Compte rendu 12ème Congrès de l’AFSP · gouvernants est aujourd’hui mise en question (Jon,...

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Compte rendu 12 ème Congrès de l’AFSP bilan scientifique des sessions Sessions scientifiques Ouverture du Congrès Conférence plénière

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Compte rendu 12ème Congrès

de l’AFSPbilan scientifique des sessions

Sessions scientifiques

Ouverture du Congrès

Conférence plénière

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Remise des prix AFSP/Dogan à l’Assemblée nationale

Accueil et espace librairie

Assemblée générale et passage de témoin « Sciences Po - IEP d’Aix-en-Provence »

Conférence Spectacle « Le bréviaire des politiciens »

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Bilan du Congrès de Paris...par Yves Déloye, Secrétaire général de l’AFSP

Le 12ème Congrès national de l’AFSP, organisé dans les locaux de la FNSP à Paris du 9 au 11 juillet 2013 a connu un succès d’audience exceptionnel dans l’histoire des congrès de l’Association. Avec 947 inscrits – soit un nombre de participants qui a presque doublé en dix ans – ce Congrès témoigne d’une progression sensible de l’intérêt suscité dans notre communauté scientifique par ce type d’événements. Plus encore, le Congrès de Paris poursuit l’internationalisation de notre public puisque près de 20 % des inscrits étaient en provenance de l’étranger. Tout aussi significatif, même si cela est difficile à quantifier, est l’assiduité des personnes inscrites aux diverses manifestations du Congrès, ce qui atteste de la pertinence de la formule ambitieuse imaginée par le Conseil d’Administration de l’Association. Si l’on peut juste regretter que l’ampleur du programme scientifique ait obligé à positionner les Mo-dules professionnels et pédagogiques (MPP) du Congrès le mercredi 10 juillet dès 8 h 30, horaire matinal qui a affecté un peu la fréquentation de ces derniers, pour le reste des modules du Congrès (la Conférence plénière, les 3 Modules transversaux, les 66 Sections thématiques et les 4 Ateliers Doctoraux), l’affluence était au rendez-vous. Ce fut également le cas pour la Conférence plénière prononcée par Elisa P. Reis (UFRJ, Brésil) dans les locaux de l’Assemblée Nationale le 10 juillet, et dont la richesse a été particulière-ment soulignée par ses auditeurs.

Ce succès d’audience nous semble remplir l’un des objectifs assignés par l’Association à ses congrès nationaux : être le lieu de rassemblement d’une discipline désormais éparpillée sur le territoire national et proposer à notre communauté scientifique un moment de socialisation permettant aux diverses généra-tions et sensibilités qui traversent cette dernière de se retrouver autour d’un programme partagé. D’où l’importance à nos yeux d’ouvrir nos manifestations aux jeunes générations [étudiant(e)s de niveau Master, doctorant(e)s, post-doctorant(e)s]. En 2013, c’est plus de 49 % des inscrits qui appartenaient à la jeune gé-nération, faisant de notre congrès l’une des manifestations de SHS les plus ouvertes aux générations mon-tantes. Il est vrai que la politique tarifaire adoptée par l’Association contribue à réaliser ce résultat : près de 52 % des étudiant(e)s inscrit(e)s au Congrès de Paris l’ont été à titre gracieux (au titre du partenariat avec les institutions partenaires de l’AFSP). Les 48 % restant ayant bénéficié d’un tarif minoré de plus de 60 % par rapport au tarif d’inscription de référence.

Il convient surtout d’insister sur ce qui n’est pas aisément mesurable pour l’heure : la qualité scientifi-que de cette manifestation d’ampleur. Ce bilan établit clairement l’importance de nos Congrès pour aider nos collègues à présenter et à discuter les apports de leur recherche récente. Tout autant, ce bilan montre que les congrès de l’Association ne se contentent pas d’attester des recherches en cours, ils visent aussi à orienter dans les années à venir les agendas de recherche de nos membres et de nos congressistes. De ce point de vue, en complément du foisonnement et de la vitalité scientifique des Sections thématiques, axe majeur de la structuration scientifique des congrès de l’AFSP, la réussite des trois Modules transversaux sur l’état de notre discipline (MTED) doit être soulignée. Qu’il s’agisse de l’économie politique internationale (domaine trop peu présent dans le paysage académique français), de la sociologie électorale (domaine en profond renouvellement ces dernières années) ou encore de la théorie politique (domaine en plein développement aussi), le bilan établi par les collègues en charge de ces modules est très positif et permet de penser que ces modules joueront à l’avenir un rôle structurant pour la recherche en science politique en France.

Amicalement

Yves Déloye

Vous trouverez successivement dans ce livret les bilans scientifiques des Sections thématiques, des Modules transversaux sur l’état de la discipline, des Modules pédagogiques et professionnels et des Ateliers doctoraux transmis par leurs organisateurs à l’AFSP au 30/09/13.

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MTED1FuturdesétudesélectoralesenFrance

PaulBACOT(SciencesPoLyonUMRTriangle)

paul.bacot@sciencespo‐lyon.frCélineBRACONNIER(UniversitédeCergyPontoise/CEPEL)

[email protected](CEE‐SciencesPo‐CNRS)

nonna.mayer@sciences‐po.frCemodulerassemblaitpourunedemi‐journéeleschercheur.e.stravaillantsurl'objetélectoral,avecundoubleobjectif:faireuninventairedesrecherchesencours,etréfléchiràl’agendaàvenir,à4ansdesprochainesgrandeséchéancesélectoralesnationales.Devantuneassistancetrèsfournie(plusd’unesoixantainedepersonnes)lesintervenant.e.sontjouélejeu,respectantlestrèscourtstempsdeparoleimpartisafindetenirdansles4heuresdelasession.Lepanorama des recherches électorales en France aujourd’hui tel que le dessinent les communicationsprésentéesestimpressionnant,tantparlamultiplicationdestravauxdanscedomaineetlenombredelaboratoires et de chercheur.e. impliqué.e.s, que par leur caractère pluridisciplinaire (géographie,sociologie, économie politique, sociohistoire) et la diversité des approches théoriques etméthodologiquesmobilisées (toutes lescommunicationssontmaintenantsur lesitede l’AFSP).Alorsmême ou peut être parce que leur efficience comme mode de désignation et de légitimation desgouvernants est aujourd’hui mise en question (Jon, Elster, Arnaud Le Pillouer, A quoi servent lesélections?Puf/Laviedesidées,2013), lesélectionsintéressentplusquejamais.Ellessontanalyséesdemille manières, à partir de données individuelles et agrégées, par des sondages mais aussi desentretiens, de l’observation, des expérimentations de terrain et de laboratoire, des cartes, au niveaunational et au niveau local le plus fin du bureau de vote, dans les banlieues déshéritées et dans lesquartiersbourgeoisdel’Ouestparisien.Pardelàcettediversité,despréoccupationsconvergentessefontjour:‐mieuxrelierlevoteàlapolitiqueordinaire,horsélections,passeulementdansletempsparticulierdelacampagne‐lesaisirdansladurée,dansuneperspectivelongitudinale‐se pencher sur les mécanismes de la mobilisation électorale, par les partis mais aussi les réseauxd’interconnaissance,lesmedias,lesréseauxsociaux‐développerl'analysediscursiveetlexicale(slogans,conversationsetbrèvesdecomptoir,chats)etmieuxl'intégreràl'ensembledesétudesélectorales‐panacher lesméthodeset lesniveauxd’analyse, réfléchiràdenouveauxplansd’échantillonnagedesenquêtes électorales permettant une meilleure saisie du contexte local; contextualiser, mais aussi«décontextualiser» (enfaisantde l’élection l’unitéd’analyse,prenantsonsenscomparée auxautresélectionsenFranced’unepart,etauxmêmesdansd’autrespays)‐réintégrerlesrèglesetlesinstitutions(impactdesmodesdescrutin,desredécoupagesélectoraux)‐innover dans les questionnements et les objets (questions sur le sport, les loisirs, les animaux decompagnie,rapportdesenfantsetdesnonélecteursàl’élection,rôledesgroupesd’intérêt)Le regard critique des deux discutants, Jim Stimson, évoquant le modèle fondateur des (AmericanNationalElectionStudies(ANES)etMartialFoucault,s’appuyantsursonexpériencedumodèlecanadien,apermisà la foisde souligner laqualitédesgrandes enquêtes françaises, toutenmettantengardecontrelespiègesàéviterpourinstitutionnaliserdesFrenchNationalStudies(lourdeursbureaucratiques,arbitrages délicats entre continuité et renouvellement des variables, confusion entre thèmes decampagneetpolicypreferences,focalisationexcessivesurlaprédictiondesrésultatsetc.).

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LasecondepartiedelasessionaportésurlesmoyensderemédieràlaprincipalefaiblessedesétudesélectoralesenFrance, leur fragmentation, leurcloisonnement.Cetteréunionàpermisd’échangerdesinformations,defaireunétatdes lieux,depercevoirdescomplémentaritésetdesconvergences.Desregroupements sont en cours (SPEL, REV, TriElec), il faut aller plus loin, établir une coopérationscientifiqueélargieaudelàdesfrontièresinstitutionnellesetdisciplinaires,etrendrelestravauxfrançaisplusvisiblesàl’international.Quelquespistes:‐Uneseconderéunionle7octobreporteraplusprécisémentsurlesformesquepourraitprendrecettecoopération: groupe de travail sur l’électoral? Association de la loi de 1901? Groupement d’intérêtscientifique?‐Uneautreoccasiond’échangersera,comme l’aannoncéJeanChiche,uneréunion à l’initiativede laSociété française de statistiques (groupe enquêtes, modèles) souhaitant organiser un séminaire enpartenariat avec l’AFSP. Ce séminaire se tiendrait le 21 novembre après midi à l’institut HenriPoincaré rue Pierre etMarie Curie à Paris. Ce serait l’occasion d’une rencontre entre statisticiens etpolitistes sur nombre de sujets abordés pendant la session (découpage électoral, inscription/noninscriptionélectorale,grandesenquêtes,modèlesmultinivaux.‐LeprojetDYNAMOBenfin(voir lacommunicationdeVincentTiberjetFlorentGougou)pourrait jeterlesbasesd’unecoopérationaminimapréparantleséchéancesde2017.C’estunpanelpolitiquedelongterme,suivantlesmêmesindividusdeseptembre2013àjuin2017(lapremièrevagueestsurleterrain),réinterrogésaumoinsunefoispartrimestre,pouranalyser la formationdespréférencesetdeschoixsur le temps long, émaillé de nombreuses consultations électorales (municipales, européennesrégionales,présidentielleetlégislatives),axésur«lapolitiquedestempsordinaires».Ils’inscritdansleprojet de Panel Elipss (Étude longitudinale par internet pour les sciences sociales,http://www.elipss.fr/elipss/recruitment/), un des dispositifs de l’équipement d’excellence Dime‐Shs(DonnéesInfrastructuresetMéthodesd'EnquêteenSciencesHumainesetSociales),coordonnéparleCentre deDonnées Socio‐Politiques (CDSP) de Sciences Po., qui permet de disposer d’un échantillonreprésentatifdelapopulationfrançaisede6000personneséquipéesdetablettestactilesconnectéesàinternetpourrépondrerégulièrementàdesétudesconçuespardeschercheursenscienceshumainesetsociales.Ord’unepartlesdonnéesserontmisesàdispositiondupublic.D’autrepartilestpossibledeproposeràl’équipedesthèmesdequestionnementpourlavingtainedemodulesàvenir.Voilaunrésumérapidedecequis’estditpendant lasession,etnousespéronsvivementcontinuercedialogueensemblele7octobre!PaulBacot,CélineBraconnier,NonnaMayer

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MTED2Lespolitiquesinternationales:objetsetstratégiesderecherche

GuillaumeDEVIN(CERI‐SciencesPoParis)

guillaume.devin@sciences‐po.orgAndySMITH(CED‐UniversitédeBordeaux)

[email protected]

Cemodulethématiquepartaitduconstatque,depuisunedizained’années,unrapprochementcertains’était opéré entre de nombreux chercheurs formés principalement en relations internationales, enanalysede l’actionpubliqueetensociologiepolitique,maisaussique lesdifférences restaient fortes.L’objectif dumodule thématique consistait donc à expliciter les convergences et les divergences enouvrant un espace de discussion structuré d’abord autour des objets de recherche, puis autour desstratégies d’enquête qui leur sont associées. Concernant les objets de recherche nos débats ont étéalimentés par trois communications de Franck Petiteville (PACTE‐Sciences Po Grenoble), PatrickHassenteufel (Université de Versailles‐Saint Quentin) et Frédéric Charillon (Université de ClermontFerrand‐Auvergne). Cette première discussion a été suivie d’une deuxième consacrée àl’opérationnalisationparvoied’enquêtesderecherchesinspiréesàlafoisparlesthéoriesdesrelationsinternationalesetcellesdel’analysedel’actionpublique.Icinosintervenantsonttousétéplusprochesdeleurtravaildethèserespective(AurianeGuilbaud(UniversitéParis8),AmandineOrsini(UniversitéStLouis,Bruxelles),YvesMontouroy(CED‐SciencesPoBordeaux),DelphineLagrange(SciencesPoParis,CERI),etRonaldHatto(SciencesPoParis,CERI).La session (quatre heures avec une courte pause) s’est tenue devant un public nombreux (plus desoixante personnes). Au cours des exposés et des débats animés avec la salle qui ont suivi, un hautniveaudeconsensusaétéconstatéautourdesdeuxpointssuivants:

‐ de plus en plus, les chercheurs formés en RI et en APP abordent des problèmes sociauxsimilaires (ex. lasécurité, laprotectionde l’environnement,etc.)en les traduisantenénigmesscientifiquessemblables(notammentenpartantduconstatd’unpassageversmoinsd’autoritélégitimeeten secentrant sur lesacteursqui construisentet institutionnalisent lesproblèmessociaux et publics). L’approche socio‐historique est apparue comme un fréquent terrain derencontre.

‐ Ildemeure toutefoisunedistanceentrecesdeux traditionsde recherche.Toutd’abordparceque les points d’entrée ne sont pas toujours les mêmes (ex. en RI on aborde plusvolontairement«latransationalisation»sousl’angledesmouvementssociaux,alorsqu’enAPPonpartiradesconceptsdemisesuragendaetdemiseenœuvre).Ensuite,cettedistancetientaufaitquelesformationsinitialessuiviesparlesunsetlesautresrestenttrèsdifférentes(peudetraitementdel’APPpourlesétudiantsenRIetviceversa).Ácejour,aucunmanuel,niaucuneétude approfondie, n’explore les liens forts qui pourraient féconder les deux traditions derecherche.

Il adoncétéconvenuque leseffortsdevaientêtrepoursuivispouréviterque lesRIet lesAPPnesetransforment en sous‐disciplines, voire en disciplines, autonomes du reste de la science politique.Formulée de manière plus positive, la conclusion générale du module a été que les chercheursconcernésparlesRIetl’APPgagneraientàmieuxconnaîtreetreconnaîtreleurhéritagecommun‐celuide lasociologie,etcecitantsur leplande lathéoriequesurceluide laméthode.Partantdecesoclesolideetstimulant,ilestàespérerquedescollaborationsplussoutenuesetplusapprofondiespuissentêtrelancées,notammentautourdeprojetsderecherchedetype«ANR».

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MTED3LathéoriepolitiqueenFrance:unétatdeslieux

CharlesGirard(UniversitéParis4)

[email protected](UniversitéParis8)

[email protected] Oùenestlathéoriepolitiquefrançaise? Alors que l’inscription de la théorie politique est la norme dans les départements depolitical sciencedes

universitésanglo‐américaines,dePolitikwissenschaftdesuniversitésallemandes,etde sciencepolitiquedesuniversitésbelges,suissesetcanadiennes,elleresteencoresouventdiscrètedanslesuniversitésfrançaises.Silareconnaissancedesonappartenanceàladisciplineestancienne,marquéenotammentparsoninscriptionparmilescinqspécialitésidentifiéesduconcoursdel’agrégation,lathéoriepolitiqueresteeneffetaujourd’huiunevoiepeuexplorée,quin’estpratiquéequedansquelquesdépartementsdesciencepolitique.Ceconstatd’une intégrationencore incomplètede la théoriepolitiqueà la sciencepolitique françaiseest

paradoxalàl’heureoùelleconnaîtunessorsensibleàl’échelleinternationaledanslaplupartdesesdomaines: de la philosophie normative à la théorie critique, du paradigme de la reconnaissance à la penséepragmatique, de l’histoire contextuelle des idées aux théories du genre, des conceptions participatives etdélibérativesdeladémocratieaunéo‐républicanisme.Ilappelleunétatdeslieux,quecemodules’estattachéà initier,enréunissantdesspécialistesreprésentant ladiversitédestraditions,desobjetsetdes institutionsquifontaujourd’huilathéoriepolitique.Le terme de théorie politique a une dimension mystérieuse et potentiellement polémique. Ce domaine

serait‐il le seul de la discipline où les politistes pratiquent la théorisation? Le reste de la discipline serait‐ildésespérémentempiriste,peuplédecollèguesquirejettenttoutmodèlethéoriquepourvaliderlesrésultatsqu’ilsavancent?Ilestbienévidentquecen’estpaslecas,etquelathéoriepolitiquenepeutpasrevendiquerdemonopoledelathéorisationdupolitique.Quelleestdoncsaspécificité?DansleurintroductionauOxfordHandbook of Political Theory, les auteurs (John Dryzek, Bonnie Honig, Anne Phillips) définissent la théoriepolitique, quelque soit la diversité des méthodes qu’elle utilise, par son engagement dans l’analyse desnormesquioriententl’actionpolitique,qu’ils’agissed’uneactionprésenteoupassée.S’ilyaunespécificitédenotreactivitéen théoriepolitique,c’estdonc l’objetnormatifsur lequelporte l’analyse théorique.Une foisquel’onaditceci,onn’apasnécessairementditbeaucoup,carlesméthodesdel’analysethéoriquesonttrèsnombreuses,etpoursuiventdesobjectifsdifférents.Onpeutchercheràconnaîtrelesnormes,àlescritiquer,ouà les justifier. Etbienentendu, les instruments théoriquespour yparvenirne serontpas lesmêmes.Deplus,mêmepourceuxquipartagentunobjectifanalytique,lesinstrumentspourrontêtredifférents:certainsemploientdesméthodesgénéalogiquesouhistoriques,d’autresdesoutilsempruntésà laphilosophieouàl’analysetextuelle,d’autresencoreà l’économieouauxmathématiques.Ilestévidentquelepanoramaquenous aimerions commencer aujourd’hui à dresser ne pourra pas être exhaustif, et qu’il a vocation à êtreenrichi.Danslapublicationquenousvoudrionsélaborersur labasedecettejournée,d’autrescontributionsserontlesbienvenuespourrendrecomptedelarichesseetdeladiversitédenotrecommunauté.DéjàdanslenumérospécialquelaRSFPconsacreàlathéoriepolitique,ilyaunpeuplusdecinquanteans,ladiversitédesméthodesemployéesestdéjàapparente.SansvouloircomparerlescontributeurscontemporainsladisciplineàIsaiahBerlin,àRaymondAron,àHenriLefèvreouàBertranddeJouvenel,ilnoussemblequelapratiquedela théorie politique est aujourd’hui, en France, riche de perspectives renouvelées, que ce module visait àmettre en avant et faire dialoguer, pour que soitmieux connue, au sein de notre discipline et ailleurs, lesproblèmesetlessolutionsqu’ellesprésentent.Une première table ronde, introduite par Bertrand Guillarme (Université Paris 8, CRESPPA), intitulée

«l’objectivité en théorie politique», portait sur les critères de validité de l’analyse en théorie politique. A

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quelle(s) condition(s), les résultats de l’analyse des normes peuvent‐ils être qualifiés de valides, oud’objectifs?Commentapporte‐t‐onlapreuvedespropositionsanalytiquesavancéesenthéoriepolitique?Ladiscussionentrelesparticipantsanotammentmontréquelaquestiondelavaliditédel’analysethéorique

seposedifféremmentselonl’objectifquiestpoursuivi:lacompréhensiondesnormesn’exigepaslesmêmeschosesqueleurcritique,niqueleurjustification.Pourunepartmajeuredesthéoriciensdupolitique,l’objectifdel’analysedesnormesestleurcompréhension,quipassesouventparuneanalysehistorique.L’enjeuestderestituer le sens véritable des propositions normatives, en s’intéressant en priorité aux conditions de leurénonciation.Lacritiquedesnormesemploiesouventuneméthodeditegénéalogique,quichercheàdévoilerlesmodalitésdelafabricationdesnormesdanslesrapportsdepouvoir.Ilyaaussiuncourantimportantenthéoriepolitiquequiaffirmeque lesnormespeuventêtre justifiées,et c’est cette justificationquidoitêtrevalide. A l’intérieur de ce courant, on distingue en général deux sortes de positions. L’une est souventqualifiée de fondationnaliste, parce qu’elle recherche pour les normes politiques une fondation qui estréputéesolideparcequesaréalitéseraitautonomeparrapportànoscroyancesnormatives.Ilyadifférentsgenres de fondations de ce genre: certaines sont scientifiques, et font par exemple appel à la science del’histoire, ou de l’évolution, alors que d’autres font plutôt appel à la logique et sont souvent qualifiées detranscendantales.A l’inverse, laréponsequiestdonnéeparunepartie importantedelathéoriepolitiquecontemporaineest

qu’il s’agit de justifier ces normes en référence à nos croyances elles‐mêmes, parce que nous n’avons riend’autre à notre disposition, aucun fondement extérieur à elles sur lequel nous pourrions compter. Ce quijustifienoscroyancesnormatives,c’estlamanièredontelless’insèrentdansl’ensemblecohérentdeceàquoinous croyons. Bien entendu, une question évidente que pose cette perspective est celle de sa singularité,puisqu’ellesembledifférencierlarecherchedel’objectiviténormativedelacelledel’objectivitéscientifique.C’estexactementl’inversequesoutiennesestenants,ensoulignantcommentcetteobjectiviténormativeestprochedecelledécritepourlascienceparQuine,danssacritiquedel’empirisme.Cesquestionnementsontétéprisenchargeparlesparticipantsàpartird’objetsvariés,ainsidesréflexions

initiéesdanslesillondelaphilosophiehabermassiennesurlaconstitutiond’unespacepublicpostséculierenEurope(ArnaudLeclerc,UniversitédeNantes,DCS),qui fait l’objetde laChairedephilosophiede l’Europecrééepar l’UniversitédeNantes.Mais ilsontégalementdonnélieuàuneréflexionsur lesconséquencesdupositionnementméthodologiqueadoptépourlaplacedelathéoriepolitique,quitendsoitàfairel’objetd’unrejetradicalaunomdesonmanquedepositivité,soitàêtresimplementacceptéedanssaversionnormativecommeoffrant un supplémentd’âmeà la sociologiquepolitique, soit à être importéedansdesdémarchesgénéalogiques visant à déconstruire les idéologies politiques (Philippe Raynaud, Université Paris 2, InstitutMichelVilley)A laquestiondes conditionsdevaliditéde l’analysedesnormess’ajouteparailleurs laquestiondumode

d’administrationdelapreuvedansl’étudedesdiscoursetdestextesdupassé,lathéoriepolitiquenepouvantêtre séparée de l’histoire de la philosophie politique, mais aussi de l’histoire conceptuelle et de l’histoiresocialedesidées.Decepointdevue,l’undeslieuxoùsejouel’objectivitédelarechercheestladélimitationdescorpusétudiés,etlepartagetropsouventimposéentre«grandesœuvres»despenseursreconnusparlecanonet «petitespensées»produitesnotammentpar les acteurs eux‐mêmes (SamuelHayat,QueenMaryUniversityofLondon,CSHPT).Demême,l’apportdelamiseencontextepolitiqueetintellectuelledescorpusétudiés peut‐elle jouer, comme dans l’histoire des concepts skinnérienne, contre les lectures figées, àl’objectivitédesurface,quitendentàprévaloir,plusencoresielles’étendaucontextesocialdelaproductiondestextes(FrédériqueMatonti,UniversitéParis1,CRPS)Unesecondetableronde, introduiteparCharlesGirard(UniversitéParis4,SND), intitulée«Commentêtre

réalisteenthéoriepolitique?»,aportésurlesensdel’injonctionfréquente,maissouventindéterminéedanssoncontenu,auréalismeenthéoriepolitique.Quelleestlanaturedesrelationsexistantentrelespropositionsévaluativesdelaphilosophiepolitiqueetlesrésultatsfactuelslivrésparlessciencessocialesdupolitique?

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Lesparticipantssesontaccordéssurceconstat: si la théoriepolitiquesedistinguepar le faitqu’elleporteuneattentionspécifiqueauxnormespolitiques,àleuranalyseetàleurinterprétation,etsielleserattacheenmême temps aux autres approches de la science politique en ce qu’elle se nourrit des savoirs empiriquesdégagéspar les sciences sociales, alors la théoriepolitique,dans sadéfinitionmême, soulèveunproblèmecentral,etfamilier:celuidurapportentrenormativitéetpositivité.Commentarticulerlesfaitsetlesvaleurs?Commentrelierladescriptionetl’explicationdesconfigurationspolitiquesactuellesetpassés,queproduisentlesperspectivessociologiques,historiques, juridiques,à l’examendespositionsaxiologiquesetdesdiscourssur les valeurs que la théorie politique veut prendre en charge? A cette question il y a une réponseconsensuellemaisaussivague,consensuellecarvaguesansdoute:ilfautlefaireenrestant«réaliste».Toutlemondes’accordedoncsurcepoint,maisl’accordnevapasplusloin.Quelafinquel’onassigneàlathéorie politique soit de type critique, normatif ou prescriptif, ou encore strictement analytique, voireexplicatif, il importedanstous lescasdenepas ignorercequ’est la réalitépolitique, lorsqu’onexamine lesdiscourssurcequidevraitêtreoupourraitêtre,ouestd’unemanièrequinesatisfaitpas.Decepointdevue,les représentants et représentantes de la théorie critique, de la philosophie normative, des perspectivesgénéalogiques,dupragmatisme,desétudesdegenre,ouencoreduchoixsocialsontd’accordpourrefuserl’irréalisme. C’est d’ailleurs, en théorie politique comme ailleurs, un geste polémique souvent efficace qued’imposer la description de son propre paradigme comme le paradigme «réaliste», par contraste avec lesparadigmesconcurrents,soupçonnésparcontrastedenaïveté,d’utopisme,voired’idéologiecoupable.C’estainsi,parexemple,qu’ontpuêtredésignéescomme«réalistes»,depuislesecondXXesiècle,cesthéoriesdela démocratie que l’on appelle parfois aussi «minimalistes». Mais être réaliste, est‐ce forcément êtreminimaliste?Est‐ceprendreenchargedesambitionspolitiquespluslimitées?Ouempruntersesprémissesàunesciencedontlaneutralitéaxiologiqueestsupposéeplussûre,tellel’économieici?Ouencorerestreindrelechamplégitimedel’investigationthéoriqueàlafactualité?Enréalité laviséeduréalismeprendàchaquefoisunesignificationdifférente,selon latâcheproprequesefixelathéoriepolitique.Pour les uns, le réalisme autorise à travailler sur desmodèles normatifs abstraits, ou sur des idéaux, pouréprouverleurcohérence,voireleurfondements,entantquecetravaildoitéclairerlesconditionsactuellesetlespossibilitésqu’ellesouvrentpourl’avenir.Dansunetelleperspective,êtreréaliste,c’estélaborerunidéalqui ne soit pas, ou pas seulement une utopie, mais qui soit pertinent pour l’évaluation, voire pour latransformationdessociétés.Ainsil’examendestravauxdeMichaëlWalzersuggère‐t‐ilqueladénonciationdelathéorisationdite«idéale»,surlemodèledelaméthoderawlsienne,aunomduréalisme,ignorecequ’elleapporteàlarésolutiondesconflitsconcretsderépartition(JustineLacroix,UniversitélibredeBruxelles,CTP).Pourd’autresleréalismeinterditaucontraireunetelledémarcheetdemandedepartirdespratiquesetdesinstitutionseffectivesobservables,pourrejoindreparunedémarcheplusimmanentelesformesactivesdelanormativité.Êtreréalistealorscen’estpasconfronterauxfaitssociauxdesmodèlesindépendants,maisvoirquelleslogiquesnormativessontdéjààl’œuvre,plusoumoinsimplicitement,danslesocial.Parexemple,lathéorie critique et de la sociologie de l’espace public, en étudiant les pratiques et les demandes socialesassociéesparexempleàl’essordesdispositifsréunissousletermede«démocratieparticipative»sedonne‐t‐ellelesmoyensd’affronterdesquestionnementsnormatifsenpartantdudiagnosticportésurlasociété(YvesSintomer,Paris8/IUF,CSU‐CRESPPA).Pour d’autres encore le réalisme suppose de traiter les discours sur les normes politiques comme desphénomènespolitiquescommelesautres,enrapportantleurcontenuavanttoutàlaréalitésocio‐historiqueparticulièredontilssontissusetquilesconstituent.Êtreréaliste,danscecas,c’estavanttoutnepascéderàla tentation idéalistequiextraieconceptsetpenséesducontextequidéterminepourtant,enmêmetempsqueleursignification,leurhorizonpossibledevalidité.Ce partage est trop schématique, et devrait faire droit à une diversité bien plus grande dans les modesd’appréciationdurapportentre faitsetvaleurs,mais ilestclairquecequiesten jeudanschaquecasc’estaussi l’invention d’une forme de compagnonnage fécond entre théorie politique et sciences sociales. Lesintervenants ont d’ailleurs esquissés des modes distincts d’articulation de la réflexion théorique sur lesnormesetdel’étudepositivedusocial.

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Ainsi, dans le champ de la démocratie délibérative, l’élaboration d’une théorie du débat contradictoire nepeut‐ilfairel’économied’uneintégrationdesrésultatslesplussûrsdelapsychologiesocialeetexpérimentale,mais aussi du tableau dressé par la sociologie des différentes formes de ségrégation – résidentielle parexemple–quitendentàlimiterdefaçoninquiétantel’expositiondescitoyensauxpointsdevueantagonistes(BernardManin,EHESS/NewYorkUniversity,CESPRA).Une autre méthode consiste, à propos d’un objet tel que les questions médicales, à chercher d’abord àidentifier les horizons d’attente spécifique vis‐à‐vis du monde sociale (manifestant toujours une forme denormative préalable) à partir desquels les sciences sociales ont produit de la factualité, en distinguant lesgrands«langages»quiysontemployés(NicolasDodier,EHESS/INSERM,LIER).La question du rapport de l’analyse normative aux sciences sociales fait en outre resurgir, sous un angledifférent, le problème de l’articulation entre théorie politique et histoire des idées politiques. En effet,l’ancragedansune traditiondepensée ancienne tend à valoir pour les théoriciens comme signed’ancragedansune«solide réalité» intellectuelle, selon la formuleemployéeparPhilipPettitàproposde la traditionrépublicaine dans laquelle s’enracine sa théorie du gouvernement. Mais la confrontation des modèles quis’autorisent de telles références aux résultats de l’histoire de la pensée révèle souvent des écartsconsidérables,mettantaujour latensionentredeuxexigencesdistinctesetpotentiellementcontradictoiresderéalisme(ChristopherHamel,UniversitélibredeBruxelles,CTP).Laparticipationdechercheurstravaillantàl’étranger(Belgique,Etats‐Unis)apermistoutaulongdecesdeuxtablesrondesderesituerlesdébatsdanslecontexteparticulieràlathéoriepolitiquefrançaise,etdesoulignerles progrès de son internationalisation, comme la persistance de certaines de ces spécificités. Si lesconceptionsde la théoriepolitiquevarientselon les traditionsnationales,que laquestiondesmodalitésdel’objectivité,ainsiquedurapportentrepositivitéetnormativitén’estpasposéedans lesmêmestermesenAllemagne,enFranceouenAngleterre,etquelacompréhensiondesnormes,d’unepart,etlamiseàdistancedesvaleurs,d’autrepart,n’y jouepaspartoutlemêmerôledanslaconstitutiondel’analysedupolitiqueenscience.Participants:8h30‐10h30:Tableronde1:L’objectivitéenthéoriepolitique (modéréeparBertrandGuillarme,UniversitéParis8,CRESPPA) SperantaDUMITRU,UniversitéParis5,CERSESChristopherHAMEL,UniversitéLibredeBruxelles,CTPArnaultLECLERC,UniversitédeNantes,DCSFrédériqueMATONTI,UniversitéParis1,CRPSPhilippeRAYNAUD,UniversitéParis2,InstitutMichelVilley10h40‐12h30:Tableronde2:Commentêtreréalisteenthéoriepolitique?(présidence:CharlesGIRARD,UniversitéParis4,SND)NicolasDODIER,INSERM/EHESS,LIERSamuelHAYAT,QueenMaryUniversityofLondon,CSHPTBernardMANIN,NYU/EHESS,CESPRAJustineLACROIX,UniversitéLibredeBruxelles,CTPYvesSINTOMER,UniversitéParis8/I.U.F,CRESPPA

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ST1USpoliticsandpoliciesinmotion:unnouveauregardsurl’Etataméricain

Anne‐LaureBEAUSSIER(CEPEL,Montpellier1)

[email protected](CEPEL,Montpellier1)

[email protected](CEPEL,Montpellier1)

[email protected](DenverUniversity)

[email protected]

Cettesectionthématiques’étaitdonnéepourobjectifdefaireuntourd’horizondestravauxrécentsde sciencepolitiquemenésenFranceouenEurope sur lesEtats‐Unis. Laquestion transversaleguidant leséchanges avait trait aux évolutions de l’Etat américain analysées à travers les changements affectant lesacteursinstitutionnelsenmêmetempsquelespolitiquespubliques.Parconséquent,lesinterventionsétaientorganiséesautourdedeuxmodulesdetravail,l’unportantplusspécifiquementsurlesacteursinstitutionnelsetl’autresurlespolitiquespubliques.

Lepremiermodule,assezlarge,intitulé«Lestransformationsdes«politics»américaines:uneapprochepar les acteurs», portait davantage sur l’angle des politics comme variable d’explication: il s’agissait decomprendre les évolutions des acteurs de la vie politique américaine (partis, Congrès, Présidence, opinionpublique)etleursconséquencessurlefonctionnementdusystèmepolitiqueétats‐unien.Lesthèmesabordésontétévariés.Unepremièrecontribution,présentéesous la formed'uneétudedecasaanalysé,a traversl'étudede la réactiondespouvoirspublicsà l'ouraganKatrina, laquestiondes rapportsentre lesdifférentsniveaux de gouvernement lors d'une réponse a une catastrophe (local, états fédérés, Etat fédéral). Uneseconde contribution a questionné la soi disant faiblesse constitutive de l’administration fédérale enprésentant les premiers résultats d’une enquête menée sur les individus restant sur une longue durée àl’intérieurdugouvernementaméricain(les«longtimers»),unepopulationsouventnégligéeparlalittératuresur les élites américaines, et plus largement sur le systèmepolitique américain.Une troisième contributions’estpenchée sur laquestionde l’évolutiondes rapportsde forceentre laMaisonBlancheet leCongrès àtravers l’analyse de l’usage par le président Bush d’un instrument juridique particulier, les déclarations designature. Enfin, une quatrième s’est concentrée sur un acteur particulier, l’opinion publique, ens’interrogeantsurlesoutiendesAméricainsauxpolitiquessocialesetàl’Etatfédéral.

Lesecondmodule,intitulé«Etudierlechangementdespolitiquespubliquesaméricaines»,questionnaitles transformations de l’Etat américain davantage sous l’angle de ses politiques publiques. La premièrecommunication se concentrait sur lapolitiquemenéepar les Etats‐Unisdans ledomainedu commercedestechnologies stratégiques avec la Chine et s’interrogeait sur la signification d’une attitude de plus en plussouple quant à l’autonomie de l’Etat américain. La seconde interventionportait sur la politiquebudgétaireaméricaine etmontrait comment les luttes partisanesmènent à la situation paradoxale selon laquelle desacteurs, qui tirent la plus grande partie de leur pouvoir d’une politique donnée, pensent tirer un avantagepolitique à anéantir toute leur marge de manœuvre dans le domaine en question. Enfin, la dernièrecontributionportaitsuruneanalysedelaréformedusystèmedeprotectionmaladievotéeen2010,àpartirdelaquellelesintervenantscherchaientàdémentirtroisvéritésgénéralementadmisesdanslalittératuresurlesinstitutions américaines: les blocages institutionnels liés au check and balance, l’instabilité des élitesadministrativesetlatoutepuissancedesgroupesd’intérêt.

Au total, ces interventions et les échanges qu’elles ont suscités ont montré une communauté

d’intérêts partagés autour de la question des transformations de l’Etat américain. Bien qu'ayant abordé lesujetsousdesanglestrèsvariés,chacuns’estretrouvésurcettequestiontransversale.Ilapparaît,autermedeceséchanges,quel’Etataméricainconnaitaujourd'huiunrenforcementdecertainsaspectsdesstructuresdu pouvoir fédéral d’un côté, enmême temps qu'un affaiblissement concomitant d’autres aspects de ces

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mêmes structures. Il n’est donc pas sûr que l’on puisse parler d’un renforcement paradoxal, ou d’unrenforcement«quineditpas sonnom»,pasplusqued’unaffaiblissementde l’Etat fédéral. Il sembleplusintéressant d’analyser les transformations de l’Etat en intégrant les différentes dimensions de cesmouvementsantagonistes.

Malgré la qualité et la diversité des interventions, il faut noter que les réponses à cet appel à

communicationsont confirmé lenombre relativement faiblede recherchesde sciencepolitiquemenéesenFrancesur lesEtats‐Unis.Lesorganisateursavaientsouhaitéouvrir lesdiscussionsàdesrecherchesmenéesnonuniquementpasdanslechampstrictdelasciencepolitiquemaisdansd’autresdisciplines,enparticulierla civilisation et l’histoire américaine. Ceci a permis des échanges riches et d’ouvrir des perspectives dedialogue que nous espérons maintenir, notamment dans la perspective de publications communes.Cependant,silesapportssurleplanempiriquesontincontestablesetextrêmementfructueux,desdécalagespersistentsurleplanméthodologiquequ’ilfaudraessayerdesurmonter.

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ST2«Saisirl’État»àtraverssesécritsordinaires.Enjeux,méthodes,objets

Jean‐MichelEYMERI‐DOUZANS(IEPdeToulouse–LaSSP)jean‐michel.eymeri‐douzans@sciencespo‐toulouse.fr

GildasTANGUY(IEPdeToulouse–LaSSP)gildas.tanguy@sciencespo‐toulouse.fr

Cette section thématique souhaitait engager la discussion sur l’une des activités les plusroutinièresdela«viedel’État»:lespratiquesd’écritureordinaire.Certes,l’anthropologie,l’histoireouplusrécemmentlasociologiesesontemparéesdecetobjet.Lasciencepolitiquen’estévidemmentpastotalement «oublieuse» de ce point de vue. Si la Public Administration s’est peu interrogée sur cesscènesmatérielles de l’État, certains travaux hexagonaux récents ont aussi abordé, à leur façon, cesformesdissimuléesde labureaucratieduquotidien.Sicettesectionentendaitbiensûr revenirsur lesapportsheuristiquesd’unetelledémarche,ellevoulaitsurtouts’interrogersurlaplaceetlerôledecetobjet – le quotidien scriptural – au sein de cette institutionmajesté – «l’institution des institutions»pour reprendre la belle formule deMauriceHauriou – qu’est l’État. En effet, ce que Pierre Legendreappelle à juste titre la «paperasserie administrative» n’est que trop rarement interrogée commemodalité d’une culture de l’État et d’état, entendue ici, à la fois, comme une logique propre àl’institutionÉtat et commeun système incorporédepratiquespropreà tous les corps administratifs.Cettesectionvoulaitainsicontribueràuneanthropologiedel’écritureadministrativecommemoyendesaisir l’Étatenactionetauconcret.Deuxentréescomplémentairesontainsiétéplusparticulièrementtraitées:

- Lapremières’estinterrogéesurlesusagespossiblesetheuristiquesdel’écritordinairecommemoyendesaisir l’Étatautrement.Quenousapprendl’écritordinairesur lerôle, laplaceet laconception de l’État dans les systèmes politiques étudiés? Que nous dit‐il de sestransformationsetdesesévolutions?Enquoi,parexemple, lerenforcementdesprocéduresgestionnaires depuis une quinzaine d’années (sous l’effet des instruments du New PublicManagement notamment)participe‐t‐il à la standartisationdesécritsen transformantparfoisenprofondeur lesrôleset lesfonctions?Quenousdit l’écritordinairesur l’incorporationdesrapports de domination à l’intérieur de la fonction publique (fonctionnaires de guichet,intermédiairesouhautsfonctionnaires)ouàl’extérieur(usagersduservicepublic)?Quenousdit–pluslargement–lerapportàl’écritordinairedumétierdefonctionnaire?Voicitouteunesériedequestionsquelescommunications,lespapiersetleséchangesdelasection(àpartirdestatuts et de formes d’écrits ordinaires très différents – dossiers administratifs, demandesd’allocations,archivesjudiciaires,«usagesdufaux»–)ontabordéstrèslargement.

- Lasecondeapermisde jeter lesbasesd’untravaildecatégorisationetdedéfinitiondecette

notion. Cette section a d’abord été l’occasion de déplacer la focale vers d’autres espaces(Conseild’État,IRA…).Eneffet,nombreuxsontlestravauxrécentsquiinvestissentleregistrede l’écrit ordinaire sous l’angle du fonctionnaire subalterne – du fameux scribouillard,fonctionnairedeguichetouusagerduservicepublicensituationdecontrainte–délaissantdumêmecoupd’autres lieux(lahautefonctionpubliqueou les«fonctionnaires intermédiaires»pour ledire vite). Elle a ensuite interrogé l’historicitéde lanotionenmontrant tout l’intérêtheuristiquequ’ilyavaitàprendreausérieuxl’écritordinairepoursaisiretanalyserlesformescomplexes de l’État dans la République florentine du début du XVIe siècle, lamonarchie dePhilippeIIenEspagneàlafinduXVIesiècleouauseindel’ÉtatottomandelasecondemoitiéduXIXesiècle.

