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1 Que peut-on prévoir comme conditions et charges dans une donation ? Par Emmanuel de Wilde d’Estmael Avocat au Barreau de Bruxelles Assistant à l’U.L.B. Chargé de cours à la Chambre belge des Comptables I. Généralités Une donation est un contrat entre un donateur et un donataire. Elle peut être assortie de conditions et de charges. Si des conditions et charges sont prévues dans une donation authentique, elles le seront en principe dans l’acte de donation-même ou dans un acte modificatif. S’il s’agit d’un don non enregistré, elles seront prévues dans un pacte adjoint. Les conditions et charges que nous verrons ci-dessous s’appliqueront en principe à chaque sorte de don mais il est possible, compte tenu de la spécificité de chaque forme, que toutes les conditions ne soient pas admises dans chaque cas (particulièrement pour les dons non authentiques). II. Généralités sur les pactes adjoints a. Principes Par « pacte adjoint », on entend toutes les clauses accessoires qui accompagnent la remise de la chose donnée 1 ou qui complètent une donation non formelle (pour la donation déguisée, il s’agira de l’acte secret). En effet, le fait que l’on réalise un don sans formes solennelles n’empêche nullement d’y greffer des conditions, charges ou autres clauses. On notera qu’un tel pacte ne concerne que des questions civiles et non pas fiscales et ne doit pas être confondu avec un éventuel écrit probatoire. La licéité d’un pacte adjoint n’est pas contestée 2 . 1 B. CAPELLE, « Preuve dans le procès civil relatif à un meuble corporel et don manuel », R.G.D.C., 1991, p. 304. 2 J. VAN DER VORST, « Le don manuel peut-il être constaté par acte sous seing privé ? », Rev.prat.not., 1929, pp. 609 et s. ; H. DE PAGE, t. VIII/1, 2ème éd., n° 533 ; PLANIOL et RIPERT, t. V, 2ème éd., n° 401 ; Bruxelles, 1 février 1905, B.J., 1905, col. 1019 ; Mons, 7 janvier 1988, J.L.M.B., 1988, p. 356 ; Civ.Huy, 12 février 1987, R.G.D.C., 1987, p. 78 ; Liège, 3 décembre 1986, Rev.not., 1988, p. 150.

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Que peut-on prévoir comme conditions et charges dans une donation ?

Par Emmanuel de Wilde d’Estmael

Avocat au Barreau de Bruxelles Assistant à l’U.L.B.

Chargé de cours à la Chambre belge des Comptables

I. Généralités Une donation est un contrat entre un donateur et un donataire. Elle peut être assortie de conditions et de charges. Si des conditions et charges sont prévues dans une donation authentique, elles le seront en principe dans l’acte de donation-même ou dans un acte modificatif. S’il s’agit d’un don non enregistré, elles seront prévues dans un pacte adjoint. Les conditions et charges que nous verrons ci-dessous s’appliqueront en principe à chaque sorte de don mais il est possible, compte tenu de la spécificité de chaque forme, que toutes les conditions ne soient pas admises dans chaque cas (particulièrement pour les dons non authentiques). II. Généralités sur les pactes adjoints a. Principes Par « pacte adjoint », on entend toutes les clauses accessoires qui accompagnent la remise de la chose donnée1 ou qui complètent une donation non formelle (pour la donation déguisée, il s’agira de l’acte secret). En effet, le fait que l’on réalise un don sans formes solennelles n’empêche nullement d’y greffer des conditions, charges ou autres clauses. On notera qu’un tel pacte ne concerne que des questions civiles et non pas fiscales et ne doit pas être confondu avec un éventuel écrit probatoire. La licéité d’un pacte adjoint n’est pas contestée2. 1 B. CAPELLE, « Preuve dans le procès civil relatif à un meuble corporel et don manuel », R.G.D.C., 1991, p. 304. 2 J. VAN DER VORST, « Le don manuel peut-il être constaté par acte sous seing privé ? », Rev.prat.not., 1929, pp. 609 et s. ; H. DE PAGE, t. VIII/1, 2ème éd., n° 533 ; PLANIOL et RIPERT, t. V, 2ème éd., n° 401 ; Bruxelles, 1 février 1905, B.J., 1905, col. 1019 ; Mons, 7 janvier 1988, J.L.M.B., 1988, p. 356 ; Civ.Huy, 12 février 1987, R.G.D.C., 1987, p. 78 ; Liège, 3 décembre 1986, Rev.not., 1988, p. 150.

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Le pacte adjoint peut être fait dans l’intérêt du donateur. Ainsi, les parties pourraient décider que la donation se fera avec une charge (par exemple, de verser au donateur tel montant déterminé), avec une clause de retour conventionnel, avec une réserve d’usufruit,... Il peut être fait dans l’intérêt du donataire, par exemple s’il porte dispense de rapport (C.civ., art. 843). Le pacte adjoint comportera en pareil cas une clause de préciput. Enfin, le pacte adjoint peut être établi au profit d’un tiers lorsqu’une charge est prévue en sa faveur (stipulation pour autrui). b. Preuve du pacte adjoint La charge de la preuve du pacte adjoint incombe à celui qui s’en prévaut (C.civ., art. 1315) : au donateur, s’il veut par exemple réclamer l’exécution de la charge y indiquée ; au donataire, s’il veut démontrer que la donation a été faite par préciput et hors part ; au tiers bénéficiaire, s’il veut obtenir le bénéfice de la stipulation pour autrui. En principe, la preuve doit être rapportée par les parties en vertu du droit commun (C.civ., art. 1341). Elle devra donc être rapportée par un écrit pour un montant de plus de 15.000 francs, à moins qu’il y ait un commencement de preuve par écrit émanant de l’autre partie ou qu’il y ait eu impossibilité matérielle ou morale d’obtenir un écrit (C.civ., art. 1347 et 1348). Le donateur pourrait également induire la preuve du pacte adjoint de l’exécution par le donataire, de son aveu ou de son refus de prêter le serment qui lui aura été déféré3. Il est admis que la preuve de la clause de préciput est libre. La dispense de rapport d’un don sans formes solennelles peut résulter des circonstances de la cause4, mais l’on ne pourra pas tenir compte de faits postérieurs à la libéralité5. Le seul fait que le don ait été réalisé manuellement, indirectement ou de façon déguisée n’implique pas automatiquement la dispense de rapport. Il faut rechercher l’intention exacte du défunt. 3 B. CAPELLE, op.cit., 1991, p. 305 ; la jurisprudence française semble aller plus loin : en effet, la Cour de cassation, dans un arrêt du 20 juin 1961 (Dall., 1961, p. 641 et note R SAVATIER), a admis dans une situation précise qu’il y avait existence d’une double charge d’une donation manuelle, sans relever cependant l’impossibilité morale ou matérielle de se préconstituer la preuve de cette charge et sans qu’il n’y ait eu le moindre commencement de preuve par écrit. En l’espèce, les parents avaient manuellement fait don de bijoux à leur fils. Ce don était affecté, selon la Cour, de la charge de les prêter à la femme du donataire et de celle de les transmettre à ses descendants, selon les traditions familiales ; J. FLOUR et H. SOULEAU (Les libéralités, Paris, A. COLIN, 1982, p. 68) se demandent s’il ne faut pas en conclure que désormais les pactes adjoints pourraient tous être prouvés par tous moyens ; dans le même sens, Colmar, 21 mai 1976, Rev.Als.Lorr., 1976, p. 138. 4 H. DE PAGE, t.VIII/1, 2ème éd., n° 539 ; L. RAUCENT, Les successions, Précis, 1991, p. 196. 5 Entre autres : Mons, 20 juin 1978, Rev.not., 1978, p. 644.

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On notera que l’article 919 du Code civil précise que la dispense de rapport établie après le don doit être constatée dans la forme des donations ou des testaments ; cette règle vaut aussi pour les dons sans formes solennelles et par conséquent, un pacte adjoint sous seing privé établi après la donation ne pourrait contenir de clause préciputaire6. Enfin, le tiers bénéficiaire d’une stipulation pour autrui peut toujours prouver cette dernière par toutes voies de droit7. c. Quelles modalités peut-on indiquer dans un pacte adjoint ? Entre autres : - l’indication que la donation est réalisée en avancement d’hoirie ou par préciput et

hors part ; - un retour conventionnel (C.civ., art. 951)8 ; - diverses charges : de payer une rente, d’accomplir telle prestation, de ne pas

aliéner les biens donnés durant une période limitée9 ; - l’indication éventuelle de la cause déterminante de la donation ; - un mandat de gestion10. III. Adéquation avec l’irrévocabilité des donations Toutes les conditions et charges insérées dans le pacte adjoint doivent respecter l’irrévocabilité des donations. Une seule exception : la donation entre époux en dehors d’un contrat de mariage. Dans ce cas, puisque la donation est révocable ad nutum, des clauses contraires à l’irrévocabilité peuvent être insérées dans le pacte adjoint. a. La donation est irrévocable : notion L’adage « donner et retenir ne vaut » est connu des juristes. Cependant, il doit être bien compris. Il n’est pas qu’un rappel de l’article 1134, alinéa 2, du Code civil qui, s’appliquant à toutes les conventions, précise qu’elles ne peuvent être révoquées que du consentement mutuel des parties ou pour les causes que la loi autorise (voy. aussi C. civ., art. 953).

6 Mais rien n’empêcherait de le faire dans un testament ultérieur. 7 H. DE PAGE, t.VIII/1, 2ème éd., n° 698. 8 Voy. pour plus d’explications, Rép.not., « Les donations », op.cit., pp. 197 à 202. 9 Voy. à ce sujet, L. RAUCENT, Les libéralités, Précis, 1991, p. 117. 10 Voy. à ce sujet, entre autres, J.F. TAYMANS, « Les donations de sommes ou de titres », in Les arrangements de famille, Bruxelles, Story-Scientia, 1990, p. 99.

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La notion d’irrévocabilité dans le cadre des donations est plus étendue qu’en droit commun. En effet, non seulement une des parties à l’acte ne peut révoquer seule une donation accomplie (sauf les exceptions prévues par la loi), mais en outre, il est interdit au donateur d’assortir la donation d’une clause ou d’une modalité quelconque dont l’effet lui permettrait, directement ou indirectement, de la rendre inefficiente ou de revenir sur l’acte accompli11. L’adage « donner et retenir ne vaut » exprime ce dernier sens : il n’est pas question de donner et de prévoir en même temps la possibilité de revenir sur la donation. A l’origine, cet adage avait un autre sens : il ne faisait que préciser qu’une donation devait se réaliser par la tradition de la chose (ce qui est actuellement le cas de la seule donation manuelle). Ce n’est que lorsque la donation est devenue un contrat solennel que l’adage a pris son second sens. La règle de l’irrévocabilité renforcée repose sur la volonté du législateur de protéger les parties. En ce qui concerne le donateur, l’irrévocabilité l’obligera à réfléchir avant de faire une donation et le conduira peut-être à renoncer à son projet (ce qui était le but du législateur de 1804, méfiant à l’égard des donations). On ordonne ainsi au donateur de se priver pour toujours de la faculté de disposer de la chose donnée « afin que l’attache naturelle qu’on a à ce qu’on possède et l’éloignement qu’on a pour le dépouillement, détournassent les particuliers de donner »12. Quant au donataire, content d’obtenir gratuitement un bien, l’irrévocabilité le protégera d’accepter trop facilement des clauses le menaçant d’être privé de la chose donnée13. Le principe de l’irrévocabilité est applicable à toutes les formes de donation (donation directe, indirecte, déguisée, manuelle). b. La donation sous condition simplement potestative (C. civ., art. 944)14 Sont nulles les clauses « dont l’exécution dépend de la seule volonté du donateur ». Ces termes, extraits de l’article 944 du Code civil, semblent reprendre les dispositions de l’article 1174 du même Code qui dispose que « toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ». Cependant, l’interprétation des deux articles est différente : l’article 1174 du Code civil ne rend nulle que la condition purement potestative, c’est-à-dire celle dont la réalisation dépend de la seule volonté de celui qui s’oblige15; au contraire, l’article 944 annule non seulement les conditions purement potestatives mais aussi celles simplement potestatives (dont la réalisation dépend autant du donateur que d’une circonstance étrangère aux parties)16.

