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130 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXX - n o 4 - juillet-août 2015 CONGRÈS RÉUNION Actualités à l’ECCMID 1 Copenhague, 25-28 avril 2015 A. Paugam*, M. Revest** * Service de parasitologie-myco- logie, hôpital Cochin, Paris ; faculté de médecine Paris-Descartes. ** Service des maladies infectieuses et de réanimation médicale, hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes. 1 European Congress of Clinical Micro- biology and Infectious Diseases. Infectiologie générale Infections à biofilm Cette cuvée 2015 a fait la part belle aux infections à biofilm, avec 2 sessions orales de grande qualité et complémentaires. D’après la communication orale de R. Platel Robin Platel a ainsi précisé les meilleures méthodes diagnostiques à appliquer pour documenter une infection à biofilm sur matériel selon les sites anato- miques. On peut résumer sa très belle présentation en 4 points principaux : seuls les dispositifs implantés suspects d’infection doivent être adressés au laboratoire de microbiologie afin que de simples contaminations ou colonisations de matériels ne provoquant pas de maladies chez les patients ne soient pas considérées comme des infections ; les techniques semi-quantitatives ou quan- titatives classiques utilisant de petits matériels implantés (cathéters périphériques ou centraux de courte ou de longue durée, dispositifs de dérivation du liquide céphalorachidien, etc.) sont en réalité suffisantes pour le diagnostic d’infection, et la soni- cation n’apporte pas de gain diagnostique ; la sonication doit être réservée aux dispositifs plus volumineux comme les implants articulaires ou les dispositifs de stimulation endocavitaire ; la mise en culture des liquides synoviaux et des tissus périprothétiques (quels qu’ils soient) direc- tement dans des flacons d’hémoculture apporte un gain de sensibilité important sans perdre de spécificité. D’après la communication orale de W. Zimmerli De nouvelles recommandations quant à la prise en charge des infections à biofilm ont fait l’objet d’une session spécifique (1). On peut sans doute regretter le manque de recommandations fortes, mais cela témoigne du manque de données solides en ce qui concerne ces infections. Werner Zimmerli a tout de même essayé de donner de grandes lignes directrices quant à leur traitement. Il a rappelé la nécessité d’appliquer rigoureusement un algorithme déci- sionnel préétabli (figure 1) pour la prise en charge des infections sur prothèse articulaire. Pour les autres types d’infection sur matériel, les procédures sont moins validées, même si l’orateur a rappelé que le retrait du matériel infecté devait être privilégié. En ce qui concerne l’antibiothérapie, Werner Zimmerli a confirmé que la rifampicine restait pour l’heure la seule molécule ayant vraiment prouvé son intérêt dans les infections sur matériels à staphylocoques, notamment du fait de son activité au sein du biofilm. Elle doit donc, une fois l’inoculum bactérien initial suffisamment diminué, être utilisée autant que possible. Les fluoroquinolones semblent montrer les mêmes avantages sur les bacilles à Gram négatif. Arboviroses D’après la session orale du 26 avril : S. Tsiodras, T. Avsic-Zupanc, M.C. Paty, W. Van Bortel Un autre thème largement abordé durant cet ECCMID a été celui des arboviroses et de leur poten- tielle extension en Europe. Outre plusieurs posters sur ce sujet, une session orale, le dimanche 26 avril, a montré les risques d’implantation durable de ces infections sur notre continent. On peut retenir de cette très belle session que : le virus West Nile (Sotirios Tsiodras, université d’Athènes) est dorénavant endémique en Grèce, et son vecteur (complexe Culex pipiens) est présent dans l’Europe entière ; l’encéphalite à tique (Tatjana Avsic-Zupanc, université de Ljubljana) est fréquente en Slovénie. La surveillance de cette arbovirose est malheureu- sement moins rigoureuse dans les pays limitrophes ce qui entraîne une sous-reconnaissance des cas et, donc, une extension de la maladie faute de mesures de prévention ; la dengue (Marie-Claire Paty, InVS) et le chikun- gunya (Wim Van Bortel, Stockholm) peuvent s’im-

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130 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXX - no 4 - juillet-août 2015

CONGRÈSRÉUNION

Actualités à l’ECCMID1

Copenhague, 25-28 avril 2015

A. Paugam*, M. Revest**

* Service de parasitologie-myco-logie, hôpital Cochin, Paris ; faculté de médecine Paris-Descartes.

** Service des maladies infectieuses et de réanimation médicale, hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes.