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ST5Cequelegenrefaitàl'Etat:uneethnographie

ducontrôledesdéviances

MathildeDARLEY(CNRS‐CentreMarcBlochBerlin)[email protected]‐berlin.deGwénaëlleMAINSANT(IRIS‐EHESS)[email protected]

Lasectionthématiques’intéressaità larégulationétatiquedesdéviancesenvisagéeauprismedu genre. Elle a permis de faire dialoguer trois champs de recherche féconds en science politiquefrançaisemais dont les avancées ont rarement étémises en perspective: le contrôle des déviances,l’ethnographiede l’Etatetdesesagentset l’actionpubliqueappréhendéedanssadimensiongenrée.Plusprécisément,cettesectionapermisd’éclairer,àpartird’observationsethnographiques,lamanièredont le genre travaille les interactions entre les street level bureaucrats et leurs publics, interactionsappréhendéesicicommelelieudelamiseenœuvreducontrôleetdel’opérationnalisationdudroit.

Cettesectionthématiqueinvitaitàpenserlarelativegenderblindnessdesanalysesportantsurlecontrôledesdéviances.Eneffet,si lasociologiedel’actionpubliqueavusedévelopperdenombreuxtravauxportantsurdesfaitssociauxintrinsèquementmarquésparlegenre,ceux‐ciontprincipalementinstruitlaquestiondecequel’Etatfaitaugenre,enoccultantsouventcequelegenrefaitàl’Etat.Danslemême temps, certaines recherches en sociologie de la dévianceont soulevé la questiondugenre,notamment pour questionner le caractère impensé des violences féminines. La part d’ombre restecependant importante quant au caractère sexué des pratiques de contrôle, ce qui a donc motivél’organisationdecettesectionthématique.

La section thématique était organisée en deux sessions. La première session était intitulée«Genreet contrôleétatiquedesdéviances».D’uncôté, les communicationsd’ArthurVuattouxsur letraitement différentiel des dossiers pénaux dans la justice des mineurs, de Jonathan Miaz sur lespratiques de contrôle des requérant‐e‐s d’asile en Suisse et de Camille Lancelevée sur le traitementpsychiatrique des femmes en prison interrogeaient la différenciation sexuée du traitement desdéviances.Del’autre, lescommunicationsdeYohanSelponisur lapréventiondesaddictionsenmilieuscolaireetdeMickaëleLantinMalletsurlajusticedeproximitéenMartiniques’attaquaientquantàellesà la question de la division sexuée du travail de contrôle. Les communications ont été discutées parColineCardietladiscussionaveclasalleaétéensuiteouverte.

La seconde session était intitulée «Ce que le genre fait aux politiques de l’intime». Elle

rassemblait les interventions de Émilie Biland et Gabrielle Schütz sur la justice familiale au Québec,d’Anne‐SophieVozarisurlerôledessages‐femmesetpuéricultricesdansladétectionetl’encadrementdesdéviancesmaternelles,deLucileRuaultetMarieMathieusur lesgynécologuescommeacteursducontrôle des déviances féminines et de Viviane Albenga etMarie Carmen Garcia sur le contrôle desconduites entre élèves liées à l’amour et la sexualité. Ces communications interrogeaient à la fois lecontrôledelacellulefamilialeetdelasexualitéparl’Etatetouvraientd’intéressantsdébatsautourdesrapports entre care et contrôle. Sébastien Roux a proposé une discussion d’ensemble descommunicationsprésentées.

L’ensemble des communications, en raison de la diversité des terrains et des contextes

nationauxabordés,agénérédesdiscussionsaniméesetouvredesperspectivesprometteusespourledéveloppementdecechampderecherche.Cesperspectivesontconduitlescoordinatricesdelasessionàpréparer,avec lescommunicant‐e‐s,unprojetdepublicationcollectiveactuellementencoursetquidevraitprendrelaformed’unnuméroderevue.

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ST6Politiquespubliquesetdémocratie.Les«policyfeedbacks»etles

attitudesetcomportementspolitiques

ClaireDUPUY(ISPOLE/UniversitécatholiquedeLouvain)[email protected]

VirginieVANINGELGOM(ISPOLE/UniversitécatholiquedeLouvain)[email protected]

ObjectifsdelasectionthématiqueComment les politiques publiques affectent‐elles, de manière générale, le rapport des citoyens à lapolitique?Cettequestion,directement tiréede l’analyse classique selon laquelle «newpolicies createnewpolitics»,étaitaucœurdelasectionthématiqueorganiséeàl’occasionduCongrèsAFSP2013quis’est tenu à Paris du 9 au 11 juillet 2013. Centrée sur la notion de «policy feedback», cette sectionthématique visait à explorer comment l’action publique des gouvernements affecte, en retour, lescitoyens.Silesrapportsentreopinionpubliqueetpolitiquespubliquesrestentencorelargementsous‐étudiés,l’attentions’estjusqu’àprésentdavantage,mêmesitimidement,centréesurlesmodalitésparlesquelles les citoyens influencent le contenudespolitiquespubliques (ces rapports étaient explorésplusspécifiquementparlaST7).Afindecaractérisercesmodalitésd’influence, lesrecherchesontétéconsacréesà l’étudede la représentationetdesmobilisationsdespartispolitiques,desmouvementssociauxoudesgroupesd’intérêt.Lespolicyfeedbackssurlescitoyens,enrevanche,ontétébeaucoupmoinsétudiés(Mettler&Soss,2004;Soss&Schram,2007).Onnedisposeencorequedeconnaissancesparcellairessurlesressourcesquel’actionpubliquepeutfournirauxindividusetsurlesmécanismesparlesquels elles favorisent leur intérêt pour la politique et leur participation politique (Campbell, 2003;Lynch, 2006), sur les effets de légitimation du système politique ou de la démocratie que l’actionpublique génère (Dupuy& Van Ingelgom, 2012; Ervasti, Andersen, Fridberg,& Ringdal, 2012; Huseby,1998), ou encore sur lesmécanismes par lesquels lesmessages sur la communauté politique que lespolitiques publiques véhiculent jouent sur les comportements politiques et sur la construction desidentitéspolitiques(Mettler,2005).Travailler aujourd’hui à l’étude empirique des policy feedbacks sur les citoyens engage un certainnombre de questions d’ordre analytique etméthodologique que la section thématique se proposaitd’explorer. En premier lieu, la section thématique visait à s’interroger sur ce que sont les policyfeedbacks. La littérature est relativement peu claire sur cette question. Les travaux qui leur ont étéinitialementconsacréslesdéfinissentcommeleseffetsdespolitiquespubliquessurlastructurationdesattitudesetdescomportementspolitiques.Ilssontobservablessurunepérioderelativementlongue,etsont véritablement transformatifs. La recherche de SuzanneMettler sur laG.I. Billest exemplaire decettedémarche(Mettler,2005).EllemontrecommentcetteloiquiaouvertauxsoldatsdelaSecondeGuerremondialel’accèsàl’enseignementsupérieuretàl’enseignementprofessionnelaprofondémentaccru leurs sentiments civiques et leur participation politique, électorale et non électorale. Certainstravauxplusrécentscomprennentlespolicyfeedbacksdemanièrepluslarge.Ilslesdéfinissentcommelaréactiond’individusoudegroupessociauxàdespolitiquespubliques.Encontribuantà l’analysedusoutien que le système génère, ces analyses s’inscrivent dans la perspective de David Easton, etanalysentparexemplecommentdeschangementsdanslagénérositédespolitiquessocialesaffectentlesoutienàladémocratie(Kumlin,2012).Al’aunedeterrainsempiriques, ils’agissaitdoncd’examinerlesavantagesheuristiquesdechacunedecespositions,ainsiqueleurpotentielexplicatif.Lasectionthématiquevisaitensuiteàs’interrogersurlesconditionsetlesmécanismesproducteursdespolicy feedbacks. La littérature existante s’accorde pour souligner qu’il ne suffit pas qu’une politiquepublique soit développée et mise en œuvre pour qu’elle produise un effet retour. Soss et Schram

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s’attachentàdistinguerlesconditionsdanslesquellesunepolitiquepubliquepeutexercerceteffet.Ilsmettent l’accent sur la visibilité de la politique et sa proximité aux citoyens (Soss & Schram, 2007).Certaines recherches proposent de distinguer plusieurs mécanismes explicatifs des policy feedbacks(Mettler&Welch,2004;Pierson,1993).Ellesdistinguentenparticulierl’effetparlesressourcesetl’effetinterprétatif.L’effetpar les ressourcesdécrit“howresourcesand incentivesprovidedbypoliciesshapepatternsofbehaviour”alorsquel’effetinterprétatifrenvoiequantàluià“howpoliciesconveymeaningsand information to citizens” (Mettler & Welch, 2004, p. 500). Mais il reste à explorer si cesdeuxmécanismessontlesseulsàrendrecomptedespolicyfeedbacks.Enfin, la section thématique visait à s’interroger sur les méthodes d’étude des policy feedbacks. Laplupartdestravauxsur laquestionreposesur le traitementdedonnéesdesondage.Maisquelseraitl’apport des méthodes qualitatives à l’étude des policy feedbacks? Un certain nombre de travauxfrancophonesmobilisantdesméthodesqualitativesapportentdesélémentstrèsfructueuxà l’analysedes policy feedbacks, sans toutefois nécessairementmobiliser cette notion (Dubois, 2010; Duchesne,2012;Warin,2010).Lasectionvoulaitposerlaquestiondesapportsdechacunedecesméthodologiesàl’analysedespolicyfeedbacks.Lasectionthématiqueenpratique1Suiteàl’appelàcommunicationlancéparl’AFSPetrelayéauseindenosréseauxpropres,nousavonssélectionnéneuf communications degrandequalité émanant de collèguesdedifférentes institutionsfrançaises,maisaussibelgesetallemandes.Conformémentàlavolontéd’ouverturegénérationnelledel’AFSP,nousavonsprivilégiéautantque faire sepeut lescandidaturesdedoctorant(e)soude jeunesdocteur(e)s..Lescommunicationsretenuescouvraientdespolitiquespubliquestrèsvariées(politiquespubliquesdeserviceàdomicile,missionsbolivariennesauVenezuela,politiqued’accèsàlajusticedelafamille, RSA, PAC, etc.) ainsi que des cas nationaux variés, certains comparés, d’autres étudiés sousl’angled’étudedecas(France,Allemagne,Venezuela,Maroc,Angleterre).Les communications retenues ont été groupées en trois axes ou sous‐thématiques: «Politiquessociales,citoyennetéetpublics‐cibles»,«Lespolicyfeedbackspourappréhenderlalégitimitédel’UE?»et«Politiquespubliquesetélections».Chaquecontributions’estvuediscutéeparunautremembredelasectionthématiqueavantqu’unediscussionpluslargeneprenneplaceaveclesautresparticipantsetla salle. La section thématique s’est clôturée par une table ronde à laquelle ont participé SophieDuchesne,CélineBelotetCharlotteHalpern.Trèsconcrètementleprogrammedelasectionthématiques’estorganisécommesuit:Session1:9juillet201314h‐16h45

Axe1‐Politiquessociales,citoyennetéetpublics‐cibles

VirginieGuiraudon(CEE,SciencesPo),ClémenceLedoux(UniversitédeNantes)

Les policy feedbacks à la loop : associer publics‐cible et réponses aux changements de politiquespubliquesàpartirducasdesservicesàdomicile

ClémentineBerjaud(CESSP‐CRPS,UniversitéParis1)

LamiseenœuvredesMissionsBolivariennesauVenezuela:Appréhenderles‘policyfeedbacks’

MarièmeN’Diaye(LAM,IEPdeBordeaux)

La politique d’accès à la justice de la famille et ses effets sur l’émergence du « citoyen‐justiciable ».Analysecomparéedescasmarocainetsénégalais

1Anoterqu’un final, une communicationn’apaspuêtreprésentée cequiporte àhuit lenombre totalde communicationscomprisesdanslasectionthématique.

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AdrienMazières‐Vaysse,NadiaOkbani(CentreEmileDurkheim/IEPdeBordeaux)

Du référentielde l’activationde laprotectionsocialeà l’identitédeRSAste.Analysed’un transfertdecatégoriesdespolitiquessociales

Session3:11juillet201315h15‐18h

Axe2‐Lespolicyfeedbackspourappréhenderlalégitimitédel'UE?

FrédéricFalkenhagen,AndreasRösener(UniversitätOldenburg)

L'agriculteurfaceàl'UnionEuropéenne.LalégitimitédelaPACauprèsd'agriculteursAllemands

HeidiMercenier(FacultésuniversitairesSaint‐LouisBruxelles)

Commentenvisagerlalégitimitéeuropéennesousl’angledesoutputsetdupointdevuedescitoyens.Pistesderéflexionàpartirducadred’analysedespolicyfeedbacks.

Axe3‐Politiquespubliquesetélections

AntoineJardin(CEE,SciencesPo)

DespolitiquespourfairevoterlesabstentionnistesenFranceetAngleterre:missionimpossible?

EmilianoGrossman,NicolasSauger(CEE,SciencesPo)

Jugerd’unbilan.EvaluationrétrospectivedesélecteursdumandatdeNicolasSarkozy

Table ronde avec SophieDuchesne (ISPUniversité ParisOuest ‐ Nanterre LaDéfense), Céline Belot(PACTE,IEPGrenoble),etCharlotteHalpern(CEE,SciencesPo)

«Qu’a‐t‐onapprissurlespolicyfeedbacksetcommentlesétudier?»

BilanetsuitesSi l’on considère laquestion traitéepar la table ronde finale, à savoir «Qu’a‐t‐onappris sur lespolicyfeedbacks et comment les étudier», la réponse, à l’issue de cette première section thématique estprometteuse.Laqualitéetladiversitédescommunicationsprésentéesontconfirmélapertinencedelaquestion des effets des politiques publiques sur le rapport des citoyens au politique. La notion et lalittératuredespolicyfeedbacksconstituentunepisteintéressantederéflexion,aminimaparcequ’ellesamènent à poser explicitement cette question des effets des politiques publiques sur lescomportements et attitudes des citoyens ordinaires. Les axes de réflexion qui structuraient la ST(définition, méthodes, conditions et mécanismes d’émergence) restent encore largement ouverts,commeladiversitédesdéfinitionsetdesapprochesmobiliséesparlesparticipantsl’adémontré.Les définitions mobilisées par les participants à notre section thématique étaient diversifiées. Si laplupartdescommunicationscommençaitpars’appuyersurladéfinitiondeMettleretSoss,issuedeleurarticleprogrammatiquede2004,elles s’enécartaientégalement trèsvite tant sur leplanconceptuelqu’analytique.Acetégard,ladiversitédesdéclinaisonsanalytiquesetdesapplicationsempiriquesdelanotions’estavéréefructueuseencequ’elleapermisd’éclairerdifférentsversantsdelaproblématiquedespolicy feedbacks. Une partie de la réponse à la première question proposée par la ST a ainsi étéapportée.A l’heurede la rédactiondececompte‐renduscientifique, il nousapparaitque lapremièresuite à donner à cette section thématique est précisément de l’ordre de la clarification du cadragethéorique:quesontprécisémentlespolicyfeedbacks?Cettesectionthématiqueaététrèstôtpenséeen liens étroits avec la ST 7, portant sur les articulations entre l’opinion publique et les politiquespubliques. Penser les policy feedbacks dans cette perspective apporte un éclairage fructueux etheuristique.Nousavionsd’ailleursinvitélesorganisatricesdelaST7,CélineBelotetCharlotteHalpern,

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àprendrepartànotresecondeséance,nousavonsnous‐mêmesparticipéentantquediscutantesàleurST.Cettecollaborationserapoursuivieàl’avenir.Lasectionthématiqueaaussipermisdedévelopperlaréflexionsurlesméthodesmisesenœuvrepourexplorerlavariétédeseffetsdespolitiquespubliquessurlesattitudesetlescomportementspolitiques.Ladiversitédesapprochesetdesméthodesmobiliséesparlesintervenantsapermisdemettreàjouretdediscuter lepotentield’approchesméthodologiquespeuprésentesdans la littératureexistante.Au‐delàdesdonnéesde sondage, l’utilisationdes individuelset collectifs aainsi étéexplorée. La sectionthématique a aussi permis de souligner qu’étudier les effets des politiques publiques sur lescomportementset lesattitudesdescitoyensnécessitedesdonnéesquidoiventpermettredesaisir letempslongdelastructurationdesceseffets.Pourlapremièrefoisdanslemondefrancophone,cettesectionthématiqueproposaitdesesaisirdelanotion de policy feedbacks pour étudier les effets des politiques publiques sur les attitudes etcomportements politiques. Si la section thématique a souligné les défis soulevés par laconceptualisation et l’opérationnalisation de cette notion, elle a également, et surtout, ouvert unchantierderecherchecentral,etencorepeuétudié,àlacroiséedepolicyetpolitics.Asuivre.

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ST7Opinionpubliqueetactionpublique

CélineBELOT(CNRS‐PACTE,Grenoble)celine.belot@sciencespo‐grenoble.fr

CharlotteHALPERN(FNSP‐CEE,SciencesPo)[email protected]

Cettesectionthématiques’estinscritedanslecadredesactivitésdugroupedeprojetPopAct,«opinionpublique et action publique» de l’AFSP dont l’objectif est d’offrir des lieux de rencontre entrechercheurs travaillant dans différentes sous‐disciplines de la science politique le plus souventcloisonnées– lespolitiquespubliquesd’uncôté, la sociologiepolitiquede l’autre,etenparticulierensonseinlestravauxrelatifsauxattitudes,auxopinions,auxreprésentationssociales–afindelesaideràrépondreàdesquestionnementcommuns.Danscetteperspective,etafindestabilisernosrecherchesautourdecettethématiqueetdeformerunsoclecommunsurlequels’appuyer,l’objectifdelaSTétaitenparticulierdechercheràrépondreàtroisquestionnements:

1) Commenttravaillerlarelation,àpartirdequelcorpusdelittérature,pointdevuedel’opinionoudel’actionpublique?

2) Quelle démarche de recherche privilégier du point de vue de la collecte des données et desméthodesmobilisées?

3) Comment contribuer à la compréhension de la relation entre opinion publique et actionpublique? (contribution théorique, opérationnalisation (indicateurs, unités de mesures),résultatsempiriques)

LaSTs’estdérouléesurdeuxsessions,lapremières’intitulait«opinionpublique,actionpublique,unerelation circulaire?» et comportait 4 présentations, la seconde «Entre opinion publique et actionpublique,quellesvariablesintermédiaires»comportait6présentations.Lesusagesdel’opinionpubliqueTroisdescommunicationsdelapremièresessionmettentenévidencedifférentsusagesde«l’opinionpublique» dans l’action publique. A travers l’exemple des états généraux de la bioéthique, JulienAndréanimontreque laréférenceà l’opinionest instrumentaliséepar lespouvoirspubliquesdedeuxfaçons différentes, en proposant un simulacre de décision démocratique – simulacre car le dispositifvise à recueillir la parole de tous,mais sans lui donner lieu de cité dans les décisions finales – et enl’utilisant pour contrer par exemple le discours des experts et sceller la loi sous le sceau d’unelabellisation par l’opinion.A travers l’étude des réformes de l’enseignement supérieur en Italie et auRoyaume‐Uni,EwaKrzątała‐JaworskaetGloriaRegoniniaboutissentàdesrésultatsassezproches.Ellesmontrentnotamment comment l’outil internetoffre lapossibilité auxpouvoirspublicsde convoquerl’opinion publique dans tout processus de réforme et ainsi d’offrir, via le sceau de la participationcitoyenne,uneplusfortelégitimité,lorsmêmequecetteparolecitoyenneunefoiscollectéen’estpasréinjectée dans le processus de décision. Dans une toute autre perspective, celle de la sociologieéconomique,SophieDubuisson‐Quelliers’estintéresséeàlamanièredontlaforcepubliqueagitsurlesentreprisesdansledomaineenvironnementalens’appuyantsurl’opinionpubliquecommelevier.L’idéesous‐jacenteest que lesentreprises répondantauxdemandesdesconsommateurs,pourchanger lesproduitsdecesentreprises,ilfautchangerlademande.L’actionpubliquevisedéslorsàconstruireunerationalité environnementale du consommateur qui lui permettrait de faire les bons choix sur lesmarchés (éco‐labels: bonus‐malus automobile; affichage environnemental consistant à afficher

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l’impactenvironnemental sur lesproduitsdegrandeconsommation).L’opinionpubliqueapparaîtdèslorscommeuninstrumentdel’actionpublique.D’autres usages de l’opinion publique ont également été identifiés par les intervenants. Si l’opinionpublique est une ressourcepour l’actionpublique, elle peut également en constituer une contrainte,notamment lorsqu’elle est utilisée comme ressource par d’autres acteurs comme le montreHélèneDufournet dans son étude des mobilisations transnationales d’ONG, et en particulier d’HandicapInternational,enfaveurdudésarmement.Ellesoulignecependantqueforcepubliquepeutcependantretourner cette contrainte comme ressource pour faire avancer certains dossiers relatifs à lathématiquegénéraledelamobilisationmaisquinetouchentpasforcémentsonobjetspécifique.Si certains usages des enquêtes d’opinion sont clairement identifiés, c’est loin d’être toujours le cascommelesouligneCaroleBachelotdanssonétudedespartis,enenparticulierdupartisocialiste.Elleinsistesurlefaitquelesenquêtesd’opinionapparaissentdésormaiscommedesréférenceslégitimesauseindespartisetdessymbolesde lamodernisationdesappareilspartisans.Pourautant,comprendreles usages de ces références s’avère difficile notamment en raison de la très grande réticence desacteurspartisansàcetégard.D’oùune invitationàétudier l’histoiredurecoursauxsondagesauseindes partis, de leur rôle dans la compétition politique mais également les réseaux d’acteurs qui seconstituent,auseinetentrelespartis,autourdesenquêtesetsondagesd’opinion.L’actionpublique,uneréponseàlademandecitoyenne?A travers plusieurs communications est enfin posée la question suivante: sous quelles conditionsl’actionpubliquerépond‐elleàl’opinion?Dans son étude de la politique mémorielle à l’égard des rapatriés d’Algérie, Emmanuelle Comtats’interroge ainsi sur la mise sur agenda ces dernières années en France des revendications desassociations de rapatriés. Elle montre que ces populations, longtemps considérées comme desoutsiders,constituentdésormaisdes insidersde ladroiteet formentunsegmentélectoralclairementidentifié que se disputent la droite et l’extrême droite. Dès lors les revendications des associationsaboutissentparcequ’ellessontportéespardesacteurscentrauxdel’actionpublique.Dansunetouteautreperspective,etgrâceàlaréalisationd’unpublicmoodsurlesopinionsàl’égarddunucléaire,SylvainBrouard,FlorentGougou,IsabelleGuinaudeauetSimonPersicomontrentquesilesFrançaissedéclarentdepuisTchernobylenmajoritéplutôtcritiquesàl’égarddunucléaire,lapolitiquenucléairefrançaisesedistingueparunerarestabilitéces30ou40dernièresannéesalorsquel’enjeuestpourtantsaillantetrégulièrementdiscutéàl’assembléenationale.Seloneux,cetteabsencederéponsedesautoritéspubliquesàlademandedescitoyensdoitbeaucoupàl’absencedepolitisationdel’enjeu,les partismajoritaires, et en particulier le PS, ayant choisi de ne pas se positionner sur cet enjeu. Ilsconcluent donc qu’il ne suffit pas qu’un enjeu soit saillant pour que les attentes des citoyens setraduisent dans les choix de politique publique. Les partis politiques apparaissent nettement sur laquestiondunucléaireunecourroiedetransmissionentreopinionpubliqueetpolitiquespubliques.Enfin, Laura Morales et Daniel Bischofont ont présenté un cas d’étude exploratoire de la réactivitégouvernementalefaceauxévolutionsdel’opinionpublique.Consacréauxpolitiquesd’énergienucléairesuiteàlacatastrophedeFukushima,cetteanalysepermetd’exploiterlabasededonnéesmiseenplacedanslecadreduprojetResponsivGov.Ilsidentifienttoutd’abordlesanglesmortsdelalittératuresurlarelation entre opinion publique et l’action publique: comment la relation évolue‐t‐elle en période degouvernementordinaire?Commentarticulerdifférentesmodalitésd’expressiondel’opinionpublique–recoursàlaprotestation,différentstypesdeprotestation,commandesetusagesdesondages?Quandet dans quelles conditions les gouvernements seront‐ils plus sensibles aux demandes de l’opinionpublique‐temporalitéducycleélectoral,positionnementdupartipolitiquemajoritaire?Commentallerau‐delàd’uneapprochecomparativeentresecteursetdesdonnéesd’enquêteparquestionnaire,pourdévelopperdesdonnéescomparativesdansletempsetl’espace?

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LarelationcirculaireentreactionpubliqueetopinionpubliqueCélineBelot et Sabine Saurugger ontproposéquant à ellesd’explorer l’hypothèse ‐ souvent admisecommeunpointdedépartparnombredetravauxsurlesdémocratieseuropéennesmaispeuvérifiéesempiriquement – selon laquelle les règles, normes et procédures de démocratie participative etd’informationauraitétéintroduitespourrépondreàl’insatisfactiondescitoyensaveclesrèglesdujeudémocratique.Lesdeuxauteuresproposentdetestercettehypothèseenmettantenrelationdansunpremier temps deux jeux de données: données d’opinion et données juridiques. Plusieurs variablesintermédiaires (capital social, intérêt pour la politique, médias et enjeux saillants) sont ensuiteintroduitesafindepréciserquandetcommentcettehypothèseserévèlestructurantepourcomprendrele lien entre expression d’une insatisfaction à l’égard de la démocratie et introduction de règles etnormes spécifiques. Leurs premiers résultats montrent l’absence de corrélation entre lemécontentementdescitoyensetl’introductionderèglesdedémocratieparticipative,ainsiquepourlepoidsdelavariable«hautcapitalsocial».LacontributiondeFrédéricGonthiers’engageelleaussidansledébatsurl’administrationdelapreuvedans l’analyse de la relation entre opinion publique et publique. Il s’interroge sur la relation entreattitudes économiques et interventionnisme étatique en Europe entre 1990 et 2008, et montre leseffets structurantsdespolitiquespubliques sur l’évolutiondesattitudes. Il rendcompteducaractèremultidimensionneldesattitudeséconomiques,etleslimitesd’uneanalysecentréesurunindiceuniqueousurunpolicymoodquinepermettraitpasde rendrecomptedecettecomplexité. Ilmontreque larelationentredegréd’interventionnismeetdegréderichesseoud’inégalitésdespaysn’estnisimpleniparfaitement linéaire. Lademanded’Etat n’est pas systématique,maispeut aussi être structuréepardesvariablesintermédiairestellesquelaconfiancedansles institutions, lapolitiquedesrevenusetdel’égalitésalariale. Ilmontreégalementque lademanded’Etatestplusaffirmée làoù lesdépensesdeprotection sociale ont été les plus soutenues sur la longue durée. Ceci confirme l’effet retour despolitiquespubliquessurl’actionpublique:l’analyseconfirmel’hypothèsedecongruenceentreopinionpublique et politiques publiques – autrement dit, quand les différents publics qui composent unepolitiquepubliquevontdansunedirection,lesopinionsbougentenretour.Cettecontributionapermisde dresser des liens fructueux avec le travail engagé dans la section thématique 6 sur les policyfeedbacks.Conclusions,questionstransversalesetpistesdetravailAutermedecesdeuxsessions,plusieursconclusionsontététirées.Enpremierlieu,unpointdedépartpartagépar l’ensembledesparticipants se dégagequant à la pertinencede la relation entreopinionpubliqueetactionpubliquepourrendrecomptedurenouvellementdesformesdeparticipationetdespublics de l’action publique. L’exploration de la relation entre opinion publique et action publiquepermet ainsi de revisiter certaineshypothèses rarementquestionnéesdans la littératuremaisdotéesd’unstatutdepostulat–l’hypothèseselonlaquelledesrègles,normesdeparticipationsontintroduitespourrépondreàl’insatisfactiondescitoyensaveclesrèglesdujeudémocratique,oulerôledel’opinionpubliquedansleschoixprogrammatiquesdespartispolitiques.Ensecondlieu,lesintervenantsontproposédesaisirlanaturecirculairedecetterelationàtraversdeuxtypes d’entrées analytiques, l’une centrée sur les des dispositifs, des instruments d’action publiquevisant à organiser la participation et la représentation des citoyens. Cette entrée permet de richesdéveloppements empiriques mais propose peu de perspectives d’accumulation et de montée engénéralités, comme le montre la multiplicité des études de cas ou comparaisons à deux cas. Unesecondepistedetravailconsisteàmobiliseruneentréeparlesregistresdejustification,lesargumentset lesdiscours,quipermettentà la foisuntraitementqualitatifdecematériauempirique,ainsiqu’untraitementplusquantitatifpar lebiaisdelogicielsd’analysedudiscours.Cesdeuxentréesanalytiquespermettentdesaisirle«comment»delarelationplutôtquele«combien».En troisième lieu, si les intervenants se retrouvent autour d’une conception circulaire de la relationentreopinionpubliqueetactionpublique, l’opérationnalisationdecetteapprochesoulèveuncertain

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nombredelimites.Ceciconduit,dansungrandnombredecas,àpasserpardesvariablesintermédiaires(partispolitiques,médias,mouvementssociaux)quipermettentdesavancéesfructueusesducôtédel’analyse des comportements, des valeurs et des opinions. A ceci s’ajoutent les limites d’une analysecentrée sur les enjeuxdes électionsou les agendaspolitiques enpériode électorale, en l’absencededonnéessystématiquessurleslogiquesd’actionpubliqueenpériodede«gouvernementordinaire»etleseffetsentermesderapportEtat‐marché‐société,exécutif‐législatif,Etat‐localetc.En dernier lieu, ces deux sessions ont révélé le large éventail de méthodes mobilisées par lesintervenants,quiplaidentpourl’adoptionunedémarchemulti‐méthodespoursaisirlacomplexitédelarelationentreopinionpubliqueetactionpublique.Outredesanalysesmonographiquesoucomparéessur un petit nombre de cas qui reposent sur des données qualitatives ‐ entretiens semi‐directifs,rapports et littérature grise, enquête ethnographique, etc., certains intervenants ont développé delargesbasesdedonnéespermettantdescomparaisonssurun largenombredecas,etpermettantuntraitementqualitatifetquantitatifdecomportementsélectoraux,de lapresseetdesprogrammesdepartispolitiques.Les discussions ont été très nourries, grâce notamment à l’enthousiasme et la sagacité des quatrediscutantes, Isabelle Guinaudeau, Aude‐Claire Fourot, Claire Dupuy et Virginie Van Ingelgom, maiségalementà la forteparticipationde l’ensembledespersonnesprésentes.Noustenonsdoncà lesenremerciervivementet les invitonsàpoursuivre lesdiscussionsavecnousauseindugroupedeprojetPopActdel’AFSP(http://www.afsp.info/gp/popact.html)jusqu’auprochaincongrès.

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ST9L’économiesocialeetsolidaireetlesterritoiresdupolitique:

versundialogueinterdisciplinaire

XabierITÇAINA(CNRS‐CentreE.DurkheimSciencespoBordeaux–MarieCurieFellow,EuropeanUniversityInstituteFlorence)

[email protected]‐BATTESTI(Aix‐MarseilleUniversite‐LESTCNRS)

nadine.richez‐battesti@univ‐amu.fr

Les travaux de la ST se sont organisés autour de deux axes, dont nous reprenons ici l’essentiel descontributionsainsiquelesélémentsmisendiscussionparAntoineVion(pourl’axe1)etSébastienSégas(pourl’axe2).Axe1:lafabriqueterritorialedespolitiquesd’économiesocialeetsolidaireLepremieraxeaétéconsacréàlafabriqueterritorialedespolitiquesd’économiesocialeetsolidaire(ESSdanslerestedutexte).Quatrecontributionsontmisendiscussionl’émergence,laconsolidationmaiségalementlesdifficultésrencontréespardespolitiquespubliquesd’ESS,saisisoitcommeunsecteurd’actionpubliqueensoi,soitautraversdepolitiquessectorielles.Sur le premier plan, la communicationd’AmélieArtis s’est attachée à analyser l’émergenced’unepolitiqueglobaled’ESSàl’échelledesterritoiresenRhône‐Alpes,politiqueempruntantàlafoisauxpolitiquessociales,aux politiques d’emploi et aux politiques de développement territorial. Le texte, basé sur une enquêteoriginale par questionnaire auprès des collectivités territoriales, souligne l’instabilité des référentiels despolitiquesd’ESS,oscillantentre«économieplurielle»et«ESS».L’étude insisteégalementsur leseffetsdestandardisation liées à une économicisation de ce champ d’activités, ce qui soulève à la fois les enjeuxd’articulationentrepolitiquesdel’offreetdelademande,politiquessectoriellesoutransversalesetpolitiquesd’ordonnancementetdeprocessus,etl’articulationentreletravaildutechnicienetceluidesélus.Nadine Richez‐Battesti, Emmanuelle Puissant et Francesca Petrella ont quant à elles étudié «la petitefabrique»dudialogue social territorialdans le secteurde l’aideàdomicileenRhône‐AlpesetenProvence‐Alpes‐Côted’Azur(PACA).Lacomparaisonpermetd’analyserl’encastrementterritorialdesarticulationsentredialoguesocialdebrancheetdialoguesocial territorial.Lesrésultatsde lacomparaisonsontsignificatifs:siRhône‐Alpesestsouventapparuecommelebonélèvedudialoguesocialterritorial,notamments’agissantdenégocierdescontratsd’objectifs territoriauxpour l’emploi, il sembleque ladémarchepeineàs’imposerenRhône‐Alpesenmatièredeconditionsdetravaildans lesservicesà lapersonne.Lacommunicationsouligneégalement lepoidsde l’interventionpubliqueenPACA,notammentvia laconstitutionduPRIDESPSP(Pôleserviceà lapersonne).LePRIDESsembleainsiconstituerunélémentdeprofessionnalisationdusecteur.Lacontribution soulève également la question de la participation syndicale à ces espaces de «fabrique» dudialoguesocialterritorial,ainsiquel’enjeudelaprofessionnalisationinachevéedusecteurdel’aideàdomicile,caractériséparunsalariattrèséclatéetunrôleprimordialdesfamilles.La contribution de CamilleDevaux s’est centrée sur le cas de l’habitat participatif, enmontrant lamanièredontseconstruitterritorialementlacausedel’habitatparticipatifàpartird’entrepreneursdel’ESScapablesdemobiliserdes relaispolitiquesetmédiatiques.Sur leplanméthodologique, lacommunications’interrogesur la façon d’analyser le rôle du territoire dans ces processus: celui‐ci peut être abordé par le poids del’antérioritéd’expériencesterritorialesexemplaires;parlaredécouvertedumondecoopératifpardesjeunesmilitants du logement participatif; par le travail politique qui se déploie à l’échelle territoriale autour de lanotiond’intérêtgénéral;parlerôledesconcurrencesurbainesdanslastructurationdel’habitatparticipatif;par la multipositionnalité des acteurs territoriaux, notamment de techniciens liés au monde associatif qui

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s’érigentenacteurs‐relais;ouencoreparlacirculationterritoriale,transfrontalièreenparticulier(exemplaritéd’expériencesallemandesetsuisses),desexpériences.La dimension transfrontalière était centrale dans la communicationde Jean‐JacquesManterola portant surunecomparaisondesformesdetravailpolitiquedanslesecteurdel’insertionparl’activitééconomique(IAE)en Communauté autonome basque (Espagne) et en Pays basque français. Ce secteur est soumis, dans lesdeux régions, aux mêmes injonctions européennes en matière d’évaluation, privilégiant la mesurequantitative de l’IAE. La communication s’emploie à appliquer au secteur de l’IAE l’approche d’économiepolitique de Jullien et Smith, en analysant sur chaque territoire l’ordre institutionnel de l’IAE, et lesinteractionsentre4rapportsinstitués(RId’approvisionnement,financier,commercial,salarial)qui,seloncesauteurs,constituent l’ossaturedetoutsecteur«industriel».Sur lesdeuxterritoiresconsidérés,onvoituneforte interdépendance entre RI achat et RI salarial, et RI achat et RI financement, avec en particulier unconditionnementdesaidespubliquesauxrésultatsquantitativementmesurablesdel’activitéd’insertion.Lesdeux territoires se distinguent cependant par une intégration forte des «communautés de fidèles» privés,privéssociauxetpublicsenPaysbasqueespagnol,etunpaysageinstitutionnelbeaucoupplusmorcelécôtébasque français. Les formesdedécentralisationpolitique jouent ici un rôle essentiel: dans la Communautéautonome basque, un décret régional sur l’IAE inspirera directement la législation nationale en lamatière,alors que ce sont lesmodalités demise enœuvre de la législation nationale qui seront observées en Paysbasquefrançais.Demême,lesecteursembles’articulersurunmodèlemanagerialcôtébasqueespagnol,etsurunmodèled’inclusionsocialecôtébasquefrançais.En guise de commentaire transversal, Antoine Vion a souligné à la fois les apports de ces approches depolitiquespubliquesàl’étudedesdynamiquesterritorialesdel’ESS,maiségalementdeslacunesportantplusspécifiquement sur trois aspects: la variable partisane, la variable démographique, et les effets de cesconstructionsterritorialesenmatièredelégitimationdel’ESS.Axe2:lespolitisationsterritorialesdel’économiesocialeetsolidaireLedeuxièmeaxede laSTa réponduenpartieàces remarques,endécentrant le regardde la fabriquedespolitiquespubliques(policy)verslesdynamiquesdepolitisationterritoriale(politics)del’ESS.LacontributiondeMichelAbhervéestrevenuesurlaplacedel’ESSdanslesdernièrescampagnesélectoralesen France lors des élections régionales de 2010 et présidentielles de 2012. Les élections régionales, enparticulier, ont été l’occasion pour une première mise en scène de l’ESS de façon homogène lors d’unecampagne électorale. La communication a passé en revue la place de l’ESS dans les argumentaires desprincipauxpartispolitiquesfrançais.Ellesoulignenotamment lafaçondont,àgauche, l’ESSestdevenueunnouveauchampdeconcurrencesmaiségalementdeconvergencesetdetractationsentreVertsetsocialistes.Se jouent également dans ces luttes de référentiels d’anciennes controverses idéologiques sur le rôle descorpsintermédiairesdansl’ordonnancementsocio‐institutionnel.L’ESSfaitégalementl’objetdepolitisationsspécifiquesdanslecasdeséchangestransfrontaliersenIrlandeeten Pays basque, étudiés de façon comparative par Cathal McCall et Xabier Itçaina. Face au constat d’unengagementfortdesacteursdutierssecteurdansdesprogrammesd’actionpubliquevisantàrenforcer leséchanges et flux transfrontaliers, les auteurs s’interrogent sur l’émergence de formes de gouvernance enréseau européanisées dans ces deux territoires frontaliers. Les deux situations doivent cependant êtrecontrastées: si, en Irlande, les programmes de coopération transitent essentiellement par les fondseuropéens du processus de paix, ce n’est pas le cas en terrain basque où les coopérations inter‐institutionnellessesontarticuléessurdesobjectifsfonctionnelsetsocio‐économiques.Desdifficultéspèsentcependant sur les deux processus, qu’il s’agisse de la fragilité du processus de paix ainsi que de la fin desfinancements européens en Irlande, ou des retombées de la crise économique espagnole sur les relationstransfrontalièresenPaysbasque.S’ygreffentdesperceptionsconcurrentesdelacoopération:enIrlandeduNord, si les unionistes ont évolué vers une position relativement favorable aux relations transfrontalièresstricto sensu, ils restent circonspects quant au développement des relations inter‐gouvernementalesNord‐Sud.AuPaysbasque,laperceptiondesrelationstransfrontalièresparlesélitesrégionalesaquitaine,basqueetnavarraisesontégalementloind’êtreéquivalentes.

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C’est vers un autre registre de la politisation territoriale qu’a porté la contribution d’Elisabetta Bucolo,consacrée à la contribution de l’ESS à la création d’espaces d’action publique territoriale dans le cas descoopérativessocialesgérantdesbiensconfisquésàlaMafia.Apartirdel’approchedel’actionpubliquedeP.LaborieretD.Trometd’étudesde terrainmenéesenSicile, la communication soulignecommentuncadreinstitutionnel non stabilisé a permis à des acteurs non institutionnels d’investir à la fois la lutte contrel’emprise territoriale de la criminalitéorganisée et le développementd’initiativesproductives et d’insertiondirectementancréesdansl’ESS.Letextesecentresurlamiseenœuvredelaloid’initiativepopulaire109/96,portée par l’association Libera et relative à l’affectation des terres et biens confisquées à la Mafia à desorganisationsd’intérêtgénéral,coopérativessocialesenparticulier.Libera,fonctionnecommeunefédérationassociant un réseau de coopératives sociales,mais également des sous‐traitants et fournisseurs privés, aunom d’un idéal d’émancipation politique et économique. L’association signale ainsi une évolution dumouvementanti‐mafia,issud’unedoublematriced’extrême‐gaucheetducatholicismesocial,d’unestratégiepurement protestataire vers une approche plus fonctionnelle de reconnaissance des compétences et decontre‐stratégiessociales,maiségalementproductivesetcommerciales.Soumisesàuneforteobligationderésultat,lescoopérativessocialesdeLiberas’emploientainsiàconstruireunepolitiquelocaledelalégalitéquientenddécloisonnerleverticalismedel’actionpubliqueclassique.En se plongeant dans le coopérativisme industriel dans des secteurs fortement concurrentiels, lacommunication de Lontzi Amado Borthayre est revenue sur la trajectoire de deux coopérativesemblématiques du groupe basque de Mondragon: la coopérative industrielle Fagor et la coopérative dedistribution Eroski. Si Fagor, avant son internationalisation, s’est historiquement développé d’abord sur labase d’un régime territorial spécifique, Eroski s’est développé rapidement sur toute l’Espagne. Lacommunication est revenue sur les trajectoires des deux firmes et sur le devenir des principes coopératifsdanslesdeuxcas,avecunelargemajoritédesociétairesdansFagor,etunesituationdistinctepourEroski.Lesdébats,désormaisclassiques,surleseffetsdel’internationalisationdugroupeontégalementétérepris,ainsique les politiques publiques d’accompagnement du coopérativisme ‐ élargissant par exemple la présenced’actionnairesextérieursdanslescoopératives‐delapartdugouvernementrégionalbasque.Enfin, la contribution écrite d’André Kayo Sikombé, a apporté une perspective africaine en analysant lesdynamiques locales d’institutionnalisation‐désinstitutionnalisation‐réinstitutionnalisation des coopérativesagricolesauCamerounauvudelaréformedel’administrationterritoriale.Lesétudesdecasontouvertunediscussiontransversale,animéeparS.Ségas,surlanotiondeconfianceetsur lesapprochescritiquesde laconfianceetducapitalsocialterritorial,auquelbonnombred’intervenantssemblent préférer la notion de capital civique, réintroduisant l’Etat et les acteurs publics. Sur le plan del’anthropologie économique plusieurs terrains soulignent la nécessité de s’extraire des approchesstructuralistes classiques des relations sociétales sur ces territoires (enparticulier le «familialisme amoral»d’E.Banfield soulignant l’incapacitéà l’actioncollectiveenSicile,oudumythede l’égalitarisme traditionnelfaisantde la sociétébasqueun territoire tournévers la reproductiondesnormescoutumièreset incapabled’innovation).Ladiscussionsurlecasbasqueaaussiportésurlesfrontièresdelasolidaritédesexpériencescoopératives.Lasolidaritécoopératives’arrête‐t‐elleauxfrontièresdelavallée,danslamesureoùlemodèlecoopératif n’est pas automatiquement exportable en tant que tel sur tous les territoires d’implantation?L’évolution des coopératives soulève la question récurrente des dynamiques d’isomorphisme institutionnelsous contrainte. L’étude comparative basco‐irlandaise a, quant à elle, soulevé des questions sur les jeuxd’acteursetleschangementsdanslescadresdejustificationmobilisésparlesacteursdel’ESS:commentlesacteurs dits «identitaires» intègrent‐ils le discours fonctionnel et dépolitisé qui fonde les dispositifsinstitutionnels transfrontaliers? En quoi le discours fonctionnel de la coopération transfrontalière a‐t‐ilcontribuéàmodérerlelangagedesacteursduconflit?Entermesd’acteurs,commentcomparerlacatégorieduthird sectorirlandais à l’ESS en terrain basque? En quoi ces processus signalent‐ils un processusd’européanisation vertical (impact de l’intégration européenne sur les territoires) et horizontal (processusd’émulation, de socialisation, d’apprentissage mutuel)? Au final, les débats ont témoigné de l’intérêt dudialoguecroiséentrepolitistes,économistes,sociologueseturbanistessurunobjetaussimultidimensionnelquel’économiesocialeetsolidaire.

