a consacreacutes au traiteacute Contre les chreacutetiens en 1992

Platonicorum libros The Platonic readings of Augustine in Milan raquo VChr 43 1989 p 248-281 (laquo Platonic readings raquo) laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase ldquoContre les Paiumlensrdquo raquo dans Cristianismo y aculturacioacuten en tiempos del Imperio Romano = Antig crist (Murcia) 7 1990 p 159-177 (laquo Athanase raquo) laquo Le traiteacute de Porphyre contre les Chreacutetiens Lrsquoeacutetat de la ques-tion raquo Kernos 4 1991 p 119-138 (laquo Eacutetat de la question raquo) laquo Pensiero cristiano e platonismo incontri e scontri nella tarda antichitagrave raquo dans Ethos e Cultura Studi in onore de Ezio Riondato coll laquo Miscellanea erudita raquo 51-52 Padova 1991 p 163-181 laquo Towards a new edition of Porphyryrsquos fragments against the Christians raquo dans M-O Goulet-Cazeacute G Madec et D OrsquoBrien (eacutedit) ΣΟΦΙΗΣ ΜΑΙΗΤΟΡΕΣ Chercheurs de Sagesse Meacutelanges Jean Peacutepin Paris 1992 p 347-355 (laquo Towards a new edition raquo) laquo Porphyryrsquos Judgement on Origen raquo dans R J Daly (eacutedit) Origeniana Quinta coll laquo Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovanien sium raquo 105 Leuven 1992 p 351-367 laquo Pagans and Christians on the Book of Daniel raquo Studia patristica 25 1993 p 27-45 laquo Antistes philosophiae ein christenfeindlicher Propagandist am Hofe Diokletians nach dem Zeugnis des Laktanz raquo Augustinianum 33 1993 p 31-47 (laquo Antistes philosophiae raquo) laquo On the title of Porphyryrsquos treatise against the Christians raquo dans ΑΓΑΘΗ ΕΛΠΙΣ Studi storico- religiosi in onore di Ugo Bianchi Roma 1994 p 221-235 (laquo Title raquo) laquo Didyme lrsquoAveugle et la tradition de lrsquoalleacutegorie raquo dans G Dorival et A Le Boulluec (eacutedit) Origeniana sexta Origegravene et la Bible coll laquo Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovanien sium raquo 118 Leuven 1995 p 579-590 laquo Traces du texte occidental chez le paiumlen de Macaire Magnegraves raquo dans DC Parker et CB Amphoux (eacutedit) Codex Bezae Studies from the Lunel Colloquium 1994 coll laquo New Testament Tools and Studies raquo 22 Leiden 1996 p 317-326 art laquo Porphyrius raquo dans Theologische Realenzyklopaumldie Band 27 BerlinNew York 1997 p 54-59 (laquo Porphyrios raquo) laquo Ein Origeneszitat im Timaioskommentar des Calcidius raquo dans W Bienert et U Kuumlhneweg (eacutedit) Origeniana Septima Origenes in den Auseinandersetzungen des vierten Jahrhunderts coll laquo Bibliotheca Epheme ridum Theologicarum Lovanien sium raquo 137 Leuven 1999 p 75-90 3 laquo Towards a new edition raquo p 352

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laquo Il nrsquoy a plus lieu de mettre en doute ou en question le fait que la Philosophie tireacutee des oracles fut lrsquounique ouvrage eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens tandis que lrsquoexistence drsquoun traiteacute intituleacute Contre les chreacutetiens doit ecirctre une fois pour toutes rejeteacutee raquo4

Cette thegravese peacuteremptoire se trouve en quelque sorte consacreacutee dans lrsquoarticle de synthegravese laquo Porphyrios raquo de la Theologische Realenzyklopaumldie

laquo Toutes les entreprises de reconstitution de lrsquoouvrage [ie le traiteacute Contra Christianos] jusqursquoagrave aujourdrsquohui ont eacutechoueacute En ce qui concerne notre position nous avons exprimeacute dans une seacuterie drsquoeacutetudes notre conviction que Porphyre nrsquoa jamais composeacute un traiteacute portant le titre Contre les chreacute-tiens Il a ducirc plutocirct deacutevelopper ses accusations destructrices contre le christianisme uniquement dans certaines parties de sa Philosophie des Oracles et cela dans le contexte beaucoup plus large de lrsquoeacutelaboration drsquoune philosophie du salut de lrsquoacircme raquo5

Elle est encore reacutepeacuteteacutee dans lrsquoeacutedition reacutecente de la Theacuteosophie de Tuumlbingen publieacutee par PF Beatrice laquo La Philosophie des oracles est lrsquounique vrai traiteacute antichreacutetien qui fut jamais eacutecrit par Porphyre comme jrsquoai essayeacute de le deacutemontrer dans une seacuterie drsquoarticles anteacuterieurs raquo6

On peut critiquer cette thegravese agrave deux niveaux au niveau de la vraisemblance des reacutesultats obtenus puis au niveau de lrsquoargumentation eacutelaboreacutee pour y parvenir

Une thegravese paradoxale

En soi cette thegravese est paradoxale ndash Que tous ces traiteacutes qui apparaissent geacuteneacuteralement avec des titres particu-

liers qui comportent souvent un nombre de livres bien deacutefini et qui offrent des caracteacuteristiques qui leur sont propres puissent ecirctre identifieacutees nrsquoest pas impos-sible mais reacuteclame des arguments seacuterieux Pour nous en tenir aux deux principaux traiteacutes on constate que le nombre de livres attribueacutes agrave lrsquoun et lrsquoautre traiteacute sont diffeacuterents le traiteacute Contre les chreacutetiens en comportait quinze alors que la Philosophie des oracles nrsquoen contenait que trois Il est vrai qursquoune citation de cet ouvrage est

4 laquo That the Philosophy from Oracles was the unique work written by Porphyry against the Christians should no longer be doubted or questioned while the existence of a treatise entitled Against the Christians ought to be once and for all denied raquo (laquo Towards a new edition raquo p 355) 5 laquo Alle bis heute unternommenen Versuche das Werk zu rekonstruiren sind gescheitert Was unsere Auffassung angeht so haben wir in eine Reihe von Beitraumlgen die Uumlberzeugung zum Ausdruck gebracht daszlig Porphyrius nie einen Traktat mit dem Titel Gegen die Christen verfaszligt hat Vielmehr duumlrfte er seine vernichtenden Anklagen gegen das Christentum nur in einigen Teilen seiner Philosophie der Orakel entwickelt haben und zwar in dem viel groumlszligeren Zusammenhang einer systematischen Ausarbeitung einer Philosophie von der Rettung der Seele raquo (laquo Porphyrios raquo p 56) 6 laquo The Philosophy from Oracles is the only real anti-Christian treatise that was ever written by Porphyry as I have tried to demonstrate in a series of previous articles raquo (PF Beatrice [eacutedit] Anonymi Monophysitae Theosophia An attempt at reconstruction coll laquo Supplements to Vigiliae Christianae raquo 56 Leiden 2001 p xxvii)

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dite tireacutee drsquoun dixiegraveme livre dans un7 manuscrit du xvie siegravecle8 Mais le mecircme passage est attribueacute de faccedilon beaucoup moins eacutetonnante au deuxiegraveme livre dans un manuscrit de Naples (Borbonicus) du xive siegravecle9

ndash Ces diffeacuterents traiteacutes notamment la Philosophie des Oracles sont citeacutes tout au cours des ive-ve siegravecles alors que le traiteacute Contre les chreacutetiens a eacuteteacute interdit par Constantin et nrsquoa pas laisseacute de traces litteacuteraires manifestes prouvant une lecture directe apregraves Eusegravebe de Ceacutesareacutee sinon peut-ecirctre chez Apollinaire de Laodiceacutee

Le Prologue de la ldquoPhilosophe des oraclesrdquo

La Philosophie des Oracles est un ouvrage relativement bien connu gracircce agrave une cinquantaine de fragments10 qui ont conserveacute plus de 300 vers ainsi que le Prologue dans lequel Porphyre expose ses objectifs Lrsquointention de lrsquoauteur eacutetait de construire une sorte de philosophie religieuse | sur la base drsquooracles officiels ou priveacutes Selon Augustin (Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) Porphyre laquo recueille et transcrit les soi-disant reacuteponses des dieux relatives agrave des questions de philosophie raquo (exequitur atque conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsa) Les fragments se preacutesentent toujours comme des citations et des commentaires drsquooracles

Pour comprendre ce que ces oracles repreacutesentaient pour Porphyre il faut lire le Prologue de lrsquoouvrage11 On y voit exprimeacutee la soif drsquoune veacuteriteacute incontestable capable de fonder les espeacuterances du salut

[303 F] laquo Il est solide et ineacutebranlable celui qui puise en cet ouvrage ses espeacuterances drsquoobtenir le salut comme en lrsquounique source sucircre Voilagrave aussi ceux agrave qui tu le communiqueras tu le feras sans rien retrancher puisque aussi bien je prends les dieux agrave teacutemoin de ce que je nrsquoai pour ma part rien ajouteacute ni rien retrancheacute des ideacutees exprimeacutees dans les oracles sauf que jrsquoai corrigeacute telle expres-sion fautive ou lrsquoai remplaceacutee dans le sens drsquoune plus grande clarteacute ou combleacute un vers deacuteficient ou

7 Un manuscrit car celui drsquoA Steuchus est manifestement celui qursquoa connu Angelo Mai crsquoest-agrave-dire lrsquoAmbrosianus 569 Les deux auteurs signalent la mecircme faute εὐλογίων Voir aussi Beatrice Theosophia p xxv n 70 8 laquo Towards a new edition raquo p 351 voir aussi Theosophia p xxv n 70 9 Voir lrsquoeacutedition de G Wolff Porphyrii De Philosophia ex Oraculis haurienda librorum reliquiae Berlin 1856 reacuteimpr Hildesheim 1962 p 39 et 143-147 et E DePalma Digeser laquo Lactantius Porphyry and the Debate over Religious Toleration raquo JRS 88 1998 p 129-146 notamment p 138 n 72 Voir fr 325 Smith et H Erbse (eacutedit) Theosophorum Graecorum Fragmenta iterum recensuit HE coll laquo Bibliotheca Teubneriana raquo StuttgartLeipzig 1995 p 18 li 225 (Theosophia sect 27) A = Ambrosianus 569 s XVI T = Tubingensis Mb 27 a 1580 Dans la reacutecente eacutedition de PF Beatrice Theosophia I 24 li 195 10 Nouvelle eacutedition des fragments dans Porphyry Philosophi Fragmenta edidit Andrew Smith Fragmenta Arabica David Wasserstein interpretante coll BT StuttgartLeipzig 1993 fr 303-350 p 351-407 11 Porphyre De Philosophia ex oraculis haurienda Prologue apud Eusegravebe Praep evang IV 6 2-7 2 7 2-8 1 p 109-110 Wolff 303-304 F Smith

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supprimeacute telle parole ne se rapportant pas au sujet Ainsi ai-je conserveacute intact le sens des paroles craignant davantage lrsquoimpieacuteteacute qursquoil y aurait agrave toucher agrave ces oracles que le chacirctiment vengeur qui suivrait cette profanation

La preacutesente collection consignera une foule de doctrines philosophiques conformes agrave ce que les dieux ont reacuteveacuteleacute ecirctre la veacuteriteacute Nous toucherons aussi un peu agrave la discipline oraculaire12 enseigne-ment utile agrave la contemplation ainsi qursquoagrave la purification de la vie

Quant agrave lrsquoutiliteacute de cette collection elle sera facilement ressentie par ceux qui dans leur doulou-reux enfantement de la veacuteriteacute ont un jour prieacute pour trouver dans lrsquoexpeacuterience drsquoune eacutepiphanie des dieux un terme agrave leur embarras gracircce agrave lrsquoenseignement digne de toute creacuteance de ceux qui parleraient

[304 F] Quant agrave toi essaie srsquoil est des veacuteriteacutes agrave ne pas divulguer de ne pas divulguer celles-lagrave et de ne pas les jeter aux profanes que ce soit pour la gloriole le profit ou quelque autre flatterie impure Le risque serait alors grand non seulement pour toi qui enfreindrais ces preacuteceptes mais eacutegalement pour moi qui aurais accordeacute une confiance facile agrave qui ne pouvait tenir secregravetes les bien-faisances dont il faisait lrsquoobjet Il faut donc les livrer agrave ceux qui ont disposeacute leur vie en vue du salut de leur acircme Cache-moi ces oracles comme les plus secrets des mystegraveres car les dieux eux non plus nrsquoont pas deacutelivreacute sur ces questions des oracles clairs mais eacutenigmatiques raquo13

Porphyre a donc rassembleacute dans un recueil (συναγωγή employeacute deux fois par Porphyre en Praep evang IV 7 2) des oracles drsquoApollon des autres dieux et des

12 ἐπrsquo ὀλίγον δὲ καὶ τῆς χρηστικῆς ἁψόμεθα πραγματείας Χρηστικός nrsquoa pas selon nos diction-naire le sens drsquolaquo oraculaire raquo Crsquoest pourtant le sens qursquoil faut supposer dans le preacutesent contexte pour qualifier cette πραγματεία utile agrave la contemplation et agrave la purification Voir eacutegalement quelques lignes plus haut τῶν χρησθέντων νοημάτων Voir la note drsquoOdile Zink dans lrsquoeacutedition des Sources chreacutetiennes (SC 262 1979) p 122 n 1 qui suppose un sens deacuteriveacute du verbe χράω (=rendre des oracles) non mentionneacute par Bailly ou Liddell-Scott Certains oracles sont consacreacutes agrave lrsquoexposition du rituel chaldaiumlque ce qui ne veut pas dire qursquoils eacutetaient emprunteacutes agrave la collection ancienne drsquoOra-cles chaldaiumlques Le chapitre III de lrsquoouvrage de H Lewy Chaldaean Oracles and Theurgy Mysticism Magic and Platonism in the Later Roman Empire Le Caire 1956 nouvelle eacutedition par Michel Tardieu Paris 1978 p 177-226 (laquo Theurgical Elevation raquo) et le chapitre IV p 227 257 (laquo The magical ritual of the Chaldaeans raquo) commentent ces Oracles Mecircme si les oracles du recueil porphy-rien ne sont pas chaldaiumlques ils sont directement influenceacutes par ce rituel 13 Eusegravebe Praep evang IV 7 1 - 8 2 t I p 177 4-17 et p 178 1-68-9 Mras ΕK ΤΩΝ ΠΟΡΦΥΡΙΟΥ - ΟΡΚΟΣ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΧΡΗΣΜΩΝ

Βέβαιος δὲ καὶ μόνιμος ὁ ἐντεῦθεν ὡς ἂν ἐκ μόνου βεβαίου τὰς ἐλπίδας τοῦ σωθῆναι ἀρυτόμενος οἷς δὴ καὶ μεταδώσεις μηδὲν ὑϕαιρούμενος ἐπεὶ κἀγῶ τοὺς θεοὺς μαρτύρομαι ὡς οὐδὲν οὔτε προστέθεικα οὔτε ἀϕεῖλον τῶν χρησθέντων νοημάτων εἰ μή που λέξιν ἡμαρτημένην διώρθωσα ἢ πρὸς τὸ σαϕέστερον μεταβέβληκα ἢ τὸ μέτρον ἐλλεῖπον ἀνεπλήρωσα ἤ τι τῶν μὴ πρὸς τὴν πρόθεσιν συντεινόντων διέγραψα ὡς τόν γε νοῦν ἀκραιϕνῆ τῶν ῥηθέντων διετήρησα εὐλαβούμενος τὴν ἐκ τούτων ἀσέβειαν μᾶλλον ἢ τὴν ἐκ τῆς ἱεροσυλίας τιμωρὸν ἑπομένην δίκην Ἕξει δὲ ἡ παροῦσα συναγωγὴ πολλῶν μὲν τῶν κατὰ ϕιλοσοϕίαν δογμάτων ἀναγραϕήν ὡς οἱ θεοὶ τἀληθὲς ἔχειν ἐθέσπισαν ἐπrsquo ὀλίγον δὲ καὶ τῆς χρηστικῆς ἁψόμεθα πραγματείας ἥτις πρός τε τὴν θεωρίαν ὀνήσει καὶ τὴν ἄλλην κάθαρσιν τοῦ βίου Ἣν δrsquo ἔχει ὠϕέλειαν ἡ συναγωγή μάλιστα εἴσονται ὅσοιπερ τὴν ἀλήθειαν ὠδίναντες ηὔξαντό ποτε τῆς ἐκ θεῶν ἐπιϕανείας τυχόντες ἀνάπαυσιν λαβεῖν τῆς ἀπορίας διὰ τὴν τῶν λεγόντων ἀξιόπιστον διδασκαλίαν (hellip)

Σὺ δrsquo εἴπερ τι καὶ ταῦτα πειρῶ μὴ δημοσιεύειν μηδrsquo ἄχρι καὶ τῶν βεβήλων ῥίπτειν αὐτὰ δόξης ἕνεκα ἢ κέρδους ἤ τινος ἄλλης οὐκ εὐαγοῦς κολακείας κίνδυνος γὰρ οὐ σοὶ μόνον τὰς ἐντολὰς παραβαίνοντι

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bons deacutemons comme sources drsquoune philosophie reacuteveacuteleacutee (qursquoil aime appeler theacuteo-sophie 14) et drsquoune | liturgie (ou drsquoune mantique oraculaire) visant la contemplation et la purification de lrsquoacircme Ce preacuteambule correspond tregraves exactement au contenu des fragments conserveacutes Une reconstitution du traiteacute Sur la philosophie extraite des oracles de Porphyre qui ne se conformerait pas agrave cette image risquerait fort drsquoap-paraicirctre mal fondeacutee

On remarquera que lrsquoinjonction adresseacutee au destinataire de ne pas deacutevoiler ces oracles implique que lrsquoouvrage est destineacute agrave des paiumlens laquo ceux qui ont ordonneacute leur vie en vue du salut de leur acircme raquo et qursquoil pourrait difficilement ecirctre reacuteduit agrave une eacutecrit intentionnellement et ouvertement poleacutemique dirigeacute contre les chreacutetiens15

Les fragments antichreacutetiens

La lecture des fragments montre que la confrontation avec le christianisme nrsquoeacutetait certainement pas absente de lrsquoouvrage Mais il ne semble pas que Porphyre ait attaqueacute de front les chreacutetiens On constate au contraire que les chreacutetiens ont citeacute du De Philosophia des vers qui leur paraissaient favorables au Christ ou aux Juifs ou encore qui soulignaient la contrainte exerceacutee sur les dieux par le theacuteurge ou les passions manifesteacutees par les dieux

Quelques-uns cinq ou six sur une cinquantaine de fragments font reacutefeacuterence aux Juifs au Christ ou aux chreacutetiens 323-324 343-345 344a (fragment oublieacute par Wolff mais sans reacutefeacuterence preacutecise agrave la Philosophie des Oracles) Quelle que soit la perspective originale de Porphyre les chreacutetiens ont retenu de ces passages que

ταύτας ἀλλὰ κἀμοὶ ῥᾳδίως πιστεύσαντι τῷ στέγειν παρrsquo ἑαυτῷ μὴ δυναμένῳ τὰς εὐποιίας Δοτέον δὴ τοῖς τὸν βίον ἐνστησαμένοις πρὸς τὴν τῆς ψυχῆς σωτηρίαν

Ταῦτά μοι ὡς ἀρρήτων ἀρρητότερα κρύπτειν οὐδὲ γὰρ οἱ θεοὶ ϕανερῶς περὶ αὐτῶν ἐθέσπισαν ἀλλὰ διrsquo αἰνιγμάτων 14 Selon PF Beatrice Theosophia p xxix-xxx laquo the Theosophy appears to be the work capable of refuting and replacing Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in the religious and philosoph-ical culture of that time raquo Beatrice rappelle que deux oracles du recueil proviennent de la Philosophie des oracles mais il estime probable que laquo Porphyryrsquos Philosophy from Oracles was if not the unique certainly the main source of the first book of the Theosophy devoted to the interpretation of the pagan oracles raquo Faut-il comprendre que drsquoautres oracles pourraient lui ecirctre attribueacutes 15 La perspective antichreacutetienne nrsquoeacutetait donc pas inscrite dans la forme de lrsquoouvrage Elle ne saurait justifier lrsquoattribution agrave la Philosophie des oracles des deacuteclarations precircteacutees agrave un paiumlen anonyme par Eusegravebe dans le Prologue de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique Voir RL Wilken laquo Pagan criticism of Christianity Greek religion and Christian faith raquo dans WR Schoedel et RL Wilken (eacutedit) Early christian literature and the classical intellectual tradition In honorem Robert M Grant coll laquo Theacuteologie historique raquo 54 Paris 1979 p 127 suivi sur ce point par Mme Digeser art citeacute p 129 n 1 et p 138 A von Harnack les avait inscrits comme fragment 1 du Contra Christianos par respect sans doute pour le leacutegendaire flair philologique de son confregravere Wilamowitz agrave lrsquoAcadeacutemie de Berlin Voir U von Wilamowitz-Moellendorf laquo Ein Bruchstuumlck aus der Schrift des Porphyrius gegen die Christen raquo ZNW 1 1900 p 101-105

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Porphyre y eacutetait favorable aux Juifs et au Christ plus aux Juifs qursquoau Christ plus au Christ qursquoaux chreacutetiens De lrsquoensemble de lrsquoouvrage ils ont cru pouvoir tirer une critique de la deacutemonologie et de la theacuteologie paiumlenne Mecircme en supposant que les chreacutetiens nrsquoont pas compris la perspective fondamentale de Porphyre le moins que lrsquoon puisse dire est qursquoils nrsquoont pas vu dans cet ouvrage un traiteacute dirigeacute expresseacutement contre les chreacutetiens Aux yeux drsquoAugustin lrsquohabileteacute de Porphyre consistait au contraire agrave louer le Christ pour mieux deacutenoncer les chreacutetiens Selon toutes apparences il ne serait pas venu agrave lrsquoesprit des auteurs chreacutetiens de deacutesigner sans plus cet ouvrage comme un traiteacute contre les chreacutetiens

On pourrait consideacuterer que le reste des fragments exposait de faccedilon positive ndash par opposition au christianisme ndash la theacuteologie et le culte paiumlen tels que les reacuteveacute-laient les dieux dans leurs oracles si lrsquoon ne deacutecelait pas une certaine deacutepreacuteciation de la religion traditionnelle par rapport aux courants religieux orientaux Dans les fragments 323-324 (Eusegravebe Praep evang IX 10 1-2 et 3-5) Porphyre commente un oracle drsquoApollon en opposant les Barbares et les Hellegravenes les Barbares notam-ment les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Chaldeacuteens ou les Assyriens ainsi que les Lydiens et les Heacutebreux) ont deacutecouvert de nombreux sentiers pour conduire vers les dieux alors que les Hellegravenes se sont eacutegareacutes Il citait eacutegalement un oracle reacuteser-vant aux Chaldeacuteens et aux Heacutebreux lrsquoaccegraves agrave la sagesse et le culte pur du Dieu Pegravere et Roi Il est difficile de deacutecouvrir la position originale de Porphyre dans ce passage du fait qursquoEusegravebe et Augustin nrsquoont en geacuteneacuteral retenu que les extraits qui servaient leur propre cause Mais si vraiment la perspective de ce traiteacute avait eacuteteacute reacuteduite agrave une attaque contre le christianisme pourquoi Porphyre aurait-il pris la peine de deacutevelopper des positions aussi nuanceacutees

Mais une thegravese peut ecirctre surprenante paradoxale et ecirctre vraie Il faut donc se tourner vers lrsquoexamen des arguments avanceacutes par P F Beatrice dans ses diverses eacutetudes

Lrsquoautoriteacute drsquoA von Harnack

Beatrice fait eacutetat drsquoune deacuteclaration drsquoAdolf von Harnack16 (laquo this brilliant intuition raquo) qui preacutesentait le Contra Christianos sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας κατὰ Χριστιανῶν λόγοι ιεʹ (Sur la philosophie tireacutee des oracles contres les chreacute-tiens en quinze livres) Mais crsquoeacutetait lagrave manifestement une erreur deacutejagrave deacutenonceacutee par Hauschildt17 que lrsquohistorien nrsquoa jamais renouveleacutee dans ses eacutetudes consacreacutees au Contra Christianos

16 Adolf von Harnack Geschichte der altchristlichen Literatur bis Eusebius Berlin 1893 t I 2 p 873 citeacute par PF Beatrice laquo Towards a new edition raquo p 348-349

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Le titre ldquoContra Christianosrdquo

On pourrait soulever une objection de bon sens agrave une identification entre le traiteacute Contre les chreacutetiens et drsquoautres traiteacutes de Porphyre le titre et la dimension du traiteacute Contre les chreacutetiens ne correspondent agrave aucun des autres ouvrages avec lesquels on voudrait lrsquoidentifier Crsquoest pourquoi M Beatrice a consacreacute un article indeacutepen-dant agrave cette question preacuteliminaire18

Selon cet auteur le titre Contre les chreacutetiens serait mal attesteacute On ne dispose en effet que drsquoune seule attestation tardive puisqursquoelle se trouve | dans la Souda La liste des œuvres de Porphyre conserveacutee par la Souda signale Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ Un des manuscrits omet drsquoailleurs ce titre19 et il nrsquoapparaicirct pas dans les catalogues arabes20 Souda art Πορϕύριος Π 2098 t IV p 278 14-32 Adler

Πορϕύριος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας ὃς κυρίως ἐκαλεῖτο Βασιλεύς Τύριος ϕιλόσοϕος μαθητὴς Ἀμελίου τοῦ Πλωτίνου μαθητοῦ διδάσκαλος δὲ Ἰαμβλίχου γεγονὼς ἐπὶ τῶν χρόνων Αὐρηλιανοῦ καὶ παρατείνας ἕως Διοκλητιανοῦ τοῦ βασιλέως ἔγραψε βιβλία πάμπλειστα ϕιλόσοϕά τε καὶ ῥητορικὰ καὶ γραμματικά ἦν δὲ καὶ Λογγίνου τοῦ κριτικοῦ ἀκροασάμενος Περὶ θείων ὀνομάτων αʹ Περὶ ἀρχῶν βʹ Περὶ ὕλης ϛʹ Περὶ ψυχῆς πρὸς Βόηθον εʹ Περὶ ἀποχῆς ἐμψύχων δʹ Περὶ τοῦ Γνῶθι σαυτὸν δʹ Περὶ ἀσωμάτων Περὶ τοῦ μίαν εἶναι τὴν Πλάτωνος καὶ Ἀριστοτέλους αἵρεσιν ζʹ Εἰς τὴν Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ21 Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ22 Περὶ τῆς Ὁμήρου ϕιλοσοϕίας Πρὸς Ἀριστοτέλην τοῦ εἶναι τὴν ψυχὴν ἐντελέχειαν Φιλολόγου ἱστορίας βιβλία εʹ Περὶ γένους καὶ εἴδους καὶ διαϕορᾶς καὶ ἰδίου καὶ συμβεβηκότος Περὶ τῶν κατὰ Πίνδαρον τοῦ Νείλου πηγῶν Περὶ τῆς ἐξ Ὁμήρου ὠϕελείας τῶν βασιλέων βιβλία ιʹ Συμμίκτων ζητημάτων ζʹ Εἰς τὸ Θουκυδίδου προοίμιον Πρὸς Ἀριστείδην ζʹ Εἰς τὴν Μινουκιανοῦ τέχνην καὶ ἄλλα πλεῖστα καὶ μάλιστα ἀστρονομούμενα ἐν οἷς καὶ Εἰσαγωγὴν ἀστρονομουμένων ἐν βιβλίοις τρισί καὶ Γραμματικὰς ἀπορίας οὗτός ἐστιν ὁ Πορϕύριος ὁ τὴν κατὰ Χριστιανῶν ἐϕύβριστον γλῶσσαν κινήσας

laquo Porphyre celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens son nom veacuteritable eacutetait ldquoRoirdquo originaire de Tyr philosophe eacutelegraveve de lrsquoeacutelegraveve de Plotin Ameacutelius maicirctre de Jamblique il fut dans la force de lrsquoacircge agrave lrsquoeacutepoque drsquoAureacutelien et veacutecut jusqursquoagrave celle de lrsquoempereur Diocleacutetien Il a eacutecrit de tregraves nombreux ouvrages de philosophie de rheacutetorique et de grammaire Il avait eacuteteacute aussi lrsquoauditeur du critique Longin

Des noms divins un livreDes principes deux livresDe la matiegravere neuf livres

17 H Hauschildt De Porphyrio philosopho Macarii Magnetis apologetae Christiani Apokritikon auctore Diss Heidelberg Bonn 1907 p 38 n 1 18 Voir laquo Title raquo p 223 19 Voir J Bidez Vie de Porphyre le philosophe neacuteo-platonicien Gand 1913 p 52 Harnack op cit p 27 20 Voir Bidez op cit p 54-62 Harnack op cit p 27 21 Il y a manifestement ici une confusion de deux titres Rien agrave ce sujet dans lrsquoapparat drsquoA Adler sinon la correction ϕιλοσόϕων proposeacutee par Vales(ius) Jacoby FGrHist 260 T 1 laquo Sur les [eacutecrits] de Julien le Chaldeacuteen Histoire philosophique en quatre livres raquo Εἰς τὰ (corr Vales) Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ 22 Ce titre est absent dans le manuscrit Ω

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De lrsquoacircme contre Boegravece cinq livresDe lrsquoabstinence des ecirctres animeacutes quatre livresSur le ldquoConnais-toi toi-mecircmerdquo quatre livresDes incorporelsDe lrsquouniciteacute de la doctrine de Platon et drsquoAristote six livresSur lrsquohistoire philosophique de Julien le Chaldeacuteen en quatre livresDiscours contre les chreacutetiens quinze livresDe la philosophie drsquoHomegravereContre Aristote [et sa doctrine que ] lrsquoacircme est une enteacuteleacutechieHistoire philologique dix livresDu genre de lrsquoespegravece de la diffeacuterence du propre et de lrsquoaccidentDes sources du Nil selon PindareDe lrsquoutiliteacute drsquoHomegravere pour les rois dix livresRecherches mecircleacutees sept livresSur le prologue de ThucydideContre Aristide sept livresSur le manuel [de rheacutetorique] de MinucianusEt beaucoup drsquoautres surtout drsquoastronomie parmi lesquels une Introduction agrave lrsquoeacutetude de

lrsquoastronomie en trois livres et des Apories | grammaticales Crsquoest ce Porphyre qui a agiteacute sa langue insolente contre les chreacutetiens raquo

On remarquera que la Philosophie des oracles nrsquoapparaicirct pas dans cette liste ce qui aux yeux de M Beatrice milite en faveur drsquoune identification de ce traiteacute avec un autre traiteacute comme le Κατὰ Χριστιανῶν Mais cette liste est loin de contenir tous les ouvrages connus de Porphyre23 On y chercherait en vain la Vie de Plotin les Sentences ou Lrsquoantre des nymphes les Commentaires de Platon et drsquoAristote etc

Selon M Beatrice la formule de la Souda ne correspondrait pas agrave un titre formel mais se rapporterait agrave la theacutematique ou agrave la perspective litteacuteraire drsquoun ouvrage en quinze livres dirigeacute contre les chreacutetiens laquo Lrsquoexpression Κατὰ Χριστιανῶν pour-rait simplement indiquer la cible de lrsquoouvrage de Porphyre sans ecirctre son titre originel raquo24 A propos drsquoune reacutefeacuterence fournie par Augustin (laquo Ils ont exposeacute encore drsquoautres [objections ] qursquoils disaient extraites de Porphyre Contre les chreacutetiens comme si elles eacutetaient passablement pertinentes raquo)25 Beatrice eacutecrit de mecircme laquo Il reacutevegravele simplement la perspective antichreacutetienne des objections attri-bueacutees agrave Porphyre raquo26

23 Voir R Beutler art laquo Porphyrios raquo 21 RE XXII 1 1953 col 275-313 notamment col 278-301 24 laquo The expression Κατὰ Χριστιανῶν could simply indicate the target of Porphyryrsquos writing without being its original title raquo (laquo Title raquo p 222) 25 laquo Item alia proposuerunt quae dicerent de Porphyrio contra Christianos tamquam validiora decerpta raquo (Augustin Lettre 102 2 8 CSEL 34 2 p 551 5-6 Goldbacher) 26 laquo It simply reveals the anti-Christian intention of the objections attributed to Porphyry raquo (laquo Title raquo p 223)

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Pour illustrer ce sens purement descriptif de la formule employeacutee agrave propos de Porphyre Beatrice27 cite Seacuteveacuterien de Gabala De mundi creat hom 6 (PG 56 487) laquo agrave Porphyrehellip celui qui a composseacute [un ouvrage] contre les chreacutetiens raquo (Πορϕυρίῳ τῷ κατὰ Χριστιανῶν συγγράψαντι) et Neacutemeacutesius drsquoEacutemegravese De nat hom 3 (p 42 22-23 Morani) laquo Porphyre celui qui a agiteacute sa langue contre le Christ raquo (Πορϕύριος ὁ κατὰ τοῦ Χριστοῦ κινήσας τὴν ἑαυτοῦ γλῶσσαν)

Beatrice cite eacutegalement des formules drsquoOrigegravene ou drsquoEusegravebe qui eacutevoquent lrsquoἈληθὴς λόγος de Celse comme un eacutecrit poleacutemique dirigeacute Κατὰ Χριστιανῶν ou καθrsquo ἡμῶν28

Mais le fait que la formule puisse srsquointerpreacuteter dans un sens faible ne prouve cependant pas que dans des contextes ougrave lrsquoauteur eacutenumegravere des titres drsquoouvrages (comme dans la Souda ougrave la plupart des autres titres rappelons-le sont confirmeacutes par des fragments porphyriens) ou donne la reacutefeacuterence litteacuteraire drsquoune citation (comme chez Eusegravebe dans les passages que nous allons examiner) elle doive neacutecessairement ecirctre ainsi interpreacuteteacutee mecircme lorsque lrsquoauteur ne preacutecise pas qursquoil cite expresseacutement le titre drsquoun ouvrage Car les innombrables titres drsquoouvrages comportant κατὰ+geacuten ou πρὸς+acc en grec ne sauraient ecirctre reacuteduits agrave de pures eacutevocations de leur laquo cible raquo litteacuteraire

Crsquoest le contexte seul qui permet drsquoeacutetablir la preacutecision de la reacutefeacuterence Prenons par exemple les quatre reacutefeacuterences suivantes au Contre Celse drsquoOrigegravene que nous trouvons dans la Philocalie29

laquoExtraits des Tomes contre Celse celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens tomes 6 et 7raquo ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τοῦ κατὰ χριστιανῶν γράψαντος τόμου ϛʹ καὶ ζʹ (chap 15)

laquoDu tome 3 contre Celseraquo τόμου γʹ κατὰ Κέλσου (chap 16)laquoExtraits des tomes 1 et 5 de lrsquoouvrage contre Celseraquo ἐκ τοῦ αʹ καὶ εʹ τόμου τῶν κατὰ Κέλσου

(chap 17)laquoExtraits du tome 3 du mecircme traiteacute contre Celseraquo ἐν τῷ τρίτῳ τόμῳ τῆς αὐτῆς κατὰ Κέλσου

πραγματείας (18) Harl ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τόμου αʹ καὶ γʹ (chap 18)

27 laquo Title raquo p 222 28 Origegravene Contre Celse prooem 4 laquo Et je ne sais pas dans quelle cateacutegorie il faut ranger celui qui a besoin de discours eacutecrits dans des livres en reacuteponse aux charges de Celse contre les chreacutetiens (πρὸς τὰ Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐγκλήματα) pour ressaisir et remettre debout une foi qui chancelleraquo (trad M Borret 1967) Voir aussi au deacutebut du prologue la formule laquocontre les faux teacutemoignages de Celse contre les chreacutetiens dans son traiteacute (πρὸς τὰς Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐν συγγράμμασι ψευδομαρτυρίας) raquo Eusegravebe Hist eccl VI 36 2 (agrave propos drsquoOrigegravene) laquo Agrave cette eacutepoque aussi il compose les huit livres pour reacutepondre agrave lrsquoouvrage dirigeacute contre nous par Celse lrsquoeacutepicurien et intituleacute Discours veacuteritable (τὰ πρὸς τὸν ἐπιγραμμένον καθrsquo ἡμῶν Κέλσου τοῦ Ἐπικουρείου Ἀληθῆ λόγον)hellip raquo 29 Voir Origegravene Philocalie 1-20 Sur les Eacutecritures Introduction texte traduction et notes par Marguerite Harl et La Lettre agrave Africanus sur lrsquohistoire de Suzanne Introduction texte traduction et notes pas Nicholas de Lange coll SC 302 Paris 1983

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Ces formules sont eacutequivalentes On peut toujours dire qursquoaucune des quatre mecircme la quatriegraveme ne preacutesente explicitement les mots laquo Contre Celse raquo comme le titre mecircme de lrsquoouvrage drsquoOrigegravene mais il faut au moins reconnaicirctre (a) qursquoon ne connaicirct pas drsquoautre titre (b) que cette faccedilon de deacutesigner lrsquoouvrage eacutetait aux yeux des compilateurs suffisamment explicite pour identifier un ouvrage particulier

Dans une liste de titres on ne voit pas pourquoi la Souda aurait preacutefeacutereacute eacutevoquer les quinze livres eacutecrits par Porphyre contre les chreacutetiens plutocirct que drsquoen donner le titre preacutecis si vraiment ce titre avait eacuteteacute diffeacuterent et si lrsquoauteur lrsquoavait connu

Attestations du titre du ldquoContra Christianosrdquo

Reste agrave savoir si nous nrsquoavons pas drsquoattestation plus ancienne de ce titre Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui cite geacuteneacuteralement de faccedilon preacutecise ses sources nous a transmis plusieurs extraits litteacuteraux du traiteacute de Porphyre dirigeacute contre les chreacute-tiens Consideacuterons en quels termes il introduit chacune de ces citations en trois passages capitaux

Dans sa Preacuteparation eacutevangeacutelique V 1 9 ougrave il veut montrer que les deacutemons mauvais ont perdu de leur puissance depuis la venue de Jeacutesus-Christ parmi les hommes il introduit dans les termes suivants le fragment 80 du recueil de von Harnack

laquo hellipcrsquoest encore lrsquoauteur mecircme qui est agrave notre eacutepoque lrsquoavocat des deacutemons qui dans le pamphlet30 qursquoil a eacutecrit contre nous porte teacutemoignage en ces termeshellip raquo31

Dans la Preacuteparation eacutevangeacutelique I 9 20 crsquoest le fragment 41 qui est ainsi preacutesenteacute

laquo Lrsquoauteur qui de nos jours a monteacute son pamphlet contre nous rappelle ces faits32 dans le quatriegraveme livre de lrsquoouvrage ougrave il nous attaquehellip raquo33

30 E des Places a traduit συσκευή par laquo pamphlet raquo et PF Beatrice par laquo compilation raquo Compilation est effectivement donneacute par le dictionnaire de Lampe (PGL) mais le seul exemple fourni est un passage drsquoEusegravebe On ne voit pas tregraves bien ce que Porphyre aurait ici compileacute A lire lrsquoen-semble des occurrences chez Eusegravebe on retiendra plutocirct le sens de laquo machination raquo laquo complot raquo souvent en association avec κατὰ+geacuten par exemple le complot du peuple juif contre le Christ (Hist eccl I 3 6) La formule consacreacutee chez Eusegravebe agrave propos de Porphyre est ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν (Praep evang I 9 20 voir aussi V 5 5 V 36 5 X 9 12) Voir aussi en X 9 11 ὃς τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν ὑπερβολῇ μίσους προβεβλημένος A propos drsquoun ouvrage de Molon contre les Juifs Eusegravebe emploie une formule semblable ῾Ὁ δὲ τὴν συσκευὴν τὴν κατὰ Ἰουδαίων γράψας Μόλων Comme le mot est souvent employeacute avec des verbes comme ldquoeacutecrirerdquo (Praep evang X 9 12) on peut estimer que pamphlet (diffamatoire) est une assez bonne traduction 31 Eusegravebe Preacutep eacutevang V 1 9 περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον (suit le fr 80 Harnack) 32 Ou laquo mentionne ces deux auteurs raquo crsquoest-agrave-dire Sanchouniathon et Philon de Byblos 33 Eusegravebe Preacutep eacutevang I 9 20 (trad J Sirinelli) μέμνηται τούτων ὁ καθrsquo ἡμᾶς τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν ἐν τετάρτῳ τῆς πρὸς ἡμᾶς ὑποθέσεως (suit le fr 41 Harnack)

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Dans son Histoire eccleacutesiastique VI 19 2-4 Eusegravebe introduit le fragment 39 du recueil de von Harnack

laquo Pourquoi faut-il dire cela lorsque encore de nos jours Porphyre srsquoest eacutetabli en Sicile y a composeacute des eacutecrits contre nous et srsquoest efforceacute drsquoy calomnier les Eacutecritures divineshellip raquo34

A la fin de lrsquoextrait (VI 19 9) il preacutecise le livre drsquoougrave est tireacute ce passage laquo Voilagrave ce qui a eacuteteacute eacutecrit par Porphyre au troisiegraveme des livres qursquoil a eacutecrits contre les chreacutetienshellip

Que ne devait pas faire lrsquoadversaire des chreacutetiens raquo35

On imagine mal qursquoEusegravebe nrsquoait pas penseacute citer un titre preacutecis lorsqursquoil a eacutecrit κατὰ τὸ γʹ σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν Beatrice36 fait reacutefeacuterence agrave ce passage mais il ne lui consacre aucune explication Si Eusegravebe avait connu lrsquoouvrage sous un autre titre notamment en tant que Philosophie des oracles il aurait vraisemblablement pris la peine de lrsquoindiquer ici

On a peine agrave croire que dans tous ces passages Eusegravebe ait eu agrave lrsquoesprit un titre de Porphyre qursquoil se serait borneacute agrave eacutevoquer sans le mentionner Eusegravebe eacutetant lrsquoauteur le plus proche chronologiquement de Porphyre et lrsquoun des seuls agrave avoir lu directement lrsquoouvrage son teacutemoignage doit ecirctre tenu comme le plus deacutecisif

On peut admettre agrave la limite qursquoEusegravebe ne pensait pas citer un titre comme tel on peut mecircme admettre que lrsquoouvrage nrsquoeacutetait connu que par un titre descriptif mais ce qui est exclu est qursquoEusegravebe ait employeacute de telles formules alors mecircme qursquoil connaissait lrsquoouvrage sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας

Les reacutefeacuterences preacutecises de Jeacuterocircme agrave lrsquoouvrage de Porphyre ressemblent tout agrave fait agrave celles que donne Eusegravebe

Fr 9a Harnack laquo hellipce Porphyre impie qui eacutecrivit contre nous et en plusieurs volumes deacuteversa sa rage au tome XIVhellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius qui adversum nos conscripsit et multis voluminibus rabiem suam evomuit in XIV voluminehellip)

Fr 21a Harnack laquo hellip Ce Bataneacuteote et ce sceacuteleacuterat de Porphyre au premier livre de son ouvrage contre noushellip raquo (hellipBataneotes et sceleratus ille Porphyrius in I operis sui adversum nos librohellip)

Fr 40 Harnack laquo hellipcet impie de Porphyre au livre IV de son livre qursquoau prix drsquoun vain labeur il a composeacute contre noushellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius in IV operis sui libro quod adversum nos casso labore contexuithellip)

Fr 43 a Harnack laquo Contre le prophegravete Daniel Porphyre a eacutecrit le livre XII raquo (Contra prophetam Danielem XII librum scripsit Porphyrius)

34 Eusegravebe Hist eccl VI 19 2-4 (trad Bardy) τί δεῖ ταῦτα λέγειν ὅτε καὶ ὁ καθrsquo ἡμᾶς ἐν Σικελίᾳ καταστὰς Πορϕύριος συγγράμματα καθrsquo ἡμῶν ἐνστησάμενος καὶ διrsquo αὐτῶν τὰς θείας γραϕὰς διαβάλλειν πεπειραμένος En suivant TD Barnes (laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65) on peut aussi comprendre laquo lorsque mecircme Porphyre qui de nos jours srsquoest eacutetabli en Sicile raquo 35 Ibid VI 19 9 (conclusion) ταῦτα τῷ Πορϕυρίῳ κατὰ τὸ τρίτον σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν εἴρηται () (τί γὰρ οὐκ ἔμελλεν ὁ κατὰ Χριστιανῶν ) 36 laquo Title raquo p 233 n 79

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Fr 44 Harnack laquo au livre XIII de son ouvrage contre nous Porphyre a profeacutereacute de nombreux blas-phegravemeshellip raquo (multa Porphyrius XIII operis sui volumine contra nos blasphemavithellip)

Toutes ces reacutefeacuterences ont en commun de signaler un livre particulier de lrsquoouvrage de Porphyre sans preacuteciser le titre exact de cet ouvrage autrement que par son caractegravere antichreacutetien

On doit eacutegalement tenir compte des divers deacutecrets impeacuteriaux dirigeacutes contre Porphyre Mme Digeser signale que le rapprochement qui est fait avec les Ariens montre que le grand reproche qui est adresseacute au philosophe est sans doute de nier la diviniteacute du Christ Sans le dire ouvertement elle semble consideacuterer que le traiteacute viseacute eacutetait la Philosophie des Oracles un ouvrage ougrave le problegraveme eacutetait abordeacute laquo un ouvrage qui eacutetait pris beaucoup plus au seacuterieux que le Contre les chreacutetiens raquo37 Or pas plus qursquoEusegravebe ou Jeacuterocircme les Empereurs nrsquoont pris la peine de deacutesigner lrsquoouvrage condamneacute autrement que par des formules geacuteneacuterales

laquo Porphyre lrsquoennemi de la religion qui a composeacute des ouvrages sacrilegraveges contre le culte divinhellip raquo Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρός συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος (Socrate Hist eccl I 9 30 [concerne le Concile de Niceacutee en 324] = 38 T Smith)

laquo hellipce que Porphyre entraicircneacute par sa folie a eacutecrit contre le pieux culte des chreacutetienshellip raquo ὅσα Πορϕύριος ὑπὸ τῆς ἑαυτοῦ μανίας ἐλαυνόμενος κατὰ τῆς εὐσεβοῦς θρησκείας τῶν Χριστιανῶν συνέγραψε (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 66 8-12 [en 448] = 40 T Smith)

laquo hellipagrave propos des livres de Porphyre ceux qui ont eacuteteacute composeacutes contre le saint culte des chreacutetienshellip raquo περί τε τῶν βιβλίων Πορϕυρίου τῶν κατὰ τῆς εὐαγοῦς τῶν Χριστιανῶν θρησκείας | συγγραϕέντων (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 67 7-15 [en 448] = 41 T Smith)

laquo hellipet que nul ne possegravede ne lise ne copie ni ne mentionne Nestorius aussi bien ses paroles que ses livres criminels et surtout ceux qursquoa publieacutes Porphyre contre les seules Eacutecritures chreacutetienneshellip raquo nec habeat aliquis aut legat aut transcribat proferatve Nestorium vel terminos eius aut codices noxios et maxime quos contra solas38 Porphyrius edidit Christianas litteras (Acta Conciliorum Oecumenicorum II 3 2 p 89 14-16 [en 451 ] = 42 T Smith)

laquo hellipce qui a eacuteteacute dit par Porphyre contre les chreacutetienshellip raquo τοῖς παρὰ Πορϕυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις (Acta Conciliorum Oecumenicorum III p 121 22-26 [en 536] = 43 T Smith)

Si les autoriteacutes impeacuteriales se sont contenteacutees de telles formulations crsquoest que celles-ci suffisaient agrave identifier un ouvrage preacutecis de Porphyre et non pas nrsquoim-porte quel de ses ouvrages En tout cas il est difficilement imaginable que de telles formules aient pu viser un ouvrage comme la Philosophie des Oracles que lrsquoon retrou-vera citeacute tout au long du ive siegravecle et cette difficulteacute ne peut que srsquoaccroicirctre si lrsquoon en vient agrave identifier agrave ce traiteacute drsquoautres traiteacutes comme le De regressu animae comme le voudrait Mme Digeser agrave la suite de JJ OrsquoMeara ou toute une seacuterie de traiteacutes porphyriens comme lrsquoenvisage M Beatricehellip Que la Philosophie des Oracles ait rejeteacute la diviniteacute du Christ nrsquoexclut eacutevidemment pas que Porphyre ait pu adopter la mecircme position dans un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens

37 laquo a work taken far more seriously than Against the Christians raquo (E DePalma Digeser art citeacute p 135) 38 Solas est inattendu sanctas

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Mais puisqursquoon ne trouve pas de fait en dehors de la Souda de citation ougrave Contre les chreacutetiens soit explicitement preacutesenteacute comme le titre de lrsquoouvrage au moyen drsquoun terme comme ἐπιγράϕειν admettons que le titre ne soit pas parfai-tement eacutetabli

Les reacutefeacuterences les plus explicites au traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo

Une douzaine de fragments du recueil de von Harnack contiennent une reacutefeacute-rence preacutecise agrave un ouvrage antichreacutetien de Porphyre et mecircme agrave un livre particu-lier de ce traiteacute Mecircme en laissant de cocircteacute tous les autres fragments ougrave le nom de Porphyre nrsquoapparaicirct pas et mecircme ceux ougrave il est mentionneacute sans reacutefeacuterence preacutecise agrave un ouvrage qursquoil aurait composeacute on peut se faire ainsi une ideacutee assez preacutecise de lrsquoouvrage

Cinq ou six livres de lrsquoouvrage sont eacutevoqueacutes de faccedilon explicite Il srsquoagit des livres I III et IV XII etou XIII et enfin XIV

Que lrsquoon y voie un titre ou une simple deacutesignation de son contenu on constate que lrsquoouvrage est deacutesigneacute tant chez les Grecs que chez les | Latins par des formules quasi identiques il eacutetait eacutecrit contra nos adversum nos contra Christianos καθrsquo ἡμῶν κατὰ Χριστιανῶν

Enfin plusieurs fragments permettent drsquoeacutetablir que lrsquoouvrage attaquait direc-tement les chreacutetiens les Eacutecritures Saintes et notamment le livre de Daniel

Crsquoest cet ouvrage que reacutefutegraverent Meacutethode drsquoOlympe Eusegravebe de Ceacutesareacutee et Apollinaire de Laodiceacutee peut-ecirctre drsquoautres auteurs chreacutetiens comme Philostorge et crsquoest cet ouvrage que condamnegraverent au moins agrave deux reprises les empereurs chreacutetiens

Je ne retiens que ces informations minimales pour montrer que lrsquoexistence drsquoun traiteacute antichreacutetien de Porphyre ne saurait ecirctre remise en question mecircme si lrsquoon reacuteduisait le recueil des fragments agrave un noyau regroupant uniquement des frag-ments rattacheacutes explicitement agrave un traiteacute eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens

Le ldquoContra Christianosrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquoSelon Beatrice Eusegravebe et plusieurs autres auteurs chreacutetiens connaissaient

le titre veacuteritable de ce traiteacute dirigeacute contre les chreacutetiens Crsquoeacutetait la Philosophie des oracles

Le principal argument de Beatrice semble ecirctre un passage de la Preacuteparation eacutevan-geacutelique dans lequel Eusegravebe introduit une citation de la Philosophie des Oracles en preacutesen-tant Porphyre comme ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος (V 5 5)

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne (ou ldquoqursquoexposerdquo ἐκτέθειται) de son cocircteacute

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lrsquoauteur du pamphlet (ldquocompilationrdquo Beatrice) dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles raquo39

Selon Beatrice40 il faudrait comprendre que ce pamphlet est la Philosophie des oracles ou encore que lrsquoouvrage qursquoEusegravebe srsquoapprecirctait agrave citer eacutetait le pamphlet anti-chreacutetien eacutevoqueacute

De mecircme dans la Deacutemonstration eacutevangeacutelique III 6 39 Eusegravebe introduit une cita-tion du troisiegraveme livre du mecircme ouvrage en lrsquoattribuant agrave lrsquoennemi des chreacutetiens τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου

laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo41

La conclusion qursquoen tire Beatrice est la suivante laquo On peut difficilement ne pas reconnaicirctre que dans lrsquoensemble de la litteacuterature chreacutetienne

antique ce passage de la Deacutemonstration eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe est le seul dans lequel il est eacutetabli sans ambiguiumlteacute que le titre de lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre eacutetait Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo42

On trouverait une confirmation de cette identification en Praep evang IV 6 2-3 Apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un philosophe laquo ami des deacutemons raquo (δαιμόνων ϕίλον) et comme laquo un contemporain qui srsquoest enorgueilli des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous raquo (ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις) Eusegravebe enchaicircne

39 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) () τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται La traduction fournie par Beatrice laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 247 emprunteacutee agrave EH Gifford (Oxford 1903) donne un seacuterieux coup de pouce agrave lrsquoidentification des deux traiteacutes laquo the author of the compulation against us in the book which he entitled Of the Philosophy to be derived from Oracles raquo Mais ἐν οἷς ἐπέγραψε κτλ se rapporte au verbe ἐκτέθειται et non agrave πεποιημένος 40 laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 347 41 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται ὧδέ πως ἱστορῶν κατὰ λέξιν 42 laquo It can hardly be denied that in the whole of ancient Christian literature this passage from Eusebiusrsquos Proof of the Gospel is the only one in which it is unambiguously stated that the title (ἐπέγραψεν) of Porphyryrsquos anti-Christian writing (τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς) was Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (Beatrice laquo Title raquo p 235) Voir laquo Title raquo p 234 et laquo Towards a new edition raquo p 349 ougrave Beatrice parle de ldquodecisive evidencerdquo Beutler (RE XXII1 col 298) semble avoir attribueacute le fragment (Dem evang III 6) non pas agrave la Philosophie des oracles mais au traiteacute Contre les chreacutetiens Il eacutetablirait selon Beatrice laquo Title raquo p 234 un rapprochement avec Eusegravebe Hist eccl VI 19 et Augustin De civ Dei XIX 23 Mais il srsquoagit sans doute drsquoune simple erreur de Beutler Il y a lagrave une reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles traiteacute que Beutler pour sa part distingue nettement du Contra Christianos

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laquo Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des | dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo43

Voir encore Eusegravebe Praep evang V 36 5 laquo Apregraves ces propos passe maintenant agrave la Philosophie tireacutee des oracles de celui qui a composeacute

contre nous son reacutequisitoire (ou pamphlet )hellip raquo44

Dans ces quatre passages une citation de la Philosophie des oracles de Porphyre est preacutesenteacutee comme lrsquoœuvre drsquoun adversaire du christianisme Beatrice en conclut systeacutematiquement que lrsquoœuvre antichreacutetienne agrave laquelle pensait Eusegravebe eacutetait la Philosophie des oracles45

Pour toute la tradition byzantine46 la deacutesignation officielle de Porphyre est ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας celui qui srsquoest exprimeacute κατὰ Χριστιανῶν47 celui qui agiteacute sa langue impure contre les chreacutetiens48 ou contre la veacuteriteacute49 Il est lrsquoennemi de la religion chreacutetienne50 La formule ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας pourrait provenir drsquoEusegravebe qui mentionne | reacuteguliegraverement Porphyre comme laquo notre contemporain qui a composeacute son pamphlet contre nous raquo

43 Eusegravebe Praep evang IV 6 3 (trad O Zink) οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγω γὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας Voir laquo Title raquo p 233 44 Eusegravebe Praep evang V 36 5 (trad Eacuted des Places) ἀλλὰ γὰρ μετὰ τὰ εἰρημένα μεταβὰς αὖθις ἐπὶ τὴν Ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίαν τοῦ τὴν συσκευὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένου Voir laquo Title raquo p 233 45 Beatrice suit peut-ecirctre dans son interpreacutetation de ce passage JJ OrsquoMeara Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in Augustine Paris 1959 p 107 qui eacutecrit laquo Il est peut-ecirctre bon drsquoindiquer degraves le deacutebut qursquoEusegravebe deacutecrit la Philosophie des oracles comme une compilation dirigeacutee ldquocontre nousrdquo crsquoest-agrave-dire contre les Chreacutetiens raquo (laquo It may be well to state at the outset that Eusebius describes the Philosophy from Oracles as a compilation made ldquoagainst usrdquo that is Christians raquo) 46 Georges le Moine Chron 539 καὶ Πορϕύριος ὁ Τύριος ὑπάρχων πολλὰ κατὰ τῆς πίστεως ἡμῶν ἐκμανεὶς ἐλύσσησεν χριστιανὸς γὰρ γενόμενος καὶ τυπτηθεὶς ὑπό τινος χριστιανοῦ ἐν Παλαιστίνῃ θυμωθεὶς μετῆλθε πάλιν εἰς τὸν ἑλληνισμὸν ὁ ταλαίπωρος καὶ κατὰ τῆς πίστεως ἐδογμάτισεν Cedrenus vol I p 441 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ὁ ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Symeon Logothetes Chron p 71 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας καὶ Ἀϕρικανὸς ὁ σοϕώτατος Souda E 1454 ἐντελέχειαν λέγει ὁ Πορϕύριος τὴν ψυχήν ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Τύριος ϕιλόσοϕος 47 Cf Justinien Nov XLII 2 τοῖς παρὰ Πορφυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις 48 Souda Π 2473 Πρόκλος ὁ δεύτερος μετὰ Πορϕύριον κατὰ Χριστιανῶν τὴν μιαρὰν καὶ ἐϕύβριστον αὐτοῦ γλῶσσαν κινήσας 49 Theacuteophane le Confesseur Chron p 52 Πορϕύριος δέ ὁ καθrsquo ἡμῶν λυττήσας μετῆλθεν εἰς τὸν ἑλληνισμόν καὶ τότε γράψαι κατὰ τῆς ἀληθείας ὁ κύων ἐτόλμησεν 50 Cyrille Contra Iulianum I 38 (= F 203 Smith) Πορϕύριος μὲν οὖν ὁ πικροὺς ἡμῶν καταχέας λόγους καὶ τῆς Χριστιανῶν θρησκείας μονονουχὶ κατορχούμενος Socrate I 9 Ὥσπερ τοίνυν Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρὸς συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 2: Contra Christianos

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Il y a seulement quelques anneacutees on aurait pu preacutesenter le traiteacute Contre les chreacute-tiens de la faccedilon suivante Porphyre de Tyr a composeacute les quinze livres du traiteacute intituleacute Contre les chreacutetiens vers 270 en Sicile Lrsquoempereur Constantin en exigea la destruction agrave lrsquoeacutepoque du Concile de Niceacutee Lrsquoouvrage fit lrsquoobjet de reacutefuta-tions chreacutetiennes par Meacutethode drsquoOlympe Eusegravebe de Ceacutesareacutee et Apollinaire de Laodiceacutee Les attaques de | Porphyre inspiregraverent les objections de lrsquoAdversaire paiumlen dans lrsquoApocriticus de Macaire de Magneacutesie

Srsquoil faut en croire les historiens qui ont reacutecemment eacutetudieacute la question il faudrait remettre en cause la plupart de ces affirmations Tout drsquoabord lrsquoouvrage a pu ecirctre composeacute beaucoup plus tard qursquoen 270 peut-ecirctre au deacutebut du ive siegravecle pas neacutecessairement en Sicile et le titre de lrsquoouvrage nrsquoeacutetait peut-ecirctre pas Κατὰ Χριστιανῶν Quant aux fragments un esprit critique devrait en eacuteliminer la plus grande partie ougrave le nom de Porphyre nrsquoapparaicirct pas et encore moins le titre du traiteacute Crsquoest le cas des extraits tireacutes de Macaire de Magneacutesie et de bien drsquoautres fragments Il ne resterait en veacuteriteacute qursquoune poigneacutee de fragments incontestables

Cette reacuteduction drastique du nombre des fragments devrait cependant ecirctre compenseacutee par lrsquoajout des listes de souverains helleacutenistiques jusqursquoagrave reacutecemment attribueacutees agrave une Chronique de Porphyre ainsi que de nombreux extraits du philo-sophe jusqursquoici attribueacutes agrave drsquoautres ouvrages qui demanderaient agrave ecirctre identifieacutes comme les parties drsquoun unique ouvrage antichreacutetien dont le titre nrsquoaurait pas eacuteteacute Contre les chreacutetiens mais bien Sur la philosophie tireacutee des oracles Crsquoest de cet ouvrage que proviendraient les extraits conserveacutes du traiteacute Contre les chreacutetiens de la Lettre agrave Aneacutebon du Περὶ ἀγαλμάτων du De regressu animae du traiteacute Sur la matiegravere de mecircme que lrsquoensemble du De abstinentia Crsquoest agrave cet unique ouvrage traduit en latin par Marius Victorinus que se reacuteduiraient eacutegalement les ceacutelegravebres libri Platonicorum lus par Augustin agrave Milan crsquoest dans cet ouvrage qui joua un rocircle deacutecisif dans sa conversion qursquoAugustin aurait puiseacute non seulement tout ce qursquoil cite de Porphyre mais encore des extraits de Plotin et de Platon Cet ouvrage serait eacutegalement la principale source antichreacutetienne drsquoArnobe et il se cacherait derriegravere lrsquoouvrage en trois livres composeacute par un adversaire anonyme de Lactance au deacutebut de la perseacute-cution de Diocleacutetien

Si lrsquoon excepte le problegraveme de la datation et de la localisation de lrsquoouvrage ainsi que celui de la reacuteattribution des fragments de la Chronique les principaux eacuteleacutements de cette nouvelle interpreacutetation de Porphyre ont eacuteteacute proposeacutes par Pier Franco Beatrice dans une seacuterie drsquoarticles parus entre 1988 et 19952 Lrsquoaboutissement

zur Abhandlung Neue Fragmente des Werks des Porphyrius gegen die Christen raquo ibid 1921 p 834-835 2 Voici dans lrsquoordre chronologique les eacutetudes de PF Beatrice sur Porphyre avec leur abbreacute-viation eacuteventuelle dans la preacutesente contribution laquo Un oracle antichreacutetien chez Arnobe raquo dans Meacutemorial Dom Jean Gribomont (1920-1986) Roma 1988 p 107-129 (laquo Arnobe raquo) laquo Quosdam

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naturel de cette theacuteorie reacutevolutionnaire serait la publication drsquoune nouvelle eacutedition des fragments du traiteacute Contre les chreacutetiens ou plutocirct comme nous le verrons une nouvelle eacutedition des fragments de la Philosophie des Oracles3

Selon cette thegravese audacieuse il conviendrait donc drsquoidentifier les ouvrages suivants de Porphyre

ndash le traiteacute Sur la philosophie tireacutees des oracles (en trois livres ) 303-350 F Smith ndash le traiteacute Contre les chreacutetiens en quinze livres ndash le De regressu animae qui comprenait plus drsquoun livre 283-302 F Smith ndash le Περὶ ἀγαλμάτων 351-360a F Smith ndash la Lettre agrave Aneacutebon ndash le traiteacute Sur la matiegravere en six livres 234-237 F Smith ndash les fragments auparavant attribueacutes agrave une Chronique de Porphyre ndash le De abstinentia en quatre livresPour bien marquer drsquoentreacutee de jeu la radicaliteacute de la thegravese de M Beatrice je

citerai la conclusion drsquoun des derniers articles qursquoil a consacreacutes au traiteacute Contre les chreacutetiens en 1992

Platonicorum libros The Platonic readings of Augustine in Milan raquo VChr 43 1989 p 248-281 (laquo Platonic readings raquo) laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase ldquoContre les Paiumlensrdquo raquo dans Cristianismo y aculturacioacuten en tiempos del Imperio Romano = Antig crist (Murcia) 7 1990 p 159-177 (laquo Athanase raquo) laquo Le traiteacute de Porphyre contre les Chreacutetiens Lrsquoeacutetat de la ques-tion raquo Kernos 4 1991 p 119-138 (laquo Eacutetat de la question raquo) laquo Pensiero cristiano e platonismo incontri e scontri nella tarda antichitagrave raquo dans Ethos e Cultura Studi in onore de Ezio Riondato coll laquo Miscellanea erudita raquo 51-52 Padova 1991 p 163-181 laquo Towards a new edition of Porphyryrsquos fragments against the Christians raquo dans M-O Goulet-Cazeacute G Madec et D OrsquoBrien (eacutedit) ΣΟΦΙΗΣ ΜΑΙΗΤΟΡΕΣ Chercheurs de Sagesse Meacutelanges Jean Peacutepin Paris 1992 p 347-355 (laquo Towards a new edition raquo) laquo Porphyryrsquos Judgement on Origen raquo dans R J Daly (eacutedit) Origeniana Quinta coll laquo Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovanien sium raquo 105 Leuven 1992 p 351-367 laquo Pagans and Christians on the Book of Daniel raquo Studia patristica 25 1993 p 27-45 laquo Antistes philosophiae ein christenfeindlicher Propagandist am Hofe Diokletians nach dem Zeugnis des Laktanz raquo Augustinianum 33 1993 p 31-47 (laquo Antistes philosophiae raquo) laquo On the title of Porphyryrsquos treatise against the Christians raquo dans ΑΓΑΘΗ ΕΛΠΙΣ Studi storico- religiosi in onore di Ugo Bianchi Roma 1994 p 221-235 (laquo Title raquo) laquo Didyme lrsquoAveugle et la tradition de lrsquoalleacutegorie raquo dans G Dorival et A Le Boulluec (eacutedit) Origeniana sexta Origegravene et la Bible coll laquo Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovanien sium raquo 118 Leuven 1995 p 579-590 laquo Traces du texte occidental chez le paiumlen de Macaire Magnegraves raquo dans DC Parker et CB Amphoux (eacutedit) Codex Bezae Studies from the Lunel Colloquium 1994 coll laquo New Testament Tools and Studies raquo 22 Leiden 1996 p 317-326 art laquo Porphyrius raquo dans Theologische Realenzyklopaumldie Band 27 BerlinNew York 1997 p 54-59 (laquo Porphyrios raquo) laquo Ein Origeneszitat im Timaioskommentar des Calcidius raquo dans W Bienert et U Kuumlhneweg (eacutedit) Origeniana Septima Origenes in den Auseinandersetzungen des vierten Jahrhunderts coll laquo Bibliotheca Epheme ridum Theologicarum Lovanien sium raquo 137 Leuven 1999 p 75-90 3 laquo Towards a new edition raquo p 352

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laquo Il nrsquoy a plus lieu de mettre en doute ou en question le fait que la Philosophie tireacutee des oracles fut lrsquounique ouvrage eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens tandis que lrsquoexistence drsquoun traiteacute intituleacute Contre les chreacutetiens doit ecirctre une fois pour toutes rejeteacutee raquo4

Cette thegravese peacuteremptoire se trouve en quelque sorte consacreacutee dans lrsquoarticle de synthegravese laquo Porphyrios raquo de la Theologische Realenzyklopaumldie

laquo Toutes les entreprises de reconstitution de lrsquoouvrage [ie le traiteacute Contra Christianos] jusqursquoagrave aujourdrsquohui ont eacutechoueacute En ce qui concerne notre position nous avons exprimeacute dans une seacuterie drsquoeacutetudes notre conviction que Porphyre nrsquoa jamais composeacute un traiteacute portant le titre Contre les chreacute-tiens Il a ducirc plutocirct deacutevelopper ses accusations destructrices contre le christianisme uniquement dans certaines parties de sa Philosophie des Oracles et cela dans le contexte beaucoup plus large de lrsquoeacutelaboration drsquoune philosophie du salut de lrsquoacircme raquo5

Elle est encore reacutepeacuteteacutee dans lrsquoeacutedition reacutecente de la Theacuteosophie de Tuumlbingen publieacutee par PF Beatrice laquo La Philosophie des oracles est lrsquounique vrai traiteacute antichreacutetien qui fut jamais eacutecrit par Porphyre comme jrsquoai essayeacute de le deacutemontrer dans une seacuterie drsquoarticles anteacuterieurs raquo6

On peut critiquer cette thegravese agrave deux niveaux au niveau de la vraisemblance des reacutesultats obtenus puis au niveau de lrsquoargumentation eacutelaboreacutee pour y parvenir

Une thegravese paradoxale

En soi cette thegravese est paradoxale ndash Que tous ces traiteacutes qui apparaissent geacuteneacuteralement avec des titres particu-

liers qui comportent souvent un nombre de livres bien deacutefini et qui offrent des caracteacuteristiques qui leur sont propres puissent ecirctre identifieacutees nrsquoest pas impos-sible mais reacuteclame des arguments seacuterieux Pour nous en tenir aux deux principaux traiteacutes on constate que le nombre de livres attribueacutes agrave lrsquoun et lrsquoautre traiteacute sont diffeacuterents le traiteacute Contre les chreacutetiens en comportait quinze alors que la Philosophie des oracles nrsquoen contenait que trois Il est vrai qursquoune citation de cet ouvrage est

4 laquo That the Philosophy from Oracles was the unique work written by Porphyry against the Christians should no longer be doubted or questioned while the existence of a treatise entitled Against the Christians ought to be once and for all denied raquo (laquo Towards a new edition raquo p 355) 5 laquo Alle bis heute unternommenen Versuche das Werk zu rekonstruiren sind gescheitert Was unsere Auffassung angeht so haben wir in eine Reihe von Beitraumlgen die Uumlberzeugung zum Ausdruck gebracht daszlig Porphyrius nie einen Traktat mit dem Titel Gegen die Christen verfaszligt hat Vielmehr duumlrfte er seine vernichtenden Anklagen gegen das Christentum nur in einigen Teilen seiner Philosophie der Orakel entwickelt haben und zwar in dem viel groumlszligeren Zusammenhang einer systematischen Ausarbeitung einer Philosophie von der Rettung der Seele raquo (laquo Porphyrios raquo p 56) 6 laquo The Philosophy from Oracles is the only real anti-Christian treatise that was ever written by Porphyry as I have tried to demonstrate in a series of previous articles raquo (PF Beatrice [eacutedit] Anonymi Monophysitae Theosophia An attempt at reconstruction coll laquo Supplements to Vigiliae Christianae raquo 56 Leiden 2001 p xxvii)

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dite tireacutee drsquoun dixiegraveme livre dans un7 manuscrit du xvie siegravecle8 Mais le mecircme passage est attribueacute de faccedilon beaucoup moins eacutetonnante au deuxiegraveme livre dans un manuscrit de Naples (Borbonicus) du xive siegravecle9

ndash Ces diffeacuterents traiteacutes notamment la Philosophie des Oracles sont citeacutes tout au cours des ive-ve siegravecles alors que le traiteacute Contre les chreacutetiens a eacuteteacute interdit par Constantin et nrsquoa pas laisseacute de traces litteacuteraires manifestes prouvant une lecture directe apregraves Eusegravebe de Ceacutesareacutee sinon peut-ecirctre chez Apollinaire de Laodiceacutee

Le Prologue de la ldquoPhilosophe des oraclesrdquo

La Philosophie des Oracles est un ouvrage relativement bien connu gracircce agrave une cinquantaine de fragments10 qui ont conserveacute plus de 300 vers ainsi que le Prologue dans lequel Porphyre expose ses objectifs Lrsquointention de lrsquoauteur eacutetait de construire une sorte de philosophie religieuse | sur la base drsquooracles officiels ou priveacutes Selon Augustin (Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) Porphyre laquo recueille et transcrit les soi-disant reacuteponses des dieux relatives agrave des questions de philosophie raquo (exequitur atque conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsa) Les fragments se preacutesentent toujours comme des citations et des commentaires drsquooracles

Pour comprendre ce que ces oracles repreacutesentaient pour Porphyre il faut lire le Prologue de lrsquoouvrage11 On y voit exprimeacutee la soif drsquoune veacuteriteacute incontestable capable de fonder les espeacuterances du salut

[303 F] laquo Il est solide et ineacutebranlable celui qui puise en cet ouvrage ses espeacuterances drsquoobtenir le salut comme en lrsquounique source sucircre Voilagrave aussi ceux agrave qui tu le communiqueras tu le feras sans rien retrancher puisque aussi bien je prends les dieux agrave teacutemoin de ce que je nrsquoai pour ma part rien ajouteacute ni rien retrancheacute des ideacutees exprimeacutees dans les oracles sauf que jrsquoai corrigeacute telle expres-sion fautive ou lrsquoai remplaceacutee dans le sens drsquoune plus grande clarteacute ou combleacute un vers deacuteficient ou

7 Un manuscrit car celui drsquoA Steuchus est manifestement celui qursquoa connu Angelo Mai crsquoest-agrave-dire lrsquoAmbrosianus 569 Les deux auteurs signalent la mecircme faute εὐλογίων Voir aussi Beatrice Theosophia p xxv n 70 8 laquo Towards a new edition raquo p 351 voir aussi Theosophia p xxv n 70 9 Voir lrsquoeacutedition de G Wolff Porphyrii De Philosophia ex Oraculis haurienda librorum reliquiae Berlin 1856 reacuteimpr Hildesheim 1962 p 39 et 143-147 et E DePalma Digeser laquo Lactantius Porphyry and the Debate over Religious Toleration raquo JRS 88 1998 p 129-146 notamment p 138 n 72 Voir fr 325 Smith et H Erbse (eacutedit) Theosophorum Graecorum Fragmenta iterum recensuit HE coll laquo Bibliotheca Teubneriana raquo StuttgartLeipzig 1995 p 18 li 225 (Theosophia sect 27) A = Ambrosianus 569 s XVI T = Tubingensis Mb 27 a 1580 Dans la reacutecente eacutedition de PF Beatrice Theosophia I 24 li 195 10 Nouvelle eacutedition des fragments dans Porphyry Philosophi Fragmenta edidit Andrew Smith Fragmenta Arabica David Wasserstein interpretante coll BT StuttgartLeipzig 1993 fr 303-350 p 351-407 11 Porphyre De Philosophia ex oraculis haurienda Prologue apud Eusegravebe Praep evang IV 6 2-7 2 7 2-8 1 p 109-110 Wolff 303-304 F Smith

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supprimeacute telle parole ne se rapportant pas au sujet Ainsi ai-je conserveacute intact le sens des paroles craignant davantage lrsquoimpieacuteteacute qursquoil y aurait agrave toucher agrave ces oracles que le chacirctiment vengeur qui suivrait cette profanation

La preacutesente collection consignera une foule de doctrines philosophiques conformes agrave ce que les dieux ont reacuteveacuteleacute ecirctre la veacuteriteacute Nous toucherons aussi un peu agrave la discipline oraculaire12 enseigne-ment utile agrave la contemplation ainsi qursquoagrave la purification de la vie

Quant agrave lrsquoutiliteacute de cette collection elle sera facilement ressentie par ceux qui dans leur doulou-reux enfantement de la veacuteriteacute ont un jour prieacute pour trouver dans lrsquoexpeacuterience drsquoune eacutepiphanie des dieux un terme agrave leur embarras gracircce agrave lrsquoenseignement digne de toute creacuteance de ceux qui parleraient

[304 F] Quant agrave toi essaie srsquoil est des veacuteriteacutes agrave ne pas divulguer de ne pas divulguer celles-lagrave et de ne pas les jeter aux profanes que ce soit pour la gloriole le profit ou quelque autre flatterie impure Le risque serait alors grand non seulement pour toi qui enfreindrais ces preacuteceptes mais eacutegalement pour moi qui aurais accordeacute une confiance facile agrave qui ne pouvait tenir secregravetes les bien-faisances dont il faisait lrsquoobjet Il faut donc les livrer agrave ceux qui ont disposeacute leur vie en vue du salut de leur acircme Cache-moi ces oracles comme les plus secrets des mystegraveres car les dieux eux non plus nrsquoont pas deacutelivreacute sur ces questions des oracles clairs mais eacutenigmatiques raquo13

Porphyre a donc rassembleacute dans un recueil (συναγωγή employeacute deux fois par Porphyre en Praep evang IV 7 2) des oracles drsquoApollon des autres dieux et des

12 ἐπrsquo ὀλίγον δὲ καὶ τῆς χρηστικῆς ἁψόμεθα πραγματείας Χρηστικός nrsquoa pas selon nos diction-naire le sens drsquolaquo oraculaire raquo Crsquoest pourtant le sens qursquoil faut supposer dans le preacutesent contexte pour qualifier cette πραγματεία utile agrave la contemplation et agrave la purification Voir eacutegalement quelques lignes plus haut τῶν χρησθέντων νοημάτων Voir la note drsquoOdile Zink dans lrsquoeacutedition des Sources chreacutetiennes (SC 262 1979) p 122 n 1 qui suppose un sens deacuteriveacute du verbe χράω (=rendre des oracles) non mentionneacute par Bailly ou Liddell-Scott Certains oracles sont consacreacutes agrave lrsquoexposition du rituel chaldaiumlque ce qui ne veut pas dire qursquoils eacutetaient emprunteacutes agrave la collection ancienne drsquoOra-cles chaldaiumlques Le chapitre III de lrsquoouvrage de H Lewy Chaldaean Oracles and Theurgy Mysticism Magic and Platonism in the Later Roman Empire Le Caire 1956 nouvelle eacutedition par Michel Tardieu Paris 1978 p 177-226 (laquo Theurgical Elevation raquo) et le chapitre IV p 227 257 (laquo The magical ritual of the Chaldaeans raquo) commentent ces Oracles Mecircme si les oracles du recueil porphy-rien ne sont pas chaldaiumlques ils sont directement influenceacutes par ce rituel 13 Eusegravebe Praep evang IV 7 1 - 8 2 t I p 177 4-17 et p 178 1-68-9 Mras ΕK ΤΩΝ ΠΟΡΦΥΡΙΟΥ - ΟΡΚΟΣ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΧΡΗΣΜΩΝ

Βέβαιος δὲ καὶ μόνιμος ὁ ἐντεῦθεν ὡς ἂν ἐκ μόνου βεβαίου τὰς ἐλπίδας τοῦ σωθῆναι ἀρυτόμενος οἷς δὴ καὶ μεταδώσεις μηδὲν ὑϕαιρούμενος ἐπεὶ κἀγῶ τοὺς θεοὺς μαρτύρομαι ὡς οὐδὲν οὔτε προστέθεικα οὔτε ἀϕεῖλον τῶν χρησθέντων νοημάτων εἰ μή που λέξιν ἡμαρτημένην διώρθωσα ἢ πρὸς τὸ σαϕέστερον μεταβέβληκα ἢ τὸ μέτρον ἐλλεῖπον ἀνεπλήρωσα ἤ τι τῶν μὴ πρὸς τὴν πρόθεσιν συντεινόντων διέγραψα ὡς τόν γε νοῦν ἀκραιϕνῆ τῶν ῥηθέντων διετήρησα εὐλαβούμενος τὴν ἐκ τούτων ἀσέβειαν μᾶλλον ἢ τὴν ἐκ τῆς ἱεροσυλίας τιμωρὸν ἑπομένην δίκην Ἕξει δὲ ἡ παροῦσα συναγωγὴ πολλῶν μὲν τῶν κατὰ ϕιλοσοϕίαν δογμάτων ἀναγραϕήν ὡς οἱ θεοὶ τἀληθὲς ἔχειν ἐθέσπισαν ἐπrsquo ὀλίγον δὲ καὶ τῆς χρηστικῆς ἁψόμεθα πραγματείας ἥτις πρός τε τὴν θεωρίαν ὀνήσει καὶ τὴν ἄλλην κάθαρσιν τοῦ βίου Ἣν δrsquo ἔχει ὠϕέλειαν ἡ συναγωγή μάλιστα εἴσονται ὅσοιπερ τὴν ἀλήθειαν ὠδίναντες ηὔξαντό ποτε τῆς ἐκ θεῶν ἐπιϕανείας τυχόντες ἀνάπαυσιν λαβεῖν τῆς ἀπορίας διὰ τὴν τῶν λεγόντων ἀξιόπιστον διδασκαλίαν (hellip)

Σὺ δrsquo εἴπερ τι καὶ ταῦτα πειρῶ μὴ δημοσιεύειν μηδrsquo ἄχρι καὶ τῶν βεβήλων ῥίπτειν αὐτὰ δόξης ἕνεκα ἢ κέρδους ἤ τινος ἄλλης οὐκ εὐαγοῦς κολακείας κίνδυνος γὰρ οὐ σοὶ μόνον τὰς ἐντολὰς παραβαίνοντι

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bons deacutemons comme sources drsquoune philosophie reacuteveacuteleacutee (qursquoil aime appeler theacuteo-sophie 14) et drsquoune | liturgie (ou drsquoune mantique oraculaire) visant la contemplation et la purification de lrsquoacircme Ce preacuteambule correspond tregraves exactement au contenu des fragments conserveacutes Une reconstitution du traiteacute Sur la philosophie extraite des oracles de Porphyre qui ne se conformerait pas agrave cette image risquerait fort drsquoap-paraicirctre mal fondeacutee

On remarquera que lrsquoinjonction adresseacutee au destinataire de ne pas deacutevoiler ces oracles implique que lrsquoouvrage est destineacute agrave des paiumlens laquo ceux qui ont ordonneacute leur vie en vue du salut de leur acircme raquo et qursquoil pourrait difficilement ecirctre reacuteduit agrave une eacutecrit intentionnellement et ouvertement poleacutemique dirigeacute contre les chreacutetiens15

Les fragments antichreacutetiens

La lecture des fragments montre que la confrontation avec le christianisme nrsquoeacutetait certainement pas absente de lrsquoouvrage Mais il ne semble pas que Porphyre ait attaqueacute de front les chreacutetiens On constate au contraire que les chreacutetiens ont citeacute du De Philosophia des vers qui leur paraissaient favorables au Christ ou aux Juifs ou encore qui soulignaient la contrainte exerceacutee sur les dieux par le theacuteurge ou les passions manifesteacutees par les dieux

Quelques-uns cinq ou six sur une cinquantaine de fragments font reacutefeacuterence aux Juifs au Christ ou aux chreacutetiens 323-324 343-345 344a (fragment oublieacute par Wolff mais sans reacutefeacuterence preacutecise agrave la Philosophie des Oracles) Quelle que soit la perspective originale de Porphyre les chreacutetiens ont retenu de ces passages que

ταύτας ἀλλὰ κἀμοὶ ῥᾳδίως πιστεύσαντι τῷ στέγειν παρrsquo ἑαυτῷ μὴ δυναμένῳ τὰς εὐποιίας Δοτέον δὴ τοῖς τὸν βίον ἐνστησαμένοις πρὸς τὴν τῆς ψυχῆς σωτηρίαν

Ταῦτά μοι ὡς ἀρρήτων ἀρρητότερα κρύπτειν οὐδὲ γὰρ οἱ θεοὶ ϕανερῶς περὶ αὐτῶν ἐθέσπισαν ἀλλὰ διrsquo αἰνιγμάτων 14 Selon PF Beatrice Theosophia p xxix-xxx laquo the Theosophy appears to be the work capable of refuting and replacing Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in the religious and philosoph-ical culture of that time raquo Beatrice rappelle que deux oracles du recueil proviennent de la Philosophie des oracles mais il estime probable que laquo Porphyryrsquos Philosophy from Oracles was if not the unique certainly the main source of the first book of the Theosophy devoted to the interpretation of the pagan oracles raquo Faut-il comprendre que drsquoautres oracles pourraient lui ecirctre attribueacutes 15 La perspective antichreacutetienne nrsquoeacutetait donc pas inscrite dans la forme de lrsquoouvrage Elle ne saurait justifier lrsquoattribution agrave la Philosophie des oracles des deacuteclarations precircteacutees agrave un paiumlen anonyme par Eusegravebe dans le Prologue de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique Voir RL Wilken laquo Pagan criticism of Christianity Greek religion and Christian faith raquo dans WR Schoedel et RL Wilken (eacutedit) Early christian literature and the classical intellectual tradition In honorem Robert M Grant coll laquo Theacuteologie historique raquo 54 Paris 1979 p 127 suivi sur ce point par Mme Digeser art citeacute p 129 n 1 et p 138 A von Harnack les avait inscrits comme fragment 1 du Contra Christianos par respect sans doute pour le leacutegendaire flair philologique de son confregravere Wilamowitz agrave lrsquoAcadeacutemie de Berlin Voir U von Wilamowitz-Moellendorf laquo Ein Bruchstuumlck aus der Schrift des Porphyrius gegen die Christen raquo ZNW 1 1900 p 101-105