11 DE PAGE, t. VIII, 2è éd., n° 547. 12 R. POTHIER, Traité des donations entre vifs, n° 65 et 79. 13 L. RAUCENT, Les libéralités, Précis, 1991, p. 133. 14 Voy. pour plus de développements, Rép. not., « Les libéralités - Dispositions générales » (J. SACE), t. III, l. VI, n° 239; M. PUELINCKX-COENE, T.P.R., 1994, p. 1680, n° 120. 15 Voy., entre autres : Cass., 16 déc. 1960, Pas., 1961, I, p. 421; Cass., 13 oct. 1983, Pas., 1984, I, p. 151; R.W., 1983-1984, col. 2714; J.T., 1984, p. 266. 16 DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 315.

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L’article 944 s’appliquerait même aux conditions mixtes (celles dépendant de la volonté du donateur et d’un tiers), et ce selon une doctrine dominante17. En effet, il suffit que le donateur puisse altérer la réalisation de la donation pour que la règle de l’irrévocabilité soit violée18. Ainsi seraient nulles les donations faites à la condition que le donateur se marie, entreprenne telle affaire, etc.19. Rien n’empêche cependant de réaliser une donation avec une condition potestative dans le chef du donataire ou d’un tiers. Ainsi en a-t-il été jugé par la Cour de cassation dans un arrêt du 26 janvier 1984 (Pas., 1984, I, p. 578; R.W., 1984-1985, col. 2325). En l’espèce, la condition de la donation était, dans le chef du donataire, domestique du donateur, de continuer à rendre les mêmes services et de remettre mensuellement un état de ses recettes et de ses dépenses. La condition n’a pas été considérée potestative dans le chef du donateur car il était établi que ce dernier n’avait pas envisagé la possibilité de licencier le domestique mais seulement celle du départ volontaire de celui-ci. c. La donation comportant une clause de paiement de dettes futures du donateur (C. civ., art. 945)20 Est nulle la clause par laquelle le donateur imposerait au donataire le paiement de ses dettes futures (c’est-à-dire des dettes autres que celles qui existent à l’époque de la donation), sauf si ces dettes sont mentionnées spécialement dans l’acte ou dans un état annexé à l’acte. La nullité se justifie par le fait que cette clause conférerait au donateur un moyen de retirer au donataire son profit, en contractant de nouvelles dettes21. La nullité s’applique même si, ultérieurement, le donateur ne contracte aucune dette. L’interdiction ne porte que sur des dettes futures indéterminées. Rien ne s’oppose donc à ce que le donataire soit tenu de payer une dette future déterminée dans l’acte ou dans l’état annexé, même si le montant est encore indéterminé (p. ex., les frais funéraires). Certains auteurs donnent une autre explication à la prise en charge des frais funéraires : certaines dettes futures pourraient être mises à charge du donataire si elles ne dépendent pas de la volonté du donateur, ce qui est le cas des frais funéraires (voy. dans ce sens, Rép. not., « Les libéralités - Dispositions générales », J. SACE, t. III, l. VI; Rép. dr. civ. Dalloz, v° Donation, n° 112). Si le donateur met à charge du donataire ses dettes futures à concurrence d’une certaine somme, il y aura nullité à due concurrence (la donation étant en effet divisible), même si le donateur ne contracte en fin de compte aucune dette.

17 Voy. les réf. citées par le R.P.D.B., v° Donations et testaments, t. IV, n° 493; en sens contraire : L. RAUCENT, Les libéralités, op. cit., p. 135; F. PARISIS, note sous Liège, 19 mai 1992 et 26 janv. 1993, R.G.D.C., 1994, p. 52, note 21. 18 DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 315. 19 Ibidem, n° 316. 2020 Voy. aussi Rép. not., « Les libéralités - Dispositions générales » (J. SACE), t. III, 1. VI, n° 240. 21 C. AUBRY et C. RAU, Cours de droit civil français, t. XI, 6è éd. par P. ESMEIN, Paris, Librairies techniques, 1956, pp. 230 et 231, § 699; DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 556.

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Si la donation porte l’obligation de payer les dettes actuelles et futures, cette obligation est indivisible et la nullité sera prononcée pour le tout22. d. La donation comportant une clause permettant de reprendre la chose donnée (C. civ., art. 946) Est nulle la donation dans laquelle le donateur se réserve le droit de reprendre ou de disposer de la chose donnée, voire de l’hypothéquer ou de la donner en gage23. La nullité est partielle si la réserve du droit de disposer ne concerne qu’un ou certains biens faisant partie de la donation. Ainsi seraient interdites : 1°) Les donations comportant une réserve pour le donateur du droit de disposer de la chose donnée : - Le donateur se réserve pendant toute sa vie l’administration et la disposition d’un compte en banque dont il donne les valeurs au donataire (Liège, 17 déc. 1991, J.L.M.B., 1993, p. 389, somm.; pour un cas semblable : Paris, 11 juillet 1991, J.C.P. [éd. not.], 1992, jur., p. 247. Voy. cependant Cass. fr.,4 nov. 1981, Bull. cass., civ. I, n° 328, p. 277, qui admet que le dessaisissement irrévocable est réalisé par un versement au compte du bénéficiaire, même si celui-ci a ultérieurement remis les valeurs données au donateur en vue de leur gestion). - Le donateur garde les clés et le secret du coffre dans lequel se trouvent les biens donnés (Civ. Liège, 1er mars 1985, R.G. n° 53305/82, cité par P. DELNOY, « Les libéralités - Chronique de jurisprudence [1981-1987] », J.T., 1989, p. 325). - Le donateur masque sous un bail une donation, se réservant la possibilité « de reprendre au gré de sa volonté les exemplaires du bail » (Cass. fr., 20 juin 1932, D.H., 1932, p. 409). N’ont pas été considérées comme créant une réserve du droit de disposer, les donations dans lesquelles : - Un donateur donne des titres en interdisant au donataire d’en disposer durant la vie du donateur (Liège, 3 déc. 1986, Rev. not., 1988, p. 150). - Un parent donne des fonds à son enfant mineur; en effet, si ce même parent peut retirer à tout moment les sommes versées, cela ne signifie pas que la donation est révocable; c’est en sa qualité d’administrateur légal ou de tuteur des biens de son enfant qu’il agit et il doit rendre compte de ce retrait au jour de la majorité de son enfant; par application de la théorie de la représentation, c’est l’enfant lui-même qui est censé retirer les fonds, par le biais du parent donateur (L. RAUCENT et I. STAQUET, « Les libéralités et les succession - Examen de la jurisprudence 1980-1987 », R.C.J.B., 1989, p. 685, analysant Mons, 16 juin 1982, Rev. not., p. 478, obs. D.S.; Rec. gén., 1983, n° 22974, p. 408, obs. A.C.). 2°) Les donations avec terme extinctif (sauf si le droit donné est temporaire : usufruit, emphytéose, ...). En effet, il s’agit d’une révocation « à échéance »24;

22 LAURENT, t. XII, n° 436. 23 M. PLANIOL et G. RIPERT, Traité pratique de droit civil français, t. V, 2è éd. par A. TRASBOT et Y. LOUSSOUARN, Paris, L.G.D.J, 1957, n° 447. 2424 DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 558; contra : Rép. not., « Les libéralités - Dispositions générales » (J. SACE), t. III, l. VI, n° 235 et réf. citées.

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3°) Les donations à cause de mort ou apparentées : Il en serait ainsi si la donation est faite alors que le donateur est en danger de mort, mais stipulée non avenue s’il revient à la santé (Bruxelles, 11 juillet 1893, Pas. 1894, II, p. 110; Civ. Hasselt, 10 juin 1908, Pas., 1908, III, p. 278; Cass. fr., 14 mai 1900, Pas. 1900, IV, p. 137; voy. cependant Liège, 3 déc. 1986, Rev. not., 1988, p. 150). 4°) Les donations comportant faculté pour le donateur d’hypothéquer le bien ou de le donner en gage25. 5°) Les donations dans lesquelles le donateur se réserve l’usufruit et la nue-propriété du bien jusqu’à son décès26. 6°) Les donations de nue-propriété comportant une clause par laquelle le donateur se réserve le droit de disposer par testament de l’usufruit futur du bien donné27. 7°) Les donations avec exonération de la garantie du fait personnel28. 8°) Les donations sous condition résolutoire du décès du donateur29. e. Applications conformes à la règle de l’irrévocabilité des donations Ces clauses sont bien entendu multiples. On citera ci-dessous celles qui pourraient prêter à confusion : - les clauses de réserve d’usufruit : il s’agit d’une donation irrévocable de la nue-propriété ; - les clauses stipulant un droit de retour conventionnel : il s’agit d’une donation sous condition résolutoire du prédécès du donataire. Cette condition est purement casuelle et non potestative. Elle est du reste prévue aux articles 951 et 952 du Code civil ; - la donation faite avec terme suspensif de la mort du donateur ou sous condition suspensive de la survie du donataire30, sauf si le donateur s’est réservé un droit de révocation31; - la donation faite avec un terme suspensif : il s’agit d’une donation dont seule l’exécution est retardée et non le transfert du droit ; - la donation faite avec une condition suspensive ou résolutoire non potestative.

25 PLANIOL et RIPERT, t. V, 2è éd., n° 447, 1°. 26 Ibidem, n° 447, 3°. 2727 DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 558. 28 L. RAUCENT, Les libéralités, op. cit., p. 135. 29 Ibidem; DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 558. 30 Cass., 27 mars 1833, Pas., 1833, I, p. 69. 31 DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 573.

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f. Exceptions à l’irrévocabilité Il existe de nombreuses situations où la donation réalisée retournera dans le patrimoine du donateur mais sans que la cause en soit la volonté unique de ce dernier : l’annulation pour vice de forme, pour absence de capacité, la caducité en cas de disparition de la cause, etc. En pareilles hypothèses, il ne s’agit pas de révocation; celle-ci suppose, en effet, que l’auteur d’un acte juridique décide de sa propre volonté de l’anéantir, ce qui n’est pas le cas de l’annulation ou de la caducité. L’article 953 du Code civil parle de révocation de la donation « pour cause d’inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite » et « pour cause d’ingratitude ». Il ne s’agit cependant pas d’une révocation mais d’une résolution. En effet, les deux hypothèses prévues dépendent d’éléments qui échappent à la volonté du donateur32. Il existe cependant de véritables exceptions à l’irrévocabilité des donations. a) la donation entre époux durant le mariage La donation entre époux durant le mariage est irrévocable ad nutum (C. civ., art. 1096). Cette exception va plus loin que le droit commun des contrats (C. civ., art. 1134, al. 2) puisqu’elle permet au donateur de revenir à tout moment sur l’acte accompli sans devoir se justifier. Cependant, si la donation est faite par contrat de mariage au cours du mariage33, elle est irrévocable. En pareil cas, le donateur peut modaliser l’acte de donation en prévoyant des clauses contraires à l’irrévocabilité de la donation. b) la donation faite par contrat de mariage entre futurs époux La donation faite par contrat de mariage entre futurs époux est en principe irrévocable mais le donateur peut prévoir dans l’acte des clauses contraires aux articles 943 à 946 du Code civil34. c) la donation faite par contrat de mariage aux futurs époux par des ascendants ou des tiers La donation faite par contrat de mariage aux futurs époux par des tiers est révocable dans le même sens que celui vu ci-dessus pour les donations faites par contrat de mariage entre futurs époux. 32 L. RAUCENT, Les libéralités, op. cit., p. 161. 33 Est ici visée la modification du régime matrimonial. 34 Sauf pour les conditions purement potestatives : DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 580.

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d) les institutions contractuelles Les institutions contractuelles faites aux futures époux par des tiers (C. civ., art. 1082 et s.) ne sont pas non plus soumises à l’adage « donner et retenir ne vaut » (C. civ., art. 1086)35. g. Effets du non-respect de l’adage « donner et retenir ne vaut » Si le donateur a prévu dans l’acte de donation une clause dérogeant à l’adage « donner et retenir ne vaut », la sanction consiste en la nullité de la donation toute entière36. Cette nullité de l’acte entier s’impose explicitement lorsque le donateur prévoir une clause lui permettant de revenir sur la donation : l’article 946 du Code civil ne laisse aucun doute sur ce point. Par analogie, il faut appliquer cette même solution à tous les autres cas. Ainsi, en cas de donation de biens à venir, la donation est nulle même si les donateur acquiert ultérieurement les biens donnés. En effet, la donation ainsi faite est viciée dans son essence (C. civ., art. 943)37. Cependant, si la donation contient des biens présents et à venir, la donation ne sera nulle que pour les biens à venir, du moins si elle est divisible. Cette question de pur fait est laissée à l’appréciation du tribunal. Si la cause de la révocabilité de la donation est une charge ou une condition, faut-il également annuler l’acte entier ou seulement annuler la charge, l’article 900 du Code civil prévoyant qu’elle est réputée non écrite ? Etant donné que c’est l’essence-même de la donation qui est viciée, il faut admettre que ce sera la donation entière qui sera annulée et non seulement la charge (solution d’ailleurs consacrée dans l’article 944 du Code civil). La nullité est absolue, ce qui a pour conséquence que toute personne intéressée peut l’invoquer, y compris le donateur. La donation n’est pas susceptible de confirmation et la nullité se prescrit par trente ans. Cependant, au décès du donateur, la nullité devient relative dans le chef de ses héritiers (C. civ., art. 1340)38.

