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Concilier famille et travail : comment les entreprises aident-elles leurs salariés ? avec Jérôme Ballarin, président de l’Observatoire de la parentalité en entreprise, Emmanuelle Lièvremont, directrice de la diversité et de la santé au travail chez L’Oréal France Mercredi 27 janvier 2010 à 19 h - Cap 15, 75015 Paris

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Concilier famille et travail :comment les entreprisesaident-elles leurs salariés ?avecJérôme Ballarin,président de l’Observatoire de la parentalité en entreprise,

Emmanuelle Lièvremont,directrice de la diversité et de la santé au travail chez L’Oréal France

Mercredi 27 janvier 2010 à 19 h - Cap 15, 75015 Paris

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De gauche à droite : O. de Lagarde, E. Lièvremont, J. Ballarin, et J. Pons

Concilier famille et travail :comment les entreprisesaident-elles leurs salariés ?

Mercredi 27 janvier 2010

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M.Olivier de Lagarde.- Merci de bien vouloir prendre place. Nous allons commencerdans quelques minutes. Bonsoir à tous. Je m’appelle Olivier de Lagarde, je suishabituellement journaliste à France Info, et suis très heureux d’animer cette nouvelleconversation organisée par la Cnaf, autour de la famille sur le thème… Je vous priede m’excuser. (M.Olivier de Lagarde sort son téléphone portable simulant un appel.)« Antoine, papa travaille. Appelle maman. Comment cela, elle est encore en réunion ?À cette heure-ci ! Téléphone à grand-mère, elle a peut-être terminé son conseild’administration. Ne me dérange plus ! »… Sur le thème, comment concilier vie defamille et vie professionnelle, et comment les entreprises aident-elles leurs salariés àconcilier famille et travail, aident ou n’aident pas ? Cela sera l’objet de cetteconservation.

Comment va se dérouler cette soirée ?Vous avez l’habitude, si vous avez déjà participéà ces conversations. Nous allons voir deux exposés avec deux invités que je vais vousprésenter. Jérôme Ballarin, président de l’Observatoire de la parentalité en entreprise,et Emmanuelle Lièvremont, directrice chez L’Oréal, chargée de la diversité et de lasanté au travail.

À l’issue de ces deux topos d’environ 15-20 minutes, la conversation pourra s’instaureravec mes questions et avec les vôtres. Vous aurez la parole pour poser des questionsintelligentes.

On appellera également - il y a quatre fauteuils sur cette scène - José Pons, qui seranotre témoin privilégié, il est adjoint du directeur de l’action sociale de la Caf des Hauts-de-Seine, il travaille au quotidien avec les entreprises et aura des choses à dire dans cedébat. Débat que l’on essaiera de ne pas trop prolonger au-delà de 20 heures 50, il fauts’occuper des enfants, et il y a aussi un cocktail à l’issue de cette conversation.

Je vais appeler M. Jean-Louis Deroussen, le président de la Cnaf. En tant que président,il vous appartient d’ouvrir cette conversation.

M. Jean-Louis Deroussen.- Merci et bonsoir à vous tous, mesdames et messieurs.C’est avec plaisir qu’au nom du conseil d’administration de la Caisse nationale desAllocations familiales, je vous accueille pour cette quatrième « Conversation autourde la famille » que la Caisse nationale organise.

Je dirai merci à tous ceux qui nous ont rejoints. Il y a les fidèles, ceux que l’onreconnaît et qui ont déjà participé aux premières conversations, puis ceux qui, au vudu thème, ont souhaité nous rejoindre ce soir. Nous avons initié ces conversations en2007, et cela, à l’occasion du quarantième anniversaire de la Caisse nationale. Ellessont principalement à envisager comme des lieux d’échange. C’est là où l’on pourraitse dire que l’on a envie de progresser dans l’appréhension des différents thèmes quel’on aborde.

L’objet est de se questionner, de réfléchir ensemble, de s’écouter, de partager despoints de vue.

Ces conservations sont des lieux où l’on va s’enrichir de la pensée et de l’expériencede l’autre. Certains d’entre vous le savent, depuis le début de ce cycle deconversations, nous portons notre regard sur les grands défis des prochaines années,de grands défis dans un contexte où la famille, et donc la politique familiale,connaissent de grandes mutations.

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C’est dans cette perspective que nous avons souhaité être accompagnés de vous tous,et d’intervenants d’horizons divers, qui nous apporteront leurs éclairages et points devue.

Trois conversations ont déjà eu lieu sur des thèmes différents : les relations entre lesgénérations, les défis de la protection sociale et encore plus récemment, la médiationfamiliale.

Ce soir, l’accent est mis sur le thème de la conciliation entre vie familiale et vieprofessionnelle, avec ce focus particulier sur l’aide que peuvent apporter lesentreprises à cet équilibre, et on sait qu’il est parfois difficile à trouver.Vous l’avez dit,rien qu’avec le téléphone.

Avec nous, ce soir, Jérôme Ballarin, président de l’Observatoire de la parentalité enentreprise, et Emmanuelle Lièvremont, directrice de la diversité de la santé au travailchez L’Oréal France.

Jérôme Ballarin, ce sera l’occasion pour vous de nous présenter les travaux et lesanalyses de l’Observatoire, et de mettre en exergue les traits saillants de laproblématique relative à la conciliation entre famille et travail.

Pour Emmanuelle Lièvremont, l’exercice consistera à nous présenter la situation laplus précise possible de l’entreprise L’Oréal France, des efforts que cette entreprise asouhaité déployer en vue de concilier vie familiale et vie professionnelle, et lebénéfice que l’entreprise et ses salariés aujourd’hui peuvent en tirer.

Il y a aussi l’expertise de la Caf des Hauts-de-Seine avec José Pons. Il est chargé danscette Caf, des relations avec les entreprises. Ce sera probablement notre témoinprivilégié. La branche Famille de la Sécurité sociale, c’est, je le rappelleraisuccinctement, l’acteur majeur participant de la conciliation vie familiale et vieprofessionnelle. Il y a, à travers ce travail de la branche Famille, tout un panel deservices à la disposition des familles.

Puis, le focus bien sûr, l’attente, c’est particulièrement le développement de l’accueildu jeune enfant. C’est, depuis longtemps, un axe prioritaire de notre réseau, et notredernière convention d’objectifs et de gestion avec l’État l’a, bien sûr, réaffirmé.

Plus que jamais, nous sommes conscients que les familles sont en attente de solutionsconcrètes et innovantes pour les aider à améliorer cette conciliation de leurs différentstemps de vie. Solutions qui passent bien sûr et premièrement par l’accueil, collectifou individuel en matière de petite enfance, ou aussi par un partenariat efficace avecle monde des entreprises, et cela, quelle qu’en soit la nature, les petites entreprises,les moyennes et les plus grandes.

L’essentiel réside, quoi qu’il en soit, dans l’information la plus exhaustive possibleque nous nous devons de prodiguer aux parents sur toutes les solutions d’accueil quipeuvent leur être proposées.

J’en terminerai là, je laisse le soin à nos intervenants, vous êtes venus les écouter,d’évoquer ces thématiques sous la houlette d’Olivier de Lagarde, que je remercie poursa fidélité, voilà un des premiers fidèles à nos conversations, qui les anime avecbeaucoup de passion.

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Puis, comme il l’a dit, la parole sera aussi à la salle.Vous pourrez poser vos questionsaux intervenants à l’issue de leur exposé. Je vous souhaite une belle soirée et uneagréable conversation autour de la famille.

M. Olivier de Lagarde.- Merci, Jean-Louis Deroussen, président de la Cnaf.

(Applaudissements.)

M. Olivier de Lagarde.- Jérôme Ballarin, on va tout de suite vous demander de vousrendre au pupitre. Un mot pour rappeler que cet Observatoire de la parentalité enentreprise, vous le présidez, vous l’avez créé il y a deux ans.Vous avez lancé la Chartede la parentalité, vous allez nous en parler un peu plus. Vous êtes aussi membre duHaut conseil de la famille. Un petit mot sur votre parcours professionnel. Ancien Drhchez Danone, vous avez aujourd’hui créé votre société de conseil en stratégie Rh.Alors, vous allez nous raconter votre itinéraire et ce qui vous a motivé à créer cetobservatoire. Quelles sont les conséquences que vous en tirez aujourd’hui pour lesentreprises françaises ?

M. Jérôme Ballarin.- Merci. Bonsoir à toutes et à tous. Monsieur le président,Monsieur le directeur général de la Cnaf, merci de votre invitation. À une époque quise veut civilisée, est-il normal que 4 femmes sur 10 se déclarent angoissées à l’idéed’annoncer leur grossesse à leur employeur ?

Jérôme Ballarin

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Est-il acceptable que 3 salariés par an sur 4 estiment que leur employeur ne fait pasgrand-chose pour les aider à concilier vie professionnelle et vie familiale ?

En 2010, n’est-il pas inadmissible que 2 adolescents sur 3 jugent le travail de leursparents stressant, fatigant, voire très dur ? Non, tout cela est inacceptable. Mais cequi me révolte le plus, ce sont des histoires comme celle que l’on m’a relatée cematin. Après la naissance de son deuxième enfant, une salariée a reçu la réponsesuivante à sa demande de 4/5e : « Comme je ne peux pas te la refuser légalement cettedemande, je te l’accorde, mais tu prendras tous les jours ce 4/5e sous la forme d’unepause entre midi et 15 heures, où tu pourras rentrer chez toi. » En substance, on luipropose de faire deux heures de transport en plein milieu de la journée pour passerune heure chez elle.

Quand on entend ce type d’histoire, les bras vous en tombent. Si j’étais défaitiste, cequi n’est pas le cas, je vous dirais que cela nourrira peut-être un jour un ouvrage quipourrait s’intituler : Grandeur et déclin d’une civilisation.

En tant qu’ancien Drh, aujourd’hui à la tête d’une société de conseil qui travaille surle développement des ressources humaines, j’assiste, depuis des années, à l’érosionde la motivation des salariés, au détriment, d’ailleurs, de la performance desentreprises. Or, j’ai pu constater qu’il était tout à fait possible d’aider les salariésparents sans pénaliser la performance de son entreprise. J’ai, par exemple, embauchédeux salariées, deux femmes, qui m’avaient avoué, lors de l’entretien de recrutement,qu’elles étaient enceintes, et je ne l’ai pas regretté, bien au contraire.

Toutes ces raisons m’ont poussé, en avril 2008, et parce que je crois en l’actionpositive et en l’initiative citoyenne, que je ne suis pas défaitiste donc, à lancer laCharte de la parentalité, aux côtés de l’association Sos Préma et du groupe L’Oréal,que je remercie par la même occasion à travers Emmanuelle Lièvremont.

En signant cette charte, les employeurs s’engagent à aider leurs collaborateurs à mieuxconcilier vie professionnelle et vie familiale. Pour porter cette charte, j’ai créél’Observatoire de la parentalité en entreprise avec le soutien de Xavier Bertrand, quiétait à l’époque ministre duTravail, et de Nadine Morano, la secrétaire d’État en chargede la Famille. Des syndicats comme la Cftc, je salue au passage Pascale Coton, maisaussi le Medef, l’Unaf, la Cgt, etc., m’ont encouragé à poursuivre cette action.

Pour m’associer aux réflexions sur l’évolution des politiques familiales comme laréforme du congé parental, le Premier ministre m’a également nommé membre duHaut conseil de la Famille, en juin 2009.

À ce jour, la Charte de la parentalité a été signée par 153 employeurs, soit 1,5 millionde salariés concernés en France. En deux ans, c’est considérable et ce n’est qu’undébut. La moitié sont des grandes entreprises, comme La Poste qui compte 310 000collaborateurs dans l’Hexagone, mais l’autre moitié sont des entreprises de moins de1 000 salariés. J’ai tenu à montrer que la Charte de la parentalité concerne desentreprises de toute taille, de tout secteur d’activité, et de toutes les régions françaises.Nous avons des Pme de Marseille, de Bretagne, d’Alsace. Le plus petit signataire estun petit commerce de Saint-Germain-en-Laye, qui emploie une seule salariée à 4/5e,donc des Tpe également.

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Pour aider les signataires à concrétiser leurs engagements, j’en viens à des choses plusconcrètes qui vont vous donner à voir ce que l’on peut faire concrètement pour aiderles salariés parents. Au sein de l’Observatoire de la parentalité en entreprise, nousavons identifié quatre grandes catégories d’action.