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ST12Laterreetlepolitique:delaconstructiondel’État

auxmobilisationssociales

JacoboGRAJALES(CERI‐SciencesPo)jacobo.grajaleslopez@sciences‐po.org

StellioROLLAND(EHESS)[email protected]

NousavonsréunidanscetteSectionThématiqueunensembledecontributionssurdiverscasdanslespaysduSudpartageanttousunemêmeentréeparlaproblématiquedesconflitsfonciers.Danslagrandemajoritédescas,celaaexigéauxcontributeursdemodifierl’approchehabituellementretenuedansleurobjetd’étude,pour adopter une entrée foncière qui, si elle ne leur était pas étrangère, ne constituait paspour autant lecentredeleursrechercheshabituelles.Nousavonspriscommepointdedépart lefonciercommesourcedeconflits socioéconomiques, mais aussi comme point de mesure et d’observation de processus plus largesd’institutionnalisationdupolitique.Nousavionségalementlacertitudequelesconflitsquisenouentautourdesquestionsdepropriété,d’accèsetdecontrôledelaterrenepeuvents’appréhenderuniquementàtraversleprismedel’échangerationnel.Aucontraire,ilnoussemblaitqu’ilétaitindispensabled’interrogerladimensionsociale,politiqueetidentitairedelaterreetderecouriràl’économiemoralepourcomprendrepleinementlesenjeuxdesconflitsfonciers.Nousavons ainsi interrogé la façon dont lesmutations dumarché de la terre à l’échelle globale participent à lareconfigurationdesrapportsdepouvoiretdecitoyennetédanslessociétésduSud. Dans l’ensemble des études de cas présentées lors de ces deux sessions de travail, il fut intéressant deremarquer à quel point les conflits fonciers peuvent être révélateurs d’enjeux socioéconomiquesfondamentaux, d’oppositions structurantes et de revendicationspolitiques et citoyennes essentielles ayantémergé au sein des communautés locales. Dans les cas de la Colombie et de l’Afghanistan notamment,l’analyse par le foncier s’avère fondamentale pour comprendre nombre de configurations sociopolitiquesactuelles.Eneffet,trèssouvent,c’estseulementàtraversl’analysedeleursracinesagrairesquel’onparvientàcomprendrelesformesactuellesdelaviolenceetduconflitarmédanscesdeuxpays.

*La première session de la Section Thématique s’est attachée, à partir trois études de cas (Afghanistan,CamerounetBrésil)àl’étudedesinstitutionsetdespolitiquespubliques.Ilressortdelamiseenperspectivedecesdifférentscasd’étudesquecespolitiquespubliquessontfaçonnéespardes intérêtsetdesrécitsquis’inscriventdansdeshistoiresplus longuesd’étatisationdu territoireetd’articulationentre lespopulationsruralesetlepouvoirpolitique.Ainsinousavonscherchéàdégagercesjeuxd’échellesàtroisniveauxd’analysedistincts.Premièrementauniveauduterritoire,ils’agissaitd’étudierlesprocessusd’insertionterritorialedel’Étatetdeterritorialisationdesespacesnaturels,c’estàdirededéfinitiondedroitsd’accèsetd’utilisationdesressources. Deuxièmement, il s’agissait d’analyser la construction de la souveraineté: nous avons ainsi vul’impact des problématiques foncières sur la capacité des gouvernants à maîtriser les conditions de leurproprereproduction.Enfin,lesconflitsfoncierssontaucentredelaconstructiondel’autoritépolitique,danslamesureoùilspossèdentunimpactfortsurlacapacitédesgouvernantsàinterveniràdifférenteséchellesetàarticulercelles‐cientreelles.L’étudedecesconflitsnousaégalementconduitversuneanalysedespratiquesdegouvernement.Onassistedans nos différents terrains à une redéfinition des frontières de l’État, avec une privatisation et uneréinventiondenouvellesformesd’interventionétatique,notammentparlamaîtriseétatiquedufoncieretdespolitiquesdedéveloppementrural.Laquestiondu«despotismedécentralisé»(Mamdani,1996)–enAfriquemais aussi en Amérique latine – a ainsi été traitée sous l’angle de l’articulation entre institutions

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gouvernementalesetmodalitésdela«décharge»,parexempledanslesmainsd’entreprisesdusecteuragro‐industriel.Il en ressort ainsi une analyse des formes prises par les liens entre milieux politiques, bureaucratiques etéconomiques,ainsiqu’uneréflexionsurl’impactdel’internationalisationdumarchédelaterre,quipeutvenirasseoir des formes de pouvoir politique. Mais il ne s’agit pas de postuler que l’internationalisation et lamarchandisation de la terre sont forcement source de renforcement des formes existantes de dominationpolitique.Lesétudesprésentéesontplutôtcherchéàanalyserlamanièredontlesconflitsfonciersparticipentàunereconfigurationdesformesdupouvoirpolitique local.Cesreconfigurationss’expriment,entreautres,dans le langage du droit, ce qui nous invite à proposer une sociologie des usages du droit enmatière deconflits fonciers. Enfin, ces conflits fonciers s’articulent également à des citoyennetés multiples, qu’ellessoientethniques,declasseouqu’ils’agissedelaquestiondesdroitscollectifs.Nousnoussommeségalementattachésàdécriredessituationsdepluralismeinstitutionnelquiexpliquentlesdifficultésd’institutionnalisationdel’État.Celan’empêchepasuneimbricationpyramidaleentrelesdifférentsordresinstitutionnels.Eneffet,lesprocessusdecentralisationpolitiqueetdeformationdel’Etatsontliésàlacapacitéde l’Etat à intégrer cepluralisme, à limiter lesespacesde friction, à lesmettreen rapportet à lesréguler.La question de l’établissement des droits fonciers découle de cette interrogation sur le pluralismeinstitutionnel. Eneffet, l’absenced’unmonopoleétatique sur ladéfinitiondesdroits fonciersaboutit àdesformesdeconcurrencemaisaussid’articulationetdecollaborationentreacteurs.Laquestionessentielledanstouteslesétudesdecasprésentéeslorsdelasessionaainsiétécellededéterminerl’acteurquiétaithabilitéàdéfinirlesdroitsfonciers.Or, laqualificationde lapropriétéest intimement liéeà laqualificationde lacitoyennetéetparconséquentauxprocessusd’exclusionetd’inclusionsociale.L’Étatstructureainsilasubjectivitédesacteurs,c’est‐à‐direlapossibilitéquileurestdonnée,lorsqu’ilssontdépossédés,ouaucontraire,lorsqu’ilsaccèdentàdesnouveauxdroits, de formuler des demandes à l’État. Les conflits fonciers sont ainsi un élément central dans lareproduction, lastructurationouaucontraire,danslatransformationdesrégimesd’inégalité,car ilssontaucentredesarticulationsentredroitspolitiquesetéconomiques,entrepropriétéetcitoyenneté.

*LadeuxièmesessiondelaSectionThématiquenousapermisd’aborderplusparticulièrementlaquestiondesmobilisationssocialesetdeslogiquesd’actioncollectivequiseproduisentautourdelaterredanslessociétésruralesdespaysduSud.Lorsdecettesession,quatreétudesdecasontétéprésentées,toutessituéesdanslazoneAmériqueLatine. Lesdeuxpremièresprésentationsontporté surdes casdemobilisation foncièreenBolivietandisquelesdeuxsuivantessesontpenchéessurdeslogiquesd’actioncollectivedecommunautésdéplacéesdansleNord‐OuestdelaColombie,unezonefortementtouchéedepuisplusieursdécenniesparuncontextedeviolenceetdeconflitarméchronique.TantdanslecasdelaBoliviequedansceluidelaColombie,ilaétésoulignéquelescommunautéspaysanneslocalescherchaientàobtenirdes formesdesécurisation foncièreetde reconnaissancesocialeetcitoyennedans un contexte de faible institutionnalisation étatique, de forte incertitude sur les droits fonciers etd’expansionrapidedel’agricultureagro‐industrielle(culturedesojaenBolivieetculturedupalmieràhuileenColombie).Néanmoins,ilaétéintéressantdenoterqu’àbiendeségards,laspécificitéducontextecolombiendeconflitarméchroniqueestsurdéterminantedansl’analysequel’onpeutfairedessituationssocialesvécuesparlescommunautéslocalesetdansl’étudedeslogiquesd’actioncollectivemisesenplaceparlesacteurs.Parailleurs,dansl’ensembledesinterventions,ilaétésoulignél’importancedeladimensionnon‐économiqueet non‐marchande des rapports qu’entretiennent ces communautés locales à la terre. Ainsi, lors de ladiscussion générale, il a été question de la dimension politique, identitaire et symbolique du rapport descommunautés locales à la terredansdenombreuses sociétés ruralesdespaysdu Sud. La terre a alors étéprincipalementconçuecomme«enchâssée»dansdiversesobligationssocioéconomiquesetcommunautaires

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etcommeproductriced’unesubjectivitécollectiveetpolitiqueauseindenombreusescommunautéslocales.Ainsi,danslecasdecertainesautoritésautochtonesboliviennes,ilanotammentétésoulignéquelarelationàla terre est souvent productrice d’un soi collectif [self] pour les communautés paysannes locales. Ainsi, àcertainsmomentsdeprisedeparoleet/oud’occupationd’unespaceparune«communauté»,denouveauxsujets politiques émergent. A travers la création de ces nouvelles scènes politiques, souvent situées auxmarges de l’Etat, ces mobilisations foncières fonctionnent alors comme des contestations d’un ordresociopolitiqueétabli.Sans minimiser l’importance de cette dimension sociopolitique et identitaire de la terre, il nous faut icisoulignerquecettedernièreestsouventétroitement liéeàsadimensionutilitariste(laterreconçueentantquebienetentantqueressource).Ilnes’agitpasd’adopterunevisiondualistesurlaquestionetd’opterpourl’uneoul’autredesdeuxapproches,maisplutôtdeconcevoirlarelationentrelesdimensionssociopolitiqueetutilitaristede la terre surunmodedynamique.Ainsi,pourobtenirun titredepropriétécollectivesur lesterres qu’elles occupent, nombrede communautés paysannes latino‐américaines ont du aupréalable créeruneallégeancecommuneetdémontreràl’Etatleurappartenanceàune«identité»commune.Enfin,deuxquestionsàlafoisd’ordreépistémologiqueetméthodologiqueontclairementémergéesautermede nos échanges. En premier lieu, le caractère fortement heuristique d’une approche comparatiste sur lesmobilisations foncières a été souligné. La démarche comparatiste permet notamment d’analyser de façondifférentielle les enjeux sociopolitiques des mobilisations foncières en Amérique latine et celles qui ontémergéesdansd’autrespartiesdumonde, tellesque l’Afrique. Il est ainsi très intéressantde comparer lesrôlestrèsdifférentsjouésparlerépertoirejuridiqueetparlareconnaissancedesdroitsdepropriétédanslesarènespolitiquesdessociétéslatino‐américainesetafricaines.Deuxièmement, nous avons souligné la nécessité de replacer l’étude des cas récents de mobilisationsfoncièresdansuncadretemporelpluslarge.Eneffet,ilnousaparuessentielderéintroduirel’histoirelonguedes dynamiques sociales des sociétés rurales des pays du Sud pour pouvoir analyser les mobilisationsfoncièresquiseproduisentaujourd’huiautourdelaterre,tantenAmériquelatinequedansd’autrespartiesdumonde.

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ST13ProspectiveetActionpublique

PaulinePRAT(SciencesPoParis,Centred’étudeseuropéennes)

pauline.prat@sciences‐po.orgNicolasRIO(SciencesPoLyon,Triangle,Acadie)

[email protected]

La section thématique «Prospective et Action publique» s’est réunie le mercredi 10 juillet 2013. La

sectioncomprenaittroisinterventionssuiteàladéfectiond’uneprésentation.Jean‐PierreLeBourhis(CNRS,UPJV,CURAPP)aassuréladiscussiondestroisprésentations.Quelquespersonnesextérieuresontégalementassistéàlaséance.AprèsunebrèveintroductionparlesdeuxresponsabledelaST,lestroisparticipant.e.sontprocédé à une présentation individuelle de leur contribution qui fut discutée par le discutant puis parl’ensembledelasalle.Unediscussiongénérales’esttenuepourconclure.

Lasélectiondespapiersavaitétéfaitepourprivilégierlesétudesmettantenscèneetquestionnantdes

dispositifs particuliers de prospective, expliquant leurs origines, leur fonctionnement, et/ou apportant uneapprochecomparativeentredesdispositifs.Aveccedénominateurcommun, ilestapparuquelesdifférentspapiers rendaient compte d’expériences locales ou infra‐nationales: dispositifs du Conseil Économique etSocialetEnvironnementalRégionaldeGironde(AmandineBrizio),dispositifrégionalenrégionBretagneetauPays‐de‐Galles(SylvainLeBerre)etlesmobilisationsautourdesdispositifsdeprévisiondeseffectifsscolairesdansunterritoirerural(LorenzoBarrault).

Cesdifférentes recherchesconfirmaientune intuitionquantà l’appropriationdeces initiativepardes

niveauxdegouvernementetdesacteursendehorsdesinstitutionsgouvernementalesetdesadministrationscentralesquiavaientportédanslapérioded’après‐guerrelesdispositifsetlessavoirsportantsurlefutur(enFrance leCommissariatgénéralauPlanet laDATAR).Surtout,cestroispapierssecomplètentenmontrant,d’une part, les effets de mimétisme et de transfert de ces dispositifs et de l’expertise prospective entrerégions,maisaussi leprocessusd’appropriationpardesacteursenmargedesgrandsexercicesprospectifs(scénarios)etleurcapacitéàrentrerdanslejeuenoffrantnotammentdessavoirsalternatifs.C’estainsiqueleCESERs’approprielaméthodedesscénarios,présentéecommeadaptéeàunsavoir«profane»,etquelesparents d’élèves font valoir leur connaissance effective des flux d’arrivée et de départ des familles pourrivaliseraveclesprojectionsdurectoratd’académie.

Lestroisinterventionsontpermisdemettreenavantcertainesinterrogationscommunessurlessavoirs

mobilisésetlaconstitutiond’uneexpertisesurlefuturetlaprospectivecommesavoirspécialisé.Laquestiondessavoirsetdessavoir‐fairemobilisésparlesdispositifsdeprospectiveapparaîtcentralepourcomprendrelesacteursquiinterviennentdanslesdispositifsetàquelmomentilsapparaissentdansleprocessusd’actionpublique. Ainsi, la différenciation entre le savoir «profane» et le savoir «professionnel» semble centrale.Dans lecasduCESERde laGirondeétudiéparAmandineBrizio, lechoixde laméthodedesscénariosaétéimposé par les conseillers qui vantaient sa simplicité face aux autres méthodes véhiculées par différentscabinetsouspécialistes.Chezlesparentsd’élèvesobservésparLorenzoBarrault,lesprojectionséconomiquesdurectoratd’académiesontrejetéespourleurcaractèresavantetsurtoutirréalisteetmettentenavantleurconnaissanceprécisedesarrivéesetdesdépartsdesfamillesainsiquede leursprojetsàmoyenterme.Cessavoirs se partagent et voyage entre acteurs, services et institutions. Si les deux études régionales serépondentenmontrant l’importancedes transfertsdesavoirsetdesavoir‐faireprospectifentre régions, ladiscussion de Jean‐Pierre Le Bourhis souligne bien la nécessité d’étudier plus en avant les effets dedisséminationetdetransfertvenantdel’UnionEuropéennequiestunacteurmajeurincitantàproduiredesdocumentsprospectifs.

Un deuxième questionnement apporté par cette section thématique tient aux effets réciproques de

l’action publique et des dispositifs de prospective. En effet, comme le montre Sylvain Le Berre dans sacomparaisonentrelarégionBretagneetlePaysdeGalles,lesdispositifsdeprospectiveinstillent,parlebiais

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deconstructionsnarratives,uneidéeduchangementimmanentparl’appelàl’innovation,àl’adaptabilitéàuncontexte en mouvement. D’autre part, ils proposent aussi une organisation alternative du gouvernementrégional.Eneffet,laprospectiveappelleàuntraitementtrans‐sectorieldesproblèmesetproposedecefaitdebrouillerlesfrontièresadministrativesetsectoriellesexistantes.Elleposeaussi,ainsiquelerappelleJean‐PierreLeBourhis, lerapportentrelestechniciensetlespolitiquesdansl’actionpubliquerégionale.Eneffet,les dispositifs de prospective interviennent précisément dans le cadre d’une renégociation des frontièresd’activitédesunsetdesautres.Danslestroiscasprésentéslorsdecettesession,l’usagedelaprospectiveoudesprévisionsoccasionnelamobilisationdecatégoriesd’acteursquirevendiquent,enseprésentantcommelégitimes pour conduire une réflexion prospective sur le territoire, à rentrer dans le «jeu» de l’actionpublique.

Unetroisièmeinterrogationgénéraleportesurlacapacitédelaprospectiveàvéhiculerdesidéesoudes

valeursparticulièresenprenantcommeobjet lefutur.Eneffet, lacontributiondeLorenzoBarraultsoulignepar exemple comment, dans le débat sur les prévisions d’effectifs scolaires, les parents d’élèvesréintroduisentlesvaleursdel’écolerépublicaineetderéinvestissementpublicdanslesterritoiresruraux,faceauxprojectionschiffréesetroutinièresdel’administrationdel’ÉducationNationale.DanslecasduCESERdelaGironde,AmandineBriziomontrebienégalementlacapacitédecesdispositifsàfairerentreràl’agendadessujets marginalisés du champ de compétence régionale, comme la question de l’énergie nucléaire parexemple.

La discussion générale de la section a porté sur ces points de comparaisonmais aussi, du fait de la

comparaisoninternationalemenéeparSylvainLeBerre,surlacomparabilitéducasfrançaisavecd’autrescaseuropéens. Il apparaît en effet nécessaire de bien mettre en lumière les spécificités de division du travailadministratif,politiqueetdeladéfinitionsituéedel’expertiseetduconseildanslecadrenational.Ledialogueproductifquis’estengagéàceproposlorsdelasectionouvredebellesperspectivesdediscussionfutureàpartirdesdifférentstravauxengagés.

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ST14Gouvernerleslangues

SelmaK.Sonntag(HumboldtStateUniversity,Californie)

[email protected](Centred’étudeseuropéennes,SciencesPo,Paris)

nuria.garcia@sciences‐po.orgL’objectifprincipaldenotresectionthématiqueconsacréeà laquestiondugouvernementdes languesétaitderelierl’étudedespolitiqueslinguistiquesàdesquestionnementsplusgénérauxdel’analysedespolitiquespubliques d’un côté et de la sociologie politique de l’autre. Plus spécifiquement, il s’agissait de dépasserl’opposition entre approches instrumentales et approches symboliques des langues afin d’assurer uneplusfortecumulativitédesrecherchesentreprisesdansledomainedelapolitiquedeslangues.Afindeconstruireune réflexion collective autour de la question du gouvernement des langues, nous avons privilégié dans lasélectionlespropositionscomportantunedimensioncomparativeetcherchantàarticulerdesétudesdecasempiriquesàuneréflexionplusgénéralesurlaquestiondugouvernementdeslangues.Demême,nousavonscherchéàétablirundialogueentredifférentstypesd’approches,quecesoitentermesd’échelled’analyseoudesourcesetdeméthodesutilisées.Lenombreimportantdepropositionsreçuesnousaparailleurspermisdetenircompted’unereprésentationdesdifférentesairesgéographiques,avecdesétudesdecascouvrantl’Europe,l’AmériqueduNord,l’Asieetl’Afrique. La section thématique a ainsi permis de mettre en perspective des cas «classiques» comme leCanada, où l’étude des politiques des langues bénéficie d’une longue tradition tout en étant fortementinstitutionnaliséedanslechampdelasciencepolitique(cf.lescontributionsdeLindaCardinal,AnneMévellec,JeffMillaretHelainaGaspard)avecdescastrèspeuétudiésjusqu’àprésent.Desparallèlesetdescontrastesintéressants ont ainsi pu être dégagés sur le fédéralisme linguistique en Europe (cf. la contribution d’AlineHartemann) et en Inde (cf. la contribution de Selma Sonntag), de même que sur le lien entre langue etéducation entre les Etats‐nations européens comme la France, l’Allemagne et l’Espagne d’un côté (cf. lescontributionsdeNuriaGarciaetdeLontziAmadoBorthayre)etlesEtatspostcoloniauxenAsieduSud‐esteten Afrique (cf. les contributions d’Ericka Albaugh et d’Alice Goheneix), ayant connu des trajectoires deconstructionstato‐nationaletrèsdifférentes.Se déroulant demanière bilingue, alternant présentations en français et en anglais, la session thématique«gouverner les langues»apermisd’élargir la réflexionentaméeauseinducomitéde rechercheRC50«Lapolitique des langues» de l’association internationale des sciences politiques (IPSA) en y associant despersonnesprécédemmentnonimpliquéesdanslesactivitésdeceréseau.Rassemblantàlafoisdesdoctorant‐e‐setjeunesdocteur‐e‐setdeschercheur‐e‐sconfirmé‐e‐s,lasectionthématiqueaparailleurspermisdefairedialoguerdestraditionsuniversitairestrèsdifférentes,avecdescontributionss’inscrivantdansdesapprochesde sociologie politique ou d’analyse des politiques publique à la française, et des communications serattachantdavantageàunetraditiondecomparativepolitics,tellequ’elleexistedanslechampdelasciencepolitiqueanglo‐saxonne.Lebilandelasectionthématique«gouvernerleslangues»estdonctrèspositif.Lesdialoguesetéchangessesont révélés riches et fructueux et ont permis de poser les fondements de nouvelles collaborations entrespécialistes français et internationaux de la politique des langues, collaborations qui se poursuivrontnotammentdanslecadreduprochainCongrèsdel’IPSAàMontréalenjuillet2014.

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ST17Retoursurlegouvernementdesrisquescollectifs:

quelleplacepourlesindustriels?

LaureBONNAUD(INRA‐UnitéRiTME/Risques,Travail,Marchés,État)[email protected]

Marc‐OlivierDÉPLAUDE(INRA‐UnitéRiTME/Risques,Travail,Marchés,État)marc‐[email protected]

NicolasFORTANÉ(INRA‐UnitéRiTME/Risques,Travail,Marchés,État)[email protected]

Depuis la fin des années 1990, le paysage institutionnel de la régulation des risques sanitaires etenvironnementaux s’est profondément modifié, en France comme en Europe. De nombreux travaux ontcherchéàdécryptercettenouvelleconfigurationdespolitiquespubliquesenmatièredegouvernementdesrisques collectifs(agences d’expertise, dispositifs de surveillance épidémiologique, etc.). Un aspect de cesrecompositionsest toutefois restépeuabordépar la littératurescientifique: le rôledesacteurs industriels.Cettesectionthématiquevisaitainsiàréunirdestravauxappréhendantlafaçondontcesacteurs(entreprises,filières, organisations et syndicats professionnels, agences de communication, organismes de conseil,fondations privées, etc.) participent à l’évaluation, à la gestion et à la prévention des risques que leursactivités économiques contribuent à créer.Dans cetteperspective, nous souhaitionsengagerune réflexionsurlamanièredontpourraitêtreproduiteuneanalyseplusfinedesindustriels,deleurspratiquesetdeleursstratégies,afindeparveniràunemeilleurecompréhensiondecequecesacteursfontaugouvernementdesrisques. Quatrecontributionsontétéprésentéeslorsducongrès.CécileFerrieux(UniversitéLyon2,Triangle)amontré,àpartird’uneenquêtesurlagestiondesrisquesdanslavalléedelachimieprèsdeLyon,commentlerisque pouvait jouer un rôle fédérateur en cadrant les relations entre les dirigeants industriels et les éluslocaux. Olivier Pilmis, Henri Bergeron, Patrick Castel (Sciences Po, CSO) et Thibault Bossy (UniversitéBordeaux2,CentreEmileDurkheim)sesontpenchéssurl’échecdelamiseenœuvred’uninstrumentd’actionpubliqueégalementpensécommeundispositifmarchand: leschartesd’engagementvolontairedeprogrèsnutritionnel. Emmanuel Henry (Université Paris‐Dauphine, IRISSO) s’est intéressé au rôle prédominant desindustriels dans l’élaboration des normes en matière de santé au travail (les valeurs limites d’expositionprofessionnelle),enparticuliergrâceàdesconfigurationsinstitutionnellesdesprocessusd’expertisequileursont favorables. Enfin, Renaud Crespin (IEP de Rennes, CRAPE) a présenté un travail sur le dépistage desdrogues en France, qui amis en évidence les liens entre la promotiondes tests dedépistagedans l’actionpubliqueetl’activitédelobbyingd’expertsquianticipentlaconstructiond’unmarchédesanalysesmédicales. Ces travaux, extrêmement stimulants, ont permis de nourrir plusieurs axes de réflexion que nousavonsensuitesoumisà ladiscussionde l’ensembledesparticipantsà lasectionthématique.L’idéegénéraleétait de dégager un ensemble de questionnements transversaux permettant de poser les jalons d’unprogrammederecherchesurlerôledesindustrielsdanslegouvernementdesrisquescollectifs.

Enquêtersurlesindustriels

Une première série de réflexions concernait les aspectsméthodologiques propres à ce type d’objets etd’enquêtes. Il apparaît tout d’abord essentiel de rompre avec la supposée homogénéité des acteursindustriels(deleursintérêts,leursressources,leurspratiques,etc.).Ilfautainsidistinguerentrelesdifférentsservices internes aux entreprises (branches marketing, R&D, communication, etc.) qui ne sont pas toutesnécessairement impliquéesde lamêmemanièredans legouvernementdes risques. Il ne fautpasnonplusperdre de vue que si les acteurs industriels peuvent partager des intérêts communs (ex. opposition à unchangementderéglementation),ilssontaussiensituationdeconcurrencesurunmarché.Lastructuredecesmarchés (relations de sous‐traitance, concurrence, etc.) peut nous aider à comprendre les conditions de

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mobilisationetdereprésentationdesintérêtsindustriels,ainsiquelesstratégies,pastoujoursconvergentes,vis‐à‐visdespolitiquesdegestiondesrisques. Les contributions nous ont ensuite permis de nous interroger sur les conditions d’accès auxindustriels.Faceà ladiversitédestypesd’acteurs(organisationspatronales,PME,multinationales,etc.),desentreprisesetdesservicesà l’intérieurdecesentreprises, l’identificationdesacteurspertinentsn’intervientsouvent qu’au cours du processus d’enquête. La question des sources documentaires est égalementcomplexe. Les travaux présentés lors de cette section thématique étaient tous basés sur des sourcesindirectes, c’est‐à‐dire sur des archives permettant de saisir la mobilisation des acteurs industriels au seind’espaces relativement ouverts où ils sont en interaction avec d’autres acteurs (élus, services étatiques,experts). On peut dès lors se demander si l’accès à des sources directes (i.e. des documents internes auxentreprises ou aux organisations patronales) modifierait notre regard sur leurs stratégies en matière degouvernementdesrisques.Anosyeux,l’intérêtseraitdoncdeparveniràcroisersourcesdirectesetindirectespourpouvoirreconstituerleursprincipalesstratégiesdanscedomaine. Enfin,ledernierpointdecettesériederemarquesd’ordreméthodologiqueconcerneleproblèmedela saturation des données. En effet, dans la mesure où il ne s'agit pas de réaliser une sociologie desentreprises ou des marchés mais bel et bien d'étudier le rôle des industriels dans le gouvernement desrisques, il faut déterminer un certain seuil de description et de compréhension de ces acteurs. D’une part,jusqu'àquelpointfaut‐ilsaisirlesacteursindustrielsentantqu'acteurséconomiques(positionnementsurlesmarchés,concurrenceentreeux,etc.) ?D’autrepart,dansquellemesureest‐ilnécessairededocumenter ladiversitédesjeux(etdoncdesespaces)danslesquelslesindustrielss'inscrivent?Cesquestionssontd'autantplusimportantesqu'onassisteaujourd'huiàunetransnationalisationdugouvernementdesrisquescommedel'activitééconomiqueet l’onpressentparfoisque les casquenousétudionsontune importancemarginalepour les acteurs industriels, voireque leurmobilisation sur cedossierpermeten réalitéd'occulterd'autresenjeux. A ce titre, une des contributions à notre ST a esquissé une piste de recherche particulièrementintéressante:sepenchersurlatemporalitéetlagéographiedelaproductionnormativepourmieuxsaisirlesjeuxd’échellequistructurentaujourd’huilespolitiquesdegestiondesrisques.

Lesindustriels,acteurscentrauxdugouvernementdesrisques

Les travauxprésentés lorsde la section thématiqueontpermisdedégagerunsecondensemblederéflexions, relatives aux différents cadrages problématiques permettant d’aborder le rôle des acteursindustrielsdanslegouvernementdesrisques.Ainsi,ilesttoutd’abordparuimportantdeclarifierlesrelationsque les industriels entretiennent avec des acteurs qu’il peuvent mobiliser comme des alliés: avec lesscientifiques,dont les stratégiesd’enrôlement, lesaffinitésélectiveset les convergencesd’intérêtsdoiventêtre documentées finement; avec les élus, liés aux industriels par un certain nombre de contraintes –généralement réciproques– qui doivent être reconstituées; avec les agents de certains services de l’État,dont il fautpouvoircomprendreprécisémentcequ’ils«partagent»avec les industriels (lieuxdeformation,compétences techniques, etc.). D’unemanière générale, les présentations ontmis en exergue les diversesformesd’interactionsentrecesacteurs:auditions,courriers,contacts informels,conférences,dispositifsdeconcertation,financementsdeprojets,participationàdiverscollectifs(comités,sociétéssavantes...),etc. La contribution des industriels à la production des normes et instruments d’action publique estégalement une question de recherche essentielle. Cela doit nous conduire à reconstituer les logiques enfonctiondesquelleslesindustrielsappréhendentcesnormesetinstrumentsderégulation,lespréoccupationssanitaires et environnementales apparaissant souvent secondaires. Par exemple, dans quelle mesure lesinstrumentsco‐produitspar lespouvoirspublicset les industrielspeuvent‐ils serviràmieux régulercertainsrisques tout en servant les intérêts de certains industriels au détriment de leurs concurrents (ex. valeurslimitesd’exposition,autorisationsdemisesurlemarché)?Enquoipeuvent‐ilsêtreégalementdesdispositifsd'intermédiationmarchande(ex.chartesd’engagement),voirepermettrel’émergencedenouveauxmarchéspourcertainsacteurséconomiques(ex.testsdedépistagedesdroguessurleslieuxdetravail)? Enfin, une dernière piste qu’a permis de soulever cette section thématique concerne les réflexionsautourdelanotiond’«organisationsocialedel’ignorance»,unconceptquiasurtoutétéportécesdernièresannéesparlesSciencesandTechnologiesStudies.D’unepart,celarenvoieàlaquestiondel’accèsauxdonnéesprivéesdes industrielspar lespouvoirspublics(essaiscliniques,compositiondesalimentsetdessubstanceschimiques,etc.),donnéesdontcesderniersontbesoinpourl’évaluationdesrisquesetl’élaborationdesoutilsderégulation.D’autrepart,ilfauts’interrogersurlesconditionsdeproductiondecesdonnées:parexemple,

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dansquellemesurelesinstrumentsetlesdispositifsdesurveillancedesrisquesreposentsurlaparticipationdesindustriels,voiresurdestechniques(notammentmétrologiques)qu’ilssontlesseulsàdétenir? Autotal,noussommestrèssatisfaitsdecettesectionthématique,quiadonnélieuàdesprésentationset des discussions d’une grande qualité. Celle‐ci représente pour nous une première étape dans lastructurationd’unréseauderecherchesur le rôledesacteurs industrielsdans legouvernementdesrisquescollectifs.Nousespéronsà l’avenirpouvoircontribueraudéveloppementdecettethématiqueauseinde lasciencepolitiquefrançaise.

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ST18Penserlapolitisationdel’environnementàl’international

LucileMAERTENS(SciencesPoParisetUniversitédeGenève)

lucile.maertens@sciences‐po.orgGéraldinePFLIEGER(UniversitédeGenève)

[email protected]:LucileMAERTENS,SciencesPoParis,UniversitédeGenève,IRSEMCo‐chair:Stephan,DAVIDSHOFER,UniversitédeGenève

Cette section thématique portait sur la politisation de l’environnement à l’international, ses enjeux et sesdimensions.NoustenonsàremercierlesorganisateursduCongrèsdenousavoirpermisd’échangersurcetteproblématiqueémergentemaisnonmoinscentraleenSciencePolitiqueetenRelationsInternationales,ainsiquetou‐te‐slesparticipant‐e‐spourleurstravauxdequalitéetStephanDavidshoferpoursaparticipationentantquediscutant.

Commeindiquédanslaprésentationscientifiquedelasection,cepanelavaitpourobjectifd’échangersurlaplacedel’internationaldansl’émergencedel’environnementcommeenjeupolitique.Ils’agissaitàlafoisdes’interrogersurl’internationalcommevecteurdepolitisation,maiségalementcommeéchelledeconstructiondesproblèmesenvironnementauxetcommelieudecréationdenormesetpolitiquespubliquesenréponseàcesproblèmes.Ils’ancraitdoncdansunevolontédedialogueentredesanalysesauxéchelleslocale,nationaleetinternationalemaisaussientreétudesdepolitiquespubliquesetdeRelationsInternationales.Nousavonsorganisécedialogueentroispartiesàpartirdelaprésentationdecinqpapiers.Dansunpremiertemps, les articles de Joanna Guerrin et Clémence Mallatrait ont proposé des exemples de problèmesconstruits à l’international puis traités par des acteurs nationaux et locaux. Dans un deuxième temps, lespapiersdeMarieHrabanskietCécileBidaud,d’unepart,etdeTaniaRodriguez,d’autrepart,onttraité,quantàeux,durôledesacteursinternationauxdanslaformationdenormesetconceptstransposés,parlasuite,àl’échellenationale.Enfin,nousavonsconclucetteséancepar laprésentationdeDanielCompagnonportantplus largement sur la gouvernance mondiale de l’environnement multi‐échelle et le rôle des acteurs non‐étatiques.Leprogrammecompletestindiquéci‐après.Cesdifférentesprésentationsnousontpermisd’explorerdesquestionsdeméthodologie,etnotammententermesdeconceptualisationetdu lienentrethéorieetempirie.Eneffet, lespapiersprésentésétaient toustrèsrichesentermesdedonnéescollectéessurleterrainquenousavonstentédemettreparticulièrementenvaleur. Nous avons également exploré la question de la construction des problèmes environnementaux àl’échelle internationale – notamment dans le cas de la gestion du Rhône et de l’Arctique – et du rôle desacteurs internationauxdans leurémergence–enparticulierdans lecasde lacoopération internationaleenAmérique centrale. Les liens entre les échelles locale, nationale et internationale ont fait l’objet d’unediscussionsoutenueenfindeséanceàl’occasiondelaprésentationsurletransfertdenormesenFranceetàMadagascarainsiquecellesurlagouvernancemultiscalaire.Nousavonsainsiconclucesdébatsfructueuxsurl’idée d’autonomisation d’un champenvironnemental à l’international, que de futures recherches pourrontexplorerdavantage.Partie1:Discutante:Lucile,MAERTENS,SciencesPoParis,UniversitédeGenève,IRSEMJoana,GUERRIN,IRSTEAMontpellier,UMRG‐EauUniversitédeMontpellier1«La construction à l'international d'un discours sur la gestion durable de l'inondation et ses traductionsterritoriales:comprendrel'échecdelarestaurationd'unezoned'expansiondecruessurleRhône»Clémence, MALLATRAIT, Université de Lyon‐III et Institut EDS (Université Laval ‐ Canada). ATER (04) àUniversitéParisSud‐XI«Les enjeux des changements climatiques sur la politique régionale de sécurisation en Arctique»

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Partie2:Discutant:Stephan,DAVIDSHOFER,UniversitédeGenèveMarie,HRABANSKI,UniversitédeMontpellier3,UMRARTDEV,CIRADCécile,BIDAUD,UMRGRED,IRD«Entre norme imposée et transfert volontaire : réception des instruments demarché de la biodiversité àMadagascaretenFrance»Tania, RODRIGUEZ, Université Paris‐Diderot, LaboratoireSEDET, Université du Costa Rica«Concepts hégémoniques dans lagestion de l’environnement : Le rôle de la coopération internationaledanslagestiondeszonesdefrontièresenAmériqueCentrale»Partie3:DiscussiongénéraleDaniel,COMPAGNON,SciencesPoBordeaux«L’émergenced’unegouvernanceenvironnementale transcalaire: placedes acteursnon‐étatiquesdansunmondepost‐international»

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ST19Penserlesrégimesurbains

StéphaneCADIOU(UniversitédeNiceSophia‐Antipolis–ERMES)

[email protected](Institutd’étudespolitiquesdeLyon–TRIANGLE)

gilles.pinson@sciencespo‐lyon.frL’objectifdecettesectionthématiqueétaitderemettresurlemétierleconceptde«régimeurbain»élaboréparS.ElkinetC.Stonedans l’étudedesvillesdesespacesurbains.Partide l’ambivalenceentredesusagesinflationnistes dans les Urban Studies anglo‐saxonnes et une méfiance persistance de la communautéfrancophone, cette ST a permis de réfléchir aux conditions d’appropriation de ce concept. Pour cela, lescommunicationsprésentéesontfournil’occasiondecroiserdesterrainsdiversifiés(grandesvilles,communespériurbaines,villesdebanlieue…)avecdesréflexionsplusthématiques(lesliensavecl’État,larationalité,lestatutdesressources…).Autermedecettesectionthématique, ilparait,plusquejamais, impossiblederéduirelegouvernementdesvilles aux seules autorités publiques tant celles‐ci sont contraintes de nouer des échanges, plus ou moinsstabilisés,avecdespartenairesorganisésetdesmilieuxsocioculturels.Danslesétudesdecasprésentées,lesauteurs ont évoqué le rôle structurant de grandes entreprises, d’opérateurs financiers, de réseaux deprofessionnels,de servicesde l’État…autantdeprotagonistesqui témoignentd’unpluralismedes intérêtsdanslesespacesurbainsmêmesilesdécideurspolitiquessontsansdoutemoinsdépendantsquelesmairesaméricainsdesressourcesdétenuespardesacteursprivés.Les communications, les discussions et les échanges qui s’en sont suivis ont fait émerger plusieurs leçonstransversalesquel’onpeutsommairementsynthétiserencinqpoints:

• Primo, leconceptderégimesurbainsgagneàêtreconsidérédansunsensanalytiquebeaucoupplusquecommeune forme réelle. C’est ainsiqueplusieursauteursontproposéd’échapperauxdébats surune(im)possibleimportationduconcepttant,àl’évidence,lesvillesaméricainesetfrançaisesnesesuperposentpas.Dèslors,laquestiondedépartn’estpastantdesavoiraprioris’ilexiste,icioulà,«un»régime,maisdese laisser guider par des interrogations sur la construction de capacités de gouvernement. Dans cetteperspective, les diverses types de régimes urbains proposés dans la littérature ne se présentent pasnécessairementsurunmodealternatif,maispeuventsecombinerauseind’unemêmeconfigurationurbaine.

• Secundo, la ST a alimenté les débats autour du couple différenciation vs convergence de l’actionpubliqueterritoriale.Eneffet,lesterrainsprésentésontrenducompted’agencementsd’acteursetd’intérêtssinguliers:quoidesemblable,parexemple,entreunevillecommeClermont‐Ferrandmarquéeparlafortedel’usineMichelinetdestissusmétropolitainspluséquilibréscommeNantesouRennes?Danslemêmetemps,les villes échappent difficilement à un agenda mainstream marqué par des impératifs de croissance etd’attractivité.Àcetégard, les stratégiesdedécroissancepeinentencoreà séduiredesdécideurset restentmarginales,mêmedanslesvillesapparemmentlesplusdisposéesenraisondeleurdéclindémographiqueetéconomique, à emprunter une voie alternative (cf. Saint‐Etienne). Mais, l’analyse des agendas est rendueencoreplus compliquéepar lamiseenœuvre, dans laplupartdes villes, depolitiquesentrepreneurialesetsociales.Autrementdit,danslesvilles,lesagendassontrelativementouvertscomplexifiantlesliensquel’onpeut établir entre les institutions et une base sociale. Plus généralement, ceci a reposé la question de la

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singularité des territoires poussant certains à plaider pour une meilleure prise en compte des culturespolitiqueslocales.