35 Voy. Rép. not., « Les institutions contractuelles », t. III, l. IX, à paraître. 36 Cass. fr., 25 nov. 1986, Bull. cass., 1986, civ. I, p. 267, n° 280; Rép. not. Defrénois, 1987, n° 34056, obs. G. CHAMPENOIS; DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 553. 37 DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 553. 38 Lyon, 8 févr. 1867, D.P., II, p. 154 ; ce point semble cependant contesté par une certaine doctrine.

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IV. Les modalités de la donation a. Le terme : notion Le terme est un événement futur et certain qui suspend soit l’exigibilité d’un droit (terme suspensif), soit l’extinction d’un droit (terme extinctif), même si l’échéance de la réalisation de l’événement est incertaine (tel que le décès)39. Rien ne s’oppose à ce qu’une donation soit affectée d’un terme suspensif. Au contraire, un terme extinctif semble difficilement admissible dans le cadre des donations. b. Le terme suspensif40 La donation affectée d’un terme suspensif est valable : en effet, le terme ne suspend que l’exigibilité du droit, c’est-à-dire le transfert de la propriété, et non son existence. Le droit est né mais il est suspendu par un événement qui se déroulera dans l’avenir. Serait valable, une donation dont l’exécution serait différée jusqu’à la mort du donateur41, puisque le droit est irrévocable dès l’instant où la donation a été réalisée. Une exception concerne cependant les dons manuels : en effet, un don manuel à terme ne peut se concevoir, compte tenu de l’obligation de tradition qui ne peut être suspendue (infra, n° 158). c. Le terme extinctif42 Est controversée la question de savoir si un terme extinctif peut affecter une donation43.

39 Cass., 17 avril 1975, Pas., 1975, I, p. 826. 40 Voy. Rép. not., « Les libéralités- Dispositions générales » (J. SACE), t. III, l. VI, n° 234. 41 DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 353. 42 Voy. Rép. not., « Les libéralités - Dispositions générales » (J. SACE), t. III, l. VI, n° 235. 43 Dans le sens négatif : DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 356; M. COENE, W. PINTENS et A. VASTERSAVENDTS, Erfenissen, schenkingen en testamenten - Commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Antwerpen, Kluwer rechtswetenschappen, 1992 : « B.W., art. 893 », par A. VERBEKE, p. 9, n° 16; dans le sens positif : Rép. not., « Les libéralités - Dispositions générales » (J. SACE), t. III, l. VI, n° 235.

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Il semble que par prudence, le notaire doive s’abstenir d’utiliser une telle modalité dans un acte de donation : en effet, une donation à terme extinctif est lato sensu une donation révocable car elle est destinée à prendre nécessairement fin au bout d’un certain temps44. Ce n’est pas en vertu d’un événement casuel, comme une condition (p. ex. une clause de retour conventionnel), qu’il y aurait extinction du droit, mais en vertu d’un événement qui arrivera d’une manière certaine, nécessaire et par l’effet de la volonté même du donateur. Le terme extinctif du décès du donateur constituerait de toute façon une substitution prohibée45. d. La condition : notion Une obligation est conditionnelle lorsqu’elle dépend d’un événement futur et incertain qui soit la suspend jusqu’à ce que l’événement arrive (condition suspensive), soit la résout selon que l’événement arrive ou n’arrive pas (condition résolutoire)46. La condition doit être différenciée de la charge, même si, en pratique, cette différence est parfois difficile à percevoir47 : en effet, la charge a pour objet et pour effet de faire naître une obligation dans le chef du donataire, ce qui n’est pas le cas d’une condition48. Le non-respect de la condition n’est donc pas susceptible de faire l’objet d’une action en exécution49. La distinction entre la condition et la charge se fera par la recherche des intentions des parties50. e. La condition suspensive51 Une donation peut être affectée d’une condition suspensive52. La donation existe, en effet, même si son exécution est suspendue. Le donataire acquiert immédiatement un droit, même s’il n’est que conditionnel53. 44 De Page, t. VIII1, 2è éd., n° 356. 45 Ibidem. 46 Rép. not., « Les libéralités - Dispositions générales » (J. SACE), t. III, l. VI, n° 233. 47 Par ex., la clause « je vous donne 500.000 francs si vous faites telle prestation au profit de x » est-elle une condition ou une charge ? 48 Rép. not., « Les libéralités - Dispositions générales » (J. SACE), t. III, l. VI, n° 233; M. BOUYSSOU, Les libéralités avec charge en droit civil français, op. cit., n° 52. 49 L. RAUCENT, Les libéralités, op. cit., p. 108. 50 R. SAVATIER, « Distinction de la condition et de la charge dans une libéralité », Rev. trim. dr. civ., 1931, p. 632. 51 Voy. Rép. not., « Les libéralités - Dispositions générales » (J. Sace), t. III, l. VI, n° 238. 52 DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 271; Rép. not., « Les libéralités - Dispositions générales » (J. SACE), t. III, l. VI, n° 238 et réf. citées; M. COENE, W. PINTENS et A. VASTERSAVENDTS, Erfenissen, schenkingen en testamenten - Commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Antwerpen, Kluwer rechtswetenschappen, 1992 : « B.W., art . 894 », par A. VERBEKE, p. 10, n° 20 53 DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 271; Cass., 5 juin 1981, Pas., 1981, I, p. 1149; R.W., 1981-1982, col. 245 et concl. av. gén. LENAERTS; J.T., 1982, p. 344; R.C.J.B., 1983, p. 199, note J. HERBOTS; Rec. gén., 1986, n°

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Il n’y a d’exception à la validité de la condition suspensive que si cette dernière est contraire à l’irrévocabilité de la donation, aux lois ou aux bonnes moeurs, ou s’il s’agit d’un don manuel (en effet, dans ce cas, une condition du don manuel manquerait : la tradition de l’objet donné; si une condition suspensive était précisée, le bien donné resterait dans les mains du donateur, ce qui est contraire à une tradition immédiate). Pendente conditione, le donataire peut accomplir tous les actes conservatoires (C. civ., art. 1180), requérir la transcription de la donation si cette dernière est immobilière (L. hyp., art. 1er) et transmettre son droit à ses héritiers s’il meurt (C. civ., art. 1179)54. Le donateur ne peut, quant à lui, révoquer la donation ni la modifier55. Si la condition suspensive se réalise, le droit du donataire rétroagira au jour de l’acte, sauf si les parties en ont décidé autrement56. Les fruits perçus pendente conditione resteront acquis au donateur, sauf convention contraire57. Si la condition suspensive ne se réalise pas, la donation sera caduque et ne sortira aucun effet. On notera que l’article 1178 du Code civil, qui dispose que la condition est réputée accomplie lorsqu’elle n’a pu être réalisée par l’effet du débiteur, n’est pas comme tel d’application pour les donations, mais l’est par analogie : en effet, si le donateur n’est pas un « débiteur », il est cependant rationnel d’admettre que ce dernier ne puisse empêcher par son fait la réalisation d’une condition suspensive dont il a lui-même affecté la donation58. Ce serait un moyen pour lui de rendre une donation révocable. f. La condition résolutoire59 60 La condition résolutoire expresse61 est tout aussi valable qu’une condition suspensive. L’application la plus connue est donnée aux articles 951 et 952 du Code civil : il s’agit de la clause de retour conventionnel. Un don manuel peut être réalisé sous condition résolutoire.

23382, p. 387; Cass., 15 mai 1986, Pas., 1986, I, p. 1123; R.C.J.B., 1990, p. 106, note Ph. GERARD; Rec. gén., 1992, n° 24089, p. 175. 54 Rép. not., « Les libéralités - Dispositions générales » (J. SACE), t. III, l. VI, n° 238. 55 Ibidem. 56 Ibidem; Cass., 9 nov. 1956, Pas. 1957, I, p. 254. 57 DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 289. 58 Ibidem, n° 290, A. 59 Voy. Rép. not., « Les libéralités - Dispositions générales » (J. SACE), t. III, l. VI, n° 242. 60 Pour une donation avec une condition résolutoire, voy. Rép. not., « Les donations - Formulaire » (L. RAUCENT), t. III, l. VII, p. 31. 61 Il existe des conditions résolutoires tacites : celle pour inexécution des charges ...; voy. à ce propos, Rép. not., « Les libéralités - Dispositions générales » (J. SACE), t. III, l. VI, n° 242.

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Seront cependant nulles, les donations sous condition résolutoire potestative ou sous condition résolutoire du décès du donateur, car il s’agirait dans les deux cas d’une atteinte à l’irrévocabilité des donations62. Pendente conditione, le donataire est titulaire de tous les droits sur les biens donnés. Si la condition se réalise, la donation est résolue avec effet rétroactif (C. civ., art. 1179 et 1183). Cependant, le donataire ne doit pas rendre les fruits perçus, sauf convention contraire, et les actes d’administration sont maintenus. Une indemnité pour impenses peut en outre être due63. V. La condition impossible, immorale ou illicite64 a. Généralités L’article 900 du Code civil dispose qu’en matière de libéralités, les conditions impossibles, immorales ou illicites sont réputées non écrites. Dans ce cas, la donation devient pure et simple. Cette règle est dérogatoire au droit commun qui prévoit une solution contraire : l’article 1172 du Code civil dispose, en effet, qu’une condition impossible ou illicite vicie l’obligation toute entière65. L’article 900 contient une véritable pénalité civile édictée contre ceux qui tenteraient de porter atteinte, par des donations affectées de conditions, aux lois d’ordre public et aux bonne moeurs66. Cette règle est d’ordre public : le donateur ne peut donc l’écarter ni directement ni indirectement, en stipulant par exemple la résolution de la donation en cas de refus d’accomplir la charge67. Le juge peut en outre soulever d’office l’exception de l’article 90068 et le donataire pourra toujours l’invoquer sans qu’on puisse lui opposer ni sa renonciation, ni le fait qu’il aurait commencé par observer la condition69.

62 DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 296 et 297. 63 Ibidem, n° 309. 64 Voy. Rép. not., « Les libéralités - Dispositions générales » (J. SACE), t. III, l. VI, n° 232. 65 Voy. la justification de cette dérogation : L. RAUCENT, Les libéralités, op. cit., pp. 112 à 114; DE PAGE, t. VII1, 20ème éd., n° 323; M. COENE, W. PINTENS et A. VANDERSAVENDTS, Erfenissen, schenkingen en testamenten - Commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Antwerpen, Kluwer rechtswetenschappen, 1992 : B.W., art. 900, par W. PINTENS et B. VAN DER MEERSCH, p. 4, n° 7. 66 DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n° 259. 67 L. RAUCENT, Les libéralités, op. cit., p. 114; Cass., 31 oct. 1952, R.C.J.B., 1953, p. 5 et note J. DABIN, « De l’effet d’une clause d’inaliénabilité indéfinie jointe à une libéralité : condition illicite ou but illicite ? »; Civ. Louvain, 4 déc. 1987, Pas., 1988, III, p. 21; Rec. gén., 1993, n° 24240, p. 282. 68 DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n° 332. 69 Ibidem, n° 348.

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On notera que l’article 900 ne s’applique pas lorsque la condition a été la cause impulsive et déterminante de la donation. En ce cas, c’est la donation entière qui est annulée70. Il en est de même en présence d’une condition soumise à l’article 944 du Code civil (condition résolutoire potestative prohibée) ou à l’article 896 du Code civil (substitution fidéicommissaire)71. b. Champ d’application de l’article 900 du Code civil Malgré sa formulation, qui ne parle que de « condition », il n’est pas contesté que l’article 900 du Code civil s’applique autant aux conditions proprement dites qu’aux charges72. Par condition ou charge impossible, on entend généralement autant la condition ou la charge impossible dans les faits que celle impossible par sa nature ou celle dont l’impossibilité est « absolue », c’est-à-dire celle qui existe dans le chef des deux parties. Si l’impossibilité est relative, c’est-à-dire si elle n’existe que dans le chef du donataire, elle ne s’apparentera à une impossibilité absolue que si elle est invincible et manifeste. Si elle ne l’est pas, elle ne fera pas obstacle à la validité de la condition ou de la charge et de la donation73. Par condition ou charge illicite, on entend une condition ou une charge qui serait contraire à une loi d’ordre public74. Une condition ou une charge contraire à une loi supplétive serait dès lors valable75. c. Applications a) Les clauses restreignant la liberté de mariage76 Toute clause restreignant la liberté de mariage n’est pas jugée nécessairement illicite77.