• Premièrement, les services facilitant le quotidien des salariés parents comme lescrèches d’entreprise. Emmanuelle Lièvremont, de L’Oréal, va nous parler de lapolitique assez dynamique de son entreprise en faveur des crèches. Mais, également,des conciergeries d’entreprise, qui offrent des services permettant plus facilement deconcilier le temps professionnel et le temps personnel et familial. Notons aussi desexpériences innovantes comme celles menées depuis plus d’un an par le cabinet deconseil Ernst & Young, qui a fait appel à un médecin pédiatre pour accompagner lessalariés parents, notamment sur des questions psychologiques touchant à la santé desenfants, à l’organisation des temps de vie. À ce jour, une soixantaine de salariésparents, des pères et des mères, ont été ainsi « coachés ».

• Deuxième catégorie d’action, le soutien financier aux salariés parents. C’est unedes catégories les plus plébiscitées par les salariés parents aujourd’hui, comme entémoigne le volet « Salariés » de notre baromètre 2009 de la conciliation entre vieprofessionnelle et vie familiale.

C’est normal que ce soit une catégorie fortement appréciée des salariés, en cettepériode où l’on parle beaucoup de pouvoir d’achat. Ce soutien financier peut prendredes formes très diverses comme des mutuelles avantageuses pour les familles, lemaintien du salaire durant le congé paternité, comme le font L’Oréal et Bnp Paribas,ou la rémunération des absences liées aux examens prénataux, aux préparationsd’accouchement, comme le fait Schneider Electric.

Parler de ces questions, c’est effectivement le rôle de l’Observatoire de la parentalitéen entreprise mais entreprise au sens large, puisque cela peut concerner desemployeurs du secteur privé comme du secteur public, qui doit aussi montrerl’exemple. On cherchera, d’ailleurs, parmi les signataires de la Charte de laparentalité à partir de 2010 à avoir davantage d’acteurs du secteur public. Je sais quele Cnrs est représenté par Isabelle Kauffmann. Le Cnrs distribue à ses30 000 fonctionnaires des Cesu qui représentent plusieurs milliers d’euros de soutienfinancier, et peuvent servir à financer du soutien scolaire ou du baby-sitting.

• Troisième catégorie d’action, sans doute la plus structurante, l’organisation dutravail, avec l’aménagement des horaires le jour de la rentrée scolaire, l’accès autemps partiel, au congé parental, des choses toutes simples qui ne sont pas coûteusescomme éviter les réunions tôt le matin ou tard le soir.

Quelques exemples plus concrets d’organisation du travail avec un premier exemplequi a le mérite de montrer que ce mouvement concerne les entreprises de toute taille,de tout secteur, mais aussi tout type de salariés. Un exemple chez Carrefour, quiconcerne les 20 000 caissières d’hypermarché en France. Un système appelé les« horaires en îlot », qui permet à chaque caissière d’indiquer six semaines à l’avancedes demi-journées où elle souhaite accompagner son fils chez le médecin ou sa filleà une compétition sportive.

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Autre exemple, une campagne contre les horaires excessifs menés par General Electric(10 000 salariés en France), sur son site de Buc dans les Yvelines. 160 personnes enmoyenne partaient chaque jour après 21 heures, début 2007. Elles ne sont plus que16, début 2009, il y a un an, une division par 10 via notamment l’interdiction desréunions après 18 heures 30, et l’encadrement des conférences téléphoniques avec lesÉtats-Unis et l’Asie.

Néanmoins, la souplesse de l’organisation offerte aux salariés parents n’est pasl’apanage des grands groupes. Ainsi, un dirigeant d’un cabinet de recrutement, Test Rh,qui emploie 15 personnes dont 8 femmes, m’avouait récemment que quand lapremière collaboratrice a demandé à passer à 4/5e fin 2004, il a failli tomber de sachaise. « Dans notre métier, comment est-ce possible ? Comment envisages-tu detravailler à 4/5e ? » Beaucoup de patrons ont ce type de réaction au début. Ensuite, ilsdécouvrent que cela fonctionne très bien, et donc cette entreprise aujourd’hui a lamoitié de son effectif quasiment qui travaille à 4/5e, avec des personnes dont lesperformances sont parfois supérieures à celles des personnes à temps plein. C’est unexemple qui fait réfléchir dans une PME.

Enfin, pour prendre un dernier exemple d’action innovante qu’il faut promouvoirdavantage en France : le télétravail. Bel exemple qui nous est fourni par une entreprise,Alcatel Lucent, de 7 000 salariés en France dont 2 000 travaillent un ou deux jourspar semaine depuis leur domicile. Ce qui est à noter et intéressant, c’est qu’ils ontsigné, en 2007, un accord à l’unanimité avec les partenaires sociaux. C’est unexemple qui témoigne d’un dialogue social très riche sur ces questions.

Sur le télétravail, ce que nous préconisons, c’est une organisation encadrée par desaccords négociés avec les partenaires sociaux, parce que c’est souvent pour cela quel’on jette le bébé avec l’eau du bain, le télétravail subi avec un ordinateur et untéléphone portable non encadré peut aussi conduire à des excès et à des porositésentre sphère professionnelle et sphère familiale, qui ne sont dans l’intérêt de personne.

C’est une organisation très développée à l’international et sur laquelle la France a unpeu de retard. Il serait bien de s’y pencher. Cela peut éviter à des salariés, dans desgrandes agglomérations, deux heures de transport par jour, et permettre de modulerson temps de travail sur la journée et de s’interrompre en fin d’après-midi pour allerchercher ses enfants à l’école, les faire goûter, leur faire faire leurs devoirs, et pourquoipas, si la charge de travail l’impose, se remettre à travailler ensuite.

• Quatrième et dernière catégorie d’action, puis j’en aurai terminé, mais cela donneun panel d’actions possibles extrêmement concrètes. On n’est pas dans le bla-bla etdans des engagements de pures déclarations d’intention. On cherche, au sein del’Observatoire, à créer un mouvement d’émulation entre les employeurs sur deschoses très concrètes. La quatrième catégorie d’action concrète, c’est vraiment la priseen compte de ces enjeux par les Drh et par les managers d’équipe, les managers deproximité.

Pour moi, c’est la nouvelle frontière de la parentalité. Quand on regarde ce que font lesemployeurs aujourd’hui sur ce sujet, c’est très embryonnaire. C’est donc un sujetfondamental. Si les responsables hiérarchiques ne mettent pas en œuvre, au quotidien,

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avec leurs équipes, les belles décisions prises par les directions d’entreprise, ces dispositifsresteront lettre morte. Il faut sensibiliser et former ces managers d’équipe. Au titre desentreprises pionnières, on aAreva, qui amis en place un guide à destination de l’ensemblede ses managers sur comment conduire un entretien pré- et post-congé maternité.

Pour conclure. Je suis dans le timing ?

M. Olivier de Lagarde.- Vous êtes parfaitement dans le timing !

M. Jérôme Ballarin.- Pour conclure, j’appelle de mes vœux une véritable révolutionsocioculturelle en France, car il nous faut passer d’une culture du temps de présenceà une culture de l’efficacité. Quand partir après 21 heures constitue en France unsigne de motivation, il faut savoir que dans les pays nordiques et anglo-saxons, c’estau contraire une preuve d’inefficacité. Des expatriés de retour en France, partistravailler en Australie, aux États-Unis, ou en Norvège, nous disent ; « Nous les Français,quand on est là encore à 19 heures, on se fait moquer par nos collègues locaux ! »

Pour accompagner cette révolution socioculturelle, l’Observatoire de la parentalitéorganisera, en 2010, des groupes de travail entre employeurs, et puis nous avons lancéavec Nadine Morano, au printemps dernier, le principe d’une « Journée de la familleen entreprise », dont la première édition aura lieu en juin prochain. Tous lesemployeurs de France seront invités à accueillir les enfants de leurs salariés en leursmurs. Pourquoi ? Lorsqu’un manager d’équipe côtoie le petit garçon d’un de sescollaborateurs, qui a tout le temps des otites, est tout le temps malade, un petit gaminde 5 ans, avec des absences un peu répétées du jeune père qui s’arrache les cheveux,qui est parfois contrit et honteux de ne pas pouvoir venir plus tôt… Lorsque lemanager de l’équipe rencontre dans les couloirs le petit gamin en question, qu’il levoit en chair et en os, quelque temps plus tard, lorsqu’il faudra être indulgent avec lesalarié en question ou organiser une réunion à 21 heures, peut-être que ce managerse posera deux fois la question.

Cela se passe de longs discours, et c’est bien de travailler aussi sur le cerveau droit,la partie émotionnelle des choses. C’est l’une des raisons qui nous ont motivés à lancercette Journée de la famille en entreprise. On parle beaucoup de former les managersd’équipe. Là, ce sera une formation in vivo pour tous et pour les collaborateurs aussi,parce qu’il ne faut pas jeter la pierre uniquement sur les managers. Les collaborateursentre eux peuvent être très cruels. Quand on lance un petit quolibet régulièrement àla jeune mère qui part à 18 heures chercher son enfant à la crèche en lui demandantsi elle prend sa demi-journée, au début c’est drôle, puis cela l’est un peu moins.

J’ai essayé de détendre un peu l’atmosphère après un démarrage plus dramatisant.Cependant, nous sommes face à un sujet très sérieux. Il est l’heure d’agir pour le bien-être de tous et pour le développement durable de notre civilisation. Derrière cettequestion de la conciliation, on trouve les enjeux sociétaux les plus importants dumoment : le bien-être au travail et l’équilibre psychologique de nos concitoyens,l’éducation des enfants, ou l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.Parce qu’il est l’heure, et que les Français nous le demandent, je vous appelle touteset tous à soutenir notre engagement en faveur d’une meilleure conciliation entre vieprofessionnelle et vie familiale. Merci de votre attention.

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M.Olivier de Lagarde.- Merci à vous.Venez vous asseoir ici. Bravo ! Un quart d’heure,timing parfait. Je vais me faire l’avocat du diable. Je vous écoutais parler de cesentreprises, entreprises auxquelles on demande beaucoup en ce moment. Elles doiventêtre performantes, gagner de l’argent, être citoyennes, elles doivent respecter l’intégrationdes minorités, être éco-responsables, recycler le papier, et vous, vous leur demandez enplus de faire attention à la parentalité. N’en demande-t-on pas trop aux entreprises ?

M. Jérôme Ballarin.- Non, je ne pense pas, car cela va directement dans leur intérêtde le faire.

M. Olivier de Lagarde.- Expliquez-moi cela.

M. Jérôme Ballarin.- Des exemples récents et malheureux montrent que, quand uneentreprise va mal à travers ses femmes et ses hommes, c’est l’ensemble de ses activitésqui peut en pâtir. Du simple fait pour des entreprises qui sont sur des secteurs grandpublic, de la détérioration de leur image, qui parfois pousse les clients potentiels ouactuels à quitter l’entreprise. Mais plus globalement, je vois un vrai…

M. Olivier de Lagarde.- Vous pensez à Orange par exemple ?

M. Jérôme Ballarin.- Je ne citerai pas de nom. Aucune entreprise n’est parfaite sur cessujets-là, pas plus la mienne que n’importe laquelle des entreprises françaises ouinternationales. On pourra toujours trouver ici ou là des situations difficiles vécues pardes salariés. C’est davantage une ambiance sociétale.

Plus fondamentalement, je vois un vrai cercle vicieux entre l’investissement dansl’humain et la performance économique des entreprises. Avant de faire ladémonstration par le positif, faisons-la peut-être par le négatif. Quand une entreprisea peu de performances économiques, elle a peu de moyens d’investir dans l’humain.Elle peut être poussée, parfois elle ne fait pas ce choix et a bien raison, à moins formerses salariés, moins les payer, moins investir dans des sujets comme la conciliation vieprofessionnelle et vie familiale, dans le télétravail ou dans la formation des personnes.Tout cela entraîne plus de stress, de fatigue, d’énervement, puis, en retour, moins decréativité, moins d’innovation dans les produits, des relations agressives avec lesclients. Et tout cela aboutit à une mauvaise performance économique et on estvraiment dans un cercle vicieux.

Quand des dirigeants en arrivent à ces situations et ont le courage d’inverser la boucleet d’investir dans l’humain, et notre sujet de ce soir est vraiment lié à cela et on pourray revenir, on parle des salariés parents, mais cela concerne l’ensemble des salariés,nombre d’actions que j’ai évoquées ne visent pas uniquement les salariés parents, d’oùl’intérêt de cette démarche, quand des dirigeants investissent dans l’humain, ils ont, enretour, des salariés en meilleure forme, plus agréables dans leurs relations, on parlebeaucoup d’efficacité transversale dans les entreprises, de coopération transversaleentre les services, entre les personnes, ils ont une meilleure qualité de relation clientquelque chose que l’on entend beaucoup, la qualité du service et de la relation client.Tout cela engendre une meilleure performance économique. Ma conviction est que laperformance et le bien-être des salariés parents sont complètement liés. Pour sortir decette ambiance de crise endémique dans laquelle nous vivons depuis quelquesdécennies, il faut au contraire se tourner vers ce type d’actions.

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M.Olivier de Lagarde.- J’entends votre discours qui est très positif, presque trop beaupour être vrai. Investir dans l’humain pour une entreprise, cela a un coût. Depuis18 mois que nous traversons cette crise économique qui est très dure, rencontrez-vous des chefs d’entreprise qui sont plus réticents ou non ?

M. Jérôme Ballarin.- Oui, notamment quand nous proposons à des employeurs designer la Charte de la parentalité, je serais malhonnête en vous disant que nous avonsrarement entendu des employeurs nous dire : « On va annoncer un plan social, ou onest dans une situation économique difficile, c’est dur d’afficher cet engagement vis-à-vis de nos salariés, d’ailleurs ils ne comprendraient pas qu’on annonce un plan socialet que l’on signe en même temps la Charte de la parentalité le lendemain. » On peutle comprendre.

Maintenant, nous avons tout de même plutôt bien traversé cette crise, des entreprisesfrançaises heureusement se portent bien et soutiennent notre action. 153 employeursaujourd’hui la soutiennent. Nous n’avons pas senti le mouvement faiblir même quandnous les interrogeons, dans le cadre de notre baromètre 2009, sur le budget consacréà ce sujet, ils nous annoncent plutôt un maintien, voire une augmentation de cebudget entre 2008 et 2009 au cœur de la crise, pour une majorité d’entre eux.

M.Olivier de Lagarde.- Je voulais dire un mot sur ce baromètre, puisque vous interrogezdes employeurs, des salariés, et puis les enfants des salariés, qu’en ressort-il ?

M. Jérôme Ballarin.- Comme je l’ai dit en introduction, ce baromètre comporte troisvolets. Un volet « Salariés », on interroge un panel de 1 000 salariés par an en débutd’année ; un volet « Employeurs », on interroge les employeurs sur leurs pratiquesconcrètes ; enfin, un volet qui peut changer année après année, en fin d’annéedernière nous avons décidé d’interroger 500 adolescents âgés de 14 à 17 ans.

Ce dernier volet est assez novateur en France, aucune enquête n’avait porté sur lesenfants et leur regard sur le travail de leurs parents. Un indicateur nous a fait réagir :2 adolescents sur 3 estiment ou jugent le travail de leurs parents stressant, fatigant,voire très dur. C’est vrai que 14/17 ans, ce sont des jeunes qui dans deux ou trois ansfrapperont à la porte du monde du travail pour être stagiaires, ou parce qu’ils aurontsuivi un cycle d’études assez cours. On peut imaginer qu’avec cette vision anxiogènedu monde professionnel, ils ne rentrent pas dans le monde du travail avecl’enthousiasme requis.

Sur le baromètre, un indicateur nous a fait réagir sur le volet « Salariés », 3 salariésparents sur 4 estiment que leur employeur ne fait pas grand-chose pour les aider àconcilier vie professionnelle et vie familiale. Cela nous a permis également de sonderces salariés sur une vingtaine d’actions concrètes du type de celles que j’ai présentéestout à l’heure, et de voir que les mutuelles avantageuses pour les familles arrivent ennuméro 2 dans les actions demandées, les crèches d’entreprise en numéro 4, et puis,par exemple concernant les mutuelles, de voir que la moitié des répondants nousdisent que cela n’existe pas pour eux. Quand on côtoie les grandes entreprises, lamutuelle avantageuse pour les familles, qui permet de faire passer des frais dentairesou d’optique pour ses enfants et de leur faire bénéficier de cette couverture socialecomplémentaire, on a l’impression que c’est assez répandu, or la moitié des salariésnous ont dit que cela n’existait pas pour eux.

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Pour terminer sur le volet « Employeurs », là aussi comme je l’ai dit, peu d’employeursont examiné cette question de la formation des managers de proximité. Seuls 10 %des entreprises signataires, fin 2008, avaient mis en place des actions. Il y a un vraichamp de travail.

M.Olivier de Lagarde.- Un employeur, nous en avons un ici. Emmanuelle Lièvremont,on va vous demander de rejoindre le pupitre. Directrice chez L’Oréal, chargée de ladiversité et de la santé au travail. L’Oréal, cela fait 18 ans que vous y êtes, votrepérimètre, c’est L’Oréal France. L’Oréal est une entreprise plutôt pionnière en matièred’aide à la parentalité.

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Bonsoir. Je vais essayer de vous montrer commentune politique en faveur de la famille en général, mais globalement au service de laconciliation vie privée vie professionnelle, peut se construire.

Je voudrais d’abord vous raconter une anecdote. Tout à l’heure, Jérôme parlait del’institution que sera, j’espère, bientôt la fameuse journée de la famille dans lesentreprises. Nous avons commencé il y a quelques années, et j’étais à l’époqueopérationnelle, on me disait : « Tu sais, il y a vraiment quelque chose qui nous feraitplaisir, comment répondre à une question que chaque enfant pose tous les jours àson papa et à sa maman : “Tu vas où quand tu pars le matin ?” »

Emmanuelle Lièvremont

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Nous avons expérimenté un jour, dans une de nos entités, de faire venir unecinquantaine de petits bambins. Le minimum est qu’il fallait être propre, parfois nousavions des petites de 2 ou 3 ans jusqu’à 10 ans, et c’était extraordinaire de voirfinalement la satisfaction dans le regard des enfants, parce qu’,enfin, on leur apportaitune réponse, de découvrir les bureaux…On voyait passer des enfants un peu partout,et quand les dirigeants nous demandaient pourquoi nous faisions cela, nous leurdisions : « C’est une réponse unique que nous pouvons apporter. » Nous avonstellement de gentillesse en retour, de sentiment d’appartenance, de fidélité parce que,encore une fois, on peut satisfaire de façon très simple une vraie demande des enfants,de la famille et des salariés parents. Cela ne demande pas beaucoup de moyens et celapeut être fait dans de toutes petites structures comme dans de très grandes structures.

Pour vous parler de L’Oréal, j’ai pensé que quelques chiffres allaient un peu aider àdresser le portrait de cette entreprise. 12 000 salariés en France, 60 % de femmes. Laquestion nous concerne particulièrement. 54 % des cadres sont des femmes. Celatouche toutes les catégories. 8,5 % des effectifs sont à temps partiel. Ce n’est pasanecdotique. Plus de 90 % de ces personnes à temps partiel sont des femmes. Ce sontles stéréotypes de la société que l’on véhicule. Majoritairement à plus de 60 %, cespersonnes sont à temps partiel pour des motifs familiaux. On va trouver le congéparental, et un dispositif dénommé « le mercredi père mère de famille » que nousdéveloppons depuis de nombreuses années. Je l’évoquais tout à l’heure, plus de 7 %de notre effectif féminin par an est en maternité. Cela montre le dynamisme de lanatalité en France, et des femmes et des hommes chez L’Oréal. Jusqu’à présent celafonctionne comme cela !

(Rires.)

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Deux autres informations, en 2006, inauguration dela première crèche et en septembre 2009, dans un moment particulièrement difficileéconomiquement, nous avons inauguré notre cinquième crèche en Ile-de-France.

Voilà le portrait de l’entreprise L’Oréal.

Avant de vous détailler comment construire une politique de parentalité, commentnous l’avons fait, je voulais simplement vous dire qu’on ne le fait pas tout seul, ce n’estpas la volonté de la direction. C’est la volonté de tous les acteurs : direction et lesorganisations syndicales. Nous avons signé deux accords avec toutes les organisationssyndicales sur l’égalité professionnelle, avec un très fort volet sur la parentalité. Nousavons signé un accord avec elles sur la conciliation vie privée et vie professionnelle.Ce sont des soutiens dans une démarche de cette nature.

Je voudrais souligner le travail de nos assistantes sociales et de nos médecins du travail.Ils sont un lien indispensable pour mener une politique sociale dans les entreprises.Les prestataires de la petite enfance, parce que ce sont vraiment pour nous despartenaires pour mener cette politique, nous en parlerons à l’occasion des crèches. Etpuis les associations, j’allais dire tous les supports et tous ceux qui vont faciliter lacoordination sur cette thématique. Enfin, les autorités aussi de l’État, je pense à lacaisse d’allocations familiales, qui peut être un soutien aux entreprises.

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Parlons peu, parlons de la question qui nous incombe aujourd’hui. Pour vous enparler, j’ai pris un peu de recul et je me suis dit, qu’est-ce qui caractérise la politiquede parentalité chez L’Oréal ?

• La première caractéristique, c’est qu’elle s’est construite dans le temps, on n’a pasimprovisé, ou à l’époque quelqu’un l’a fait, mais en tout cas aujourd’hui ce qui faitsa richesse probablement, c’est qu’elle s’est bâtie au fur et à mesure des années. Je vaisvous donner une illustration qui nous est unique, puisque nous n’avons qu’un M.Eugène Schueller, qui a été le fondateur de L’Oréal. En 1970 précisément, FrançoisDalle, qui était le président de L’Oréal - vous voyez, on remonte à 30 ans, on parlaitdéjà de la famille -, a instauré le congé Schueller. Ce sont quatre semaines de congématernité supplémentaires offertes à chaque maman, quelle que soit son anciennetédans l’entreprise pour allonger son congé maternité. C’est rémunéré à 100 %, ellebénéficie d’un temps de présence additionnel. À l’époque, c’était probablement faitpour atténuer la difficulté de certaines mamans à reprendre une activitéprofessionnelle, et pour récupérer physiquement d’une grossesse, il ne faut pas nonplus le négliger.

Depuis ces années 70, ce congé Schueller est fractionnable. Nous nous sommesadaptés aux demandes des mamans. Certaines veulent passer plus de temps avec leurenfant, mais d’autres veulent reprendre une activité professionnelle et se dire queponctuellement elles souhaiteraient avoir une présence un peu plus massive et activeauprès de leur enfant. Elles peuvent le faire jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant.C’est un peu ainsi que nous avons construit cette démarche.

• La deuxième caractéristique est accessible à toutes les catégories de collaborateurset vise plutôt à les accompagner au niveau social. Les places de crèche sont attribuéespar une commission indépendante de la direction et de la direction des ressourceshumaines. Nous ne voudrions surtout pas apparaître comme un acteur de cetteattribution. Elle est basée sur des critères que je vais qualifier de sociaux, l’aspectfinancier et la constitution du foyer, la personne est-elle en situation monoparentale,et comment se répartit l’activité familiale au sein du foyer.

Aujourd’hui, j’ai autant de collaborateurs employés, agents de maîtrise que de cadres,bénéficiaires des places de crèche. Nous n’avons pas pris le parti pris de proposer cesservices pour une catégorie de personnel, nous aurions pu imaginer les femmesdirigeantes qui ont des horaires à n’en plus finir. Non, c’est vraiment accessible à tous.

Deuxième indicateur, 24 % des temps partiels sont des femmes cadres. Cela montreque cela touche l’ensemble des catégories de collaborateurs.

•Troisième caractéristique, c’est une politique globale. Cela concerne la mère et aussile père. Il ne faut pas l’oublier, il est constitutif de la famille. Nous avons décidé derémunérer le congé paternité et on voit bien un écart. Nous ne l’avons pas fait tout desuite, mais dans le cadre de notre accord avec les organisations syndicales.Auparavant, nos salariés parents pères prenaient rarement l’intégralité du congépaternité. En ayant décidé de les rémunérer à 100 % pendant cette absence, on voittout de suite non pas un engouement, mais il y a moins de freins à la prise de cecongé.

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21 % des salariés bénéficiaires d’une place de crèche sont des papas. Nous ensommes fiers.

Une politique globale pour le père et la mère, qui va de la maternité à l’organisationdu travail, en passant par les crèches, et par le télétravail. Une politique de parentalité,ce n’est pas une action, il faut bien la débuter à un moment donné, mais pour créerce climat qui permet à nos salariés de mieux concilier, il faut s’occuper de la maternitéjusqu’à la scolarisation des enfants de nos collaborateurs.

« Mercredi père ou mère de famille », de quoi s’agit-il ? Cela date d’il y a presque20 ans, quand je suis entrée dans le groupe cela existait déjà. Le congé parental àtemps partiel étant légalement limité au troisième anniversaire de l’enfant, nous avonscréé un dispositif qui propose le même principe de temps partiel mais jusqu’audouzième anniversaire de l’enfant, pour aller au-delà de cette limite d’âge des 3 ans,liée à la scolarisation notamment.

Aujourd’hui, 60 % des motifs de temps partiel, c’est du « mercredi père ou mère defamille ». Je peux en témoigner, dans mon parcours Rh, je n’ai jamais vu une salariéequi s’est vu refuser un 4/5e dans le cadre d’un « mercredi père ou mère de famille ».Vous me direz qu’il n’y a pas la force d’un congé légal, mais comme ce n’est pas faitavec une visée consistant à dire : c’est obligatoire, je dis oui, quand cela ne l’est pas,je dis non, aujourd’hui, c’est vraiment une démarche naturelle pour toutes lescatégories de collaborateurs.

M. Olivier de Lagarde.- Ce n’est pas vous qui proposez la pause entre midi et15 heures tous les jours ?

(Rires.)

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Non, cela s’appelle « mercredi père ou mère defamille ». D’abord, on l’avait appelé « mère de famille » pour la petite histoire. Ensuite,on a pensé que la parentalité concerne les pères et mères, donc on a équilibré leschoses. Puis, parfois, c’est le mercredi, et parfois un autre jour, parce que certainsvont plutôt préférer un vendredi, ce n’est pas pour partir en week-end. On veutretrouver une organisation un peu différente, mais ce n’est pas forcément le mercredi.Au départ, c’était parce que, le mercredi, il n’y avait pas école.

Récemment, en 2000, nous avons créé un autre dispositif, à savoir comment faciliterla prise de 4/5e, parce que majoritairement ce sont des 4/5e qui sont retenus par noscollaboratrices et collaborateurs. Au moment des 35 heures, la bonne opportunité quinous était proposée était de créer un compte épargne-temps. Nous avons mis en placeun compte épargne-temps où les jours sont abondés à 25 % par l’employeur, ce quipermet aux futurs parents, père ou mère, de se constituer un capital pouvant s’égrainerdans le temps au fur et à mesure, pour se constituer un 4/5e rémunéré à 100 %. Celafait aussi partie des dispositifs que l’on peut proposer pour favoriser l’organisation dutravail.

Deux éléments complémentaires, on l’a dit, les horaires de travail, d’une part. Si nousavons la chance de pouvoir offrir à la quasi-totalité de nos collaborateurs employés,agents de maîtrise, des horaires variables, c’est une vraie aide apportée au salarié pourgérer ses impératifs personnels, ses contraintes, et les impératifs de services. C’est

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aussi une facilité au-delà de jours très ponctuels comme la rentrée scolaire, où l’onsait très bien qu’on a fait le choix de laisser relativement libre cette journée, afin quechacun puisse accompagner son enfant à l’école.

D’autre part, Jérôme parlait aussi de télétravail. Nous avons décidé d’expérimenter letélétravail comme un mode d’organisation qui doit permettre, au-delà de la famille ausens strict, du fait de s’occuper des enfants, de répondre aussi à des situationsindividuelles spécifiques, qu’elles soient familiales ou d’ordre de la santé.

Je pense que vous attendez tous la question des services dans les entreprises et descrèches. Avant les crèches - parce que nous n’avons pas été les « pionniers-pionniers », Areva et Total ont dû dégainer avant nous - nous avions créé un siteintranet, « L’Oréal Kids », au milieu des années 2000. Celui-ci permettait auxcollaborateurs d’échanger de l’information sur les modes de garde, comment cela sepasse : j’attends un enfant, où dois-je adresser mes papiers, comment ? Et puisd’échanger des coordonnées de nounous, de maternelles, de baby-sitters, ou de sedire : moi je veux un mode de garde partagée, quelqu’un veut-il bien partager avecmoi ?

2006, l’aventure des crèches. Je vais commencer par les chiffres, aujourd’hui nousavons cinq crèches. Je ne devrais pas dire cela, nous sommes partenaires de cinqcrèches, parce que L’Oréal ne fait pas de crèches. Nous faisons des produits que l’onutilise dans les crèches mais pas de crèches. Nous sommes systématiquementpartenaires de prestataires de la petite enfance, dont certains sont dans la salle et quisont, pour nous, des professionnels de l’enfance, ce qui n’est pas le métier de nosentreprises aujourd’hui.

Nous sommes partenaires de cinq crèches, quatre en Ile-de-France, et une que nousexpérimentons du côté d’Orléans pour une de nos usines, pour voir comment adapterce service à des collaborateurs, qui, par exemple, ont des horaires d’équipe de6 heures à 13 heures, et qui, eux aussi, peuvent être accompagnés dans leurproblématique de conciliation vie privée vie professionnelle.

Depuis l’ouverture en 2006, 144 collaborateurs ont bénéficié de places en crèche,vous me direz que c’est peu sur 12 000, oui c’est vrai, mais c’est déjà bien. Nousouvrons aujourd’hui une crèche tous les ans. J’espère que cette année nous enouvrirons deux, peut-être trois. Mais, tout doucement, nous essayons de faire en sortede matérialiser une politique de parentalité, de soutien en faveur de nos salariés et dela famille.

Quelques principes sur les crèches. Elles sont pilotées par un prestataire de la petiteenfance, ce n’est pas notre métier. Il faut, et je pense qu’aujourd’hui il y a une facilitépar rapport à quelques années, entrer en contact avec des prestataires de la petiteenfance. C’est tout de même beaucoup plus facile qu’en 2006, voire 2004, ou un peuplus tôt.

Nous ne le faisons jamais tout seuls. Nous cherchons toujours des partenaires, que cesoient des entreprises privées, ou les villes et les communes pour assurer une formede pérennité. On ne sait jamais, dans la vie d’une entreprise, parfois vous avez deseffectifs mouvants, des circonstances économiques difficiles, je touche du bois, il n’yen a pas mais L’Oréal est relativement protégée en la matière. On peut imaginer un

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déménagement. Le fait d’être plusieurs dans une crèche permet d’assurer une formede pérennité sur le long terme de cette crèche.

Le troisième principe est d’implanter des crèches à proximité de nos établissements.C’est favoriser le sentiment d’appartenance très fort. Certains de nos collaborateursdisent : « C’est notre crèche. » Nous leur rappelons que ce n’est pas leur crèche, ilsn’ont pas tous les droits en ce lieu.

Quatrième élément pour nous important, au-delà de cette proximité avec nos sites,nous voulons un ancrage territorial pour travailler avec les acteurs locaux, et tisser celien entre l’entreprise et les différents partenaires de la ville.

Il y a une longue liste d’attente. Cela suscite bien de l’enthousiasme, à la fois pour lesparents et pour les collaborateurs qui se disent tout simplement, si à mon époque, ily avait eu des crèches, cela aurait été génial. Ce n’est pas juste une problématique desatisfaire des parents salariés. C’est aussi développer une politique, un sentimentd’appartenance, un sentiment de prise en considération, une forme d’humanismeaussi.

Au-delà des parents bénéficiaires, nous essayons de développer avec les prestatairesde la petite enfance, les places d’urgence, qui permettent d’ouvrir le champ au-delàdes places statutaires, éventuellement à un parent qui rencontre un problème avec sonmode de garde habituel (la nounou malade, les problèmes de transport, etc.). Nouspouvons satisfaire des parents sur une ou deux journées maximum en fonction de lacapacité de la crèche.

Et aujourd’hui, en tout cas chez nous, c’est davantage perçu comme une vraiepolitique. Nous en avions une, puis deux, puis cinq, puis dix projets. Cela suscite desconvoitises entre nos divisions, entre nos établissements, ce qui est plutôt sain etstimulant pour les uns et les autres. C’est une très belle expérience. Je salue l’initiativeprise par M. Darcos, de réunir et de constituer sous l’animation et la présidence deJérôme, le Club des entreprises et des crèches, pour essayer de contribuer chacun àl’essor des crèches au sein des entreprises.

Je suis dans le timing. Je parle un peu beaucoup…

M. Olivier de Lagarde.- On est à la lisière du timing.

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Je suis intarissable sur le sujet, je suis passionnéepar cela. Je pourrais vous parler des entretiens pré- et post-maternité, d’un séminaireque nous sommes en train de tester pour aider les parents à reprendre une activitéprofessionnelle après un congé maternité ou parental, parfois après deux ou trois ans,on appréhende aussi cette reprise dans l’entreprise.

Comment peut-on continuer à construire cette politique sachant qu’il ne faut pasoublier, on a parlé beaucoup des enfants, que la conciliation vie privée/vieprofessionnelle concerne tous les salariés, et qu’il faut aussi trouver le juste équilibreet ne pas investir uniquement dans une catégorie de soutien, mais essayer de faire ensorte que les soutiens que l’on puisse apporter concernent un maximum de noscollaborateurs. Merci.

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M. Olivier de Lagarde.- Venez vous asseoir. J’ai plusieurs questions à vous poser. Jevais commencer par être grossier, je vais vous parler d’argent. Combien coûte unberceau à L’Oréal?

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Aujourd’hui, un berceau coûte à L’Oréal, sans lesdéductions fiscales, on va dire en brut cash immédiat, entre 12 000 et 18 000 eurospar an. La variation est notamment due à l’implantation de la crèche, puisque si vousimplantez une crèche en plein cœur de Paris, cela va coûter un peu plus cher que sivous l’implantez dans la périphérie de Paris.

M. Olivier de Lagarde.- On a bien compris que l’aide à la parentalité dans uneentreprise, chez L’Oréal notamment, ne se résumait pas à une crèche. Globalement,la parentalité coûte combien à L’Oréal ? Vous avez une idée ?

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Non, il faudrait que l’on se dise : 7,5 % des salariéesfemmes sont en maternité, donc comme elles prennent toutes leur congé Schueller,il faudrait que je rajoute systématiquement l’équivalent d’un mois multiplié par lescharges. On ne sait jamais...

M. Olivier de Lagarde.- Il n’y a pas un directeur financier de temps en temps chezL’Oréal, qui dit : « Madame Lièvremont, vous êtes gentille avec vos crèches, savez-vous combien cela coûte à Mme Bettencourt, à M. Banier, chaque année ? »

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Je vais faire quelque chose qui n’est paspolitiquement correct, pour Mme Bettencourt, cela représente une petite somme. Il nefaut surtout pas le répéter !

Là où vous avez raison, ce n’est pas trop le congé Schueller qui coûte. Une grandepartie des collaborateurs est entrée dans l’entreprise avec l’existence de ce congé. Onne se pose donc pas la question.

En revanche, la question est posée pour les crèches. C’est un peu une bataille avec noscontrôleurs de gestion pour leur dire : « Tu ne veux pas mettre un petit peu au pot ? »Après, on dit : « Oui, mais elle n’ouvre qu’en septembre, donc ce n’est que 4/12e. »Puis une fois enclenchées, les choses suivent. C’est aujourd’hui une bataille.

Toutefois, un élément que je tiens à souligner, et vous avez posé la question del’impact économique de la situation actuelle sur l’investissement des entreprises, j’aienvie de dire que je suis assez fière de L’Oréal, de ne pas avoir baissé les bras.Septembre 2009, une crèche a été ouverte, nous avons deux projets de crèche cetteannée, et aujourd’hui, ce n’est pas une question d’investissement, c’est qu’il faut justeque les projets se réalisent, donc les locaux sont trouvés, les partenariats sont en cours.C’est une question d’argent, mais c’est dans des situations difficiles qu’il faut maintenircet investissement.

M. Olivier de Lagarde.- On a bien compris que le directeur financier faisait les grosyeux de temps en temps. J’ai essayé de faire un calcul rapide dans ma tête, on est àdes millions d’euros. C’est considérable ! Mais en même temps, pour 12 000 salariés,les autres salariés, ceux qui n’ont pas de bébé, ceux qui sont trop vieux pour en avoir,ne disent-ils pas, vous faites beaucoup pour les jeunes parents, et nous ?

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Mme Emmanuelle Lièvremont.- Nous avons ponctuellement ce type de remarquesque nous devons intégrer. C’est ma conclusion. Comment pourrions-nous faire ? Nouspourrions ouvrir des conciergeries, c’est ouvert à tous. Cela va de la fleur au lavagede voiture, en passant par le pressing et plus. Nous pourrions ouvrir des salles desport. Également, on a évoqué le « mercredi père ou mère de famille 4/5e de temps »,mais aujourd’hui, quelqu’un qui voudrait prendre un 4/5e pour des convenancespersonnelles aurait autant d’accueil favorable que s’il avait un enfant et qu’il ledemandait pour ce motif. À nous d’être vigilants de ne pas surinvestir en faveur de lafamille pour justement tenir compte non pas des 12 000 salariés parce que les12 000 salariés ne sont pas tous en mesure de prétendre à une place de crèche, maispour faire en sorte que chacun puisse trouver, à sa manière, une forme de conciliationentre vie privée et vie professionnelle.

M.Olivier de Lagarde.- Une question que je veux poser à tous les deux. Finalement,et on a envie d’applaudir ce que vous faites, vous participez au fait qu’en France onfasse des enfants, vous avez une politique nataliste dans l’entreprise, mais est-ce bienle rôle d’une entreprise d’avoir une politique nataliste ?

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Nous n’avons pas de politique nataliste. Nousn’organisons pas de rencontres, nous ne disons pas : il faut être marié, faire desenfants… Ce n’est pas une politique nataliste au sens où on peut l’entendre,notamment au niveau des institutions.

M. Olivier de Lagarde.- Ce n’est pas Meetic !

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Nous n’en sommes pas encore là. La question estintéressante à double titre. Quand une entreprise compte 60 % de femmes, celaconcerne l’entreprise et ce n’est pas une question de politique nataliste ou pas. C’esttenir compte de la configuration et de la manière dont l’entreprise s’est constituée.

M. Olivier de Lagarde.- On va demander à M. Jérôme Ballarin ce qu’il en pense.

M. Jérôme Ballarin.- C’est un vaste sujet, et une question que l’on pose régulièrementsur la responsabilité sociétale des entreprises au sens large, la diversité, on en revientà des débats archaïques et ancestraux sur l’entreprise citoyenne. Force est de constaterque l’on est dans une société où la sphère économique et la sphère professionnellesont assez hégémoniques aujourd’hui. À tel point que des individus se retrouvent ensituation de surinvestissement professionnel.

Sur ces sujets de conciliation, encore une fois, c’est l’intérêt de l’entreprise des’investir, car étant finalement une des dernières grandes formes d’organisation socialeet collective face à des religions, des syndicats, des partis politiques qui ont perdul’aura qu’ils avaient au début du XXe siècle, c’est aussi à l’entreprise de faire en sorte,elle le fait par intérêt, de rééquilibrer ou de veiller à ce que l’individu ne soit pas tropdéséquilibré parce que cela se retourne contre elle.

Quand quelqu’un se surinvestit professionnellement et finalement ne prend pas gardeà la destruction progressive de sa vie personnelle, qu’elle soit familiale, associative,sportive, spirituelle, amicale, etc., on peut se dire qu’ au bout d’un moment, il seraun peu fossilisé en termes de créativité, d’aisance relationnelle, d’imagination, celasera assez limité.

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Les entreprises ont un vrai intérêt à remettre les salariés sur le chemin d’unépanouissement un peu plus pluriel. Par exemple, dans des séminaires de formation,on fait venir des chanteurs d’opéra pour faire chanter les salariés en lien avec lagestion des émotions, du stress, c’est aussi une façon de faire redécouvrir l’intérêt dechanter dans une chorale à certains salariés. C’est un peu triste d’être obligé d’enarriver là, mais aujourd’hui les entreprises n’ont peut-être pas une responsabilitésociétale - est-ce vraiment leur rôle au fond ? - mais un intérêt sociétal à s’emparer deces sujets-là.

M. Olivier de Lagarde.- Vous parlez d’intérêt sociétal. Ne vous accuse-t-on pas, viatoute cette politique, de faire finalement du paternalisme ? De vouloir avoir dessalariés qui seraient pieds et poings liés, de dire aux mères de famille : vos enfants sontgardés jusqu’à 18 ou 19 heures, donc vous pouvez rester jusqu’à cette heure-là enentreprise. N’y a-t-il pas ce type d’accusation ?

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Sincèrement non. Si je prends l’exemple des crèches,L’Oréal a fêté ses 100 ans, cette année. Alors oui probablement à une époque, quandFrançois Dalle a décidé d’instaurer le congé Schueller et d’offrir quatre semaines,c’était l’époque de l’entreprise un peu paternaliste où ce lien social était vraiment là.Aujourd’hui, le mot n’existe pas, on ne parle pas de politique paternaliste mais depolitique de parentalité, cela montre que le lien avec l’entreprise, la philosophie et larelation ont complètement évolué. Cela ne fait pas partie aujourd’hui des reprochesqui peuvent nous être adressés. Nous aurions même tendance à plutôt entendre :« Vous n’en faites pas assez ! »

M.Olivier de Lagarde.- En même temps vous dites : « Nous, L’Oréal, nous ne voulonspas avoir une crèche L’Oréal, nous partageons. » Que pensez-vous des crèches Totalou Areva ?

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Il y a des amis d’Areva dans la salle. Je ne vais pasprendre la parole à leur place. Je vais plutôt expliquer le choix de L’Oréal. Nousn’avons pas choisi, dès le démarrage, de faire des crèches dans nos locaux dédiés à100 % aux enfants des salariés L’Oréal. Pour l’anecdote, je disais il y a une heure, onne veut pas de petits « L’Oréaliens » entre eux, déjà parce que L’Oréal nous prendbeaucoup sur nos vies, donc si en plus nos enfants sont chez L’Oréal et rien qu’entreeux...

Après, c’est pour des questions de tranquillité des parents. J’ai eu l’occasiond’échanger, que ce soit en visitant la crèche Areva à la Défense, ou la nôtre àGennevilliers Asnières avec le groupe Alma, qui a décidé d’être à côté, voire mêmedans les locaux, je me souviens d’échanges où l’on nous disait qu’au début, lesparents venaient un peu voir et que cela peut perturber. C’est un parti pris, nous nevoulons pas de crèches dans nos locaux, nous voulons des partenaires pour assurercette pérennité, nous voulons assurer aussi de la sérénité tant aux enfants qu’auxéquipes pédagogiques et à nos collaborateurs. Tous les choix sont respectables.

M. Olivier de Lagarde.- Jérôme Ballarin, un petit mot ?

M. Jérôme Ballarin.- Je n’ai rien à rajouter par rapport à cela. Cela dépend des choixdes entreprises. Areva, dans son siège rue La Fayette à Paris, a une crèche hébergéedans ses murs avec un prestataire qui gère bien évidemment le personnel et la vie de

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la crèche, mais c’est la crèche Areva. Ce sont des choix compréhensibles par lesconfigurations de locaux qui permettent ou pas de le faire. Certaines entreprises, lorsde déménagement, s’interrogent sur ce sujet. C’est vraiment varié.

M. Olivier de Lagarde.- Sur la mauvaise question que je posais sur le paternalisme,ce type d’accusation, vous sentez cette crainte chez certains dirigeants d’entreprise ?

M. Jérôme Ballarin.- Je ne suis pas d’une génération où l’on a beaucoup parlé depaternalisme. C’est un concept qui ne veut pas dire grand-chose pour moi. Je n’ai pasle sentiment que, quand j’étais salarié, autrefois, chez Danone, Franck Riboud étaitmon papa. Il me semble, au contraire, que c’est la même chose quand on parle deformation, de rémunération, cela fait partie de la politique sociale et del’investissement dans le capital humain que doit faire un employeur, encore une foisparce qu’il a des problèmes pour recruter des talents, attirer des gens, les fidéliser,maintenir leur engagement, leur motivation. Je me répète un peu, mais il y a un vraiintérêt pour les employeurs à le faire.

M. Olivier de Lagarde.- Y a-t-il des questions dans la salle ?

Intervenant (Areva).- Je vais répondre à votre question. Merci pour ces exposésintéressants. Pourquoi une crèche au sein de l’entreprise et uniquement avecl’entreprise ? Nous avons été une des premières entreprises à mettre en place unecrèche. Nous avons pu le faire grâce à une présidente. S’il y avait eu un président àce moment-là en 2006, je ne pense pas que l’on aurait réussi à le convaincre. AnneLauvergeon a été le déclencheur de la chose. À cette époque-là, peu d’entreprises lefaisaient, donc la seule possibilité était de le faire soi-même.

Ensuite, vous parliez des enfants qui viennent dans l’entreprise de temps en temps.Quand on voit au siège à La Fayette, ou à Courbevoie, des parents qui montent avecleurs enfants, par le biais de la crèche en entreprise on a cette évolution de la réactiondu manager par rapport à sa secrétaire et à son cadre, qui voit le gamin courir dansles couloirs et cela change l’ambiance. Cela permet de répondre à la remarque de cevous faites au niveau de L’Oréal.

Une question sur le coût. Je n’ai pas de chiffres, combien cela rapporte ? Combienreprésente 1 % d’absentéisme en moins ? Je ne sais pas combien de pour cent nousfait gagner dans l’entreprise une politique sur la parentalité. Je n’ai pas la réponse.

M. Olivier de Lagarde.- On a des chiffres ? On a une idée de ce que cela pourraitreprésenter ?

M. Jérôme Ballarin.- Des études présentent des chiffres sur le sujet, mais on modélisecela en calculant la réduction de l’absentéisme, des baromètres de climat socialmesurent le degré d’engagement des personnes, le nombre de démissions dansl’entreprise, notamment sur certaines fonctions importantes où cela va être coûteuxde recruter quelqu’un et de lui laisser un an ou deux pour atteindre sa pleine mesurepour remplacer celui qui est parti, cela représente un coût pour l’entreprise. Il existeun certain nombre de facteurs. C’est certainement une étude à mener prochainementau sein de l’Observatoire.

Intervenant (Areva).- J’ai deux questions sur les crèches par rapport aux populationsconcernées, c’est vrai dans le tertiaire et dans les sièges sociaux, cela ne pose pas

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trop de difficultés. En revanche, comment faites-vous pour les populations d’itinérants,les représentants qui font du porte à porte, nous en avons aussi chez Areva au niveaudes centrales nucléaires, et pour les populations en usine quand des salariés travaillenten 2 x 8, 3 x 8, voire 5 x 8 ? Avez-vous des réponses ?

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Je n’ai pas de réponse sur les itinérants. Ce type depolitique basée en région parisienne et plutôt à proximité des établissementsadministratifs exclut, de fait, les itinérants. De par leur nombre, ils sont importants eten même temps ce sont des salariés isolés, et on n’a pas encore franchi le pas desdispositifs en réseau de crèches, qui nous permettraient d’offrir une prestation decrèche un peu partout en fonction du réseau de crèches que peuvent avoir lesprestataires avec lesquels nous travaillons.

Je n’ai pas totalement la réponse et nous ne l’avons pas expérimenté. Sur la partieindustrielle, la crèche que nous avons à proximité d’Orléans, fonctionne comme unecrèche urbaine, à partir de 7 heures 30 généralement. En revanche, les parents ont lapossibilité de confier l’enfant à une assistante maternelle avant, donc ce n’est pas trèsconfortable pour l’enfant, mais aujourd’hui c’est le seul dispositif que l’on nous aproposé. Le parent va déposer son enfant avant de commencer le travail à 6 heureschez l’assistante maternelle, qui ensuite emmène l’enfant à la crèche. C’est un « sasintermédiaire ». J’imagine que c’est tout à fait qualitatif, sinon toutes les autorités trèsvigilantes sur la qualité des dispositifs ne le laisseraient pas faire. Nous n’avons quequatre berceaux aujourd’hui dans cette crèche, donc cela reste une micro expérience.

M. Olivier de Lagarde.- On parlait de gros sous, on l’a dit, vous dépensez beaucoupd’argent, êtes-vous suffisamment aidés par l’État sous forme de réductions fiscales, etaidés par la Caf ?

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Nous avons deux types d’aide : l’aide fiscale, puisqueles entreprises ont la possibilité de déduire, au travers du crédit d’impôt famille,certaines sommes plafonnées à 500 000 euros.

M. Jérôme Ballarin.- 1 million d’euros maintenant.

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Tant mieux, jusqu’à présent, c’était 500 000 euros.

M. Olivier de Lagarde.- Vous n’êtes vraiment pas une femme d’argent !

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Je suis davantage tournée vers les enfants, versl’émotionnel. Le plafond que nous avions de 500 000 euros était largement dépassé.À un moment donné, vous ne vous posez pas forcément la question de l’économiefiscale que cela peut vous apporter.

L’autre aide plus directe dont nous avons pu bénéficier, notamment sur les crèchesimplantées dans 92, c’est le soutien au travers du contrat « enfance et jeunesse » etce partenariat avec la Caf m’aide beaucoup dans la négociation avec les contrôleursde gestion.

M. Olivier de Lagarde.- Cela m’arrange, car je voulais appeler un homme qui a lespoches remplies de billets.

M. Jérôme Ballarin.- Je voulais juste ajouter un point sur le crédit d’impôt famille. Il

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a été doublé fin 2008, à la fois dans le pourcentage de remboursement en termes decrédit d’impôt pour les employeurs, et en termes de plafond.

C’est vrai que pour de très grands groupes comme L’Oréal, le plafond est vite atteint,mais 1 million d’euros de dépenses, c’est tout de même conséquent. Pour une Pmequi investirait 10 000 euros en province dans une place de crèche interentreprises,cela signifie qu’on lui rembourse en crédit d’impôt 5 000 euros, 50 %, c’est le tauxdu crédit d’impôt. C’est tout de même très conséquent, c’est un pari de la puissancepublique de se dire : au fond, je donne un crédit d’impôt, cela représente unedépense, mais cela me coûte moins que d’investir dans des infrastructures publiquesque je financerais avec l’impôt. C’est un bilan économique réalisé au niveau duministère de la Famille, qui montre qu’en développant ainsi les crèches d’entreprisenotamment, on va diminuer la dépense publique de façon plus importante sur desinvestissements collectifs.

5 000 euros sur une année pour une Pme, cela fait 400 euros par mois. À un momentdonné, c’est vrai que, si l’on a une collaboratrice de talent qui peut envisager des’arrêter de travailler, cet investissement ne vaut-il pas le coup pour la Pme, pour offrirce service à cette salariée ou à ce salarié ? Ce crédit d’impôt famille est conséquentmais mal connu en France, c’est dommage, et donc c’est bien qu’on en parle ce soir.

M.Olivier de Lagarde.- On va en parler avec José Pons à qui je vais demander de nousrejoindre à cette tribune. Adjoint du directeur d’action sociale de la Caf des Hauts-de-Seine, vous avez en charge le partenariat d’action sociale. On va revenir à ces aides,cet argent que vous apportez directement ou indirectement aux entreprises et auxsalariés. Finalement, en préparant cette conversation, on se disait que si celle-ci avaiteu lieu il y a quatre ans, on aurait presque exclusivement parlé de ce qu’il se passedans les collectivités territoriales, collectivités d’État. Et ce soir, on parle des entreprisesprivées. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que la politique de la Caf a changé en cedomaine ?

José Pons

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M. José Pons.- Non, elle n’a pas changé, elle s’est diversifiée. Nos partenairesprincipaux ont toujours été des collectivités locales et les associations loi de 1901.Suite à la conférence de la famille de 2003, le conseil d’administration de la Caissenationale des Allocations familiales a souhaité ouvrir le financement des Caf auxentreprises, et faciliter la conciliation vie familiale et vie professionnelle. C’était unenouvelle orientation qui avait été donnée.

Les entreprises, nous en avions quelques-unes, mais cela correspondait strictementaux crèches hospitalières. Pour nous, cela a été une découverte, le monde del’entreprise dans les Caf. Nous sommes une entreprise Caf, mais c’était une autredimension. L’impulsion dans les Hauts-de-Seine s’est faite très rapidement, les textessont parus en janvier 2004 pour les Caf, et sur la première année, puisque j’étais déjàen charge du dossier, j’ai eu près de 200 rendez-vous de travail avec les entreprisesdu département. C’est un département assez dynamique, avec nombre de porteursde projets privés qui arrivaient, que je vois dans la salle, les grosses sociétés qui sesont, depuis lors, constituées, et beaucoup d’échanges avec les entreprises quicommençaient à s’intéresser à cette dynamique nouvelle.

M.Olivier de Lagarde.- Comment travaillez-vous ? Comment cela se passe-t-il ?Vousrépondez à des entreprises qui vous appellent en disant réfléchir et avoir un projet, ouallez-vous également démarcher les entreprises en disant, regarder ce que font lesautres, vous pourriez peut-être y penser aussi ?

M. José Pons.- Le démarchage est très bien fait dans le département par les entreprisesde crèche. J’essaie plutôt d’accompagner techniquement les porteurs de projets et lesentreprises qui veulent conventionner et ouvrir une structure d’accueil répondant auxexigences de la Caisse nationale des allocations familiales et aux Caf, qui applique unbarème des participations familiales comme une crèche collective municipale, quipratique la mixité sociale…

M.Olivier de Lagarde.- Il n’y a pas de différence pour les utilisateurs de cette crèche,entre une crèche d’entreprise et une crèche municipale, ils payent la même chose ?

M. José Pons.- Tout à fait. Pour nous, c’est une opération blanche pour les familles,pas de différence, le même barème est appliqué sur l’ensemble de la France et quelque soit le mode d’accueil. C’est l’équité.

M. Olivier de Lagarde.- Opération blanche pour les familles et aussi pour la Caf ?

M. José Pons.- Non, mais nous sommes là justement pour développer les modesd’accueil. La première convention d’objectifs et de gestion signée avec l’État nous apermis d’avoir les moyens de financer, et l’investissement et le fonctionnement,l’investissement étant un pôle très important, et le fonctionnement de façon pérenne.Une crèche, qu’elle soit d’entreprise ou autre, du moment qu’elle remplit lesconditions de fonctionnement légales vis-à-vis de la protection maternelle et infantile,les conditions d’accès, et qu’elle applique tous les critères d’ouverture à tous, pournous c’est une crèche qui continue à fonctionner et que l’on continue à subventionner.

M.Olivier de Lagarde.-Vous la subventionnez à quelle hauteur ? Prenons une crèched’entreprise qui coûte 100, comment les 100 se répartissent ?

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M. José Pons.- Le coût est réparti entre plusieurs partenaires, les familles, la Caf, quicomplète la participation des familles pour garantir un financement équitable surl’ensemble des structures, puis les entreprises réservataires, parfois des communespuisque des structures sont partagées entre entreprise et ville, et on a la chance d’avoirle Conseil général des Hauts-de-Seine, qui donne aussi une subvention defonctionnement sur le 92.

M. Olivier de Lagarde.- Avez-vous une idée des grandes masses, ou ce n’est paspossible à évaluer, en disant sur 100, l’entreprise paye 30, la Caf 20, les familles 15...

M. José Pons.- La part des Caf peut aller de 30, 35 à 40 % selon le cas. Le reste estpayé par les entreprises avec lesquelles on peut contractualiser via un contrat« enfance et jeunesse », ce qui est le cas avec L’Oréal sur les Hauts-de-Seine, et quibénéficient en plus du crédit d’impôt famille. Il y a toute une conjonction qui fait quel’on peut calculer le net à charge de l’entreprise relativement facilement.

M. Olivier de Lagarde.- Est-ce facile de monter ces projets ?

M. José Pons.- On se heurte souvent en région parisienne aux problèmes du foncier.Pour construire une crèche, les municipalités le font, mais les entreprises ontdavantage de difficultés, donc on passe par des baux commerciaux qui sont un peuchers et qui jouent sur le prix de revient. La couverture de ces prix de revient est laconjonction de l’ensemble. Cela coûte plus cher aux entreprises. Notrefonctionnement est plafonné, il est national.

Les prestataires qui sont les entreprises de crèche savent très bien maintenant menerun projet de façon concrète et dynamique. Nous les avons beaucoup accompagnéslorsqu’ils se sont créés, notamment par le premier plan crèche voté par legouvernement, de 40 millions d’euros, qui a permis aux entreprises de crèches des’emparer de ce dispositif assez rapidement, et de prendre en charge une bonne partiedes investissements de départ. Cela a créé vraiment une dynamique nationale. C’esttoujours un projet sur plusieurs mois, entre les locaux, leur adaptation, avoir lacertitude que les places seront toutes occupées, c’est-à-dire que tous les réservatairesseront en face. Cela peut prendre un peu plus de temps. Une fois la conjonctioneffectuée, cela va vite, puis un consensus se fait. Je vois que certains projets par leprivé sont montés au bout de quatre ou cinq mois. Pour une commune, qui doit lancerdes appels d’offres de marchés publics, etc., la procédure dure trois ans minimum.

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Pour compléter, les paramètres tels que nous lesvivons sont au nombre de deux. D’une part, trouver un local, je sais en tout cas queles prestataires qui cherchent tous les jours des locaux pour pouvoir justement être àproximité de nos établissements correspondent à notre philosophie. Parfois, c’est unpeu le hasard. C’est un point important, cette recherche immobilière.

D’autre part, la recherche de partenaires. Quand vous êtes au cœur de Paris, quandvous êtes dans des zones urbaines, vous avez des entreprises, et c’est assez « facile »de trouver des partenaires. Parfois, quand nous avons un projet, il y a l’intention, lelocal, tout est fait, nous sommes dans le timing, avons toutes les autorisations…

M. Olivier de Lagarde.- La Caf.

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Mme Emmanuelle Lièvremont.- En l’occurrence, nous n’avons pas complètementdémarché.

M. Olivier de Lagarde.- Dans le 92, je vais vous présenter M. José Pons.

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Il nous faut trouver les partenaires. Quand vous avezdes zones plus pavillonnaires ou des zones où la commune a choisi d’investirdifféremment, à partir de là, le projet est retardé et c’est un peu dommage. Celadépasse le cadre simplement de la volonté de l’entreprise, du prestataire et de la Caf.

M. Olivier de Lagarde.- Quels sont les autres freins pour vous ?

M. José Pons.- Parfois le personnel, il y a des difficultés de recrutement de personnelsqualifiés dans les structures.

M. Olivier de Lagarde.- On manque de… Si des jeunes cherchent du travail, là onembauche.

M. José Pons.- Oui, excepté qu’il faut passer par des écoles de formation, etc. Onattend les mesures de Mme Morano pour relancer la dynamique, parce qu’on manquede puéricultrices et d’éducateurs de jeunes enfants, alors qu’il y a des potentialitésénormes en termes de création d’emplois. Actuellement, un certain nombre decréations d’emplois sont effectuées dans ce domaine, mais on pourrait aller plus viteet plus loin certainement.

M. Jérôme Ballarin.- Un plan de développement de l’emploi de la petite enfance a étélancé il y a quelque temps, il existe de vrais gisements d’emplois énormes dans cesecteur de la petite enfance. C’est plutôt positif. Aujourd’hui, on a du mal à « staffer »ce secteur. Mais, cela fait partie des secteurs qui sont en pointe. On a vu desentreprises de crèche se développer, et passer de 0 à 1 000 salariés en quelquesannées. C’est un secteur très dynamique, qui fait partie des nouveaux services à lapersonne, secteur vraiment en fort développement, qui représente un avenir pournotre économie. C’est bon à dire aussi.

M. Olivier de Lagarde.- Un secteur pas assez « staffé », j’ai appris un mot… On vareprendre des questions dans la salle, parce que je voudrais vraiment que vousparticipiez.

Intervenante (Cfdt Cadres).- Je voudrais revenir sur la question de la parentalité etposer une question à Mme Emmanuelle Lièvremont. Ce congé de 4 semaines quevous avez évoqué, le congé Schueller, avez-vous envisagé, vous a-t-il été demandé,pensez-vous que c’est une question qui pourrait venir à l’avenir, de proposer cesquatre semaines au père de l’enfant ? Je précise simplement dans quel contexte jesitue la question. Pour nous, c’est une revendication d’avoir demain, si possible, unvrai congé paternité et pas 11 jours, non seulement dans une optique de prise encharge de la parentalité, mais aussi dans une optique d’égalité professionnelle,particulièrement pour les femmes cadres qui portent seules le risque d’enfant, et onsait que le plafond de verre s’appuie essentiellement là-dessus. Demain, est-cequelque chose d’imaginable dans les entreprises ?

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Mme Emmanuelle Lièvremont.- Le congé Schueller est donné au père adoptant, doncje fais appel aux principes d’égalité et d’assimilation entre la maternité et l’adoption.Aujourd’hui, un papa qui adopte un enfant a droit au congé Schueller, pour desquestions d’égalité des deux statuts. La question nous a été posée.

Le deuxième temps de la réponse, c’est un peu en boutade, le jour où les papasporteront les enfants, on reposera la question… Je vous dis cela, c’est un vrai sujet.Non pas que les papas portent les enfants, mais d’octroyer le congé Schueller. C’estvrai qu’à l’origine, quand je disais que probablement quand François Dalle a décidéde le faire, cela visait vraiment à aider à la fois mentalement, moralement, etphysiquement la maman à passer ce cap, cela a une incidence physique sur la femme.Je ne vous dis pas les nuits, éventuellement, en cas d’allaitement. Au départ, laphilosophie a été pensée dans ce cadre-là.

Aujourd’hui, le donner à l’ensemble des salariés papas… La question nous estadressée, nous n’avons pas encore trouvé la réponse. Ceci étant, pour vous montrerque ce n’est pas une fin de non-recevoir, quand nous avons décidé de rémunérer lecongé paternité, cela faisait aussi partie de cette dimension que nous devonsdévelopper, à savoir de tenir compte de la composition de la famille, c’est-à-dire unpère et une mère, et que la famille n’est pas uniquement une question de maman.

M. Jérôme Ballarin.- Sur ce point, parce que je partage totalement l’avis de madame,pour aider l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, il faut encourager leshommes à s’impliquer davantage dans la vie familiale.

Je voulais évoquer la réforme en cours du congé parental, en tout cas les réflexionsmenées actuellement au sein du Haut conseil à la famille, où certaines pistes évoquentle fait d’avoir une partie non cessible de ce congé parental qui pourrait, sur un modèleproche des pays scandinaves, être plus court et beaucoup mieux rémunéré qu’il nel’est actuellement, mais qu’une partie soit non cessible entre le père et la mère. Parexemple, on pourrait avoir trois mois qui soient réservés à la mère, trois mois réservésau père, avec le fait que si le père ne les prend pas, ils sont perdus. Dans les paysnordiques où cela se fait, cela incite beaucoup les pères à profiter de ces trois mois.

Je pense aux écrits, par exemple, de Boris Cyrulnik qui dit : « Comment faire naîtreun père ? » Un père, on ne le fait pas naître quand l’enfant a 10 ans, 12 ans ou 15 anset que l’on intime au père de s’occuper davantage de ses enfants. Un père naît dès lespremières minutes de son enfant.

Si on avait une nouvelle norme culturelle en France qui voudrait que, dès que l’on estpère, à un moment donné on passe trois mois avec son bébé alors que sa compagneest repartie travailler, qu’on lave le bébé, qu’on a des premiers échanges avec lui, onpourrait imaginer que cela créerait une habitude dès le plus jeune âge de l’enfant etqu’ensuite les habitudes seraient bien prises. Je suis personnellement très favorable àcette non-cessibilité d’une partie du congé parental en vue de cette réforme. C’estpeut-être une façon de répondre à votre question par une autre forme de congé.

M. Olivier de Lagarde.- Autre question dans la salle ?

Intervenant (Sénateur honoraire).- Dans l’Observatoire, avez-vous travaillé surl’incidence du travail le dimanche, et les Cci et les organismes patronaux font-ils partiede l’observatoire ?

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Pour vous, Madame, vous avez parlé de proximité des crèches et de partenariat.Comment arrivez-vous à concilier la proximité de chez vous et le partenariat avec lesentreprises qui ne sont pas forcément près de chez vous ?

De la même façon dans le partenariat, comment réussissez-vous à harmoniser les fraiset les coûts, car si l’entreprise L’Oréal peut prendre en charge la totalité des coûts descrèches, en est-il de même pour l’ensemble du partenariat et comment cela se répartit-il ? Faites-vous un effort supplémentaire du fait de l’entreprise que vous représentez ?

Pour les Caf, avez-vous une idée de la différence d’implantation des crèches et dusuivi familial entre l’Ile-de-France, où il y a beaucoup de centres d’entreprises, et laprovince ? Une marche est-elle faite aussi en province ? Les entreprises libéralespeuvent-elles participer à ce type de conciliation ?

Un petit clin d’œil à madame (s’adressant à Emmanuelle Lièvremont), si vous avez desproblèmes immobiliers, sachez qu’en France et notamment en province, il y abeaucoup de place pour vous accueillir.

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Malheureusement, nous sommes fortementimplantés en Ile-de-France, et à partir de là, sauf si vous avez des miracles pour nousfaire déménager, mais je ne suis pas sûre que ce serait une solution pour une grandepartie de nos collaborateurs...

M. Olivier de Lagarde.- On va mettre une crèche dans un wagon de Tgv. Il y a desquestions pour tout le monde. On va commencer par Jérôme Ballarin. L’incidence surle travail du dimanche ?

M. Jérôme Ballarin.- Nous n’avons pas mené d’étude sur ce point, cela fait partie dessujets liés à l’organisation du travail, qui sont très vastes à étudier, avec cette idée toutde même que la flexibilité peut aller dans les deux sens. Là, on demande auxemployeurs d’être flexibles, d’aménager les horaires de leurs collaborateurs, le jour dela rentrée scolaire, ou en cas d’événements familiaux, parfois les employeursdemandent de la flexibilité à leurs collaborateurs.

L’important pour nous est que tout cela se fasse en concertation avec les partenairessociaux et dans le respect d’un principe gagnant gagnant. Il n’est dans l’intérêt depersonne, soit pour l’employeur d’imposer des choses à ses collaborateurs qui sontdifficilement acceptables, soit pour le collaborateur de pénaliser la réussite de sonemployeur. Mais c’est un sujet sur lequel on pourrait se pencher.

Le partenariat, les Cci, non. En revanche, nous sommes en contact régulier avec lespartenaires sociaux, notamment les syndicats de salariés que nous inviterons à nosgroupes de travail cette année.

Par ailleurs, le patronat, c’est vrai que quand nous avons lancé l’Observatoire ennovembre 2008 à l’Assemblée nationale, il y avait 300 dirigeants d’entreprise, desresponsables syndicaux, et des responsables associatifs. Puis, j’ai souhaité donner laparole à Laurence Parisot, la présidente du Medef, parce que cela m’a sembléintéressant et original que la patronne des patrons vienne soutenir cette initiative etappeler les employeurs à aider leurs salariés à concilier vie professionnelle et viefamiliale. C’est intéressant de le noter.

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Sinon, l’Observatoire de la parentalité est une association loi de 1901, qui estindépendante, promeut ses actions et anime des échanges de bonnes pratiques entreemployeurs, en liaison avec tous les partenaires sociaux.

M. Olivier de Lagarde.- Emmanuelle Lièvremont, une question de proximité, departenariat, et de répartition des coûts.

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Proximité, cela nous pose-t-il une difficulté ? Jusqu’àprésent non. Nous avons toujours, avec un peu de patience parfois, fait en sorte quenos partenaires de la petite enfance nous trouvent des locaux à très grande proximitéde nos établissements, que ce soit en l’occurrence sur Levallois, sur Clichy, ou surAsnières. Pour le moment, nous n’avons pas eu de conflit particulier, et c’est unprincipe auquel nous tenons beaucoup, même si, parfois, cela les met en difficulté.Nous voulons qu’il y ait une distance qui puisse être parcourue à pied par exemple.

S’agissant des partenaires, comment nouons-nous ces partenariats ? Nous avons unetrès grande proximité avec le prestataire de la petite enfance. Nous partageons sesvaleurs, sa façon d’appréhender l’enfant, la place du parent, l’accompagnement qu’ilva pouvoir offrir, la qualité de l’échange qu’on peut avoir entre les représentants duprestataire et la direction, l’assistante sociale, le respect aussi mutuel du rôle dechacun, cela j’y tiens beaucoup. Chacun est professionnel dans son domaine et nousne sommes pas là pour interférer dans la gestion d’une crèche ou de plusieurs crèches.

C’est un travail pas forcément de longue haleine, puisque nous avons commencé en2006, mais il repose sur des échanges sincères. Après, en termes de partenaires, quece soient les autres entreprises ou éventuellement la ville ou des particuliers, le salariéva payer le même prix, qu’il soit individuel ou salarié de Danone, Areva, Total ouL’Oréal, que ce soit dans une crèche privée ou une crèche publique. Je vais prendrel’exemple de celle que je connais le mieux, celle installée à Clichy où Danone estpartenaire avec nous, nous n’avons pas eu besoin d’épauler Danone dans lefinancement de ses places de crèche.

Voilà comment nous arrivons à trouver ce tissu qui nous permet d’apporter un soutien.Après, cela dépend du nombre de places de crèche que vous prenez, quand vousavez une crèche de 40 berceaux et que l’entreprise en prend 30, vous jouez déjà nonseulement un rôle de soutien financier vis-à-vis du citoyen qui va prendre un berceau,ou vis-à-vis de la commune ou d’une autre entreprise, mais vous apportez un soutiendans la pérennité et la solidité du dossier.

M.Olivier de Lagarde.- C’est un sujet intéressant. Jérôme Ballarin l’évoquait dans sondiscours tout à l’heure. Vous nous citez de très grosses entreprises, et les petites ? LesPme, les Tpe, comment peuvent-elles s’insérer dans ce processus ?

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Il ne faut pas faire d’opposition. Même quand unegrosse entreprise prend sa place à un moment donné, tout le monde est bienvenu, aucontraire, cela assure une forme de mixité aussi en termes d’acteurs.

M. José Pons.- Pour nous, c’est très important d’avoir cette mixité, nous avons desmodèles tout à fait différents d’une crèche monoentreprise, on parlait d’Areva ou deTotal, mais nous avons le cas ici d’une crèche de Gennevilliers qui rassemble de grosprestataires comme Chèque-déjeuner, mais aussi de toutes petites entreprises, qui

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comptent quatre ou cinq salariés et font cet effort de proximité. Là vraiment, nousavons une grande diversité. En province, on trouve aussi des crèches dans des centrescommerciaux, on peut parler de Carrefour et l’ensemble des boutiques périphériquessituées dans le même centre. Il y a un partage d’ensemble qui nous semble important.

M. Olivier de Lagarde.- Et cela fonctionne ?

M. José Pons.- Oui, dès lors que tout le monde est d’accord au départ. Chacunapporte à hauteur de ses financements ce qu’il peut apporter par rapport auxdéductions que l’on a pu évoquer précédemment. Pour l’instant, cela tourne bien.Nous Caf, nous sommes très vigilants sur les taux d’occupation de ces crèches, parcequ’elles bénéficient de fonds publics importants. Il ne s’agit pas qu’elles fonctionnentà moitié de leur capacité. Nous sommes là pour répondre à un besoin et elles doiventrépondre au maximum du besoin.

M.Olivier de Lagarde.-Vous avez le micro, gardez-le pour répondre à la question quivous était posée. Ces crèches d’entreprise, est-ce un sujet francilien ou cela concerne-t-il l’ensemble du territoire, et la province ?

M. José Pons.- Cela concerne la province de façon beaucoup plus importante, on avu des projets très importants sur Nantes et Grenoble. Cela a démarré sur la régionparisienne, il faut être clair, sur le 92, le site de la Défense a été particulièrementattractif. C’est beaucoup parti de là, mais cela a bien essaimé, les entreprises de crècheet les prestataires ont créé des antennes régionales de développement leur permettantde balayer l’ensemble du territoire français, et de pouvoir commencer à développerles crèches d’entreprise de façon importante à Strasbourg, Marseille, etc. On sort unpeu de la région parisienne, et on répond à d’autres besoins qui sont différents deceux de la région parisienne, mais sont complémentaires. La dynamique est vraimentlancée. Cela a été un peu plus long à démarrer mais c’est une certitude maintenant.

M. Olivier de Lagarde.- D’autres questions ?

M. Stéphane Ditchev.- J’avais trois questions mais deux ont déjà été traitées. Tout demême, sur la première question que j’avais envie de poser qui était combien celacoûte, je voulais dire surtout : Madame, quel est le bénéfice pour l’entreprise ? Jevoulais simplement dire que, de fait, les moments où les parents ont un enfant sontdes moments de bonheur. Le bien-être qui en est issu permet justement certainementd’être plus à l’aise dans un travail, d’être plus en forme, et donc de s’impliquerdavantage dans la vie de l’entreprise en complément des bonheurs de la vie familiale.

Deuxièmement, je voulais poser la même question sur le congé de paternité dont ladurée pourrait être d’un mois. Quand vous disiez que vous aviez passé des accordsdans votre entreprise, y compris avec les organisations syndicales, plusieurs orga-nisations syndicales demandent justement un mois de congé pour les pères, pour lanaissance, et j’ai oublié de me présenter, je suis Stéphane Ditchev, responsable duMouvement de la condition paternelle, c’est-à-dire une association de pères. Depuisfort longtemps, depuis plus de 20 ans, on demande effectivement un mois de congé.Je vous remercie d’avoir répondu que c’était une boutade…Mais de toute façon, il estune réalité que tous les pères portent leur enfant à leur façon. C'est-à-dire qu’ilspeuvent être très présents auprès de leur enfant mais cela suppose que cette questionde conciliation entre travail, vie familiale et vie professionnelle soit résolue.

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Sur la troisième question qui est liée, je vous ai dit qu’avoir un enfant, tout le mondele sait, est un grand bonheur, peut-être pas toujours, je ne sais pas, mais nous leconstatons dans notre association, il y a aussi d’autres moments qui sont plus difficilesà vivre. Cette difficulté à vivre rejaillit aussi sur l’entreprise. Je pense au moment dela séparation. Plusieurs dirigeants d’entreprise m’ont signalé qu’en période de divorceou de séparation, les personnes sont inefficaces pendant de longs mois, surtout àcertains postes à responsabilité.

Puisque le sujet est justement : comment les entreprises aident leurs salariés, y aurait-il des mesures que les entreprises peuvent prendre dans ces moments particuliers, quisont liés aux questions de familles et aux questions d’enfants, puisque les grandesinquiétudes dans les séparations et les divorces sont liées à l’enfant, et bien souvent,surtout pour les pères, c’est la question de la perte de l’enfant. Comment lesentreprises peuvent-elles aider à ces moments-là ? Je vous donne au moins une pisteoù les entreprises d’ailleurs parfois nous sollicitent nous-mêmes, à savoir proposer àl’ensemble de leurs salariés des services qui puissent aider, et particulièrement lamédiation familiale.

M. Olivier de Lagarde.- La médiation familiale qui a fait l’objet d’une précédenteconversation. Un élément de réponse à cette question…

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Trois pistes, ou en tout cas possibilités pourl’entreprise d’aider le salarié père face à ces situations. J’ai un cas en tête où nousavons mis en place le télétravail, pour un père qui vivait une période difficile et voulaitavoir un peu plus de proximité lorsqu’il avait les enfants à son domicile. Cela a été misen œuvre, et j’espère que cela contribuera à lui faciliter ce passage qu’il vit assezdurement.

Deuxième élément de réponse, nous avons la chance d’avoir des assistantes socialesqui œuvrent pour la mère et le père, et qui peuvent être un terrain d’écoute, un terraind’aiguillage pour les salariés qui sont parfois démunis face aux différentes possibilitésde recours, ou par méconnaissance en termes d’information et de services pouvantêtre proposés.

Troisièmement, si je prends les aménagements du temps de travail, tout ce qui est misen place dans une entreprise, ce n’est pas la question de savoir si c’est le père ou lamère qui compte, c’est accessible à tous. Aujourd’hui, un papa qui vient vous trouverparce qu’il est en difficulté, parce qu’il veut aménager son temps, parce qu’il veutemmener ses enfants à l’école car pour lui c’est important, c’est un moment auquelil ne veut pas renoncer, il a la même possibilité de le faire qu’une maman.

Historiquement, en tant qu’entreprise, nous sommes dans un contexte qui fait quenous avons souvent associé l’enfant à la mère, nous sommes dans des schémas assezarrêtés sur la question. Aujourd’hui, pour nous, le débat ne se pose pas sur le planhomme ou femme, à l’exception de la particularité. Tant que les hommes ne portentpas les enfants, cela nous permet d’avoir une première réponse, qui n’est peut-être pasla bonne et celle souhaitée. Sinon, ce n’est pas une question d’homme ou de femme.

M. Olivier de Lagarde.- On a le temps de prendre encore une question.

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Intervenante (Administratrice de la Cnaf).- J’ai été très sensible au fait que madameait annoncé l’aide mentale, morale et physique nécessaire à prendre en compte aprèsla mise au monde de l’enfant.

Nous avons un congé de maternité qui est aujourd’hui de 16 semaines. L’Unioneuropéenne et le Parlement européen préconisent entre 18 et 20 semaines au total. EnFrance, nous ne sommes pas si en avance que cela, si une entreprise accorde 4 semainessupplémentaires pour cette réparation, et pour ce bien-être des mères, c’est tout demême une bonne chose. J’ai lu récemment qu’il y avait encore beaucoup de dépressionsaprès l’accouchement, c’est donc une mesure à prendre en compte qu’il ne faut pasopposer à la nécessité d’allonger le congé paternité. Les papas qui y goûtent ont enviequ’il soit plus long, et un mois de congé paternité est tout à fait concevable.

Par rapport à ce qui a été évoqué sur la réforme du congé parental, c’est la réformedu congé parental indemnisé qui est en jeu. Jusqu’à présent, il est indemnisé d’unefaçon forfaitaire pendant trois ans, et il est envisagé dans les travaux du Haut conseilde la Famille, suite à des demandes gouvernementales, de pouvoir le raccourcirnotamment à un an indemnisé.

La question d’un an indemnisé, beaucoup d’organisations, notamment syndicales,féministes, sont tout à fait pour, y compris pour une partie incessible, afin que lespères puissent prendre aussi une partie de ce congé parental, mais si on raccourcit cecongé, on aura un besoin décuplé de modes d’accueil des jeunes enfants. On ne peutpas faire cette réforme sans avoir préalablement l’assurance que les parents, quin’auront plus qu’un an indemnisé, puissent avoir des modes d’accueil. Sinon, ilscontinueront à prendre leurs trois ans sans aucune rémunération pour les deux ansrestants. C’est un enjeu très important. Si davantage d’entreprises mutualisent leursmoyens et investissent dans des modes d’accueil de qualité, c’est très important etpositif.

Cela dit, s’agissant de la formation des personnels concernés, il y aurait un gros effortà faire, qui n’est pas tout à fait dans le calendrier du gouvernement, puisque nombrede formations relèvent du secteur privé avec un certain nombre de numerus clausus,qui font qu’il n’y a pas assez de places pour les personnes qui voudraient se dirigervers ces professions qualifiées. Vous avez parlé de puéricultrices, d’éducatrices dejeunes enfants, d’auxiliaires de puériculture et là il y a un énorme investissement àfaire, car des personnes veulent s’engager dans ces métiers, mais il n’y a pas de placesdans les écoles.

M. Olivier de Lagarde.- Un élément de commentaire à ce qui vient d’être dit, et jevoudrais ajouter qu’il est bientôt 21 heures, nous avons déjà dépassé l’horaire.J’aimerais, en guise de conclusion, vous redonner une fois la parole à chacun et savoircomment on peut faire mieux. Madame disait : « La France n’est pas si en avance quecela. » Comment peut-on progresser encore ?

Mme Emmanuelle Lièvremont.- Comment progresser ? On progressera tout d’abordpar la consolidation de toutes les initiatives qui sont prises avant de développer denouveaux projets. Après, il y aura tout ce qui sera décidé par l’État, mais pour ce quirelève des entreprises, nous avons expérimenté une crèche en 2006, c’était un pilote.Aujourd’hui, nous en sommes à cinq, c’est une vraie politique. Il faudrait que tous lesacteurs du privé, toutes les entreprises petites, grandes, moyennes se disent, on met

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d’abord notre énergie dans ce socle, après on sera en mesure de passer à l’étapesuivante. Néanmoins, notre premier devoir est de consolider aujourd’hui ce qui resteencore des initiatives à la marge.

M. José Pons.- Pour les caisses d’Allocations familiales, la dynamique continue, puisquenous avons signé une convention d’objectifs et de gestion avec l’État, qui nous donne desmoyens financiers conséquents pour nous permettre d’accompagner le développementdes crèches en France. Il existe un plan ambitieux surveillé de près par Mme Morano.

Concernant le fonctionnement, nous pourrons toujours accompagner, puis nouslançons sur l’année 2010 un nouveau plan d’investissement national. Chaque Cafs’est vue dotée par la Cnaf d’une enveloppe d’investissement importante. Noussommes en train de faire une sorte de publicité auprès de l’ensemble de nospartenaires traditionnels que sont les communes, les associations et le secteur privé,pour booster le nombre de places de crèche sur les trois ans à venir, pour continuerdans cette dynamique. Nous avons aussi les moyens financiers d’accompagner.

M. Jérôme Ballarin.- J’ai commencé par une touche très négative, donc je vaisterminer par une touche plus positive, la France est championne d’Europe de lanatalité, avec à peu près 2,02 enfants par femme. On sait qu’un des critères principauxde développement de la natalité, ce sont justement aujourd’hui les questions deconciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Maintenant, il reste énormémentde choses à faire.

Sans revenir sur ces deux adolescents sur trois qui voient le travail de leurs parentsstressant, voire très dur, sans parler des salariés qui voient que leur employeur ne faitpas grand-chose pour les aider, il y a beaucoup de choses encore à faire.

Deux mots en conclusion, je pense qu’il faut se battre contre deux fausses croyancesen France, la première qui associe la performance au temps de présence, et la secondequi associe la performance à la minimisation des coûts salariaux, et qui prend tous cessujets pour un coût brut alors que c’est un investissement pour l’avenir.

(Applaudissements.)

M. Olivier de Lagarde.- Monsieur Drouet, venez nous rejoindre à cette tribune.

M. Hervé Drouet.- Carrément à la tribune.

M. Olivier de Lagarde.- Vous êtes le directeur de la Caisse nationale des Allocationsfamiliales, c’est à vous qu’il appartient de conclure cette soirée. Avez-vous aimé cetteconversation, si vous dites non, cela va mal se passer. Qu’en retirez-vous ?

M. Hervé Drouet.- Je l’ai trouvée passionnante, c’est difficile de conclure après lesdeux mots qui viennent d’être prononcés par Jérôme Ballarin. C’est un peu sur cesmots que je souhaitais conclure.

M. Olivier de Lagarde.- Pas de chance !

M. Hervé Drouet.- Un clin d’œil, vous avez titillé, à un moment de la conservation,sur le reproche éventuel de paternalisme. Paternalisme est un mot qui a uneconnotation péjorative. Il faut se souvenir qu’au tout début, les allocations familialessont nées de la préoccupation d’un certain patronat social, qui n’était pas dénué

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d’arrière-pensées, mais qui a fait naître au fond les allocations familiales sur unmodèle qui était celui plutôt du sursalaire pour compléter l’absence d’activitéprofessionnelle de la femme, de la mère au foyer à l’époque, c’était tout de même lemodèle social, et on voit aujourd’hui les entreprises revenir sur ce terrain-là à traversla problématique de la conciliation vie familiale vie professionnelle. Les arrière-pensées n’ont pas forcément totalement disparu, mais elles sont devenues pluspositives à travers ce que vous avez dit sur le fait que cela a un coût, mais que c’estun investissement.

C’est sans doute plus qu’un projet d’entreprise, c’est un projet de société que de réussirà faire en sorte que l’un des maux fondamentaux de notre société, qui est lafragmentation des individus selon qu’ils sont pris comme consommateurs, pris commeparents, pris comme salariés avec une prédominance de la sphère économiquetechnico-marchande… Et donc, réussir à ce que les personnes soient prises dans leurglobalité, c’est un projet humaniste au fond. J’élève peut-être un peu trop les choses,mais on est tout de même sur des enjeux qui touchent à ces grands problèmes-là.

J’ai beaucoup apprécié dans cette conversation au travers d’approches concrètes, quel’on puisse mesurer ces choses-là, que les entreprises aujourd’hui reviennent sur cesproblématiques, et que les caisses d’Allocations familiales viennent les aider et leurapporter leur expertise. On a pu voir avec les témoignages de M. José Pons à quelpoint cette expertise est pointue, ce n’est pas qu’une affaire de financement maisvraiment d’accompagnement du montage des projets, c’est un peu cet aspect-là queje voulais souligner.

M. Olivier de Lagarde.- C’est parfait, merci à vous et merci à nos trois intervenants,qui ont été particulièrement brillants. Merci pour vos questions et merci de votrepatience. À bientôt pour de nouvelles conversations.

Deux mots pour finir, les minutes de ce colloque seront, bien entendu, grâce àmadame, disponibles très bientôt sur le site de la Cnaf.Vous serez très gentils de venirremplir vos questionnaires pour dire à quel point vous avez été emballés par cesconversations !

Contact : Véronique Kassai

Département Communication - Cnaf

Tél. : 01 45 65 52 50

Courriel : [email protected]

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Caisse nationale des Allocations familiales32 avenue de la Sibelle - 75685 Paris cedex 14

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