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CONFLITS, VIOLENCE DE MASSE ET EXPÉRIENCE(S) COMBATTANTE(S) Nouveaux programmes de Troisième

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CONFLITS, VIOLENCE DE

MASSE ET EXPÉRIENCE(S)

COMBATTANTE(S)

Nouveaux programmes de Troisième

La Première Guerre mondiale, si elle s’éloigne dans le temps, a été l’objet depuis le début des années 90 d’un profond bouleversement historiographique. Bouleversement salutaire tant il a permis de renouveler non seulement la lecture du premier conflit mondial mais aussi de la période qui a suivi, totalitarismes et Deuxième Guerre mondiale.Ce bouleversement a également été l’objet de profonds débats d’une ampleur qui n’avait pas été vue depuis ceux concernant la Révolution Française (Furet…) et dont la radicalité s’est traduite par l’utilisation de nombreuses métaphores guerrières : « Guerre de tranchées entre historiens » (Le Monde, 11 mars 2006, article de Jean Birnbaum, repris dans 14-18, Les traces d’une guerre, Le Monde Hors série, 2008), « champ de bataille des historiens » (Le Naour, 9)…Les éléments suivants n’ont pour objectif que de faire un point rapide sur ces renouvellements. Certains acteurs de ces débats pourront leur reprocher de continuer à véhiculer « les diverses formes de caricatures » (Buton, Loez et Alli, 9), reproche fait à certains spécialistes de la période, tout en rappelant que ce travail s’appuie sur les divers écrits que l’on trouvera en référence.Si l’accent semble être davantage mis sur la Grande Guerre, c’est en raison du profond renouvellement historiographique de ces dernières années et qui semble avoir moins concerné la Deuxième Guerre à qui, il est vrai, on demandait de répondre à d’autres attentes (Vichy, procès Papon et « la lecture judiciaire de l’histoire » (Henri Rousso, La hantise du passé, 1998, page 86). Toutefois nous verrons que les historiens de la Deuxième Guerre se sont intéressés à de mêmes thématiques, en particulier celle de la violence, et parfois dans une démarche comparative entre les deux conflits.

Le renouvellement des approches au début des années 90 :

De manière subjective, nous pouvons retenir deux ouvrages ayant contribué à renouveler l’approche de cette période.Ils s’inscrivent dans ce que A. Prost nomme « la troisième configuration historiographique » de la Grande Guerre(Prost/Winter (1), page 42) apparue au tournant des années 90 et s’appuyant sur la création de l’Historial de Péronne en 1992.Après une guerre essentiellement étudiée sous l’angle militaire et diplomatique, puis sous l’angle social, c’est sous l’angle de l’histoire culturelle que se forme cette « troisième configuration culturelle et sociale » telle que la désigne A. Prost.Plusieurs explications à ce tournant : citons l’abandon du marxisme après la chute du mur modifiant les problématiques et l’intérêt porté aux cas particuliers et non plus aux sociétés dans toutes leurs dimensions (réédition, publication des témoins de la Grande Guerre, dans toute leur singularité), une patrimonialisation de l’histoire de la guerre, une redécouverte des lieux et des objets… Mais aussi une histoire culturelle permettant de répondre aux nouvelles interrogations : « La guerre de 1914 n’a-t-elle pas été une expérimentation des totalitarismes et de la mort de masse ? […] Question aujourd’hui incontournable, à laquelle on ne peut répondre par l’histoire-bataille, l’histoire diplomatique ou même l’histoire sociale. » (Prost (1) page 47).

Le renouvellement des approches au début des années 90 :

De « l’essai brillant et profond » (Prost) de l’historien américain Georges Mosse d’abord publié en 1990 en anglais sous le titre de Fallen soldiers, on pourrait presque affirmer sans trop forcer la caricature que l’on a surtout retenu le titre de l’ouvrage paru en France en 1999 (parfois au détriment de son contenu) :-L’utilisation d’un terme appelé à connaître un grands succès : brutalisation appliqué ici, d’après le sous-titre, aux sociétés européennes alors qu’un regard rapide à la table des matières permet de voir que Mosse l’utilise dans son travail pour l’Allemagne essentiellement (chapitre VII : la brutalisation du champ politique allemand, page 181 ) - De la Grande Guerre au totalitarisme. Le lien est ainsi fait entre la guerre et la période suivante : c’est parce que la société allemande a été rendue brutale par la guerre qu’elle aurait donc accepté Hitler…

