Congrès de l’International Diabetes Federation 2015 · Correspondances en Métabolismes Hormones...

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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XX - n° 3 - mars 2016 52 Échos des congrès © Christopher Howey Congrès de l’International Diabetes Federation 2015 Vancouver, 30 novembre-4 décembre 2015 Pierre Gourdy* * Service de diabétologie, maladies métaboliques et nutrition, CHU de Toulouse ; Inserm UMR 1048, Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires, Toulouse. En cette fin d’année 2015, la cité olympique de Vancouver et son environnement naturel exceptionnel accueillaient le congrès bisannuel de l’International Diabetes Federation. Une édition de haute volée sur le plan scientifique, les organisateurs étant parvenus à réunir une multitude d’orateurs prestigieux dans le cadre de sessions thématiques plus passionnantes les unes que les autres. Avancées dans la compréhension physiopathologique du diabète et de ses complications, nouvelles pistes d’intervention thérapeutique, marqueurs ouvrant enfin la perspective d’une véritable médecine personnalisée… tous les intervenants ont parfaitement joué le jeu en partageant leurs données récentes les plus pertinentes, non encore publiées pour nombre d’entre elles. Soucieux de vous faire profiter a posteriori de ce rendez-vous particulièrement réussi de la diabétologie mondiale, nous vous proposons ici une brève sélection des informations susceptibles de bouleverser nos habitudes de prise en charge dans un avenir sans doute pas si lointain. La cellule alpha-pancréatique au cœur de la physiopathologie du diabète de type 2 Du fait de l’avènement de nouvelles classes théra- peutiques susceptibles de cibler l’hyperglucago- némie caractéristique du diabète de type 2, le rôle physiopathologique de la cellule alpha-pancréatique a indéniablement connu un regain d’intérêt au cours des dernières années. Dans le cadre d’un sympo- sium entièrement consacré à cette cellule endocrine, A. Cherrington (Nashville, États-Unis) a rappelé que, bien que ses récepteurs soient exprimés par de nombreux tissus au sein de l’organisme (tissu adipeux, système nerveux central, myocarde, etc.), le glucagon doit être considéré comme une hormone hépatocentrique. Son effet hyperglycémiant s’exerce en quelques minutes, principalement par activation du processus de glyco- génolyse, mais le glucagon stimule également la néo- glucogenèse et la cétogenèse, en particulier lors des situations de jeûne, d’exercice musculaire ou d’infection. Plusieurs avancées ont été réalisées pour la compré- hension des mécanismes de régulation hormonale de la sécrétion de glucagon par la cellule alpha-pancréa- tique. Le rôle des incrétines s’avère en particulier plus complexe que prévu, puisque, contrairement à l’effet frénateur du GLP-1, le GIP et le GLP-2 semblent favo- riser la sécrétion de glucagon, comme le démontrent les travaux de F. Knop (Copenhague, Danemark). Plus étonnants sont les résultats non publiés obtenus par cette même équipe dans une cohorte de patients pancréatectomisés. En effet, si les concentrations plas- matiques de peptide C et de polypeptide pancréatique sont strictement indétectables lors d’une hyperglycémie provoquée par voie orale, ce n’est pas le cas des taux de glucagon, qui restent significatifs et s’élèvent durant l’épreuve de charge, suggérant une source de produc- tion extrapancréatique. De façon intéressante, l’adminis- tration de lixisénatide inhibe la sécrétion de glucagon et exerce un effet hypoglycémiant net chez ces sujets. D. Kelley (Kenilworth, États-Unis) a ensuite fait le point sur les perspectives de blocage du récepteur du glucagon à des fins thérapeutiques, en particulier sur le développement de l’antagoniste MK0893. Dans le cadre d’une étude de phase IIb conduite en monothérapie chez

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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XX - n° 3 - mars 201652

É c h o s d e s c o n g r è s

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Congrès de l’International Diabetes Federation 2015Vancouver, 30 novembre-4 décembre 2015Pierre Gourdy*

* Service de diabétologie, maladies métaboliques

et nutrition, CHU de Toulouse ; Inserm

UMR 1048, Institut des maladies métaboliques

et cardiovasculaires, Toulouse.

