Concours du CAPES/CAFEP EXTERNE D’HISTOIRE et ......du pacte germano-soviétique que s’affirme...

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1 Concours du CAPES/CAFEP EXTERNE D’HISTOIRE et GÉOGRAPHIE 2017 ÉPREUVE D’ANALYSE DE SITUATION PROFESSIONNELLE HISTOIRE Sujet : Enseigner « le siècle des totalitarismes » en classe de lycée Document A : Extraits des programmes d’histoire de 1 ère L/ES, 2012. Extrait des Ressources d’histoire 1 ère L/ES, Eduscol, 2010. Document B : Histoire 1 ère , Magnard, 2011. Document C : Histoire 1 ère , Belin, 2011. Document D : Enzo Traverso, « Le totalitarisme. Histoire et apories d'un concept », in L’Homme et la société, n° 129, 1998, pp. 97-111 (extraits). Document E : George Orwell, 1984, fin du 1 er chapitre, 1949.

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Concours du CAPES/CAFEP EXTERNE D’HISTOIRE et GÉOGRAPHIE 2017

ÉPREUVE D’ANALYSE DE SITUATION PROFESSIONNELLE HISTOIRE

Sujet : Enseigner « le siècle des totalitarismes » en classe de lycée

Document A : Extraits des programmes d’histoire de 1ère L/ES, 2012. Extrait des Ressources d’histoire 1ère L/ES, Eduscol, 2010. Document B : Histoire 1ère, Magnard, 2011. Document C : Histoire 1ère, Belin, 2011.

Document D : Enzo Traverso, « Le totalitarisme. Histoire et apories d'un concept », in L’Homme et la société, n° 129, 1998, pp. 97-111 (extraits).

Document E : George Orwell, 1984, fin du 1er chapitre, 1949.

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Document A : Extraits des programmes d’histoire de 1ère L/ES, 2012.

Thème 3. ― Le siècle des totalitarismes (10-11 heures)

QUESTIONS MISE EN ŒUVRE Genèse et affirmation des régimes totalitaires (soviétique, fasciste et

nazi)

Les régimes totalitaires dans l'entre-deux-guerres : genèse, points communs et

spécificités.

La fin des régimes totalitaires La dénazification de l'Allemagne et le

procès de Nuremberg. Gorbatchev et la fin de l'URSS.

Extrait des Ressources d’histoire 1ère L/ES, Eduscol, 2010.

PROBLEMATIQUES Les régimes totalitaires dans l’entre-deux guerres : genèse, points communs et spécificités Il convient de mettre l’accent sur quelques idées essentielles en prenant en compte le contexte et l’évolution des historiographies sur cette question. Le concept de totalitarisme a été longtemps controversé : perçu comme une volonté de mettre les régimes fasciste, stalinien et nazi sur le même plan, il a été accusé d’induire une banalisation du nazisme. Les communistes et leurs « compagnons de route » intellectuels l’ont dénoncé comme étant une arme antisoviétique au temps de la guerre froide. L’adjectif « totalitaire », utilisé pour la première fois en 1924 par le libéral italien Giovanni Amendola pour dénoncer l’emprise du fascisme, a été repris à son compte pas Giovanni Gentile, théoricien du régime et par Mussolini lui-même. Les nazis ont, quant à eux, parlé d’ « État total ». C’est au moment du pacte germano-soviétique que s’affirme vraiment le mot de « totalitarisme ». Ce concept a été développé ensuite par Hannah Arendt (Les origines du totalitarisme 1951), puis par des politologues américains, qui ont dégagé des critères précis (idéologie globalisante, parti unique, police secrète faisant régner la terreur, monopole de l’information et des armes, économie dirigée). Leur pensée a été relayée en France par Raymond Aron. Ce concept est-il opératoire pour des historiens ? Une comparaison historique de ces régimes est-elle possible ? Il ne s’agit pas de mettre en évidence un modèle unique, mais de dégager les spécificités de chaque régime, par-delà un certain nombre de ressemblances. Cette comparaison historique s’est longtemps heurtée à un tabou, au-delà même de la chute du mur et de la disparition de l’URSS, comme le montrent les polémiques autour du livre de François Furet Le passé d’une illusion (1995) et du Livre noir du communisme (1997). Cependant plusieurs historiens se sont lancés dans une analyse comparée portant aussi bien sur la genèse de ces régimes que sur les points communs et les spécificités de leurs fonctionnements respectifs.