Bernard Bruneteau, spécialiste des totalitarismes, confirme la prégnance de ces idées dans son ouvrage sur L’Âge totalitaire, Idées reçues sur le totalitarisme, Le Cavalier Bleu, 2011) en définissant brutalisation ainsi dans son glossaire (page 168) : « traduction du néologisme « brutalization » … pour caractériser l’ensauvagement des hommes par la guerre. Rendus à la vie civile, nombre d’anciens combattants y poursuivraient leurs comportements brutaux […]. La thèse de la brutalisation explique une part de l’extrémisme allemand et italien ainsi que le premier bolchevisme ».

Le renouvellement des approches au début des années 90 :

14-18, Retrouver la guerre : l’ouvrage synthétise en 2000 des idées développées depuis quelques années par les deux auteurs Stéphane Audouin-Rouzeau et Annette Becker.Il va contribuer à développer la notion de « culture de guerre », « c’est-à-dire d’un corpus de représentations du conflit cristallisé en un véritable système donnant à la guerre sa signification profonde . Une « culture », disons-le nettement, indissociable d’une spectaculaire prégnance de la haine à l’égard de l’adversaire ». Ces auteurs ajoutent même que « la culture de guerre de 1914-1918 a ainsi nourri une véritable pulsion « exterminatrice » » (page 122), avec une haine ayant des conséquences sur « la radicalisation de la violence de guerre, aussi bien parmi les soldats qu’entre soldats et civils envahis » (page 123).Ces idées ont pour objectifs de répondre « à une confusion intellectuelle extrême » dénoncée par les auteurs : le « processus de victimisation des soldats » (page 8), faisant des soldats des victimes non consentantes. Déjà donc ce thème du consentement à la guerre…Plus généralement, ces deux auteurs témoignent des recherches « menées » depuis l’Historial de Péronne traduisant une approche plus anthropologique de la guerre sur des thèmes portant sur « la vie des combattants, leurs souffrances et celles de leur famille, sur le deuil » (Doc Photo n°8083, Histoires de France, page 46)

Objet ensuite de critiques…

Critique de la brutalisation : Antoine Prost fait remarquer que l’on tue peu directement pendant la guerre (10% environ) et non sans culpabilité. D’autre part la brutalisation des sociétés dans l’entre deux –guerres que l’on attribue à Mosse ne correspondrait pas à la réalité au vu du pacifismeexistant en Grande-Bretagne ou en France. Signalons que Mosse s’intéressait en fait à l’Allemagne et en particulier la République de Weimar et que même dans ce cas il y a contestation : la violence existait dès avant-guerre dans les traditions de la droite (Offenstadt (6) page 1066)

En ce qui concerne la violence, Antoine Prost résume sa pensée dans un entretien accordé au Monde (Le Monde hors-série 14-18, les traces d’une guerre, 2008) en rappelant que ce qui a changé en 14-18 « c’est plus l’échelle que l’intensité de la violence ». Pour lui, on entre avec la Grande Guerre dans « l’ère de la violence industrielle, donc une violence aveugle ». C’est davantage l’artillerie qui tue et « il est rare que l’on se tue les yeux dans les yeux ». En revanche, pour lui, « dans les guerres du passé, on voyait surtout saigner l’adversaire, en 14, on voyait surtout les cadavres des copains. »

Objet ensuite de critiques…

Culture de guerre ?