70 Voy. ibidem, n° 327 et 331; L. RAUCENT, Les libéralités, op. cit., p. 114; Cass., 31 oct. 1952, R.C.J.B., 1953, p. 5 et note J. DABIN. 71 Rép. not., « Les libéralités - Dispositions générales » (J. SACE), t. III, l. VI, n° 232. 72 DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n° 324; voy., pour la proximité entre « condition » et « charge », Rép. not., « Les testaments - Fond » (J. SACE), t. III, l. VIII/3, n° 200; KLUYSKENS, t. III, 3ème éd., p. 26, n° 9. 73 Rép. not., « Les libéralités - Dispositions générales » (J. SACE), t. III, l. VI, n° 247. 74 DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n° 326. 75 Voy. Cass. fr., 11 nov. 1912, D.P., 1913, I, p. 105, obs. G. RIPERT. 76 Voy. Rép. not., « Les libéralités - Dispositions générales » (J. SACE), t. III, l. VI, n° 230. 77 Rép. dr. civ. Dalloz, v° Dispositions à titre gratuit, n° 866 et s.; voy. aussi N. COIRET, « La liberté du mariage au risque des pressions matérielles », Rev. trim. dr. civ., 1985, p. 63; A. HUET, « Les atteintes à la liberté nuptiale dans les actes juridiques », Rev. trim. dr. civ., 1967, p. 45; Cass. fr., 16 janv. 1923, D.P., 1923, I, p. 177, obs. G.R.; KLUYSKENS, t. III, 3è éd., p. 27, n° 10.

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Cependant, la jurisprudence sur la question est assez ancienne et on ne peut être certain de la position que prendraient aujourd’hui les tribunaux, au regard, entre autres, de la Convention des droits de l’Homme, qui, même si elle ne prévoit pas que le droit de se marier est absolu, rend cependant beaucoup plus restreintes les limites à ce droit78. Dans le cadre des libéralités, il a généralement été admis que l’interdiction de se marier, même absolue, était licite si elle était temporaire et légitime. De même, n’était pas en soi illicite l’interdiction relative de contracter mariage, c’est-à-dire un empêchement de se marier avec une ou plusieurs personnes déterminées. Tout est une question de fait liée au cas d’espèce79. La clause de viduité, c’est-à-dire celle portant interdiction de se remarier, a été en règle déclarée licite si elle était commandée par des motifs respectables. Tout est également une question de fait liée au cas d’espèce80. - Ont en général été déclarées licites les clauses relatives à l’interdiction de (re)mariage lorsqu’elles étaient inspirées par l’intérêt réel du bénéficiaire, de sa famille ou de son patrimoine (voy. p. ex. Bruxelles, 16 juin 1959, Rec. gén., 1963, n° 20611, p. 206). - Par contre, les clauses restreignant la liberté de (re)mariage ont été déclarées illicites : 1°) lorsqu’elle étaient mues : - par des motifs comme la rancune (Civ. Seine, 22 janv. 1947, Dall., 1947, jur., p. 126); - la volonté de s’opposer à un mariage avec un(e) concubin(e) (Civ., Seine, 22 janv. 1947, précité; Bruxelles, 16 juin 1959, précité); - la jalousie posthume (Civ. Chaumont, 25 sept. 1969, J.N.A., 1970, p. 696). 2°) ou si elles procédaient d’une volonté tutélaire et paternaliste (Cass. fr., 8 nov. 1965, Rev. not., 1966, p. 228; Bruxelles, 16 juin 1959, précité). b) Les clauses d’inaliénabilité81 Les clauses d’inaliénabilité sont fréquentes dans les actes de donation portant sur des immeubles. 78 Voy. à ce sujet, R.P.D.B., v° La Convention européenne des droits de l’Homme, compl. t. VII, n° 697 à 704; P. BOUCAUD, « Le droit de se marier », Rev. trim. dr. H., 1992, pp. 3 à 46. 79 Voy. p. ex. Civ. Seine, 22 janv. 1947, jur., p. 126 : le tribunal déclare illicite une clause interdisant le mariage de la donataire avec un juif. 80 Voy. Civ. Châtellerault, 8 févr. 1949, Dall., 1949, jur., p. 467 et note J. CARBONNIER; voy. aussi Mons, 27 janv. 1976, Rev. not., 1976, p. 149 et note F.L.; Rec. gén., 1976, n° 22067, p. 281 et note; Cass., 29 avril 1977, rejetant le pourvoi de l’arrêt ci-avant, Rec. gén., 1979, n° 22375, p. 155 et note. 81 Voy. une formule in Rép. not., « Les donations - Formulaire » (L. RAUCENT), t. III, l. VII, p. 26; Ch. DE WULF, E. VAN HOVE et L. WEYTS, op. cit., in De Schenkingsakten, Recyclagedagen 1981 van de K.F.B.N., Antwerpen, Kluwer rechtswetenschappen, 1982, pp. 89 et s., n° 134 à 140; voy. aussi M. PUELINCKX-COENE, op. cit., T.P.R., 1994, pp. 1669 et s., n° 95 à 105.

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En soi, elles sont considérées par la jurisprudence comme étant illicites car allant à l’encontre de l’ordre public économique : elles seraient en effet contraires à la liberté de circulation des biens qui fait parvenir ces derniers dans les mains de ceux qui sont les plus aptes à les mettre en valeur au profit de tous82. Cependant, depuis longtemps, il est admis qu’est valable une clause d’inaliénabilité affectant un bien donné, à la double condition qu’elle soit temporaire et justifiée par un intérêt légitime et sérieux83. Par « temporaire », on entend une durée limitée dans le temps. Une indisponibilité qui ne doit prendre fin qu’au jour du décès du donateur pourrait ainsi être valable, mais elle ne le serait pas si elle devait durer jusqu’au décès du donataire84. Par « intérêt légitime et sérieux », on entend généralement un intérêt, soit du donateur, soit du donataire85, soit d’un tiers, qui soit digne de considération en fonction des valeurs reçues. - Ainsi, la clause accompagne une réserve d’usufruit ou un droit d’habitation au profit du donateur, il peut y avoir un intérêt pour le donateur à ce que la nue-propriété ne soit pas aliénée avant son décès, afin de ne pas se trouver confronté à une personne étrangère dans l’usage de son droit (L. RAUCENT, Les libéralités, op. cit., p. 117). - Serait également valable une clause de maintien dans la famille des biens transférés, si du moins les biens dont question peuvent être considérés comme des « souvenirs de famille » (supra, n° 24). Une clause d’inaliénabilité, même si elle est valable entre parties, ne peut être opposée à un créancier du donataire désireux de procéder à la vente forcée du bien donné86. Une clause d’insaisissabilité est donc illicite. 82 L. RAUCENT, Les libéralités, op. cit., pp. 116 et 117; C. civ., art. 537 et 1598, voy. aussi Rép. not., « L’inaliénabilité » (A. DELIEGE), t. II, l. VII, n° 24 et s. 83 Voy. la loi française du 3 juillet 1971 (C. civ., art. 900-1) consacrant une jurisprudence constante; P. RAYNAUD, Les successions et les libéralités, op. cit., p. 365. 84 Civ. Ypres, 24 déc. 1958, Rev. not., 1959, p. 253, note J. CAYPHAS; voy. aussi Liège, 16 déc. 1971, Pas., 1972, II, p. 45; Jur. Liège, 1971-1972, p. 169; Rev. not., 1974, p. 207; Rec. gén., 1974, n° 21853, p. 384; Civ. Bruxelles, 8 mai 1980, Rev. not., 1981, p. 374, note D.S.; Anvers, 26 mars 1984, R.W., 1985-1986, col. 1769 et note M. PUELINCKX-COENE, « Maakt een clausule van onvervreemdbaarheid de geschonken goederen ook onbeslagbaar ? - Maakt elke vervreemding de herroeping van de schenking mogelijk ? »; Rec. gén., 1986, n° 23326, p. 178; Gand, 22 mai 1987, Pas., 1987, II, p. 174; Civ. Anvers, 25 févr. 1988, Rec. gén., 1989, n° 23773, p. 408; T. Not., 1988, p. 201; Chron. not. Liège, 1992, vol. XV, p. 35; Civ. Liège, 5 mars 1990, J.L.M.B., 1990, p. 1222, somm. En France : Cass. fr., 8 janv. 1975, J.C.P., 1976, II, n° 18240 et note H. THUILLIER; Rép. not. Defrénois, 1975, p. 524 et note A. PONSARD. 85 La clause dans l’intérêt du donataire est cependant souvent contestable car elle peut aboutir à instituer une véritable tutelle extra-légale du donataire : voy. en ce sens, Civ. Liège, 5 mars 1990, J.L.M.B., 1990, p. 1222, somm.; dans le même sens : DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n° 340 et réf. citées. 86 Civ. Furnes (j.s.), 18 juin 1980, Rec. gén., 1981, n° 22615, p. 201; T. Not., 1981, p. 18; Rev. not., 1981, p. 165, somm.; Anvers, 26 mars 1984, R.W., 1985-1986, col. 1769 et note M. PUELINCKX-COENE; voy. aussi la critique de ce dernier arrêt par P. DELNOY, op. cit., Chron. Pal. Liège, 1987, t. IV, p. 141.

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Enfin, on notera que l’article 900-1, alinéa 1, du Code civil français (L. 3 juillet 1971) précise que même lorsque la clause d’inaliénabilité est valable, l’aliénation est possible si le donataire en obtient l’autorisation judiciaire, laquelle peut être accordée si l’intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s’il advient qu’un intérêt plus important l’exige87. Selon L. RAUCENT88, puisqu’il s’agit de balancer l’intérêt de la libre circulation des biens et celui du donateur (ou de la personne dans l’intérêt de qui l’indisponibilité a été stipulée), il serait possible au juge belge d’agir de même (p. ex., si l’immeuble grevé se dégrade et que le donataire n’a plus les moyens d’en assumer la restauration). Aucune jurisprudence ne vient cependant confirmer ou infirmer cette position. b) Autres clauses contraires à une loi d’ordre public89 Il existe de nombreux exemples de conditions ou de charges contraires à une loi d'ordre public. Nous en citons ci-dessous quelques exemples, qui sont éventuellement à nuancer : en effet, en fonction du cas d'espèce, de telles clauses pourraient être déclarées valables si elles étaient limitées dans le temps et si elles étaient animées par un intérêt légitime et sérieux : • choix ou non de telle profession; • exclusion de l'autorité parentale (il est cependant possible d'exclure ou de limiter le droit de

jouissance légale - C. civ., art. 387) (voy. E. DE WILDE D'ESTMAEL, L'intermédiaire financier et le droit familial et patrimonial, Bruxelles, éd. Créadif, 1991, pp. 127 et 128);

• obligation d'élever un enfant dans telle religion ou sans religion; • limitation de la liberté de tester (Bruxelles, 22 oct. 1969, Rec. gén., 1971, n°21509, p. 398. Pour

d'autres exemples, voy. R. DILLEMANS, M. PUELINCKX-COENE, W. PINTENS et N. TORFS, op. cit., T.P.R., 1985, p. 554, n° 14 à 17; KLUYSKENS, t. III, 3è éd., pp. 27 et s., n° 10 et s.);

• stipulation d'une clause pénale pour assurer l'exécution d'une liberté portant atteinte à la réserve (Civ. Neufchâteau, 4 févr. 1981, J.T., 1981, p. 492; Rec. gén., 1982, n° 22758, p. 262);

• stipulation que l'indivision créée entre les donataires devra subsister plus de cinq ans (violation de l'art. 815 du Code civil - voy. Notarius, 1993, p. 299);

• stipulation contraire à la liberté de résidence. VI. La charge : notion90 Une donation peut être faite avec une charge au profit soit du donateur, soit d'un tiers, soit du donataire lui-même, tout en conservant sa qualité de donation, du moins si la charge n'est pas plus importante que la prestation gratuite.91

87 Pour de la jur. française sur cet article : Cass. fr., 10 juillet 1990, J.N.A., 1990, p. 1282; J.N.A., 1991, p. 1259, note E.S. DE LA MARNIERRE; J.C.P., (éd. not.), 1991, jur., p. 197, obs. Ph. SALVAGE; Cass. fr., 25 juin 1980, J.NA., 1981, p. 231; Rep. not. Defrénois, 1981, p. 468. 88 Les libéralités, op. cit., p. 118. 89 Enumération en partie reprise par L. RAUCENT, Les libéralités, op. cit., p. 115; pour d’autres clauses qui pourraient être déclarées illicites, voy. DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd. 90 Voy. Rép. not., "Les libéralités - Dispositions générales", (J. SACE), t. III, l. VI, n° 248 à 260. 91 Pour diverses clauses, voy. Rép. not., "Les donations - Formulaire" (L. RAUCENT), t. III, l. VII, pp. 33 et s.