• Tertio, ladiversitédescommunicationsapermisd’attirerl’attentionsurlavariablespatiale.Selonles

typesd’espaces,l’enjeudel’élaborationd’unecapacitédegouvernementavecdesacteursprivésseposeendes termes différents. Il est ainsi apparu que les communes périurbaines, a fortiori quand elles sontstructurées autour d’un tissu économique peu diversifié, disposent demarges demanœuvre plus limitéesquant au choix de leurs partenaires. Les coalitions y sont assurément plus resserrées. Plus encore, ladifférenciation peut être intra‐urbaine. En effet, à l’intérieur d’une même ville, les espaces (qu’il s’agissed’espaces centraux ou de quartiers d’habitat social ou de faubourgs résidentiels) font l’objet de coalitionsdifférenciées(etéventuellementhiérarchisées)quidonnentlieuàdesactionscontrastées.

• Quarto,laquestions’estposéedesavoirsil’analysed’unprojeturbain(aussiimportantetstratégique

soit‐il) constituait une entrée suffisante pour aborder un régime urbain. De ce point de vue, si les projetsurbains peuvent constituer des révélateurs d’alliances dominantes, ils requièrent d’être replacés dans unestructure du pouvoir plus large. Ce chantier appelle par conséquent de s’ancrer dans une sociologie desgroupes et des réseaux, ainsi quede s’articuler à une sociologiepolitiquedu leadership. C’est ainsi auprixd’uneréunificationdesdimensionspolitiquesquel’onpourrautiliseraumieuxleconceptderégimeurbain.

- Quinto,lescoalitionsaufondementdesrégimesurbainsreposentsurdesressources‐dontlestatutaétélonguementdébattu–quivisentàconstruiredel’actioncollective.Alorsquelestravauxaméricains,dontceuxdeStone,ontbeaucoup insistésur les ressourcesmatérielles, les travaux francophones tendent,pourleurpart,àprêterplusd’attentionauxdiscours.Decepointdevue,plusieurscommunicationsontmontrélaforcedespolicydiscoursepour jeter lesbasesd’unrapprochemententreacteurs.D’autresauteursontbienmontré la nécessité de tenir compte de ressources exogènes (comme des financements publics de l’État)pouractiveretsolidifierdessystèmesd’acteurs.D’unemanièregénérale,laSTarelancéledébatautourdesmodalitésdeconstitutiond’uneactioncollective:est‐ceque lesnégociateursdesagendasetdesstratégiessontconstitutifsd’unacteurcollectif?Aufinal,laqualitédescommunicationsprésentéesapermisderévélerlavaleurheuristiqued’unprogrammederechercheconstruitautourdesrégimesurbains.Celui‐cioffreeneffetl’opportunitédeprendreausérieuxdes chantiers délaissés dans la littérature francophone, mais aussi de faire écho à plusieurs controversesstructurantesdéjàabordéesauseindel’Associationfrançaisedesciencepolitique.Iln’enrestepasmoinsquebiend’autrespistesn’ontétéqu’effleurées,voireoccultées.Onenévoqueratroispourfinir.Lapremièreestlaplaceréduiteaccordéeparlesauteursauxconflits.Silesrégimesurbainsnepeuventseréduireàdesmodesde gouvernement consensuels, il convient de mieux saisir le rapport des décideurs aux mobilisationscontestataireset leurgestiondestensionsentre intérêts.Lasecondepisterenvoieàunemeilleurepriseencomptedesgroupessociaux.Si lescommunicationsrendentcompted’unpluralisme,c’est leplussouventàtravers des organisations (chambres consulaires, universités, ports…) qu’il faudra à l’avenir davantagearticulée aux structures sociales localisées. La troisième, et dernière dimension concerne la mesure del’efficacité des régimes urbains et des effets des politiques publiques. Il s’agit d’approfondir l’étude desretombées de l’action publique et, in fine, de la capacité des gouvernements à structurer les sociétésurbaines.Cesontlàtroischantiers,nonexhaustifs,quiplaidentpourlapoursuited’uneréflexioncollectiveetcomparéeautourdesrégimesurbains.

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ST20Versunesociologiepolitiquedessciences?

YannBÉRARD(CRPLC/UAG)

[email protected]‐ag.frAntoineROGER(CentreÉmileDurkheim/SciencesPoBordeaux)

[email protected]éciélamanièredontsesontdérouléeslesdeuxsessionsquiontrythmélasection.Les11contributionsannoncéesontétédiscutéesavecleursauteur‐e‐s.Unpublicd’unedizainedepersonneapuassisteretparticiperauxdébats.Nousavonsétéimpressionnésparlaqualitédesinterventionsdesdiscutant‐e‐squiontsu,denotrepointdevue,plusqueremplirleurrôledanslecadredelamissionquenousleuravionsconfiée,livranttouràtourdesgrilles de lecture et mises en sens descontributions réunies stimulantes, dans un style de pensée propreàchacun.Nousavonségalementbeaucoupappréciélamanièredontleursauteur‐e‐sontsureleverledéfideladiscussion,enacceptantderépondreàchaudàdesmisesenperspectives,commentairesetquestionsquipouvaientsusciterbiendesdéveloppements,toutentenantattentivementlestempsdeparole.Nousréfléchissonsactuellementà lamanièredepoursuivrecettepetiteexpérienced’enquêtecollective,entâchantdeluidonneruneconsistancesupplémentairedansunprojetéditorial,quis’orienteverslapublicationd’unoudedeuxnumérosderevue(Politix,RFSP,Revued’anthropologiedesconnaissances,etc.).

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ST23Agendaspublicsetréactivitédémocratique:uneperspectivecomparée

IsabelleENGELI(Universitéd’Ottawa)

[email protected](SciencesPo/CEE)

emiliano.grossman@sciences‐po.frCette section thématique s’est attachée à étudier dans une perspective comparée la réactivité démocratique(democraticresponsiveness)desagendaspublics.Unesériedegrandesquestionsontanimées lesdeuxséancesdelasection:Dans quelle mesure est‐ce que les gouvernements répondent aux attentes de citoyens? Est‐ce que les partisécoutent leurs électeurs? Etqu’est‐cequi détermine laproximité relativeentre citoyens‐électeurs, l’Etat et lespartis?Depuis les travaux fondateurs de Page et Shapiro (1983) sur la réactivité démocratique aux préférences descitoyens,larecherches’estprogressivementéloignéed’uneconceptualisationsimplificatriceetquasi‐mécaniquedelaréactivitédémocratiqueàl’évolutiondel’opinionpubliquepourinvestiguerplusenprofondeursousquellesconditionsetdequellemanièrelesgouvernementsrépondentauxattentes,préférencesetinquiétudesdeleurscitoyens. Plus récemment, la recherche a appelé à une compréhension plus fine de la direction de l’effet decausalité qui permettrait de mieux rendre compte de l’aspect dynamique et interactionnel de la réactivitédémocratique (Soroka et Wlezien 2010). Cela passe aussi par une meilleure compréhension des possiblesintermédiaires,commelespartispolitiquesetlesmédias.Cetatelierthématiqueapermisdecontinuercetteréflexionsurlaréactivitédémocratiqueenl’insérantdansuneperspective plus large des agendas politiques et publics qui comprend, outre les gouvernements, d’autresinstitutionspolitiquestellesquelesparlementsetlescourtsmaisaussilesmédiasetlespartispolitiques.PANEL1–REACTIVITEDEMOCRATIQUEETAGENDASINSTITUTIONNELSLepremierpanel ‐Réactivitédémocratiqueetagendas institutionnels–s’estportésur lesmécanismescausauxsous‐tendant ladynamiquede la réactivitédémocratiquedes agendas institutionnels telsque les exécutifs, lesparlements et les courts. Quelle est l’évolution à travers le temps de la réactivité démocratique des agendasinstitutionnels?Commentetdansquellesmesurelaréactivitédémocratiquediffère‐t‐elleàtraverslesdifférentsagendasinstitutionnels?Existe‐t‐ildestendancesdanslaréactivitéinstitutionnellequiseretrouventàtraverslespays?Lespapiersprésentésontportésur:Alarecherched’effetsélectorauxsurlesdépensespubliquesauxEtats‐UnisDerekEpp,JohnLovett,FrankR.Baumgartner(UniversityofNorthCarolinaatChapelHill)Nousexaminonslastructuredesdépensesparlesadministrationsprésidentiellesde1948ànosjourspourétudierl'impact des élections sur les dépenses. En partant de travaux antérieurs, nous attribuons les programmes dedépensefédérauxauxdeuxpartiespourvoirsilesprésidentsallouentdavantagededépensesauxprogrammesassociésàleurpropreparti.Noustrouvonspeud’effetsdesdépensesliéesauxélectionsetexploronsdavantagelarobustessedecesrésultatsenconsultanta)lesdifférentespériodesd'unmandatprésidentiel(pourtesterleseffetsd'apprentissageoudelunedemiel),b)gouvernementunifiéetdivisé;c)lesplusfortesaugmentationsetles diminutions budgétaires au sein de chaque présidence, et d) l'ensemble des dépenses du gouvernementplutôt que de catégories de dépenses individuelles. Lorsque nous limitons notre attention aux dépenses «

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nationales discrétionnaires » (en éliminant les programmes obligatoires comme la sécurité sociale, et lesdépensesdedéfense),ontrouveunplusgrandcontrôleprésidentiel.Cettecatégoriededépensesa,pourtant,diminuéavecletemps,etnereprésentequ'unefaibleproportiondubudgetfédérald'aujourd'hui.L'analyseestfacilementréplicabledansd'autrespaysdisposantdedonnéessurlesdépensesparcatégorie.Letraitementdel’informationpardesacteurspolitiquesindividuelsStefaanWalgrave(Universitéd’Anvers)Cette contribution propose d'aborder l'énigme du comportement politique individuel du point de vue dutraitement de l'information. L'idée centrale est que les acteurs politiques‐parlementaires, ministres, chefs departi,etc‐sontexposésquotidiennementàdegrandesquantitésd'informationssur lesproblèmespolitiquesetsociaux(etlessolutionspossibles).Pourcomprendrecommentilsagissent,etpourquoiilsagissentcommeilslefont,nousaffirmonsqu'ilestessentieldecomprendrecequelesdifférentsacteurspolitiquesfontdessignauxdela société: à quelles informations ils prêtent leur attention, ce qui est ignoré et ne conduit pas à une réactionpolitique.Commelesacteursindividuelsrencontrentdeslimitescognitives,ilstraitentl'informationd’unefaçonnon‐proportionnelle.Latensionentreunedemandesociétaleinfinieetunedisponibilitélimitéederessourcesducôté des acteurs politiques individuels est une caractéristique clé du comportement de représentation desacteursindividuels.Le but de cet article est de développer une théorie de l'acteur intégrée du traitement de l'information desdifférentsacteurspolitiques.Letraitementde l'informationestcomposédetroisétapes: lesacteurssontexposésà l'information, ilsprêtentattention aux informations, et ils agissent en fonction de l'information. Ces trois étapes ne sont pas toujoursconsécutivesetneseproduisentdansunordre fixe.Lesdéterminantsdu traitementde l'informationsontdescaractéristiques de l'expéditeur de l'information (par exemple, les médias ou les groupes d'intérêt), lescaractéristiques du message lui‐même (par exemple, le ton négatif ou positif de l'information), et descaractéristiquesdu récepteurde l'information (parexemple,elleest spécialiséedans laquestion spécifiqueounon).Biensûr,lesacteurspolitiquesindividuelsontdespréférencespersonnelles(parexemple,ilsdéfendentlesintérêtsdes travailleurs)et ils sont intégrésdans les institutions (parexemple, leurpartinepeutêtre strictoutolérantfaceauxcomportements individuels)etcesfacteursdéterminentaussi letriangleexposition‐attention‐action.Pour construire cette théorie, l'étude s'appuie sur trois groupes de travaux dans la littérature scientifique. Lathéoriedel’agenda‐settingapourvariabledépendantl’attentionpolitique;safocalesurla«friction»cognitiveetinstitutionnelle sont très utiles pour expliquer pourquoi l’attention des acteurs politiques est ponctuée etirrégulière, mais jusqu’à présent la théorie n’a été appliquée qu’à des institutions et non pas à des individus.L’approchepar larationalité limitéeconstitueunpointdevuethéoriqueclassiquepartantdeslimitescognitivesdes individusdans le traitementde l'information.Ellenousaapprisbeaucoupde choses sur les citoyens,maisencoreunefoisellen'apasétébeaucouputiliséencequiconcerne lespoliticiensetonnesaitpasdansquellemesure les politiques sont plus oumoins affectés par les limites cognitives. Les travaux sur la représentationformentunetroisièmesourced'inspiration,danslamesureoùilssontaucentredenotrequestion:représenterlasociété.Maiscesétudesn'ontpasmisl'accentsurl'informationetlaplupartdestravauxselimiteàl’étudedespartis.Laréactivitédémocratiquedel'agendapolitiquedel’Unioneuropéenne.RenaudDehousse(CEE,SciencesPo)NicolasMonceau(UniversitéMontesquieu‐Bordeaux4etSciencesPo)Sidenombreusesétudesontétéconsacréesàlaréactivitédémocratiquedansuncadrenational,notammentauxEtats‐Unis, très peu semblent cependant s’être penchées sur la question de la réactivité démocratique du «gouvernement»européen.Dansquellemesurel’agendainstitutionneldel’UE,etplusparticulièrementlesagendasdelaCommissionetduParlement,prennentencompte lesattentesdescitoyens?Peut‐onobserveruneévolutiondans letempsde laréactivité démocratique de l’UE et si oui, dans quels domaines ? Comment expliquer les convergences, ou au

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contrairelesdécalages,entrelesprioritéscommunautairesentermesdepolitiquespubliquesetlespréférencesdescitoyens?Afin de répondre à ces questions, la démarche entreprise conduira ici à identifier les priorités de l’agendainstitutionnel de l’UE à partir de plusieurs indicateurs puis de les comparer avec les priorités définies par lescitoyens européens. L’accent sera plus particulièrementmis sur l’ «exécutif » européen à travers le rôle de laCommission européenne. Parmi les indicateurs pris en considération, figureront notamment la productionlégislativeet lebudgeteuropéen.Lesenquêtesd’opinion,enparticulier lesEurobaromètres, serontégalementutilisées.Quand est‐ce que les gouvernements répondent à la pression du public en période non‐électorale? Un cadrethéoriqueetanalytiqueLauraMorales(UniversityofLeicester)Dansquellemesure lesgouvernementsdémocratiquessont‐ils sensiblesauxdemandesetauxpréférencesdescitoyens entre les élections? Est‐ce que les gouvernements sont davantage susceptibles de répondre àl'expression de l'opinion publique capturée par les sondages ou plutôt à la négociation collective et l'opinionpubliquement exprimée ‐ généralement sous la forme de protestations?Qu'arrive‐t‐il lorsque ces deux formesd'expression de l'opinion publique sont en contradiction flagrante? Est‐ce que certaines configurationsinstitutionnellesetpolitiquessontplussusceptiblesderendrelesgouvernementsdavantageréceptifsauxpointsdevuedescitoyensenpériodenon‐électorale?Cettecontributionproposeuncadrethéoriqueetanalytiquepourguider l'analyse empirique de la réactivité gouvernementale à des expressions différentes et parfoiscontradictoires des préférences du public. Le papier examine tout d'abord les attentes théoriques concernantl'effet d'un certain nombre de facteurs sur la réactivité gouvernementale: des hypothèses comportementalesrelativesauxacteursgouvernementaux, ladistributiondespréférencesdupublic, laformeet lesconséquencesd’initiatives d’action collective, le type de problèmes et de domaine de politiques publiques ainsi que laconfigurationinstitutionnelledusystèmepolitique.Avecceshypothèsesà l'esprit, ladeuxièmepartiedupapierprésenteunensembledemodèlesformelsdeladynamiquedesinteractionsentrelesgouvernements,différentesexpressions de l'opinion publique et le cadre institutionnel. Ces modèles proposent un éventail de résultatspossiblesquipeuventêtreliésauxprincipaleshypothèsesthéoriquesenrelationaveclesvariablesmentionnéesci‐dessus,envued'évaluerl'utilitédecesmodèlesavecdesdonnéesempiriquesdansdesrecherchesfutures.PANEL2–REACTIVITEDEMOCRATIQUEETAGENDASPARTISANSLesecondpanel2‐Réactivitédémocratiqueetagendaspartisans–s’estpenchésurladynamiquedelaréactivitédes partis politiques. Comment les partis politiques réagissent aux changements dans l’opinion publique,Commentlaréactivitépartisanes’est‐ellemodifiéeàtraversletemps?Quelestl’impactdescontraintesinternessur leurcapacitéà réagir?Dansquellemesure lespartispolitiquess’adaptent‐ilsauxchangementscontextuelsversus maintiennent une stratégie d’issue ownership qui les poussent à se profiler électoralement sur leursthèmes porteur respectifs? Comment peut‐on expliquer les similitudes et différences dans la dynamique decompétitionélectoraleàtraverslespays?Lespapiersprésentésontportésur:Stratégiquesounaïfs?Impactdel’opinionpubliquesurlesprogrammesdespartispolitiquesenEurope.RaulMagniBertonUniversitédeGrenoble,IEP,PACTEetSophiePanelUniversitédeHeidelbergLepapieranalyselepoidsdel’opinionpubliquesurlesprogrammespolitiqueslorsdesélectionsparlementairesdanslespayseuropéens.Ils’agitdedéterminersi lesprogrammesreflètentl’idéologiedesleadersdespartis,oualorsilss’adaptentdavantageauxévolutionsdel’opinionpublique.Concernant cette dernière idée, deux hypothèses sont testées : premièrement, les programmes varient d’uneélection à l’autre en fonction de l’évolution de l’opinion de l’électeur médian (Ezrow 2007,Ward et al. 2011).Deuxièmement, ils varient d’une élection à l’autre en fonction de l’opinion de l’électeur médian parmi lesélecteurs susceptibles de voter pour le parti. Troisièmement, ils varient en fonction de l’opinion du militant

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médian(Schofield2007).Ils’agitlàdetroishypothèsesclassiquesdetypestratégique,avecdesmécanismesdifférents.Pour tester l’hypothèse de la « naïveté » selon laquelle les programmes reflètent les idées et les priorités desleaders des partis, nous utilisons la stratégie de Gillens (2005) : evaluer dans quelle mesure les programmesreflètentlesopinionsdeceuxquipartagentlemêmeprofilsociodémographiquequelesleadersdespartis.Celadépenddespaysetdesépoques,maisilssontgénéralementâgés,desexemasculin,nationauxetavecdeshautsrevenus.Les données utilisées proviennent des Eurobaromètres Standard (pour mesurer l’opinion publique) et duManifestoProject(encequiconcernelesprogrammespolitiques).Dans les deux cas, nous avons accès aux priorités à partir d’une liste d’enjeux assez classique (chômage,insécurité, systèmedesanté, immigrationetc.).Nousne testonsdoncpas lacongruenceentreprogrammesetopinionsauniveaudessolutions,maisauniveauduchoixdesproblèmesposés.Lapériodeanalyséevade1990à2005etportesurunnombredepayseuropéensmaximal,nonencoredéterminé.TypedegouvernementetagendasgouvernementauxparenjeuxChristopherGreen‐Pedersen&PeterMortensen(Universitéd’Aarhus)Lebutdecepapierestd'intégrerdesvariablescomparativestraditionnellesdanslestravauxsurlamisesuragendaetsurlaconcurrenceentreenjeux(issuecompetition).Plusparticulièrement,nousexaminonscommentlanaturedescoalitionsgouvernementalesinfluencel’agendaparenjeuxdugouvernement.Commentest‐cequel’agendagouvernementalestinfluencéparlenombredepartisauseindugouvernement?Est‐cequeladistanceidéologiqueentrelespartismembresdugouvernementaffectel’agendagouvernementalparenjeux?Lesquestionsderechercheserontanalyséesenutilisantunegrandequantitédedonnéesdanoisessurlesagendasgouvernementaux,lesprogrammespartisansetlescoalitionsdegouvernemententre1953à2007.Lapolitiquedecontraintes.LadynamiqueduchangementpolitiqueentrelespréférencesetlescontraintesenFrance,EspagneetRoyaume‐Uni(1980‐2009)CaterinaFroio(EUI)L'unedesmissionsdelasciencepolitiqueestd'expliquerpourquoicertainsrésultatspolitiquesseproduisentetquelssontlesfacteurs/acteursquiensontresponsables.Lacompréhensiondecesprocessusestessentiellepourmesurer la qualité de la démocratie (Manin, 1995), pour étudier la manière dont les parlements fixent leursobjectifspolitiques(RaschetTsebelis2009),etpouranalyser leschangementset lastabilitédanslespolitiquesgouvernementales(BaumgartneretJones2005).Traditionnellement, la littérature sur "Est‐ce que la politique compte?" (Does politics matter?) suggèred’examiner les dépenses du gouvernement et leur caractère partisan. Cependant, cette approche s’avèreinsuffisante, dans la mesure où les politiques gouvernementales ne se limitent pas aux dépenses. Legouvernement peut réaliser d'importants changements dans le domaine juridique ou dans la politiqueréglementaire, ou, encore, dans les relations internationales (comme adhérer à l'UE) qui n’affectent passensiblementlesdépenses.LeslimitesdecettebranchedelarechercheontétésoulignéesparKitschelt(2007)quiafaitvaloirquelespartisnepeuventpasmanipuler facilement lespolitiques,puisqued'autrescontraintespeuvent limiter leurmargedemanœuvreetempêcher toutchangementpolitique.Dans lapremièrepartiedecetarticle, jepasseenrevue lalittératureexistantesurlechangementpolitiqueetdeplaideenfaveurd'uneapprochedetypeagenda‐setting.Cettedernièrepermetderendrecomptedespréférencespartisanesetdescontraintesdanslamiseenœuvredespolitiques,tellesquelesprocessusdel'élaborationdespolitiquesoudesévénementsimprévusetexternes(Adler,Wilkerson2012).Finalement,jetestecemodèlethéoriquesurlaFrance,l'EspagneetRoyaume‐Unientre1980et2009enutilisantles données du ComparativeAgendas Project sur l'activité législative, les programmes partisans, lesmédias etl'opinionpublique.

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TheElectoralBeatoftheBroadcastNews:PoliticalpartiesandthemediainFranceEmilianoGrossman(SciencesPo/CEE)This paper analyses the role of broadcast media during electoral campaigns. Based on a new dataset (Newsbroadcasts of F2 and TF1, the two major French networks), the study first assesses the specificities and theevolutionofmediaattentioninFrancefrom1986to2008duringelections.Namely,weexplorethepossibilityofissue concentration and agenda reductions prior to elections. The paper thenmoves on to study interactionsbetweenpartymanifestosandthemediaduringelectoralcampaigns.We investigateboththemedia’sandthepolitical parties’ ability to set the political agenda in times of elections. This is a first study investigatinglongitudinallytheagendaofthetwomajornetworksinFrance.Itisthusafirststepinourunderstandingofthemedia’sandtheparties’agenda‐settingabilitiesduringelections.Laréactivitédémocratiquedesgrandspartisgouvernementauxvisàvisdel’environnement:démêlerlatendancedefonddesfluctuationsconjoncturelles.SimonPersico(UniversitéParis1Panthéon‐Sorbonne,Sciences‐Po)Cette communication s’appuie sur les résultats du travail de thèse réalisé par l’auteur sur le traitement desquestionsd’environnementparlesgrandspartisdegouvernement,enFranceetauRoyaume‐Uni.Elles’attacheraàdémontrerlelienexistantentrelesfluctuationsdel’opinionvisàvisdel’environnement,considérécommeunenjeuunique,d’unepart,etlaprésencedecetenjeusurl’agendadesgrandspartisdegouvernement(partisdontunreprésentantaobtenulepostedechefdegouvernementaumoinsunefoisdanslapériodecontemporaine).Encela,cettecommunications’inscritdirectementdansladeuxièmepartiedelasectionthématiqueportantsur«laréactivitédémocratiqueetlesagendaspartisans».Appliquerlequestionnementdelaréactivitédémocratiquedespartisétablisàunenjeuquinefaitpaspartiedesenjeux structurant les systèmes partisans paraît particulièrement fructueux. En effet, s’il n’existe pas d’issueownershipd’ungrandpartidegouvernementsurl’environnement–cet issueownershipappartientaprioriauxpartisécologistes–,celan’empêchepaslefaitquel’environnementsoitparfoisconsidérécommeimportantparl’opinionpublique,obligeantparlà‐mêmelespartisétablisàs’ensaisir,dansunprocessusqualifiéd’issueuptake.Toutl’enjeuestalorsdedéterminerdansquellesconditionss’opèrecetteinfluencedel’opinionpublique.L’hypothèseprincipaledecetravailest lasuivante: ilexisteun liengénéralmaisfaibleentre leniveaudesoucipourl’environnementdansl’opinionpubliqueetlasaillancedel’enjeuenvironnementaldanslesprogrammesdespartis dominants. Cela étant, cette hypothèse générale doit être spécifiée. (1) Des évolutions brutales dansl’opinion publique à proximité des élections sont plus à même d’entraîner des évolutions dans les agendaspartisans dans un sens similaire – et ce, quelque soit le niveaugénéral. (2) La force, présuméeou réelle, et lepouvoir de nuisance du parti écologiste à l’approche d’une élection – en terme de stratégie de coalition, oud’obtention de sièges – auront également une influence particulière sur les agendas des grands partis degouvernement.Cette communication, qui se fondera sur l’analyse des programmes de quatre partis (PS et UMP en France,TravaillistesetConservateursauRoyaume‐Uni)lorsde13électionslégislatives(de1981à2007enFrance,de1983à2010auRoyaume‐Uni)nepourrapasaller loindans l’usagede l’inférencestatistique.Ellemettratoutefoisenévidencedemanièrequalitativelesliensexistantsentreopinionpubliqueetagendaspartisans,grâceàl’usagededeuxbasesdedonnéesquantitatives:‐Pourlamesuredel’évolutionl’agendadesgrandspartisdegouvernement,nousutiliseronslapartconsacréeparchaque parti à l’environnement lors de chaque élection dans son programme électoral – données tirées duComparativeAgendasProject.‐Pour la mesure de l’évolution de l’opinion publique, nous utiliserons un «indice longitudinal de préférence»(public mood), en suivant la méthodologie développée par James Stimson, qui synthétise les évolutions del’opinionsurl’environnementàpartirdeplusieursquestionsposéesdemanièrerégulièredanslesdeuxpays.

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ST24Unretourdesmeetingsélectoraux?

Lesmeetingsdanslacampagneprésidentielle:dispositifs,acteursetpublics

LudivineBalland(LaSSP,IEPToulouse)

[email protected](CeRIES,LilleIII,InstitutUniversitairedeFrance)

[email protected]ÉliseCruzel(IEPToulouse,LaSSP)

[email protected]

Lemeeting,un«fauxclassique»desciencepolitique

L’objectif général de cette Section était de creuser l’idée qu’il y a des bien des chosesencoreàdiresurlesmeetingspolitiquesetsurcdequ’ilsnousapprennentduchamppolitiqueengénéral,oupourledireautrementquelemeeting,quipourraitsemblerrelevernaturellementdelasciencepolitique,estenvéritécequel’onqualifierade«fauxclassique»delasciencepolitique.

CetteSectionamarquéuneétapedeplusversl’élaborationd’uneréflexioncollectivesurle thème des meetings. Il y en a déjà eu d’autres. On pense surtout aux Journées d’étudesorganiséesàLilleparNathalieEthuinetClémentDesrumaux,dans le cadreduCERAPSetde laMESHS:unepremièrerencontreaeulieule28octobre2011,etdeuxautresJournéesd’Etudessesonttenules14et15 juin2012.Onpenseaussià laJournéed'Etudesorganiséeles20et21marsderniersparAïchaBouradetFannyTourrailledanslecadreduLaSSPetdeSciencesPoToulouse,intitulée «Les meetings dans la campagne présidentielle : Analyses sociales, historiques etjuridiquesd’undispositifpolitique».Enfin,onpenseaussiplusgénéralement,aufaitqu’ilaexistéungroupeSPEL,ou«SociologiePolitiquedesELections»,consacréauxmeetings1.Bref,cetteSTacontribuéàvoirqu’ilyaune«actualitéacadémique»,sil’onpeutdire,surlesmeetings.

Onpourraitalorspenserquelesmeetingssontunobjetrelevant«naturellement»delascience politique, un objet potentiellement «canonique». En vérité, on ne peut que faire leconstantdumanquedetravauxdansnotredisciplinesurlesmeetings.Ilexistedespublications,maisellessemblentfréquemmentlefaitd’anthropologuesoud’historiens,etdanslestravauxsurlescampagnesélectorales,lesmeetingsapparaissentcommeunequestionsouventminorée.Ilyaquandmêmeeudespublicationsdepolitistes (assez récentes) sur laquestion.Que l’onpense,sans être exhaustifs, à l’article d’Hélène Combes sur lesmeetings électoraux auMexique dansPolitix,àlacontributiondeNathalieEthuinetMagaliNonjonsurlesréunionspubliquesdelalisteMartineAubryàLilledanslelivrecollectifMobilisationsélectorales.Lecasdesélectionsmunicipalesde2001,aulivredePaulaCossartsurlesmeetingsdelafindu19eetdébutdu20esiècle,ouencoreaulivredirigéparEricAgrikoliansky,JérômeHeurtauxetBrigitteLeGrignou,Parisencampagne.Lesélectionsmunicipalesdemars2008dansdeuxarrondissementsparisiens,quidonneuneplacenon‐négligeableàl’étudedesréunionsélectorales.Maisnoussommesdoncpartisduconstatqu’ilyavaitencoreàdireetàécrire.

Au cours de ces deux demi‐journée, nous avons vu qu’unemultiplicité d’approches estpossible sur les meetings. L’objet s’est révélé permettre d’aborder différents types dequestionnements,allantdelasociologiedescampagnesélectorales,àlasociologiedespublics,en1SPELestunensembled’unecinquantained’enseignants‐chercheursvenusdetoutelaFrance,réunisautourdel’étudedesélectionsprésidentielleetlégislativesde2012,chercheursdontfaisaientpartieunbonnombredesintervenantsàcettesection,quiontdécidédemenerensemble,etavecleursétudiantsparfois,desenquêtesdeterrain.

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passant par celle de la participation politique, des représentations, de l’engagement et dumilitantisme, jusqu’au rapport des partis aux médias. Cette multiplicité des approches secaractérisait dans les communications par la variété des focales utilisées, comme par desréférencesthéoriquesellesaussidiverses(sociologiede l’actioncollective,despartispolitiques,desmédias,ducorps,desmondesruraux,etc.).I.Quenousapprennentlesmeetingsdescampagnesélectoralesetquelquespremièrespistessurcequel’onapprenddesmeetings…

1. Lapremièrechosequenousavonsrelevéenécoutantetlisantlescommunications,c’estquel’onaaffaireàuneformepopulariséedansunespacepolitiquesitué.

Lesmeetingsonteneffetconstituéunenjeumajeurdelacampagneprésidentiellede2012et de son traitement médiatique. Leur retour massif sur le devant de la scène est un desévénements saillants de la campagne pour l’élection présidentielle. On peut difficilement nierqu’ils ont attiré à la fois beaucoup de participants et une attentionmédiatique exceptionnelle.C’est surtout frappant quand on pense à la précédente présidentielle, où un quotidien de lapresse nationale pouvait titrer, alors que débutait la précampagne: «Les meetings politiquesn’ont plus la cote»2. Comment comprendre, donc, ce retour desmeetings sur le devant de lascène,alorsqu’on les croyait rendusd’aborddésuetspar la télévision (quiavait commencéparchanger leur forme),puisdéfinitivementévincéspar la recherchedeplusde«proximité»entrecandidatsetélecteurspotentiels?D’autres l’ontdéjàobservé, la fluctuationde l’attentionpourles meetings n’est pas une nouveauté3. Outre les idées, outre les enjeux, outre les talentsoratoires,lerenouvellementdeleursformespeutaussil’expliquer.

D’abord,enraisondelamodedesmeetingsde«pleinair»,maisaussienraisondemédiasquin’existaientpasouétaientmoinsdéveloppésauparavant.Onpenseiciàlaretransmissionendirect des meetings via les chaînes d’information en continu ou via internet. Le public estdésormaisconstituénonseulementdeceluiprésentfaceauxorateurs,maisaussid’unpublicplus«virtuel»maistoutaussi important:celuiquisuit lemeetingàdistance,etsouventendirect. Ilfaut aussi souligner bien sûr le rôle des réseaux sociaux, type twitter ou facebook, à traverslesquels peut s’exprimer la personnalité, l’avis, des participants. Les participants ne sont pas làque pour écouter, applaudir, crier, huer – ce qui est déjà une forme d’expression politiqueimportante–maisdeviennentplusdirectementacteurs,grâceàleurscommentaires,etleurrôlederelaisversunpublicencoreélargi.Bref,cetteSTapermisdevoirqu’ilyaeuunrenouvellementdecetteformetraditionnelledemobilisationélectorale.

Maisilfautaussiresituercedispositifdansunehistoirepluslongue.Danslederniertiersdu 19e siècleenFrance,dansuneRépubliqueenconstruction, la formemeeting traduisait alorsune sorte d’idéal démocratique. Cela nous a amené à penser que la forme et les usages de cedispositifnepeuventêtredéconnectésd’unétatduchamppolitiqueetdesreprésentationsqueles partis et/ou les dirigeants se font de la représentation politique et/ou de la mobilisationélectorale.Ilyadoncunenécessairehistoricisationetcontextualisationduregardquel’onportesur lesmeetings.C’estcequenousontrappeléCarolinaRossinietZoéKergomardàproposducassuisse:leprocessusdetransformationdesCongrèsduPSSuisse–dedispositifsdécisionnelsàdesdispositifsderassemblementdelagaucheetdemiseenscènedesesvaleursparrapportauparticonservateur–cettetransformation,donc,traduitdesreconfigurationsdel’espacepolitiquesuisseaussibiennationalquecantonal.

Ensomme,nousavonspuvoiraveccetteSTquetravaillersur lesmeetings,cen’estpastravailler sur une forme figéeetdéfinitive: c’est travailler sur undispositif qui reflète certaines2LaCroix,25septembre20053«Alorsqu’en1962lesréunions(…)n’avaientattirépartoutqu’untrèsfaiblenombred’électeurs,l’inverses’estproduitcetteannée:(…)onasignaléunerenaissancetrèsnettedecetteformetraditionnelledepropagandeetd’informationpolitiques»,écrivait FrançoisGoguelàproposdesélections législativesde 1967 (Revue françaisede sciencepolitique,1967).

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logiquesd’unchamppolitiqueenmouvement;etc’esttravaillersurlamanifestationvisibled’untravaildemobilisationélectoralequiprendplacedansunedynamiquedecampagne.

2. Deuxièmepointgénéralsur lequelnousnoussommescollectivement interrogés:est‐cepossiblepourlespartispolitiquede«fairesans»meeting? Ils’estagi icides’intéresserauxdynamiquesdecampagneetauxphénomènesconcurrencespolitiques.

Fairemeetingestapparudansplusieurscommunicationscommeunpassageobligéd’unecampagne, relevantd’«attendus»de lacampagne,à la foispour lesmédiasmaisaussipour leséquipesducandidatetlesmilitants:lemeetingesteneffettoutàlafoisunmoyendemobiliserlestroupes,d’incarnerladynamiqueetlaforced’unpartietd’uncandidatdansl’espacepublic,etde réassurer les équipes sur le terrain. Il agit alors comme un faisceau de contraintes sur lescandidatseux‐mêmes.C’estcequenousamontrénotammentPierreMongauxàtraversl’étudede la tournéedescandidatspendant les élections législativesdans laSomme, lecandidatUMPengageantdesmeetingspartraditionfamiliale,etlecandidatPSs’engageantàsontourdanslesmeetings à cause de son concurrent. C’est aussi ce que laissait paraître la communication deJulienFretelenprésentant laréorientationdelastratégiedecampagneduModemencoursdeprésidentielle avec l’organisation tardive (en cours de campagne) de meetings initialementécartés.Ici,c’estici ladynamiquemêmedescampagnesélectoralesquijouecommeunrappelàl’ordreauprèsdecescandidats,qui sevoientenquelquesortedans l’obligationdes’alignerencoursderoutepours’ajusteràdeseffetsdeconcurrenceréelsouanticipées.Lespartispeuvent‐ils alors faire campagne «sans» meeting? C’est une des questions qu’ont posée de manièredifférente plusieurs des intervenants, enmontrant combien le dispositif meeting se trouve aucœur des campagnes. Ils représentent un budget très important de celles‐ci, et au‐delà,impliquentunemobilisationmilitante.

Non seulement les meetings politiques s’inscrivent dans un espace relationnel fait deconcurrentspolitiques,ouencorede rapports auxmédias,mais ils s s’inscrivent aussi dansdeslieux, des villes ayant des histoires propres, et des forces militantes différentes. Les meetingsprennentalorssensdansdifférentestemporalités:cellepluslargeduchamppolitique,celledelacampagne, celle du parti politique et celle dumeeting lui‐même. Cette question a traversé lesdifférentescommunications.Unmeetingestcertesuneunitéensoi,maisquineprendsensquepar rapport aux autres meetings (du candidat lui‐même mais aussi de ses adversaires), quil’inscrivent dans un espace politique concurrentiel (où il s’agit de se distinguer), et dans uncontextespécifique(uneactualité,uneville).

En ce sens, les approches localisées sur le travail politique d’organisation desmeetingsrévèlent toute leur pertinence. FrédéricNicolas, par exemple, a ainsi montré que les lieux demeetings donnent l’opportunité aux candidats de manifester des formes d’attachement auxterritoires,quisontautantdemanièresdevaloriserlesmilitantsetlessympathisants,commedese différencier de ses concurrents – ceci souvent par médias interposés. On pense aussi ici àl’analyse deRomainMathieu, qui a permis de saisir – à partir de l’étude de l’organisation desmeetings à Besançon – le travail d’ajustement et de négociation des militants locaux desdifférentescomposantesduFrontdeGaucheparrapportauxéquipesnationales.

3. Troisièmequestiongénéraleabordée:Commentcirconscrireletempsdumeeting?Peut‐onyrepérerundébutetunefin?Lemeetingest‐ilsimplementlasoiréequiréunitun

oudescandidat(s)etautresorateursainsiqu’unpublicdansunesalle?Cetteconceptionétroiten’est évidemmentpas satisfaisante.Quid en effetdu travail politiqueet logistique antérieur depréparation et de mobilisation des soutiens autour et en amont de cet évènement ? «Fairemeeting»renvoieainsiàunensembledecontraintesstructurellesquipèsentsurlamanièredeleconcevoir,soituntravail logistiqueetpolitiquedepréparationquis’anticipedesmoisàl’avance(donnant d’ailleurs à voir un degré de professionnalisation différente des organisationspartisanes). Ces éléments plaident pour considérer le meeting comme un processus quicommenceavecladécisiond’unpartioud’uncandidatd’enorganiserun(ouplusieurs)etquise

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termine lesoirou le lendemaindu jourconsidéréaprèsavoirmesuré leseffectifsprésentset lacouverturemédiatique.Onl’avudansbiendescommunications,danscettedeJérémieNolletenparticulier. Au‐delà, le meeting s’inscrit dans le temps long du parti, comme l’ont montrénotamment Nathalie Ethuin et Anne‐France Taiclet dans leur étude des luttes d’héritages etmaniements ou manipulations de l’histoire dans les meetings de Nicolas Sarkozy et Jean‐LucMélenchon.

II.Desmeetings…pourqui? LesdiverscontributeursàcetteSTsesontaussi interrogéssurceque l’onpeutappelerrapidementlesdestinatairesdesmeetings.

1. Pourcela,noussommesnotammentrevenussurladoublecontraintedesorganisateursdemeetingsdefairenombreetd’encadrer,sil’onpeutdire,lespublics.

Avec l’apparition des partis politiques et de nouvelles formes de militantisme, lesmeetingssontprogressivementdevenus,au tournantdu 19eetdu20e siècle,mais surtoutdansl’entre‐deux‐guerres, un moyen de «faire nombre». Implicitement, un meeting réussi est unmeetingquia«faitleplein».Plusieurscontributionsontmontréquecetaspectn’estpaslaisséauhasarddelamétéooude«l’envie»desparticipantspotentiels.Ainsi,parexemple,MaelleMoalic‐Minnaertadévoiléleminutieuxtravaild’enrôlementdessympathisantsparlesmilitantsdeLutteOuvrière, dont un des objectifs consiste littéralement à accompagner ces sympathisants àparticiperaumeeting.Ilexistetoutuntravaildemobilisation,quis’effectuepourLOendirectiondes catégories susceptibles de représenter la classe ouvrière et de faire advenir, le tempsd’unmeeting,larencontreentrelecandidatporte‐paroleetceuxqu’ilestsenséreprésenté.Cetravaildemobilisationdesmilitants,qu’illustrentbiend’autrescontributions,estessentielpournourrirlacroyanceducandidatdansseschancespotentiellesderemporterl’électionouàtoutlemoinsdefaireunebonnecampagne.Aucontraire,ladifficultéàmobiliserlestroupesestunsignalqu’uneéquipetendàpercevoiretinterprétercommeunéchecdelastratégiedecampagne.

Nousavonsainsivuqueletravailpréparatoireàunmeeting–qu’ils’agisseduchoixd’unlieu,de lamusique,de l’agencementde la salle,de l’entréedu candidat,de l’emplacementdescaméras, du décor, etc., etc. – n’est jamais anodin. Observer ce travail de préparation nous aamenésàdécouvrirdesreprésentationsvariéesdu lienattenduentre lecandidatetsespublics,mais aussi du type d’incarnation politique que le candidat souhaite faire passer. En ce sens, letravailsurlespublics,surle«corps»dupublic,estapparucommeunepréoccupationmajeuredeséquipesde campagne, visant àdiscipliner ces corps à travers lesdispositifsdumeeting: écran,barrière, service d’ordre, etc. – comme l’ont bien montré Aïcha Bourad, Gildas Hivert etDominique Parent. Cette gestion politique des corps dans lesmeetings rappelle alors que cesévènementsde campagnene sontpasde simples rassemblement festifs,maisqu’ilsdonnentàvoir, en creux, les représentations de l’ordre social, d’une identité partisane, de ce que le partiincarneàunmomentdonné– incarnationentermesdeforcepolitiquemaisaussid’identité,devaleursqu’ilporteouprétendporterdansl’espacepolitiqueparrapportàsesconcurrents.