Cette notion a été critiquée tout d’abord sur l’improbabilité du surgissement d’une culture de guerre en 1914, ensuite sur son risque de gommer les spécificités nationales et les distinctions sociales (Loez (3) page 18). Ce dernier rappelle que « pour comprendre pleinement les productions culturelles en guerre et leur évolutions, il convient sans doute de ne pas s’en tenir au contenu des œuvres et des discours et d’envisager leurs conditions sociales de production et, surtout, de réception. »D’autres auteurs vont préférer utiliser les terme de « discours dominant » qu’André Loez définit comme « le concept de discours dominant […] fait référence à ce qui sera dénommé « bourrage de crânes » par les contemporains […]. On y trouve par exemple l’exaltation du drapeau et du sacrifice, l’idéalisation des conditions de vie au front et la diabolisation des ennemis. […] Ce discours peut être dit dominant, car il est produit par des individus et des institutions légitimes. […] le concept de discours dominant permet de nuancer le terme de « propagande » dont les définitions sont peu satisfaisantes et renvoient fréquemment, ne serait-ce qu’implicitement, à une volonté de manipulation et/ou de contrôle du corps social. […] Ce concept permet également de ne pas nommer « culture » un corpus de représentations dont la durée de vie et la diffusion sociale sont limitées. (7)

L’/Les expérience/s combattante/s

Pluriel ou singulier ?

Si la plupart des auteurs s’accordent pour rappeler que les historiens ont mis du temps à s’intéresser aux combattants, force est de reconnaître que depuis ils se sont rattrapés.

D’où l’intérêt accordé à ce que S. Audouin-Rouzeau nomme l’expérience combattante, à la manière dont les soldats ont vécu, corps et âme, leur expérience du front, dans une Documentation photographique parue en 2004 (mais l’expression est déjà utilisée dans Retrouver la guerre, page 52 par exemple) et annonçant des idées qu’il développera dans un ouvrage publié en 2008 Combattre.Notons que si l’expression est entrée de plain-pied dans le débat sur 14-18, Cet auteur s’intéresse en fait à l’ensemble des guerres du XXème siècle, à la recherche d’ « invariants » d’un conflit à l’autre afin de définir ce que combattre veut dire. Il revient également sur la manière dont les contemporains représentent et se représentent un conflit.On pourra noter qu’ André Loez utilise le pluriel dans un des ses chapitre de son ouvrage consacré à la Grande Guerre (rappelant « qu’il n’existe pas d’expérience unique des combattants de la Grande Guerre » (Loez (3) page 45).

L’/Les expérience/s combattante/s

En France le débat s’est cristallisé autour de la question : « pourquoi les soldats ont-ils tenu » face à la violence de cette guerre ? Le désaccord en ce qui concerne la réponse à cette question porte notamment sur deux points :

-Contrainte ou consentement ?Le consentement est à rapprocher des idées de S. Audouin-Rouzeau et Annette Becker : constatant le faible nombre de révoltes ou de refus, les soldats auraient donc tenu par une haine de l’ennemi unifiant l’ensemble de la nation, par un patriotisme issu d’une culture de guerre.D’autres historiens insistent davantage sur le poids des contraintes : les autorités, la crainte des gendarmes et conseils de guerre, des attentes de l’arrière (Prost (1), page 140). Certains chercheurs opposés à « l’école de Péronne » se sont regroupés au sein du CRID 14-18 en 2005 symboliquement basé à Craonne et préfèrent utiliser le concept de ténacité dans leurs travaux. André Loez relève les principaux facteurs de cette ténacité (3, page 53) : liens de camaraderies, un patriotisme qui, s’il est souvent le fait des élites, ne se retrouve chez les « simples » soldats, pour qui participer au conflit n’est pas un choix dans les armées de conscription, ceux-ci se contentant d’accomplir leur tache… Loez rappelle également l’importance des dispositifs disciplinaires et judiciaires en cas de refus de combattivité, les sanctions allant de la peine de mort plus ou moins utilisée par les différentes puissances en cas de désobéissance à des punitions plus ordinaires (de la privation de tabac ou alcool au renvoi au feu…) Afin de survivre à la guerre, les soldats usent de stratégies d’évitement afin de minimiser les risques. Nous sommes donc loin du consentement évoqué au départ.