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Document B : Histoire 1ère, Magnard, 2011.

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Document C : Histoire 1ère, Belin, 2011.

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Document D : Enzo Traverso, « Le totalitarisme. Histoire et apories d'un concept », in L’Homme et la société, n° 129, 1998, pp. 97-111 (extraits). L'étrange destin du concept de totalitarisme est celui d'être à la fois incontournable et inutilisable. Incontournable pour la théorie politique (préoccupée par la définition d'une typologie des formes du pouvoir) et pratiquement inutilisable pour l'historiographie et les sciences sociales (confrontées à des expériences historiques concrètes), son usage se révèle extrêmement problématique dans une perspective épistémologique interdisciplinaire. […] Or, à l’origine du concept de totalitarisme, il y a précisément trois expériences historiques : celle du fascisme italien (1922-1945), celle du national-socialisme allemand (1933-1945) et celle du stalinisme russe (entre la fin des années vingt et le milieu des années cinquante). Ces trois régimes ont exprimé trois nouvelles formes de pouvoir, auparavant inconnues, dont les affinités sollicitent une approche de type comparatiste et dont les aboutissements criminels pose de nouvelles interrogations au sujet du rapport qui s’instaure, au XXe siècle, entre la violence et l’Etat. Le concept de totalitarisme essaie d’apporter une réponse à ces questionnements. Sur un point au moins tous ses théoriciens se trouvent d’accord : le totalitarisme est l’antithèse, la négation radicale de l’Etat de droit, tel qu’il s’était développé et étendu en Europe tout au long du siècle précédent. […] La nouveauté du totalitarisme réside dans le fait que cette remise en cause des structures de l’Etat libéral n’implique pas un retour aux dictatures traditionnelles et aux anciennes formes de pouvoir absolu. Les régimes totalitaires s’inscrivent dans la modernité, ils supposent la société industrielle. Ils ne rejettent pas la démocratie politique et les institutions représentatives afin de restaurer un Etat d’Ancien Régime mais pour instaurer un pouvoir fondé sur l’embrigadement des masses et sur un consensus plébiscitaire. […] Tous les théoriciens du totalitarisme se trouvent aussi d’accord pour voir dans la terreur, une terreur d’Etat dont les victimes se comptent par millions, un de ces éléments essentiels. La terreur totalitaire suppose la monopolisation étatique de la violence, exercée non pas au nom et pour la défense du droit, mais déployée selon des méthodes et des procédures parfaitement rationnelles, c’est-à-dire impliquant la rationalité économique, administrative et politique typique des Etats modernes. […] Auschwitz et la Kolyma occupent désormais une place centrale, dans notre conscience historique, comme les symboles de la barbarie du XXe siècle. Une approche comparatiste féconde sur le plan de la sociologie historique consisterait à saisir leurs affinités et leurs différences1. Force est de constater que, dans la grande majorité des cas, la notion de totalitarisme n'a pas servi ce type de comparatisme mais seulement des amalgames douteux entre nazisme et communisme, assimilés comme variantes d'une même essence criminelle, dans laquelle le « génocide de classe » correspond au génocide racial et où le goulag apparaît inscrit dans la révolution de 1917 exactement comme la Solution finale trouve ses racines dans la « Weltanschauung » hitlérienne. La « passion » anticommuniste étouffe ainsi tout effort de compréhension2. […] Maintenant que l’on peut commencer à repenser le concept de totalitarisme finalement débarrassé de tous les conditionnements idéologiques et politiques qui ont si lourdement pesé sur son parcours, il est fort probable qu’il se révélera bien insuffisant pour déchiffrer les énigmes d’un siècle si souvent placé sous son nom.