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La charge est une obligation imposée par le donateur au donataire92, quelle qu'en soit la nature et lors même qu'elle se rapporterait à la personne plutôt qu'aux biens du donataire.93 Etant donné que la charge est une obligation, ne pourraient être considérés comme tels un simple vœu ou un souhait94. Il appartiendra au juge d'apprécier en fait la volonté du donateur, mais à la condition de ne pas violer la foi due aux écrits tant pour leurs termes que pour leur contenu95. a. Stipulation expresse ou tacite de la charge La charge peut être expresse et résulter d'une clause formelle de l'acte ou du pacte adjoint (dans le cadre d'une donation sans forme); elle peut être tacite, c'est-à-dire s'induire des circonstances intrinsèques, voire extrinsèques de l'acte (sans cependant que l'on puisse prouver outre ou contre l'acte)96. b. Renonciation à la charge Le donateur comme le tiers bénéficiaire peuvent renoncer à la charge d'une façon expresse ou tacite97. Le donateur peu renoncer à une charge stipulée en faveur d'un tiers tant que ce dernier ne l'a pas acceptée98. Cette renonciation doit cependant être certaine et ne se déduira que de faits non susceptibles d'une autre interprétation99. Au contraire, le donataire ne peut renoncer à la charge, même établie en sa faveur100. Il ne pourrait pas non plus renoncer à la donation dont la charge serait devenue trop onéreuse, le contrat de donation étant irrévocable pour toutes les parties en cause101. c. Bénéficiaires et débiteurs de la charge Les bénéficiaires de la charge sont non seulement ceux désignés expressément ou tacitement dans l'acte mais aussi, le cas échéant, leurs héritiers et ayants cause, dont notamment les créanciers102. 92 M. BOUYSSOU, Les libéralités avec charges en droit civil français, op. cit., pp. 47 et s. 93 Ibidem, p. 50; voy. la controverse sur l'objet de la charge in Rép. not., "Les libéralités - Dispositions générales" (J. SACE), t. III, l. VI, n° 248. 94 DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 620, C; H. CASMAN, Notarieel familierecht, op. cit., p. 446. 95 Rép. not., "Les libéralités - Dispositions générales" (J. SACE), t. III, l. VI, n° 248. 96 Ibidem, n° 249 et les controverses citées. 97 DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 624. 98 Rép. not., "Les libéralités - Dispositions générales", (J. SACE), t. III, l.VI, n° 250. 99 Cass., 20 avril 1989, Pas., 1989, I, p. 861. 100 DE PAGE, t. VIII1, 2è éd., n° 624. 101 Ibidem, n° 625. 102 Rép. not., "Les libéralités - Dispositions générales", (J. SACE), t. III, l. VI, n° 256.

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Le débiteur de la charge est le donataire et, le cas échéant, ses héritiers. S'il y a plusieurs donataires, ils y sont obligés soit solidairement, soit conjointement, selon les cas. La solidarité doit en principe être expressément stipulée (C. civ., art. 1202)103, mais il est admis qu'elle pourrait être implicite si la volonté commune des parties est à cet égard réelle et certaine104. A défaut de solidarité, d'indivisibilité ou d'obligation in solidum, la charge se divise entre les donataires105. Le donataire pourrait faire appel à un tiers pour exécuter la charge, à moins que la nature de cette dernière ne le permette pas (pour des raisons matérielles ou psychologiques) ou que le donateur ait stipulé expressément une charge intuitu personae dans le chef du donataire106. Les héritiers du donataire sont tenus d'exécuter la charge à la mort de leur auteur, à moins que la charge ne soit pas transmissible à cause de mort, du fait qu'elle aurait été contractée intuitu personae107. d. Privilège du donateur d'immeuble pour l'exécution de la charge Le donateur d'un bien immeuble avec une charge dispose d'un privilège pour garantir l'exécution de cette dernière. Ce privilège est prévu par les articles 27, 3° et 32 de la loi hypothécaire et se conserve par la transcription de l'acte de donation contenant les charges dans les registres de la conservation des hypothèques. Le privilège n'est garanti que si les charges sont liquides ou évaluées dans l'acte108. e. Remplacement de la charge En France, une loi du 4 juillet 1984109 permet la révision des conditions et des charges grevant la donation, à la demande du donataire, au cas où un changement de circonstances en rend l'exécution extrêmement difficile ou sérieusement dommageable. En Belgique, rien n'est prévu légalement à ce propos. Les parties peuvent cependant modifier de commun accord la charge prévue initialement. 103 Ibidem, n° 253. 104 Cass. fr., 17 juin 1913, D.P., 1914, I, p. 280. 105 P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., R.C.J.B., 1988, p. 80. 106 Cass. fr., 28 déc. 1942, Dall. Ann., 1943, p. 14, somm.; Rép. not., "Les libéralités - Dispositions générales" (J. SACE), t. III, l. VI, n° 253. 107 Rép. not., "Les libéralités - Dispositions générales" (J. SACE), t. III, l. VI, n° 253. 108 Pour plus de développements, voy. Rép. not., "Traité des hypothèques et de la transcription" (E. GENIN, mis à jour par R. PONCELET, A. GENIN, G. DE LEVAL et M. RENARD-DECLAIRFAYT), t. X, l. I, n° 897 et s. 109 Dall.-Sir., 1984, lég., p. 409; C. civ. Français, art. 900-2.

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On notera que tant en France qu'en Belgique, la jurisprudence admet depuis longtemps qu'un tribunal puisse convertir une charge d'entretien en une rente viagère si l'exécution en est devenue impossible, sans que ce résultat ne soit imputable au donataire110. Cette solution est plus pratique que légale en Belgique111 mais a le mérite de permettre aux parties de poursuivre leurs relations dans des conditions équitables (le donataire conserve la donation et le donateur, le plus souvent une personne âgée, continue à recevoir les moyens d'être entretenu). En pratique, dans le cadre de l'élaboration d'une donation avec charge d'entretien, il est utile d'éviter l'incertitude que constitue le recours au juge en précisant dans l'acte de donation les conséquences d'une éventuelle impossibilité de respecter la charge112. La latitude des parties à ce propos est très grande113. Ainsi, pourrait être prévue dans l'acte de donation ou le pacte adjoint la transformation de la donation avec charge d'entretien en une donation à charge de rente viagère (exemples non limitatifs et qui peuvent être cumulés) : - la possibilité pour le donateur de renoncer à tout moment à la charge d'entretien

en substituant à cette dernière une rente viagère dont le montant serait déjà fixé114;

- la possibilité pour le juge de modifier la charge d'entretien en une rente viagère

(déjà fixée dans la convention ou à fixer par lui en tenant compte du coût de la charge d'entretien) au cas où l'obligation d'entretien ne serait plus possible en raison de la maladie ou de l'infirmité du donataire ou de la détérioration des relations entre les parties115;

- la possibilité pour les deux parties de convertir la charge d'entretien en une rente

viagère dans les cas de force majeure ou si l'économie de la convention devait être bouleversée116;

- la possibilité pour les deux parties de modifier sans aucune raison la charge

d'entretien en une rente viagère, qui serait alors fixée à un montant plus élevé que le coût de la charge d'entretien117.

Dans chaque cas, il faudrait prévoir un temps de préavis suffisant.

110 Voy. les réf. citées par DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n° 400, 6, note 5; Cass. fr., 26 mars 1969, Bull. cass., n° 208, p. 164; Cass. fr., 19 janv. 1988, Dall.-Sir., 1988, inf. rap., p. 36; J.C.P. (éd. not.), 1988, jur., p. 245 et note H. MEAU-LAUTOUR; J.N.A., 1988, p. 354, note E.S. DE LA MARNIERRE, et p. 1306. 111 DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n° 400, 6°. 112 Voy. un ex. de clause in Rép. not., "Les donations - Formulaire" (L. RAUCENT), t. III, l. VII, p. 41. 113 Voy. pour diverses possibilités à ce sujet, B. CARTUYVELS, "Souci d'assurer le sort des personnes âgées", in Les arrangements de famille, Journée de recyclage organisée le 23 févr. 1989 par le Conseil régional francophone de la F.R.N.B., Bruxelles, Story-Scientia, 1990, p. 232. 114 Rép. not., "Les donations - Formulaire" (L. RAUCENT), t. III, l. VII, p. 41. 115 Ibidem. 116 B. CARTUYVELS, op. cit., in Les arrangements de famille, Journée de recyclage organisée le 23 févr. 1989 par le Conseil régional francophone de la F.R.N.B., Bruxelles, Story-Scientia, 1990, p. 232. 117 Ibidem.

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f. Extinction de l'obligation d'exécuter la charge La charge ne doit plus être exécutée dans les cas suivants118 : • en cas de cessation de la cause de la charge; • en cas de survenance du terme extinctif de la charge; • lorsqu'il y a renonciation à la charge par le donateur ou le tiers bénéficiaire; • en cas de prescription trentenaire. g. Résolution en cas d'inexécution des charges Cette matière sera examinée ci-après. Il convient de s'y référer. VII. Maintien de l’usufruit par le donateur Position de la question Il arrive fréquemment que le donateur souhaite se réserver l'usufruit des meubles, sommes ou titres remis manuellement au donataire. Ainsi, un père désire que ses enfants puissent échapper au paiement des droits de succession mais entend conserver les intérêts des biens donnés jusqu'à son décès. La réserve d’usufruit est incontestablement valable dans le cadre d’un don authentique (C. civ., art. 949). Mais qu’en est-il en cas de don non authentique et particulièrement en cas de don manuel ? Une question apparaît immédiatement : comment se réserver l'usufruit des meubles meublants ou autres objets corporels si la traditio, c'est-à-dire le dessaisissement, est obligatoire ?119 La jouissance d'un meuble suppose en effet que le donateur puisse conserver ce dernier, ce qui est contraire à la traditio. Une réserve d'usufruit sera donc impossible. Il n'en est autrement que pour une réserve d'usufruit « limitée » portant sur des titres au porteur. 118 DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n° 626. 119 DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n° 535; Ch. DE WULF, op. cit., in Exequatur van vriendschap - Liber discipulorum et amicorum Egied Spanoghe, Antwerpen, Kluwer, 1981, p. 56; J.F. TAYMANS, op. cit., in Les arrangements de famille, Journée de recyclage organisée le 23 févr. 1989 par le Conseil régional francophone de la F.R.N.B., Bruxelles, Story-Scientia, 1990, p. 86; contra : G. PACILLY, Le don manuel, Paris, Dalloz, 1936, p. 233; il est cependant possible de mettre la chose donnée en dépôt temporaire chez le donateur, si ce dépôt se justifie : voy. Rép. not., "Les donations - Formulaire" (L. RAUCENT), t. III, l. VII, p. 76.

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Il est possible de faire donation au porteur en stipulant que l'on s'en réserve l'usufruit. J.F. TAYMANS propose trois procédés, qui ont chacun leurs avantages et leurs limites120 : 1° Le donateur conserve la feuille des coupons, la traditio ne portant que sur le manteau des titres. Cette solution est susceptible cependant de poser certaines difficultés, notamment lorsqu'il y a lieu au recouponnement des titres (en effet, le manteau ou le dernier coupon doit être remis à la société émettrice pour permettre au donateur de recevoir une nouvelle feuille de coupons), ou lorsque les titres viennent à échéance, ou même lors d'une division de titres par détachement du coupon. En outre, cette solution pose des difficultés pour voter aux assemblées générales ; on dira plus dans ce cas qu’il s’agit d’une donation de coupons ; 2° Les paries rédigent un pacte adjoint au don manuel qui comporte la reconnaissance par le donataire de ce que la donation a été consentie sous réserve d'usufruit. Il s'agira alors plus d'une donation avec charge que d’une véritable réserve d'usufruit121. En effet, dans ce cas, le donateur n'a plus un droit sur la chose donnée mais a simplement une action contre le donataire pour obtenir les fruits de la chose donnée. Ainsi, le donataire pourrait aliéner les biens donnés, la charge de payer les intérêts lui restant propre122; 3° Les parties déposent les titres donnés auprès d'un intermédiaire financier, au nom du donateur pour l'usufruit et au nom du donataire pour la nue-propriété. L'intermédiaire financier détiendrait dès lors les biens pour le compte des deux parties123. C'est dans cette solution que le donateur aura le plus de sécurité (d'obtenir les intérêts des biens donnés).