L’/Les expérience/s combattante/s

Deuxième point : quels témoignages de l’expérience combattante ?-Stéphane Audouin-Rouzeau le rappelle dans Combattre : l’expérience de guerre a constitué une expérience centrale dans le cours d’une vie humaine, au point que pour « dire la guerre, pour dire plus particulièrement le combat, (…) des milliers de témoins ont pris la plume, au XXème siècle, souvent pour la première et dernière fois de leur vie. » page 11-12. Mais que faire de leur témoignage ?, ponctué de « non-dits » comme il était déjà affirmé dans Retrouver la guerre : ces témoignages servent à « oublier la violence » (Retrouver la guerre, page 59), la minimise. Dans Combattre, il développe des idées synthétisées dans la Doc photo : le nécessaire recours à l’anthropologie, en particulier Françoise Héritier, une réflexion sur une « pulsion de silence » (doc photo page 15) touchant jusqu’aux anthropologues et historiens ayant connu l’épreuve du feu (Pierre Renouvin, Norbert Elias, Marc Bloch constituant lui une rare exception…), peut-être les plus à même de conceptualiser leur expérience combattante, et n’en disant rien. Comment dès lors interpréter ces silences ?-Ce point de vue sur le témoignage a été contesté par les historiens du CRID : « Des historiens se sont en effet élevés contre ce qu’ils ont nommé une « dictature du témoignage » source « d’inhibitions majeures » et ont soutenu que les témoins avaient « occulté » des pans entiers de leur expérience (Audoin-Rouzeau & Becker). Il est aisé de prouver que ces accusations sont dépourvues de fondement (Cazals), et permis de se demander « sur quoi l’historien fonde-t-il une reconstruction alternative ? » (Prost & Winter 2004). » (1). La critique porte aussi sur le choix de privilégier le témoignage des élites, et d’attribuer à tous les soldats leur pensée, au détriment de carnets ou correspondances rédigés par des non-professionnels de l’écriture (Loez (3) page 46).

Approches comparées des conflits : la violence

Lors d’un colloque réunissant l’Institut d’histoire du temps présent et le Centre de recherche sur la Grande Guerre de l’Historial de Péronne (publication en 2002 (10) sur les deux conflits, la « violence de guerre » s’ est rapidement imposée comme premier terrain de comparaison. Mais dès leur présentation Annette Becker et Henri Rousso rappellent « une des tensions les plus forte qui a traversé la préparation de cet ouvrage, et plus encore du colloque dont il est issu : pouvait-on appréhender de la même manière l’univers mental d’un combattant en proie à la violence de l’engagement sur le terrain et celui d’un bourreau nazi œuvrant dans le cadre d’une entreprise de mort planifiée ? » page 23. Se pose donc rapidement la question de « l’unicité » de la Shoah (page 15) et surtout de la « violence génocide » des Einsatzgruppen, pour reprendre le titre de l’intervention de Christian Ingrao dans ce même ouvrage, où la mort est donnée « les yeux dans les yeux »

Cette réflexion sur la violence se retrouve dans l’ouvrage de C. Browning (11) : il a suivi des réservistes pères de famille, et s’interroge sur les motivations « des hommes ordinaires » à leur participation à la solution finale en Pologne entre 1942 et 1943.

Violence/Violence génocidaire

Un article du Hors-série du Monde diplomatique, Histoire critique du XXe siècle (12), poursuit la réflexion sur la place occupée par le génocide dans le contexte de déchainement de violence de la Deuxième Guerre mondiale, en particulier dans la guerre menée à l’Est de l’Europe où une véritable stratégie d’extermination est mise en place. Il ne s’agit pas seulement d’occuper et d’exploiter mais aussi germaniser « l’espace vital » conquis en Europe centrale et orientale. Conformément aux théories racistes et démographiques du IIIe Reich, la guerre qui prend un caractère génocidaire : chasser et exterminer les « sous-hommes » (polonais, slaves, handicapés, tsiganes…) pour faire place aux allemands « de souche ». Cette stratégie convergence avec la mise en place du génocide.La guerre contre l’URSS (croisade contre le « judéo-bolchévisme ») marque le début de la « Shoah par balle » qui aboutit à éliminer plus de 1 millions de juifs par les groupes de tueries mobiles (Einsatzgruppen). Mais c’est aussi une guerre qui vise les populations soviétiques : les prisonniers (plus de 3 millions de soldats mourront de sévices, de froid, de faim) mais aussi les civils : Göring voulait aussi affamer les soviétiques.D’où l’idée, pour certains historiens allemands, que « le génocide était faisable et que la population allemande disposée à l’accepter car justement précédé de la décision de tuer par la faim des millions de prisonniers de guerre et de civils en URSS. » (…) Le génocide serait « donc dans les conditions de la guerre la partie la plus avancée et la plus largement réalisée de plans d’extermination beaucoup plus vastes » (Götz Aly et Susanne Heim, Les architectes de l’extermination, Auschwitz et la logique de l’anéantissement.)

