CONTENU DE FORMA TION - UV2Suv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70230...LUTTE...

5
LUTTE OLYMPIQUE CONTENU DE FORMATION EN MILIEU SCOLAIRE PAR F. RUBIO 1 re PARTIE De tout temps l'affrontement direct au corps à corps a enthousiasmé les enfants et les adolescents. Face à la question « qu'est-ce que je suis capable d'appren- dre à mes élèves à propos de la lutte ? », cet article a pour but d'inciter le maxi- mum de collègues, non spécialistes, à programmer cette activité au niveau de leurs projets d'établissement. Il leur propose un certain nombre d'informa- tions susceptibles de les aider dans l'élaboration d'un contenu de formation spécifique, en adéquation avec la lutte olympique telle qu'elle est pratiquée de nos jours, à travers la description : - de comportements caractéristiques, de savoir-faire hiérarchisés en niveaux d'habileté, - des critères de réussite associés, - de quelques exemples de situations d'apprentissage correspondantes. PHOTO : AGENCE SAM EPS № 230 - JUILLET-AOUT 1991 63 Revue EP.S n°230 Juillet-Août 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

Transcript of CONTENU DE FORMA TION - UV2Suv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70230...LUTTE...

  • LUTTE OLYMPIQUE

    CONTENU DE FORMATION

    EN MILIEU SCOLAIRE

    PAR F. RUBIO 1 r e PARTIE

    De tout temps l'affrontement direct au corps à corps a enthousiasmé les enfants et les adolescents. Face à la question « qu'est-ce que je suis capable d'appren-dre à mes élèves à propos de la lutte ? », cet article a pour but d'inciter le maxi-mum de collègues, non spécialistes, à programmer cette activité au niveau de leurs projets d'établissement. Il leur propose un certain nombre d'informa-tions susceptibles de les aider dans l'élaboration d'un contenu de formation spécifique, en adéquation avec la lutte olympique telle qu'elle est pratiquée de nos jours, à travers la description : - de comportements caractéristiques, de savoir-faire hiérarchisés en niveaux d'habileté, - des critères de réussite associés, - de quelques exemples de situations d'apprentissage correspondantes.

    PHOT

    O :

    AGEN

    CE S

    AM

    EPS № 230 - JUILLET-AOUT 1991 63 Revue EP.S n°230 Juillet-Août 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

  • PRÉSENTATION DE LA LUTTE OLYMPIQUE

    On distingue en lutte olympique deux styles : la lutte gréco-romaine et la lutte libre. Bien que similaires au niveau de l'organi-sation des compétitions, de la tenue des lutteurs, de l'attribution des points et de la victoire, ces deux formes de lutte se distin-guent par certains aspects réglementaires qui déterminent des différences fondamen-tales quant : • au déroulement technique et tactique des combats, • aux actions motrices produites par les protagonistes.

    En lutte gréco-romaine, les actions sur et avec les jambes sont interdites. L'adver-saire est plutôt perçu, vécu et donc conçu comme une force d'opposition, bien cam-pée sur les membres inférieurs. La partie du corps en contact avec l'adversaire (principalement le buste) devient un véri-table centre informationnel, lieu d'interac-tions multiples ; prises d'informations, et actions se font alors sur l'autre et dans le couple en mouvement. Les accrochages-poussées exercés sur le haut du corps, afin d'imposer son contrôle et perturber ainsi l'équilibre de l'adver-saire, sont recherchés. Mais les actions de tassement et/ou d'allégement qui s'ensui-vent ne peuvent être produites efficace-ment que sur la base d'une appropriation précise de certains types de comporte-ments observables dans la pratique de la lutte moderne.