1. Pour une première tentative dans cette direction, voir le recueil dirigé par Ian Kershaw et Moshe Lewin : Stalinism and Nazism. Dictatorships in Comparison, Cambridge, Cambridge U.P, 1997.

2. Un exemple significatif d’une telle dérive est représenté par l’hypermédiatisé Livre noir du communisme. Crime, terreur et répression dirigé par Stéphane Courtois (Paris, Laffont, 1997), ou la comptablité des victimes remplace toute analyse contextuelle des révolutions du XXe siècle et de l’histoire des régimes qu’elles ont engendrés.

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Document E : George Orwell, 1984, fin du 1er chapitre, 1949.

Winston se réveilla et se redressa. Il éructa. Le gin lui remontait de l’estomac. Son attention se concentra de nouveau sur la page. Il s’aperçut que pendant qu’il s’était oublié à méditer, il avait écrit d’une façon automatique. Ce n’était plus la même écriture maladroite et serrée. Sa plume avait glissé voluptueusement sur le papier lisse et avait tracé plusieurs fois, en grandes majuscules nettes, les mots : À BAS BIG BROTHER À BAS BIG BROTHER À BAS BIG BROTHER À BAS BIG BROTHER À BAS BIG BROTHER La moitié d’une page en était couverte. Il ne put lutter contre un accès de panique. C’était absurde, car le fait d’écrire ces mots n’était pas plus dangereux que l’acte initial d’ouvrir un journal, mais il fut tenté un moment de déchirer les pages gâchées et d’abandonner entièrement son entreprise. Il n’en fit cependant rien, car il savait que c’était inutile. Qu’il écrivît ou n’écrivît pas À BAS BIG BROTHER n’avait pas d’importance. Qu’il continuât ou arrêtât le journal n’avait pas d’importance. De toute façon, la Police de la Pensée ne le raterait pas. Il avait perpétré – et aurait perpétré, même s’il n’avait jamais posé la plume sur le papier – le crime fondamental qui contenait tous les autres. Crime par la pensée, disait-on. Le crime par la pensée n’était pas de ceux que l’on peut éternellement dissimuler. On pouvait ruser avec succès pendant un certain temps, même pendant des années, mais tôt ou tard, c’était forcé, ils vous avaient. C’était toujours la nuit. Les arrestations avaient invariablement lieu la nuit. Il y avait le brusque sursaut du réveil, la main rude qui secoue l’épaule, les lumières qui éblouissent, le cercle de visages durs autour du lit. Dans la grande majorité des cas, il n’y avait pas de procès, pas de déclaration d’arrestation. Des gens disparaissaient, simplement, toujours pendant la nuit. Leurs noms étaient supprimés des registres, tout souvenir de leurs actes était effacé, leur existence était niée, puis oubliée. Ils étaient abolis, rendus au néant. Vaporisés, comme on disait. Winston, un instant, fut en proie à une sorte d’hystérie. Il se mit à écrire en un gribouillage rapide et désordonné : ils me fusilleront ça m’est égal ils me troueront la nuque cela m’est égal à bas Big Brother ils visent toujours la nuque cela m’est égal À bas Big Brother. Il se renversa sur sa chaise, légèrement honteux de lui-même et déposa son porte-plume. Puis il sursauta violemment. On frappait à la porte. Déjà ! Il resta assis, immobile comme une souris, dans l’espoir futile que le visiteur, quel qu’il fût, s’en irait après un seul appel. Mais non, le bruit se répéta. Le pire serait de faire attendre. Son cœur battait à se rompre, mais son visage, grâce à une longue habitude, était probablement sans expression. Il se leva et se dirigea lourdement vers la porte.