1 European Congress of Clinical Micro-biology and Infectious Diseases.

Infectiologie générale

Infections à biofilm

Cette cuvée 2015 a fait la part belle aux infections à biofilm, avec 2 sessions orales de grande qualité et complémentaires.

D’après la communication orale de R. PlatelRobin Platel a ainsi précisé les meilleures méthodes diagnostiques à appliquer pour documenter une infection à biofilm sur matériel selon les sites anato-miques. On peut résumer sa très belle présentation en 4 points principaux :

➤ seuls les dispositifs implantés suspects d’infection doivent être adressés au laboratoire de microbiologie afin que de simples contaminations ou colonisations de matériels ne provoquant pas de maladies chez les patients ne soient pas considérées comme des infections ;

➤ les techniques semi-quantitatives ou quan-titatives classiques utilisant de petits matériels implantés (cathéters périphériques ou centraux de courte ou de longue durée, dispositifs de dérivation du liquide céphalorachidien, etc.) sont en réalité suffisantes pour le diagnostic d’infection, et la soni-cation n’apporte pas de gain diagnostique ;

➤ la sonication doit être réservée aux dispositifs plus volumineux comme les implants articulaires ou les dispositifs de stimulation endocavitaire ;

➤ la mise en culture des liquides synoviaux et des tissus périprothétiques (quels qu’ils soient) direc-tement dans des flacons d’hémoculture apporte un gain de sensibilité important sans perdre de spécificité.

D’après la communication orale de W. ZimmerliDe nouvelles recommandations quant à la prise en charge des infections à biofilm ont fait l’objet d’une session spécifique (1). On peut sans doute regretter le manque de recommandations fortes, mais cela témoigne du manque de données solides en ce qui concerne ces infections. Werner Zimmerli a tout de

même essayé de donner de grandes lignes directrices quant à leur traitement. Il a rappelé la nécessité d’appliquer rigoureusement un algorithme déci-sionnel préétabli (figure 1) pour la prise en charge des infections sur prothèse articulaire. Pour les autres types d’infection sur matériel, les procédures sont moins validées, même si l’orateur a rappelé que le retrait du matériel infecté devait être privilégié. En ce qui concerne l’antibiothérapie, Werner Zimmerli a confirmé que la rifampicine restait pour l’heure la seule molécule ayant vraiment prouvé son intérêt dans les infections sur matériels à staphylocoques, notamment du fait de son activité au sein du biofilm. Elle doit donc, une fois l’inoculum bactérien initial suffisamment diminué, être utilisée autant que possible. Les fluoroquinolones semblent montrer les mêmes avantages sur les bacilles à Gram négatif.

Arboviroses

D’après la session orale du 26 avril : S. Tsiodras, T. Avsic-Zupanc, M.C. Paty, W. Van BortelUn autre thème largement abordé durant cet ECCMID a été celui des arboviroses et de leur poten-tielle extension en Europe. Outre plusieurs posters sur ce sujet, une session orale, le dimanche 26 avril, a montré les risques d’implantation durable de ces infections sur notre continent. On peut retenir de cette très belle session que :

➤ le virus West Nile (Sotirios Tsiodras, université d’Athènes) est dorénavant endémique en Grèce, et son vecteur (complexe Culex pipiens) est présent dans l’Europe entière ;

➤ l’encéphalite à tique (Tatjana Avsic-Zupanc, université de Ljubljana) est fréquente en Slovénie. La surveillance de cette arbovirose est malheureu-sement moins rigoureuse dans les pays limitrophes ce qui entraîne une sous-reconnaissance des cas et, donc, une extension de la maladie faute de mesures de prévention ;

➤ la dengue (Marie-Claire Paty, InVS) et le chikun-gunya (Wim Van Bortel, Stockholm) peuvent s’im-

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Figure 1. Algorithme de prise en charge des infections sur prothèses articulaires (d’après W. Zimmerli et al. N Engl J Med 2004).

Situation

Durée d’évolution des symptômes ≤ 3 sem.