120 J.F. TAYMANS, op. cit., in Les arrangements de famille, Journée de recyclage organisée le 23 févr. 1989 par le Conseil régional francophone de la F.R.N.B., Bruxelles, Story-Scientia, 1990, pp. 87 et s. 121 DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n° 535. 122 Ibidem, n° 534; Ch. DE WULF, op. cit., in Exequatur van vriendschap - Liber discipulorum et amicorum Egied Spanoghe, Antwerpen, Kluwer, 1981, p. 56; P. DELNOY, op. cit., in Les arrangements de famille, Journée de recyclage organisée le 23 févr. 1989 par le Conseil régional francophone de la F.R.N.B., Bruxelles, Story-Scientia, 1990, p. 137. 123 Ch. DE WULF, op. cit., in Exequatur van vriendschap - Liber discipulorum et amicorum Egied Spanoghe, Antwerpen, Kluwer, 1981, p. 56; J.F. TAYMANS, op. cit., in Les arrangements de famille, Journée de recyclage organisée par le Conseil régional francophone de la F.R.N.B., Bruxelles, Story-Scientia, 1990, p. 88.

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Dans ce cas, tombe-t-on sous l'application de l'article 9 du Code des droits de succession qui dispose que "les biens meubles ou immeubles qui ont été acquis à titre onéreux par le défunt pour l'usufruit et par un tiers pour la nue-propriété, ainsi que les titres au porteur ou nominatifs qui ont été immatriculés au nom du défunt pour l'usufruit et au nom d'un tiers pour la nue-propriété sont considérés, pour la perception des droits de succession et de mutation par décès, exigibles du chef de l'hérédité du défunt, comme se trouvant en pleine propriété dans la succession de celui-ci et comme recueillis à titre de legs par le tiers, à moins qu'il ne soit établi que l'acquisition ou l'immatriculation ne déguise pas une libération au profit du tiers"124 ? Cet article établit une présomption légale selon laquelle certaines opérations sont considérées comme étant des libéralités faites par le défunt à un tiers. Il a pour but d'éviter qu'une personne qui possède ou acquiert des biens puisse éluder les droits de succession normalement exigibles à son décès, sur ces biens, en faisant immatriculer directement la nue-propriété au nom de la personne qu'elle entend gratifier à son décès125. Pour que l'article 9 soit applicable, il faut que le gratifié soit héritier, donataire ou légataire du défunt, même exclu ou renonçant, ou une personne interposée126. Il faut en outre que le gratifié survive au de cujus et qu'il ne soit pas démontré que l'opération ne cachait pas en fait une libéralité. Il faut enfin et surtout que l'acquisition de l'usufruit et de la nue-propriété ait eu lieu en même temps127. Pour renverser la présomption prévue par cet article, il suffirait d'établir que le donataire n'a pas obtenu la nue-propriété du bien en même temps que le donateur en a acquis l'usufruit, mais qu'il en a reçu la nue-propriété par un titre régulier avant le dépôt ou l'immatriculation128. 4° Si le donateur veut avoir la possibilité de procéder à certaines opérations (ventes, échanges, …) sans avoir l'accord des nus-propriétaires129.

124 Pour une étude plus complète de cet article, voy. Rép. not., "Droits de succession et de mutation par décès" (M. DONNAY, mis à jour par A. CUVELIER), t. XV, l. XI, n° 336 à 363. 125 Ibidem, p. 380. 126 C. succ., art. 14 et 33; C. civ., ar. 911, dern. Al., et 1100, pour la notion de "personne interposée"; Rép. not., "Droits de succession et de mutation par décès", (M. DONNAY, mis à jour par A. CUVELIER), t. XV, l. XI, p. 382, pour la notion de "donataire". 127 Quest. Parl., 12 avril 1985, Rec. gén., 1985, n° 23237, p. 366 ; Rep. not., « Droits de succession et de mutation par décès » (M. DONNAY, mis à jour par A. CUVELIER), t. XV, l. XI, p. 392 ; pour le calcul de la valeur de la base imposable : C. succ., art. 12 ; R. PONCELET, « Impôt de succession et droits viagers : quelques notion à préciser », R.G.F., 1987, p. 58 ; il y aurait acquisition en même temps lorsqu’il y a inscription dans un registre d’actionnaires au nom du défunt pour l’usufruit et au nom d’un tiers pour la nue-propriété : Liège, 22 déc. 1971, Rec. gén., 1972, n° 21585, p. 208. 128 J.F. TAYMANS, op. cit., in Les arrangements de famille, Journée de recyclage organisée le 23 févr. 1989 par le Conseil régional francophone de la F.R.N.B., Bruxelles, Story-Scientia, 1990, p. 89 ; Cass., 24 oct. 1968, Rec. gén., 1969, n° 21255 , p. 142, obs. ; voy. aussi Bruxelles, 22 mars 1949, Rec. gén., 1949, n° 18778, p. 150. 129 DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n° 558, 8° ; J.F. TAYMANS, op. cit., in Les arrangements de famille, Journée de recyclage organisée le 23 févr. 1989 par le Conseil régional francophone de la F.R.N.B., Bruxelles, Story-Scientia, 1990, p. 99.

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On peut donner au donateur un mandat irrévocable de gestion. L'irrévocabilité du mandat est, à notre sens, valable, du fait qu'elle est une condition d'un contrat principal, en l'occurrence de la donation130. Le mandataire sera bien entendu responsable de sa gestion vis-à-vis du mandant131. En outre, afin d’éviter que l’on puisse critiquer ce mandat en précisant qu’il irait à l’encontre de l’irrévocabilité des donations, il faut qu’il soit limité, qu’il soit bien indiqué que le mandant ne peut retirer les fonds à son profit et qu’il est responsable de sa gestion. 5° Pour la donation d'une somme d'argent, il semble difficile de prévoir une véritable réserve d'usufruit : en effet, l'usufruit portant sur une somme d'argent se transforme en fait en un droit de propriété (quasi-usufruit) à charge de rendre l'équivalent (C. civ., art. 587). Dès lors, le donateur resterait propriétaire des fonds à charge de récompense, ce qui serait contraire à l'obligation d'une traditio132. Dans ce cas, la solution serait de faire une donation avec une charge de verser les intérêts au donateur. En suivant cette même opinion, ne pourrait pas non plus réaliser un don manuel le placement sur un compte usufruit/nue-propriété de fonds appartenant au donateur133, même en déjouant les conditions de l'article 9 du Code des droits de succession, qui s'applique aussi à tout placement d'argent134. VIII. La clause de retour conventionnel135 a. Principe Le donateur peut stipuler que les biens donnés lui seront rendus, soit en cas de prédécès du donataire seul, soit en cas de prédécès du donataire et de ses descendants. Cette condition résolutoire est licite puisqu'elle se base sur un événement incertain et casuel. Elle est expressément prévue par l'article 951 du Code civil, qui dispose qu'elle ne peut être stipulée qu'au profit du seul donateur. Une telle clause est très courante en pratique et peut s'expliquer par le fait que si le donateur souhaite gratifier une personne, il ne désire par toujours que les héritiers de cette dernière puissent en profiter si elle meurt avant lui. 130 DE PAGE et DEKKERS, t. V, 2ème éd., n° 469, B. 131 J.F. TAYMANS, op. cit., in Les arrangements de famille, Journée de recyclage organisée le 23 févr. 1989 par le Conseil régional francophone de la F.R.N.B., Bruxelles, Story-Scientia, 1990, p. 99. 132 P. DELNOY, op. cit., in Les arrangements de famille, Journée de recyclage organisée le 23 févr. 1989 par le Conseil régional francophone de la F.R.N.B., Bruxelles, Story-Scientia, 1990, p. 137 ; Rép. not., « Les donations – Formulaire » (L. RAUCENT), t. III, l. VII, p. 76. 133 Rép. not., « Les donations – Formulaire » (L. RAUCENT), t. III,l. VII, p. 77. 134 Bruxelles, 22 mars 1949, Rec. gén., 1949, n° 18778, p. 150. 135 Voy. aussi Rép. not., « Les libéralités – Dispositions générales » (J. SACE), t. III, l. VI, n° 243 ; pour une formule de clause de retour conventionnel, voy. Rép. not., « Les donations – Formulaire » (L. RAUCENT), t. III, l. VII, p. 32.

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Les effets de la clause de retour conventionnel sont radicaux : il s'agit d'une véritable condition résolutoire avec effet rétroactif. b. Conditions de validité 1° Le droit de retour conventionnel doit en principe être inséré, soit dans l'acte de donation, soit dans un pacte adjoint (en cas de don manuel ou de donation indirecte). Il peut cependant être prévu dans un acte séparé avec le consentement des donateur et donataire (sauf en cas de donation faite dans le contrat de mariage, compte tenu de l'immutabilité des conventions matrimoniales136, sans que cela puisse porter préjudice aux tiers qui auraient acquis entre-temps des droits sur le bien donné. S'il s'agit d'une donation d'immeuble, l'acte séparé de retour conventionnel devrait être authentique et transcrit. Certains auteurs ajoutent qu'il faut que le pacte adjoint ait date certaine contemporaine au transfert de possession (Rép. not., "Les libéralités - Dispositions générales", J. SACE, t. III, l. VI, n° 243; Rép. dr. civ. Dalloz, v° Donation, n° 143). Cette position est la suite logique de la thèse de ces mêmes auteurs, qui estiment que le retour conventionnel ne peut être stipulé que dans l'acte de donation et non postérieurement. Puisqu'il faut, selon ces auteurs, que le retour conventionnel soit stipulé en même temps que la donation, il est normal que le pacte adjoint doive être fait en même temps que la donation et que ce point soit prouvé : or le seul moyen de le faire, est que le pacte ait une date certaine. A notre sens, il n'y a aucune obligation à ce que la clause soit concomitante à la donation; le pacte adjoint ne doit donc pas obligatoirement avoir date certaine. Cependant, il est préférable qu'il l'ait puisque les tiers contractants ne peuvent pas être lésés par une clause établies après qu'ils aient acquis des droits sur le bien soumis au retour conventionnel. On notera qu'en pratique, il est extrêmement rare qu'un pacte adjoint soit enregistré pour acquérir date certaine. La donation déguisée ne peut comporter une clause de retour conventionnel, sous peine de révéler dans l'acte à titre onéreux son véritable but137. Rien n'empêche cependant de prévoir une telle clause dans un acte séparé, qui ne vaudrait qu'entre les parties, sans être opposable aux tiers (C. civ., art. 1321). 2° La clause de retour conventionnel doit être stipulée, c'est-à-dire être expressément écrite dans un des actes susdécrits138. La formulation de la clause n'est pas sacramentelle mais doit établir de façon certaine la volonté du donateur139. Ainsi, il conviendrait que le donateur précise explicitement qu'il souhaite le respect du droit de retour conventionnel et non simplement un droit de retour. En effet, ces derniers termes pourraient être interprétés comme le souhait de voir appliquer le droit de retour légal (C. civ., art. 747), situation beaucoup moins radicale que le retour conventionnel. Ce droit de retour ne peut être tacite. Ainsi, une donation avec une clause d'avancement d'hoirie ne pourrait constituer une présomption de retour

136 PLANIOL et RIPERT, t. V, 2ème éd., n° 450 ; DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n° 565, note 3 ; contra : Rép. dr. civ. Dalloz, v° Donation, n° 143 ; Rép. not., « Les libéralités – Dispositions générales » (J. Sace), t. III, l. VI, n° 243 ; pour ce dernier auteur, la clause de retour ne saurait être insérée dans un acte modificatif postérieur. 137 Rép. dr. civ. Dalloz, v° Donation, n° 143. 138 L’article 951 du Code civil dispose : « Le donateur pourra stipuler … ». 139 DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n° 565, B.

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conventionnel; il en serait de même pour une clause interdisant au donataire d'aliéner ou d'hypothéquer le bien140. 3° Le retour conventionnel peu s'appliquer : - en cas de prédécès du donataire, peu importe qu'il ait des descendants ou non; - en cas de prédécès du donataire et de ses descendants; - en cas de prédécès du donataire sans postérité : dans ce cas, si le donataire

meurt en laissant une postérité, le droit de retour ne jouera pas, même si cette postérité meurt avant le donateur141.