En cette fin d’année 2015, la cité olympique de Vancouver et son environnement naturel exceptionnel accueillaient le congrès bisannuel de l’International Diabetes Federation. Une édition de haute volée sur le plan scientifique, les organisateurs étant parvenus à réunir une multitude d’orateurs prestigieux dans le cadre de sessions thématiques plus passionnantes les unes que les autres. Avancées dans la compréhension physiopathologique du diabète et de ses complications, nouvelles pistes d’intervention thérapeutique, marqueurs ouvrant enfin la perspective d’une véritable médecine personnalisée… tous les intervenants ont parfaitement joué le jeu en partageant leurs données récentes les plus pertinentes, non encore publiées pour nombre d’entre elles. Soucieux de vous faire profiter a posteriori de ce rendez-vous particulièrement réussi de la diabétologie mondiale, nous vous proposons ici une brève sélection des informations susceptibles de bouleverser nos habitudes de prise en charge dans un avenir sans doute pas si lointain.

La cellule alpha-pancréatique au cœur de la physiopathologie du diabète de type 2

Du fait de l’avènement de nouvelles classes théra-peutiques susceptibles de cibler l’hyperglucago-némie caractéristique du diabète de type 2, le rôle physiopathologique de la cellule alpha-pancréatique a indéniablement connu un regain d’intérêt au cours des dernières années. Dans le cadre d’un sympo-sium entièrement consacré à cette cellule endocrine, A. Cherrington (Nashville, États-Unis) a rappelé que, bien que ses récepteurs soient exprimés par de nombreux tissus au sein de l’organisme (tissu adipeux, système nerveux central, myocarde, etc.), le glucagon doit être considéré comme une hormone hépatocentrique. Son effet hyperglycémiant s’exerce en quelques minutes, principalement par activation du processus de glyco-génolyse, mais le glucagon stimule également la néo-glucogenèse et la cétogenèse, en particulier lors des situations de jeûne, d’exercice musculaire ou d’infection.Plusieurs avancées ont été réalisées pour la compré-hension des mécanismes de régulation hormonale

de la sécrétion de glucagon par la cellule alpha-pancréa-tique. Le rôle des incrétines s’avère en particulier plus complexe que prévu, puisque, contrairement à l’effet frénateur du GLP-1, le GIP et le GLP-2 semblent favo-riser la sécrétion de glucagon, comme le démontrent les travaux de F. Knop (Copenhague, Danemark). Plus étonnants sont les résultats non publiés obtenus par cette même équipe dans une cohorte de patients pancréatectomisés. En effet, si les concentrations plas-matiques de peptide C et de polypeptide pancréatique sont strictement indétectables lors d’une hyper glycémie provoquée par voie orale, ce n’est pas le cas des taux de glucagon, qui restent significatifs et s’élèvent durant l’épreuve de charge, suggérant une source de produc-tion extrapancréatique. De façon intéressante, l’adminis-tration de lixisénatide inhibe la sécrétion de glucagon et exerce un effet hypoglycémiant net chez ces sujets.D. Kelley (Kenilworth, États-Unis) a ensuite fait le point sur les perspectives de blocage du récepteur du glucagon à des fins thérapeutiques, en particulier sur le développement de l’antagoniste MK0893. Dans le cadre d’une étude de phase IIb conduite en monothérapie chez

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des sujets diabétiques de type 2, cette molécule a permis une baisse du taux d’HbA1c de l’ordre de 1 % à 3 mois, supérieure à celle observée avec la prise de metformine (2 g/j). Ce traitement s’accompagne cependant d’une augmentation franche des taux circulants de glucagon et de GLP-1, mais également d’une prise de poids (1 à 3 kg) pour des doses supérieures à 40 mg/j (correspondant à un blocage de l’ordre de 50 % de l’activité du récepteur). Autre problématique, la tolérance hépatique, avec une majoration de 25 % du niveau des ALAT et une augmentation de 5 à 10 % du taux plasmatique de LDL-cholestérol. Une étude récente chez la souris suggère d’ailleurs une augmentation de l’absorption intestinale du cholestérol et des phytostérols en réponse au traitement, effet annulé par l’administration d’ézétimibe.Un autre aspect encore peu connu de cette interférence avec le récepteur du glucagon concerne la survenue d’une hyperplasie des cellules alpha-pancréatiques, comme l’a rappelé A. Powers (Nashville, États-Unis). Des travaux expérimentaux menés chez le poisson zèbre ont suggéré l’implication d’effets mettant en jeu la voie moléculaire mTOR en réponse à des facteurs d’origine hépatique. Un taux excessif d’acides aminés circulants a d’ailleurs été évoqué pour expliquer cette hyperplasie des cellules alpha. Un lien entre le métabolisme des tri-glycérides au sein du tissu adipeux et ce processus hyper-plasique a également été très récemment avancé, via la production d’un facteur sérique, l’angiopoietin-like 4, à la suite de l’activation des récepteurs nucléaires PPARγ.

Prédiction ou intervention thérapeutique : du nouveau du côté du microbiote intestinal !