+ Implant stable+ absence de fistule

+ souche bactérienne sensible

Lavage et maintien de l’implant

Au moins 1 de ces signes

* Colonies naines (Small Colony variants)/bactéries multirésistantes et notamment bacilles à Gram– fluoroquinolones R/ Enterococcus ssp./Fungi

Ouipour tout

Traitement chirurgical

Tissus mous parfaits ou très modérément inflammatoires

Tissus mous très inflammatoires ou altérés, abcès ou fistule

Micro-organisme résistant ou difficile à traiter*

Patient inopérable (terrain ou considérations techniques)

Pas d’amélioration fonctionnelle après le changement de l’implant

Changement en 1 temps

Changement en 2 temps courts : 2 à 4 sem. entre les 2 temps

2 temps longs avec écart de 8 sem. entre les 2

Traitement antibiotique suppressif au long cours

Retrait de l’implant qui ne sera pas remplacé

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planter dans le sud-est de la France, et leur vecteur (Aedes albopictus) est dorénavant présent sur de nombreux territoires et ne cesse de progresser (figure 2, p. 132).Tous les auteurs ont conclu à l’absolue nécessité d’une surveillance épidémiologique de tous les instants de ces infections afin de mettre en place des mesures de prévention adaptées et d’éviter leur extension.

Listérioses neuroméningées

D’après le poster P0501 de C. CharlierCaroline Charlier a présenté un très beau poster (P0501), utilisant la cohorte MONALISA pour préciser les anomalies rencontrées à l’imagerie cérébrale dans les listérioses neuroméningées. Les classiques images de rhombencéphalite ne sont en réalité retrouvées que dans 15 % des cas, alors que les anomalies les plus fréquemment mises en évidence sont des lésions non spécifiques de la substance blanche, associées ou non à des dilatations des espaces de Virchow-Robin. Des signes hémorra-giques sont également souvent présents. Ce poster insiste sur la supériorité de l’IRM sur le scanner et

confirme la grande richesse de l’analyse de cette cohorte, source de futures informations sur cette maladie finalement peu décrite jusqu’alors.

Infections fongiques

Épidémiologie des candidémies en réanimation en France

D’après la communication de O. Baldesi et al., abstract EP071O. Baldesi et al. (Lyon) ont analysé les données du réseau REA-RAISIN, qui collecte les cas rapportés par 5 centres de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales de l'interrégion Nord (CCLIN), en relation avec l’InVS. De janvier 2004 à juin 2013, parmi les 246 459 patients admis dans les 213 services de réanimation participant à l’étude, 847 ont développé une candidémie, soit 3,44 pour 1 000 admissions (0,3 pour 1 000 patients-jour). De 2004 à 2013, un accroissement significatif de l’incidence des candidémies a été observé (de 0,2 à 0,3 pour 1 000 patients-jour). La médiane de survenue de la candidémie était de 13 jours (extrêmes : 8-22). L’espèce majoritairement isolée

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était Candida albicans (61,4 %), suivie de C. glabrata et de C. parapsilosis. La mortalité globale était de 52,4 %. La comparaison des patients avec et sans candidémie a permis de mettre en évidence des facteurs de risque indépendants (tableau I).

Aspergillus fumigatus résistant aux azolés : émergence et persistance

D’après les communications de J. Van Passen et al., abstract P182, et A. Paugam et al., abstract P0210De plus en plus d’études rapportent l’émergence de résistances de A. fumigatus aux azolés. J. Van Passen et al. (Leyde, Pays-Bas) ont mené une étude rétrospective (de janvier 2010 à décembre 2013) en réanimation. Les prélèvements respiratoires de 136 patients ont permis d’isoler 38 souches de A. fumigatus (28 %). Parmi ces souches, 10 (26 %)

Tableau I. Facteurs de risque de candidémie en réanimation, avec odds-ratios (OR) et intervalles de confiance (IC) correspondants.

Facteur de risque OR (IC95)

Durée de séjour

5-7 jours

8-13 jours

> 13 jours

3,41 (1,6-7,5)

12,3 (6,0-25,4)

69,9 (34,7-140)

SAPS II 1,01 (1,01-1,02)

Immunosuppression

Neutropénie

Autre

2,45 (1,75-3,43)

1,77 (1,49-2,13)

Antibiotiques à l’admission 1,76 (1,46-2,13)

Cathéter veineux central 2,01 (1,62-2,48)

Transfert depuis un autre service de réanimation

1,19 (1,02-1,38)

SAPS : Simplified Acute Physiology Score.

Figure 2. Territoires où la présence d’Aedes albopictus est rapportée (d’après une carte établie par l’InVS, janvier 2015).