Violence de masse

Le terme de violence de masse apparait dans les programmes de Troisième pour la Première Guerre. L’intérêt pour cette notion s’est traduit par la création d’une encyclopédie en ligne des violences de masses, souhaitant faire le point sur cette question.http://www.massviolence.org/fr/

Jacques Sémelin, connu pour son travail de réflexion sur les génocides (Purifier et détruire. Usages politiques des massacres et génocides, Seuil, 2005) revient sur la définition de violence de masse :« Par violence de masse, nous entendons désigner les phénomènes de destructivité humaine collective dont les causes sont principalement politiques, sociales, religieuses et culturelles. Sont donc exclus d’emblée de cette catégorie les catastrophes naturelles et les accidents technologiques. Cette notion de « violence de masse » ne recouvre pas non plus les combats armés inhérents aux guerres mais plutôt l’ensemble des violences qui affectent directement ou indirectement les populations civiles, en temps de paix ou en temps de guerre. »http://massviolence.org/fr/Notre-approche-scientifique

A noter l’accent mis sur les populations civiles pour la violence de masse.

Et du côté de nos programmes ?

Rappels des programmes :

En primaire :

La violence du XXème siècle : - les deux conflits mondiaux ; - l’extermination des Juifs et des Tziganes par les nazis : un crime contre l’humanité.

Au collège :

GUERRES MONDIALES ET REGIMES TOTALITAIRES (1914-1945)

Thème 1 : La Première Guerre mondiale : vers une guerre totale (1914-1918)

Thème 3 : La Seconde Guerre mondiale, une guerre d’anéantissement (1939-1945)

Au lycée :Thème 2 - La guerre au XXème siècle (16-17 heures)

Guerres mondiales et espoirs de paix

- La Première Guerre mondiale : l'expérience combattante dans une guerre totale

- La Seconde Guerre mondiale : guerre d'anéantissement et génocide des Juifs et des Tziganes

- Les espoirs d'un ordre mondial au lendemain des conflits : la SDN et l'ONU

Et du côté de nos programmes ?

Les nouveaux programmes tiennent clairement compte de ce renouvellement historiographique. À travers les thèmes de la violence abordée dès le primaire, la violence de masse au collège. C’est au lycée où l’accent est davantage mis sur l’expérience combattante. Notons que dans ces deux niveaux, la Grande Guerre est abordée en tant que guerre totale et que c’est dans ce cadre que doit-être abordée l’expérience combattante au lycée et la violence de masse au collège, qui ne l’oublions pas, est d’abord une violence industrielle issue également du caractère total de cette guerre.

Reste que si la Grande Guerre est considérée comme une guerre totale, comment qualifier la Seconde Guerre dépassant en violence la Première, la mort de masse devenant une véritable stratégie de certains belligérants (Allemagne, Japon). D’où l’apparition du qualificatif « guerre d’anéantissement ». Il ne s’agit pas d’une différence de nature mais de degré dans le caractère total d’une guerre où une stratégie d’anéantissement se fait à l’égard des adversaires mais aussi de certaines populations (juifs…), remettant le génocide dans un contexte plus général de plans d’extermination.

Un Rappel :retour sur les approches comparées des conflits : guerre totale/guerre

d’anéantissement

Fiche ressource programme de Première Eduscolhttp://media.eduscol.education.fr/file/lycee/70/2/LyceeGT_Ressources_Hist_1_04_GuerresPaix_184702.pdf

Dans son acception actuelle, le concept de « guerre totale » est formulé à l’issue de la Première Guerre mondiale (Léon Daudet l’emploie dès 1918, mais il est popularisé par le maréchal allemand Ludendorff dans un ouvrage publié en 1935) et théorisé dans l’entre-deux-guerres par Carl Schmitt. Il est cependant utilisé par certains historiens contemporains pour désigner une réalité plus ancienne qui renvoie à la mutation de la guerre depuis la Révolution et l’Empire, les conflits du XXe siècle représentant le paroxysme de cette évolution. Ce concept recouvre la mobilisation de toutes les ressources des États durant une longue période et à un degré jamais atteint précédemment, et l’extension de l’affrontement à toutes les régions du globe (ou du moins à de très larges portions de celui-ci) dans un but d’anéantissement de l’adversaire. Il se fonde sur une « dynamique de radicalisation » (David Bell) qui amène les belligérants à consacrer toujours plus de moyens à l’accomplissement de cet objectif.