L’afflux continu de données épidémiologiques et expérimentales plus ou moins pertinentes ne simplifie pas notre analyse de l’implication réelle du microbiote intestinal dans la physiopathologie des pathologies dysmétaboliques et notre perception des applications thérapeutiques potentielles qui pourraient en découler. Proposant une synthèse extrêmement claire et mesurée de l’état de l’art, le symposium dédié à ce domaine de recherche a permis aux congressistes de mieux cerner la solidité des acquis et les questions restant ouvertes. En premier lieu, il est évident que, au-delà de la transmission maternelle souvent mise en avant, les habitudes alimentaires influencent de façon très nette et très rapide la composition du microbiote intestinal, comme l’a illustré M. Nieuwdorp (Amsterdam, Pays-Bas). C’est également le cas de certains traitements dont les effets peuvent impliquer des

modifications de la diversité bactérienne. Le meilleur exemple est certainement celui de la metformine, des données récentes montrant qu’une partie au moins des effets hypoglycémiants de cette molécule seraient directement liés à la production d’acides gras à chaînes courtes via le microbiote intestinal. Le microbiote semble également impliqué dans les effets indésirables digestifs de la metformine du fait d’une augmentation relative de certaines espèces d’Escherichia. Conséquence directe de ces observations, il est désormais indispensable de tenir compte de ces interférences médicamenteuses pour interpréter les associations entre les modifications du microbiote intestinal et les mécanismes physiopathologiques des différentes maladies étudiées.Parmi les avancées cruciales des dernières années sur le plan physiopathologique, R. Burcelin (Toulouse, France) a souligné l’importance des interactions entre le micro-biote et la paroi intestinale, et tout particulièrement ses mécanismes de défense immuno-inflammatoires. Ainsi, en altérant certains sous-types lymphocytaires impliqués dans les phénomènes de tolérance immu-nitaire (lymphocytes Th17), la dysbiose induite par un régime hyperlipidique pourrait favoriser la translocation de bactéries d’origine intestinale, et donc entretenir des phénomènes d’inflammation chronique et d’in-sulinorésistance dans différents tissus de l’organisme.P. Cani (Louvain, Belgique) et F. Bäckhed (Göteborg, Suède) sont, quant à eux, revenus sur les possibilités d’intervention pour prévenir ou traiter les maladies métaboliques telles que l’obésité ou le diabète de type 2. Il paraît de plus en plus évident qu’une partie au moins des bénéfices métaboliques obtenus avec les différentes interventions proposées à ce jour puisse s’expliquer par des interactions avec certaines cellules de la paroi intestinale telles que les cellules L, productrices de GLP-1. L’équipe de F. Bäckhed a d’ailleurs récemment montré que l’amélioration rapide de l’équilibre glycémique après chirurgie bariatrique implique directement des modifications du microbiote, et ce, indépendamment du type de chirurgie, malabsoptive ou non. Autre notion majeure, la nécessité d’individualiser les stratégies d’intervention a été tout particulièrement mise en avant. Qu’il s’agisse de l’administration de prébiotiques, de probiotiques ou de stratégies de transplantation fécale, l’existence de sujets répondeurs et non répondeurs est désormais parfaitement admise. Pour optimiser les chances de succès thérapeutique, il sera donc probablement indispensable dans l’avenir de prendre en compte les profils individuels du microbiote intestinal avant toute intervention. Une alternative crédible consiste

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à outrepasser le rôle propre du microbiote lui-même en administrant directement des métabolites d’origine bactérienne qui participent à la transmission de l’effet métabolique favorable. C’est le cas du butyrate, qui exerce un effet bénéfique sur la composition corporelle et le métabolisme glucidique de rongeurs soumis à un régime hyperlipidique. Confirmant l’intérêt de cette piste thérapeutique chez l’homme, des résultats encourageants ont été obtenus récemment chez certains sujets diabétiques de type 2 recevant du butyrate sodique pendant 4 semaines (résultats non publiés).De façon très intéressante, plusieurs observations cliniques récentes plaident également en faveur de l’implication du microbiote intestinal dans la physio-pathologie du diabète de type 1. L’existence de signatures bactériennes spécifiques a ainsi été associée à l’apparition des stigmates d’auto-immunité et à la survenue du diabète dans des populations pédiatriques. Les données issues de la cohorte prospective TEDDY, rapportées par M. Rewers (Aurora, États-Unis), sont particulièrement convaincantes. Rappelons que cette cohorte implique plusieurs centres aux États-Unis et dans 3 pays européens (Allemagne, Finlande, Suède) et regroupe 8 676 enfants à haut risque génétique de développer un diabète de type 1 suivis depuis maintenant 10 ans. En comparant un groupe de 419 sujets ayant développé des anticorps spécifiques durant le suivi à un nombre identique de sujets contrôles (sérodiagnostic négatif ), une publication récente révèle une instabilité significative du microbiote, caractérisée par des modifications transitoires (augmentation de la diversité bactérienne) environ 1 an avant la séroconversion. Le microbiote des sujets contrôles est resté quant à lui parfaitement stable tout au long du suivi. Renforçant l’hypothèse d’un rôle causal, l’administration d’une supplémentation en probiotiques au cours du premier mois de vie réduit le risque de séroconversion chez ces enfants à haut risque génétique (HR = 0,66 ; IC95 : 0,46-0,94).