Aedes albopictusDistribution établie en janvier 2015 Zones d’endémie Zones d’implantation Zones préservées Absence de données

Zones les plus éloignées Açores (Portugal) Îles Canaries (Espagne) Madère (Portugal) Svalbard/Jan Mayen (Norvège)

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étaient résistantes aux azolés. Comparés aux patients colonisés par des souches sensibles, ceux porteurs de souches résistantes avaient plus souvent reçu une prophylaxie antifongique (40 versus 29 %). Dans le groupe porteur d’Aspergillus résistants, la mortalité était plus élevée (100 versus 80 %). En France, A. Paugam et al., au cours d’une étude prospective (de juin 2010 à décembre 2013), ont observé que le portage de souches résistantes peut persister plus de 1 an après l’arrêt du traite-ment. Pour 4 patients adultes mucoviscidosiques ayant reçu de l’itraconazole (durant 11 à 18 mois), les souches résistantes sont toujours isolées pour 3 d’entre eux, respectivement 3, 15 et 29 mois après l’arrêt du traitement antifongique. Pour le quatrième patient, la souche résistante a été remplacée par une souche sensible dans les 4 à 12 mois suivant l’arrêt de l’itraconazole.

Infections ostéoarticulaires fongiques à Candida et à champignons dimorphiques

D’après la communication de O. Lortholary et al., abstract S073cO. Lortholary (Paris) a présenté les caractéristiques des arthrites candidosiques non prothétiques de 112 cas publiés entre 1967 et 2014. Dans 81 % d’entre eux, la contamination était hématogène, et dans 19 % des cas, il s’agissait d’une inoculation trau-matique. Il faut souligner que les patients n’étaient immunodéprimés que dans 34 % des cas, et qu’il s’agissait d’une atteinte monoarticulaire pour 69 % d’entre eux. La localisation la plus fréquente était

le genou (75 %), suivi de la hanche (15 %) et de l’épaule (7 %). Les cas se répartissaient de la façon suivante : C. albicans, 63%; C. tropicalis, 14 % ; C. parapsilosis, 11% ; C. glabrata, 2 %. Pour le trai-tement, les antifongiques étaient prescrits seuls (36 %) ou associés à un geste chirurgical (36 %). La durée médiane de traitement était de 64 jours, et la réponse au traitement jugée satisfaisante dans 78 % des cas. Concernant les arthrites candidosiques sur prothèse, l’analyse de 55 cas publiés entre 1979 et 2010 mettait en évidence un délai important entre la pose de la prothèse et l’apparition des symptômes (21 mois en moyenne), l’absence de fièvre (93 %) et la fréquence d’une atteinte osseuse associée ; enfin, la guérison était souvent obtenue après l’abla-tion de la prothèse (86 %). Pour les champignons dimorphiques, les données présentées concernaient 221 atteintes ostéoarticulaires diagnostiquées entre 1970 et 2012 et dues aux champignons suivants : Coccidioides immitis (21%), Paracoccidioides brasi-liensis (7 %), Blastomyces dermatitidis (20 %), Peni-cillium marneffei (6 %), Sporothrix schenckii (38 %), Histoplasma capsulatum (8 %). Le délai médian de diagnostic était de 171 jours (IQR : 60-365). Dans 58 % des cas, il s’agissait d’ostéomyélites et dans 42 % des cas, d’arthrites. La rentabilité diagnostique de la culture (réalisée dans 76 % des cas) était de 98 %, et celle de l’histologie (réalisée dans 57 % des cas), de 76 %. L’examen direct microscopique n’était positif que dans 5 % des cas. En considérant la réponse aux traitements antifongiques recom-mandés par l’Infectious Diseases Society of America (IDSA) [n = 116], les taux de succès variaient de 64 % (S. schenckii) à 85 % (B. dermatitidis) [tableau II] (2-5).

Infection invasive à Trichosporon : rare, mais à forte mortalité

D’après la communication de D. Seidel et al., abstract EP076La levure Trichosporon est rarement à l’origine d’une infection invasive, mais elle est considérée comme émergente chez les patients immunodéprimés. C’est pour mieux connaître son épidémiologie que D. Seidel et al. (Cologne, Allemagne) ont analysé 33 cas provenant de 14 pays européens. Dans 54 % des cas, il s’agissait de patients sous chimio-thérapie, les autres facteurs favorisants étant une hospitalisation en réanimation (36 %), une trans-plantation d’organe solide (12 %), une greffe de cellules souches hémato poïétiques (12 %) et une

Tableau II. Facteurs favorisants et traitements des infections ostéoarticulaires des champignons dimorphiques (2-5).