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Porphyre y eacutetait favorable aux Juifs et au Christ plus aux Juifs qursquoau Christ plus au Christ qursquoaux chreacutetiens De lrsquoensemble de lrsquoouvrage ils ont cru pouvoir tirer une critique de la deacutemonologie et de la theacuteologie paiumlenne Mecircme en supposant que les chreacutetiens nrsquoont pas compris la perspective fondamentale de Porphyre le moins que lrsquoon puisse dire est qursquoils nrsquoont pas vu dans cet ouvrage un traiteacute dirigeacute expresseacutement contre les chreacutetiens Aux yeux drsquoAugustin lrsquohabileteacute de Porphyre consistait au contraire agrave louer le Christ pour mieux deacutenoncer les chreacutetiens Selon toutes apparences il ne serait pas venu agrave lrsquoesprit des auteurs chreacutetiens de deacutesigner sans plus cet ouvrage comme un traiteacute contre les chreacutetiens

On pourrait consideacuterer que le reste des fragments exposait de faccedilon positive ndash par opposition au christianisme ndash la theacuteologie et le culte paiumlen tels que les reacuteveacute-laient les dieux dans leurs oracles si lrsquoon ne deacutecelait pas une certaine deacutepreacuteciation de la religion traditionnelle par rapport aux courants religieux orientaux Dans les fragments 323-324 (Eusegravebe Praep evang IX 10 1-2 et 3-5) Porphyre commente un oracle drsquoApollon en opposant les Barbares et les Hellegravenes les Barbares notam-ment les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Chaldeacuteens ou les Assyriens ainsi que les Lydiens et les Heacutebreux) ont deacutecouvert de nombreux sentiers pour conduire vers les dieux alors que les Hellegravenes se sont eacutegareacutes Il citait eacutegalement un oracle reacuteser-vant aux Chaldeacuteens et aux Heacutebreux lrsquoaccegraves agrave la sagesse et le culte pur du Dieu Pegravere et Roi Il est difficile de deacutecouvrir la position originale de Porphyre dans ce passage du fait qursquoEusegravebe et Augustin nrsquoont en geacuteneacuteral retenu que les extraits qui servaient leur propre cause Mais si vraiment la perspective de ce traiteacute avait eacuteteacute reacuteduite agrave une attaque contre le christianisme pourquoi Porphyre aurait-il pris la peine de deacutevelopper des positions aussi nuanceacutees

Mais une thegravese peut ecirctre surprenante paradoxale et ecirctre vraie Il faut donc se tourner vers lrsquoexamen des arguments avanceacutes par P F Beatrice dans ses diverses eacutetudes

Lrsquoautoriteacute drsquoA von Harnack

Beatrice fait eacutetat drsquoune deacuteclaration drsquoAdolf von Harnack16 (laquo this brilliant intuition raquo) qui preacutesentait le Contra Christianos sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας κατὰ Χριστιανῶν λόγοι ιεʹ (Sur la philosophie tireacutee des oracles contres les chreacute-tiens en quinze livres) Mais crsquoeacutetait lagrave manifestement une erreur deacutejagrave deacutenonceacutee par Hauschildt17 que lrsquohistorien nrsquoa jamais renouveleacutee dans ses eacutetudes consacreacutees au Contra Christianos

16 Adolf von Harnack Geschichte der altchristlichen Literatur bis Eusebius Berlin 1893 t I 2 p 873 citeacute par PF Beatrice laquo Towards a new edition raquo p 348-349

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Le titre ldquoContra Christianosrdquo

On pourrait soulever une objection de bon sens agrave une identification entre le traiteacute Contre les chreacutetiens et drsquoautres traiteacutes de Porphyre le titre et la dimension du traiteacute Contre les chreacutetiens ne correspondent agrave aucun des autres ouvrages avec lesquels on voudrait lrsquoidentifier Crsquoest pourquoi M Beatrice a consacreacute un article indeacutepen-dant agrave cette question preacuteliminaire18

Selon cet auteur le titre Contre les chreacutetiens serait mal attesteacute On ne dispose en effet que drsquoune seule attestation tardive puisqursquoelle se trouve | dans la Souda La liste des œuvres de Porphyre conserveacutee par la Souda signale Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ Un des manuscrits omet drsquoailleurs ce titre19 et il nrsquoapparaicirct pas dans les catalogues arabes20 Souda art Πορϕύριος Π 2098 t IV p 278 14-32 Adler

Πορϕύριος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας ὃς κυρίως ἐκαλεῖτο Βασιλεύς Τύριος ϕιλόσοϕος μαθητὴς Ἀμελίου τοῦ Πλωτίνου μαθητοῦ διδάσκαλος δὲ Ἰαμβλίχου γεγονὼς ἐπὶ τῶν χρόνων Αὐρηλιανοῦ καὶ παρατείνας ἕως Διοκλητιανοῦ τοῦ βασιλέως ἔγραψε βιβλία πάμπλειστα ϕιλόσοϕά τε καὶ ῥητορικὰ καὶ γραμματικά ἦν δὲ καὶ Λογγίνου τοῦ κριτικοῦ ἀκροασάμενος Περὶ θείων ὀνομάτων αʹ Περὶ ἀρχῶν βʹ Περὶ ὕλης ϛʹ Περὶ ψυχῆς πρὸς Βόηθον εʹ Περὶ ἀποχῆς ἐμψύχων δʹ Περὶ τοῦ Γνῶθι σαυτὸν δʹ Περὶ ἀσωμάτων Περὶ τοῦ μίαν εἶναι τὴν Πλάτωνος καὶ Ἀριστοτέλους αἵρεσιν ζʹ Εἰς τὴν Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ21 Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ22 Περὶ τῆς Ὁμήρου ϕιλοσοϕίας Πρὸς Ἀριστοτέλην τοῦ εἶναι τὴν ψυχὴν ἐντελέχειαν Φιλολόγου ἱστορίας βιβλία εʹ Περὶ γένους καὶ εἴδους καὶ διαϕορᾶς καὶ ἰδίου καὶ συμβεβηκότος Περὶ τῶν κατὰ Πίνδαρον τοῦ Νείλου πηγῶν Περὶ τῆς ἐξ Ὁμήρου ὠϕελείας τῶν βασιλέων βιβλία ιʹ Συμμίκτων ζητημάτων ζʹ Εἰς τὸ Θουκυδίδου προοίμιον Πρὸς Ἀριστείδην ζʹ Εἰς τὴν Μινουκιανοῦ τέχνην καὶ ἄλλα πλεῖστα καὶ μάλιστα ἀστρονομούμενα ἐν οἷς καὶ Εἰσαγωγὴν ἀστρονομουμένων ἐν βιβλίοις τρισί καὶ Γραμματικὰς ἀπορίας οὗτός ἐστιν ὁ Πορϕύριος ὁ τὴν κατὰ Χριστιανῶν ἐϕύβριστον γλῶσσαν κινήσας

laquo Porphyre celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens son nom veacuteritable eacutetait ldquoRoirdquo originaire de Tyr philosophe eacutelegraveve de lrsquoeacutelegraveve de Plotin Ameacutelius maicirctre de Jamblique il fut dans la force de lrsquoacircge agrave lrsquoeacutepoque drsquoAureacutelien et veacutecut jusqursquoagrave celle de lrsquoempereur Diocleacutetien Il a eacutecrit de tregraves nombreux ouvrages de philosophie de rheacutetorique et de grammaire Il avait eacuteteacute aussi lrsquoauditeur du critique Longin

Des noms divins un livreDes principes deux livresDe la matiegravere neuf livres

17 H Hauschildt De Porphyrio philosopho Macarii Magnetis apologetae Christiani Apokritikon auctore Diss Heidelberg Bonn 1907 p 38 n 1 18 Voir laquo Title raquo p 223 19 Voir J Bidez Vie de Porphyre le philosophe neacuteo-platonicien Gand 1913 p 52 Harnack op cit p 27 20 Voir Bidez op cit p 54-62 Harnack op cit p 27 21 Il y a manifestement ici une confusion de deux titres Rien agrave ce sujet dans lrsquoapparat drsquoA Adler sinon la correction ϕιλοσόϕων proposeacutee par Vales(ius) Jacoby FGrHist 260 T 1 laquo Sur les [eacutecrits] de Julien le Chaldeacuteen Histoire philosophique en quatre livres raquo Εἰς τὰ (corr Vales) Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ 22 Ce titre est absent dans le manuscrit Ω

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De lrsquoacircme contre Boegravece cinq livresDe lrsquoabstinence des ecirctres animeacutes quatre livresSur le ldquoConnais-toi toi-mecircmerdquo quatre livresDes incorporelsDe lrsquouniciteacute de la doctrine de Platon et drsquoAristote six livresSur lrsquohistoire philosophique de Julien le Chaldeacuteen en quatre livresDiscours contre les chreacutetiens quinze livresDe la philosophie drsquoHomegravereContre Aristote [et sa doctrine que ] lrsquoacircme est une enteacuteleacutechieHistoire philologique dix livresDu genre de lrsquoespegravece de la diffeacuterence du propre et de lrsquoaccidentDes sources du Nil selon PindareDe lrsquoutiliteacute drsquoHomegravere pour les rois dix livresRecherches mecircleacutees sept livresSur le prologue de ThucydideContre Aristide sept livresSur le manuel [de rheacutetorique] de MinucianusEt beaucoup drsquoautres surtout drsquoastronomie parmi lesquels une Introduction agrave lrsquoeacutetude de

lrsquoastronomie en trois livres et des Apories | grammaticales Crsquoest ce Porphyre qui a agiteacute sa langue insolente contre les chreacutetiens raquo

On remarquera que la Philosophie des oracles nrsquoapparaicirct pas dans cette liste ce qui aux yeux de M Beatrice milite en faveur drsquoune identification de ce traiteacute avec un autre traiteacute comme le Κατὰ Χριστιανῶν Mais cette liste est loin de contenir tous les ouvrages connus de Porphyre23 On y chercherait en vain la Vie de Plotin les Sentences ou Lrsquoantre des nymphes les Commentaires de Platon et drsquoAristote etc

Selon M Beatrice la formule de la Souda ne correspondrait pas agrave un titre formel mais se rapporterait agrave la theacutematique ou agrave la perspective litteacuteraire drsquoun ouvrage en quinze livres dirigeacute contre les chreacutetiens laquo Lrsquoexpression Κατὰ Χριστιανῶν pour-rait simplement indiquer la cible de lrsquoouvrage de Porphyre sans ecirctre son titre originel raquo24 A propos drsquoune reacutefeacuterence fournie par Augustin (laquo Ils ont exposeacute encore drsquoautres [objections ] qursquoils disaient extraites de Porphyre Contre les chreacutetiens comme si elles eacutetaient passablement pertinentes raquo)25 Beatrice eacutecrit de mecircme laquo Il reacutevegravele simplement la perspective antichreacutetienne des objections attri-bueacutees agrave Porphyre raquo26

23 Voir R Beutler art laquo Porphyrios raquo 21 RE XXII 1 1953 col 275-313 notamment col 278-301 24 laquo The expression Κατὰ Χριστιανῶν could simply indicate the target of Porphyryrsquos writing without being its original title raquo (laquo Title raquo p 222) 25 laquo Item alia proposuerunt quae dicerent de Porphyrio contra Christianos tamquam validiora decerpta raquo (Augustin Lettre 102 2 8 CSEL 34 2 p 551 5-6 Goldbacher) 26 laquo It simply reveals the anti-Christian intention of the objections attributed to Porphyry raquo (laquo Title raquo p 223)

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Pour illustrer ce sens purement descriptif de la formule employeacutee agrave propos de Porphyre Beatrice27 cite Seacuteveacuterien de Gabala De mundi creat hom 6 (PG 56 487) laquo agrave Porphyrehellip celui qui a composseacute [un ouvrage] contre les chreacutetiens raquo (Πορϕυρίῳ τῷ κατὰ Χριστιανῶν συγγράψαντι) et Neacutemeacutesius drsquoEacutemegravese De nat hom 3 (p 42 22-23 Morani) laquo Porphyre celui qui a agiteacute sa langue contre le Christ raquo (Πορϕύριος ὁ κατὰ τοῦ Χριστοῦ κινήσας τὴν ἑαυτοῦ γλῶσσαν)

Beatrice cite eacutegalement des formules drsquoOrigegravene ou drsquoEusegravebe qui eacutevoquent lrsquoἈληθὴς λόγος de Celse comme un eacutecrit poleacutemique dirigeacute Κατὰ Χριστιανῶν ou καθrsquo ἡμῶν28

Mais le fait que la formule puisse srsquointerpreacuteter dans un sens faible ne prouve cependant pas que dans des contextes ougrave lrsquoauteur eacutenumegravere des titres drsquoouvrages (comme dans la Souda ougrave la plupart des autres titres rappelons-le sont confirmeacutes par des fragments porphyriens) ou donne la reacutefeacuterence litteacuteraire drsquoune citation (comme chez Eusegravebe dans les passages que nous allons examiner) elle doive neacutecessairement ecirctre ainsi interpreacuteteacutee mecircme lorsque lrsquoauteur ne preacutecise pas qursquoil cite expresseacutement le titre drsquoun ouvrage Car les innombrables titres drsquoouvrages comportant κατὰ+geacuten ou πρὸς+acc en grec ne sauraient ecirctre reacuteduits agrave de pures eacutevocations de leur laquo cible raquo litteacuteraire

Crsquoest le contexte seul qui permet drsquoeacutetablir la preacutecision de la reacutefeacuterence Prenons par exemple les quatre reacutefeacuterences suivantes au Contre Celse drsquoOrigegravene que nous trouvons dans la Philocalie29

laquoExtraits des Tomes contre Celse celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens tomes 6 et 7raquo ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τοῦ κατὰ χριστιανῶν γράψαντος τόμου ϛʹ καὶ ζʹ (chap 15)

laquoDu tome 3 contre Celseraquo τόμου γʹ κατὰ Κέλσου (chap 16)laquoExtraits des tomes 1 et 5 de lrsquoouvrage contre Celseraquo ἐκ τοῦ αʹ καὶ εʹ τόμου τῶν κατὰ Κέλσου

(chap 17)laquoExtraits du tome 3 du mecircme traiteacute contre Celseraquo ἐν τῷ τρίτῳ τόμῳ τῆς αὐτῆς κατὰ Κέλσου

πραγματείας (18) Harl ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τόμου αʹ καὶ γʹ (chap 18)

27 laquo Title raquo p 222 28 Origegravene Contre Celse prooem 4 laquo Et je ne sais pas dans quelle cateacutegorie il faut ranger celui qui a besoin de discours eacutecrits dans des livres en reacuteponse aux charges de Celse contre les chreacutetiens (πρὸς τὰ Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐγκλήματα) pour ressaisir et remettre debout une foi qui chancelleraquo (trad M Borret 1967) Voir aussi au deacutebut du prologue la formule laquocontre les faux teacutemoignages de Celse contre les chreacutetiens dans son traiteacute (πρὸς τὰς Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐν συγγράμμασι ψευδομαρτυρίας) raquo Eusegravebe Hist eccl VI 36 2 (agrave propos drsquoOrigegravene) laquo Agrave cette eacutepoque aussi il compose les huit livres pour reacutepondre agrave lrsquoouvrage dirigeacute contre nous par Celse lrsquoeacutepicurien et intituleacute Discours veacuteritable (τὰ πρὸς τὸν ἐπιγραμμένον καθrsquo ἡμῶν Κέλσου τοῦ Ἐπικουρείου Ἀληθῆ λόγον)hellip raquo 29 Voir Origegravene Philocalie 1-20 Sur les Eacutecritures Introduction texte traduction et notes par Marguerite Harl et La Lettre agrave Africanus sur lrsquohistoire de Suzanne Introduction texte traduction et notes pas Nicholas de Lange coll SC 302 Paris 1983

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Ces formules sont eacutequivalentes On peut toujours dire qursquoaucune des quatre mecircme la quatriegraveme ne preacutesente explicitement les mots laquo Contre Celse raquo comme le titre mecircme de lrsquoouvrage drsquoOrigegravene mais il faut au moins reconnaicirctre (a) qursquoon ne connaicirct pas drsquoautre titre (b) que cette faccedilon de deacutesigner lrsquoouvrage eacutetait aux yeux des compilateurs suffisamment explicite pour identifier un ouvrage particulier

Dans une liste de titres on ne voit pas pourquoi la Souda aurait preacutefeacutereacute eacutevoquer les quinze livres eacutecrits par Porphyre contre les chreacutetiens plutocirct que drsquoen donner le titre preacutecis si vraiment ce titre avait eacuteteacute diffeacuterent et si lrsquoauteur lrsquoavait connu

Attestations du titre du ldquoContra Christianosrdquo

Reste agrave savoir si nous nrsquoavons pas drsquoattestation plus ancienne de ce titre Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui cite geacuteneacuteralement de faccedilon preacutecise ses sources nous a transmis plusieurs extraits litteacuteraux du traiteacute de Porphyre dirigeacute contre les chreacute-tiens Consideacuterons en quels termes il introduit chacune de ces citations en trois passages capitaux

Dans sa Preacuteparation eacutevangeacutelique V 1 9 ougrave il veut montrer que les deacutemons mauvais ont perdu de leur puissance depuis la venue de Jeacutesus-Christ parmi les hommes il introduit dans les termes suivants le fragment 80 du recueil de von Harnack

laquo hellipcrsquoest encore lrsquoauteur mecircme qui est agrave notre eacutepoque lrsquoavocat des deacutemons qui dans le pamphlet30 qursquoil a eacutecrit contre nous porte teacutemoignage en ces termeshellip raquo31

Dans la Preacuteparation eacutevangeacutelique I 9 20 crsquoest le fragment 41 qui est ainsi preacutesenteacute

laquo Lrsquoauteur qui de nos jours a monteacute son pamphlet contre nous rappelle ces faits32 dans le quatriegraveme livre de lrsquoouvrage ougrave il nous attaquehellip raquo33

30 E des Places a traduit συσκευή par laquo pamphlet raquo et PF Beatrice par laquo compilation raquo Compilation est effectivement donneacute par le dictionnaire de Lampe (PGL) mais le seul exemple fourni est un passage drsquoEusegravebe On ne voit pas tregraves bien ce que Porphyre aurait ici compileacute A lire lrsquoen-semble des occurrences chez Eusegravebe on retiendra plutocirct le sens de laquo machination raquo laquo complot raquo souvent en association avec κατὰ+geacuten par exemple le complot du peuple juif contre le Christ (Hist eccl I 3 6) La formule consacreacutee chez Eusegravebe agrave propos de Porphyre est ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν (Praep evang I 9 20 voir aussi V 5 5 V 36 5 X 9 12) Voir aussi en X 9 11 ὃς τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν ὑπερβολῇ μίσους προβεβλημένος A propos drsquoun ouvrage de Molon contre les Juifs Eusegravebe emploie une formule semblable ῾Ὁ δὲ τὴν συσκευὴν τὴν κατὰ Ἰουδαίων γράψας Μόλων Comme le mot est souvent employeacute avec des verbes comme ldquoeacutecrirerdquo (Praep evang X 9 12) on peut estimer que pamphlet (diffamatoire) est une assez bonne traduction 31 Eusegravebe Preacutep eacutevang V 1 9 περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον (suit le fr 80 Harnack) 32 Ou laquo mentionne ces deux auteurs raquo crsquoest-agrave-dire Sanchouniathon et Philon de Byblos 33 Eusegravebe Preacutep eacutevang I 9 20 (trad J Sirinelli) μέμνηται τούτων ὁ καθrsquo ἡμᾶς τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν ἐν τετάρτῳ τῆς πρὸς ἡμᾶς ὑποθέσεως (suit le fr 41 Harnack)

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Dans son Histoire eccleacutesiastique VI 19 2-4 Eusegravebe introduit le fragment 39 du recueil de von Harnack

laquo Pourquoi faut-il dire cela lorsque encore de nos jours Porphyre srsquoest eacutetabli en Sicile y a composeacute des eacutecrits contre nous et srsquoest efforceacute drsquoy calomnier les Eacutecritures divineshellip raquo34

A la fin de lrsquoextrait (VI 19 9) il preacutecise le livre drsquoougrave est tireacute ce passage laquo Voilagrave ce qui a eacuteteacute eacutecrit par Porphyre au troisiegraveme des livres qursquoil a eacutecrits contre les chreacutetienshellip

Que ne devait pas faire lrsquoadversaire des chreacutetiens raquo35

On imagine mal qursquoEusegravebe nrsquoait pas penseacute citer un titre preacutecis lorsqursquoil a eacutecrit κατὰ τὸ γʹ σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν Beatrice36 fait reacutefeacuterence agrave ce passage mais il ne lui consacre aucune explication Si Eusegravebe avait connu lrsquoouvrage sous un autre titre notamment en tant que Philosophie des oracles il aurait vraisemblablement pris la peine de lrsquoindiquer ici

On a peine agrave croire que dans tous ces passages Eusegravebe ait eu agrave lrsquoesprit un titre de Porphyre qursquoil se serait borneacute agrave eacutevoquer sans le mentionner Eusegravebe eacutetant lrsquoauteur le plus proche chronologiquement de Porphyre et lrsquoun des seuls agrave avoir lu directement lrsquoouvrage son teacutemoignage doit ecirctre tenu comme le plus deacutecisif

On peut admettre agrave la limite qursquoEusegravebe ne pensait pas citer un titre comme tel on peut mecircme admettre que lrsquoouvrage nrsquoeacutetait connu que par un titre descriptif mais ce qui est exclu est qursquoEusegravebe ait employeacute de telles formules alors mecircme qursquoil connaissait lrsquoouvrage sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας

Les reacutefeacuterences preacutecises de Jeacuterocircme agrave lrsquoouvrage de Porphyre ressemblent tout agrave fait agrave celles que donne Eusegravebe

Fr 9a Harnack laquo hellipce Porphyre impie qui eacutecrivit contre nous et en plusieurs volumes deacuteversa sa rage au tome XIVhellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius qui adversum nos conscripsit et multis voluminibus rabiem suam evomuit in XIV voluminehellip)

Fr 21a Harnack laquo hellip Ce Bataneacuteote et ce sceacuteleacuterat de Porphyre au premier livre de son ouvrage contre noushellip raquo (hellipBataneotes et sceleratus ille Porphyrius in I operis sui adversum nos librohellip)

Fr 40 Harnack laquo hellipcet impie de Porphyre au livre IV de son livre qursquoau prix drsquoun vain labeur il a composeacute contre noushellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius in IV operis sui libro quod adversum nos casso labore contexuithellip)

Fr 43 a Harnack laquo Contre le prophegravete Daniel Porphyre a eacutecrit le livre XII raquo (Contra prophetam Danielem XII librum scripsit Porphyrius)

34 Eusegravebe Hist eccl VI 19 2-4 (trad Bardy) τί δεῖ ταῦτα λέγειν ὅτε καὶ ὁ καθrsquo ἡμᾶς ἐν Σικελίᾳ καταστὰς Πορϕύριος συγγράμματα καθrsquo ἡμῶν ἐνστησάμενος καὶ διrsquo αὐτῶν τὰς θείας γραϕὰς διαβάλλειν πεπειραμένος En suivant TD Barnes (laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65) on peut aussi comprendre laquo lorsque mecircme Porphyre qui de nos jours srsquoest eacutetabli en Sicile raquo 35 Ibid VI 19 9 (conclusion) ταῦτα τῷ Πορϕυρίῳ κατὰ τὸ τρίτον σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν εἴρηται () (τί γὰρ οὐκ ἔμελλεν ὁ κατὰ Χριστιανῶν ) 36 laquo Title raquo p 233 n 79

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Fr 44 Harnack laquo au livre XIII de son ouvrage contre nous Porphyre a profeacutereacute de nombreux blas-phegravemeshellip raquo (multa Porphyrius XIII operis sui volumine contra nos blasphemavithellip)

Toutes ces reacutefeacuterences ont en commun de signaler un livre particulier de lrsquoouvrage de Porphyre sans preacuteciser le titre exact de cet ouvrage autrement que par son caractegravere antichreacutetien

On doit eacutegalement tenir compte des divers deacutecrets impeacuteriaux dirigeacutes contre Porphyre Mme Digeser signale que le rapprochement qui est fait avec les Ariens montre que le grand reproche qui est adresseacute au philosophe est sans doute de nier la diviniteacute du Christ Sans le dire ouvertement elle semble consideacuterer que le traiteacute viseacute eacutetait la Philosophie des Oracles un ouvrage ougrave le problegraveme eacutetait abordeacute laquo un ouvrage qui eacutetait pris beaucoup plus au seacuterieux que le Contre les chreacutetiens raquo37 Or pas plus qursquoEusegravebe ou Jeacuterocircme les Empereurs nrsquoont pris la peine de deacutesigner lrsquoouvrage condamneacute autrement que par des formules geacuteneacuterales

laquo Porphyre lrsquoennemi de la religion qui a composeacute des ouvrages sacrilegraveges contre le culte divinhellip raquo Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρός συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος (Socrate Hist eccl I 9 30 [concerne le Concile de Niceacutee en 324] = 38 T Smith)

laquo hellipce que Porphyre entraicircneacute par sa folie a eacutecrit contre le pieux culte des chreacutetienshellip raquo ὅσα Πορϕύριος ὑπὸ τῆς ἑαυτοῦ μανίας ἐλαυνόμενος κατὰ τῆς εὐσεβοῦς θρησκείας τῶν Χριστιανῶν συνέγραψε (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 66 8-12 [en 448] = 40 T Smith)

laquo hellipagrave propos des livres de Porphyre ceux qui ont eacuteteacute composeacutes contre le saint culte des chreacutetienshellip raquo περί τε τῶν βιβλίων Πορϕυρίου τῶν κατὰ τῆς εὐαγοῦς τῶν Χριστιανῶν θρησκείας | συγγραϕέντων (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 67 7-15 [en 448] = 41 T Smith)

laquo hellipet que nul ne possegravede ne lise ne copie ni ne mentionne Nestorius aussi bien ses paroles que ses livres criminels et surtout ceux qursquoa publieacutes Porphyre contre les seules Eacutecritures chreacutetienneshellip raquo nec habeat aliquis aut legat aut transcribat proferatve Nestorium vel terminos eius aut codices noxios et maxime quos contra solas38 Porphyrius edidit Christianas litteras (Acta Conciliorum Oecumenicorum II 3 2 p 89 14-16 [en 451 ] = 42 T Smith)

laquo hellipce qui a eacuteteacute dit par Porphyre contre les chreacutetienshellip raquo τοῖς παρὰ Πορϕυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις (Acta Conciliorum Oecumenicorum III p 121 22-26 [en 536] = 43 T Smith)

Si les autoriteacutes impeacuteriales se sont contenteacutees de telles formulations crsquoest que celles-ci suffisaient agrave identifier un ouvrage preacutecis de Porphyre et non pas nrsquoim-porte quel de ses ouvrages En tout cas il est difficilement imaginable que de telles formules aient pu viser un ouvrage comme la Philosophie des Oracles que lrsquoon retrou-vera citeacute tout au long du ive siegravecle et cette difficulteacute ne peut que srsquoaccroicirctre si lrsquoon en vient agrave identifier agrave ce traiteacute drsquoautres traiteacutes comme le De regressu animae comme le voudrait Mme Digeser agrave la suite de JJ OrsquoMeara ou toute une seacuterie de traiteacutes porphyriens comme lrsquoenvisage M Beatricehellip Que la Philosophie des Oracles ait rejeteacute la diviniteacute du Christ nrsquoexclut eacutevidemment pas que Porphyre ait pu adopter la mecircme position dans un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens

37 laquo a work taken far more seriously than Against the Christians raquo (E DePalma Digeser art citeacute p 135) 38 Solas est inattendu sanctas

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Mais puisqursquoon ne trouve pas de fait en dehors de la Souda de citation ougrave Contre les chreacutetiens soit explicitement preacutesenteacute comme le titre de lrsquoouvrage au moyen drsquoun terme comme ἐπιγράϕειν admettons que le titre ne soit pas parfai-tement eacutetabli

Les reacutefeacuterences les plus explicites au traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo

Une douzaine de fragments du recueil de von Harnack contiennent une reacutefeacute-rence preacutecise agrave un ouvrage antichreacutetien de Porphyre et mecircme agrave un livre particu-lier de ce traiteacute Mecircme en laissant de cocircteacute tous les autres fragments ougrave le nom de Porphyre nrsquoapparaicirct pas et mecircme ceux ougrave il est mentionneacute sans reacutefeacuterence preacutecise agrave un ouvrage qursquoil aurait composeacute on peut se faire ainsi une ideacutee assez preacutecise de lrsquoouvrage

Cinq ou six livres de lrsquoouvrage sont eacutevoqueacutes de faccedilon explicite Il srsquoagit des livres I III et IV XII etou XIII et enfin XIV

Que lrsquoon y voie un titre ou une simple deacutesignation de son contenu on constate que lrsquoouvrage est deacutesigneacute tant chez les Grecs que chez les | Latins par des formules quasi identiques il eacutetait eacutecrit contra nos adversum nos contra Christianos καθrsquo ἡμῶν κατὰ Χριστιανῶν

Enfin plusieurs fragments permettent drsquoeacutetablir que lrsquoouvrage attaquait direc-tement les chreacutetiens les Eacutecritures Saintes et notamment le livre de Daniel

Crsquoest cet ouvrage que reacutefutegraverent Meacutethode drsquoOlympe Eusegravebe de Ceacutesareacutee et Apollinaire de Laodiceacutee peut-ecirctre drsquoautres auteurs chreacutetiens comme Philostorge et crsquoest cet ouvrage que condamnegraverent au moins agrave deux reprises les empereurs chreacutetiens

Je ne retiens que ces informations minimales pour montrer que lrsquoexistence drsquoun traiteacute antichreacutetien de Porphyre ne saurait ecirctre remise en question mecircme si lrsquoon reacuteduisait le recueil des fragments agrave un noyau regroupant uniquement des frag-ments rattacheacutes explicitement agrave un traiteacute eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens

Le ldquoContra Christianosrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquoSelon Beatrice Eusegravebe et plusieurs autres auteurs chreacutetiens connaissaient

le titre veacuteritable de ce traiteacute dirigeacute contre les chreacutetiens Crsquoeacutetait la Philosophie des oracles

Le principal argument de Beatrice semble ecirctre un passage de la Preacuteparation eacutevan-geacutelique dans lequel Eusegravebe introduit une citation de la Philosophie des Oracles en preacutesen-tant Porphyre comme ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος (V 5 5)

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne (ou ldquoqursquoexposerdquo ἐκτέθειται) de son cocircteacute

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lrsquoauteur du pamphlet (ldquocompilationrdquo Beatrice) dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles raquo39

Selon Beatrice40 il faudrait comprendre que ce pamphlet est la Philosophie des oracles ou encore que lrsquoouvrage qursquoEusegravebe srsquoapprecirctait agrave citer eacutetait le pamphlet anti-chreacutetien eacutevoqueacute

De mecircme dans la Deacutemonstration eacutevangeacutelique III 6 39 Eusegravebe introduit une cita-tion du troisiegraveme livre du mecircme ouvrage en lrsquoattribuant agrave lrsquoennemi des chreacutetiens τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου

laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo41

La conclusion qursquoen tire Beatrice est la suivante laquo On peut difficilement ne pas reconnaicirctre que dans lrsquoensemble de la litteacuterature chreacutetienne

antique ce passage de la Deacutemonstration eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe est le seul dans lequel il est eacutetabli sans ambiguiumlteacute que le titre de lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre eacutetait Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo42

On trouverait une confirmation de cette identification en Praep evang IV 6 2-3 Apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un philosophe laquo ami des deacutemons raquo (δαιμόνων ϕίλον) et comme laquo un contemporain qui srsquoest enorgueilli des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous raquo (ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις) Eusegravebe enchaicircne

39 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) () τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται La traduction fournie par Beatrice laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 247 emprunteacutee agrave EH Gifford (Oxford 1903) donne un seacuterieux coup de pouce agrave lrsquoidentification des deux traiteacutes laquo the author of the compulation against us in the book which he entitled Of the Philosophy to be derived from Oracles raquo Mais ἐν οἷς ἐπέγραψε κτλ se rapporte au verbe ἐκτέθειται et non agrave πεποιημένος 40 laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 347 41 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται ὧδέ πως ἱστορῶν κατὰ λέξιν 42 laquo It can hardly be denied that in the whole of ancient Christian literature this passage from Eusebiusrsquos Proof of the Gospel is the only one in which it is unambiguously stated that the title (ἐπέγραψεν) of Porphyryrsquos anti-Christian writing (τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς) was Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (Beatrice laquo Title raquo p 235) Voir laquo Title raquo p 234 et laquo Towards a new edition raquo p 349 ougrave Beatrice parle de ldquodecisive evidencerdquo Beutler (RE XXII1 col 298) semble avoir attribueacute le fragment (Dem evang III 6) non pas agrave la Philosophie des oracles mais au traiteacute Contre les chreacutetiens Il eacutetablirait selon Beatrice laquo Title raquo p 234 un rapprochement avec Eusegravebe Hist eccl VI 19 et Augustin De civ Dei XIX 23 Mais il srsquoagit sans doute drsquoune simple erreur de Beutler Il y a lagrave une reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles traiteacute que Beutler pour sa part distingue nettement du Contra Christianos

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laquo Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des | dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo43

Voir encore Eusegravebe Praep evang V 36 5 laquo Apregraves ces propos passe maintenant agrave la Philosophie tireacutee des oracles de celui qui a composeacute

contre nous son reacutequisitoire (ou pamphlet )hellip raquo44

Dans ces quatre passages une citation de la Philosophie des oracles de Porphyre est preacutesenteacutee comme lrsquoœuvre drsquoun adversaire du christianisme Beatrice en conclut systeacutematiquement que lrsquoœuvre antichreacutetienne agrave laquelle pensait Eusegravebe eacutetait la Philosophie des oracles45

Pour toute la tradition byzantine46 la deacutesignation officielle de Porphyre est ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας celui qui srsquoest exprimeacute κατὰ Χριστιανῶν47 celui qui agiteacute sa langue impure contre les chreacutetiens48 ou contre la veacuteriteacute49 Il est lrsquoennemi de la religion chreacutetienne50 La formule ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας pourrait provenir drsquoEusegravebe qui mentionne | reacuteguliegraverement Porphyre comme laquo notre contemporain qui a composeacute son pamphlet contre nous raquo

43 Eusegravebe Praep evang IV 6 3 (trad O Zink) οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγω γὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας Voir laquo Title raquo p 233 44 Eusegravebe Praep evang V 36 5 (trad Eacuted des Places) ἀλλὰ γὰρ μετὰ τὰ εἰρημένα μεταβὰς αὖθις ἐπὶ τὴν Ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίαν τοῦ τὴν συσκευὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένου Voir laquo Title raquo p 233 45 Beatrice suit peut-ecirctre dans son interpreacutetation de ce passage JJ OrsquoMeara Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in Augustine Paris 1959 p 107 qui eacutecrit laquo Il est peut-ecirctre bon drsquoindiquer degraves le deacutebut qursquoEusegravebe deacutecrit la Philosophie des oracles comme une compilation dirigeacutee ldquocontre nousrdquo crsquoest-agrave-dire contre les Chreacutetiens raquo (laquo It may be well to state at the outset that Eusebius describes the Philosophy from Oracles as a compilation made ldquoagainst usrdquo that is Christians raquo) 46 Georges le Moine Chron 539 καὶ Πορϕύριος ὁ Τύριος ὑπάρχων πολλὰ κατὰ τῆς πίστεως ἡμῶν ἐκμανεὶς ἐλύσσησεν χριστιανὸς γὰρ γενόμενος καὶ τυπτηθεὶς ὑπό τινος χριστιανοῦ ἐν Παλαιστίνῃ θυμωθεὶς μετῆλθε πάλιν εἰς τὸν ἑλληνισμὸν ὁ ταλαίπωρος καὶ κατὰ τῆς πίστεως ἐδογμάτισεν Cedrenus vol I p 441 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ὁ ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Symeon Logothetes Chron p 71 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας καὶ Ἀϕρικανὸς ὁ σοϕώτατος Souda E 1454 ἐντελέχειαν λέγει ὁ Πορϕύριος τὴν ψυχήν ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Τύριος ϕιλόσοϕος 47 Cf Justinien Nov XLII 2 τοῖς παρὰ Πορφυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις 48 Souda Π 2473 Πρόκλος ὁ δεύτερος μετὰ Πορϕύριον κατὰ Χριστιανῶν τὴν μιαρὰν καὶ ἐϕύβριστον αὐτοῦ γλῶσσαν κινήσας 49 Theacuteophane le Confesseur Chron p 52 Πορϕύριος δέ ὁ καθrsquo ἡμῶν λυττήσας μετῆλθεν εἰς τὸν ἑλληνισμόν καὶ τότε γράψαι κατὰ τῆς ἀληθείας ὁ κύων ἐτόλμησεν 50 Cyrille Contra Iulianum I 38 (= F 203 Smith) Πορϕύριος μὲν οὖν ὁ πικροὺς ἡμῶν καταχέας λόγους καὶ τῆς Χριστιανῶν θρησκείας μονονουχὶ κατορχούμενος Socrate I 9 Ὥσπερ τοίνυν Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρὸς συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 3: Contra Christianos

LE TRAITEacute DE PORPHYRE CONTRE LES CHREacuteTIENS 3

naturel de cette theacuteorie reacutevolutionnaire serait la publication drsquoune nouvelle eacutedition des fragments du traiteacute Contre les chreacutetiens ou plutocirct comme nous le verrons une nouvelle eacutedition des fragments de la Philosophie des Oracles3

Selon cette thegravese audacieuse il conviendrait donc drsquoidentifier les ouvrages suivants de Porphyre

ndash le traiteacute Sur la philosophie tireacutees des oracles (en trois livres ) 303-350 F Smith ndash le traiteacute Contre les chreacutetiens en quinze livres ndash le De regressu animae qui comprenait plus drsquoun livre 283-302 F Smith ndash le Περὶ ἀγαλμάτων 351-360a F Smith ndash la Lettre agrave Aneacutebon ndash le traiteacute Sur la matiegravere en six livres 234-237 F Smith ndash les fragments auparavant attribueacutes agrave une Chronique de Porphyre ndash le De abstinentia en quatre livresPour bien marquer drsquoentreacutee de jeu la radicaliteacute de la thegravese de M Beatrice je

citerai la conclusion drsquoun des derniers articles qursquoil a consacreacutes au traiteacute Contre les chreacutetiens en 1992

Platonicorum libros The Platonic readings of Augustine in Milan raquo VChr 43 1989 p 248-281 (laquo Platonic readings raquo) laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase ldquoContre les Paiumlensrdquo raquo dans Cristianismo y aculturacioacuten en tiempos del Imperio Romano = Antig crist (Murcia) 7 1990 p 159-177 (laquo Athanase raquo) laquo Le traiteacute de Porphyre contre les Chreacutetiens Lrsquoeacutetat de la ques-tion raquo Kernos 4 1991 p 119-138 (laquo Eacutetat de la question raquo) laquo Pensiero cristiano e platonismo incontri e scontri nella tarda antichitagrave raquo dans Ethos e Cultura Studi in onore de Ezio Riondato coll laquo Miscellanea erudita raquo 51-52 Padova 1991 p 163-181 laquo Towards a new edition of Porphyryrsquos fragments against the Christians raquo dans M-O Goulet-Cazeacute G Madec et D OrsquoBrien (eacutedit) ΣΟΦΙΗΣ ΜΑΙΗΤΟΡΕΣ Chercheurs de Sagesse Meacutelanges Jean Peacutepin Paris 1992 p 347-355 (laquo Towards a new edition raquo) laquo Porphyryrsquos Judgement on Origen raquo dans R J Daly (eacutedit) Origeniana Quinta coll laquo Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovanien sium raquo 105 Leuven 1992 p 351-367 laquo Pagans and Christians on the Book of Daniel raquo Studia patristica 25 1993 p 27-45 laquo Antistes philosophiae ein christenfeindlicher Propagandist am Hofe Diokletians nach dem Zeugnis des Laktanz raquo Augustinianum 33 1993 p 31-47 (laquo Antistes philosophiae raquo) laquo On the title of Porphyryrsquos treatise against the Christians raquo dans ΑΓΑΘΗ ΕΛΠΙΣ Studi storico- religiosi in onore di Ugo Bianchi Roma 1994 p 221-235 (laquo Title raquo) laquo Didyme lrsquoAveugle et la tradition de lrsquoalleacutegorie raquo dans G Dorival et A Le Boulluec (eacutedit) Origeniana sexta Origegravene et la Bible coll laquo Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovanien sium raquo 118 Leuven 1995 p 579-590 laquo Traces du texte occidental chez le paiumlen de Macaire Magnegraves raquo dans DC Parker et CB Amphoux (eacutedit) Codex Bezae Studies from the Lunel Colloquium 1994 coll laquo New Testament Tools and Studies raquo 22 Leiden 1996 p 317-326 art laquo Porphyrius raquo dans Theologische Realenzyklopaumldie Band 27 BerlinNew York 1997 p 54-59 (laquo Porphyrios raquo) laquo Ein Origeneszitat im Timaioskommentar des Calcidius raquo dans W Bienert et U Kuumlhneweg (eacutedit) Origeniana Septima Origenes in den Auseinandersetzungen des vierten Jahrhunderts coll laquo Bibliotheca Epheme ridum Theologicarum Lovanien sium raquo 137 Leuven 1999 p 75-90 3 laquo Towards a new edition raquo p 352

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laquo Il nrsquoy a plus lieu de mettre en doute ou en question le fait que la Philosophie tireacutee des oracles fut lrsquounique ouvrage eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens tandis que lrsquoexistence drsquoun traiteacute intituleacute Contre les chreacutetiens doit ecirctre une fois pour toutes rejeteacutee raquo4

Cette thegravese peacuteremptoire se trouve en quelque sorte consacreacutee dans lrsquoarticle de synthegravese laquo Porphyrios raquo de la Theologische Realenzyklopaumldie

laquo Toutes les entreprises de reconstitution de lrsquoouvrage [ie le traiteacute Contra Christianos] jusqursquoagrave aujourdrsquohui ont eacutechoueacute En ce qui concerne notre position nous avons exprimeacute dans une seacuterie drsquoeacutetudes notre conviction que Porphyre nrsquoa jamais composeacute un traiteacute portant le titre Contre les chreacute-tiens Il a ducirc plutocirct deacutevelopper ses accusations destructrices contre le christianisme uniquement dans certaines parties de sa Philosophie des Oracles et cela dans le contexte beaucoup plus large de lrsquoeacutelaboration drsquoune philosophie du salut de lrsquoacircme raquo5

Elle est encore reacutepeacuteteacutee dans lrsquoeacutedition reacutecente de la Theacuteosophie de Tuumlbingen publieacutee par PF Beatrice laquo La Philosophie des oracles est lrsquounique vrai traiteacute antichreacutetien qui fut jamais eacutecrit par Porphyre comme jrsquoai essayeacute de le deacutemontrer dans une seacuterie drsquoarticles anteacuterieurs raquo6

On peut critiquer cette thegravese agrave deux niveaux au niveau de la vraisemblance des reacutesultats obtenus puis au niveau de lrsquoargumentation eacutelaboreacutee pour y parvenir

Une thegravese paradoxale

En soi cette thegravese est paradoxale ndash Que tous ces traiteacutes qui apparaissent geacuteneacuteralement avec des titres particu-

liers qui comportent souvent un nombre de livres bien deacutefini et qui offrent des caracteacuteristiques qui leur sont propres puissent ecirctre identifieacutees nrsquoest pas impos-sible mais reacuteclame des arguments seacuterieux Pour nous en tenir aux deux principaux traiteacutes on constate que le nombre de livres attribueacutes agrave lrsquoun et lrsquoautre traiteacute sont diffeacuterents le traiteacute Contre les chreacutetiens en comportait quinze alors que la Philosophie des oracles nrsquoen contenait que trois Il est vrai qursquoune citation de cet ouvrage est

4 laquo That the Philosophy from Oracles was the unique work written by Porphyry against the Christians should no longer be doubted or questioned while the existence of a treatise entitled Against the Christians ought to be once and for all denied raquo (laquo Towards a new edition raquo p 355) 5 laquo Alle bis heute unternommenen Versuche das Werk zu rekonstruiren sind gescheitert Was unsere Auffassung angeht so haben wir in eine Reihe von Beitraumlgen die Uumlberzeugung zum Ausdruck gebracht daszlig Porphyrius nie einen Traktat mit dem Titel Gegen die Christen verfaszligt hat Vielmehr duumlrfte er seine vernichtenden Anklagen gegen das Christentum nur in einigen Teilen seiner Philosophie der Orakel entwickelt haben und zwar in dem viel groumlszligeren Zusammenhang einer systematischen Ausarbeitung einer Philosophie von der Rettung der Seele raquo (laquo Porphyrios raquo p 56) 6 laquo The Philosophy from Oracles is the only real anti-Christian treatise that was ever written by Porphyry as I have tried to demonstrate in a series of previous articles raquo (PF Beatrice [eacutedit] Anonymi Monophysitae Theosophia An attempt at reconstruction coll laquo Supplements to Vigiliae Christianae raquo 56 Leiden 2001 p xxvii)

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dite tireacutee drsquoun dixiegraveme livre dans un7 manuscrit du xvie siegravecle8 Mais le mecircme passage est attribueacute de faccedilon beaucoup moins eacutetonnante au deuxiegraveme livre dans un manuscrit de Naples (Borbonicus) du xive siegravecle9

ndash Ces diffeacuterents traiteacutes notamment la Philosophie des Oracles sont citeacutes tout au cours des ive-ve siegravecles alors que le traiteacute Contre les chreacutetiens a eacuteteacute interdit par Constantin et nrsquoa pas laisseacute de traces litteacuteraires manifestes prouvant une lecture directe apregraves Eusegravebe de Ceacutesareacutee sinon peut-ecirctre chez Apollinaire de Laodiceacutee

Le Prologue de la ldquoPhilosophe des oraclesrdquo

La Philosophie des Oracles est un ouvrage relativement bien connu gracircce agrave une cinquantaine de fragments10 qui ont conserveacute plus de 300 vers ainsi que le Prologue dans lequel Porphyre expose ses objectifs Lrsquointention de lrsquoauteur eacutetait de construire une sorte de philosophie religieuse | sur la base drsquooracles officiels ou priveacutes Selon Augustin (Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) Porphyre laquo recueille et transcrit les soi-disant reacuteponses des dieux relatives agrave des questions de philosophie raquo (exequitur atque conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsa) Les fragments se preacutesentent toujours comme des citations et des commentaires drsquooracles

Pour comprendre ce que ces oracles repreacutesentaient pour Porphyre il faut lire le Prologue de lrsquoouvrage11 On y voit exprimeacutee la soif drsquoune veacuteriteacute incontestable capable de fonder les espeacuterances du salut

[303 F] laquo Il est solide et ineacutebranlable celui qui puise en cet ouvrage ses espeacuterances drsquoobtenir le salut comme en lrsquounique source sucircre Voilagrave aussi ceux agrave qui tu le communiqueras tu le feras sans rien retrancher puisque aussi bien je prends les dieux agrave teacutemoin de ce que je nrsquoai pour ma part rien ajouteacute ni rien retrancheacute des ideacutees exprimeacutees dans les oracles sauf que jrsquoai corrigeacute telle expres-sion fautive ou lrsquoai remplaceacutee dans le sens drsquoune plus grande clarteacute ou combleacute un vers deacuteficient ou

7 Un manuscrit car celui drsquoA Steuchus est manifestement celui qursquoa connu Angelo Mai crsquoest-agrave-dire lrsquoAmbrosianus 569 Les deux auteurs signalent la mecircme faute εὐλογίων Voir aussi Beatrice Theosophia p xxv n 70 8 laquo Towards a new edition raquo p 351 voir aussi Theosophia p xxv n 70 9 Voir lrsquoeacutedition de G Wolff Porphyrii De Philosophia ex Oraculis haurienda librorum reliquiae Berlin 1856 reacuteimpr Hildesheim 1962 p 39 et 143-147 et E DePalma Digeser laquo Lactantius Porphyry and the Debate over Religious Toleration raquo JRS 88 1998 p 129-146 notamment p 138 n 72 Voir fr 325 Smith et H Erbse (eacutedit) Theosophorum Graecorum Fragmenta iterum recensuit HE coll laquo Bibliotheca Teubneriana raquo StuttgartLeipzig 1995 p 18 li 225 (Theosophia sect 27) A = Ambrosianus 569 s XVI T = Tubingensis Mb 27 a 1580 Dans la reacutecente eacutedition de PF Beatrice Theosophia I 24 li 195 10 Nouvelle eacutedition des fragments dans Porphyry Philosophi Fragmenta edidit Andrew Smith Fragmenta Arabica David Wasserstein interpretante coll BT StuttgartLeipzig 1993 fr 303-350 p 351-407 11 Porphyre De Philosophia ex oraculis haurienda Prologue apud Eusegravebe Praep evang IV 6 2-7 2 7 2-8 1 p 109-110 Wolff 303-304 F Smith

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supprimeacute telle parole ne se rapportant pas au sujet Ainsi ai-je conserveacute intact le sens des paroles craignant davantage lrsquoimpieacuteteacute qursquoil y aurait agrave toucher agrave ces oracles que le chacirctiment vengeur qui suivrait cette profanation

La preacutesente collection consignera une foule de doctrines philosophiques conformes agrave ce que les dieux ont reacuteveacuteleacute ecirctre la veacuteriteacute Nous toucherons aussi un peu agrave la discipline oraculaire12 enseigne-ment utile agrave la contemplation ainsi qursquoagrave la purification de la vie

Quant agrave lrsquoutiliteacute de cette collection elle sera facilement ressentie par ceux qui dans leur doulou-reux enfantement de la veacuteriteacute ont un jour prieacute pour trouver dans lrsquoexpeacuterience drsquoune eacutepiphanie des dieux un terme agrave leur embarras gracircce agrave lrsquoenseignement digne de toute creacuteance de ceux qui parleraient

[304 F] Quant agrave toi essaie srsquoil est des veacuteriteacutes agrave ne pas divulguer de ne pas divulguer celles-lagrave et de ne pas les jeter aux profanes que ce soit pour la gloriole le profit ou quelque autre flatterie impure Le risque serait alors grand non seulement pour toi qui enfreindrais ces preacuteceptes mais eacutegalement pour moi qui aurais accordeacute une confiance facile agrave qui ne pouvait tenir secregravetes les bien-faisances dont il faisait lrsquoobjet Il faut donc les livrer agrave ceux qui ont disposeacute leur vie en vue du salut de leur acircme Cache-moi ces oracles comme les plus secrets des mystegraveres car les dieux eux non plus nrsquoont pas deacutelivreacute sur ces questions des oracles clairs mais eacutenigmatiques raquo13

Porphyre a donc rassembleacute dans un recueil (συναγωγή employeacute deux fois par Porphyre en Praep evang IV 7 2) des oracles drsquoApollon des autres dieux et des

12 ἐπrsquo ὀλίγον δὲ καὶ τῆς χρηστικῆς ἁψόμεθα πραγματείας Χρηστικός nrsquoa pas selon nos diction-naire le sens drsquolaquo oraculaire raquo Crsquoest pourtant le sens qursquoil faut supposer dans le preacutesent contexte pour qualifier cette πραγματεία utile agrave la contemplation et agrave la purification Voir eacutegalement quelques lignes plus haut τῶν χρησθέντων νοημάτων Voir la note drsquoOdile Zink dans lrsquoeacutedition des Sources chreacutetiennes (SC 262 1979) p 122 n 1 qui suppose un sens deacuteriveacute du verbe χράω (=rendre des oracles) non mentionneacute par Bailly ou Liddell-Scott Certains oracles sont consacreacutes agrave lrsquoexposition du rituel chaldaiumlque ce qui ne veut pas dire qursquoils eacutetaient emprunteacutes agrave la collection ancienne drsquoOra-cles chaldaiumlques Le chapitre III de lrsquoouvrage de H Lewy Chaldaean Oracles and Theurgy Mysticism Magic and Platonism in the Later Roman Empire Le Caire 1956 nouvelle eacutedition par Michel Tardieu Paris 1978 p 177-226 (laquo Theurgical Elevation raquo) et le chapitre IV p 227 257 (laquo The magical ritual of the Chaldaeans raquo) commentent ces Oracles Mecircme si les oracles du recueil porphy-rien ne sont pas chaldaiumlques ils sont directement influenceacutes par ce rituel 13 Eusegravebe Praep evang IV 7 1 - 8 2 t I p 177 4-17 et p 178 1-68-9 Mras ΕK ΤΩΝ ΠΟΡΦΥΡΙΟΥ - ΟΡΚΟΣ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΧΡΗΣΜΩΝ

Βέβαιος δὲ καὶ μόνιμος ὁ ἐντεῦθεν ὡς ἂν ἐκ μόνου βεβαίου τὰς ἐλπίδας τοῦ σωθῆναι ἀρυτόμενος οἷς δὴ καὶ μεταδώσεις μηδὲν ὑϕαιρούμενος ἐπεὶ κἀγῶ τοὺς θεοὺς μαρτύρομαι ὡς οὐδὲν οὔτε προστέθεικα οὔτε ἀϕεῖλον τῶν χρησθέντων νοημάτων εἰ μή που λέξιν ἡμαρτημένην διώρθωσα ἢ πρὸς τὸ σαϕέστερον μεταβέβληκα ἢ τὸ μέτρον ἐλλεῖπον ἀνεπλήρωσα ἤ τι τῶν μὴ πρὸς τὴν πρόθεσιν συντεινόντων διέγραψα ὡς τόν γε νοῦν ἀκραιϕνῆ τῶν ῥηθέντων διετήρησα εὐλαβούμενος τὴν ἐκ τούτων ἀσέβειαν μᾶλλον ἢ τὴν ἐκ τῆς ἱεροσυλίας τιμωρὸν ἑπομένην δίκην Ἕξει δὲ ἡ παροῦσα συναγωγὴ πολλῶν μὲν τῶν κατὰ ϕιλοσοϕίαν δογμάτων ἀναγραϕήν ὡς οἱ θεοὶ τἀληθὲς ἔχειν ἐθέσπισαν ἐπrsquo ὀλίγον δὲ καὶ τῆς χρηστικῆς ἁψόμεθα πραγματείας ἥτις πρός τε τὴν θεωρίαν ὀνήσει καὶ τὴν ἄλλην κάθαρσιν τοῦ βίου Ἣν δrsquo ἔχει ὠϕέλειαν ἡ συναγωγή μάλιστα εἴσονται ὅσοιπερ τὴν ἀλήθειαν ὠδίναντες ηὔξαντό ποτε τῆς ἐκ θεῶν ἐπιϕανείας τυχόντες ἀνάπαυσιν λαβεῖν τῆς ἀπορίας διὰ τὴν τῶν λεγόντων ἀξιόπιστον διδασκαλίαν (hellip)

Σὺ δrsquo εἴπερ τι καὶ ταῦτα πειρῶ μὴ δημοσιεύειν μηδrsquo ἄχρι καὶ τῶν βεβήλων ῥίπτειν αὐτὰ δόξης ἕνεκα ἢ κέρδους ἤ τινος ἄλλης οὐκ εὐαγοῦς κολακείας κίνδυνος γὰρ οὐ σοὶ μόνον τὰς ἐντολὰς παραβαίνοντι

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bons deacutemons comme sources drsquoune philosophie reacuteveacuteleacutee (qursquoil aime appeler theacuteo-sophie 14) et drsquoune | liturgie (ou drsquoune mantique oraculaire) visant la contemplation et la purification de lrsquoacircme Ce preacuteambule correspond tregraves exactement au contenu des fragments conserveacutes Une reconstitution du traiteacute Sur la philosophie extraite des oracles de Porphyre qui ne se conformerait pas agrave cette image risquerait fort drsquoap-paraicirctre mal fondeacutee

On remarquera que lrsquoinjonction adresseacutee au destinataire de ne pas deacutevoiler ces oracles implique que lrsquoouvrage est destineacute agrave des paiumlens laquo ceux qui ont ordonneacute leur vie en vue du salut de leur acircme raquo et qursquoil pourrait difficilement ecirctre reacuteduit agrave une eacutecrit intentionnellement et ouvertement poleacutemique dirigeacute contre les chreacutetiens15

Les fragments antichreacutetiens

La lecture des fragments montre que la confrontation avec le christianisme nrsquoeacutetait certainement pas absente de lrsquoouvrage Mais il ne semble pas que Porphyre ait attaqueacute de front les chreacutetiens On constate au contraire que les chreacutetiens ont citeacute du De Philosophia des vers qui leur paraissaient favorables au Christ ou aux Juifs ou encore qui soulignaient la contrainte exerceacutee sur les dieux par le theacuteurge ou les passions manifesteacutees par les dieux

Quelques-uns cinq ou six sur une cinquantaine de fragments font reacutefeacuterence aux Juifs au Christ ou aux chreacutetiens 323-324 343-345 344a (fragment oublieacute par Wolff mais sans reacutefeacuterence preacutecise agrave la Philosophie des Oracles) Quelle que soit la perspective originale de Porphyre les chreacutetiens ont retenu de ces passages que

ταύτας ἀλλὰ κἀμοὶ ῥᾳδίως πιστεύσαντι τῷ στέγειν παρrsquo ἑαυτῷ μὴ δυναμένῳ τὰς εὐποιίας Δοτέον δὴ τοῖς τὸν βίον ἐνστησαμένοις πρὸς τὴν τῆς ψυχῆς σωτηρίαν

Ταῦτά μοι ὡς ἀρρήτων ἀρρητότερα κρύπτειν οὐδὲ γὰρ οἱ θεοὶ ϕανερῶς περὶ αὐτῶν ἐθέσπισαν ἀλλὰ διrsquo αἰνιγμάτων 14 Selon PF Beatrice Theosophia p xxix-xxx laquo the Theosophy appears to be the work capable of refuting and replacing Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in the religious and philosoph-ical culture of that time raquo Beatrice rappelle que deux oracles du recueil proviennent de la Philosophie des oracles mais il estime probable que laquo Porphyryrsquos Philosophy from Oracles was if not the unique certainly the main source of the first book of the Theosophy devoted to the interpretation of the pagan oracles raquo Faut-il comprendre que drsquoautres oracles pourraient lui ecirctre attribueacutes 15 La perspective antichreacutetienne nrsquoeacutetait donc pas inscrite dans la forme de lrsquoouvrage Elle ne saurait justifier lrsquoattribution agrave la Philosophie des oracles des deacuteclarations precircteacutees agrave un paiumlen anonyme par Eusegravebe dans le Prologue de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique Voir RL Wilken laquo Pagan criticism of Christianity Greek religion and Christian faith raquo dans WR Schoedel et RL Wilken (eacutedit) Early christian literature and the classical intellectual tradition In honorem Robert M Grant coll laquo Theacuteologie historique raquo 54 Paris 1979 p 127 suivi sur ce point par Mme Digeser art citeacute p 129 n 1 et p 138 A von Harnack les avait inscrits comme fragment 1 du Contra Christianos par respect sans doute pour le leacutegendaire flair philologique de son confregravere Wilamowitz agrave lrsquoAcadeacutemie de Berlin Voir U von Wilamowitz-Moellendorf laquo Ein Bruchstuumlck aus der Schrift des Porphyrius gegen die Christen raquo ZNW 1 1900 p 101-105

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Porphyre y eacutetait favorable aux Juifs et au Christ plus aux Juifs qursquoau Christ plus au Christ qursquoaux chreacutetiens De lrsquoensemble de lrsquoouvrage ils ont cru pouvoir tirer une critique de la deacutemonologie et de la theacuteologie paiumlenne Mecircme en supposant que les chreacutetiens nrsquoont pas compris la perspective fondamentale de Porphyre le moins que lrsquoon puisse dire est qursquoils nrsquoont pas vu dans cet ouvrage un traiteacute dirigeacute expresseacutement contre les chreacutetiens Aux yeux drsquoAugustin lrsquohabileteacute de Porphyre consistait au contraire agrave louer le Christ pour mieux deacutenoncer les chreacutetiens Selon toutes apparences il ne serait pas venu agrave lrsquoesprit des auteurs chreacutetiens de deacutesigner sans plus cet ouvrage comme un traiteacute contre les chreacutetiens

On pourrait consideacuterer que le reste des fragments exposait de faccedilon positive ndash par opposition au christianisme ndash la theacuteologie et le culte paiumlen tels que les reacuteveacute-laient les dieux dans leurs oracles si lrsquoon ne deacutecelait pas une certaine deacutepreacuteciation de la religion traditionnelle par rapport aux courants religieux orientaux Dans les fragments 323-324 (Eusegravebe Praep evang IX 10 1-2 et 3-5) Porphyre commente un oracle drsquoApollon en opposant les Barbares et les Hellegravenes les Barbares notam-ment les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Chaldeacuteens ou les Assyriens ainsi que les Lydiens et les Heacutebreux) ont deacutecouvert de nombreux sentiers pour conduire vers les dieux alors que les Hellegravenes se sont eacutegareacutes Il citait eacutegalement un oracle reacuteser-vant aux Chaldeacuteens et aux Heacutebreux lrsquoaccegraves agrave la sagesse et le culte pur du Dieu Pegravere et Roi Il est difficile de deacutecouvrir la position originale de Porphyre dans ce passage du fait qursquoEusegravebe et Augustin nrsquoont en geacuteneacuteral retenu que les extraits qui servaient leur propre cause Mais si vraiment la perspective de ce traiteacute avait eacuteteacute reacuteduite agrave une attaque contre le christianisme pourquoi Porphyre aurait-il pris la peine de deacutevelopper des positions aussi nuanceacutees

Mais une thegravese peut ecirctre surprenante paradoxale et ecirctre vraie Il faut donc se tourner vers lrsquoexamen des arguments avanceacutes par P F Beatrice dans ses diverses eacutetudes

Lrsquoautoriteacute drsquoA von Harnack

Beatrice fait eacutetat drsquoune deacuteclaration drsquoAdolf von Harnack16 (laquo this brilliant intuition raquo) qui preacutesentait le Contra Christianos sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας κατὰ Χριστιανῶν λόγοι ιεʹ (Sur la philosophie tireacutee des oracles contres les chreacute-tiens en quinze livres) Mais crsquoeacutetait lagrave manifestement une erreur deacutejagrave deacutenonceacutee par Hauschildt17 que lrsquohistorien nrsquoa jamais renouveleacutee dans ses eacutetudes consacreacutees au Contra Christianos

16 Adolf von Harnack Geschichte der altchristlichen Literatur bis Eusebius Berlin 1893 t I 2 p 873 citeacute par PF Beatrice laquo Towards a new edition raquo p 348-349

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Le titre ldquoContra Christianosrdquo

On pourrait soulever une objection de bon sens agrave une identification entre le traiteacute Contre les chreacutetiens et drsquoautres traiteacutes de Porphyre le titre et la dimension du traiteacute Contre les chreacutetiens ne correspondent agrave aucun des autres ouvrages avec lesquels on voudrait lrsquoidentifier Crsquoest pourquoi M Beatrice a consacreacute un article indeacutepen-dant agrave cette question preacuteliminaire18

Selon cet auteur le titre Contre les chreacutetiens serait mal attesteacute On ne dispose en effet que drsquoune seule attestation tardive puisqursquoelle se trouve | dans la Souda La liste des œuvres de Porphyre conserveacutee par la Souda signale Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ Un des manuscrits omet drsquoailleurs ce titre19 et il nrsquoapparaicirct pas dans les catalogues arabes20 Souda art Πορϕύριος Π 2098 t IV p 278 14-32 Adler

Πορϕύριος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας ὃς κυρίως ἐκαλεῖτο Βασιλεύς Τύριος ϕιλόσοϕος μαθητὴς Ἀμελίου τοῦ Πλωτίνου μαθητοῦ διδάσκαλος δὲ Ἰαμβλίχου γεγονὼς ἐπὶ τῶν χρόνων Αὐρηλιανοῦ καὶ παρατείνας ἕως Διοκλητιανοῦ τοῦ βασιλέως ἔγραψε βιβλία πάμπλειστα ϕιλόσοϕά τε καὶ ῥητορικὰ καὶ γραμματικά ἦν δὲ καὶ Λογγίνου τοῦ κριτικοῦ ἀκροασάμενος Περὶ θείων ὀνομάτων αʹ Περὶ ἀρχῶν βʹ Περὶ ὕλης ϛʹ Περὶ ψυχῆς πρὸς Βόηθον εʹ Περὶ ἀποχῆς ἐμψύχων δʹ Περὶ τοῦ Γνῶθι σαυτὸν δʹ Περὶ ἀσωμάτων Περὶ τοῦ μίαν εἶναι τὴν Πλάτωνος καὶ Ἀριστοτέλους αἵρεσιν ζʹ Εἰς τὴν Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ21 Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ22 Περὶ τῆς Ὁμήρου ϕιλοσοϕίας Πρὸς Ἀριστοτέλην τοῦ εἶναι τὴν ψυχὴν ἐντελέχειαν Φιλολόγου ἱστορίας βιβλία εʹ Περὶ γένους καὶ εἴδους καὶ διαϕορᾶς καὶ ἰδίου καὶ συμβεβηκότος Περὶ τῶν κατὰ Πίνδαρον τοῦ Νείλου πηγῶν Περὶ τῆς ἐξ Ὁμήρου ὠϕελείας τῶν βασιλέων βιβλία ιʹ Συμμίκτων ζητημάτων ζʹ Εἰς τὸ Θουκυδίδου προοίμιον Πρὸς Ἀριστείδην ζʹ Εἰς τὴν Μινουκιανοῦ τέχνην καὶ ἄλλα πλεῖστα καὶ μάλιστα ἀστρονομούμενα ἐν οἷς καὶ Εἰσαγωγὴν ἀστρονομουμένων ἐν βιβλίοις τρισί καὶ Γραμματικὰς ἀπορίας οὗτός ἐστιν ὁ Πορϕύριος ὁ τὴν κατὰ Χριστιανῶν ἐϕύβριστον γλῶσσαν κινήσας

laquo Porphyre celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens son nom veacuteritable eacutetait ldquoRoirdquo originaire de Tyr philosophe eacutelegraveve de lrsquoeacutelegraveve de Plotin Ameacutelius maicirctre de Jamblique il fut dans la force de lrsquoacircge agrave lrsquoeacutepoque drsquoAureacutelien et veacutecut jusqursquoagrave celle de lrsquoempereur Diocleacutetien Il a eacutecrit de tregraves nombreux ouvrages de philosophie de rheacutetorique et de grammaire Il avait eacuteteacute aussi lrsquoauditeur du critique Longin

Des noms divins un livreDes principes deux livresDe la matiegravere neuf livres

17 H Hauschildt De Porphyrio philosopho Macarii Magnetis apologetae Christiani Apokritikon auctore Diss Heidelberg Bonn 1907 p 38 n 1 18 Voir laquo Title raquo p 223 19 Voir J Bidez Vie de Porphyre le philosophe neacuteo-platonicien Gand 1913 p 52 Harnack op cit p 27 20 Voir Bidez op cit p 54-62 Harnack op cit p 27 21 Il y a manifestement ici une confusion de deux titres Rien agrave ce sujet dans lrsquoapparat drsquoA Adler sinon la correction ϕιλοσόϕων proposeacutee par Vales(ius) Jacoby FGrHist 260 T 1 laquo Sur les [eacutecrits] de Julien le Chaldeacuteen Histoire philosophique en quatre livres raquo Εἰς τὰ (corr Vales) Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ 22 Ce titre est absent dans le manuscrit Ω

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De lrsquoacircme contre Boegravece cinq livresDe lrsquoabstinence des ecirctres animeacutes quatre livresSur le ldquoConnais-toi toi-mecircmerdquo quatre livresDes incorporelsDe lrsquouniciteacute de la doctrine de Platon et drsquoAristote six livresSur lrsquohistoire philosophique de Julien le Chaldeacuteen en quatre livresDiscours contre les chreacutetiens quinze livresDe la philosophie drsquoHomegravereContre Aristote [et sa doctrine que ] lrsquoacircme est une enteacuteleacutechieHistoire philologique dix livresDu genre de lrsquoespegravece de la diffeacuterence du propre et de lrsquoaccidentDes sources du Nil selon PindareDe lrsquoutiliteacute drsquoHomegravere pour les rois dix livresRecherches mecircleacutees sept livresSur le prologue de ThucydideContre Aristide sept livresSur le manuel [de rheacutetorique] de MinucianusEt beaucoup drsquoautres surtout drsquoastronomie parmi lesquels une Introduction agrave lrsquoeacutetude de

lrsquoastronomie en trois livres et des Apories | grammaticales Crsquoest ce Porphyre qui a agiteacute sa langue insolente contre les chreacutetiens raquo

On remarquera que la Philosophie des oracles nrsquoapparaicirct pas dans cette liste ce qui aux yeux de M Beatrice milite en faveur drsquoune identification de ce traiteacute avec un autre traiteacute comme le Κατὰ Χριστιανῶν Mais cette liste est loin de contenir tous les ouvrages connus de Porphyre23 On y chercherait en vain la Vie de Plotin les Sentences ou Lrsquoantre des nymphes les Commentaires de Platon et drsquoAristote etc

Selon M Beatrice la formule de la Souda ne correspondrait pas agrave un titre formel mais se rapporterait agrave la theacutematique ou agrave la perspective litteacuteraire drsquoun ouvrage en quinze livres dirigeacute contre les chreacutetiens laquo Lrsquoexpression Κατὰ Χριστιανῶν pour-rait simplement indiquer la cible de lrsquoouvrage de Porphyre sans ecirctre son titre originel raquo24 A propos drsquoune reacutefeacuterence fournie par Augustin (laquo Ils ont exposeacute encore drsquoautres [objections ] qursquoils disaient extraites de Porphyre Contre les chreacutetiens comme si elles eacutetaient passablement pertinentes raquo)25 Beatrice eacutecrit de mecircme laquo Il reacutevegravele simplement la perspective antichreacutetienne des objections attri-bueacutees agrave Porphyre raquo26

23 Voir R Beutler art laquo Porphyrios raquo 21 RE XXII 1 1953 col 275-313 notamment col 278-301 24 laquo The expression Κατὰ Χριστιανῶν could simply indicate the target of Porphyryrsquos writing without being its original title raquo (laquo Title raquo p 222) 25 laquo Item alia proposuerunt quae dicerent de Porphyrio contra Christianos tamquam validiora decerpta raquo (Augustin Lettre 102 2 8 CSEL 34 2 p 551 5-6 Goldbacher) 26 laquo It simply reveals the anti-Christian intention of the objections attributed to Porphyry raquo (laquo Title raquo p 223)

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Pour illustrer ce sens purement descriptif de la formule employeacutee agrave propos de Porphyre Beatrice27 cite Seacuteveacuterien de Gabala De mundi creat hom 6 (PG 56 487) laquo agrave Porphyrehellip celui qui a composseacute [un ouvrage] contre les chreacutetiens raquo (Πορϕυρίῳ τῷ κατὰ Χριστιανῶν συγγράψαντι) et Neacutemeacutesius drsquoEacutemegravese De nat hom 3 (p 42 22-23 Morani) laquo Porphyre celui qui a agiteacute sa langue contre le Christ raquo (Πορϕύριος ὁ κατὰ τοῦ Χριστοῦ κινήσας τὴν ἑαυτοῦ γλῶσσαν)

Beatrice cite eacutegalement des formules drsquoOrigegravene ou drsquoEusegravebe qui eacutevoquent lrsquoἈληθὴς λόγος de Celse comme un eacutecrit poleacutemique dirigeacute Κατὰ Χριστιανῶν ou καθrsquo ἡμῶν28

Mais le fait que la formule puisse srsquointerpreacuteter dans un sens faible ne prouve cependant pas que dans des contextes ougrave lrsquoauteur eacutenumegravere des titres drsquoouvrages (comme dans la Souda ougrave la plupart des autres titres rappelons-le sont confirmeacutes par des fragments porphyriens) ou donne la reacutefeacuterence litteacuteraire drsquoune citation (comme chez Eusegravebe dans les passages que nous allons examiner) elle doive neacutecessairement ecirctre ainsi interpreacuteteacutee mecircme lorsque lrsquoauteur ne preacutecise pas qursquoil cite expresseacutement le titre drsquoun ouvrage Car les innombrables titres drsquoouvrages comportant κατὰ+geacuten ou πρὸς+acc en grec ne sauraient ecirctre reacuteduits agrave de pures eacutevocations de leur laquo cible raquo litteacuteraire

Crsquoest le contexte seul qui permet drsquoeacutetablir la preacutecision de la reacutefeacuterence Prenons par exemple les quatre reacutefeacuterences suivantes au Contre Celse drsquoOrigegravene que nous trouvons dans la Philocalie29

laquoExtraits des Tomes contre Celse celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens tomes 6 et 7raquo ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τοῦ κατὰ χριστιανῶν γράψαντος τόμου ϛʹ καὶ ζʹ (chap 15)

laquoDu tome 3 contre Celseraquo τόμου γʹ κατὰ Κέλσου (chap 16)laquoExtraits des tomes 1 et 5 de lrsquoouvrage contre Celseraquo ἐκ τοῦ αʹ καὶ εʹ τόμου τῶν κατὰ Κέλσου

(chap 17)laquoExtraits du tome 3 du mecircme traiteacute contre Celseraquo ἐν τῷ τρίτῳ τόμῳ τῆς αὐτῆς κατὰ Κέλσου

πραγματείας (18) Harl ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τόμου αʹ καὶ γʹ (chap 18)

27 laquo Title raquo p 222 28 Origegravene Contre Celse prooem 4 laquo Et je ne sais pas dans quelle cateacutegorie il faut ranger celui qui a besoin de discours eacutecrits dans des livres en reacuteponse aux charges de Celse contre les chreacutetiens (πρὸς τὰ Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐγκλήματα) pour ressaisir et remettre debout une foi qui chancelleraquo (trad M Borret 1967) Voir aussi au deacutebut du prologue la formule laquocontre les faux teacutemoignages de Celse contre les chreacutetiens dans son traiteacute (πρὸς τὰς Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐν συγγράμμασι ψευδομαρτυρίας) raquo Eusegravebe Hist eccl VI 36 2 (agrave propos drsquoOrigegravene) laquo Agrave cette eacutepoque aussi il compose les huit livres pour reacutepondre agrave lrsquoouvrage dirigeacute contre nous par Celse lrsquoeacutepicurien et intituleacute Discours veacuteritable (τὰ πρὸς τὸν ἐπιγραμμένον καθrsquo ἡμῶν Κέλσου τοῦ Ἐπικουρείου Ἀληθῆ λόγον)hellip raquo 29 Voir Origegravene Philocalie 1-20 Sur les Eacutecritures Introduction texte traduction et notes par Marguerite Harl et La Lettre agrave Africanus sur lrsquohistoire de Suzanne Introduction texte traduction et notes pas Nicholas de Lange coll SC 302 Paris 1983

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Ces formules sont eacutequivalentes On peut toujours dire qursquoaucune des quatre mecircme la quatriegraveme ne preacutesente explicitement les mots laquo Contre Celse raquo comme le titre mecircme de lrsquoouvrage drsquoOrigegravene mais il faut au moins reconnaicirctre (a) qursquoon ne connaicirct pas drsquoautre titre (b) que cette faccedilon de deacutesigner lrsquoouvrage eacutetait aux yeux des compilateurs suffisamment explicite pour identifier un ouvrage particulier

Dans une liste de titres on ne voit pas pourquoi la Souda aurait preacutefeacutereacute eacutevoquer les quinze livres eacutecrits par Porphyre contre les chreacutetiens plutocirct que drsquoen donner le titre preacutecis si vraiment ce titre avait eacuteteacute diffeacuterent et si lrsquoauteur lrsquoavait connu

Attestations du titre du ldquoContra Christianosrdquo

Reste agrave savoir si nous nrsquoavons pas drsquoattestation plus ancienne de ce titre Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui cite geacuteneacuteralement de faccedilon preacutecise ses sources nous a transmis plusieurs extraits litteacuteraux du traiteacute de Porphyre dirigeacute contre les chreacute-tiens Consideacuterons en quels termes il introduit chacune de ces citations en trois passages capitaux

Dans sa Preacuteparation eacutevangeacutelique V 1 9 ougrave il veut montrer que les deacutemons mauvais ont perdu de leur puissance depuis la venue de Jeacutesus-Christ parmi les hommes il introduit dans les termes suivants le fragment 80 du recueil de von Harnack

laquo hellipcrsquoest encore lrsquoauteur mecircme qui est agrave notre eacutepoque lrsquoavocat des deacutemons qui dans le pamphlet30 qursquoil a eacutecrit contre nous porte teacutemoignage en ces termeshellip raquo31

Dans la Preacuteparation eacutevangeacutelique I 9 20 crsquoest le fragment 41 qui est ainsi preacutesenteacute

laquo Lrsquoauteur qui de nos jours a monteacute son pamphlet contre nous rappelle ces faits32 dans le quatriegraveme livre de lrsquoouvrage ougrave il nous attaquehellip raquo33

30 E des Places a traduit συσκευή par laquo pamphlet raquo et PF Beatrice par laquo compilation raquo Compilation est effectivement donneacute par le dictionnaire de Lampe (PGL) mais le seul exemple fourni est un passage drsquoEusegravebe On ne voit pas tregraves bien ce que Porphyre aurait ici compileacute A lire lrsquoen-semble des occurrences chez Eusegravebe on retiendra plutocirct le sens de laquo machination raquo laquo complot raquo souvent en association avec κατὰ+geacuten par exemple le complot du peuple juif contre le Christ (Hist eccl I 3 6) La formule consacreacutee chez Eusegravebe agrave propos de Porphyre est ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν (Praep evang I 9 20 voir aussi V 5 5 V 36 5 X 9 12) Voir aussi en X 9 11 ὃς τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν ὑπερβολῇ μίσους προβεβλημένος A propos drsquoun ouvrage de Molon contre les Juifs Eusegravebe emploie une formule semblable ῾Ὁ δὲ τὴν συσκευὴν τὴν κατὰ Ἰουδαίων γράψας Μόλων Comme le mot est souvent employeacute avec des verbes comme ldquoeacutecrirerdquo (Praep evang X 9 12) on peut estimer que pamphlet (diffamatoire) est une assez bonne traduction 31 Eusegravebe Preacutep eacutevang V 1 9 περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον (suit le fr 80 Harnack) 32 Ou laquo mentionne ces deux auteurs raquo crsquoest-agrave-dire Sanchouniathon et Philon de Byblos 33 Eusegravebe Preacutep eacutevang I 9 20 (trad J Sirinelli) μέμνηται τούτων ὁ καθrsquo ἡμᾶς τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν ἐν τετάρτῳ τῆς πρὸς ἡμᾶς ὑποθέσεως (suit le fr 41 Harnack)

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Dans son Histoire eccleacutesiastique VI 19 2-4 Eusegravebe introduit le fragment 39 du recueil de von Harnack

laquo Pourquoi faut-il dire cela lorsque encore de nos jours Porphyre srsquoest eacutetabli en Sicile y a composeacute des eacutecrits contre nous et srsquoest efforceacute drsquoy calomnier les Eacutecritures divineshellip raquo34

A la fin de lrsquoextrait (VI 19 9) il preacutecise le livre drsquoougrave est tireacute ce passage laquo Voilagrave ce qui a eacuteteacute eacutecrit par Porphyre au troisiegraveme des livres qursquoil a eacutecrits contre les chreacutetienshellip

Que ne devait pas faire lrsquoadversaire des chreacutetiens raquo35

On imagine mal qursquoEusegravebe nrsquoait pas penseacute citer un titre preacutecis lorsqursquoil a eacutecrit κατὰ τὸ γʹ σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν Beatrice36 fait reacutefeacuterence agrave ce passage mais il ne lui consacre aucune explication Si Eusegravebe avait connu lrsquoouvrage sous un autre titre notamment en tant que Philosophie des oracles il aurait vraisemblablement pris la peine de lrsquoindiquer ici

On a peine agrave croire que dans tous ces passages Eusegravebe ait eu agrave lrsquoesprit un titre de Porphyre qursquoil se serait borneacute agrave eacutevoquer sans le mentionner Eusegravebe eacutetant lrsquoauteur le plus proche chronologiquement de Porphyre et lrsquoun des seuls agrave avoir lu directement lrsquoouvrage son teacutemoignage doit ecirctre tenu comme le plus deacutecisif

On peut admettre agrave la limite qursquoEusegravebe ne pensait pas citer un titre comme tel on peut mecircme admettre que lrsquoouvrage nrsquoeacutetait connu que par un titre descriptif mais ce qui est exclu est qursquoEusegravebe ait employeacute de telles formules alors mecircme qursquoil connaissait lrsquoouvrage sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας

Les reacutefeacuterences preacutecises de Jeacuterocircme agrave lrsquoouvrage de Porphyre ressemblent tout agrave fait agrave celles que donne Eusegravebe

Fr 9a Harnack laquo hellipce Porphyre impie qui eacutecrivit contre nous et en plusieurs volumes deacuteversa sa rage au tome XIVhellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius qui adversum nos conscripsit et multis voluminibus rabiem suam evomuit in XIV voluminehellip)

Fr 21a Harnack laquo hellip Ce Bataneacuteote et ce sceacuteleacuterat de Porphyre au premier livre de son ouvrage contre noushellip raquo (hellipBataneotes et sceleratus ille Porphyrius in I operis sui adversum nos librohellip)

Fr 40 Harnack laquo hellipcet impie de Porphyre au livre IV de son livre qursquoau prix drsquoun vain labeur il a composeacute contre noushellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius in IV operis sui libro quod adversum nos casso labore contexuithellip)

Fr 43 a Harnack laquo Contre le prophegravete Daniel Porphyre a eacutecrit le livre XII raquo (Contra prophetam Danielem XII librum scripsit Porphyrius)

34 Eusegravebe Hist eccl VI 19 2-4 (trad Bardy) τί δεῖ ταῦτα λέγειν ὅτε καὶ ὁ καθrsquo ἡμᾶς ἐν Σικελίᾳ καταστὰς Πορϕύριος συγγράμματα καθrsquo ἡμῶν ἐνστησάμενος καὶ διrsquo αὐτῶν τὰς θείας γραϕὰς διαβάλλειν πεπειραμένος En suivant TD Barnes (laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65) on peut aussi comprendre laquo lorsque mecircme Porphyre qui de nos jours srsquoest eacutetabli en Sicile raquo 35 Ibid VI 19 9 (conclusion) ταῦτα τῷ Πορϕυρίῳ κατὰ τὸ τρίτον σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν εἴρηται () (τί γὰρ οὐκ ἔμελλεν ὁ κατὰ Χριστιανῶν ) 36 laquo Title raquo p 233 n 79

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Fr 44 Harnack laquo au livre XIII de son ouvrage contre nous Porphyre a profeacutereacute de nombreux blas-phegravemeshellip raquo (multa Porphyrius XIII operis sui volumine contra nos blasphemavithellip)

Toutes ces reacutefeacuterences ont en commun de signaler un livre particulier de lrsquoouvrage de Porphyre sans preacuteciser le titre exact de cet ouvrage autrement que par son caractegravere antichreacutetien