Endothélium vasculaire : un partenaire à ne pas négliger au cours du diabète

Évoquer l’endothélium chez les sujets diabétiques ramène immanquablement à la dysfonction endo-théliale impliquée dans la genèse des complications vasculaires. Dans ce contexte, M. Cooper (Melbourne, Australie) a rappelé la vulnérabilité des cellules endothé-liales lors de l’exposition à l’hyperglycémie, contribuant en particulier à une augmentation significative de la

perméabilité vasculaire. Au sein de la cellule endo-théliale, l’hyperglycémie a pour principale conséquence de majorer la production de radicaux libres oxygénés par différents mécanismes impliquant l’effet direct de produits avancés de la glycation et de métabolites du glucose tels que le méthylglyoxal. La dysfonction endo-théliale induite par l’hyperglycémie se manifeste prin-cipalement par une diminution de la biodisponibilité du monoxyde d’azote (NO) généré par l’intermédiaire de l’enzyme NO-synthase endothéliale (eNOS). Cette enzyme eNOS représente donc une cible d’intérêt pour prévenir la dysfonction endothéliale et la survenue de complications vasculaires au cours du diabète. C’est en tout cas ce que suggèrent des résultats expérimentaux récemment obtenus in vivo dans un modèle murin d’athérosclérose. En effet, l’administration de CavNOxin, un peptide capable de restaurer l’activité de l’eNOS en inhibant de manière spécifique sa liaison avec la cavéo-line 1, permet de réduire de 84 % le développement des plaques d’athérome.Au-delà des complications macrovasculaires classiques, E.H. Lo (Charlestown, États-Unis) a ensuite insisté sur le rôle crucial de l’endothélium vasculaire en termes de neuroprotection et exposé le concept d’unités neurovasculaires favorisant les interactions entre les cellules endothéliales et les neurones du système nerveux central. Ce réseau vasculaire cérébral semble beaucoup plus sensible aux effets du vieillissement et de l’hyperglycémie que d’autres lits vasculaires, les signaux de régénération neuronale étant en particulier nettement altérés au cours du diabète. Une affaire à suivre de près compte tenu des liens qui se précisent entre l’existence d’un diabète et la survenue d’éléments de détérioration des fonctions cognitives…L’implication de l’endothélium ne se limite cependant pas au champ des complications. La vascularisation des îlots de Langerhans, plus précisément l’interaction entre les cellules endothéliales et les cellules endocrines du pancréas, semble, en effet, jouer un rôle non négligeable dans la physiopathologie du diabète de type 2, comme l’a brillamment rappelé R. Hull (Seattle, États-Unis). Les données histologiques ne montrent pas d’altération du nombre de capillaires et de la densité vasculaire au sein des îlots dans les modèles murins de diabète, mais plusieurs arguments expérimentaux sont en faveur de phénomènes de dysfonction endothéliale. Ainsi, les cellules endothéliales isolées à partir d’îlots diabétiques (souris db/db) sont caractérisées par une augmentation significative de l’expression de la sélectine E (x 3 par rapport à des cellules issues de souris sauvages), de l’IL-6 (x 2), de l’endothéline-1 (x 2) et par une réduction de 50 % du rapport eNOS/β-caténine.