    En lutte libre, la réglementation, autorisant les actions sur et avec toutes les parties du corps, oriente l'attention des combattants sur les jambes. Dans ce cas, l'opposant est plutôt perçu, vécu et conçu comme repré-sentant une barrière de bras qu'il est néces-saire de franchir pour avoir l'occasion d'agir sur les membres inférieurs. Compte tenu de cela, des accrochages particuliers sont recherchés pour passer rapidement dessous et/ou derrière l'adver-saire. Chez les lutteurs optant pour la lutte à distance, de simples attouchements suffi-sent pour, tel un félin, plonger dans les jambes. Dans la lutte à mi-distance, les accrochages se font principalement sur les avant-bras, les bras, la nuque, la tête. Les différents passages dessous et/ou ar-rière issus de ces saisies débouchent sur toute une variété de techniques et projec-tions pouvant, bien sûr, être sujettes à des « contres ».

    Parvenu au sol, quel que soit le style de lutte pratiqué, l'objectif est d'orienter le dos de l'adversaire vers le tapis (attribution de points) et, si possible, de le maintenir dans cette position, les épaules plaquées au sol durant une bonne seconde (victoire par tomber). Les techniques de retournement se font surtout sur la ceinture (centre de gravité), les bras (leviers), avec éventuellement la

    tête ; parties du corps auxquelles s'ajou-tent la fourche, les jambes et les chevilles en lutte libre. Un apprentissage spécifique pour l'appro-priation de ces comportements d'attaque et de défense peut être proposé sous la forme de situations à résolution de problèmes ; les savoirs compris et acquis faisant, par la suite, l'objet de renforcement moteur, pour gagner en adaptabilité, en rapidité, et en puissance d'exécution.

    LA LUTTE EN MILIEU SCOLAIRE

    Enseignant d'EPS, ma formation, mes connaissances, et mon expérience profes-sionnelle m'amènent à opter pour un cer-tain nombre de normes concernant les raisons et la manière dont peut être exploi-tée l'activité lutte au service de l'éducation des élèves. Ces normes sont de trois types.

    Des normes pédagogiques

    Elles sont relatives :

    - au type de relation sollicitée par l'activité « Le choix de l'activité se fait sur la base du type de relation que la discipline instaure » (Pineau (C.) [3]). La lutte olympique permet de vivre plei-nement la relation « un contre un », à l ' intérieur de laquelle le processus « construction de l'autre-construction de soi » est sans cesse présent.

    - aux conditions matérielles de la pratique Sport de combat dans lequel le respect de l'intégrité corporelle de chacun est la règle, cet enseignement ne nécessite pas, dans la pratique scolaire courante, de tenue parti-culière, si ce n'est une surface souple (ta-pis, praticable) dans la perspective de chu-tes ou d'un travail précis au sol.

    - à l'aspect socio-affectif L'affrontement direct au corps à corps ne va pas sans poser des problèmes d'ordre socio-affectif. La sollicitation et l'amélio-ration des ressources mises en jeu par les élèves sont pédagogiquement envisagea-bles si et seulement si l'ambiance émotion-nelle, au cours de la séance, est sécurisante.

    Des normes didactiques

    Sport de combat de préhension, la finalité de la lutte peut se résumer à : - combattre pour faire tomber ou mettre l'adversaire sur le dos, le maintenir ; - et réciproquement, combattre pour ne pas être projeté à terre, ne pas aller sur le dos, éviter le « tomber ». Le traitement didactique de l'activité doit tenir compte, en permanence, de cette double finalité. Tantôt attaquant, tantôt défenseur, tantôt dominant, tantôt dominé, parfois tout cela en même temps ; l'interaction des lutteurs, siège de contradictions multiples, repré-sente le cadre de référence dans lequel va s'inscrire la logique des tâches d'apprentis-sage et leur résolution.

    Des normes d'apprentissage

    Les problèmes posés par la lutte et son apprentissage ont fait l'objet de travaux et/ou d'ouvrages proposant de l'activité des approches variées, et parfois contradic-toires, centrées autour de thèmes tels que : méthode analytique et méthode globale, pédagogie de la technique et activité de l'enfant à propos de la lutte, analyse bio-mécanique et approche comportemen-tale...