Finalement, la logistiquedu meetinget lamanièredont ilsedonneàvoiràtraverstoutsondecorumnous a semblé converger vers un double objectif: de démonstration de force duparti, et d’assignation d’une identité collective (c’est‐à‐dire ce que représente le parti dansl’espace idéologique par rapport à ses adversaires). Tout ceci s’appuyant sur une quête demobilisationdesaffectsdelapartdesparticipants.

2. Secondaspectdescommunicationsqu’ilnoussembleimportantdemettreenavantici:les meetings apparaissent aussi comme conçus à destination des militants, des éliteslocales,qu’ilscontribuentàvaloriseretréassurer.

Il y a une dimension du plaisir demiliter, de la sociabilité et de la réassurance, qui estparticulièrementperceptibledansl’interventiondeRomainMathieu.Pourallervite,onyavuque

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lesorganisateursdumeetingduFrontdeGaucheàBesançonattendentaussi impatiemment lemeetinglui‐même,quel’échangeentête‐à‐têteaveclecandidatquidoitavoirlieuaprès.

On voit par ailleurs dans les communicationsque, tout en étant desdémonstrationsdeforce, les meetings n’en restent pas moins aussi des instruments pensés pour convaincre lespublics présents ou anticipés. Jean‐Luc Mélenchon annonce ainsi très clairement la vocationpédagogiquedesesdiscours,sortesd’instrumentsd’éducationpopulaire.

L’attention aux discours – discours souvent étonnamment négligés par les chercheursdans les études parues jusqu’ici, à l’exception quand même du bel article de Jean‐JacquesCourtinesurl’éloquencepublique,«Lesglissementsduspectaclepolitique»,parudansEspriten1990–sembleautermedecetteSTêtreaucœurdesmeetings.Plusieurscontributionsontmisenlumière cette attention des candidats, des équipes ou des militants au possible pouvoir deconviction de leurs mots. La mobilisation de références historiques apparaît comme un desvecteursde cemoment conçu comme formateur, comme l’ont soulignéAnne‐FranceTaiclet etNathalieEthuin.

Quoi qu’il en soit, si la forme de ces enrôlements des participants comme électeurs oufuturs militants diffèrent selon les partis politiques, il n’en reste pas moins certainementimportant, notamment si l’on considère avec Guillaume Rollet et Nam Le Si que les nonconvaincusetindéciss’élèveraientàprèsde30%despublicsdesmeetings.

3. S’interrogersurlesdestinatairesdesmeetings,c’estaussi,mettreenlumièreletravaildecoproductiondesmeetings.

D’abord, l’idée est assez connue, les meetings sont aussi organisés à destination desmédias pour toucher à travers eux les publics anticipés, hors des salles, derrière les écrans. Ilexistealorsundoublemouvement:d’unepart,d’anticipationdelaréceptiondesmeetingsparleséquipes de campagne, et d’autre part d’anticipation de leur couverture médiatique par lesjournalistes.Lesmeetingssontaussiorientésverslesmédiasàdesdegrésdifférents,seloncequeles candidats représentent dans l’espace politique comme dans l’espace plus restreint de lacampagne. Des dispositifs techniques sont alors mis en place par les équipes pour faciliter letravaildesjournalistes,cequ’abienmontréVanessaJerômeàtraverslesmeetingsd’EELVconçusur le modèle d’émissions télévisées. Sa contribution a dévoilé comment le directeur decampagned’EuropeEcologiedéploietoutessescompétencesdeprofessionneldesmédias.

Mais les meetings d’Eva Joly demeurent parmi les moins couverts, notamment par leschaînesendirect,commel’asoulignéJérémieNollet, les journalistess’intéressantdavantageau«EvaBasching».Ici,lasubordinationdelacouverturemédiatiquedescandidatsàlahiérarchiedespositionspolitiquesapparaîtcentrale.Pluslargement,l’auteuramontréqu’ilexisteundifférentield’intérêtdesmédiaspourlescandidatsenfonctiondeleurcapitalpolitique,quidoitêtreentenducomme les probabilités de victoire attribués aux candidats par les journalistes eux‐mêmes, enfonctiondesévolutionsdessondages.III.Commentétudierlesmeetings?

La ST a aussi permis de creuser quelques pistes sur la façon dont on peut étudier lesmeetings.

1. Premierconstat,essentiel:lemeetingestunobjetfaussementfacileàappréhenderpourlesenquêteurs.

Enquêtersurlesmeetingspourraitaprioriparaîtrefacile: ilsuffiraitderegarder.Etc’estpeut‐être l’un des raisons pour lesquelles la majorité des contributions ont reposé surl’observation.Cettemanièred’envisagerlemeetingestdéjàdéterminéepardesreprésentationsroutinisées dans l’espace public – celles des médias, celles des partis. On pourrait alorss’interroger sur l’absence, relative, dans plusieurs papiers d’une explicitation des conditions deréalisation des enquêtes, des conditions d’accès aux terrains. Cette absence peut s’expliquer

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d’unepartparlanaturalisationdel’observation,quandonestparexemplemilitantoutrèsprochedesorganisationsconsidéréesdans l’organisationobservée:elle tiendraitalorsà ladifficultéderestituercesconditionsd’enquêtedufaitmêmedurapportfamilierentretenuavecl’organisation.Ellepeutaussitenir,unpeuàl’inverse,ducaractère«bricolé»(ausenslemoinsnégatifduterme)durecueildesdonnées.

Entouscas,lestatutdesobservateursestapparucommerelativementpeuspécifiédanslescontributions,alorsmêmequ’ilauneincidencequelamanièredemenerl’enquête,etmêmesurlesconditionsdepossibilitéd’uneenquête.Celaaconduitàsouleverlaquestiondelaplusoumoinsgrandeproximitéavec lepartiétudié.Ainsi,quatre interventionsportaient surdespartisplutôtàgauchedel’échiquier;deuxseulementsurdespartisoucandidatsdedroite.JulienFretelasoulevéàraisonlesproblèmesetécueilsdecettepositionintermédiaire,àlafoisinetout,quifacilitel’accèsàcertainsespacesmaispasàd’autresenfonctiondesmomentsdelacampagne.Laposition de l’enquêteur peut de façon générale guider les façons de s’interroger, deproblématiser,dejouerdelaproximitéoudeladistancesocialeaveclesenquêtés. On notera ici qu’un des éléments de «distorsion», si l’on peut dire, des enquêtes – etGuillaumeRolletetNamLeSi l’ontbienmontrépourlaquestiondel’usageduquestionnaireetdesonhomogénéisation–résidedanslefaitqu’unepartied’entreellesaétéeffectuéedansuncadrecollectif,celuide l’enquêteSPELmeeting.Laforced’avoircrééuncollectifactifdoitaussinousameneràpensersespotentielsécueils.

2. Unediversitéméthodologiqueesttoutefoisapparuedanslescommunications.Cettediversitémontrequ’iln’yapas«une»façondesaisirlesmeetings.Elletraduitalors

à la fois la complexitéd’appréhensionde l’objetmeeting,maisaussi lavariétédessituationsetdes acteurs qui sont concernés. Elle permet aussi, par croisement de différentes techniquesd’enquêtes,d’enrichir,enlescomplétant,lesmatériauxrecueillis.

Quellessontcestechniques?‐L’observationdirecteet/ouparticipantedemeetingsdelacampagneprésidentielleenprésenceou nondu candidat, de réunions publiques de la campagnedes législatives, de banquets/repaspendantlacampagneprésidentielle;‐ L’observation à plus long terme d’un parti ou d’un candidat, le travail d’immersion auprès del’équipedecampagne;‐L’observationdelaveilledesmeetingsprésidentiels,del’installationdudispositif,descoulisses,etdurantlesmeetings(delaconfigurationdelasalle,desdéplacementsensonsein,delanaturedesintervenants,dudécor…);‐L’observationdutravaildesjournalistesoudeceluieffectuéàleurdestination;‐ Les entretiens: avec les équipes de campagnes officielles (nationales), avec des militants«locaux» organisateurs desmeetings, avec certains candidats, avec des journalistes, avec desparticipants,etc.;‐ Des entretiens plus informels, ou furtifs, pendant les meetings ou pendant la passation desquestionnaires;‐Lapassationdequestionnaireauprèsdespublicsdesmeetings;‐Letravaild’archives;‐L’usagedelaphotographie,dedessins,devidéossoutenantl’analyse;‐L’enregistrementetanalysedesdiscoursdemeetings.

3. Enfin,ilfautsoulignerlavariétédespointsdevueadoptésparleschercheurs,depuislesmonographiesjusqu’auxcomparaisons,enpassantparleprismemédiatique.

Cettepluralitédesfocalestraduitbien lecaractère imbriquédesdifférentes logiquesquitraversent lesmeetings.Ainsi les comparaisonsdedifférentsmeetingsdansunemêmevilleouentrevillesnousinforment‐ilsnotammentsurlacomplexitédesdynamiquesàl’œuvrelorsquelacampagne est regardéedemanière ethnographique. Les travauxplusmonographiques commelessuivisdecampagne,oulacampagnevueàtraversunmeetingenparticulier,sontdavantage

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l’occasiond’analyser lacampagneentraindesefaire, letravailmilitantconstantd’ajustementàl’actualité, aux autres candidats, aux évènements de campagne, etc. Enfin deux textes, et enparticulier celui d’Eric Lagneau, nousont invité à regarder lesmeetings à travers le prismedesjournalistes ce qui décale encore le point de vue et nous conduit à entrevoir ces rapportsd’associésrivauxqu’entretiennentjournalistesetéquipesdecampagne.

Cettediversiténesignifiebienentendupasqu’àtraverslesmeetingsonpeut«toutdire»,mais il s’agit plutôt d’une nécessité de croiser les regards et les approches pour saisirl’enchevêtrementdeslogiques,descontraintesetdespossiblesquifont(etdéfont)lesmeetings.

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ST27Le"nouveau"Frontnationalenquestion

AlexandreDÉZÉ(UM1,CEPEL)[email protected](CEE,SciencesPo)nonna.mayer@sciences‐po.fr

L’objet de cette section était de revenir sur la réalité politique actuelle du Front national etd’entreprendreuntravaildedéconstructiondelanouveautésupposéeduparti–uneidéequis’estlargementimposéedanslesmédiasetl’opinionpubliquedepuisMarineLePenaétéélueàsaprésidenceenjanvier2011.Cette section ambitionnait, de ce point de vue, d’offrir un ensemble d’interventions complémentaires auxcontributions présentées quelques semaines auparavant lors du colloque organisé par Sylvain Crépon etAlexandre Dézé sur les quarante ans du FN1. Le bilan scientifique que l’on peut dresser de la sectionthématique vient donc s’ajouter au bilan global de cette entreprise scientifique collective qui entendaitproduire une réflexion renouvelée sur le FNet procéder à unemise à jour globale des connaissancesdontnous pouvons disposer sur ce parti. De ce point de vue, le projet d’ensemble apparaît réussi: riche desapports d’une trentaine de participants français et étrangers, tous spécialistes de l’extrême droite, il aurapermisdecouvrir l’ensembledesprincipalesdimensionsconstitutivesduphénomènefrontiste(incluantdesdimensions en général peu explorées2), et ce à partir d’un ensemble diversifié d’approches disciplinaires(sciencepolitique,sociologie,histoire,droit,anthropologie,sémiologie,géographieélectorale),depointsdevue (chercheurs, journalistes, consultants, militants), de méthodes et de données (enquête quantitative,observation ethnographique, entretiens, analyse textuelle, analyse iconographique, analyse de contenusInternet,travailsurarchives,etc.).

Concernant lebilanproprede la section: celle‐ciavaitétéorganiséesurdeuxsessionsetautourdetrois axes thématiquesportant respectivement sur l’implantationélectoraleduFN, sonorganisationet sonprogramme.Chacundecesaxesadonnélieu, lorsducongrès,à laprésentationdequatrecommunications,suiviedel’interventiond’undiscutantpuisd’undébataveclasalle.Ilfautsoulignericilatrèsgrandequalitédel’ensemble des contributions et des échanges. Nous avions notamment convié trois de nos collèguesétrangersàendosserlerôledediscutant–SarahdeLangedel’Universitéd’Amsterdam,MichaëlMinkenbergde l’Université de Viadrina en Allemagne et Jean Faniel, du Centre de recherche et d’information socio‐politiquesdeBruxelles(auxquelss’ajoutait,toujourspour ladiscussion, l’undenoscollèguesfrançais,Jean‐YvesCamus).Les lecturescritiquesainsique lesmisesenperspectivecomparativesqu’ilsontproposéessesont avérées particulièrement stimulantes et ont permis d’amorcer des discussions avec les autresparticipantstoutaussiintéressantes.

Concernant notre réflexion collectivesur le FN: peut‐on, à l’issue de cette section thématique,considérerqueleFNachangé,qu’ilestdevenuun«nouveau»parti,unparti«dédiabolisé»,commecelaestrépété à longueur de journée par la plupart des grands médias? La réponse que nous avons apportéecollectivements’avèrenégative:entreleFNlepénisteetleFNmariniste,lescontinuitésl’emportenteneffetlargementsurlesrupturesetlesnouveautés.

Continuitétoutd’abordencequiconcerne leniveauet lagéographieélectoralesduFN:comme l’abienrappeléJoëlGombin3,onnerepèrepasderupturefondamentaleentermesd’étiagedepuis1988dansl’évolutionélectoraleduFN.Decepointdevue, l’électionprésidentiellede2012apermisauFrontnationalmariniste de retrouver son meilleur niveau, «mais pas mieux». On est donc très loin de l’image d’une«déferlanteélectoralemariniste»,etiln’yapasplusqu’hierdenationalisationduvotefrontiste.

1«1972‐2012.RetoursurquaranteansdeFrontnational».Colloqueorganiséàl’UniversitédeNanterreaveclesoutienduSOPHIAPOL,20‐21juin2013.http://sophiapol.hypotheses.org/122992 Par exemple: le vote des femmes en faveur du FN, la place et la conception des relations internationales dans l’offreprogrammatiquefrontiste,laquestiondesmœurs,lesusagespolitiquesd’Internet,laformation,etc.3«"Nouveau"FN,vieillecarteélectorale?LesterritoiresduvotepourleFrontnationalde1995à2012».

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Continuité ensuite en ce qui concerne les orientations programmatiques du parti. Au niveau

économiquetoutd’abord,etcommel’abiensoulignéGillesIvaldi4,onnenotepasd’altérationsignificativeduprogramme radical, exclusionniste et arbitraire du FN. Et même si le projet économique du parti a puconnaître quelques modifications récentes, il forme toujours un alliage qui puise (comme hier) dans desdoctrinesopposées.MêmeconstatencequiconcernelespositionsduFNsurl’Unioneuropéenne:làencore,Emmanuel Reungoat5 a bien montré qu’en dépit d’un durcissement du discours de Marine Le Pen, leprogramme actuel du FN s’inscrit dans une «grande continuité» avec les principales lignes de la doctrinefrontiste,reprenantmêmeparfois«motpourmot»lesprogrammesprécédents.

ContinuitéencoreauniveaudesregistresémotionnelsmobilisésparMarineLePenetJean‐MarieLePen:lessimilitudesmisesenévidenceparMarionBallet6sontàcetitreextrêmementfrappantes,quecesoitauniveaudel’imprégnationaffectivedudiscoursoudel’usagecommund’émotionsnégatives(l’indignation,lapeur).

Continuité également au niveau du travail de formation: là encore, commenous l’amontré ValérieIgounet7,leFNatoujourscherchédèssacréationen1972àfairecommelesautresorganisationspartisanes,c’est‐à‐dire à sedoterd’un «système formelde formation»dans lebutd’assurer la reproductiondu corpspartisan: et de ce point de vue, la formation dispensée aujourd’hui par le Campus BleuMarine n’apparaîtcomme rien d’autre que le décalque de celle que le secrétariat général de Carl Lang avait mise en placeautrefois.Uneautrecontinuitéd’unmêmegenreestàcetitrerepérabledansleredéploiementrécentd’unestratégied’investissementdumondedutravailetdecaptationdesoutiensissusdesmilieuxsyndicaux:quandon lit le texte ou qu’on écoute Thierry Choffat et Dominique Andolfatto8, on ne peut qu’être surpris enapprenantqueleFNaredonnévieauvieuxCerclenationaldedéfensedestravailleurssyndiquéscréédanslesannées 1980, renvoyant ainsi à l’époque où le FN tentait déjà de construire une «sous‐société» – pourreprendrelestermesdeGuyBirenbaum.

Continuité encore ce qui concerne l’hétérogénéité des trajectoires et des profils des électeurs FN,repérablejusquedansunemêmeetpetitelocalité:c’estcequerévèlel’enquêtemenéeparSylvainBaroneetEmmanuelNégrier9surlacommunelanguedociennede«Carignan»,oudumoinsrebaptiséetellequelleparsoucid’anonymatdespersonnesinterrogées.Lesdeuxchercheursmontrentbienenl’occurrencequecen’estpas forcément le gradient d’urbanité ou le contexte local qui détermine le vote FN (comme peuvent lesoutenird’autresobservateurs)maisunecombinaisoncomplexedevariablesécologiques,psychosocialesetstratégiques.Cettehétérogénéitédesprofilsdesélecteursrecoupeàcetitreuneautrehétérogénéité,celledesconfigurationslocalesdanslesquelless’inscritlevotefrontiste:c’estcequesouligneChristelleMarchandLagier10 à l’échelle du Vaucluse, lorsqu’elle rappelle que le vote FN se déploie variablement dans l’espaceurbain,périurbain,maisaussidanslespetitesetmoyennescommunes;oncomprendmieuxicinonseulementlacomplexitéduphénomènefrontiste, lanécessitéde lesaisirau«ras‐du‐sol»,maisaussi l’impossibilitéderamenerl’électeurfrontisteàuntypeenparticulier.

Continuité encore en ce qui concerne l’illégitimité du vote frontiste: en dépit de la dédiabolisationsupposée du FN et contrairement à ce qu’avancent nombre de responsables d’instituts de sondages pourlégitimer les résultats de leurs enquêtes et l’interprétation qu’ils leur donnent, l’intériorisation de cetteillégitimité reste très forte chez les électeurs FN, comme le rapportent plusieurs de noscontributeurs(ChristelleMarchand‐LagierouencoreSylvainBaroneetEmmanuelNégrier).Oncontinueainsid’observerunphénomènedesous‐déclarationduvotefrontiste,ycomprissurdesterresd’électionduFN.

Acette listedéjà longue,s’ajoutentdemanièrecomplémentaire lescontinuitésmisesau jourpar lesintervenants du colloque de l’Université de Nanterre: continuités au niveau de la structure rhétorique dudiscoursfrontiste(CécileAlduy);continuitésdanslapluralitédesprofilsmilitantsetdansladiversitédeleurs4«LesévolutionsduprogrammeéconomiqueetsocialduFN».5«LeFNetl’Unioneuropéenne:laradicalisationcommecontinuité?».6«"Nouveau"FN,nouveauxaffects?AnalyseémotionnellecomparéedesdiscoursélectorauxdeJean‐MarieetdeMarineLePen».7«LemilitantFN:unsoldatpolitique»8«Syndicalistesetfrontistes:constructionetdéconstructiond’un"nouveau"FN».9«Lenouveaudésordrefrontiste.VoterLePenenmilieurural».10 «Le pari "mariniste" d’une implantation locale durable : une nouvelle stratégie ? Analyse des rapprochements locaux et desprogressionsélectoralesduFNdansleVaucluse».

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trajectoires (Daniel Stockemer); continuité dans l’incapacité à s’entendre au niveau européen avecd’éventuelspartenairespartisans(Jean‐YvesCamus);continuitédanslapropensionduFNàs’entourerd’unenébuleused’organisationsetderéseaux(AbelMestre);continuitédansles«éternels»conflitsdel’extrêmedroite(NicolasLebourg),etc.Autantdecontinuités,donc,quinesemblentpaspouvoirêtreattribuéesàunsimplebiaiscontinuistedesanalyses…

Toutescescontinuitésnesignifientpasqu’iln’yapasde«nouveautés»repérablesauFN,maiscelles‐ci restent–endépitde la visibilitémédiatiquequi apu leurêtre conférée–desnouveautésde surfaceoun’interviennent qu’à la marge. Prenons un premier exemple. Sylvain Crépon11 montre bien qu’en ce quiconcerne la question des mœurs, des changements tangibles sont observables tant par rapport auxprogrammes antérieurs du Front nationalqu’au seinmême de la population frontiste. On relève ainsi unemoindrehostilité à l’avortement, uneprogressiondes valeurs féministesou encoreune tolérance accrue àl’égarddel’homosexualité.Maiscesévolutionsn’enontfinalementquel’apparencepuisqu’elless’ancrentsurdes ressortsxénophobeset s’appuientdonc in finesur l’orthodoxie frontiste.Bienplus, comme le rappelleencoreSylvainCrépon,leFNpeuttoujourss’afficherdavantagegayfriendly,sesdirigeants,àcommencerparMarine Le Pen, n’en demeurent pas moins toujours aussi intransigeants sur l’avancée des droits deshomosexuels.Deuxièmeexemple:dans son textecommedans son intervention,Gilles Ivaldi abienmisenévidence les évolutionsduprogrammeéconomiquedu FN: enprônantdespositions interventionnistes enmatièredeprotectionsocialeetendéfendantunepolitiqued’expansiondesservicespublics,leFNdeMarineLePenabienrompuaveclespositionsdroitièresdéfenduesdutempsdelaprésidencedeJean‐MarieLePen.Maisd’unepart,cechangementd’orientationn’estcertainementpas lepremierdans l’histoireduFN,GillesIvaldi distinguant à ce titre, et depuis 1984, trois grandes périodes dans l’évolution du programmeéconomiquefrontiste.Etd’autrepart, ilestclairque l’économien’a jamaisoccupéqu’uneplacesecondairedansl’offreprogrammatiqueduparti.Lamodificationdecetteoffresembledèslorsd’autantplusgénératricede gains politiques potentielsqu’elle ne touche pas aux fondamentaux du parti, qu’elle est susceptible detrouverunéchochezunepartiedel’électoratetqu’elletendàentretenirl’illusionselonlaquellelepartiestentraindechanger.

Ce qui est certain par ailleurs, c’est que ces nouveautés ne sauraient être considérées comme leproduit d’une stratégie de dédiabolisation effective. Comme le souligne Gilles Ivaldi, le changement desorientationsprogrammatiquesduFNenmatièred’économies’expliquesurtoutàl’auneducontextedecriseéconomique qui sévit depuis 2008. Le FN connaît par ailleurs aujourd’hui un véritable renouvellementgénérationneldontilestcertesencoredifficiled’apprécierl’impactsurlasociologiemilitante.Enrevanche,onpeutd’oresetdéjàobserverquelesnéo‐arrivantsn’ontpasforcémentlesmêmesréférencesquelesanciensfrontistes, et que les vieux combats de l’extrême droite ne semblent plus aussi porteurs qu’autrefois. Demême,etcommelemetenévidenceChristelleMarchand‐Lagier,lanouveautéduFNrésidesansdoutemoinsdanssastratégiededédiabolisationquedansunecapacitéaccrueàcapitalisersursesancrageslocaux.Enfin,on ne saurait oublier que si le FN progresse, entretenant l’idée d’une phase nouvelle dans son évolutionrécente(aprèslesannéesdecrisedesannées2000),c’estaussienvertudesrèglesdujeupolitique.C’estcequemontrehabilementAuréliaTroupel12danssacontribution:silescandidatsduFNsemaintiennentmieuxausecondtourdesélections,c’estaussienvertu,notammentdanslecasdesélectionscantonalesde2011,dusystèmederepêchagequiaétéinstauréàlasuitedelaréformedumodedescrutin.

Enfin, plusieurs interventions ont bien montré que ce qu’on présente souvent comme des«nouveautés» et qui seraient le produit de la dédiabolisationmariniste, ont en réalité fait leur apparitionavantl’électiondeMarineLePenàlaprésidenceduparti,qu’ils’agissede:

‐ lapériurbanisationduvotefrontiste(JoëlGombin);‐ l’accentmissurlesocial(GillesIvaldi);‐ lafindu«radicalgendergap»qui,commel’ontmontréNonnaMayeretMauroBarisione13,étaitdéjà

amorcée dans les années 1990 en Europe mais qui se concrétise en France au premier tour del’électionprésidentiellede2012;

‐ ouencoremêmelastratégiededédiabolisation(JoëlGombin,GillesIvaldi).

11«Le"nouveauFrontNational"auprismedelaquestiondesmœurs».12«LescandidatsduFNauxélectionslocalesde2011:unnouveaupersonnelfrontiste?».13«MarineLePenetlesfemmes:lafindu«RadicalRightGenderRap»enEurope?».

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Ensomme,la«nouveauté»duFNrelèvebienpourl’heure,largement,d’uneproductionartefactuelle.Cela ne signifie pas que le FN n’est pas en train de changer ou qu’il ne changera pasmais qu’à ce jour, latransformationduFNenunnouveaupartin’apasencorecommencé–alorsmêmequ’unepartieimportantedes personnes interrogées par les instituts de sondages ainsi que nombre d’observateurs et d’acteurspolitiquessemblentconvaincusducontraire.Defait,ilfautpeut‐êtrerappelercetenseignementprimairedela sociologie des organisations partisanes: changer un parti est une opération complexe, chronophage etsouventcoûteuse.Eten l’occurrence,comme lesoulignentplusieursdescontributeurs, leFNcontinuebiend’êtreprisentredeuximpératifsstratégiques:celuideladédiabolisationmaisaussiceluideladiabolisation.Cedoubleregistreapparaîtencoretrèsnettementrepérabledanslesrécentesprisesdeparoledesdirigeantsfrontistes. Et pour cause, puisque le FN a autant besoin du soutien électoral le plus large possible qued’entretenirdesréférents identitairesdistinctifspoursemaintenirdans lacompétition.C’estdoncsurcettelignedecrêtequecontinuedesejouerl’évolutionduFN.

Endéfinitive,lebilandecettesection(etducolloquecomplémentairedeNanterre)nousapparaîttrèspositif. Les contributions des deuxmanifestations feront bientôt à ce titre l’objet d’une relecture et d’unesélectionparNonnaMayer,SylvainCréponetAlexandreDézéenvued’uneprochainepublicationcollective.

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ST28Lacoordinationdespartisetdesélecteursdanslessystèmespolitiques

bipolarisés

BernardDOLEZ(Paris1)bernard.dolez@univ‐paris1.fr

AnnieLAURENT(CNRS‐CERAPS,Lille2)annie.laurent@univ‐lille2.fr

Lasessionthématiqueaeupourobjectifd’interroger,dansuneperspectivecomparative,lacoordinationdespartis (la formation des coalitions électorales) et des électeurs (le vote stratégique, ou utile) dans lessystèmespolitiquesmulti partisans. Les présentationsont été organisées autour dedeux axes. Le premierd’entre eux, intitulé « Nouvelles règles, Nouveau jeu » a, d’une part, questionné au travers de quatrecontributions, les stratégies des partis et des électeurs à diverses élections, en particulier en France et enItalie,d’autrepart,étudiélesconséquencesdelasélectiondescandidats,parlesprimaires,surl’organisationdespartisetsurlaparticipationdesélecteurs.Lesecondaxedecettesectionthématique,organiséautourdetroiscontributions,était,quantàlui,centré«lesélecteursetlesélectorats»,saisissousl’angledesenjeuxetdescontraintes,principalementspatiales.Axe1:«Nouvellesrègles,Nouveaujeu»Selon Gary Cox, la coordination électorale peut être définie comme le processus par lequel des groupesd’électeursmaisaussicertainspartispolitiquescoordonnentleuractionpourgagnerdavantagedesiègesoudeportefeuillesministériels.Lacoordinationpartisanerenvoieauxnotionsde«blocs»,de«coalitions»,voire«d’alliancesélectorales».Dansleurcontribution,AldoDiVirgilio,BernardDolezetAnnieLaurentontsoulignéle fait qu’en France, les notions de « coalitions » et de « blocs » se superposent et ne sont pas clairementdistinguées,alorsqu’enItalie,lescoalitionsélectoralesn’épousentpaslesfrontièresduclivagegauche/droitemais sont plutôt des « agrégats hétérogènes ». Leur étude longitudinale des différents scrutins législatifsmontrequelacoordinationpartisane,aprisdanscesdeuxpaysdesformesdifférentesqui,deplus,nesontpas pérennes. En France, le désistement réciproque au second tour est, et reste, la forme typique de « lacoordination à la française », mais les accords de premier tour se sont rapidement développés. En Italie,malgréleschangementssuccessifsdemodedescrutin,lacoalitionpré‐électoralerestelaformetypiquede«lacoordinationà l’italienne»,maiselleachangédeforme,passantnotammentdecandidaturescommunesaux accords pré‐électoraux établis sur des bases programmatiques. L’hypothèse avancée dans leurcontribution est que la coordination partisane peut être considérée comme une réponse aux contraintessystémiques,quibienquedifférentesd’unpaysà l’autreconduisent lesforcespolitiquesàsecoaliser,maissousdesformesetselonundegréd’engagementdifférents.Auxélectionsrégionales,laFranceetl’Italieontrecoursàunsystèmedereprésentationproportionnelleavecbonusmajoritaire,maislesrègles,etenparticulierl’ampleurdubonusaccordéàlalistearrivéeentêteetlesseuilsdepassagedesvoixauxsièges,nesontpasidentiquesd’unpaysàl’autre,etmêmepourl’Italied’unerégion à l’autre. Camille Bedock et Nicolas Sauger ont montré en quoi ce système électoral posait desproblèmesparticulièrementcomplexesquantàlafaçondontlespartissecoordonnent.Ilsontaussiconduituneréflexionsurlaplacequ’occupecescrutindanslesgrandesfamillespolitiquesetconcluquecesystèmeélectoral appartenait à la famille des systèmes mixtes. Sur le plan des résultats leur analyse soulignel’importance à accorder aux règles associées au système de représentation proportionnelle avec bonusmajoritaire.Atitred’exemples,cescomposantesontconduitdurantladécennie2000àproduireunnombredifférentdecoalitions,deuxpourl’ItalieetplusdedeuxpourlaFrance,etundegrédedisproportionalitétroisfoisplusimportantenFrancequ’enItalie.La question de la coordination des partis mais aussi des électeurs est aussi centrale lors d’un scrutinprésidentiel,enparticulier lorsqu’ilsetientauscrutinmajoritaireàdeuxtoursquiencouragelaprolifération

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des candidatures. AntonioGarrido etAna Caballero ont étudié en particulier deux scenarii de coordinationstratégiquedans le cadredepaysà systèmemultipartisan, celuidu« centredivisé»etdu«multipartismebipolaire déséquilibré », à partir des résultats de sondages d’intention de vote. Dans le premier cas, àl’exempledelaFranceen2007ouencoreduPérouen2011,uncandidatcentristesetrouveempêchéd’arriverau deuxième tour en raison d’une « erreur » de coordination stratégique des élites ou des votants, ce quipermetletriomphed’uncandidatminoritairededroiteoudegauche.Lesecondcas,celuid’unmultipartismebipolairedéséquilibré»(parexemple,troiscandidatsdegaucheouplusaffrontentdeuxcandidatsdedroite),correspond à la situation de la France en 2002, de l’Argentine en 2003 ou encore de l’Equateur en 1992.L’accentestaussimissurlefaitqu’ens’appuyantsurdespartisétablisetsurdesorganisationssocialesforteset solides, les outsiders, ont davantage de chances d’obtenir des scores importants, voire de conquérir laprésidence,dansunscrutinmajoritaireàdeuxtoursquedansscrutinàlamajoritésimpleLa coordination partisane peut s’opérer bien en amont d’un scrutin, notamment par le biais de primaires.Daniela Giannetti et Remi Lefevbre se sont penchés sur cette question, en comparant le processus desprimairesenItalieetenFrance.Ilsontenparticuliermisl’accentd’unepart,surlesprocessusdécisionnelsquiont conduit certains partis de gauche à opter pour une désignation de leurs candidats en recourant à desprimaires,d’autrepart,sur lamobilisationdesélecteurs. Dans leurtravail, lesauteursontd’abordprésentéles différents cadres théoriques d’analyse et ensuite justifié leur choix d’étudier le recours aux primairescommeuneréponseàladivisioninternedespartis.Sousl’angleempirique,leurcontributionasurtoutportésur l’étude des primaires italiennes de 2012, tant en termes de position des différents candidats que de laparticipationdescitoyens.Axe2:Electeursetélectorats:viellescontraintes,nouveauxenjeuxCesecondaxearéunitroiscontributionsdont l’objectifétaitd’étudierdansuneperspectivecomparative laquestion de la coordination des électeurs au travers, d’une part, des enjeux sociaux culturels etsocioéconomiques,d’autrepart,desatraductionterritoriale.SelonVincentTiberj,d’unepart,lesenjeuxculturelstelsquel’immigration,l’homosexualité,lapeinedemort,etc., n’ont pas seulement pesé sur le vote des électeurs des partis d’extrême‐droite, d’autre part, leurinfluence est plus ancienneque ce que la littérature scientifique affirme. Le cumul de données d’enquêtesmenéesenFrance,auxEtats‐UnisetauxPays‐Bas,dumilieudesannées1980auxannées2000,voire2012enFrance,luiapermisdemontrerquelestracesdesrelationsentreenjeuxculturelsetvoteétaientmanifestesauxPays‐Basen1986,auxEtats‐Unisen1988pourlesdémocratesetlesrépublicains,enFrancedepuis1988pour le Front national, à partir de 1995 pour les socialistes et de 2007 pour l’UMP. Les valeurs culturellespeuventdoncémergerbienavantuneextrême‐droite(casdesPays‐Bas)maisaussileclivageentregagnantset perdants de la mondialisation. Vincent Tiberj a aussi soulevé à nouveau la question des relations entreenjeux socioéconomiques et vote. Il a ainsi démontré que ces enjeux sont toujours présents selon deslogiques sociologiquesqui n’ontpas évoluédepuis les années80. En ce sens, l’auteur a confirmé le travaild’AchterbergetHoutman: levotedeclasseabienétéenterrévivant. Ilasuggéréquecetteévolutionétaitdavantageleproduitdesstratégiespartisanesquecellesdesélecteurs,cesderniersrestanttoujoursattachésetpolariséssurlesquestionssocioéconomiques.La coordinationdesélecteurs a aussi été interrogée sous l’angle territorial. Chacun s’accordeà reconnaitrequelesvotessontdeplusenplusnationalisés,mêmesid’unpaysàl’autre,voired’untypedescrutinàl’autre,le degré d’homogénéisation varie. La question posée par Luana Russo a abordé la question de lanationalisationduvotesousunanglenouveaupuisqu’ellel’aappréhendéautraversdel’homogénéisationdeschangementsdevoted’unblocpolitiqueàl’autre,lorsdedeuxscrutinsdécisifssuccessifstantenFrance,lorsdesprésidentiellesde2007et2012,qu’enItalie,lorsdeslégislativesde2006et2008.Outreuneprésentationdétailléedesdifférentesformesdevolatilitéélectorale,l’auteuramontréquepourévaluerleschangementsde vote il était possible de ne pas s’appuyer sur des données de sondagesmais demobiliser des donnéesagrégées(danssoncasparbureaudevote),d’autrepart,recouriraumodèledeGoodman,autrementditàunesériederégressionslinéairesmultiples.

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LadimensionspatialeduvotefutaussicentraledanslacontributiondeThomasMarty.L’auteuraquestionnél’évolutiondes logiques sous‐jacentesaudécoupageet redécoupagedescirconscriptionsélectorales.L’unedeshypothèsesavancéespar l’auteurestque l’activitédedécoupage insitudescirconscriptionsestuncastypiquedelarecherched'unecoordinationtacitecandidats/électeurs.Ilamontréqu’enFrance,lalogiquedudécoupage s’est d’abord opérée à l’échelon départemental, puis dans un second temps à l’échelon descirconscriptions, voire des cantons et des communes constitutives des circonscriptions. L’évolutiondémographique et celle de la distribution spatiale ont bien été au cœur du processus de découpage,notamment dans la région parisienne, même si d’autres logiques ont été à l’œuvre et ont évolué dans letemps.Ainsi,selonl’auteur,sisouslaTroisièmeRépublique,lescirconscriptionsparticipaientàlaconstructiond'un pouvoir politique finalement assez déconcentré, sous la Cinquième République « Ce n'est plus lacirconscription qui ferait la République brique par brique bien au delà de sa composition sociale, mais àl'inverselaRépubliquequiviendraitlabelliserdesterritoires.».

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ST29Laparticipationpolitiquedesmusulmansdanslessociétésoccidentales

JulienO’Miel(Ceraps/UniversitéLille2)[email protected]

JulienTalpin(CNRS/Ceraps,UniversitéLille2)[email protected]

Introduction

Undespremierspointsquenousavonsabordéenintroductiondecettesectionthématiqueestlaquestiondurapport à l’objet, dans la mesure où les deux organisateurs de la ST, qui travaillent principalement sur ladémocratie participative et l’action publique locale, ont décidé d’organiser une session thématique sur laparticipationpolitiquedesmusulmans?

Sans entrer dans une véritable socio‐analyse, nous souhaiterions donc évoquer rapidement notre parcoursscientifique récent, qui nous a conduits à nous intéresser à la participation politique desmusulmans.Nousessaierons ensuite de soulever quelques grands questionnements tirés de la littérature et qui devraientstructurernoséchangespendantdeuxjours.

Le point de départ de notre intérêt pour la participation desmusulmans, vient d’une recherche que nousavonsconduittout lesdeuxsurunprocessusparticipatifquis’estdérouléàFlorence,enItalie,autourde laconstructiond’unemosquéedanslaville,en2011‐2012.Nousreviendronssurcetterecherchedansuninstant,maissouhaitons,aupréalable,évoquerquelquesélémentsliminaires.

Toutd’abord,JulienTalpinmènedepuisquelquestempsuneétudeethnographiquesur lapolitisation,et letravaild’encadrementdesclassespopulairesdanslavilledeRoubaix,quicompteunepopulationmusulmaneimportante. Il a donc été conduit à étudier le travail d’associations représentant lesmusulmans de la ville,commelecollectifdesmusulmansdeRoubaix,oud’associationsculturellesoucultuelles.C’estuntravailencours,quineported’ailleurspasuniquementsur lerôledes institutionsmusulmanes,maisquis’inscritdanssontravaild’ethnographiepolitiquedesmilieuxpopulaires,puisqu’ellesyjouentunrôleimportant.

Ensuite,ilvientdepasserunanauxEtats‐Unisàconduiredesrecherchessurlecommunityorganizing,c'est‐à‐dire sur un ensemble d’organisations communautaires qui visent à encadrer, politiser et mobiliser lescatégoriespopulaires.Ilenétudieprincipalementdeux,etl’uned’entreelles,correspondàcequ’onappelleune faith‐based community organizations, une organisation inter‐religieuse, qui rassemble diverscongrégations religieuses, catholiques, protestantes, juives et musulmanes, dans le but de mener descampagnespolitiques,visantàpromouvoir les intérêtsdescatégoriespopulairesou«la justicesociale».Ilaainsiunpeusuiviletravaild’organisationdansunemosquée,principalementafro‐américaine,àLosAngeles.

UndesélémentsdécouvertauxEtats‐Unis,c’est lerôlecentraldes institutionsreligieusesdanslesquartierspopulaires,etau‐delàaussiévidemment,danslaviepolitique.Lepotentieldemobilisationpolitiqueetsocialeoffertparlesorganisationsreligieuses,leséglisesetlesmosquéesservantdebasearrièreàdesmobilisationspour le financementde l’éducationpublique, la régulation localedesactivitésbancaires, le financementdetransportsencommun,larégularisationdessans‐papiersoul’accèsàdessoinsdequalité.Desmobilisationsqui n’ont donc aucun caractère religieux.Une des questions à cet égard est de comprendre s’il existe deschoseséquivalentesenEurope,etpourquoilapolitisationdufaitreligieux,icidel’islam,estsiproblématique,en France et au‐delà. Ce n’est évidemment qu’en historicisant et en sociologisant l’analyse qu’une telleambition pourra être réalisée, on y reviendra dans un instant dans la discussion des principauxquestionnementsquivontnousintéresserpendantcesdeuxjours.

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Unprocessusparticipatifautourdelaconstructiond’unemosquéeàFlorence

CetterechercheàFlorenceaémergéenlienavecleterraindethèsedeJulienO’miel.Iltravailleeneffetsurlafabriqued'offredeparticipationpar lesconseilsrégionauxàpartirdescasdelaToscaneetduNord‐Pas‐de‐Calais. Celle qui nous intéresse ici tout particulièrement est le cas de la Région toscane qui a produit unepolitiqueparticipativeassezoriginale–auregardd'autresoffres–encesensquelesréformateursqui l'ontproduite ont assigné un budget d'un million d'euros pour équiper/financer des dispositifs locaux departicipation,principalementàl’échellemunicipale.

Jusqu'ici rien d'original sauf que: (1) il s’agit d’une autorité relativement indépendante des jeux politiquelocauxquidécidedeladistributiondesfonds;(2)ilexisteunepossibilitédedemanderdesfondsparlerecueildesignaturefavorableà lamiseendébatpublicden'importequeltyped'objet.Globalement, ils'agitd'uneformed'institutionnalisationdel'équipementdedispositifsbottom‐updeparticipation.

Fin 2011, un groupe demusulmans – et notamment leur leader politique, Izzedine Elzir, également un desreprésentantsinstitutionnelsdel'islamitalien(ilestmembredel'UCOI)–recueilledessignaturespourmettreendébatà l'échellede lavilledeFlorence la localisationde la futuremosquée florentine.Projetqui tientàcœurunebonnepartiede lacommunautémusulmaneauregarddesconditionsassezdéplorabled'exercicedeleurcultedanslacitédesMédicis.Danslafoulée,cetteautorité–dirigéparunchercheurdel'universitédeBologne – attribue un budget de 70 000 euros à la communauté musulmane qui aidé par un groupe deconsultantesmet en place un dispositif participatif. On a donc à faire à un dispositif participatif issu de lamobilisationpolitique–laformepétitionnaire–surunebasetrèsclairementreligieuse–laconstructiond'unlieudeculte.