Si la donateur n'a pas précisé l'option choisie, il appartiendra au tribunal d'apprécier la volonté de ce dernier en cas de conflit. A défaut d'interprétation possible, il faut, à notre sens, présumer que le donateur a voulu le retour de la donation pour le cas du prédécès du donataire seul142. Pour éviter toute discussion, il est donc nécessaire que le souhait du donateur soit précisé explicitement dans l'acte. Si le donataire laisse à son décès un conjoint survivant, en principe ce dernier ne peut pas jouir des biens soumis au retour conventionnel (compte tenu de l'effet rétroactif de la résolution), et ce, même dans le cadre de l'usufruit successoral légal, à moins qu'il ne soit expressément prévu dans l'acte de donation (ou dans le pacte adjoint) que ce droit de retour ne portera pas préjudice aux libéralités en usufruit que le donataire consentirait à son conjoint143. 4° Le droit de retour conventionnel ne peut être stipulé qu'au profit du donateur seul (C. civ., art. 951, al. 2). Il ne peut donc pas l'être au profit d'un tiers ou des héritiers du donateur144. La sanction d'une telle stipulation interdite est controversée en doctrine145. Il nous semble qu'il faut suivre l'opinion de DE PAGE, qui précise que la sanction sera la nullité de la donation entière puisque la stipulation litigieuse constituerait une substitution prohibée146. Cependant, si la stipulation est faite non seulement au profit du donateur mais aussi de ses héritiers ou d'un tiers, la donation serait valable mais la stipulation à l'égard des héritiers ou d'un tiers serait nulle en vertu de l'article 900 du Code civil147. S'il y a plusieurs donateurs, le droit de retour peut être stipulé au profit de certains d'entre eux, sur leur part respective dans la donation.

140 Rép. dr. civ. Dalloz, v° Donation, n° 143 et 149. 141 Ch. DE WULF, E. VAN HOVE et L. WEYTS, « Clausules inzake schenkingen », in De Schenkingsakten, Recyclagedagen 1981 van de K.F.B.N., Antwerpen, Kluwer rechtswetenschappen, 1982, pp. 86 à 89. 142 Dans le même sens : DEMOLOMBE, t. XX, n° 500 ; voy. ce même auteur pour les positions divergentes à ce propos. 143 L. RAUCENT, Les successions, op. cit., p. 107. 144 Mais les héritiers du donateur peuvent se prévaloir d’un retour conventionnel, si ce droit est né du vivant du donateur : Civ. Tournai, 8 mai 1872, Pas., 1874, III, p. 250. 145 Voy. à ce propos DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n° 298, B, et les nombreuses réf. citées. 146 DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n° 298, B. 147 Position défendue par DE PAGE, t. VII1, 2ème éd., n° 298, B, et JOSSERAND, t. III, n° 1372 ; voy., pour les autres opinions, Rép. not., « Les libéralités – Dispositions générales » (J. SACE), t. III, l. VI, n° 243.

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c. Effets L'effet du droit de retour sera de résoudre toutes les aliénations des biens donnés et de faire revenir ces biens au donateur, francs et quittes de toutes charges et hypothèques (C. civ., art. 952)148. Le retour conventionnel est une véritable condition résolutoire expresse qui agit de plein droit et avec effet rétroactif (C. civ., art. 1179)149. Le droit commun concernant les conditions résolutoires est applicable150. Ceci signifie que tant que le donateur n'est pas décédé, le donataire se trouve dans une période d'attente durant laquelle il est plein propriétaire du bien donné mais sous condition résolutoire. Il peut donc vendre, donner, échanger le biens, etc. Mais si la condition résolutoire se réalise, ces actes seront rétroactivement anéantis. En outre, le donateur reprendre le bien quitte et libre de toutes charges et hypothèques et pourra même le revendiquer entre les mains de tiers, en cas d'aliénation à leur profit. Ces derniers pourront cependant se prévaloir de l'article 2279 du Code civil s'il s'agit d'une donation de meubles. Les fruits perçus ne doivent être rendus qu'à partir du jour où le droit de retour s'applique effectivement151. De même, les actes d'administration posés restent valables. Du point de vue fiscal, aucun droit d'enregistrement ou de succession n'est dû en cas de retour conventionnel152. Si le donateur décède sans que la condition résolutoire se réalise, la donation devient définitive. d. Différence entre le régime du droit de retour légal Les articles 747 et 366 du Code civil prévoient un droit de retour légal, qui peut ressembler au droit de retour conventionnel sur quelques points mais qu'il ne faut pas confondre avec ce dernier. En effet, le droit de retour légal est un droit successoral et n'est donc pas une condition résolutoire. 148 Voy. le même article du Code civil concernant l’hypothèque légale de la femme du donataire. 149 Rép. not., « Traité des hypothèques et de la transcription » (E. GENIN, mis à jour par R. PONCELET, A. GENIN, G. DE LEVAL et M. RENARD-DECLAIRFAYT), t. X, l. I, n° 272 ; R.P.D.B., v° Hypothèques et privilèges immobiliers, compl. t. VII, p. 721. 150 Voy. pour plus d’explications, DE PAGE, t. I, n° 167. 151 Pour les tiers acquéreurs, ce sont les articles 549 et 550 du Code civil qui s’appliquent, s’ils sont de bonne foi. 152 Rép. not., « Droits de succession et de mutation par décès » (M. DONNAY, mis à jour par A. CUVELIER), t. XV, l. XI, n° 62, 407 et 409 ; Rép. not., « Droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe » (M. DONNAY, mis à jour par A. CUVELIER), t. XV, l. X, n° 62.

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Les conditions du retour légal sont distinctes de celles du retour conventionnel. Le retour légal : - ne bénéficie qu'aux ascendants; - ne s'applique que si le bénéficiaire est mort sans postérité; - ne vise que le bien donné tel qu'on le retrouve dans la succession du bénéficiaire

(avec le cas échéant les charges) ou le prix qui peut en être dû ou l'action en reprise qui existe au profit du bénéficiaire;

- étant un droit sur une succession, ne peut faire l'objet d'une renonciation avant l'ouverture de celle-ci153, ni être cédé;

- enfin, le bénéficiaire du droit de retour légal est tenu, à concurrence de sa part, des dettes de la succession et doit, pour l'obtenir, être capable et digne de succéder.

IX. Résolution pour inexécution des charges : principes L'article 953 du Code civil dispose que la donation pourra être révoquée154 pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite. Cette action en résolution est fondée sur la condition résolutoire tacite indiquée dans l'article 1184 du Code civil.155 En effet, la donation avec charges est considérée comme un contrat synallagmatique. Cependant, l'application n'est qu'analogique et présentera donc certaines différences. a. Inexécution de la charge Pour qu'il y ait résolution, il faut une inexécution de la charge. Cependant, il importe peu que l'inexécution soit fautive ou non156. En effet, la résolution peut être prononcée même si l'inexécution est due à une cause étrangère au donataire, à un cas fortuit ou à un cas de force majeure157. Il n'y a d'exception que si l'inexécution est due au fait du donateur158 ou du bénéficiaire de la charge.

153 Ce qui veut dire que si une clause de retour conventionnel est indiquée dans l’acte de donation et est moins contraignante dans ses effets que ceux du droit de retour légal, les ascendants donateurs pourront tout de même exercer ce retour légal, sans qu’on puisse leur opposer la clause de droit de retour indiqué dans l’acte : Cass. fr., 2 juillet 1903, Pas., 1904, IV, p. 5. 154 Le terme « résolue » est plus adéquat. 155 DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n° 615 ; R. DILLEMANS, M. PUELINCKX-COENE, W. PINTENS et N. TORFS, op. cit., T.P.R., 1985, p. 565, n° 41. 156 Pour la justification, voy. ibidem, n° 399, B. 157 Mons, 5 févr. 1980, Rev. not., 1980, p. 294 et note J. SACE ; Liège, 17 juin 1970, Jur. Liège, 1970-1971, p. 177. En France, la doctrine préfère parler dans ce cas de « caducité » : PLANIOL et RIPERT, t. V, 2ème éd., n° 490 ; Ph. MALAURIE, Les successions – Les libéralités, op. cit., p. 224. 158 Civ. Bruxelles, 25 mars 1891, Pas., 1891, III, p. 229 ; Civ. Bruxelles, 21 oct. 1891, Pas., 1892, III, p. 71.

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Jugé à deux reprises par la Cour de cassation de France que la résolution n'est légalement possible qu'en cas d'inobservation par le donataire lui-même de la condition-charge (dans les cas d'espèce, une clause d'inaliénabilité). Ces arrêts démontrent la réticence qu'ont les tribunaux à résoudre des donations lorsque la charge est inexécutée sans faute du donataire (Cass. fr., 20 déc. 1976, Rev. trim. dr. civ., 1977, p. 358 et note R. SAVATIER; Cass. fr., 25 juin 1980, Rép. not. Defrénois, 1981, art. 32608 et note G. Champenois). b. Actions ouvertes au donateur L'inexécution des charges donne ouverture à deux actions : • une action en exécution des charges; • une action en résolution de la donation. L'article 953 du Code civil ne parle que de la seconde action mais, compte tenu de l'application analogique de l'article 1184, il n'est pas contesté que l'exécution peut aussi être demandée. c. Appréciation du tribunal La résolution pour inexécution des charges est obligatoirement prononcée par le tribunal. Le juge doit toujours vérifier s’il y a eu manquement du donataire159. Et si le manquement est démontré, il doit apprécier s’il est d’une importance suffisante que pour justifier la résolution. Dans l’espèce tranchée par la Cour d’appel d’Anvers le 17 avril 1984, la donation d’un immeuble avait été faite à charge d’entretien des donateurs à partir du jour de la cessation de leur commerce et avec réserve d’usufruit. Au moment venu, les donataires demandèrent que les donateurs viennent habiter chez eux, ce que ces derniers refusèrent. Ils agirent alors en résolution pour inexécution des charges. 159 Voy. Anvers, 26 mars 1984, Rec. gén., 1986, n° 23326, p. 178 ; R.W., 1985-1986, col. 1769 et note critique M. PUELINCKX-COENE : « Maakt een clausule van onvervreemdbaarheid de geschonken goederen ook ombeslagbaar ? - Maakt elke vervreemding de herroeping van de schenking mogelijk ? » : « attendu que les appelants reprochent aussi à leur fils de ne pas avoir respecté les conditions de la donation en contrevenant à l’interdiction de contracter des emprunts hypothécaires ; attendu que pareille interdiction ne ressort pas de l’acte ; attendu qu’à l’article 6 de l’acte de donation, on trouve que, si le donataire souhaite donner le bien en gage pour un prêt destiné à la construction d’une habitation, les donateurs renoncent pendant la durée de ce prêt à leur droit d’invoquer l’article 953 du Code civil ; attendu qu’il peut uniquement s’en déduire que si le donataire contracte un emprunt hypothécaire à d’autres fins, les donateurs conservent le droit d’invoquer l’article 953 du Code civil … mais rien ne fait apparaître que le consentement d’une hypothèque emporte violation d’une quelconque condition de la donation ». La Cour de cassation de France, en son arrêt du 25 juin 1980 (Rép. not. Defrénois, 1981, art. 32608, p. 468 et note G. CHAMPENOIS), a décidé que la résolution ne pouvait avoir lieu en cas de non-respect de la clause d’inaliénabilité que si cette clause n’était pas respectée par le bénéficiaire lui-même ; dans le même sens : Cass. fr., 20 déc. 1976, Rev. trim. dr. civ., 1977, p. 358, note R. SAVATIER.

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La Cour d’appel d’Anvers leur donna raison en tenant compte des circonstances : les donateurs étaient âgés et malades et un déménagement n’aurait pas été souhaitable ; les donataires habitaient à 400 mètres de chez les donateurs et ils n’avaient aucune difficulté à assumer la charge d’entretien chez les donateurs ; les donateurs s’étant réservé l’usufruit de leur immeuble, il apparaissait bien qu’ils avaient souhaité que la charge soit remplie chez eux (T. not., 1985, p. 101). Le juge pourrait accorder, comme le prévoir l’article 1184, dernier alinéa, du Code civil un délai d’exécution160. Se fondant sur les articles 953 et 1184, alinéa 3, du Code civil, un arrêt de la Cour de cassation de France du 19 décembre 1984 énonce « qu’il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque le juge saisie d’une demande de révocation d’une donation pour inexécution des conditions, a constaté cette inexécution, il peut accorder au donataire un délai qui doit emprunter sa mesure aux circonstances pour exécuter ces charges ; que si ce délai peut être suspendu en cas de force majeure, il ne peut être renouvelé » (Bull. cass., 1984, civ. I, p. 291, n° 343 ; Dall.-Sir., 1985, inf. rap., p. 304 note D. MARTIN ; Rev. not., 1985, p. 470 et note J. SACE). L’appréciation du tribunal est très large161 : • Il peut décider que l’inexécution n’est pas suffisamment grave que pour prononcer

la résolution. Dans ce cas, il pourra cependant condamner le donataire à exécuter la charge. Si ce dernier persiste à ne pas vouloir respecter son obligation, la donation pourrait alors être résolue ;

• Le tribunal peut tenir compte de l’exécution partielle pour refuser la résolution.