    Ces réflexions sont, bien sûr, à situer dans le contexte d'une époque et des préoccupa-tions personnelles de chaque auteur. Mais leur étude permet d'obtenir un cer-tain nombre d'informations nécessaires à la construction des tâches d'apprentissage et relatives : - aux constantes comportementales des enfants abordant l'activité lutte [4] ; constantes liées à la façon dont ils s'orga-nisent pour agir, - aux indicateurs de comportements per-mettant à l'enseignant d'observer les éta-pes de la construction de l'activité vers des habiletés efficaces, transférables et évolu-tives ([5] et [6]). - aux données biomécaniques, inhérentes à l'efficacité des actions d'attaque et de défense ([1] et [2]). - à des exemples d'expérimentation péda-gogique, [8]. Les normes pédagogiques, didactiques et d'apprentissage qui viennent d'être présen-tées constituent quelques points de repère à partir desquels il devient possible d'or-ganiser l'apprentissage de la lutte. L'identi-fication de critères de réussite (accessibles aux élèves) et la constitution de hiérarchies de maîtrise (utilisables par l'enseignant) ont pour objectif de faciliter la progression de l'élève dans le domaine de l'habileté, du savoir-faire ; cette progression étant envi-sagée en référence à la technique de la lutte moderne, et à ses principes d'efficacité. Mais avant de passer à la présentation de ces critères de réussite et niveaux d'habi-leté, il nous paraît important de préciser que le cadre qu'ils définissent ne permet pas de répondre à toutes les questions. L'enseignant, seul avec sa classe, va devoir gérer une multitude de problèmes. En particulier, l'adoption d'un contenu de formation annuel suppose au préalable que ce qui doit être appris soit présenté ou proposé aux élèves sous la forme de situa-tions d'apprentissage en adéquation avec les possibilités et/ou les potentialités de chacun. Maître de son enseignement, c'est à l'enseignant de décider, en fonction de ses élèves et du contexte, de la forme que peut prendre la situation d'apprentissage destinée à l'appréciation d'un savoir-faire, d'un comportement choisi : par explora-tion, découverte, par résolution de pro-blèmes, par réflexion-analyse, par repro-duction de modèle et répétition..., indivi-duellement, par deux, par quatre... ; sa-chant que chaque acquisition est le résultat d'une construction de savoirs pratiques et de savoirs théoriques.

    64 Revue EP.S n°230 Juillet-Août 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

  • NIVEAUX D'HABILETÉS

    Nous avons identifié quatre niveaux d'ha-bileté associant savoir-faire hiérarchisés et critères de réussite. Nous présentons dans cet article le niveau d'habileté 1 et propo-sons un exemple de mise en situation qui correspond à ce niveau. Les autres niveaux seront abordés au cours d'un second arti-cle.

    Situations d'apprentissage. Exemple

    Objectif pédagogique

    Etre capable de produire correctement des actions simples telles que pousser, tirer, soulever pour faire tomber l'adversaire.

    Savoir faire

    Savoir pousser pour faire tomber.

    NIVEAU D'HABILETÉ 1

    Savoir faire chuter vers l'avant (genre décalage).

    Savoir faire chuter vers l'arrière (genre souplesse arrière).

    Savoir faire chuter vers l'avant par dessus la hanche (genre hancher).

    Savoir pousser sur les deux jambes pour sortir l'adversaire d'un territoire et le faire tomber.

    Savoir soulever (ex. : en ceinture plus fourche) pour sortir le camarade d'un territoire et le faire tomber.

    EPS № 230 JUILLET-AOUT 1991 65 Revue EP.S n°230 Juillet-Août 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

  • 66 Revue EP.S n°230 Juillet-Août 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

  • Moyens d'action et critères de réussite

    L'appropriation du savoir faire choisi passe par la réalisation de moyens d'action efficaces qui sont autant de critères de réussite : - saisir de façon efficace une ou plusieurs pa r t i e s du corps de l ' o p p o s a n t ; c'est-à-dire un bras, la ceinture et un bras, une jambe de l'adversaire et serrer, ver-rouiller à bras le corps cette partie du corps. - utiliser le point de contact avec l'adver-saire que représente la saisie comme point de transmission (ou l'aboutissement) des forces de poussée en provenance des ap-puis au sol, des jambes, du bassin et du tronc, des épaules. - posséder en permanence, tout en agis-sant, une réserve de poussée dans les jam-bes, le bassin et l'axe vertébral, les épaules étant placées en percussion-poussée.