Pour restituer rapidement ce cas dans l'univers des dispositifs participatifs en Europe, voiremêmedans lemonde, ilestuncasassezraredemiseendébat–assistépardesfondspublicsetselondesméthodologiesreconnues par les professionnels de la participation – d'un objet aussi chaud. En effet, la question de laconstruction desmosquées est la problématique qui concentre l'essentiel de la conflictualité autour de lareligionmahométane en Italie – plus encore que la question du voile.Or dans le cas florentin, alors qu’ons’attendait à une controverse assez intense sur la question de lamosquée– beaucoupdepoliciers étaientprésentsaudépartauxréunions,leconflitimaginénes’estpasproduit.L'absencedepropositionsconcrètesde localisationde lamosquéeaeneffetdonnélieuàunepacificationvoireuneéthérisationdudébatsur lamosquée réorientant l'objet premier du débat – la localisation de la mosquée – vers un débat davantageculturelsurl'islam.

C'est de ce paradoxe qu'il nous faut partir pour répondre à une autre question de recherche qui nousconcerneplusdirectementici,cequelaformeparticipativefaitàl'islam.Noussoulignonsicideuxéléments.

‐ La démocratie participative participe de la production d'interlocuteurs publics d'un discours surl'islam.Eneffet, lesmodalitésde l'exerciceparticipatif toscan–c'estàdire ladiscussionbilatèraleentre lesdeuxcatégoriesmobiliséespar lesorganisateursdudispositif: les«musulmans»et les«nonmusulmans» ‐imposaientauxmusulmansparticipantsde«savoirtenirundiscourssurl'islam».

Cequipeutparaîtreévidentaudépart,parlerde l'islam,ne l'étaitpasnécessairementpour lesparticipantsmusulmans. Nombre d'entre eux en entretien, ont exprimé leur progressive apprentissage à être desmusulmans publics. Autrement dit, il s'agissait de savoir, d'apprendre à répondre à des questions –relativement conflictuelles – sur par exemple la place des femmes dans l'islam. Cette apprentissage d'undiscours public sur l'islam est une forme particulière de compétence politique – c'est à dire tout autantapprendreàparlerenpublicetparlerenpublicdel'islam.

Ensomme,ledispositifaengendrélaproductiondelocuteursdel'islamlocalcapabledeparlerdel'islamenarticulantundiscoursanticipantsurleséventuellescritiques.

‐ Lapluralisationduleadershipmusulman

Autre effet, miroir du premier, du dispositif sur l'islam florentin, c'est qu'il a permis la pluralisation duleadershipmusulmanàFlorence.Lanécessitépourlesmusulmansd'êtreprésentsàl'ensembledestablesde

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discussionspourrépondreetdébattreaveclesnon‐musulmanslesontobligéàsemobiliserdemanièrepluslargequ'àl'habituelle.

Alors que la communauté était jusque là exprimée par ses deux leaders – Elzir dont on a parlé et le DrBamoshmoos,historiquedesmusulmansdeflorenceetcréateurde lapremièremosquéetoscane–dans ledispositif,unetrentainedemusulmanssesontmobilisés.L'apprentissagequel'onaévoquéprécédemmentadonc contribué à redéfinir – même s'il faudrait une recherche sur le plus long terme – les contours desreprésentantslocauxdel'islam.

Petiteprécision:lesmusulmansdeFlorencesontéclatéesentroismosquées:lamosquéeducampromdelaville,lamosquéeducentreville,laplusgrande,etlamosquéesalafistedeSorganeenpériphérie.Ledispositifparticipatif a également contribué – même s'il persiste certaines tensions – à obliger les musulmans àconstruire un discours commun sur la place de l'islam dans la cité. En définitive, c'est surtout la jeunegénérationdesmusulmansdesmosquéesdeFlorencequiestsortierenforcésdecedispositifparticipatif.

Interroger les catégories de la session thématique: «musulmans», participation politique et sociétésoccidentales

Semobilisersurdesbasesreligieuses:lacatégorie«musulman»enquestion

Lapremièregrandeinterrogationqu'ilconvientd'aborderestcelledelacatégorisationemployéepourparlerdesmusulmans.Quefaut‐ilentendrepar«musulmans»?

• Les individus qui se définissent comme tels (par exemple en entretien ou en répondant à desquestionnaires),adoptantuneperspectivesubjective.

• Ou,àl’inverse,adopteruneperspectiveplusobjectivante,etpartirdespratiquesdesacteurs:

D'ailleurs,plutôtquedeparlerdesmusulmansengénéral,onpourraitparlerdesmusulmanspratiquants,etconstruire des échelles d’intensité de la pratique (prenant en compte le nombre de prières, la pratique dujeune,etc.),pourmesurerlarelationentrepratiquereligieuseetcomportementpolitique.

Unetelleperspectivepermetprobablementd’avoiruneanalyseplusfinedecequepèselavariablereligieusedanslespratiquespolitiquesdesindividusconcernés.

C’est ce que font les études quantitatives, c’estmoins le cas des études qualitatives ‐ qui constituaient lamajoritédespapiersdenosdeuxpanels‐quidifférencientassezpeulesrésultatsenfonctiondurapportdesindividusàlareligion.

• Onpourraitenfinadopteruneperspectiveencorepluslarge,etmobilierlacatégoriede«musulmanssociologiques»,parfoisemployéedans la littérature.Cependant le floude lacatégorie risqueraitdefaireperdredelafinesseàl’analyse.

Cette interrogation conduit en tout cas à poser la question du processus récent de «racialisation» del’identité musulmane (Allievi, 2009; Amiraux, 2012). Tant dans l’action publique que dans les discourspolitiqueslafiguredel’autreseraitpasséedel’immigréaumusulman,pourreprendrelestermesdeStefanoAllievi.

Dans tous les cas, on a probablement intérêt à jouer sur plusieurs échelles et à interroger le rapport desindividusàleurreligionpourcomprendrecommentcelle‐cipeutinfluencer,ounon,leurspratiquespolitiques.

Les communications des deux panels ont surtout évoqué des groupes de musulmans mobilisésprincipalementsurdesbasesreligieuses:

• desentrepreneursdepolitisationoud’islamisation,

• descandidatsauxélectionslocalesenBelgique,

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• desgroupesdemusulmanspatriotes,

• despetitsgroupessalafistesquiétistes,

• desfemmesportantlehijab.

Ilfautnoterquepeudetravauxontévoquélapopulationmusulmanedanssonensemble.

Ya‐t‐ilunecontinuitéentreengagementreligieuxetengagementpolitique?

Deuxième interrogation, faut‐il parler, comme nous l’avions fait dans le titre de la session thématique de«participationpolitiquedesmusulmans».

Ilestévidentquechaqueindividudisposed’unepluralitéd’identitésdisponibles,pouvantsedéfinirselondescaractéristiques de classe, de race, de genre, des caractéristiques politiques, sociales ou territoriales,maisaussiselonsonaffiliationreligieuse.

La question que nous avions souhaité poser était donc: comment, à quelles conditions, et dans quelscontextes les individus et les groupes saisissent‐ils ou non leur identité religieuse ‐ ici musulmane ‐ pours’engagerenpolitique?

Sansadopteruneperspectivepurementstratégistedesidentités,ilnoussembleévidentquecelanevapasdesoi, que ce n’est évidemment pas parcequ’on estmusulman (ou catholique, ou juif) qu’on semobilise surcettebaselàouquec’estcettevariablequiestdéterminante.

Il y aurait d'ailleurs un risque, en posant la question du poids de la religion, à la sur‐interpréter, à voir (del’influence)dureligieuxpartout,alorsqu’ilfautgarderlaperspectivelaplusouvertepossible,laposercommeunequestionderecherche.

Celadébouchedoncsurdeuxquestions:

• Qui:Quelssontlesmusulmansquisemobilisentsurunebasereligieuse?Quepèsentlegenre,l’âgeetlagénérationdecepointdevue?

• Où:Aquellesconditions,dansquelscontextes,dansquelspaysparexemple,sesaisit‐onounondesonidentitéreligieuse?

Celaconduitinfineàposerlaquestiondelacontinuitéentreengagementreligieuxetengagementpolitique.

• NathalieFuchsabienmontrébiendanssonpapierlescontinuitésentrelesdeux.

• Al’inverse,JulienBeaugéapusoulignercombienl’investissementreligieuxdesfemmesvoiléesqu’ilinterviewsetraduitparuneabsenced’engagementpolitique.

• On a également retrouvé cela en partie chez Alexandre Piettre et Mohammed Ali Adraoui, quiemploient des catégories différentes cependant, celles d’impolitique et d’apolitisme, auxquelles onpourrait rajouter celle d’anti‐politique mobilisée dans ses travaux sur des salafi en France parl’américaineFareenParvez(2012).

Lesmobilisationsmusulmanesauprismedeleursobjectifs

Autregrandequestion,quepermettentdebienéclairercertainstextes,estquesignifiesemobilisersurunebasereligieuse?Plusieursréponsespossibles:

Enpartantdesobjectifsdelamobilisation,quipeuventêtredenaturereligieuse:

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• EtiennePingauddanssontexteévoqueparexempledesmobilisationsrelativesà laconstructiondemosquées,àl’exclusionscolairedejeunesfillesportantlevoileouautourdelaviandehalal.

• Corinne Torrekens évoque également des listes électorales à base musulmane, même si lesrevendicationsnesontpasuniquementreligieuses

Maisonpeutsemobilisersurdesbasesreligieusespourdesrevendicationsquinelesontpas.

• Marie‐ClaireWillemsévoqueainsidesgroupes,principalementmusulmans,quisemobilisentpourdescausesdepatriotismeoudenationalisme.

• Danssontexte,EtiennePingaudévoquepoursapartl’islamisationdemobilisationspro‐palestiniennesà Nanterre, c'est‐à‐dire le recours à des registres de justification religieux dans le cadre demobilisationspolitiquesplusgénérales.

Cequefaitlasituationminoritaire:lesmobilisationsmusulmanesenEurope

Undernier élément a également été abordé: celui des frontières géographiquesde l’objet traité. En effet,dans l’appelàcommunicationnousavionsparlédeparticipationpolitiquedesmusulmansdans les sociétésoccidentales.Or,cen’estpeut‐êtrepastantlaquestiondel’occidentquinousintéresse,aurisquedeverserdans l’orientalisme, que celle de la participation politique des musulmans dans des pays où ils sontminoritaires,démographiquementethistoriquement.

C’estpeut‐êtreainsiqu’auraitduêtreintitulerlasessionthématique.Eneffet,c’estprobablementlàlecœurdenotreproblématique:cequefaitlasituationminoritaireauxpratiquespolitiques.

Cette condition minoritaire induit des formes plus ou moins institutionnalisées de discrimination et dedomination.Ellepeutsetraduirepardesdynamiquesspécifiquesderetournementdustigmate,demisesenavant de son identité minorisée, qui ne se pose pas dans un contexte majoritaire. Pour affiner laproblématique, on pourrait en reprenant les nombreuses études qui montre que la religion influencefortement les comportements politiques (que ce soit celles de Michel Simon et Guy Michelat en France,Sydney Verba et ses collègues aux Etats‐Unis, pour ne citer que les plus connus), se demandait si ellel'influencede lamêmefaçonquandcelle‐ciest lareligionmajoritaire(voireofficielle)d’unpays,ouquandelleestminoritaire,voirestigmatisée?

Au‐delàdelaparticipationdesmusulmansdanslespaysnon‐musulmans,nousaurionspurestreindreencorelafocale,àl’Europeparexemple,lasituationNord‐Américaineétanttrèsdifférente.

Lesmobilisationsdemusulmanssontellespolitisées?Enfin dernière grande question qu'ont posé les différentes communications: a‐t‐on effectivement affaire àdesprocessusdepolitisationounon?

• lamajorité des papiers étaient plus oumoins explicitement dans une conception lagroyenne de lapolitisation,c'estàdireunemobilisationendirectiondesinstitutions

• d'autresontcependant faitappelàunevisionplusextensive incluantdans l'espacedupolitique lesmobilisationsquiaccèdentà l'espacepublicsansque les institutionspubliquessoienteffectivementprisesàpartie.

• D'autresencore(notammentEl‐AdraouietPiettre)ontmontréquecequipourraitapparaîtrecommeunemobilisationnonpolitiquenel'estenfaitpastotalement.

Par ailleurs, on a eu dans la session thématique une diversité de concepts pour qualifier cesmobilisation:«impolitique»,«apolitique»,«antipolitique»ouencore«politiquedelapiété»quiengagentunrapportàlaqualificationdupolitique.

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Endéfinitive, il existeunecertaine tensionentre ladimensioneticetemicdupolitiqueetdesprocessusdepolitisation. Doit‐on admettre que ce qui est politique relève d'une appréciation des acteurs ou de laconceptualisationduchercheur?Finalement, ils'agiraitd'exprimerplus largement lesressortsdel'engagementduchercheursursonterrain,terrainquicommelerappelleFuchsatendanceà«adopterdesprésentationsdesoitenduesversunemiseàdistance des représentations». Il faudrait donc questionner le rapport à l'objet du chercheur pour voircommentcelajouesurcequ'ilqualifiecommepolitiqueetcequ'ilconçoitluimêmecommeaprioripolitique.Dans ce cadre, cette session thématique a croisé certaines problématiques évoquées dans la sessionthématique42surladépolitisation.InterrogerlescommunicationsauprismedelalittératuresurlaparticipationpolitiquedesmusulmansQuand on sait l’engouement pour l’étude de l’islam depuis une vingtaine d’années, on peut noter que lalittérature sur la participation politique des musulmans n’est pas encore démentielle ou saturée. Alorsqu’énormémentd'ouvragesontétéécritssurlapratiquereligieuse,surlevoile,surlalaïcité,surlaquestiondel’intégration/assimilationetlerapportàl’Etat,onpeutremarquerqu’ilyaencoreassezpeud’écritssurlecomportementpolitiquedesmusulmansenEuropeouauxEtats‐Unis (sansparlerdesautrescontinentsoùl’islam est minoritaire). La littérature la plus abondante concerne probablement le Royaume‐Uni, plusrécemment les pays nordiques et en particulier le Danemark. En France un certain nombre de travauxcommencentàêtreaccumulés,dontnousavonsaccueilliundesmembreséminentspendantnosdeuxpanelscommeFranckFrégosiparexemple.Surlaparticipationélectorale:unvotemusulman?S’il yapeudedonnéesprécisessurcettequestion, il sembleraitque lescitoyensmusulmans (disposantdudroitdevote)sontunpeumoinsinscritsetvotentunpeumoinsquelerestedelapopulation.Celatiendrait,selonuneétude récentedeVincentTiberj etPatrickSimon, à leur conditiond’immigré,oudedescendantsd’immigrés, davantage qu’à leur religion. Ces éléments seraient à mettre en rapport avec les entreprisesd’incitation à l’inscription sur les listes électorales et au vote (de la part de la majorité des associationsmusulmanes et des imams), et les tendances (très minoritaires), notamment à l’initiative de groupessalafistes,incitantànepasprendrepartaujeuélectoraldansunpaysnon‐musulman.Concernantl’orientationduvote,unélémentsedégageclairementdelalittérature,c’estlaforteorientationà gauche du vote des musulmans, comme l’a montré Claude Dargent pour le cas français, ou d’autresrecherchessurlecasbelgeparexemple.AcetitrelepapierdeMarie‐ClaireWillemsconstitueuncontre‐pointintéressant, en se concentrant sur des musulmans de droite, ou d’extrême‐droite, nationalistes. ClaudeDargentindiqueainsique95%desindividussedéclarantmusulmansontvotépourSégolèneRoyalau2etourdesélectionsprésidentiellesde2007.Lesdonnéespour2012,mêmesiellessontunpeufragiles,vontdanslemêmesens.Levoteàgauchedesmusulmansn’estpourtantpasgravédans lemarbre. Ainsi,en2000unemajorité de musulmans américains ont voté pour Bush plutôt que pour Gore. A l’inverse ils ontmajoritairement soutenus Obama en 2008 et 2012. On pourrait dire que cela tient à la sociologie desmusulmans américains (davantage classes moyennes pour aller vite). On pourrait ainsi affirmer quel’orientation majoritairement à gauche des musulmans dans le cas européen est lié à la sociologie de cetélectorat(classespop,jeunes,descendantsd’immigrés).

Orlesétudesrécentes,commecelledeClaudeDargent,surcesquestionsindiquentqu’ilyauneffetpropredu facteur religieuxsur le comportement électoral.De lamême façon l’étude récentedeVincent Tiberj etPatrick Simon souligne l’impact pour certains groupes du facteur religieux (musulmans), qui votent plus àgauchequelesathéesauseinde lapopulationmajoritaire,dufaitde leurreligion,touteschoseségalesparailleurs.Icicen’estcependantpaslapratiquereligieusequicompte,puisqu’onn’observepasdedifférencessignificativesentrelesmusulmanstrèsetpeupratiquants.

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Onpeutévoquer ici l'hypothèsedePatrickSimonetVincentTiberj: cepositionnementàgaucheseraituneréaction/unepolitisationd’uneexpérienceoud’unsentimentdediscrimination,lesentimentde«nepasêtrevus comme français» (alorsqu’ils le sont). «Cen’est doncpas la visibilité en tantque tellequi amèneà lagauche, c’est la réactionde la sociétéàcettevisibilitéqui l’aproduit.»Onvotedès lorspour lepartiou lecandidatdontonalesentimentqu’illuttelepluscontrecettediscrimination.

L'actioncollectivedesmusulmans:lapolitisationdel'expériencedeladiscrimination.

Pourrevenirsurcettequestiondelapolitisationdel’expériencedeladiscrimination,absolumentessentielle,et qui permet de faire la transition avec les questions relatives à l’action collective, il faut se demandercomments’opèrecettepolitisationdesdiscriminations?

Eneffet,lesrecherches,etlespapiersquiontnotammentétéprésentéslorsdudeuxièmepanel,enparticulierceuxd’AlexandrePiettreetd'EtiennePingaud,indiquentlepeud’audiencedesentreprisesdepolitisationdel’islam ou des luttes contre les discriminations au nom de l’islam. Il existe une offre de participation, desassociations qui se revendiquent avec plus ou moins de vigueur de l’islam, mais elles semblent peiner àtrouver leur public. Comment dès lors s’opère cette politisation si elle n’est pas le fruit du travaild’entrepreneursdepolitisation?

Pour répondre à cette question, il semble intéressant de regarder davantage, peut‐être à partir d’étudesethnographiques,nonpastantlesformesdemobilisationsdemusulmansouaunomdel’islam–etdoncpastantducôtédel’offre–queducôtédelademande,ducôtédurapportordinaireauxdiscriminationsliéesàl’islam.Commentsont‐ellesvécues?Sont‐ellesounonpolitisées?Parqui?Dansquelcontexte?Comment?A cet égard, le papier de Julien Beaugé s’est avéré extrêmement riche, et au final assez unique dans lalittérature.Apartird’entretiensavecdes femmesvoilées, ilmontrequ’ellesnepolitisentquetrèsrarementleurexpérience,endépitdelastigmatisationdontellessontl’objetetdelasouffrancequ’ellesendurent.Au‐delàdeleursdispositionspeupropicesàlapolitisation,ilindiquecommentlesépreuvesquesontsoitleportdu voile soit le dévoilement, sont tues (et donc impossible à publiciser et politiser), relativisées ourationaliséesreligieusement.Julien Beaugé conclut qu’une des raisons de la non‐politisation de l’expérience de la domination tientprincipalement,danscecas,àl’absenced’entrepreneursdepolitisation,capablesdeprendreenchargecettesouffrancesociale(pourpreuve,ellessesontmobiliséesenpériodedehauteintensitémobilisatrice, lorsdedesmanifestations autour du voile en 2004). Pourtant, au regard des autres papiers, il semble exister uneoffredepolitisationdespopulationsmusulmanes,quecesoitdanslesquartierspopulairesouailleurs.Lesraisonsdelafaiblessedel'actioncollectivedesmusulmansLa question est dès lors pourquoi, pour employer faute demieux un langage économiciste, l’offre peine àtrouver sa demande? Pourquoi les entrepreneurs de politisation, évoquées par Etienne Pingaud, CorinneTorrekens,Marie‐ClaireWillems,NathalieFuchsouAlexandrePiettre,nesontpasplusaudibles?Undesargumentsquipourraitêtreavancé,c’estunpeucequeditSamirAmghar (2013)danssonouvragerécentsurl’islammilitantenEurope,c’estqu’ilyauraitunedivisiondutravailentreorganisationsislamiques.Ceuxquicherchentàdévelopperune«citoyenneté islamique»(lesfrèresmusulmans, l’UOIF, leMilliGorus,etc.) sont les organisations les plus élitistes dans leur recrutement, qui touchent assez peu la populationmusulmane,principalementmembredesclassespopulairesenEurope.A l’inverse,desorganisationsmieuximplantées dans les milieux populaires, comme le Tabligh puis les salafistes, développent une conceptionquiétiste et dépolitisée de l’islam, n’incitant pas à l’engagement et plutôt au retrait. Au risque de faire unraccourci,onpeuttoutdemêmesedemanders'iln’yauraitpasundécalagesociologiqueentre l’offreet lademandedepolitisationquirendcesinitiativespeuprobantes?

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Unequestionqu’onpeutposeraussi,bienqueçan’apparaissentqu’assezpeudanslescommunications,c’estquel est le rôle d’intermédiaires comme les imams, dans ces entreprises de politisation ordinaires de lapopulation?Onpourraitélargirlaproblématiquedelapolitisationensedemandant,commelefontuncertainnombredetravaux dans la littérature: compte‐tenu de l’islamophobie, de la stigmatisation ou des situations dedomination directement liées à l’islam, pourquoi n’y‐a‐t‐il pas plus d’action collective visant à défendre lesdroitsetlesintérêtsdesmusulmansenEurope?On sait en effet que le taux d’engagement associatif est un peu plus faible chez lesmusulmans que chezd’autres groupes (mais les études indiquent que c’est principalement lié au fait qu’il s’agit de descendantd’immigrés – le facteur religieux pèse peu ici). On sait aussi que les musulmans font davantage partisd’associations religieuses que la population majoritaire. Les associations musulmanes pourraient doncapparaître comme un recours, un refuge, un espace d’engagement propice à des actions collectives demusulmans.Différentesexplicationspeuventicirendrecomptedecedifférentiel:

• Ressources et dispositions: Les musulmans en Europe sont principalement des descendantsd’immigrés issus des classes populaires. Peu de ressources à faire valoir pour s’organiserpolitiquement.

• Pouruneraisonlégale: lesmusulmanssontprincipalementdes immigrés,n’ontpasledroitvoteou

depuispeu,etsontdoncpeupolitisés.Maisc’estpourtantdemoinsenmoinsvrai.DesétudescommecellesdeDavidBrouardetVincentTiberj(2005)indiquentqu’ilyaunfortintérêtpourlapolitiquepourlesfrançaisoriginairesdeTurquieetd’Afrique,ycomprischezlesmusulmans.

• Structuredesopportunitéspolitique:enFranceparexempleonnefacilitepasl’organisationsurdes

bases religieuses (que ce soit légalement, ou par l’octroi de financement de la part des pouvoirspublics). On le voit dans certaines communications, le stigmate du «communautarisme» rendraitl’engagement sur des bases religieuses plus couteux. C’est là que prendrait tout son sens lecomparatisme: qu’en est‐il dans les autres pays européens? A ce qu’on en sait, à partir de lalittérature, il ne semble pas que les mobilisations de musulmans soient légions, y compris ailleurs(mêmesi l’exempleBelged’investissementdu jeuélectoralpardescandidatsseprésentantcommemusulmans,sembleassezdifférentducasfrançais).Ils'agiraitdoncd'unepisteàcreuser.IlexisteparexempledesorganisationscommunautairesenAngleterre,auxEtats‐Unisàl’imagedecellesétudiéespar Julien Talpin, où les musulmans jouent un rôle important (au côté d’autres communautésreligieuses). Les interactions entre mouvement altermondialistes et organisations musulmanes enGrande‐Bretagne,quiontdébouchésurlacréationduPartiRespect ilyaquelquesannées,indiquentdesdynamiqueslargementabsentesenFrance(Peace,2010).

• Autre hypothèse avancée parfois dans la littérature, hypothèse qui peut être soit culturaliste, soit

institutionnaliste:c’estliéàlastructuredel’islam: ils’agitd’unereligiondécentralisée,fragmentée,sanshiérarchieclaire (chez lesSunnitesen toutcas). La fragmentation religieusese traduitparunefragmentationorganisationnelle.Fragmentationrenforcéepardesclivagesethniquesetnationaux.Latrèsgrandediversitédel’islamd’unpointdevuethéologiqueetnationalenEurope,contribueraitàlafragmentation organisationnelle. C’est un peu ce qui se dégage du panorama offert par l’étudelocalisée d’Etienne Pingaud: une grande fragmentation des organisations musulmanes au niveaulocal. Mais il n’interprète pas cela à partir d’éléments religieux ou ethniques, mais (et c’estconvaincant) en fonction du positionnement et des ressources des entrepreneurs à l’origine desorganisationsétudiées.L’interprétation en termes de «structure de l’islam» tient‐ellemieux à une échelle nationale. C’estainsi que certains analysent les difficultés du CFCM en France. Les difficultés à faire émerger uneorganisationcentraliséereprésentantetdéfendantlesintérêtsdetouslesmusulmansdupaysseraitliéeàlafragmentationetauxdivisionsentremusulmans.

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AufinallesdiscussionsaucoursdecetteSTsesontavéréesextrêmementrichesetdevraientdébouchersurdescollaborationsfutures.Toutd’aborddanslecadred’unepublicationcollectivedansunerevueàcomitédelecture.Ensuite,danslecadredeprojetsderecherchesplusspécifiques.

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ST33Affairessexuelles,questionssexuelles,sexualités

SandrineLÉVÊQUE(UniversitéParisI‐Panthéon‐Sorbonne,UMRCESSP)

[email protected]édériqueMATONTI(UniversitéParisI‐Panthéon‐Sorbonne,UMRCESSP)

frederique.matonti@wanadoo.frAyantpourvocationinitialedefaireserencontreretdiscuterensembledesspécialistesdedifférentessous‐disciplines de la science politique et au delà, des spécialistes d’autres disciplines mais travaillant sur lesmécanismesdepolitisationdesquestionssexuelles, la section thématiquea rempli sesobjectifs.Plusde25intervenant(e)setautantdepublicontétéréuni(e)sdurantcesdeuxjours—uneseuledéfectionparminosintervenant(e)s.Ledispositifchoisi,consistantàfaireprésenter lescommunicationsparun(e)discutantparsous‐axe (Bibia Pavard, Bruno Perreau Catherine Achin et Muriel Darmon), a permis d’engager de richesdiscussionsentrelesintervenant(e)setlepublic.Deux axes principaux avaient été définis: le premier autour de la politisation et de la normalisation dessexualités et des corps sexués; le second autour des corps sexués des militants et des dominants dansl’espacepolitique.Nousavionsainsichoisideregrouperdanslepremieraxe,lescommunicationstraitantdesquestionsrelativesauxprisesenchargeétatiquesdesquestionssexuelles,ainsiqu’autravaild’émergenceetdeconstruction(enparticulier historique) des questions sexuelles dans l’espace public, à leur effet sur la normalisation dessexualitésetdescorps.Lesecondaxearegroupélescommunicationstraitantdelaplacedelasexualitédansl’espacepolitique,desesusagesetdeseseffets.Cesdeuxaxesnousontd’abordconduits àévoquer sous l’anglede la sexualitédesobjets classiquesde lasciencepolitique: lespolitiquespubliques (A.LeMat), lesmouvements sociaux (A.Oeser,F.TourailleetL.Ruault),laconstructionjournalistiquedesaffairespolitiques(A.Dubied,N.Hubé),lasociologiedupersonnelpolitique(L.Bargel,É.Fassin,S.LattéetV.Jérome).Nousavonspuaussinousintéresseràdesobjetsmoinsordinairementtraitésparnotredisciplinecomme«lecontrôle»dudésirdesfemmes(A.Verjus),lestestsdeféminitédans lesport (A.Bohuon)ou laconstructionduconsentementsexueldesmineurs (J.Bérard).Lesfocales d’analyse ont aussi permis d’aborder les enjeux de normalisation et de catégorisation à l’échelle«macro‐sociale» de l’État et de la production du droit (A. Jaunait) comme à l’échelle plus «micro‐sociologique»deseffetsinduitsparlespratiquesmêmesdesacteurs(C.Giraud,M.TrachmannouL.Gayet).Ladémarchehistoriqueprésentedansdenombreusesinterventions(C.Muller,J.Bérard,A.Verjus,L.RuaultetC.Plumauzille)amisl’accentsurlesprocessusprogressifsd’empriseétatiquesurlescorpsetlessexualitésetamontrélerôledesinstitutionsdanslaconstructiondu«naturel»et/oudel’intime.Lescommunicationsprésentées lorsde lasessionontsouventpointé lerôlede lasexualitédans ledéroulémêmedes «événements»politiques. Envisagéeen tantque telle, la sexualité est, comme l’ontmontré lesinterventionsdeV.Jérome,deL.BargelavecÉ.FassinetS.Latté,etcelleA.OeseretF.Touraille,susceptibled’infléchirdescomportementspolitiquesparmilesplusclassiques:s’engagerdanslaluttesociale,militerouparticiper à la compétition électorale… La sexualité est même dans certains cas une composante à partentière de la construction idéologique d’une doctrine politique, comme l’a analysé L. Gayet à propos desthéoriesdu«féminismemartial»élaboréesauseindel’arméedelibérationpopulaireduNépal.Explicitementmobiliséeourestant invisibiliséedans l’espacepolitique, lasexualité«guide» lescomportementspolitiqueset s’avère explicative d’un certain nombre de pratiques, jouant parfois sur la destinée d’une élection oul’intensitédel’engagementdansuneorganisation.Enmatièredepolitiquespubliquesetdepriseencharge,voiredegestiondesquestionssexuellesparl’État(ycomprisd’unpointdevuehistorique), les interventions invitaientàrepenser les frontièresde l’interventionétatiqueetseslimites:dansquelleconditionl’Étatpeut‐ils’occuperdesexualité?Jusqu’oùpeut‐ilaller?Quelestsonrôledansla«normalisation»decomportementsjugésdéviantsouàl’inversedansl’étiquetagedeladéviance?Si cette session thématique a été l’occasion de découvrir de nouveaux terrains et d’interroger à nouveauxfrais les objets canoniques de la science politique, elle l’a été également d’aborder des questions plustransversales, théoriquesetméthodologiquesqui, révéléespar la thématiquedessexualités, lesdépassent.

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Commel’ontrappelédenombreusescommunications,lessexualitésconstituentleterrainparexcellencequipermet d’interroger les processus de domination qui sont au cœur des objets de notre discipline : ladominationmasculine (dans les rapports interindividuels et genrés) mais aussi plus globalement l’empriseétatiquesurlesindividus.Lapriseenchargedesquestionssexuellesparl’État,commeparexemplelorsqu’ils’agitdedéfinir lapédophilie,demettreenplacedespolitiquespubliquesdeprévention,oudeproduiredudroit sur la transidentité produit de la norme. Plus globalement, les enjeux autour des sexualités révèlentcombien les institutions, des instances sportives officielles à la famille, jouent un rôle majeur dans laconstructiondeshiérarchiessexuelles.Audelàdesrésultats,plusieursenjeuxdeméthodeontétéabordéesdurantcessessions:desinterrogationsextrêmement«triviales»notammentsurl’étenduedecequelessciencessocialespeuvent«dévoiler»deleurterrain apparaissent de manière particulièrement aigüe lorsqu’il s’agit d’évoquer la sexualité. Le fait queplusieurscommunicationsn’aientpuêtrepubliées sur le siteestun indicateurdesdifficultésdecertain(e)schercheur(e)s à travailler et à publier sur ce sujet à la fois en raison du dévoilement de pratiques jugées«illégitimes» (c’est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de rendre compte par exemple des pratiquessexuellesenmilieupopulaire)maisaussiparfoisenraisondelasurveillancedontfaitl’objetlarecherchedelapartdegroupeconservateursmobilisésdepuislevotedelaloisurlemariagepourtous.Sitravaillersurlesquestionssexuellesetlasexualitépermetderéinterrogerdesobjetsdelasciencepolitiqueet éclaire d’un jour nouveau certains comportements politiques, les débats ont enfin mis en évidence lanécessité de ne pas se cantonner à cette seule dimension. La sexualité, comme l’ont fait apparaître denombreuses interventions, doit être pensée dans le cadre plus large de l’approche désormais désignéecomme«intersectionnelle»(l’intricationdes rapportsde«race»,degenreetdeclasse),approcheà lafoisfécondeetrassemblantinternationalementdenombreuxchercheurs.

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ST34L’analysederéseauxcommeméthodepourlasciencepolitique

CamiloARGIBAY(Triangle,ENSdeLyon)

[email protected](CSO,CNRS‐SciencesPo)

claire.lemercier@sciences‐po.orgSuivieparunevingtainedepersonne,cettesessionadonnélieuàdesdébatsnourrisdontunenregistrementaudioestdisponiblesurdemande.Elleasansdouteétélapremièreoccasionderassemblerplusieursétudesempiriques menées à l'aide de l'outil analyse de réseaux (plutôt que de mobiliser la notion de réseauseulementsurleplanconceptuel).Souventsituéesàlafrontièredelasociologie,cesétudesn'entouchaientpasmoinsàdesdomainesvariésdelasciencepolitique:trajectoiresd'engagement,multipositionnementdesexperts, politiques culturelles, relations internationales. Sur le plan des méthodes en revanche, tous lesauteursdisposaientdedonnéesditesbimodales(d'appartenance)qu'ilstransformaientengénéralàlafoisenréseauxd'organisationsetd'individus.Dépassant la simple constatde lamultipositionnalité, lesdifférentescommunicationsl'utilisentcommeunpointdedépartpourmettrenotammentenévidencedesfrontièresauseindesespacessociauxétudiés(deszonesdemultipositionnalité,oudecirculation, faibleouabsente),ouencoredesmomentsdestabilisationoudedéstabilisationderelationsentreorganisations. Plus largement,l'usagede l'analysederéseauxpermetde limiter le juridismeou l'institutionalo‐centrismeetdedépasser lamonographie,enmettantaujourdesstructuresqueplusieursintervenantontqualifiéesd'invisiblesàl'œilnu(parleursautresméthodesd'enquête).La discussion, ouverte par Laurent Jeanpierre, a permis d'aborder des questions méthodologiquescommunes,souventencorepeutraitéesdanslabibliographiedisponible.Ils'agitnotamment

− delaconstructiondesdonnées:ladélimitationdesfrontièresdelapopulationàprendreencompte,unedélimitationqui interagitnécessairementavec ladéfinitionpréciseduoudes liensàprendreencompte;etl'usagedesentretiens,desquestionnaireset/oudesdocumentspourattesterdecesliens;

− des diverses temporalitésmobilisées, en particulier de la décision de considérer commeun seul oucommeplusieursnœudsduréseauunemêmeorganisationobservéeàplusieursdates;

− de l'importance dans les résultats présentés des frontières, des obstacles, des non‐liens et de lamanièredelesdonneràvoirpardesgraphesoudeschiffres;

− des différentes interprétations possibles de la centralité d'intermédiarité, qui ne représente pasnécessairementunepositiondepouvoir(oud'unemanièrequidemandeàêtrespécifiée);

− de l'intégration entre les résultats de l'analyse de réseaux et ceux d'autres méthodes formelles(surtoutl'analysefactorielle)ounon;

− delanécessitédereveniràuneétudedecequiconcrètementcirculeous'échangeensuivantlesliensmis à jour, et plus généralement de lier l'étude des positions dans le réseau à celle des prises depositionetdespratiques;

− de l'intérêt qu'il y aurait, une fois une structure mise en évidence de manière objectiviste, às'interrogersurlaperceptionqu'enont,oupas,lesacteurs;

− de la nécessité de clarifier le rapport entre les positions, considérées comme faisant partie d'unestructure objectivée, et les personnes ou les organisations qui concrètement les occupent; parexemple, peut‐on se demander à quelles conditions un individu peut être amené à occuper unepositionprécise?

Cesquestionsontpuêtreabordéesparcequelesauteursontjouélejeudeprésenterlesphasessuccessivesde leurenquêteetnonpasseulement leproduit fini.Venantpeuaprèsdiversespublicationsenanglaisquiappelaient également à ajouter l'analyse de réseaux à la boîte à outils du politiste (voir l'appel àcommunicationsde lasession)cettesessionappelleracertainementd'autreséchangesentre leschercheursennombrecroissantquiselasontd'oresetdéjàappropriée.

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ST35Lasocialisationpolitiquedesenfants:

pourunréexamenempiriqueettransdisciplinaire

GéraldineBozec(Centred’étudeseuropéennes/SciencesPo)[email protected]

JuliePagis(Centred'ÉtudesetdeRecherchesAdministratives,PolitiquesetSociales,Lille)[email protected]

Nousprécisions,dans l’appelàcommunication,quepeud’objetsderechercheontsuscitéunenthousiasmeaussigrandetundésintérêtaussipromptqueceluidelasocialisationpolitique(Percheron,1987).Lenombreélevédepropositionsdecommunicationsreçues(plusde20),laqualitédesinterventionsretenues,larichessedesdiscussions(parJohannaSiméant,ChristopheTraïnietGéraldineBozec)ainsiquelenombred’auditeursquiontsuivilesdeuxsessionsdenotreST(unequarantaine)ontétélesprincipauxingrédientsdusuccèsdelaSection.Celapermetd’affirmerqu’onassisteàunréelregaind’intérêtpour l’objet«socialisationpolitique»ainsi qu’à un renouvellement certain – par le décloisonnement disciplinaire et une approche élargie dupolitique–decechampderecherche.

Nousaffirmionségalementdans l’appelquedenouvellesapprochespermettentaujourd’huiderelancer lesréflexionssurcetobjet.Lasociologieetl’anthropologiedel’enfancesesontdéveloppées,ettoutcommelasociologie de l’éducation, ont accordé une place importante à l’analyse des processus de transmissionfamilialeetscolaireetà l’étudedesuniversenfantins(Lahire,1995;Geay,1999;Rayou,1999;Sirota,2006).Cesdisciplinesontparfoiscroisélaquestiondupolitiqueetrenouvelélaréflexionsurleseffets(politiques)del’éducation (Emler & Frazer, 1999; Maurer, 2000). L’analyse des rapports qu’entretiennent les enfants aupolitiqueetplusgénéralementà l’ordresocial (Zarca, 1999),quiconnaîtactuellementuncertainrenouveau(Gaussot&Geay,1997;Lignier&Pagis,2012),s’estconfirméelorsdecetteST.

Plusprécisément,cettesectionthématiquearassembléetfaitdialoguerdestravauxfondéssurdesenquêtesempiriquesquiquestionnentlasociogenèsedereprésentationspolitiquesdumondesocial.Elles’estarticuléeautour de deux axes portant, l’un, sur des comportements enfantins socialement différenciés face aupolitique,l’autre,surlasocialisationpolitiqued’enfantsdemilitantsetdejeunesscouts.Lesgroupessociauxétudiés étaient variés, renvoyant aussi bien au monde de l’enfance en général qu’à des univers militantsspécifiques(enfantsdeféministes)ouàdescontextessociaux(enfancedansunebanlieuerougeparisienne)etinstitutionnels(expériencedesconseilsmunicipauxd’enfants)singuliers.LaSectionainclusdestravauxsurlaFrance,maisaussid’autrescasnationaux(Allemagne,Maroc).

Bilanscientifiquedel’axe1/L'universpolitiquedesenfants,caractéristiquesetprocessusenjeu

Lapremièresession,quiaportésur«L’universpolitiquedesenfants,caractéristiquesetprocessusenjeu»acontribuéàpoursuivredans cettevoieen sciencepolitique,ennouantdeséchangesavecd’autres regardsdisciplinaires.Lesquatrecommunications(cf.programmeci‐dessous)portaienttoutessurdejeunesenfants(entre5et10ansenviron),cequiétaitparticulièrementintéressantensoi,tantlestravauxsurlerapportàlapolitiquedejeunesenfantssontrares.

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Axe1/L'universpolitiquedesenfants,caractéristiquesetprocessusenjeu

• AsmaaJaber(CEE,SciencesPo)

Laconstructiondurapportaupolitiquedel’enfantdanslafamille:premiersrésultatssurlasocialisationpolitiqueenbanlieueségrégée

• DamienBoone(CERAPS/Lille2)

"Lapolitiqueparlebas"desenfants:représentationsenfantinesdel'actionpubliquedanslesConseilsmunicipauxd'enfants

• JuliePagis(Centred'ÉtudesetdeRecherchesAdministratives,PolitiquesetSociales,Lille)etWilfriedLignier(CESSP,UMR8209,Cnrs‐Ehess)

«Lagauche,c’estlesgentils;ladroite,c’estlesméchants»:genèsedesreprésentationsenfantinesduclivagegauche/droite

• LisaWessa(UniversitédeMannheim)

L’interdépendanceentrelaconnaissancepolitiqueetlesvaleursdémocratiques.Résultatsempiriquesd’unpanelentroisvaguesauprèsd’enfantsdel’écoleprimaireenAllemagne

Ladiscutante,JohannaSiméant(CESSP,UniversitédeParis1),aprèsavoirsoulignélaqualitéde«vraispapiersde chercheurs, qui trouvent des choses auxquelles ils ne s’attendaient pas», a développé de nombreusespistesjugéestrèsstimulantes,avantdeproposerquelquessuggestionscritiquesauxdifférentsintervenants.

Onpeut se réjouir toutd’aborddudispositif empirique, solideet inventif, de l’ensembledes contributions,combinantdesdémarchesethnographiques,avecinsertionlongue(A.Jaber),desenquêtesparquestionnaire(J.PagisetW.Lignier),desméthodeslongitudinalesdepanel(L.Wessa),ouencoredesobservationsauseinde«laboratoires»resserréscommelesconseilsmunicipauxd’enfants(D.Boone).Touslespapiersprésententdeplusuneréflexionsurladémarchemêmed’enquêteauprèsd’unpublicscolairequin’apasforcémentunemaîtrisedelalectureetdel’écrituretrèssatisfaisante,maisàquionpeutfairereconnaîtretoutunensembled’imagesqu’il sait trèsbien identifier, comme les logosde tellesou tellesgrandeschaînesde télévision (A.Jaber),desvisagesd’hommesetdefemmespolitiques(L.Wessa),etainsidesuite.