En l’espèce jugée par la Cour d’appel de Mons le 5 février 1980, la charge d’entretien avait été respectée sans discontinuer pendant 9 ans et 1 mois et n’avait été arrêtée que durant 5 mois du fait de l’hospitalisation de la donataire (Rev. not., 1980, p. 294, note J. SACE). Il peut aussi décider que l’inexécution partielle n’entraînera qu’une résolution partielle162 ;

• Il peut refuser la résolution si la charge non exécutée ne présente pas d’intérêt

pour le donateur163 ;

• Il peut décider que la volonté du donateur n’était pas de lier la donation et la charge, en manière telle que, dans sa situation, l’inexécution de la charge ne doit pas entraîner la résolution de la donation. Il en serait ainsi si la charge n’était pas la cause impulsive et déterminante de la volonté du disposant164.

Dans l’espèce tranchée par l’arrêt de la Cour de cassation de France du 27 juin 1981, un testament avait imposé aux légataires de recouvrir le cercueil du testateur « du drap de la société de Libre Pensée ». La Cour a décidé que cette condition n’avait pas été la « cause essentielle et déterminante de la libéralité », d’où il suivant que son inexécution n’était pas fautive (sic) (Rev. trim. dr. civ., 1981, p. 891, note J. PATARIN).

160 Civ. Furnes, 13 nov. 1947, Pas., 1948, III, p. 20. 161 Voy. une étude exhaustive en France : M. CHANTEUX-BUI, « La révocation des libéralités pour inexécution des charges », J.C.P. (éd. not.), 1979, pp. 263 à 275. 162 J. SACE, note sous Mons, 5 févr. 1980, Rev. not., 1980, p. 294. 163 M. CHANTEUX-BUI, op. cit., J.C.P. (éd. not.), 1979, p. 266. 164 L. RAUCENT, Les libéralités, op. cit., p. 163.

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Il nous semble cependant qu’en l’occurrence, la Cour de cassation de France est allée trop loin : si l’on peut accepter qu’elle n’ait pas prononcé la résolution, il ne peut être admis en absolu que l’inexécution n’était pas fautive. Tout en ne prononçant pas la résolution, le tribunal aurait pu ordonner, si du moins cela lui a été demandé, l’exécution de la condition, et si elle n’était plus possible, accorder des dommages et intérêts. L’appréciation de la volonté du donateur doit se faire d’une façon subjective (c’est-à-dire en fonction de l’intention du donateur parfois révélée, souvent présumée)165.

Il est admis en France (par le biais, entre autres, du nouvel article 900-2 du Code civil), mais, à notre estime, la solution serait transposable en Belgique, qu’il n’y a pas lieu à résolution dès que le but poursuivi par le donateur peut se trouver atteint par un moyen non prévu à l’acte166. Ainsi, il a été jugé que : - le tribunal peut convertir un bail à nourriture à titre gratuit167, ou une charge

d’entretien168, en une rente viagère si l’exécution est devenue impossible, sans que le résultat en soit imputable au donataire ;

- le tribunal peut modifier la destination d’un bien grevé d’une charge d’affectation169.

En pratique, dans le cadre de l’élaboration d’un contrat de bail à nourriture ou de donation avec charge d’entretien, pour éviter l’incertitude d’un recours ultérieur au juge, le notaire conseillera d’indiquer déjà dans l’acte les conséquences d’une éventuelle impossibilité de respecter la charge170. La latitude des parties à cet égard est très grande171.

165 M. CHANTEUX-BUI, op. cit., J.C.P. (éd. not.), 1979, p. 267. 166 DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n°627bis, C ; Cass. fr., 19 janv. 1988, Dall.-Sir., 1988, inf. rap., p. 36 ; J.N.A., 1988, p. 354, note E.S. DE LA MANIERRE, et p. 1306 ; J.C.P. (éd. not.), 1989, jur., p. 245 et note H. MEAU-LAUTOUR ; B. CARTUYVELS, op. cit., in Les arrangements de famille, Journée de recyclage organisée le 23 févr. 1989 par le Conseil régional francophone de la F.N.R.B., Bruxelles, Story-Scientia, 1990, p. 232 ; Cass. fr., 26 mars 1969, Bull. cass., n° 179, p. 101, modifiant la jurisprudence contraire de cette même Cour : Cass. fr., 24 avril 1954, Bull. cass., n° 208, p. 164 ; voy. les nombreuses réf. citées par M. CHANTEUX-BUI, op. cit., J.C.P. (éd. not.), 1979, p. 272 167 Cass. fr., 26 mars 1969, précité. 168 Cass. fr., 19 janv. 1988, précité. 169 Cass. fr., 10 mars 1969, Bull. cass., n° 106, p. 83 ; Cass. fr., 14 mai 1974, Gaz. Pal., 1974, 2, p. 634 et note J. VIATTE ; Cass. fr., 18 nov. 1981, J.N.A., 1982, p. 458 ; Paris, 17 avril 1976, Gaz. Pal., 1976, jur., p. 9 170 Voy. un ex. de clause in Rép. not., « Les donations – Formulaire » (L. RAUCENT), t. III, l. VI, p. 41. 171 Voy., pour diverses possibilités à ce sujet, B. CARTUYVELS, op. cit., in Les arragements de famille, Journée de recyclage organisée le 23 févr. 1989 par le Conseil régional francophone de la F.R.N.B., Bruxelles, Story-Scientia, 1990, p. 232.

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d. Pacte commissoire exprès L’article 956 du Code civil n’exclut pas le pacte commissoire exprès. En effet, cet article n’est pas d’ordre public ; il peut donc y être dérogé172. Les parties peuvent dès lors exclure, par le biais d’une clause de l’acte, le pouvoir d’appréciation du juge quant à la gravité de l’inexécution de la charge. Si le juge constate l’inexécution, il devra résoudre la donation de plein droit173. Il ne pourra pas accorder de délai d’exécution au donataire174. Cependant, en cas de contestation, l’intervention du juge reste nécessaire pour apprécier s’il y a ou non inexécution. Le pacte commissoire exprès ne dispense en principe pas le créancier d’une mise en demeure175. En outre, ce dernier conserve une option entre la résolution de la donation et la poursuite de l’exécution de la charge176. On notera que, selon DE PAGE177, l’article 956 du Code civil n’exclurait pas la résolution amiable entre parties. Mais dans ce cas, ajoute l’auteur, une telle résolution ne serait pas opposable aux tiers, s’ils n’ont été parties à l’acte178. Cette façon de faire n’est guère certaine et il convient de conseiller de passer par le tribunal pour obtenir la résolution erga omnes. X. Que mettre comme clauses en pratique ? a. La clause de retour conventionnel Cette clause semble celle qui est la plus naturelle à mettre dans un acte ou un pacte adjoint. La clause la plus fréquemment utilisée est celle qui prévoit que le retour conventionnel se réalisera en cas de prédécès du donataire, qu’il ait ou non une postérité. Cette façon de faire est la plus avantageuse fiscalement (la donation revient au donateur qui peut refaire un don non enregistré, même à la descendance du défunt ; tandis que si l’on prévoit un retour conventionnel seulement si le donataire n’a pas de descendance, il y aura des droits de succession dus entre le défunt et ses descendants) et souvent préférée du point de vue familial (le conjoint du défunt n’aura pas l’usufruit des biens donnés et le donateur pourra refaire un don en pleine propriété au profit de ses petits-enfants).

172 L. RAUCENT, Les libéralités, op. cit., p. 164 ; KLUYSKENS, t. III, 3ème éd., p. 238, n° 173, 1°. 173 Gand, 26 nov. 1930, Pas., 1932, II, p. 36. 174 DE PAGE, t. VIII1, 2ème éd., n°633, C. 175 Cass. 9 avr. 1976, Pas., 1976, I., p. 337. 176 Cass., 13 déc. 1985, Pas., 1986, I, p. 488. 177 T. VIII1, 2ème éd., n° 633. 178 Civ. Verviers, t. VIII1, 2ème éd., n° 624.

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b. La clause d’inaliénabilité Cette clause sera souvent utilisée lorsqu’il y a une charge de verser telle somme au donateur ou à un tiers. Il convient de faire attention à la limiter dans le temps. c. Le mandat irrévocable Prévoir un mandat irrévocable au profit du donateur nous paraît tout à fait possible s’il est strictement limité, s’il ne supprime pas la responsabilité du mandataire et s’il n’est pas exclusif (ce point pouvant être réglé par la clause d’inaliénabilité). d. Une charge Il n’est pas possible de définir toutes les possibilités de charges. Il peut s’agir des plus classiques (une rente viagère, le produit des coupons,…) à des moins classiques (faire telle activité,…). On notera que la charge de verser le produit des coupons doit être bien rédigée pour prévoir de quels coupons il s’agira (des titres initiaux ou ceux qui les remplaceront). De même, de plus en plus, le coupon devenant moins important, la clause devra être être aménagé en le versement d’une rente fixe ou d’un return suir la plus-value. e. Un pacte commissoire exprès Une telle clause permettra d’éviter une appréciation du tribunal sur l’opportunité de résoudre la donation pour inexécution des charges. f. Le sort du conjoint Le sort du conjoint peut être réglé de deux manières : - Soit en lui laissant la possiblité d’obtenir son usufruit par le biais du rapport de la

donation ; l’article 858bis du Code civil précise dans ce cas que l’usufruit est remplacé par une rente viagère indexée et garantie ; ce rapport a l’avantage de rendre non taxable cet usufruit « converti » trois ans après la donation.

- Soit en prévoyant une clause de réversion ou d’accroissement

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La clause doit être bien rédigée si l’on veut éviter, en cas d’accroissement entre deux époux mariés sous le régime de la séparation de biens et ayant donné tous les deux, une taxation en droits de succession. La taxation sera due en principe pour des époux en régime de communauté : C.dr.succ., art. 8 : sauf exceptions, sur la moitié de l’accroissement) ou en séparation de biens si les biens donnés étaient propres au donateur.

g. Rapport de la donation ou dispense de rapport Ce point est souvent omis alors qu’il est essentiel. Il n’est pas possible de développer cette matière en quelques lignes mais il est essentiel d’avoir des « clignotants » : - Une donation faite du consentement du conjoint est présumée, sauf volonté

contraire, être faite par préciput et hors part à l’égard du conjoint. Il faut donc faire attention avant de faire intervenir un conjoint (ce qui peut être important pour d’autres raisons : risque d’annulation sur base de l’article 224,…).

- Une donation faite à un successible est présumée être une avance d’héritage, sauf volonté contraire.

- Une donation faite à un non successible est faite sur la quotité disponible et est donc non rapportable.

- Une donation faite à un descendant héritier sans que tous les héritiers soient également donataires et qui serait faite avec réserve d’usufruit, octroi d’une rente viagère ou à fonds perdu, est présumée être une donation de pleine propriété et faite sur la quotité disponible (C.c., art. 918). Ceci est essentiel car cela peut modifier ou empêcher une programmation successorale globale (par exemple, si l’on constate que des donations antérieures ont entamé totalement la quotité disponible). Une jurisprudence isolée (mais c’est tout de même l’arrêt « Solvay » de la Cour d’appel de Bruxelles du 27 mai 1986179) a décidé qu’il fallait qualifier de rente viagère l’obligation pour les donataires de verser au donateur le revenu net des actions qui étaient achetées avec les fonds donnés.

h. Clause sur la jouissance légale Si les donataires sont mineurs, il est bon de prévoir ce qu’il en sera de la jouissance légale des parents de ces mineurs. Si rien n’est prévu dans l’acte ou le pacte adjoint, la jouissance légale s’appliquera jusqu’aux 18 ans de chaque donataire. Le donateur peut supprimer cette jouissance ou la modaliser (« qui peut le plus peut le moins ») dans l’acte (C.c., art. 387).

179 Pas., 1986, II, p. 134 ; R.G.D.C., 1988, p. 396 et note critique et à raison de P. DELNOY.