On doit eacutegalement tenir compte des divers deacutecrets impeacuteriaux dirigeacutes contre Porphyre Mme Digeser signale que le rapprochement qui est fait avec les Ariens montre que le grand reproche qui est adresseacute au philosophe est sans doute de nier la diviniteacute du Christ Sans le dire ouvertement elle semble consideacuterer que le traiteacute viseacute eacutetait la Philosophie des Oracles un ouvrage ougrave le problegraveme eacutetait abordeacute laquo un ouvrage qui eacutetait pris beaucoup plus au seacuterieux que le Contre les chreacutetiens raquo37 Or pas plus qursquoEusegravebe ou Jeacuterocircme les Empereurs nrsquoont pris la peine de deacutesigner lrsquoouvrage condamneacute autrement que par des formules geacuteneacuterales

laquo Porphyre lrsquoennemi de la religion qui a composeacute des ouvrages sacrilegraveges contre le culte divinhellip raquo Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρός συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος (Socrate Hist eccl I 9 30 [concerne le Concile de Niceacutee en 324] = 38 T Smith)

laquo hellipce que Porphyre entraicircneacute par sa folie a eacutecrit contre le pieux culte des chreacutetienshellip raquo ὅσα Πορϕύριος ὑπὸ τῆς ἑαυτοῦ μανίας ἐλαυνόμενος κατὰ τῆς εὐσεβοῦς θρησκείας τῶν Χριστιανῶν συνέγραψε (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 66 8-12 [en 448] = 40 T Smith)

laquo hellipagrave propos des livres de Porphyre ceux qui ont eacuteteacute composeacutes contre le saint culte des chreacutetienshellip raquo περί τε τῶν βιβλίων Πορϕυρίου τῶν κατὰ τῆς εὐαγοῦς τῶν Χριστιανῶν θρησκείας | συγγραϕέντων (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 67 7-15 [en 448] = 41 T Smith)

laquo hellipet que nul ne possegravede ne lise ne copie ni ne mentionne Nestorius aussi bien ses paroles que ses livres criminels et surtout ceux qursquoa publieacutes Porphyre contre les seules Eacutecritures chreacutetienneshellip raquo nec habeat aliquis aut legat aut transcribat proferatve Nestorium vel terminos eius aut codices noxios et maxime quos contra solas38 Porphyrius edidit Christianas litteras (Acta Conciliorum Oecumenicorum II 3 2 p 89 14-16 [en 451 ] = 42 T Smith)

laquo hellipce qui a eacuteteacute dit par Porphyre contre les chreacutetienshellip raquo τοῖς παρὰ Πορϕυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις (Acta Conciliorum Oecumenicorum III p 121 22-26 [en 536] = 43 T Smith)

Si les autoriteacutes impeacuteriales se sont contenteacutees de telles formulations crsquoest que celles-ci suffisaient agrave identifier un ouvrage preacutecis de Porphyre et non pas nrsquoim-porte quel de ses ouvrages En tout cas il est difficilement imaginable que de telles formules aient pu viser un ouvrage comme la Philosophie des Oracles que lrsquoon retrou-vera citeacute tout au long du ive siegravecle et cette difficulteacute ne peut que srsquoaccroicirctre si lrsquoon en vient agrave identifier agrave ce traiteacute drsquoautres traiteacutes comme le De regressu animae comme le voudrait Mme Digeser agrave la suite de JJ OrsquoMeara ou toute une seacuterie de traiteacutes porphyriens comme lrsquoenvisage M Beatricehellip Que la Philosophie des Oracles ait rejeteacute la diviniteacute du Christ nrsquoexclut eacutevidemment pas que Porphyre ait pu adopter la mecircme position dans un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens

37 laquo a work taken far more seriously than Against the Christians raquo (E DePalma Digeser art citeacute p 135) 38 Solas est inattendu sanctas

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Mais puisqursquoon ne trouve pas de fait en dehors de la Souda de citation ougrave Contre les chreacutetiens soit explicitement preacutesenteacute comme le titre de lrsquoouvrage au moyen drsquoun terme comme ἐπιγράϕειν admettons que le titre ne soit pas parfai-tement eacutetabli

Les reacutefeacuterences les plus explicites au traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo

Une douzaine de fragments du recueil de von Harnack contiennent une reacutefeacute-rence preacutecise agrave un ouvrage antichreacutetien de Porphyre et mecircme agrave un livre particu-lier de ce traiteacute Mecircme en laissant de cocircteacute tous les autres fragments ougrave le nom de Porphyre nrsquoapparaicirct pas et mecircme ceux ougrave il est mentionneacute sans reacutefeacuterence preacutecise agrave un ouvrage qursquoil aurait composeacute on peut se faire ainsi une ideacutee assez preacutecise de lrsquoouvrage

Cinq ou six livres de lrsquoouvrage sont eacutevoqueacutes de faccedilon explicite Il srsquoagit des livres I III et IV XII etou XIII et enfin XIV

Que lrsquoon y voie un titre ou une simple deacutesignation de son contenu on constate que lrsquoouvrage est deacutesigneacute tant chez les Grecs que chez les | Latins par des formules quasi identiques il eacutetait eacutecrit contra nos adversum nos contra Christianos καθrsquo ἡμῶν κατὰ Χριστιανῶν

Enfin plusieurs fragments permettent drsquoeacutetablir que lrsquoouvrage attaquait direc-tement les chreacutetiens les Eacutecritures Saintes et notamment le livre de Daniel

Crsquoest cet ouvrage que reacutefutegraverent Meacutethode drsquoOlympe Eusegravebe de Ceacutesareacutee et Apollinaire de Laodiceacutee peut-ecirctre drsquoautres auteurs chreacutetiens comme Philostorge et crsquoest cet ouvrage que condamnegraverent au moins agrave deux reprises les empereurs chreacutetiens

Je ne retiens que ces informations minimales pour montrer que lrsquoexistence drsquoun traiteacute antichreacutetien de Porphyre ne saurait ecirctre remise en question mecircme si lrsquoon reacuteduisait le recueil des fragments agrave un noyau regroupant uniquement des frag-ments rattacheacutes explicitement agrave un traiteacute eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens

Le ldquoContra Christianosrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquoSelon Beatrice Eusegravebe et plusieurs autres auteurs chreacutetiens connaissaient

le titre veacuteritable de ce traiteacute dirigeacute contre les chreacutetiens Crsquoeacutetait la Philosophie des oracles

Le principal argument de Beatrice semble ecirctre un passage de la Preacuteparation eacutevan-geacutelique dans lequel Eusegravebe introduit une citation de la Philosophie des Oracles en preacutesen-tant Porphyre comme ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος (V 5 5)

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne (ou ldquoqursquoexposerdquo ἐκτέθειται) de son cocircteacute

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lrsquoauteur du pamphlet (ldquocompilationrdquo Beatrice) dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles raquo39

Selon Beatrice40 il faudrait comprendre que ce pamphlet est la Philosophie des oracles ou encore que lrsquoouvrage qursquoEusegravebe srsquoapprecirctait agrave citer eacutetait le pamphlet anti-chreacutetien eacutevoqueacute

De mecircme dans la Deacutemonstration eacutevangeacutelique III 6 39 Eusegravebe introduit une cita-tion du troisiegraveme livre du mecircme ouvrage en lrsquoattribuant agrave lrsquoennemi des chreacutetiens τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου

laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo41

La conclusion qursquoen tire Beatrice est la suivante laquo On peut difficilement ne pas reconnaicirctre que dans lrsquoensemble de la litteacuterature chreacutetienne

antique ce passage de la Deacutemonstration eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe est le seul dans lequel il est eacutetabli sans ambiguiumlteacute que le titre de lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre eacutetait Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo42

On trouverait une confirmation de cette identification en Praep evang IV 6 2-3 Apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un philosophe laquo ami des deacutemons raquo (δαιμόνων ϕίλον) et comme laquo un contemporain qui srsquoest enorgueilli des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous raquo (ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις) Eusegravebe enchaicircne

39 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) () τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται La traduction fournie par Beatrice laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 247 emprunteacutee agrave EH Gifford (Oxford 1903) donne un seacuterieux coup de pouce agrave lrsquoidentification des deux traiteacutes laquo the author of the compulation against us in the book which he entitled Of the Philosophy to be derived from Oracles raquo Mais ἐν οἷς ἐπέγραψε κτλ se rapporte au verbe ἐκτέθειται et non agrave πεποιημένος 40 laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 347 41 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται ὧδέ πως ἱστορῶν κατὰ λέξιν 42 laquo It can hardly be denied that in the whole of ancient Christian literature this passage from Eusebiusrsquos Proof of the Gospel is the only one in which it is unambiguously stated that the title (ἐπέγραψεν) of Porphyryrsquos anti-Christian writing (τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς) was Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (Beatrice laquo Title raquo p 235) Voir laquo Title raquo p 234 et laquo Towards a new edition raquo p 349 ougrave Beatrice parle de ldquodecisive evidencerdquo Beutler (RE XXII1 col 298) semble avoir attribueacute le fragment (Dem evang III 6) non pas agrave la Philosophie des oracles mais au traiteacute Contre les chreacutetiens Il eacutetablirait selon Beatrice laquo Title raquo p 234 un rapprochement avec Eusegravebe Hist eccl VI 19 et Augustin De civ Dei XIX 23 Mais il srsquoagit sans doute drsquoune simple erreur de Beutler Il y a lagrave une reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles traiteacute que Beutler pour sa part distingue nettement du Contra Christianos

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laquo Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des | dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo43

Voir encore Eusegravebe Praep evang V 36 5 laquo Apregraves ces propos passe maintenant agrave la Philosophie tireacutee des oracles de celui qui a composeacute

contre nous son reacutequisitoire (ou pamphlet )hellip raquo44

Dans ces quatre passages une citation de la Philosophie des oracles de Porphyre est preacutesenteacutee comme lrsquoœuvre drsquoun adversaire du christianisme Beatrice en conclut systeacutematiquement que lrsquoœuvre antichreacutetienne agrave laquelle pensait Eusegravebe eacutetait la Philosophie des oracles45

Pour toute la tradition byzantine46 la deacutesignation officielle de Porphyre est ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας celui qui srsquoest exprimeacute κατὰ Χριστιανῶν47 celui qui agiteacute sa langue impure contre les chreacutetiens48 ou contre la veacuteriteacute49 Il est lrsquoennemi de la religion chreacutetienne50 La formule ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας pourrait provenir drsquoEusegravebe qui mentionne | reacuteguliegraverement Porphyre comme laquo notre contemporain qui a composeacute son pamphlet contre nous raquo

43 Eusegravebe Praep evang IV 6 3 (trad O Zink) οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγω γὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας Voir laquo Title raquo p 233 44 Eusegravebe Praep evang V 36 5 (trad Eacuted des Places) ἀλλὰ γὰρ μετὰ τὰ εἰρημένα μεταβὰς αὖθις ἐπὶ τὴν Ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίαν τοῦ τὴν συσκευὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένου Voir laquo Title raquo p 233 45 Beatrice suit peut-ecirctre dans son interpreacutetation de ce passage JJ OrsquoMeara Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in Augustine Paris 1959 p 107 qui eacutecrit laquo Il est peut-ecirctre bon drsquoindiquer degraves le deacutebut qursquoEusegravebe deacutecrit la Philosophie des oracles comme une compilation dirigeacutee ldquocontre nousrdquo crsquoest-agrave-dire contre les Chreacutetiens raquo (laquo It may be well to state at the outset that Eusebius describes the Philosophy from Oracles as a compilation made ldquoagainst usrdquo that is Christians raquo) 46 Georges le Moine Chron 539 καὶ Πορϕύριος ὁ Τύριος ὑπάρχων πολλὰ κατὰ τῆς πίστεως ἡμῶν ἐκμανεὶς ἐλύσσησεν χριστιανὸς γὰρ γενόμενος καὶ τυπτηθεὶς ὑπό τινος χριστιανοῦ ἐν Παλαιστίνῃ θυμωθεὶς μετῆλθε πάλιν εἰς τὸν ἑλληνισμὸν ὁ ταλαίπωρος καὶ κατὰ τῆς πίστεως ἐδογμάτισεν Cedrenus vol I p 441 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ὁ ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Symeon Logothetes Chron p 71 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας καὶ Ἀϕρικανὸς ὁ σοϕώτατος Souda E 1454 ἐντελέχειαν λέγει ὁ Πορϕύριος τὴν ψυχήν ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Τύριος ϕιλόσοϕος 47 Cf Justinien Nov XLII 2 τοῖς παρὰ Πορφυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις 48 Souda Π 2473 Πρόκλος ὁ δεύτερος μετὰ Πορϕύριον κατὰ Χριστιανῶν τὴν μιαρὰν καὶ ἐϕύβριστον αὐτοῦ γλῶσσαν κινήσας 49 Theacuteophane le Confesseur Chron p 52 Πορϕύριος δέ ὁ καθrsquo ἡμῶν λυττήσας μετῆλθεν εἰς τὸν ἑλληνισμόν καὶ τότε γράψαι κατὰ τῆς ἀληθείας ὁ κύων ἐτόλμησεν 50 Cyrille Contra Iulianum I 38 (= F 203 Smith) Πορϕύριος μὲν οὖν ὁ πικροὺς ἡμῶν καταχέας λόγους καὶ τῆς Χριστιανῶν θρησκείας μονονουχὶ κατορχούμενος Socrate I 9 Ὥσπερ τοίνυν Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρὸς συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 4: Contra Christianos

LE TRAITEacute DE PORPHYRE CONTRE LES CHREacuteTIENS 4

laquo Il nrsquoy a plus lieu de mettre en doute ou en question le fait que la Philosophie tireacutee des oracles fut lrsquounique ouvrage eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens tandis que lrsquoexistence drsquoun traiteacute intituleacute Contre les chreacutetiens doit ecirctre une fois pour toutes rejeteacutee raquo4

Cette thegravese peacuteremptoire se trouve en quelque sorte consacreacutee dans lrsquoarticle de synthegravese laquo Porphyrios raquo de la Theologische Realenzyklopaumldie

laquo Toutes les entreprises de reconstitution de lrsquoouvrage [ie le traiteacute Contra Christianos] jusqursquoagrave aujourdrsquohui ont eacutechoueacute En ce qui concerne notre position nous avons exprimeacute dans une seacuterie drsquoeacutetudes notre conviction que Porphyre nrsquoa jamais composeacute un traiteacute portant le titre Contre les chreacute-tiens Il a ducirc plutocirct deacutevelopper ses accusations destructrices contre le christianisme uniquement dans certaines parties de sa Philosophie des Oracles et cela dans le contexte beaucoup plus large de lrsquoeacutelaboration drsquoune philosophie du salut de lrsquoacircme raquo5

Elle est encore reacutepeacuteteacutee dans lrsquoeacutedition reacutecente de la Theacuteosophie de Tuumlbingen publieacutee par PF Beatrice laquo La Philosophie des oracles est lrsquounique vrai traiteacute antichreacutetien qui fut jamais eacutecrit par Porphyre comme jrsquoai essayeacute de le deacutemontrer dans une seacuterie drsquoarticles anteacuterieurs raquo6

On peut critiquer cette thegravese agrave deux niveaux au niveau de la vraisemblance des reacutesultats obtenus puis au niveau de lrsquoargumentation eacutelaboreacutee pour y parvenir

Une thegravese paradoxale

En soi cette thegravese est paradoxale ndash Que tous ces traiteacutes qui apparaissent geacuteneacuteralement avec des titres particu-

liers qui comportent souvent un nombre de livres bien deacutefini et qui offrent des caracteacuteristiques qui leur sont propres puissent ecirctre identifieacutees nrsquoest pas impos-sible mais reacuteclame des arguments seacuterieux Pour nous en tenir aux deux principaux traiteacutes on constate que le nombre de livres attribueacutes agrave lrsquoun et lrsquoautre traiteacute sont diffeacuterents le traiteacute Contre les chreacutetiens en comportait quinze alors que la Philosophie des oracles nrsquoen contenait que trois Il est vrai qursquoune citation de cet ouvrage est

4 laquo That the Philosophy from Oracles was the unique work written by Porphyry against the Christians should no longer be doubted or questioned while the existence of a treatise entitled Against the Christians ought to be once and for all denied raquo (laquo Towards a new edition raquo p 355) 5 laquo Alle bis heute unternommenen Versuche das Werk zu rekonstruiren sind gescheitert Was unsere Auffassung angeht so haben wir in eine Reihe von Beitraumlgen die Uumlberzeugung zum Ausdruck gebracht daszlig Porphyrius nie einen Traktat mit dem Titel Gegen die Christen verfaszligt hat Vielmehr duumlrfte er seine vernichtenden Anklagen gegen das Christentum nur in einigen Teilen seiner Philosophie der Orakel entwickelt haben und zwar in dem viel groumlszligeren Zusammenhang einer systematischen Ausarbeitung einer Philosophie von der Rettung der Seele raquo (laquo Porphyrios raquo p 56) 6 laquo The Philosophy from Oracles is the only real anti-Christian treatise that was ever written by Porphyry as I have tried to demonstrate in a series of previous articles raquo (PF Beatrice [eacutedit] Anonymi Monophysitae Theosophia An attempt at reconstruction coll laquo Supplements to Vigiliae Christianae raquo 56 Leiden 2001 p xxvii)

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dite tireacutee drsquoun dixiegraveme livre dans un7 manuscrit du xvie siegravecle8 Mais le mecircme passage est attribueacute de faccedilon beaucoup moins eacutetonnante au deuxiegraveme livre dans un manuscrit de Naples (Borbonicus) du xive siegravecle9

ndash Ces diffeacuterents traiteacutes notamment la Philosophie des Oracles sont citeacutes tout au cours des ive-ve siegravecles alors que le traiteacute Contre les chreacutetiens a eacuteteacute interdit par Constantin et nrsquoa pas laisseacute de traces litteacuteraires manifestes prouvant une lecture directe apregraves Eusegravebe de Ceacutesareacutee sinon peut-ecirctre chez Apollinaire de Laodiceacutee

Le Prologue de la ldquoPhilosophe des oraclesrdquo

La Philosophie des Oracles est un ouvrage relativement bien connu gracircce agrave une cinquantaine de fragments10 qui ont conserveacute plus de 300 vers ainsi que le Prologue dans lequel Porphyre expose ses objectifs Lrsquointention de lrsquoauteur eacutetait de construire une sorte de philosophie religieuse | sur la base drsquooracles officiels ou priveacutes Selon Augustin (Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) Porphyre laquo recueille et transcrit les soi-disant reacuteponses des dieux relatives agrave des questions de philosophie raquo (exequitur atque conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsa) Les fragments se preacutesentent toujours comme des citations et des commentaires drsquooracles

Pour comprendre ce que ces oracles repreacutesentaient pour Porphyre il faut lire le Prologue de lrsquoouvrage11 On y voit exprimeacutee la soif drsquoune veacuteriteacute incontestable capable de fonder les espeacuterances du salut

[303 F] laquo Il est solide et ineacutebranlable celui qui puise en cet ouvrage ses espeacuterances drsquoobtenir le salut comme en lrsquounique source sucircre Voilagrave aussi ceux agrave qui tu le communiqueras tu le feras sans rien retrancher puisque aussi bien je prends les dieux agrave teacutemoin de ce que je nrsquoai pour ma part rien ajouteacute ni rien retrancheacute des ideacutees exprimeacutees dans les oracles sauf que jrsquoai corrigeacute telle expres-sion fautive ou lrsquoai remplaceacutee dans le sens drsquoune plus grande clarteacute ou combleacute un vers deacuteficient ou

7 Un manuscrit car celui drsquoA Steuchus est manifestement celui qursquoa connu Angelo Mai crsquoest-agrave-dire lrsquoAmbrosianus 569 Les deux auteurs signalent la mecircme faute εὐλογίων Voir aussi Beatrice Theosophia p xxv n 70 8 laquo Towards a new edition raquo p 351 voir aussi Theosophia p xxv n 70 9 Voir lrsquoeacutedition de G Wolff Porphyrii De Philosophia ex Oraculis haurienda librorum reliquiae Berlin 1856 reacuteimpr Hildesheim 1962 p 39 et 143-147 et E DePalma Digeser laquo Lactantius Porphyry and the Debate over Religious Toleration raquo JRS 88 1998 p 129-146 notamment p 138 n 72 Voir fr 325 Smith et H Erbse (eacutedit) Theosophorum Graecorum Fragmenta iterum recensuit HE coll laquo Bibliotheca Teubneriana raquo StuttgartLeipzig 1995 p 18 li 225 (Theosophia sect 27) A = Ambrosianus 569 s XVI T = Tubingensis Mb 27 a 1580 Dans la reacutecente eacutedition de PF Beatrice Theosophia I 24 li 195 10 Nouvelle eacutedition des fragments dans Porphyry Philosophi Fragmenta edidit Andrew Smith Fragmenta Arabica David Wasserstein interpretante coll BT StuttgartLeipzig 1993 fr 303-350 p 351-407 11 Porphyre De Philosophia ex oraculis haurienda Prologue apud Eusegravebe Praep evang IV 6 2-7 2 7 2-8 1 p 109-110 Wolff 303-304 F Smith

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supprimeacute telle parole ne se rapportant pas au sujet Ainsi ai-je conserveacute intact le sens des paroles craignant davantage lrsquoimpieacuteteacute qursquoil y aurait agrave toucher agrave ces oracles que le chacirctiment vengeur qui suivrait cette profanation

La preacutesente collection consignera une foule de doctrines philosophiques conformes agrave ce que les dieux ont reacuteveacuteleacute ecirctre la veacuteriteacute Nous toucherons aussi un peu agrave la discipline oraculaire12 enseigne-ment utile agrave la contemplation ainsi qursquoagrave la purification de la vie

Quant agrave lrsquoutiliteacute de cette collection elle sera facilement ressentie par ceux qui dans leur doulou-reux enfantement de la veacuteriteacute ont un jour prieacute pour trouver dans lrsquoexpeacuterience drsquoune eacutepiphanie des dieux un terme agrave leur embarras gracircce agrave lrsquoenseignement digne de toute creacuteance de ceux qui parleraient

[304 F] Quant agrave toi essaie srsquoil est des veacuteriteacutes agrave ne pas divulguer de ne pas divulguer celles-lagrave et de ne pas les jeter aux profanes que ce soit pour la gloriole le profit ou quelque autre flatterie impure Le risque serait alors grand non seulement pour toi qui enfreindrais ces preacuteceptes mais eacutegalement pour moi qui aurais accordeacute une confiance facile agrave qui ne pouvait tenir secregravetes les bien-faisances dont il faisait lrsquoobjet Il faut donc les livrer agrave ceux qui ont disposeacute leur vie en vue du salut de leur acircme Cache-moi ces oracles comme les plus secrets des mystegraveres car les dieux eux non plus nrsquoont pas deacutelivreacute sur ces questions des oracles clairs mais eacutenigmatiques raquo13

Porphyre a donc rassembleacute dans un recueil (συναγωγή employeacute deux fois par Porphyre en Praep evang IV 7 2) des oracles drsquoApollon des autres dieux et des

12 ἐπrsquo ὀλίγον δὲ καὶ τῆς χρηστικῆς ἁψόμεθα πραγματείας Χρηστικός nrsquoa pas selon nos diction-naire le sens drsquolaquo oraculaire raquo Crsquoest pourtant le sens qursquoil faut supposer dans le preacutesent contexte pour qualifier cette πραγματεία utile agrave la contemplation et agrave la purification Voir eacutegalement quelques lignes plus haut τῶν χρησθέντων νοημάτων Voir la note drsquoOdile Zink dans lrsquoeacutedition des Sources chreacutetiennes (SC 262 1979) p 122 n 1 qui suppose un sens deacuteriveacute du verbe χράω (=rendre des oracles) non mentionneacute par Bailly ou Liddell-Scott Certains oracles sont consacreacutes agrave lrsquoexposition du rituel chaldaiumlque ce qui ne veut pas dire qursquoils eacutetaient emprunteacutes agrave la collection ancienne drsquoOra-cles chaldaiumlques Le chapitre III de lrsquoouvrage de H Lewy Chaldaean Oracles and Theurgy Mysticism Magic and Platonism in the Later Roman Empire Le Caire 1956 nouvelle eacutedition par Michel Tardieu Paris 1978 p 177-226 (laquo Theurgical Elevation raquo) et le chapitre IV p 227 257 (laquo The magical ritual of the Chaldaeans raquo) commentent ces Oracles Mecircme si les oracles du recueil porphy-rien ne sont pas chaldaiumlques ils sont directement influenceacutes par ce rituel 13 Eusegravebe Praep evang IV 7 1 - 8 2 t I p 177 4-17 et p 178 1-68-9 Mras ΕK ΤΩΝ ΠΟΡΦΥΡΙΟΥ - ΟΡΚΟΣ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΧΡΗΣΜΩΝ

Βέβαιος δὲ καὶ μόνιμος ὁ ἐντεῦθεν ὡς ἂν ἐκ μόνου βεβαίου τὰς ἐλπίδας τοῦ σωθῆναι ἀρυτόμενος οἷς δὴ καὶ μεταδώσεις μηδὲν ὑϕαιρούμενος ἐπεὶ κἀγῶ τοὺς θεοὺς μαρτύρομαι ὡς οὐδὲν οὔτε προστέθεικα οὔτε ἀϕεῖλον τῶν χρησθέντων νοημάτων εἰ μή που λέξιν ἡμαρτημένην διώρθωσα ἢ πρὸς τὸ σαϕέστερον μεταβέβληκα ἢ τὸ μέτρον ἐλλεῖπον ἀνεπλήρωσα ἤ τι τῶν μὴ πρὸς τὴν πρόθεσιν συντεινόντων διέγραψα ὡς τόν γε νοῦν ἀκραιϕνῆ τῶν ῥηθέντων διετήρησα εὐλαβούμενος τὴν ἐκ τούτων ἀσέβειαν μᾶλλον ἢ τὴν ἐκ τῆς ἱεροσυλίας τιμωρὸν ἑπομένην δίκην Ἕξει δὲ ἡ παροῦσα συναγωγὴ πολλῶν μὲν τῶν κατὰ ϕιλοσοϕίαν δογμάτων ἀναγραϕήν ὡς οἱ θεοὶ τἀληθὲς ἔχειν ἐθέσπισαν ἐπrsquo ὀλίγον δὲ καὶ τῆς χρηστικῆς ἁψόμεθα πραγματείας ἥτις πρός τε τὴν θεωρίαν ὀνήσει καὶ τὴν ἄλλην κάθαρσιν τοῦ βίου Ἣν δrsquo ἔχει ὠϕέλειαν ἡ συναγωγή μάλιστα εἴσονται ὅσοιπερ τὴν ἀλήθειαν ὠδίναντες ηὔξαντό ποτε τῆς ἐκ θεῶν ἐπιϕανείας τυχόντες ἀνάπαυσιν λαβεῖν τῆς ἀπορίας διὰ τὴν τῶν λεγόντων ἀξιόπιστον διδασκαλίαν (hellip)

Σὺ δrsquo εἴπερ τι καὶ ταῦτα πειρῶ μὴ δημοσιεύειν μηδrsquo ἄχρι καὶ τῶν βεβήλων ῥίπτειν αὐτὰ δόξης ἕνεκα ἢ κέρδους ἤ τινος ἄλλης οὐκ εὐαγοῦς κολακείας κίνδυνος γὰρ οὐ σοὶ μόνον τὰς ἐντολὰς παραβαίνοντι

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bons deacutemons comme sources drsquoune philosophie reacuteveacuteleacutee (qursquoil aime appeler theacuteo-sophie 14) et drsquoune | liturgie (ou drsquoune mantique oraculaire) visant la contemplation et la purification de lrsquoacircme Ce preacuteambule correspond tregraves exactement au contenu des fragments conserveacutes Une reconstitution du traiteacute Sur la philosophie extraite des oracles de Porphyre qui ne se conformerait pas agrave cette image risquerait fort drsquoap-paraicirctre mal fondeacutee

On remarquera que lrsquoinjonction adresseacutee au destinataire de ne pas deacutevoiler ces oracles implique que lrsquoouvrage est destineacute agrave des paiumlens laquo ceux qui ont ordonneacute leur vie en vue du salut de leur acircme raquo et qursquoil pourrait difficilement ecirctre reacuteduit agrave une eacutecrit intentionnellement et ouvertement poleacutemique dirigeacute contre les chreacutetiens15

Les fragments antichreacutetiens

La lecture des fragments montre que la confrontation avec le christianisme nrsquoeacutetait certainement pas absente de lrsquoouvrage Mais il ne semble pas que Porphyre ait attaqueacute de front les chreacutetiens On constate au contraire que les chreacutetiens ont citeacute du De Philosophia des vers qui leur paraissaient favorables au Christ ou aux Juifs ou encore qui soulignaient la contrainte exerceacutee sur les dieux par le theacuteurge ou les passions manifesteacutees par les dieux

Quelques-uns cinq ou six sur une cinquantaine de fragments font reacutefeacuterence aux Juifs au Christ ou aux chreacutetiens 323-324 343-345 344a (fragment oublieacute par Wolff mais sans reacutefeacuterence preacutecise agrave la Philosophie des Oracles) Quelle que soit la perspective originale de Porphyre les chreacutetiens ont retenu de ces passages que

ταύτας ἀλλὰ κἀμοὶ ῥᾳδίως πιστεύσαντι τῷ στέγειν παρrsquo ἑαυτῷ μὴ δυναμένῳ τὰς εὐποιίας Δοτέον δὴ τοῖς τὸν βίον ἐνστησαμένοις πρὸς τὴν τῆς ψυχῆς σωτηρίαν

Ταῦτά μοι ὡς ἀρρήτων ἀρρητότερα κρύπτειν οὐδὲ γὰρ οἱ θεοὶ ϕανερῶς περὶ αὐτῶν ἐθέσπισαν ἀλλὰ διrsquo αἰνιγμάτων 14 Selon PF Beatrice Theosophia p xxix-xxx laquo the Theosophy appears to be the work capable of refuting and replacing Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in the religious and philosoph-ical culture of that time raquo Beatrice rappelle que deux oracles du recueil proviennent de la Philosophie des oracles mais il estime probable que laquo Porphyryrsquos Philosophy from Oracles was if not the unique certainly the main source of the first book of the Theosophy devoted to the interpretation of the pagan oracles raquo Faut-il comprendre que drsquoautres oracles pourraient lui ecirctre attribueacutes 15 La perspective antichreacutetienne nrsquoeacutetait donc pas inscrite dans la forme de lrsquoouvrage Elle ne saurait justifier lrsquoattribution agrave la Philosophie des oracles des deacuteclarations precircteacutees agrave un paiumlen anonyme par Eusegravebe dans le Prologue de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique Voir RL Wilken laquo Pagan criticism of Christianity Greek religion and Christian faith raquo dans WR Schoedel et RL Wilken (eacutedit) Early christian literature and the classical intellectual tradition In honorem Robert M Grant coll laquo Theacuteologie historique raquo 54 Paris 1979 p 127 suivi sur ce point par Mme Digeser art citeacute p 129 n 1 et p 138 A von Harnack les avait inscrits comme fragment 1 du Contra Christianos par respect sans doute pour le leacutegendaire flair philologique de son confregravere Wilamowitz agrave lrsquoAcadeacutemie de Berlin Voir U von Wilamowitz-Moellendorf laquo Ein Bruchstuumlck aus der Schrift des Porphyrius gegen die Christen raquo ZNW 1 1900 p 101-105

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Porphyre y eacutetait favorable aux Juifs et au Christ plus aux Juifs qursquoau Christ plus au Christ qursquoaux chreacutetiens De lrsquoensemble de lrsquoouvrage ils ont cru pouvoir tirer une critique de la deacutemonologie et de la theacuteologie paiumlenne Mecircme en supposant que les chreacutetiens nrsquoont pas compris la perspective fondamentale de Porphyre le moins que lrsquoon puisse dire est qursquoils nrsquoont pas vu dans cet ouvrage un traiteacute dirigeacute expresseacutement contre les chreacutetiens Aux yeux drsquoAugustin lrsquohabileteacute de Porphyre consistait au contraire agrave louer le Christ pour mieux deacutenoncer les chreacutetiens Selon toutes apparences il ne serait pas venu agrave lrsquoesprit des auteurs chreacutetiens de deacutesigner sans plus cet ouvrage comme un traiteacute contre les chreacutetiens

On pourrait consideacuterer que le reste des fragments exposait de faccedilon positive ndash par opposition au christianisme ndash la theacuteologie et le culte paiumlen tels que les reacuteveacute-laient les dieux dans leurs oracles si lrsquoon ne deacutecelait pas une certaine deacutepreacuteciation de la religion traditionnelle par rapport aux courants religieux orientaux Dans les fragments 323-324 (Eusegravebe Praep evang IX 10 1-2 et 3-5) Porphyre commente un oracle drsquoApollon en opposant les Barbares et les Hellegravenes les Barbares notam-ment les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Chaldeacuteens ou les Assyriens ainsi que les Lydiens et les Heacutebreux) ont deacutecouvert de nombreux sentiers pour conduire vers les dieux alors que les Hellegravenes se sont eacutegareacutes Il citait eacutegalement un oracle reacuteser-vant aux Chaldeacuteens et aux Heacutebreux lrsquoaccegraves agrave la sagesse et le culte pur du Dieu Pegravere et Roi Il est difficile de deacutecouvrir la position originale de Porphyre dans ce passage du fait qursquoEusegravebe et Augustin nrsquoont en geacuteneacuteral retenu que les extraits qui servaient leur propre cause Mais si vraiment la perspective de ce traiteacute avait eacuteteacute reacuteduite agrave une attaque contre le christianisme pourquoi Porphyre aurait-il pris la peine de deacutevelopper des positions aussi nuanceacutees

Mais une thegravese peut ecirctre surprenante paradoxale et ecirctre vraie Il faut donc se tourner vers lrsquoexamen des arguments avanceacutes par P F Beatrice dans ses diverses eacutetudes

Lrsquoautoriteacute drsquoA von Harnack

Beatrice fait eacutetat drsquoune deacuteclaration drsquoAdolf von Harnack16 (laquo this brilliant intuition raquo) qui preacutesentait le Contra Christianos sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας κατὰ Χριστιανῶν λόγοι ιεʹ (Sur la philosophie tireacutee des oracles contres les chreacute-tiens en quinze livres) Mais crsquoeacutetait lagrave manifestement une erreur deacutejagrave deacutenonceacutee par Hauschildt17 que lrsquohistorien nrsquoa jamais renouveleacutee dans ses eacutetudes consacreacutees au Contra Christianos

16 Adolf von Harnack Geschichte der altchristlichen Literatur bis Eusebius Berlin 1893 t I 2 p 873 citeacute par PF Beatrice laquo Towards a new edition raquo p 348-349

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Le titre ldquoContra Christianosrdquo

On pourrait soulever une objection de bon sens agrave une identification entre le traiteacute Contre les chreacutetiens et drsquoautres traiteacutes de Porphyre le titre et la dimension du traiteacute Contre les chreacutetiens ne correspondent agrave aucun des autres ouvrages avec lesquels on voudrait lrsquoidentifier Crsquoest pourquoi M Beatrice a consacreacute un article indeacutepen-dant agrave cette question preacuteliminaire18

Selon cet auteur le titre Contre les chreacutetiens serait mal attesteacute On ne dispose en effet que drsquoune seule attestation tardive puisqursquoelle se trouve | dans la Souda La liste des œuvres de Porphyre conserveacutee par la Souda signale Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ Un des manuscrits omet drsquoailleurs ce titre19 et il nrsquoapparaicirct pas dans les catalogues arabes20 Souda art Πορϕύριος Π 2098 t IV p 278 14-32 Adler

Πορϕύριος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας ὃς κυρίως ἐκαλεῖτο Βασιλεύς Τύριος ϕιλόσοϕος μαθητὴς Ἀμελίου τοῦ Πλωτίνου μαθητοῦ διδάσκαλος δὲ Ἰαμβλίχου γεγονὼς ἐπὶ τῶν χρόνων Αὐρηλιανοῦ καὶ παρατείνας ἕως Διοκλητιανοῦ τοῦ βασιλέως ἔγραψε βιβλία πάμπλειστα ϕιλόσοϕά τε καὶ ῥητορικὰ καὶ γραμματικά ἦν δὲ καὶ Λογγίνου τοῦ κριτικοῦ ἀκροασάμενος Περὶ θείων ὀνομάτων αʹ Περὶ ἀρχῶν βʹ Περὶ ὕλης ϛʹ Περὶ ψυχῆς πρὸς Βόηθον εʹ Περὶ ἀποχῆς ἐμψύχων δʹ Περὶ τοῦ Γνῶθι σαυτὸν δʹ Περὶ ἀσωμάτων Περὶ τοῦ μίαν εἶναι τὴν Πλάτωνος καὶ Ἀριστοτέλους αἵρεσιν ζʹ Εἰς τὴν Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ21 Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ22 Περὶ τῆς Ὁμήρου ϕιλοσοϕίας Πρὸς Ἀριστοτέλην τοῦ εἶναι τὴν ψυχὴν ἐντελέχειαν Φιλολόγου ἱστορίας βιβλία εʹ Περὶ γένους καὶ εἴδους καὶ διαϕορᾶς καὶ ἰδίου καὶ συμβεβηκότος Περὶ τῶν κατὰ Πίνδαρον τοῦ Νείλου πηγῶν Περὶ τῆς ἐξ Ὁμήρου ὠϕελείας τῶν βασιλέων βιβλία ιʹ Συμμίκτων ζητημάτων ζʹ Εἰς τὸ Θουκυδίδου προοίμιον Πρὸς Ἀριστείδην ζʹ Εἰς τὴν Μινουκιανοῦ τέχνην καὶ ἄλλα πλεῖστα καὶ μάλιστα ἀστρονομούμενα ἐν οἷς καὶ Εἰσαγωγὴν ἀστρονομουμένων ἐν βιβλίοις τρισί καὶ Γραμματικὰς ἀπορίας οὗτός ἐστιν ὁ Πορϕύριος ὁ τὴν κατὰ Χριστιανῶν ἐϕύβριστον γλῶσσαν κινήσας

laquo Porphyre celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens son nom veacuteritable eacutetait ldquoRoirdquo originaire de Tyr philosophe eacutelegraveve de lrsquoeacutelegraveve de Plotin Ameacutelius maicirctre de Jamblique il fut dans la force de lrsquoacircge agrave lrsquoeacutepoque drsquoAureacutelien et veacutecut jusqursquoagrave celle de lrsquoempereur Diocleacutetien Il a eacutecrit de tregraves nombreux ouvrages de philosophie de rheacutetorique et de grammaire Il avait eacuteteacute aussi lrsquoauditeur du critique Longin

Des noms divins un livreDes principes deux livresDe la matiegravere neuf livres

17 H Hauschildt De Porphyrio philosopho Macarii Magnetis apologetae Christiani Apokritikon auctore Diss Heidelberg Bonn 1907 p 38 n 1 18 Voir laquo Title raquo p 223 19 Voir J Bidez Vie de Porphyre le philosophe neacuteo-platonicien Gand 1913 p 52 Harnack op cit p 27 20 Voir Bidez op cit p 54-62 Harnack op cit p 27 21 Il y a manifestement ici une confusion de deux titres Rien agrave ce sujet dans lrsquoapparat drsquoA Adler sinon la correction ϕιλοσόϕων proposeacutee par Vales(ius) Jacoby FGrHist 260 T 1 laquo Sur les [eacutecrits] de Julien le Chaldeacuteen Histoire philosophique en quatre livres raquo Εἰς τὰ (corr Vales) Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ 22 Ce titre est absent dans le manuscrit Ω

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De lrsquoacircme contre Boegravece cinq livresDe lrsquoabstinence des ecirctres animeacutes quatre livresSur le ldquoConnais-toi toi-mecircmerdquo quatre livresDes incorporelsDe lrsquouniciteacute de la doctrine de Platon et drsquoAristote six livresSur lrsquohistoire philosophique de Julien le Chaldeacuteen en quatre livresDiscours contre les chreacutetiens quinze livresDe la philosophie drsquoHomegravereContre Aristote [et sa doctrine que ] lrsquoacircme est une enteacuteleacutechieHistoire philologique dix livresDu genre de lrsquoespegravece de la diffeacuterence du propre et de lrsquoaccidentDes sources du Nil selon PindareDe lrsquoutiliteacute drsquoHomegravere pour les rois dix livresRecherches mecircleacutees sept livresSur le prologue de ThucydideContre Aristide sept livresSur le manuel [de rheacutetorique] de MinucianusEt beaucoup drsquoautres surtout drsquoastronomie parmi lesquels une Introduction agrave lrsquoeacutetude de

lrsquoastronomie en trois livres et des Apories | grammaticales Crsquoest ce Porphyre qui a agiteacute sa langue insolente contre les chreacutetiens raquo

On remarquera que la Philosophie des oracles nrsquoapparaicirct pas dans cette liste ce qui aux yeux de M Beatrice milite en faveur drsquoune identification de ce traiteacute avec un autre traiteacute comme le Κατὰ Χριστιανῶν Mais cette liste est loin de contenir tous les ouvrages connus de Porphyre23 On y chercherait en vain la Vie de Plotin les Sentences ou Lrsquoantre des nymphes les Commentaires de Platon et drsquoAristote etc

Selon M Beatrice la formule de la Souda ne correspondrait pas agrave un titre formel mais se rapporterait agrave la theacutematique ou agrave la perspective litteacuteraire drsquoun ouvrage en quinze livres dirigeacute contre les chreacutetiens laquo Lrsquoexpression Κατὰ Χριστιανῶν pour-rait simplement indiquer la cible de lrsquoouvrage de Porphyre sans ecirctre son titre originel raquo24 A propos drsquoune reacutefeacuterence fournie par Augustin (laquo Ils ont exposeacute encore drsquoautres [objections ] qursquoils disaient extraites de Porphyre Contre les chreacutetiens comme si elles eacutetaient passablement pertinentes raquo)25 Beatrice eacutecrit de mecircme laquo Il reacutevegravele simplement la perspective antichreacutetienne des objections attri-bueacutees agrave Porphyre raquo26

23 Voir R Beutler art laquo Porphyrios raquo 21 RE XXII 1 1953 col 275-313 notamment col 278-301 24 laquo The expression Κατὰ Χριστιανῶν could simply indicate the target of Porphyryrsquos writing without being its original title raquo (laquo Title raquo p 222) 25 laquo Item alia proposuerunt quae dicerent de Porphyrio contra Christianos tamquam validiora decerpta raquo (Augustin Lettre 102 2 8 CSEL 34 2 p 551 5-6 Goldbacher) 26 laquo It simply reveals the anti-Christian intention of the objections attributed to Porphyry raquo (laquo Title raquo p 223)

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Pour illustrer ce sens purement descriptif de la formule employeacutee agrave propos de Porphyre Beatrice27 cite Seacuteveacuterien de Gabala De mundi creat hom 6 (PG 56 487) laquo agrave Porphyrehellip celui qui a composseacute [un ouvrage] contre les chreacutetiens raquo (Πορϕυρίῳ τῷ κατὰ Χριστιανῶν συγγράψαντι) et Neacutemeacutesius drsquoEacutemegravese De nat hom 3 (p 42 22-23 Morani) laquo Porphyre celui qui a agiteacute sa langue contre le Christ raquo (Πορϕύριος ὁ κατὰ τοῦ Χριστοῦ κινήσας τὴν ἑαυτοῦ γλῶσσαν)

Beatrice cite eacutegalement des formules drsquoOrigegravene ou drsquoEusegravebe qui eacutevoquent lrsquoἈληθὴς λόγος de Celse comme un eacutecrit poleacutemique dirigeacute Κατὰ Χριστιανῶν ou καθrsquo ἡμῶν28

Mais le fait que la formule puisse srsquointerpreacuteter dans un sens faible ne prouve cependant pas que dans des contextes ougrave lrsquoauteur eacutenumegravere des titres drsquoouvrages (comme dans la Souda ougrave la plupart des autres titres rappelons-le sont confirmeacutes par des fragments porphyriens) ou donne la reacutefeacuterence litteacuteraire drsquoune citation (comme chez Eusegravebe dans les passages que nous allons examiner) elle doive neacutecessairement ecirctre ainsi interpreacuteteacutee mecircme lorsque lrsquoauteur ne preacutecise pas qursquoil cite expresseacutement le titre drsquoun ouvrage Car les innombrables titres drsquoouvrages comportant κατὰ+geacuten ou πρὸς+acc en grec ne sauraient ecirctre reacuteduits agrave de pures eacutevocations de leur laquo cible raquo litteacuteraire

Crsquoest le contexte seul qui permet drsquoeacutetablir la preacutecision de la reacutefeacuterence Prenons par exemple les quatre reacutefeacuterences suivantes au Contre Celse drsquoOrigegravene que nous trouvons dans la Philocalie29

laquoExtraits des Tomes contre Celse celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens tomes 6 et 7raquo ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τοῦ κατὰ χριστιανῶν γράψαντος τόμου ϛʹ καὶ ζʹ (chap 15)

laquoDu tome 3 contre Celseraquo τόμου γʹ κατὰ Κέλσου (chap 16)laquoExtraits des tomes 1 et 5 de lrsquoouvrage contre Celseraquo ἐκ τοῦ αʹ καὶ εʹ τόμου τῶν κατὰ Κέλσου

(chap 17)laquoExtraits du tome 3 du mecircme traiteacute contre Celseraquo ἐν τῷ τρίτῳ τόμῳ τῆς αὐτῆς κατὰ Κέλσου

πραγματείας (18) Harl ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τόμου αʹ καὶ γʹ (chap 18)

27 laquo Title raquo p 222 28 Origegravene Contre Celse prooem 4 laquo Et je ne sais pas dans quelle cateacutegorie il faut ranger celui qui a besoin de discours eacutecrits dans des livres en reacuteponse aux charges de Celse contre les chreacutetiens (πρὸς τὰ Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐγκλήματα) pour ressaisir et remettre debout une foi qui chancelleraquo (trad M Borret 1967) Voir aussi au deacutebut du prologue la formule laquocontre les faux teacutemoignages de Celse contre les chreacutetiens dans son traiteacute (πρὸς τὰς Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐν συγγράμμασι ψευδομαρτυρίας) raquo Eusegravebe Hist eccl VI 36 2 (agrave propos drsquoOrigegravene) laquo Agrave cette eacutepoque aussi il compose les huit livres pour reacutepondre agrave lrsquoouvrage dirigeacute contre nous par Celse lrsquoeacutepicurien et intituleacute Discours veacuteritable (τὰ πρὸς τὸν ἐπιγραμμένον καθrsquo ἡμῶν Κέλσου τοῦ Ἐπικουρείου Ἀληθῆ λόγον)hellip raquo 29 Voir Origegravene Philocalie 1-20 Sur les Eacutecritures Introduction texte traduction et notes par Marguerite Harl et La Lettre agrave Africanus sur lrsquohistoire de Suzanne Introduction texte traduction et notes pas Nicholas de Lange coll SC 302 Paris 1983

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Ces formules sont eacutequivalentes On peut toujours dire qursquoaucune des quatre mecircme la quatriegraveme ne preacutesente explicitement les mots laquo Contre Celse raquo comme le titre mecircme de lrsquoouvrage drsquoOrigegravene mais il faut au moins reconnaicirctre (a) qursquoon ne connaicirct pas drsquoautre titre (b) que cette faccedilon de deacutesigner lrsquoouvrage eacutetait aux yeux des compilateurs suffisamment explicite pour identifier un ouvrage particulier

Dans une liste de titres on ne voit pas pourquoi la Souda aurait preacutefeacutereacute eacutevoquer les quinze livres eacutecrits par Porphyre contre les chreacutetiens plutocirct que drsquoen donner le titre preacutecis si vraiment ce titre avait eacuteteacute diffeacuterent et si lrsquoauteur lrsquoavait connu

Attestations du titre du ldquoContra Christianosrdquo

Reste agrave savoir si nous nrsquoavons pas drsquoattestation plus ancienne de ce titre Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui cite geacuteneacuteralement de faccedilon preacutecise ses sources nous a transmis plusieurs extraits litteacuteraux du traiteacute de Porphyre dirigeacute contre les chreacute-tiens Consideacuterons en quels termes il introduit chacune de ces citations en trois passages capitaux

Dans sa Preacuteparation eacutevangeacutelique V 1 9 ougrave il veut montrer que les deacutemons mauvais ont perdu de leur puissance depuis la venue de Jeacutesus-Christ parmi les hommes il introduit dans les termes suivants le fragment 80 du recueil de von Harnack

laquo hellipcrsquoest encore lrsquoauteur mecircme qui est agrave notre eacutepoque lrsquoavocat des deacutemons qui dans le pamphlet30 qursquoil a eacutecrit contre nous porte teacutemoignage en ces termeshellip raquo31

Dans la Preacuteparation eacutevangeacutelique I 9 20 crsquoest le fragment 41 qui est ainsi preacutesenteacute

laquo Lrsquoauteur qui de nos jours a monteacute son pamphlet contre nous rappelle ces faits32 dans le quatriegraveme livre de lrsquoouvrage ougrave il nous attaquehellip raquo33

30 E des Places a traduit συσκευή par laquo pamphlet raquo et PF Beatrice par laquo compilation raquo Compilation est effectivement donneacute par le dictionnaire de Lampe (PGL) mais le seul exemple fourni est un passage drsquoEusegravebe On ne voit pas tregraves bien ce que Porphyre aurait ici compileacute A lire lrsquoen-semble des occurrences chez Eusegravebe on retiendra plutocirct le sens de laquo machination raquo laquo complot raquo souvent en association avec κατὰ+geacuten par exemple le complot du peuple juif contre le Christ (Hist eccl I 3 6) La formule consacreacutee chez Eusegravebe agrave propos de Porphyre est ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν (Praep evang I 9 20 voir aussi V 5 5 V 36 5 X 9 12) Voir aussi en X 9 11 ὃς τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν ὑπερβολῇ μίσους προβεβλημένος A propos drsquoun ouvrage de Molon contre les Juifs Eusegravebe emploie une formule semblable ῾Ὁ δὲ τὴν συσκευὴν τὴν κατὰ Ἰουδαίων γράψας Μόλων Comme le mot est souvent employeacute avec des verbes comme ldquoeacutecrirerdquo (Praep evang X 9 12) on peut estimer que pamphlet (diffamatoire) est une assez bonne traduction 31 Eusegravebe Preacutep eacutevang V 1 9 περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον (suit le fr 80 Harnack) 32 Ou laquo mentionne ces deux auteurs raquo crsquoest-agrave-dire Sanchouniathon et Philon de Byblos 33 Eusegravebe Preacutep eacutevang I 9 20 (trad J Sirinelli) μέμνηται τούτων ὁ καθrsquo ἡμᾶς τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν ἐν τετάρτῳ τῆς πρὸς ἡμᾶς ὑποθέσεως (suit le fr 41 Harnack)

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Dans son Histoire eccleacutesiastique VI 19 2-4 Eusegravebe introduit le fragment 39 du recueil de von Harnack

laquo Pourquoi faut-il dire cela lorsque encore de nos jours Porphyre srsquoest eacutetabli en Sicile y a composeacute des eacutecrits contre nous et srsquoest efforceacute drsquoy calomnier les Eacutecritures divineshellip raquo34

A la fin de lrsquoextrait (VI 19 9) il preacutecise le livre drsquoougrave est tireacute ce passage laquo Voilagrave ce qui a eacuteteacute eacutecrit par Porphyre au troisiegraveme des livres qursquoil a eacutecrits contre les chreacutetienshellip

Que ne devait pas faire lrsquoadversaire des chreacutetiens raquo35

On imagine mal qursquoEusegravebe nrsquoait pas penseacute citer un titre preacutecis lorsqursquoil a eacutecrit κατὰ τὸ γʹ σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν Beatrice36 fait reacutefeacuterence agrave ce passage mais il ne lui consacre aucune explication Si Eusegravebe avait connu lrsquoouvrage sous un autre titre notamment en tant que Philosophie des oracles il aurait vraisemblablement pris la peine de lrsquoindiquer ici

On a peine agrave croire que dans tous ces passages Eusegravebe ait eu agrave lrsquoesprit un titre de Porphyre qursquoil se serait borneacute agrave eacutevoquer sans le mentionner Eusegravebe eacutetant lrsquoauteur le plus proche chronologiquement de Porphyre et lrsquoun des seuls agrave avoir lu directement lrsquoouvrage son teacutemoignage doit ecirctre tenu comme le plus deacutecisif

On peut admettre agrave la limite qursquoEusegravebe ne pensait pas citer un titre comme tel on peut mecircme admettre que lrsquoouvrage nrsquoeacutetait connu que par un titre descriptif mais ce qui est exclu est qursquoEusegravebe ait employeacute de telles formules alors mecircme qursquoil connaissait lrsquoouvrage sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας

Les reacutefeacuterences preacutecises de Jeacuterocircme agrave lrsquoouvrage de Porphyre ressemblent tout agrave fait agrave celles que donne Eusegravebe

Fr 9a Harnack laquo hellipce Porphyre impie qui eacutecrivit contre nous et en plusieurs volumes deacuteversa sa rage au tome XIVhellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius qui adversum nos conscripsit et multis voluminibus rabiem suam evomuit in XIV voluminehellip)

Fr 21a Harnack laquo hellip Ce Bataneacuteote et ce sceacuteleacuterat de Porphyre au premier livre de son ouvrage contre noushellip raquo (hellipBataneotes et sceleratus ille Porphyrius in I operis sui adversum nos librohellip)

Fr 40 Harnack laquo hellipcet impie de Porphyre au livre IV de son livre qursquoau prix drsquoun vain labeur il a composeacute contre noushellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius in IV operis sui libro quod adversum nos casso labore contexuithellip)

Fr 43 a Harnack laquo Contre le prophegravete Daniel Porphyre a eacutecrit le livre XII raquo (Contra prophetam Danielem XII librum scripsit Porphyrius)

34 Eusegravebe Hist eccl VI 19 2-4 (trad Bardy) τί δεῖ ταῦτα λέγειν ὅτε καὶ ὁ καθrsquo ἡμᾶς ἐν Σικελίᾳ καταστὰς Πορϕύριος συγγράμματα καθrsquo ἡμῶν ἐνστησάμενος καὶ διrsquo αὐτῶν τὰς θείας γραϕὰς διαβάλλειν πεπειραμένος En suivant TD Barnes (laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65) on peut aussi comprendre laquo lorsque mecircme Porphyre qui de nos jours srsquoest eacutetabli en Sicile raquo 35 Ibid VI 19 9 (conclusion) ταῦτα τῷ Πορϕυρίῳ κατὰ τὸ τρίτον σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν εἴρηται () (τί γὰρ οὐκ ἔμελλεν ὁ κατὰ Χριστιανῶν ) 36 laquo Title raquo p 233 n 79

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Fr 44 Harnack laquo au livre XIII de son ouvrage contre nous Porphyre a profeacutereacute de nombreux blas-phegravemeshellip raquo (multa Porphyrius XIII operis sui volumine contra nos blasphemavithellip)

Toutes ces reacutefeacuterences ont en commun de signaler un livre particulier de lrsquoouvrage de Porphyre sans preacuteciser le titre exact de cet ouvrage autrement que par son caractegravere antichreacutetien

On doit eacutegalement tenir compte des divers deacutecrets impeacuteriaux dirigeacutes contre Porphyre Mme Digeser signale que le rapprochement qui est fait avec les Ariens montre que le grand reproche qui est adresseacute au philosophe est sans doute de nier la diviniteacute du Christ Sans le dire ouvertement elle semble consideacuterer que le traiteacute viseacute eacutetait la Philosophie des Oracles un ouvrage ougrave le problegraveme eacutetait abordeacute laquo un ouvrage qui eacutetait pris beaucoup plus au seacuterieux que le Contre les chreacutetiens raquo37 Or pas plus qursquoEusegravebe ou Jeacuterocircme les Empereurs nrsquoont pris la peine de deacutesigner lrsquoouvrage condamneacute autrement que par des formules geacuteneacuterales

laquo Porphyre lrsquoennemi de la religion qui a composeacute des ouvrages sacrilegraveges contre le culte divinhellip raquo Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρός συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος (Socrate Hist eccl I 9 30 [concerne le Concile de Niceacutee en 324] = 38 T Smith)

laquo hellipce que Porphyre entraicircneacute par sa folie a eacutecrit contre le pieux culte des chreacutetienshellip raquo ὅσα Πορϕύριος ὑπὸ τῆς ἑαυτοῦ μανίας ἐλαυνόμενος κατὰ τῆς εὐσεβοῦς θρησκείας τῶν Χριστιανῶν συνέγραψε (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 66 8-12 [en 448] = 40 T Smith)

laquo hellipagrave propos des livres de Porphyre ceux qui ont eacuteteacute composeacutes contre le saint culte des chreacutetienshellip raquo περί τε τῶν βιβλίων Πορϕυρίου τῶν κατὰ τῆς εὐαγοῦς τῶν Χριστιανῶν θρησκείας | συγγραϕέντων (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 67 7-15 [en 448] = 41 T Smith)

laquo hellipet que nul ne possegravede ne lise ne copie ni ne mentionne Nestorius aussi bien ses paroles que ses livres criminels et surtout ceux qursquoa publieacutes Porphyre contre les seules Eacutecritures chreacutetienneshellip raquo nec habeat aliquis aut legat aut transcribat proferatve Nestorium vel terminos eius aut codices noxios et maxime quos contra solas38 Porphyrius edidit Christianas litteras (Acta Conciliorum Oecumenicorum II 3 2 p 89 14-16 [en 451 ] = 42 T Smith)

laquo hellipce qui a eacuteteacute dit par Porphyre contre les chreacutetienshellip raquo τοῖς παρὰ Πορϕυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις (Acta Conciliorum Oecumenicorum III p 121 22-26 [en 536] = 43 T Smith)

Si les autoriteacutes impeacuteriales se sont contenteacutees de telles formulations crsquoest que celles-ci suffisaient agrave identifier un ouvrage preacutecis de Porphyre et non pas nrsquoim-porte quel de ses ouvrages En tout cas il est difficilement imaginable que de telles formules aient pu viser un ouvrage comme la Philosophie des Oracles que lrsquoon retrou-vera citeacute tout au long du ive siegravecle et cette difficulteacute ne peut que srsquoaccroicirctre si lrsquoon en vient agrave identifier agrave ce traiteacute drsquoautres traiteacutes comme le De regressu animae comme le voudrait Mme Digeser agrave la suite de JJ OrsquoMeara ou toute une seacuterie de traiteacutes porphyriens comme lrsquoenvisage M Beatricehellip Que la Philosophie des Oracles ait rejeteacute la diviniteacute du Christ nrsquoexclut eacutevidemment pas que Porphyre ait pu adopter la mecircme position dans un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens

37 laquo a work taken far more seriously than Against the Christians raquo (E DePalma Digeser art citeacute p 135) 38 Solas est inattendu sanctas

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Mais puisqursquoon ne trouve pas de fait en dehors de la Souda de citation ougrave Contre les chreacutetiens soit explicitement preacutesenteacute comme le titre de lrsquoouvrage au moyen drsquoun terme comme ἐπιγράϕειν admettons que le titre ne soit pas parfai-tement eacutetabli

Les reacutefeacuterences les plus explicites au traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo

Une douzaine de fragments du recueil de von Harnack contiennent une reacutefeacute-rence preacutecise agrave un ouvrage antichreacutetien de Porphyre et mecircme agrave un livre particu-lier de ce traiteacute Mecircme en laissant de cocircteacute tous les autres fragments ougrave le nom de Porphyre nrsquoapparaicirct pas et mecircme ceux ougrave il est mentionneacute sans reacutefeacuterence preacutecise agrave un ouvrage qursquoil aurait composeacute on peut se faire ainsi une ideacutee assez preacutecise de lrsquoouvrage

Cinq ou six livres de lrsquoouvrage sont eacutevoqueacutes de faccedilon explicite Il srsquoagit des livres I III et IV XII etou XIII et enfin XIV

Que lrsquoon y voie un titre ou une simple deacutesignation de son contenu on constate que lrsquoouvrage est deacutesigneacute tant chez les Grecs que chez les | Latins par des formules quasi identiques il eacutetait eacutecrit contra nos adversum nos contra Christianos καθrsquo ἡμῶν κατὰ Χριστιανῶν

Enfin plusieurs fragments permettent drsquoeacutetablir que lrsquoouvrage attaquait direc-tement les chreacutetiens les Eacutecritures Saintes et notamment le livre de Daniel

Crsquoest cet ouvrage que reacutefutegraverent Meacutethode drsquoOlympe Eusegravebe de Ceacutesareacutee et Apollinaire de Laodiceacutee peut-ecirctre drsquoautres auteurs chreacutetiens comme Philostorge et crsquoest cet ouvrage que condamnegraverent au moins agrave deux reprises les empereurs chreacutetiens

Je ne retiens que ces informations minimales pour montrer que lrsquoexistence drsquoun traiteacute antichreacutetien de Porphyre ne saurait ecirctre remise en question mecircme si lrsquoon reacuteduisait le recueil des fragments agrave un noyau regroupant uniquement des frag-ments rattacheacutes explicitement agrave un traiteacute eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens

Le ldquoContra Christianosrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquoSelon Beatrice Eusegravebe et plusieurs autres auteurs chreacutetiens connaissaient

le titre veacuteritable de ce traiteacute dirigeacute contre les chreacutetiens Crsquoeacutetait la Philosophie des oracles

Le principal argument de Beatrice semble ecirctre un passage de la Preacuteparation eacutevan-geacutelique dans lequel Eusegravebe introduit une citation de la Philosophie des Oracles en preacutesen-tant Porphyre comme ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος (V 5 5)

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne (ou ldquoqursquoexposerdquo ἐκτέθειται) de son cocircteacute

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lrsquoauteur du pamphlet (ldquocompilationrdquo Beatrice) dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles raquo39

Selon Beatrice40 il faudrait comprendre que ce pamphlet est la Philosophie des oracles ou encore que lrsquoouvrage qursquoEusegravebe srsquoapprecirctait agrave citer eacutetait le pamphlet anti-chreacutetien eacutevoqueacute

De mecircme dans la Deacutemonstration eacutevangeacutelique III 6 39 Eusegravebe introduit une cita-tion du troisiegraveme livre du mecircme ouvrage en lrsquoattribuant agrave lrsquoennemi des chreacutetiens τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου

laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo41

La conclusion qursquoen tire Beatrice est la suivante laquo On peut difficilement ne pas reconnaicirctre que dans lrsquoensemble de la litteacuterature chreacutetienne

antique ce passage de la Deacutemonstration eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe est le seul dans lequel il est eacutetabli sans ambiguiumlteacute que le titre de lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre eacutetait Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo42

On trouverait une confirmation de cette identification en Praep evang IV 6 2-3 Apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un philosophe laquo ami des deacutemons raquo (δαιμόνων ϕίλον) et comme laquo un contemporain qui srsquoest enorgueilli des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous raquo (ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις) Eusegravebe enchaicircne

39 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) () τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται La traduction fournie par Beatrice laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 247 emprunteacutee agrave EH Gifford (Oxford 1903) donne un seacuterieux coup de pouce agrave lrsquoidentification des deux traiteacutes laquo the author of the compulation against us in the book which he entitled Of the Philosophy to be derived from Oracles raquo Mais ἐν οἷς ἐπέγραψε κτλ se rapporte au verbe ἐκτέθειται et non agrave πεποιημένος 40 laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 347 41 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται ὧδέ πως ἱστορῶν κατὰ λέξιν 42 laquo It can hardly be denied that in the whole of ancient Christian literature this passage from Eusebiusrsquos Proof of the Gospel is the only one in which it is unambiguously stated that the title (ἐπέγραψεν) of Porphyryrsquos anti-Christian writing (τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς) was Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (Beatrice laquo Title raquo p 235) Voir laquo Title raquo p 234 et laquo Towards a new edition raquo p 349 ougrave Beatrice parle de ldquodecisive evidencerdquo Beutler (RE XXII1 col 298) semble avoir attribueacute le fragment (Dem evang III 6) non pas agrave la Philosophie des oracles mais au traiteacute Contre les chreacutetiens Il eacutetablirait selon Beatrice laquo Title raquo p 234 un rapprochement avec Eusegravebe Hist eccl VI 19 et Augustin De civ Dei XIX 23 Mais il srsquoagit sans doute drsquoune simple erreur de Beutler Il y a lagrave une reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles traiteacute que Beutler pour sa part distingue nettement du Contra Christianos

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laquo Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des | dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo43

Voir encore Eusegravebe Praep evang V 36 5 laquo Apregraves ces propos passe maintenant agrave la Philosophie tireacutee des oracles de celui qui a composeacute

contre nous son reacutequisitoire (ou pamphlet )hellip raquo44

Dans ces quatre passages une citation de la Philosophie des oracles de Porphyre est preacutesenteacutee comme lrsquoœuvre drsquoun adversaire du christianisme Beatrice en conclut systeacutematiquement que lrsquoœuvre antichreacutetienne agrave laquelle pensait Eusegravebe eacutetait la Philosophie des oracles45

Pour toute la tradition byzantine46 la deacutesignation officielle de Porphyre est ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας celui qui srsquoest exprimeacute κατὰ Χριστιανῶν47 celui qui agiteacute sa langue impure contre les chreacutetiens48 ou contre la veacuteriteacute49 Il est lrsquoennemi de la religion chreacutetienne50 La formule ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας pourrait provenir drsquoEusegravebe qui mentionne | reacuteguliegraverement Porphyre comme laquo notre contemporain qui a composeacute son pamphlet contre nous raquo

43 Eusegravebe Praep evang IV 6 3 (trad O Zink) οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγω γὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας Voir laquo Title raquo p 233 44 Eusegravebe Praep evang V 36 5 (trad Eacuted des Places) ἀλλὰ γὰρ μετὰ τὰ εἰρημένα μεταβὰς αὖθις ἐπὶ τὴν Ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίαν τοῦ τὴν συσκευὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένου Voir laquo Title raquo p 233 45 Beatrice suit peut-ecirctre dans son interpreacutetation de ce passage JJ OrsquoMeara Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in Augustine Paris 1959 p 107 qui eacutecrit laquo Il est peut-ecirctre bon drsquoindiquer degraves le deacutebut qursquoEusegravebe deacutecrit la Philosophie des oracles comme une compilation dirigeacutee ldquocontre nousrdquo crsquoest-agrave-dire contre les Chreacutetiens raquo (laquo It may be well to state at the outset that Eusebius describes the Philosophy from Oracles as a compilation made ldquoagainst usrdquo that is Christians raquo) 46 Georges le Moine Chron 539 καὶ Πορϕύριος ὁ Τύριος ὑπάρχων πολλὰ κατὰ τῆς πίστεως ἡμῶν ἐκμανεὶς ἐλύσσησεν χριστιανὸς γὰρ γενόμενος καὶ τυπτηθεὶς ὑπό τινος χριστιανοῦ ἐν Παλαιστίνῃ θυμωθεὶς μετῆλθε πάλιν εἰς τὸν ἑλληνισμὸν ὁ ταλαίπωρος καὶ κατὰ τῆς πίστεως ἐδογμάτισεν Cedrenus vol I p 441 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ὁ ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Symeon Logothetes Chron p 71 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας καὶ Ἀϕρικανὸς ὁ σοϕώτατος Souda E 1454 ἐντελέχειαν λέγει ὁ Πορϕύριος τὴν ψυχήν ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Τύριος ϕιλόσοϕος 47 Cf Justinien Nov XLII 2 τοῖς παρὰ Πορφυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις 48 Souda Π 2473 Πρόκλος ὁ δεύτερος μετὰ Πορϕύριον κατὰ Χριστιανῶν τὴν μιαρὰν καὶ ἐϕύβριστον αὐτοῦ γλῶσσαν κινήσας 49 Theacuteophane le Confesseur Chron p 52 Πορϕύριος δέ ὁ καθrsquo ἡμῶν λυττήσας μετῆλθεν εἰς τὸν ἑλληνισμόν καὶ τότε γράψαι κατὰ τῆς ἀληθείας ὁ κύων ἐτόλμησεν 50 Cyrille Contra Iulianum I 38 (= F 203 Smith) Πορϕύριος μὲν οὖν ὁ πικροὺς ἡμῶν καταχέας λόγους καὶ τῆς Χριστιανῶν θρησκείας μονονουχὶ κατορχούμενος Socrate I 9 Ὥσπερ τοίνυν Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρὸς συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 5: Contra Christianos

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dite tireacutee drsquoun dixiegraveme livre dans un7 manuscrit du xvie siegravecle8 Mais le mecircme passage est attribueacute de faccedilon beaucoup moins eacutetonnante au deuxiegraveme livre dans un manuscrit de Naples (Borbonicus) du xive siegravecle9

ndash Ces diffeacuterents traiteacutes notamment la Philosophie des Oracles sont citeacutes tout au cours des ive-ve siegravecles alors que le traiteacute Contre les chreacutetiens a eacuteteacute interdit par Constantin et nrsquoa pas laisseacute de traces litteacuteraires manifestes prouvant une lecture directe apregraves Eusegravebe de Ceacutesareacutee sinon peut-ecirctre chez Apollinaire de Laodiceacutee

Le Prologue de la ldquoPhilosophe des oraclesrdquo

La Philosophie des Oracles est un ouvrage relativement bien connu gracircce agrave une cinquantaine de fragments10 qui ont conserveacute plus de 300 vers ainsi que le Prologue dans lequel Porphyre expose ses objectifs Lrsquointention de lrsquoauteur eacutetait de construire une sorte de philosophie religieuse | sur la base drsquooracles officiels ou priveacutes Selon Augustin (Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) Porphyre laquo recueille et transcrit les soi-disant reacuteponses des dieux relatives agrave des questions de philosophie raquo (exequitur atque conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsa) Les fragments se preacutesentent toujours comme des citations et des commentaires drsquooracles

Pour comprendre ce que ces oracles repreacutesentaient pour Porphyre il faut lire le Prologue de lrsquoouvrage11 On y voit exprimeacutee la soif drsquoune veacuteriteacute incontestable capable de fonder les espeacuterances du salut

[303 F] laquo Il est solide et ineacutebranlable celui qui puise en cet ouvrage ses espeacuterances drsquoobtenir le salut comme en lrsquounique source sucircre Voilagrave aussi ceux agrave qui tu le communiqueras tu le feras sans rien retrancher puisque aussi bien je prends les dieux agrave teacutemoin de ce que je nrsquoai pour ma part rien ajouteacute ni rien retrancheacute des ideacutees exprimeacutees dans les oracles sauf que jrsquoai corrigeacute telle expres-sion fautive ou lrsquoai remplaceacutee dans le sens drsquoune plus grande clarteacute ou combleacute un vers deacuteficient ou

7 Un manuscrit car celui drsquoA Steuchus est manifestement celui qursquoa connu Angelo Mai crsquoest-agrave-dire lrsquoAmbrosianus 569 Les deux auteurs signalent la mecircme faute εὐλογίων Voir aussi Beatrice Theosophia p xxv n 70 8 laquo Towards a new edition raquo p 351 voir aussi Theosophia p xxv n 70 9 Voir lrsquoeacutedition de G Wolff Porphyrii De Philosophia ex Oraculis haurienda librorum reliquiae Berlin 1856 reacuteimpr Hildesheim 1962 p 39 et 143-147 et E DePalma Digeser laquo Lactantius Porphyry and the Debate over Religious Toleration raquo JRS 88 1998 p 129-146 notamment p 138 n 72 Voir fr 325 Smith et H Erbse (eacutedit) Theosophorum Graecorum Fragmenta iterum recensuit HE coll laquo Bibliotheca Teubneriana raquo StuttgartLeipzig 1995 p 18 li 225 (Theosophia sect 27) A = Ambrosianus 569 s XVI T = Tubingensis Mb 27 a 1580 Dans la reacutecente eacutedition de PF Beatrice Theosophia I 24 li 195 10 Nouvelle eacutedition des fragments dans Porphyry Philosophi Fragmenta edidit Andrew Smith Fragmenta Arabica David Wasserstein interpretante coll BT StuttgartLeipzig 1993 fr 303-350 p 351-407 11 Porphyre De Philosophia ex oraculis haurienda Prologue apud Eusegravebe Praep evang IV 6 2-7 2 7 2-8 1 p 109-110 Wolff 303-304 F Smith

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supprimeacute telle parole ne se rapportant pas au sujet Ainsi ai-je conserveacute intact le sens des paroles craignant davantage lrsquoimpieacuteteacute qursquoil y aurait agrave toucher agrave ces oracles que le chacirctiment vengeur qui suivrait cette profanation

La preacutesente collection consignera une foule de doctrines philosophiques conformes agrave ce que les dieux ont reacuteveacuteleacute ecirctre la veacuteriteacute Nous toucherons aussi un peu agrave la discipline oraculaire12 enseigne-ment utile agrave la contemplation ainsi qursquoagrave la purification de la vie

Quant agrave lrsquoutiliteacute de cette collection elle sera facilement ressentie par ceux qui dans leur doulou-reux enfantement de la veacuteriteacute ont un jour prieacute pour trouver dans lrsquoexpeacuterience drsquoune eacutepiphanie des dieux un terme agrave leur embarras gracircce agrave lrsquoenseignement digne de toute creacuteance de ceux qui parleraient

[304 F] Quant agrave toi essaie srsquoil est des veacuteriteacutes agrave ne pas divulguer de ne pas divulguer celles-lagrave et de ne pas les jeter aux profanes que ce soit pour la gloriole le profit ou quelque autre flatterie impure Le risque serait alors grand non seulement pour toi qui enfreindrais ces preacuteceptes mais eacutegalement pour moi qui aurais accordeacute une confiance facile agrave qui ne pouvait tenir secregravetes les bien-faisances dont il faisait lrsquoobjet Il faut donc les livrer agrave ceux qui ont disposeacute leur vie en vue du salut de leur acircme Cache-moi ces oracles comme les plus secrets des mystegraveres car les dieux eux non plus nrsquoont pas deacutelivreacute sur ces questions des oracles clairs mais eacutenigmatiques raquo13

Porphyre a donc rassembleacute dans un recueil (συναγωγή employeacute deux fois par Porphyre en Praep evang IV 7 2) des oracles drsquoApollon des autres dieux et des

12 ἐπrsquo ὀλίγον δὲ καὶ τῆς χρηστικῆς ἁψόμεθα πραγματείας Χρηστικός nrsquoa pas selon nos diction-naire le sens drsquolaquo oraculaire raquo Crsquoest pourtant le sens qursquoil faut supposer dans le preacutesent contexte pour qualifier cette πραγματεία utile agrave la contemplation et agrave la purification Voir eacutegalement quelques lignes plus haut τῶν χρησθέντων νοημάτων Voir la note drsquoOdile Zink dans lrsquoeacutedition des Sources chreacutetiennes (SC 262 1979) p 122 n 1 qui suppose un sens deacuteriveacute du verbe χράω (=rendre des oracles) non mentionneacute par Bailly ou Liddell-Scott Certains oracles sont consacreacutes agrave lrsquoexposition du rituel chaldaiumlque ce qui ne veut pas dire qursquoils eacutetaient emprunteacutes agrave la collection ancienne drsquoOra-cles chaldaiumlques Le chapitre III de lrsquoouvrage de H Lewy Chaldaean Oracles and Theurgy Mysticism Magic and Platonism in the Later Roman Empire Le Caire 1956 nouvelle eacutedition par Michel Tardieu Paris 1978 p 177-226 (laquo Theurgical Elevation raquo) et le chapitre IV p 227 257 (laquo The magical ritual of the Chaldaeans raquo) commentent ces Oracles Mecircme si les oracles du recueil porphy-rien ne sont pas chaldaiumlques ils sont directement influenceacutes par ce rituel 13 Eusegravebe Praep evang IV 7 1 - 8 2 t I p 177 4-17 et p 178 1-68-9 Mras ΕK ΤΩΝ ΠΟΡΦΥΡΙΟΥ - ΟΡΚΟΣ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΧΡΗΣΜΩΝ

Βέβαιος δὲ καὶ μόνιμος ὁ ἐντεῦθεν ὡς ἂν ἐκ μόνου βεβαίου τὰς ἐλπίδας τοῦ σωθῆναι ἀρυτόμενος οἷς δὴ καὶ μεταδώσεις μηδὲν ὑϕαιρούμενος ἐπεὶ κἀγῶ τοὺς θεοὺς μαρτύρομαι ὡς οὐδὲν οὔτε προστέθεικα οὔτε ἀϕεῖλον τῶν χρησθέντων νοημάτων εἰ μή που λέξιν ἡμαρτημένην διώρθωσα ἢ πρὸς τὸ σαϕέστερον μεταβέβληκα ἢ τὸ μέτρον ἐλλεῖπον ἀνεπλήρωσα ἤ τι τῶν μὴ πρὸς τὴν πρόθεσιν συντεινόντων διέγραψα ὡς τόν γε νοῦν ἀκραιϕνῆ τῶν ῥηθέντων διετήρησα εὐλαβούμενος τὴν ἐκ τούτων ἀσέβειαν μᾶλλον ἢ τὴν ἐκ τῆς ἱεροσυλίας τιμωρὸν ἑπομένην δίκην Ἕξει δὲ ἡ παροῦσα συναγωγὴ πολλῶν μὲν τῶν κατὰ ϕιλοσοϕίαν δογμάτων ἀναγραϕήν ὡς οἱ θεοὶ τἀληθὲς ἔχειν ἐθέσπισαν ἐπrsquo ὀλίγον δὲ καὶ τῆς χρηστικῆς ἁψόμεθα πραγματείας ἥτις πρός τε τὴν θεωρίαν ὀνήσει καὶ τὴν ἄλλην κάθαρσιν τοῦ βίου Ἣν δrsquo ἔχει ὠϕέλειαν ἡ συναγωγή μάλιστα εἴσονται ὅσοιπερ τὴν ἀλήθειαν ὠδίναντες ηὔξαντό ποτε τῆς ἐκ θεῶν ἐπιϕανείας τυχόντες ἀνάπαυσιν λαβεῖν τῆς ἀπορίας διὰ τὴν τῶν λεγόντων ἀξιόπιστον διδασκαλίαν (hellip)

Σὺ δrsquo εἴπερ τι καὶ ταῦτα πειρῶ μὴ δημοσιεύειν μηδrsquo ἄχρι καὶ τῶν βεβήλων ῥίπτειν αὐτὰ δόξης ἕνεκα ἢ κέρδους ἤ τινος ἄλλης οὐκ εὐαγοῦς κολακείας κίνδυνος γὰρ οὐ σοὶ μόνον τὰς ἐντολὰς παραβαίνοντι

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bons deacutemons comme sources drsquoune philosophie reacuteveacuteleacutee (qursquoil aime appeler theacuteo-sophie 14) et drsquoune | liturgie (ou drsquoune mantique oraculaire) visant la contemplation et la purification de lrsquoacircme Ce preacuteambule correspond tregraves exactement au contenu des fragments conserveacutes Une reconstitution du traiteacute Sur la philosophie extraite des oracles de Porphyre qui ne se conformerait pas agrave cette image risquerait fort drsquoap-paraicirctre mal fondeacutee

On remarquera que lrsquoinjonction adresseacutee au destinataire de ne pas deacutevoiler ces oracles implique que lrsquoouvrage est destineacute agrave des paiumlens laquo ceux qui ont ordonneacute leur vie en vue du salut de leur acircme raquo et qursquoil pourrait difficilement ecirctre reacuteduit agrave une eacutecrit intentionnellement et ouvertement poleacutemique dirigeacute contre les chreacutetiens15

Les fragments antichreacutetiens

La lecture des fragments montre que la confrontation avec le christianisme nrsquoeacutetait certainement pas absente de lrsquoouvrage Mais il ne semble pas que Porphyre ait attaqueacute de front les chreacutetiens On constate au contraire que les chreacutetiens ont citeacute du De Philosophia des vers qui leur paraissaient favorables au Christ ou aux Juifs ou encore qui soulignaient la contrainte exerceacutee sur les dieux par le theacuteurge ou les passions manifesteacutees par les dieux

Quelques-uns cinq ou six sur une cinquantaine de fragments font reacutefeacuterence aux Juifs au Christ ou aux chreacutetiens 323-324 343-345 344a (fragment oublieacute par Wolff mais sans reacutefeacuterence preacutecise agrave la Philosophie des Oracles) Quelle que soit la perspective originale de Porphyre les chreacutetiens ont retenu de ces passages que

ταύτας ἀλλὰ κἀμοὶ ῥᾳδίως πιστεύσαντι τῷ στέγειν παρrsquo ἑαυτῷ μὴ δυναμένῳ τὰς εὐποιίας Δοτέον δὴ τοῖς τὸν βίον ἐνστησαμένοις πρὸς τὴν τῆς ψυχῆς σωτηρίαν

Ταῦτά μοι ὡς ἀρρήτων ἀρρητότερα κρύπτειν οὐδὲ γὰρ οἱ θεοὶ ϕανερῶς περὶ αὐτῶν ἐθέσπισαν ἀλλὰ διrsquo αἰνιγμάτων 14 Selon PF Beatrice Theosophia p xxix-xxx laquo the Theosophy appears to be the work capable of refuting and replacing Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in the religious and philosoph-ical culture of that time raquo Beatrice rappelle que deux oracles du recueil proviennent de la Philosophie des oracles mais il estime probable que laquo Porphyryrsquos Philosophy from Oracles was if not the unique certainly the main source of the first book of the Theosophy devoted to the interpretation of the pagan oracles raquo Faut-il comprendre que drsquoautres oracles pourraient lui ecirctre attribueacutes 15 La perspective antichreacutetienne nrsquoeacutetait donc pas inscrite dans la forme de lrsquoouvrage Elle ne saurait justifier lrsquoattribution agrave la Philosophie des oracles des deacuteclarations precircteacutees agrave un paiumlen anonyme par Eusegravebe dans le Prologue de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique Voir RL Wilken laquo Pagan criticism of Christianity Greek religion and Christian faith raquo dans WR Schoedel et RL Wilken (eacutedit) Early christian literature and the classical intellectual tradition In honorem Robert M Grant coll laquo Theacuteologie historique raquo 54 Paris 1979 p 127 suivi sur ce point par Mme Digeser art citeacute p 129 n 1 et p 138 A von Harnack les avait inscrits comme fragment 1 du Contra Christianos par respect sans doute pour le leacutegendaire flair philologique de son confregravere Wilamowitz agrave lrsquoAcadeacutemie de Berlin Voir U von Wilamowitz-Moellendorf laquo Ein Bruchstuumlck aus der Schrift des Porphyrius gegen die Christen raquo ZNW 1 1900 p 101-105

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Porphyre y eacutetait favorable aux Juifs et au Christ plus aux Juifs qursquoau Christ plus au Christ qursquoaux chreacutetiens De lrsquoensemble de lrsquoouvrage ils ont cru pouvoir tirer une critique de la deacutemonologie et de la theacuteologie paiumlenne Mecircme en supposant que les chreacutetiens nrsquoont pas compris la perspective fondamentale de Porphyre le moins que lrsquoon puisse dire est qursquoils nrsquoont pas vu dans cet ouvrage un traiteacute dirigeacute expresseacutement contre les chreacutetiens Aux yeux drsquoAugustin lrsquohabileteacute de Porphyre consistait au contraire agrave louer le Christ pour mieux deacutenoncer les chreacutetiens Selon toutes apparences il ne serait pas venu agrave lrsquoesprit des auteurs chreacutetiens de deacutesigner sans plus cet ouvrage comme un traiteacute contre les chreacutetiens