    Remarque Il est possible également d'utiliser des actions de jambe sur jambe pour renforcer la fixation d'un appui au sol et faire tom-ber l'adversaire.

    Mise en situation et tâches

    Après avoir proposé des jeux de lutte où il s'agissait de pousser, tirer, ou porter un adversaire à l'extérieur d'un territoire ([7], fiche 9, page 30), on peut aborder la réali-sation de prises bien précises par les élèves.

    Tâche proposée Après saisie, l'attaquant (sans lâcher le contrôle) tente de faire sortir le défenseur du territoire et de le faire tomber en utili-sant des combinaisons d'actions de pous-ser, tirer, soulever, tasser...

    Le défenseur s'organise pour rester debout à l'intérieur du cercle.

    Conditions matérielles - cercle de 2 m de diamètre - combat de 30 secondes, puis changement de rôles, - un attaquant, un défenseur, deux arbi-tres-observateurs, - un point si la sortie est obtenue par une action terminale en poussée avant, - deux points si la projection dans ou à l'extérieur du cercle est obtenue par une action en poussée avant (type décalage).

    Saisies possibles - un bras puis à deux mains de face, - un bras puis à deux mains par le côté, - une tète et un bras, mains crochetées dans le dos, - une ceinture et un bras, - la ceinture prise par derrière, - une jambe ramassée, coincée dans la fourche.

    Frédéric Rubio Conseiller Technique Itinérant

    de lutte pour l'Afrique francophone

    PHOTOS : AUTEUR

    BIBLIOGRAPHIE

    (1] FFL : Lutte - Un programme d'apprentissage [2] Kouyos et Taberna : L'enseignement de la lutte. Ed. Vigot [3] Pineau (C) : Compléments aux programmes et ins-tructions (6e - 5e), Revue EPS 204. [4] Rubio (F.) : L'enfant qui lutte. Revue EPS 133, [5] Rubio (F.) : Sports de combat : le point de vue de l'enseignant. Revue Hyper 118. [6] Rubio (F.) : Traitement didactique en sports de combat in EPS - Contenus et didactique - SNEP - 1985. [7] Sports de combat et jeux d'opposition à l'école élémentaire. Collection Essai de réponses - Revue EPS, 1990. [8] Taberna (J.), FFL : La lutte, situations pédagogi-ques. Ed. Vigot.

    NIVEAU D'HABILETÉ 1 (suite) Savoir ramasser une jambe dans une position de lutte à distance.

    Savoir ramasser une jambe et faire tomber en supprimant un appui.

    Savoir esquiver la tentative de ramasse-ment d'une jambe (ex. : en éloignant ses jambes et en prenant appui sur le haut du corps de l'opposant).

    Savoir passer derrière l'adversaire (ex. : en utilisant la tirade/fixation latérale d'un bras).

    Savoir passer derrière... pour avoir mo-mentanément le dessus.

    | Savoir maintenir l'adversaire au sol en position de mise en danger (dos orienté vers le tapis).

    Savoir maintenir l'adversaire au sol en position plat dos ou tombé (triangle d'ap-puis).

    Savoir sortir d'une situation dangereuse (dos orienté vers le tapis) en procédant à un dégagement en pont.

    Savoir retourner l'adversaire placé en position plat ventre en agissant sur les membres supérieurs et inférieurs.

    Savoir contrer la saisie des membres et s'opposer au retournement.

    EPS № 230 - JUILLET-AOUT 1991 67 Revue EP.S n°230 Juillet-Août 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé