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MINISTERE DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT COMPTES-RENDUS DE JOURNEES D'ETUDE ___________________________________________________ S’ENGAGER SUR LA QUALITE DU SERVICE 26 JUIN 2001 Direction générale de l'administration et de la fonction publique Délégation interministérielle à la réforme de l'Etat

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MINISTERE DE LA FONCTION PUBLIQUE

ET DE LA REFORME DE L'ETAT

COMPTES-RENDUS DE JOURNEES D'ETUDE

___________________________________________________

S’ENGAGER SUR LA QUALITE DU SERVICE

26 JUIN 2001

Direction générale de l'administration et de la fonction publique

Délégation interministérielle à la réforme de l'Etat

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Sommaire

S’ENGAGER SUR LA QUALITE DU SERVICE

Introduction et cadrage général de la journée 1 Jacky RICHARD Délégué interministériel à la réforme de l’Etat, directeur général de l’administration et de la fonction publique

Les engagements de service à EDF-GDF Services: de la garantie des services à la démarche qualité 4 Gilles CHENIN Délégué clientèle à la direction EDF-GDF services

Les engagements de la direction générale des Impôts 12 Didier BROCHIER Mission Modernisation du management des services Philippe MAREINE Mission Qualité de service

La qualité au Commissariat de la Marine 20 Commissaire en chef Vincent MAYMIL Commissariat général de la Marine

Expérimentation du réseau MINinfo Réseau d’appui aux entreprises 29 Alain OSMONT Ingénieur en chef des Mines, membre de l’équipe projet MINinfo à la direction générale de la Comptabilité publique

Les engagements de service de la navigation Nord-Est 33 Pierre VERDEAUX Directeur du service de navigation du Nord-est

Présentation du guide méthodologique S’engager sur la qualité du service 38 Eric ALONSO Consultant d’INSEP Consulting

Table ronde : “ Les relations central – local dans les engagements de service ” 44 Une expérience européenne : Le projet de “ déclarations de service ” du gouvernement norvégien 57 Tore SIMONSEN Responsable du projet au ministère norvégien du travail et de l’administration

Conclusion de la journée d’étude 65

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S’engager sur la qualité du service

Introduction et cadrage général de la journée

Jacky RICHARD Délégué interministériel à la réforme de l’Etat

Directeur général de l’administration et de la fonction publique

Il n’est pas facile de se “ libérer ”en cette période de l’année, au cours de laquelle on doit terminer certains dossiers et où s’organisent de fréquentes réunions. Le mérite d’être présent aujourd’hui n’en est donc que plus grand et je vous en remercie.

Je suis très heureux d’ouvrir cette journée d’étude. Je suis encore, pour quelques jours, le « nouveau » délégué interministériel à la réforme de l’Etat, puisque j’ai pris mes fonctions depuis environ quatre semaines. Je me suis jeté à corps perdu dans les dossiers en cours. Parmi eux figurait en bonne place cette journée d’étude concernant l’engagement sur la qualité du service. C’est un sujet à la fois très banal, ou qui devrait l’être, et tout à fait exceptionnel. Je vais essayer de démontrer pourquoi cette apparente contradiction n’en est pas une. Il est très important d’échanger nos expériences, réussies ou non, sur la qualité, et je remercie les personnes autour de cette table qui vont présenter les leurs, réussies ou en voie de l’être. Mais il existe aussi une pédagogie de l’échec, beaucoup plus difficile à montrer. Quand nous comprenons pourquoi nous avons échoué, ce qui nous arrive à tous, nous avons peu l’occasion d’échanger nos expériences, sauf en cas de crise. Or je crois à la confrontation des expériences, réussies ou non.

La DGAFP-DIRE organise de nombreuses journées d’étude. Je mesure l’effort qu’elles représentent pour ceux qui les préparent et les animent. C’est un important travail dans une démarche de modernisation. J’ai moi-même eu le plaisir de participer à certaines d’entre elles. Il y a deux ou trois ans, je suis intervenu dans une journée d’étude sur la GRH. La dernière s’est tenue il y a deux mois, sur la GPEEC, la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences. J’y ai participé en tant qu’auditeur, à votre place, alors que j’étais encore à la tête de l’Inspection générale de l’administration au ministère de l’Education nationale. Dans ce grand ministère, la gestion prévisionnelle des effectifs est un sujet porteur de sens. Je suis donc personnellement très attaché à ces journées, en tant qu’usager et maintenant en tant que délégué interministériel à la réforme de l’Etat.

La présente journée se situe dans une double continuité. Les précédents comités pour la réforme de l’Etat (CIRE) ont déjà tracé des voies. Le plus difficile, c’est de tenir ces engagements. Nous avons bien sûr des objectifs et des calendriers, mais il reste à définir les voies et méthodes. La seconde continuité concerne les travaux entrepris par nos partenaires européens. Dans le cadre de l’Union européenne, des réflexions communes sont engagées sur la qualité, sujet transfrontalier. La présidence portugaise a lancé une réflexion importante à Lisbonne, il y a un an environ. La présidence danoise, qui suivra la présidence belge, souhaite faire de la qualité un temps fort de l’exercice de son mandat. Une importante manifestation est déjà programmée dans un an, à Copenhague. Elle constituera le pendant de la manifestation de Lisbonne, où des pistes avaient été ouvertes. J’ai pu assister à une réunion sous la présidence suédoise, au mois de mai dernier, au cours de laquelle les Danois ont présenté l’organisation de future conférence. Notre réflexion se place donc dans une perspective plus large que nos affaires nationales.

Les comités interministériels pour la réforme de l’Etat ont naturellement souligné la place centrale que l’usager doit occuper dans le service public. Nous avons des comptes à rendre à cet usager, qui apparaît en fait pour la première fois dès l’article 15 de la Déclaration des Droits de l’homme et du

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citoyen. Plus largement, le CIRE, en particulier dans sa session du 12 octobre 2000, ont incité les ministères à élaborer et à publier une déclaration de politique générale portant sur la qualité. Pratiquement tous les ministères l’ont fait. Cet affichage des intentions constitue une première étape. Au-delà, et le CIRE le prévoit, tous les services déconcentrés et établissements publics doivent s’engager, avant la fin de l’année 2001, dans une démarche de qualité. Le service rendu se fait en effet au niveau territorial des politiques publiques, au niveau des services déconcentrés et des établissements publics. La complémentarité de la démarche, administration centrale – services déconcentrés, s’impose donc.

Au sein de l’Union, qui mène des travaux intéressants, la comparaison entre pays montre les différences de culture et pointe des convergences et des divergences, confrontation d’où naît toujours un progrès. Des documents ont été élaborés, notamment une démarche d’auto-évaluation des services publics. La version française de cette démarche est la disposition de toutes les administrations qui souhaitent réaliser un bilan collectif de leur fonctionnement et veulent une appréciation, aussi objective que possible, de leurs résultats. Vous la trouverez sur le site internet de la fonction publique, portail qui connaît d’ailleurs un vif succès.

La présente journée d’étude vise à mettre en lumière certains aspects majeurs de la question de l’engagement. Le terme “ engagement ”, moqué par certaines expressions comme “ engagez-vous, rengagez-vous ”, est très fort et traduit bien l’implication forte des agents dans les projets. S’engager, c’est indiquer à l’avance les caractéristiques du service sur lesquelles l’usager doit pouvoir compter. C’est aussi produire cette qualité. C’est, enfin, s’assurer que l’on a réalisé ce que l’on avait engagé.

Les techniques ne s’inventent pas, et les personnes qui y ont travaillé ont du mérite, car elles ont fait œuvre de pionniers. Se lancer dans des démarches d’engagement de service constitue, en soi, un projet. Ce projet nécessite un appui des services centraux, mais il doit aussi venir de la base. Nous essayons modestement d’apporter notre appui à ce double mouvement. Un centre de ressources sur la qualité, prévu par le CIRE du 12 octobre 2000, est en cours de constitution. Sans attendre sa mise en place, nous avons déjà produit, à l’intention de ceux qui veulent s’engager, des documents méthodologiques tirés de l’expérience de ceux qui ont déjà ouvert la voie. Je signale évidemment l’existence du guide S’engager sur la qualité du service, qui figure dans votre mallette.

Pour permettre un recul sur plusieurs années d’engagement, nous avons demandé à Gilles Chénin, d’EDF-GDF, de présenter plusieurs années d’engagement d’EDF-GDF sur la qualité. Le mot, si l’on tient compte des vicissitudes internes et externes que cette grande entreprise a traversées, n’est pas vain. Vous pourriez objecter qu’EDF-GDF est largement ouverte sur l’extérieur et que, bien que d’origine administrative, elle a aussi une culture d’entreprise. Pour contrer l’objection, nous avons jugé utile de présenter aussi des démarches “ qualité ” d’administrations plus classiques : la direction générale des Impôts, le Commissariat général de la Marine, la direction de la Comptabilité publique et le service de la navigation Nord-Est. Autrement dit, des politiques publiques d’une nature variée.

Cet après-midi, après une présentation du guide méthodologique, nous examinerons les relations entre les administrations centrales et les organismes locaux, à partir de l’expérience de l’ACOSS et de la CNAV. Quel pilotage ? Quelle aide ? Quels échanges d’informations ? Quels résultats ? Quelles relations interactives entre services centraux et déconcentrés en matière de qualité ? Nous entendrons également le directeur de l’URSSAF de Charente-Maritime et la responsable du département “ retraite ” de la Caisse nationale d’assurance maladie des Pays de Loire.

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Enfin, nous avons souhaité la présence d’un représentant étranger, en la personne de Tore Simonsen. Il nous présentera la politique d’engagement de l’administration norvégienne.

Martine Guesnier a accepté d’animer la journée. Elle est directrice d’hôpital, chef du service qualité, accréditation et sécurité sanitaire à l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris. Je suis sûr qu’elle saura donner à la journée un surplus d’efficacité et de convivialité.

Martine GUESNIER

Je remercie Jacky Richard et Pierre Séguin de m’avoir fait confiance pour animer la journée. Il est peu habituel que des représentants de la fonction publique hospitalière soient parmi vous. Directeur de la qualité dans plusieurs hôpitaux, j’ai constaté les difficultés et apprécié les réussites de plusieurs démarches “ qualité ”. Je me réjouis donc d’être parmi vous. L’expérience montre que ces démarches s’essoufflent. Il faut les redynamiser par la mobilisation de l’ensemble des acteurs. Aux Hôpitaux de Paris, nous sommes aujourd’hui inscrits dans une démarche d’engagements de service qui nous semble fédératrice d’énergies, autour de valeurs que nous partageons avec le personnel et nos partenaires.

Je serai chargée du timing : je ferai très attention à ce que nous respections les temps de la journée. Je serai aussi chargée de l’animation, dans laquelle je mettrai tout mon cœur et mon énergie. Sachez aussi que je suis très intéressée par ce que les orateurs diront, et les questions que vous poserez serviront à m’enrichir, pour retourner vers les Hôpitaux de Paris et leur apporter le fruit de votre expérience. Merci à vous de m’avoir invitée.

Je passe tout de suite la parole à Gilles Chénin, directeur de la clientèle à EDF-GDF. Il va nous faire bénéficier de la longue expérience d’EDF. Malgré nos différences de statut, nous saurons tirer profit de son expérience.

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Les engagements de service à EDF-GDF Services

De la Garantie des Services à la Démarche Qualité

Gilles CHENIN Délégué clientèle à la direction EDF-GDF services

Je voudrais d’abord vous remercier de l’honneur que vous faites à EDF-GDF d’ouvrir les présentations de cette journée. Je vais essayer d’honorer le statut de “ vénérable ancien ” des engagements de qualité que vous m’avez conféré. Mais je vais aussi montrer qu’une telle démarche est une longue pratique qu’il faut sans cesse remettre en cause.

Je retracerai l’évolution d’EDF-GDF Services, direction commune aux deux entreprises, pour ce qui concerne le service à la clientèle et la façon dont, depuis 1994, date de lancement de la Garantie des Services, nous avons évolué vers des démarches qualité.

I. 1994 : la Garantie des Services : neuf engagements pour améliorer le service à la clientèle

Vous connaissez la Garantie des Services. En 1994, nous avons lancé, à grands renforts de communication nationale, neuf engagements. Huit portent sur la précision et les délais de réalisation des prestations les plus courantes. Il s’agit : • de dépannage, en électricité comme en gaz ; • d’interventions pour les motifs les plus demandés par nos clients : mise en service, résiliation,

travaux ; • d’un délai de courtoisie dans les réponses, notamment écrites, à nos clients ; Quant au neuvième engagement, c’est un engagement de résultats : il consiste à verser une somme de 150 francs en cas de défaillance constatée sur l’un des huit premiers engagements. Il donne du “ prix ” à la démarche.

La Garantie des Services est adressée à la clientèle grand public. Il a donc fallu respecter certaines conditions pour lui donner un impact, et se donner le temps d’élaborer les engagements de service.

L’étude d’opportunité a duré plus d’une année. Elle a inclus : • des enquêtes quantitatives et qualitatives auprès des clients ; • l’étude des pratiques d’autres distributeurs, en France et en Europe, dans nos activités et dans

des activités radicalement différentes (grande distribution). Darty avait par exemple lancé une opération en 1994 avec le même objectif ;

• des réflexions approfondies, notamment avec des associations de consommateurs.

Le fil directeur a consisté à adopter une « logique client » pour mettre en évidence des services qui répondent fortement aux attentes des clients. Ce premier principe nous a guidés avant tout autre. Il fallait aussi que ces engagements se rapportent à notre cœur de métier. Ainsi, ils pouvaient être perçus comme garants de la légitimité de la démarche et assurer la forte visibilité de notre professionnalisme. Le respect du temps du client est également un élément essentiel de la relation. Nous sommes à sa disposition et respectueux de son temps, pas l’inverse. Enfin, la garantie de 150 francs renforce la crédibilité de l’engagement. La défaillance, en somme, n’est pas gratuite.

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II. Les objectifs poursuivis par la Garantie des Services

Je recenserai trois grands objectifs poursuivis par la Garantie des Services : • L’objectif externe : installer et renforcer l’image d’un service public moderne que les dirigeants

de nos deux grandes entreprises voulaient donner à EDF et GDF il y a aujourd’hui sept ans. Nous voulions manifester cette image le plus fortement possible.

• L’objectif interne : tourner davantage le personnel vers le client, développer l’initiative en ce

sens, développer la confiance, mobiliser autour des valeurs clients, spécifier, mesurer. Ce qui se mesure s’améliore : c’est l’un des objectifs qui sous-tendaient l’ensemble de la démarche. Pour nous, c’est une démarche de progrès qui vise à améliorer l’ensemble de nos prestations.

• Déjà, au cours des années 1990, nous avions pleinement conscience des perspectives -qui se

concrétisent aujourd’hui- d’ouverture du marché à la concurrence. Il nous fallait, à travers cette Garantie, donner des signes forts de notre capacité à être, plus que jamais, au service du client.

III. Les conditions à réunir et les facteurs clés de succès

Les engagements doivent être visibles, clairs et faciles à comprendre. C’est un élément clé pour la mémorisation et l’intelligibilité de la démarche, en direction de la clientèle comme de l’interne. Il est intéressant d’effectuer après coup des tests de mémorisation, pour comprendre qu’il faut rester très modeste dans ce type de démarche.

La contrepartie financière est versée avec peu de clauses restrictives. L’objet n’est pas de s’assurer que la somme est toujours versée à bon escient. Son versement repose avant tout sur la confiance : confiance dans le client qui nous signale la défaillance, confiance dans l’agent qui est le plus souvent générateur du versement de la défaillance.

Il ne faut ni garantir l’évidence ni garantir sans risque. Deux écueils sont en effet possibles. D’abord, promettre des services forcément attendus par l’usager : pas question par exemple de s’engager sur l’exactitude de notre facturation ! Certes, elle peut parfois souffrir de quelques défauts, mais c’est l’un des éléments de base sur lequel nous devons être irréprochables. Il ne faut pas non plus garantir sans risque, c’est-à-dire garantir des services que nous savons parfaitement remplir. La démarche perd alors toute capacité motrice dans le progrès que nous voulons parcourir. Nous devons donner l’image d’une entreprise et d’un service public qui veut toujours faire plus pour servir son client.

Enfin, un facteur de réussite très important réside dans le fait que le terrain doit être fortement préparé. Nous avions déjà, en 1994, des atouts : la culture client était déjà bien implantée par certaines pratiques, telles que l’écoute systématique de la clientèle et la mesure de la satisfaction à l’issue de nos prestations. En interne, nous vivions aussi sous le régime de pratiques managériales en forte évolution, fondées sur la responsabilisation de l’ensemble des agents, notamment sur l’atteinte d’objectifs de qualité de service à la clientèle.

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IV. Les résultats et les limites

1. Un succès incontestable

La Garantie des Services a rencontré, dès les premières années, un succès incontestable en externe. Les mesures d’image que nous avons effectuées ont montré de forts progrès inconnus jusqu’alors. La clientèle a fortement adhéré au principe même de l’engagement de service. Nous avons également eu un important gain d’image, puisque, selon des études annuelles, l’image d’EDF-GDF a progressé en 1994 et 1995 de quatre points. En interne, nos agents ont en grande majorité très bien perçu les enjeux, même ceux d’entre eux qui ne sont pas au contact de la clientèle.

La Garantie des Services donne lieu à mesures. Nous nous attachons ainsi à mesurer le taux de défaillances. Chaque mois et en années mobiles, nous mesurons le nombre de chèques versés par rapport au nombre de clients. Ce taux a été exceptionnel lors de périodes très particulières : l’année de lancement (1994) et la fin de l’année 1995, du fait d’un conflit social généralisé pendant lequel nous avons continué à appliquer la Garantie des Services. En dehors de ces périodes, le taux de défaillance est toujours resté en-deçà de 1 ‰ clients. Nous avons atteint un minimum en l’an 2000, avec un taux de défaillance de 0,78 ‰ clients, soit environ 22 000 chèques sur nos 30 millions de clients desservis. Cela représente bien sûr trois millions de francs, ce qui est peu par rapport à nos budgets de fonctionnement, et surtout par rapport à l’ensemble de nos gains en termes de performance.

2. Les limites

Le recul que nous avons aujourd’hui nous permet de mesurer les limites de la Garantie des Services, que j’ai rassemblées en quatre points.

La Garantie des Services constitue seulement un engagement de résultat final. Elle s’intéresse peu à la manière dont le résultat est obtenu. Son intérêt réside dans le fait qu’elle est largement laissée à l’initiative des agents dans le service. Elle n’est pas là pour “ normaliser ” la chaîne de production du service. Cela représente une des limites, avec un risque d’essoufflement. Cela ouvre aussi la porte à des “ petits arrangements ”, puisque la Garantie est pour l’essentiel fondée sur un système déclaratif.

En outre, une perversion possible existe : une utilisation trop managériale de la Garantie qui la détourne de sa vocation principale, le service au client. En certains lieux, nous constatons qu’elle est devenue un simple instrument de mise « sous pression » des agents à des fins purement managériales.

Le contexte évolue également. Les engagements pris dans la Garantie des Services sont toujours attendus des clients, .mais d’autres attentes apparaissent, liées à la montée des exigences du fait du développement des entreprises de service. Il faut donc sans cesse adapter nos systèmes en direction de la clientèle.

Produire la Garantie des Services se vit au quotidien. La conscience que chaque client en a s’effiloche au fil du temps. Maintenir un tel système nécessite donc un effort intense de communication, sinon le dispositif peut s’enliser dans les sables de l’oubli.

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V. 1999 : l’accessibilité 24 heures sur 24, sept jours sur sept. “ Des services disponibles en toute liberté ”

En 1996-1997, nous nous sommes demandés si nous allions étoffer le bouquet de services de la Garantie des Services ou nous engager dans des directions complémentaires et différentes. Nous avons opté pour la deuxième solution, en partant du constat qu’au-delà des services une attente fondamentale existait à laquelle nous devions répondre : la disponibilité des services et leur accessibilité.

Ce constat nous a conduits, en 1998-1999, à renforcer l’infrastructure des centres d’appel en instaurant des standards : nous avons un service clientèle qui fonctionne 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Il s’agit bien d’un service « clientèle », et non du service de dépannage, qui fonctionne évidemment 24 heures sur 24. Il offre un délai de réponse rapide, élément clé pour compléter notre vocation d’entreprise au service de la clientèle.

VI. Aujourd’hui : la Démarche Qualité

Tous ces dispositifs sont aujourd’hui en place et continuent à fonctionner. Nous constatons néanmoins que nos engagements de toutes natures (Garantie de Services, mais aussi Gaz de France s’engage ou les services aux entreprises) nécessitaient la mise en œuvre de démarches beaucoup plus globales. Ce constat est renforcé d’une part par la conjoncture d’ouverture des marchés et les réorganisations qu’elles impliquent, d’autre part par l’impact sur la satisfaction de la clientèle. Elle n’est en effet pas censée savoir que nous sommes dans des démarches de réorganisation permanente.

Dans cet esprit, nous avons mis en place une démarche de qualité totale fondée sur des éléments de contexte : • l’évolution des contraintes managériales, entre logiques territoriales et logiques par métier ; • le poids de la concurrence ; • les exigences croissantes de la clientèle qui trouve de plus en plus de fournisseurs capables de

se prévaloir de marques de qualité ; • une externalisation vers la preuve de la compétence et l’appel des certifications.

A nos yeux, certains éléments conditionnent la réussite d’une telle démarche : • la motivation de l’encadrement ; • la légitimité du projet pour l’ensemble du personnel ; • la démarche, qui doit être au cœur des préoccupations de l’entreprise, faire l’objet d’une

volonté stratégique et durable de l’entreprise ; et offrir des points de repère forts pour l’ensemble du personnel, déboussolé par les réorganisations.

• Je termine sur ce qui nous paraît nécessaire parmi les conditions de réussite : • une démarche forte et structurée, ce qui passe par un engagement fort de la direction ; • des moyens, sans quoi il n’est pas possible d’entreprendre ces démarches qui reposent sur des

techniques, des méthodes, de la communication, de la formation ; • une volonté inscrite dans la durée, donc une planification ; • une démarche de qualité qui doit rester tournée vers son bénéficiaire, le client.

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Tels sont donc les enseignements que nous tirons de nos sept années d’expérience. Je vous remercie de votre attention.

Martine GUESNIER

Monsieur Chénin, votre rigueur est à la hauteur de notre engagement sur votre prestation. C’est un modèle. Je passe maintenant la parole à la salle.

Bertrand de QUATREBARBES, France Qualité Publique

Vous avancez que les démarches d’engagement sont très orientées vers les clients/usagers. Les élaborez-vous avec les usagers et leurs associations ? Ou les élaborez-vous d’un point de vue interne, à la suite de sondages ? Vous dites aussi qu’elles doivent s’appuyer sur une politique structurée de qualité. Cela concerne-t-il l’ensemble d’EDF-GDF, ou bien la ou les directions engagées dans la démarche ? Peut-on prendre des engagements, sans avoir une démarche qualité structurée faisant participer les usagers et le personnel ?

Gilles CHENIN

Sur le premier point, la démarche est à la fois marketing et en collaboration avec les clients/usagers. C’est une démarche marketing dans la mesure où existent des objectifs d’image et de position de l’entreprise dans un marché de plus concurrentiel. Mais nous disposons aussi de deux sous-ensembles qui assurent la crédibilité de la démarche de notre service public : • des batteries d’enquêtes très vastes de mesure de la satisfaction ; • des rencontres fréquentes avec les associations de consommateurs aux niveaux central et local.

Nous avons aussi différentes formules d’échange avec les clients/usagers (tables rondes, réunions de quartier, etc.).

Nous pensons donc que nos engagements sont étroitement ciblés sur d’authentiques attentes de la clientèle.

Concernant la structure de la démarche, la Garantie des Services isolait au départ le phénomène « client » par rapport au reste de l’entreprise, pour lui faire jouer un rôle moteur. Or, il est un peu naïf de croire que l’exigence client va seule entraîner le reste de l’entreprise dans des démarches vertueuses de qualité. C’est une condition nécessaire, mais pas suffisante. Aujourd’hui, nous sommes dans une démarche de qualité totale, sinon nous nous trouverions face à une entreprise à deux vitesses.

Martine GUESNIER

La troisième question concernait l’engagement de service sans démarche de qualité.

Gilles CHENIN

Nous l’avons fait, mais cet engagement ne suffit pas. Il faut une démarche globale.

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Martine GUESNIER

Nous avons bien retenu les deux notions prioritaires : l’écoute du client et surtout la mobilisation interne sur la relation client – fournisseur.

Guy PUTFIN, UNSA Fonctionnaires

Vous avez parlé de la mesure de la défaillance, basée notamment sur la confiance des agents. Je voulais savoir si des répercussions, et de quel type, avaient eu lieu sur les agents. Vous avez également parlé de déviations managériales et de mise sous pression. Je voudrais quelques éléments sur le côté interne de l’entreprise, également très important.

Gilles CHENIN

L’esprit de la démarche n’est pas de sanctionner la défaillance une deuxième fois, en interne. Un rendez-vous manqué (nous donnons une précision de deux heures si le client le demande) conduit l’agent à signaler la défaillance et à verser le dédommagement au client. Le système fonctionne bien : nous arrivons à échapper à l’écueil de faire de la sanction interne l’objectif essentiel de la Garantie des Services. Le système n’est pas parfait : des garanties qui devraient être versées ne le sont pas, par exemple. L’objet est d’avoir un élément symbolique, pour le client et pour nous, sur le prix que nous attachons à l’engagement de service.

Evidemment, la limite, qui reste très marginale, est une volonté “ tatillonne ” de certains responsables, qui attachent trop d’importance à la mesure étroite de la Garantie des Services. Lorsque la démarche est inscrite dans un cadre plus large, on échappe à ce travers.

Martine GUESNIER

Cela signifie-t-il que parfois, il y a eu des sanctions ?

Gilles CHENIN

Non, pas à proprement parler. Si la défaillance d’un agent est répétitive, la Garantie des Services n’en est pas l’indice. Nous avons en général réagi avant.

Martine GUESNIER

A contrario, y a-t-il un intéressement ?

Gilles CHENIN

Pas du tout. Cela fait partie du travail bien fait.

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Frédéric SENEZE, ministère de l’Education nationale

Comment la démarche s’est-elle déroulée en interne ? Tous les agents étaient-ils d’accord ? La permanence 24 heures sur 24, sept jours sur sept, a-t-elle nécessité de nombreuses négociations ? Y a-t-il eu des oppositions ? J’ai noté avec intérêt la nécessité de l’impulsion d’en haut. Mais, vous avez moins parlé de la manière dont les personnels ont réagi.

Gilles CHENIN

Sur la première phase de 1994, mes souvenirs sont anciens. Mais ce projet a d’emblée suscité une très forte adhésion de la part du personnel. Il y a peut-être eu certains doutes sur la capacité de parvenir aux objectifs. Les appréhensions ont été rapidement levées, parce que les niveaux de services étaient réalisables, bien qu’exigeant certains progrès.

La mise en place du 24 heures sur 24, sept jours sur sept, a été plus difficile. Beaucoup doutaient de la nécessité d’offrir un service de cette nature. Nous avons mis en place cet engagement dans le cadre de la réduction du temps de travail et de l’allongement de la disponibilité. La contrepartie interne, dans les négociations sociales sur les 35 heures et même les 32 heures, était un accroissement de la qualité de service, en jouant sur l’allongement de la disponibilité.

Martine GUESNIER

Concernant le dialogue social, le personnel vous a-t-il questionné sur les fréquentations et le H24 ?

Gilles CHENIN

Oui. Aujourd’hui encore, dans les instances appropriées, nous rendons compte du bien fondé de la position. Beaucoup pensaient qu’offrir un service à la clientèle 24 heures sur 24 pour des questions classiques était superfétatoire. En fait, nous avons un trafic significatif, contre toute attente, même au cœur de la nuit. Il va de pair avec l’évolution des mœurs de la clientèle. A partir du moment où les clients ont identifié qu’un service existe même le dimanche, ils en usent spontanément.

Jean-Claude GINOUX, direction centrale du matériel de l’armée de l’Air

Concernant les tenues d’engagement, faites-vous des bilans constants sur les moyens, surtout en personnel ? Ou ouvrez-vous le droit à des créations de postes, notamment sur l’engagement 24 heures sur 24 ?

Gilles CHENIN

Nous nous trouvons dans une contrainte forte d’amélioration de la productivité. Nous avons aussi une réallocation interne de certaines ressources. Tout ce qui a trait à la clientèle a depuis dix ans mobilisé des ressources plus importantes. Mais, d’une façon globale, les budgets de fonctionnement d’EDF-GDF dans le domaine de la distribution sont en diminution. Nous avons un devoir de compétitivité accentué, et qui va l’être encore plus avec l’entrée en concurrence. Une partie de notre activité va être régulée par la Commission de Régulation de l’Electricité, qui va

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nous imposer des objectifs de compétitivité croissante. La mise en place des 35 heures a cependant quelque peu renchéri les coûts.

Martine GUESNIER

Merci. Nous allons garder des questions pour les personnes suivantes. Nous allons maintenant étudier la faisabilité du transfert. Jacky Richard soulignait les différences qui existaient entre nos organisations. Nous allons voir comment la direction générale des Impôts, avec Didier Brochier et Philippe Mareine, a pu appliquer des objectifs de qualité.

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Les engagements de la direction générale des Impôts

Didier BROCHIER Mission Modernisation du Management des Services

Philippe MAREINE Mission Qualité de Service

I. Une pratique de responsabilisation dans le pilotage de l’organisation

Didier BROCHIER

La direction générale des Impôts est essentiellement connue pour son aspect régalien. Elle arrive à une démarche d’affichage de certains engagements envers les usagers. Nous avons choisi de retracer le temps nécessaire pour parvenir à cette démarche. Comment une administration de 80 000 personnes s’est-elle approprié une démarche de responsabilisation ? Nous allons d’abord vous apporter le témoignage de la mise en place d’un pilotage par la responsabilisation. Ensuite, Philippe Mareine vous présentera la nouvelle étape, après des engagements internes.

1. Une décennie de pilotage par les résultats

Depuis le début des années 1990, la direction générale des impôts a mis en place un pilotage par la responsabilisation. C’est une administration de réseau, avec 107 administrations départementales. Pour mettre en place ce type de management, nous avons notamment utilisé des indicateurs de mesure de la performance, et une méthode d’association des agents aux décisions et discussions sur les modalités de travail.

La responsabilisation passe d’abord par un processus de déconcentration. Alors que la DGI était très hiérarchisée, elle a donné beaucoup de responsabilité à ses directeurs des services fiscaux, dans les départements. Il a alors été nécessaire de mettre en place un contrôle de gestion, pour mettre en cohérence l’action des directeurs départementaux. Le but poursuivi était de garantir la cohésion et d’optimiser les ressources qui nous étaient allouées. Avec la mise en évidence de priorités, il fallait montrer quels résultats étaient attendus de chaque service.

2. Les outils : les indicateurs

Nous avons mis en place des outils pour mesurer la performance. Dans une administration financière, nous disposons de dizaines de séries statistiques. Le but était ici de rechercher des éléments significatifs de la nature de l’activité d’un service. Nous avons mis en place un tableau de bord au niveau des directeurs départementaux, avec une quarantaine d’indicateurs seulement. Ils permettent d’avoir une photographie des points forts et faibles d’un service. Ces outils de mesure de la performance ont été nécessaires pour savoir d’où nous partions et le type de service que nous produisions. Ils ont été établis en parfaite concertation avec les directeurs. Il était nécessaire que tous aient la même connaissance des instruments de mesure utilisés.

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Activité Qualité Efficience Assiette Traitement des

déclarations (%) Taux de dégrèvement

(%) Production/effectifs

disponibles Contentieux Couverture de la

charge (%) respect des délais

préfixés …

Recouvrement Couverture des charges de l’année (%)

délai moyen de recouvrement (en mois)

Montant recouvré/agent des

recettes

Le tableau ci-dessus, reprenant partiellement le tableau de bord, montre comment nous mesurions, au milieu des années 1990, l’activité des services. Cette mesure était structurée en trois parties – activité, qualité et efficience – pour les différentes missions de la DGI. Il s’agit ici de qualité interne. Des indicateurs permettent de mesurer la performance de tous les services, en relatif. On peut connaître les résultats pour chaque direction. Nous avons défini cinq groupes de directions sur le territoire national, pour pouvoir effectuer des comparaisons. Nous savons ainsi comment nous évoluons dans le temps, mais aussi par rapport à d’autres directions qui ont le même tissu. Ces outils nous permettent d’avoir une image synthétique de la situation d’un service, que nous appelons “ le radar ”. C’est un moyen pour se questionner, dans le cadre du dialogue de gestion. Nous avons donc mis en place une culture de la mesure de l’activité.

3. Une méthode : la démarche DPA

La méthodologie s’appuie sur une gestion participative, avec les agents et les cadres. Nous avons généralisé cette méthode dans tous les services. Nous faisons d’abord un diagnostic de la situation, au début de chaque année. Les instruments de mesure nous permettent d’observer comment évoluent les prestations. Nous pouvons alors dégager rapidement des priorités, si nous analysons bien les dysfonctionnements. Nous construisons alors de véritables plans d’action dans les services, avec des calendriers, des mesures à prendre, des responsables et des relations entre les services. Nous fixons dès lors un objectif chiffré, cible à atteindre dans les services.

Après l’application de cette méthodologie dans les services locaux, nous avons mis en place un dialogue de gestion structuré qui a évolué vers le contrat. Par exemple, quand un directeur entre en fonction, il doit évaluer la situation de son service et définir des priorités et des objectifs. Deux ans après, le directeur et son équipe sont évalués sur les résultats obtenus par rapport aux objectifs prioritaires Ils sont évalués par le directeur général et les représentants des principales missions et bureaux de moyens de l’administration centrale. Un dialogue de gestion structuré permet donc d’évaluer les résultats obtenus.

Pour résumer, nous avons mis en place une politique de déconcentration, pour prendre les décisions les mieux adaptées à la situation locale. En contrepartie, l’action des directeurs départementaux est mise en cohérence par un contrôle de gestion et une contractualisation, entre le directeur général et chaque directeur. Une méthodologie d’association des agents et des cadres optimise l’utilisation des ressources et met en cohérence l’ensemble des missions. Après cette démarche de sept ans, largement interne, nous nous sommes posé la question de la progression possible des engagements de la DGI. Cette question est apparue dans le cadre d’un contrat négocié entre la direction générale des impôts et la direction du budget.

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II. Une nouvelle étape : des engagements vis-à-vis des usagers du service public

Philippe MAREINE

Nos engagements en matière de qualité de service sont beaucoup plus récents que ceux d’EDF. Il fallait auparavant que nous fassions un travail de pilotage et de management par objectifs, avant de pouvoir s’engager dans une démarche qualité.

1. Nos options stratégiques : promouvoir le civisme fiscal

Notre idée de départ sur les engagements de service n’était pas de soigner notre image. On peut penser que la direction générale des Impôts a besoin d’améliorer son image. Notre image est au contraire très liée à notre mission.

Nous partons de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme pour expliquer la démarche de qualité de service. Cet article stipule que “ pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ”. Notre orientation fondamentale est d’essayer de promouvoir le civisme fiscal, c’est-à-dire de créer les conditions pour l’adhésion des Français à l’impôt.

La manière traditionnelle pour faire progresser le civisme fiscal consiste à maîtriser le système déclaratif et à lutter contre la fraude fiscale : c’est l’administration de contrôle. Depuis 1998, nous avons déterminé qu’il fallait améliorer la qualité des services rendus à nos usagers. On peut penser qu’administrations de service et de contrôle s’opposent. Ils sont en fait très complémentaires. Nous partons du principe “ mieux vaut prévenir que guérir ”. Pour prendre l’exemple de la RATP, assurer un service au client n’empêche pas de faire la chasse aux fraudeurs. A partir du moment où nous aurons un service irréprochable pour l’usager, nous pourrons être impitoyables sur le contrôle puisque nous n’aurons pas de fraudeurs “ de bonne foi ”.

L’engagement de service n’existe pas seulement pour satisfaire l’usager. Il est bien sûr gagnant : il obtient un meilleur service. La collectivité des contribuables est également gagnante : on peut en effet espérer une amélioration du rendement de l’impôt. Les agents sont aussi gagnants : la non-qualité a un coût, la surcharge de travail pour les agents. Lorsque l’on n’arrive pas à joindre son centre au téléphone, on rappelle. S’il n’a toujours pas le renseignement, il rappelle encore ou se déplace. Il n’y a plus un seul mais quatre ou cinq contacts.

Nous avons quatre engagements concernant les objectifs : • améliorer la qualité du service rendu à l’usager, qui figure en tête de nos engagements ; • assurer le bon fonctionnement du système déclaratif ; • préparer l’administration fiscale électronique. En élaborant un compte fiscal unique du

contribuable, nous essayons aussi d’améliorer la qualité du service rendu à l’usager. • faire bénéficier les agents de la modernisation de la DGI, qui est plus lié à la réduction du temps

de travail.

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2. Le pilotage opérationnel

Comment s’organise notre contrat d’objectifs et de moyens ? La DGI s’est engagée pour trois ans, en signant un contrat par l’intermédiaire du ministre. Elle s’engage sur des objectifs, et en contrepartie bénéficie de ressources. Ce contrat d’objectif est ensuite décliné en interne, comme l’expliquait Denis Brochier.

Comment nos réflexions sur la qualité ont-elles démarré ? Nous sommes partis du “ carré magique ” classique de la qualité. Notre démarche étant très récente, nous n’avons pas approfondi toutes les faces du carré. La qualité attendue par nos usagers a trait à l’accessibilité du service public. La qualité voulue par la DGI correspond à certains engagements que nous avons pris. La qualité réalisée est constituée par l’interrogation sur le système de mesure de nos engagements. La qualité perçue par nos usagers apparaît dans les sondages mesurant leur satisfaction.

Nous avons pris cinq engagements pour améliorer la qualité de service : • La réception sur rendez-vous doit être généralisée : la réception était en général limitée à deux

demi-journées. Cet engagement consiste donc à pouvoir offrir des rendez-vous dans les plages habituelles de travail, mais à la convenance de l’usager, ce qui nécessite un grand effort d’organisation du travail.

• Aucun appel téléphonique ne doit rester sans suite. Cet engagement semble partagé par beaucoup d’administrations. Il faut que chaque personne qui appelle joigne le bon interlocuteur et, si possible, obtienne une réponse immédiate.

• L’envoi à domicile des formulaires et dépliants est une attente des contribuables pour éviter de se déplacer dans les centres.

• Il faut lever l’anonymat physique (agents à l’accueil), téléphonique (possibilité de présentation au téléphone), épistolaire (savoir qui suit le dossier en cas de correspondance administrative). Ce dernier engagement est d’ailleurs une obligation légale depuis peu de temps.

Nous nous engageons à respecter ces standards de qualité avant la fin de l’année 2002. Nos engagements sont publiés dans tous les centres. Enfin, nous mesurons les résultats.

3. La mise en œuvre et le soutien

Je veux vous faire part des difficultés ou de la manière dont nous comptons mettre en œuvre les engagements.

En matière d’organisation, la DGI a effectué un constat : il n’existait pas de structure dédiée à la qualité de service. Nous avons une organisation basée sur les métiers. Or, la qualité de service est un sujet transversal. Il était donc difficile d’assurer un pilotage unique, sans mission dédiée à ce projet. La mission « Qualité de Service » est une petite équipe de quatre personnes placée auprès du directeur général. Ne pouvant porter seule l’ensemble de la démarche qualité, elle s’appuie sur un réseau de correspondants Qualité. Ces correspondants départementaux ont des responsabilités au niveau interrégional. Un groupe projet a en outre été créé. Il réunit des représentants qualité représentatifs du réseau et des responsables des différents bureaux de l’administration centrale pour traiter les sujets transversaux.

En termes de méthode, nous avons trois enjeux.

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Le premier concerne la communication. Contrairement à EDF, nos résistances culturelles sont très fortes. Pour susciter l’adhésion au projet de qualité de service, il faut vaincre ces résistances par différentes méthodes : des argumentaires, des séminaires, l’introduction de la qualité dans les programmes de formation, initiale ou continue. J’ai noté quelques-unes des questions que nous entendons sur le terrain : « pourquoi faites-vous tant de communication autour de la qualité, alors que nous rendons déjà un service de qualité ? Pouvons-nous obtenir une qualité de service, alors que nous devons déjà gérer des dysfonctionnements ? » Nous entendons aussi certaines remarques : « c’est à la direction générale de commencer la démarche de qualité ; pour rendre une qualité de service, nous devons obtenir des moyens supplémentaires… »

Le deuxième enjeu est la mesure de la qualité de service. Elle revêt un aspect essentiel face aux réactions des personnes qui arguent que nous rendons un service de qualité depuis toujours. Nous sommes engagés dans deux campagnes de mesure en 2001 et 2002, avec quelques difficultés. Il s’agit en effet d’opérer une distinction nette entre la qualité perçue par le contribuable et la qualité objectivement réalisée. Lorsque nous mesurons uniquement la qualité perçue par le contribuable, il existe un risque très important de déception des agents. Ils ont fait des efforts pour respecter les standards de qualité, mais les enquêtes de satisfaction ne sont pas à la hauteur des espérances. Il s’agit alors de doubler ces sondages par des enquêtes, par exemple de taux d’échec ou d’efficacité des appels téléphoniques par France Télécom.

Le dernier enjeu concerne les plans d’action. La difficulté est de convaincre les agents de s’engager sur des actions précises. Nous recherchons une mobilisation par l’affichage de nos résultats en 2002. Nous afficherons nos standards de qualité et le résultat des campagnes de mesure. C’est une motivation assez forte pour pouvoir réaliser nos plans d’action. L’enjeu est de modifier en profondeur les comportements et non de respecter quelques indicateurs.

Notre démarche est encore balbutiante. Nous avons une piste d’approfondissement de notre “ carré magique ” qui consiste à améliorer notre système d’écoute des usagers et des agents. Nous avons encore une idée trop vague de ce qu’un contribuable attend de son service fiscal. Nous avons commencé à recueillir des suggestions de manière permanente, mais les contribuables confondent souvent l’impôt et le service des impôts. Lorsque nous organisons des systèmes d’écoute, nous avons de nombreuses réactions sur la politique fiscale du gouvernement. Nous avons lancé des forums sur internet, pour recueillir au moins l’avis des internautes sur la qualité du service. Nous estimons aussi que les agents peuvent être les porte-parole des usagers. Ainsi, nous organisons via notre intranet des remontées de suggestions d’amélioration de notre qualité de service.

Notre deuxième axe d’approfondissement consiste à professionnaliser notre démarche qualité, c’est-à-dire à améliorer le couple qualité réalisée – qualité voulue, en allant vers une logique de certification de services. Nous avons pour l’instant cinq standards que nous mesurons. Nous pouvons prendre d’autres engagements. Trois sites pilotes vont expérimenter une certification de service.

La dernière piste concerne les engagements de qualité de la direction : il s’agit de l’exemplarité. Des séminaires ont été organisés au sein de l’administration centrale. La direction applique à elle-même les cinq standards de qualité.

Martine GUESNIER

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Merci, Philippe Mareine. La performance et la diversité de cette intervention nous permettent d’apprécier le cheminement entre la réorganisation de la gestion, la déconcentration, la mise en

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œuvre d’un contrôle de gestion, pour enfin arriver à la qualité. En regardant vos CV et celui de Vincent Maymil, je m’aperçois qu’il existe un passage systématique du contrôle de gestion vers la qualité. J’ai moi-même effectué le même parcours. Nous appliquons finalement les mêmes méthodes : planification, fixation d’objectifs, mesures d’écart, actions correctives. La même méthodologie s’applique à la gestion, à des chiffres, à des valeurs ou à du management de processus.

Bertrand de QUATREBARBES, France Qualité Publique

J’ai été passionné par cette expérience d’une administration régalienne et lourde. Nous voyons les progrès de modernisation qui peuvent s’opérer. Je me pose une question concernant la progression de l’aspect performance vers la prise en compte de l’usager. Vous venez de le réaffirmer en affirmant que de nombreuses personnes de la qualité venaient du contrôle de gestion. Ma question porte sur l’implication des usagers et de leurs associations dans la définition de la qualité de service. Vous apportez par ailleurs un organigramme avec les correspondants. Existe-t-il un groupe de pilotage avec les associations nationales et de personnels pour se concerter sur la politique, et éviter que cette politique soit purement interne ? Ma deuxième question porte sur la transparence. Vous avez avancé que vous aviez une batterie d’indicateurs. Etes-vous prêts à mettre ces chiffres sur internet pour que l’usager et l’élu puissent savoir quelle est la qualité publique de leur centre des impôts, et du centre des impôts d’un département voisin ? J’ai cru comprendre que cette notion se trouvait dans la Déclaration des droits de l’homme.

Philippe MAREINE

Sur le lien entre la performance et la prise en compte de l’usager, il est, pour nous, important de s’appuyer sur notre culture de contrôle de gestion, qui date maintenant d’une dizaine d’années. Elle est bien ancrée dans les directions locales. La qualité de service n’est pas subjective : nous pouvons être professionnels sur la qualité de service, comme sur nos autres missions. Nous pouvons mesurer la qualité de service avec des indicateurs et l’introduire dans le cycle normal du contrôle de gestion.

Sur l’implication des associations nationales d’usagers dans notre réflexion, nous ne sommes pas sûrs, avec le “ carré magique ”, d’avoir défini nos engagements par rapport aux attentes du contribuable. Nous menons une réflexion complémentaire pour professionnaliser notre démarche dans le prochain contrat d’objectif, à partir de 2003. A ce titre, une consultation nationale des usagers par voie de sondage est prévue en 2002, à la suite de laquelle nous mettrons en place des groupes de travail avec des associations pour réfléchir à l’approfondissement de notre démarche à compter de 2003.

Concernant la transparence des résultats, il est prévu dans nos engagements, avant 2002, d’afficher dans les centres d’impôts les cinq standards de qualité, ainsi que d’autres engagements pris au niveau local. Les résultats de ces engagements seront également affichés. Effectivement, nous pourrons faire une synthèse nationale sur internet.

Agnès ARCIER, direction générale de l’Industrie

Vous évoquez votre volonté de vaincre les résistances culturelles, pour amener les agents à produire de manière standardisée les prestations de service sur lesquelles vous afficherez 17

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publiquement vos engagements. Mais je suis étonnée que vous ayez évoqué certains points qui ne me paraissent pas relever de la résistance culturelle, comme l’exemplarité de la « tête ». J’imagine que la DGI, au niveau central, souffre aussi de quelques problèmes de qualité interne. J’imagine également que vous n’engagez pas une démarche aussi ambitieuse sans avoir réfléchi à ce niveau. J’aimerais savoir le lien que vous faites entre les deux niveaux.

Philippe MAREINE

J’ai donné des exemples des réactions que nous entendions sur le terrain, concernant les résistances culturelles. Il est clair que l’exemplarité de la direction est essentielle. Je voulais illustrer une résistance que nous rencontrons fréquemment : la qualité concerne toujours les autres, il faut commencer par le haut, avoir des applications informatiques parfaites, etc. On ne peut pas attendre d’être parfait pour s’engager vis-à-vis des contribuables. De ce point de vue, le discours de l’exemplarité trouve ses limites, mais la direction générale, comme les directions locales, doit montrer l’exemple.

André LELAN, Association d’entraide des usagers de l’administration

J’ai entendu dire que la qualité constituait une véritable réforme culturelle, parce que le contribuable est actuellement un fraudeur. Vous dites que vous n’introduirez les associations et les représentants des usagers dans les structures de réforme qu’en 2002 ou 2003. Il serait plus judicieux de les introduire dès maintenant, lors de la création de ces structures. Nous trouvons très bien que les cinq engagements que vous avez projetés soient affichés dans les centres des impôts. Mais, en cas de litige, qui va arbitrer ? Je ne parle pas des litiges devant les tribunaux, mais des nombreux litiges pour lesquels nous devons aujourd’hui effectuer un recours hiérarchique. Je suis un ancien fonctionnaire : il est rare qu’un patron déjuge son subordonné. Depuis quelque temps, l’administration saisit le tribunal administratif, ce qui est terrible pour le contribuable. Actuellement, nous recourrons aux délégués départementaux du Médiateur, structure créée pour lisser les dysfonctionnements de l’administration. Mais cette structure fonctionne tellement bien que les délégués sont débordés. Ne pourriez-vous pas, à l’instar d’EDF-GDF ou d’entreprises privées, créer un responsable service clientèle ou un Médiateur de l’administration des impôts, au niveau départemental ou régional, qui ne soit pas un fonctionnaire des impôts ?

Philippe MAREINE

Sur l’objectif, nous sommes d’accord : c’est pourquoi, en conclusion, nous avons dit qu’il nous fallait approfondir le système d’écoute des usagers. Pour l’instant, nous le faisons de trois manières : par le forum internet, par une politique de certification de qualité de service dans quelques centres expérimentaux (qui nous permet d’avoir un lien avec des associations locales de consommateurs), et par le sondage des usagers en 2002. L’objectif est le même que celui de l’administration fiscale américaine : organiser des recueils de critiques et de plaintes, et avoir des médiateurs ou des correspondants pour assurer un retour permanent sur la qualité de service et prendre les décisions nécessaires.

Nous n’établissons pas ce système tout de suite car nous voulons favoriser une appropriation progressive en interne. Vous ne vous imaginez pas le fossé qui existe entre le système américain et notre système actuel. Nous risquerions de susciter des réactions internes de rejet. Ce qui « remonte » par exemple du terrain, c’est que c’est un instrument de surveillance supplémentaire 18

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des agents, que tout est en direction des usagers et rien en direction des agents... Ce rejet nous ferait perdre dix ans. Nous sortons du traumatisme de l’échec de la réforme de Christian Sautter, il y a deux ans. Ce type d’échec nous fait ensuite perdre deux ans sur la modernisation de nos structures. Mais, nous allons progressivement introduire les usagers dans la réflexion sur la qualité de service, tout en respectant certaines règles de prudence pour éviter des problèmes contre-productifs.

Martine GUESNIER

Je remercie Denis Brochier et Philippe Mareine pour la complémentarité de leurs interventions. Je donne la parole à Vincent Maymil.

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La qualité dans le Commissariat de la Marine

Commissaire en chef Vincent MAYMIL Commissariat Général de la Marine

Je vais poursuivre sur le lien entre la qualité et le contrôle de gestion. En effet, comme à la DGI, mon propos sur la qualité s’intègre dans la réflexion plus large sur le pilotage.

Le service auquel j’appartiens a lancé très récemment une démarche d’engagement, mais il pratique la qualité depuis 1988. Je n’ai aucune compétence, ni expérience particulière en matière de qualité, hormis cinq jours de stage d’initiation à la démarche dans le secteur public. Mon expérience de l’action administrative m’a permis de prendre la mesure des viscosités de notre système et de la nécessité d’améliorer nos méthodes. L’approfondissement de la démarche qualité, au moyen des engagements, nous a semblé une bonne façon d’améliorer ces méthodes.

Ma présentation va tourner autour de quatre axes : le contexte, la méthode que nous mettons en œuvre, les enseignements que nous avons tirés de la méthode et les perspectives ouvertes en terme de management.

I. Le contexte

Je rappellerai d’abord quelques points. Mon service appartient à la Marine nationale, au sein du ministère de la Défense. Je vous parlerai de ses moyens, de son activité et de son organisation.

L’action du Commissariat de la Marine s’insère dans celle de l’Etat-major de la Marine, qui est une des sept principales entités du Ministère. Nous sommes subordonnés à cet Etat-major.

La Marine est constituée de forces remplissant des missions. Ces forces sont les moyens navals, aériens et terrestres, qui représentent environ 59 000 personnes, dont près de 10 000 civils. La difficulté d’organisation à laquelle nous sommes confrontés est de faire en sorte que ces forces soient correctement dirigées par des Etats-majors et des directions, et soutenues par les services de soutien. Ces trois composantes doivent donc s’articuler. Les services de soutien sont au nombre de quatre: le service du Commissariat de la Marine est accompagné du service de l’aéronautique navale, du service de soutien de la flotte, le service des travaux immobiliers et maritimes et le service hydrographique et océanographique.

La qualité dans la Marine n’est pas une notion neuve. La Marine a ressenti le besoin de s’organiser autour de la notion d’arsenal au XIII° siècle. Les forces navales ressentaient alors déjà le besoin de disposer d’approvisionnement et de lieux dédiés à la réparation des navires. Au XVIII° siècle, la Marine fait un bond en avant avec son organisation par Richelieu, Mazarin et Colbert. L’entretien des vaisseaux, le recrutement et la gestion des équipages, les approvisionnements sont déjà confiés à des commissaires. On construit des corderies, des bassins, des forges aux ancres, des magasins, des fours à pain et des fonderies de canon. Aujourd’hui encore, nous sommes proches de cette organisation. La première démarche identifiée de qualité est due à Colbert. Elle est constituée par le contrôle du diamètre des boulets de canon, certains ne rentrant pas dans les bouches de canon. C’est peut-être de là que naît la qualité de l’artillerie française, qui dura jusqu’à l’Empire. Au XIX° siècle, le corps des commissaires de la Marine est créé. Il reçoit la mission d’assurer la solde, l’habillement, les subsistances et les approvisionnements des marins et des forces navales. Enfin, au 20

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XX° siècle, le management par objectifs fait son apparition dans la Marine. Un décret de 1927 stipule clairement que le commandement agit et que les services administrent et soutiennent. Dans les décrets de 1991, qui fixent l’organisation de la Défense, il est affirmé que le commandement fixe les objectifs, alloue les moyens et contrôle les résultats. Les services sont autonomes dans la mise en œuvre de leurs moyens. Nous étions donc déjà dans une logique de contrôle de gestion. Le mot “ résultat ” prouve aussi que nous étions déjà dans une logique de qualité.

Le Commissariat de la Marine est un service qui a des moyens significatifs. C’est une “ entreprise ” aux moyens très variés, assez déconcentrée, ce qui nous rapproche -à une moindre échelle- de la DGI. Les moyens du service comprennent 2 400 personnes (essentiellement civiles) pour un “ chiffre d’affaires ” de 13,6 milliards de francs. Seuls 680 millions de francs sont alloués au fonctionnement du service.

Notre première mission est logistique et technique. Elle consiste à soutenir les forces maritimes, qui constituent nos clients principaux. Ce soutien se traduit par l’approvisionnement ou la fabrication, le stockage, la délivrance, la maintenance ou la réforme de matériels très variés. Nous avons actuellement environ 20 000 références dans les domaines des fournitures courantes, techniques ou spécifiquement navals, des combustibles, des vivres. L’année prochaine, nous allons nous occuper du magasinage des rechanges techniques et matériels, actuellement géré par la direction de la Construction Navale (soit 50 000 références supplémentaires, ce qui est un important défi). Nous gérons également des ateliers classiques (blanchisseries, boulangeries industrielles, etc.). Ces missions logistiques se prêtent bien à des missions qualité. Notre deuxième mission logistique est constituée par nos 59 000 hommes et femmes de la Marine, auxquels nous assurons des prestations d’alimentation, d’habillement et des services divers de vie courante.

Notre deuxième grande mission est d’administration générale et financière. Il s’agit de missions classiques de conception et de mise en œuvre de la réglementation administrative, financière et comptable au sein de toutes les forces de la Marine. Il s’agit aussi d’une administration financière, car nous rémunérons l’ensemble du personnel de la Marine, ce qui représente l’essentiel des 13,6 milliards de budget. Nos services locaux sont les ordonnateurs secondaires dans les dépenses. Enfin, nous assurons un audit administratif des unités de la Marine pour le compte du commandement.

Notre dernier grand domaine d’activité consiste en une mission juridique spécifique. Elle concerne le conseil juridique appliqué aux opérations navales et l’action de l’Etat en mer (préfets maritimes), le règlement du contentieux des forces maritimes (structure spécifique à la Marine), et la défense des intérêts de l’Etat devant les tribunaux administratifs, par délégation de la direction juridique du Ministère de la Défense.

Le Commissariat de la Marine comprend une Direction centrale, organisée selon les principales fonctions évoquées (administration – finances, logistique, droit de la mer) et des bureaux à vocation transverse (informatique, personnel et organisation – audit – gestion). Autour de la direction centrale, la plupart du temps déconcentrée dans les ports, nous trouvons des services : les marchés, les services techniques, le service informatique, les écoles. Au niveau opérationnel et local se trouvent nos directions et services locaux : deux principales à Brest et Toulon, une plus modeste à Cherbourg et deux directions Outre-mer. Le schéma est identique à Toulon et à Brest : un service d’approvisionnement, un service vivres – restauration et un service administratif.

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II. La méthode

La méthode sur laquelle nous nous sommes engagés a reposé sur trois actions. Dans un premier temps, nous avons pensé que les engagements de service pouvaient être le point de départ vers une réflexion d’ensemble sur la démarche qualité, qui n’était alors pas pilotée au niveau central. Nous avons dans un second temps déduit qu’il fallait effectuer un diagnostic, que nous avons fait nous-mêmes ; en pensant que c’était beaucoup moins exigeant. Ce diagnostic se rapproche par ailleurs du CAF européen, totalement centré sur la qualité, dont a parlé Jacky Richard. Enfin, nous avons effectué un point sur la situation des certifications, comme certaines étaient déjà acquises au niveau local.

Lorsque j’ai regardé le guide de la DIRE sur l’engagement de service, je me suis aperçu que la démarche était très exigeante, car il faut passer par des actions très nettes en amont, soit : • l’identification et le recueil des attentes des clients ; • la définition du service attendu ; • l’identification des priorités et leur formalisation ; • l’identification et la maîtrise des processus, dont nous n’avons pas la pratique dans le domaine

administratif ; • le travail à mener avec les acteurs ; • la mesure des résultats des indicateurs ; • la communication, interne et externe ; • le suivi de la satisfaction des clients, pour lequel nous ne sommes pas encore outillés.

L’engagement de service laisse donc peu de place à l’erreur ou à l’improvisation, d’où la nécessité de procéder d’abord, à un état des lieux : l’auto-diagnostic. Ensuite, il fallait placer la réflexion sur les engagements de service dans une perspective au moins annuelle. Cette perspective doit nous permettre : • de déterminer les engagements réalisables et prioritaires : nos activités sont si variées que nous

pouvons créer deux cents engagements sans difficulté ; • de définir une véritable politique d’ensemble en matière de “ qualité ”, notamment en ce qui

concerne les certifications, certaines n’étant pas nécessaires ; • d’organiser, de piloter et de planifier l’ensemble des actions “ qualité ” dans une perspective

pluriannuelle. Ce sont en effet des démarches lourdes, qui exigent un important travail de terrain et une articulation des niveaux central et local.

• de rechercher toutes les synergies pour ne pas décourager les acteurs face à une technique nouvelle que nous leur imposions ;

L’autodiagnostic m’a immédiatement semblé le seul moyen d’avoir une vue claire de l’organisation. J’ai bâti un questionnaire de 22 questions sur la mise en œuvre de la démarche qualité. Dix-huit questions ont trait aux items classiques de cette démarche, avec cinq axes d’analyse : • l’offre de service et l’écoute des usagers ; • l’analyse, la maîtrise et l’amélioration des processus ; • la mesure de la qualité ; • l’implication et la formation des acteurs ;

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• le pilotage de la démarche.

J’ai ajouté trois questions de synthèse pour permettre aux organismes de trouver leurs points forts, leurs points à améliorer et leurs priorités en terme d’engagements. Je leur demandais enfin de fournir un plan d’action.

J’ai emprunté la méthode de cotation sur cent points, selon quatre critères, au Prix français pour la qualité, qui permet aux entreprises et aux services publics de se comparer et de se noter régulièrement. L’existence d’une réponse pouvait valoir jusqu’à dix points, selon que la question avait été ou non comprise. La méthode pour répondre à la question était notée sur 40 points, le systématisme de la réponse sur 35 points et l’exemplarité de la réponse sur 15 points. Lorsque j’ai obtenu les premières réponses, j’ai cru ne pas pouvoir arriver au terme de la notation. Mais, dès que j’ai commencé à noter, le travail s’est clarifié. Avec les quatre critères, j’avais plus de 800 notes à attribuer. J’ai ensuite regroupé les organismes comparables. Dans la partie gauche d’un tableau, j’ai indiqué les directions à vocation opérationnelle, et dans la partie droite les autres organismes extérieurs, à vocation transverse. Pour prendre l’exemple des directions opérationnelles, les notes sur 100 font apparaître des écarts significatifs. La note la plus faible (35) concerne le Cap-Vert, la note la plus forte Brest, avec 74. Je me suis gardé de faire une telle lecture verticale devant les directions. La lecture horizontale était plus pédagogique, mais laisse aussi apparaître des écarts importants. Le chiffre le plus faible concerne la mesure de la qualité (42). La note la plus importante concerne l’offre de service et l’écoute des usagers, avec 63, pour lesquelles nous avions déjà des outils et des démarches en cours.

J’ai présenté ce résultat au comité de pilotage de la qualité, qui regroupe les directeurs des organismes et les sous-directeurs de l’administration centrale. Ce document leur a été présenté, sans vouloir les mettre en concurrence. Une marge de progression importante existe : nous sommes proches de 50/100 en moyenne. Les directions locales étaient déjà fortement engagées dans la démarche, avec plusieurs points forts : l’offre de service et l’écoute des usagers, l’analyse, la maîtrise et l’amélioration des processus, et la connaissance qu’elles ont d’elles-mêmes et les intentions de progrès qu’elles affichent. Bien sûr, des points sont à améliorer : la mesure de la qualité, le pilotage de la démarche, l’implication des acteurs. J’ai conclu en avançant que les meilleures pratiques pouvaient être partagées, et j’ai remis à chaque directeur le questionnaire détaillé, avec les résultats obtenus pour les 22 questions.

Nous avons profité de cet auto-diagnostic pour faire un point sur les certifications. Onze certifications avaient déjà été obtenues dans les directions locales, surtout les activités de matériel (maintenance de matériel de plongée sous-marine, maintenance de système de distribution de combustible). Nous avons aussi été le premier service, en 1994, à faire certifier une activité de service : la Solde, qui gère le personnel civil et qui effectue des audits administratifs. Nous avions aussi des certifications dans les services vivres, en matière de délivrance et de stockage des denrées. Avant que nous harmonisions cette politique, les services locaux prévoyaient d’actualiser onze certifications et de s’engager sur huit certifications nouvelles. Nous pouvions nous demander si elles étaient toutes nécessaires.

III. Les enseignements

Nous avons lancé la démarche en quatre mois, dans un art d’exécution. Elle nous a permis de clarifier les axes de travail et d’ouvrir des pistes d’engagement.

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Le directeur national de la marine a signé un engagement formel en janvier 2001, peut-être trop hâtivement dans la mesure où nous ne connaissions pas bien la méthodologie. Mais l’engagement était assez général pour que nous puissions l’insérer dans une démarche plus vaste de management. Le directeur s’engageait à recourir aux “ engagements de service ” comme outils de relance de la démarche qualité, à définir une politique qualité en 2001, et à adosser la démarche qualité aux nouvelles technologies de l’information et de la communication et à l’amélioration de la formation du personnel. En février, le ministre a signé la directive “ qualité ”. Au mois de mars, la DIRE a publié le guide S’engager sur la qualité du service, que j’ai largement diffusé aux services déconcentrés via intranet et sous forme d’un livre jaune accompagné d’une incitation à l’emploi du livre, pour toucher les responsables. Le questionnaire que j’avais rédigé était diffusé début mars. Je demandais les réponses pour la fin du mois d’avril. La dizaine d’organismes extérieurs a répondu dans les temps.

Dès le mois de mai, j’ai présenté les résultats au comité de direction, à l’issue duquel j’ai fait signer à mon directeur central des axes de travail. Chaque organisme a reçu mission de signer des engagements de service d’ici le 15 septembre. La démarche est suffisamment expliquée pour qu’ils le fassent. Ils ont aussi reçu pour mission d’évaluer l’impact que la nouvelle norme ISO aurait sur la qualité des services déjà certifiés, pour ne pas se lancer dans une certification à outrance. Ils doivent aussi étudier la nécessité de certifier de nouvelles activités ou de les soumettre à un dispositif d’assurance qualité. Les engagements de service seront validés au niveau central au mois de septembre. Leur mise en œuvre sera contrôlée à l’occasion des prochains comités de direction et dans le contrôle de gestion auquel nous sommes soumis. Enfin, j’ai l’espoir, pour la fin de l’année, d’établir une instruction fixant la politique qualité du service pour les trois ans à venir, sur la base des informations que j’aurai obtenues.

Les axes de travail que nous avons pu clarifier au cours de cet autodiagnostic sont les suivants : • Les directions locales doivent s’appuyer sur l’autodiagnostic pour identifier leurs points forts et

faibles, et définir des plans d’action réalistes. Nous allons suivre les progrès accomplis tous les deux ans.

• Nous avons insisté sur la nécessité de transposer d’une direction ou d’un service à l’autre les “ bonnes pratiques ”, que le questionnaire pointe nettement.

• Nous considérons que la qualité et la certification doivent être promues mais aussi encadrées, en se fondant sur une analyse du risque, dépendant de la nature de l’activité exercée. Nous avons des risques forts en matière d’environnement, puisque nous avons des combustibles. Nous avons aussi de forts risques concernant la santé et la sécurité au travail du personnel, puisque nous avons beaucoup de machines-outils. D’importants risques de sécurité alimentaire existent également comme nous gérons les installations de restauration et le stockage des vivres. Nous devons donc positionner nos dispositifs qualité par rapport à ces risques.

• Les engagements de service doivent être conduits de façon volontaire. Nous avons décidé de nous en tenir aux processus clefs et aux bénéficiaires externes.

• Enfin, les indicateurs de qualité restent à définir et devront figurer dans des tableaux de bord à chaque niveau.

Nous avons ouvert des pistes d’engagement dans les domaines de l’administration – finances, de la logistique – maintenance, et du personnel. Il s’agit souvent de questions de délais et d’amélioration de processus soit dans nos relations avec les administrés ou les unités, soit dans le cas de la trésorerie.

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IV. Les perspectives

Je rejoins ici complètement la DGI. Nous nous posons la question : sommes-nous de bons managers ? Nous prétendons aller vers un système de management par le pilotage, sachant que de nombreux outils sont communs aux différentes démarches (contrôle de gestion, qualité…).

Pour être performant, nous nous posons en permanence trois questions : sommes-nous efficaces ? Nos moyens sont-ils en rapport avec nos missions ? Nos actions sont-elles conformes à la réglementation ? Pour rendre ces démarches compatibles, nous avons convenu un tripode : l’efficacité, c’est la démarche qualité ; l’efficience (les moyens par rapport à l’action) correspond au contrôle de gestion ; le contrôle de régularité, indispensable compte tenu de nos missions, correspond au contrôle interne.

Des outils communs permettent de rendre compatibles ces trois démarches. Les outils communs du contrôle de gestion, de la qualité, du contrôle interne sont : • la définition et la formalisation des objectifs ; • l’analyse des risques et des enjeux ; • la détermination d’une stratégie ; • l’adhésion des acteurs ; • la maîtrise des processus ; • la mesure des résultats.

Si nous arrivons à rendre cohérents ces outils, ils nous permettront des finalités classiques de la qualité : • mieux servir le client ; • mieux gérer l’argent public ; • mieux associer le personnel à l’action, sur des enjeux strictement professionnels ; • mieux mesurer notre activité et mieux rendre compte de nos actions.

Martine GUESNIER

Votre efficacité et votre passion montrent le résultat que vous avez obtenu en si peu de temps. J’espère que des questions vont enrichir votre témoignage.

Bertrand de QUATREBARBES, France Qualité Publique

Vous avez très bien montré que la qualité est proche du contrôle de gestion, et que l’on peut évoluer assez rapidement vers la qualité. En quelques mois, on peut mener un travail intéressant d’évaluation, d’engagement, de sensibilisation.

Ma question porte sur l’assurance qualité. Vous vous êtes aperçus que, l’environnement poussant de manière importante, les administrations, notamment techniques, se sont engagées presque spontanément dans l’assurance qualité. Nous espérons que, par votre action, cela va se démultiplier, ce qui me semble bien engagé. Quel est le potentiel de certificats d’assurance qualité ? Vous dites en avoir actuellement onze, et huit à venir. A terme, pensez-vous que la norme ISO est la mieux adaptée ? La plupart des services pourront-ils être certifiés ? 25

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Vincent MAYMIL

Sur le potentiel, j’espère pouvoir vous répondre à la fin de l’année. J’attends les réponses que j’ai posées aux directions locales. L’idée serait de maintenir ou d’acquérir des certifications supplémentaires dans les domaines à fort risque, à raison d’un service par activité à risque. A partir de cette certification, par capillarité, les services qui mènent la même activité pourraient alors être placés simplement en assurance qualité. La norme ISO 9 000/2 000 sera la base de notre certification. Nous nous orientons vers l’ISO 14 000 pour les activités liées à l’environnement et vers la norme HACCP pour les activités liées à l’alimentation. Cette norme fait même l’objet d’un projet interarmées et semble correspondre au souci ambiant de contrôle sanitaire.

Je n’ai pas d’objectif numérique de certifications : il s’agit de trouver un point d’équilibre pour ne pas dépenser d’argent inutilement et pour utiliser la norme ISO 9 000 en assurance qualité interne.

Commissaire Philippe HUGOT, direction centrale du Commissariat de l’Air

Les représentants de la DGI nous ont appris qu’ils avaient créé une structure ad hoc, composée de cadres de la direction générale et des directions locales. Ils ont obtenu des moyens en fonction de leurs engagements. Je voudrais savoir si la Marine a obtenu de tels moyens ou si elle a fait de la qualité “ sous enveloppe ”, comme souvent aux Armées ?

Vincent MAYMIL

Je ne suis pas en mesure de savoir si, à l’époque où la démarche a été lancée, en 1988-1990, le personnel a été pris sous enveloppe ou non. Dans nos services et directions locales, nous avons développé quelques compétences d’animation et d’expertise qualité, au niveau des directions locales et des services vivres et matériel. Nous avons complété en effectuant une importante formation des cadres, notamment en matière d’audit qualité. Nous considérons qu’il n’y a pas lieu de doubler l’organisation hiérarchique. Nous effectuons ainsi des audits croisés pour nous assurer des engagements qualité pris par chaque service. Au niveau de la direction centrale, jusqu’au mois de janvier, il n’était pas question de qualité. Je ne m’y connaissais pas ; ce poste est sous enveloppe puisque je m’occupe normalement de l’organisation.

Daniel GERARD, direction centrale du matériel de l’Armée de Terre

Pourriez-vous revenir sur la nature et les types d’engagement ? Vous pourriez prendre l’exemple d’un engagement significatif. Que pensez-vous de l’affirmation du premier intervenant de la DGI, selon laquelle les engagements de qualité de service ne sont pas suffisants et qu’il y a besoin de développer une démarche de qualité totale ?

Vincent MAYMIL

Je suis volontairement resté assez général sur les engagements, car il existe actuellement un foisonnement de propositions d’engagement. J’ai essayé de les regrouper sous quelques items. La plupart du temps, pour les questions administratives et logistiques, les engagements pourraient concerner des délais : délais de paiement des frais de déplacement, délais par rapport à des prestations logistiques. Concernant la traçabilité des denrées, l’engagement sera de démontrer aux

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unités que les denrées sont soumises aux règles de traçabilité en conformité avec la législation. En matière d’achats, il s’agit de trouver des formules d’engagement qui puissent permettre de répondre rapidement à des demandes et d’utiliser les crédits dans les délais de l’année budgétaire.

Martine GUESNIER

Pourriez-vous répondre à la question du passage de la qualité de service à la qualité totale ?

Vincent MAYMIL

Je distingue mal les deux. Dans notre démarche, nous sommes déjà dans une logique de qualité totale. Mais, si j’emploie le mot, je risque de faire peur. Je continuerai à aller en ce sens, sans employer le mot. Il faut une culture du management que nous n’avons pas encore, sauf au niveau local.

Henri PREVOT, ingénieur général des Mines

Il a beaucoup été question de certification. Le ministère de la Défense possède de nombreux organismes de contrôle, comme chaque administration. Or, et ce que je vais dire n’est pas dans l’air du temps, l’administration fait apparemment davantage confiance aux organismes extérieurs et aux processus de certification. Mais la question se pose de la confiance que l’on peut accorder en ces organismes certificateurs. Nous avons des organismes certificateurs au sein même de l’administration. Comment agencez-vous l’action de vos organismes de contrôle avec votre démarche ?

Vincent MAYMIL

La question dépasse largement mon niveau de compétence, et je n’ai aucune action possible sur les organismes de contrôle. En revanche, la certification est un métier qui s’appuie sur les normes précises, que l’on peut confier à des organismes extérieurs. Ce serait sans doute du gaspillage de former nos inspecteurs et contrôleurs à la technique de certification. Ils interviennent dans le domaine beaucoup plus général de l’organisation et de missions. Leur niveau d’intervention se fait de plus à un niveau différent, celui du ministre.

Si nous développons le contrôle de gestion et la qualité de l’administration, je pense qu’il faudra que nous menions une réflexion sur le rôle de ces organismes et l’action complémentaire qu’ils peuvent mener. En particulier, ils peuvent contrôler notre engagement dans une démarche de qualité et de contrôle de gestion, et la cohérence de cette démarche.

Martine GUESNIER

L’organisme certificateur est chargé de vérifier s’il existe un système qualité. Il ne vérifie pas la nature du métier professionnel. Nos inspections générales s’assurent du résultat ou d’un écart par rapport à la réglementation. Le référentiel n’est donc pas le même.

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Philippe MAREINE

Nous trouvons deux intérêts aux organismes extérieurs : la crédibilité vis-à-vis des usagers et une pédagogie vis-à-vis des agents. Si nous certifiions nos organismes, nous serions moins crédibles que si nous avions fait appel à l’organisme qui a certifié une grande surface. En interne, il existe quelquefois une assimilation de la recherche de qualité avec la sanction. Les agents se demandent ce qu’on leur reproche. Ainsi, on peut dire que la qualité ne consiste pas à rechercher les coupables, mais à traquer le défaut.

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Expérimentation du réseau MINinfo Réseau d’appui aux entreprises

Alain OSMONT Ingénieur en Chef des Mines

Membre de l’équipe projet MINinfo à la Direction Générale de la Comptabilité Publique

Martine GUESNIER

Nous allons commencer cette seconde partie avec l’intervention d’Alain Osmont. Il vient me m’avouer qu’il faisait de la qualité sans le vouloir. Nous allons voir comment il a réussi à introduire la qualité dans un projet qui ne la prévoyait pas.

Alain OSMONT

Je ne vais pas vous parler d’une démarche qualité, mais de la manière dont la qualité s’est introduite dans un projet. Le projet MINinfo est l’un des volets de la modernisation du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. A l’origine, il s’appelait “ l’interlocuteur économique unique ”. Mais cette expression a prêté à confusion. Certains ont notamment cru que le ministère de l’Economie et des Finances voulait s’imposer comme l’interlocuteur unique des entreprises. Nous l’avons donc rebaptisé en projet MINinfo.

Il s’agissait de déterminer comment le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie pouvait rendre un meilleur service aux entreprises, mieux contribuer à leur développement, notamment sur le terrain. Comme Laurent Fabius avait réaffirmé qu’il n’était plus question de modifier les structures, la seule solution était de faire travailler les services ensemble. Actuellement, ce projet fait l’objet d’une douzaine d’expérimentations dans les départements, avec des configurations différentes. Nous voulons en effet savoir quelle est la meilleure façon de mettre en place le réseau.

Il a été construit sur une logique de projets. Je fais partie de l’équipe projet. Deux objectifs sont à la base du réseau : • Contribuer au développement des entreprises : le ministère de l’Economie possède un grand

nombre d’informations que l’on essaye de rendre plus accessibles aux entreprises. Nous répondons à leurs demandes, qui ne sont pas souvent spontanées. Nous essayons aussi de les accompagner dans leurs projets.

• Pour cela, nous avons fédéré l’action des services du ministère. Huit services déconcentrés

fonctionnent sur le terrain, et s’ignoraient presque. Chacun travaillait avec les entreprises dans son propre domaine de compétence, sans essayer d’avoir une approche plus globale du développement des entreprises. Il s’agissait donc d’avoir une réponse aussi coordonnée que possible, et en ayant une prise en charge globale des demandes des entreprises.

Ce réseau avait une double dimension. Il était d’abord un réseau de correspondants, que nous avons voulu constituer dans chacun des services. Il y avait une difficulté : les services n’appartenaient pas à la même échelle, en taille et en représentation (département ou région). La seule façon d’établir

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un lien entre les différentes personnes était de s’appuyer sur un réseau intranet. Le réseau se base aussi sur le site internet, qui offre une source directe d’informations des entreprises. Les entreprises peuvent également, sur ce site, contacter directement les correspondants pour leur poser des questions.

A l’origine, le projet paraissait suffisamment compliqué pour ne pas lui rajouter en plus une dimension qualité. Mais cette dimension est rapidement apparue nécessaire. Nous avons d’abord entrepris une large enquête auprès de 1 000 entreprises pour connaître leurs besoins et leurs attentes, notamment vis-à-vis du ministère. Les entreprises nous ont répondu que si nous voulions rendre un service, elles seraient alors exigeantes vis-à-vis du service rendu. Elles nous ont parlé de simplicité du contact, de disponibilité, de compétence, de rapidité, de fiabilité : autant de notions qui s’attachent à la qualité du service rendu. Une autre notion est aussi apparue dans cette enquête : la confiance. Nous nous sommes alors interrogés sur la meilleure façon de donner confiance aux entreprises. Cette notion est aussi apparue en interne, comme protection. En effet, certains agents se sentaient porteurs de notions comme le secret fiscal ou juridique. Comment s’assurer que nous respectons nos propres contraintes internes ? Nous avons alors réfléchi à la dimension de la qualité.

Le premier aspect est plutôt déontologique. Comme des services font à la fois du contrôle et du conseil, il fallait éviter toute ambiguïté entre les deux missions, vis-à-vis des chefs d’entreprise mais aussi en interne. Ce n’est pas parce que nous faisons du contrôle que nous ne pouvons plus faire de conseil, et vice versa. Le second aspect concerne la volonté d’innover dans les relations avec les entreprises, pour leur montrer que nous sommes une administration qui bouge et qui s’engage.

Concernant la déontologie, il existait une affirmation claire que les informations économiques recueillies ne pouvaient en aucun cas servir pour les missions de contrôle. Le respect des secrets fiscal, statistique et juridique sont des exigences internes. Le partage des informations est limité au strict nécessaire. Les entreprises avaient clairement indiqué dans l’enquête qu’elles voulaient un “ engagement de bonne fin ”, c’est-à-dire que le réseau s’engage à donner une réponse.

Concernant la qualité externe, nous devons respecter la charte déontologique. Elle est diffusée aux entreprises pour qu’elles connaissent les règles internes du réseau. Les engagements portent sur le contact avec les entreprises : il fallait ne pas les renvoyer de service à service. Le réseau s’engage donc à gérer sa complexité en interne. Quel que soit le point d’entrée de l’entreprise dans le réseau, elle ne doit pas prendre contact avec un autre service. L’enquête a aussi démontré que les entreprises attendaient une rapidité de réponse. Nous avons laissé aux différents sites d’expérimentation le soin de choisir entre les délais de 48 heures ou de 72 heures, pour des questions simples. Dès que les questions sont complexes, le réseau s’est cependant engagé à fixer un délai plus important.

Nous devions aussi répondre à une demande de rendez-vous ou de visite, par exemple dans un délai de quinze jours. Nous devions renvoyer vers un partenaire, si la question sortait du champ de compétence du ministère. Il s’agissait de ne pas répondre que la question n’était pas du ressort du ministère. Nous avons aussi pris l’engagement de mesurer régulièrement la satisfaction des bénéficiaires.

Ces engagements se sont traduits par un support envoyé aux entreprises, que nous leur avons présenté en même temps que le réseau. Nous avons pris des termes d’engagement simples : simplicité, fiabilité, réactivité, déontologie. Ces termes sont ensuite divisés en engagements. Ces

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engagements sont modestes, mais ils se sont imposés tant les discussions étaient vives au sein du réseau.

Les difficultés rencontrées sont classiques : pourquoi prendre des engagements, alors qu’il n’existe pas de demande des entreprises ? Avec l’enquête, les entreprises exprimaient clairement certaines demandes. La deuxième objection était : pourquoi prendre des engagements, alors que nous ne sommes pas sûrs de les tenir ? Nous avons tout de même décidé d’essayer. Une autre question classique concerne aussi les modifications de nos modes d’organisation. Par exemple, comme nous avons pris l’engagement de réponse sous 48 heures, devrai-je repasser au bureau tous les soirs ? Comment faire si je suis en congé ? Autant de questions qui montrent que les difficultés sont nombreuses. Les différences culturelles ont déjà été évoquées : huit services doivent travailler en même temps. Chacun a sa notion de la qualité, chacun a son degré de maturité, chacun est pris dans des propres démarches qualité. Enfin, puisqu’il s’agit d’un réseau, sa qualité globale ne correspond pas seulement à la somme de la qualité de chaque service. C’est aussi la qualité du fonctionnement du réseau, qu’intranet a heureusement aidé.

Concernant les enseignements que je tire de cette expérience, il faut d’abord afficher clairement l’orientation générale. Pourquoi faisons-nous ce réseau ? Où voulons-nous aller ? Le réseau est-il à vocation interne ou externe ? Ensuite, nous avions au début visé des objectifs larges pour couvrir l’ensemble des aspects qualité. Nous sommes rapidement revenus à plus de pragmatisme. Il ne faut pas être ambitieux tout de suite, et s’engager dans une démarche vertueuse pour que les entreprises et les agents soient progressivement convaincus. Un autre enseignement consiste à suivre ce que l’on a prévu. Il est ainsi nécessaire de mettre en place des indicateurs et des outils de suivi. Intranet nous aide ici à mesurer les délais de réponse, le processus de l’élaboration d’une réponse, le suivi d’un contact avec une entreprise. Il s’agit d’évaluer la satisfaction des bénéficiaires, en interne et en externe. Une démarche qualité ne peut en effet s’imposer définitivement que si les agents trouvent aussi leur intérêt.

Philippe-Henri MECHET, Délégation Interministérielle à la Réforme de l’Etat

Vous nous avez montré la démarche très interne d’un réseau qui reste interne. Comment s’articule cette démarche avec celle des réseaux de développeurs ? Ces réseaux intégraient des services externes au ministère des Finances et s’ouvraient aussi à des Chambres de Commerce et d’Industrie et à d’autres services de l’Etat. Même si votre démarche est à saluer, elle reste très interne et très en deçà de certaines préoccupations des entreprises, qui veulent un interlocuteur unique, mais au sens beaucoup plus large des services de l’Etat et non des seuls services du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie.

Alain OSMONT

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Cette dimension ne nous a pas échappé. Dans le Doubs où existe aussi un réseau de développeurs, nous avons voulu voir comment expérimentaient les deux réseaux. Nous avons affiché dès le départ que ce réseau était ouvert. Mais il s’agissait dans un premier temps de donner, en interne, une certaine cohérence. Le ministère n’est pas le seul à apporter des réponses, et il n’est pas compétent pour apporter toutes les réponses qui intéressent le développement d’une entreprise. La réponse que le ministère apportait devait être plus globale, plus cohérente et plus constructive. Il est évident qu’il existe des relations entre les différents partenaires. Dans le Doubs, les relations se sont effectuées facilement, car des services participent aux deux réseaux. Dès qu’une question sort des compétences, le réseau de développeurs prend souvent en charge la question. Souvent, il s’agit

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d’une question qui concerne un autre département ministériel. Les questions sur les 35 heures concernent les directions départementales du Travail, et le relais est immédiatement assuré.

Nous avions le sentiment qu’il fallait d’abord mettre de l’ordre en interne, pour ensuite s’ouvrir sur l’extérieur, participer avec d’autres à l’information des entreprises et faciliter leur développement. En Indre-et-Loire, des conventions avec des Chambres de Commerce et des chambres professionnelles ont par exemple été passées.

Henri PREVOT, Ingénieur Général des Mines

Le travail en réseau, pour être efficace en évitant les problèmes suscités par la fusion des structures, est certainement une voie qu’il faut explorer. Les enseignements sont intéressants. L’orateur n’a pas parlé d’un enseignement. Il a souvent dit “ on s’engage ”. Qui est “ on ” ? C’est une difficulté du réseau qui apparaît déjà pour un réseau interne. “ On ” correspond au ministre ou au préfet. Mais, en dessous, nous ne voyons pas qui désigne le “ on ”. La question se pose d’autant plus fortement si vous voulez élargir ce réseau. Quand tout le monde est de bonne volonté, tout va bien. Mais il peut se poser, un jour ou l’autre, un problème de déontologie, de corruption, etc. Il faudra alors parler de hiérarchie, de sanctions. Il faut le considérer dès le départ. Dans cette phase d’expérimentation, j’ai l’impression que vous ne parlez pas beaucoup de ces questions. Y réfléchissez-vous ? Comment faire ?

Alain OSMONT

Il est vrai que nous sommes dans une phase d’expérimentation, dans laquelle nous regardons comment les choses se passent sur le terrain. Si le correspondant du réseau a le sentiment de s’engager seul, il arrêtera. La charte déontologique et les engagements de qualité ont été validés par l’administration centrale et ont été transmis aux correspondants par leurs chefs de service. Le chef de service de chacun des correspondants s’engage donc à terme. Se pose aussi la question du back office : le correspondant est celui que l’on voit, mais il n’est pas omniscient et il doit s’appuyer sur les autres personnes. Nous devons donc mesurer l’interaction entre les correspondants et les services. Quelle part des engagements repose sur le fonctionnement des services ? C’est un chemin qui n’est pas encore balisé, mais qui fait partie des réflexions préalables, avant une généralisation. Il sera beaucoup plus difficile de maîtriser sur l’ensemble du territoire.

Martine GUESNIER

Je propose que nous passions à l’intervention suivante, de Pierre Verdeaux, directeur des services de navigation du Nord-Est.

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Les engagements de service de la navigation Nord-Est

Pierre VERDEAUX Directeur du Service de Navigation du Nord-Est

Je vais vous présenter mon expérience autour de quatre points : une présentation du service, le cadre dans lequel l’opération s’est déroulée, le déroulement de l’opération, et quelques enseignements en conclusion.

I. Le service

Le service de navigation du Nord-Est est à la fois un service déconcentré du ministère de l’Equipement et la direction régionale d’un établissement public, Voies navigables de France, créé il y a une dizaine d’années. Le directeur du service déconcentré est donc en même temps le directeur interrégional de cet établissement public. Mille personnes y travaillent, dont quelques dizaines à statut d’établissement public, les autres étant personnels de l’Etat.

Nous exerçons trois types de métier, pour trois types de commanditaires : • Notre service travaille pour le compte du ministère de l’Environnement, pour la police (de

l’eau, de la navigation), mais aussi pour la connaissance des risques d’inondation et l’instruction des dossiers de localisations, constructions, agrandissements dans les lits majeurs des rivières ;

• Au titre du ministère de l’Equipement, nous n’intervenons plus que pour la police de la navigation et pour mener des missions d’ingénierie publique ;

• La majorité de notre intervention est au titre de l’établissement public pour la gestion, l’exploitation, l’investissement, l’entretien, le développement, la perception des redevances et l’aspect commercial vis-à-vis des clients/usagers. Je les appelle plutôt des usagers, dans la mesure où ils ne payent pas le coût de la prestation du service rendu.

Les services de la navigation du Nord-Est couvrent la quasi-totalité du Nord-Est de la France, sauf le Rhin, soit environ 1 200 kilomètres de rivières et de canaux. Ils représentent quelque 20 % du trafic fluvial français, concentrés uniquement sur 120 kilomètres de voies. Le tourisme fluvial est en voie de développement. Les services couvrent deux grandes vallées fortement urbanisées : la Moselle et la Meuse. Cela pose les problèmes de la gestion de localisations et de la gestion de crues dans ces régions à risques d’inondation. Nous travaillons sur sept départements, sous l’autorité des préfets pour la police de la pêche, de l’eau et de la navigation.

II. La démarche de management

La démarche s’inscrit dans une double logique.

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D’abord, lorsqu’un chef de service déconcentré de l’Equipement est nommé, il doit effectuer un diagnostic et passer un contrat de performance avec le directeur du personnel des services du ministère. Lors de mon arrivée, il y a quatre ans, un des éléments du diagnostic que j’avais suggéré était d’orienter le pilotage du service par l’extérieur. Si nous voulons que les services bougent avec des usagers nouveaux, il faut que l’extérieur fasse pression sur l’interne, plutôt que la hiérarchie sur

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le personnel. C’est une orientation forte, affichée et partagée avec une grande partie de la hiérarchie. Le service ne doit pas être piloté par la seule équipe de direction.

Ensuite, il s’agit de la stratégie du service. Nous élaborons dans les services déconcentrés du ministère de l’Equipement des plans stratégiques ou objectifs/moyens. Ces plans sont en général élaborés avec l’encadrement, en essayant d’intégrer le maximum de personnes. Ils peuvent être validés par les représentants du personnel, par l’intermédiaire des comités techniques paritaires. Deux éléments apparaissent, sur lesquels un accord est intervenu. Nous devons d’abord faire face à une nouvelle logique d’usagers. Jusqu’à présent, un service de navigation avait pour usagers des mariniers. Nous voyons de plus en plus des plaisanciers, d’autres usagers des bords de l’eau (pêcheurs, promeneurs). Ceux-ci, même s’ils ne payent pas de redevance et ne sont légalement que tolérés, peuvent jouer un rôle important en tant que cible potentielle des collectivités locales. les collectivités locales peuvent donc nous aider à aménager les bords de l’eau. Le second enjeu important concerne les ouvrages, notamment les barrages hydrauliques, qui étaient jusqu’à présent gérés dans une perspective de maintien du plan d’eau, pour assurer la navigation. Sur des rivières ou des fleuves, comme la Meuse, les barrages peuvent aussi servir à assurer un minimum de régulation hydraulique. Il ne s’agit pas de gérer les crues, mais d’atténuer certains phénomènes de crues. La priorité ne concerne alors plus les mariniers.

Une démarche de pilotage par l’extérieur nécessite de mobiliser l’ensemble des personnels, de façon à éviter ensuite la contestation. Dans un service, chacun croit penser au nom de l’usager. Le directeur, la hiérarchie, la personne en contact direct avec l’usager. L’objectif était de montrer que nous allions bâtir ensemble un système permettant de connaître l’avis de l’usager, pour éviter la contestation, ce que nous n’avons malgré tout pas réussi à faire.

Pour mobiliser le maximum de personnes, il a fallu effectuer des formations. L’agent de base en contact avec l’usager n’a pas les éléments de réponse à apporter aux usagers. Par exemple, un plaisancier ou un marinier peut dire à un éclusier qu’il a le droit a un service maximum, car il paye. Or, le montant de la participation d’un marinier ou d’un plaisancier représente entre 3 % et 5 % du coût de la voie d’eau. Il n’a donc pas le droit d’exiger un service de surqualité. La démarche de pilotage par l’externe nécessite donc une opération de renforcement de la culture interne.

III. Le déroulement de l’opération

L’opération d’écoute s’est faite en deux temps. D’abord, elle a concerné une série d’entretiens individuels avec l’encadrement. Ils ont concerné les préfets, des maires, des présidents de syndicats professionnels, les grands chargeurs, les présidents des associations de pêche. Nous avons ensuite fait travailler notre personnel de base, par l’intermédiaire de la remise et de la réception de fiches d’enquête. Nous avons voulu que le personnel participe directement et réellement au contact avec l’usager. Nous avons voulu les former pour cette raison. En effet, en dehors du contact formel de réponse aux différents questionnaires, des demandes d’explication voyaient le jour. Les personnes impliquées pouvaient alors nous donner des éléments d’information complémentaires.

Le pilotage a été effectué par un groupe projet, animé par le conseiller de gestion du service. Nous avons intégré des personnes représentatives, même si elles ne représentaient pas officiellement des organisations syndicales. Le comité de direction a eu un rôle important pour valider le questionnaire. Les questions posées lors des entretiens et les questions écrites orientent les types de réponse. Il ne s’agit pas de proposer des souhaits démagogiques, comme d’être ouverts 24 heures sur 24 et les jours fériés. Il s’agit plutôt de questions alternatives : si vous vouliez que certains jours

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fériés soient ouverts, quel est pour vous le jour férié prioritaire ? Il s’agit d’analyser, à travers l’enquête, le comportement actuel de l’usager, plutôt que ce qu’il pense obtenir comme niveau maximum de service. Nous avons utilisé un conseil extérieur sur la méthodologie. Le traitement des résultats a été effectué par le groupe projet, en utilisant quelques stagiaires pour les traitements statistiques.

Nous avons essayé de traduire les résultats de l’enquête en engagements. Toute la difficulté réside dans ce passage. Nous avons, en séminaire avec l’équipe de direction, des cadres et le groupe projet, sélectionné des propositions. Ensuite, elles ont été reprises par la hiérarchie, notamment les responsables des services fonctionnels, pour y inclure des moyens.

Nous avons fait en sorte d’obtenir des résultats pratiques immédiats, internes et externes, des peintures et des poubelles, par exemple. Nous avons recherché également des résultats sur le comportement de certaines personnes. Par exemple, tous les chefs de subdivision contacteront au moins une fois par an les maires des communes situées le long des voies d’eau, de façon à les informer de nos travaux. En effet, les maires ne disaient qu’ils voyaient que des travaux commençaient que lorsqu’ils voyaient les bulldozers.

Un autre élément fort est d’éviter un bouleversement des méthodes de travail. Ce qui me paraît prioritaire est surtout d’adapter notre niveau de service, quitte à gaspiller dans un premier temps des moyens humains et de temps. Sachant que nous sommes dans une réorganisation liée à la RTT, nous aurons le temps de constater les gâchis par rapport à notre niveau de service. Il faut dans un premier temps faire passer la notion de service adapté tout en évitant des bouleversements internes. Une partie de la hiérarchie voulait, face à une demande extérieure, toucher tout de suite à une réorganisation interne, qui aurait mené à des conflits sociaux.

Les types d’engagements concernaient l’adaptation des niveaux de service dès le 1er avril 2000 et dix engagements formels. Les niveaux de service nous ont posé le plus de problèmes car ils nécessitaient de transiger entre des points de vue différents. La question “ qui est l’usager ? ” se pose. Est-ce le loueur de bateaux ou la personne qui navigue ? Le loueur veut du personnel sur les écluses, l’usager de base préfère l’automatisation. En interne, pour certaines dispositions, une organisation syndicale a cherché l’appui de personnes qui se disent représentatives. Au premier CTP, elle s’est présentée avec la lettre d’une organisation d’usagers, avançant que les usagers désiraient des services différents. Au deuxième CTP, nous nous sommes aperçus que le vice-président de l’association était mis à l’écart de l’association. Cela montre la nécessité que dans la connaissance de l’avis de l’usager, on ait bien organisé, en amont, un système d’analyse pour que la remontée d’informations soit la moins contestable possible. Au niveau administratif, cet engagement a entraîné une démarche de modifications d’arrêtés, qui sert aujourd’hui pour une extension au niveau national.

Pour rendre compte de nos objectifs, nous avons publié un “ quatre pages ” sur le thème “ voici comment nous nous adaptons, en fonction de ce que vous pensez de nous ”. Cela faisait partie de nos engagements.

IV. Quelques conclusions

En guise de conclusion, la responsabilité des cadres est importante. Il est important aussi de dégager des moyens financiers et humains, pour montrer que l’on ne reste pas dans des limites étroites. Il est nécessaire également d’avoir un suivi. Chaque engagement est piloté par un

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responsable. Tous les six mois, un bilan de l’état de l’engagement est effectué, sur lequel chacun a une responsabilité. Un autre élément paraît essentiel : la maîtrise du temps. On est parfois tenté d’aller trop vite et de boucler une telle démarche en quelques mois. Il faut en fait considérer que l’on apporte une contribution : avant nous, des actions ont été menées, et nous aurons également des successeurs. Il faut faire en sorte que cette contribution soit bien ancrée, en interne et en externe.

Nous envisageons d’avoir un indicateur de suivi d’opinion sur l’ensemble des usagers. Nous envisageons aussi un dispositif d’écoute externe permanent. Nous avons pour cela nommé un service fonctionnel issu de Voies Navigables de France, donc d’une mentalité plus commerciale que des fonctionnaires, pour entretenir des relations avec les usagers/clients. Nous avons également nommé un cadre indépendant de la structure de production comme médiateur, lorsque le service est contesté par un usager.

Notre démarche a été lancée en 1999. Les engagements ont été fixés au cours de l’année 2000. Nous sommes maintenant dans la phase de bilan et de complément de cette information.

Martine GUESNIER

Je vous remercie pour le pragmatisme de votre démonstration. Vous montrez qu’une démarche de qualité est possible. La Marine nous a montré qu’elle pouvait être rapide. Vous nous avez montré que nous pouvions aller jusqu’au bout, comme vous êtes arrivés à la phase de bilan. Je retiens de votre intervention que si nous avançons à petits pas, nous pouvons y arriver.

J’avais une remarque à faire à Pierre Verdeaux. J’ai cru comprendre que vous avanciez que la qualité du service était au prorata de son coût. Etait-ce le sens de votre argument ?

Pierre VERDEAUX

J’ai dit le contraire. L’usager de la voie d’eau paye 2 % à 5 % du coût de la voie d’eau. Cela ne signifie pas qu’il ne doit pas obtenir un service de qualité. Il doit avoir un service adapté à un optimum qu’il est possible de définir.

Martine GUESNIER

L’usager ne vous répond-il jamais qu’il est un contribuable ?

Pierre VERDEAUX

Dans ce cas, je réponds toujours : voulez-vous des autoroutes et des hôpitaux, ou des voies navigables ? Plus j’ai de budget, mieux je me porte. De plus, la voie d’eau n’est pas faite pour le piéton ou le cycliste qui se promène. D’après la loi, il est toléré à ses risques et périls. Nous pourrions donc dire que nous ne sommes pas tenus de lui rendre un service. Cependant, nous constatons une pression sociale pour se promener sur les berges. La position que nous avons adoptée est de mieux connaître cet usager. En commençant à le satisfaire, nous pourrons saisir les collectivités locales, pour entamer avec elles des opérations de partenariat.

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Martine GUESNIER

Je vous posais cette question pour conclure en faisant référence au guide méthodologique de la délégation interministérielle, dans lequel il est question des services de base et des services associés.

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APRES-MIDI Présentation du guide méthodologique

S’engager sur la qualité du service

Eric ALONSO Consultant d’INSEP Consulting

Martine GUESNIER

Je voudrais saluer l’arrivée parmi nous de Tore Simonsen, qui nous fera l’honneur de relater son expérience. Ce matin, nous avons eu l’occasion de constater que la méthodologie était récurrente. Pour notre intérêt, la DIRE, en partenariat avec INSEP Consulting, a réalisé le guide méthodologique S’engager sur la qualité du service. Il nous a paru intéressant de vous présenter son contenu pour que vous puissiez, dès demain, y faire appel, pour la démarche qualité, les engagements, les récits des expériences ou la méthode pour atteindre des objectifs. Je passe donc la parole à Eric Alonso, qui va vous présenter ce guide.

Eric ALONSO

INSEP Consulting est un cabinet de conseil en management et en organisation pour lequel je travaille depuis cinq ans. Il intervient en partie dans les administrations, plutôt sur la thématique de la qualité. Mon objectif est de vous donner l’envie de lire ce guide de méthodologie de 120 pages.

Il a été élaboré avec la DIRE (délégation interministérielle à la réforme de l’Etat) et un comité de pilotage composé de représentants de différents ministères. Il a actuellement été diffusé à deux mille exemplaires sur format papier. Il est également disponible sur les sites internet et intranet du ministère de la Fonction publique.

Il possède, avec ses fiches outil, un caractère opérationnel concret. Nous citons ainsi EDF, l’Education nationale, la CNAV, des exemples européens. Les témoignages que vous avez entendus ce matin sont, pour partie, repris dans ce guide. Certains exemples sont même détaillés, avec l’accord de leurs auteurs. Ils sont donc analysés sous l’œil critique du consultant, pour vous aider à tirer le meilleur parti de ces expériences. Les fiches outil exposent des outils d’auto-diagnostic. Un auto-diagnostic se déroule à la fois avant un engagement, lorsque vous voulez vous engager, pendant les engagements (fonctionnent-ils bien ? Font-ils sens auprès des usagers/clients et des personnels ?), et après les engagements : comment peut-on aller plus loin que les engagements, qui ne sont pas une fin en soi ? Par ailleurs, au sein des outils d’auto-diagnostic, le CAF, outil européen de management par la qualité, est détaillé. Il est important de souligner dans cette expression le mot management. Les fiches outil exposent comment écouter les usagers, comment améliorer un processus, comment on peut mesurer.

Le guide explicite également le lien entre “ politicalité ” et engagements. C’est une dimension qui n’a pas été facile à dégager. L’année dernière, le CIRE (comité interministériel à la réforme de l’Etat) a indiqué que chaque ministère devait élaborer une “ politicalité ” et prendre des engagements. Qu’est-ce qu’une “ politicalité ” ? Que sont des engagements ? Quelle est la

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différence ? Dans une première partie, le guide explicite ces deux notions pour vous donner des points de référence dans vos travaux. Un engagement est “ une promesse explicite faite aux bénéficiaires sur les caractéristiques d’une prestation ”. Sur une même prestation, les bénéficiaires peuvent être multiples. Le guide présente par ailleurs une typologie d’engagements, d’un engagement très fort sur le service de base jusqu’à des engagements plus flous. Ainsi, j’ai vu une charte d’accueil spécifiant que l’on s’engageait à vous accueillir avec le sourire. Peut-on réellement qualifier cet acte d’engagement ? Les niveaux d’engagements que nous avons détaillés concernent les services de base, les services associés, les résultats, les moyens, le niveau de qualité. Peut-on mesurer ce niveau de qualité ? A-t-il une contrepartie ?

Le guide présente aussi des facteurs clé de succès que nous vous conseillons de réunir, afin de réussir toute démarche qualité ou d’engagements. Ces conseils sont les suivants : • clarifier l’offre de service : ce n’est pas toujours le cas ; • écouter des bénéficiaires : connaître leurs besoins, à travers leur opinion et des faits

mesurables ; • relier les missions prioritaires : il faut que les engagements soient cohérents avec la stratégie

que vous avez mise en place ; • améliorer les processus : pour tenir les engagements, il faut fiabiliser, améliorer voire recréer

les activités qui contribuent à la prestation ; • mesurer la performance interne et la satisfaction des bénéficiaires ; • associer le personnel et consolider le management : la qualité pourra difficilement fonctionner

sans management ; • piloter et prendre en compte la durée : les engagements ne sont pas ponctuels. Ils s’inscrivent

dans le long terme, et peuvent se transformer. • développer une dynamique positive : les personnels doivent s’approprier ces engagements, les

mettre en œuvre et les développer. On retrouve grosso modo les principes du management par la qualité, donc des outils qui sont évalués par la méthode du CAF.

Enfin, le guide incite à conduire la démarche d’engagement comme un véritable projet. Les ministères techniques mettent en place des projets, qui se préparent, se planifient et se mesurent. La démarche est identique pour les engagements : il faut la cadrer, rythmer sa conception, la mettre en œuvre, la suivre, la mesurer. Il faut des chefs de projet, des moyens définis au départ. Un reporting permanent doit donc exister afin de piloter et de suivre la démarche.

Martine GUESNIER

Cette courte présentation nous permet de vous questionner sur le contenu, les conditions de mise en œuvre, les exemples réussis ou les difficultés rencontrées par certaines entreprises que vous avez accompagnées.

Bertrand de QUATREBARBES, France Qualité Publique

J’aimerais vous interroger sur la notion fondamentale d’écoute. Il n’existe pas de qualité sans usager, car la qualité est l’aptitude à satisfaire les besoins de l’usager. Lorsque vous parlez d’écoute, vous dites qu’il faut interroger les usagers, et vous citez les exemples du groupe ACCOR 39

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et de Chez Paul qui ont mis en place une charte d’écoute des clients. Pensez-vous qu’il existe une différence avec le service public ? Pensez-vous que le service public doive simplement écouter ou, comme vous le conseillez pour le personnel, associer les usagers ? La démarche est très différente selon qu’il y a écoute ou association. Quel lien faites-vous avec les démarches engagées par le gouvernement sur la démocratie participative ? Dans les villes de plus de 20 000 ou 50 000 habitants, on engage les services publics à organiser des consultations sur la démocratie locale. Dans votre guide, il n’est question ni des associations d’usagers ni de démarche participative. Etait-ce une consigne ? Etait-ce basé sur l’expérience ? Etait-ce voulu de la part de votre cabinet ?

Eric ALONSO

Ma réponse sera simple. Nous n’en parlons pas. Dont acte. Nous n’avions ni consigne ni volonté particulière. Pour ma part, la démarche d’association me semble intéressante. Elle est sûrement à coupler avec un dispositif d’écoute, car les dimensions ne sont pas les mêmes.

Nous n’en avons pas parlé car nous avons privilégié des dispositifs qui existaient sur des aspects précis. Les démarches d’écoute, telles que nous les avons étudiées dans les ministères, sont centrées sur des prestations particulières, dans des services particuliers. Dans ce cas, on peut faire une enquête précise sur la prestation. Mais, nous n’avons pas pris en compte la démarche plus large d’association de partenaires comme les associations d’usagers.

Jean THIERREE, délégation interministérielle à la réforme de l’Etat

Je voudrais répondre à Bertrand de Quatrebarbes, que je connais depuis longtemps. Lorsque nous nous sommes interrogés pour construire ce guide, nous avons effectué une démarche méthodologique. Nous conseillons d’identifier la prestation que nous offrons et les bénéficiaires. De façon provocatrice, je dirais que l’usager n’existe pas. Mais, l’usager de telle ou telle prestation existe. Lorsque l’on parle d’association, il s’agit d’associations génériques, d’un service public pris dans son ensemble. Il n’existe pas d’associations regroupant les bénéficiaires de prestations particulières. Par exemple, il n’existe pas d’association regroupant les usagers du permis de construire. Mais, nous pouvons interroger des maires, des bénéficiaires du permis de construire, etc. Nous avons donné des indications sur une méthodologie pour recueillir les opinions et les attentes des bénéficiaires d’une prestation donnée. Nous avons préféré cette démarche à la recherche d’un rapprochement avec les associations, qui sont d’un niveau plus général, plus politique. Nous avons cherché à créer un instrument pour les services.

Martine GUESNIER

Nous sommes rassurés. La recherche des attentes des bénéficiaires et le mode de repérage ne sont pas occultés dans le guide. L’enquête, par panel ou avec les représentants d’associations, reste à la liberté et à la créativité de chacune des organisations. L’écoute des bénéficiaires fait partie de la deuxième étape, qui permettra ensuite d’analyser les processus.

Eric ALONSO

Je voudrais ajouter en complément sur les deux sens du mot association. Nous avons parlé des associations comme représentants des usagers. Vous avez également utilisé le terme association,

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au sens d’associer les bénéficiaires, plus fort que l’écoute. En effet, nous pouvons écouter sans associer les bénéficiaires. Je retiens aussi que, dans les modalités de travail avec les bénéficiaires, au-delà de l’écoute, l’idée de recréation du service rendu est aussi présente.

Marie-Josée GOHE, Caisse Nationale d’Assurance Maladie

Les usagers ne sont pas une entité abstraite. Ils sont nombreux et ont des caractéristiques propres. Nous n’avons pas encore la maturité de la notion de typologie des attentes, avec une capacité de modulation de notre offre de service. La question que je me pose pouvait déjà être posée ce matin : une administration de service public peut-elle avoir une approche de discrimination positive ? Si on veut moduler notre offre de service, et privilégier des personnes notamment plus précaires, on nous rétorque qu’il existe une égalité de traitement, des droits constitutionnels. Comment peut-on faire jouer, de façon complémentaire, ces deux aspects ?

Eric ALONSO

Je ne pourrai répondre, sauf pour ajouter une anecdote. Dans une CAF, parmi les personnes interrogées sur le service rendu aux usagers, l’une nous a répondu qu’elle recevait toutes les personnes pendant dix minutes, selon le principe d’égalité, quel que soit le problème. On voit donc jusqu’où peut aller aussi le principe d’égalité.

Jean-Louis BUHL, directeur de l’ACOSS

Il est ridicule de recevoir les usagers quelques minutes chacun. Ils se trouvent dans des situations différentes. Le devoir du service public est de s’adapter à ces situations. L’égalité de traitement concerne l’égalité d’application des règles de droit. Ce n’est certainement pas de les traiter de la même manière, dans l’accueil ou l’accompagnement. Il faut abandonner l’idée d’égalité de traitement, de masse, indifférencié. C’est une administration de procédure.

Je dirige un service national de recouvrement de cotisations et de contributions où nous travaillons sur la segmentation des cotisants et sur la modulation de l’armement juridique pour s’assurer du recouvrement, en fonction de la situation et du comportement de chaque assuré. Nous nous acheminons vers des politiques d’évaluation du risque qui permettent de nous adapter à chacune des situations, pour être le plus efficace possible et pour rendre le meilleur service. Il est délicat de parler de service dans le domaine du recouvrement, mais il s’agit bien d’accompagner le mouvement. Au Canada, il est dit que l’on ne peut pas vous rendre les choses plus agréables, mais qu’on peut vous les rendre plus faciles. L’objectif est donc bien de simplifier, d’accompagner, de donner la bonne information. L’idée que le service public impose un traitement indifférencié est maintenant à mettre au rang des idées reçues.

Martine GUESNIER

La notion de qualité elle-même concerne la satisfaction perçue par le client. Les perceptions pouvant être différentes, elles conduisent à proposer des prestations correspondant aux besoins du client. C’est là que se trouve la qualité. Un service standard ne sera pas considéré comme de qualité pour une personne qui n’a pas cette attente.

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De la salle

Monsieur a parlé de la méthode d’auto-évaluation, dite CAF. Je n’ai pas trouvé sa présence dans le guide. Je voudrais donc connaître la signification de ce sigle. Je n’ai par ailleurs pas trouvé de critères quantifiés dans le guide.

Eric ALONSO

Entre CAF et GEIQ, l’appellation finalement retenue est celle de CAF. Nous n’en parlons pas beaucoup dans le guide, car une publication particulière est prévue par la DIRE. Je ne peux donc en dire plus.

Martine GUESNIER

La publication est disponible sur le site internet de la fonction publique.

Eric ALONSO

Il s’agit d’une auto-évaluation du management par la qualité, adapté du modèle européen EFQM.

Guy PUTFIN, UNSA Fonctionnaires

Un passage concerne l’implication des personnels. Il faut s’attendre à des demandes de retours, individuels ou collectifs, pour reconnaître les efforts réalisés. La phrase suivante me laisse perplexe : “ La hiérarchie doit se préparer à traiter ce type de réactions ”. Ce sont des questions lourdes, sur lesquelles nous avons travaillé dans la fonction publique, qui concernent notamment les primes, l’intéressement, etc. J’aimerais obtenir quelques renseignements sur cette question.

Eric ALONSO

La phrase est certainement mal formulée. Pour fonctionner, toute démarche qualité doit bénéficier du soutien du management et du personnel. Ce ne sont pas forcément des primes ou des rémunérations supplémentaires. Si l’on demande au personnel d’écouter les usagers, et que le management et la hiérarchie n’écoutent ni les usagers ni les personnels, la démarche ne marchera jamais. Nous mettons aussi des notions de ce type dans cette phrase. Il faut entendre que le management s’engage auprès du personnel pour porter les démarches qualité.

Martine GUESNIER

Auriez-vous souhaité que nous soyons plus précis dans les méthodes de motivation ?

Guy PUTFIN, UNSA Fonctionnaires

Oui.

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Eric ALONSO

Nous pointons aussi la nécessité d’anticiper. Lorsque l’on lance un projet de ce type, on sait que des résistances vont voir le jour : autant les prévoir dès le début et ne pas s’en rendre compte au fur et à mesure.

Bertrand de QUATREBARBES, France Qualité Publique

Je ne comprends pas pourquoi la démocratie participative s’appliquerait aux collectivités locales, et pas aux administrations d’Etat.

Martine GUESNIER

Je crois que Pierre Séguin a décidé que le prochain colloque concernera la démocratie participative. Nous allons maintenant commencer la table ronde. Quatre intervenants vont aborder les rapports entre les échelons central et local. Nous avons demandé à chaque intervenant de présenter la partie du sujet qui le concerne, et nous procéderons dans un second temps à un échange avec la salle.

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Table ronde : “ Les relations central – local

dans les engagements de service ” Jean-Louis BUHL, Directeur de l’ACOSS Daniel MARCONNET, Directeur de l’URSSAF de Charente-Maritime Chantal JAFFEUX, Directrice des agences d’assurance vieillesse d’Ile-de-France Anne-Lise MOREAU, Responsable du département retraite de la CRAM des Pays de Loire

Jean-Louis BUHL

L’ACOSS dirige les organismes chargés de la collecte des ressources sociales du régime général. C’est un réseau de 105 organismes, avec sept centres informatiques interrégionaux. Il est chargé d’assurer l’assiette, le contrôle, le recouvrement et la répartition entre les différentes caisses chargées de servir des prestations. Les cotisations et les contributions financent le régime général. Nous alimentons également quelques institutions connexes au régime général, comme le Fonds de Solidarité Vieillesse.

En l’an 2000, nous recouvrions 1 600 milliards de francs. 1 100 milliards étaient recouvrés par les URSSAF et 500 milliards directement par l’ACOSS (taxes diverses, partie fiscale du financement de la Sécurité sociale, la CSG sur le placement et le patrimoine, etc.).

Le réseau comprend environ 13 000 personnes. L’agence centrale naît en 1967, par ordonnances, avec un objectif de gestion de trésorerie commune. L’équipe a été progressivement dotée d’une capacité d’action sur l’orientation du réseau, les politiques conduites par les URSSAF, l’interprétation de la réglementation. Ces possibilités d’action en font aujourd’hui une Caisse Nationale de Sécurité sociale, comparable à la CNAF, la CNAV ou la CNAM.

Comment peut-on organiser le management d’un réseau ? On doit obtenir une bonne qualité de service sur le segment de contact entre les collaborateurs et leurs usagers. Comment cette qualité peut-elle être réalisée par une organisation globale de management ?

I. Enjeux et spécificités de notre réseau

Notre réseau est à double face.

Il est très proche des administrations d’Etat, de par ses missions régaliennes de recouvrement et de contrôle. Sa culture de management est de type administratif, orientée vers la conformité et le respect des procédures. Très peu d’outils d’évaluation et de motivation des collaborateurs existent. En effet, la convention collective de la Sécurité sociale est proche d’un statut. En particulier, l’évolution des rémunérations se fait pour une part importante à l’ancienneté.

En revanche, la décentralisation territoriale des compétences entraîne une distinction très forte avec le premier visage du réseau. Notre problématique d’origine est d’introduire, dans notre dispositif d’organismes locaux, de la cohérence pour assurer l’égalité de traitement des usagers sur l’ensemble du territoire. Chaque organisme est responsable de sa propre politique. Notre problématique est donc plutôt celle d’une centralisation progressive de décisions stratégiques, que

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celle d’une déconcentration des compétences. Les organismes disposent d’une autonomie juridique totale et d’une pleine responsabilité dans la réglementation. La Cour de Cassation indique que les circulaires ministérielles et celles de l’ACOSS ne s’imposent pas aux URSSAF. La constitution historique du réseau entraîne également une grande disparité des organismes au niveau de leur taille. La plus petite comporte 35 personnes, la plus importante 3 000. L’organisme central est donc confronté à une importante difficulté : définir des politiques qui soient applicables aux différents organismes, pour qu’ils fonctionnent sur une base identique.

L’ACOSS a assuré une cohérence dans les politiques suivies non par des méthodes directives, mais par des méthodes participatives. Toute politique nationale se fait en concertation avec les directeurs. Nous avons d’ailleurs un séminaire, la semaine prochaine, à Bordeaux, où les directeurs seront réunis pour définir notre stratégie pour les prochaines années. Nous confions aux organismes locaux le pilotage de projets nationaux, dans le cadre de contrats d’intérêt national. Nous confions aux centres informatiques le traitement des données, mais aussi des tâches d’étude, d’accompagnement des organismes dans la mise en œuvre des outils, etc.

II. La généralisation de la contractualisation

1. L’esprit du dispositif des ordonnances de 1996

Les ordonnances dites “ Juppé ” concernaient différents volets de protection sociale, dont un de gestion. L’ordonnance de gestion créait la convention d’objectifs et de gestion, conclue entre l’Etat et chacune des caisses nationales, qui détermine des engagements mutuels. Ces engagements ne sont pas forcément équilibrés : ce sont surtout des engagements des caisses nationales et des réseaux. Ils visent à améliorer la qualité du service rendu. Ils visent aussi l’amélioration de la qualité de rigueur et de fiabilité des processus internes de traitement et de restitution des données, en particulier financières et comptables. Les engagements mutuels sont assortis d’un protocole budgétaire de pluriannualisation, pour permettre aux organismes de récupérer en fin d’année les crédits de l’année précédente, et les répartir, en fonction des besoins, sur des objectifs de fonctionnement ou d’investissement. Seule la masse salariale en est exclue.

Les contrats de convention d’objectifs sont proposés à l’Etat par les conseils d’administration des caisses nationales. Ils sont négociés puis signés par le ministre et par le président et les directeurs de chacune des caisses nationales. C’est en somme une charte de gestion pour une durée de quatre ans. Nous terminons une convention d’objectifs en 2001.

Cette convention nationale d’objectifs et de gestion est “ déclinée ” en contrats locaux, par l’organisme national et chacune des URSSAF.

2. Les points clef de la démarche des contrats locaux

Les contrats locaux constituent le cœur de la démarche contractuelle d’amélioration du service.

La démarche n’a pas été conçue au niveau national et imposée aux organismes. Nous avons recherché dès cette étape un consensus sur la manière dont nous pouvions assurer le diagnostic de la situation locale et dont nous pouvions élaborer les engagements. Nous avons travaillé avec les directeurs d’organismes locaux et un consultant. Nous avons alors élaboré une démarche, avec une méthodologie précise, sur laquelle nous avons recueilli l’assentiment de l’ensemble du réseau. 45

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Les contrats locaux ne sont pas une déclinaison de la convention nationale. Ils ne représentent pas un contrat type que nous aurions essayé de faire signer par chacun des organismes. Ils constituent une évaluation spécifique de chacun des organismes, à partir de la marge de progrès sur les différents segments des engagements possibles. La marge de progrès est constatée par des outils d’évaluation, issus du benchmarking interne : un classement des organismes, regroupés par activité.

Le diagnostic permet de repérer, de façon contradictoire avec chacune des directions, les marges de manœuvre. Il suggère des niveaux d’engagement, avec une planification. Le diagnostic se fait sur place.

Les objectifs sont annuels et chiffrés ; ils concernent les résultats attendus ou les actions à conduire. La proposition de contrat est faite par l’organisme.

L’agence centrale est organisée sur la base des métiers : direction de recouvrement, direction de contrôle, direction informatique… Nous avons réuni les directions dans des groupes de travail, pour instruire les contrats. La même méthode de diagnostic est suivie pour l’évaluation : les agents de l’agence centrale se rendent sur le terrain, réunissent l’équipe de direction locale, examinent les résultats, et fixent éventuellement des démarches correctrices.

Concernant les résultats, les directeurs et la tutelle ont accueilli favorablement la démarche. La tutelle a insisté sur la mobilisation qui a résulté de la démarche, qui a eu des effets réels sur l’atteinte des objectifs de service. Il en a résulté le sentiment que chaque progrès réalisé par chaque organisme concourrait à l’atteinte les objectifs généraux du réseau. Enfin, il a résulté de la démarche une meilleure connaissance des organismes locaux par l’agence centrale. Il est vrai que certains organismes ont reçu, pour la première fois, des collaborateurs de l’agence centrale à l’occasion de la contractualisation.

III. Appréciation générale et remarques finales

Les points positifs de la démarche concernent l’effet de sens dans le travail quotidien des services et la mobilisation sur les objectifs. Bien que les contrats ne soient pas connus de tous les collaborateurs, ils sont connus d’une très large majorité de ces 13 000 personnes. Cela leur permet de comprendre le sens des changements importants qu’ils rencontrent dans leur travail quotidien (changements informatiques, dans la relation avec l’usager). La contractualisation nous a également permis d’avoir un véritable débat sur la stratégie de gestion du réseau et sur le pilotage des organismes locaux. Ce débat a très largement associé les cadres dirigeants et les conseils d’administration. Il a clarifié les modalités d’évaluation du travail. Enfin, l’esprit de réseau a aussi été renforcé : appartenance à un réseau qui poursuit des objectifs définis en commun, dont les résultats sont entre les mains de chacun des intervenants du réseau.

Nous rencontrons quelques limites dans notre stratégie. La première concerne la lourdeur du processus. Nous avons conclu 112 contrats, qui nécessitent une préparation et un déplacement d’une journée. Chaque convention représente plusieurs mois de travail pour l’équipe de l’ACOSS. Nous nous interrogeons donc sur notre capacité à poursuivre durablement une démarche aussi exigeante. Le niveau d’implication des collaborateurs d’exécution est variable : tous les collaborateurs ne connaissent pas l’existence des contrats. Les collaborateurs d’exécution ne sont pas tous destinataires d’une communication appropriée à leur situation, pour mieux comprendre les engagements généraux de leur service. Il nous faudra redoubler d’efforts lors de la prochaine période. La contractualisation pose également un problème d’organisation du travail horizontal à

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l’échelon central : on ne peut pas avoir de vision globale d’un organisme, avec une organisation par métier au niveau central. Nous menons un important débat à l’agence centrale sur la manière dont nous pourrions “ territorialiser ” les différentes directions, ou sur une direction interrégionale plus importante qui puisse effectuer la synthèse. Enfin, les contreparties à l’atteinte des objectifs constituent la première attente des collaborateurs du réseau. Nous l’avons constaté à l’occasion de la préparation de la prochaine convention. Ils nous avancent qu’ils ont fait des efforts d’adaptation. C’est une difficulté que nous allons rencontrer. Il s’agit de la première convention. La deuxième va commencer. Les collaborateurs vont-ils nous suivre à la troisième convention ?

En conclusion, il existe une grande cohérence entre engagements et management en réseau. La relation client – fournisseur n’est pas l’exclusivité de ceux qui se trouvent en contact avec les usagers. Nous avons essayé de faire en sorte que chaque service et chaque organisme se sente impliqués dans une relation de service. L’ACOSS rend des services aux organismes, et inversement. Les services informatiques rendent des services aux organismes, pour lesquels ils possèdent même des contrats de service.

La contractualisation a pour vertu d’établir des responsabilités distinctes pour la définition des politiques publiques et leur mise en œuvre. Le rapport Lépine constate que le benchmarking des administrations fiscales, pour la France et les pays étrangers, marche mieux lorsque les services en charge de la mise en œuvre des politiques sont constitués en agences et sont dans une relation contractuelle avec les instigateurs de la politique. La mise en œuvre est alors davantage valorisée et a davantage de marge de manœuvre.

Un délai existe pour transformer “ culturellement ” un réseau. Cette transformation est inégale selon les domaines, notamment, pour nous, la gestion des ressources humaines : la convention collective ne nous aide pas à accompagner la transformation culturelle.

Enfin, nous avons des difficultés à gérer les répercussions de la stratégie de gestion sur l’organisation territoriale des compétences. Nous avons des difficultés à contourner les fortes contraintes de la décentralisation du réseau.

Je voudrais revenir sur un point, pour vous donner quelques éléments précis sur les deux enquêtes que nous avons menées à l’occasion de la prochaine convention d’objectifs et de gestion. L’une a été, pour la première fois, lancée auprès des 13 000 agents du recouvrement. Un “ quatre pages ”d’une trentaine de questions, leur a été distribué. Nous avons obtenu 7 200 réponses, soit plus de 55 % de réponses, ce qui est un très bon score. Je vous propose quelques résultats. La première concerne les domaines dans lesquels les personnels ont noté des changements. Les résultats concernent avant tout l'informatique, l’organisation du travail dans les services (66 %), la relation avec les cotisants, les responsabilités qui incombent à la personne (61 %). Nous voyons donc que des changements importants ont été ressentis par le personnel. Par ailleurs, 44 % des agents savaient que leur organisme avait signé un contrat avec l’ACOSS (31 % connaissaient seulement l’existence du contrat, 22 % ne le savaient pas). La nécessité d’informer plus largement les agents se fait donc sentir. 18 % n’avaient jamais entendu parler de la convention d’objectifs, 28 % avaient déjà entendu parler de son contenu, 25 % avaient déjà eu le texte en main. Les avantages ressentis dans les changements concernent une routine diminuée, la possibilité de parler de son organisme et de son efficacité, une simplification du contact avec les interlocuteurs. 30 % n’ont cependant ressenti aucun avantage. Les “ points noirs ” n’ont pas existé pour 11 % des agents : des correctifs sont donc à prévoir. Pour 70 % des agents, on leur demande plus d’efforts, sans reconnaissance. 48 % considèrent qu’ils ont plus de stress dans leur travail, et 34 % considèrent que les critères d’évaluation sont inadaptés. Cependant, seuls 14 % considèrent qu’il

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faut ralentir les changements. Nous pensions qu’un nombre de collaborateurs désirait une “ pause ” dans les réformes. Certes, ceux qui considèrent que c’est une démarche souhaitable sont moins nombreux que ceux qui sont résignés (47 %).

Martine GUESNIER

Ce questionnaire était-il nominatif ?

Jean-Louis BUHL

Non.

Enfin, lorsque l’on demande aux agents le rôle que l’agence centrale doit jouer dans l’évolution de la branche, les réponses sont assez différentes selon l’organisme : les réponses “ donner des orientations générales ”, “ observer l’évolution des organismes ” et “ jouer un rôle de coordination ” sont citées par plus de 68 % des URSSAF, contre 46 % pour l’ACOSS. Par contre, 54 % des agents de l’ACOSS sont favorables pour intervenir de manière active en donnant des directives précises, diriger et contrôler la politique (31 % dans les URSSAF). Nous devons donc faire face à la difficulté de concilier les deux approches.

Je n’ai malheureusement plus de temps pour vous présenter l’enquête concernant les usagers.

Martine GUESNIER

Nous allons maintenant demander à Daniel Marconnet la perception qu’il peut avoir de cet engagement.

Daniel MARCONNET

Mon propos se limitera au point de vue d’un responsable local, puisque je suis directeur de l’URSSAF de Charente-Maritime, sur les relations entre l’échelon local et notre caisse nationale.

Dans la branche du recouvrement, nous sommes passés d’un management technique à un management d’animation, plus participatif. Je relève deux aspects de cette mutation, l’une méthodologique, l’autre sur les outils.

Sur le plan méthodologique, l’utilisation du mode projet a permis une grande implication des URSSAF. Les problèmes traités sont abordés sous l’angle de la gestion de projet. C’est une dimension importante pour les URSSAF, qui leur permet d’être associées à des groupes de travail. C’est une manière pour les URSSAF de faire valoir leurs points de vue, et donc de faire progresser les dossiers.

Jean-Louis BUHL

Pour illustrer votre propos, le comité national du système de production informatique est présidé par le directeur de l’URSSAF de Bordeaux.

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Daniel MARCONNET

Le comité de gestion détient en effet une maîtrise d’ouvrage déléguée par l’agence centrale.

Les organismes sont impliqués dans les différents projets, selon leurs moyens. Ils servent de relais et d’appui technique dans les régions. Les URSSAF impliquées permettent donc d’apporter une première réponse fonctionnelle, pour aider les autres organismes.

Le deuxième volet concerne les outils et les procédures. Il s’agit de la contractualisation, devenue un outil de management très important, aux niveaux local et national, et entre organismes au sein d’une même région. Plusieurs niveaux de contractualisation existent. Le premier est individuel/collectif ; il concerne la convention d’objectifs et de gestion. Le diagnostic a été partagé dès la préparation de la première convention. J’ai moi-même fait partie de ce groupe de travail, avec une collaboratrice. Une contractualisation strictement individuelle existe aussi : une ou des missions nationales sont déléguées au niveau local. L’URSSAF de Charente-Maritime est par exemple chargée d’un contrat de diffusion et d’assistance sur la mise en place des liaisons entre les chambres de commerce ou de métiers et les URSSAF. Nous avons donc un contrat, des moyens, et nous nous engageons sur des objectifs. Nous assistons donc l’organisme national, qui ne peut descendre à ce niveau.

Je voudrais m’arrêter sur un exemple significatif. En préparation au basculement à l’euro, la branche de recouvrement s’est engagée sur un plan de basculement progressif. La branche a demandé à un organisme de basculer, selon un script. L’URSSAF de Charente-Maritime a accepté le contrat. Nous avons reçu des moyens et rédigé, avec l’aide d’un consultant, le script de basculement. Nous avons réussi l’expérimentation du basculement, en septembre 2000. L’ensemble du réseau a donc entamé des opérations de basculement successives, terminées en juin 2001.

En matière de réduction du temps de travail, les accords d’entreprise comprennent un volet engagements de service, mais aussi un volet de coopération régionale. Les conventions de coopération régionale prévoient la mutualisation de moyens, notamment des emplois. La contractualisation est donc utilisée comme un outil fort de management pour faire progresser l’ensemble du réseau.

Concernant les limites, certaines procédures sont lourdes. Des procédures administratives, financières ou comptables peuvent ralentir le mouvement. L’évaluation des résultats pose toujours problème. Quels indicateurs retenir ? La contractualisation individuelle se multiplie : nous arrivons à un foisonnement de contrats qui peut entraîner une opacité. Enfin, quelques réticences, parfois culturelles, se font jour concernant le travail en réseau. Les URSSAF restent individualistes.

Quelques points sont particulièrement positifs. Ce mode de management permet aux acteurs de terrain d’être impliqués dans la branche. Ils peuvent ainsi contribuer à l’atteinte des objectifs généraux du recouvrement. La contractualisation est aussi parfois utilisée par les URSSAF comme projet d’entreprise, ce qui permet de fédérer les personnes autour d’un projet. La convention d’objectifs et de gestion constitue également un élément fort de mobilisation : les collaborateurs sont impliqués dans la préparation, la rédaction et le suivi du contrat. D’ailleurs, le premier contrat de la Charente-Maritime s’appelait symboliquement le PACTE, Plan d’Action Concerté pour Travailler Ensemble. Les collaborateurs ne parlent plus de convention, mais de PACTE.

Le mode de gestion projet a donc permis d’associer les acteurs de terrain, ce qui nous semble fondamental, grâce à la contractualisation.

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Martine GUESNIER

Merci pour cette illustration. Nous retenons des deux interventions l’organisation matricielle, la gestion de projet, la contractualisation, la formalisation par des engagements de service. Les mêmes outils produisent-ils les mêmes effets, concernant la CNAV et ses organismes régionaux ?

Chantal JAFFEUX

Nous sommes une des premières caisses de Sécurité sociale à avoir mis en place une démarche d’engagements, très peu de temps après EDF, dont nous nous sommes largement inspirés. Nous avons eu une démarche empirique, parce qu’aucun guide n’existait alors.

La CNAV gère la retraite des salariés du régime général. Elle est issue des ordonnances de 1967. Elle délègue la gestion de la retraite au niveau des régions. 14 000 agents travaillent à la gestion de la retraite, avec quatre caisses régionales de Sécurité sociale dans les départements d’outre-mer. Elle concerne 9,5 millions de retraités et 25 millions de cotisants. Nous représentons le plus important fichier d’Europe : nous gérons 65 millions de comptes (qui remontent jusqu’à 1930) dans notre centre informatique, à Tours. Nous avons l’obligation de conserver ces comptes pendant toute la durée de vie d’une personne, et même au-delà, car les veuves ou veufs peuvent prétendre à une pension. Ces comptes concernent un nombre de données importantes : identification, salaires, incidents de carrière, maladie, pensions d’invalidité, décision retraite. Ils sont accessibles en temps direct, par l’ensemble des caisses régionales, et nous pouvons alors écouter et informer les assurés.

Comme nous constituons un monopole sur la retraite, nous aurions pu nous dire que les assurés doivent venir nous voir et qu’ils doivent donc accepter la façon dont nous assurons la relation avec eux. Les Fonds de pension constituent plus un niveau différent par rapport au régime de base qu’une remise en cause de la retraite. Le régime général, et donc notre monopole, va perdurer pendant un certain temps encore. Nous avons toutefois accepté de nous remettre en cause, parce que nous avons perçu que les assurés ont de plus en plus d’exigences vis-à-vis de la Sécurité sociale : nous sommes payés par les cotisations des salariés. Ils sont donc en droit d’exiger de la qualité.

Cette démarche était difficile à mener, car la Sécurité sociale a un déficit d’image qui retentit sur nous. Peu de nos agents disent qu’ils travaillent à la Sécurité sociale, ils en ont honte. Cela montre le chemin que nous avons à parcourir pour nous valoriser. Notre démarche expose en interne que nous avons mis en place des instruments, dont nous sommes quelquefois les premiers instigateurs. Nous avons par exemple un excellent système informatique, qui nous permet, depuis environ vingt ans, d’effectuer des calculs en direct avec les assurés. Les compagnies d’assurances le font depuis peu de temps.

La démarche est née de notre projet d’entreprise Branche Retraite Année 2000, validé par le Conseil d’Administration en 1995. Il comportait des orientations stratégiques, dont la démarche d’engagements et des actions spécifiques concernant les personnes pauvres, dont les compagnies privées ne veulent pas. Le public des veuves, des chômeurs et des RMIstes a ces dernières années beaucoup augmenté. Ils ont des attentes particulières auxquelles il fallait que nous répondions.

Nous avons mené ce projet de façon pragmatique. La Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse est la seule caisse à avoir également une vocation régionale, puisque nous gérons la retraite des salariés d’Ile-de-France. Cette situation nous donne une crédibilité vis-à-vis des caisses régionales. C’est

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une très importante caisse, car nous gérons environ la moitié de la population du régime général. Un quart des premières demandes du régime général est traité en Ile-de-France.

J’ai animé le groupe de travail composé des directeurs des caisses régionales. Nous avons effectué un état des lieux : quels sont nos services ? Nous nous sommes basés sur des enquêtes pour les attentes des salariés : ils attendent une écoute, des conseils, une simplification dans les démarches, une continuité dans nos ressources au moment du passage à la retraite, une régularité du paiement de la retraite. Il fallait mettre des services en face de ces attentes. Le groupe de travail a travaillé rapidement : quatre ou cinq mois ont suffit. Nous n’avons pas fait appel à un consultant extérieur, mais à une société de communication pour le contenu et la forme du document.

Nous avons intégré cette démarche nationale dans notre Convention d’Objectifs et de Gestion. Nous sommes à la troisième convention : la première a duré un an (1997), la seconde a couvert les années 1998 à 2000, et la troisième couvre la période 2001-2004.

Les engagements sont au nombre de sept, chiffre magique. Au départ, nous en avions plus d’une douzaine, mais nous nous sommes aperçus qu’il fallait les recomposer. Certains concernent un niveau d’engagement, d’autres un délai de réalisation, d’autres enfin un service particulier.

Le premier engagement traite de la partie “ restitution de la carrière ”. Nous pouvons restituer la carrière de tous les salariés, depuis leur entrée dans la vie active, sur simple demande, gratuitement, autant de fois que nécessaire, et à tout âge.

Le deuxième service correspond à l’écoute et au conseil. Nous avons développé un réseau de plus de 2 300 points d’accueil, pratiquement tous informatisés, sur l’ensemble du territoire. Un assuré qui se rend dans un point d’accueil peut obtenir l’état de son compte en quelques secondes, ainsi qu’un calcul estimatif de sa retraite s’il a plus de 50 ans. Nous avons complété l’écoute et le conseil dans certaines caisses par une possibilité de rendez-vous aussi long que nécessaire. Nous pouvons également nous déplacer à domicile pour les personnes qui ne peuvent se déplacer.

La phase “ préparation à la retraite ” constitue le troisième engagement. Nous situons le bon âge à 58 ans, et nous nous engageons à contacter toute personne de cet âge, pour l’inviter à faire le point sur sa retraite. Nous terminons cet entretien par un calcul informatif sur la retraite. Nous travaillons actuellement avec les caisses complémentaires, pour que cette partie, de plus en plus importante, soit prise en compte.

Le quatrième engagement concerne la simplification des démarches. C’était un engagement important pour les assurés. Les démarches étaient vues comme un dédale. Nous avions travaillé, juste avant les engagements, à une demande unique de retraite du régime de base : régime agricole, commerçant et artisan.

Le cinquième engagement est la continuité des ressources. Le premier paiement se fait pratiquement dès le premier mois du dépôt de la demande.

Depuis que nous sommes mensualisés, en 1986, nous avons constaté que des écarts existaient d’une région à l’autre. Nous avons passé des accords avec les banques pour qu’elles s’engagent à créditer le compte de chaque assuré à J+1 par rapport à notre transfert.

Le septième engagement concerne la vie à la retraite. L’action sociale va prendre de plus en plus d’importance, du fait du vieillissement de la population.

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Nous avons voulu que la démarche soit participative. A partir d’une stratégie nationale, nous avons laissé une marge de manœuvre à chaque région, pour tenir compte de leur état des lieux et pour permettre une dynamique d’évolution. Nous avions prévu de nous revoir pour déterminer que certains engagements régionaux deviennent des normes nationales.

Le projet a été conduit par des groupes projet, avec des étapes planifiées. Les engagements comportent un libellé national (socle commun) et des compléments régionaux (niveau d’engagement, services spécifiques). Nous avons aussi déterminé comment suivre les modalités des engagements. Nous avons défini des tableaux de bord, d’abord au niveau national puis dans chaque caisse. Ces indicateurs ont été largement repris dans la Convention d’Objectifs et de Gestion. Nous les doublons maintenant par des enquêtes de satisfaction, nationales et régionales.

Des modalités de communication ont été définies au niveau national. Nous avons un dépliant commun intitulé “ Entre nous, c’est une question d’engagement ”. Chaque caisse régionale peut y ajouter sa marque particulière pour son offre. Nous verrons que la caisse des Pays de Loire l’a effectué.

La démarche a été maintenant lancée depuis cinq ans. Nous envisageons de passer à un cap supérieur : des engagements régionaux vont devenir des normes nationales, notamment pour le délai d’envoi du relevé de carrière sous les dix jours (avec deux jours pour la réception et deux jours pour l’envoi du courrier). Nous mutualisons donc nos expériences, en réunissant des groupes de travail pour échanger sur les difficultés et partager les expériences.

Pour prendre l’exemple du deuxième engagement (écoute et conseil), il est possible au niveau régional d’indiquer le nombre de Points d’Accueil Retraite et, éventuellement, la distance à parcourir. En service complémentaire, l’accueil sur rendez-vous et le déplacement à domicile existent. Le libellé qui sera validé dès 2001 apporte au niveau national la possibilité de rendez-vous dans tous les points d’accueil. Chaque caisse précise si cela est possible dans tous les points ou non. Toutes les caisses affichent la possibilité de visite à domicile.

C’est une démarche modeste pour laquelle nous n’avons pas fait de publicité, comme nous avons un faible budget de communication. Il nous a paru plus raisonnable de faire la communication lors des rendez-vous avec les assurés. Le dépliant est envoyé à chaque relevé de carrière, il est disponible dans tous les points d’accueil. Nous incitons les agents qui se déplacent à montrer aux assurés qu’ils répondent à tel engagement.

Anne-Lise MOREAU

La Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Pays de Loire travaille en grande partie pour la retraite, par délégation de la caisse nationale. Elle suit les orientations nationales, avec une certaine marge de manœuvre pour la mise en œuvre.

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Je vais axer mon intervention sur la démarche de relance des engagements que nous avons mis en place, cinq ans après leur création. La nécessité d’une nouvelle dynamique est liée à l’observation du manque d’efficacité dans la communication et la gestion de nos engagements. Nous avons constaté que le personnel ne s’impliquait pas suffisamment vis-à-vis du public. Le dépliant était devenu un imprimé supplémentaire qu’il fallait remettre, donc une contrainte. Nous avons aussi constaté que la démarche était inégalement appropriée par les acteurs de la fonction Retraite. Certains services se sont impliqués dans la démarche, d’autres non. Enfin, l’organisation interne n’était pas assez contrôlée pour traiter les retours d’expression du public. Il était important que

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chaque service suive ce qui devait être fait. Or, ce n’était pas le cas. Le défaut de notre démarche était donc un défaut de pilotage dans l’organisation et le suivi.

Nous avons de ce fait mis en place un groupe associant les partenaires internes de la fonction Retraite. Ces partenaires sont les Données Sociales, l’Accueil du public, la Gestion Retraite, l’Agence comptable, l’Action Sociale Retraite, le Service Social, et de manière transversale le Service Communication. Les missions de ce groupe ont consisté à définir une nouvelle démarche de communication sur les engagements, à mettre en place un plan de communication interne, et à mettre en cohérence nos engagements avec nos pratiques professionnelles.

Nous avons pensé notre démarche pour qu’elle soit plus efficace : informer l’assuré sur la qualité du service qu’il peut attendre. Il faut aussi qu’elle soit efficace dans la mesure où l’envoi des dépliants a un coût. La démarche doit aussi donner du sens et de la cohérence : une bonne adéquation entre le service rendu et le service attendu de l’assuré doit exister. Cette nouvelle conception a reposé sur trois principes. Le premier est de dissocier chaque engagement pour mieux le valoriser auprès du public. Chaque service est en effet rendu à des moments différents. Le deuxième principe repose sur l’anticipation de l’information du public, sur chaque engagement. Il faut donc faire connaître le service ni trop tôt ni trop tard. Le troisième principe consiste à faciliter l’accès au service pour lequel un engagement de qualité est affiché.

Pour dissocier chaque engagement, nous avons changé le concept du support d’information. Nous avons créé un jeu de sept cartes postales, au lieu du dépliant, tout en respectant les normes nationales. Les cartes sont aussi présentées dans une affiche. Nous avons respecté le socle des normes nationales. Sur l’affiche, notre positionnement régional n’apparaît pas.

Pour anticiper l’information du public, nous avons redéfini le choix du moment d’information sur chaque engagement, et le choix les moyens d’information. Nous nous sommes demandés si un envoi postal est préférable à la remise d’un commentaire par un acteur, ou l’inverse. Nous avons ainsi essayé de faire en sorte que chaque assuré connaisse la qualité du service qu’il peut attendre, au moment le plus opportun. Nous avons également élaboré un mode d’emploi pour chaque engagement, afin que chaque acteur connaisse le rôle attendu de lui. C’est un référentiel écrit que nous avons remis à chaque acteur, à l’occasion d’une séance de communication. Nul n’est censé ignorer les engagements. Pour prendre l’exemple du premier engagement, nous retrouvons en tête de document la définition nationale de l’engagement. Nous trouvons ensuite la déclinaison régionale. Et, en bas du document, nous précisons que le document est remis et commenté à chaque assuré. Trois secteurs sont concernés par le premier engagement (Données Sociales, Relations extérieures et Service social). Ils savent à quelle cible s’adresser (jeunes salariés, futurs retraités de 50 à 57 ans). Le Service social a un rôle essentiel à jouer par rapport aux populations défavorisées. Ils remettent le document dans des situations très restreintes, lorsque des personnes de plus de 50 ans sont en contact avec les Assistantes sociales.

Pour faciliter l’accès à nos services, nous avons prévu d’indiquer sur chaque support les conseils pratiques qui vont l’aider à bénéficier du service. Pour le premier engagement, les conseils pratiques indiquent à l’assuré comment faire pour obtenir son relevé de compte (numéro de Sécurité sociale, son adresse, etc.). Nous avons également présenté chacun de nos engagements dans la revue trimestrielle que nous adressons à des organismes partenaires (CCAS, Mairies, associations par exemple). Chaque trimestre un engagement nouveau est explicité.

La deuxième mission du groupe projet était la mise en place d’une mission de communication interne. Il s’agissait de sensibiliser le personnel, de lui réexpliquer les enjeux, de lui donner les

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moyens de s’approprier la nouvelle démarche. Pour cela, nous avons conçu une vidéo, en interviewant les assurés, pour savoir ce qu’ils pensaient de nos services. Nous avons ainsi pu souligner à l’ensemble des acteurs, qui ont été sensibles à ce retour d’information des assurés, la méconnaissance des engagements par le public, alors qu’ils existent depuis cinq ans. Nous avons aussi souligné que la demande des assurés constitue surtout un besoin d’être rassuré. Nous avons effectué des séances d’information à l’ensemble des acteurs, pendant lesquelles nous avons diffusé le “ mode d’emploi des sept engagements ”.

La dernière mission du groupe de travail était de mettre en cohérence nos pratiques professionnelles. Nous avons voulu que ce que nous affichons et ce que nous faisons ne soient pas en décalage. Un engagement permet de prévenir les assurés en cas de retard. Nous l’avons concrétisé par la mise en place d’un accusé de réception envoyé nominativement par chaque technicien dans lequel nous actons notre engagement.

Martine GUESNIER

Je vous remercie pour votre présentation intéressante. Je laisse maintenant l’assemblée poser ses questions sur l’ensemble des démonstrations, sur l’application d’un modèle central et de sa déclinaison au niveau local.

Alain BRONDEAU, direction départementale de l’agriculture et de la forêt de la Creuse

Ma première question s’adresse à Mesdames Moreau et Jaffeux. Je n’ai pas compris quel était le travail en réseau entre régions. J’ai bien compris la relation local – national. Y a-t-il aussi des relations horizontales ? Ma deuxième question s’adresse à l’ensemble des orateurs. Ce matin, plusieurs intervenants ont insisté sur l’importance de l’outil intranet et de l’informatique. Avez-vous utilisé ces outils pour l’animation de vos réseaux ? Si oui, quels types d’information avez-vous échangés ? Sous quelle forme ?

Chantal JAFFEUX

Nous avons conçu le travail en réseau dès le départ. Nous avons fonctionné en projet dans lequel chaque caisse était représentée. Chacune faisait son propre état des lieux, exposait ses possibilités d’engagements. Elles travaillaient entre chaque réunion sur des remontées internes pour enrichir le travail du groupe. Au cours des cinq dernières années, des rencontres ont eu lieu, notamment des chargés de communication de chaque caisse. Ils échangeaient informations et résultats, ce qui a permis de réfléchir à une évolution possible de chacun des engagements.

Le travail en réseau est également passé par la Convention d’Objectifs et de Gestion. Elle a été produite par un groupe de directeurs de CRAM, sous l’égide de la caisse nationale. Elles se sont largement inspirées de la démarche d’engagement, comme nous retrouvons les libellés d’engagements dans la convention. A chaque fois, nous avons essayé, sur le mode pédagogique, de reprendre notre discours interne, pour que nous sentions une continuité dans nos actions, en interne et en externe.

Le travail en réseau s’est donc fait en interne, concernant l’amélioration des résultats et le suivi, mais aussi dans l’interface avec le public, sur leur degré de satisfaction.

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Martine GUESNIER

L’autre question concerne l’usage des nouvelles technologies de l’information.

Jean-Louis BUHL

Nous avons fait l’acquisition d’un logiciel de messagerie et de base de données, Lotus Notes. Ce dispositif nous sert beaucoup en matière de messagerie, car les deux tiers des agents y ont accès.

Daniel MARCONNET

En Charente-Maritime, l’ensemble des agents y a accès, y compris les femmes de ménage qui ont un poste pour quatre personnes.

Jean-Louis BUHL

Les agents sont regroupés par catégories, pour la diffusion de l’information ciblée. Cela nous sert à suivre la conduite des projets, à obtenir les comptes rendus en ligne. Le logiciel nous sert beaucoup en matière de communication avec les organismes dans le domaine juridique : les circulaires interprétatives de la réglementation sont diffusées par le dispositif DIFACOS. Il n’existe plus de format papier dans ce domaine.

Daniel MARCONNET

On peut également ajouter l’accès à internet.

Jean-Louis BUHL

Lotus Notes nous a été très utile pour la conduite de la réforme sur les 35 heures. Les textes sont parus tardivement. Nous avons construit une base de plus de 250 questions, qui ont été traitées en direct, par l’ensemble des organismes. Il n’y a donc pas eu de délai entre les réponses du ministère ou de l’ACOSS et leur connaissance par les organismes.

Chantal JAFFEUX

Nous avons le même système de messagerie, ainsi qu’un site internet. Nous avons donc les mêmes moyens que n’importe quelle branche. Un travail en réseau nécessite en effet de ne pas perdre de temps, notamment avec la perspective des 35 heures. Il faut rentabiliser les déplacements au maximum.

Bertrand de QUATREBARBES, France Qualité Publique

Vous avez effectué un travail de longue durée très important. Ces engagements semblent identiques quel que soit le type de public. Mais, il existe des publics différents, notamment de personnes défavorisées qui posent une importante question pour tous les services publics. Ils demandent une

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énergie importante, notamment pour les impôts dans la mesure où il faut traiter les dossiers des personnes qui ne payent pas d’impôts et qui n’en paieront jamais. Ne pensez-vous pas vous diriger vers des engagements plus ciblés sur les différents publics, notamment défavorisés ? La question qui se posera alors est celle de la réponse au besoin global de l’usager. Il faudra alors travailler avec l’ensemble des interlocuteurs qui s’occupent de ces publics. Il ne faudra alors pas avoir une approche qualité segmentée pour arriver à une prise en compte globale de la qualité. Pensez-vous vous diriger vers ce type de public ? Pensez-vous prendre en compte une démarche globale, en partenariat avec les autres services publics, et en associant les usagers eux-mêmes ? Si on n’associe pas les usagers, la démarche ne marche pas. C’est vrai pour le civisme du paiement des impôts, pour la sécurité publique ou encore la sécurité. Si les gens ne s’engagent pas vis-à-vis du service public, nous n’aurons pas de qualité.

Chantal JAFFEUX

Nous avons fait le choix de ne pas produire une plaquette d’engagement destinée à une partie du public. Cela aurait supposé d’opérer des distinctions qui auraient pu paraître offensantes. Par contre, nous avons mené, en interne, une action en partenariat avec les organismes sociaux. Nous avons formé les personnels au contact du public, notamment pour les publics d’origine étrangère (problèmes d’expression, problèmes d’écriture). Nous avons également développé une formation à l’écoute « veuvage »e. En effet, parmi nos publics fragilisés se trouvent de plus en plus de veuves, de plus en plus âgées. Elles sont perdues lorsqu’elles se retrouvent seules à 75 ans et qu’elles n’ont plus qu’une pension pour vivre. Nous les écoutons par téléphone ; nous passons à leur domicile. Certaines sont dans un isolement complet, abandonnées même par leurs proches.

Nous essayons aussi de contourner les populations par l’environnement social, lorsque nous ne pouvons joindre les personnes (SDF, RMIstes). Nous avons des contacts avec les assistants sociaux, avec les mairies, avec les caisses complémentaires. Ces dernières années, nous avons développé de nombreux partenariats, concrétisés par des conventions. C’est toute la partie souterraine du dispositif, mais qui sous-tend notre démarche. Nous ne voulons pas en parler, c’est notre vocation sociale naturelle.

Martine GUESNIER

Quelle belle conclusion. Je vous remercie pour la qualité de vos interventions et votre enthousiasme. Nous avons maintenant l’honneur d’accueillir Tore Simonsen, responsable du projet pour le développement de la “ déclaration de service ” au ministère norvégien du Travail et de l’Administration.

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Une expérience européenne : Le projet de “ déclarations de service ”

du gouvernement norvégien

Tore SIMONSEN Responsable de projet au ministère norvégien du Travail et de l’Administration

Je suis très heureux de prendre la parole. Je vous écoute depuis deux heures, et j’espère que mon intervention sera cohérente avec vos interventions.

Je vais vous donner quelques renseignements sur la Norvège, pour donner un cadre à mon exposé. La Norvège est un étrange pays, qui peut vous sembler lointain. Elle a été et est toujours considérée comme se trouvant à la périphérie. La Norvège se situe tout en haut des cartes actuelles des Atlas. Elle disparaît même quelque peu, car elle se prolonge sur 2 500 kilomètres au-dessus de la limite des cartes. La Norvège ne compte que 4,5 millions d’habitants sur 325 000 kilomètres carrés. Nous avons donc un espace important par personne.

C’est un Royaume qui ne fait pas partie de l’Union européenne et c’est un pays riche. Il a été gouverné en grande partie par les sociaux-démocrates, depuis la fin de la dernière Guerre mondiale. La Norvège a obtenu son indépendance assez récemment : l’union avec la Suède s’est terminée en 1905. C’est peut-être une raison qui explique pourquoi elle a déjà refusé à deux reprises d’entrer dans l’Union européenne. Elle est administrée en trois niveaux administratifs : le gouvernement central, le niveau régional et le niveau local. Le gouvernement central a une histoire courte, surtout en comparaison avec la France. Il s’est traditionnellement attaché à faire respecter certaines valeurs, bien connues des Norvégiens : • Il faut assurer un traitement égal et équitable pour tous les citoyens dans leurs relations avec le

gouvernement. • Il faut assurer une protection juridique égale pour les citoyens. • Les décisions doivent être écrites, selon des lois connues de tous. • Les décisions et les services ne sont pas à vendre. Ils sont gratuits.

Il y a quinze ou vingt ans, nous avons commencé à débattre sérieusement du rôle du gouvernement. Nous avons défini l’Etat comme une entité chargée de rendre des services. Certaines personnes se sont opposées à cette idée, en affirmant que la population regarderait le gouvernement comme un commerce chargé de fournir des services. Elles avançaient également que le gouvernement risquerait de mettre en danger les valeurs, que je viens de vous définir, auxquelles nous sommes très attachés. Il est évident que, lorsque nous avons commencé à dire que nous devions placer l’usager au centre des préoccupations de qualité, nous n’avons pas voulu que ces nouvelles valeurs remplacent les valeurs traditionnelles. Nous voulions combiner les valeurs traditionnelles et historiques avec un nouvel engagement de service. Les droits des citoyens sont menacés s’ils ne comprennent pas pourquoi on les traite ainsi, même si on respecte les lois. Il est important que le gouvernement ose se fixer plusieurs objectifs, qui peuvent sembler contradictoires au premier regard, et réalise ces objectifs en même temps. Comme dans la plupart des pays, le gouvernement norvégien a été accusé de bureaucratie, d’inefficacité, de lenteur, d’arrogance. Le terme bureaucrate est très péjoratif en Norvégien, qui désigne des personnes qui ont des règles à la place du cœur.

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Quand la population s’est mise à comparer les services rendus par l’Etat et ceux rendus par les entreprises privées, la comparaison ne s’est pas révélée positive pour l’Etat. Tout en sauvegardant les valeurs fondamentales de l’administration et de l’Etat norvégien, il fallait essayer d’améliorer les relations avec les usagers norvégiens. Nous avons depuis plusieurs années un appareil législatif important. Il garantit un traitement équitable et juste aux citoyens, l’accès aux documents personnels et le droit des citoyens de contester des décisions. L’objectif était d’améliorer la qualité de service, de placer l’utilisateur au centre de la préoccupation des administrations. Il fallait aussi que les administrations sachent que les utilisateurs bénéficient pleinement de leurs droits. Le gouvernement a mis cette préoccupation en tête de l’agenda politique pour en faire un sujet d’importance nationale.

Au début de cette stratégie, nous avons mis du temps à définir le “ moment de vérité ”, c’est-à-dire le moment auquel l’utilisateur entre en contact avec l’interface publique d’une agence. Nous avons fait passer l’idée aux agences que le back office devait aider les agents qui accueillaient le public. Toutes les personnes devaient être au service des utilisateurs.

Le gouvernement actuel a suivi la stratégie mise en place par le précédent gouvernement. Ils ont aussi lancé un ambitieux programme de modernisation du service public. L’objectif principal de ce programme est de bien connaître l’utilisateur et de répondre le mieux possible aux attentes des utilisateurs, dans le cadre des ressources financières du gouvernement.

Je vous ai fait parvenir quelques brochures en anglais, qui sont à votre disposition.

Je vais entrer plus dans le détail, pour vous exposer comment nous accomplissons notre objectif : comment faire accepter par les instances nationales que les utilisateurs sont les principaux juges de la qualité rendue des services ?

Mon expérience en ce domaine date de vingt ans. Je suis intimement convaincu que si nous voulons faire accepter des changements au sein d’une organisation, si nous voulons faire accepter de nouvelles valeurs, il faut que la stratégie comporte trois étapes.

La première étape consiste à parler, débattre et écrire. Vous avez vous-mêmes accordé beaucoup de temps à cette étape importante pour réussir une réforme. Les ministères n’accepteraient pas de nouvelles idées s’ils ne s’approprient pas ces réformes. Nous devons accepter qu’il faille débattre et qu’il faille du temps pour convaincre les gens. Si l’on demande à un groupe de sauter en l’air, cela m’étonnerait qu’il le fasse sans s’être mis d’accord au préalable qu’il allait le faire… . En Norvège, on dirait : pourquoi est-ce que je saute ? Comment est-ce que je saute ? Comment ferai-je pour éviter de sauter ? Le processus est donc long avant de faire accepter des idées. Nous disons souvent que parler est le contraire d’agir. Mais c’est souvent l’un des principaux outils dont nous disposons.

La deuxième étape consiste à donner aux agents les moyens de réussir les changements. Je vous parlerai ensuite des engagements de service concrets que nous avons mis en place.

La troisième étape consiste à obtenir un soutien politique, d’en haut, pour faire accepter ces idées.

J’ai compris que vous étiez familiarisés avec l’idée de prendre des engagements de service. Je vais vous montrer comment nous avons mis en place ce projet.

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I. Qu’est-ce qu’une déclaration de service ?

Il est important que ces engagements de service montrent réellement quels services l’utilisateur peut obtenir. Nous nous sommes rendu compte que les agences préféraient exposer ce dont elles étaient fières que ce qu’elles étaient capables de faire. C’est le principal objectif de ces déclarations. Il faut par ailleurs que les attentes soient réalistes par apport aux services que l’agence est prête à rendre ou capable de faire. Les engagements doivent évaluer le service en interne, décider du but fixé dans les agences, et rétablir la confiance des utilisateurs dans le service public.

La déclaration des services ne doit pas faire l’objet de promesses politiques, alors même que les organismes locaux ne sont pas capables de remplir les engagements. Pour prendre un exemple, l’Assemblée nationale norvégienne a fixé comme objectif de diminuer les délais d’attente avant une hospitalisation. Mais, les hôpitaux ne sont absolument pas capables de fixer ces délais aujourd’hui. Il ne servirait donc à rien que les hôpitaux proposent de tels services qu’ils ne peuvent remplir.

Il est également très important que les instances locales, et non nationales, rédigent les engagements de service.

La partie la plus difficile de ces déclarations était de fixer les délais d’attente lorsque l’on envoyait une lettre, un e-mail ou tout autre communication.

Il était important que les instances locales mettent en place des procédures solides et stables de traitement, car elles permettent de donner une réponse concrète à propos du délai. Il fallait donc que les instances locales assurent une meilleure qualité de service et de procédure interne.

Le plus important pour de tels engagements est de publier une documentation utile aux usagers. Les agences peuvent alors s’assurer que la qualité de leur service est stable.

Je ne sais pas si vous êtes familiers des icebergs. Au sein de mon ministère, nous les avons comparés avec les déclarations de service. La déclaration publiée et communiquée aux utilisateurs représente 10 % – partie émergée de l’iceberg – alors que les 90 % de travail préalable représentent la partie immergée.

Mon ministère a voulu inciter les instances locales à publier de telles déclarations de service. Pour parvenir à ce travail, nous avons introduit un concept de management que le ministère de l’Administration a fait adopter par les administrations locales.

J’ai constaté que vous êtes familiers des différents systèmes de qualité de management. Nous n’avons pas voulu mettre en place un système de qualité totale dans les agences. Nous avons voulu leur montrer qu’il pouvait être utile de se servir de certains éléments clé de ces systèmes. Même dans l’administration publique, des éléments de ces systèmes peuvent s’avérer utiles pour moderniser notre organisation.

Je vais vous exposer les éléments clé que nous avons fait adopter par les agences. Pour ceux qui connaissent déjà les systèmes de qualité comme TQM ou le CAF, il peut sembler surprenant de diviser ces systèmes pour n’en prendre que des parties. Mais c’est ce que nous avons fait.

Le premier point que nous avons souligné aux agences était la connaissance des utilisateurs. Il fallait ensuite les laisser définir les points faibles des services de l’agence.

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Un autre point que je trouve très important est de permettre aux agences d’exprimer elles-mêmes leurs points faibles. En général, les agents connaissent très bien leurs points faibles. Il ne faut pas ignorer cette capacité. Les utilisateurs seuls ne doivent pas s’exprimer.

Il faut ensuite cibler certaines fonctions et services importants pour les utilisateurs, que l’agence est capable d’améliorer. Trois points sont importants. Il ne faut pas cibler l’organisation entière, mais seuls certains domaines d’activité. Il faut améliorer les points que les utilisateurs souhaitent améliorer, et non ceux que nous aurions privilégié en interne. Enfin, il faut améliorer ce que l’on peut améliorer. Il ne sert à rien d’essayer d’améliorer un phénomène sur lequel nous n’avons pas de contrôle (budget, décisions politiques, lois et réglementation).

Il faut commencer par ce qui est facile, pour passer ensuite à des améliorations plus difficiles à obtenir.

Souvent, lorsque l’on parle de système de qualité, on affirme qu’il faut trouver le meilleur moyen d’élaboration. Puis il faut faire adopter cette procédure par tous les agents. Il faut ensuite se fixer des objectifs concrets que l’agence veut obtenir, et montrer ces objectifs aux utilisateurs, en publiant des déclarations de service sous forme d’engagements. Il faut aussi développer des systèmes d’évaluation pour être sûr que l’on contrôle le processus et que l’on respecte les engagements pris.

Il faut enfin examiner toute l’organisation que l’on veut faire évoluer, comme une chaîne d’amélioration de valeurs, dans le but de servir les utilisateurs. Une chaîne n’est jamais plus forte que son maillon le plus faible. On peut transposer cet exemple au ministère. En dernière analyse, il est représenté par l’élu local. Le ministère ne peut jamais bénéficier d’une opinion plus forte que celle dont bénéficie cet élu. Le ministère doit donc prendre en compte le rôle qu’il joue dans une chaîne. Son rôle est celui d’un soutien et non d’un preneur de décision qui imposerait sa décision à l’agent exposé au “ moment de vérité ”.

Le processus d’amélioration ne s’arrête jamais, ce que nous avons vu dans les autres exposés. Il faut être capable de travailler au sein d’un système tout en sachant émettre des critiques sur cette organisation.

II. Notre stratégie dans le projet de déclaration de service

Quand le ministère a souhaité introduire l’idée d’engagement de service, la première étape a consisté à faire savoir à toute la fonction publique que toutes les agences devaient rédiger et publier des déclarations de service avant la fin de l’an 2000. Le ministère de l’Administration a été très chanceux, car la plus grande agence norvégienne – celle de l’assurance – était déjà engagée dans cette démarche, avant même que nous ayons lancé la procédure. L’Administration d’Assurance Nationale a donc fourni un travail systématique et approfondi. Elle avait déjà accumulé une grande expérience, qui s’est révélée très utile lorsque les autres agences se sont lancées dans la démarche.

Lors de la table ronde, je me suis complètement reconnu dans votre expérience d’assurance. Par exemple, le personnel n’était pas fier de travailler pour cette administration d’assurance. Les agents avaient honte de la qualité de service qu’ils rendaient. Nous avons donc eu l’obligation de mener un travail interne très important. Je voudrais souligner que les gens ne désirent pas toujours de l’argent, mais un service. Nous avons donc des points communs, et je pense que nos administrations d’assurance devraient se mettre en contact et échanger leurs points de vue.

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Le gouvernement a décidé que les agences devaient adopter des déclarations de service. Le ministère de l’Administration devait ensuite produire un manuel pour guider les agences dans leur travail. Mais, nous n’avons pas voulu faire un manuel très détaillé ; nous avons voulu que les agences écoutent les besoins de leurs utilisateurs et qu’elles s’adaptent vis-à-vis de leur domaine de compétences et de leurs utilisateurs.

III. Quelles sont les expériences de l’introduction et du développement des déclarations de service en Norvège ?

Mes conclusions seront tirées d’impressions personnelles, et non d’une évaluation systématique, que nous n’avons pas encore faite.

Les déclarations de service peuvent contribuer à mettre en œuvre un service de qualité et à porter l’attention sur l’utilisateur. Ces deux concepts devaient devenir des valeurs fondamentales pour les Norvégiens et pour l’administration. En effet, lorsque l’on produit des déclarations de service, on est obligé de travailler sur la qualité et les procédures internes.

Je vais être franc : je vous ai dit que le but du gouvernement était que toutes les agences devaient disposer de telles déclarations avant la fin de l’an 2000. Nous n’avons pas réussi à atteindre cet objectif. Mais, il s’agit d’un processus engagé, qui doit continuer. Cependant, les agences les plus importantes pour les utilisateurs – la Sécurité sociale, l’administration des impôts et l’administration du marché du travail – ont toutes publié des déclarations de service.

Mon troisième point vous décevra peut-être. Nous avons constaté que les agences qui avaient publié des déclarations de service ne voyaient pas leurs utilisateurs plus satisfaits que celles qui n’avaient pas publié de déclaration. Les attentes des utilisateurs augmentent lorsqu’ils pensent qu’ils peuvent obtenir encore plus. C’est une constatation fréquente lorsque l’on mène de tels projets. Le processus est sans fin, mais on ne peut revenir en arrière.

Mon travail consiste à mener ce projet de déclaration. Au sein de notre agence, nous avons constaté que l’amélioration de la qualité du service s’était également étendue à d’autres organismes étatiques, en particulier les municipalités. C’est une dimension importante, car les déclarations de service font aujourd’hui partie intégrante du processus de modernisation des municipalités en Norvège.

Il semble que les agents soient les plus satisfaits de l’expérience. Tous ceux qui ont participé à l’élaboration des déclarations de service voient cette expérience comme positive. Ils disent aussi que la dimension de travail d’équipe s’est accrue, et qu’ils sont plus à même de définir leur travail et le service qu’ils pouvaient rendre.

Les dernières phrases de mon exposé ont été écrites en vous écoutant. Quand j’ai reçu l’invitation à cette journée, je ne disposais pas de beaucoup d’information sur les participants ni sur vos engagements de service. Il se peut que j’aie raté mon objectif et vos attentes. Je vais prendre le risque que vous rentriez chez vous déçus de mon exposé. Si j’avais fait une déclaration de service avant mon exposé, vous auriez ainsi su à quoi vous attendre et vous prononcer après mon discours. Mais comme je n’ai pas de déclaration de service, il sera difficile de connaître vos attentes.

J’ai fait le choix de ne pas vous donner une méthodologie détaillée de notre action. Notre expérience montre qu’il faut recueillir l’enthousiasme des agences. Les agences et les agents

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doivent se rendre compte du but de la démarche. Il est impossible de donner l’ordre aux agents qu’ils améliorent le service. Il faut bien sûr leur donner une certaine méthodologie, mais il faut être ouvert pour des solutions locales ou individuelles. C’est le seul moyen pour obtenir l’enthousiasme.

Martine GUESNIER

Cet exposé offre la visibilité d’une réforme complète. J’ai une question sur la faisabilité, l’incitation au niveau central et l’autonomie au niveau local. Y a-t-il un suivi plus pratique ?

Tore SIMONSEN

Le rôle joué par le gouvernement est important. La décentralisation est un mot clé. Le rôle de mon ministère est de montrer au niveau local ce que souhaite obtenir le gouvernement et de recueillir l’information nécessaire pour démarrer un projet. Ensuite, les instances locales peuvent s’adapter seules aux exigences. Nous leur avons demandé des comptes rendus sur la continuité et le suivi du projet, mais nous n’avons pas prévu de mesures de sanction ou de récompense. Le système étatique ne fonctionne pas ainsi en Norvège.

Martine GUESNIER

Ici non plus.

Tore SIMONSEN

Vous avez également souhaité que je parle des mesures concrètes de suivi. J’ai bien suivi la mise en place des déclarations de service au sein de la Sécurité sociale en Norvège. Nous avons commencé par des enquêtes auprès des utilisateurs pour connaître nos faiblesses. Nous avons ensuite essayé d’améliorer le processus de traitement des dossiers. Puis, nous avons essayé d’améliorer les maillons faibles de la chaîne.

Nous avons également beaucoup travaillé sur les délais d’attente dans les agences, et de traitement des requêtes. C’est un important problème en Norvège. Les délais sont trop longs. De plus, nous avons constaté des disparités régionales importantes. Cela a contribué à ce que nous ne soyons pas capables de fixer des délais d’attente aux utilisateurs pour leur répondre. C’est un problème qui embarrasse les fonctionnaires dans leur travail, vis-à-vis des utilisateurs. La loi stipule que les demandes doivent être traitées aussi rapidement que possible, ce qui ne renseigne pas les utilisateurs. Nous aurions peut-être des réactions plus vives si nous avions dit que les demandes doivent être traitées aussi lentement que possible.

Concrètement, nous avons essayé de trouver l’agence qui avait les meilleurs délais. Nous avons essayé ensuite de faire adopter sa méthode de travail dans les autres agences. Cette agence avait un très bon système d’évaluation du travail en cours, de fixation d’objectifs et de comparaison entre les différents services. Il s’agissait donc d’un système du type benchmarking. Un autre exemple, très différent, est constitué par l’administration du marché du travail. Nous avons une situation particulière, avec 0 % de chômage. Nous manquons beaucoup de travailleurs. Les personnes qui se rendent dans les agences ne cherchent pas du travail, mais désirent des conseils de carrière, par exemple. Les déclarations de service ne posent évidemment pas de délai, car les

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personnes travaillent déjà. Les déclarations de service concernaient le type d’aide pour changer de carrière, les raisons pour lesquelles les usagers peuvent venir dans les agences, l’évaluation que nous pouvons faire, les étapes franchies par les personnes qui se reconvertissent.

Martine GUESNIER

Je vous remercie pour ces exemples pratiques. Nous avons constaté ce matin que le problème des délais est récurrent. J’ai assisté une réunion à l’Assistance publique hier matin, concernant les engagements de services susceptibles d’être adoptés dans les prochains jours. On ne peut travailler sur la qualité des soins, cœur même du métier des médecins. Nous travaillons donc sur les à-côtés : la réduction des délais. Le slogan, en voie d’être adopté hier soir, était : “ le patient est impatient ”. Il ne nous restait plus que cette notion, même si nous devons aussi travailler sur notre performance.

Jean THIERREE

En Norvège, avez-vous effectué une communication sur la politique d’engagement, en direction de l’ensemble des citoyens ?

Tore SIMONSEN

Nous n’avons pas fait de campagne de communication au niveau central. Nous avons laissé cet aspect au niveau local.

Je vous ai laissé les brochures sur le projet de modernisation de l’Etat. Nous y parlons beaucoup de l’importance, pour l’Etat, de s’ouvrir aux citoyens, de mieux communiquer. La meilleure méthode de communication est un dialogue d’égal à égal. Traditionnellement, on a l’habitude de considérer qu’un gouvernement s’adresse aux citoyens. Il faut faire en sorte qu’il parle avec les citoyens.

Martine GUESNIER

Avez-vous eu des relations avec d’autres pays, pour échanger sur les méthodes ? D’autres Etats sont-ils avancés dans la réflexion et l’action ?

Tore SIMONSEN

Malheureusement, nous ne sommes pas aussi avancés. Je suis triste de terminer cet exposé sur la constatation que nous sommes plus tournés vers des pays comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, que vers le continent et des pays comme la France.

Les Britanniques et les Danois nous servent de source d’inspiration dans cette dynamique.

Jean-Louis BUHL

Vous avez affirmé que les agences n’avaient pas toutes effectué une déclaration de service. Avez-vous sous-estimé le délai global ou avez-vous rencontré des difficultés ? Lesquelles ? 63

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Tore SIMONSEN

Nous avons affirmé que toutes les agences, quel que soit leur travail, devaient mettre en place une déclaration de service. Nous avons constaté que les agences relativement fermées, comme les instituts scientifiques ou de recherche, n’étaient pas ouvertes à cette démarche. Nous n’avons donc pas exigé qu’ils fassent de déclaration. Mais, nous n’avons pas voulu fixer au début de la démarche que telle ou telle agence devait effectuer la démarche, et d’autres non. Certaines n’ont pas réussi à remplir les conditions fixées. D’autres, peu nombreuses, n’ont pas voulu.

Dans le projet de modernisation, qui va relancer le processus de déclaration de service, nous avons souhaité encourager le secteur de la Santé, les universités, l’enseignement et les services sociaux à effectuer des déclarations de service.

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Conclusion de la journée d’étude

Jacky RICHARD

Je remercie Tore Simonsen pour cet éclairage étranger. Je vous remercie tous de votre présence. Je vous propose que Martine Guesnier nous fasse part des enseignements qu’elle a tirés de cette journée.

Martine GUESNIER

Il faut certes de la méthode, mais il faut beaucoup d’engagement. Nous avons pu voir qu’une méthode, seule, ne suffit pas s’il n’y a pas l’enthousiasme des porteurs de projet. C’est un des points forts de la réussite.

Même si on avance qu’il existe un équilibre entre les besoins de la base et les directives ou incitations de la tête, la réussite passe par l’écoute du client, et surtout par une forte implication du management général (ministère, service déconcentré). Il faut également une implication du personnel.

La démarche doit être centrée autour du client. Une démarche qui part d’une restructuration, pour ensuite se centrer sur le client, semble vouée à l’échec. Même si on part du contrôle de gestion, la pierre d’achoppement de toute organisation était : quels sont nos services ? Quelles sont nos missions ?

Nous avons parlé de sens et de valeur. On se rend finalement compte que les organisations sont comparables aux hommes : s’il n’y a pas de sens ou de valeur, on ne peut avancer. C’est la leçon forte que je tire de la journée : il faut donner du sens, de la valeur. On se centre autour du client, puis l’organisation s’adapte.

Jacky RICHARD

L’engagement des personnes me paraît indispensable. La dynamique des agences ne me paraît pas suffisante. L’approche client, avec son intérêt et ses limites, me paraît plus intéressante. L’idée de valeur l’est aussi : soyons fiers de notre service public.

Un vecteur fort de qualité et de modernisation du service public tourne autour de la réforme des annuités budgétaires, que nous attendons depuis longtemps. Nous demandons tous à avoir une visibilité sur plusieurs années. La spécialisation des crédits et leur affectation à une autre ligne budgétaire, nous posent à tous des problèmes. Nous avons tous eu des problèmes avec des rigidités : les contrôles a priori, de légalité, a posteriori ou de régularité. Ce contexte est en train d’évoluer, avec la réforme des ordonnances du 2 janvier 1959. Personne n’attendait cette réforme il y a quelques mois. Certains articles affirmaient que la réforme des ordonnances serait une bonne mesure, mais ils ne pensaient pas que ce gouvernement s’en chargerait, car le contexte institutionnel se s’y prêtait pas. En effet, les deux Assemblées doivent voter le même texte, comme il s’agit d’une loi organique, et le texte doit être étudié par le Conseil constitutionnel. Cette réforme est en train de se produire.

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Je ne pense pas m’éloigner du sujet : passer d’une logique de moyens à une logique de programme signifie que les acteurs seront davantage responsabilisés. Nous allons juger les acteurs de la fonction publique sur les actes. Le Parlement effectuera un contrôle au premier franc, c’est-à-dire sur la totalité d’une action publique, et non sur la mesure nouvelle. Cette réforme est donc en lien avec l’évaluation, la qualité et le service rendu. Nous ne pourrons donc plus nous retrancher derrière les rigidités de la loi de finances et ses piliers. Cette réforme va s’étaler dans le temps, mais nous nous y préparons et elle sera un puissant levier de modernisation. Je fonde beaucoup d’espoirs sur cette réforme.

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