Champignon Facteur favorisant Antifongique Chirurgie

S. schenckii Éthylisme (30 %), traumatisme, activité de plein air (42 %)

Itraconazole (A-II) ou amphotéricine B liposomale (B-III), traitement de 12 mois minimum (2)

Rarement recommandée

C. immitis VIH, traumatisme, activité de plein air

Amphotéricine B liposomale (B-III) [3]

Parfois nécessaire

B. dermatitidisInconnu

Amphotéricine B pendant 1 à 2 semaines puis itraconazole pendant au moins 12 mois (4)

Non recommandée

H. capsulatum- VIH si variété capsulatum- Inconnu si variété duboisii

Amphotéricine B pendant 1 à 2 semaines, puis itraconazole pendant 12 mois (5)

Non recommandée

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chirurgie abdominale (9 %). Dans tous les cas, sauf un (97 %), le diagnostic avait été posé grâce à la positivité des hémocultures. La mortalité était de 61 %, attribuée à l’infection fongique dans 84 % des cas (temps médian de survie de 9 jours). Il faut souligner que Trichosporon est naturellement résis-tant aux échinocandines et à l’amphotéricine B ; le traitement recommandé est le voriconazole par voie intraveineuse. Pour poursuivre leur étude, les auteurs sollicitent la déclaration en ligne des cas (ClinicalSurveys.net).

Transplantation d’organes solides (TOS) et infections fongiques invasives (IFI)

D’après la communication de P. Muñoz, abstract S073aLe risque d’IFI varie significativement selon le type de transplantation : intestin (11,6 %), poumon (8,6 %), foie (4,7 %), cœur (3,4 %), rein (1,3 %) [6]. La prophylaxie antifongique est largement proposée en cas de greffe intestinale, pulmonaire ou pancréa-tique. Pour les greffés cardiaques, elle est recom-mandée lorsque l’un des facteurs de risque suivants est présent : hémodialyse, infection par cyto-mégalovirus (CMV), retransplantation ; elle doit être poursuivie 2 semaines après la disparition du facteur de risque (7). Toujours en cas de transplanta-tion cardiaque, il a été démontré que l’oxygénation extracorporelle (OEC) était un facteur de risque majeur d’IFI (OR = 29,3 [1,51-592,57]) ; l’IFI surve-nant rapidement après OEC (médiane de 7 jours), elle augmente avec la durée de l’OEC (8). Pour le choix de l’antifongique à utiliser en prophylaxie, les données disponibles concernent essentiellement les patients transplantés hépatiques. Par une méta-analyse récemment publiée (9), il a été démontré que la prophylaxie par fluconazole ou amphotéri-cine B liposomale réduisait significativement, et de manière équivalente, la fréquence de survenue des IFI (OR = 0,4 ; p < 0,0003) et leur mortalité (OR = 0,32 ; p < 0,02) par rapport au placebo ou aux antifongiques non absorbables. Par ailleurs, P. Muñoz rappelle que le greffon des TOS peut être source d’infections, de même que sa solution de conservation. Pour les levures (4 %), les consé-quences en sont le développement d’anévrysmes candidosiques, avec un taux de mortalité pouvant atteindre 66 % (10). Pour les filamenteux, il s’agit essentiellement d’infections par Aspergillus (71 %), avec pour conséquence un rejet de greffe (83 %) et une mortalité de 17 % (11). Pour le diagnostic

d’aspergillose invasive, le galactomannane sérique a une faible sensibilité dans cette population ; l’apport des autres tests diagnostiques (bêta-D-glucane, antigène Candida) reste à définir, car ils ont été peu évalués chez les transplantés (12). En cas d’asper-gillose invasive, il existe 2 types de présentation radiologique au scanner : la forme aéro-invasive et la forme angio-invasive, cette dernière étant asso-ciée à une plus forte mortalité (70 versus 23 %, p = 0,04) [13]. Pour le choix des traitements anti-fongiques chez les transplantés, il faut souligner que l’utilisation des azolés (fluconazole, voriconazole, posaconazole) doit prendre en compte certaines interactions médicamenteuses, dont la diminution de l’immunosuppression (corticoïdes, calcineurine). Les IFI des TOS sont un domaine complexe, que des études prospectives multicentriques, spécifiques d’organes devraient permettre de mieux appré-hender, en termes de prophylaxie et de traitement.