La Seconde Guerre mondiale témoigne d’un degré supplémentaire dans la guerre totale, ce dont le programme rend compte en l’abordant par l’étude de la volonté d’anéantissement de l’adversaire, qu’il soit militaire ou civil, doublée par la volonté politique d’exterminer spécifiquement certaines catégories de populations (génocide des Juifs et des Tziganes, indépendamment de leur nationalité). Déjà présente dans le premier conflit mondial, la conception de la guerre totale comme guerre d’anéantissement (théorisée par Clausewitz au temps des guerres de la Révolution et de l’Empire) est portée à son paroxysme lors du second. En témoignent tant le jusqu’auboutisme des belligérants, qui amène à faire disparaître la distinction entre combattants et non-combattants (combats à outrance, bombardements stratégiques des villes, massacres de prisonniers ou de populations civiles, traitement des prisonniers de guerre …), que la politique raciste menée par les Allemands à l’encontre des populations juives et tziganes dans les territoires qu’ils contrôlent

Références : (parmi une production immense)

1 : Antoine Prost - Jay Winter, Penser la Grande Guerre Un essai d'historiographie - Points Histoire 2004

Deux synthèses récentes :

2 : Jean-Jacques Becker, Gerd Krumeich, La Grande Guerre, une histoire franco-allemande, Tallandier, date ? (plutôt « péronniste »)

3 : André Loez, La Grande Guerre, La découverte, 2010. (plutôt CRID 14-18)

4 : George Mosse, De la Grande Guerre au totalitarisme, Hachette, date

5. Stéphane Audoin-Rouzeau, Annette Becker, 14-18, Retrouver la guerre, Gallimard, 2000.

6. « La Grande Guerre », Nicolas Offenstadt, Historiographie II, sous la direction de C. Delacroix, F. Dosse, P. Garcia, N. Offenstadt , Folio Gallimard, 2010.

7 : Petit répertoire critique des concepts de la Grande Guerre :

http://crid1418.org/espace_scientifique/textes/conceptsgg_01.htm#Bibliographie

8. Stéphane Audoin-Rouzeau, La guerre au XXème siècle, L’expérience combattante, Doc Photo n°8041, 2004.

Stéphane Audoin-Rouzeau, Combattre, Une anthropologie historique de la guerre moderne (XIXe-XXIe siècle), Seuil, 2008

Un entretien sur ce thème : http://www.laviedesidees.fr/Les-sciences-sociales-face-a-la.html

9. Jean-Yves Le Naour revient en 2088 sur « Le champs de bataille des historiens » : http://www.laviedesidees.fr/Le-champ-de-bataille-des.html

Cette présentation a été ensuite critiquée par des auteurs du CRID : http://www.laviedesidees.fr/1914-1918-retrouver-la-controverse.html , cette dernière faisant à son tour l’objet d’une critique par Stéphane Audouin-Rouzeau : http://www.laviedesidees.fr/Controverse-ou-polemique.html

10. La Violence de guerre : 1914-1945 : approches comparées des deux conflits mondiaux, sous la direction de Stéphane Audoin-Rouzeau, Annette Becker, Christian Ingrao et Henry Rousso, Bruxelles et Paris, Éd. Complexe, Paris, IHTP, CNRS, 2002

11. Christopher R. BROWNING, Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la solution finale en Pologne, traduit de l'anglais par Elie Barnavi, préface de Pierre Vidal-Naquet, Paris, Les Belles Lettres, Collection Histoire, 1994, 284 p. (réédition

12. Article : Il y a plusieurs « seconde guerre mondiale », L’Atlas du monde diplomatique, Histoire critique du XXème siècle, Hors série 2010.