On pourrait consideacuterer que le reste des fragments exposait de faccedilon positive ndash par opposition au christianisme ndash la theacuteologie et le culte paiumlen tels que les reacuteveacute-laient les dieux dans leurs oracles si lrsquoon ne deacutecelait pas une certaine deacutepreacuteciation de la religion traditionnelle par rapport aux courants religieux orientaux Dans les fragments 323-324 (Eusegravebe Praep evang IX 10 1-2 et 3-5) Porphyre commente un oracle drsquoApollon en opposant les Barbares et les Hellegravenes les Barbares notam-ment les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Chaldeacuteens ou les Assyriens ainsi que les Lydiens et les Heacutebreux) ont deacutecouvert de nombreux sentiers pour conduire vers les dieux alors que les Hellegravenes se sont eacutegareacutes Il citait eacutegalement un oracle reacuteser-vant aux Chaldeacuteens et aux Heacutebreux lrsquoaccegraves agrave la sagesse et le culte pur du Dieu Pegravere et Roi Il est difficile de deacutecouvrir la position originale de Porphyre dans ce passage du fait qursquoEusegravebe et Augustin nrsquoont en geacuteneacuteral retenu que les extraits qui servaient leur propre cause Mais si vraiment la perspective de ce traiteacute avait eacuteteacute reacuteduite agrave une attaque contre le christianisme pourquoi Porphyre aurait-il pris la peine de deacutevelopper des positions aussi nuanceacutees

Mais une thegravese peut ecirctre surprenante paradoxale et ecirctre vraie Il faut donc se tourner vers lrsquoexamen des arguments avanceacutes par P F Beatrice dans ses diverses eacutetudes

Lrsquoautoriteacute drsquoA von Harnack

Beatrice fait eacutetat drsquoune deacuteclaration drsquoAdolf von Harnack16 (laquo this brilliant intuition raquo) qui preacutesentait le Contra Christianos sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας κατὰ Χριστιανῶν λόγοι ιεʹ (Sur la philosophie tireacutee des oracles contres les chreacute-tiens en quinze livres) Mais crsquoeacutetait lagrave manifestement une erreur deacutejagrave deacutenonceacutee par Hauschildt17 que lrsquohistorien nrsquoa jamais renouveleacutee dans ses eacutetudes consacreacutees au Contra Christianos

16 Adolf von Harnack Geschichte der altchristlichen Literatur bis Eusebius Berlin 1893 t I 2 p 873 citeacute par PF Beatrice laquo Towards a new edition raquo p 348-349

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Le titre ldquoContra Christianosrdquo

On pourrait soulever une objection de bon sens agrave une identification entre le traiteacute Contre les chreacutetiens et drsquoautres traiteacutes de Porphyre le titre et la dimension du traiteacute Contre les chreacutetiens ne correspondent agrave aucun des autres ouvrages avec lesquels on voudrait lrsquoidentifier Crsquoest pourquoi M Beatrice a consacreacute un article indeacutepen-dant agrave cette question preacuteliminaire18

Selon cet auteur le titre Contre les chreacutetiens serait mal attesteacute On ne dispose en effet que drsquoune seule attestation tardive puisqursquoelle se trouve | dans la Souda La liste des œuvres de Porphyre conserveacutee par la Souda signale Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ Un des manuscrits omet drsquoailleurs ce titre19 et il nrsquoapparaicirct pas dans les catalogues arabes20 Souda art Πορϕύριος Π 2098 t IV p 278 14-32 Adler

Πορϕύριος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας ὃς κυρίως ἐκαλεῖτο Βασιλεύς Τύριος ϕιλόσοϕος μαθητὴς Ἀμελίου τοῦ Πλωτίνου μαθητοῦ διδάσκαλος δὲ Ἰαμβλίχου γεγονὼς ἐπὶ τῶν χρόνων Αὐρηλιανοῦ καὶ παρατείνας ἕως Διοκλητιανοῦ τοῦ βασιλέως ἔγραψε βιβλία πάμπλειστα ϕιλόσοϕά τε καὶ ῥητορικὰ καὶ γραμματικά ἦν δὲ καὶ Λογγίνου τοῦ κριτικοῦ ἀκροασάμενος Περὶ θείων ὀνομάτων αʹ Περὶ ἀρχῶν βʹ Περὶ ὕλης ϛʹ Περὶ ψυχῆς πρὸς Βόηθον εʹ Περὶ ἀποχῆς ἐμψύχων δʹ Περὶ τοῦ Γνῶθι σαυτὸν δʹ Περὶ ἀσωμάτων Περὶ τοῦ μίαν εἶναι τὴν Πλάτωνος καὶ Ἀριστοτέλους αἵρεσιν ζʹ Εἰς τὴν Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ21 Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ22 Περὶ τῆς Ὁμήρου ϕιλοσοϕίας Πρὸς Ἀριστοτέλην τοῦ εἶναι τὴν ψυχὴν ἐντελέχειαν Φιλολόγου ἱστορίας βιβλία εʹ Περὶ γένους καὶ εἴδους καὶ διαϕορᾶς καὶ ἰδίου καὶ συμβεβηκότος Περὶ τῶν κατὰ Πίνδαρον τοῦ Νείλου πηγῶν Περὶ τῆς ἐξ Ὁμήρου ὠϕελείας τῶν βασιλέων βιβλία ιʹ Συμμίκτων ζητημάτων ζʹ Εἰς τὸ Θουκυδίδου προοίμιον Πρὸς Ἀριστείδην ζʹ Εἰς τὴν Μινουκιανοῦ τέχνην καὶ ἄλλα πλεῖστα καὶ μάλιστα ἀστρονομούμενα ἐν οἷς καὶ Εἰσαγωγὴν ἀστρονομουμένων ἐν βιβλίοις τρισί καὶ Γραμματικὰς ἀπορίας οὗτός ἐστιν ὁ Πορϕύριος ὁ τὴν κατὰ Χριστιανῶν ἐϕύβριστον γλῶσσαν κινήσας

laquo Porphyre celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens son nom veacuteritable eacutetait ldquoRoirdquo originaire de Tyr philosophe eacutelegraveve de lrsquoeacutelegraveve de Plotin Ameacutelius maicirctre de Jamblique il fut dans la force de lrsquoacircge agrave lrsquoeacutepoque drsquoAureacutelien et veacutecut jusqursquoagrave celle de lrsquoempereur Diocleacutetien Il a eacutecrit de tregraves nombreux ouvrages de philosophie de rheacutetorique et de grammaire Il avait eacuteteacute aussi lrsquoauditeur du critique Longin

Des noms divins un livreDes principes deux livresDe la matiegravere neuf livres

17 H Hauschildt De Porphyrio philosopho Macarii Magnetis apologetae Christiani Apokritikon auctore Diss Heidelberg Bonn 1907 p 38 n 1 18 Voir laquo Title raquo p 223 19 Voir J Bidez Vie de Porphyre le philosophe neacuteo-platonicien Gand 1913 p 52 Harnack op cit p 27 20 Voir Bidez op cit p 54-62 Harnack op cit p 27 21 Il y a manifestement ici une confusion de deux titres Rien agrave ce sujet dans lrsquoapparat drsquoA Adler sinon la correction ϕιλοσόϕων proposeacutee par Vales(ius) Jacoby FGrHist 260 T 1 laquo Sur les [eacutecrits] de Julien le Chaldeacuteen Histoire philosophique en quatre livres raquo Εἰς τὰ (corr Vales) Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ 22 Ce titre est absent dans le manuscrit Ω

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De lrsquoacircme contre Boegravece cinq livresDe lrsquoabstinence des ecirctres animeacutes quatre livresSur le ldquoConnais-toi toi-mecircmerdquo quatre livresDes incorporelsDe lrsquouniciteacute de la doctrine de Platon et drsquoAristote six livresSur lrsquohistoire philosophique de Julien le Chaldeacuteen en quatre livresDiscours contre les chreacutetiens quinze livresDe la philosophie drsquoHomegravereContre Aristote [et sa doctrine que ] lrsquoacircme est une enteacuteleacutechieHistoire philologique dix livresDu genre de lrsquoespegravece de la diffeacuterence du propre et de lrsquoaccidentDes sources du Nil selon PindareDe lrsquoutiliteacute drsquoHomegravere pour les rois dix livresRecherches mecircleacutees sept livresSur le prologue de ThucydideContre Aristide sept livresSur le manuel [de rheacutetorique] de MinucianusEt beaucoup drsquoautres surtout drsquoastronomie parmi lesquels une Introduction agrave lrsquoeacutetude de

lrsquoastronomie en trois livres et des Apories | grammaticales Crsquoest ce Porphyre qui a agiteacute sa langue insolente contre les chreacutetiens raquo

On remarquera que la Philosophie des oracles nrsquoapparaicirct pas dans cette liste ce qui aux yeux de M Beatrice milite en faveur drsquoune identification de ce traiteacute avec un autre traiteacute comme le Κατὰ Χριστιανῶν Mais cette liste est loin de contenir tous les ouvrages connus de Porphyre23 On y chercherait en vain la Vie de Plotin les Sentences ou Lrsquoantre des nymphes les Commentaires de Platon et drsquoAristote etc

Selon M Beatrice la formule de la Souda ne correspondrait pas agrave un titre formel mais se rapporterait agrave la theacutematique ou agrave la perspective litteacuteraire drsquoun ouvrage en quinze livres dirigeacute contre les chreacutetiens laquo Lrsquoexpression Κατὰ Χριστιανῶν pour-rait simplement indiquer la cible de lrsquoouvrage de Porphyre sans ecirctre son titre originel raquo24 A propos drsquoune reacutefeacuterence fournie par Augustin (laquo Ils ont exposeacute encore drsquoautres [objections ] qursquoils disaient extraites de Porphyre Contre les chreacutetiens comme si elles eacutetaient passablement pertinentes raquo)25 Beatrice eacutecrit de mecircme laquo Il reacutevegravele simplement la perspective antichreacutetienne des objections attri-bueacutees agrave Porphyre raquo26

23 Voir R Beutler art laquo Porphyrios raquo 21 RE XXII 1 1953 col 275-313 notamment col 278-301 24 laquo The expression Κατὰ Χριστιανῶν could simply indicate the target of Porphyryrsquos writing without being its original title raquo (laquo Title raquo p 222) 25 laquo Item alia proposuerunt quae dicerent de Porphyrio contra Christianos tamquam validiora decerpta raquo (Augustin Lettre 102 2 8 CSEL 34 2 p 551 5-6 Goldbacher) 26 laquo It simply reveals the anti-Christian intention of the objections attributed to Porphyry raquo (laquo Title raquo p 223)

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Pour illustrer ce sens purement descriptif de la formule employeacutee agrave propos de Porphyre Beatrice27 cite Seacuteveacuterien de Gabala De mundi creat hom 6 (PG 56 487) laquo agrave Porphyrehellip celui qui a composseacute [un ouvrage] contre les chreacutetiens raquo (Πορϕυρίῳ τῷ κατὰ Χριστιανῶν συγγράψαντι) et Neacutemeacutesius drsquoEacutemegravese De nat hom 3 (p 42 22-23 Morani) laquo Porphyre celui qui a agiteacute sa langue contre le Christ raquo (Πορϕύριος ὁ κατὰ τοῦ Χριστοῦ κινήσας τὴν ἑαυτοῦ γλῶσσαν)

Beatrice cite eacutegalement des formules drsquoOrigegravene ou drsquoEusegravebe qui eacutevoquent lrsquoἈληθὴς λόγος de Celse comme un eacutecrit poleacutemique dirigeacute Κατὰ Χριστιανῶν ou καθrsquo ἡμῶν28

Mais le fait que la formule puisse srsquointerpreacuteter dans un sens faible ne prouve cependant pas que dans des contextes ougrave lrsquoauteur eacutenumegravere des titres drsquoouvrages (comme dans la Souda ougrave la plupart des autres titres rappelons-le sont confirmeacutes par des fragments porphyriens) ou donne la reacutefeacuterence litteacuteraire drsquoune citation (comme chez Eusegravebe dans les passages que nous allons examiner) elle doive neacutecessairement ecirctre ainsi interpreacuteteacutee mecircme lorsque lrsquoauteur ne preacutecise pas qursquoil cite expresseacutement le titre drsquoun ouvrage Car les innombrables titres drsquoouvrages comportant κατὰ+geacuten ou πρὸς+acc en grec ne sauraient ecirctre reacuteduits agrave de pures eacutevocations de leur laquo cible raquo litteacuteraire

Crsquoest le contexte seul qui permet drsquoeacutetablir la preacutecision de la reacutefeacuterence Prenons par exemple les quatre reacutefeacuterences suivantes au Contre Celse drsquoOrigegravene que nous trouvons dans la Philocalie29

laquoExtraits des Tomes contre Celse celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens tomes 6 et 7raquo ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τοῦ κατὰ χριστιανῶν γράψαντος τόμου ϛʹ καὶ ζʹ (chap 15)

laquoDu tome 3 contre Celseraquo τόμου γʹ κατὰ Κέλσου (chap 16)laquoExtraits des tomes 1 et 5 de lrsquoouvrage contre Celseraquo ἐκ τοῦ αʹ καὶ εʹ τόμου τῶν κατὰ Κέλσου

(chap 17)laquoExtraits du tome 3 du mecircme traiteacute contre Celseraquo ἐν τῷ τρίτῳ τόμῳ τῆς αὐτῆς κατὰ Κέλσου

πραγματείας (18) Harl ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τόμου αʹ καὶ γʹ (chap 18)

27 laquo Title raquo p 222 28 Origegravene Contre Celse prooem 4 laquo Et je ne sais pas dans quelle cateacutegorie il faut ranger celui qui a besoin de discours eacutecrits dans des livres en reacuteponse aux charges de Celse contre les chreacutetiens (πρὸς τὰ Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐγκλήματα) pour ressaisir et remettre debout une foi qui chancelleraquo (trad M Borret 1967) Voir aussi au deacutebut du prologue la formule laquocontre les faux teacutemoignages de Celse contre les chreacutetiens dans son traiteacute (πρὸς τὰς Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐν συγγράμμασι ψευδομαρτυρίας) raquo Eusegravebe Hist eccl VI 36 2 (agrave propos drsquoOrigegravene) laquo Agrave cette eacutepoque aussi il compose les huit livres pour reacutepondre agrave lrsquoouvrage dirigeacute contre nous par Celse lrsquoeacutepicurien et intituleacute Discours veacuteritable (τὰ πρὸς τὸν ἐπιγραμμένον καθrsquo ἡμῶν Κέλσου τοῦ Ἐπικουρείου Ἀληθῆ λόγον)hellip raquo 29 Voir Origegravene Philocalie 1-20 Sur les Eacutecritures Introduction texte traduction et notes par Marguerite Harl et La Lettre agrave Africanus sur lrsquohistoire de Suzanne Introduction texte traduction et notes pas Nicholas de Lange coll SC 302 Paris 1983

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Ces formules sont eacutequivalentes On peut toujours dire qursquoaucune des quatre mecircme la quatriegraveme ne preacutesente explicitement les mots laquo Contre Celse raquo comme le titre mecircme de lrsquoouvrage drsquoOrigegravene mais il faut au moins reconnaicirctre (a) qursquoon ne connaicirct pas drsquoautre titre (b) que cette faccedilon de deacutesigner lrsquoouvrage eacutetait aux yeux des compilateurs suffisamment explicite pour identifier un ouvrage particulier

Dans une liste de titres on ne voit pas pourquoi la Souda aurait preacutefeacutereacute eacutevoquer les quinze livres eacutecrits par Porphyre contre les chreacutetiens plutocirct que drsquoen donner le titre preacutecis si vraiment ce titre avait eacuteteacute diffeacuterent et si lrsquoauteur lrsquoavait connu

Attestations du titre du ldquoContra Christianosrdquo

Reste agrave savoir si nous nrsquoavons pas drsquoattestation plus ancienne de ce titre Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui cite geacuteneacuteralement de faccedilon preacutecise ses sources nous a transmis plusieurs extraits litteacuteraux du traiteacute de Porphyre dirigeacute contre les chreacute-tiens Consideacuterons en quels termes il introduit chacune de ces citations en trois passages capitaux

Dans sa Preacuteparation eacutevangeacutelique V 1 9 ougrave il veut montrer que les deacutemons mauvais ont perdu de leur puissance depuis la venue de Jeacutesus-Christ parmi les hommes il introduit dans les termes suivants le fragment 80 du recueil de von Harnack

laquo hellipcrsquoest encore lrsquoauteur mecircme qui est agrave notre eacutepoque lrsquoavocat des deacutemons qui dans le pamphlet30 qursquoil a eacutecrit contre nous porte teacutemoignage en ces termeshellip raquo31

Dans la Preacuteparation eacutevangeacutelique I 9 20 crsquoest le fragment 41 qui est ainsi preacutesenteacute

laquo Lrsquoauteur qui de nos jours a monteacute son pamphlet contre nous rappelle ces faits32 dans le quatriegraveme livre de lrsquoouvrage ougrave il nous attaquehellip raquo33

30 E des Places a traduit συσκευή par laquo pamphlet raquo et PF Beatrice par laquo compilation raquo Compilation est effectivement donneacute par le dictionnaire de Lampe (PGL) mais le seul exemple fourni est un passage drsquoEusegravebe On ne voit pas tregraves bien ce que Porphyre aurait ici compileacute A lire lrsquoen-semble des occurrences chez Eusegravebe on retiendra plutocirct le sens de laquo machination raquo laquo complot raquo souvent en association avec κατὰ+geacuten par exemple le complot du peuple juif contre le Christ (Hist eccl I 3 6) La formule consacreacutee chez Eusegravebe agrave propos de Porphyre est ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν (Praep evang I 9 20 voir aussi V 5 5 V 36 5 X 9 12) Voir aussi en X 9 11 ὃς τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν ὑπερβολῇ μίσους προβεβλημένος A propos drsquoun ouvrage de Molon contre les Juifs Eusegravebe emploie une formule semblable ῾Ὁ δὲ τὴν συσκευὴν τὴν κατὰ Ἰουδαίων γράψας Μόλων Comme le mot est souvent employeacute avec des verbes comme ldquoeacutecrirerdquo (Praep evang X 9 12) on peut estimer que pamphlet (diffamatoire) est une assez bonne traduction 31 Eusegravebe Preacutep eacutevang V 1 9 περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον (suit le fr 80 Harnack) 32 Ou laquo mentionne ces deux auteurs raquo crsquoest-agrave-dire Sanchouniathon et Philon de Byblos 33 Eusegravebe Preacutep eacutevang I 9 20 (trad J Sirinelli) μέμνηται τούτων ὁ καθrsquo ἡμᾶς τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν ἐν τετάρτῳ τῆς πρὸς ἡμᾶς ὑποθέσεως (suit le fr 41 Harnack)

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Dans son Histoire eccleacutesiastique VI 19 2-4 Eusegravebe introduit le fragment 39 du recueil de von Harnack

laquo Pourquoi faut-il dire cela lorsque encore de nos jours Porphyre srsquoest eacutetabli en Sicile y a composeacute des eacutecrits contre nous et srsquoest efforceacute drsquoy calomnier les Eacutecritures divineshellip raquo34

A la fin de lrsquoextrait (VI 19 9) il preacutecise le livre drsquoougrave est tireacute ce passage laquo Voilagrave ce qui a eacuteteacute eacutecrit par Porphyre au troisiegraveme des livres qursquoil a eacutecrits contre les chreacutetienshellip

Que ne devait pas faire lrsquoadversaire des chreacutetiens raquo35

On imagine mal qursquoEusegravebe nrsquoait pas penseacute citer un titre preacutecis lorsqursquoil a eacutecrit κατὰ τὸ γʹ σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν Beatrice36 fait reacutefeacuterence agrave ce passage mais il ne lui consacre aucune explication Si Eusegravebe avait connu lrsquoouvrage sous un autre titre notamment en tant que Philosophie des oracles il aurait vraisemblablement pris la peine de lrsquoindiquer ici

On a peine agrave croire que dans tous ces passages Eusegravebe ait eu agrave lrsquoesprit un titre de Porphyre qursquoil se serait borneacute agrave eacutevoquer sans le mentionner Eusegravebe eacutetant lrsquoauteur le plus proche chronologiquement de Porphyre et lrsquoun des seuls agrave avoir lu directement lrsquoouvrage son teacutemoignage doit ecirctre tenu comme le plus deacutecisif

On peut admettre agrave la limite qursquoEusegravebe ne pensait pas citer un titre comme tel on peut mecircme admettre que lrsquoouvrage nrsquoeacutetait connu que par un titre descriptif mais ce qui est exclu est qursquoEusegravebe ait employeacute de telles formules alors mecircme qursquoil connaissait lrsquoouvrage sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας

Les reacutefeacuterences preacutecises de Jeacuterocircme agrave lrsquoouvrage de Porphyre ressemblent tout agrave fait agrave celles que donne Eusegravebe

Fr 9a Harnack laquo hellipce Porphyre impie qui eacutecrivit contre nous et en plusieurs volumes deacuteversa sa rage au tome XIVhellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius qui adversum nos conscripsit et multis voluminibus rabiem suam evomuit in XIV voluminehellip)

Fr 21a Harnack laquo hellip Ce Bataneacuteote et ce sceacuteleacuterat de Porphyre au premier livre de son ouvrage contre noushellip raquo (hellipBataneotes et sceleratus ille Porphyrius in I operis sui adversum nos librohellip)

Fr 40 Harnack laquo hellipcet impie de Porphyre au livre IV de son livre qursquoau prix drsquoun vain labeur il a composeacute contre noushellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius in IV operis sui libro quod adversum nos casso labore contexuithellip)

Fr 43 a Harnack laquo Contre le prophegravete Daniel Porphyre a eacutecrit le livre XII raquo (Contra prophetam Danielem XII librum scripsit Porphyrius)

34 Eusegravebe Hist eccl VI 19 2-4 (trad Bardy) τί δεῖ ταῦτα λέγειν ὅτε καὶ ὁ καθrsquo ἡμᾶς ἐν Σικελίᾳ καταστὰς Πορϕύριος συγγράμματα καθrsquo ἡμῶν ἐνστησάμενος καὶ διrsquo αὐτῶν τὰς θείας γραϕὰς διαβάλλειν πεπειραμένος En suivant TD Barnes (laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65) on peut aussi comprendre laquo lorsque mecircme Porphyre qui de nos jours srsquoest eacutetabli en Sicile raquo 35 Ibid VI 19 9 (conclusion) ταῦτα τῷ Πορϕυρίῳ κατὰ τὸ τρίτον σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν εἴρηται () (τί γὰρ οὐκ ἔμελλεν ὁ κατὰ Χριστιανῶν ) 36 laquo Title raquo p 233 n 79

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Fr 44 Harnack laquo au livre XIII de son ouvrage contre nous Porphyre a profeacutereacute de nombreux blas-phegravemeshellip raquo (multa Porphyrius XIII operis sui volumine contra nos blasphemavithellip)

Toutes ces reacutefeacuterences ont en commun de signaler un livre particulier de lrsquoouvrage de Porphyre sans preacuteciser le titre exact de cet ouvrage autrement que par son caractegravere antichreacutetien

On doit eacutegalement tenir compte des divers deacutecrets impeacuteriaux dirigeacutes contre Porphyre Mme Digeser signale que le rapprochement qui est fait avec les Ariens montre que le grand reproche qui est adresseacute au philosophe est sans doute de nier la diviniteacute du Christ Sans le dire ouvertement elle semble consideacuterer que le traiteacute viseacute eacutetait la Philosophie des Oracles un ouvrage ougrave le problegraveme eacutetait abordeacute laquo un ouvrage qui eacutetait pris beaucoup plus au seacuterieux que le Contre les chreacutetiens raquo37 Or pas plus qursquoEusegravebe ou Jeacuterocircme les Empereurs nrsquoont pris la peine de deacutesigner lrsquoouvrage condamneacute autrement que par des formules geacuteneacuterales

laquo Porphyre lrsquoennemi de la religion qui a composeacute des ouvrages sacrilegraveges contre le culte divinhellip raquo Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρός συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος (Socrate Hist eccl I 9 30 [concerne le Concile de Niceacutee en 324] = 38 T Smith)

laquo hellipce que Porphyre entraicircneacute par sa folie a eacutecrit contre le pieux culte des chreacutetienshellip raquo ὅσα Πορϕύριος ὑπὸ τῆς ἑαυτοῦ μανίας ἐλαυνόμενος κατὰ τῆς εὐσεβοῦς θρησκείας τῶν Χριστιανῶν συνέγραψε (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 66 8-12 [en 448] = 40 T Smith)

laquo hellipagrave propos des livres de Porphyre ceux qui ont eacuteteacute composeacutes contre le saint culte des chreacutetienshellip raquo περί τε τῶν βιβλίων Πορϕυρίου τῶν κατὰ τῆς εὐαγοῦς τῶν Χριστιανῶν θρησκείας | συγγραϕέντων (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 67 7-15 [en 448] = 41 T Smith)

laquo hellipet que nul ne possegravede ne lise ne copie ni ne mentionne Nestorius aussi bien ses paroles que ses livres criminels et surtout ceux qursquoa publieacutes Porphyre contre les seules Eacutecritures chreacutetienneshellip raquo nec habeat aliquis aut legat aut transcribat proferatve Nestorium vel terminos eius aut codices noxios et maxime quos contra solas38 Porphyrius edidit Christianas litteras (Acta Conciliorum Oecumenicorum II 3 2 p 89 14-16 [en 451 ] = 42 T Smith)

laquo hellipce qui a eacuteteacute dit par Porphyre contre les chreacutetienshellip raquo τοῖς παρὰ Πορϕυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις (Acta Conciliorum Oecumenicorum III p 121 22-26 [en 536] = 43 T Smith)

Si les autoriteacutes impeacuteriales se sont contenteacutees de telles formulations crsquoest que celles-ci suffisaient agrave identifier un ouvrage preacutecis de Porphyre et non pas nrsquoim-porte quel de ses ouvrages En tout cas il est difficilement imaginable que de telles formules aient pu viser un ouvrage comme la Philosophie des Oracles que lrsquoon retrou-vera citeacute tout au long du ive siegravecle et cette difficulteacute ne peut que srsquoaccroicirctre si lrsquoon en vient agrave identifier agrave ce traiteacute drsquoautres traiteacutes comme le De regressu animae comme le voudrait Mme Digeser agrave la suite de JJ OrsquoMeara ou toute une seacuterie de traiteacutes porphyriens comme lrsquoenvisage M Beatricehellip Que la Philosophie des Oracles ait rejeteacute la diviniteacute du Christ nrsquoexclut eacutevidemment pas que Porphyre ait pu adopter la mecircme position dans un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens

37 laquo a work taken far more seriously than Against the Christians raquo (E DePalma Digeser art citeacute p 135) 38 Solas est inattendu sanctas

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Mais puisqursquoon ne trouve pas de fait en dehors de la Souda de citation ougrave Contre les chreacutetiens soit explicitement preacutesenteacute comme le titre de lrsquoouvrage au moyen drsquoun terme comme ἐπιγράϕειν admettons que le titre ne soit pas parfai-tement eacutetabli

Les reacutefeacuterences les plus explicites au traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo

Une douzaine de fragments du recueil de von Harnack contiennent une reacutefeacute-rence preacutecise agrave un ouvrage antichreacutetien de Porphyre et mecircme agrave un livre particu-lier de ce traiteacute Mecircme en laissant de cocircteacute tous les autres fragments ougrave le nom de Porphyre nrsquoapparaicirct pas et mecircme ceux ougrave il est mentionneacute sans reacutefeacuterence preacutecise agrave un ouvrage qursquoil aurait composeacute on peut se faire ainsi une ideacutee assez preacutecise de lrsquoouvrage

Cinq ou six livres de lrsquoouvrage sont eacutevoqueacutes de faccedilon explicite Il srsquoagit des livres I III et IV XII etou XIII et enfin XIV

Que lrsquoon y voie un titre ou une simple deacutesignation de son contenu on constate que lrsquoouvrage est deacutesigneacute tant chez les Grecs que chez les | Latins par des formules quasi identiques il eacutetait eacutecrit contra nos adversum nos contra Christianos καθrsquo ἡμῶν κατὰ Χριστιανῶν

Enfin plusieurs fragments permettent drsquoeacutetablir que lrsquoouvrage attaquait direc-tement les chreacutetiens les Eacutecritures Saintes et notamment le livre de Daniel

Crsquoest cet ouvrage que reacutefutegraverent Meacutethode drsquoOlympe Eusegravebe de Ceacutesareacutee et Apollinaire de Laodiceacutee peut-ecirctre drsquoautres auteurs chreacutetiens comme Philostorge et crsquoest cet ouvrage que condamnegraverent au moins agrave deux reprises les empereurs chreacutetiens

Je ne retiens que ces informations minimales pour montrer que lrsquoexistence drsquoun traiteacute antichreacutetien de Porphyre ne saurait ecirctre remise en question mecircme si lrsquoon reacuteduisait le recueil des fragments agrave un noyau regroupant uniquement des frag-ments rattacheacutes explicitement agrave un traiteacute eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens

Le ldquoContra Christianosrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquoSelon Beatrice Eusegravebe et plusieurs autres auteurs chreacutetiens connaissaient

le titre veacuteritable de ce traiteacute dirigeacute contre les chreacutetiens Crsquoeacutetait la Philosophie des oracles

Le principal argument de Beatrice semble ecirctre un passage de la Preacuteparation eacutevan-geacutelique dans lequel Eusegravebe introduit une citation de la Philosophie des Oracles en preacutesen-tant Porphyre comme ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος (V 5 5)

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne (ou ldquoqursquoexposerdquo ἐκτέθειται) de son cocircteacute

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lrsquoauteur du pamphlet (ldquocompilationrdquo Beatrice) dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles raquo39

Selon Beatrice40 il faudrait comprendre que ce pamphlet est la Philosophie des oracles ou encore que lrsquoouvrage qursquoEusegravebe srsquoapprecirctait agrave citer eacutetait le pamphlet anti-chreacutetien eacutevoqueacute

De mecircme dans la Deacutemonstration eacutevangeacutelique III 6 39 Eusegravebe introduit une cita-tion du troisiegraveme livre du mecircme ouvrage en lrsquoattribuant agrave lrsquoennemi des chreacutetiens τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου

laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo41

La conclusion qursquoen tire Beatrice est la suivante laquo On peut difficilement ne pas reconnaicirctre que dans lrsquoensemble de la litteacuterature chreacutetienne

antique ce passage de la Deacutemonstration eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe est le seul dans lequel il est eacutetabli sans ambiguiumlteacute que le titre de lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre eacutetait Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo42

On trouverait une confirmation de cette identification en Praep evang IV 6 2-3 Apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un philosophe laquo ami des deacutemons raquo (δαιμόνων ϕίλον) et comme laquo un contemporain qui srsquoest enorgueilli des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous raquo (ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις) Eusegravebe enchaicircne

39 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) () τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται La traduction fournie par Beatrice laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 247 emprunteacutee agrave EH Gifford (Oxford 1903) donne un seacuterieux coup de pouce agrave lrsquoidentification des deux traiteacutes laquo the author of the compulation against us in the book which he entitled Of the Philosophy to be derived from Oracles raquo Mais ἐν οἷς ἐπέγραψε κτλ se rapporte au verbe ἐκτέθειται et non agrave πεποιημένος 40 laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 347 41 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται ὧδέ πως ἱστορῶν κατὰ λέξιν 42 laquo It can hardly be denied that in the whole of ancient Christian literature this passage from Eusebiusrsquos Proof of the Gospel is the only one in which it is unambiguously stated that the title (ἐπέγραψεν) of Porphyryrsquos anti-Christian writing (τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς) was Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (Beatrice laquo Title raquo p 235) Voir laquo Title raquo p 234 et laquo Towards a new edition raquo p 349 ougrave Beatrice parle de ldquodecisive evidencerdquo Beutler (RE XXII1 col 298) semble avoir attribueacute le fragment (Dem evang III 6) non pas agrave la Philosophie des oracles mais au traiteacute Contre les chreacutetiens Il eacutetablirait selon Beatrice laquo Title raquo p 234 un rapprochement avec Eusegravebe Hist eccl VI 19 et Augustin De civ Dei XIX 23 Mais il srsquoagit sans doute drsquoune simple erreur de Beutler Il y a lagrave une reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles traiteacute que Beutler pour sa part distingue nettement du Contra Christianos

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laquo Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des | dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo43

Voir encore Eusegravebe Praep evang V 36 5 laquo Apregraves ces propos passe maintenant agrave la Philosophie tireacutee des oracles de celui qui a composeacute

contre nous son reacutequisitoire (ou pamphlet )hellip raquo44

Dans ces quatre passages une citation de la Philosophie des oracles de Porphyre est preacutesenteacutee comme lrsquoœuvre drsquoun adversaire du christianisme Beatrice en conclut systeacutematiquement que lrsquoœuvre antichreacutetienne agrave laquelle pensait Eusegravebe eacutetait la Philosophie des oracles45

Pour toute la tradition byzantine46 la deacutesignation officielle de Porphyre est ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας celui qui srsquoest exprimeacute κατὰ Χριστιανῶν47 celui qui agiteacute sa langue impure contre les chreacutetiens48 ou contre la veacuteriteacute49 Il est lrsquoennemi de la religion chreacutetienne50 La formule ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας pourrait provenir drsquoEusegravebe qui mentionne | reacuteguliegraverement Porphyre comme laquo notre contemporain qui a composeacute son pamphlet contre nous raquo

43 Eusegravebe Praep evang IV 6 3 (trad O Zink) οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγω γὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας Voir laquo Title raquo p 233 44 Eusegravebe Praep evang V 36 5 (trad Eacuted des Places) ἀλλὰ γὰρ μετὰ τὰ εἰρημένα μεταβὰς αὖθις ἐπὶ τὴν Ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίαν τοῦ τὴν συσκευὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένου Voir laquo Title raquo p 233 45 Beatrice suit peut-ecirctre dans son interpreacutetation de ce passage JJ OrsquoMeara Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in Augustine Paris 1959 p 107 qui eacutecrit laquo Il est peut-ecirctre bon drsquoindiquer degraves le deacutebut qursquoEusegravebe deacutecrit la Philosophie des oracles comme une compilation dirigeacutee ldquocontre nousrdquo crsquoest-agrave-dire contre les Chreacutetiens raquo (laquo It may be well to state at the outset that Eusebius describes the Philosophy from Oracles as a compilation made ldquoagainst usrdquo that is Christians raquo) 46 Georges le Moine Chron 539 καὶ Πορϕύριος ὁ Τύριος ὑπάρχων πολλὰ κατὰ τῆς πίστεως ἡμῶν ἐκμανεὶς ἐλύσσησεν χριστιανὸς γὰρ γενόμενος καὶ τυπτηθεὶς ὑπό τινος χριστιανοῦ ἐν Παλαιστίνῃ θυμωθεὶς μετῆλθε πάλιν εἰς τὸν ἑλληνισμὸν ὁ ταλαίπωρος καὶ κατὰ τῆς πίστεως ἐδογμάτισεν Cedrenus vol I p 441 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ὁ ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Symeon Logothetes Chron p 71 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας καὶ Ἀϕρικανὸς ὁ σοϕώτατος Souda E 1454 ἐντελέχειαν λέγει ὁ Πορϕύριος τὴν ψυχήν ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Τύριος ϕιλόσοϕος 47 Cf Justinien Nov XLII 2 τοῖς παρὰ Πορφυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις 48 Souda Π 2473 Πρόκλος ὁ δεύτερος μετὰ Πορϕύριον κατὰ Χριστιανῶν τὴν μιαρὰν καὶ ἐϕύβριστον αὐτοῦ γλῶσσαν κινήσας 49 Theacuteophane le Confesseur Chron p 52 Πορϕύριος δέ ὁ καθrsquo ἡμῶν λυττήσας μετῆλθεν εἰς τὸν ἑλληνισμόν καὶ τότε γράψαι κατὰ τῆς ἀληθείας ὁ κύων ἐτόλμησεν 50 Cyrille Contra Iulianum I 38 (= F 203 Smith) Πορϕύριος μὲν οὖν ὁ πικροὺς ἡμῶν καταχέας λόγους καὶ τῆς Χριστιανῶν θρησκείας μονονουχὶ κατορχούμενος Socrate I 9 Ὥσπερ τοίνυν Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρὸς συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 6: Contra Christianos

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supprimeacute telle parole ne se rapportant pas au sujet Ainsi ai-je conserveacute intact le sens des paroles craignant davantage lrsquoimpieacuteteacute qursquoil y aurait agrave toucher agrave ces oracles que le chacirctiment vengeur qui suivrait cette profanation

La preacutesente collection consignera une foule de doctrines philosophiques conformes agrave ce que les dieux ont reacuteveacuteleacute ecirctre la veacuteriteacute Nous toucherons aussi un peu agrave la discipline oraculaire12 enseigne-ment utile agrave la contemplation ainsi qursquoagrave la purification de la vie

Quant agrave lrsquoutiliteacute de cette collection elle sera facilement ressentie par ceux qui dans leur doulou-reux enfantement de la veacuteriteacute ont un jour prieacute pour trouver dans lrsquoexpeacuterience drsquoune eacutepiphanie des dieux un terme agrave leur embarras gracircce agrave lrsquoenseignement digne de toute creacuteance de ceux qui parleraient

[304 F] Quant agrave toi essaie srsquoil est des veacuteriteacutes agrave ne pas divulguer de ne pas divulguer celles-lagrave et de ne pas les jeter aux profanes que ce soit pour la gloriole le profit ou quelque autre flatterie impure Le risque serait alors grand non seulement pour toi qui enfreindrais ces preacuteceptes mais eacutegalement pour moi qui aurais accordeacute une confiance facile agrave qui ne pouvait tenir secregravetes les bien-faisances dont il faisait lrsquoobjet Il faut donc les livrer agrave ceux qui ont disposeacute leur vie en vue du salut de leur acircme Cache-moi ces oracles comme les plus secrets des mystegraveres car les dieux eux non plus nrsquoont pas deacutelivreacute sur ces questions des oracles clairs mais eacutenigmatiques raquo13

Porphyre a donc rassembleacute dans un recueil (συναγωγή employeacute deux fois par Porphyre en Praep evang IV 7 2) des oracles drsquoApollon des autres dieux et des

12 ἐπrsquo ὀλίγον δὲ καὶ τῆς χρηστικῆς ἁψόμεθα πραγματείας Χρηστικός nrsquoa pas selon nos diction-naire le sens drsquolaquo oraculaire raquo Crsquoest pourtant le sens qursquoil faut supposer dans le preacutesent contexte pour qualifier cette πραγματεία utile agrave la contemplation et agrave la purification Voir eacutegalement quelques lignes plus haut τῶν χρησθέντων νοημάτων Voir la note drsquoOdile Zink dans lrsquoeacutedition des Sources chreacutetiennes (SC 262 1979) p 122 n 1 qui suppose un sens deacuteriveacute du verbe χράω (=rendre des oracles) non mentionneacute par Bailly ou Liddell-Scott Certains oracles sont consacreacutes agrave lrsquoexposition du rituel chaldaiumlque ce qui ne veut pas dire qursquoils eacutetaient emprunteacutes agrave la collection ancienne drsquoOra-cles chaldaiumlques Le chapitre III de lrsquoouvrage de H Lewy Chaldaean Oracles and Theurgy Mysticism Magic and Platonism in the Later Roman Empire Le Caire 1956 nouvelle eacutedition par Michel Tardieu Paris 1978 p 177-226 (laquo Theurgical Elevation raquo) et le chapitre IV p 227 257 (laquo The magical ritual of the Chaldaeans raquo) commentent ces Oracles Mecircme si les oracles du recueil porphy-rien ne sont pas chaldaiumlques ils sont directement influenceacutes par ce rituel 13 Eusegravebe Praep evang IV 7 1 - 8 2 t I p 177 4-17 et p 178 1-68-9 Mras ΕK ΤΩΝ ΠΟΡΦΥΡΙΟΥ - ΟΡΚΟΣ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΧΡΗΣΜΩΝ

Βέβαιος δὲ καὶ μόνιμος ὁ ἐντεῦθεν ὡς ἂν ἐκ μόνου βεβαίου τὰς ἐλπίδας τοῦ σωθῆναι ἀρυτόμενος οἷς δὴ καὶ μεταδώσεις μηδὲν ὑϕαιρούμενος ἐπεὶ κἀγῶ τοὺς θεοὺς μαρτύρομαι ὡς οὐδὲν οὔτε προστέθεικα οὔτε ἀϕεῖλον τῶν χρησθέντων νοημάτων εἰ μή που λέξιν ἡμαρτημένην διώρθωσα ἢ πρὸς τὸ σαϕέστερον μεταβέβληκα ἢ τὸ μέτρον ἐλλεῖπον ἀνεπλήρωσα ἤ τι τῶν μὴ πρὸς τὴν πρόθεσιν συντεινόντων διέγραψα ὡς τόν γε νοῦν ἀκραιϕνῆ τῶν ῥηθέντων διετήρησα εὐλαβούμενος τὴν ἐκ τούτων ἀσέβειαν μᾶλλον ἢ τὴν ἐκ τῆς ἱεροσυλίας τιμωρὸν ἑπομένην δίκην Ἕξει δὲ ἡ παροῦσα συναγωγὴ πολλῶν μὲν τῶν κατὰ ϕιλοσοϕίαν δογμάτων ἀναγραϕήν ὡς οἱ θεοὶ τἀληθὲς ἔχειν ἐθέσπισαν ἐπrsquo ὀλίγον δὲ καὶ τῆς χρηστικῆς ἁψόμεθα πραγματείας ἥτις πρός τε τὴν θεωρίαν ὀνήσει καὶ τὴν ἄλλην κάθαρσιν τοῦ βίου Ἣν δrsquo ἔχει ὠϕέλειαν ἡ συναγωγή μάλιστα εἴσονται ὅσοιπερ τὴν ἀλήθειαν ὠδίναντες ηὔξαντό ποτε τῆς ἐκ θεῶν ἐπιϕανείας τυχόντες ἀνάπαυσιν λαβεῖν τῆς ἀπορίας διὰ τὴν τῶν λεγόντων ἀξιόπιστον διδασκαλίαν (hellip)

Σὺ δrsquo εἴπερ τι καὶ ταῦτα πειρῶ μὴ δημοσιεύειν μηδrsquo ἄχρι καὶ τῶν βεβήλων ῥίπτειν αὐτὰ δόξης ἕνεκα ἢ κέρδους ἤ τινος ἄλλης οὐκ εὐαγοῦς κολακείας κίνδυνος γὰρ οὐ σοὶ μόνον τὰς ἐντολὰς παραβαίνοντι

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bons deacutemons comme sources drsquoune philosophie reacuteveacuteleacutee (qursquoil aime appeler theacuteo-sophie 14) et drsquoune | liturgie (ou drsquoune mantique oraculaire) visant la contemplation et la purification de lrsquoacircme Ce preacuteambule correspond tregraves exactement au contenu des fragments conserveacutes Une reconstitution du traiteacute Sur la philosophie extraite des oracles de Porphyre qui ne se conformerait pas agrave cette image risquerait fort drsquoap-paraicirctre mal fondeacutee

On remarquera que lrsquoinjonction adresseacutee au destinataire de ne pas deacutevoiler ces oracles implique que lrsquoouvrage est destineacute agrave des paiumlens laquo ceux qui ont ordonneacute leur vie en vue du salut de leur acircme raquo et qursquoil pourrait difficilement ecirctre reacuteduit agrave une eacutecrit intentionnellement et ouvertement poleacutemique dirigeacute contre les chreacutetiens15

Les fragments antichreacutetiens

La lecture des fragments montre que la confrontation avec le christianisme nrsquoeacutetait certainement pas absente de lrsquoouvrage Mais il ne semble pas que Porphyre ait attaqueacute de front les chreacutetiens On constate au contraire que les chreacutetiens ont citeacute du De Philosophia des vers qui leur paraissaient favorables au Christ ou aux Juifs ou encore qui soulignaient la contrainte exerceacutee sur les dieux par le theacuteurge ou les passions manifesteacutees par les dieux

Quelques-uns cinq ou six sur une cinquantaine de fragments font reacutefeacuterence aux Juifs au Christ ou aux chreacutetiens 323-324 343-345 344a (fragment oublieacute par Wolff mais sans reacutefeacuterence preacutecise agrave la Philosophie des Oracles) Quelle que soit la perspective originale de Porphyre les chreacutetiens ont retenu de ces passages que

ταύτας ἀλλὰ κἀμοὶ ῥᾳδίως πιστεύσαντι τῷ στέγειν παρrsquo ἑαυτῷ μὴ δυναμένῳ τὰς εὐποιίας Δοτέον δὴ τοῖς τὸν βίον ἐνστησαμένοις πρὸς τὴν τῆς ψυχῆς σωτηρίαν

Ταῦτά μοι ὡς ἀρρήτων ἀρρητότερα κρύπτειν οὐδὲ γὰρ οἱ θεοὶ ϕανερῶς περὶ αὐτῶν ἐθέσπισαν ἀλλὰ διrsquo αἰνιγμάτων 14 Selon PF Beatrice Theosophia p xxix-xxx laquo the Theosophy appears to be the work capable of refuting and replacing Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in the religious and philosoph-ical culture of that time raquo Beatrice rappelle que deux oracles du recueil proviennent de la Philosophie des oracles mais il estime probable que laquo Porphyryrsquos Philosophy from Oracles was if not the unique certainly the main source of the first book of the Theosophy devoted to the interpretation of the pagan oracles raquo Faut-il comprendre que drsquoautres oracles pourraient lui ecirctre attribueacutes 15 La perspective antichreacutetienne nrsquoeacutetait donc pas inscrite dans la forme de lrsquoouvrage Elle ne saurait justifier lrsquoattribution agrave la Philosophie des oracles des deacuteclarations precircteacutees agrave un paiumlen anonyme par Eusegravebe dans le Prologue de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique Voir RL Wilken laquo Pagan criticism of Christianity Greek religion and Christian faith raquo dans WR Schoedel et RL Wilken (eacutedit) Early christian literature and the classical intellectual tradition In honorem Robert M Grant coll laquo Theacuteologie historique raquo 54 Paris 1979 p 127 suivi sur ce point par Mme Digeser art citeacute p 129 n 1 et p 138 A von Harnack les avait inscrits comme fragment 1 du Contra Christianos par respect sans doute pour le leacutegendaire flair philologique de son confregravere Wilamowitz agrave lrsquoAcadeacutemie de Berlin Voir U von Wilamowitz-Moellendorf laquo Ein Bruchstuumlck aus der Schrift des Porphyrius gegen die Christen raquo ZNW 1 1900 p 101-105

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Porphyre y eacutetait favorable aux Juifs et au Christ plus aux Juifs qursquoau Christ plus au Christ qursquoaux chreacutetiens De lrsquoensemble de lrsquoouvrage ils ont cru pouvoir tirer une critique de la deacutemonologie et de la theacuteologie paiumlenne Mecircme en supposant que les chreacutetiens nrsquoont pas compris la perspective fondamentale de Porphyre le moins que lrsquoon puisse dire est qursquoils nrsquoont pas vu dans cet ouvrage un traiteacute dirigeacute expresseacutement contre les chreacutetiens Aux yeux drsquoAugustin lrsquohabileteacute de Porphyre consistait au contraire agrave louer le Christ pour mieux deacutenoncer les chreacutetiens Selon toutes apparences il ne serait pas venu agrave lrsquoesprit des auteurs chreacutetiens de deacutesigner sans plus cet ouvrage comme un traiteacute contre les chreacutetiens

On pourrait consideacuterer que le reste des fragments exposait de faccedilon positive ndash par opposition au christianisme ndash la theacuteologie et le culte paiumlen tels que les reacuteveacute-laient les dieux dans leurs oracles si lrsquoon ne deacutecelait pas une certaine deacutepreacuteciation de la religion traditionnelle par rapport aux courants religieux orientaux Dans les fragments 323-324 (Eusegravebe Praep evang IX 10 1-2 et 3-5) Porphyre commente un oracle drsquoApollon en opposant les Barbares et les Hellegravenes les Barbares notam-ment les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Chaldeacuteens ou les Assyriens ainsi que les Lydiens et les Heacutebreux) ont deacutecouvert de nombreux sentiers pour conduire vers les dieux alors que les Hellegravenes se sont eacutegareacutes Il citait eacutegalement un oracle reacuteser-vant aux Chaldeacuteens et aux Heacutebreux lrsquoaccegraves agrave la sagesse et le culte pur du Dieu Pegravere et Roi Il est difficile de deacutecouvrir la position originale de Porphyre dans ce passage du fait qursquoEusegravebe et Augustin nrsquoont en geacuteneacuteral retenu que les extraits qui servaient leur propre cause Mais si vraiment la perspective de ce traiteacute avait eacuteteacute reacuteduite agrave une attaque contre le christianisme pourquoi Porphyre aurait-il pris la peine de deacutevelopper des positions aussi nuanceacutees

Mais une thegravese peut ecirctre surprenante paradoxale et ecirctre vraie Il faut donc se tourner vers lrsquoexamen des arguments avanceacutes par P F Beatrice dans ses diverses eacutetudes

Lrsquoautoriteacute drsquoA von Harnack

Beatrice fait eacutetat drsquoune deacuteclaration drsquoAdolf von Harnack16 (laquo this brilliant intuition raquo) qui preacutesentait le Contra Christianos sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας κατὰ Χριστιανῶν λόγοι ιεʹ (Sur la philosophie tireacutee des oracles contres les chreacute-tiens en quinze livres) Mais crsquoeacutetait lagrave manifestement une erreur deacutejagrave deacutenonceacutee par Hauschildt17 que lrsquohistorien nrsquoa jamais renouveleacutee dans ses eacutetudes consacreacutees au Contra Christianos

16 Adolf von Harnack Geschichte der altchristlichen Literatur bis Eusebius Berlin 1893 t I 2 p 873 citeacute par PF Beatrice laquo Towards a new edition raquo p 348-349

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Le titre ldquoContra Christianosrdquo

On pourrait soulever une objection de bon sens agrave une identification entre le traiteacute Contre les chreacutetiens et drsquoautres traiteacutes de Porphyre le titre et la dimension du traiteacute Contre les chreacutetiens ne correspondent agrave aucun des autres ouvrages avec lesquels on voudrait lrsquoidentifier Crsquoest pourquoi M Beatrice a consacreacute un article indeacutepen-dant agrave cette question preacuteliminaire18

Selon cet auteur le titre Contre les chreacutetiens serait mal attesteacute On ne dispose en effet que drsquoune seule attestation tardive puisqursquoelle se trouve | dans la Souda La liste des œuvres de Porphyre conserveacutee par la Souda signale Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ Un des manuscrits omet drsquoailleurs ce titre19 et il nrsquoapparaicirct pas dans les catalogues arabes20 Souda art Πορϕύριος Π 2098 t IV p 278 14-32 Adler

Πορϕύριος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας ὃς κυρίως ἐκαλεῖτο Βασιλεύς Τύριος ϕιλόσοϕος μαθητὴς Ἀμελίου τοῦ Πλωτίνου μαθητοῦ διδάσκαλος δὲ Ἰαμβλίχου γεγονὼς ἐπὶ τῶν χρόνων Αὐρηλιανοῦ καὶ παρατείνας ἕως Διοκλητιανοῦ τοῦ βασιλέως ἔγραψε βιβλία πάμπλειστα ϕιλόσοϕά τε καὶ ῥητορικὰ καὶ γραμματικά ἦν δὲ καὶ Λογγίνου τοῦ κριτικοῦ ἀκροασάμενος Περὶ θείων ὀνομάτων αʹ Περὶ ἀρχῶν βʹ Περὶ ὕλης ϛʹ Περὶ ψυχῆς πρὸς Βόηθον εʹ Περὶ ἀποχῆς ἐμψύχων δʹ Περὶ τοῦ Γνῶθι σαυτὸν δʹ Περὶ ἀσωμάτων Περὶ τοῦ μίαν εἶναι τὴν Πλάτωνος καὶ Ἀριστοτέλους αἵρεσιν ζʹ Εἰς τὴν Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ21 Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ22 Περὶ τῆς Ὁμήρου ϕιλοσοϕίας Πρὸς Ἀριστοτέλην τοῦ εἶναι τὴν ψυχὴν ἐντελέχειαν Φιλολόγου ἱστορίας βιβλία εʹ Περὶ γένους καὶ εἴδους καὶ διαϕορᾶς καὶ ἰδίου καὶ συμβεβηκότος Περὶ τῶν κατὰ Πίνδαρον τοῦ Νείλου πηγῶν Περὶ τῆς ἐξ Ὁμήρου ὠϕελείας τῶν βασιλέων βιβλία ιʹ Συμμίκτων ζητημάτων ζʹ Εἰς τὸ Θουκυδίδου προοίμιον Πρὸς Ἀριστείδην ζʹ Εἰς τὴν Μινουκιανοῦ τέχνην καὶ ἄλλα πλεῖστα καὶ μάλιστα ἀστρονομούμενα ἐν οἷς καὶ Εἰσαγωγὴν ἀστρονομουμένων ἐν βιβλίοις τρισί καὶ Γραμματικὰς ἀπορίας οὗτός ἐστιν ὁ Πορϕύριος ὁ τὴν κατὰ Χριστιανῶν ἐϕύβριστον γλῶσσαν κινήσας

laquo Porphyre celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens son nom veacuteritable eacutetait ldquoRoirdquo originaire de Tyr philosophe eacutelegraveve de lrsquoeacutelegraveve de Plotin Ameacutelius maicirctre de Jamblique il fut dans la force de lrsquoacircge agrave lrsquoeacutepoque drsquoAureacutelien et veacutecut jusqursquoagrave celle de lrsquoempereur Diocleacutetien Il a eacutecrit de tregraves nombreux ouvrages de philosophie de rheacutetorique et de grammaire Il avait eacuteteacute aussi lrsquoauditeur du critique Longin

Des noms divins un livreDes principes deux livresDe la matiegravere neuf livres

17 H Hauschildt De Porphyrio philosopho Macarii Magnetis apologetae Christiani Apokritikon auctore Diss Heidelberg Bonn 1907 p 38 n 1 18 Voir laquo Title raquo p 223 19 Voir J Bidez Vie de Porphyre le philosophe neacuteo-platonicien Gand 1913 p 52 Harnack op cit p 27 20 Voir Bidez op cit p 54-62 Harnack op cit p 27 21 Il y a manifestement ici une confusion de deux titres Rien agrave ce sujet dans lrsquoapparat drsquoA Adler sinon la correction ϕιλοσόϕων proposeacutee par Vales(ius) Jacoby FGrHist 260 T 1 laquo Sur les [eacutecrits] de Julien le Chaldeacuteen Histoire philosophique en quatre livres raquo Εἰς τὰ (corr Vales) Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ 22 Ce titre est absent dans le manuscrit Ω

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De lrsquoacircme contre Boegravece cinq livresDe lrsquoabstinence des ecirctres animeacutes quatre livresSur le ldquoConnais-toi toi-mecircmerdquo quatre livresDes incorporelsDe lrsquouniciteacute de la doctrine de Platon et drsquoAristote six livresSur lrsquohistoire philosophique de Julien le Chaldeacuteen en quatre livresDiscours contre les chreacutetiens quinze livresDe la philosophie drsquoHomegravereContre Aristote [et sa doctrine que ] lrsquoacircme est une enteacuteleacutechieHistoire philologique dix livresDu genre de lrsquoespegravece de la diffeacuterence du propre et de lrsquoaccidentDes sources du Nil selon PindareDe lrsquoutiliteacute drsquoHomegravere pour les rois dix livresRecherches mecircleacutees sept livresSur le prologue de ThucydideContre Aristide sept livresSur le manuel [de rheacutetorique] de MinucianusEt beaucoup drsquoautres surtout drsquoastronomie parmi lesquels une Introduction agrave lrsquoeacutetude de

lrsquoastronomie en trois livres et des Apories | grammaticales Crsquoest ce Porphyre qui a agiteacute sa langue insolente contre les chreacutetiens raquo

On remarquera que la Philosophie des oracles nrsquoapparaicirct pas dans cette liste ce qui aux yeux de M Beatrice milite en faveur drsquoune identification de ce traiteacute avec un autre traiteacute comme le Κατὰ Χριστιανῶν Mais cette liste est loin de contenir tous les ouvrages connus de Porphyre23 On y chercherait en vain la Vie de Plotin les Sentences ou Lrsquoantre des nymphes les Commentaires de Platon et drsquoAristote etc

Selon M Beatrice la formule de la Souda ne correspondrait pas agrave un titre formel mais se rapporterait agrave la theacutematique ou agrave la perspective litteacuteraire drsquoun ouvrage en quinze livres dirigeacute contre les chreacutetiens laquo Lrsquoexpression Κατὰ Χριστιανῶν pour-rait simplement indiquer la cible de lrsquoouvrage de Porphyre sans ecirctre son titre originel raquo24 A propos drsquoune reacutefeacuterence fournie par Augustin (laquo Ils ont exposeacute encore drsquoautres [objections ] qursquoils disaient extraites de Porphyre Contre les chreacutetiens comme si elles eacutetaient passablement pertinentes raquo)25 Beatrice eacutecrit de mecircme laquo Il reacutevegravele simplement la perspective antichreacutetienne des objections attri-bueacutees agrave Porphyre raquo26

23 Voir R Beutler art laquo Porphyrios raquo 21 RE XXII 1 1953 col 275-313 notamment col 278-301 24 laquo The expression Κατὰ Χριστιανῶν could simply indicate the target of Porphyryrsquos writing without being its original title raquo (laquo Title raquo p 222) 25 laquo Item alia proposuerunt quae dicerent de Porphyrio contra Christianos tamquam validiora decerpta raquo (Augustin Lettre 102 2 8 CSEL 34 2 p 551 5-6 Goldbacher) 26 laquo It simply reveals the anti-Christian intention of the objections attributed to Porphyry raquo (laquo Title raquo p 223)

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Pour illustrer ce sens purement descriptif de la formule employeacutee agrave propos de Porphyre Beatrice27 cite Seacuteveacuterien de Gabala De mundi creat hom 6 (PG 56 487) laquo agrave Porphyrehellip celui qui a composseacute [un ouvrage] contre les chreacutetiens raquo (Πορϕυρίῳ τῷ κατὰ Χριστιανῶν συγγράψαντι) et Neacutemeacutesius drsquoEacutemegravese De nat hom 3 (p 42 22-23 Morani) laquo Porphyre celui qui a agiteacute sa langue contre le Christ raquo (Πορϕύριος ὁ κατὰ τοῦ Χριστοῦ κινήσας τὴν ἑαυτοῦ γλῶσσαν)

Beatrice cite eacutegalement des formules drsquoOrigegravene ou drsquoEusegravebe qui eacutevoquent lrsquoἈληθὴς λόγος de Celse comme un eacutecrit poleacutemique dirigeacute Κατὰ Χριστιανῶν ou καθrsquo ἡμῶν28

Mais le fait que la formule puisse srsquointerpreacuteter dans un sens faible ne prouve cependant pas que dans des contextes ougrave lrsquoauteur eacutenumegravere des titres drsquoouvrages (comme dans la Souda ougrave la plupart des autres titres rappelons-le sont confirmeacutes par des fragments porphyriens) ou donne la reacutefeacuterence litteacuteraire drsquoune citation (comme chez Eusegravebe dans les passages que nous allons examiner) elle doive neacutecessairement ecirctre ainsi interpreacuteteacutee mecircme lorsque lrsquoauteur ne preacutecise pas qursquoil cite expresseacutement le titre drsquoun ouvrage Car les innombrables titres drsquoouvrages comportant κατὰ+geacuten ou πρὸς+acc en grec ne sauraient ecirctre reacuteduits agrave de pures eacutevocations de leur laquo cible raquo litteacuteraire

Crsquoest le contexte seul qui permet drsquoeacutetablir la preacutecision de la reacutefeacuterence Prenons par exemple les quatre reacutefeacuterences suivantes au Contre Celse drsquoOrigegravene que nous trouvons dans la Philocalie29

laquoExtraits des Tomes contre Celse celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens tomes 6 et 7raquo ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τοῦ κατὰ χριστιανῶν γράψαντος τόμου ϛʹ καὶ ζʹ (chap 15)

laquoDu tome 3 contre Celseraquo τόμου γʹ κατὰ Κέλσου (chap 16)laquoExtraits des tomes 1 et 5 de lrsquoouvrage contre Celseraquo ἐκ τοῦ αʹ καὶ εʹ τόμου τῶν κατὰ Κέλσου

(chap 17)laquoExtraits du tome 3 du mecircme traiteacute contre Celseraquo ἐν τῷ τρίτῳ τόμῳ τῆς αὐτῆς κατὰ Κέλσου

πραγματείας (18) Harl ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τόμου αʹ καὶ γʹ (chap 18)

27 laquo Title raquo p 222 28 Origegravene Contre Celse prooem 4 laquo Et je ne sais pas dans quelle cateacutegorie il faut ranger celui qui a besoin de discours eacutecrits dans des livres en reacuteponse aux charges de Celse contre les chreacutetiens (πρὸς τὰ Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐγκλήματα) pour ressaisir et remettre debout une foi qui chancelleraquo (trad M Borret 1967) Voir aussi au deacutebut du prologue la formule laquocontre les faux teacutemoignages de Celse contre les chreacutetiens dans son traiteacute (πρὸς τὰς Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐν συγγράμμασι ψευδομαρτυρίας) raquo Eusegravebe Hist eccl VI 36 2 (agrave propos drsquoOrigegravene) laquo Agrave cette eacutepoque aussi il compose les huit livres pour reacutepondre agrave lrsquoouvrage dirigeacute contre nous par Celse lrsquoeacutepicurien et intituleacute Discours veacuteritable (τὰ πρὸς τὸν ἐπιγραμμένον καθrsquo ἡμῶν Κέλσου τοῦ Ἐπικουρείου Ἀληθῆ λόγον)hellip raquo 29 Voir Origegravene Philocalie 1-20 Sur les Eacutecritures Introduction texte traduction et notes par Marguerite Harl et La Lettre agrave Africanus sur lrsquohistoire de Suzanne Introduction texte traduction et notes pas Nicholas de Lange coll SC 302 Paris 1983

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Ces formules sont eacutequivalentes On peut toujours dire qursquoaucune des quatre mecircme la quatriegraveme ne preacutesente explicitement les mots laquo Contre Celse raquo comme le titre mecircme de lrsquoouvrage drsquoOrigegravene mais il faut au moins reconnaicirctre (a) qursquoon ne connaicirct pas drsquoautre titre (b) que cette faccedilon de deacutesigner lrsquoouvrage eacutetait aux yeux des compilateurs suffisamment explicite pour identifier un ouvrage particulier

Dans une liste de titres on ne voit pas pourquoi la Souda aurait preacutefeacutereacute eacutevoquer les quinze livres eacutecrits par Porphyre contre les chreacutetiens plutocirct que drsquoen donner le titre preacutecis si vraiment ce titre avait eacuteteacute diffeacuterent et si lrsquoauteur lrsquoavait connu

Attestations du titre du ldquoContra Christianosrdquo

Reste agrave savoir si nous nrsquoavons pas drsquoattestation plus ancienne de ce titre Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui cite geacuteneacuteralement de faccedilon preacutecise ses sources nous a transmis plusieurs extraits litteacuteraux du traiteacute de Porphyre dirigeacute contre les chreacute-tiens Consideacuterons en quels termes il introduit chacune de ces citations en trois passages capitaux

Dans sa Preacuteparation eacutevangeacutelique V 1 9 ougrave il veut montrer que les deacutemons mauvais ont perdu de leur puissance depuis la venue de Jeacutesus-Christ parmi les hommes il introduit dans les termes suivants le fragment 80 du recueil de von Harnack

laquo hellipcrsquoest encore lrsquoauteur mecircme qui est agrave notre eacutepoque lrsquoavocat des deacutemons qui dans le pamphlet30 qursquoil a eacutecrit contre nous porte teacutemoignage en ces termeshellip raquo31

Dans la Preacuteparation eacutevangeacutelique I 9 20 crsquoest le fragment 41 qui est ainsi preacutesenteacute

laquo Lrsquoauteur qui de nos jours a monteacute son pamphlet contre nous rappelle ces faits32 dans le quatriegraveme livre de lrsquoouvrage ougrave il nous attaquehellip raquo33

30 E des Places a traduit συσκευή par laquo pamphlet raquo et PF Beatrice par laquo compilation raquo Compilation est effectivement donneacute par le dictionnaire de Lampe (PGL) mais le seul exemple fourni est un passage drsquoEusegravebe On ne voit pas tregraves bien ce que Porphyre aurait ici compileacute A lire lrsquoen-semble des occurrences chez Eusegravebe on retiendra plutocirct le sens de laquo machination raquo laquo complot raquo souvent en association avec κατὰ+geacuten par exemple le complot du peuple juif contre le Christ (Hist eccl I 3 6) La formule consacreacutee chez Eusegravebe agrave propos de Porphyre est ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν (Praep evang I 9 20 voir aussi V 5 5 V 36 5 X 9 12) Voir aussi en X 9 11 ὃς τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν ὑπερβολῇ μίσους προβεβλημένος A propos drsquoun ouvrage de Molon contre les Juifs Eusegravebe emploie une formule semblable ῾Ὁ δὲ τὴν συσκευὴν τὴν κατὰ Ἰουδαίων γράψας Μόλων Comme le mot est souvent employeacute avec des verbes comme ldquoeacutecrirerdquo (Praep evang X 9 12) on peut estimer que pamphlet (diffamatoire) est une assez bonne traduction 31 Eusegravebe Preacutep eacutevang V 1 9 περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον (suit le fr 80 Harnack) 32 Ou laquo mentionne ces deux auteurs raquo crsquoest-agrave-dire Sanchouniathon et Philon de Byblos 33 Eusegravebe Preacutep eacutevang I 9 20 (trad J Sirinelli) μέμνηται τούτων ὁ καθrsquo ἡμᾶς τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν ἐν τετάρτῳ τῆς πρὸς ἡμᾶς ὑποθέσεως (suit le fr 41 Harnack)

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Dans son Histoire eccleacutesiastique VI 19 2-4 Eusegravebe introduit le fragment 39 du recueil de von Harnack

laquo Pourquoi faut-il dire cela lorsque encore de nos jours Porphyre srsquoest eacutetabli en Sicile y a composeacute des eacutecrits contre nous et srsquoest efforceacute drsquoy calomnier les Eacutecritures divineshellip raquo34

A la fin de lrsquoextrait (VI 19 9) il preacutecise le livre drsquoougrave est tireacute ce passage laquo Voilagrave ce qui a eacuteteacute eacutecrit par Porphyre au troisiegraveme des livres qursquoil a eacutecrits contre les chreacutetienshellip

Que ne devait pas faire lrsquoadversaire des chreacutetiens raquo35

On imagine mal qursquoEusegravebe nrsquoait pas penseacute citer un titre preacutecis lorsqursquoil a eacutecrit κατὰ τὸ γʹ σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν Beatrice36 fait reacutefeacuterence agrave ce passage mais il ne lui consacre aucune explication Si Eusegravebe avait connu lrsquoouvrage sous un autre titre notamment en tant que Philosophie des oracles il aurait vraisemblablement pris la peine de lrsquoindiquer ici

On a peine agrave croire que dans tous ces passages Eusegravebe ait eu agrave lrsquoesprit un titre de Porphyre qursquoil se serait borneacute agrave eacutevoquer sans le mentionner Eusegravebe eacutetant lrsquoauteur le plus proche chronologiquement de Porphyre et lrsquoun des seuls agrave avoir lu directement lrsquoouvrage son teacutemoignage doit ecirctre tenu comme le plus deacutecisif

On peut admettre agrave la limite qursquoEusegravebe ne pensait pas citer un titre comme tel on peut mecircme admettre que lrsquoouvrage nrsquoeacutetait connu que par un titre descriptif mais ce qui est exclu est qursquoEusegravebe ait employeacute de telles formules alors mecircme qursquoil connaissait lrsquoouvrage sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας

Les reacutefeacuterences preacutecises de Jeacuterocircme agrave lrsquoouvrage de Porphyre ressemblent tout agrave fait agrave celles que donne Eusegravebe

Fr 9a Harnack laquo hellipce Porphyre impie qui eacutecrivit contre nous et en plusieurs volumes deacuteversa sa rage au tome XIVhellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius qui adversum nos conscripsit et multis voluminibus rabiem suam evomuit in XIV voluminehellip)

Fr 21a Harnack laquo hellip Ce Bataneacuteote et ce sceacuteleacuterat de Porphyre au premier livre de son ouvrage contre noushellip raquo (hellipBataneotes et sceleratus ille Porphyrius in I operis sui adversum nos librohellip)

Fr 40 Harnack laquo hellipcet impie de Porphyre au livre IV de son livre qursquoau prix drsquoun vain labeur il a composeacute contre noushellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius in IV operis sui libro quod adversum nos casso labore contexuithellip)

Fr 43 a Harnack laquo Contre le prophegravete Daniel Porphyre a eacutecrit le livre XII raquo (Contra prophetam Danielem XII librum scripsit Porphyrius)

34 Eusegravebe Hist eccl VI 19 2-4 (trad Bardy) τί δεῖ ταῦτα λέγειν ὅτε καὶ ὁ καθrsquo ἡμᾶς ἐν Σικελίᾳ καταστὰς Πορϕύριος συγγράμματα καθrsquo ἡμῶν ἐνστησάμενος καὶ διrsquo αὐτῶν τὰς θείας γραϕὰς διαβάλλειν πεπειραμένος En suivant TD Barnes (laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65) on peut aussi comprendre laquo lorsque mecircme Porphyre qui de nos jours srsquoest eacutetabli en Sicile raquo 35 Ibid VI 19 9 (conclusion) ταῦτα τῷ Πορϕυρίῳ κατὰ τὸ τρίτον σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν εἴρηται () (τί γὰρ οὐκ ἔμελλεν ὁ κατὰ Χριστιανῶν ) 36 laquo Title raquo p 233 n 79

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Fr 44 Harnack laquo au livre XIII de son ouvrage contre nous Porphyre a profeacutereacute de nombreux blas-phegravemeshellip raquo (multa Porphyrius XIII operis sui volumine contra nos blasphemavithellip)

Toutes ces reacutefeacuterences ont en commun de signaler un livre particulier de lrsquoouvrage de Porphyre sans preacuteciser le titre exact de cet ouvrage autrement que par son caractegravere antichreacutetien

On doit eacutegalement tenir compte des divers deacutecrets impeacuteriaux dirigeacutes contre Porphyre Mme Digeser signale que le rapprochement qui est fait avec les Ariens montre que le grand reproche qui est adresseacute au philosophe est sans doute de nier la diviniteacute du Christ Sans le dire ouvertement elle semble consideacuterer que le traiteacute viseacute eacutetait la Philosophie des Oracles un ouvrage ougrave le problegraveme eacutetait abordeacute laquo un ouvrage qui eacutetait pris beaucoup plus au seacuterieux que le Contre les chreacutetiens raquo37 Or pas plus qursquoEusegravebe ou Jeacuterocircme les Empereurs nrsquoont pris la peine de deacutesigner lrsquoouvrage condamneacute autrement que par des formules geacuteneacuterales

laquo Porphyre lrsquoennemi de la religion qui a composeacute des ouvrages sacrilegraveges contre le culte divinhellip raquo Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρός συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος (Socrate Hist eccl I 9 30 [concerne le Concile de Niceacutee en 324] = 38 T Smith)

laquo hellipce que Porphyre entraicircneacute par sa folie a eacutecrit contre le pieux culte des chreacutetienshellip raquo ὅσα Πορϕύριος ὑπὸ τῆς ἑαυτοῦ μανίας ἐλαυνόμενος κατὰ τῆς εὐσεβοῦς θρησκείας τῶν Χριστιανῶν συνέγραψε (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 66 8-12 [en 448] = 40 T Smith)

laquo hellipagrave propos des livres de Porphyre ceux qui ont eacuteteacute composeacutes contre le saint culte des chreacutetienshellip raquo περί τε τῶν βιβλίων Πορϕυρίου τῶν κατὰ τῆς εὐαγοῦς τῶν Χριστιανῶν θρησκείας | συγγραϕέντων (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 67 7-15 [en 448] = 41 T Smith)

laquo hellipet que nul ne possegravede ne lise ne copie ni ne mentionne Nestorius aussi bien ses paroles que ses livres criminels et surtout ceux qursquoa publieacutes Porphyre contre les seules Eacutecritures chreacutetienneshellip raquo nec habeat aliquis aut legat aut transcribat proferatve Nestorium vel terminos eius aut codices noxios et maxime quos contra solas38 Porphyrius edidit Christianas litteras (Acta Conciliorum Oecumenicorum II 3 2 p 89 14-16 [en 451 ] = 42 T Smith)

laquo hellipce qui a eacuteteacute dit par Porphyre contre les chreacutetienshellip raquo τοῖς παρὰ Πορϕυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις (Acta Conciliorum Oecumenicorum III p 121 22-26 [en 536] = 43 T Smith)

Si les autoriteacutes impeacuteriales se sont contenteacutees de telles formulations crsquoest que celles-ci suffisaient agrave identifier un ouvrage preacutecis de Porphyre et non pas nrsquoim-porte quel de ses ouvrages En tout cas il est difficilement imaginable que de telles formules aient pu viser un ouvrage comme la Philosophie des Oracles que lrsquoon retrou-vera citeacute tout au long du ive siegravecle et cette difficulteacute ne peut que srsquoaccroicirctre si lrsquoon en vient agrave identifier agrave ce traiteacute drsquoautres traiteacutes comme le De regressu animae comme le voudrait Mme Digeser agrave la suite de JJ OrsquoMeara ou toute une seacuterie de traiteacutes porphyriens comme lrsquoenvisage M Beatricehellip Que la Philosophie des Oracles ait rejeteacute la diviniteacute du Christ nrsquoexclut eacutevidemment pas que Porphyre ait pu adopter la mecircme position dans un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens

37 laquo a work taken far more seriously than Against the Christians raquo (E DePalma Digeser art citeacute p 135) 38 Solas est inattendu sanctas

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Mais puisqursquoon ne trouve pas de fait en dehors de la Souda de citation ougrave Contre les chreacutetiens soit explicitement preacutesenteacute comme le titre de lrsquoouvrage au moyen drsquoun terme comme ἐπιγράϕειν admettons que le titre ne soit pas parfai-tement eacutetabli

Les reacutefeacuterences les plus explicites au traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo

Une douzaine de fragments du recueil de von Harnack contiennent une reacutefeacute-rence preacutecise agrave un ouvrage antichreacutetien de Porphyre et mecircme agrave un livre particu-lier de ce traiteacute Mecircme en laissant de cocircteacute tous les autres fragments ougrave le nom de Porphyre nrsquoapparaicirct pas et mecircme ceux ougrave il est mentionneacute sans reacutefeacuterence preacutecise agrave un ouvrage qursquoil aurait composeacute on peut se faire ainsi une ideacutee assez preacutecise de lrsquoouvrage

Cinq ou six livres de lrsquoouvrage sont eacutevoqueacutes de faccedilon explicite Il srsquoagit des livres I III et IV XII etou XIII et enfin XIV

Que lrsquoon y voie un titre ou une simple deacutesignation de son contenu on constate que lrsquoouvrage est deacutesigneacute tant chez les Grecs que chez les | Latins par des formules quasi identiques il eacutetait eacutecrit contra nos adversum nos contra Christianos καθrsquo ἡμῶν κατὰ Χριστιανῶν

Enfin plusieurs fragments permettent drsquoeacutetablir que lrsquoouvrage attaquait direc-tement les chreacutetiens les Eacutecritures Saintes et notamment le livre de Daniel

Crsquoest cet ouvrage que reacutefutegraverent Meacutethode drsquoOlympe Eusegravebe de Ceacutesareacutee et Apollinaire de Laodiceacutee peut-ecirctre drsquoautres auteurs chreacutetiens comme Philostorge et crsquoest cet ouvrage que condamnegraverent au moins agrave deux reprises les empereurs chreacutetiens

Je ne retiens que ces informations minimales pour montrer que lrsquoexistence drsquoun traiteacute antichreacutetien de Porphyre ne saurait ecirctre remise en question mecircme si lrsquoon reacuteduisait le recueil des fragments agrave un noyau regroupant uniquement des frag-ments rattacheacutes explicitement agrave un traiteacute eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens

Le ldquoContra Christianosrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquoSelon Beatrice Eusegravebe et plusieurs autres auteurs chreacutetiens connaissaient

le titre veacuteritable de ce traiteacute dirigeacute contre les chreacutetiens Crsquoeacutetait la Philosophie des oracles

Le principal argument de Beatrice semble ecirctre un passage de la Preacuteparation eacutevan-geacutelique dans lequel Eusegravebe introduit une citation de la Philosophie des Oracles en preacutesen-tant Porphyre comme ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος (V 5 5)

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne (ou ldquoqursquoexposerdquo ἐκτέθειται) de son cocircteacute

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lrsquoauteur du pamphlet (ldquocompilationrdquo Beatrice) dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles raquo39

Selon Beatrice40 il faudrait comprendre que ce pamphlet est la Philosophie des oracles ou encore que lrsquoouvrage qursquoEusegravebe srsquoapprecirctait agrave citer eacutetait le pamphlet anti-chreacutetien eacutevoqueacute

De mecircme dans la Deacutemonstration eacutevangeacutelique III 6 39 Eusegravebe introduit une cita-tion du troisiegraveme livre du mecircme ouvrage en lrsquoattribuant agrave lrsquoennemi des chreacutetiens τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου

laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo41

La conclusion qursquoen tire Beatrice est la suivante laquo On peut difficilement ne pas reconnaicirctre que dans lrsquoensemble de la litteacuterature chreacutetienne

antique ce passage de la Deacutemonstration eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe est le seul dans lequel il est eacutetabli sans ambiguiumlteacute que le titre de lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre eacutetait Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo42

On trouverait une confirmation de cette identification en Praep evang IV 6 2-3 Apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un philosophe laquo ami des deacutemons raquo (δαιμόνων ϕίλον) et comme laquo un contemporain qui srsquoest enorgueilli des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous raquo (ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις) Eusegravebe enchaicircne

39 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) () τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται La traduction fournie par Beatrice laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 247 emprunteacutee agrave EH Gifford (Oxford 1903) donne un seacuterieux coup de pouce agrave lrsquoidentification des deux traiteacutes laquo the author of the compulation against us in the book which he entitled Of the Philosophy to be derived from Oracles raquo Mais ἐν οἷς ἐπέγραψε κτλ se rapporte au verbe ἐκτέθειται et non agrave πεποιημένος 40 laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 347 41 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται ὧδέ πως ἱστορῶν κατὰ λέξιν 42 laquo It can hardly be denied that in the whole of ancient Christian literature this passage from Eusebiusrsquos Proof of the Gospel is the only one in which it is unambiguously stated that the title (ἐπέγραψεν) of Porphyryrsquos anti-Christian writing (τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς) was Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (Beatrice laquo Title raquo p 235) Voir laquo Title raquo p 234 et laquo Towards a new edition raquo p 349 ougrave Beatrice parle de ldquodecisive evidencerdquo Beutler (RE XXII1 col 298) semble avoir attribueacute le fragment (Dem evang III 6) non pas agrave la Philosophie des oracles mais au traiteacute Contre les chreacutetiens Il eacutetablirait selon Beatrice laquo Title raquo p 234 un rapprochement avec Eusegravebe Hist eccl VI 19 et Augustin De civ Dei XIX 23 Mais il srsquoagit sans doute drsquoune simple erreur de Beutler Il y a lagrave une reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles traiteacute que Beutler pour sa part distingue nettement du Contra Christianos

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laquo Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des | dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo43

Voir encore Eusegravebe Praep evang V 36 5 laquo Apregraves ces propos passe maintenant agrave la Philosophie tireacutee des oracles de celui qui a composeacute

contre nous son reacutequisitoire (ou pamphlet )hellip raquo44

Dans ces quatre passages une citation de la Philosophie des oracles de Porphyre est preacutesenteacutee comme lrsquoœuvre drsquoun adversaire du christianisme Beatrice en conclut systeacutematiquement que lrsquoœuvre antichreacutetienne agrave laquelle pensait Eusegravebe eacutetait la Philosophie des oracles45

Pour toute la tradition byzantine46 la deacutesignation officielle de Porphyre est ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας celui qui srsquoest exprimeacute κατὰ Χριστιανῶν47 celui qui agiteacute sa langue impure contre les chreacutetiens48 ou contre la veacuteriteacute49 Il est lrsquoennemi de la religion chreacutetienne50 La formule ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας pourrait provenir drsquoEusegravebe qui mentionne | reacuteguliegraverement Porphyre comme laquo notre contemporain qui a composeacute son pamphlet contre nous raquo

43 Eusegravebe Praep evang IV 6 3 (trad O Zink) οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγω γὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας Voir laquo Title raquo p 233 44 Eusegravebe Praep evang V 36 5 (trad Eacuted des Places) ἀλλὰ γὰρ μετὰ τὰ εἰρημένα μεταβὰς αὖθις ἐπὶ τὴν Ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίαν τοῦ τὴν συσκευὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένου Voir laquo Title raquo p 233 45 Beatrice suit peut-ecirctre dans son interpreacutetation de ce passage JJ OrsquoMeara Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in Augustine Paris 1959 p 107 qui eacutecrit laquo Il est peut-ecirctre bon drsquoindiquer degraves le deacutebut qursquoEusegravebe deacutecrit la Philosophie des oracles comme une compilation dirigeacutee ldquocontre nousrdquo crsquoest-agrave-dire contre les Chreacutetiens raquo (laquo It may be well to state at the outset that Eusebius describes the Philosophy from Oracles as a compilation made ldquoagainst usrdquo that is Christians raquo) 46 Georges le Moine Chron 539 καὶ Πορϕύριος ὁ Τύριος ὑπάρχων πολλὰ κατὰ τῆς πίστεως ἡμῶν ἐκμανεὶς ἐλύσσησεν χριστιανὸς γὰρ γενόμενος καὶ τυπτηθεὶς ὑπό τινος χριστιανοῦ ἐν Παλαιστίνῃ θυμωθεὶς μετῆλθε πάλιν εἰς τὸν ἑλληνισμὸν ὁ ταλαίπωρος καὶ κατὰ τῆς πίστεως ἐδογμάτισεν Cedrenus vol I p 441 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ὁ ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Symeon Logothetes Chron p 71 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας καὶ Ἀϕρικανὸς ὁ σοϕώτατος Souda E 1454 ἐντελέχειαν λέγει ὁ Πορϕύριος τὴν ψυχήν ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Τύριος ϕιλόσοϕος 47 Cf Justinien Nov XLII 2 τοῖς παρὰ Πορφυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις 48 Souda Π 2473 Πρόκλος ὁ δεύτερος μετὰ Πορϕύριον κατὰ Χριστιανῶν τὴν μιαρὰν καὶ ἐϕύβριστον αὐτοῦ γλῶσσαν κινήσας 49 Theacuteophane le Confesseur Chron p 52 Πορϕύριος δέ ὁ καθrsquo ἡμῶν λυττήσας μετῆλθεν εἰς τὸν ἑλληνισμόν καὶ τότε γράψαι κατὰ τῆς ἀληθείας ὁ κύων ἐτόλμησεν 50 Cyrille Contra Iulianum I 38 (= F 203 Smith) Πορϕύριος μὲν οὖν ὁ πικροὺς ἡμῶν καταχέας λόγους καὶ τῆς Χριστιανῶν θρησκείας μονονουχὶ κατορχούμενος Socrate I 9 Ὥσπερ τοίνυν Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρὸς συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
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bons deacutemons comme sources drsquoune philosophie reacuteveacuteleacutee (qursquoil aime appeler theacuteo-sophie 14) et drsquoune | liturgie (ou drsquoune mantique oraculaire) visant la contemplation et la purification de lrsquoacircme Ce preacuteambule correspond tregraves exactement au contenu des fragments conserveacutes Une reconstitution du traiteacute Sur la philosophie extraite des oracles de Porphyre qui ne se conformerait pas agrave cette image risquerait fort drsquoap-paraicirctre mal fondeacutee

On remarquera que lrsquoinjonction adresseacutee au destinataire de ne pas deacutevoiler ces oracles implique que lrsquoouvrage est destineacute agrave des paiumlens laquo ceux qui ont ordonneacute leur vie en vue du salut de leur acircme raquo et qursquoil pourrait difficilement ecirctre reacuteduit agrave une eacutecrit intentionnellement et ouvertement poleacutemique dirigeacute contre les chreacutetiens15

Les fragments antichreacutetiens

La lecture des fragments montre que la confrontation avec le christianisme nrsquoeacutetait certainement pas absente de lrsquoouvrage Mais il ne semble pas que Porphyre ait attaqueacute de front les chreacutetiens On constate au contraire que les chreacutetiens ont citeacute du De Philosophia des vers qui leur paraissaient favorables au Christ ou aux Juifs ou encore qui soulignaient la contrainte exerceacutee sur les dieux par le theacuteurge ou les passions manifesteacutees par les dieux

Quelques-uns cinq ou six sur une cinquantaine de fragments font reacutefeacuterence aux Juifs au Christ ou aux chreacutetiens 323-324 343-345 344a (fragment oublieacute par Wolff mais sans reacutefeacuterence preacutecise agrave la Philosophie des Oracles) Quelle que soit la perspective originale de Porphyre les chreacutetiens ont retenu de ces passages que

ταύτας ἀλλὰ κἀμοὶ ῥᾳδίως πιστεύσαντι τῷ στέγειν παρrsquo ἑαυτῷ μὴ δυναμένῳ τὰς εὐποιίας Δοτέον δὴ τοῖς τὸν βίον ἐνστησαμένοις πρὸς τὴν τῆς ψυχῆς σωτηρίαν

Ταῦτά μοι ὡς ἀρρήτων ἀρρητότερα κρύπτειν οὐδὲ γὰρ οἱ θεοὶ ϕανερῶς περὶ αὐτῶν ἐθέσπισαν ἀλλὰ διrsquo αἰνιγμάτων 14 Selon PF Beatrice Theosophia p xxix-xxx laquo the Theosophy appears to be the work capable of refuting and replacing Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in the religious and philosoph-ical culture of that time raquo Beatrice rappelle que deux oracles du recueil proviennent de la Philosophie des oracles mais il estime probable que laquo Porphyryrsquos Philosophy from Oracles was if not the unique certainly the main source of the first book of the Theosophy devoted to the interpretation of the pagan oracles raquo Faut-il comprendre que drsquoautres oracles pourraient lui ecirctre attribueacutes 15 La perspective antichreacutetienne nrsquoeacutetait donc pas inscrite dans la forme de lrsquoouvrage Elle ne saurait justifier lrsquoattribution agrave la Philosophie des oracles des deacuteclarations precircteacutees agrave un paiumlen anonyme par Eusegravebe dans le Prologue de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique Voir RL Wilken laquo Pagan criticism of Christianity Greek religion and Christian faith raquo dans WR Schoedel et RL Wilken (eacutedit) Early christian literature and the classical intellectual tradition In honorem Robert M Grant coll laquo Theacuteologie historique raquo 54 Paris 1979 p 127 suivi sur ce point par Mme Digeser art citeacute p 129 n 1 et p 138 A von Harnack les avait inscrits comme fragment 1 du Contra Christianos par respect sans doute pour le leacutegendaire flair philologique de son confregravere Wilamowitz agrave lrsquoAcadeacutemie de Berlin Voir U von Wilamowitz-Moellendorf laquo Ein Bruchstuumlck aus der Schrift des Porphyrius gegen die Christen raquo ZNW 1 1900 p 101-105

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Porphyre y eacutetait favorable aux Juifs et au Christ plus aux Juifs qursquoau Christ plus au Christ qursquoaux chreacutetiens De lrsquoensemble de lrsquoouvrage ils ont cru pouvoir tirer une critique de la deacutemonologie et de la theacuteologie paiumlenne Mecircme en supposant que les chreacutetiens nrsquoont pas compris la perspective fondamentale de Porphyre le moins que lrsquoon puisse dire est qursquoils nrsquoont pas vu dans cet ouvrage un traiteacute dirigeacute expresseacutement contre les chreacutetiens Aux yeux drsquoAugustin lrsquohabileteacute de Porphyre consistait au contraire agrave louer le Christ pour mieux deacutenoncer les chreacutetiens Selon toutes apparences il ne serait pas venu agrave lrsquoesprit des auteurs chreacutetiens de deacutesigner sans plus cet ouvrage comme un traiteacute contre les chreacutetiens

On pourrait consideacuterer que le reste des fragments exposait de faccedilon positive ndash par opposition au christianisme ndash la theacuteologie et le culte paiumlen tels que les reacuteveacute-laient les dieux dans leurs oracles si lrsquoon ne deacutecelait pas une certaine deacutepreacuteciation de la religion traditionnelle par rapport aux courants religieux orientaux Dans les fragments 323-324 (Eusegravebe Praep evang IX 10 1-2 et 3-5) Porphyre commente un oracle drsquoApollon en opposant les Barbares et les Hellegravenes les Barbares notam-ment les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Chaldeacuteens ou les Assyriens ainsi que les Lydiens et les Heacutebreux) ont deacutecouvert de nombreux sentiers pour conduire vers les dieux alors que les Hellegravenes se sont eacutegareacutes Il citait eacutegalement un oracle reacuteser-vant aux Chaldeacuteens et aux Heacutebreux lrsquoaccegraves agrave la sagesse et le culte pur du Dieu Pegravere et Roi Il est difficile de deacutecouvrir la position originale de Porphyre dans ce passage du fait qursquoEusegravebe et Augustin nrsquoont en geacuteneacuteral retenu que les extraits qui servaient leur propre cause Mais si vraiment la perspective de ce traiteacute avait eacuteteacute reacuteduite agrave une attaque contre le christianisme pourquoi Porphyre aurait-il pris la peine de deacutevelopper des positions aussi nuanceacutees

Mais une thegravese peut ecirctre surprenante paradoxale et ecirctre vraie Il faut donc se tourner vers lrsquoexamen des arguments avanceacutes par P F Beatrice dans ses diverses eacutetudes

Lrsquoautoriteacute drsquoA von Harnack

Beatrice fait eacutetat drsquoune deacuteclaration drsquoAdolf von Harnack16 (laquo this brilliant intuition raquo) qui preacutesentait le Contra Christianos sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας κατὰ Χριστιανῶν λόγοι ιεʹ (Sur la philosophie tireacutee des oracles contres les chreacute-tiens en quinze livres) Mais crsquoeacutetait lagrave manifestement une erreur deacutejagrave deacutenonceacutee par Hauschildt17 que lrsquohistorien nrsquoa jamais renouveleacutee dans ses eacutetudes consacreacutees au Contra Christianos

16 Adolf von Harnack Geschichte der altchristlichen Literatur bis Eusebius Berlin 1893 t I 2 p 873 citeacute par PF Beatrice laquo Towards a new edition raquo p 348-349

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Le titre ldquoContra Christianosrdquo

On pourrait soulever une objection de bon sens agrave une identification entre le traiteacute Contre les chreacutetiens et drsquoautres traiteacutes de Porphyre le titre et la dimension du traiteacute Contre les chreacutetiens ne correspondent agrave aucun des autres ouvrages avec lesquels on voudrait lrsquoidentifier Crsquoest pourquoi M Beatrice a consacreacute un article indeacutepen-dant agrave cette question preacuteliminaire18

Selon cet auteur le titre Contre les chreacutetiens serait mal attesteacute On ne dispose en effet que drsquoune seule attestation tardive puisqursquoelle se trouve | dans la Souda La liste des œuvres de Porphyre conserveacutee par la Souda signale Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ Un des manuscrits omet drsquoailleurs ce titre19 et il nrsquoapparaicirct pas dans les catalogues arabes20 Souda art Πορϕύριος Π 2098 t IV p 278 14-32 Adler

Πορϕύριος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας ὃς κυρίως ἐκαλεῖτο Βασιλεύς Τύριος ϕιλόσοϕος μαθητὴς Ἀμελίου τοῦ Πλωτίνου μαθητοῦ διδάσκαλος δὲ Ἰαμβλίχου γεγονὼς ἐπὶ τῶν χρόνων Αὐρηλιανοῦ καὶ παρατείνας ἕως Διοκλητιανοῦ τοῦ βασιλέως ἔγραψε βιβλία πάμπλειστα ϕιλόσοϕά τε καὶ ῥητορικὰ καὶ γραμματικά ἦν δὲ καὶ Λογγίνου τοῦ κριτικοῦ ἀκροασάμενος Περὶ θείων ὀνομάτων αʹ Περὶ ἀρχῶν βʹ Περὶ ὕλης ϛʹ Περὶ ψυχῆς πρὸς Βόηθον εʹ Περὶ ἀποχῆς ἐμψύχων δʹ Περὶ τοῦ Γνῶθι σαυτὸν δʹ Περὶ ἀσωμάτων Περὶ τοῦ μίαν εἶναι τὴν Πλάτωνος καὶ Ἀριστοτέλους αἵρεσιν ζʹ Εἰς τὴν Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ21 Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ22 Περὶ τῆς Ὁμήρου ϕιλοσοϕίας Πρὸς Ἀριστοτέλην τοῦ εἶναι τὴν ψυχὴν ἐντελέχειαν Φιλολόγου ἱστορίας βιβλία εʹ Περὶ γένους καὶ εἴδους καὶ διαϕορᾶς καὶ ἰδίου καὶ συμβεβηκότος Περὶ τῶν κατὰ Πίνδαρον τοῦ Νείλου πηγῶν Περὶ τῆς ἐξ Ὁμήρου ὠϕελείας τῶν βασιλέων βιβλία ιʹ Συμμίκτων ζητημάτων ζʹ Εἰς τὸ Θουκυδίδου προοίμιον Πρὸς Ἀριστείδην ζʹ Εἰς τὴν Μινουκιανοῦ τέχνην καὶ ἄλλα πλεῖστα καὶ μάλιστα ἀστρονομούμενα ἐν οἷς καὶ Εἰσαγωγὴν ἀστρονομουμένων ἐν βιβλίοις τρισί καὶ Γραμματικὰς ἀπορίας οὗτός ἐστιν ὁ Πορϕύριος ὁ τὴν κατὰ Χριστιανῶν ἐϕύβριστον γλῶσσαν κινήσας

laquo Porphyre celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens son nom veacuteritable eacutetait ldquoRoirdquo originaire de Tyr philosophe eacutelegraveve de lrsquoeacutelegraveve de Plotin Ameacutelius maicirctre de Jamblique il fut dans la force de lrsquoacircge agrave lrsquoeacutepoque drsquoAureacutelien et veacutecut jusqursquoagrave celle de lrsquoempereur Diocleacutetien Il a eacutecrit de tregraves nombreux ouvrages de philosophie de rheacutetorique et de grammaire Il avait eacuteteacute aussi lrsquoauditeur du critique Longin

Des noms divins un livreDes principes deux livresDe la matiegravere neuf livres

17 H Hauschildt De Porphyrio philosopho Macarii Magnetis apologetae Christiani Apokritikon auctore Diss Heidelberg Bonn 1907 p 38 n 1 18 Voir laquo Title raquo p 223 19 Voir J Bidez Vie de Porphyre le philosophe neacuteo-platonicien Gand 1913 p 52 Harnack op cit p 27 20 Voir Bidez op cit p 54-62 Harnack op cit p 27 21 Il y a manifestement ici une confusion de deux titres Rien agrave ce sujet dans lrsquoapparat drsquoA Adler sinon la correction ϕιλοσόϕων proposeacutee par Vales(ius) Jacoby FGrHist 260 T 1 laquo Sur les [eacutecrits] de Julien le Chaldeacuteen Histoire philosophique en quatre livres raquo Εἰς τὰ (corr Vales) Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ 22 Ce titre est absent dans le manuscrit Ω

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De lrsquoacircme contre Boegravece cinq livresDe lrsquoabstinence des ecirctres animeacutes quatre livresSur le ldquoConnais-toi toi-mecircmerdquo quatre livresDes incorporelsDe lrsquouniciteacute de la doctrine de Platon et drsquoAristote six livresSur lrsquohistoire philosophique de Julien le Chaldeacuteen en quatre livresDiscours contre les chreacutetiens quinze livresDe la philosophie drsquoHomegravereContre Aristote [et sa doctrine que ] lrsquoacircme est une enteacuteleacutechieHistoire philologique dix livresDu genre de lrsquoespegravece de la diffeacuterence du propre et de lrsquoaccidentDes sources du Nil selon PindareDe lrsquoutiliteacute drsquoHomegravere pour les rois dix livresRecherches mecircleacutees sept livresSur le prologue de ThucydideContre Aristide sept livresSur le manuel [de rheacutetorique] de MinucianusEt beaucoup drsquoautres surtout drsquoastronomie parmi lesquels une Introduction agrave lrsquoeacutetude de

lrsquoastronomie en trois livres et des Apories | grammaticales Crsquoest ce Porphyre qui a agiteacute sa langue insolente contre les chreacutetiens raquo

On remarquera que la Philosophie des oracles nrsquoapparaicirct pas dans cette liste ce qui aux yeux de M Beatrice milite en faveur drsquoune identification de ce traiteacute avec un autre traiteacute comme le Κατὰ Χριστιανῶν Mais cette liste est loin de contenir tous les ouvrages connus de Porphyre23 On y chercherait en vain la Vie de Plotin les Sentences ou Lrsquoantre des nymphes les Commentaires de Platon et drsquoAristote etc

Selon M Beatrice la formule de la Souda ne correspondrait pas agrave un titre formel mais se rapporterait agrave la theacutematique ou agrave la perspective litteacuteraire drsquoun ouvrage en quinze livres dirigeacute contre les chreacutetiens laquo Lrsquoexpression Κατὰ Χριστιανῶν pour-rait simplement indiquer la cible de lrsquoouvrage de Porphyre sans ecirctre son titre originel raquo24 A propos drsquoune reacutefeacuterence fournie par Augustin (laquo Ils ont exposeacute encore drsquoautres [objections ] qursquoils disaient extraites de Porphyre Contre les chreacutetiens comme si elles eacutetaient passablement pertinentes raquo)25 Beatrice eacutecrit de mecircme laquo Il reacutevegravele simplement la perspective antichreacutetienne des objections attri-bueacutees agrave Porphyre raquo26

23 Voir R Beutler art laquo Porphyrios raquo 21 RE XXII 1 1953 col 275-313 notamment col 278-301 24 laquo The expression Κατὰ Χριστιανῶν could simply indicate the target of Porphyryrsquos writing without being its original title raquo (laquo Title raquo p 222) 25 laquo Item alia proposuerunt quae dicerent de Porphyrio contra Christianos tamquam validiora decerpta raquo (Augustin Lettre 102 2 8 CSEL 34 2 p 551 5-6 Goldbacher) 26 laquo It simply reveals the anti-Christian intention of the objections attributed to Porphyry raquo (laquo Title raquo p 223)

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Pour illustrer ce sens purement descriptif de la formule employeacutee agrave propos de Porphyre Beatrice27 cite Seacuteveacuterien de Gabala De mundi creat hom 6 (PG 56 487) laquo agrave Porphyrehellip celui qui a composseacute [un ouvrage] contre les chreacutetiens raquo (Πορϕυρίῳ τῷ κατὰ Χριστιανῶν συγγράψαντι) et Neacutemeacutesius drsquoEacutemegravese De nat hom 3 (p 42 22-23 Morani) laquo Porphyre celui qui a agiteacute sa langue contre le Christ raquo (Πορϕύριος ὁ κατὰ τοῦ Χριστοῦ κινήσας τὴν ἑαυτοῦ γλῶσσαν)

Beatrice cite eacutegalement des formules drsquoOrigegravene ou drsquoEusegravebe qui eacutevoquent lrsquoἈληθὴς λόγος de Celse comme un eacutecrit poleacutemique dirigeacute Κατὰ Χριστιανῶν ou καθrsquo ἡμῶν28

Mais le fait que la formule puisse srsquointerpreacuteter dans un sens faible ne prouve cependant pas que dans des contextes ougrave lrsquoauteur eacutenumegravere des titres drsquoouvrages (comme dans la Souda ougrave la plupart des autres titres rappelons-le sont confirmeacutes par des fragments porphyriens) ou donne la reacutefeacuterence litteacuteraire drsquoune citation (comme chez Eusegravebe dans les passages que nous allons examiner) elle doive neacutecessairement ecirctre ainsi interpreacuteteacutee mecircme lorsque lrsquoauteur ne preacutecise pas qursquoil cite expresseacutement le titre drsquoun ouvrage Car les innombrables titres drsquoouvrages comportant κατὰ+geacuten ou πρὸς+acc en grec ne sauraient ecirctre reacuteduits agrave de pures eacutevocations de leur laquo cible raquo litteacuteraire

Crsquoest le contexte seul qui permet drsquoeacutetablir la preacutecision de la reacutefeacuterence Prenons par exemple les quatre reacutefeacuterences suivantes au Contre Celse drsquoOrigegravene que nous trouvons dans la Philocalie29

laquoExtraits des Tomes contre Celse celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens tomes 6 et 7raquo ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τοῦ κατὰ χριστιανῶν γράψαντος τόμου ϛʹ καὶ ζʹ (chap 15)

laquoDu tome 3 contre Celseraquo τόμου γʹ κατὰ Κέλσου (chap 16)laquoExtraits des tomes 1 et 5 de lrsquoouvrage contre Celseraquo ἐκ τοῦ αʹ καὶ εʹ τόμου τῶν κατὰ Κέλσου

(chap 17)laquoExtraits du tome 3 du mecircme traiteacute contre Celseraquo ἐν τῷ τρίτῳ τόμῳ τῆς αὐτῆς κατὰ Κέλσου

πραγματείας (18) Harl ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τόμου αʹ καὶ γʹ (chap 18)

27 laquo Title raquo p 222 28 Origegravene Contre Celse prooem 4 laquo Et je ne sais pas dans quelle cateacutegorie il faut ranger celui qui a besoin de discours eacutecrits dans des livres en reacuteponse aux charges de Celse contre les chreacutetiens (πρὸς τὰ Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐγκλήματα) pour ressaisir et remettre debout une foi qui chancelleraquo (trad M Borret 1967) Voir aussi au deacutebut du prologue la formule laquocontre les faux teacutemoignages de Celse contre les chreacutetiens dans son traiteacute (πρὸς τὰς Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐν συγγράμμασι ψευδομαρτυρίας) raquo Eusegravebe Hist eccl VI 36 2 (agrave propos drsquoOrigegravene) laquo Agrave cette eacutepoque aussi il compose les huit livres pour reacutepondre agrave lrsquoouvrage dirigeacute contre nous par Celse lrsquoeacutepicurien et intituleacute Discours veacuteritable (τὰ πρὸς τὸν ἐπιγραμμένον καθrsquo ἡμῶν Κέλσου τοῦ Ἐπικουρείου Ἀληθῆ λόγον)hellip raquo 29 Voir Origegravene Philocalie 1-20 Sur les Eacutecritures Introduction texte traduction et notes par Marguerite Harl et La Lettre agrave Africanus sur lrsquohistoire de Suzanne Introduction texte traduction et notes pas Nicholas de Lange coll SC 302 Paris 1983

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Ces formules sont eacutequivalentes On peut toujours dire qursquoaucune des quatre mecircme la quatriegraveme ne preacutesente explicitement les mots laquo Contre Celse raquo comme le titre mecircme de lrsquoouvrage drsquoOrigegravene mais il faut au moins reconnaicirctre (a) qursquoon ne connaicirct pas drsquoautre titre (b) que cette faccedilon de deacutesigner lrsquoouvrage eacutetait aux yeux des compilateurs suffisamment explicite pour identifier un ouvrage particulier

Dans une liste de titres on ne voit pas pourquoi la Souda aurait preacutefeacutereacute eacutevoquer les quinze livres eacutecrits par Porphyre contre les chreacutetiens plutocirct que drsquoen donner le titre preacutecis si vraiment ce titre avait eacuteteacute diffeacuterent et si lrsquoauteur lrsquoavait connu

Attestations du titre du ldquoContra Christianosrdquo

Reste agrave savoir si nous nrsquoavons pas drsquoattestation plus ancienne de ce titre Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui cite geacuteneacuteralement de faccedilon preacutecise ses sources nous a transmis plusieurs extraits litteacuteraux du traiteacute de Porphyre dirigeacute contre les chreacute-tiens Consideacuterons en quels termes il introduit chacune de ces citations en trois passages capitaux

Dans sa Preacuteparation eacutevangeacutelique V 1 9 ougrave il veut montrer que les deacutemons mauvais ont perdu de leur puissance depuis la venue de Jeacutesus-Christ parmi les hommes il introduit dans les termes suivants le fragment 80 du recueil de von Harnack

laquo hellipcrsquoest encore lrsquoauteur mecircme qui est agrave notre eacutepoque lrsquoavocat des deacutemons qui dans le pamphlet30 qursquoil a eacutecrit contre nous porte teacutemoignage en ces termeshellip raquo31

Dans la Preacuteparation eacutevangeacutelique I 9 20 crsquoest le fragment 41 qui est ainsi preacutesenteacute

laquo Lrsquoauteur qui de nos jours a monteacute son pamphlet contre nous rappelle ces faits32 dans le quatriegraveme livre de lrsquoouvrage ougrave il nous attaquehellip raquo33

30 E des Places a traduit συσκευή par laquo pamphlet raquo et PF Beatrice par laquo compilation raquo Compilation est effectivement donneacute par le dictionnaire de Lampe (PGL) mais le seul exemple fourni est un passage drsquoEusegravebe On ne voit pas tregraves bien ce que Porphyre aurait ici compileacute A lire lrsquoen-semble des occurrences chez Eusegravebe on retiendra plutocirct le sens de laquo machination raquo laquo complot raquo souvent en association avec κατὰ+geacuten par exemple le complot du peuple juif contre le Christ (Hist eccl I 3 6) La formule consacreacutee chez Eusegravebe agrave propos de Porphyre est ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν (Praep evang I 9 20 voir aussi V 5 5 V 36 5 X 9 12) Voir aussi en X 9 11 ὃς τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν ὑπερβολῇ μίσους προβεβλημένος A propos drsquoun ouvrage de Molon contre les Juifs Eusegravebe emploie une formule semblable ῾Ὁ δὲ τὴν συσκευὴν τὴν κατὰ Ἰουδαίων γράψας Μόλων Comme le mot est souvent employeacute avec des verbes comme ldquoeacutecrirerdquo (Praep evang X 9 12) on peut estimer que pamphlet (diffamatoire) est une assez bonne traduction 31 Eusegravebe Preacutep eacutevang V 1 9 περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον (suit le fr 80 Harnack) 32 Ou laquo mentionne ces deux auteurs raquo crsquoest-agrave-dire Sanchouniathon et Philon de Byblos 33 Eusegravebe Preacutep eacutevang I 9 20 (trad J Sirinelli) μέμνηται τούτων ὁ καθrsquo ἡμᾶς τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν ἐν τετάρτῳ τῆς πρὸς ἡμᾶς ὑποθέσεως (suit le fr 41 Harnack)

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Dans son Histoire eccleacutesiastique VI 19 2-4 Eusegravebe introduit le fragment 39 du recueil de von Harnack

laquo Pourquoi faut-il dire cela lorsque encore de nos jours Porphyre srsquoest eacutetabli en Sicile y a composeacute des eacutecrits contre nous et srsquoest efforceacute drsquoy calomnier les Eacutecritures divineshellip raquo34

A la fin de lrsquoextrait (VI 19 9) il preacutecise le livre drsquoougrave est tireacute ce passage laquo Voilagrave ce qui a eacuteteacute eacutecrit par Porphyre au troisiegraveme des livres qursquoil a eacutecrits contre les chreacutetienshellip

Que ne devait pas faire lrsquoadversaire des chreacutetiens raquo35

On imagine mal qursquoEusegravebe nrsquoait pas penseacute citer un titre preacutecis lorsqursquoil a eacutecrit κατὰ τὸ γʹ σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν Beatrice36 fait reacutefeacuterence agrave ce passage mais il ne lui consacre aucune explication Si Eusegravebe avait connu lrsquoouvrage sous un autre titre notamment en tant que Philosophie des oracles il aurait vraisemblablement pris la peine de lrsquoindiquer ici

On a peine agrave croire que dans tous ces passages Eusegravebe ait eu agrave lrsquoesprit un titre de Porphyre qursquoil se serait borneacute agrave eacutevoquer sans le mentionner Eusegravebe eacutetant lrsquoauteur le plus proche chronologiquement de Porphyre et lrsquoun des seuls agrave avoir lu directement lrsquoouvrage son teacutemoignage doit ecirctre tenu comme le plus deacutecisif

On peut admettre agrave la limite qursquoEusegravebe ne pensait pas citer un titre comme tel on peut mecircme admettre que lrsquoouvrage nrsquoeacutetait connu que par un titre descriptif mais ce qui est exclu est qursquoEusegravebe ait employeacute de telles formules alors mecircme qursquoil connaissait lrsquoouvrage sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας

Les reacutefeacuterences preacutecises de Jeacuterocircme agrave lrsquoouvrage de Porphyre ressemblent tout agrave fait agrave celles que donne Eusegravebe

Fr 9a Harnack laquo hellipce Porphyre impie qui eacutecrivit contre nous et en plusieurs volumes deacuteversa sa rage au tome XIVhellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius qui adversum nos conscripsit et multis voluminibus rabiem suam evomuit in XIV voluminehellip)

Fr 21a Harnack laquo hellip Ce Bataneacuteote et ce sceacuteleacuterat de Porphyre au premier livre de son ouvrage contre noushellip raquo (hellipBataneotes et sceleratus ille Porphyrius in I operis sui adversum nos librohellip)

Fr 40 Harnack laquo hellipcet impie de Porphyre au livre IV de son livre qursquoau prix drsquoun vain labeur il a composeacute contre noushellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius in IV operis sui libro quod adversum nos casso labore contexuithellip)

Fr 43 a Harnack laquo Contre le prophegravete Daniel Porphyre a eacutecrit le livre XII raquo (Contra prophetam Danielem XII librum scripsit Porphyrius)

34 Eusegravebe Hist eccl VI 19 2-4 (trad Bardy) τί δεῖ ταῦτα λέγειν ὅτε καὶ ὁ καθrsquo ἡμᾶς ἐν Σικελίᾳ καταστὰς Πορϕύριος συγγράμματα καθrsquo ἡμῶν ἐνστησάμενος καὶ διrsquo αὐτῶν τὰς θείας γραϕὰς διαβάλλειν πεπειραμένος En suivant TD Barnes (laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65) on peut aussi comprendre laquo lorsque mecircme Porphyre qui de nos jours srsquoest eacutetabli en Sicile raquo 35 Ibid VI 19 9 (conclusion) ταῦτα τῷ Πορϕυρίῳ κατὰ τὸ τρίτον σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν εἴρηται () (τί γὰρ οὐκ ἔμελλεν ὁ κατὰ Χριστιανῶν ) 36 laquo Title raquo p 233 n 79

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Fr 44 Harnack laquo au livre XIII de son ouvrage contre nous Porphyre a profeacutereacute de nombreux blas-phegravemeshellip raquo (multa Porphyrius XIII operis sui volumine contra nos blasphemavithellip)

Toutes ces reacutefeacuterences ont en commun de signaler un livre particulier de lrsquoouvrage de Porphyre sans preacuteciser le titre exact de cet ouvrage autrement que par son caractegravere antichreacutetien

On doit eacutegalement tenir compte des divers deacutecrets impeacuteriaux dirigeacutes contre Porphyre Mme Digeser signale que le rapprochement qui est fait avec les Ariens montre que le grand reproche qui est adresseacute au philosophe est sans doute de nier la diviniteacute du Christ Sans le dire ouvertement elle semble consideacuterer que le traiteacute viseacute eacutetait la Philosophie des Oracles un ouvrage ougrave le problegraveme eacutetait abordeacute laquo un ouvrage qui eacutetait pris beaucoup plus au seacuterieux que le Contre les chreacutetiens raquo37 Or pas plus qursquoEusegravebe ou Jeacuterocircme les Empereurs nrsquoont pris la peine de deacutesigner lrsquoouvrage condamneacute autrement que par des formules geacuteneacuterales

laquo Porphyre lrsquoennemi de la religion qui a composeacute des ouvrages sacrilegraveges contre le culte divinhellip raquo Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρός συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος (Socrate Hist eccl I 9 30 [concerne le Concile de Niceacutee en 324] = 38 T Smith)

laquo hellipce que Porphyre entraicircneacute par sa folie a eacutecrit contre le pieux culte des chreacutetienshellip raquo ὅσα Πορϕύριος ὑπὸ τῆς ἑαυτοῦ μανίας ἐλαυνόμενος κατὰ τῆς εὐσεβοῦς θρησκείας τῶν Χριστιανῶν συνέγραψε (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 66 8-12 [en 448] = 40 T Smith)

laquo hellipagrave propos des livres de Porphyre ceux qui ont eacuteteacute composeacutes contre le saint culte des chreacutetienshellip raquo περί τε τῶν βιβλίων Πορϕυρίου τῶν κατὰ τῆς εὐαγοῦς τῶν Χριστιανῶν θρησκείας | συγγραϕέντων (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 67 7-15 [en 448] = 41 T Smith)

laquo hellipet que nul ne possegravede ne lise ne copie ni ne mentionne Nestorius aussi bien ses paroles que ses livres criminels et surtout ceux qursquoa publieacutes Porphyre contre les seules Eacutecritures chreacutetienneshellip raquo nec habeat aliquis aut legat aut transcribat proferatve Nestorium vel terminos eius aut codices noxios et maxime quos contra solas38 Porphyrius edidit Christianas litteras (Acta Conciliorum Oecumenicorum II 3 2 p 89 14-16 [en 451 ] = 42 T Smith)

laquo hellipce qui a eacuteteacute dit par Porphyre contre les chreacutetienshellip raquo τοῖς παρὰ Πορϕυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις (Acta Conciliorum Oecumenicorum III p 121 22-26 [en 536] = 43 T Smith)

Si les autoriteacutes impeacuteriales se sont contenteacutees de telles formulations crsquoest que celles-ci suffisaient agrave identifier un ouvrage preacutecis de Porphyre et non pas nrsquoim-porte quel de ses ouvrages En tout cas il est difficilement imaginable que de telles formules aient pu viser un ouvrage comme la Philosophie des Oracles que lrsquoon retrou-vera citeacute tout au long du ive siegravecle et cette difficulteacute ne peut que srsquoaccroicirctre si lrsquoon en vient agrave identifier agrave ce traiteacute drsquoautres traiteacutes comme le De regressu animae comme le voudrait Mme Digeser agrave la suite de JJ OrsquoMeara ou toute une seacuterie de traiteacutes porphyriens comme lrsquoenvisage M Beatricehellip Que la Philosophie des Oracles ait rejeteacute la diviniteacute du Christ nrsquoexclut eacutevidemment pas que Porphyre ait pu adopter la mecircme position dans un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens

37 laquo a work taken far more seriously than Against the Christians raquo (E DePalma Digeser art citeacute p 135) 38 Solas est inattendu sanctas

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Mais puisqursquoon ne trouve pas de fait en dehors de la Souda de citation ougrave Contre les chreacutetiens soit explicitement preacutesenteacute comme le titre de lrsquoouvrage au moyen drsquoun terme comme ἐπιγράϕειν admettons que le titre ne soit pas parfai-tement eacutetabli

Les reacutefeacuterences les plus explicites au traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo

Une douzaine de fragments du recueil de von Harnack contiennent une reacutefeacute-rence preacutecise agrave un ouvrage antichreacutetien de Porphyre et mecircme agrave un livre particu-lier de ce traiteacute Mecircme en laissant de cocircteacute tous les autres fragments ougrave le nom de Porphyre nrsquoapparaicirct pas et mecircme ceux ougrave il est mentionneacute sans reacutefeacuterence preacutecise agrave un ouvrage qursquoil aurait composeacute on peut se faire ainsi une ideacutee assez preacutecise de lrsquoouvrage

Cinq ou six livres de lrsquoouvrage sont eacutevoqueacutes de faccedilon explicite Il srsquoagit des livres I III et IV XII etou XIII et enfin XIV

Que lrsquoon y voie un titre ou une simple deacutesignation de son contenu on constate que lrsquoouvrage est deacutesigneacute tant chez les Grecs que chez les | Latins par des formules quasi identiques il eacutetait eacutecrit contra nos adversum nos contra Christianos καθrsquo ἡμῶν κατὰ Χριστιανῶν

Enfin plusieurs fragments permettent drsquoeacutetablir que lrsquoouvrage attaquait direc-tement les chreacutetiens les Eacutecritures Saintes et notamment le livre de Daniel

Crsquoest cet ouvrage que reacutefutegraverent Meacutethode drsquoOlympe Eusegravebe de Ceacutesareacutee et Apollinaire de Laodiceacutee peut-ecirctre drsquoautres auteurs chreacutetiens comme Philostorge et crsquoest cet ouvrage que condamnegraverent au moins agrave deux reprises les empereurs chreacutetiens

Je ne retiens que ces informations minimales pour montrer que lrsquoexistence drsquoun traiteacute antichreacutetien de Porphyre ne saurait ecirctre remise en question mecircme si lrsquoon reacuteduisait le recueil des fragments agrave un noyau regroupant uniquement des frag-ments rattacheacutes explicitement agrave un traiteacute eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens

Le ldquoContra Christianosrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquoSelon Beatrice Eusegravebe et plusieurs autres auteurs chreacutetiens connaissaient

le titre veacuteritable de ce traiteacute dirigeacute contre les chreacutetiens Crsquoeacutetait la Philosophie des oracles

Le principal argument de Beatrice semble ecirctre un passage de la Preacuteparation eacutevan-geacutelique dans lequel Eusegravebe introduit une citation de la Philosophie des Oracles en preacutesen-tant Porphyre comme ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος (V 5 5)

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne (ou ldquoqursquoexposerdquo ἐκτέθειται) de son cocircteacute

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lrsquoauteur du pamphlet (ldquocompilationrdquo Beatrice) dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles raquo39

Selon Beatrice40 il faudrait comprendre que ce pamphlet est la Philosophie des oracles ou encore que lrsquoouvrage qursquoEusegravebe srsquoapprecirctait agrave citer eacutetait le pamphlet anti-chreacutetien eacutevoqueacute

De mecircme dans la Deacutemonstration eacutevangeacutelique III 6 39 Eusegravebe introduit une cita-tion du troisiegraveme livre du mecircme ouvrage en lrsquoattribuant agrave lrsquoennemi des chreacutetiens τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου

laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo41

La conclusion qursquoen tire Beatrice est la suivante laquo On peut difficilement ne pas reconnaicirctre que dans lrsquoensemble de la litteacuterature chreacutetienne

antique ce passage de la Deacutemonstration eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe est le seul dans lequel il est eacutetabli sans ambiguiumlteacute que le titre de lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre eacutetait Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo42

On trouverait une confirmation de cette identification en Praep evang IV 6 2-3 Apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un philosophe laquo ami des deacutemons raquo (δαιμόνων ϕίλον) et comme laquo un contemporain qui srsquoest enorgueilli des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous raquo (ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις) Eusegravebe enchaicircne

39 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) () τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται La traduction fournie par Beatrice laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 247 emprunteacutee agrave EH Gifford (Oxford 1903) donne un seacuterieux coup de pouce agrave lrsquoidentification des deux traiteacutes laquo the author of the compulation against us in the book which he entitled Of the Philosophy to be derived from Oracles raquo Mais ἐν οἷς ἐπέγραψε κτλ se rapporte au verbe ἐκτέθειται et non agrave πεποιημένος 40 laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 347 41 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται ὧδέ πως ἱστορῶν κατὰ λέξιν 42 laquo It can hardly be denied that in the whole of ancient Christian literature this passage from Eusebiusrsquos Proof of the Gospel is the only one in which it is unambiguously stated that the title (ἐπέγραψεν) of Porphyryrsquos anti-Christian writing (τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς) was Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (Beatrice laquo Title raquo p 235) Voir laquo Title raquo p 234 et laquo Towards a new edition raquo p 349 ougrave Beatrice parle de ldquodecisive evidencerdquo Beutler (RE XXII1 col 298) semble avoir attribueacute le fragment (Dem evang III 6) non pas agrave la Philosophie des oracles mais au traiteacute Contre les chreacutetiens Il eacutetablirait selon Beatrice laquo Title raquo p 234 un rapprochement avec Eusegravebe Hist eccl VI 19 et Augustin De civ Dei XIX 23 Mais il srsquoagit sans doute drsquoune simple erreur de Beutler Il y a lagrave une reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles traiteacute que Beutler pour sa part distingue nettement du Contra Christianos

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laquo Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des | dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo43

Voir encore Eusegravebe Praep evang V 36 5 laquo Apregraves ces propos passe maintenant agrave la Philosophie tireacutee des oracles de celui qui a composeacute

contre nous son reacutequisitoire (ou pamphlet )hellip raquo44

Dans ces quatre passages une citation de la Philosophie des oracles de Porphyre est preacutesenteacutee comme lrsquoœuvre drsquoun adversaire du christianisme Beatrice en conclut systeacutematiquement que lrsquoœuvre antichreacutetienne agrave laquelle pensait Eusegravebe eacutetait la Philosophie des oracles45

Pour toute la tradition byzantine46 la deacutesignation officielle de Porphyre est ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας celui qui srsquoest exprimeacute κατὰ Χριστιανῶν47 celui qui agiteacute sa langue impure contre les chreacutetiens48 ou contre la veacuteriteacute49 Il est lrsquoennemi de la religion chreacutetienne50 La formule ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας pourrait provenir drsquoEusegravebe qui mentionne | reacuteguliegraverement Porphyre comme laquo notre contemporain qui a composeacute son pamphlet contre nous raquo

43 Eusegravebe Praep evang IV 6 3 (trad O Zink) οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγω γὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας Voir laquo Title raquo p 233 44 Eusegravebe Praep evang V 36 5 (trad Eacuted des Places) ἀλλὰ γὰρ μετὰ τὰ εἰρημένα μεταβὰς αὖθις ἐπὶ τὴν Ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίαν τοῦ τὴν συσκευὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένου Voir laquo Title raquo p 233 45 Beatrice suit peut-ecirctre dans son interpreacutetation de ce passage JJ OrsquoMeara Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in Augustine Paris 1959 p 107 qui eacutecrit laquo Il est peut-ecirctre bon drsquoindiquer degraves le deacutebut qursquoEusegravebe deacutecrit la Philosophie des oracles comme une compilation dirigeacutee ldquocontre nousrdquo crsquoest-agrave-dire contre les Chreacutetiens raquo (laquo It may be well to state at the outset that Eusebius describes the Philosophy from Oracles as a compilation made ldquoagainst usrdquo that is Christians raquo) 46 Georges le Moine Chron 539 καὶ Πορϕύριος ὁ Τύριος ὑπάρχων πολλὰ κατὰ τῆς πίστεως ἡμῶν ἐκμανεὶς ἐλύσσησεν χριστιανὸς γὰρ γενόμενος καὶ τυπτηθεὶς ὑπό τινος χριστιανοῦ ἐν Παλαιστίνῃ θυμωθεὶς μετῆλθε πάλιν εἰς τὸν ἑλληνισμὸν ὁ ταλαίπωρος καὶ κατὰ τῆς πίστεως ἐδογμάτισεν Cedrenus vol I p 441 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ὁ ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Symeon Logothetes Chron p 71 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας καὶ Ἀϕρικανὸς ὁ σοϕώτατος Souda E 1454 ἐντελέχειαν λέγει ὁ Πορϕύριος τὴν ψυχήν ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Τύριος ϕιλόσοϕος 47 Cf Justinien Nov XLII 2 τοῖς παρὰ Πορφυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις 48 Souda Π 2473 Πρόκλος ὁ δεύτερος μετὰ Πορϕύριον κατὰ Χριστιανῶν τὴν μιαρὰν καὶ ἐϕύβριστον αὐτοῦ γλῶσσαν κινήσας 49 Theacuteophane le Confesseur Chron p 52 Πορϕύριος δέ ὁ καθrsquo ἡμῶν λυττήσας μετῆλθεν εἰς τὸν ἑλληνισμόν καὶ τότε γράψαι κατὰ τῆς ἀληθείας ὁ κύων ἐτόλμησεν 50 Cyrille Contra Iulianum I 38 (= F 203 Smith) Πορϕύριος μὲν οὖν ὁ πικροὺς ἡμῶν καταχέας λόγους καὶ τῆς Χριστιανῶν θρησκείας μονονουχὶ κατορχούμενος Socrate I 9 Ὥσπερ τοίνυν Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρὸς συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 8: Contra Christianos

LE TRAITEacute DE PORPHYRE CONTRE LES CHREacuteTIENS 8

Porphyre y eacutetait favorable aux Juifs et au Christ plus aux Juifs qursquoau Christ plus au Christ qursquoaux chreacutetiens De lrsquoensemble de lrsquoouvrage ils ont cru pouvoir tirer une critique de la deacutemonologie et de la theacuteologie paiumlenne Mecircme en supposant que les chreacutetiens nrsquoont pas compris la perspective fondamentale de Porphyre le moins que lrsquoon puisse dire est qursquoils nrsquoont pas vu dans cet ouvrage un traiteacute dirigeacute expresseacutement contre les chreacutetiens Aux yeux drsquoAugustin lrsquohabileteacute de Porphyre consistait au contraire agrave louer le Christ pour mieux deacutenoncer les chreacutetiens Selon toutes apparences il ne serait pas venu agrave lrsquoesprit des auteurs chreacutetiens de deacutesigner sans plus cet ouvrage comme un traiteacute contre les chreacutetiens

On pourrait consideacuterer que le reste des fragments exposait de faccedilon positive ndash par opposition au christianisme ndash la theacuteologie et le culte paiumlen tels que les reacuteveacute-laient les dieux dans leurs oracles si lrsquoon ne deacutecelait pas une certaine deacutepreacuteciation de la religion traditionnelle par rapport aux courants religieux orientaux Dans les fragments 323-324 (Eusegravebe Praep evang IX 10 1-2 et 3-5) Porphyre commente un oracle drsquoApollon en opposant les Barbares et les Hellegravenes les Barbares notam-ment les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Chaldeacuteens ou les Assyriens ainsi que les Lydiens et les Heacutebreux) ont deacutecouvert de nombreux sentiers pour conduire vers les dieux alors que les Hellegravenes se sont eacutegareacutes Il citait eacutegalement un oracle reacuteser-vant aux Chaldeacuteens et aux Heacutebreux lrsquoaccegraves agrave la sagesse et le culte pur du Dieu Pegravere et Roi Il est difficile de deacutecouvrir la position originale de Porphyre dans ce passage du fait qursquoEusegravebe et Augustin nrsquoont en geacuteneacuteral retenu que les extraits qui servaient leur propre cause Mais si vraiment la perspective de ce traiteacute avait eacuteteacute reacuteduite agrave une attaque contre le christianisme pourquoi Porphyre aurait-il pris la peine de deacutevelopper des positions aussi nuanceacutees

Mais une thegravese peut ecirctre surprenante paradoxale et ecirctre vraie Il faut donc se tourner vers lrsquoexamen des arguments avanceacutes par P F Beatrice dans ses diverses eacutetudes

Lrsquoautoriteacute drsquoA von Harnack

Beatrice fait eacutetat drsquoune deacuteclaration drsquoAdolf von Harnack16 (laquo this brilliant intuition raquo) qui preacutesentait le Contra Christianos sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας κατὰ Χριστιανῶν λόγοι ιεʹ (Sur la philosophie tireacutee des oracles contres les chreacute-tiens en quinze livres) Mais crsquoeacutetait lagrave manifestement une erreur deacutejagrave deacutenonceacutee par Hauschildt17 que lrsquohistorien nrsquoa jamais renouveleacutee dans ses eacutetudes consacreacutees au Contra Christianos

16 Adolf von Harnack Geschichte der altchristlichen Literatur bis Eusebius Berlin 1893 t I 2 p 873 citeacute par PF Beatrice laquo Towards a new edition raquo p 348-349

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Le titre ldquoContra Christianosrdquo

On pourrait soulever une objection de bon sens agrave une identification entre le traiteacute Contre les chreacutetiens et drsquoautres traiteacutes de Porphyre le titre et la dimension du traiteacute Contre les chreacutetiens ne correspondent agrave aucun des autres ouvrages avec lesquels on voudrait lrsquoidentifier Crsquoest pourquoi M Beatrice a consacreacute un article indeacutepen-dant agrave cette question preacuteliminaire18

Selon cet auteur le titre Contre les chreacutetiens serait mal attesteacute On ne dispose en effet que drsquoune seule attestation tardive puisqursquoelle se trouve | dans la Souda La liste des œuvres de Porphyre conserveacutee par la Souda signale Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ Un des manuscrits omet drsquoailleurs ce titre19 et il nrsquoapparaicirct pas dans les catalogues arabes20 Souda art Πορϕύριος Π 2098 t IV p 278 14-32 Adler

Πορϕύριος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας ὃς κυρίως ἐκαλεῖτο Βασιλεύς Τύριος ϕιλόσοϕος μαθητὴς Ἀμελίου τοῦ Πλωτίνου μαθητοῦ διδάσκαλος δὲ Ἰαμβλίχου γεγονὼς ἐπὶ τῶν χρόνων Αὐρηλιανοῦ καὶ παρατείνας ἕως Διοκλητιανοῦ τοῦ βασιλέως ἔγραψε βιβλία πάμπλειστα ϕιλόσοϕά τε καὶ ῥητορικὰ καὶ γραμματικά ἦν δὲ καὶ Λογγίνου τοῦ κριτικοῦ ἀκροασάμενος Περὶ θείων ὀνομάτων αʹ Περὶ ἀρχῶν βʹ Περὶ ὕλης ϛʹ Περὶ ψυχῆς πρὸς Βόηθον εʹ Περὶ ἀποχῆς ἐμψύχων δʹ Περὶ τοῦ Γνῶθι σαυτὸν δʹ Περὶ ἀσωμάτων Περὶ τοῦ μίαν εἶναι τὴν Πλάτωνος καὶ Ἀριστοτέλους αἵρεσιν ζʹ Εἰς τὴν Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ21 Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ22 Περὶ τῆς Ὁμήρου ϕιλοσοϕίας Πρὸς Ἀριστοτέλην τοῦ εἶναι τὴν ψυχὴν ἐντελέχειαν Φιλολόγου ἱστορίας βιβλία εʹ Περὶ γένους καὶ εἴδους καὶ διαϕορᾶς καὶ ἰδίου καὶ συμβεβηκότος Περὶ τῶν κατὰ Πίνδαρον τοῦ Νείλου πηγῶν Περὶ τῆς ἐξ Ὁμήρου ὠϕελείας τῶν βασιλέων βιβλία ιʹ Συμμίκτων ζητημάτων ζʹ Εἰς τὸ Θουκυδίδου προοίμιον Πρὸς Ἀριστείδην ζʹ Εἰς τὴν Μινουκιανοῦ τέχνην καὶ ἄλλα πλεῖστα καὶ μάλιστα ἀστρονομούμενα ἐν οἷς καὶ Εἰσαγωγὴν ἀστρονομουμένων ἐν βιβλίοις τρισί καὶ Γραμματικὰς ἀπορίας οὗτός ἐστιν ὁ Πορϕύριος ὁ τὴν κατὰ Χριστιανῶν ἐϕύβριστον γλῶσσαν κινήσας

laquo Porphyre celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens son nom veacuteritable eacutetait ldquoRoirdquo originaire de Tyr philosophe eacutelegraveve de lrsquoeacutelegraveve de Plotin Ameacutelius maicirctre de Jamblique il fut dans la force de lrsquoacircge agrave lrsquoeacutepoque drsquoAureacutelien et veacutecut jusqursquoagrave celle de lrsquoempereur Diocleacutetien Il a eacutecrit de tregraves nombreux ouvrages de philosophie de rheacutetorique et de grammaire Il avait eacuteteacute aussi lrsquoauditeur du critique Longin

Des noms divins un livreDes principes deux livresDe la matiegravere neuf livres

17 H Hauschildt De Porphyrio philosopho Macarii Magnetis apologetae Christiani Apokritikon auctore Diss Heidelberg Bonn 1907 p 38 n 1 18 Voir laquo Title raquo p 223 19 Voir J Bidez Vie de Porphyre le philosophe neacuteo-platonicien Gand 1913 p 52 Harnack op cit p 27 20 Voir Bidez op cit p 54-62 Harnack op cit p 27 21 Il y a manifestement ici une confusion de deux titres Rien agrave ce sujet dans lrsquoapparat drsquoA Adler sinon la correction ϕιλοσόϕων proposeacutee par Vales(ius) Jacoby FGrHist 260 T 1 laquo Sur les [eacutecrits] de Julien le Chaldeacuteen Histoire philosophique en quatre livres raquo Εἰς τὰ (corr Vales) Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ 22 Ce titre est absent dans le manuscrit Ω

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De lrsquoacircme contre Boegravece cinq livresDe lrsquoabstinence des ecirctres animeacutes quatre livresSur le ldquoConnais-toi toi-mecircmerdquo quatre livresDes incorporelsDe lrsquouniciteacute de la doctrine de Platon et drsquoAristote six livresSur lrsquohistoire philosophique de Julien le Chaldeacuteen en quatre livresDiscours contre les chreacutetiens quinze livresDe la philosophie drsquoHomegravereContre Aristote [et sa doctrine que ] lrsquoacircme est une enteacuteleacutechieHistoire philologique dix livresDu genre de lrsquoespegravece de la diffeacuterence du propre et de lrsquoaccidentDes sources du Nil selon PindareDe lrsquoutiliteacute drsquoHomegravere pour les rois dix livresRecherches mecircleacutees sept livresSur le prologue de ThucydideContre Aristide sept livresSur le manuel [de rheacutetorique] de MinucianusEt beaucoup drsquoautres surtout drsquoastronomie parmi lesquels une Introduction agrave lrsquoeacutetude de

lrsquoastronomie en trois livres et des Apories | grammaticales Crsquoest ce Porphyre qui a agiteacute sa langue insolente contre les chreacutetiens raquo

On remarquera que la Philosophie des oracles nrsquoapparaicirct pas dans cette liste ce qui aux yeux de M Beatrice milite en faveur drsquoune identification de ce traiteacute avec un autre traiteacute comme le Κατὰ Χριστιανῶν Mais cette liste est loin de contenir tous les ouvrages connus de Porphyre23 On y chercherait en vain la Vie de Plotin les Sentences ou Lrsquoantre des nymphes les Commentaires de Platon et drsquoAristote etc

Selon M Beatrice la formule de la Souda ne correspondrait pas agrave un titre formel mais se rapporterait agrave la theacutematique ou agrave la perspective litteacuteraire drsquoun ouvrage en quinze livres dirigeacute contre les chreacutetiens laquo Lrsquoexpression Κατὰ Χριστιανῶν pour-rait simplement indiquer la cible de lrsquoouvrage de Porphyre sans ecirctre son titre originel raquo24 A propos drsquoune reacutefeacuterence fournie par Augustin (laquo Ils ont exposeacute encore drsquoautres [objections ] qursquoils disaient extraites de Porphyre Contre les chreacutetiens comme si elles eacutetaient passablement pertinentes raquo)25 Beatrice eacutecrit de mecircme laquo Il reacutevegravele simplement la perspective antichreacutetienne des objections attri-bueacutees agrave Porphyre raquo26

23 Voir R Beutler art laquo Porphyrios raquo 21 RE XXII 1 1953 col 275-313 notamment col 278-301 24 laquo The expression Κατὰ Χριστιανῶν could simply indicate the target of Porphyryrsquos writing without being its original title raquo (laquo Title raquo p 222) 25 laquo Item alia proposuerunt quae dicerent de Porphyrio contra Christianos tamquam validiora decerpta raquo (Augustin Lettre 102 2 8 CSEL 34 2 p 551 5-6 Goldbacher) 26 laquo It simply reveals the anti-Christian intention of the objections attributed to Porphyry raquo (laquo Title raquo p 223)

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Pour illustrer ce sens purement descriptif de la formule employeacutee agrave propos de Porphyre Beatrice27 cite Seacuteveacuterien de Gabala De mundi creat hom 6 (PG 56 487) laquo agrave Porphyrehellip celui qui a composseacute [un ouvrage] contre les chreacutetiens raquo (Πορϕυρίῳ τῷ κατὰ Χριστιανῶν συγγράψαντι) et Neacutemeacutesius drsquoEacutemegravese De nat hom 3 (p 42 22-23 Morani) laquo Porphyre celui qui a agiteacute sa langue contre le Christ raquo (Πορϕύριος ὁ κατὰ τοῦ Χριστοῦ κινήσας τὴν ἑαυτοῦ γλῶσσαν)

Beatrice cite eacutegalement des formules drsquoOrigegravene ou drsquoEusegravebe qui eacutevoquent lrsquoἈληθὴς λόγος de Celse comme un eacutecrit poleacutemique dirigeacute Κατὰ Χριστιανῶν ou καθrsquo ἡμῶν28

Mais le fait que la formule puisse srsquointerpreacuteter dans un sens faible ne prouve cependant pas que dans des contextes ougrave lrsquoauteur eacutenumegravere des titres drsquoouvrages (comme dans la Souda ougrave la plupart des autres titres rappelons-le sont confirmeacutes par des fragments porphyriens) ou donne la reacutefeacuterence litteacuteraire drsquoune citation (comme chez Eusegravebe dans les passages que nous allons examiner) elle doive neacutecessairement ecirctre ainsi interpreacuteteacutee mecircme lorsque lrsquoauteur ne preacutecise pas qursquoil cite expresseacutement le titre drsquoun ouvrage Car les innombrables titres drsquoouvrages comportant κατὰ+geacuten ou πρὸς+acc en grec ne sauraient ecirctre reacuteduits agrave de pures eacutevocations de leur laquo cible raquo litteacuteraire

Crsquoest le contexte seul qui permet drsquoeacutetablir la preacutecision de la reacutefeacuterence Prenons par exemple les quatre reacutefeacuterences suivantes au Contre Celse drsquoOrigegravene que nous trouvons dans la Philocalie29

laquoExtraits des Tomes contre Celse celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens tomes 6 et 7raquo ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τοῦ κατὰ χριστιανῶν γράψαντος τόμου ϛʹ καὶ ζʹ (chap 15)

laquoDu tome 3 contre Celseraquo τόμου γʹ κατὰ Κέλσου (chap 16)laquoExtraits des tomes 1 et 5 de lrsquoouvrage contre Celseraquo ἐκ τοῦ αʹ καὶ εʹ τόμου τῶν κατὰ Κέλσου

(chap 17)laquoExtraits du tome 3 du mecircme traiteacute contre Celseraquo ἐν τῷ τρίτῳ τόμῳ τῆς αὐτῆς κατὰ Κέλσου

πραγματείας (18) Harl ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τόμου αʹ καὶ γʹ (chap 18)

27 laquo Title raquo p 222 28 Origegravene Contre Celse prooem 4 laquo Et je ne sais pas dans quelle cateacutegorie il faut ranger celui qui a besoin de discours eacutecrits dans des livres en reacuteponse aux charges de Celse contre les chreacutetiens (πρὸς τὰ Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐγκλήματα) pour ressaisir et remettre debout une foi qui chancelleraquo (trad M Borret 1967) Voir aussi au deacutebut du prologue la formule laquocontre les faux teacutemoignages de Celse contre les chreacutetiens dans son traiteacute (πρὸς τὰς Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐν συγγράμμασι ψευδομαρτυρίας) raquo Eusegravebe Hist eccl VI 36 2 (agrave propos drsquoOrigegravene) laquo Agrave cette eacutepoque aussi il compose les huit livres pour reacutepondre agrave lrsquoouvrage dirigeacute contre nous par Celse lrsquoeacutepicurien et intituleacute Discours veacuteritable (τὰ πρὸς τὸν ἐπιγραμμένον καθrsquo ἡμῶν Κέλσου τοῦ Ἐπικουρείου Ἀληθῆ λόγον)hellip raquo 29 Voir Origegravene Philocalie 1-20 Sur les Eacutecritures Introduction texte traduction et notes par Marguerite Harl et La Lettre agrave Africanus sur lrsquohistoire de Suzanne Introduction texte traduction et notes pas Nicholas de Lange coll SC 302 Paris 1983

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Ces formules sont eacutequivalentes On peut toujours dire qursquoaucune des quatre mecircme la quatriegraveme ne preacutesente explicitement les mots laquo Contre Celse raquo comme le titre mecircme de lrsquoouvrage drsquoOrigegravene mais il faut au moins reconnaicirctre (a) qursquoon ne connaicirct pas drsquoautre titre (b) que cette faccedilon de deacutesigner lrsquoouvrage eacutetait aux yeux des compilateurs suffisamment explicite pour identifier un ouvrage particulier

Dans une liste de titres on ne voit pas pourquoi la Souda aurait preacutefeacutereacute eacutevoquer les quinze livres eacutecrits par Porphyre contre les chreacutetiens plutocirct que drsquoen donner le titre preacutecis si vraiment ce titre avait eacuteteacute diffeacuterent et si lrsquoauteur lrsquoavait connu

Attestations du titre du ldquoContra Christianosrdquo

Reste agrave savoir si nous nrsquoavons pas drsquoattestation plus ancienne de ce titre Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui cite geacuteneacuteralement de faccedilon preacutecise ses sources nous a transmis plusieurs extraits litteacuteraux du traiteacute de Porphyre dirigeacute contre les chreacute-tiens Consideacuterons en quels termes il introduit chacune de ces citations en trois passages capitaux

Dans sa Preacuteparation eacutevangeacutelique V 1 9 ougrave il veut montrer que les deacutemons mauvais ont perdu de leur puissance depuis la venue de Jeacutesus-Christ parmi les hommes il introduit dans les termes suivants le fragment 80 du recueil de von Harnack

laquo hellipcrsquoest encore lrsquoauteur mecircme qui est agrave notre eacutepoque lrsquoavocat des deacutemons qui dans le pamphlet30 qursquoil a eacutecrit contre nous porte teacutemoignage en ces termeshellip raquo31

Dans la Preacuteparation eacutevangeacutelique I 9 20 crsquoest le fragment 41 qui est ainsi preacutesenteacute

laquo Lrsquoauteur qui de nos jours a monteacute son pamphlet contre nous rappelle ces faits32 dans le quatriegraveme livre de lrsquoouvrage ougrave il nous attaquehellip raquo33

30 E des Places a traduit συσκευή par laquo pamphlet raquo et PF Beatrice par laquo compilation raquo Compilation est effectivement donneacute par le dictionnaire de Lampe (PGL) mais le seul exemple fourni est un passage drsquoEusegravebe On ne voit pas tregraves bien ce que Porphyre aurait ici compileacute A lire lrsquoen-semble des occurrences chez Eusegravebe on retiendra plutocirct le sens de laquo machination raquo laquo complot raquo souvent en association avec κατὰ+geacuten par exemple le complot du peuple juif contre le Christ (Hist eccl I 3 6) La formule consacreacutee chez Eusegravebe agrave propos de Porphyre est ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν (Praep evang I 9 20 voir aussi V 5 5 V 36 5 X 9 12) Voir aussi en X 9 11 ὃς τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν ὑπερβολῇ μίσους προβεβλημένος A propos drsquoun ouvrage de Molon contre les Juifs Eusegravebe emploie une formule semblable ῾Ὁ δὲ τὴν συσκευὴν τὴν κατὰ Ἰουδαίων γράψας Μόλων Comme le mot est souvent employeacute avec des verbes comme ldquoeacutecrirerdquo (Praep evang X 9 12) on peut estimer que pamphlet (diffamatoire) est une assez bonne traduction 31 Eusegravebe Preacutep eacutevang V 1 9 περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον (suit le fr 80 Harnack) 32 Ou laquo mentionne ces deux auteurs raquo crsquoest-agrave-dire Sanchouniathon et Philon de Byblos 33 Eusegravebe Preacutep eacutevang I 9 20 (trad J Sirinelli) μέμνηται τούτων ὁ καθrsquo ἡμᾶς τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν ἐν τετάρτῳ τῆς πρὸς ἡμᾶς ὑποθέσεως (suit le fr 41 Harnack)

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Dans son Histoire eccleacutesiastique VI 19 2-4 Eusegravebe introduit le fragment 39 du recueil de von Harnack

laquo Pourquoi faut-il dire cela lorsque encore de nos jours Porphyre srsquoest eacutetabli en Sicile y a composeacute des eacutecrits contre nous et srsquoest efforceacute drsquoy calomnier les Eacutecritures divineshellip raquo34

A la fin de lrsquoextrait (VI 19 9) il preacutecise le livre drsquoougrave est tireacute ce passage laquo Voilagrave ce qui a eacuteteacute eacutecrit par Porphyre au troisiegraveme des livres qursquoil a eacutecrits contre les chreacutetienshellip

Que ne devait pas faire lrsquoadversaire des chreacutetiens raquo35

On imagine mal qursquoEusegravebe nrsquoait pas penseacute citer un titre preacutecis lorsqursquoil a eacutecrit κατὰ τὸ γʹ σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν Beatrice36 fait reacutefeacuterence agrave ce passage mais il ne lui consacre aucune explication Si Eusegravebe avait connu lrsquoouvrage sous un autre titre notamment en tant que Philosophie des oracles il aurait vraisemblablement pris la peine de lrsquoindiquer ici

On a peine agrave croire que dans tous ces passages Eusegravebe ait eu agrave lrsquoesprit un titre de Porphyre qursquoil se serait borneacute agrave eacutevoquer sans le mentionner Eusegravebe eacutetant lrsquoauteur le plus proche chronologiquement de Porphyre et lrsquoun des seuls agrave avoir lu directement lrsquoouvrage son teacutemoignage doit ecirctre tenu comme le plus deacutecisif

On peut admettre agrave la limite qursquoEusegravebe ne pensait pas citer un titre comme tel on peut mecircme admettre que lrsquoouvrage nrsquoeacutetait connu que par un titre descriptif mais ce qui est exclu est qursquoEusegravebe ait employeacute de telles formules alors mecircme qursquoil connaissait lrsquoouvrage sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας

Les reacutefeacuterences preacutecises de Jeacuterocircme agrave lrsquoouvrage de Porphyre ressemblent tout agrave fait agrave celles que donne Eusegravebe

Fr 9a Harnack laquo hellipce Porphyre impie qui eacutecrivit contre nous et en plusieurs volumes deacuteversa sa rage au tome XIVhellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius qui adversum nos conscripsit et multis voluminibus rabiem suam evomuit in XIV voluminehellip)

Fr 21a Harnack laquo hellip Ce Bataneacuteote et ce sceacuteleacuterat de Porphyre au premier livre de son ouvrage contre noushellip raquo (hellipBataneotes et sceleratus ille Porphyrius in I operis sui adversum nos librohellip)

Fr 40 Harnack laquo hellipcet impie de Porphyre au livre IV de son livre qursquoau prix drsquoun vain labeur il a composeacute contre noushellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius in IV operis sui libro quod adversum nos casso labore contexuithellip)

Fr 43 a Harnack laquo Contre le prophegravete Daniel Porphyre a eacutecrit le livre XII raquo (Contra prophetam Danielem XII librum scripsit Porphyrius)

34 Eusegravebe Hist eccl VI 19 2-4 (trad Bardy) τί δεῖ ταῦτα λέγειν ὅτε καὶ ὁ καθrsquo ἡμᾶς ἐν Σικελίᾳ καταστὰς Πορϕύριος συγγράμματα καθrsquo ἡμῶν ἐνστησάμενος καὶ διrsquo αὐτῶν τὰς θείας γραϕὰς διαβάλλειν πεπειραμένος En suivant TD Barnes (laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65) on peut aussi comprendre laquo lorsque mecircme Porphyre qui de nos jours srsquoest eacutetabli en Sicile raquo 35 Ibid VI 19 9 (conclusion) ταῦτα τῷ Πορϕυρίῳ κατὰ τὸ τρίτον σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν εἴρηται () (τί γὰρ οὐκ ἔμελλεν ὁ κατὰ Χριστιανῶν ) 36 laquo Title raquo p 233 n 79

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Fr 44 Harnack laquo au livre XIII de son ouvrage contre nous Porphyre a profeacutereacute de nombreux blas-phegravemeshellip raquo (multa Porphyrius XIII operis sui volumine contra nos blasphemavithellip)

Toutes ces reacutefeacuterences ont en commun de signaler un livre particulier de lrsquoouvrage de Porphyre sans preacuteciser le titre exact de cet ouvrage autrement que par son caractegravere antichreacutetien

On doit eacutegalement tenir compte des divers deacutecrets impeacuteriaux dirigeacutes contre Porphyre Mme Digeser signale que le rapprochement qui est fait avec les Ariens montre que le grand reproche qui est adresseacute au philosophe est sans doute de nier la diviniteacute du Christ Sans le dire ouvertement elle semble consideacuterer que le traiteacute viseacute eacutetait la Philosophie des Oracles un ouvrage ougrave le problegraveme eacutetait abordeacute laquo un ouvrage qui eacutetait pris beaucoup plus au seacuterieux que le Contre les chreacutetiens raquo37 Or pas plus qursquoEusegravebe ou Jeacuterocircme les Empereurs nrsquoont pris la peine de deacutesigner lrsquoouvrage condamneacute autrement que par des formules geacuteneacuterales

laquo Porphyre lrsquoennemi de la religion qui a composeacute des ouvrages sacrilegraveges contre le culte divinhellip raquo Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρός συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος (Socrate Hist eccl I 9 30 [concerne le Concile de Niceacutee en 324] = 38 T Smith)

laquo hellipce que Porphyre entraicircneacute par sa folie a eacutecrit contre le pieux culte des chreacutetienshellip raquo ὅσα Πορϕύριος ὑπὸ τῆς ἑαυτοῦ μανίας ἐλαυνόμενος κατὰ τῆς εὐσεβοῦς θρησκείας τῶν Χριστιανῶν συνέγραψε (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 66 8-12 [en 448] = 40 T Smith)

laquo hellipagrave propos des livres de Porphyre ceux qui ont eacuteteacute composeacutes contre le saint culte des chreacutetienshellip raquo περί τε τῶν βιβλίων Πορϕυρίου τῶν κατὰ τῆς εὐαγοῦς τῶν Χριστιανῶν θρησκείας | συγγραϕέντων (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 67 7-15 [en 448] = 41 T Smith)

laquo hellipet que nul ne possegravede ne lise ne copie ni ne mentionne Nestorius aussi bien ses paroles que ses livres criminels et surtout ceux qursquoa publieacutes Porphyre contre les seules Eacutecritures chreacutetienneshellip raquo nec habeat aliquis aut legat aut transcribat proferatve Nestorium vel terminos eius aut codices noxios et maxime quos contra solas38 Porphyrius edidit Christianas litteras (Acta Conciliorum Oecumenicorum II 3 2 p 89 14-16 [en 451 ] = 42 T Smith)

laquo hellipce qui a eacuteteacute dit par Porphyre contre les chreacutetienshellip raquo τοῖς παρὰ Πορϕυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις (Acta Conciliorum Oecumenicorum III p 121 22-26 [en 536] = 43 T Smith)

Si les autoriteacutes impeacuteriales se sont contenteacutees de telles formulations crsquoest que celles-ci suffisaient agrave identifier un ouvrage preacutecis de Porphyre et non pas nrsquoim-porte quel de ses ouvrages En tout cas il est difficilement imaginable que de telles formules aient pu viser un ouvrage comme la Philosophie des Oracles que lrsquoon retrou-vera citeacute tout au long du ive siegravecle et cette difficulteacute ne peut que srsquoaccroicirctre si lrsquoon en vient agrave identifier agrave ce traiteacute drsquoautres traiteacutes comme le De regressu animae comme le voudrait Mme Digeser agrave la suite de JJ OrsquoMeara ou toute une seacuterie de traiteacutes porphyriens comme lrsquoenvisage M Beatricehellip Que la Philosophie des Oracles ait rejeteacute la diviniteacute du Christ nrsquoexclut eacutevidemment pas que Porphyre ait pu adopter la mecircme position dans un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens

37 laquo a work taken far more seriously than Against the Christians raquo (E DePalma Digeser art citeacute p 135) 38 Solas est inattendu sanctas

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Mais puisqursquoon ne trouve pas de fait en dehors de la Souda de citation ougrave Contre les chreacutetiens soit explicitement preacutesenteacute comme le titre de lrsquoouvrage au moyen drsquoun terme comme ἐπιγράϕειν admettons que le titre ne soit pas parfai-tement eacutetabli

Les reacutefeacuterences les plus explicites au traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo

Une douzaine de fragments du recueil de von Harnack contiennent une reacutefeacute-rence preacutecise agrave un ouvrage antichreacutetien de Porphyre et mecircme agrave un livre particu-lier de ce traiteacute Mecircme en laissant de cocircteacute tous les autres fragments ougrave le nom de Porphyre nrsquoapparaicirct pas et mecircme ceux ougrave il est mentionneacute sans reacutefeacuterence preacutecise agrave un ouvrage qursquoil aurait composeacute on peut se faire ainsi une ideacutee assez preacutecise de lrsquoouvrage

Cinq ou six livres de lrsquoouvrage sont eacutevoqueacutes de faccedilon explicite Il srsquoagit des livres I III et IV XII etou XIII et enfin XIV

Que lrsquoon y voie un titre ou une simple deacutesignation de son contenu on constate que lrsquoouvrage est deacutesigneacute tant chez les Grecs que chez les | Latins par des formules quasi identiques il eacutetait eacutecrit contra nos adversum nos contra Christianos καθrsquo ἡμῶν κατὰ Χριστιανῶν

Enfin plusieurs fragments permettent drsquoeacutetablir que lrsquoouvrage attaquait direc-tement les chreacutetiens les Eacutecritures Saintes et notamment le livre de Daniel

Crsquoest cet ouvrage que reacutefutegraverent Meacutethode drsquoOlympe Eusegravebe de Ceacutesareacutee et Apollinaire de Laodiceacutee peut-ecirctre drsquoautres auteurs chreacutetiens comme Philostorge et crsquoest cet ouvrage que condamnegraverent au moins agrave deux reprises les empereurs chreacutetiens

Je ne retiens que ces informations minimales pour montrer que lrsquoexistence drsquoun traiteacute antichreacutetien de Porphyre ne saurait ecirctre remise en question mecircme si lrsquoon reacuteduisait le recueil des fragments agrave un noyau regroupant uniquement des frag-ments rattacheacutes explicitement agrave un traiteacute eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens

Le ldquoContra Christianosrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquoSelon Beatrice Eusegravebe et plusieurs autres auteurs chreacutetiens connaissaient

le titre veacuteritable de ce traiteacute dirigeacute contre les chreacutetiens Crsquoeacutetait la Philosophie des oracles

Le principal argument de Beatrice semble ecirctre un passage de la Preacuteparation eacutevan-geacutelique dans lequel Eusegravebe introduit une citation de la Philosophie des Oracles en preacutesen-tant Porphyre comme ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος (V 5 5)

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne (ou ldquoqursquoexposerdquo ἐκτέθειται) de son cocircteacute

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lrsquoauteur du pamphlet (ldquocompilationrdquo Beatrice) dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles raquo39

Selon Beatrice40 il faudrait comprendre que ce pamphlet est la Philosophie des oracles ou encore que lrsquoouvrage qursquoEusegravebe srsquoapprecirctait agrave citer eacutetait le pamphlet anti-chreacutetien eacutevoqueacute

De mecircme dans la Deacutemonstration eacutevangeacutelique III 6 39 Eusegravebe introduit une cita-tion du troisiegraveme livre du mecircme ouvrage en lrsquoattribuant agrave lrsquoennemi des chreacutetiens τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου

laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo41

La conclusion qursquoen tire Beatrice est la suivante laquo On peut difficilement ne pas reconnaicirctre que dans lrsquoensemble de la litteacuterature chreacutetienne

antique ce passage de la Deacutemonstration eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe est le seul dans lequel il est eacutetabli sans ambiguiumlteacute que le titre de lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre eacutetait Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo42

On trouverait une confirmation de cette identification en Praep evang IV 6 2-3 Apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un philosophe laquo ami des deacutemons raquo (δαιμόνων ϕίλον) et comme laquo un contemporain qui srsquoest enorgueilli des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous raquo (ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις) Eusegravebe enchaicircne

39 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) () τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται La traduction fournie par Beatrice laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 247 emprunteacutee agrave EH Gifford (Oxford 1903) donne un seacuterieux coup de pouce agrave lrsquoidentification des deux traiteacutes laquo the author of the compulation against us in the book which he entitled Of the Philosophy to be derived from Oracles raquo Mais ἐν οἷς ἐπέγραψε κτλ se rapporte au verbe ἐκτέθειται et non agrave πεποιημένος 40 laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 347 41 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται ὧδέ πως ἱστορῶν κατὰ λέξιν 42 laquo It can hardly be denied that in the whole of ancient Christian literature this passage from Eusebiusrsquos Proof of the Gospel is the only one in which it is unambiguously stated that the title (ἐπέγραψεν) of Porphyryrsquos anti-Christian writing (τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς) was Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (Beatrice laquo Title raquo p 235) Voir laquo Title raquo p 234 et laquo Towards a new edition raquo p 349 ougrave Beatrice parle de ldquodecisive evidencerdquo Beutler (RE XXII1 col 298) semble avoir attribueacute le fragment (Dem evang III 6) non pas agrave la Philosophie des oracles mais au traiteacute Contre les chreacutetiens Il eacutetablirait selon Beatrice laquo Title raquo p 234 un rapprochement avec Eusegravebe Hist eccl VI 19 et Augustin De civ Dei XIX 23 Mais il srsquoagit sans doute drsquoune simple erreur de Beutler Il y a lagrave une reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles traiteacute que Beutler pour sa part distingue nettement du Contra Christianos

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laquo Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des | dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo43

Voir encore Eusegravebe Praep evang V 36 5 laquo Apregraves ces propos passe maintenant agrave la Philosophie tireacutee des oracles de celui qui a composeacute

contre nous son reacutequisitoire (ou pamphlet )hellip raquo44

Dans ces quatre passages une citation de la Philosophie des oracles de Porphyre est preacutesenteacutee comme lrsquoœuvre drsquoun adversaire du christianisme Beatrice en conclut systeacutematiquement que lrsquoœuvre antichreacutetienne agrave laquelle pensait Eusegravebe eacutetait la Philosophie des oracles45

Pour toute la tradition byzantine46 la deacutesignation officielle de Porphyre est ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας celui qui srsquoest exprimeacute κατὰ Χριστιανῶν47 celui qui agiteacute sa langue impure contre les chreacutetiens48 ou contre la veacuteriteacute49 Il est lrsquoennemi de la religion chreacutetienne50 La formule ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας pourrait provenir drsquoEusegravebe qui mentionne | reacuteguliegraverement Porphyre comme laquo notre contemporain qui a composeacute son pamphlet contre nous raquo

43 Eusegravebe Praep evang IV 6 3 (trad O Zink) οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγω γὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας Voir laquo Title raquo p 233 44 Eusegravebe Praep evang V 36 5 (trad Eacuted des Places) ἀλλὰ γὰρ μετὰ τὰ εἰρημένα μεταβὰς αὖθις ἐπὶ τὴν Ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίαν τοῦ τὴν συσκευὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένου Voir laquo Title raquo p 233 45 Beatrice suit peut-ecirctre dans son interpreacutetation de ce passage JJ OrsquoMeara Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in Augustine Paris 1959 p 107 qui eacutecrit laquo Il est peut-ecirctre bon drsquoindiquer degraves le deacutebut qursquoEusegravebe deacutecrit la Philosophie des oracles comme une compilation dirigeacutee ldquocontre nousrdquo crsquoest-agrave-dire contre les Chreacutetiens raquo (laquo It may be well to state at the outset that Eusebius describes the Philosophy from Oracles as a compilation made ldquoagainst usrdquo that is Christians raquo) 46 Georges le Moine Chron 539 καὶ Πορϕύριος ὁ Τύριος ὑπάρχων πολλὰ κατὰ τῆς πίστεως ἡμῶν ἐκμανεὶς ἐλύσσησεν χριστιανὸς γὰρ γενόμενος καὶ τυπτηθεὶς ὑπό τινος χριστιανοῦ ἐν Παλαιστίνῃ θυμωθεὶς μετῆλθε πάλιν εἰς τὸν ἑλληνισμὸν ὁ ταλαίπωρος καὶ κατὰ τῆς πίστεως ἐδογμάτισεν Cedrenus vol I p 441 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ὁ ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Symeon Logothetes Chron p 71 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας καὶ Ἀϕρικανὸς ὁ σοϕώτατος Souda E 1454 ἐντελέχειαν λέγει ὁ Πορϕύριος τὴν ψυχήν ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Τύριος ϕιλόσοϕος 47 Cf Justinien Nov XLII 2 τοῖς παρὰ Πορφυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις 48 Souda Π 2473 Πρόκλος ὁ δεύτερος μετὰ Πορϕύριον κατὰ Χριστιανῶν τὴν μιαρὰν καὶ ἐϕύβριστον αὐτοῦ γλῶσσαν κινήσας 49 Theacuteophane le Confesseur Chron p 52 Πορϕύριος δέ ὁ καθrsquo ἡμῶν λυττήσας μετῆλθεν εἰς τὸν ἑλληνισμόν καὶ τότε γράψαι κατὰ τῆς ἀληθείας ὁ κύων ἐτόλμησεν 50 Cyrille Contra Iulianum I 38 (= F 203 Smith) Πορϕύριος μὲν οὖν ὁ πικροὺς ἡμῶν καταχέας λόγους καὶ τῆς Χριστιανῶν θρησκείας μονονουχὶ κατορχούμενος Socrate I 9 Ὥσπερ τοίνυν Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρὸς συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 9: Contra Christianos

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Le titre ldquoContra Christianosrdquo

On pourrait soulever une objection de bon sens agrave une identification entre le traiteacute Contre les chreacutetiens et drsquoautres traiteacutes de Porphyre le titre et la dimension du traiteacute Contre les chreacutetiens ne correspondent agrave aucun des autres ouvrages avec lesquels on voudrait lrsquoidentifier Crsquoest pourquoi M Beatrice a consacreacute un article indeacutepen-dant agrave cette question preacuteliminaire18

Selon cet auteur le titre Contre les chreacutetiens serait mal attesteacute On ne dispose en effet que drsquoune seule attestation tardive puisqursquoelle se trouve | dans la Souda La liste des œuvres de Porphyre conserveacutee par la Souda signale Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ Un des manuscrits omet drsquoailleurs ce titre19 et il nrsquoapparaicirct pas dans les catalogues arabes20 Souda art Πορϕύριος Π 2098 t IV p 278 14-32 Adler

Πορϕύριος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας ὃς κυρίως ἐκαλεῖτο Βασιλεύς Τύριος ϕιλόσοϕος μαθητὴς Ἀμελίου τοῦ Πλωτίνου μαθητοῦ διδάσκαλος δὲ Ἰαμβλίχου γεγονὼς ἐπὶ τῶν χρόνων Αὐρηλιανοῦ καὶ παρατείνας ἕως Διοκλητιανοῦ τοῦ βασιλέως ἔγραψε βιβλία πάμπλειστα ϕιλόσοϕά τε καὶ ῥητορικὰ καὶ γραμματικά ἦν δὲ καὶ Λογγίνου τοῦ κριτικοῦ ἀκροασάμενος Περὶ θείων ὀνομάτων αʹ Περὶ ἀρχῶν βʹ Περὶ ὕλης ϛʹ Περὶ ψυχῆς πρὸς Βόηθον εʹ Περὶ ἀποχῆς ἐμψύχων δʹ Περὶ τοῦ Γνῶθι σαυτὸν δʹ Περὶ ἀσωμάτων Περὶ τοῦ μίαν εἶναι τὴν Πλάτωνος καὶ Ἀριστοτέλους αἵρεσιν ζʹ Εἰς τὴν Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ21 Κατὰ Χριστιανῶν λόγους ιεʹ22 Περὶ τῆς Ὁμήρου ϕιλοσοϕίας Πρὸς Ἀριστοτέλην τοῦ εἶναι τὴν ψυχὴν ἐντελέχειαν Φιλολόγου ἱστορίας βιβλία εʹ Περὶ γένους καὶ εἴδους καὶ διαϕορᾶς καὶ ἰδίου καὶ συμβεβηκότος Περὶ τῶν κατὰ Πίνδαρον τοῦ Νείλου πηγῶν Περὶ τῆς ἐξ Ὁμήρου ὠϕελείας τῶν βασιλέων βιβλία ιʹ Συμμίκτων ζητημάτων ζʹ Εἰς τὸ Θουκυδίδου προοίμιον Πρὸς Ἀριστείδην ζʹ Εἰς τὴν Μινουκιανοῦ τέχνην καὶ ἄλλα πλεῖστα καὶ μάλιστα ἀστρονομούμενα ἐν οἷς καὶ Εἰσαγωγὴν ἀστρονομουμένων ἐν βιβλίοις τρισί καὶ Γραμματικὰς ἀπορίας οὗτός ἐστιν ὁ Πορϕύριος ὁ τὴν κατὰ Χριστιανῶν ἐϕύβριστον γλῶσσαν κινήσας

laquo Porphyre celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens son nom veacuteritable eacutetait ldquoRoirdquo originaire de Tyr philosophe eacutelegraveve de lrsquoeacutelegraveve de Plotin Ameacutelius maicirctre de Jamblique il fut dans la force de lrsquoacircge agrave lrsquoeacutepoque drsquoAureacutelien et veacutecut jusqursquoagrave celle de lrsquoempereur Diocleacutetien Il a eacutecrit de tregraves nombreux ouvrages de philosophie de rheacutetorique et de grammaire Il avait eacuteteacute aussi lrsquoauditeur du critique Longin

Des noms divins un livreDes principes deux livresDe la matiegravere neuf livres

17 H Hauschildt De Porphyrio philosopho Macarii Magnetis apologetae Christiani Apokritikon auctore Diss Heidelberg Bonn 1907 p 38 n 1 18 Voir laquo Title raquo p 223 19 Voir J Bidez Vie de Porphyre le philosophe neacuteo-platonicien Gand 1913 p 52 Harnack op cit p 27 20 Voir Bidez op cit p 54-62 Harnack op cit p 27 21 Il y a manifestement ici une confusion de deux titres Rien agrave ce sujet dans lrsquoapparat drsquoA Adler sinon la correction ϕιλοσόϕων proposeacutee par Vales(ius) Jacoby FGrHist 260 T 1 laquo Sur les [eacutecrits] de Julien le Chaldeacuteen Histoire philosophique en quatre livres raquo Εἰς τὰ (corr Vales) Ἰουλιανοῦ τοῦ Χαλδαίου ϕιλοσόϕον ἱστορίαν ἐν βιβλίοις δʹ 22 Ce titre est absent dans le manuscrit Ω