Infections parasitaires

Paludisme grave : apport de l’artésunate hors des zones d’endémie

D’après la communication de F. Kurth et al., abstract O035F. Kurth et al. (Berlin, Allemagne) ont analysé 185 cas de paludisme grave à Plasmodium falciparum diagnostiqués entre 2006 et 2013 par les 28 centres européens du réseau TropNet. Dans 57 % des cas, il s’agissait d’Européens sans antécédent d’immigra-tion. Les pays de contamination se situaient sur le continent africain, sauf pour 2 patients (Amérique latine). À l’examen clinique, les malades présentaient un ictère (44 %), des troubles de la conscience et/ou des convulsions (27 %), un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) [19 %], des infections respiratoires aiguës (IRA) [19 %], des chocs (15 %) et des saignements (7 %) ; sur le plan biologique, une parasitémie supérieure à 5 % (71 %), un taux d’hémo-globine inférieur à 8 g/l (15 %), une acidose (5 %) et une hypoglycémie (3 %). Les traitements ont été la quinine (50 %), l’artésunate (35 %), et la quinine puis l’artésunate (4 %). Le pourcentage de survie à 28 jours était de 98,4 %. Les 3 décès observés concernaient 2 voyageurs européens et 1 migrant. La comparaison entre les patients ayant reçu de l’artésunate et ceux ayant reçu de la quinine montre que l’artésunate permet, d’une part, de réduire de 24 heures le temps d’hospitalisation et, d’autre part, de négativer la parasitémie 1 jour plus tôt.

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Bilharziose d’importation : différences entre Européens, expatriés et non-Européens

D’après la communication de T. Lingscheid et al., abstract EP171T. Lingscheid et al. (Berlin, Allemagne) ont analysé 1 465 cas sur une période de 13 ans (1998-2010). Les cas étaient définis par la mise en évidence du parasite (cas certains) ou par une symptomato-logie évocatrice associée à une sérologie positive. L’analyse des cas s’est faite selon 3 groupes de patients : Européens, expatriés et non-Européens. La sympto matologie était significativement différente en fonction des groupes (tableau III). On a relevé 570 cas certains (39 %) de bilharziose intestinale ; 16 % de ces cas concernaient des Européens, 23 % des expatriés et 61 % des non-Européens. Pour la bilharziose urogénitale, 318 cas certains (22 %)

ont été retrouvés ; 21 % de ces cas concernaient des Européens, 5 % des expatriés et 64 % des non-Européens. Les Européens présentaient plus souvent une symptomatologie aiguë et non spécifique que les autres catégories.

Diarrhée à Capillaria philippinensis

D’après la communication de P. Panarat et al., abstract P0127La capillariose intestinale est une nématodose qui sévit en Asie. Elle est due à la consommation de poissons d’eau douce contenant les larves infec-tieuses de C. philippinensis. Le ver adulte vit dans la muqueuse jéjunale, et les femelles émettent des œufs qui sont éliminés dans les selles. P. Panarat et al. (Bangkok, Thaïlande) ont analysé rétrospecti-vement 6 cas diagnostiqués de juin 2006 à mai 2014 dans leur hôpital. Il s’agissait de 3 hommes et de 3 femmes, sans antécédents médicaux particu-liers, qui présentaient tous une diarrhée aqueuse. Pour 5 de ces 6 patients, on constatait une perte de poids. La consommation de poisson cru était retrouvée pour 4 d’entre eux. Les bilans biologiques montraient une hypoalbuminémie dans tous les cas, mais une éosinophilie n’était diagnostiquée que chez 1 malade. Le diagnostic avait été posé pour tous les malades par la découverte d’œufs dans les selles. Les patients ont été traités par alben-dazole et/ou mébendazole (moyenne du traite-ment : 3 semaines). Cette prise en charge a permis une amélioration des symptômes pour 5 patients ; 1 patient est décédé d’une septicémie à Staphylo-coccus aureus durant le traitement. ■

Tableau III. Symptomatologie des cas de bilharziose en fonction du type de patients.

Symptômes (%) Européens Expatriés Non-Européens p

Fièvre 21 10 7 < 0,0001

Symptômes cutanés 9 3 6 < 0,0027

Symptômes respiratoires 8 4 2 < 0,0001

Symptômes musculosquelettiques 9 3 3 < 0,0001

Symptômes urogénitaux 13 6 20 < 0,0001

Symptômes digestifs 14 8 11 0,02

Douleurs abdominales 6 4 13 < 0,0001

Manifestations aiguës 34 23 23 < 0,0001

Manifestations chroniques 15 8 26 < 0,0001

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Références bibliographiques

A. Paugam déclare avoir des liens d’intérêts

avec Astellas, MSD et Pfizer.

M. Revest déclare ne pas avoir de liens d’intérêts

en relation avec cet article.

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