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Les mécanismes d’interaction entre l’endothélium et les cellules endocrines restent encore peu connus, mais le rôle paracrine de molécules de la famille des laminines (et plus particulièrement de l’isoforme laminine alpha 4), sécrétées par les cellules endothéliales, semble prépondérant.Une application clinique directe découlant de la mise en évidence de ces interactions étroites entre les cellules endothéliales et les îlots de Langerhans concerne le domaine des transplantations d’îlots dans le diabète de type 1. P. Carlsson (Uppsala, Suède) est revenu sur l’importance de la vascularisation pour la survie et la fonction des îlots transplantés. Ce réseau vasculaire favorise l’oxygénation, l’apport de nutriments et les régulations hormonales, mais également la possibi-lité d’effets paracrines entre les cellules endothéliales et les cellules endocrines. Certaines molécules telles que les laminines ou la thrombospondine-1, sécrétées par les cellules endothéliales, semblent ainsi exercer un effet favorable sur les îlots transplantés. Ces travaux pourraient amener à faire évoluer les protocoles de thérapie cellulaire du diabète de type 1 en réalisant des cotransplantations d’îlots de Langerhans et de cel-lules endothéliales, combinaison qui permet d’amé-liorer la survie et la fonction du greffon chez l’animal. D’autres types cellulaires tels que des cellules souches de la crête neurale ont été plus récemment testés dans ce type de cotransplantations avec des résultats très prometteurs, la vascularisation et l’innervation des transplants d’îlots humains étant significativement améliorées dans ces conditions.

Complications de l’hyperglycémie : de nouvelles cibles thérapeutiques en vue

Les différentes tentatives d’intervention thérapeutique visant à contrer les mécanismes moléculaires impli-qués dans les complications dégénératives de l’hyper-glycémie se sont avérées décevantes jusqu’à présent. M. Brownlee (New York, États-Unis) est revenu sur la responsabilité des radicaux libres oxygénés (RLO), et plus précisément sur le rôle central de leur production mitochondriale. Des travaux non publiés, réalisés au sein de son équipe, montrent, en effet, qu’en l’absence d’ADN mitochondrial, l’exposition in vitro à des concen-trations croissantes en glucose n’induit pas de stress oxydatif. Soulignant le rôle potentiellement néfaste de la variabilité glycémique, des pics transitoires d’ex-position à des concentrations élevées de glucose sont suffisants pour induire une production mitochondriale de RLO persistant plusieurs jours. Chez la souris, le seuil

d’activation mitochondriale semble correspondre à des concentrations glycémiques de 11 mmol/l. Si ces travaux permettent de préciser l’implication des mécanismes d’activation mitochondriale dans la réponse cellulaire à l’hyperglycémie, il reste cependant difficile à l’heure actuelle d’envisager des stratégies d’intervention suf-fisamment spécifiques.En revanche, dans la continuité de ses travaux sur les produits avancés de la glycation (AGE), A.M. Schmidt (New York, États-Unis) a terminé son intervention sur des perspectives thérapeutiques plus enthousiasmantes. Il est acquis, depuis la fin des années 1990, que les effets néfastes de ces AGE impliquent l’activation de récep-teurs spécifiques (RAGE), largement exprimés dans les tissus cibles (paroi vasculaire, glomérule rénal, etc.) et impliqués dans de nombreux processus physio-pathologiques. À titre d’exemple, des données récentes montrent que, au-delà des phénomènes pro-inflam-matoires préalablement décrits, l’activation du RAGE au niveau des macrophages inhibe le transport retour du cholestérol. La signalisation intracellulaire en aval du RAGE est longtemps restée mystérieuse, mais l’identifica-tion d’une molécule nommée mDIA1, interagissant avec la partie intracellulaire du RAGE, a récemment changé la donne en offrant une nouvelle cible d’intervention. Une stratégie d’identification systématique de petites molécules capables de dissocier cette protéine mDIA1 de la queue intracytoplasmique du RAGE a en effet per-mis de lister 14 candidats potentiels pour “désamorcer” la transmission de signaux intracellulaires délétères par le récepteur. L’un d’entre eux, administré dans un modèle de diabète chez le rongeur, a récemment permis de prévenir l’installation de processus inflammatoires au niveau du tissu rénal et d’altérations glomérulaires. Un espoir donc pour prévenir l’évolution des complica-tions dégénératives du diabète chez des sujets préala-blement exposés à des années d’hyperglycémie.

Vous l’aurez compris au travers de ces quelques illustra-tions, cette édition 2015 du congrès de l’IDF aura parfai-tement reflété le dynamisme qui habite actuellement la recherche en diabétologie. La tâche reste cependant immense pour répondre aux multiples enjeux posés par l’épidémie mondiale de diabète, confirmée par la mise à jour de l’IDF Diabetes Atlas diffusée lors du congrès. L’occasion de rappeler qu’une des forces de ce meeting de l’IDF est de s’ouvrir à la diversité des problématiques rencontrées dans les différentes régions de la planète, la nécessité d’une recherche scientifique de pointe plé-biscitée dans nos pays industrialisés n’occultant pas les besoins vitaux de zones plus défavorisées en termes de disponibilité des traitements et d’accès aux soins… ■

P. Gourdy déclare ne pas avoir de liens d'intérêts en relation avec l'écriture de cet article.

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