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De lrsquoacircme contre Boegravece cinq livresDe lrsquoabstinence des ecirctres animeacutes quatre livresSur le ldquoConnais-toi toi-mecircmerdquo quatre livresDes incorporelsDe lrsquouniciteacute de la doctrine de Platon et drsquoAristote six livresSur lrsquohistoire philosophique de Julien le Chaldeacuteen en quatre livresDiscours contre les chreacutetiens quinze livresDe la philosophie drsquoHomegravereContre Aristote [et sa doctrine que ] lrsquoacircme est une enteacuteleacutechieHistoire philologique dix livresDu genre de lrsquoespegravece de la diffeacuterence du propre et de lrsquoaccidentDes sources du Nil selon PindareDe lrsquoutiliteacute drsquoHomegravere pour les rois dix livresRecherches mecircleacutees sept livresSur le prologue de ThucydideContre Aristide sept livresSur le manuel [de rheacutetorique] de MinucianusEt beaucoup drsquoautres surtout drsquoastronomie parmi lesquels une Introduction agrave lrsquoeacutetude de

lrsquoastronomie en trois livres et des Apories | grammaticales Crsquoest ce Porphyre qui a agiteacute sa langue insolente contre les chreacutetiens raquo

On remarquera que la Philosophie des oracles nrsquoapparaicirct pas dans cette liste ce qui aux yeux de M Beatrice milite en faveur drsquoune identification de ce traiteacute avec un autre traiteacute comme le Κατὰ Χριστιανῶν Mais cette liste est loin de contenir tous les ouvrages connus de Porphyre23 On y chercherait en vain la Vie de Plotin les Sentences ou Lrsquoantre des nymphes les Commentaires de Platon et drsquoAristote etc

Selon M Beatrice la formule de la Souda ne correspondrait pas agrave un titre formel mais se rapporterait agrave la theacutematique ou agrave la perspective litteacuteraire drsquoun ouvrage en quinze livres dirigeacute contre les chreacutetiens laquo Lrsquoexpression Κατὰ Χριστιανῶν pour-rait simplement indiquer la cible de lrsquoouvrage de Porphyre sans ecirctre son titre originel raquo24 A propos drsquoune reacutefeacuterence fournie par Augustin (laquo Ils ont exposeacute encore drsquoautres [objections ] qursquoils disaient extraites de Porphyre Contre les chreacutetiens comme si elles eacutetaient passablement pertinentes raquo)25 Beatrice eacutecrit de mecircme laquo Il reacutevegravele simplement la perspective antichreacutetienne des objections attri-bueacutees agrave Porphyre raquo26

23 Voir R Beutler art laquo Porphyrios raquo 21 RE XXII 1 1953 col 275-313 notamment col 278-301 24 laquo The expression Κατὰ Χριστιανῶν could simply indicate the target of Porphyryrsquos writing without being its original title raquo (laquo Title raquo p 222) 25 laquo Item alia proposuerunt quae dicerent de Porphyrio contra Christianos tamquam validiora decerpta raquo (Augustin Lettre 102 2 8 CSEL 34 2 p 551 5-6 Goldbacher) 26 laquo It simply reveals the anti-Christian intention of the objections attributed to Porphyry raquo (laquo Title raquo p 223)

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Pour illustrer ce sens purement descriptif de la formule employeacutee agrave propos de Porphyre Beatrice27 cite Seacuteveacuterien de Gabala De mundi creat hom 6 (PG 56 487) laquo agrave Porphyrehellip celui qui a composseacute [un ouvrage] contre les chreacutetiens raquo (Πορϕυρίῳ τῷ κατὰ Χριστιανῶν συγγράψαντι) et Neacutemeacutesius drsquoEacutemegravese De nat hom 3 (p 42 22-23 Morani) laquo Porphyre celui qui a agiteacute sa langue contre le Christ raquo (Πορϕύριος ὁ κατὰ τοῦ Χριστοῦ κινήσας τὴν ἑαυτοῦ γλῶσσαν)

Beatrice cite eacutegalement des formules drsquoOrigegravene ou drsquoEusegravebe qui eacutevoquent lrsquoἈληθὴς λόγος de Celse comme un eacutecrit poleacutemique dirigeacute Κατὰ Χριστιανῶν ou καθrsquo ἡμῶν28

Mais le fait que la formule puisse srsquointerpreacuteter dans un sens faible ne prouve cependant pas que dans des contextes ougrave lrsquoauteur eacutenumegravere des titres drsquoouvrages (comme dans la Souda ougrave la plupart des autres titres rappelons-le sont confirmeacutes par des fragments porphyriens) ou donne la reacutefeacuterence litteacuteraire drsquoune citation (comme chez Eusegravebe dans les passages que nous allons examiner) elle doive neacutecessairement ecirctre ainsi interpreacuteteacutee mecircme lorsque lrsquoauteur ne preacutecise pas qursquoil cite expresseacutement le titre drsquoun ouvrage Car les innombrables titres drsquoouvrages comportant κατὰ+geacuten ou πρὸς+acc en grec ne sauraient ecirctre reacuteduits agrave de pures eacutevocations de leur laquo cible raquo litteacuteraire

Crsquoest le contexte seul qui permet drsquoeacutetablir la preacutecision de la reacutefeacuterence Prenons par exemple les quatre reacutefeacuterences suivantes au Contre Celse drsquoOrigegravene que nous trouvons dans la Philocalie29

laquoExtraits des Tomes contre Celse celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens tomes 6 et 7raquo ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τοῦ κατὰ χριστιανῶν γράψαντος τόμου ϛʹ καὶ ζʹ (chap 15)

laquoDu tome 3 contre Celseraquo τόμου γʹ κατὰ Κέλσου (chap 16)laquoExtraits des tomes 1 et 5 de lrsquoouvrage contre Celseraquo ἐκ τοῦ αʹ καὶ εʹ τόμου τῶν κατὰ Κέλσου

(chap 17)laquoExtraits du tome 3 du mecircme traiteacute contre Celseraquo ἐν τῷ τρίτῳ τόμῳ τῆς αὐτῆς κατὰ Κέλσου

πραγματείας (18) Harl ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τόμου αʹ καὶ γʹ (chap 18)

27 laquo Title raquo p 222 28 Origegravene Contre Celse prooem 4 laquo Et je ne sais pas dans quelle cateacutegorie il faut ranger celui qui a besoin de discours eacutecrits dans des livres en reacuteponse aux charges de Celse contre les chreacutetiens (πρὸς τὰ Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐγκλήματα) pour ressaisir et remettre debout une foi qui chancelleraquo (trad M Borret 1967) Voir aussi au deacutebut du prologue la formule laquocontre les faux teacutemoignages de Celse contre les chreacutetiens dans son traiteacute (πρὸς τὰς Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐν συγγράμμασι ψευδομαρτυρίας) raquo Eusegravebe Hist eccl VI 36 2 (agrave propos drsquoOrigegravene) laquo Agrave cette eacutepoque aussi il compose les huit livres pour reacutepondre agrave lrsquoouvrage dirigeacute contre nous par Celse lrsquoeacutepicurien et intituleacute Discours veacuteritable (τὰ πρὸς τὸν ἐπιγραμμένον καθrsquo ἡμῶν Κέλσου τοῦ Ἐπικουρείου Ἀληθῆ λόγον)hellip raquo 29 Voir Origegravene Philocalie 1-20 Sur les Eacutecritures Introduction texte traduction et notes par Marguerite Harl et La Lettre agrave Africanus sur lrsquohistoire de Suzanne Introduction texte traduction et notes pas Nicholas de Lange coll SC 302 Paris 1983

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Ces formules sont eacutequivalentes On peut toujours dire qursquoaucune des quatre mecircme la quatriegraveme ne preacutesente explicitement les mots laquo Contre Celse raquo comme le titre mecircme de lrsquoouvrage drsquoOrigegravene mais il faut au moins reconnaicirctre (a) qursquoon ne connaicirct pas drsquoautre titre (b) que cette faccedilon de deacutesigner lrsquoouvrage eacutetait aux yeux des compilateurs suffisamment explicite pour identifier un ouvrage particulier

Dans une liste de titres on ne voit pas pourquoi la Souda aurait preacutefeacutereacute eacutevoquer les quinze livres eacutecrits par Porphyre contre les chreacutetiens plutocirct que drsquoen donner le titre preacutecis si vraiment ce titre avait eacuteteacute diffeacuterent et si lrsquoauteur lrsquoavait connu

Attestations du titre du ldquoContra Christianosrdquo

Reste agrave savoir si nous nrsquoavons pas drsquoattestation plus ancienne de ce titre Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui cite geacuteneacuteralement de faccedilon preacutecise ses sources nous a transmis plusieurs extraits litteacuteraux du traiteacute de Porphyre dirigeacute contre les chreacute-tiens Consideacuterons en quels termes il introduit chacune de ces citations en trois passages capitaux

Dans sa Preacuteparation eacutevangeacutelique V 1 9 ougrave il veut montrer que les deacutemons mauvais ont perdu de leur puissance depuis la venue de Jeacutesus-Christ parmi les hommes il introduit dans les termes suivants le fragment 80 du recueil de von Harnack

laquo hellipcrsquoest encore lrsquoauteur mecircme qui est agrave notre eacutepoque lrsquoavocat des deacutemons qui dans le pamphlet30 qursquoil a eacutecrit contre nous porte teacutemoignage en ces termeshellip raquo31

Dans la Preacuteparation eacutevangeacutelique I 9 20 crsquoest le fragment 41 qui est ainsi preacutesenteacute

laquo Lrsquoauteur qui de nos jours a monteacute son pamphlet contre nous rappelle ces faits32 dans le quatriegraveme livre de lrsquoouvrage ougrave il nous attaquehellip raquo33

30 E des Places a traduit συσκευή par laquo pamphlet raquo et PF Beatrice par laquo compilation raquo Compilation est effectivement donneacute par le dictionnaire de Lampe (PGL) mais le seul exemple fourni est un passage drsquoEusegravebe On ne voit pas tregraves bien ce que Porphyre aurait ici compileacute A lire lrsquoen-semble des occurrences chez Eusegravebe on retiendra plutocirct le sens de laquo machination raquo laquo complot raquo souvent en association avec κατὰ+geacuten par exemple le complot du peuple juif contre le Christ (Hist eccl I 3 6) La formule consacreacutee chez Eusegravebe agrave propos de Porphyre est ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν (Praep evang I 9 20 voir aussi V 5 5 V 36 5 X 9 12) Voir aussi en X 9 11 ὃς τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν ὑπερβολῇ μίσους προβεβλημένος A propos drsquoun ouvrage de Molon contre les Juifs Eusegravebe emploie une formule semblable ῾Ὁ δὲ τὴν συσκευὴν τὴν κατὰ Ἰουδαίων γράψας Μόλων Comme le mot est souvent employeacute avec des verbes comme ldquoeacutecrirerdquo (Praep evang X 9 12) on peut estimer que pamphlet (diffamatoire) est une assez bonne traduction 31 Eusegravebe Preacutep eacutevang V 1 9 περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον (suit le fr 80 Harnack) 32 Ou laquo mentionne ces deux auteurs raquo crsquoest-agrave-dire Sanchouniathon et Philon de Byblos 33 Eusegravebe Preacutep eacutevang I 9 20 (trad J Sirinelli) μέμνηται τούτων ὁ καθrsquo ἡμᾶς τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν ἐν τετάρτῳ τῆς πρὸς ἡμᾶς ὑποθέσεως (suit le fr 41 Harnack)

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Dans son Histoire eccleacutesiastique VI 19 2-4 Eusegravebe introduit le fragment 39 du recueil de von Harnack

laquo Pourquoi faut-il dire cela lorsque encore de nos jours Porphyre srsquoest eacutetabli en Sicile y a composeacute des eacutecrits contre nous et srsquoest efforceacute drsquoy calomnier les Eacutecritures divineshellip raquo34

A la fin de lrsquoextrait (VI 19 9) il preacutecise le livre drsquoougrave est tireacute ce passage laquo Voilagrave ce qui a eacuteteacute eacutecrit par Porphyre au troisiegraveme des livres qursquoil a eacutecrits contre les chreacutetienshellip

Que ne devait pas faire lrsquoadversaire des chreacutetiens raquo35

On imagine mal qursquoEusegravebe nrsquoait pas penseacute citer un titre preacutecis lorsqursquoil a eacutecrit κατὰ τὸ γʹ σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν Beatrice36 fait reacutefeacuterence agrave ce passage mais il ne lui consacre aucune explication Si Eusegravebe avait connu lrsquoouvrage sous un autre titre notamment en tant que Philosophie des oracles il aurait vraisemblablement pris la peine de lrsquoindiquer ici

On a peine agrave croire que dans tous ces passages Eusegravebe ait eu agrave lrsquoesprit un titre de Porphyre qursquoil se serait borneacute agrave eacutevoquer sans le mentionner Eusegravebe eacutetant lrsquoauteur le plus proche chronologiquement de Porphyre et lrsquoun des seuls agrave avoir lu directement lrsquoouvrage son teacutemoignage doit ecirctre tenu comme le plus deacutecisif

On peut admettre agrave la limite qursquoEusegravebe ne pensait pas citer un titre comme tel on peut mecircme admettre que lrsquoouvrage nrsquoeacutetait connu que par un titre descriptif mais ce qui est exclu est qursquoEusegravebe ait employeacute de telles formules alors mecircme qursquoil connaissait lrsquoouvrage sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας

Les reacutefeacuterences preacutecises de Jeacuterocircme agrave lrsquoouvrage de Porphyre ressemblent tout agrave fait agrave celles que donne Eusegravebe

Fr 9a Harnack laquo hellipce Porphyre impie qui eacutecrivit contre nous et en plusieurs volumes deacuteversa sa rage au tome XIVhellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius qui adversum nos conscripsit et multis voluminibus rabiem suam evomuit in XIV voluminehellip)

Fr 21a Harnack laquo hellip Ce Bataneacuteote et ce sceacuteleacuterat de Porphyre au premier livre de son ouvrage contre noushellip raquo (hellipBataneotes et sceleratus ille Porphyrius in I operis sui adversum nos librohellip)

Fr 40 Harnack laquo hellipcet impie de Porphyre au livre IV de son livre qursquoau prix drsquoun vain labeur il a composeacute contre noushellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius in IV operis sui libro quod adversum nos casso labore contexuithellip)

Fr 43 a Harnack laquo Contre le prophegravete Daniel Porphyre a eacutecrit le livre XII raquo (Contra prophetam Danielem XII librum scripsit Porphyrius)

34 Eusegravebe Hist eccl VI 19 2-4 (trad Bardy) τί δεῖ ταῦτα λέγειν ὅτε καὶ ὁ καθrsquo ἡμᾶς ἐν Σικελίᾳ καταστὰς Πορϕύριος συγγράμματα καθrsquo ἡμῶν ἐνστησάμενος καὶ διrsquo αὐτῶν τὰς θείας γραϕὰς διαβάλλειν πεπειραμένος En suivant TD Barnes (laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65) on peut aussi comprendre laquo lorsque mecircme Porphyre qui de nos jours srsquoest eacutetabli en Sicile raquo 35 Ibid VI 19 9 (conclusion) ταῦτα τῷ Πορϕυρίῳ κατὰ τὸ τρίτον σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν εἴρηται () (τί γὰρ οὐκ ἔμελλεν ὁ κατὰ Χριστιανῶν ) 36 laquo Title raquo p 233 n 79

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Fr 44 Harnack laquo au livre XIII de son ouvrage contre nous Porphyre a profeacutereacute de nombreux blas-phegravemeshellip raquo (multa Porphyrius XIII operis sui volumine contra nos blasphemavithellip)

Toutes ces reacutefeacuterences ont en commun de signaler un livre particulier de lrsquoouvrage de Porphyre sans preacuteciser le titre exact de cet ouvrage autrement que par son caractegravere antichreacutetien

On doit eacutegalement tenir compte des divers deacutecrets impeacuteriaux dirigeacutes contre Porphyre Mme Digeser signale que le rapprochement qui est fait avec les Ariens montre que le grand reproche qui est adresseacute au philosophe est sans doute de nier la diviniteacute du Christ Sans le dire ouvertement elle semble consideacuterer que le traiteacute viseacute eacutetait la Philosophie des Oracles un ouvrage ougrave le problegraveme eacutetait abordeacute laquo un ouvrage qui eacutetait pris beaucoup plus au seacuterieux que le Contre les chreacutetiens raquo37 Or pas plus qursquoEusegravebe ou Jeacuterocircme les Empereurs nrsquoont pris la peine de deacutesigner lrsquoouvrage condamneacute autrement que par des formules geacuteneacuterales

laquo Porphyre lrsquoennemi de la religion qui a composeacute des ouvrages sacrilegraveges contre le culte divinhellip raquo Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρός συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος (Socrate Hist eccl I 9 30 [concerne le Concile de Niceacutee en 324] = 38 T Smith)

laquo hellipce que Porphyre entraicircneacute par sa folie a eacutecrit contre le pieux culte des chreacutetienshellip raquo ὅσα Πορϕύριος ὑπὸ τῆς ἑαυτοῦ μανίας ἐλαυνόμενος κατὰ τῆς εὐσεβοῦς θρησκείας τῶν Χριστιανῶν συνέγραψε (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 66 8-12 [en 448] = 40 T Smith)

laquo hellipagrave propos des livres de Porphyre ceux qui ont eacuteteacute composeacutes contre le saint culte des chreacutetienshellip raquo περί τε τῶν βιβλίων Πορϕυρίου τῶν κατὰ τῆς εὐαγοῦς τῶν Χριστιανῶν θρησκείας | συγγραϕέντων (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 67 7-15 [en 448] = 41 T Smith)

laquo hellipet que nul ne possegravede ne lise ne copie ni ne mentionne Nestorius aussi bien ses paroles que ses livres criminels et surtout ceux qursquoa publieacutes Porphyre contre les seules Eacutecritures chreacutetienneshellip raquo nec habeat aliquis aut legat aut transcribat proferatve Nestorium vel terminos eius aut codices noxios et maxime quos contra solas38 Porphyrius edidit Christianas litteras (Acta Conciliorum Oecumenicorum II 3 2 p 89 14-16 [en 451 ] = 42 T Smith)

laquo hellipce qui a eacuteteacute dit par Porphyre contre les chreacutetienshellip raquo τοῖς παρὰ Πορϕυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις (Acta Conciliorum Oecumenicorum III p 121 22-26 [en 536] = 43 T Smith)

Si les autoriteacutes impeacuteriales se sont contenteacutees de telles formulations crsquoest que celles-ci suffisaient agrave identifier un ouvrage preacutecis de Porphyre et non pas nrsquoim-porte quel de ses ouvrages En tout cas il est difficilement imaginable que de telles formules aient pu viser un ouvrage comme la Philosophie des Oracles que lrsquoon retrou-vera citeacute tout au long du ive siegravecle et cette difficulteacute ne peut que srsquoaccroicirctre si lrsquoon en vient agrave identifier agrave ce traiteacute drsquoautres traiteacutes comme le De regressu animae comme le voudrait Mme Digeser agrave la suite de JJ OrsquoMeara ou toute une seacuterie de traiteacutes porphyriens comme lrsquoenvisage M Beatricehellip Que la Philosophie des Oracles ait rejeteacute la diviniteacute du Christ nrsquoexclut eacutevidemment pas que Porphyre ait pu adopter la mecircme position dans un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens

37 laquo a work taken far more seriously than Against the Christians raquo (E DePalma Digeser art citeacute p 135) 38 Solas est inattendu sanctas

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Mais puisqursquoon ne trouve pas de fait en dehors de la Souda de citation ougrave Contre les chreacutetiens soit explicitement preacutesenteacute comme le titre de lrsquoouvrage au moyen drsquoun terme comme ἐπιγράϕειν admettons que le titre ne soit pas parfai-tement eacutetabli

Les reacutefeacuterences les plus explicites au traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo

Une douzaine de fragments du recueil de von Harnack contiennent une reacutefeacute-rence preacutecise agrave un ouvrage antichreacutetien de Porphyre et mecircme agrave un livre particu-lier de ce traiteacute Mecircme en laissant de cocircteacute tous les autres fragments ougrave le nom de Porphyre nrsquoapparaicirct pas et mecircme ceux ougrave il est mentionneacute sans reacutefeacuterence preacutecise agrave un ouvrage qursquoil aurait composeacute on peut se faire ainsi une ideacutee assez preacutecise de lrsquoouvrage

Cinq ou six livres de lrsquoouvrage sont eacutevoqueacutes de faccedilon explicite Il srsquoagit des livres I III et IV XII etou XIII et enfin XIV

Que lrsquoon y voie un titre ou une simple deacutesignation de son contenu on constate que lrsquoouvrage est deacutesigneacute tant chez les Grecs que chez les | Latins par des formules quasi identiques il eacutetait eacutecrit contra nos adversum nos contra Christianos καθrsquo ἡμῶν κατὰ Χριστιανῶν

Enfin plusieurs fragments permettent drsquoeacutetablir que lrsquoouvrage attaquait direc-tement les chreacutetiens les Eacutecritures Saintes et notamment le livre de Daniel

Crsquoest cet ouvrage que reacutefutegraverent Meacutethode drsquoOlympe Eusegravebe de Ceacutesareacutee et Apollinaire de Laodiceacutee peut-ecirctre drsquoautres auteurs chreacutetiens comme Philostorge et crsquoest cet ouvrage que condamnegraverent au moins agrave deux reprises les empereurs chreacutetiens

Je ne retiens que ces informations minimales pour montrer que lrsquoexistence drsquoun traiteacute antichreacutetien de Porphyre ne saurait ecirctre remise en question mecircme si lrsquoon reacuteduisait le recueil des fragments agrave un noyau regroupant uniquement des frag-ments rattacheacutes explicitement agrave un traiteacute eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens

Le ldquoContra Christianosrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquoSelon Beatrice Eusegravebe et plusieurs autres auteurs chreacutetiens connaissaient

le titre veacuteritable de ce traiteacute dirigeacute contre les chreacutetiens Crsquoeacutetait la Philosophie des oracles

Le principal argument de Beatrice semble ecirctre un passage de la Preacuteparation eacutevan-geacutelique dans lequel Eusegravebe introduit une citation de la Philosophie des Oracles en preacutesen-tant Porphyre comme ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος (V 5 5)

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne (ou ldquoqursquoexposerdquo ἐκτέθειται) de son cocircteacute

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lrsquoauteur du pamphlet (ldquocompilationrdquo Beatrice) dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles raquo39

Selon Beatrice40 il faudrait comprendre que ce pamphlet est la Philosophie des oracles ou encore que lrsquoouvrage qursquoEusegravebe srsquoapprecirctait agrave citer eacutetait le pamphlet anti-chreacutetien eacutevoqueacute

De mecircme dans la Deacutemonstration eacutevangeacutelique III 6 39 Eusegravebe introduit une cita-tion du troisiegraveme livre du mecircme ouvrage en lrsquoattribuant agrave lrsquoennemi des chreacutetiens τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου

laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo41

La conclusion qursquoen tire Beatrice est la suivante laquo On peut difficilement ne pas reconnaicirctre que dans lrsquoensemble de la litteacuterature chreacutetienne

antique ce passage de la Deacutemonstration eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe est le seul dans lequel il est eacutetabli sans ambiguiumlteacute que le titre de lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre eacutetait Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo42

On trouverait une confirmation de cette identification en Praep evang IV 6 2-3 Apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un philosophe laquo ami des deacutemons raquo (δαιμόνων ϕίλον) et comme laquo un contemporain qui srsquoest enorgueilli des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous raquo (ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις) Eusegravebe enchaicircne

39 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) () τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται La traduction fournie par Beatrice laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 247 emprunteacutee agrave EH Gifford (Oxford 1903) donne un seacuterieux coup de pouce agrave lrsquoidentification des deux traiteacutes laquo the author of the compulation against us in the book which he entitled Of the Philosophy to be derived from Oracles raquo Mais ἐν οἷς ἐπέγραψε κτλ se rapporte au verbe ἐκτέθειται et non agrave πεποιημένος 40 laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 347 41 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται ὧδέ πως ἱστορῶν κατὰ λέξιν 42 laquo It can hardly be denied that in the whole of ancient Christian literature this passage from Eusebiusrsquos Proof of the Gospel is the only one in which it is unambiguously stated that the title (ἐπέγραψεν) of Porphyryrsquos anti-Christian writing (τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς) was Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (Beatrice laquo Title raquo p 235) Voir laquo Title raquo p 234 et laquo Towards a new edition raquo p 349 ougrave Beatrice parle de ldquodecisive evidencerdquo Beutler (RE XXII1 col 298) semble avoir attribueacute le fragment (Dem evang III 6) non pas agrave la Philosophie des oracles mais au traiteacute Contre les chreacutetiens Il eacutetablirait selon Beatrice laquo Title raquo p 234 un rapprochement avec Eusegravebe Hist eccl VI 19 et Augustin De civ Dei XIX 23 Mais il srsquoagit sans doute drsquoune simple erreur de Beutler Il y a lagrave une reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles traiteacute que Beutler pour sa part distingue nettement du Contra Christianos

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laquo Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des | dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo43

Voir encore Eusegravebe Praep evang V 36 5 laquo Apregraves ces propos passe maintenant agrave la Philosophie tireacutee des oracles de celui qui a composeacute

contre nous son reacutequisitoire (ou pamphlet )hellip raquo44

Dans ces quatre passages une citation de la Philosophie des oracles de Porphyre est preacutesenteacutee comme lrsquoœuvre drsquoun adversaire du christianisme Beatrice en conclut systeacutematiquement que lrsquoœuvre antichreacutetienne agrave laquelle pensait Eusegravebe eacutetait la Philosophie des oracles45

Pour toute la tradition byzantine46 la deacutesignation officielle de Porphyre est ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας celui qui srsquoest exprimeacute κατὰ Χριστιανῶν47 celui qui agiteacute sa langue impure contre les chreacutetiens48 ou contre la veacuteriteacute49 Il est lrsquoennemi de la religion chreacutetienne50 La formule ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας pourrait provenir drsquoEusegravebe qui mentionne | reacuteguliegraverement Porphyre comme laquo notre contemporain qui a composeacute son pamphlet contre nous raquo

43 Eusegravebe Praep evang IV 6 3 (trad O Zink) οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγω γὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας Voir laquo Title raquo p 233 44 Eusegravebe Praep evang V 36 5 (trad Eacuted des Places) ἀλλὰ γὰρ μετὰ τὰ εἰρημένα μεταβὰς αὖθις ἐπὶ τὴν Ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίαν τοῦ τὴν συσκευὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένου Voir laquo Title raquo p 233 45 Beatrice suit peut-ecirctre dans son interpreacutetation de ce passage JJ OrsquoMeara Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in Augustine Paris 1959 p 107 qui eacutecrit laquo Il est peut-ecirctre bon drsquoindiquer degraves le deacutebut qursquoEusegravebe deacutecrit la Philosophie des oracles comme une compilation dirigeacutee ldquocontre nousrdquo crsquoest-agrave-dire contre les Chreacutetiens raquo (laquo It may be well to state at the outset that Eusebius describes the Philosophy from Oracles as a compilation made ldquoagainst usrdquo that is Christians raquo) 46 Georges le Moine Chron 539 καὶ Πορϕύριος ὁ Τύριος ὑπάρχων πολλὰ κατὰ τῆς πίστεως ἡμῶν ἐκμανεὶς ἐλύσσησεν χριστιανὸς γὰρ γενόμενος καὶ τυπτηθεὶς ὑπό τινος χριστιανοῦ ἐν Παλαιστίνῃ θυμωθεὶς μετῆλθε πάλιν εἰς τὸν ἑλληνισμὸν ὁ ταλαίπωρος καὶ κατὰ τῆς πίστεως ἐδογμάτισεν Cedrenus vol I p 441 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ὁ ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Symeon Logothetes Chron p 71 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας καὶ Ἀϕρικανὸς ὁ σοϕώτατος Souda E 1454 ἐντελέχειαν λέγει ὁ Πορϕύριος τὴν ψυχήν ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Τύριος ϕιλόσοϕος 47 Cf Justinien Nov XLII 2 τοῖς παρὰ Πορφυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις 48 Souda Π 2473 Πρόκλος ὁ δεύτερος μετὰ Πορϕύριον κατὰ Χριστιανῶν τὴν μιαρὰν καὶ ἐϕύβριστον αὐτοῦ γλῶσσαν κινήσας 49 Theacuteophane le Confesseur Chron p 52 Πορϕύριος δέ ὁ καθrsquo ἡμῶν λυττήσας μετῆλθεν εἰς τὸν ἑλληνισμόν καὶ τότε γράψαι κατὰ τῆς ἀληθείας ὁ κύων ἐτόλμησεν 50 Cyrille Contra Iulianum I 38 (= F 203 Smith) Πορϕύριος μὲν οὖν ὁ πικροὺς ἡμῶν καταχέας λόγους καὶ τῆς Χριστιανῶν θρησκείας μονονουχὶ κατορχούμενος Socrate I 9 Ὥσπερ τοίνυν Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρὸς συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 10: Contra Christianos

LE TRAITEacute DE PORPHYRE CONTRE LES CHREacuteTIENS 10

De lrsquoacircme contre Boegravece cinq livresDe lrsquoabstinence des ecirctres animeacutes quatre livresSur le ldquoConnais-toi toi-mecircmerdquo quatre livresDes incorporelsDe lrsquouniciteacute de la doctrine de Platon et drsquoAristote six livresSur lrsquohistoire philosophique de Julien le Chaldeacuteen en quatre livresDiscours contre les chreacutetiens quinze livresDe la philosophie drsquoHomegravereContre Aristote [et sa doctrine que ] lrsquoacircme est une enteacuteleacutechieHistoire philologique dix livresDu genre de lrsquoespegravece de la diffeacuterence du propre et de lrsquoaccidentDes sources du Nil selon PindareDe lrsquoutiliteacute drsquoHomegravere pour les rois dix livresRecherches mecircleacutees sept livresSur le prologue de ThucydideContre Aristide sept livresSur le manuel [de rheacutetorique] de MinucianusEt beaucoup drsquoautres surtout drsquoastronomie parmi lesquels une Introduction agrave lrsquoeacutetude de

lrsquoastronomie en trois livres et des Apories | grammaticales Crsquoest ce Porphyre qui a agiteacute sa langue insolente contre les chreacutetiens raquo

On remarquera que la Philosophie des oracles nrsquoapparaicirct pas dans cette liste ce qui aux yeux de M Beatrice milite en faveur drsquoune identification de ce traiteacute avec un autre traiteacute comme le Κατὰ Χριστιανῶν Mais cette liste est loin de contenir tous les ouvrages connus de Porphyre23 On y chercherait en vain la Vie de Plotin les Sentences ou Lrsquoantre des nymphes les Commentaires de Platon et drsquoAristote etc

Selon M Beatrice la formule de la Souda ne correspondrait pas agrave un titre formel mais se rapporterait agrave la theacutematique ou agrave la perspective litteacuteraire drsquoun ouvrage en quinze livres dirigeacute contre les chreacutetiens laquo Lrsquoexpression Κατὰ Χριστιανῶν pour-rait simplement indiquer la cible de lrsquoouvrage de Porphyre sans ecirctre son titre originel raquo24 A propos drsquoune reacutefeacuterence fournie par Augustin (laquo Ils ont exposeacute encore drsquoautres [objections ] qursquoils disaient extraites de Porphyre Contre les chreacutetiens comme si elles eacutetaient passablement pertinentes raquo)25 Beatrice eacutecrit de mecircme laquo Il reacutevegravele simplement la perspective antichreacutetienne des objections attri-bueacutees agrave Porphyre raquo26

23 Voir R Beutler art laquo Porphyrios raquo 21 RE XXII 1 1953 col 275-313 notamment col 278-301 24 laquo The expression Κατὰ Χριστιανῶν could simply indicate the target of Porphyryrsquos writing without being its original title raquo (laquo Title raquo p 222) 25 laquo Item alia proposuerunt quae dicerent de Porphyrio contra Christianos tamquam validiora decerpta raquo (Augustin Lettre 102 2 8 CSEL 34 2 p 551 5-6 Goldbacher) 26 laquo It simply reveals the anti-Christian intention of the objections attributed to Porphyry raquo (laquo Title raquo p 223)

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Pour illustrer ce sens purement descriptif de la formule employeacutee agrave propos de Porphyre Beatrice27 cite Seacuteveacuterien de Gabala De mundi creat hom 6 (PG 56 487) laquo agrave Porphyrehellip celui qui a composseacute [un ouvrage] contre les chreacutetiens raquo (Πορϕυρίῳ τῷ κατὰ Χριστιανῶν συγγράψαντι) et Neacutemeacutesius drsquoEacutemegravese De nat hom 3 (p 42 22-23 Morani) laquo Porphyre celui qui a agiteacute sa langue contre le Christ raquo (Πορϕύριος ὁ κατὰ τοῦ Χριστοῦ κινήσας τὴν ἑαυτοῦ γλῶσσαν)

Beatrice cite eacutegalement des formules drsquoOrigegravene ou drsquoEusegravebe qui eacutevoquent lrsquoἈληθὴς λόγος de Celse comme un eacutecrit poleacutemique dirigeacute Κατὰ Χριστιανῶν ou καθrsquo ἡμῶν28

Mais le fait que la formule puisse srsquointerpreacuteter dans un sens faible ne prouve cependant pas que dans des contextes ougrave lrsquoauteur eacutenumegravere des titres drsquoouvrages (comme dans la Souda ougrave la plupart des autres titres rappelons-le sont confirmeacutes par des fragments porphyriens) ou donne la reacutefeacuterence litteacuteraire drsquoune citation (comme chez Eusegravebe dans les passages que nous allons examiner) elle doive neacutecessairement ecirctre ainsi interpreacuteteacutee mecircme lorsque lrsquoauteur ne preacutecise pas qursquoil cite expresseacutement le titre drsquoun ouvrage Car les innombrables titres drsquoouvrages comportant κατὰ+geacuten ou πρὸς+acc en grec ne sauraient ecirctre reacuteduits agrave de pures eacutevocations de leur laquo cible raquo litteacuteraire

Crsquoest le contexte seul qui permet drsquoeacutetablir la preacutecision de la reacutefeacuterence Prenons par exemple les quatre reacutefeacuterences suivantes au Contre Celse drsquoOrigegravene que nous trouvons dans la Philocalie29

laquoExtraits des Tomes contre Celse celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens tomes 6 et 7raquo ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τοῦ κατὰ χριστιανῶν γράψαντος τόμου ϛʹ καὶ ζʹ (chap 15)

laquoDu tome 3 contre Celseraquo τόμου γʹ κατὰ Κέλσου (chap 16)laquoExtraits des tomes 1 et 5 de lrsquoouvrage contre Celseraquo ἐκ τοῦ αʹ καὶ εʹ τόμου τῶν κατὰ Κέλσου

(chap 17)laquoExtraits du tome 3 du mecircme traiteacute contre Celseraquo ἐν τῷ τρίτῳ τόμῳ τῆς αὐτῆς κατὰ Κέλσου

πραγματείας (18) Harl ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τόμου αʹ καὶ γʹ (chap 18)

27 laquo Title raquo p 222 28 Origegravene Contre Celse prooem 4 laquo Et je ne sais pas dans quelle cateacutegorie il faut ranger celui qui a besoin de discours eacutecrits dans des livres en reacuteponse aux charges de Celse contre les chreacutetiens (πρὸς τὰ Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐγκλήματα) pour ressaisir et remettre debout une foi qui chancelleraquo (trad M Borret 1967) Voir aussi au deacutebut du prologue la formule laquocontre les faux teacutemoignages de Celse contre les chreacutetiens dans son traiteacute (πρὸς τὰς Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐν συγγράμμασι ψευδομαρτυρίας) raquo Eusegravebe Hist eccl VI 36 2 (agrave propos drsquoOrigegravene) laquo Agrave cette eacutepoque aussi il compose les huit livres pour reacutepondre agrave lrsquoouvrage dirigeacute contre nous par Celse lrsquoeacutepicurien et intituleacute Discours veacuteritable (τὰ πρὸς τὸν ἐπιγραμμένον καθrsquo ἡμῶν Κέλσου τοῦ Ἐπικουρείου Ἀληθῆ λόγον)hellip raquo 29 Voir Origegravene Philocalie 1-20 Sur les Eacutecritures Introduction texte traduction et notes par Marguerite Harl et La Lettre agrave Africanus sur lrsquohistoire de Suzanne Introduction texte traduction et notes pas Nicholas de Lange coll SC 302 Paris 1983

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Ces formules sont eacutequivalentes On peut toujours dire qursquoaucune des quatre mecircme la quatriegraveme ne preacutesente explicitement les mots laquo Contre Celse raquo comme le titre mecircme de lrsquoouvrage drsquoOrigegravene mais il faut au moins reconnaicirctre (a) qursquoon ne connaicirct pas drsquoautre titre (b) que cette faccedilon de deacutesigner lrsquoouvrage eacutetait aux yeux des compilateurs suffisamment explicite pour identifier un ouvrage particulier

Dans une liste de titres on ne voit pas pourquoi la Souda aurait preacutefeacutereacute eacutevoquer les quinze livres eacutecrits par Porphyre contre les chreacutetiens plutocirct que drsquoen donner le titre preacutecis si vraiment ce titre avait eacuteteacute diffeacuterent et si lrsquoauteur lrsquoavait connu

Attestations du titre du ldquoContra Christianosrdquo

Reste agrave savoir si nous nrsquoavons pas drsquoattestation plus ancienne de ce titre Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui cite geacuteneacuteralement de faccedilon preacutecise ses sources nous a transmis plusieurs extraits litteacuteraux du traiteacute de Porphyre dirigeacute contre les chreacute-tiens Consideacuterons en quels termes il introduit chacune de ces citations en trois passages capitaux

Dans sa Preacuteparation eacutevangeacutelique V 1 9 ougrave il veut montrer que les deacutemons mauvais ont perdu de leur puissance depuis la venue de Jeacutesus-Christ parmi les hommes il introduit dans les termes suivants le fragment 80 du recueil de von Harnack

laquo hellipcrsquoest encore lrsquoauteur mecircme qui est agrave notre eacutepoque lrsquoavocat des deacutemons qui dans le pamphlet30 qursquoil a eacutecrit contre nous porte teacutemoignage en ces termeshellip raquo31

Dans la Preacuteparation eacutevangeacutelique I 9 20 crsquoest le fragment 41 qui est ainsi preacutesenteacute

laquo Lrsquoauteur qui de nos jours a monteacute son pamphlet contre nous rappelle ces faits32 dans le quatriegraveme livre de lrsquoouvrage ougrave il nous attaquehellip raquo33

30 E des Places a traduit συσκευή par laquo pamphlet raquo et PF Beatrice par laquo compilation raquo Compilation est effectivement donneacute par le dictionnaire de Lampe (PGL) mais le seul exemple fourni est un passage drsquoEusegravebe On ne voit pas tregraves bien ce que Porphyre aurait ici compileacute A lire lrsquoen-semble des occurrences chez Eusegravebe on retiendra plutocirct le sens de laquo machination raquo laquo complot raquo souvent en association avec κατὰ+geacuten par exemple le complot du peuple juif contre le Christ (Hist eccl I 3 6) La formule consacreacutee chez Eusegravebe agrave propos de Porphyre est ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν (Praep evang I 9 20 voir aussi V 5 5 V 36 5 X 9 12) Voir aussi en X 9 11 ὃς τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν ὑπερβολῇ μίσους προβεβλημένος A propos drsquoun ouvrage de Molon contre les Juifs Eusegravebe emploie une formule semblable ῾Ὁ δὲ τὴν συσκευὴν τὴν κατὰ Ἰουδαίων γράψας Μόλων Comme le mot est souvent employeacute avec des verbes comme ldquoeacutecrirerdquo (Praep evang X 9 12) on peut estimer que pamphlet (diffamatoire) est une assez bonne traduction 31 Eusegravebe Preacutep eacutevang V 1 9 περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον (suit le fr 80 Harnack) 32 Ou laquo mentionne ces deux auteurs raquo crsquoest-agrave-dire Sanchouniathon et Philon de Byblos 33 Eusegravebe Preacutep eacutevang I 9 20 (trad J Sirinelli) μέμνηται τούτων ὁ καθrsquo ἡμᾶς τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν ἐν τετάρτῳ τῆς πρὸς ἡμᾶς ὑποθέσεως (suit le fr 41 Harnack)

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Dans son Histoire eccleacutesiastique VI 19 2-4 Eusegravebe introduit le fragment 39 du recueil de von Harnack

laquo Pourquoi faut-il dire cela lorsque encore de nos jours Porphyre srsquoest eacutetabli en Sicile y a composeacute des eacutecrits contre nous et srsquoest efforceacute drsquoy calomnier les Eacutecritures divineshellip raquo34

A la fin de lrsquoextrait (VI 19 9) il preacutecise le livre drsquoougrave est tireacute ce passage laquo Voilagrave ce qui a eacuteteacute eacutecrit par Porphyre au troisiegraveme des livres qursquoil a eacutecrits contre les chreacutetienshellip

Que ne devait pas faire lrsquoadversaire des chreacutetiens raquo35

On imagine mal qursquoEusegravebe nrsquoait pas penseacute citer un titre preacutecis lorsqursquoil a eacutecrit κατὰ τὸ γʹ σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν Beatrice36 fait reacutefeacuterence agrave ce passage mais il ne lui consacre aucune explication Si Eusegravebe avait connu lrsquoouvrage sous un autre titre notamment en tant que Philosophie des oracles il aurait vraisemblablement pris la peine de lrsquoindiquer ici

On a peine agrave croire que dans tous ces passages Eusegravebe ait eu agrave lrsquoesprit un titre de Porphyre qursquoil se serait borneacute agrave eacutevoquer sans le mentionner Eusegravebe eacutetant lrsquoauteur le plus proche chronologiquement de Porphyre et lrsquoun des seuls agrave avoir lu directement lrsquoouvrage son teacutemoignage doit ecirctre tenu comme le plus deacutecisif

On peut admettre agrave la limite qursquoEusegravebe ne pensait pas citer un titre comme tel on peut mecircme admettre que lrsquoouvrage nrsquoeacutetait connu que par un titre descriptif mais ce qui est exclu est qursquoEusegravebe ait employeacute de telles formules alors mecircme qursquoil connaissait lrsquoouvrage sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας

Les reacutefeacuterences preacutecises de Jeacuterocircme agrave lrsquoouvrage de Porphyre ressemblent tout agrave fait agrave celles que donne Eusegravebe

Fr 9a Harnack laquo hellipce Porphyre impie qui eacutecrivit contre nous et en plusieurs volumes deacuteversa sa rage au tome XIVhellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius qui adversum nos conscripsit et multis voluminibus rabiem suam evomuit in XIV voluminehellip)

Fr 21a Harnack laquo hellip Ce Bataneacuteote et ce sceacuteleacuterat de Porphyre au premier livre de son ouvrage contre noushellip raquo (hellipBataneotes et sceleratus ille Porphyrius in I operis sui adversum nos librohellip)

Fr 40 Harnack laquo hellipcet impie de Porphyre au livre IV de son livre qursquoau prix drsquoun vain labeur il a composeacute contre noushellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius in IV operis sui libro quod adversum nos casso labore contexuithellip)

Fr 43 a Harnack laquo Contre le prophegravete Daniel Porphyre a eacutecrit le livre XII raquo (Contra prophetam Danielem XII librum scripsit Porphyrius)

34 Eusegravebe Hist eccl VI 19 2-4 (trad Bardy) τί δεῖ ταῦτα λέγειν ὅτε καὶ ὁ καθrsquo ἡμᾶς ἐν Σικελίᾳ καταστὰς Πορϕύριος συγγράμματα καθrsquo ἡμῶν ἐνστησάμενος καὶ διrsquo αὐτῶν τὰς θείας γραϕὰς διαβάλλειν πεπειραμένος En suivant TD Barnes (laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65) on peut aussi comprendre laquo lorsque mecircme Porphyre qui de nos jours srsquoest eacutetabli en Sicile raquo 35 Ibid VI 19 9 (conclusion) ταῦτα τῷ Πορϕυρίῳ κατὰ τὸ τρίτον σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν εἴρηται () (τί γὰρ οὐκ ἔμελλεν ὁ κατὰ Χριστιανῶν ) 36 laquo Title raquo p 233 n 79

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Fr 44 Harnack laquo au livre XIII de son ouvrage contre nous Porphyre a profeacutereacute de nombreux blas-phegravemeshellip raquo (multa Porphyrius XIII operis sui volumine contra nos blasphemavithellip)

Toutes ces reacutefeacuterences ont en commun de signaler un livre particulier de lrsquoouvrage de Porphyre sans preacuteciser le titre exact de cet ouvrage autrement que par son caractegravere antichreacutetien

On doit eacutegalement tenir compte des divers deacutecrets impeacuteriaux dirigeacutes contre Porphyre Mme Digeser signale que le rapprochement qui est fait avec les Ariens montre que le grand reproche qui est adresseacute au philosophe est sans doute de nier la diviniteacute du Christ Sans le dire ouvertement elle semble consideacuterer que le traiteacute viseacute eacutetait la Philosophie des Oracles un ouvrage ougrave le problegraveme eacutetait abordeacute laquo un ouvrage qui eacutetait pris beaucoup plus au seacuterieux que le Contre les chreacutetiens raquo37 Or pas plus qursquoEusegravebe ou Jeacuterocircme les Empereurs nrsquoont pris la peine de deacutesigner lrsquoouvrage condamneacute autrement que par des formules geacuteneacuterales

laquo Porphyre lrsquoennemi de la religion qui a composeacute des ouvrages sacrilegraveges contre le culte divinhellip raquo Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρός συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος (Socrate Hist eccl I 9 30 [concerne le Concile de Niceacutee en 324] = 38 T Smith)

laquo hellipce que Porphyre entraicircneacute par sa folie a eacutecrit contre le pieux culte des chreacutetienshellip raquo ὅσα Πορϕύριος ὑπὸ τῆς ἑαυτοῦ μανίας ἐλαυνόμενος κατὰ τῆς εὐσεβοῦς θρησκείας τῶν Χριστιανῶν συνέγραψε (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 66 8-12 [en 448] = 40 T Smith)

laquo hellipagrave propos des livres de Porphyre ceux qui ont eacuteteacute composeacutes contre le saint culte des chreacutetienshellip raquo περί τε τῶν βιβλίων Πορϕυρίου τῶν κατὰ τῆς εὐαγοῦς τῶν Χριστιανῶν θρησκείας | συγγραϕέντων (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 67 7-15 [en 448] = 41 T Smith)

laquo hellipet que nul ne possegravede ne lise ne copie ni ne mentionne Nestorius aussi bien ses paroles que ses livres criminels et surtout ceux qursquoa publieacutes Porphyre contre les seules Eacutecritures chreacutetienneshellip raquo nec habeat aliquis aut legat aut transcribat proferatve Nestorium vel terminos eius aut codices noxios et maxime quos contra solas38 Porphyrius edidit Christianas litteras (Acta Conciliorum Oecumenicorum II 3 2 p 89 14-16 [en 451 ] = 42 T Smith)

laquo hellipce qui a eacuteteacute dit par Porphyre contre les chreacutetienshellip raquo τοῖς παρὰ Πορϕυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις (Acta Conciliorum Oecumenicorum III p 121 22-26 [en 536] = 43 T Smith)

Si les autoriteacutes impeacuteriales se sont contenteacutees de telles formulations crsquoest que celles-ci suffisaient agrave identifier un ouvrage preacutecis de Porphyre et non pas nrsquoim-porte quel de ses ouvrages En tout cas il est difficilement imaginable que de telles formules aient pu viser un ouvrage comme la Philosophie des Oracles que lrsquoon retrou-vera citeacute tout au long du ive siegravecle et cette difficulteacute ne peut que srsquoaccroicirctre si lrsquoon en vient agrave identifier agrave ce traiteacute drsquoautres traiteacutes comme le De regressu animae comme le voudrait Mme Digeser agrave la suite de JJ OrsquoMeara ou toute une seacuterie de traiteacutes porphyriens comme lrsquoenvisage M Beatricehellip Que la Philosophie des Oracles ait rejeteacute la diviniteacute du Christ nrsquoexclut eacutevidemment pas que Porphyre ait pu adopter la mecircme position dans un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens

37 laquo a work taken far more seriously than Against the Christians raquo (E DePalma Digeser art citeacute p 135) 38 Solas est inattendu sanctas

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Mais puisqursquoon ne trouve pas de fait en dehors de la Souda de citation ougrave Contre les chreacutetiens soit explicitement preacutesenteacute comme le titre de lrsquoouvrage au moyen drsquoun terme comme ἐπιγράϕειν admettons que le titre ne soit pas parfai-tement eacutetabli

Les reacutefeacuterences les plus explicites au traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo

Une douzaine de fragments du recueil de von Harnack contiennent une reacutefeacute-rence preacutecise agrave un ouvrage antichreacutetien de Porphyre et mecircme agrave un livre particu-lier de ce traiteacute Mecircme en laissant de cocircteacute tous les autres fragments ougrave le nom de Porphyre nrsquoapparaicirct pas et mecircme ceux ougrave il est mentionneacute sans reacutefeacuterence preacutecise agrave un ouvrage qursquoil aurait composeacute on peut se faire ainsi une ideacutee assez preacutecise de lrsquoouvrage

Cinq ou six livres de lrsquoouvrage sont eacutevoqueacutes de faccedilon explicite Il srsquoagit des livres I III et IV XII etou XIII et enfin XIV

Que lrsquoon y voie un titre ou une simple deacutesignation de son contenu on constate que lrsquoouvrage est deacutesigneacute tant chez les Grecs que chez les | Latins par des formules quasi identiques il eacutetait eacutecrit contra nos adversum nos contra Christianos καθrsquo ἡμῶν κατὰ Χριστιανῶν

Enfin plusieurs fragments permettent drsquoeacutetablir que lrsquoouvrage attaquait direc-tement les chreacutetiens les Eacutecritures Saintes et notamment le livre de Daniel

Crsquoest cet ouvrage que reacutefutegraverent Meacutethode drsquoOlympe Eusegravebe de Ceacutesareacutee et Apollinaire de Laodiceacutee peut-ecirctre drsquoautres auteurs chreacutetiens comme Philostorge et crsquoest cet ouvrage que condamnegraverent au moins agrave deux reprises les empereurs chreacutetiens

Je ne retiens que ces informations minimales pour montrer que lrsquoexistence drsquoun traiteacute antichreacutetien de Porphyre ne saurait ecirctre remise en question mecircme si lrsquoon reacuteduisait le recueil des fragments agrave un noyau regroupant uniquement des frag-ments rattacheacutes explicitement agrave un traiteacute eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens

Le ldquoContra Christianosrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquoSelon Beatrice Eusegravebe et plusieurs autres auteurs chreacutetiens connaissaient

le titre veacuteritable de ce traiteacute dirigeacute contre les chreacutetiens Crsquoeacutetait la Philosophie des oracles

Le principal argument de Beatrice semble ecirctre un passage de la Preacuteparation eacutevan-geacutelique dans lequel Eusegravebe introduit une citation de la Philosophie des Oracles en preacutesen-tant Porphyre comme ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος (V 5 5)

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne (ou ldquoqursquoexposerdquo ἐκτέθειται) de son cocircteacute

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lrsquoauteur du pamphlet (ldquocompilationrdquo Beatrice) dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles raquo39

Selon Beatrice40 il faudrait comprendre que ce pamphlet est la Philosophie des oracles ou encore que lrsquoouvrage qursquoEusegravebe srsquoapprecirctait agrave citer eacutetait le pamphlet anti-chreacutetien eacutevoqueacute

De mecircme dans la Deacutemonstration eacutevangeacutelique III 6 39 Eusegravebe introduit une cita-tion du troisiegraveme livre du mecircme ouvrage en lrsquoattribuant agrave lrsquoennemi des chreacutetiens τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου

laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo41

La conclusion qursquoen tire Beatrice est la suivante laquo On peut difficilement ne pas reconnaicirctre que dans lrsquoensemble de la litteacuterature chreacutetienne

antique ce passage de la Deacutemonstration eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe est le seul dans lequel il est eacutetabli sans ambiguiumlteacute que le titre de lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre eacutetait Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo42

On trouverait une confirmation de cette identification en Praep evang IV 6 2-3 Apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un philosophe laquo ami des deacutemons raquo (δαιμόνων ϕίλον) et comme laquo un contemporain qui srsquoest enorgueilli des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous raquo (ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις) Eusegravebe enchaicircne

39 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) () τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται La traduction fournie par Beatrice laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 247 emprunteacutee agrave EH Gifford (Oxford 1903) donne un seacuterieux coup de pouce agrave lrsquoidentification des deux traiteacutes laquo the author of the compulation against us in the book which he entitled Of the Philosophy to be derived from Oracles raquo Mais ἐν οἷς ἐπέγραψε κτλ se rapporte au verbe ἐκτέθειται et non agrave πεποιημένος 40 laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 347 41 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται ὧδέ πως ἱστορῶν κατὰ λέξιν 42 laquo It can hardly be denied that in the whole of ancient Christian literature this passage from Eusebiusrsquos Proof of the Gospel is the only one in which it is unambiguously stated that the title (ἐπέγραψεν) of Porphyryrsquos anti-Christian writing (τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς) was Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (Beatrice laquo Title raquo p 235) Voir laquo Title raquo p 234 et laquo Towards a new edition raquo p 349 ougrave Beatrice parle de ldquodecisive evidencerdquo Beutler (RE XXII1 col 298) semble avoir attribueacute le fragment (Dem evang III 6) non pas agrave la Philosophie des oracles mais au traiteacute Contre les chreacutetiens Il eacutetablirait selon Beatrice laquo Title raquo p 234 un rapprochement avec Eusegravebe Hist eccl VI 19 et Augustin De civ Dei XIX 23 Mais il srsquoagit sans doute drsquoune simple erreur de Beutler Il y a lagrave une reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles traiteacute que Beutler pour sa part distingue nettement du Contra Christianos

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laquo Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des | dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo43

Voir encore Eusegravebe Praep evang V 36 5 laquo Apregraves ces propos passe maintenant agrave la Philosophie tireacutee des oracles de celui qui a composeacute

contre nous son reacutequisitoire (ou pamphlet )hellip raquo44

Dans ces quatre passages une citation de la Philosophie des oracles de Porphyre est preacutesenteacutee comme lrsquoœuvre drsquoun adversaire du christianisme Beatrice en conclut systeacutematiquement que lrsquoœuvre antichreacutetienne agrave laquelle pensait Eusegravebe eacutetait la Philosophie des oracles45

Pour toute la tradition byzantine46 la deacutesignation officielle de Porphyre est ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας celui qui srsquoest exprimeacute κατὰ Χριστιανῶν47 celui qui agiteacute sa langue impure contre les chreacutetiens48 ou contre la veacuteriteacute49 Il est lrsquoennemi de la religion chreacutetienne50 La formule ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας pourrait provenir drsquoEusegravebe qui mentionne | reacuteguliegraverement Porphyre comme laquo notre contemporain qui a composeacute son pamphlet contre nous raquo

43 Eusegravebe Praep evang IV 6 3 (trad O Zink) οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγω γὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας Voir laquo Title raquo p 233 44 Eusegravebe Praep evang V 36 5 (trad Eacuted des Places) ἀλλὰ γὰρ μετὰ τὰ εἰρημένα μεταβὰς αὖθις ἐπὶ τὴν Ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίαν τοῦ τὴν συσκευὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένου Voir laquo Title raquo p 233 45 Beatrice suit peut-ecirctre dans son interpreacutetation de ce passage JJ OrsquoMeara Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in Augustine Paris 1959 p 107 qui eacutecrit laquo Il est peut-ecirctre bon drsquoindiquer degraves le deacutebut qursquoEusegravebe deacutecrit la Philosophie des oracles comme une compilation dirigeacutee ldquocontre nousrdquo crsquoest-agrave-dire contre les Chreacutetiens raquo (laquo It may be well to state at the outset that Eusebius describes the Philosophy from Oracles as a compilation made ldquoagainst usrdquo that is Christians raquo) 46 Georges le Moine Chron 539 καὶ Πορϕύριος ὁ Τύριος ὑπάρχων πολλὰ κατὰ τῆς πίστεως ἡμῶν ἐκμανεὶς ἐλύσσησεν χριστιανὸς γὰρ γενόμενος καὶ τυπτηθεὶς ὑπό τινος χριστιανοῦ ἐν Παλαιστίνῃ θυμωθεὶς μετῆλθε πάλιν εἰς τὸν ἑλληνισμὸν ὁ ταλαίπωρος καὶ κατὰ τῆς πίστεως ἐδογμάτισεν Cedrenus vol I p 441 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ὁ ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Symeon Logothetes Chron p 71 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας καὶ Ἀϕρικανὸς ὁ σοϕώτατος Souda E 1454 ἐντελέχειαν λέγει ὁ Πορϕύριος τὴν ψυχήν ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Τύριος ϕιλόσοϕος 47 Cf Justinien Nov XLII 2 τοῖς παρὰ Πορφυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις 48 Souda Π 2473 Πρόκλος ὁ δεύτερος μετὰ Πορϕύριον κατὰ Χριστιανῶν τὴν μιαρὰν καὶ ἐϕύβριστον αὐτοῦ γλῶσσαν κινήσας 49 Theacuteophane le Confesseur Chron p 52 Πορϕύριος δέ ὁ καθrsquo ἡμῶν λυττήσας μετῆλθεν εἰς τὸν ἑλληνισμόν καὶ τότε γράψαι κατὰ τῆς ἀληθείας ὁ κύων ἐτόλμησεν 50 Cyrille Contra Iulianum I 38 (= F 203 Smith) Πορϕύριος μὲν οὖν ὁ πικροὺς ἡμῶν καταχέας λόγους καὶ τῆς Χριστιανῶν θρησκείας μονονουχὶ κατορχούμενος Socrate I 9 Ὥσπερ τοίνυν Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρὸς συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 11: Contra Christianos

LE TRAITEacute DE PORPHYRE CONTRE LES CHREacuteTIENS 11

Pour illustrer ce sens purement descriptif de la formule employeacutee agrave propos de Porphyre Beatrice27 cite Seacuteveacuterien de Gabala De mundi creat hom 6 (PG 56 487) laquo agrave Porphyrehellip celui qui a composseacute [un ouvrage] contre les chreacutetiens raquo (Πορϕυρίῳ τῷ κατὰ Χριστιανῶν συγγράψαντι) et Neacutemeacutesius drsquoEacutemegravese De nat hom 3 (p 42 22-23 Morani) laquo Porphyre celui qui a agiteacute sa langue contre le Christ raquo (Πορϕύριος ὁ κατὰ τοῦ Χριστοῦ κινήσας τὴν ἑαυτοῦ γλῶσσαν)

Beatrice cite eacutegalement des formules drsquoOrigegravene ou drsquoEusegravebe qui eacutevoquent lrsquoἈληθὴς λόγος de Celse comme un eacutecrit poleacutemique dirigeacute Κατὰ Χριστιανῶν ou καθrsquo ἡμῶν28

Mais le fait que la formule puisse srsquointerpreacuteter dans un sens faible ne prouve cependant pas que dans des contextes ougrave lrsquoauteur eacutenumegravere des titres drsquoouvrages (comme dans la Souda ougrave la plupart des autres titres rappelons-le sont confirmeacutes par des fragments porphyriens) ou donne la reacutefeacuterence litteacuteraire drsquoune citation (comme chez Eusegravebe dans les passages que nous allons examiner) elle doive neacutecessairement ecirctre ainsi interpreacuteteacutee mecircme lorsque lrsquoauteur ne preacutecise pas qursquoil cite expresseacutement le titre drsquoun ouvrage Car les innombrables titres drsquoouvrages comportant κατὰ+geacuten ou πρὸς+acc en grec ne sauraient ecirctre reacuteduits agrave de pures eacutevocations de leur laquo cible raquo litteacuteraire

Crsquoest le contexte seul qui permet drsquoeacutetablir la preacutecision de la reacutefeacuterence Prenons par exemple les quatre reacutefeacuterences suivantes au Contre Celse drsquoOrigegravene que nous trouvons dans la Philocalie29

laquoExtraits des Tomes contre Celse celui qui a eacutecrit contre les chreacutetiens tomes 6 et 7raquo ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τοῦ κατὰ χριστιανῶν γράψαντος τόμου ϛʹ καὶ ζʹ (chap 15)

laquoDu tome 3 contre Celseraquo τόμου γʹ κατὰ Κέλσου (chap 16)laquoExtraits des tomes 1 et 5 de lrsquoouvrage contre Celseraquo ἐκ τοῦ αʹ καὶ εʹ τόμου τῶν κατὰ Κέλσου

(chap 17)laquoExtraits du tome 3 du mecircme traiteacute contre Celseraquo ἐν τῷ τρίτῳ τόμῳ τῆς αὐτῆς κατὰ Κέλσου

πραγματείας (18) Harl ἐκ τῶν κατὰ Κέλσου τόμου αʹ καὶ γʹ (chap 18)

27 laquo Title raquo p 222 28 Origegravene Contre Celse prooem 4 laquo Et je ne sais pas dans quelle cateacutegorie il faut ranger celui qui a besoin de discours eacutecrits dans des livres en reacuteponse aux charges de Celse contre les chreacutetiens (πρὸς τὰ Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐγκλήματα) pour ressaisir et remettre debout une foi qui chancelleraquo (trad M Borret 1967) Voir aussi au deacutebut du prologue la formule laquocontre les faux teacutemoignages de Celse contre les chreacutetiens dans son traiteacute (πρὸς τὰς Κέλσου κατὰ Χριστιανῶν ἐν συγγράμμασι ψευδομαρτυρίας) raquo Eusegravebe Hist eccl VI 36 2 (agrave propos drsquoOrigegravene) laquo Agrave cette eacutepoque aussi il compose les huit livres pour reacutepondre agrave lrsquoouvrage dirigeacute contre nous par Celse lrsquoeacutepicurien et intituleacute Discours veacuteritable (τὰ πρὸς τὸν ἐπιγραμμένον καθrsquo ἡμῶν Κέλσου τοῦ Ἐπικουρείου Ἀληθῆ λόγον)hellip raquo 29 Voir Origegravene Philocalie 1-20 Sur les Eacutecritures Introduction texte traduction et notes par Marguerite Harl et La Lettre agrave Africanus sur lrsquohistoire de Suzanne Introduction texte traduction et notes pas Nicholas de Lange coll SC 302 Paris 1983

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Ces formules sont eacutequivalentes On peut toujours dire qursquoaucune des quatre mecircme la quatriegraveme ne preacutesente explicitement les mots laquo Contre Celse raquo comme le titre mecircme de lrsquoouvrage drsquoOrigegravene mais il faut au moins reconnaicirctre (a) qursquoon ne connaicirct pas drsquoautre titre (b) que cette faccedilon de deacutesigner lrsquoouvrage eacutetait aux yeux des compilateurs suffisamment explicite pour identifier un ouvrage particulier

Dans une liste de titres on ne voit pas pourquoi la Souda aurait preacutefeacutereacute eacutevoquer les quinze livres eacutecrits par Porphyre contre les chreacutetiens plutocirct que drsquoen donner le titre preacutecis si vraiment ce titre avait eacuteteacute diffeacuterent et si lrsquoauteur lrsquoavait connu

Attestations du titre du ldquoContra Christianosrdquo

Reste agrave savoir si nous nrsquoavons pas drsquoattestation plus ancienne de ce titre Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui cite geacuteneacuteralement de faccedilon preacutecise ses sources nous a transmis plusieurs extraits litteacuteraux du traiteacute de Porphyre dirigeacute contre les chreacute-tiens Consideacuterons en quels termes il introduit chacune de ces citations en trois passages capitaux

Dans sa Preacuteparation eacutevangeacutelique V 1 9 ougrave il veut montrer que les deacutemons mauvais ont perdu de leur puissance depuis la venue de Jeacutesus-Christ parmi les hommes il introduit dans les termes suivants le fragment 80 du recueil de von Harnack

laquo hellipcrsquoest encore lrsquoauteur mecircme qui est agrave notre eacutepoque lrsquoavocat des deacutemons qui dans le pamphlet30 qursquoil a eacutecrit contre nous porte teacutemoignage en ces termeshellip raquo31

Dans la Preacuteparation eacutevangeacutelique I 9 20 crsquoest le fragment 41 qui est ainsi preacutesenteacute

laquo Lrsquoauteur qui de nos jours a monteacute son pamphlet contre nous rappelle ces faits32 dans le quatriegraveme livre de lrsquoouvrage ougrave il nous attaquehellip raquo33

30 E des Places a traduit συσκευή par laquo pamphlet raquo et PF Beatrice par laquo compilation raquo Compilation est effectivement donneacute par le dictionnaire de Lampe (PGL) mais le seul exemple fourni est un passage drsquoEusegravebe On ne voit pas tregraves bien ce que Porphyre aurait ici compileacute A lire lrsquoen-semble des occurrences chez Eusegravebe on retiendra plutocirct le sens de laquo machination raquo laquo complot raquo souvent en association avec κατὰ+geacuten par exemple le complot du peuple juif contre le Christ (Hist eccl I 3 6) La formule consacreacutee chez Eusegravebe agrave propos de Porphyre est ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν (Praep evang I 9 20 voir aussi V 5 5 V 36 5 X 9 12) Voir aussi en X 9 11 ὃς τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν ὑπερβολῇ μίσους προβεβλημένος A propos drsquoun ouvrage de Molon contre les Juifs Eusegravebe emploie une formule semblable ῾Ὁ δὲ τὴν συσκευὴν τὴν κατὰ Ἰουδαίων γράψας Μόλων Comme le mot est souvent employeacute avec des verbes comme ldquoeacutecrirerdquo (Praep evang X 9 12) on peut estimer que pamphlet (diffamatoire) est une assez bonne traduction 31 Eusegravebe Preacutep eacutevang V 1 9 περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον (suit le fr 80 Harnack) 32 Ou laquo mentionne ces deux auteurs raquo crsquoest-agrave-dire Sanchouniathon et Philon de Byblos 33 Eusegravebe Preacutep eacutevang I 9 20 (trad J Sirinelli) μέμνηται τούτων ὁ καθrsquo ἡμᾶς τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν ἐν τετάρτῳ τῆς πρὸς ἡμᾶς ὑποθέσεως (suit le fr 41 Harnack)

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Dans son Histoire eccleacutesiastique VI 19 2-4 Eusegravebe introduit le fragment 39 du recueil de von Harnack

laquo Pourquoi faut-il dire cela lorsque encore de nos jours Porphyre srsquoest eacutetabli en Sicile y a composeacute des eacutecrits contre nous et srsquoest efforceacute drsquoy calomnier les Eacutecritures divineshellip raquo34

A la fin de lrsquoextrait (VI 19 9) il preacutecise le livre drsquoougrave est tireacute ce passage laquo Voilagrave ce qui a eacuteteacute eacutecrit par Porphyre au troisiegraveme des livres qursquoil a eacutecrits contre les chreacutetienshellip

Que ne devait pas faire lrsquoadversaire des chreacutetiens raquo35

On imagine mal qursquoEusegravebe nrsquoait pas penseacute citer un titre preacutecis lorsqursquoil a eacutecrit κατὰ τὸ γʹ σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν Beatrice36 fait reacutefeacuterence agrave ce passage mais il ne lui consacre aucune explication Si Eusegravebe avait connu lrsquoouvrage sous un autre titre notamment en tant que Philosophie des oracles il aurait vraisemblablement pris la peine de lrsquoindiquer ici

On a peine agrave croire que dans tous ces passages Eusegravebe ait eu agrave lrsquoesprit un titre de Porphyre qursquoil se serait borneacute agrave eacutevoquer sans le mentionner Eusegravebe eacutetant lrsquoauteur le plus proche chronologiquement de Porphyre et lrsquoun des seuls agrave avoir lu directement lrsquoouvrage son teacutemoignage doit ecirctre tenu comme le plus deacutecisif

On peut admettre agrave la limite qursquoEusegravebe ne pensait pas citer un titre comme tel on peut mecircme admettre que lrsquoouvrage nrsquoeacutetait connu que par un titre descriptif mais ce qui est exclu est qursquoEusegravebe ait employeacute de telles formules alors mecircme qursquoil connaissait lrsquoouvrage sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας

Les reacutefeacuterences preacutecises de Jeacuterocircme agrave lrsquoouvrage de Porphyre ressemblent tout agrave fait agrave celles que donne Eusegravebe

Fr 9a Harnack laquo hellipce Porphyre impie qui eacutecrivit contre nous et en plusieurs volumes deacuteversa sa rage au tome XIVhellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius qui adversum nos conscripsit et multis voluminibus rabiem suam evomuit in XIV voluminehellip)

Fr 21a Harnack laquo hellip Ce Bataneacuteote et ce sceacuteleacuterat de Porphyre au premier livre de son ouvrage contre noushellip raquo (hellipBataneotes et sceleratus ille Porphyrius in I operis sui adversum nos librohellip)

Fr 40 Harnack laquo hellipcet impie de Porphyre au livre IV de son livre qursquoau prix drsquoun vain labeur il a composeacute contre noushellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius in IV operis sui libro quod adversum nos casso labore contexuithellip)

Fr 43 a Harnack laquo Contre le prophegravete Daniel Porphyre a eacutecrit le livre XII raquo (Contra prophetam Danielem XII librum scripsit Porphyrius)

34 Eusegravebe Hist eccl VI 19 2-4 (trad Bardy) τί δεῖ ταῦτα λέγειν ὅτε καὶ ὁ καθrsquo ἡμᾶς ἐν Σικελίᾳ καταστὰς Πορϕύριος συγγράμματα καθrsquo ἡμῶν ἐνστησάμενος καὶ διrsquo αὐτῶν τὰς θείας γραϕὰς διαβάλλειν πεπειραμένος En suivant TD Barnes (laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65) on peut aussi comprendre laquo lorsque mecircme Porphyre qui de nos jours srsquoest eacutetabli en Sicile raquo 35 Ibid VI 19 9 (conclusion) ταῦτα τῷ Πορϕυρίῳ κατὰ τὸ τρίτον σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν εἴρηται () (τί γὰρ οὐκ ἔμελλεν ὁ κατὰ Χριστιανῶν ) 36 laquo Title raquo p 233 n 79

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Fr 44 Harnack laquo au livre XIII de son ouvrage contre nous Porphyre a profeacutereacute de nombreux blas-phegravemeshellip raquo (multa Porphyrius XIII operis sui volumine contra nos blasphemavithellip)

Toutes ces reacutefeacuterences ont en commun de signaler un livre particulier de lrsquoouvrage de Porphyre sans preacuteciser le titre exact de cet ouvrage autrement que par son caractegravere antichreacutetien

On doit eacutegalement tenir compte des divers deacutecrets impeacuteriaux dirigeacutes contre Porphyre Mme Digeser signale que le rapprochement qui est fait avec les Ariens montre que le grand reproche qui est adresseacute au philosophe est sans doute de nier la diviniteacute du Christ Sans le dire ouvertement elle semble consideacuterer que le traiteacute viseacute eacutetait la Philosophie des Oracles un ouvrage ougrave le problegraveme eacutetait abordeacute laquo un ouvrage qui eacutetait pris beaucoup plus au seacuterieux que le Contre les chreacutetiens raquo37 Or pas plus qursquoEusegravebe ou Jeacuterocircme les Empereurs nrsquoont pris la peine de deacutesigner lrsquoouvrage condamneacute autrement que par des formules geacuteneacuterales

laquo Porphyre lrsquoennemi de la religion qui a composeacute des ouvrages sacrilegraveges contre le culte divinhellip raquo Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρός συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος (Socrate Hist eccl I 9 30 [concerne le Concile de Niceacutee en 324] = 38 T Smith)

laquo hellipce que Porphyre entraicircneacute par sa folie a eacutecrit contre le pieux culte des chreacutetienshellip raquo ὅσα Πορϕύριος ὑπὸ τῆς ἑαυτοῦ μανίας ἐλαυνόμενος κατὰ τῆς εὐσεβοῦς θρησκείας τῶν Χριστιανῶν συνέγραψε (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 66 8-12 [en 448] = 40 T Smith)

laquo hellipagrave propos des livres de Porphyre ceux qui ont eacuteteacute composeacutes contre le saint culte des chreacutetienshellip raquo περί τε τῶν βιβλίων Πορϕυρίου τῶν κατὰ τῆς εὐαγοῦς τῶν Χριστιανῶν θρησκείας | συγγραϕέντων (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 67 7-15 [en 448] = 41 T Smith)

laquo hellipet que nul ne possegravede ne lise ne copie ni ne mentionne Nestorius aussi bien ses paroles que ses livres criminels et surtout ceux qursquoa publieacutes Porphyre contre les seules Eacutecritures chreacutetienneshellip raquo nec habeat aliquis aut legat aut transcribat proferatve Nestorium vel terminos eius aut codices noxios et maxime quos contra solas38 Porphyrius edidit Christianas litteras (Acta Conciliorum Oecumenicorum II 3 2 p 89 14-16 [en 451 ] = 42 T Smith)

laquo hellipce qui a eacuteteacute dit par Porphyre contre les chreacutetienshellip raquo τοῖς παρὰ Πορϕυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις (Acta Conciliorum Oecumenicorum III p 121 22-26 [en 536] = 43 T Smith)

Si les autoriteacutes impeacuteriales se sont contenteacutees de telles formulations crsquoest que celles-ci suffisaient agrave identifier un ouvrage preacutecis de Porphyre et non pas nrsquoim-porte quel de ses ouvrages En tout cas il est difficilement imaginable que de telles formules aient pu viser un ouvrage comme la Philosophie des Oracles que lrsquoon retrou-vera citeacute tout au long du ive siegravecle et cette difficulteacute ne peut que srsquoaccroicirctre si lrsquoon en vient agrave identifier agrave ce traiteacute drsquoautres traiteacutes comme le De regressu animae comme le voudrait Mme Digeser agrave la suite de JJ OrsquoMeara ou toute une seacuterie de traiteacutes porphyriens comme lrsquoenvisage M Beatricehellip Que la Philosophie des Oracles ait rejeteacute la diviniteacute du Christ nrsquoexclut eacutevidemment pas que Porphyre ait pu adopter la mecircme position dans un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens

37 laquo a work taken far more seriously than Against the Christians raquo (E DePalma Digeser art citeacute p 135) 38 Solas est inattendu sanctas

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Mais puisqursquoon ne trouve pas de fait en dehors de la Souda de citation ougrave Contre les chreacutetiens soit explicitement preacutesenteacute comme le titre de lrsquoouvrage au moyen drsquoun terme comme ἐπιγράϕειν admettons que le titre ne soit pas parfai-tement eacutetabli

Les reacutefeacuterences les plus explicites au traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo

Une douzaine de fragments du recueil de von Harnack contiennent une reacutefeacute-rence preacutecise agrave un ouvrage antichreacutetien de Porphyre et mecircme agrave un livre particu-lier de ce traiteacute Mecircme en laissant de cocircteacute tous les autres fragments ougrave le nom de Porphyre nrsquoapparaicirct pas et mecircme ceux ougrave il est mentionneacute sans reacutefeacuterence preacutecise agrave un ouvrage qursquoil aurait composeacute on peut se faire ainsi une ideacutee assez preacutecise de lrsquoouvrage

Cinq ou six livres de lrsquoouvrage sont eacutevoqueacutes de faccedilon explicite Il srsquoagit des livres I III et IV XII etou XIII et enfin XIV

Que lrsquoon y voie un titre ou une simple deacutesignation de son contenu on constate que lrsquoouvrage est deacutesigneacute tant chez les Grecs que chez les | Latins par des formules quasi identiques il eacutetait eacutecrit contra nos adversum nos contra Christianos καθrsquo ἡμῶν κατὰ Χριστιανῶν

Enfin plusieurs fragments permettent drsquoeacutetablir que lrsquoouvrage attaquait direc-tement les chreacutetiens les Eacutecritures Saintes et notamment le livre de Daniel

Crsquoest cet ouvrage que reacutefutegraverent Meacutethode drsquoOlympe Eusegravebe de Ceacutesareacutee et Apollinaire de Laodiceacutee peut-ecirctre drsquoautres auteurs chreacutetiens comme Philostorge et crsquoest cet ouvrage que condamnegraverent au moins agrave deux reprises les empereurs chreacutetiens

Je ne retiens que ces informations minimales pour montrer que lrsquoexistence drsquoun traiteacute antichreacutetien de Porphyre ne saurait ecirctre remise en question mecircme si lrsquoon reacuteduisait le recueil des fragments agrave un noyau regroupant uniquement des frag-ments rattacheacutes explicitement agrave un traiteacute eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens

Le ldquoContra Christianosrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquoSelon Beatrice Eusegravebe et plusieurs autres auteurs chreacutetiens connaissaient

le titre veacuteritable de ce traiteacute dirigeacute contre les chreacutetiens Crsquoeacutetait la Philosophie des oracles

Le principal argument de Beatrice semble ecirctre un passage de la Preacuteparation eacutevan-geacutelique dans lequel Eusegravebe introduit une citation de la Philosophie des Oracles en preacutesen-tant Porphyre comme ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος (V 5 5)

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne (ou ldquoqursquoexposerdquo ἐκτέθειται) de son cocircteacute

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lrsquoauteur du pamphlet (ldquocompilationrdquo Beatrice) dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles raquo39

Selon Beatrice40 il faudrait comprendre que ce pamphlet est la Philosophie des oracles ou encore que lrsquoouvrage qursquoEusegravebe srsquoapprecirctait agrave citer eacutetait le pamphlet anti-chreacutetien eacutevoqueacute

De mecircme dans la Deacutemonstration eacutevangeacutelique III 6 39 Eusegravebe introduit une cita-tion du troisiegraveme livre du mecircme ouvrage en lrsquoattribuant agrave lrsquoennemi des chreacutetiens τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου

laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo41

La conclusion qursquoen tire Beatrice est la suivante laquo On peut difficilement ne pas reconnaicirctre que dans lrsquoensemble de la litteacuterature chreacutetienne

antique ce passage de la Deacutemonstration eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe est le seul dans lequel il est eacutetabli sans ambiguiumlteacute que le titre de lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre eacutetait Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo42

On trouverait une confirmation de cette identification en Praep evang IV 6 2-3 Apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un philosophe laquo ami des deacutemons raquo (δαιμόνων ϕίλον) et comme laquo un contemporain qui srsquoest enorgueilli des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous raquo (ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις) Eusegravebe enchaicircne

39 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) () τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται La traduction fournie par Beatrice laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 247 emprunteacutee agrave EH Gifford (Oxford 1903) donne un seacuterieux coup de pouce agrave lrsquoidentification des deux traiteacutes laquo the author of the compulation against us in the book which he entitled Of the Philosophy to be derived from Oracles raquo Mais ἐν οἷς ἐπέγραψε κτλ se rapporte au verbe ἐκτέθειται et non agrave πεποιημένος 40 laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 347 41 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται ὧδέ πως ἱστορῶν κατὰ λέξιν 42 laquo It can hardly be denied that in the whole of ancient Christian literature this passage from Eusebiusrsquos Proof of the Gospel is the only one in which it is unambiguously stated that the title (ἐπέγραψεν) of Porphyryrsquos anti-Christian writing (τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς) was Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (Beatrice laquo Title raquo p 235) Voir laquo Title raquo p 234 et laquo Towards a new edition raquo p 349 ougrave Beatrice parle de ldquodecisive evidencerdquo Beutler (RE XXII1 col 298) semble avoir attribueacute le fragment (Dem evang III 6) non pas agrave la Philosophie des oracles mais au traiteacute Contre les chreacutetiens Il eacutetablirait selon Beatrice laquo Title raquo p 234 un rapprochement avec Eusegravebe Hist eccl VI 19 et Augustin De civ Dei XIX 23 Mais il srsquoagit sans doute drsquoune simple erreur de Beutler Il y a lagrave une reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles traiteacute que Beutler pour sa part distingue nettement du Contra Christianos

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laquo Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des | dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo43

Voir encore Eusegravebe Praep evang V 36 5 laquo Apregraves ces propos passe maintenant agrave la Philosophie tireacutee des oracles de celui qui a composeacute

contre nous son reacutequisitoire (ou pamphlet )hellip raquo44

Dans ces quatre passages une citation de la Philosophie des oracles de Porphyre est preacutesenteacutee comme lrsquoœuvre drsquoun adversaire du christianisme Beatrice en conclut systeacutematiquement que lrsquoœuvre antichreacutetienne agrave laquelle pensait Eusegravebe eacutetait la Philosophie des oracles45

Pour toute la tradition byzantine46 la deacutesignation officielle de Porphyre est ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας celui qui srsquoest exprimeacute κατὰ Χριστιανῶν47 celui qui agiteacute sa langue impure contre les chreacutetiens48 ou contre la veacuteriteacute49 Il est lrsquoennemi de la religion chreacutetienne50 La formule ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας pourrait provenir drsquoEusegravebe qui mentionne | reacuteguliegraverement Porphyre comme laquo notre contemporain qui a composeacute son pamphlet contre nous raquo

43 Eusegravebe Praep evang IV 6 3 (trad O Zink) οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγω γὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας Voir laquo Title raquo p 233 44 Eusegravebe Praep evang V 36 5 (trad Eacuted des Places) ἀλλὰ γὰρ μετὰ τὰ εἰρημένα μεταβὰς αὖθις ἐπὶ τὴν Ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίαν τοῦ τὴν συσκευὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένου Voir laquo Title raquo p 233 45 Beatrice suit peut-ecirctre dans son interpreacutetation de ce passage JJ OrsquoMeara Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in Augustine Paris 1959 p 107 qui eacutecrit laquo Il est peut-ecirctre bon drsquoindiquer degraves le deacutebut qursquoEusegravebe deacutecrit la Philosophie des oracles comme une compilation dirigeacutee ldquocontre nousrdquo crsquoest-agrave-dire contre les Chreacutetiens raquo (laquo It may be well to state at the outset that Eusebius describes the Philosophy from Oracles as a compilation made ldquoagainst usrdquo that is Christians raquo) 46 Georges le Moine Chron 539 καὶ Πορϕύριος ὁ Τύριος ὑπάρχων πολλὰ κατὰ τῆς πίστεως ἡμῶν ἐκμανεὶς ἐλύσσησεν χριστιανὸς γὰρ γενόμενος καὶ τυπτηθεὶς ὑπό τινος χριστιανοῦ ἐν Παλαιστίνῃ θυμωθεὶς μετῆλθε πάλιν εἰς τὸν ἑλληνισμὸν ὁ ταλαίπωρος καὶ κατὰ τῆς πίστεως ἐδογμάτισεν Cedrenus vol I p 441 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ὁ ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Symeon Logothetes Chron p 71 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας καὶ Ἀϕρικανὸς ὁ σοϕώτατος Souda E 1454 ἐντελέχειαν λέγει ὁ Πορϕύριος τὴν ψυχήν ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Τύριος ϕιλόσοϕος 47 Cf Justinien Nov XLII 2 τοῖς παρὰ Πορφυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις 48 Souda Π 2473 Πρόκλος ὁ δεύτερος μετὰ Πορϕύριον κατὰ Χριστιανῶν τὴν μιαρὰν καὶ ἐϕύβριστον αὐτοῦ γλῶσσαν κινήσας 49 Theacuteophane le Confesseur Chron p 52 Πορϕύριος δέ ὁ καθrsquo ἡμῶν λυττήσας μετῆλθεν εἰς τὸν ἑλληνισμόν καὶ τότε γράψαι κατὰ τῆς ἀληθείας ὁ κύων ἐτόλμησεν 50 Cyrille Contra Iulianum I 38 (= F 203 Smith) Πορϕύριος μὲν οὖν ὁ πικροὺς ἡμῶν καταχέας λόγους καὶ τῆς Χριστιανῶν θρησκείας μονονουχὶ κατορχούμενος Socrate I 9 Ὥσπερ τοίνυν Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρὸς συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 12: Contra Christianos

LE TRAITEacute DE PORPHYRE CONTRE LES CHREacuteTIENS 12

Ces formules sont eacutequivalentes On peut toujours dire qursquoaucune des quatre mecircme la quatriegraveme ne preacutesente explicitement les mots laquo Contre Celse raquo comme le titre mecircme de lrsquoouvrage drsquoOrigegravene mais il faut au moins reconnaicirctre (a) qursquoon ne connaicirct pas drsquoautre titre (b) que cette faccedilon de deacutesigner lrsquoouvrage eacutetait aux yeux des compilateurs suffisamment explicite pour identifier un ouvrage particulier

Dans une liste de titres on ne voit pas pourquoi la Souda aurait preacutefeacutereacute eacutevoquer les quinze livres eacutecrits par Porphyre contre les chreacutetiens plutocirct que drsquoen donner le titre preacutecis si vraiment ce titre avait eacuteteacute diffeacuterent et si lrsquoauteur lrsquoavait connu

Attestations du titre du ldquoContra Christianosrdquo

Reste agrave savoir si nous nrsquoavons pas drsquoattestation plus ancienne de ce titre Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui cite geacuteneacuteralement de faccedilon preacutecise ses sources nous a transmis plusieurs extraits litteacuteraux du traiteacute de Porphyre dirigeacute contre les chreacute-tiens Consideacuterons en quels termes il introduit chacune de ces citations en trois passages capitaux

Dans sa Preacuteparation eacutevangeacutelique V 1 9 ougrave il veut montrer que les deacutemons mauvais ont perdu de leur puissance depuis la venue de Jeacutesus-Christ parmi les hommes il introduit dans les termes suivants le fragment 80 du recueil de von Harnack

laquo hellipcrsquoest encore lrsquoauteur mecircme qui est agrave notre eacutepoque lrsquoavocat des deacutemons qui dans le pamphlet30 qursquoil a eacutecrit contre nous porte teacutemoignage en ces termeshellip raquo31

Dans la Preacuteparation eacutevangeacutelique I 9 20 crsquoest le fragment 41 qui est ainsi preacutesenteacute

laquo Lrsquoauteur qui de nos jours a monteacute son pamphlet contre nous rappelle ces faits32 dans le quatriegraveme livre de lrsquoouvrage ougrave il nous attaquehellip raquo33

30 E des Places a traduit συσκευή par laquo pamphlet raquo et PF Beatrice par laquo compilation raquo Compilation est effectivement donneacute par le dictionnaire de Lampe (PGL) mais le seul exemple fourni est un passage drsquoEusegravebe On ne voit pas tregraves bien ce que Porphyre aurait ici compileacute A lire lrsquoen-semble des occurrences chez Eusegravebe on retiendra plutocirct le sens de laquo machination raquo laquo complot raquo souvent en association avec κατὰ+geacuten par exemple le complot du peuple juif contre le Christ (Hist eccl I 3 6) La formule consacreacutee chez Eusegravebe agrave propos de Porphyre est ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν (Praep evang I 9 20 voir aussi V 5 5 V 36 5 X 9 12) Voir aussi en X 9 11 ὃς τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν ὑπερβολῇ μίσους προβεβλημένος A propos drsquoun ouvrage de Molon contre les Juifs Eusegravebe emploie une formule semblable ῾Ὁ δὲ τὴν συσκευὴν τὴν κατὰ Ἰουδαίων γράψας Μόλων Comme le mot est souvent employeacute avec des verbes comme ldquoeacutecrirerdquo (Praep evang X 9 12) on peut estimer que pamphlet (diffamatoire) est une assez bonne traduction 31 Eusegravebe Preacutep eacutevang V 1 9 περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον (suit le fr 80 Harnack) 32 Ou laquo mentionne ces deux auteurs raquo crsquoest-agrave-dire Sanchouniathon et Philon de Byblos 33 Eusegravebe Preacutep eacutevang I 9 20 (trad J Sirinelli) μέμνηται τούτων ὁ καθrsquo ἡμᾶς τὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένος συσκευὴν ἐν τετάρτῳ τῆς πρὸς ἡμᾶς ὑποθέσεως (suit le fr 41 Harnack)

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Dans son Histoire eccleacutesiastique VI 19 2-4 Eusegravebe introduit le fragment 39 du recueil de von Harnack

laquo Pourquoi faut-il dire cela lorsque encore de nos jours Porphyre srsquoest eacutetabli en Sicile y a composeacute des eacutecrits contre nous et srsquoest efforceacute drsquoy calomnier les Eacutecritures divineshellip raquo34

A la fin de lrsquoextrait (VI 19 9) il preacutecise le livre drsquoougrave est tireacute ce passage laquo Voilagrave ce qui a eacuteteacute eacutecrit par Porphyre au troisiegraveme des livres qursquoil a eacutecrits contre les chreacutetienshellip

Que ne devait pas faire lrsquoadversaire des chreacutetiens raquo35

On imagine mal qursquoEusegravebe nrsquoait pas penseacute citer un titre preacutecis lorsqursquoil a eacutecrit κατὰ τὸ γʹ σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν Beatrice36 fait reacutefeacuterence agrave ce passage mais il ne lui consacre aucune explication Si Eusegravebe avait connu lrsquoouvrage sous un autre titre notamment en tant que Philosophie des oracles il aurait vraisemblablement pris la peine de lrsquoindiquer ici

On a peine agrave croire que dans tous ces passages Eusegravebe ait eu agrave lrsquoesprit un titre de Porphyre qursquoil se serait borneacute agrave eacutevoquer sans le mentionner Eusegravebe eacutetant lrsquoauteur le plus proche chronologiquement de Porphyre et lrsquoun des seuls agrave avoir lu directement lrsquoouvrage son teacutemoignage doit ecirctre tenu comme le plus deacutecisif

On peut admettre agrave la limite qursquoEusegravebe ne pensait pas citer un titre comme tel on peut mecircme admettre que lrsquoouvrage nrsquoeacutetait connu que par un titre descriptif mais ce qui est exclu est qursquoEusegravebe ait employeacute de telles formules alors mecircme qursquoil connaissait lrsquoouvrage sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας

Les reacutefeacuterences preacutecises de Jeacuterocircme agrave lrsquoouvrage de Porphyre ressemblent tout agrave fait agrave celles que donne Eusegravebe

Fr 9a Harnack laquo hellipce Porphyre impie qui eacutecrivit contre nous et en plusieurs volumes deacuteversa sa rage au tome XIVhellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius qui adversum nos conscripsit et multis voluminibus rabiem suam evomuit in XIV voluminehellip)

Fr 21a Harnack laquo hellip Ce Bataneacuteote et ce sceacuteleacuterat de Porphyre au premier livre de son ouvrage contre noushellip raquo (hellipBataneotes et sceleratus ille Porphyrius in I operis sui adversum nos librohellip)

Fr 40 Harnack laquo hellipcet impie de Porphyre au livre IV de son livre qursquoau prix drsquoun vain labeur il a composeacute contre noushellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius in IV operis sui libro quod adversum nos casso labore contexuithellip)

Fr 43 a Harnack laquo Contre le prophegravete Daniel Porphyre a eacutecrit le livre XII raquo (Contra prophetam Danielem XII librum scripsit Porphyrius)

34 Eusegravebe Hist eccl VI 19 2-4 (trad Bardy) τί δεῖ ταῦτα λέγειν ὅτε καὶ ὁ καθrsquo ἡμᾶς ἐν Σικελίᾳ καταστὰς Πορϕύριος συγγράμματα καθrsquo ἡμῶν ἐνστησάμενος καὶ διrsquo αὐτῶν τὰς θείας γραϕὰς διαβάλλειν πεπειραμένος En suivant TD Barnes (laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65) on peut aussi comprendre laquo lorsque mecircme Porphyre qui de nos jours srsquoest eacutetabli en Sicile raquo 35 Ibid VI 19 9 (conclusion) ταῦτα τῷ Πορϕυρίῳ κατὰ τὸ τρίτον σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν εἴρηται () (τί γὰρ οὐκ ἔμελλεν ὁ κατὰ Χριστιανῶν ) 36 laquo Title raquo p 233 n 79

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Fr 44 Harnack laquo au livre XIII de son ouvrage contre nous Porphyre a profeacutereacute de nombreux blas-phegravemeshellip raquo (multa Porphyrius XIII operis sui volumine contra nos blasphemavithellip)

Toutes ces reacutefeacuterences ont en commun de signaler un livre particulier de lrsquoouvrage de Porphyre sans preacuteciser le titre exact de cet ouvrage autrement que par son caractegravere antichreacutetien

On doit eacutegalement tenir compte des divers deacutecrets impeacuteriaux dirigeacutes contre Porphyre Mme Digeser signale que le rapprochement qui est fait avec les Ariens montre que le grand reproche qui est adresseacute au philosophe est sans doute de nier la diviniteacute du Christ Sans le dire ouvertement elle semble consideacuterer que le traiteacute viseacute eacutetait la Philosophie des Oracles un ouvrage ougrave le problegraveme eacutetait abordeacute laquo un ouvrage qui eacutetait pris beaucoup plus au seacuterieux que le Contre les chreacutetiens raquo37 Or pas plus qursquoEusegravebe ou Jeacuterocircme les Empereurs nrsquoont pris la peine de deacutesigner lrsquoouvrage condamneacute autrement que par des formules geacuteneacuterales

laquo Porphyre lrsquoennemi de la religion qui a composeacute des ouvrages sacrilegraveges contre le culte divinhellip raquo Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρός συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος (Socrate Hist eccl I 9 30 [concerne le Concile de Niceacutee en 324] = 38 T Smith)

laquo hellipce que Porphyre entraicircneacute par sa folie a eacutecrit contre le pieux culte des chreacutetienshellip raquo ὅσα Πορϕύριος ὑπὸ τῆς ἑαυτοῦ μανίας ἐλαυνόμενος κατὰ τῆς εὐσεβοῦς θρησκείας τῶν Χριστιανῶν συνέγραψε (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 66 8-12 [en 448] = 40 T Smith)

laquo hellipagrave propos des livres de Porphyre ceux qui ont eacuteteacute composeacutes contre le saint culte des chreacutetienshellip raquo περί τε τῶν βιβλίων Πορϕυρίου τῶν κατὰ τῆς εὐαγοῦς τῶν Χριστιανῶν θρησκείας | συγγραϕέντων (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 67 7-15 [en 448] = 41 T Smith)

laquo hellipet que nul ne possegravede ne lise ne copie ni ne mentionne Nestorius aussi bien ses paroles que ses livres criminels et surtout ceux qursquoa publieacutes Porphyre contre les seules Eacutecritures chreacutetienneshellip raquo nec habeat aliquis aut legat aut transcribat proferatve Nestorium vel terminos eius aut codices noxios et maxime quos contra solas38 Porphyrius edidit Christianas litteras (Acta Conciliorum Oecumenicorum II 3 2 p 89 14-16 [en 451 ] = 42 T Smith)

laquo hellipce qui a eacuteteacute dit par Porphyre contre les chreacutetienshellip raquo τοῖς παρὰ Πορϕυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις (Acta Conciliorum Oecumenicorum III p 121 22-26 [en 536] = 43 T Smith)

Si les autoriteacutes impeacuteriales se sont contenteacutees de telles formulations crsquoest que celles-ci suffisaient agrave identifier un ouvrage preacutecis de Porphyre et non pas nrsquoim-porte quel de ses ouvrages En tout cas il est difficilement imaginable que de telles formules aient pu viser un ouvrage comme la Philosophie des Oracles que lrsquoon retrou-vera citeacute tout au long du ive siegravecle et cette difficulteacute ne peut que srsquoaccroicirctre si lrsquoon en vient agrave identifier agrave ce traiteacute drsquoautres traiteacutes comme le De regressu animae comme le voudrait Mme Digeser agrave la suite de JJ OrsquoMeara ou toute une seacuterie de traiteacutes porphyriens comme lrsquoenvisage M Beatricehellip Que la Philosophie des Oracles ait rejeteacute la diviniteacute du Christ nrsquoexclut eacutevidemment pas que Porphyre ait pu adopter la mecircme position dans un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens

37 laquo a work taken far more seriously than Against the Christians raquo (E DePalma Digeser art citeacute p 135) 38 Solas est inattendu sanctas

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Mais puisqursquoon ne trouve pas de fait en dehors de la Souda de citation ougrave Contre les chreacutetiens soit explicitement preacutesenteacute comme le titre de lrsquoouvrage au moyen drsquoun terme comme ἐπιγράϕειν admettons que le titre ne soit pas parfai-tement eacutetabli

Les reacutefeacuterences les plus explicites au traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo

Une douzaine de fragments du recueil de von Harnack contiennent une reacutefeacute-rence preacutecise agrave un ouvrage antichreacutetien de Porphyre et mecircme agrave un livre particu-lier de ce traiteacute Mecircme en laissant de cocircteacute tous les autres fragments ougrave le nom de Porphyre nrsquoapparaicirct pas et mecircme ceux ougrave il est mentionneacute sans reacutefeacuterence preacutecise agrave un ouvrage qursquoil aurait composeacute on peut se faire ainsi une ideacutee assez preacutecise de lrsquoouvrage

Cinq ou six livres de lrsquoouvrage sont eacutevoqueacutes de faccedilon explicite Il srsquoagit des livres I III et IV XII etou XIII et enfin XIV

Que lrsquoon y voie un titre ou une simple deacutesignation de son contenu on constate que lrsquoouvrage est deacutesigneacute tant chez les Grecs que chez les | Latins par des formules quasi identiques il eacutetait eacutecrit contra nos adversum nos contra Christianos καθrsquo ἡμῶν κατὰ Χριστιανῶν

Enfin plusieurs fragments permettent drsquoeacutetablir que lrsquoouvrage attaquait direc-tement les chreacutetiens les Eacutecritures Saintes et notamment le livre de Daniel

Crsquoest cet ouvrage que reacutefutegraverent Meacutethode drsquoOlympe Eusegravebe de Ceacutesareacutee et Apollinaire de Laodiceacutee peut-ecirctre drsquoautres auteurs chreacutetiens comme Philostorge et crsquoest cet ouvrage que condamnegraverent au moins agrave deux reprises les empereurs chreacutetiens

Je ne retiens que ces informations minimales pour montrer que lrsquoexistence drsquoun traiteacute antichreacutetien de Porphyre ne saurait ecirctre remise en question mecircme si lrsquoon reacuteduisait le recueil des fragments agrave un noyau regroupant uniquement des frag-ments rattacheacutes explicitement agrave un traiteacute eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens

Le ldquoContra Christianosrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquoSelon Beatrice Eusegravebe et plusieurs autres auteurs chreacutetiens connaissaient

le titre veacuteritable de ce traiteacute dirigeacute contre les chreacutetiens Crsquoeacutetait la Philosophie des oracles

Le principal argument de Beatrice semble ecirctre un passage de la Preacuteparation eacutevan-geacutelique dans lequel Eusegravebe introduit une citation de la Philosophie des Oracles en preacutesen-tant Porphyre comme ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος (V 5 5)

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne (ou ldquoqursquoexposerdquo ἐκτέθειται) de son cocircteacute

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lrsquoauteur du pamphlet (ldquocompilationrdquo Beatrice) dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles raquo39

Selon Beatrice40 il faudrait comprendre que ce pamphlet est la Philosophie des oracles ou encore que lrsquoouvrage qursquoEusegravebe srsquoapprecirctait agrave citer eacutetait le pamphlet anti-chreacutetien eacutevoqueacute

De mecircme dans la Deacutemonstration eacutevangeacutelique III 6 39 Eusegravebe introduit une cita-tion du troisiegraveme livre du mecircme ouvrage en lrsquoattribuant agrave lrsquoennemi des chreacutetiens τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου

laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo41

La conclusion qursquoen tire Beatrice est la suivante laquo On peut difficilement ne pas reconnaicirctre que dans lrsquoensemble de la litteacuterature chreacutetienne

antique ce passage de la Deacutemonstration eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe est le seul dans lequel il est eacutetabli sans ambiguiumlteacute que le titre de lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre eacutetait Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo42

On trouverait une confirmation de cette identification en Praep evang IV 6 2-3 Apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un philosophe laquo ami des deacutemons raquo (δαιμόνων ϕίλον) et comme laquo un contemporain qui srsquoest enorgueilli des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous raquo (ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις) Eusegravebe enchaicircne

39 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) () τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται La traduction fournie par Beatrice laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 247 emprunteacutee agrave EH Gifford (Oxford 1903) donne un seacuterieux coup de pouce agrave lrsquoidentification des deux traiteacutes laquo the author of the compulation against us in the book which he entitled Of the Philosophy to be derived from Oracles raquo Mais ἐν οἷς ἐπέγραψε κτλ se rapporte au verbe ἐκτέθειται et non agrave πεποιημένος 40 laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 347 41 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται ὧδέ πως ἱστορῶν κατὰ λέξιν 42 laquo It can hardly be denied that in the whole of ancient Christian literature this passage from Eusebiusrsquos Proof of the Gospel is the only one in which it is unambiguously stated that the title (ἐπέγραψεν) of Porphyryrsquos anti-Christian writing (τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς) was Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (Beatrice laquo Title raquo p 235) Voir laquo Title raquo p 234 et laquo Towards a new edition raquo p 349 ougrave Beatrice parle de ldquodecisive evidencerdquo Beutler (RE XXII1 col 298) semble avoir attribueacute le fragment (Dem evang III 6) non pas agrave la Philosophie des oracles mais au traiteacute Contre les chreacutetiens Il eacutetablirait selon Beatrice laquo Title raquo p 234 un rapprochement avec Eusegravebe Hist eccl VI 19 et Augustin De civ Dei XIX 23 Mais il srsquoagit sans doute drsquoune simple erreur de Beutler Il y a lagrave une reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles traiteacute que Beutler pour sa part distingue nettement du Contra Christianos

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laquo Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des | dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo43

Voir encore Eusegravebe Praep evang V 36 5 laquo Apregraves ces propos passe maintenant agrave la Philosophie tireacutee des oracles de celui qui a composeacute

contre nous son reacutequisitoire (ou pamphlet )hellip raquo44

Dans ces quatre passages une citation de la Philosophie des oracles de Porphyre est preacutesenteacutee comme lrsquoœuvre drsquoun adversaire du christianisme Beatrice en conclut systeacutematiquement que lrsquoœuvre antichreacutetienne agrave laquelle pensait Eusegravebe eacutetait la Philosophie des oracles45

Pour toute la tradition byzantine46 la deacutesignation officielle de Porphyre est ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας celui qui srsquoest exprimeacute κατὰ Χριστιανῶν47 celui qui agiteacute sa langue impure contre les chreacutetiens48 ou contre la veacuteriteacute49 Il est lrsquoennemi de la religion chreacutetienne50 La formule ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας pourrait provenir drsquoEusegravebe qui mentionne | reacuteguliegraverement Porphyre comme laquo notre contemporain qui a composeacute son pamphlet contre nous raquo

43 Eusegravebe Praep evang IV 6 3 (trad O Zink) οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγω γὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας Voir laquo Title raquo p 233 44 Eusegravebe Praep evang V 36 5 (trad Eacuted des Places) ἀλλὰ γὰρ μετὰ τὰ εἰρημένα μεταβὰς αὖθις ἐπὶ τὴν Ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίαν τοῦ τὴν συσκευὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένου Voir laquo Title raquo p 233 45 Beatrice suit peut-ecirctre dans son interpreacutetation de ce passage JJ OrsquoMeara Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in Augustine Paris 1959 p 107 qui eacutecrit laquo Il est peut-ecirctre bon drsquoindiquer degraves le deacutebut qursquoEusegravebe deacutecrit la Philosophie des oracles comme une compilation dirigeacutee ldquocontre nousrdquo crsquoest-agrave-dire contre les Chreacutetiens raquo (laquo It may be well to state at the outset that Eusebius describes the Philosophy from Oracles as a compilation made ldquoagainst usrdquo that is Christians raquo) 46 Georges le Moine Chron 539 καὶ Πορϕύριος ὁ Τύριος ὑπάρχων πολλὰ κατὰ τῆς πίστεως ἡμῶν ἐκμανεὶς ἐλύσσησεν χριστιανὸς γὰρ γενόμενος καὶ τυπτηθεὶς ὑπό τινος χριστιανοῦ ἐν Παλαιστίνῃ θυμωθεὶς μετῆλθε πάλιν εἰς τὸν ἑλληνισμὸν ὁ ταλαίπωρος καὶ κατὰ τῆς πίστεως ἐδογμάτισεν Cedrenus vol I p 441 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ὁ ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Symeon Logothetes Chron p 71 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας καὶ Ἀϕρικανὸς ὁ σοϕώτατος Souda E 1454 ἐντελέχειαν λέγει ὁ Πορϕύριος τὴν ψυχήν ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Τύριος ϕιλόσοϕος 47 Cf Justinien Nov XLII 2 τοῖς παρὰ Πορφυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις 48 Souda Π 2473 Πρόκλος ὁ δεύτερος μετὰ Πορϕύριον κατὰ Χριστιανῶν τὴν μιαρὰν καὶ ἐϕύβριστον αὐτοῦ γλῶσσαν κινήσας 49 Theacuteophane le Confesseur Chron p 52 Πορϕύριος δέ ὁ καθrsquo ἡμῶν λυττήσας μετῆλθεν εἰς τὸν ἑλληνισμόν καὶ τότε γράψαι κατὰ τῆς ἀληθείας ὁ κύων ἐτόλμησεν 50 Cyrille Contra Iulianum I 38 (= F 203 Smith) Πορϕύριος μὲν οὖν ὁ πικροὺς ἡμῶν καταχέας λόγους καὶ τῆς Χριστιανῶν θρησκείας μονονουχὶ κατορχούμενος Socrate I 9 Ὥσπερ τοίνυν Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρὸς συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 13: Contra Christianos

LE TRAITEacute DE PORPHYRE CONTRE LES CHREacuteTIENS 13

Dans son Histoire eccleacutesiastique VI 19 2-4 Eusegravebe introduit le fragment 39 du recueil de von Harnack

laquo Pourquoi faut-il dire cela lorsque encore de nos jours Porphyre srsquoest eacutetabli en Sicile y a composeacute des eacutecrits contre nous et srsquoest efforceacute drsquoy calomnier les Eacutecritures divineshellip raquo34

A la fin de lrsquoextrait (VI 19 9) il preacutecise le livre drsquoougrave est tireacute ce passage laquo Voilagrave ce qui a eacuteteacute eacutecrit par Porphyre au troisiegraveme des livres qursquoil a eacutecrits contre les chreacutetienshellip

Que ne devait pas faire lrsquoadversaire des chreacutetiens raquo35

On imagine mal qursquoEusegravebe nrsquoait pas penseacute citer un titre preacutecis lorsqursquoil a eacutecrit κατὰ τὸ γʹ σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν Beatrice36 fait reacutefeacuterence agrave ce passage mais il ne lui consacre aucune explication Si Eusegravebe avait connu lrsquoouvrage sous un autre titre notamment en tant que Philosophie des oracles il aurait vraisemblablement pris la peine de lrsquoindiquer ici

On a peine agrave croire que dans tous ces passages Eusegravebe ait eu agrave lrsquoesprit un titre de Porphyre qursquoil se serait borneacute agrave eacutevoquer sans le mentionner Eusegravebe eacutetant lrsquoauteur le plus proche chronologiquement de Porphyre et lrsquoun des seuls agrave avoir lu directement lrsquoouvrage son teacutemoignage doit ecirctre tenu comme le plus deacutecisif

On peut admettre agrave la limite qursquoEusegravebe ne pensait pas citer un titre comme tel on peut mecircme admettre que lrsquoouvrage nrsquoeacutetait connu que par un titre descriptif mais ce qui est exclu est qursquoEusegravebe ait employeacute de telles formules alors mecircme qursquoil connaissait lrsquoouvrage sous le titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας

Les reacutefeacuterences preacutecises de Jeacuterocircme agrave lrsquoouvrage de Porphyre ressemblent tout agrave fait agrave celles que donne Eusegravebe

Fr 9a Harnack laquo hellipce Porphyre impie qui eacutecrivit contre nous et en plusieurs volumes deacuteversa sa rage au tome XIVhellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius qui adversum nos conscripsit et multis voluminibus rabiem suam evomuit in XIV voluminehellip)

Fr 21a Harnack laquo hellip Ce Bataneacuteote et ce sceacuteleacuterat de Porphyre au premier livre de son ouvrage contre noushellip raquo (hellipBataneotes et sceleratus ille Porphyrius in I operis sui adversum nos librohellip)

Fr 40 Harnack laquo hellipcet impie de Porphyre au livre IV de son livre qursquoau prix drsquoun vain labeur il a composeacute contre noushellip raquo (hellipimpius ille Porphyrius in IV operis sui libro quod adversum nos casso labore contexuithellip)

Fr 43 a Harnack laquo Contre le prophegravete Daniel Porphyre a eacutecrit le livre XII raquo (Contra prophetam Danielem XII librum scripsit Porphyrius)

34 Eusegravebe Hist eccl VI 19 2-4 (trad Bardy) τί δεῖ ταῦτα λέγειν ὅτε καὶ ὁ καθrsquo ἡμᾶς ἐν Σικελίᾳ καταστὰς Πορϕύριος συγγράμματα καθrsquo ἡμῶν ἐνστησάμενος καὶ διrsquo αὐτῶν τὰς θείας γραϕὰς διαβάλλειν πεπειραμένος En suivant TD Barnes (laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65) on peut aussi comprendre laquo lorsque mecircme Porphyre qui de nos jours srsquoest eacutetabli en Sicile raquo 35 Ibid VI 19 9 (conclusion) ταῦτα τῷ Πορϕυρίῳ κατὰ τὸ τρίτον σύγγραμμα τῶν γραϕέντων αὐτῷ κατὰ Χριστιανῶν εἴρηται () (τί γὰρ οὐκ ἔμελλεν ὁ κατὰ Χριστιανῶν ) 36 laquo Title raquo p 233 n 79

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Fr 44 Harnack laquo au livre XIII de son ouvrage contre nous Porphyre a profeacutereacute de nombreux blas-phegravemeshellip raquo (multa Porphyrius XIII operis sui volumine contra nos blasphemavithellip)

Toutes ces reacutefeacuterences ont en commun de signaler un livre particulier de lrsquoouvrage de Porphyre sans preacuteciser le titre exact de cet ouvrage autrement que par son caractegravere antichreacutetien

On doit eacutegalement tenir compte des divers deacutecrets impeacuteriaux dirigeacutes contre Porphyre Mme Digeser signale que le rapprochement qui est fait avec les Ariens montre que le grand reproche qui est adresseacute au philosophe est sans doute de nier la diviniteacute du Christ Sans le dire ouvertement elle semble consideacuterer que le traiteacute viseacute eacutetait la Philosophie des Oracles un ouvrage ougrave le problegraveme eacutetait abordeacute laquo un ouvrage qui eacutetait pris beaucoup plus au seacuterieux que le Contre les chreacutetiens raquo37 Or pas plus qursquoEusegravebe ou Jeacuterocircme les Empereurs nrsquoont pris la peine de deacutesigner lrsquoouvrage condamneacute autrement que par des formules geacuteneacuterales

laquo Porphyre lrsquoennemi de la religion qui a composeacute des ouvrages sacrilegraveges contre le culte divinhellip raquo Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρός συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος (Socrate Hist eccl I 9 30 [concerne le Concile de Niceacutee en 324] = 38 T Smith)

laquo hellipce que Porphyre entraicircneacute par sa folie a eacutecrit contre le pieux culte des chreacutetienshellip raquo ὅσα Πορϕύριος ὑπὸ τῆς ἑαυτοῦ μανίας ἐλαυνόμενος κατὰ τῆς εὐσεβοῦς θρησκείας τῶν Χριστιανῶν συνέγραψε (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 66 8-12 [en 448] = 40 T Smith)

laquo hellipagrave propos des livres de Porphyre ceux qui ont eacuteteacute composeacutes contre le saint culte des chreacutetienshellip raquo περί τε τῶν βιβλίων Πορϕυρίου τῶν κατὰ τῆς εὐαγοῦς τῶν Χριστιανῶν θρησκείας | συγγραϕέντων (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 67 7-15 [en 448] = 41 T Smith)

laquo hellipet que nul ne possegravede ne lise ne copie ni ne mentionne Nestorius aussi bien ses paroles que ses livres criminels et surtout ceux qursquoa publieacutes Porphyre contre les seules Eacutecritures chreacutetienneshellip raquo nec habeat aliquis aut legat aut transcribat proferatve Nestorium vel terminos eius aut codices noxios et maxime quos contra solas38 Porphyrius edidit Christianas litteras (Acta Conciliorum Oecumenicorum II 3 2 p 89 14-16 [en 451 ] = 42 T Smith)

laquo hellipce qui a eacuteteacute dit par Porphyre contre les chreacutetienshellip raquo τοῖς παρὰ Πορϕυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις (Acta Conciliorum Oecumenicorum III p 121 22-26 [en 536] = 43 T Smith)

Si les autoriteacutes impeacuteriales se sont contenteacutees de telles formulations crsquoest que celles-ci suffisaient agrave identifier un ouvrage preacutecis de Porphyre et non pas nrsquoim-porte quel de ses ouvrages En tout cas il est difficilement imaginable que de telles formules aient pu viser un ouvrage comme la Philosophie des Oracles que lrsquoon retrou-vera citeacute tout au long du ive siegravecle et cette difficulteacute ne peut que srsquoaccroicirctre si lrsquoon en vient agrave identifier agrave ce traiteacute drsquoautres traiteacutes comme le De regressu animae comme le voudrait Mme Digeser agrave la suite de JJ OrsquoMeara ou toute une seacuterie de traiteacutes porphyriens comme lrsquoenvisage M Beatricehellip Que la Philosophie des Oracles ait rejeteacute la diviniteacute du Christ nrsquoexclut eacutevidemment pas que Porphyre ait pu adopter la mecircme position dans un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens

37 laquo a work taken far more seriously than Against the Christians raquo (E DePalma Digeser art citeacute p 135) 38 Solas est inattendu sanctas

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Mais puisqursquoon ne trouve pas de fait en dehors de la Souda de citation ougrave Contre les chreacutetiens soit explicitement preacutesenteacute comme le titre de lrsquoouvrage au moyen drsquoun terme comme ἐπιγράϕειν admettons que le titre ne soit pas parfai-tement eacutetabli

Les reacutefeacuterences les plus explicites au traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo

Une douzaine de fragments du recueil de von Harnack contiennent une reacutefeacute-rence preacutecise agrave un ouvrage antichreacutetien de Porphyre et mecircme agrave un livre particu-lier de ce traiteacute Mecircme en laissant de cocircteacute tous les autres fragments ougrave le nom de Porphyre nrsquoapparaicirct pas et mecircme ceux ougrave il est mentionneacute sans reacutefeacuterence preacutecise agrave un ouvrage qursquoil aurait composeacute on peut se faire ainsi une ideacutee assez preacutecise de lrsquoouvrage

Cinq ou six livres de lrsquoouvrage sont eacutevoqueacutes de faccedilon explicite Il srsquoagit des livres I III et IV XII etou XIII et enfin XIV

Que lrsquoon y voie un titre ou une simple deacutesignation de son contenu on constate que lrsquoouvrage est deacutesigneacute tant chez les Grecs que chez les | Latins par des formules quasi identiques il eacutetait eacutecrit contra nos adversum nos contra Christianos καθrsquo ἡμῶν κατὰ Χριστιανῶν

Enfin plusieurs fragments permettent drsquoeacutetablir que lrsquoouvrage attaquait direc-tement les chreacutetiens les Eacutecritures Saintes et notamment le livre de Daniel

Crsquoest cet ouvrage que reacutefutegraverent Meacutethode drsquoOlympe Eusegravebe de Ceacutesareacutee et Apollinaire de Laodiceacutee peut-ecirctre drsquoautres auteurs chreacutetiens comme Philostorge et crsquoest cet ouvrage que condamnegraverent au moins agrave deux reprises les empereurs chreacutetiens

Je ne retiens que ces informations minimales pour montrer que lrsquoexistence drsquoun traiteacute antichreacutetien de Porphyre ne saurait ecirctre remise en question mecircme si lrsquoon reacuteduisait le recueil des fragments agrave un noyau regroupant uniquement des frag-ments rattacheacutes explicitement agrave un traiteacute eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens

Le ldquoContra Christianosrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquoSelon Beatrice Eusegravebe et plusieurs autres auteurs chreacutetiens connaissaient

le titre veacuteritable de ce traiteacute dirigeacute contre les chreacutetiens Crsquoeacutetait la Philosophie des oracles

Le principal argument de Beatrice semble ecirctre un passage de la Preacuteparation eacutevan-geacutelique dans lequel Eusegravebe introduit une citation de la Philosophie des Oracles en preacutesen-tant Porphyre comme ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος (V 5 5)

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne (ou ldquoqursquoexposerdquo ἐκτέθειται) de son cocircteacute

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lrsquoauteur du pamphlet (ldquocompilationrdquo Beatrice) dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles raquo39

Selon Beatrice40 il faudrait comprendre que ce pamphlet est la Philosophie des oracles ou encore que lrsquoouvrage qursquoEusegravebe srsquoapprecirctait agrave citer eacutetait le pamphlet anti-chreacutetien eacutevoqueacute

De mecircme dans la Deacutemonstration eacutevangeacutelique III 6 39 Eusegravebe introduit une cita-tion du troisiegraveme livre du mecircme ouvrage en lrsquoattribuant agrave lrsquoennemi des chreacutetiens τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου

laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo41

La conclusion qursquoen tire Beatrice est la suivante laquo On peut difficilement ne pas reconnaicirctre que dans lrsquoensemble de la litteacuterature chreacutetienne

antique ce passage de la Deacutemonstration eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe est le seul dans lequel il est eacutetabli sans ambiguiumlteacute que le titre de lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre eacutetait Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo42

On trouverait une confirmation de cette identification en Praep evang IV 6 2-3 Apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un philosophe laquo ami des deacutemons raquo (δαιμόνων ϕίλον) et comme laquo un contemporain qui srsquoest enorgueilli des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous raquo (ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις) Eusegravebe enchaicircne

39 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) () τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται La traduction fournie par Beatrice laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 247 emprunteacutee agrave EH Gifford (Oxford 1903) donne un seacuterieux coup de pouce agrave lrsquoidentification des deux traiteacutes laquo the author of the compulation against us in the book which he entitled Of the Philosophy to be derived from Oracles raquo Mais ἐν οἷς ἐπέγραψε κτλ se rapporte au verbe ἐκτέθειται et non agrave πεποιημένος 40 laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 347 41 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται ὧδέ πως ἱστορῶν κατὰ λέξιν 42 laquo It can hardly be denied that in the whole of ancient Christian literature this passage from Eusebiusrsquos Proof of the Gospel is the only one in which it is unambiguously stated that the title (ἐπέγραψεν) of Porphyryrsquos anti-Christian writing (τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς) was Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (Beatrice laquo Title raquo p 235) Voir laquo Title raquo p 234 et laquo Towards a new edition raquo p 349 ougrave Beatrice parle de ldquodecisive evidencerdquo Beutler (RE XXII1 col 298) semble avoir attribueacute le fragment (Dem evang III 6) non pas agrave la Philosophie des oracles mais au traiteacute Contre les chreacutetiens Il eacutetablirait selon Beatrice laquo Title raquo p 234 un rapprochement avec Eusegravebe Hist eccl VI 19 et Augustin De civ Dei XIX 23 Mais il srsquoagit sans doute drsquoune simple erreur de Beutler Il y a lagrave une reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles traiteacute que Beutler pour sa part distingue nettement du Contra Christianos

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laquo Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des | dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo43

Voir encore Eusegravebe Praep evang V 36 5 laquo Apregraves ces propos passe maintenant agrave la Philosophie tireacutee des oracles de celui qui a composeacute

contre nous son reacutequisitoire (ou pamphlet )hellip raquo44

Dans ces quatre passages une citation de la Philosophie des oracles de Porphyre est preacutesenteacutee comme lrsquoœuvre drsquoun adversaire du christianisme Beatrice en conclut systeacutematiquement que lrsquoœuvre antichreacutetienne agrave laquelle pensait Eusegravebe eacutetait la Philosophie des oracles45

Pour toute la tradition byzantine46 la deacutesignation officielle de Porphyre est ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας celui qui srsquoest exprimeacute κατὰ Χριστιανῶν47 celui qui agiteacute sa langue impure contre les chreacutetiens48 ou contre la veacuteriteacute49 Il est lrsquoennemi de la religion chreacutetienne50 La formule ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας pourrait provenir drsquoEusegravebe qui mentionne | reacuteguliegraverement Porphyre comme laquo notre contemporain qui a composeacute son pamphlet contre nous raquo

43 Eusegravebe Praep evang IV 6 3 (trad O Zink) οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγω γὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας Voir laquo Title raquo p 233 44 Eusegravebe Praep evang V 36 5 (trad Eacuted des Places) ἀλλὰ γὰρ μετὰ τὰ εἰρημένα μεταβὰς αὖθις ἐπὶ τὴν Ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίαν τοῦ τὴν συσκευὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένου Voir laquo Title raquo p 233 45 Beatrice suit peut-ecirctre dans son interpreacutetation de ce passage JJ OrsquoMeara Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in Augustine Paris 1959 p 107 qui eacutecrit laquo Il est peut-ecirctre bon drsquoindiquer degraves le deacutebut qursquoEusegravebe deacutecrit la Philosophie des oracles comme une compilation dirigeacutee ldquocontre nousrdquo crsquoest-agrave-dire contre les Chreacutetiens raquo (laquo It may be well to state at the outset that Eusebius describes the Philosophy from Oracles as a compilation made ldquoagainst usrdquo that is Christians raquo) 46 Georges le Moine Chron 539 καὶ Πορϕύριος ὁ Τύριος ὑπάρχων πολλὰ κατὰ τῆς πίστεως ἡμῶν ἐκμανεὶς ἐλύσσησεν χριστιανὸς γὰρ γενόμενος καὶ τυπτηθεὶς ὑπό τινος χριστιανοῦ ἐν Παλαιστίνῃ θυμωθεὶς μετῆλθε πάλιν εἰς τὸν ἑλληνισμὸν ὁ ταλαίπωρος καὶ κατὰ τῆς πίστεως ἐδογμάτισεν Cedrenus vol I p 441 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ὁ ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Symeon Logothetes Chron p 71 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας καὶ Ἀϕρικανὸς ὁ σοϕώτατος Souda E 1454 ἐντελέχειαν λέγει ὁ Πορϕύριος τὴν ψυχήν ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Τύριος ϕιλόσοϕος 47 Cf Justinien Nov XLII 2 τοῖς παρὰ Πορφυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις 48 Souda Π 2473 Πρόκλος ὁ δεύτερος μετὰ Πορϕύριον κατὰ Χριστιανῶν τὴν μιαρὰν καὶ ἐϕύβριστον αὐτοῦ γλῶσσαν κινήσας 49 Theacuteophane le Confesseur Chron p 52 Πορϕύριος δέ ὁ καθrsquo ἡμῶν λυττήσας μετῆλθεν εἰς τὸν ἑλληνισμόν καὶ τότε γράψαι κατὰ τῆς ἀληθείας ὁ κύων ἐτόλμησεν 50 Cyrille Contra Iulianum I 38 (= F 203 Smith) Πορϕύριος μὲν οὖν ὁ πικροὺς ἡμῶν καταχέας λόγους καὶ τῆς Χριστιανῶν θρησκείας μονονουχὶ κατορχούμενος Socrate I 9 Ὥσπερ τοίνυν Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρὸς συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 14: Contra Christianos

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Fr 44 Harnack laquo au livre XIII de son ouvrage contre nous Porphyre a profeacutereacute de nombreux blas-phegravemeshellip raquo (multa Porphyrius XIII operis sui volumine contra nos blasphemavithellip)

Toutes ces reacutefeacuterences ont en commun de signaler un livre particulier de lrsquoouvrage de Porphyre sans preacuteciser le titre exact de cet ouvrage autrement que par son caractegravere antichreacutetien

On doit eacutegalement tenir compte des divers deacutecrets impeacuteriaux dirigeacutes contre Porphyre Mme Digeser signale que le rapprochement qui est fait avec les Ariens montre que le grand reproche qui est adresseacute au philosophe est sans doute de nier la diviniteacute du Christ Sans le dire ouvertement elle semble consideacuterer que le traiteacute viseacute eacutetait la Philosophie des Oracles un ouvrage ougrave le problegraveme eacutetait abordeacute laquo un ouvrage qui eacutetait pris beaucoup plus au seacuterieux que le Contre les chreacutetiens raquo37 Or pas plus qursquoEusegravebe ou Jeacuterocircme les Empereurs nrsquoont pris la peine de deacutesigner lrsquoouvrage condamneacute autrement que par des formules geacuteneacuterales

laquo Porphyre lrsquoennemi de la religion qui a composeacute des ouvrages sacrilegraveges contre le culte divinhellip raquo Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρός συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος (Socrate Hist eccl I 9 30 [concerne le Concile de Niceacutee en 324] = 38 T Smith)

laquo hellipce que Porphyre entraicircneacute par sa folie a eacutecrit contre le pieux culte des chreacutetienshellip raquo ὅσα Πορϕύριος ὑπὸ τῆς ἑαυτοῦ μανίας ἐλαυνόμενος κατὰ τῆς εὐσεβοῦς θρησκείας τῶν Χριστιανῶν συνέγραψε (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 66 8-12 [en 448] = 40 T Smith)

laquo hellipagrave propos des livres de Porphyre ceux qui ont eacuteteacute composeacutes contre le saint culte des chreacutetienshellip raquo περί τε τῶν βιβλίων Πορϕυρίου τῶν κατὰ τῆς εὐαγοῦς τῶν Χριστιανῶν θρησκείας | συγγραϕέντων (Acta Conciliorum Oecumenicorum I 1 4 p 67 7-15 [en 448] = 41 T Smith)

laquo hellipet que nul ne possegravede ne lise ne copie ni ne mentionne Nestorius aussi bien ses paroles que ses livres criminels et surtout ceux qursquoa publieacutes Porphyre contre les seules Eacutecritures chreacutetienneshellip raquo nec habeat aliquis aut legat aut transcribat proferatve Nestorium vel terminos eius aut codices noxios et maxime quos contra solas38 Porphyrius edidit Christianas litteras (Acta Conciliorum Oecumenicorum II 3 2 p 89 14-16 [en 451 ] = 42 T Smith)

laquo hellipce qui a eacuteteacute dit par Porphyre contre les chreacutetienshellip raquo τοῖς παρὰ Πορϕυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις (Acta Conciliorum Oecumenicorum III p 121 22-26 [en 536] = 43 T Smith)

Si les autoriteacutes impeacuteriales se sont contenteacutees de telles formulations crsquoest que celles-ci suffisaient agrave identifier un ouvrage preacutecis de Porphyre et non pas nrsquoim-porte quel de ses ouvrages En tout cas il est difficilement imaginable que de telles formules aient pu viser un ouvrage comme la Philosophie des Oracles que lrsquoon retrou-vera citeacute tout au long du ive siegravecle et cette difficulteacute ne peut que srsquoaccroicirctre si lrsquoon en vient agrave identifier agrave ce traiteacute drsquoautres traiteacutes comme le De regressu animae comme le voudrait Mme Digeser agrave la suite de JJ OrsquoMeara ou toute une seacuterie de traiteacutes porphyriens comme lrsquoenvisage M Beatricehellip Que la Philosophie des Oracles ait rejeteacute la diviniteacute du Christ nrsquoexclut eacutevidemment pas que Porphyre ait pu adopter la mecircme position dans un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens

37 laquo a work taken far more seriously than Against the Christians raquo (E DePalma Digeser art citeacute p 135) 38 Solas est inattendu sanctas

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Mais puisqursquoon ne trouve pas de fait en dehors de la Souda de citation ougrave Contre les chreacutetiens soit explicitement preacutesenteacute comme le titre de lrsquoouvrage au moyen drsquoun terme comme ἐπιγράϕειν admettons que le titre ne soit pas parfai-tement eacutetabli

Les reacutefeacuterences les plus explicites au traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo

Une douzaine de fragments du recueil de von Harnack contiennent une reacutefeacute-rence preacutecise agrave un ouvrage antichreacutetien de Porphyre et mecircme agrave un livre particu-lier de ce traiteacute Mecircme en laissant de cocircteacute tous les autres fragments ougrave le nom de Porphyre nrsquoapparaicirct pas et mecircme ceux ougrave il est mentionneacute sans reacutefeacuterence preacutecise agrave un ouvrage qursquoil aurait composeacute on peut se faire ainsi une ideacutee assez preacutecise de lrsquoouvrage

Cinq ou six livres de lrsquoouvrage sont eacutevoqueacutes de faccedilon explicite Il srsquoagit des livres I III et IV XII etou XIII et enfin XIV

Que lrsquoon y voie un titre ou une simple deacutesignation de son contenu on constate que lrsquoouvrage est deacutesigneacute tant chez les Grecs que chez les | Latins par des formules quasi identiques il eacutetait eacutecrit contra nos adversum nos contra Christianos καθrsquo ἡμῶν κατὰ Χριστιανῶν

Enfin plusieurs fragments permettent drsquoeacutetablir que lrsquoouvrage attaquait direc-tement les chreacutetiens les Eacutecritures Saintes et notamment le livre de Daniel

Crsquoest cet ouvrage que reacutefutegraverent Meacutethode drsquoOlympe Eusegravebe de Ceacutesareacutee et Apollinaire de Laodiceacutee peut-ecirctre drsquoautres auteurs chreacutetiens comme Philostorge et crsquoest cet ouvrage que condamnegraverent au moins agrave deux reprises les empereurs chreacutetiens

Je ne retiens que ces informations minimales pour montrer que lrsquoexistence drsquoun traiteacute antichreacutetien de Porphyre ne saurait ecirctre remise en question mecircme si lrsquoon reacuteduisait le recueil des fragments agrave un noyau regroupant uniquement des frag-ments rattacheacutes explicitement agrave un traiteacute eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens

Le ldquoContra Christianosrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquoSelon Beatrice Eusegravebe et plusieurs autres auteurs chreacutetiens connaissaient

le titre veacuteritable de ce traiteacute dirigeacute contre les chreacutetiens Crsquoeacutetait la Philosophie des oracles

Le principal argument de Beatrice semble ecirctre un passage de la Preacuteparation eacutevan-geacutelique dans lequel Eusegravebe introduit une citation de la Philosophie des Oracles en preacutesen-tant Porphyre comme ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος (V 5 5)

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne (ou ldquoqursquoexposerdquo ἐκτέθειται) de son cocircteacute

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lrsquoauteur du pamphlet (ldquocompilationrdquo Beatrice) dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles raquo39

Selon Beatrice40 il faudrait comprendre que ce pamphlet est la Philosophie des oracles ou encore que lrsquoouvrage qursquoEusegravebe srsquoapprecirctait agrave citer eacutetait le pamphlet anti-chreacutetien eacutevoqueacute

De mecircme dans la Deacutemonstration eacutevangeacutelique III 6 39 Eusegravebe introduit une cita-tion du troisiegraveme livre du mecircme ouvrage en lrsquoattribuant agrave lrsquoennemi des chreacutetiens τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου

laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo41

La conclusion qursquoen tire Beatrice est la suivante laquo On peut difficilement ne pas reconnaicirctre que dans lrsquoensemble de la litteacuterature chreacutetienne

antique ce passage de la Deacutemonstration eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe est le seul dans lequel il est eacutetabli sans ambiguiumlteacute que le titre de lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre eacutetait Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo42

On trouverait une confirmation de cette identification en Praep evang IV 6 2-3 Apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un philosophe laquo ami des deacutemons raquo (δαιμόνων ϕίλον) et comme laquo un contemporain qui srsquoest enorgueilli des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous raquo (ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις) Eusegravebe enchaicircne

39 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) () τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται La traduction fournie par Beatrice laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 247 emprunteacutee agrave EH Gifford (Oxford 1903) donne un seacuterieux coup de pouce agrave lrsquoidentification des deux traiteacutes laquo the author of the compulation against us in the book which he entitled Of the Philosophy to be derived from Oracles raquo Mais ἐν οἷς ἐπέγραψε κτλ se rapporte au verbe ἐκτέθειται et non agrave πεποιημένος 40 laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 347 41 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται ὧδέ πως ἱστορῶν κατὰ λέξιν 42 laquo It can hardly be denied that in the whole of ancient Christian literature this passage from Eusebiusrsquos Proof of the Gospel is the only one in which it is unambiguously stated that the title (ἐπέγραψεν) of Porphyryrsquos anti-Christian writing (τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς) was Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (Beatrice laquo Title raquo p 235) Voir laquo Title raquo p 234 et laquo Towards a new edition raquo p 349 ougrave Beatrice parle de ldquodecisive evidencerdquo Beutler (RE XXII1 col 298) semble avoir attribueacute le fragment (Dem evang III 6) non pas agrave la Philosophie des oracles mais au traiteacute Contre les chreacutetiens Il eacutetablirait selon Beatrice laquo Title raquo p 234 un rapprochement avec Eusegravebe Hist eccl VI 19 et Augustin De civ Dei XIX 23 Mais il srsquoagit sans doute drsquoune simple erreur de Beutler Il y a lagrave une reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles traiteacute que Beutler pour sa part distingue nettement du Contra Christianos

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laquo Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des | dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo43

Voir encore Eusegravebe Praep evang V 36 5 laquo Apregraves ces propos passe maintenant agrave la Philosophie tireacutee des oracles de celui qui a composeacute

contre nous son reacutequisitoire (ou pamphlet )hellip raquo44

Dans ces quatre passages une citation de la Philosophie des oracles de Porphyre est preacutesenteacutee comme lrsquoœuvre drsquoun adversaire du christianisme Beatrice en conclut systeacutematiquement que lrsquoœuvre antichreacutetienne agrave laquelle pensait Eusegravebe eacutetait la Philosophie des oracles45

Pour toute la tradition byzantine46 la deacutesignation officielle de Porphyre est ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας celui qui srsquoest exprimeacute κατὰ Χριστιανῶν47 celui qui agiteacute sa langue impure contre les chreacutetiens48 ou contre la veacuteriteacute49 Il est lrsquoennemi de la religion chreacutetienne50 La formule ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας pourrait provenir drsquoEusegravebe qui mentionne | reacuteguliegraverement Porphyre comme laquo notre contemporain qui a composeacute son pamphlet contre nous raquo

43 Eusegravebe Praep evang IV 6 3 (trad O Zink) οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγω γὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας Voir laquo Title raquo p 233 44 Eusegravebe Praep evang V 36 5 (trad Eacuted des Places) ἀλλὰ γὰρ μετὰ τὰ εἰρημένα μεταβὰς αὖθις ἐπὶ τὴν Ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίαν τοῦ τὴν συσκευὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένου Voir laquo Title raquo p 233 45 Beatrice suit peut-ecirctre dans son interpreacutetation de ce passage JJ OrsquoMeara Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in Augustine Paris 1959 p 107 qui eacutecrit laquo Il est peut-ecirctre bon drsquoindiquer degraves le deacutebut qursquoEusegravebe deacutecrit la Philosophie des oracles comme une compilation dirigeacutee ldquocontre nousrdquo crsquoest-agrave-dire contre les Chreacutetiens raquo (laquo It may be well to state at the outset that Eusebius describes the Philosophy from Oracles as a compilation made ldquoagainst usrdquo that is Christians raquo) 46 Georges le Moine Chron 539 καὶ Πορϕύριος ὁ Τύριος ὑπάρχων πολλὰ κατὰ τῆς πίστεως ἡμῶν ἐκμανεὶς ἐλύσσησεν χριστιανὸς γὰρ γενόμενος καὶ τυπτηθεὶς ὑπό τινος χριστιανοῦ ἐν Παλαιστίνῃ θυμωθεὶς μετῆλθε πάλιν εἰς τὸν ἑλληνισμὸν ὁ ταλαίπωρος καὶ κατὰ τῆς πίστεως ἐδογμάτισεν Cedrenus vol I p 441 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ὁ ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Symeon Logothetes Chron p 71 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας καὶ Ἀϕρικανὸς ὁ σοϕώτατος Souda E 1454 ἐντελέχειαν λέγει ὁ Πορϕύριος τὴν ψυχήν ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Τύριος ϕιλόσοϕος 47 Cf Justinien Nov XLII 2 τοῖς παρὰ Πορφυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις 48 Souda Π 2473 Πρόκλος ὁ δεύτερος μετὰ Πορϕύριον κατὰ Χριστιανῶν τὴν μιαρὰν καὶ ἐϕύβριστον αὐτοῦ γλῶσσαν κινήσας 49 Theacuteophane le Confesseur Chron p 52 Πορϕύριος δέ ὁ καθrsquo ἡμῶν λυττήσας μετῆλθεν εἰς τὸν ἑλληνισμόν καὶ τότε γράψαι κατὰ τῆς ἀληθείας ὁ κύων ἐτόλμησεν 50 Cyrille Contra Iulianum I 38 (= F 203 Smith) Πορϕύριος μὲν οὖν ὁ πικροὺς ἡμῶν καταχέας λόγους καὶ τῆς Χριστιανῶν θρησκείας μονονουχὶ κατορχούμενος Socrate I 9 Ὥσπερ τοίνυν Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρὸς συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 15: Contra Christianos

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Mais puisqursquoon ne trouve pas de fait en dehors de la Souda de citation ougrave Contre les chreacutetiens soit explicitement preacutesenteacute comme le titre de lrsquoouvrage au moyen drsquoun terme comme ἐπιγράϕειν admettons que le titre ne soit pas parfai-tement eacutetabli

Les reacutefeacuterences les plus explicites au traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo

Une douzaine de fragments du recueil de von Harnack contiennent une reacutefeacute-rence preacutecise agrave un ouvrage antichreacutetien de Porphyre et mecircme agrave un livre particu-lier de ce traiteacute Mecircme en laissant de cocircteacute tous les autres fragments ougrave le nom de Porphyre nrsquoapparaicirct pas et mecircme ceux ougrave il est mentionneacute sans reacutefeacuterence preacutecise agrave un ouvrage qursquoil aurait composeacute on peut se faire ainsi une ideacutee assez preacutecise de lrsquoouvrage

Cinq ou six livres de lrsquoouvrage sont eacutevoqueacutes de faccedilon explicite Il srsquoagit des livres I III et IV XII etou XIII et enfin XIV

Que lrsquoon y voie un titre ou une simple deacutesignation de son contenu on constate que lrsquoouvrage est deacutesigneacute tant chez les Grecs que chez les | Latins par des formules quasi identiques il eacutetait eacutecrit contra nos adversum nos contra Christianos καθrsquo ἡμῶν κατὰ Χριστιανῶν

Enfin plusieurs fragments permettent drsquoeacutetablir que lrsquoouvrage attaquait direc-tement les chreacutetiens les Eacutecritures Saintes et notamment le livre de Daniel

Crsquoest cet ouvrage que reacutefutegraverent Meacutethode drsquoOlympe Eusegravebe de Ceacutesareacutee et Apollinaire de Laodiceacutee peut-ecirctre drsquoautres auteurs chreacutetiens comme Philostorge et crsquoest cet ouvrage que condamnegraverent au moins agrave deux reprises les empereurs chreacutetiens

Je ne retiens que ces informations minimales pour montrer que lrsquoexistence drsquoun traiteacute antichreacutetien de Porphyre ne saurait ecirctre remise en question mecircme si lrsquoon reacuteduisait le recueil des fragments agrave un noyau regroupant uniquement des frag-ments rattacheacutes explicitement agrave un traiteacute eacutecrit par Porphyre contre les chreacutetiens

Le ldquoContra Christianosrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquoSelon Beatrice Eusegravebe et plusieurs autres auteurs chreacutetiens connaissaient

le titre veacuteritable de ce traiteacute dirigeacute contre les chreacutetiens Crsquoeacutetait la Philosophie des oracles

Le principal argument de Beatrice semble ecirctre un passage de la Preacuteparation eacutevan-geacutelique dans lequel Eusegravebe introduit une citation de la Philosophie des Oracles en preacutesen-tant Porphyre comme ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος (V 5 5)

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne (ou ldquoqursquoexposerdquo ἐκτέθειται) de son cocircteacute

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lrsquoauteur du pamphlet (ldquocompilationrdquo Beatrice) dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles raquo39

Selon Beatrice40 il faudrait comprendre que ce pamphlet est la Philosophie des oracles ou encore que lrsquoouvrage qursquoEusegravebe srsquoapprecirctait agrave citer eacutetait le pamphlet anti-chreacutetien eacutevoqueacute

De mecircme dans la Deacutemonstration eacutevangeacutelique III 6 39 Eusegravebe introduit une cita-tion du troisiegraveme livre du mecircme ouvrage en lrsquoattribuant agrave lrsquoennemi des chreacutetiens τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου

laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo41

La conclusion qursquoen tire Beatrice est la suivante laquo On peut difficilement ne pas reconnaicirctre que dans lrsquoensemble de la litteacuterature chreacutetienne

antique ce passage de la Deacutemonstration eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe est le seul dans lequel il est eacutetabli sans ambiguiumlteacute que le titre de lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre eacutetait Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo42

On trouverait une confirmation de cette identification en Praep evang IV 6 2-3 Apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un philosophe laquo ami des deacutemons raquo (δαιμόνων ϕίλον) et comme laquo un contemporain qui srsquoest enorgueilli des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous raquo (ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις) Eusegravebe enchaicircne

39 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) () τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται La traduction fournie par Beatrice laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 247 emprunteacutee agrave EH Gifford (Oxford 1903) donne un seacuterieux coup de pouce agrave lrsquoidentification des deux traiteacutes laquo the author of the compulation against us in the book which he entitled Of the Philosophy to be derived from Oracles raquo Mais ἐν οἷς ἐπέγραψε κτλ se rapporte au verbe ἐκτέθειται et non agrave πεποιημένος 40 laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 347 41 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται ὧδέ πως ἱστορῶν κατὰ λέξιν 42 laquo It can hardly be denied that in the whole of ancient Christian literature this passage from Eusebiusrsquos Proof of the Gospel is the only one in which it is unambiguously stated that the title (ἐπέγραψεν) of Porphyryrsquos anti-Christian writing (τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς) was Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (Beatrice laquo Title raquo p 235) Voir laquo Title raquo p 234 et laquo Towards a new edition raquo p 349 ougrave Beatrice parle de ldquodecisive evidencerdquo Beutler (RE XXII1 col 298) semble avoir attribueacute le fragment (Dem evang III 6) non pas agrave la Philosophie des oracles mais au traiteacute Contre les chreacutetiens Il eacutetablirait selon Beatrice laquo Title raquo p 234 un rapprochement avec Eusegravebe Hist eccl VI 19 et Augustin De civ Dei XIX 23 Mais il srsquoagit sans doute drsquoune simple erreur de Beutler Il y a lagrave une reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles traiteacute que Beutler pour sa part distingue nettement du Contra Christianos

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laquo Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des | dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo43

Voir encore Eusegravebe Praep evang V 36 5 laquo Apregraves ces propos passe maintenant agrave la Philosophie tireacutee des oracles de celui qui a composeacute

contre nous son reacutequisitoire (ou pamphlet )hellip raquo44

Dans ces quatre passages une citation de la Philosophie des oracles de Porphyre est preacutesenteacutee comme lrsquoœuvre drsquoun adversaire du christianisme Beatrice en conclut systeacutematiquement que lrsquoœuvre antichreacutetienne agrave laquelle pensait Eusegravebe eacutetait la Philosophie des oracles45

Pour toute la tradition byzantine46 la deacutesignation officielle de Porphyre est ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας celui qui srsquoest exprimeacute κατὰ Χριστιανῶν47 celui qui agiteacute sa langue impure contre les chreacutetiens48 ou contre la veacuteriteacute49 Il est lrsquoennemi de la religion chreacutetienne50 La formule ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας pourrait provenir drsquoEusegravebe qui mentionne | reacuteguliegraverement Porphyre comme laquo notre contemporain qui a composeacute son pamphlet contre nous raquo

43 Eusegravebe Praep evang IV 6 3 (trad O Zink) οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγω γὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας Voir laquo Title raquo p 233 44 Eusegravebe Praep evang V 36 5 (trad Eacuted des Places) ἀλλὰ γὰρ μετὰ τὰ εἰρημένα μεταβὰς αὖθις ἐπὶ τὴν Ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίαν τοῦ τὴν συσκευὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένου Voir laquo Title raquo p 233 45 Beatrice suit peut-ecirctre dans son interpreacutetation de ce passage JJ OrsquoMeara Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in Augustine Paris 1959 p 107 qui eacutecrit laquo Il est peut-ecirctre bon drsquoindiquer degraves le deacutebut qursquoEusegravebe deacutecrit la Philosophie des oracles comme une compilation dirigeacutee ldquocontre nousrdquo crsquoest-agrave-dire contre les Chreacutetiens raquo (laquo It may be well to state at the outset that Eusebius describes the Philosophy from Oracles as a compilation made ldquoagainst usrdquo that is Christians raquo) 46 Georges le Moine Chron 539 καὶ Πορϕύριος ὁ Τύριος ὑπάρχων πολλὰ κατὰ τῆς πίστεως ἡμῶν ἐκμανεὶς ἐλύσσησεν χριστιανὸς γὰρ γενόμενος καὶ τυπτηθεὶς ὑπό τινος χριστιανοῦ ἐν Παλαιστίνῃ θυμωθεὶς μετῆλθε πάλιν εἰς τὸν ἑλληνισμὸν ὁ ταλαίπωρος καὶ κατὰ τῆς πίστεως ἐδογμάτισεν Cedrenus vol I p 441 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ὁ ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Symeon Logothetes Chron p 71 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας καὶ Ἀϕρικανὸς ὁ σοϕώτατος Souda E 1454 ἐντελέχειαν λέγει ὁ Πορϕύριος τὴν ψυχήν ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Τύριος ϕιλόσοϕος 47 Cf Justinien Nov XLII 2 τοῖς παρὰ Πορφυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις 48 Souda Π 2473 Πρόκλος ὁ δεύτερος μετὰ Πορϕύριον κατὰ Χριστιανῶν τὴν μιαρὰν καὶ ἐϕύβριστον αὐτοῦ γλῶσσαν κινήσας 49 Theacuteophane le Confesseur Chron p 52 Πορϕύριος δέ ὁ καθrsquo ἡμῶν λυττήσας μετῆλθεν εἰς τὸν ἑλληνισμόν καὶ τότε γράψαι κατὰ τῆς ἀληθείας ὁ κύων ἐτόλμησεν 50 Cyrille Contra Iulianum I 38 (= F 203 Smith) Πορϕύριος μὲν οὖν ὁ πικροὺς ἡμῶν καταχέας λόγους καὶ τῆς Χριστιανῶν θρησκείας μονονουχὶ κατορχούμενος Socrate I 9 Ὥσπερ τοίνυν Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρὸς συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 16: Contra Christianos

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lrsquoauteur du pamphlet (ldquocompilationrdquo Beatrice) dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles raquo39

Selon Beatrice40 il faudrait comprendre que ce pamphlet est la Philosophie des oracles ou encore que lrsquoouvrage qursquoEusegravebe srsquoapprecirctait agrave citer eacutetait le pamphlet anti-chreacutetien eacutevoqueacute

De mecircme dans la Deacutemonstration eacutevangeacutelique III 6 39 Eusegravebe introduit une cita-tion du troisiegraveme livre du mecircme ouvrage en lrsquoattribuant agrave lrsquoennemi des chreacutetiens τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου

laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo41

La conclusion qursquoen tire Beatrice est la suivante laquo On peut difficilement ne pas reconnaicirctre que dans lrsquoensemble de la litteacuterature chreacutetienne

antique ce passage de la Deacutemonstration eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe est le seul dans lequel il est eacutetabli sans ambiguiumlteacute que le titre de lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre eacutetait Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo42

On trouverait une confirmation de cette identification en Praep evang IV 6 2-3 Apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un philosophe laquo ami des deacutemons raquo (δαιμόνων ϕίλον) et comme laquo un contemporain qui srsquoest enorgueilli des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous raquo (ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις) Eusegravebe enchaicircne

39 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) () τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται La traduction fournie par Beatrice laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 247 emprunteacutee agrave EH Gifford (Oxford 1903) donne un seacuterieux coup de pouce agrave lrsquoidentification des deux traiteacutes laquo the author of the compulation against us in the book which he entitled Of the Philosophy to be derived from Oracles raquo Mais ἐν οἷς ἐπέγραψε κτλ se rapporte au verbe ἐκτέθειται et non agrave πεποιημένος 40 laquo Title raquo p 233 et laquo Towards a new edition raquo p 347 41 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται ὧδέ πως ἱστορῶν κατὰ λέξιν 42 laquo It can hardly be denied that in the whole of ancient Christian literature this passage from Eusebiusrsquos Proof of the Gospel is the only one in which it is unambiguously stated that the title (ἐπέγραψεν) of Porphyryrsquos anti-Christian writing (τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς) was Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (Beatrice laquo Title raquo p 235) Voir laquo Title raquo p 234 et laquo Towards a new edition raquo p 349 ougrave Beatrice parle de ldquodecisive evidencerdquo Beutler (RE XXII1 col 298) semble avoir attribueacute le fragment (Dem evang III 6) non pas agrave la Philosophie des oracles mais au traiteacute Contre les chreacutetiens Il eacutetablirait selon Beatrice laquo Title raquo p 234 un rapprochement avec Eusegravebe Hist eccl VI 19 et Augustin De civ Dei XIX 23 Mais il srsquoagit sans doute drsquoune simple erreur de Beutler Il y a lagrave une reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles traiteacute que Beutler pour sa part distingue nettement du Contra Christianos

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laquo Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des | dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo43

Voir encore Eusegravebe Praep evang V 36 5 laquo Apregraves ces propos passe maintenant agrave la Philosophie tireacutee des oracles de celui qui a composeacute

contre nous son reacutequisitoire (ou pamphlet )hellip raquo44

Dans ces quatre passages une citation de la Philosophie des oracles de Porphyre est preacutesenteacutee comme lrsquoœuvre drsquoun adversaire du christianisme Beatrice en conclut systeacutematiquement que lrsquoœuvre antichreacutetienne agrave laquelle pensait Eusegravebe eacutetait la Philosophie des oracles45

Pour toute la tradition byzantine46 la deacutesignation officielle de Porphyre est ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας celui qui srsquoest exprimeacute κατὰ Χριστιανῶν47 celui qui agiteacute sa langue impure contre les chreacutetiens48 ou contre la veacuteriteacute49 Il est lrsquoennemi de la religion chreacutetienne50 La formule ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας pourrait provenir drsquoEusegravebe qui mentionne | reacuteguliegraverement Porphyre comme laquo notre contemporain qui a composeacute son pamphlet contre nous raquo

43 Eusegravebe Praep evang IV 6 3 (trad O Zink) οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγω γὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας Voir laquo Title raquo p 233 44 Eusegravebe Praep evang V 36 5 (trad Eacuted des Places) ἀλλὰ γὰρ μετὰ τὰ εἰρημένα μεταβὰς αὖθις ἐπὶ τὴν Ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίαν τοῦ τὴν συσκευὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένου Voir laquo Title raquo p 233 45 Beatrice suit peut-ecirctre dans son interpreacutetation de ce passage JJ OrsquoMeara Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in Augustine Paris 1959 p 107 qui eacutecrit laquo Il est peut-ecirctre bon drsquoindiquer degraves le deacutebut qursquoEusegravebe deacutecrit la Philosophie des oracles comme une compilation dirigeacutee ldquocontre nousrdquo crsquoest-agrave-dire contre les Chreacutetiens raquo (laquo It may be well to state at the outset that Eusebius describes the Philosophy from Oracles as a compilation made ldquoagainst usrdquo that is Christians raquo) 46 Georges le Moine Chron 539 καὶ Πορϕύριος ὁ Τύριος ὑπάρχων πολλὰ κατὰ τῆς πίστεως ἡμῶν ἐκμανεὶς ἐλύσσησεν χριστιανὸς γὰρ γενόμενος καὶ τυπτηθεὶς ὑπό τινος χριστιανοῦ ἐν Παλαιστίνῃ θυμωθεὶς μετῆλθε πάλιν εἰς τὸν ἑλληνισμὸν ὁ ταλαίπωρος καὶ κατὰ τῆς πίστεως ἐδογμάτισεν Cedrenus vol I p 441 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ὁ ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Symeon Logothetes Chron p 71 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας καὶ Ἀϕρικανὸς ὁ σοϕώτατος Souda E 1454 ἐντελέχειαν λέγει ὁ Πορϕύριος τὴν ψυχήν ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Τύριος ϕιλόσοϕος 47 Cf Justinien Nov XLII 2 τοῖς παρὰ Πορφυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις 48 Souda Π 2473 Πρόκλος ὁ δεύτερος μετὰ Πορϕύριον κατὰ Χριστιανῶν τὴν μιαρὰν καὶ ἐϕύβριστον αὐτοῦ γλῶσσαν κινήσας 49 Theacuteophane le Confesseur Chron p 52 Πορϕύριος δέ ὁ καθrsquo ἡμῶν λυττήσας μετῆλθεν εἰς τὸν ἑλληνισμόν καὶ τότε γράψαι κατὰ τῆς ἀληθείας ὁ κύων ἐτόλμησεν 50 Cyrille Contra Iulianum I 38 (= F 203 Smith) Πορϕύριος μὲν οὖν ὁ πικροὺς ἡμῶν καταχέας λόγους καὶ τῆς Χριστιανῶν θρησκείας μονονουχὶ κατορχούμενος Socrate I 9 Ὥσπερ τοίνυν Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρὸς συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 17: Contra Christianos

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laquo Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des | dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo43

Voir encore Eusegravebe Praep evang V 36 5 laquo Apregraves ces propos passe maintenant agrave la Philosophie tireacutee des oracles de celui qui a composeacute

contre nous son reacutequisitoire (ou pamphlet )hellip raquo44

Dans ces quatre passages une citation de la Philosophie des oracles de Porphyre est preacutesenteacutee comme lrsquoœuvre drsquoun adversaire du christianisme Beatrice en conclut systeacutematiquement que lrsquoœuvre antichreacutetienne agrave laquelle pensait Eusegravebe eacutetait la Philosophie des oracles45

Pour toute la tradition byzantine46 la deacutesignation officielle de Porphyre est ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας celui qui srsquoest exprimeacute κατὰ Χριστιανῶν47 celui qui agiteacute sa langue impure contre les chreacutetiens48 ou contre la veacuteriteacute49 Il est lrsquoennemi de la religion chreacutetienne50 La formule ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας pourrait provenir drsquoEusegravebe qui mentionne | reacuteguliegraverement Porphyre comme laquo notre contemporain qui a composeacute son pamphlet contre nous raquo

43 Eusegravebe Praep evang IV 6 3 (trad O Zink) οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγω γὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας Voir laquo Title raquo p 233 44 Eusegravebe Praep evang V 36 5 (trad Eacuted des Places) ἀλλὰ γὰρ μετὰ τὰ εἰρημένα μεταβὰς αὖθις ἐπὶ τὴν Ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίαν τοῦ τὴν συσκευὴν καθrsquo ἡμῶν πεποιημένου Voir laquo Title raquo p 233 45 Beatrice suit peut-ecirctre dans son interpreacutetation de ce passage JJ OrsquoMeara Porphyryrsquos Philosophy from Oracles in Augustine Paris 1959 p 107 qui eacutecrit laquo Il est peut-ecirctre bon drsquoindiquer degraves le deacutebut qursquoEusegravebe deacutecrit la Philosophie des oracles comme une compilation dirigeacutee ldquocontre nousrdquo crsquoest-agrave-dire contre les Chreacutetiens raquo (laquo It may be well to state at the outset that Eusebius describes the Philosophy from Oracles as a compilation made ldquoagainst usrdquo that is Christians raquo) 46 Georges le Moine Chron 539 καὶ Πορϕύριος ὁ Τύριος ὑπάρχων πολλὰ κατὰ τῆς πίστεως ἡμῶν ἐκμανεὶς ἐλύσσησεν χριστιανὸς γὰρ γενόμενος καὶ τυπτηθεὶς ὑπό τινος χριστιανοῦ ἐν Παλαιστίνῃ θυμωθεὶς μετῆλθε πάλιν εἰς τὸν ἑλληνισμὸν ὁ ταλαίπωρος καὶ κατὰ τῆς πίστεως ἐδογμάτισεν Cedrenus vol I p 441 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ὁ ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Symeon Logothetes Chron p 71 ἀλλὰ καὶ Πορϕύριος ϕιλόσοϕος ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας καὶ Ἀϕρικανὸς ὁ σοϕώτατος Souda E 1454 ἐντελέχειαν λέγει ὁ Πορϕύριος τὴν ψυχήν ὁ κατὰ Χριστιανῶν γράψας Τύριος ϕιλόσοϕος 47 Cf Justinien Nov XLII 2 τοῖς παρὰ Πορφυρίου κατὰ Χριστιανῶν εἰρημένοις 48 Souda Π 2473 Πρόκλος ὁ δεύτερος μετὰ Πορϕύριον κατὰ Χριστιανῶν τὴν μιαρὰν καὶ ἐϕύβριστον αὐτοῦ γλῶσσαν κινήσας 49 Theacuteophane le Confesseur Chron p 52 Πορϕύριος δέ ὁ καθrsquo ἡμῶν λυττήσας μετῆλθεν εἰς τὸν ἑλληνισμόν καὶ τότε γράψαι κατὰ τῆς ἀληθείας ὁ κύων ἐτόλμησεν 50 Cyrille Contra Iulianum I 38 (= F 203 Smith) Πορϕύριος μὲν οὖν ὁ πικροὺς ἡμῶν καταχέας λόγους καὶ τῆς Χριστιανῶν θρησκείας μονονουχὶ κατορχούμενος Socrate I 9 Ὥσπερ τοίνυν Πορϕύριος ὁ τῆς θεοσεβείας ἐχθρὸς συντάγματα παράνομα κατὰ τῆς θρησκείας συστησάμενος

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 18: Contra Christianos

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Il est eacutevident que pour Eusegravebe Porphyre eacutetait lrsquoEnnemi deacuteclareacute des chreacutetiens du fait qursquoil avait dirigeacute contre eux un traiteacute colossal qui suffisait agrave lrsquoidentifier mais cela implique-t-il qursquoil faille identifier le Contra Christianos au De philosophia ex oraculis Lorsqursquoon voit Cyrille employer des formules semblables pour introduire une citation de lrsquoHistoire philosophique on peut leacutegitimement en douter Une telle interpreacutetation ne me semble donc pas srsquoimposer pas plus qursquoen disant laquo lrsquoauteur du Discours de la meacutethode dans ses Meacuteditations meacutetaphysiques raquo on nrsquoidentifierait le Discours et les Meacuteditations

On pourrait tout aussi bien conclure qursquoen introduisant un extrait du De absti-nentia de Porphyre avec une formule semblable Eusegravebe dans sa Preacuteparation eacutevangeacute-lique I 9 6 identifiait par lagrave le De abstinentia au Contra Christianos

laquo Mais agrave notre eacutepoque aussi lrsquohomme mecircme qui a fait partie de nos contemporains et srsquoest illustreacute par les invectives lanceacutees contre nous dans son ouvrage Sur lrsquoabstinence des viandes rappelle en propres termes de la maniegravere suivante en prenant agrave teacutemoin Theacuteophraste le souvenir de lrsquoantique civilisation des anciens hommes raquo51

Beatrice fait eacutetat de ce passage sans en tirer de conclusion claire Alors qursquoOdile Zink y voyait une allusion au Contra Christianos Beatrice conteste ce point

laquo Selon moi une lecture sans preacutejugeacute de tous les passages dans lesquels Eusegravebe mentionne Porphyre conduit agrave des reacutesultats diffeacuterents (hellip) Il faut reconnaicirctre que lrsquointerpreacutetation de ces deux derniers passages nrsquoest pas eacutevidente ni univoque ils peuvent conduire agrave des attributions contradictoires raquo52

Mais nous retrouverons plus loin agrave propos de Theacuteodoret le problegraveme des rapports entre le De abstinentia et le Contra Christianos

Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent

Lrsquoallusion aux critiques antichreacutetiennes de Porphyre dans ces citations nrsquoest pas ici qursquoune forme de manieacuterisme elle fait partie drsquoun stratagegraveme qui consiste agrave glaner chez les adversaires du christianisme les teacutemoignages qui servent lrsquoargu-mentation Eusegravebe fait appel explicitement agrave des citations du traiteacute Contre les chreacute-tiens pour eacutetablir lrsquoancienneteacute de Moiumlse (fr 40) ou la ceacuteleacutebriteacute profane drsquoOrigegravene (fr 39) et agrave drsquoautres eacutecrits comme le De abstinentia la Philosophie des Oracles ou la Lettre agrave Aneacutebon pour eacutetablir drsquoautres points Crsquoest en tant qursquoadversaire des chreacute-tiens et deacutefenseur des dieux ou des deacutemons du paganisme que Porphyre appa-

51 Eusegravebe Praep evang I 9 6 (trad J Sirinelli) ἀλλὰ καὶ τῶν καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ταῖς καθrsquo ἡμῶν λαμπρυνόμενος δυσϕημίαις ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς τῶν ἐμψύχων ἀποχῆς raquo τῆς τῶν παλαιῶν ἀρχαιότητος τὴν μνήμην ὧδέ πως αὐτολεξεί Θεοϕράστῳ μάρτυρι χρώμενος παρατίθεται 52 laquo In my opinion from an unbiassed reading of all Eusebiusrsquos passages mentioning Porphyry different results are to be obtained (hellip) It should be acknowledged that the interpretation of these two last passages is neither immediate nor univocal they could lead to contrasting attributions raquo (laquo Title raquo p 233-234)

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 19: Contra Christianos

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raicirct dans ces citations comme un teacutemoin incontestable Par ces rapprochements Eusegravebe combat Porphyre avec ses propres armes

Cette perspective est manifeste si on lit le premier passage alleacutegueacute par Beatrice dans son contexte sans srsquoarrecircter aux premiegraveres lignes

laquo En attendant eh bien nous rassemblerons tous les autres renseignements sur la puissance et lrsquoactiviteacute des preacutetendus bons deacutemons que nous donne de son cocircteacute lrsquoauteur du pamphlet dirigeacute contre nous dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles maintenant en effet comme je lrsquoai deacutejagrave fait souvent crsquoest surtout son teacutemoignage que jrsquoutiliserai pour reacutefuter lrsquoerreur concernant les preacutetendus dieux des paiumlens afin qursquoils rougissent drsquoecirctre frappeacutes de leurs propres traits et de leurs propres flegraveches 6 Crsquoest en effet le moyen de rendre notre deacutemonstration sur ce sujet complegravete et irreacute-futable puisqursquoelle viendra des propres amis des dieux et en particulier de ceux que lrsquoon tient pour pieux et qui ont exploreacute dans les moindres deacutetails le domaine qui les concerne 7 Lrsquoauteur en ques-tion expose cela dans son ouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles ougrave il atteste qursquoil ne deacutevoile pas les secrets touchant les dieux il prononce lui-mecircme un serment et ordonne de tenir cacheacute sans lrsquoexposer agrave la multitude ce qui va ecirctre dit raquo53

Le rapprochement effectueacute par Eusegravebe entre la Philosophie des Oracles et la position fonciegraverement antichreacutetienne de Porphyre ne sert donc pas comme le voudrait Mme Digeser54 agrave souligner le caractegravere poleacutemique de lrsquoouvrage (laquo its critical tenor raquo) mais plutocirct agrave accreacutediter lrsquoimportance que devraient accorder les paiumlens eux-mecircmes agrave un teacutemoignage qui met en cause la religion paiumlenne

Crsquoest eacutegalement la perspective du second passage laquo Quelle confirmation plus digne de creacuteance peut-elle trsquoecirctre donneacutee que celle qui est fournie par

lrsquoouvrage de lrsquoauteur qui srsquoest comporteacute en ennemi contre nous confirmation qui se trouve dans le troisiegraveme livre de lrsquoouvrage qursquoil a intituleacute Sur la philosophie tireacutee des oracleshellip raquo55

Voir encore Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 laquo Alors qursquoil y a chez les Grecs un nombre incalculable drsquohistoriens et de philosophes je choisis

celui qui me semble convenir mieux que tous les autres agrave mon propos celui-lagrave mecircme qui est lrsquoami des deacutemons et qui eacutetant notre contemporain srsquoenorgueillit des mensonges qursquoil a eacutecrits contre nous

53 Eusegravebe Praep evang V 5 5-7 (trad O Zink) Τοσαῦτα ὁ Πλούταρχος ἐν οἷς ἐσπούδασεν laquo Περὶ τῶν ἐκλελοιπότων χρηστηρίων raquo πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ θνήσκειν παριστὰς τοὺς δαίμονας ὃ καὶ αὐτὸ κατὰ τὸν δέοντα καιρὸν παραθήσομαι τέως δὲ ϕέρε συλλεξώμεθα ὅσα ἄλλα περὶ τῆς τῶν ἀγαθῶν ὥς ϕασιν δαιμόνων δυνάμεώς τε καὶ ἐνεργείας αὖθις ὁ τὴν καθrsquo ἡμῶν συσκευὴν πεποιημένος ἐν οἷς ἐπέγραψε laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐκτέθειται μάλιστα γὰρ αὐτῷ καὶ νῦν ὥσπερ οὖν καὶ πολλάκις μάρτυρι χρήσομαι καὶ ἐλέγχῳ τῆς περὶ οὓς ὑπολαμβάνουσιν θεοὺς πλάνης ὡς ἂν ἐκ τῶν οἰκείων βελῶν καὶ τοξευμάτων βαλλόμενοι καταισχύνοιντο [6] οὕτως γὰρ καὶ γένοιτrsquo ἂν ἡμῖν ἐξ αὐτῶν τῶν τοῖς θεοῖς προσϕιλῶν καὶ δὴ καὶ εὐσεβῶν νενομισμένων ἀκριβῶς τε τὸν περὶ τῶν οἰκείων λόγον διηρευνηκότων ἀνελλιπὴς καὶ ἀπαραίτητος ἡ τῶν προκειμένων ἀπόδειξις [7] γράϕει δὲ ταῦτα ὁ δεδηλωμένος ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἔνθα μαρτύρεται μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκϕαίνειν ἐπομνύμενός τε αὐτὸς καὶ παραγγέλλων κρύπτειν καὶ μὴ εἰς πολλοὺς ἐκϕέρειν τὰ λεχθησόμενα 54 E DePalma Digeser art citeacute p 135 55 Eusegravebe Dem evang III 6 39 τίς δrsquo ἂν γένοιτό σοι τούτων ἀξιόπιστος ὁμολογία ltμᾶλλονgt τῆς τοῦ καθrsquo ἡμῶν πολεμίου γραϕῆς ἣν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo ἐν τρίτῳ συγγράμματι τέθειται

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 20: Contra Christianos

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56 Eusegravebe Praep evang IV 6 2-3 (trad O Zink) μυρίων δὲ ὄντων παρrsquo Ἕλλησι λογογράϕων τε καὶ ϕιλοσόϕων πρὸ πάντων ἐπιτήδειον εἰς τὰ προκείμενα ἐγκρίνω τὸν δαιμόνων ϕίλον αὐτὸν ἐκεῖνον ὃς δὴ καθrsquo ἡμᾶς γεγονὼς ταῖς καθrsquo ἡμῶν ἐλλαμπρύνεται ψευδηγορίαις μάλιστα γὰρ ϕιλοσόϕων οὗτος τῶν καθrsquo ἡμᾶς δοκεῖ καὶ δαίμοσιν καὶ οἷς ϕησι θεοῖς ὡμιληκέναι ὑπέρ τε τούτων πρεσβεῦσαι καὶ πολλῷ μᾶλλον τὰ περὶ αὐτῶν ἀκριβέστερον διηρευνηκέναι [3] οὗτος τοιγαροῦν ἐν οἷς ἐπέγραψεν laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo συναγωγὴν ἐποιήσατο χρησμῶν τοῦ τε Ἀπόλλωνος καὶ τῶν λοιπῶν θεῶν τε καὶ ἀγαθῶν δαιμόνων οὓς καὶ μάλιστα ἐκλεξάμενος ἑαυτῷ ἡγήσατο ἱκανοὺς εἶναι εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ ϕίλον ὀνομάζειν θεοσοϕίας 57 Augustin Civ Dei XIX 22 17 (fr 343 Smith trad Combegraves) laquo Postremo ipse est Deus quem doctissimus philosophorum quamvis Christianorum acerrimus inimicus etiam per eorum oracula quos deos putat deum magnum Porphyrius confitetur raquo 58 laquo Title raquo p 224 Voir aussi laquo Platonic readings raquo p 265

En effet crsquoest celui des philosophes de notre temps qui semble-t-il a eu le plus de relations avec les deacutemons et ceux qursquoil appelle des dieux celui eacutegalement qui a eacuteteacute leur meilleur ambassadeur et chose beaucoup plus importante crsquoest celui qui connaicirct le mieux leur domaine propre 3 Ainsi donc dans lrsquoouvrage intituleacute La Philosophie tireacutee des oracles cet auteur a rassembleacute les oracles drsquoApollon des autres dieux et bons deacutemons dont le choix lui a sembleacute particuliegraverement heureux pour deacutemontrer la puissance de ceux que lrsquoon considegravere comme des dieux et pour exhorter les hommes agrave ce qursquoil lui plaicirct drsquoappeler la theacuteosophie raquo56

Nous sommes donc en preacutesence drsquoun scheacutema poleacutemique que nous retrouve-rons ailleurs il consiste agrave emprunter agrave Porphyre des critiques explicites ou impli-cites de la religion paiumlenne du fait qursquoil est par ailleurs un apocirctre du paganisme et qursquoil srsquoest illustreacute comme un adversaire des chreacutetiens Mais il importe peu dans ce contexte que les deux points de vue porphyriens pris en compte par les chreacutetiens soient preacutesents dans un seul et mecircme ouvrage

Cette technique qui consiste agrave souligner les contraditions de lrsquoadversaire ou agrave emprunter contre lui ses propres armes avait eacuteteacute systeacutematiquement employeacutee par Porphyre lui-mecircme ce qui peut expliquer qursquoelle ait eacuteteacute reprise contre lui par les chreacutetiens On la retrouve chez Augustin Citeacute de Dieu XIX 22 17 (343 F Smith)

laquo Crsquoest le Dieu que Porphyre le plus savant des philosophes bien que lrsquoennemi le plus acharneacute des chreacutetiens proclame le grand Dieu drsquoapregraves preacuteciseacutement les oracles de ceux qursquoil croit ecirctre des dieux raquo57

On observe le mecircme pheacutenomegravene dans un texte de Firmicus Maternus eacutegale-ment alleacutegueacute par Beatrice apregraves avoir preacutesenteacute Porphyre comme un ennemi des chreacutetiens Firmicus cite un passage du deacutebut de la Philosophie des Oracles deacutenonccedilant la faiblesse de Sarapis qui reacutepond aux injonctions drsquoun homme Loin drsquoeacutetablir comme le voudrait Beatrice58 que pour cet auteur la Philosophie des Oracles eacutetait lrsquoouvrage antichreacutetien de Porphyre ce passage nrsquoinsiste-t-il pas sur la trahison commise par laquo ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles raquo (defensor sacrorum hostis dei veritatis inimicus sceleratarum artium magister) qui nrsquoheacutesite pas agrave reacuteduire les dieux du paga-nisme agrave des deacutemons

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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
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59 Firmicus Maternus De errore profan rel XIII 4-5 (fr 306 Smith trad R Turcan) laquo Nihil enim operantur uictimae et cruor ex assidua pecorum caede profusus nisi ut daemonum substantia qui diaboli procreatione generantur ex isto sanguine nutriatur Nam ita esse Porphyrius defensor sacrorum hostis dei ueritatis inimicus sceleratarum artium magister manifestis nobis probationibus prodidit I n l i b r i s e n i m q u o s a p p e l l a t π ε ρ ὶ τ ῆ ς ἐ κ λ ο γ ί ω ν ϕ ι λ ο σ ο ϕ ί α ς maiestatem eius praedicans de infirmitate confessus est In primis enim librorum partibus id est in ipsis auspiciis positus dixit ldquo Serapis uocatus et intra corpus hominis conlatus talia respondit rdquo 5 Dicant nunc mihi perditi homines qui potior est qui uocat et imperat et includit an qui uocatur et paret et cum uenerit in susci-pientis hominis corpore potestate iubentis includitur 6 Gratias agimus Porphyri libris tuis deorum tuorum nobis substantiam p r o d i d i s t i 7 Didicimus per te quatenus dii tui hominibus iubentibus seruiant 8 Serapis tuus ab homine uocatur et uenit et cum uenerit statim iussus includitur et loquendi necessitas nolenti forsitan imperatur raquo

60 Apol contra Hieron II 9 (CCL 20 91) II 13 (93) II 15 (95) 61 Voir laquo Title raquo p 225 62 Theacuteodoret Theacuterapeutique X 12 (trad P Canivet) Οὐκοῦν ὦ ἄνδρες ἐπειδήπερ ἡμῖν περὶ τῶν ὑμετέρων χρηστηρίων λέγουσιν ἀπιστεῖτε τῷ ἡμῖν μὲν ἐχθίστῳ ὑμῖν δὲ προσϕιλεστάτῳ πιστεύσατε ἄσπονδος γὰρ ἡμῶν οὗτος πολέμιος τὴν προϕανῆ κατὰ τῆς εὐσεβείας ἀναδεξάμενος μάχην

laquo 4 (hellip) Les victimes et le sang reacutepandu par lrsquoimmolation reacutepeacuteteacutee du beacutetail nrsquoont pas drsquoautre effet que celui de nourrir la substance des deacutemons qui sont neacutes des œuvres du Diable Qursquoil en soit bien ainsi Porphyre ndash ce deacutefenseur des cultes paiumlens lrsquoennemi de Dieu lrsquoadversaire de la veacuteriteacute le maicirctre des sciences criminelles ndash nous en a donneacute des preuves manifestes Dans lrsquoouvrage qursquoil intitule La philo-sophie des oracles en voulant procircner la grandeur de cette ldquophilosophierdquo il a reconnu sa faiblesse Dans les premiegraveres pages du livre (crsquoest-agrave-dire dans lrsquointroduction mecircme) il a deacuteclareacute ldquoSeacuterapis invoqueacute et introduit dans le corps drsquoun homme reacutepondit en ces termesrdquo 5 Qursquoils me disent maintenant ces gens deacutevoyeacutes qui | lrsquoemporte de celui qui invoque commande et enferme ou de celui qui obeacuteit agrave lrsquoinvocation et une fois lagrave se laisse enfermer par le pouvoir de lrsquohomme qui ordonne dans le corps de lrsquohomme qui lrsquoaccueille Nous te remercions de ton livre Porphyre tu nous as reacuteveacuteleacute [deacutevoileacute ] la substance de tes dieux gracircce agrave toi nous avons appris jusqursquoagrave quel point tes dieux sont asservis aux ordres des humains Ton Seacuterapis est eacutevoqueacute par un homme et il vient Aussitocirct arriveacute il se laisse enfermer sur ordre et lrsquoobligation de parler lui est enjointe eacuteventuellement contre son greacute raquo59

On peut reconnaicirctre la mecircme strateacutegie dans un passage de Rufin drsquoAquileacutee agrave nouveau citeacute par M Beatrice60 Du fait que Rufin eacutevoquerait les eacutecrits antichreacute-tiens de Porphyre comme provenant drsquoun auteur ayant fait lrsquoapologie de lrsquoidolatrie inspireacutee par les deacutemons (ab idolis daemonum [magister]) M Beatrice conclut que cet auteur aurait identifieacute le traiteacute contre les chreacutetiens avec la Philosophie des oracles61

Ce scheacutema consistant agrave mettre Porphyre en contradiction avec lui-mecircme est reacutecurrent chez les apologegravetes chreacutetiens Plusieurs passages de Theacuteodoret citeacutes par M Beatrice en faveur de son identification sont passibles de la mecircme interpreacuteta-tion A la suite drsquoune citation de la Philosophie des oracles (=Eusegravebe Praep evang VI 5 1) lrsquoapologiste conclut selon le mecircme scheacutema inspireacute drsquoEusegravebe

laquo Puisque vous ne nous croyez pas lorsque nous vous parlons de vos oracles croyez notre pire ennemi qui est votre meilleur ami Car il est notre adversaire implacable lui qui engagea la lutte ouverte contre la religion raquo62

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 22: Contra Christianos

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63 Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 (trad P Canivet) Καὶ γὰρ Πορϕύριος ἐκεῖνος ὁ τὸν πρὸς ἡμᾶς ἐκθύμως ἀναδεξάμενος πόλεμον ἐν τοῖς laquo Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo οὕτως ἔϕη [] [43] Εἰ δὲ καὶ ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος κατηγορεῖ μὲν Ἑλλήνων ὡς πλάνῃ δεδουλευκότων 64 laquo The inevitable conclusion to be drawn is that in Theodoretrsquos eyes on the basis of the documentation he had at disposal Porphyryrsquos anti-Christian work was entitled The Philosophy from Oracles raquo (laquo Title raquo p 228) 65 laquo Each time Theodoret recalls Porphyryrsquos literary activity against the Christians he refers to it by quoting not from an alleged treatise Against the Christians but rather from The Philosophy from Oracles which is no coincidence raquo (laquo Title raquo p 227) 66 Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 (trad P Canivet) ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι Μωϋσῆς τῶν Ἰουδαίων ὁ νομοθέτης πάντων ἐστὶ τῶν ὑμετέρων ποιητῶν καὶ ξυγγραϕέων καὶ ϕιλοσόϕων πρεσβύτατος Εἰ δrsquo ἔτι καὶ νῦν ἐνδοιάζετε καὶ πλάττειν ἡμᾶς τόνδε τὸν λόγον ὑπολαμβάνετε Πορϕύριος γοῦν ὑμῖν μάρτυς ἀξιόχρεως ἔστω ὃς τῆς ἀσεβείας γενόμενος πρόμαχος κατὰ τοῦ Θεοῦ τῶν ὅλων τὴν ἀκόλαστον ἐκίνησε γλῶτταν Ἀκούσατε οὖν αὐτοῦ ταῦτα λέγοντος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυγγέγραϕεν (suit une citation du fragment 40 Harnack repris drsquoEusegravebe Praep evang I 9 20 sqq)

Toujours chez Theacuteodoret Theacuterapeutique I 42-43 Porphyre sert agrave eacutetablir gracircce agrave un passage de la Philosophie des Oracles lrsquoantiquiteacute des Heacutebreux

laquo Le fameux Porphyre qui nous a fait une guerre acharneacutee srsquoexprime ainsi dans son ouvrage Sur la Philosophie des Oracles (citation drsquoun extrait emprunteacute agrave Eusegravebe Praep evang XIV 10 4-5 = 324 F Smith) Si le pire de tous nos ennemis reproche aux Grecs drsquoavoir eacuteteacute les esclaves de lrsquoerreurhellip raquo63

Je ne puis voir qursquoun complet contresens dans la conclusion que Beatrice tire de ces trois passages

laquo La conclusion ineacutevitable qursquoil faut tirer est qursquoaux yeux de Theacuteodoret drsquoapregraves la documenta-tion dont il disposait le traiteacute antichreacutetien de Porphyre srsquointitulait La Philosophie des oracles raquo64

Le traiteacute ldquoContre les chreacutetiensrdquo chez Theacuteodoret

Selon PF Beatrice Theacuteodoret ne ferait jamais reacutefeacuterence au traiteacute antichreacutetien de Porphyre sans citer la Philosophe des oracles

laquo Chaque fois que Theacuteodoret rappelle lrsquoactiviteacute litteacuteraire de Porphyre contre les chreacutetiens il y fait reacutefeacuterence en citant non pas un hypotheacutetique traiteacute Contre les chreacutetiens mais plutocirct la Philosophie des oracles ce qui nrsquoest pas fortuit raquo65

Cette affirmation surprenante fait suite agrave un passage ougrave M Beatrice fournit trois reacutefeacuterences ougrave Theacuteodoret fait pourtant directement allusion au traiteacute Contre les chreacutetiens sans mentionner la Philosophie des Oracles Il srsquoagirait de II 43-44 VII 36 et XII 96

Ainsi Theacuteodoret Theacuterapeutique II 43-44 se borne agrave citer le fragment 40 du recueil de von Harnack

laquo Ne savez-vous pas que Moiumlse le leacutegislateur des Juifs est plus ancien que tous vos poegravetes histo-riens et philosophes Et si vous doutez encore si vous nous soupccedilonnez drsquoinventer ce que jrsquoavance eh bien agrave Porphyre de vous apporter le teacutemoignage qui vous | impressionnera lui qui agrave lrsquoavant-garde de lrsquoimpieacuteteacute a deacutechaicircneacute sa langue effreacuteneacutee contre le Dieu de lrsquoUnivers Eacutecoutez donc ce qursquoil dit dans lrsquoouvrage qursquoil composa contre nous raquo66

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 23: Contra Christianos

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67 Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 (trad P Canivet) καὶ ἐπέδειξα () τῶν μὲν ψευδονύμων θεῶν τὸν πλάνον ἐληλαμένον τοῦ δὲ ἡμετέρου Σωτῆρος τὰ δόγματα κηρυττόμενα Τοῦτο γὰρ δὴ καὶ ὁ Πορϕύριος ἐν οἷς καθrsquo ἡμῶν ξυνέγραψεν εἴρηκεν [] [97] Ταῦτα ὁ πάντων ἡμῖν ἔχθιστος Πορϕύριος εἴρηκε Comp Euseb Praep evang V 1 9 sq περὶ δὲ τοῦ μηκέτι δύνασθαί τι κατισχύειν τοὺς ϕαύλους δαίμονας μετὰ τὴν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν εἰς ἀνθρώπους πάροδον καὶ αὐτὸς ὁ καθrsquo ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος ἐν τῇ καθrsquo ἡμῶν συσκευῇ τοῦτόν που λέγων μαρτυρεῖ τὸν τρόπον 68 laquo Title raquo p 227 69 Mme Digeser art citeacute p 138 comprend laquo Porphyry represented the foreignness of our piety and he himself gave an account of sacrificing raquo Eacutetablissant sur la base de cette traduction eacutetonnante un rapprochement avec laquo lrsquoeacutetrangeteacute raquo de la religion chreacutetienne eacutevoqueacutee dans le frag-ment 1 Harnack elle en conclut que ce deacuteveloppement drsquoEusegravebe doit ecirctre rattacheacute agrave la Philosophie des Oracles ougrave eacutetaient traiteacutes deux thegravemes importants les sacrifices et les oracles Mais crsquoest en veacuteriteacute un passage du De abstinentia que srsquoapprecircte agrave citer Theacuteodoret (agrave la suite drsquoEusegravebe) et les oracles dont il sera bientocirct question ne sont pas les oracles paiumlens mais les saintes Eacutecritures 70 Theacuteodoret Theacuterapeutique VII 36 (trad P Canivet) Τούτοις ἀκριβῶς ἐντυχὼν ὁ Πορϕύριος ndash μάλα γὰρ αὐτοῖς ἐνδιέτριψε τὴν καθrsquo ἡμῶν τυρεύων γραϕήν ndash καὶ ἀλλότριον εὐσεβείας καὶ αὐτὸς ἀποϕαίνει τὸ θύειν παραπλήσιόν τι τοῖς πιθήκοις καὶ δρῶν καὶ πάσχων Καθάπερ γὰρ ἐκεῖνοι μιμοῦνται μὲν τὰ τῶν ἀνθρώπων ἐπιτηδεύματα εἰς δέ γε τὴν τῶν ἀνθρώπων οὐ μεταβάλλονται ϕύσιν ἀλλὰ μένουσι πίθηκοι οὕτως οᾥτος τὰ θεῖα λόγια κεκλοϕὼς καὶ ἐνίων τὴν διάνοιαν τοῖς ξυγγράμμασιν ἐντεθεικὼς τοῖς οἰκείοις μεταμαθεῖν οὐκ ἠθέλησε τὴν ἀλήθειαν ἀλλὰ μεμένηκε πίθηκος μᾶλλον δὲ κολοιός ἀλλοτρίοις πτίλοις καλλυνόμενος Contrairement agrave ce que semble penser Mme Digeser (art citeacute p 138 laquo Having stolen the divine oracles he put them into books for his kinsmen raquo) les laquo divins oracles raquo dans ce passage ne sont pas les oracles paiumlens mais les Saintes Eacutecritures Canivet a certainement raison de construire τοῖς οἰκείοις avec τοῖς ξυγγράμμασιν

De mecircme Theacuteodoret Theacuterapeutique XII 96-97 introduit une citation du frag-ment 80 du recueil de von Harnack sans faire reacutefeacuterence agrave nul autre traiteacute

laquo Jrsquoai montreacute comment une fois repousseacutee lrsquoerreur des faux dieux la doctrine de notre Sauveur est proclameacutee Crsquoest preacuteciseacutement ce que dit mecircme Porphyre dans ces lignes dirigeacutees contre noushellip raquo

Apregraves avoir citeacute le fragment Theacuteodoret conclut laquo Voilagrave ce qursquoa deacuteclareacute Porphyre notre pire ennemi67 raquo

En ce qui concerne Theacuterapeutique VII 36 ougrave les critiques de Porphyre contre les chreacutetiens sont opposeacutees agrave sa propre critique des sacrifices paiumlens le passage nrsquoin-troduit pas une citation du traiteacute antichreacutetien comme le suppose M Beatrice68 mais bien du De abstinentia Ce serait mal comprendre Theacuteodoret que de supposer qursquoici encore le De abstinentia serait lrsquoouvrage mecircme dans lequel Porphyre srsquoen prenait aux chreacutetiens

laquo (hellip) Porphyre qui les (scil les Prophegravetes) avait lus avec attention (il y passait beaucoup de temps alors qursquoil mucircrissait son ouvrage contre nous) deacutemontre lui aussi que le fait de sacrifier est tout autre chose que de la vraie pieacuteteacute69 Agissant agrave peu pregraves comme les singes il lui arrive la mecircme chose en effet de mecircme que les singes imitent ce que font les hommes sans prendre toutefois la nature humaine agrave la place de la leur mais tout en restant | singes de mecircme Porphyre qui a voleacute les divins oracles et qui en a introduit la penseacutee dans ses propres eacutecrits nrsquoa pas voulu changer ses ideacutees pour la veacuteriteacute mais il est resteacute singe ou plutocirct un geai pareacute des plumes drsquoautrui raquo70

Ces passages contredisent donc ouvertement lrsquoaffirmation de Beatrice selon laquelle Theacuteodoret se reacutefeacutererait toujours agrave la Philosophie des oracles lorsqursquoil eacutevoque

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71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 24: Contra Christianos

LE TRAITEacute DE PORPHYRE CONTRE LES CHREacuteTIENS 24

71 B Croke laquo Porphyryrsquos Anti-Christian Chronology raquo JThSt 34 1983 p 168-185 repris dans Christian Chronicles and Byzantine History 5th-7th Centuries coll laquo Collected Studies Series raquo CS386 Aldershot 1992 ndeg II 72 Le passage est tireacute du Fihrist drsquoIbn al-Nadim (I p 245 13-14 Fluumlgel) un bio-bibliographe arabe du ixe s de notre egravere et concerne Thalegraves Voir 194b T Smith laquo hellipPorphyry of Tyre asserted in his book the Chronicle which was in Syriac that the first of the seven philosophers was Thaleshellip raquo Smith semble citer la traduction anglaise de B Dodge (1970) mais selon T D Barnes laquo Scholarship or propaganda Porphyry Against the Christian and its historical setting raquo BICS 39 1994 p 53-65 (p 56) Dodge a eacutecrit laquo in his book History raquo et non laquo in his book the Chronicle raquo Barnes a obtenu pour sa part une nouvelle traduction faite par un arabisant qui a traduit ces mots par laquo in his book The Historyhellip raquo Dans un passage voisin (I p 253 18-19 Fluumlgel = 194a T Smith) al-Nadim deacuteclare avoir lu lrsquoHistoire philosophique de Porphyre ou du moins son quatriegraveme livre dans une version syriaque Un auteur arabe cite lrsquoHistoire philosophique agrave propos de Thalegraves Croke en a conclu que crsquoest agrave cet ouvrage que pensait al-Nadim Il est suivi notamment par Barnes (art citeacute p 55) En guise de confirmation voir Jean Malalas Chronogr II 56 (199 T Smith) τὸν δὲ Πλούταρχον τὸν Χερονήσιον Πορϕύριος ἐν τῇ ϕιλοσόϕῳ αὐτοῦ χρονογραϕίᾳ ἐδόξασε Cette deacutemonstration supprime donc la seule attestation du titre A vrai dire Smith a rattacheacute ce passage drsquoal-Nadim agrave lrsquoHistoire philosophique mais il a maintenu parmi les œuvres de Porphyre un ouvrage qursquoil intitule Chronica

la critique porphyrienne du christianisme Parfois il ne semble penser qursquoagrave un traiteacute explicitement dirigeacute contre les chreacutetiens parfois il le met en rapport avec la Philosophie des oracles et dans un cas au moins il pense au De abstinentia

Je pense donc que dans les passages ougrave Theacuteodoret eacutetablit un lien entre la critique du christianisme et la Philosophie des oracles il le fait pour valoriser drsquoun point de vue poleacutemique le teacutemoignage fourni par cet ouvrage et non pour identi-fier le traiteacute Contre les chreacutetiens et la Philosophie des oracles

Extension des fragments du ldquoContra christianosrdquo

Lrsquoeacutetape suivante dans la construction de Beatrice est une tentative pour eacutetendre la masse des fragments de la Philosophie des oracles qui serait donc lrsquoouvrage veacuteri-table parfois deacutesigneacute comme le traiteacute que Porphyre avait eacutecrit contre les chreacutetiens A la cinquantaine de fragments deacutejagrave connus de la Philosophie des oracles et aux frag-ments nominaux de lrsquoouvrage qursquoon appelait Contre les chreacutetiens il faudrait ajouter les fragments de plusieurs autres traiteacutes de Porphyre

Je ne mrsquoattarderai pas sur les fragments de la Chronique Il srsquoagit de listes de souverains de lrsquoeacutepoque helleacutenistique qui ont eacuteteacute reprises par | Eusegravebe dans sa propre Chronique Ces passages ne sont conserveacutes que dans la version armeacutenienne Le rattachement proposeacute par Beatrice agrave la Philosophie des oracles srsquoappuie sur les conclusions de Brian Croke71 qui a remis en cause lrsquoexistence drsquoune Chronique de Porphyre La seule attestation du titre de la Chronique de Porphyre reposerait sur un contresens et le seul passage arabe en faisant mention concernerait lrsquoHistoire philosophique de cet auteur72 Quant aux fragments conserveacutes par Eusegravebe ils pour-raient ecirctre rapporteacutes agrave la critique porphyrienne du livre de Daniel telle qursquoelle

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 25: Contra Christianos

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en srsquoappuyant sur une citation drsquoAbul al-Faraj Bar Hebraeus laquo Porphyry the chronicler says that Homer the poet and Hesiod both lived at this time raquo (255 T) 73 Dans la preacuteface armeacutenienne de la Chronique drsquoEusegravebe p 125 Karst laquo Roumlmerkoumlnige welche von Romilos welche von Augostos und bis auf uns Der Roumlmer Hypaten von Julios Kaisr bis auf uns raquo FGrHist 260 T 2 laquo Die Roumlmer Zeiten ndash Nachdem zusammengetragen ist das saumlmtliche Eroumlrterte aus den Denkmaumllern die hier der Reihe nach verzeichnet sind ndash aus dem Polyhistor Alexandros (hellip) ndash aus Porphyrios unserem zeitgenoumlssischen Philosophen von der Einahme Ilions bis zur Regierung des Klaudioshellip raquo 74 laquo Athanase raquo p 159-177 75 laquo Athanase raquo p 175

eacutetait deacuteveloppeacutee dans le livre XII etou XIII du Contra Christianos Drsquoautres passages se rapporteraient agrave lrsquoHistoire philosophique Les listes des souverains helleacute-nistiques auraient donc eacuteteacute emprunteacutees par Eusegravebe non pas agrave une Chronique mais au traiteacute Contre les chreacutetiens ougrave elles servaient agrave une critique de lrsquoauthenti-citeacute du livre de Daniel Cette explication est plausible mais il reste un certain nombre de teacutemoignages qui meacuteriteraient drsquoecirctre pris en compte notamment le fait qursquoEusegravebe73 attribue agrave Porphyre des informations chronographiques srsquoeacutetendant de la Chute de Troie au regravegne de Claude II le Gothique en 270 apregraves J-C ce qui deacutepasse largement la perspective drsquoune critique du livre de Daniel Drsquoautre part les listes des souverains helleacutenistiques ne semblent nulle part mettre en relief les noms les dates ou les faits qui pourraient concerner | la datation de Daniel Enfin il existe un passage drsquoEunape de Sardes (Vies des sophistes III 1 1) jamais pris en compte et il est vrai parfois corrigeacute dans lequel Eunape preacutetend que Porphyre laquo a conjectureacute raquo les temps jusqursquoau regravegne de Claude et des empereurs qui ont suivi Je preacutefegravere donc reacuteserver mon jugement sur ce problegraveme qui nrsquoa qursquoune incidence secondaire sur lrsquointerpreacutetation du traiteacute Contre les chreacutetiens

Le traiteacute ldquoSur les statuesrdquo et le ldquoDe philosophia ex oraculisrdquo

PF Beatrice a proceacutedeacute agrave une nouvelle identification dans un autre article inti-tuleacute laquo La croix et les idoles drsquoapregraves lrsquoApologie drsquoAthanase Contre les Paiumlens raquo74

Apregraves avoir suggeacutereacute une connaissance par Athanase des fr 1 et 3 du Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre Beatrice eacutecrit laquo Mais il est permis de douter que cette œuvre ait jamais existeacute sous ce titre puisque Eusegravebe deacuteclare avoir extrait ces frag-ments sur les statues des dieux drsquoune œuvre porphyrienne intituleacutee Philosophie des oracles raquo75 En note il renvoie agrave Eusegravebe Praep evang III 13 3 et III 14 4

La mecircme affirmation est renouveleacutee dans lrsquoarticle sur les libri Platonicorum Apregraves avoir rattacheacute les deacuteveloppements sur lrsquoidolacirctrie eacutegyptienne non pas au De abstinentia dont une traduction latine nrsquoest pas attesteacutee mais au Περὶ ἀγαλμάτων de Porphyre (p 253) Beatrice eacutecrit laquo Cependant Eusegravebe de Ceacutesareacutee qui dans le livre III de sa Preacuteparation eacutevangeacutelique inclut les fragments porphyriens en question

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 26: Contra Christianos

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76 laquo However Eusebius of Caesarea who in Book III of the Praeparatio evangelica includes the Porphyrian fragments in question says that he has drawn them from a work entitled Philosophy from the Oracles raquo (laquo Platonic readings raquo p 254) 77 laquo All this escaped Bidezrsquo attention He has found the title Περὶ ἀγαλμάτων in Stobaeus (hellip) without taking into account Eusebiusrsquo precise information Yet Stobaeusrsquo intention was probably to indicate the contents of Porphyryrsquos work or of one of its sections raquo (laquo Platonic readings raquo p 254 n 60 [p 273]) 78 laquo Arnobe raquo p 114 En fait les deux oracles eacutevoqueacutes par Arnobe ne sont pas rattacheacutes agrave Porphyre Crsquoest par le biais du mot bebegravelos que ce rapprochement gratuit a eacuteteacute opeacutereacute

dit qursquoil les a emprunteacutes agrave un ouvrage intituleacute Philosophie des oracles raquo76 La note 60 donne agrave nouveau comme reacutefeacuterence III 13 3 et III 14 4

laquo Tout ceci a eacutechappeacute agrave lrsquoattention de Bidez Il a trouveacute le titre Περὶ ἀγαλμάτων chez Stobeacutee (hellip) sans prendre en compte lrsquoinformation preacutecise fournie par Eusegravebe Pourtant lrsquointention de Stobeacutee eacutetait probablement drsquoindiquer le contenu de lrsquoouvrage de Porphyre ou drsquoune de ses sections raquo77

Mecircme argumentation dans lrsquoarticle sur Arnobe laquo Toutefois ces fragments contrairement agrave ce que croyait lrsquoeacutediteur Bidez nrsquoappartiennent pas agrave

une œuvre intituleacutee Περὶ ἀγαλμάτων mais exactement comme lrsquoaffirme Eusegravebe de Ceacutesareacutee ils sont extraits drsquoune œuvre qui a pour titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας Ce serait donc celle-ci lrsquoœuvre de Porphyre contenant les oracles qui accusent les chreacutetiens drsquoimpieacuteteacute et qui forme lrsquoobjet de la reacutefutation drsquoArnobe raquo78

En veacuteriteacute en III 13 3 Eusegravebe ne fournit aucune reacutefeacuterence preacutecise et en III 14 4 la reacutefeacuterence concerne drsquoautres extraits concernant les oracles et non pas les statues

Dans le livre III Eusegravebe cite au moins quatre ouvrages de Porphyre ndash Lettre agrave lrsquoEacutegyptien Aneacutebon (12 Sodano cf Jambl De myst VIII 4) = III 4

1-2 ndash De abstinentia IV 9 = III 4 6-12 et 13-14 ndash Un traiteacute non identifieacute (Περὶ ἀγαλμάτων) dont il cite plusieurs extraits III

6 779 ndash Philosophie des oracles = III 14 4 et sqq laquo Porphyre lrsquoeacutecrit eacutegalement dans son

traiteacute intituleacute De la philosophie tireacutee des oracles ougrave il cite les oracles reacutedigeacutes agrave peu pregraves ainsihellip raquo

Contrairement agrave son habitude Eusegravebe ne donne pas de reacutefeacuterence preacutecise pour les extraits du Περὶ ἀγαλμάτων qursquoil interrompt drsquoailleurs par des extraits emprunteacutes agrave drsquoautres auteurs Mecircme en III 13 3 ougrave Eusegravebe rattache les citations qursquoil fait agrave son deacutesir de faire connaicirctre laquo les secrets de la theacuteologie tant helleacute-nique qursquoeacutegyptienne raquo on a peine agrave deviner un titre preacutecis mais en III 11 45 on voit qursquoen cet endroit on passait drsquoun chapitre sur la theacuteologie grecque agrave un autre chapitre sur la theacuteologie eacutegyptienne laquo Voilagrave pour le symbolisme grec celui des Eacutegyptiens maintenant voici comme il le preacutesentehellip raquo Καὶ τὰ μὲν Ἑλληνικὰ

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 27: Contra Christianos

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79 laquo Entends donc leur physiologie agrave eux aussi avec quelle gloriole Porphyre la porte aux nues raquo (trad des Places) (ἄκουε δrsquo οὖν καὶ τῆς τούτων ϕυσιολογίας μεθrsquo οἵας ἐξενήνεκται τῷ Πορϕυρίῳ ἀλαζονείας) fr 1 = III 7 1 (=Prooemium) fr 2 = III 7 2-4 fr 3 = III 9 1-5 fr 4 = III 11 1 fr 5 = III 11 5 fr 6 = III 11 7 fr 7 = III 11 9-16 fr 8 = III 11 22-44 fr 10 = III 11 45 ndash 13 2 (Conclusion en III 13 3 Ταῦτά μοι ἐκ τῆς τοῦ προειρημένου ἀνδρὸς γραϕῆς ἐπιτετμήσθω ὡς ἂν μηδὲν ἡμᾶς λάθοι τῶν ἀπορρήτων τῆς Ἑλληνικῆς ὁμοῦ καὶ Αἰγυπτιακῆς θεολογίας) laquo Voilagrave ce que jrsquoai extrait de lrsquoeacutecrit de lrsquoauteur preacuteciteacute pour que rien ne nous eacutechappacirct des secrets de la theacuteologie grecque ni de lrsquoeacutegyptienne envers elles nous nous confessons apostats et transfuges nous qui les avons rejeteacutees par un jugement et un raisonnement senseacutes Car je ne mrsquoextasierai pas devant la vantardise de cette deacuteclaration ldquoJe parlerai pour les ayant-droit fermez vos portes profanesrdquo (Orph fr 247 1 Kern) raquo En tout cela rien nrsquoest attribueacute agrave la Philosophie des oracles 80 Wolff op cit p 32 srsquoest demandeacute si le titre veacuteritable nrsquoaurait pas eacuteteacute Περὶ τῆς ἐξ ἀγαλμάτων ϕυσιολογίας 81 laquo All the material and quotations Augustine took from Porphyry starting from his De consensu evangelistarum came from Porphyryrsquos only work which he knew with its own original Greek title ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo (laquo Title raquo p 225)

| τοιαῦτα τὰ δὲ τῶν Αἰγυπτίων πάλιν τοιαῦτά ϕησιν ἔχειν σύμβολα (trad Eacuted des Places)

Malgreacute les reacutefeacuterences reacutepeacuteteacutees dans ces trois articles je crois donc que lrsquoargu-mentation de M Beatrice repose ici sur des bases fort contestables En III 13 3 on nrsquoa aucune reacutefeacuterence preacutecise sinon agrave un eacutecrit consacreacute par Porphyre agrave la theacuteologie grecque et eacutegyptienne et en tout cas aucune allusion agrave la Philosophie des Oracles En III 14 4 la reacutefeacuterence agrave la Philosophie des Oracles est reacuteelle mais elle concerne lrsquoextrait qui suit et nrsquoest donc pas mise en rapport avec le traiteacute utiliseacute dans les chapi-tres preacuteceacutedents On aborde une nouvelle section (III 14 1) ougrave Eusegravebe va montrer comment les oracles deacutenoncent la supercherie de la religion paiumlenne Dans tout ce deacutebut du livre III les citations qursquoEusegravebe emprunte agrave Porphyre ne sont drsquoailleurs pas dirigeacutees contre les chreacutetiens et avant la reacutefeacuterence explicite agrave la Philosophie des oracles on ne parlait aucunement de ce sujet Il faut donc conserver aux fragments traditionnellement attribueacutes au Περὶ ἀγαλμάτων leur autonomie Quant au titre Περὶ ἀγαλμάτων il nrsquoest pas attesteacute par Eusegravebe mais il nrsquoest pas gratuit puisqursquoon retrouve sous ce titre chez Stobeacutee I 25 2 le passage citeacute par Eusegravebe en III 9 380 Voir aussi I 1 25

Identification des ldquoPlatonicorum librirdquo

Un autre ensemble important de fragments drsquoune future eacutedition de la Philosophie des oracles serait selon M Beatrice tous les passages porphyriens connus par Augustin

laquo Tout le mateacuteriel et les citations qursquoAugustin a tireacutes de Porphyre depuis son De consensu evan-gelistarum provenaient du seul ouvrage de Porphyre dont il connaissait le titre grec original ἐκ λογίων ϕιλοσοϕίας raquo81

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 28: Contra Christianos

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82 laquo Platonic readings raquo p 248-281 83 laquo Platonic readings raquo p 255 laquo In this way it is possible to see the substantial correctness of OrsquoMeararsquos hypothesis according to which the libri de regressu animae | from which Augustine says he very often drew quotations should be identified with the Philosophy from Oracles or a part of it and therefore they would not be an independent work with this title raquo Crsquoest cependant agrave tort que le mecircme auteur agrave propos de lrsquoidentification des libri Platonicorum precircte agrave OrsquoMeara lrsquoideacutee qursquoAugustin nrsquoaurait lu de Porphyre que la Philosophie des oracles (p 249) En veacuteriteacute OrsquoMeara nrsquoeacutetend pas son hypothegravese agrave un traiteacute comme la Lettre agrave Aneacutebon eacutegalement citeacutee par Augustin

La thegravese est deacuteveloppeacutee dans le long article publieacute en 198982 qui reprend une probleacutematique qui agite les eacutetudes augustiniennes depuis longtemps

Sans reprendre sur nouveaux frais lrsquoargumentation de JJ OrsquoMeara M Beatrice integravegre dans son projet de reconstitution de la Philosophie des oracles les extraits du De regressu animae utiliseacutes par Augustin dans le livre X | de la Citeacute de Dieu83 On ne saurait pourtant tenir pour deacutemontreacutee cette thegravese qui a susciteacute lors de sa parution les critiques des meilleurs speacutecialistes de Porphyre et drsquoAugustin84 Les analyses de JJ OrsquoMeara ont montreacute agrave juste titre qursquoil ne fallait pas reacuteduire la Philosophie des oracles agrave une apologie de la magie et que Porphyre pouvait opposer le culte spirituel rendu au Dieu suprecircme ou aux dieux ceacutelestes et le culte des deacutemons (Citeacute de Dieu XIX 23 4 = 346 F Smith) Mais agrave lire lrsquoensemble des fragments qui traitent de la pieacuteteacute et du culte des dieux de la confection des statues cultuelles de la hieacuterarchie des ecirctres surnaturels agrave deacuteduire des sacrifices de lrsquoexplication des oracles erroneacutes du lien entre lrsquoastrologie et la mantique de la contrainte exerceacutee par les dieux dans les consultations divinatoires etc on a peine agrave deacuteceler la moindre critique ou la moindre reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des repreacutesentations les plus populaires de la religion Or dans le De regressu animae Porphyre tout en conceacutedant que le commun des mortels pouvait trouver une purification de lrsquoacircme infeacuterieure dans les teacutelegravetes de la theacuteurgie ne voyait que dans la contemplation philosophique la possibiliteacute de purifier lrsquoacircme intellectuelle et de retourner au Pegravere Si lrsquoon ne se laisse pas abuser par les constructions apologeacutetiques drsquoAugustin qui associe dans un mecircme passage des positions philosophiques soutenues par Porphyre en divers de ses traiteacutes on ne peut que constater entre les deux traiteacutes une profonde diffeacuterence de point de vue Mecircme la comparaison proposeacutee par OrsquoMeara entre le deacuteveloppement de laquo la fin du premier livre raquo du De regressu animae (Citeacute de Dieu X 32 = 302 F Smith) sur la voie universelle de libeacuteration de lrsquoacircme inaccessible agrave la philosophie la plus vraie tout autant qursquoaux sagesses indienne ou chaldeacuteenne avec un deacuteveloppement de la Philosophie des oracles (Praep evang IX 10 1-2 IX 10 3-5XIV 10 5 = 323-324 Smith) sur les voies vers les Bienheureux meacuteconnues par les Hellegravenes mais deacutecou-vertes par les Eacutegyptiens les Pheacuteniciens les Assyriens les Lydiens et les Heacutebreux neacuteglige une diffeacuterence manifeste dans la position adopteacutee par Porphyre agrave lrsquoeacutegard de cet ensemble de peuples par ailleurs diffeacuterents dans les deux documents

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 29: Contra Christianos

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84 P Hadot laquo Citations de Porphyre chez Augustin (A propos drsquoun ouvrage reacutecent) raquo REA 6 1960 p 205-244 suivi drsquoune reacuteponse de JJ OrsquoMeara p 245-247 G Madec laquo Chronique Porphyrienne raquo REAug 15 1969 p 175 H Doumlrrie Gnomon 1960 p 320-326 85 laquo The Plotinian citations surely numerous and important all seem to be conveyed through other works precisely the libri platonicorum in which they were set like precious fragments of the Greek wisdom in substantial agreement with the Christian faith raquo (laquo Platonic readings raquo p 252) 86 laquo The information ([Civ Dei XIX 23 ] conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) is important since it allows us to understand that in this work Porphyry dealt with philosophical subjects mixing them with oracular texts raquo (laquo Platonic readings raquo p 254)

Une autre diffeacuterence importante entre les deux traiteacutes reacuteside dans lrsquoutilisa-tion des Oracles Chaldaiumlques Augustin tire de la mention des Chaldeacuteens dans un passage du De regressu un aveu de Porphyre laquo il nrsquoa pu cacher qursquoil a emprunteacute aux Chaldeacuteens ces oracles divins qursquoil cite agrave tout instant raquo (X 32 1 = 302 a F Smith) En revanche la preacutesence de tels oracles dans la Philosophie des oracles a eacuteteacute soutenue sans avoir eacuteteacute deacutemontreacutee Nous y reviendrons plus loin agrave propos drsquoun autre essai drsquoidentification

Enfin le genre litteacuteraire des deux traiteacutes semble fort diffeacuterent La totaliteacute des fragments de la Philosophie des oracles se preacutesente comme lrsquointroduction la citation et le commentaire drsquoun tregraves grand nombre drsquooracles alors que le De regressu donne plutocirct lrsquoimpression de deacuteveloppements theacuteoriques continus

Par conseacutequent en srsquoappuyant sur la thegravese drsquoOrsquoMeara la propre thegravese de M Beatrice sur les libri Platonicorum srsquoeacutedifie sur des fondements fragiles

Autres textes platoniciens ou plotiniens

Mais la Philosophie des oracles comprenait selon lui encore bien drsquoautres choses Apregraves avoir compileacute (p 251) une dizaine drsquoemprunts drsquoAugustin agrave Plotin Beatrice affirme sans donner drsquoexplication

laquo Les citations de Plotin qui sont certes nombreuses et importantes semblent toutes avoir eacuteteacute transmises par drsquoautres ouvrages plus preacuteciseacutement les libri platonicorum dans lesquels elles eacutetaient incorporeacutees comme des fragments preacutecieux de la sagesse grecque en accord substantiel avec la foi chreacutetienne raquo85

PF Beatrice laisse entendre que ces ouvrages intermeacutediaires soulignaient deacutejagrave les rapprochements de la philosophie neacuteoplatonicienne avec le christianisme hypothegravese eacutetonnante dans la mesure ougrave tous ces livres seront ensuite reacuteduits agrave la Philosophie des Oracles consideacutereacutee comme un eacutecrit antichreacutetien

PF Beatrice appuie son identification sur une caracteacuterisation originale du traiteacute Sur la philosophie des oracles

laquo Lrsquoinformation (Citeacute de Dieu XIX 23 conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsahellip) est importante dans la mesure ougrave elle nous permet de comprendre que dans cet ouvrage Porphyre | traitait de sujets philosophiques en les meacutelangeant avec des textes oraculaires raquo86

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 30: Contra Christianos

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87 laquo The wealth of philosophical materials in this work makes it plausible to think that through it Augustine came in contact with wide fragments of Greek philosophical works espe-cially by Plato ndash apart from what he already knew from other Latin translation ndash and Plotinus raquo (laquo Platonic readings raquo p 255) 88 Relevons toutefois une allusion inattendue aux vues drsquoun certain Pythagore de Rhodes (RE 11) sur des questions fort proches des thegravemes abordeacutes par les oracles citeacutes

Beatrice tire donc du fait que la Philosophie des oracles contenait des deacutevelop-pements philosophiques obtenus gracircce agrave lrsquointerpreacutetation de certains oracles la conclusion que ce traiteacute contenait drsquoune part des oracles et drsquoautre part des deacuteveloppements philosophiques Il en conclut (p 255) que tous les passages de Porphyre qui concernent les oracles sont neacutecessairement tireacutes de cet ouvrage et que nrsquoimporte quel deacuteveloppement philosophique par exemple des extraits de Platon ou de Plotin peut avoir eacuteteacute connu par Augustin gracircce agrave ce mecircme traiteacute

laquo La richesse des mateacuteriaux philosophiques dans cet ouvrage permet de penser de faccedilon vrai-semblable que gracircce agrave lui Augustin entra en contact avec de larges fragments de traiteacutes philosophi-ques grecs notamment ceux de Platon ndash en plus de ce qursquoil connaissait par le biais drsquoautres traduc-tions latines ndash et de Plotin raquo87

Cette caracteacuterisation de la Philosophie des oracles est pour le moins expeacuteditive et ne reacutesiste pas agrave la lecture de la cinquantaine de fragments authentiques de lrsquoouvrage Dans tous les cas il srsquoagit bien drsquooracles commenteacutes dont on tire des doctrines philosophiques et non drsquoun assortiment drsquooracles et de deacuteveloppements philosophiques Dans aucun des fragments on ne rencontre des deacuteveloppements philosophiques indeacutependants des oracles Dans aucun de ces passages on ne retrouve la moindre citation drsquoauteurs comme Platon ou Plotin88

Quant au rattachement systeacutematique des oracles agrave ce traiteacute il est eacutegalement imprudent Porphyre cite deux oracles drsquoApollon dans la Vie de Plotin (chap 22) plusieurs dans le De abstinentia (II 9 15 16 17 29 59) ou dans ses scholies sur lrsquoIliade XIII 1 et il avait par ailleurs consacreacute un commentaire aux oracles chaldaiuml-ques qursquoil serait imprudent drsquoidentifier agrave la Philosophie des oracles ne serait-ce que parce que ces derniers srsquointeacuteressent agrave des oracles de toute provenance (sanctuaires officiels ou consultations priveacutees) et qursquoon a mecircme soutenu ainsi que nous le verrons | plus loin qursquoil ne srsquoy trouvait pas drsquooracles chaldaiumlques Beatrice rattache agrave cet ouvrage le De regressu animae agrave la suite drsquoOrsquoMeara le Περὶ ἀγαλμάτων et la Lettre agrave Aneacutebon (Citeacute de Dieu X 11) Mais Porphyre y aurait eacutegalement citeacute Platon Plotin et la version grecque de lrsquoAscleacutepius89

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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
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89 laquo Platonic readings raquo p 256 Agrave souligner les formules initiales vagues et prudentes somehow in some wayhellip laquo With all the due caution in such intricate questions it seems to us that it is not excessively imprudent to afffirm thathellip raquo (p 257) Et quelques lignes plus bas laquo We can therefore conclude that Porphyry was the real ldquomediatorrdquo or ldquoconveyorrdquo of Neoplatonic philosophy from Plotinus to Augustinehellip raquo laquo Yet if it is true as we believe to have proved raquo (p 262) 90 Art citeacute (n 84) p 240-241 91 laquo Apparently Theodoret on purpose wished to stress the identity of the only work of Porphyryrsquos he was quoting from in order to criticize those writers who like Eusebius had pointed out the existence of profound contradictions with regard to animal sacrifices between The Philosophy from Oracles and the treatise On Abstinence raquo (laquo Title raquo p 228) 92 laquo In conclusion Theodoret probably dit not commit any involuntary mistake due to haste or inaccuracy he rather wanted to assert that those passages that had been attributed by Eusebius

Le reste de lrsquoarticle essaie de montrer que cet ouvrage identifiable par ailleurs au traiteacute Contre les chreacutetiens a pu servir paradoxalement agrave la conversion drsquoAugustin Comme le disait Pierre Hadot90 laquo Mecircme apregraves les apports | et deacutecouvertes de M OrsquoMeara il est difficile de concevoir psychologiquement comment ce catalogue drsquooracles et de recettes sacrificielles a pu incendier agrave ce point lrsquoacircme drsquoAugustin raquo

En conclusion il faut consideacuterer qursquoaucun argument seacuterieux ne justifie les identifications envisageacutees

Autres identifications erroneacutees

Drsquoautres identifications proposeacutees par M Beatrice reposent sur le teacutemoi-gnage de la Theacuterapeutique des maladies helleacuteniques de Theacuteodoret de Cyr Il arrive en effet agrave Theacuteodoret de citer des passages de Porphyre deacutejagrave utiliseacutes par Eusegravebe de Ceacutesareacutee en les attribuant agrave drsquoautres traiteacutes du mecircme auteur Il y a ici agrave nouveau un problegraveme meacutethodologique deacutelicat M Beatrice nrsquoignore pas que ces divergences entre Eusegravebe et Theacuteodoret ont eacuteteacute geacuteneacuteralement tenues pour de simples beacutevues de Theacuteodoret Il croit cependant que le creacutedit de Theacuteodoret est plus grand qursquoon le croit et que dans ces passages lrsquoapologegravete a voulu corriger les reacutefeacuterences erroneacutees drsquoEusegravebe Beatrice parle agrave ce propos drsquolaquo attributions eacutetonnantes plutocirct eacutetranges et inexplicables agrave premiegravere vue raquo (laquo Amazing attributions rather strange and inexpli-cable at first sight raquo) Il conclut

laquo Apparemment Theacuteodoret entendait insister deacutelibeacutereacutement sur lrsquoidentiteacute de lrsquounique ouvrage qursquoil citait de Porphyre afin de critiquer les auteurs qui comme Eusegravebe avaient signaleacute lrsquoexistence de contradictions profondes en ce qui concerne les sacrifices animaux entre la Philosophie tireacutee des oracles et le traiteacute Sur lrsquoabstinence raquo91

A propos drsquoune identification possible de ces deux ouvrages il continue laquo Pour conclure Theacuteodoret nrsquoa probablement commis aucune erreur involontaire par hacircte ou

manque drsquoexactitude il voulait plutocirct affirmer que ces passages qui avaient eacuteteacute attribueacutes par Eusegravebe agrave lrsquoessai Sur lrsquoabstinence appartenaient agrave la Philosophie tireacutee des oracles Pour ma part je suis enclin agrave penser que Theacuteodoret meacuterite davantage de creacutedit qursquoon ne lui en reconnaicirct habituellement raquo92

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 32: Contra Christianos

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to the essay On Abstinence actually belonged to The Philosophy from Oracles Personnaly I am inclined to think that Theodoret deserves more credit that what is usually given himhellip raquo (laquo Title raquo p 228-229) 93 P Canivet Histoire drsquoune entreprise apologeacutetique au ve siegravecle Paris [sd] 94 Ibid p 264 95 Ibid p 265

Une telle interpreacutetation est fort probleacutematique Ainsi donc Theacuteodoret et lui seul aurait su qursquoun passage du De abstinentia par ailleurs conserveacute en tradition directe et par voie de conseacutequence lrsquoensemble de ce traiteacute demandait agrave ecirctre iden-tifieacute agrave la Philosophie des oracles et devrait donc ecirctre consideacutereacute comme une composante drsquoun vaste eacutecrit antichreacutetien Or on ne trouve pas dans le texte de Theacuteodoret le moindre signe drsquoune volonteacute de corriger Eusegravebe Et ougrave Theacuteodoret aurait-il puiseacute une telle information qursquoil nrsquoest possible de corroborer par aucune autre source paiumlenne ou chreacutetienne

Les recherches minutieuses de P Canivet93 ne laissent pas beaucoup de vrai-semblance agrave une telle interpreacutetation Bien qursquoil ne reconnaisse nulle part ses emprunts Theacuteodoret dans ces passages ne fait guegravere que restructurer les docu-ments deacutejagrave exploiteacutes par Eusegravebe en commettant ici et lagrave des erreurs de reacutefeacuterences qui ne se limitent pas agrave Porphyre

Il faut rappeler ici la conclusion agrave laquelle eacutetait parvenue P Canivet agrave propos de Porphyre

laquo Nous savons que (Theacuteodoret) nrsquoa consulteacute que son Histoire des Philosophes et sa Vie de Pythagore puisqursquoEusegravebe nrsquoen possegravede aucun extrait Quant au reste documentation historique et religieuse ou citations litteacuterales portant lrsquoeacutetiquette de Porphyre tout vient drsquoEusegravebe raquo94

En veacuteriteacute le fait que Theacuteodoret de Cyr cite des extraits du De abstinentia comme des passages de la Lettre agrave Aneacutebon ou de la Philosophie des oracles (Theacuterapeutique III 59-60) pourrait avoir un certain poids si ces extraits | nrsquoeacutetaient pas directement emprunteacutes agrave la Preacuteparation eacutevangeacutelique drsquoEusegravebe (III 4 10-11 IV 22 1-12) ougrave ils sont bien attribueacutes au De abstinentia mais immeacutediatement preacuteceacutedeacutes drsquoun extrait de la Lettre agrave Aneacutebon ou suivis drsquoextraits du De philosophia que cite drsquoailleurs eacutegale-ment Theacuteodoret dans la fouleacutee Le contexte a pu facilement induire Theacuteodoret en erreur Chose certaine il nrsquoapporte pas ici un teacutemoignage indeacutependant Crsquoest lagrave une erreur de Theacuteodoret connue depuis longtemps95

On peut eacutetablir gracircce agrave un tableau ce genre drsquoerreur de Theacuteodoret Theacuteodoret Eusegravebe Praep evang

III 58 Porphyre Lettre agrave Aneacutebon en fait De abstin IV 9

III 3 21 annonce Lettre agrave Aneacutebon citeacute en III 4 1-2

III 4 5 annonce De abstinentia

IV 9 citeacute en III 4 6-12

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96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 33: Contra Christianos

LE TRAITEacute DE PORPHYRE CONTRE LES CHREacuteTIENS 33

96 Comme le suppose Beatrice laquo Title raquo p 228

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangIII 60 Porphyre De philosophia ex oraculis en fait De abstin II 41-42

IV 21 6 annonce De abstinentia

II 38-39 citeacute en IV 22 1-4 II 40-41 citeacute en IV 22 5-9 41-42 citeacute en IV 22 10-12

IV 22 15 annonce De philosophia ex oraculis citeacute en IV 23 1 sqq

III 62 Porphyre dans le mecircme ouvrage (donc De philosophia) Deux extraits du De philoso-phia citeacutes en III 63-64

IV 23 1-5 citation du De philosophia

IV 23 6 (ibid)

Le mecircme pheacutenomegravene srsquoobserve en X 14-17 ougrave un fragment du De abstinentia est agrave nouveau introduit entre deux citations du De philosophia comme provenant du mecircme ouvrage

Theacuteodoret Eusegravebe Praep evangX 11 Citation du De philosophia VI 5 1 Citation du De philosophia

X 14 laquo dans le mecircme ouvrage (donc De philo-sophia) et non dans un autre raquo ne pas prendre pour des dieux ceux qui se plaisent aux sacri-fices drsquoanimaux En fait reacutesume De abstinentia II 34

IV 10 1-2 annonce De abstinentia II 34 citeacute en IV 11 1 laquo il ne faut pas consideacuterer comme des dieux ceux qui aiment les sacrifices drsquoecirctres vivants raquo

X 15 reacutesume Porphyre citant Theacuteophraste (toujours dans le mecircme ouvrage en fait De abstinentia II 34-36)

IV 10 2-4 De abstinentia (Theacuteophraste)

X 16 Ensuitehellip De abstinentia II 43 IV 18 De abstinentia II 43

De telles confusions ndash qui prouveraient selon Beatrice que ces diffeacuterents traiteacutes eacutetaient connus comme identiques ndash se rencontrent ailleurs chez Theacuteodoret agrave propos de citations de Plutarque eacutegalement emprunteacutees agrave Eusegravebe (Theacuteodoret III 56-57 ougrave un extrait du De Iside et Osiride 25 est preacutesenteacute comme tireacute du De Defectu oraculorum voir Praep evang V 5 1) Aucun de ces arguments nrsquoa de valeur lorsqursquoon tient compte de la meacutethode de travail de Theacuteodoret Et pour supposer que Theacuteodoret entendait corriger tacitement les reacutefeacuterences erroneacutees qursquoaurait fournies Eusegravebe96 il faudrait pouvoir eacutetablir qursquoil disposait sur ce point drsquoune information indeacutependante drsquoEusegravebe ce que la comparaison du texte mecircme des citations interdit de supposer Il y a des variantes mais ce sont celles qursquoon rencontre partout dans la tradition manuscrite et dans certains cas le texte a eacuteteacute corrigeacute par les copistes

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 34: Contra Christianos

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97 laquo Towards a new edition raquo p 354 laquo Title raquo p 231 98 Jean Chrysostome Hom Joh 66 (PG 59 370 = 235 T Smith) Ἂν γὰρ ἀρξώμεθα τὰ ἐκείνων προτιθέναι δόγματα καὶ τί μὲν περὶ Θεοῦ τί δὲ περὶ ὕλης τί δὲ περὶ ψυχῆς τί δὲ περὶ σωμάτων εἶπον πολὺς ἕψεται γέλως Καὶ οὐδὲ τῆς παρrsquo ἡμῶν κατηγορίας δεήσονται αὐτοὶ γὰρ ἀλλήλους ἔβαλον Ο γοῦν καθrsquo ἡμῶν γράψας τὸν περὶ τῆς ὕλης λόγον ἑαυτὸν ἀνεῖλε 99 AB Hulen Porphyryrsquos work Against the Christians An interpretation coll YSR Scottdale 1933 p 28 100 Voir ME Colonna (eacutedit) Enea di Gaza Teofrasto Napoli 1958 p 45 (368 F Smith) 101 Lewy op cit p 117 n 198 rappelle que selon les Oracles Chaldaiumlques la matiegravere est laquo issue du Pegravere raquo Le passage de Lydus est citeacute par des Places dans lrsquoapparat des testimonia ougrave il est mis en rapport avec lrsquoexpression laquo lumiegravere issue du Pegravere raquo 102 Οὐ γὰρ ἀγέννητος οὐδὲ ἄναρχος ἡ ὕλη τοῦτό σε καὶ Χαλδαῖοι διδάσκουσι καὶ ὁ Πορϕύριος ἐπιγράϕει δὲ καθόλου τὸ βιβλίον ὃ εἰς μέσον προάγει laquo τῶν Χαλδαίων τὰ λόγια raquo ἐν οἷς γεγονέναι τὴν ὕλην ἰσχυρίζεται καί τὸ Πλωτίνου διανοίγων βιβλίον laquo Ὅθεν τὰ κακά raquo ϕησί που λέγων μὴ ἀγέννητον δὴ εἶναι τὴν ὕλην καὶ τὸ ἐν ἀρχαῖς τιθέναι ὡς ἄθεον δόγμα παραιτητέον Voici la traduction donneacutee par Colonna (p 98) laquo Non dunque senza origine neacute principio egrave la materia questo ti insegnano anche i Chaldei e Porfirio dagrave un titolo generico al libro che egli pubblica ldquoGli oracoli dei Caldeirdquo in base ai quali sostiene che la materia egrave stata creata e interpretando il libro di Plotino ldquoDonde il malerdquo afferma dicendo non so dove che la materia egrave stata creata e che egrave da respingere come pensiero sacrilego il solo porla tra i principi raquo

ldquoSur la matiegravererdquo

Une derniegravere identification entre des traiteacutes de Porphyre a eacuteteacute proposeacutee par PF Beatrice97 Il fait appel agrave un passage de Jean Chrysostome qui fait mention drsquoun traiteacute intituleacute Sur la matiegravere eacutecrit par un philosophe grec contre les chreacutetiens

laquo Si en effet nous nous mettions agrave exposer les doctrines de ces penseurs ce qursquoils disaient au sujet de Dieu ce qursquoils disaient de la matiegravere de lrsquoacircme ou des corps il srsquoen suivrait un grand ridicule Et ils nrsquoauraient pas besoin de notre propre accusation car ils srsquoattaquent les uns les autres Car celui qui a eacutecrit contre nous le traiteacute Sur la matiegravere se deacutetruit lui-mecircmehellip raquo98

Hulen99 aurait reconnu dans cet auteur anonyme le philosophe Porphyre auteur selon la Souda drsquoun Περὶ ὕλης en 6 livres dont un extrait est conserveacute par Simplicius (in Phys p 231 7-24 Diels)

Beatrice rapproche ce teacutemoignage de celui drsquoEacuteneacutee de Gaza100 qui rapporte que Porphyre dans un ouvrage sur les oracles chaldaiumlques aurait commenteacute le traiteacute de Plotin intituleacute laquo Drsquoougrave viennent les maux raquo (Enneacuteades I 8) et aurait eacutetabli que la matiegravere est un principe geacuteneacutereacute de toute eacuteterniteacute

laquo Car la matiegravere nrsquoest ni inengendreacutee ni sans principe Cela les Chaldeacuteens eux aussi te lrsquoensei-gnent101 Et Porphyre intitule de faccedilon geacuteneacuterale [en conservant le texte des manuscrits καθόλου] le livre qursquoil publie Les oracles des Chaldeacuteens dans lesquels il est confirmeacute que la matiegravere est venue agrave lrsquoexistence et commentant le livre de Plotin ldquoDrsquoougrave viennent les mauxrdquo (= Enn I 8) il dit quelque part en disant que la matiegravere nrsquoest pas inengendreacutee que le fait de la poser parmi les principes est une doctrine atheacutee qursquoil faut eacutecarter raquo102

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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
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103 laquo Title raquo p 231 104 Pour G Wolff op cit p 29 et pour W Kroll De Oraculis Chaldaicis Breslau 1894 p 6 il nrsquoy aurait aucun de ces oracles dans la Philosophie des oracles En revanche selon Lewy op cit p 64-65 laquo les Oracles Chaldaiumlques semblent avoir constitueacute le noyau de la collection publieacutee dans la Philosophie des Oracles raquo Selon le P Eacuted des Places dernier eacutediteur des Oracles chaldaiumlques laquo la Philosophie des Oracles (hellip) teacutemoigne drsquoune vive sympathie pour les oracles de toute sorte | sans citer pourtant ceux des ldquoChaldeacuteensrdquo raquo (Introd p 18-19) Selon P Hadot dans une eacutetude publieacutee en appendice agrave la reacuteeacutedition de Lewy (op cit) laquo Aucun neacuteoplatonicien tardif ne cite comme ldquochal-deacuteenrdquo un seul des Oracles identifieacutes comme chaldaiumlques par H Lewy raquo (p 712) En revanche laquo le de Regressu (hellip) faisait un abondant usage des OC raquo (p 712) Carine Van Liefferinge La Theacuteurgie des Oracles chaldaiumlques agrave Proclus coll laquo Kernos Suppleacutement raquo 9 Liegravege 1999 a tendance agrave accepter la thegravese de Lewy Elle eacutecrit (op cit p 176) laquo Porphyre fut le premier agrave vouloir harmoniser lrsquoenseigne-ment des Chaldeacuteens aux principes du neacuteoplatonisme H Lewy lrsquoa montreacute pour le De philosophia ex oraculis haurienda raquo Plus loin (p 178) elle preacutesente le problegraveme comme une question qui nrsquoest pas trancheacutee Puis (p 179) elle manifeste des doutes caracteacuteristiques Porphyre avait-il deacutejagrave eu connais-sance des Oracles lorsqursquoil reacutedigea la Philosophie des Oracles laquo Rien nrsquoest moins sucircr raquo eacutecrit-elle bien que la note 407 rappelle les rapprochements proposeacutes par H Lewy La contrainte exerceacutee par les dieux eacutevoqueacutee dans les oracles de ce traiteacute conduirait selon elle agrave douter qursquoil srsquoagisse de theacuteurgie ou du moins de theacuteurgie chaldeacuteenne Et finalement (p 184) elle rend un verdict final laquo Aussi pensons-nous qursquoagrave lrsquoeacutepoque ougrave il reacutedigea le De philosophia Porphyre ne connaissait pas encore les Oracles Chaldaiumlques La notion et le terme de theacuteurgie lui eacutetaient inconnus raquo Pour M Zambon Porphyre et le moyen-platonisme coll laquo Histoire des doctrines de lrsquoantiquiteacute classique raquo 27 Paris 2002 p 269 la Philosophie des Oracles citait les Oracles Chaldaiumlques agrave cocircteacute drsquooracles drsquoautre provenance 105 M Zambon op cit p 257 Voir deacutejagrave Lewy op cit p 9-16 106 PF Beatrice Theosophia p xxvii considegravere que les oracles citeacutes dans la Theacuteosophie ne peuvent pas ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques au sens technique du terme

Selon Beatrice103 ce traiteacute sur Les oracles des Chaldeacuteens serait agrave identifier avec la Philosophie des Oracles A supposer que lrsquoauteur du traiteacute antichreacutetien sur la matiegravere eacutevoqueacute par Chrysostome ait eacuteteacute Porphyre ndash ce qui est tout agrave fait possible ndash il resterait agrave montrer que lrsquoouvrage que ce dernier avait consacreacute aux Oracles chal-daiumlques eacutetait bien la Philosophie des Oracles

Ici se pose un problegraveme qui nrsquoa pas encore reccedilu de reacuteponse deacutefinitive y a-t-il dans la Philosophie des oracles de Porphyre des oracles ldquochaldaiumlquesrdquo Les autoriteacutes sont partageacutees104 Il est certain qursquoun certain | nombre drsquooracles citeacutes par Porphyre contiennent des termes caracteacuteristiques des Oracles Chaldaiumlques Pour prendre un exemple un oracle preacutesente Heacutecate comme laquo descendue de lrsquointellect tout puis-sant issu du Pegravere raquo (Eusegravebe Praep evang V 6 2-7 2 = 308 F Smith) On peut rapprocher ces vers du fr 53 des Oracles Chaldaiumlques laquo Crsquoest apregraves les Penseacutees du Pegravere que je prends place moi lrsquoacircme qui de ma chaleur anime toutes choses raquo On pourrait eacutegalement citer un oracle du second livre conserveacute par la Theacuteosophie de Tuumlbingen 24 (= 325 F Smith) ldquosur le Dieu immortelrdquo Marco Zambon105 considegravere agrave la suite de Lewy qursquoil srsquoagit drsquoun oracle drsquoorigine chaldaiumlque ce que PF Beatrice conteste dans son eacutedition reacutecente de la Theacuteosophie106 Presque tous les mots des trois

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 36: Contra Christianos

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107 R Goulet laquo LrsquoOracle drsquoApollon dans le Vie de Plotin raquo (1982) repris dans Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 191-229 notamment p 199-207 108 Voir RM Van den Berg Proclusrsquo Hymns Essays translations commentary coll laquo Philo-sophia Antiqua raquo 90 Leiden 2001 109 Ce qui fait si je compte bien sept oracles bien que le P des Places eacutevoque le fragment 219 comme laquo le premier fragment drsquoune seacuterie de six raquo (p 119 n 4) 110 On comparera les oracles citeacutes dans les notes de mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Porphyre avec lrsquoindex (sans doute incomplet) du P des Places Voir aussi HD Saffrey laquo LrsquoHymne IV de Proclus Priegravere aux dieux des Oracles chaldaiumlques raquo (1981) repris dans Le Neacuteoplatonisme apregraves Plotin t II Paris 2000 p 193-206 111 laquo Platonic readings raquo p 255

premiegraveres lignes de cet oracle sont attesteacutes dans les Oracles Chaldaiumlques Mais ce fait linguistique pourrait facilement srsquoexpliquer par la volonteacute du chresmologue de reproduire le vocabulaire caracteacuteristique de ce corpus sacreacute

Il faut tenir compte des oracles priveacutes que lrsquoon rencontre dans toute la litteacute-rature impeacuteriale Jrsquoai montreacute dans mon article sur lrsquoOracle drsquoApollon sur Plotin qursquoil nrsquoy avait aucune raison de rattacher cet oracle au sanctuaire de Delphes et qursquoune origine dans le neacuteoplatonisme syrien drsquoApameacutee eacutetait plus vraisemblable Jrsquoai citeacute chez Philostrate Eunape Julien ou Marinus des oracles qui pourraient ecirctre qualifieacutes de chaldaiumlques dans la mesure ougrave ils srsquoinspirent parfois des oracles du corpus qursquoils en reprennent certaines expressions et qursquoils ont pu ecirctre obtenus dans le cadre drsquoune semblable liturgie107 Pour la terminologie il faudrait eacutegale-ment | tenir compte de la poeacutesie philosophique de lrsquoeacutepoque et notamment des Hymnes de Proclus108 qui reprennent des formules des oracles

Dans lrsquoeacutetat actuel de la recherche la question reste donc ouverte Lrsquoeacutedition des Places regroupe parmi les dubia les oracles emprunteacutes agrave la Philosophie des oracles il srsquoagit des fragments 219-225109 Dans la mesure ougrave la terminologie et les ideacutees attesteacutees dans les Oracles Chaldaiumlques se retrouvent dans drsquoautres oracles philoso-phiques de lrsquoeacutepoque110 il est prudent de ne pas consideacuterer agrave priori comme chal-daiumlque un oracle dont aucun auteur ayant en mains le recueil original ne nous dit qursquoil appartenait agrave cette collection

Cette nouvelle identification est donc fort douteuse en lrsquoeacutetat actuel de nos connaissances Dans son article sur les libri Platonicorum Beatrice111 cite pourtant directement ce passage drsquoEacuteneacutee de Gaza comme un fragment de la Philosophie des Oracles

Anonyme de Lactance

Lactance (Div Inst V 2 4-11) fait mention sans le nommer drsquoun philosophe paiumlen hypocrite adulateur intrigant et opportuniste qui aurait eacutecrit ndash Lactance

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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
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112 laquo Antistes philosophiae raquo p 31-47 E DePalma Digeser art citeacute p 129-146 Pour drsquoautres partisans de cette identification voir E DePalma Digeser art citeacute p 129 n 4 Contrairement agrave ce que laisse entendre Mme Digeser le P des Places dans son eacutedition de la Lettre agrave Marcella Paris 1982 p 89 ne prend pas en consideacuteration lrsquoidentification proposeacutee 113 H Chadwick The Sentences of Sextus A Contribution to the history of early Christian ethics Cambridge 1959 p 142-143 Lrsquoidentification eacutetait drsquoailleurs proposeacutee avec beaucoup de reacuteserve Sur ce passage voir eacutegalement Helene Whittaker laquo The Purpose of Porphyryrsquos Letter to Marcella raquo Symbolae Osloenses 76 2001 p 150-168 notamment p 155-156 114 Voir Lactance De mortibus persecutorum 11 3 laquo Ergo habito inter se per totam hiemem consilio cum nemo admitteretur et omnes de summo statu rei publicae tractari arbitrarentur raquo 11 6 laquo Admissi ergo iudices pauci et pauci militares ut dignitate antecedebant interrogabantur raquo

eacutecrit laquo vomi raquo ndashlaquo trois livres contre la religion et contre le nom chreacutetien raquo au deacutebut de la perseacutecution de Diocleacutetien en Bithynie

Reprenant une hypothegravese souvent envisageacutee (notamment par C Baronius Annales ecclesiastici a 302 p 51-57 agrave la fin du xvie siegravecle) PF Beatrice et E DePalma Digeser proposent de reconnaicirctre Porphyre dans ce ldquoPontife de la philo-sophierdquo (crsquoest lrsquoauteur qui se serait deacutesigneacute ainsi) et reconnaissent la Philosophie des oracles dans lrsquoouvrage de cet adversaire112

Il est certain que Porphyre vivait encore en 305 (composition de la Vita Plotini) La Souda rappelle qursquoil veacutecut jusque sous Diocleacutetien (sv Porphyrios t IV p 178 Adler) Nous nrsquoavons pas drsquoindice historique que Porphyre ait seacutejourneacute dans la capitale impeacuteriale vers 304 mais on a souvent | vu dans une phrase de la Lettre agrave Marcella le signe drsquoun engagement de Porphyre dans la perseacutecution de Diocleacutetien Le philosophe regrette drsquoavoir eacuteteacute seacutepareacute de son eacutepouse apregraves seulement dix mois de vie commune et deacuteplore qursquoil lui soit impossible avec son cortegravege de filles de le rejoindre laquo bien que le besoin des Hellegravenes se ficirct pressant et que les dieux joignis-sent leurs instances aux leurs raquo (sect 4 trad des Places) Selon H Chadwick113 ce deacutepart de Porphyre pourrait avoir eacuteteacute motiveacute par sa participation agrave un colloque convoqueacute par Diocleacutetien agrave Nicomeacutedie au deacutebut de 303 Mais si lrsquoon en croit Lactance apregraves des conciliabules secrets ougrave Diocleacutetien et Galegravere pendant tout lrsquohiver ne laissegraverent participer personne drsquoautre eut lieu un conseil officiel auquel furent inviteacutes laquo quelques juges et quelques militaires raquo Encore une fois qursquoun philosophe romain comme Porphyre ait pu y participer nrsquoest pas impossible mais contredit le teacutemoignage de Lactance notre seule source114

Cette identification nrsquoest donc pas impossible Mais tout ce qui nrsquoest pas impossible nrsquoest pas probable et tout ce qui est possible nrsquoest pas certainhellip

Une premiegravere difficulteacute qui peut ecirctre souleveacutee par cette identification est le nombre de livres precircteacutes agrave lrsquoadversaire de Lactance trois seulement alors que le Contra Christianos de Porphyre en comptait quinze Selon Beatrice lrsquoadversaire nrsquoaurait fait connaicirctre agrave Nicomeacutedie que trois livres (XII-XIV) directement dirigeacutes

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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
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115 Lactance Div Inst V 2-4 traduction de P de Labriolle La reacuteaction paiumlenne Eacutetude sur la poleacutemique antichreacutetienne du ier au vie siegravecle Paris 1934 p 304-305 116 Mme Digeser tire ce refus de toute toleacuterance chez Porphyre du fragment 1 du Contra Christianos qursquoelle attribue agrave la Philosophie des oracles Traduisant συγγνωμή par ldquoforbearancerdquo crsquoest-agrave-dire ldquopatiencerdquo ou ldquolonganimiteacuterdquo elle met le terme en rapport avec la patientia preacuteconiseacutee par Lactance

contre les chreacutetiens drsquoun ouvrage qui ne srsquointitulait pas Contre les chreacutetiens mais La philosophie des Oracles

Lactance fournit un certain nombre de renseignements suppleacutementaires sur ce philosophe Non seulement ce Pontife de la philosophie est bien eacutetabli agrave Nicomeacutedie accreacutediteacute aupregraves des juges de lrsquoendroit mais apparemment il y tient eacutecole (V 2 3)

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie (antistitem philosophiae) Mais crsquoeacutetait un vicieux ce professeur de continence et il ne brucirclait pas moins de cupiditeacute que de luxure Dans son eacutecole il louait la vertu il vantait lrsquoeacuteconomie et la pauvreteacute mais il menait une vie agrave ce point somptueuse qursquoil mangeait moins bien au palais que chez lui Seulement ses longs cheveux son pallium et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-lagrave ) lui servaient agrave masquer ses deacutebor-dements Afin drsquoaccroicirctre sa fortune il employait drsquoeacutetonnantes intrigues pour se couler dans lrsquoamitieacute des juges qursquoil | se conciliait gracircce agrave lrsquoautoriteacute que lui valait son titre usurpeacute alors non seulement il vendait leurs sentences mais encore gracircce agrave son creacutedit il empecircchait ses voisins chasseacutes par lui de leurs maisons et de leurs champs de reacuteclamer ce qui leur appartenait Ses mœurs condamnaient ses principes ses principes condamnaient ses mœurs Il eacutetait ainsi agrave lrsquoeacutegard de soi-mecircme un censeur seacutevegravere et le plus rigoureux des accusateurs115

A supposer que le portrait dresseacute par Lactance ne soit pas incompatible avec la figure historique de Porphyre ndash ou bien parce que Porphyre aurait eacuteteacute un moins noble personnage qursquoon le voudrait ou bien parce que lrsquoapologiste aurait carica-tureacute son adversaire ndash la simple lecture du teacutemoignage soulegraveve de graves difficulteacutes contre pareille identification

Son ouvrage semble avoir eacuteteacute lu publiquement en preacutesence de chreacutetiens (V 2 9) il eacutetait posteacuterieur aux premiegraveres mesures antichreacutetiennes (laquo Un blacircme que tout le monde lui adressait crsquoeacutetait drsquoavoir entrepris ce travail juste au moment ougrave une abominable cruauteacute deacutechaicircnait ses fureurs raquo V 2 10) et se reacutepandait en louanges ouvertes agrave lrsquoeacutegard des empereurs laquo dont deacuteclarait-il la pieacuteteacute et la preacutevoyance avaient eacuteclateacute surtout dans la deacutefense du culte des dieux et qui avaient pris enfin dans les affaires humaines les mesures voulues en vue de reacuteprimer une supersti-tion impie digne de vieilles femmes raquo (V 2 7) Il espeacuterait afficher agrave lrsquoeacutegard des chreacutetiens de la compreacutehension laquo le devoir drsquoun philosophe eacutetait de tendre la main aux eacutegareacutes et de les ramener dans le bon chemin raquo (V 2 5) alors que selon Mme Digeser Porphyre se distinguait par un refus de toute toleacuterance agrave lrsquoeacutegard des ennemis du culte traditionnel116

Aucun des nombreux fragments de la Philosophie des Oracles ne correspond agrave ce teacutemoignage On nrsquoy trouve pas de deacuteveloppements rheacutetoriques ou philosophi-

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117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
  • Conclusion
Page 39: Contra Christianos

LE TRAITEacute DE PORPHYRE CONTRE LES CHREacuteTIENS 39

117 Des paiumlens qui ne devront drsquoailleurs pas divulguer ces preacutecieuses reacuteveacutelations (Eusegravebe Praep evang IV 8 1 = 304 F Smith V 5 7 = 307 F Smith) 118 Lrsquoouvrage est citeacute non seulement par Eusegravebe et sans doute Lactance mais aussi par Firmicus Maternus Augustin Philopon et Macaire de Magneacutesie (oublieacute par Smith) 119 Ces deux passages de Lactance rappeleacutes par E DePalma Digeser art citeacute p 139 nrsquoapparais-sent que dans les notes de lrsquoeacutedition de Smith Il est vrai que Lactance ne les attribue pas agrave Porphyre Mais Mme Digeser art citeacute p 140-141 fournit un certain nombre drsquoarguments montrant que Lactance connaissait la Philosophie des oracles de Porphyre 120 Comme le suppose Mme Digeser art citeacute p 145

ques encore moins drsquoattaques ouvertes contre les chreacutetiens ou drsquoeacuteloges politiques concernant la situation preacutesente On ne lit que des oracles et des commentaires drsquooracles et les interlocuteurs ne sont pas des adversaires mais bien des paiumlens117 deacutesireux drsquoapprendre une philosophie (ou une laquo theacuteosophie raquo selon sa propre expression rapporteacutee par Eusegravebe) telle que reacuteveacuteleacutee par les dieux (Praep evang IV 6 2ndash7 2 = 303 F Smith)

Au risque de se reacutepeacuteter il faut rappeler que les chreacutetiens qui ont citeacute ce texte (et ne se sentaient donc pas en preacutesence drsquoun ouvrage interdit par les autoriteacutes impeacuteriales118) en ont retenu ndash agrave tort ou agrave raison ndash tout un ensemble de passages qui servaient la cause du christianisme Lactance lui-mecircme lorsqursquoil cite en grec un oracle ambigu drsquoApollon sur le Christ (Div Inst IV 13 11) dont la source non deacutevoileacutee pourrait ecirctre la Philosophie des Oracles (comp Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 343 F Smith) le range aux cocircteacutes drsquooracles propheacutetiques favorables au Christ Il en va de mecircme et avec encore moins de reacuteserves lorsqursquoil cite toujours en grec dans son De ira XXIII 12 un autre oracle drsquoApollon agrave Milet (cf un oracle similaire mais sans doute distinct rapporteacute par Augustin Citeacute de Dieu XIX 23 1 = 344 F Smith)119 La lecture du Prologue de la Philosophie des oracles nous a montreacute que Porphyre srsquoy adressait agrave des paiumlens drsquoailleurs sous le couvert du secret et nullement agrave des chreacutetiens Enfin le teacutemoignage de Lactance exclut que lrsquoouvrage du laquo Pontife de la philosophie raquo ait pu se preacutesenter comme un recueil drsquooracles commenteacutes Il suffit de lire les fragments conserveacutes pour se rendre compte que la Philosophie des oracles ne peut pas avoir eacuteteacute cet ouvrage lu en public dont parle Lactance120

A toutes ces objections on peut ajouter la difficulteacute chronologique qursquoentraicirc-nerait une datation de cet ouvrage au deacutebut du ive siegravecle crsquoest-agrave-dire agrave la toute fin de la vie de Porphyre Non seulement aucun des fragments ne comporte la moindre trace drsquoune influence plotinienne voire neacuteoplatonicienne mais lrsquoab-sence de toute reacuteserve agrave lrsquoeacutegard des sacrifices animaux (Praep evang IV 9 = 314 F Smith) de mecircme que lrsquoacceptation ouverte de la magie (Praep evang VI 3 5-4 3 = 339 F Smith) peuvent difficilement ecirctre contemporains de traiteacutes comme le De

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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

abstinentia la Lettre agrave Aneacutebon121 ou mecircme le De regressu animae et encore moins leur ecirctre posteacuterieurs Eusegravebe a drsquoailleurs beau jeu drsquoopposer sur ce point Porphyre agrave lui-mecircme en citant un extrait du De abstinentia condamnant ouvertement les sacrifices animaux (Praep evang IV 10-12)

Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • le traiteacute de Porphyre Contre les chreacutetiens
  • Une thegravese paradoxale
  • Le Prologue de la ampldquoPhilosophe des oraclesamprdquo
  • Les fragments antichreacutetiens
  • Lautoriteacute dA von Harnack
  • Le titre ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Attestations du titre du ampldquoContra Christianosamprdquo
  • Le ampldquoContra Christianosamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
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121 Wolff op cit p 31 oppose les vues theacuteologiques du De philosophia et celles de la Lettre agrave Aneacutebon laquo Paene ipsa verba quae in oraculorum philosophia protulerat in epistula in dubitationem vocat raquo 122 Sur ce point on pourra consulter les Addenda de mon recueil drsquoarticles Eacutetudes sur les Vies de philosophes dans lrsquoAntiquiteacute tardive Paris 2000 p 391-394 123 Voir R Goulet Macarios de Magneacutesie Le Monogeacutenegraves Introduction geacuteneacuterale eacutedition critique traduction franccedilaise et commentaire coll laquo Textes et traditions raquo 7 Paris 2003 t I p 145-147

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Par conseacutequent que Porphyre ait participeacute agrave la preacuteparation de la perseacutecution de Diocleacutetien nrsquoest pas historiquement impossible mais lrsquoouvrage | en trois livres lu agrave Nicomeacutedie au deacutebut de la perseacutecution nrsquoa selon toute vraisemblance aucun rapport avec les quinze livres du traiteacute Contre les chreacutetiens ni avec la Philosophie extraite des Oracles

Conclusion

Je nrsquoaborderai pas drsquoautres eacutetudes de M Beatrice dans lesquelles il retrouve la Philosophie des oracles derriegravere lrsquoAdversus nationes drsquoArnobe nie la distinction que jrsquoai proposeacutee agrave la suite de nombreux speacutecialistes du neacuteoplatonisme entre un Origegravene neacuteoplatonicien et un Origegravene chreacutetien122 ou attribue au Pegravere de lrsquoEacuteglise Origegravene une alleacutegorie chreacutetienne drsquoHomegravere rapporteacutee dans un fragment du Contra Christianos de Porphyre transmis par Didyme lrsquoAveugle123

Crsquoest volontairement que jrsquoai laisseacute agrave cette eacutetude son caractegravere si neacutegatif Les eacutetudes classiques agonisent sous la masse des interpreacutetations gratuites et inveacuteri-fieacutees qui servent parfois agrave eacutelaborer des theacuteories encore plus aventureuses et nrsquoont guegravere agrave affronter que le silence de la critique

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  • Un scheacutema anti-porphyrien reacutecurrent
  • Le traiteacute ampldquoContre les chreacutetiensamprdquo chez Theacuteodoret
  • Extension des fragments du ampldquoContra christianosamprdquo
  • Le traiteacute ampldquoSur les statuesamprdquo et le ampldquoDe philosophia ex oraculisamprdquo
  • Identification des ampldquoPlatonicorum libriamprdquo
  • Autres textes platoniciens ou plotiniens
  • Autres identifications erroneacutees
  • ampldquoSur la matiegravereamprdquo
  • Anonyme de Lactance
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