Les différents papiers, bien que portant sur des terrains très différents, avancent ensuite des résultatsconvergents. Ils montrent notamment l’absence de lien direct entre connaissances et jugements sur lapolitique, et innovent surtout en apportant des éléments de réflexion autour de la nature des jugementsquand ils ne sont pas nourris d’une connaissance de type intellectuel. Ils se donnent ainsi les moyensd’explorercequecesjugementsdoiventnonseulementàdestransmissionsdetypefamilial,àdesdimensionsaffectives, mais aussi au cadre scolaire, ou encore à des formes de langage acquises sans forcément encomprendrelecontenu(A.Jaber;J.PagisetW.Lignier).

Lesquatrecommunicationsdocumententensuiteladiversitédesinstancesdesocialisation:médias,famille,école,groupedepairs,etleurhiérarchieetdiversitéinterne(cf.notammentladifférenceentrelapositiondela mère et du père dans le papier d’A. Jaber). Et ils rappellent la prudence avec laquelle certains outilsconceptuelsclassiquesdoiventêtremobiliséssurleterrain,etenparticulierconcernantletypedepopulationenfantineconcernéeici:qu’ils’agissedesconceptsdepolitisation,decompétencepolitiqueouderepéragedupolitique.Parexemple,ladéfinitionlagroyennedelapolitisationcommerequalificationd’activitéssocialeslesplusdiversespeutparticulièrementbienconvenirdèslorsqu’ils’agitdecomprendrecommentdesschèmesquinesontpasforcémentinvestisapriorid’unsenspolitiquevontledevenir:ici,effectivement,laréflexionsurl’acquisitionduclivagedroite‐gaucheestparticulièrementintéressante(J.Pagis,W.Lignier).

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Enfin,lescommunicationsdecettepremièresessionenrichissentconsidérablementlestravauxclassiquessurla socialisation politique: non seulement par la prise en compte accrue du genremais aussi par une placenouvelleaccordéeàl’originemigratoire.Enoutre,lesrecherchesprésentéesanalysentleseffetscombinésdeces éléments (genre, origine migratoire, milieu social), s’inscrivant tout à fait dans les approchesintersectionnellesaujourd’huienpleinessor.

Cette question de la prise en compte de l’origine migratoire appelle cependant de nouveaux travaux etdéveloppementspourpréciserdavantagesonstatutetsonrôle(est‐elleensoiexplicativedequelquechoseou masque‐t‐elle d’autre choses : position sociale, rapport à l’ascension sociale, expérience subjective dudéclassementalorsmêmequ’ilyauraitéventuellementascensionsocialeobjective,tailledelafratrie,langueparlée à la maison, pratique éventuelle d’une religion?). Malheureusement, la question de la socialisationreligieuseetdeseseffetspolitiquesestrestéedansl’ombredanslesdifférentescommunications,alorsmêmequ’elleestprésente,enfiligranedanstroisd’entreelles.Lecontextehistoriquedecessocialisationspolitiquesenfantines aurait également mérité d’être davantage traité, mais les communications portaient sur lesprocessusdesocialisationeneux‐mêmes;cettequestionaétéplusprésentedansla2èmesessiondelaST.

Bilan scientifique de l’axe 2 / Devenirs d’enfants demilitants ‐ Formes d'encadrement de l'enfance et del'adolescence

La deuxième session portait sur deux dimensions qui avaient été distinguées: 1) le devenir d’enfants demilitants ; 2) les formes d’encadrement de la jeunesse et leurs effets politiques. La seconde partie de lasession a comptéune seule communication, unparticipantn’ayantpuêtreprésent. Leprogrammeétait lesuivant:

Axe2/

‐Devenirsd’enfantsdemilitants:

• JosephHivert(IEPI,Lausanne,associéauCentreJacquesBerque–Rabat)

Penserlessocialisationspolitiquesauprismedesuniversfamiliaux:lecasd’enfantsissusdefamillesmilitantesmarocainesdesannées70‐80

• PaulineClech(OSC,SciencesPo)

Lesenfantsdecommunistesetlaculture:étudeethnographiqued’unetransmissionpolitiqueenbanlieuerouge

• CamilleMasclet(IEP,UniversitédeLausanne)

Commentappréhenderlasocialisationpolitiquevécuependantl’enfance?Uneanalyseducasdesenfantsdemilitantesféministesdesannées1970

- Formesd'encadrementdel'enfanceetdel'adolescence:

• MaximeVanhoenacker(IIAC‐TRAM,QuaiBranly)

Jeux,veilléesetviequotidienne:lasocialisationpolitiquedanslesmouvementsscoutsapolitiques

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La première partie a été discutée par Christophe Traïni (IEP d’Aix‐en‐Provence, CHERPA), la seconde parGéraldine Bozec (CEE, Sciences Po). Les communications et les discussions ont fait ressortir des enjeux etpointscommunsentrecesdeuxparties.

Tout d’abord, en continuité par rapport à la première session, le parti pris a là aussi été de dépasser uneapprocherestrictivedupolitique(centréesurl’universpolitiquespécialisé)pours’intéresserauxsignificationspolitiquesdemultiplesélémentsdel’expériencesocialedesenfants:parexemple,lesjeuxetlapratiqueducamp dans lesmouvements scouts (M. Vanhoenacker), les rapports de genre dans le couple d’enfants deféministesaujourd'huiadultes(C.Masclet),lesobjetsculturelsduquotidiendanslesfamillescommunistes(P.Clech)ouencorelerapportàlareligiondanslesfamillesmilitantesmarocaines(J.Hivert).L’introductiondecette dimension religieuse de la socialisation enfantine dans cette dernière communication étaitparticulièrement intéressante, compte tenude sa relative absencedans lapremière session,mais elle tientaussiaucontextespécifiqueétudié(leMarocdesannées1970etdelapériodeactuelle).DanslarecherchedeM. Vanhoenacker, la diversité des mouvements scouts, selon leur orientation chrétienne ou laïquenotamment,aétésoulignée,maisleseffetsdifférentielssurlasocialisationpolitiquedesjeunesscoutsn’ontpas été abordés, comme l’a regretté dans sa discussion Géraldine Bozec. Au total, il nous semble que lesrelationsentrelasocialisationreligieuse(ouuneéducationnonreligieuse,voireanti‐religieuse)d’unepart,lasocialisation politique, d’autre part, constitue une voie de recherche sous‐explorée, qui mériterait d’êtredavantagecreuséedansbiendesrecherches.

Cesquatrecommunicationsprésentaientunautrepointcommun,relevéparlesdeuxdiscutantstouràtour:ellesonttoutesmisenexerguel’importance,danslasocialisationpolitique,desprocessus«d’imprégnation»etde«familiarisation»(C.Traïni),ouencoredes«activitésduquotidien»etde«touteslesnormesimplicitesqu’ellesvéhiculent»(G.Bozec).Cesmodesdesocialisationpolitiques’avèrentbienplus«efficaces»(ausensoùlatransmissiondedispositionsetd’héritagespolitiquesesteffective)quelasocialisationpar«inculcation»(C.Traïni)ettouteslesinjonctionsexplicitesetconscientesdesparentsàl’égarddeleursenfants.

Enfin, les quatre communications, à l’image de celles de la première session, ont bien mis en relief lesinteractions entre socialisation politique etmilieu social, à travers la prise en compte de la sociologie desmouvements scouts (marqués par une relative homogénéité sociale interne), ainsi que des trajectoiressociales différenciées des parents mais aussi des enfants (dans les familles communistes et de militantsmarocains).

Il faut souligner par ailleurs que l’enjeu des méthodes a été abordé de manière passionnante dans cettesecondesession,enparticulierdanssapremièrepartie:lestroisanalysesdesdevenirsd’enfantsdemilitants,toutesfondéessurl’usaged’entretiensavecdes«enfants»devenusadultes,posaienteneffetlaquestiondel’appréhension a posteriori des processus de la socialisation enfantine. Des «ficelles» visant à réduire lesrisquesdereconstitutionfacticedecesprocessusontétéavancéesparC.Mascletetontétédefaitmisenœuvre dans sa recherche sur les enfants de féministes comme dans celle de J. Hivertsur les enfants demilitants marocains: dans les deux cas, l’enquête a reposé sur la conduite d’entretiens appariés parents‐enfants(dansledroitfildestravauxd’AnnickPercheron),maisaussisurlacomparaisonentreenfantsd’unemêmefratrie.

ChristopheTraïniasoulignél’intérêtetlarichesseméthodologiquesdecesrecherches.Maisils’estinterrogédans lemême temps sur une «formede fascination pour un raisonnement causaliste» repérable dans cescommunicationssurlesenfantsdemilitants,unetendanceinattendueauregarddesapprochesinductivesetcompréhensivesutiliséesdanslestroiscas.C.Traïnimetenreliefàceproposl’intérêtdeprendreencompteles dispositifs, les pratiques, les formes de sociabilité et liens sociaux qui viennent «réactualiser» et«réactiver»,toutenlestransformant,lesdispositionsforgéespendantl’enfance.Cetyped’approchepermetde donner toute sa place à l’idée d’un individu actif dans sa socialisation, dans la lignée des travaux d’A.Percheron, et au travail incessant de tout individu pour se forger à partir d’héritages et d’expériencesmultiples vécus pendant l’enfance et l’âge adulte. Dans lemême sens, pour éviter les interprétations tropmécanistes et généralisantes des effets de la socialisation, C. Traïni a également évoqué la piste fécondereprésentéeparl’analysedeladimensionaffectivedelasocialisation,enparticuliersonambivalence(plaisirethonte,attiranceetrépulsion,etc.).L’ambivalencedessentimentsressentispendantl’enfanceàl’égardd’unefigureparentaleoud’unepratiquedonnée,est selon luiundesélémentspermettantde rendrecomptedel’effetdurabledecertainesexpériencesenfantines:desindividus«s’efforcent»de«résoudrecettetension»ouaucontraire«l’entretiennenttoutaulongdeleurexistence».

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Lesdeuxdiscutantsontavancéd’autrespistes,quipeuventellesaussiconcouriràcomplexifierleregardsurlasocialisation enfantine. Tout d’abord, chacun de manière spécifique, C. Traïni (à propos des féministesdevenues ensuite «mères de famille») et G. Bozec (en évoquant de manière générale l’évolution dans letempsdesrelationsentreparentsetenfants)ontfaitremarquerl’intérêtdeprendreencomptedansl’analyselesdevenirsdesparents.CepointaétéabordédanslacommunicationdeJ.Hivert,quianalysaitlecasd’unefratrie ayant vécu pendant l’enfance le désengagement militant du père et l’instauration de normes plusconformistesdanslaviefamiliale.Maisilconviendraitd’exploitercettepistedemanièresystématiqueetdansune temporalité plus longue. Cela semble indispensable d’abord parce que les pratiques et attitudesparentales ne restent pas fixes au cours de l’enfance des individus, ensuite parce que les propos etpositionnementsdes adultes interviewés aujourd’hui sur leur enfance sontnécessairementmarquéspar cequ’ilsvivent,auprésent,danslesrelationsavecleursparents.

Une autre piste pour une appréhension complexe de la socialisation enfantine réside dans la comparaisonentremembresd’unemêmefratrie,dontl’utilisationplussystématiqueseraitriched’apports(J.HivertetC.Mascletsouhaitantd’ailleursallerplusloindanscettedirection).Cetteapprochecentréesurlafratriepermeten effet de faire la part des héritages communs, des facteurs de différenciation intrafamiliaux pendantl’enfance (selon le sexe et le rang de l’enfant) et des différences liées aux trajectoires et expériencesindividuelles. Elle serait un des moyens pour avancer dans la voie d’une sociologie attentive aux «plissinguliersdusocial»(B.Lahire).

Autotal,lesdeuxsessionsontfaitbienplusquerépondreauxattentesquenousavionsaudépartenlançantl’appelàcommunications.Nonseulementellesontcontribuéàrelancerlaréflexionsurunobjetderechercheactuellementenpleinrenouvellement,maisellesontconsidérablementenrichileregardportésurcetobjet.Tant par les travaux présentés que par les réactions qu’ils ont suscités, la ST a mis en relief de manièreunanime l’intérêtd’uneapprochemultidimensionnelleetcomplexede lasocialisationenfantine,prenantencompte lesrôlesparentauxetenfantinsdifférenciés, lesmultiplesélémentsde l’expériencedes individusetleurcombinaisonsingulière(rapportsdegenre,trajectoiressociales,dimensionreligieuse,etc.)ainsique lesévolutionsdansletemps.

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ST36Ladivisiondutravailexécutif.

Distribution,différenciationetappropriationdespostesexécutifs

NicolasBUÉ(UniversitédeNice‐SophiaAntipolis/ERMESetCERAPS)[email protected]

NicolasKACIAF(UVSQ/VIPetCERAPS)[email protected]

Inscritedansuneperspectivedesociologiedesélitespolitiques,cettesectionthématiquepartaitduconstat de la faiblesse des travaux consacrés aux logiques de distribution, de différenciation etd’appropriationdespostesexécutifs,àl’échellenationaleoulocale.Ils’agissaitdequestionnerladivisiondutravail exécutif et plus précisément d’analyser les modalités différenciées de conquête et d’exercice dupouvoirselonlessecteurssurlesquelslesgouvernantsexercentleuremprise(duBudgetauSport,enpassantpar l’Intérieur, les Affaires étrangères ou l’Education). Deux problématiques structuraient l’appel àcommunication:d’uncôté,interrogerlaplacedesdifférentspostesexécutifsdanslestrajectoiresetcarrièrespolitiques;de l’autre,analyser les rétributionsassociéesspécifiquementauxportefeuillesexécutifs.L’enjeuétait alors d’observer la diversité potentielle des pratiques de patrimonialisation et de reconversion desressourcesqu’apportel’exercicedupouvoir.

L’appel à communication invitait explicitement à investir ces thématiques, quels que soient lescontextes sociohistoriques, les configurations nationales et les échelles territoriales. La rareté despropositions reçues ainsi que la focalisation des travaux sur le cas français (aux échelles nationale etmunicipaleexclusivement)sont,certes,venuesconfirmerquecetobjetdemeure,pour l’heure,sous‐investi,maisellesontheurtél’ambitioncomparatistequenoussouhaitionsapporteràcettesectionthématique.Aufinal, nous avons décidé d’organiser la distribution des six communications autour de deux axesconvergents.Nous avons regroupé, d’une part, trois interventions relatives aux formes de légitimation etd’appropriationdifférenciéesdespostesexécutifs(AudreyFreyermuth,IgorMartinacheetNicolasKaciaf)et,d’autre part, trois contributions soucieuses d’objectiver statistiquement les logiques de distribution despostesexécutifsenfonctiondespropriétéssocialesetdescapitauxpolitiquesdesindividusquiaccèdentàcespositions (Michel Koebel, Gilles Riaux, Valentin Behr et Sébastien Michon). Les auteurs ont pu disposer,chacun,d’unevingtainedeminutespourprésenterleurstravaux,avantd’êtrediscutésparlesorganisateursde la ST et d’engager des débats rendus fructueux par les nombreuses résonnances, théoriques etméthodologiques,entrelesdifférentspapiers.

Danssonintroduction,NicolasBués’esttoutd’abordefforcédemettreenperspectivecesrecherches

en les confrontant aux principales conclusions et points aveugles de la sociologie des élites politiquesfrançaiseetinternationale.Rappelantquecestravauxs’étaientpourl’heureprincipalementconcentréssurlestraitscommunsdela«classepolitique»,ilaconstatéquelescritèresdedifférenciationdupersonnelpolitiqueconcernaient principalement les variables d’appartenance partisane, de sexe ou d’origine sociale, sansvéritablementprendreencomptelanatureetlesecteurd’actionpubliquedespostesexécutifsauxquelscesindividuspouvaientaccéder.

Les communications de la première session ont fourni les premiers éléments de réponse à ces

questionnements.Adoptantuneperspectivemajoritairementqualitativeenraisondufaiblenombredeprofilsindividuelsanalysés, cescommunicationsontpermisdedonnerunevision finedes logiquesd’accèsàdeuxtypesderesponsabilitéexécutiveainsiqu’auxbaromètresdepopularitépolitique.IgorMartinacheaainsipumontrerlecaractèrespécifiquedurôledeministre(ousecrétaired’Etat)dessports,fréquemmentoccupépardes profanes issus de la société civile – à commencer par d’anciens professionnels du sport – ou par desprofessionnels de la politique en situation marginale au sein du champ politique (depuis 1988, tous lesministres des sports sont, soit d’anciens sportifs, soit des femmes, soit les deux). Ce faisant, il a montrél’importance de ressources spécifiques, sportives notamment, pour accéder à la tête de ce départementministérielparticulier,àcôtéouàlaplacedesressourcesproprementpolitiques.L’efficacitédecesressourcessecomprendnotammenten raisonducaractèredépolitisédesactivitésdeceministère.Lacommunication

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d’Audrey Freyermuth, consacrée aux adjointsmunicipaux en charge de la délinquance et de la sécurité, acorroboré ces résultats. A partir de l’étude des profils d’adjoints de 22 villes, elle a confirmé que desressources «techniques» peuvent favoriser l’accès à ces rôles exécutifs, complémentairement ouconcurremment aux ressources «politiques». Nombre d’adjoints ont ainsi exercé, dans leur vieprofessionnellepréalable, uneactivité en lien avec lesquestionsde sécuritéetdedélinquance.A l’échelonlocal,cetteexpérienceconstitueainsiuneressource.

Cesdeuxcommunicationsontouvertledébatsurl’autrequestiontransversaleàcettesession:celledesgratificationsetrétributionsquecespostesfournissaientà leurstitulaires. Ilenressortnotammentqueles acteurs dotés exclusivement de ressources extra‐politiques ne poursuivent que rarement une carrièrepolitique. Seuls ceux qui parviennent à faire fructifier leur activité exécutive pour acquérir des ressourcespartisanes et politiques y parviennent. La communication deNicolas Kaciaf, portant sur les baromètres depopularité politique élaborés par trois instituts de sondages (TNS Sofres, IFOP et Ipsos), a permisd’approfondirlesréflexionssurlesrétributionsliéesàl’occupationdespostesexécutifs.Ils’agissait,dansunpremiertemps,des’arrêtersurlesrésultatsdecesbaromètresetd’interrogerunéventuelimpactstructureldudomained’interventionsurlapopularitérespectivedesministres.Maisau‐delàdecetravaild’objectivationstatistiquequinepermetd’ailleursdemettreaujouraucunecorrélationsignificative,cesbaromètresméritentd’être analysés moins comme des outils administrant des preuves scientifiquement acceptables etimmédiatementmobilisablesparlechercheur,quecommedesconstruitsdontilfautidentifierleslogiquesdefabricationetlesusagesdansl’universpolitique.Laquestiondel’accèsmêmeàcesbaromètresimporteainsisansdoutedavantagequelaquestiondecequ’ilsmesurenteffectivement.

Plusieurs interrogations transversales ont animé la discussion qui a suivi. Une questionméthodologiquetoutd’abord:que laperspectivesoitqualitativeouquantitative, lecaractèremouvantdesfrontièresdesdélégationsexécutives(municipalesougouvernementales),desattributionsquiysontliées,deleur place dans la hiérarchie exécutive et de leur statut (autonomes ou rattachées à un autre domained’action)rendl’analysesystématiquedélicateetpeutameneràunécueilnominalisteconsistantàmettresurlemêmeplandeuxpostesexécutifsaunomidentiquemaisaucontenudifférent.Lestroiscommunicationsdecette session ont en effet montré que le traitement et la situation des différents ministères et postesd’adjointsvarientselonlesconjoncturesetlesconfigurations.Cettepremièrequestionaouvertladiscussionsur une seconde question: celle des découpages ministériels, au moment de la constitution des équipesexécutives.Cette interrogationestd’autantplussaillanteque leséquipessontpluripartisanes,comme l’ontmontré les nombreux travaux anglophones sur la formation des gouvernements de coalition, mais restegénéralementdélaisséedans lestravauxfrancophones.Lasessions’est terminéeavecunerichediscussion,initiéeparPatrick leLidecetPhilippeJuhem,soulignant ladiversitédesmodèlesde trajectoirespolitiques:tous les acteurs ne nourrissent pas les mêmes attentes et ambitions, et n’aspirent pas nécessairement àaccéderauxposteslesplusprestigieux,lesplusexposésoulesplusvisibles,cequicompliquel’analyse.

La seconde session a, quant à elle, rassemblée des travaux qui se sont efforcés d’objectiver

statistiquement les logiques d’accès aux postes exécutifs, en fonction de leur domaine d’interventionrespectif.Bienqueportantsurdesobjetshétérogènes(lesportefeuillesministérielsentre1986et2012pourValentin Behr et Sébastien Michon; les postes d’adjoints dans les villes moyennes françaises pour MichelKoebel; les commissions à l’Assemblée nationale pour Gilles Riaux), ces contributions ont permis destimulants échanges autour de l’exploitation et de l’interprétation des données ainsi collectées. Deuxquestions traversaient ainsi chacune des interventions: est‐il possible d’identifier des corrélation entre lanatureduportefeuilleexécutifetlescapitauxsociauxetpolitiquesdeleurstitulaires?Quelssontdelasorteles principes gouvernant la distribution et la hiérarchisation des postes? Au‐delà de ces interrogationsconvergentes, chaque communication était porteuse de problématiques singulières. Valentin Behr etSébastienMichonontainsiproposéunetypologiedescarrièrespost‐gouvernementalesafindedéterminersiladétentiondecertainsportefeuillesministériels favorise certains typesde trajectoire (ascensionpolitique,reconversiondansd’autreschamps,…).MichelKoebela,quantàlui,pumontreràquelpointlahiérarchiedesexécutifs municipaux reproduisait de façon quasiment pure la sélection sociale propre à laprofessionnalisationpolitique.Enfin,GillesRiauxabienmisenévidencelefaitquel’accèsàlacommissiondesAffairesétrangèresdel’Assembléenationaleétaitleproduitd’unereconnaissanceparlespairsàl’issued’unelonguecarrièrepolitique.

Au‐delà des enjeux de méthodes précédemment évoqués, la discussion a été guidée par trois

interrogationssuscitéesparlaconfrontationdecesdifférentstravaux.

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(1)Commentexpliquerqu’ilaitfalluattendrelesannées2010pourréinvestirlasociologiedesélitespolitiquesàpartird’approchesquantitativeslargementdélaisséeslorsdesprécédentesdécennies?Cetabandontient‐ilaudéveloppementde la sociologiede l’actionpubliquequi souligne lesmaigresmargesdemanœuvredesgouvernantsdans l’élaborationdespolitiquesgouvernementalesetainsi la faibleprévalencedespropriétéssocialesetorientationsidéologiquesdupersonnelpolitiquedanslesdécisionseffectivementmiseenœuvre?(2)L’objectivationstatistiquedes trajectoiresgouvernementalesn’évacue‐t‐ellepasuntravailplusqualitatifd’observation et d’analyse des tractations qui précède la distribution des postes et qui donnent à voir, ensituation,lesattentesrespectivesdespostulants,leursperceptionsdelarentabilitéassociéeàchaqueposte,leursconceptionsdesdécoupageslégitimes?D’oùuneinterrogationsubsidiaire:est‐ondansunesituationoùlesplusdotésencapitauxsociopolitiquesrevendiqueraient l’attributiondesportefeuillesquisontenamontconsidérés comme prépondérants ou bien ces portefeuilles deviennent‐ils prévalant dès lors que ceux quiprétendent y accéder seraient initialement les plus richement dotés? Pour dire les choses autrement, lahiérarchisation des postes repose‐t‐elle sur des facteurs «objectifs» (personnels administratifs, budgets,prestige)ou sur le statutdeceuxqui cherchentà les conquériret les conquièrenteffectivement?Au final,faut‐ilavanttoutmettreaujourlescorrélationsentrecapitauxsociopolitiquesetnaturedesportefeuillesouentre capitaux sociopolitiquesetordreprotocolaire (quelque soit les attributionsmisesprioritairementenavant)?(3) Au final, l’ensemble des contributions invite à réinvestir une question fondamentale de la philosophiepolitique:qu’est‐cequ’onbonministreouunbonadjointaumaire,brefunbongouvernant?Pourledireplussociologiquement, quels sont les critères de compétences jugés déterminants à l’intérieur du champ dupouvoir politique? Car si les réflexions sur lemétier politique interrogent surtout les vertus et ressourcesdéterminantespouraccéderaupouvoir,ellestendentfinalementàdélaisserl’enjeudesvertusetressourcesnécessaires pour exercer le pouvoir et/ou être perçu comme un bon gouvernant, et surtout à délaisser ledécoupaged’untelquestionnementenfonctiondesattributionsexécutives.

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ST38Letravailpolitiqueorientéverslesmédias

ClémentDESRUMAUX(CERAPS,Lille2)clement.desrumaux‐2@univ‐lille2.fr

JérémieNOLLET(LASSP,IEPdeToulouse)jeremie.nollet@sciencespo‐toulouse.fr

Limitée à une durée de 2 heures 45, la section thématique se donnait pour objet ce que les anglo‐

saxons nomment media‐driven politics, et que l’on traduit par travail politique orienté vers les médias. Ils’agissait d’analyser les conditions sociales en fonction desquelles les agents politiques ont recours auxmédias,ainsi quelespratiquesetlessavoir‐fairequ’ilsdéploientpourcefaire.Cequestionnementparcourtcertes de nombreux travaux de sociologie politique produits ces dernières années, mais il n’a jamais ététravaillé systématiquementenFrance.Cette situation trancheavec la sciencepolitique internationale,quiaété beaucoup plus prolixe. L’ambition de la ST était donc d’initier une réflexion collective entre politistes,spécialistesdesmédiasounon,intéressésàlamédiatisationdesactivitéspolitiques.

Lestroispremièrescontributionsdelasectionportaientsurlespratiquespolitiquesorientéesversles

médias.Pourcommencer,CarolineFRAUaprésentéunecontribution,tiréedesathèserécemmentsoutenue,sur la conversion progressive et flottante de la Confédération des buralistes de France au travail decommunication.Pourprotestercontre l’interdictiondefumerdans les lieuxpublics,cettedernièreorganiseune«manifestationdepapier»(pourreprendrel’expressiondePatrickCHAMPAGNE)dontl’organisationestconfiée à des prestataires de services, dans la mesure où les ressources médiatiques manquent à laConfédération. Cette tentative d’user de l’accès aux médias n’est pas couronnée de succès, puisque lecadrage journalistique échappe finalement aux organisateurs de la manifestation, cette attention accrueportée aux médias dans les actions mises en œuvre par les buralistes témoigne d’une transformation dumétier et desmodes d’action collective de ce groupe professionnel. Les deux contributions suivantes ontportésur lapartaccordéeà lamédiatisationdans lemétierpolitique.Apartirducasd’unsénateurChilien,Xavier ALTAMIRANO amontré comment l’accès auxmédias repose sur une expérience capitalisée au longd’une carrière, mais aussi sur un travail collectif réalisé avec ses assistants. Cette accumulation de capitalmédiatiqueviseiciàentretenirlecapitalpolitiqueaccumuléparcetancienministredepremierplan,lorsqu’ilquittelacoalitionaupouvoir.ChristianLEBARTs’estintéresséàunestratégieparticulièred’accèsauxmédiasparlesprofessionnelsdelapolitique:lesinvitationsdanslesmédiasàl’occasiondelapublicationd’unlivre.Apartir du cas de Bruno Lemaire, il a esquissé ce que pouvait être la «réputation» médiatique suite à lapublication de son ouvrage, ajusté aux attentes journalistiques en la matière (dévoilement des coulisses,excellencelittéraire…).

Philippe ALDRIN a entamé la discussion de la section en soulignant que ces trois communications

renversent la question de l’accès aux médias: plutôt que de prendre le point de vue des journalistes encherchant à comprendre les cadragesmédiatiques ainsi produits, elles se demandent comment les agentssociauxmettentenœuvredespratiquesetdesstratégiespourtenterd’accéderàdesarènesmédiatiques.Ilsoulèvecependantlaquestiondel’intentionnalitédetoutessespratiques.

La deuxième partie de la section est centrée sur les stratégies des agents politiques. Il s’agit

d’examiner en quoi l’accès aux médias permet d’évoluer dans le champ politique. Aïcha BOURAD a ainsidiscuté les rapportsentrecapitalpolitiqueetmédiatiquedans lecasde lacampagneprésidentielledeJoséBovéen 2007.Mobilisant lesoutilsde la sociologiewébérienne, elledétaille les ressortsde la constructioncollectiveducharismeprêtéàcecandidat.Toutefois,si lamédiatisationducandidatestunrelatifsuccès,saconversion en capital médiatique nefonctionne qu’à demi: il réalise un score très faible lors de l’électionprésidentielle,maisaccèdequelquesmoisplustardàunpostededéputéeuropéen.Enfin,PierreLEROUXetPhilippe RIUTORT ont analysé l’évolution des invitations à la télévision, dans des émissions dites de«divertissement»(nombre,typed’émission,etc.)deplusieursagentspolitiques(Jean‐FrançoisCOPE,ManuelVALLS)enfonctionde leurcarrière. Ilsproposentuneanalysefineendéconstruisant ladistinctionclassique

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entre émissions «politiques» et «divertissements», devenue peu opérationnelle avec l’hybridation desgenres actuellement à l’œuvre. Le volume et la nature de leur capitalmédiatique leur permet (ou non) denégocierdesinvitationsàdesémissionsplusoumoinsrémunératricesourisquées.

DelphineDULONGaprolongéladiscussiondescommunicationsautourdelaquestiondel’existence

ducapitalmédiatiqueetdesformesconcrètesdesonobservation.Al’issued’unediscussionricheautourdesrécentescontributionsaudébatscientifiqueproposéespar

Aeron DAVIS et Erik NEVEU, la section thématique s’est conclue sur une brève discussion quant auxperspectives futures.Unepublication thématiqueestannoncéeàcourt terme,ainsique l’organisationd’uncolloqueàmoyentermepourapprofondirlesquestionsabordéesparlescommunicant‐e‐setlesdiscutant‐e‐s, notamment celle du capitalmédiatique (son accumulation, sa conversion en capital politique…), qui estrevenuedefaçonrécurrentedanslesdiscussionsetmériteraituneréflexionplusapprofondie.

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ST41(RC20IPSA)Financementpolitiqueetcorruptionpolitique

PoliticalFinanceandPoliticalCorruption

JonathanMendilow(RiderUniversity)[email protected]

EricPhélippeau(InstitutdesSciencessocialesduPolitique‐ISP/CNRSUniversitéParisOuest‐NanterreLaDéfense)

eric.phelippeau@u‐paris10.frConsidérationspratiquesgénéralesInitialement,37interventionsétaientprévueset29ontfinalementeulieu.Enadditionnantlesintervenantsetles participants, les panels ont constamment rassembléde 25 à 30personnes. Peud’extérieurs sont venusassisterenauditeurslibresauxsessions(quelquesBelges,notamment).LaST41adoncessentiellementréunidesmembresduRC20del’IPSA,maisleurassiduitéaétéhaute(comparativementaucongrèsdeMadrid, leconstat est net, alors que Paris offrait par ailleurs bien des opportunités touristiques aux collègues venusparfoisdeloin).Les participants ont été particulièrement sensibles à l’accueil qui leur a été réservé par l’AFSP. Ils ontunanimement loué l’organisation du Congrès, apprécié la mise à disposition de la salle du CERI et étéenthousiasmés par la réception dans les salons de la Présidence de l’Assemblée. Tous conserveront unexcellentsouvenirdeleurséjourparisiendanslecadredeceCongrèsdel’AFSP.ContenuscientifiquedessessionsComme d’habitude, les communications ont permis de couvrir un large éventail de problèmes et d’enjeux(coûtsassociésauxcampagnes,cartellisationetre‐ploutocratisationdujeupolitique,poidsdesfinancementspublics, définition etmesurede la corruption, limites des catégories légales et dimensions culturelles de lacorruption,rôledelasociétéciviledanslalutteanti‐corruption,miseenœuvrededispositifséthiques,etc.),àpartird’étudesdecasellesaussitrèsdiversifiées(Espagne,Italie,France,Autriche,Russie,Corée,Etats‐Unis,Chine,Canada,Pologne,Macédoine,Inde,Europe,Asiedusudest,mondeArabe).Les débats engendrés dans le prolongement des communications furent toujours très soutenus, parfoispolémiques, et les responsables de séances durent souvent les abréger pour pouvoir enchaîner dans lestempslesdifférentspanels.Atitred’illustration,dericheséchangessenouèrentautourd’uneinterventionenfaveur de la dérégulation du financement des campagnes électorales, où plusieurs spécialistes américainsfurent nombreux à présenter des arguments en contradiction avec cette option. D’autres interventionsnourrirentégalementdericheséchangesautourdelathèseduparti‐cartel,pournuancercetteapproche.LeRC20 a également pu tenir son «businessmeeting» et commencer à se projeter dans l’organisation duCongrèsdeMontréaletdesonmeetingintermédiairequiprendraplaceentreMontréaletIstanbul,mêmesipourlemomentlelieudecetteréunioninter‐congrèsn’apasencoreétéarrêté.SuiteséditorialesdessessionsLeresponsableduRC20aconfirmésonsouhaitd’éditerunouvragecollectifautourduthèmedelacorruptionpolitique en 2014. Il a déjà recueilli plusieurs propositions d’articles de membres du RC en ce sens. TroisFrançaisétaientprésentscomme intervenantsdans lecadrede laST41.Toussont repartisavecdesprojetséditoriauxdepublicationenaméricainàcourtterme.

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ST45Organisationsinternationalesetacteursnonétatiques:

versdenouvellespratiquesdémocratiquesdansl’espaceinternational?

OlivierNAY(UniversitéParisIPanthéon‐Sorbonne)[email protected]

DelphineLAGRANGE(SciencesPoParis)delphine.lagrange@sciences‐po.org

La ST 45 a réuni une dizaine de présentations de chercheurs venus d’horizons divers (doctorants, post‐doctorants et chercheurs plus expérimentés, en France ou à l’étranger), travaillant sur les organisationsinternationaleset lesacteursnon‐gouvernementaux intervenantà l’échelle internationale.L’undes intérêtsde la ST 45 était de poursuivre un dialogue entre des traditions disciplinaires qui, depuis quelques années,tententdecroiser leursperspectivespour renouveler l’étudedesorganisations internationales.Ainsi,a‐t‐onpu rassembler des cadres intellectuels et des méthodes issus de sous‐disciplines comme les relationsinternationalesetlasociologiepolitique.Au‐delà de leur diversité, les contributions avaient été sélectionnées pour les solides enquêtes empiriquesmenées par leurs auteurs. Elles ont nourri, au cours des deux sessions, une discussion théorique généraleautourdedeuxaxesmajeurs:

‐ les formes diverses de mobilisation et d’intervention des acteurs non‐gouvernementaux dans lesarènesmultilatérales,notammentàpartirderéflexionssurlesstratégiesd’actionetsurlesdispositifsparticipatifs,consultatifsoupartenariauxmisenplacecesdernièresannées.

‐ L’institutionnalisation de nouveaux mécanismes de représentation dans les arènes multilatérales,notammentlesquestionstouchantàlasélection,l’enrôlementetlalégitimationdesacteursorganiséshabilitésàparleraunomd’intérêtssociaux.

D’unemanièregénérale, lesdiscussionsontpermisdes’interrogersur lesdynamiques inter‐institutionnellesetlesconfigurationscomplexesquipermettentlarencontreentrelesEtatsetlesadministrationsformantlesorganisationsinternationalesd’unepart,lesintérêtssociauxetlesintérêtsdumarchéd’autrepart.D’uncôté,elles ont montré que les organisations internationales par leur nécessaire ouverture aux acteurs non‐gouvernementaux, leur inscription dans des PPP et le renforcement de leur dépendance à leurenvironnement,apparaissentdeplusenplusperméablesauxrèglesetnormesquidominentd’autresespacesinstitutionnels. De l’autre, elles se sont interrogées sur les organisations internationales comme espace deproductionet dediffusiondesnormes, règles, instruments et savoirs qui ontdes effets sur les répertoiresd’actiondesacteursnon‐gouvernementaux,maisaussisurleurlégitimitédanslesréseauxinternationaux.Ce congrès a permis enoutre de lancer un groupede travail qui sera amené à développer ces sujets dansd’autresenceintes(congrèsàl’étranger)etformats(unepublicationestàprésentenvisagée).

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ST46Laglobalisationàl’aunedugenre:versunesociologiepolitiquedela

promotioninternationaledesnormeségalitaires

DelphineLACOMBE(IRIS‐EHESS)[email protected]

ElisabethMARTEU(SciencesPoParis)elisabeth.marteu@sciences‐po.org

Lasectionthématiqueproposéeaucongrèsdel’AFSPapermisd’approfondircollectivementdesquestionsderechercheinclusesdansunprojetlancéilyaprèsdequatreannées,etaujourd’huifinancéparl’ANR(projet«globalgender2013‐2016»),surlesrapportsentregenreetglobalisation.Ceprojetinterrogelamanièredontlegenreestdevenuglobalisé,c’est‐à‐direunecatégorieconceptuellenormativeetàprétentionglobaledestinéeàconstruiredescadresd’actionvisantàplusd’égalitéentrelessexesetàunereconnaissancedeladiversitésexuelle.Alorsque l’ONUa jouéun rôlemajeurdans l’édificationdenormes systémiques concernant le genre,maisaussi dans la bureaucratisation et la standardisation de cadres d’actions sur le genre, nombre d’acteursdiversifiés se sont saisis de cette donne internationale. Ils ont (re)configuré à de multiples échelles despratiques, des savoirs, des schèmes d’action aujourd’hui connectés entre eux, non sans effets ambigus: lalégitimationrelativedesagendasliésàladiversitésexuelleetl’égalisationdesconditionsentrelesfemmesetleshommesacoexistéavecdeseffetsambigusetparadoxaux.Nombrederecherchescritiquesontmontrécommentàlafoislabureaucratisationetlaroutinisationdugenre(commecatégoried’interventionpublique)avaitpurimeravecladépolitisationd’uncertainnombredeluttesféministes, avec la neutralisation du concept de genre lui‐même. De même ont été soulignés les usagesinstrumentaux du genre et des politiques égalitaires, parfois pour renforcer par ailleurs d’autres principeshiérarchiquesclassistesetracistes.Nousavonsdansl’appelàprojetrappeléquelquesquestionsrécurrentesquianimentdepuisquelquestempsmaintenantlesdébatsscientifiquesetpolitiquessurlesmodalitésdeceprocessusglobalisant, sur les contrainteset les ressourcesqu’ilpeutprésentervis‐à‐visdes sociétés civiles,desinstitutionspubliquescommedesorganisationsprivées:L’institutionnalisationinternationaledugenrea‐t‐elleriméavec lastandardisationdesactionset l’uniformisationdessavoirs?Quellescontraintesetquellesressourcesa‐t‐elleengagépourlesmobilisations?A‐t‐elleconduitlesEtatsàserevendiqueràpeudefraisdel’égalitéfemmes‐hommesoudurespectdesdroitsdes«minorités»sexuellestoutenrenforçantdesrapportsdepouvoir,desambitionsnationalistes?A‐t‐ellerenforcélesdispositionsetlesaspirationshégémoniquesdepays producteurs de politiques dites de genre? Cette même question vaut‐elle au sujet des mobilisationsféministes?Lasectionthématiquevisaitàexplorerunehypothèse: lapromotioninternationaledenormescentréessurl’égalitédessexesn’estnilinéaireniunidirectionnelle.Elleserecomposeselondesprocessushybrides,certestraverséspardesrapportsdepouvoir,oùstratégiesetdiscoursseréinvententselondesenjeuxetdesdébatslocalisés.Elleprendappuiaussisurdesmodesdecirculationsdessavoirsetdeproductiondesconnaissancesqu’ils’agitdedocumenteretd’expliciter.Cettesectionthématiqueapermisd’explicitercesprocessusàpartird’études de cas, de réfléchir aux défisméthodologiques que supposent des enquêtes visant tout autant àretracerdesphénomèneslocalisésqu’àsaisirsociologiquementdesphénomènestransnationauxetglobaux.La première partie de la section thématique nous a permis d’analyser les conditions de productions et decirculations des savoirs ainsi que les formes pratiques de transnationalisation desmilitances, à l’appui desexposésdeFannyMazzone,deSperantaDumitru,deSophieLhenryetd’ElisabethHoffman(voirrésumésdecommunications). Lesdeuxpremièresprésentationsontpermisdediscuteravec IoanaCîrstoceaetcollectivementdesmodesdeconstructionsocialedelacirculationdesidéesféministes,vialafabriqueéditorialespécialiséed’unepart,via, d’autre part, la question de la diffusion et du saisissement de critiques féministes sur les dimensions

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genrées des phénomènesmigratoires et les pièges conceptuels dont celles‐ci peuvent être porteuses. Lestroisièmeetquatrièmeprésentationsontpermisrespectivementderéfléchirauxconditionsdeconstructionetdeconsolidationdesféminismesqualifiésd’hégémoniqueàtravers l’expériencede l’exil,età lafabrique,parfois artificielle et reproductrices de rapports de pouvoir, de la transnationalité militante à partir del’organisationdeforamondiauxféministes. Lasecondepartiedelasectionthématique,nourriepar lestravauxdeMarieSaiget,deMélissaNayraletdeSophiePochic,nousaconduitàdresserdespistescommunesd’analyseayanttraitàlaco‐productionetauxtransferts de normes, et aux saisissements localisés du genre comme concept et comme support denombreux cadres d’actions (voir résumés de communications). De la place de la parité dans la structurepolitico‐partisanedeNouvelleCalédonie,auxconditionsdemiseenœuvrede l’égalitéprofessionnelledansune multinationale et ses filiales européennes, en passant par la structuration de la société civile et desinstancesétatiquessurlespolitiquesfoncièresagricolesauBurundi,ils’estagid’aborddecernerensemblelesproblèmesméthodologiquesquesupposaitl’appréhensiondephénomènesglobauxsaisiauxéchelleslocales,etplusgénéralementdesdifficultésdedélimitationdesobjetsderecherche. Commepour lapremièredemi‐journéede travail,nousavonsétéamenéesàaccorderunpoidscentral aux«passeuseset passeurs, traducteur/trices» des mobilisations ou des politiques ayant trait au genre, et àsouligner l’intérêt pour une sociologie fine de leur trajectoire, ainsi que pour l’utilisation d’une approcheprosopographique. Second axe transversal exploré: la question des dimensions proprement juridiques despolitiquesétudiées.Eneffet,ilapparaîtquelanormepremière,cibledesdébatsetdesmobilisationsresteledroit (ici droit électoral, droit foncier, droit du travail) et que cette dimension, pourtant requérant le plussouvent des compétences spécialisées, ne peut nullement être évacuée. De même l’approcheorganisationnelle,amenantàpenserlesorganisationscomme«unconstruitdel’actioncollective»,associéeaux perspectives méthodologiques de la sociologie du travail ont été soulevées comme étant des leviersfécondsderecherchepourmieuxcernerlesanalogiesentrelemondeentrepreneurialàbutlucratif(cf.travailde Sophie Pochic) et le monde entrepreneurial associatif récipiendaire des bailleurs de fonds dudéveloppement(cfMarieSaiget).Sil’associationoul’ONGn’entrepasàproprementparlerdanslalogiqueduprofit,elleestnéanmoinssous tenduepardes formesde régulationdirectementempruntéesà l’entrepriselucrative:misesenconcurrence,hiérarchies internes, spécialisationet segmentationdes causes fontpartiedes dynamiques qui l’animent. Le féminisme critique de la dépolitisation des mouvements de femmes auprétexte de la professionnalisation desONGet de ses salariées a tôt fait d’analyser ces dynamiques.Nousavonsprolongéiciladiscussionenmettantl’accentsurlaquestiondeladocumentationfinedecesprocessus.Enfin,etpartantdecesderniers thèmesdediscussion,nousavonsdébattu desconditionsde l’articulationentreunesociologiedelaglobalisationdugenreetunesociologiematérialistedelaglobalisationnéolibérale.

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ST47Lesfonctionssymboliquesdesorganisationsinternationales

DelphinePLACIDI‐FROT(UniversitédePoitiers)

delphine.placidi@univ‐poitiers.frFranckPETITEVILLE(IEPGrenoble)

[email protected] organisations internationales remplissent des fonctions diverses selon les théoriciens des relationsinternationales: coordination des intérêts nationaux des Etats pour les auteurs réalistes, réduction del’incertitudedans lestransactionsentreEtatspour les institutionnalistes,socialisationdesacteursautourdenormes partagées pour les constructivistes. Dans ces approches, la dimension proprement symbolique desfonctionsaccompliespar lesorganisations internationalesaétéunpeunégligée.L’objectifdecetteSectionthématique était donc précisément d’interroger la production par les organisations internationales de«symbolessignifiants»sousformedenormes,mythes,rites,croyances,récits,discours,hymnes,emblèmesouimages.Etudiantlafabriquedel’identitésymbolique«peuplesautochtones»àl’ONUvial’adoptiondelaDéclarationdesNationsUniessur lesdroitsdespeuplesautochtonespar l’Assembléegénéraleen2007, IrèneBellieretVeronica Gonzalez ont montré comment le mouvement autochtone international et l’ONU se légitimentmutuellement, en provoquant un double «processus d’indigénisation de quelques espaces de l’ONU etd’institutionnalisationdesquestionsautochtones».Lacauseautochtonetrouveeneffetàl’ONUl’expressiond’une «voix collective» renvoyant à l’affirmation d’une «communauté globale autochtone» («Nous lespeuplesautochtones…»)quifaitéchoaupréambuleuniversalistedelaChartedel’ONU.Cetypedeproductionsymboliqueàl’ONUest‐illiéàlarecherched’unpositionnementdela«marqueONU»dansununiversdeplusenplusconcurrentielde lasolidarité internationale?C’estcequetendàmontrer lacommunication d’Isabelle Lebreton. En cherchant à sortir des apories de sa communication traditionnelle(catastrophismehumanitaire,«languedebois»),etenserapprochantdumondedel’entreprisevialeprojetGlobalCompact,l’ONUseconvertirait,lentementmaissûrement,àdesstratégiesde«branding»empruntantausecteurprivélestechniquesetlelexiquedumarketing.L’ONUygagneraitunsurcroîtdevisibilité,aurisquedelissersonimageet«d’éluderlaconflictualitéinhérenteàlaviepolitiquemondiale».C’est à une conclusion proche qu’est parvenue Lucile Maertens, en étudiant la dimension symbolique del’actionde l’ONUdans le champde la sécuritéetde l’environnement.Ellemontreeneffetque lapolitiquesymboliquede l’ONUestunepolitique«sansdents»,qui luipermetsurtoutderetirerde l’agendapolitiquemondialdesenjeuxsensibles.CeseraitainsilecasduHCRjouantunrôlesymboliquedesubstitutiondesEtats(quisedégagentainsideleursobligationsd’asileàl’égarddesréfugiés),maisaussiduPNUEdontlafonctionsymboliqueestexactementinversedelamodestiedesonbudget,ouencoredesopérationsdemaintiendelapaixde l’ONUdont lesrésultatsenmatièredesécurité internationalesonttrèsrelatifsmaisquipermettentd’éloignerunconflitarmédel’agendainternationaldès lorsquel’ONUassumelafonctionsymboliquedela«gestion»dececonflit.S’agissantde l’Unioneuropéenneetdeses fonctionsdesécurité,DelphineDeschaux‐Beaumeaboutitàdesrésultatssimilaires.Danslamesureoùlapolitiquedesécuritéetdedéfensedel’UEn’apaspourvocationdedéfendre le territoireeuropéenetoù les interventionsmilitairesde l’UEdemeurent limitéesdepuisdixans,cette politique agit surtout selon elle comme un «substitut symbolique». L’abondante diplomatiedéclaratoiredesreprésentantsdel’UEetlenouveaudispositifinstitutionnelélaboréparletraitédeLisbonnecontribuenteneffetàforgersonidentitésurlascèneinternationale,etpromeuventuncadredesocialisationdiplomatique qui se heurte toutefois à des cultures nationales de sécurité hétérogènes, y compris entre laFranceetl’Allemagne(représentationsdivergentesdela«puissanceeuropéenne»,durapportauxEtats‐Unisetàl’OTAN,etc.).

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MarineGuillaumeaanalysélacapacitédel’ONUàproduiredessymbolesenmesured’influencerlespratiquesde guerre des Etats. Pour ce faire, elle a comparé le rapport Goldstone (2009) et le Protocole III de laConvention on Certain ConventionalWeapons (1980) visant à limiter l’utilisation des armes incendiaires. EllemontrequeceProtocole,élaborépouréradiquerl’usagedunapalmaprèslaguerreduVietnam,résulted’unestratégiedestigmatisationdecettearmepar l’ONU, initiéenotammentpar leSecrétairegénéralU‐Thant.Atravers l’«opprobre symbolique» attachée aunapalm, cette stratégie apermisde condamner la guerreduVietnamcommeuneguerreinjuste.Acontrario,lafindenon‐recevoiropposéeparlegouvernementisraélienaurapportGoldstoneet les faiblessuitesqui luiontétédonnéesauseinmêmede l’ONUmontrentque lesproductionssymboliquesdel’ONUsurlespratiquesdeguerredesEtatspeuventaussiéchouer.L’enjeude la régulationdesdrogues,étudiéparJulianFernandez,estaucœurd’autresenjeuxsymboliquesdans la mesure où les organisations internationales compétentes (Organe international de contrôle desstupéfiants,OfficedesNationsUniescontre ladrogueet le crime), chargéesde faireappliquer lesgrandesconventions internationales(1961et1988notamment),sontenquelquesorteprisesenétauentre lesEtats(Etats‐Unisenpremierlieu)quiontinventéla«guerrecontreladrogue»etstigmatisentdes«narco‐Etats»,et lescommunautés indigènesquirevendiquentundroitancestraletculturelà laconsommationdeplantescommelacoca.Au cœur de la fonction symbolique des organisations internationales se trouve également leur productionintellectuelle,danslaquellelechiffreestomniprésent:BenoîtMartinmontreainsicommentlesorganisationsinternationalesmettent lemondeenchiffres,etàquelpointcettefonctionstatistiqueesttoutsaufneutre.Les statistiques produites par des organisations internationales aboutissent notamment à des effets declassement international (ranking) et à des effets de naming and shaming qui laissent rarement lesgouvernementsindifférents.L’AIEAaenfinfaitl'objetdedeuxcommunicationscroiséesauseindelaSectionthématique.Proposantune«analysenon fonctionnalistedecertaines fonctionssymboliquesde l’AIEA»,FlorentPouponneauvoitdanscette organisation internationale un «symbole de la communauté internationale», dans la mesure où«l’image de l’expertise indépendante et les procédures de décision collective de cette organisationinternationaleparticipentàlalégitimationd’unordreinternationalfaitdesolidaritéetd’interdépendance».Ilmontrenéanmoinsquecestatutsymboliquede l’AIEApeutêtreremisencausedès lorsque l’institutionsetrouveprisedansdesconflitsdiplomatiquesentreEtats(divergenced’approchedudossiernucléaireiranienentreladiplomatiefrançaiseetladiplomatieaméricainenotamment).PaulineSégardsoulignequantàellelescontradictionsetlesincohérencesdel'AIEAbrouillantlaconstructionde son «capital symbolique». L'Organisation diffuse en effet «une certaine conception de la paix et de lasécurité étroitement liée à la gestion de l'énergie nucléaire» et constitutive d'un ordre international«résolumentlibéral»puisqu'ilreposesurlamiseenoeuvred'unecoopérationtechniqueentreEtatscensésfavoriser le développement économique grâce à l'utilisation de l'énergie nucléaire. Or l'AIEA est enmêmetemps fondéesurune inégalitédedroit inhérenteauTNPdontelleest lagaranteetquidistingue lesEtatsdotésdel'armenucléaireetdeceuxenétantdépourvus.

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ST48Lesdiplomatiesdespaysémergents

MélanieALBARET(Universitéd’Auvergne)[email protected]

DelphineALLES(RouenBusinesssSchoo)[email protected]ématiquesur lesDiplomatiesdespaysémergentsétaitproposéepar l’axederecherchesur lesSudsdans lemultilatéralisme,dans le cadreduGroupedeRecherches sur l’ActionMultilatérale (GRAM)del’AFSP.Leprincipalobjectifdecepanelétaitdemettreenregarddestravauxàdimensionempiriqueportantsurdifférentsterrainsderecherche,afinded’analyserdemanièrecomparative lescaractéristiques–réellesousupposées–del’émergenceetsonimpactsurlespratiquesdiplomatiquesdesEtatsainsiqualifiées.Deuxquestionnementsguidaientlechoixdestravauxprésentéslorsdecettesectionthématique:celuidesavoirsiles instruments, acteurs et pratiques des diplomaties des pays émergents sont marqués par des traitscommuns,spécifiquesauxEtatsrécemmentaffirméssurlascèneinternationale;etceluidecomprendrelesconséquences de ces éventuelles postures et stratégies diplomatiques sur la configuration du systèmeinternational.Lesorganisateursdelasectionsefélicitentdunombreetdelaqualitédespropositionsreçues,regrettantaposteriori de n’avoir pas prévu l’organisation de deux panels qui auraient permis de retenir davantage decommunications et d’approfondir les échanges sur le fond. Lamajorité des propositions reçues portait surl’Asie,cequis’esttraduitparunesurreprésentationdececontinentparmilestravauxprésentés.Lecritèredeladiversitégéographiqueanéanmoinsétéprivilégiépourconstituerlepanel:parmilesseptcommunicationsprésentées,deuxoffraientuneperspectivedifférentesurladiplomatiechinoise(celled’AliceEKMANsurles«Pratiques et institutions de la diplomatie chinoise à l'heure de la professionnalisation : une approchecomparée pays émergents – développés» et celle d’Antoine BONDAZ sur les «Perspectives diplomatiqueschinoises sur les BRICS») et une sur l’Inde (présentée par Folashadé SOULE‐KOHNDOU, sur «Le rôle desforumsIBASetBRICSdansladiplomatied’émergentdel’Inde»).Lesautresairesrégionalesétaientabordéespar Elodie BRUN («Les émergents latino‐américains et les stratégies Sud‐Sud»), Hilaire de Prince POKAM(«LesdiplomatiesdespaysémergentsenAfrique:lecasdelaChineetduBrésilenversleCameroun»),GillesBERTRAND («Turquie : dix ans après l’arrivée au pouvoir de l’AKP, une puissance émergente ?» et AnaïsMARIN(«Émergents,autoritaires…etinfluents?Analysecomparéedupouvoirdenuisance‘dictaplomatique’dedeuxautocratiespostsoviétiques(BélarusetAzerbaïdjan)»).Loindeselimiteràuneinterprétationétroite– et d’ailleurs contestée – de l’émergence, il s’agissait en effet d’intégrer aux réflexions la question de ladéfinitionetdelapertinencedecettecatégorieauxcritèresetfrontièresfluctuants.Laquestionad’ailleursétésoulevéeduregardportésur lesEtatsqualifiésd’émergents, invitant les futurstravauxsur lesujetàsedécentrerdavantagedanslamesureoùl’usagedecequalificatifsemblesouvents’apparenteràunemiseenavantdel’incomplétudedesprocessuspolitiquesoudestechniquesdiplomatiquesdecesEtats.Alimentés par les réflexions des discutants, Guillaume DEVIN et Carlos MILANI, et d’un public nombreuxtémoignantde l’intérêtsuscitépar laquestionde l’émergenceautantquedesoncaractèrecontentieux, lestravauxprésentésontpermisd’approfondirlaconnaissancedescasétudiésmaisaussidefaireémergerdespistesderéflexiontransversales,quiconvergentversuneremiseenquestionde l’idéed’unesingularitédesdiplomatiesdesEtatsditsémergents.Troisniveauxd’analyseapparaissentpertinentsàcetégard:laquestiondesoutilsdiplomatiquesmobilisés(àreboursdesaffirmationssuivantlesquellesl’émergencevientrenouvelerces outils, les exemples développés tendent à souligner la mobilisation d’outils diplomatiques classiques,appuyéssuruneconceptiontraditionnelledesrelationsinternationales);lespostures(lechoixd’entrerdansdes relations de coopération ou de confrontation prend essentiellement sa source dans des calculspragmatiquesvisantàéviterleconflitouàl’instrumentaliser);etlespratiquesdiplomatiques(privilégiédanslesdiscoursetmisenœuvrenotammentparl’intermédiairedesalliancesouforumsdecoopérationdutypeBRICS ou IBAS, le multilatéralisme est perçu comme un instrument diplomatique au service de relationsbilatérales). L’émergence, loin d’entraîner un renouvellement des relations internationales, signeraitfinalementunajustementdespratiquesdiplomatiquessurlesnormesdominantlesystèmeinternational.

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Ces remarques laissent ouvert un agenda de recherche appelant le développement de perspectives socio‐historiques, susceptibles de mettre en évidence de manière plus suggestive les évolutions des pratiquesdiplomatiquesàl’échellemondiale,afindecomprendresilesphénomènesdechangementdanslesrelationsinternationales,notammentlesorganisationsinternationales,peuventêtrecorrélésaveclesévolutionsdelarépartitiondesressourcesdiplomatiquesauplanmondial.

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ST49Puissanceémergentes,institutionsglobalesetgestiondecrises

YvesSCHEMEIL(Institutd’EtudesPolitiquesdeGrenoble,UMRPACTE/CNRS,IEP,UJF,UPMF)

yves.schemeil@sciencespo‐grenoble.frClaraEGGER(Institutd’EtudesPolitiquesdeGrenoble,UMRPACTE/CNRS,IEP,UJF,UPMF)

[email protected] ST avait pour objectif d’évaluer les changements dans l’offre institutionnelle globale et dans leprocessusdecréationdenormesinternationalesinduitsparlesinitiativesnouvellesdepuissancesmontantes(cellesqui,selonladéfinitionpréalabledeL.Bélanger,constituent«uneclasserestreinted’Étatscapables,enraison de leur capacité d’altérer unilatéralement la structure des gains de la coopération, d’instiguer desrégimesinternationaux»).Lespuissancesmontantesdoiventpourméritercetitreavoirplusieursattributsdelapuissanceglobale:siègepermanentauCS(ou,pourl’IndeetleBrésil,quasipermanent);armenucléaire(ou,pourleBrésil,capacitédelafabriqueretmaîtriseducycledel’uraniumcivil,commel’aaussiacquisel’AfriqueduSud); forcesdeprojection (c’estvraipour tous lesBRICS);capacitédemédiation (laTurquieet l’IndeenusentauMoyen‐Orient,commel’amontréJ.Deas,ainsiqueleBrésil,dontlerôlerégionalaétéétudiéparM.Chabbi d’un côté, et par M. Medeiros et A. Steiner de l’autre) ; économies gigantesques avec un poidsimportantetcroissantdanslecommercemondial(tous);unemaîtrisedelahautetechnologie(laplupart);unevolontédesepositionnersurlemarchédel’aide(pastoujoursvraipourl’IndeetlaChineàl’OMC).Cespuissanceontsurtoutuneprésenceincontournabledanslesinstitutionsinternationales(greenroomsdel’OMC, forces de paix de l’ONU) où elles exercent undroit de veto. Toutefois, cette puissance est encorefragileetelleresteàconfirmer,caruneparalysiedeinstitutionsdueàdesmésententesSud‐Sudesttoujourspossible(M.Chabbi).Lestravauxde laSTontainsimontréqu’ilyavaitplusieurscransdans lapuissanceengestation(selonN.ElQadileMaroc,parexemple,sansêtreunepuissancemontantedepremierplan,enestquand même une par le rôle pivot qu’il assume entre deux grands blocs de pays). En bref, ce sont despuissances interventionnistes sans être forcément révisionnistes; elles jouent un rôle institutionnel majeur,sansavoir forcémentune capacitédenuisance (sinonenempêchant lespuissances fondatricesd’un régimed’en bénéficier pleinement). Elles comptent dans les relations internationales sans être forcément«grandes».SelonlestermesdeE.AounetT.Kellner,ellesrésistentàlatentationdeconcéderauxpuissancesétabliesunmonopolededécisionquiseraitbeaucoupplusconfortablepourelles.TroisconstatsméthodologiquesontétéfaitsaucoursdestravauxdelaST:d’abordc’estlathéoriedesEtatsquicompte,pascelledesorganisationsinternationales.Touteslescommunicationsenontusécarlesthéoriesdisponibles sont statocentriques etnonorganisations‐centrées. Il apparaîtainsiquecette théorienécessairen’estpassuffisante,commel’amontréL.Bélanger,etqu’elleestsouventsimplifiée(commel’afaitobserverCarlosMilani) ou encore sous‐exploitée dans les travaux en cours. Ensuite, les données empiriques sur lesactivités des puissances montantes au sein des organisations internationalesmanquent alors que ce sontjustementleslieuxoùlespuissancesmontantesdéveloppentleursstratégies(c’estaussienlesobservantquel’on peut savoir si une puissancemontante est potentiellement une puissance globale, ce qui n’est pas lamême chose). Quand elles sont mentionnées (par exemple chez A. Vlassis à propos du cinéma indien etchinoisfaceauxgrandesorganisationsaméricainesetmondiales,ouencorechezP.BerthaudetT.Voituriezquitraitentdesnégociationsclimatiques)lesorganisationsmultilatéralessontprésentéescommedescadrescontraignantou formatant lesdécisions,etnonpas commedes acteurs autonomes.Le réalisme l’emportedonc sur l’institutionnalisme libéral. Enfin, seule une analyse comparative et longitudinale permettra à longtermed’expliquerlatrajectoiredepuissancesmontantesdanslesystèmeinternational(lescommunicationsdeE.Aoun&T.Kellner,quicompilelesfluxd’échangesdetoutenatureentrelaChineetl’Egypte,oucelledeM.ChraïbiausujetdelaChineenverslaLibyeetlaSyriefurentsurcepointtrèséclairantes).Quant au fond, les contributionsontd’abordapportéde trèsnombreusesdonnées (enparticulierdans lescommunications de A. Bondaz, très documentée sur les positions de la Chine dans les crises libyenne etsyrienne,oucelledeE.AounetT.KellnersurlespositionsdelaChineenversl’EgypteouleconflitentreIsraël

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et les Palestiniens) sans toujours parvenir à tester des hypothèses précises – preuve que le terrain reste àdéfricheravantdese lancerdansuneentreprisedéductive.Uncertainscepticismesur l’endossementde lapuissancesedevineàl’énoncédefaitsaussiprécisetconvergents.Ledoutes’introduitégalementàproposdesalignementsetdescoalitionspossibles,tantilestvraiqueleBrésilsesitueentrel’Occidentetlerestedumonde(selonM.MedeirosetA.Steiner),cequin’estévidemmentpaslecasdesdeuxGrandsasiatiques,sansparlerdepuissancesdites«émergentes»maisdefaitencoreincapablesdeperformersurlesdifférentsaxesénoncés au début de ce résumé scientifique. J. Deas s’est ainsi demandé si le Brésil, joliment qualifié de«puissance intermédiaire montante», avait la volonté et la capacité d’imposer un autre format que celuidéfinie par les approches transformatives et non pas structurelles de la médiation. En toute hypothèse,l’expertise spécifique du pays sur des dossiers sensibles (comme ceux du Moyen‐Orient) sera longtempsencoreendeçàdesonexpertisediplomatiquereconnue.Lebilandecesdébatsestpositif,commel’arésuméC.Eggerdanssaconclusion:ladémonstrationaétéfaiteque la catégorie des émergents n’était cohérente que sur le papier, tant leurs stratégies d’alliance sontindigentes et instables. Tenter de comprendre ce qu’ils ont en commun, en revanche, «désoccidentalise»opportunément le regard en le portant sur des objets moins connus (comme l’aide humanitaire desémergentsouleurintermédiation).Deplus,aucunepuissancemontanten’estencorecapabledes’aventurerdurablementendehorsdesasphèred’influencecommelefontlesÉtats‐Unisaujourd’hui,mêmesiplusieursd’entreeuxontconnuaumoinsuneaventurehorszone–quantauxChinoisilssetournentsurtoutversl’Asieet lePacifique, làoù lesenjeuxde résolutiondesconflits,demédiation,etde reconstructions favorablesàl’émergence se posent moins qu’ailleurs et moins, aussi, que des enjeux économiques et commerciaux.Aucunedecesnouvellespuissancesn’estsemble‐t‐ilà lasourcedenouveauxdroitsoudenouvellesrègles,pasplusqu’aucunen’aréussijusqu’àprésentàinterpréterdifféremmentdesnormesetdesrèglesexistantes(commelaresponsabilitédeprotéger).Dansl’ensemble,ellessemblentplutôts’appliqueràintégrerlemieuxetleplusvitepossibletouslescodesdiplomatiquesdespuissancesétabliesetramenerverslesinstitutionslespluslégitimes(commel’ONU)lesdossiersquipourraientêtretraitésailleurs.Les travaux de la ST ont permis de relativiser les apports des théories existantes, notamment leconstructivismequiperddelacrédibilitédefaçonsurprenante(leréalismes’ensortantàpeinemieux,encorequelespuissancesmontantesrestentlargementconsidéréescommedesunitésdedécision,cequinedevraitpasêtrelecas).Decepointdevue,leBrésilaun«winset»pluslimitéqued’autrescarlapressioninternesurlesdépensespubliquesyestplusforte,etlerapportdeforcesavecleMinistèredesAffairesEtrangèresplussouvent à l’avantage de ses rivaux (M.Medeiros). Ce qui reste du constructivisme, ce sont les référencesidentitairesdesdirigeantsdespuissancesmontantes,notammentleurcommuneexpérienceducolonialisme,maisaussilefaitqu’entantqu’ancienspayscolonisésilsétonnentquandilsinterviennentloindeleursbases,ce que l’on ne remarquerait pas d’anciens colonisateurs (N. El Qadi). Ou encore, l’importance accordé aupouvoirstructurel(A.Vlassis).Cequecontinued’apporterleréalisme,c’estlaparcimoniedesindicateursaveclesquels iltravaille,notammentlacapacitéd’interventionréelledansunecriseinternationale,boncritèrededémarcationentrepuissancesetautrespaysdemoindrestatut(L.Bélanger).Ladiscussiongénéraleaconfirmécesanalyses,enlesillustrantd’exemplespertinents.Lesauditeursontentreautresobservéquele«timing»d’unemédiationpesaitsurlaprobabilitéqu’unpaysémergents’yintéresse;que son statut dans une entreprise de médiation comptait également (il y a des médiateurs neutres ou«académiques»,commelaNorvège,quelesdirigeantsdespuissancesémergentesnesouhaitentsansdoutepas devenir); que le problème pour eux était de passer du statut d’agent à celui d’acteur des relationsinternationales,sanssecontenterd’adopteruneposturepurementrhétorique.

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ST50«Plaidoyer»etadvocates.

Acteursetformatsinternationauxdesmobilisations

EtienneOLLION(CMH‐ETT)[email protected]

JohannaSIMÉANT(UniversitéParis‐1,CESSP)jsimeant@univ‐paris1.fr

LasessionavaitpourobjectifdefairelepointsurunenotiondeplusenplusfréquentedanslapratiquecommedanslesdiscoursacadémiquessurlesONG:leplaidoyer(ouadvocacy).Désignantuneactivitéd’influencemenéepar ces groupes afin de promouvoir leurs revendications, le terme a fait florès. Alors que de nombreusesorganisations non gouvernementales et institutions internationales ont créé des postes spécifiques de«plaideurs» (advocates), et que certaines ont réorganisé une partie de leur activité autour de cette pratique,l’étudedel’advocacyaconnuunengouementcertainparmilesspécialistesdesmobilisationsinternationales.À la croisée de la sociologie politique et des relations internationales, toute une littérature a depuis vingt ansembrassé cet objet. Cette attention récente n’est pas allée sans un certain flou dans l’analyse. Le plaidoyer asouvent été identifié aux réseaux transnationaux d’ONG (Keck et Sikkink, 1998), à des formes d’actionparticulières (mobilisation de l’opinion, des médias), et à des causes humanitaires (droits de l’Homme,développement). Il est souvent aussi souvent présenté comme une forme à la fois radicalement nouvelle etparticulièrementefficacededéfensedesintérêts,enparticulierauniveauinternational.Dans la lignée d’une «approche révisionniste» qui s’est récemment développée sur l’advocacy (Price, 2003;Prakash etGugerty, 2010) et qui amis en avant l’historicité, les déterminants de son adoption et les luttes deconcurrence(entregroupes,etentrepartisansdestratégies),cettesectionvoulaitproposertoutàlafoisunétatdes savoir et un regard nouveau sur les pratiques de plaidoyer. Les participants aux sessions étaient plusprécisément invitésàétudier l’undes trois thèmesproposés: ledéveloppementduplaidoyer commepratiqueprofessionnelle(origines,temporalité,déterminantsetconséquences);lerôledesplaideursdanslaproductiondel’action publique (à différents niveaux); et, en retour, à évaluer ce que l’advocacy fait aux pratiques et auxthéoriesdel’actioncollective.Cesontcesenjeux,etquelquesautres,quiontétéévoquésdanslesdeuxsessions.Danslapremière,ladiscussionaenparticulierportésurcequel’advocacyfaitàlaprotestation,ennuançantlathèsedeladépolitisation,toutenexaminant lescontraintesproduitespar lerecoursà l’advocacy, les formesdedivisiondutravail induitespar lerecoursàcettepratiqueetquisecombinentàcellesdurecoursà l’international.Lasessiona enmêmetempsanalysé la façondont l’advocacy se coule également dans des formats qui en font une niche de la critique ensituationdecontrainte.Dansladeuxièmesession, l’attentionaétéportéeplusparticulièrementsurle jeuentreplaidoyersfaceàl’Etatetplaidoyersd’Etat,enexaminant,quandilyavaitlieudelefaire,lestensionsgénéréesausein des organisations quant au recours au plaidoyer. Cette session a envisagé de façon parallèle le lien entreplaidoyeretreconfigurationsdel’Etat,etleseffetsdemiroiretd’isomorphismeentreONG,ainsiqu’entreONG,agencesetEtats.Plusieurs contributions seront rassemblées autour, précisément, du thème du plaidoyer des ONG afin deproposerunnumérospécialderevue.

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ST51L'artcommeindiceetmatricedesconflitsarmés

ThomasLINDEMANN(Universitéd’Artois)

[email protected]édéricRAMEL(SciencesPoParis,CERI)

[email protected]

Notre projet sur l'art comme indice et matrice des conflits armés reposait sur deux postulats.Selon le premier, les créations artistiques (incluant des produits culturels banalisés comme le cinéma, lessériestéléviséesou lesBD)améliorentnotrecompréhensiondesconflitsarmés.Cescréationspeuventêtreconsidérées comme des idées non‐conscientes etmêmematériellement incorporées, comme par exemplepourl'architecturegouvernementaleoulapeintureàfinalitépublique.Laméthodologieetlesmatériauxpourtirerdesenseignementsdumatériauartistiqueontétédivers,allantdel'analysedesdocumentshistoriquesauxentretiensenpassantparl'explorationdessignesiconographiquessurdesMuralsenIrlandeduNordouenCorse.Unegrandedifficultéaétédemesurer l'impactdescréationsartistiquessur les récepteurs. Ilestbien sûr possible d'interroger les usagers sur leur réception mais certaines émotions éventuellementassociéesàcescréationsdepropagande–parexemplelahaine–sontpeuavouablespourlesrécepteursetaussi peu avouées. Une solution possible est de détecter les effets de telles créations de manière plusindirectevial'observationdesexpressionscorporellesoudestracesdiscursivescommedesexclamations,desformulesstéréotypéesoumême laprosodie.Théoriquement, ilestaussipossibledemesurer lepoulsou lebattementducœurd'unrécepteurd'unecréationartistiquemais ladéterminationexacted'uneexpressionémotiveseratoujoursdifficile(parexemplelasueurpeutindiquerlacraintemaisaussil'excitation)Selonledeuxièmepostulat,lareprésentationartistiquedelaguerreestsusceptibledecanaliserpositivementou négativement nos émotions envers la violence. Il est possible d'identifier certaines thématiques etreprésentations communes dans les œuvres d'art qui favorisent l'acceptation de la violence. Comme filconducteurdemultiples investigations,onretrouve l'idéeque l'exaltationde lavirilitéetde laconstructionsocialede l'estimedesoivia laviolenceestun ingrédient fréquemmentutilisédans lesrécitsde laviolence(voirlescontributionsdeXavierCrettiez/PierrePiazzaetSolèneSoo).Delamêmemanière,lesacteursdelaviolences'auto‐réifientsouventensevoyantauserviced'unegrandecausenationaleoudivine.Les contributions de Denis Lawson, Johanna Gonzalez, Damien Simonneau et François Gleize‐Colomberadonnentplusdepoidsauxreprésentationsdel'autrequisontsusceptiblesd'influersur lesdispositionsplusou moins belliqueuses. La complexité dans la présentation de l'autre ou la subversion ironique via parexemplelareprésentationartistiqued'unmurporeuxquoiquematériellementexistantouencorelesrêveriesdeValeryLarbaudautourdepetitssoldatsdeplomb(OliviaLeboyer)déconstruisentsansdoutelesimagesdel'ennemibienancréesenrenvoyantàunnouvelhorizondepossibilités.Meszarosestimeque lesÉtats‐Unisontgagné laguerre froideculturelleà tous lesniveauxetcelaplutôtpardesproduitsbanaliséscomme lesartsménagersouencorelesautomobiles.Eneffet,l'expositiondel'artaeuuneffet,pasvoulupardirigeantssocialistesetlepoparts'estavérécommeutilisationdelapolitiquepard'autresmoyens.OnpeutsansdouteaussireformulerleconstatdeMeszarosenmontrantquec'estlabanalisationdel'autredanslesartsdetousles jours qui a contribué à dé‐diabolisé l'adversaire américain. En revanche, l'autre typifié, réifié et souventreprésentécommeperversetvildésinhibelesattitudesviolentesàsonégarddevenantdecettemanièreuneciblelégitime.Lastbutnotleast,c'estaussilabanalisationdelaviolence,parexempledansles«idiomesdelaforce»(T.Schelling)etlanormalisationdel'usagedelaforceviamêmelesupportcinématographiquequiestdécisifdansl'acceptationdelaviolence.Un très grand nombre de questions méthodologiques et conceptuelles ont été soulevées et il est dansl'intention des animateurs de l'atelier de resserrer encore le cadre conceptuel en vue d'une réelle étudecomparativedescasprésentés.Ilestànoterquelesséancesétaienttrèsbienfréquentéesetquel'usagedumatériel artistiquea trouvéunevive résonance. En ce ce sens,onpeut souhaiterque cenouveaumatérielempiriquesenormaliserapidementcommesupportdesétudesconflictuellesenRelationsinternationales.

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ST53L’optionviolente.Combattantsetinsurgés

danslessoulèvementspopulaires

AminALLAL(CHERPA–IEPd’Aix‐en‐Provence)[email protected]

OlivierGROJEAN(CERIC/UMR7318–Aix‐MarseilleUniversité)[email protected]

LaSTaréunilorsdesesdeuxsessionsunetrentainedepersonnesautourdes18intervenantsetdiscutants,dontMarielleDebos(noninscritedansleprogrammeinitial)quinousarejointpourdiscuterlapartiesurles«logiquesdeconfigurationetrépertoiresviolents».La grande question de recherche que nous nous sommes posés lors de cette section thématique était lasuivante: comment analyser les engagements violentsdansdes situationsde soulèvementspopulaires? Ettoutd’abordquesignifiepournouslanotiond’«engagementviolent»?Enfait,cetermeestunprogrammederechercheensoi:travaillersurdespratiquesd’acteursagissantensituation,toutententantd’objectiverleurstrajectoiressociales.Celasignifiaitquenoussouhaitionsavanttout1)fairetenirensembledeséchellesd’analysemicro‐etméso‐sociologiquesavecdes raisonnementmicro‐oumacro‐logiqueset2) toutà la foisréfléchirsurdesprocessusobjectifsetdesinterprétationsdavantagesubjectives.C’estpourcetteraisonquel’appelàcommunicationinvitaitàsefocalisersurlaviolenceetlerapportàlaviolencedesprotagonistesdessoulèvementspopulaires. Par ailleurs, en faisant le choixdenepasopérer dedistinctionapriori entredessituations politiques contrastées, et sans préjuger de leur issue (défaite ou victoire dumouvement), nousnousinscrivionsdansunedémarcherésolumentcomparativequipermettaitjustementdemieuxappréhenderlaquestionducontexteetdescadresdel’actionviolente.CetteSTétaitladeuxièmeétaped’unprogrammederecherchemenédepuisenvironunanparOlivierGrojeanetAminAllal.Lapremièreétapeavaitpermis,àtraversunetablerondesurlaguerreenSyriequis’esttenuàAixle1ermars20131,dediscuteretd’analysercequ’enquêtersurlesconflitsviolentsimpliquaitentermesdeméthodologie et de recueil dedonnéesdepremièremain.Première satisfaction, quasiment tout lemondedanscetteSTaaccordéuneréelle importanceaurecueildedonnéesdepremièremain,mêmesi,enraisonessentiellementducontexted’enquête,certainsproblèmesd’articulationentrelesoutilsthéoriquesmobilisésetladémonstrationempiriqueontétésoulignés.Expliquer nécessite de décrire, au moins a minima. Mais décrire, c’est aussi expliquer. Car c’est aussi endécrivant avec précision les formes des violences qu’il est possible d’en restituer une généalogie, dont lesvertusexplicativesnoussemblentfondamentales.Decepointdevue,MatthijsGardenier,YoussefElChazlietChaymaaHassaboontétudiélespratiquesviolentesetlesontdétaillées(demanièrestrictementdescriptiveetenlareprésentantpardesphotographiespourlepremier,parl’intermédiairedesperceptionsdesacteursenchâsséesdansdestrajectoiressocialespourlesseconds).Pourautantl’exposéprécisdesdonnéessurlespratiquesviolentesentantquetellesétaitparfoispeuapprofondi.Celaatenuparfoisàunepudeurdanslesmodes d’expositions des données pour certains mais aussi et surtout à la difficulté de récolter de tellesdonnéesfiablespourcetyped’objet.Commenousl’annoncionsdansl’argumentairedelaST,laperspectivepragmatistenousapparaîtparfoistroppeuattentiveàl’expérienceaccumuléedesacteurs.RandallCollins2insisteàjustetitresurl’apprentissagede«techniquesinteractionnelles»favorisantl’usagedelaviolence,maisrejettevigoureusementlesanalysesdela violence qui s’appuient sur les trajectoires sociales des individus. Selon nous au contraire, l’analyse desdispositions sociales construites au cours des trajectoires biographiques de ces « combattants » ou«insurgés», inscrites dans un contextemouvant, paraissait la seule àmêmede dégager des « logiques de

1http://iremam.cnrs.fr/spip.php?article1835.2Collins,Randall,Violence:AMicro‐sociologicalTheory,Princeton,PrincetonUniversityPress,2008.

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situations»3permettant de comprendre le recours à l’action violente, sans retomber dans les analyses«motivationnelles»delaviolence4.Sans le citer nommément, Youssef El Chazli et Chaymaa Hassabo se sont assez bien inscrits dans lespropositions de Collins, en tentant de voir comment les situations violentes sont perçues par un certainnombred’acteursmobilisésenEgypte.Onpourraitmêmedirequ’ilsontprécisémentquestionnéCollins,maisàl’instantt+1:ensomme,commentlaviolence,déjàprésente,affectelesindividusquilarencontrentetlesconduit (ou non) à adopter un comportement violent eux aussi.On retrouve unpeu ces questionnementschez Lionel Baixas dans le cas pakistanais, sans que cela ne soit explicité ainsi… ou chez Valeria Alfiéri,notammentàproposdeladeuxièmecohorted’engagésqu’elleanalyseauBurundi.L’insistance sur les trajectoires sociales a étéplusprononcée chezNedjib SidiMousadans son analysedesindépendantistesalgériens.Ilaainsiquestionnélefaitquecertaineslogiquesdesituationsontsingulièresàlaguerre tout en proposant des éléments d’analyse qui répondaient aux questions de Nicolas Mariot surl’acquisitiondecompétencesparticulières: lasocialisationchezlesscouts,l’apprentissagedeladiscipline,laviolencesportive,etc.DemêmechezValériaAlfiéri,cettefois‐ciàproposdesapremièrecohorted’engagésauBurundi.

Les intervenants se sont égalementpositionnés sur les principales questionsquenous avionsdéveloppéesdansl’argumentairedelaST.

• Quisontles insurgés?Acettequestiontransversale,nousavonsreçudesélémentsderéponsedanspresque toutes interventions, mais surtout dans le premier axe de la Section thématique. LionelBaixas a également tenté de montrer comment des imaginaires différents sont mobilisés dans leSindhetailleurs,maisuniquementàpartirde l’exempledes leaders.KhalilaAudeCoëfficaquantàelle a bien montré comment pouvait s’articuler vie militante et vie privée dans les territoirespalestiniens.Enfin,YvanGuichaouaamontréque les identitésn’étaient jamais fixéesenceque lesraisonsdel’engagementauNord‐Malivarientenfonctiond’allianceslocalesfluidesetchangeantes.Laquestiondesémotions,présentedanslestextesdeKhalilaAudeCoëffic,LionelBaixas,YoussefElChazli et Chaymaa Hassabo, et Valéria Alfiéri, s’est introduite dans les débats, sans que nous nel’ayons vraiment attendu à ce point. Il reste à voir comment approfondir ces réflexions afin de lesarticulerplusprécisémentauxthéoriessurlaviolenceetlesconflits5.

• Une violence organisée? L’analyse est ici davantage à une échelle méso‐sociologique, qui analyse des

configurations d’acteurs en conflit. De nombreux papiers se sont penchés sur cette question, mais sansforcémentenfaireunthèmecentralcommel’ontfaitLionelBaixasetPhilippeRoseberry.ArthurQuesnayafait référence à la division du travail de guerre en Libye et Matthijs Gardenier a insisté non pas sur lesorganisations, mais sur le caractère structuré de la violence. Youssef El Chazli et Chaymaa Hassabo sontégalementdanscetteproblématiqueavec leursexemplesdepersonnes«nonpolitisées»quisemobilisentsans vraiment savoir pourquoi au départ. Enfin, on rencontre un certain nombre de questionnements surl’articulationentrelocaletnational(notammentchezArthurQuesnayetLionelBaixas),quiontmontréquelesensdonnéauconflitetàlaviolenceestsouventtrèslocalisé6.

• L’analysediachroniquedupassageàlaviolenceetdumaintiendesactivitésviolentes.Ici,lesparticipantsàl’axe2ontévidemmentapportédesélémentsderéponse importants.OnpenseparexempleàYvanGuichaoua,Philippe Roseberry et Lionel Baixas, mais aussi à Arthur Quesnay. L’échelle méso‐sociologique a étéprivilégiée,sansque le lienavec l’échellemicro‐sociologiquenesoit toujoursquestionné.Cettearticulationprivilégiéeentremésoetmacroasouventpermisunemontéeengénéralitésalutaire,maisapuégalementlaisserplanerdesdoutesquantauvéritableancragesocialdesmobilisationsviolentes.SeuleValériaAlfiériaainsi travaillé sur différentes cohortes d’engagement et a pu montré ce que ces évolutions faisaient au

3Dobry,Michel,«Cedontsontfaitesles logiquesdesituation», inFavre,Pierre,Fillieule,OlivieretJobard,Fabien(dir.),L’atelierdupolitiste,Paris,LaDécouverte,2007,p.119‐148.4Mariot,Nicolas,«Faut‐ilêtremotivépourtuer?Surquelquesexplicationsauxviolencesdeguerre»,Genèses,n°53,2003,p.154‐177.5 Cette question est au cœur du projet d’Amélie Blom et Stéphanie Tawa Lama‐Rewal. Voir le sitehttp://ceias.ehess.fr/document.php?id=20216Cf.Kalyvas,StathisN.,TheLogicofViolenceinCivilWar,Cambridge,CambridgeUniversityPress,2006).

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conflit. A une échelle essentiellement micro‐sociologique, Youssef El Chazli et Chaymaa Hassabo ont parcontremisenévidenceleseffetsdecliquetdel’entréedansunemanifestationviolente.

• Laviolenceenpratiques.Ici,lesdescriptionsdeMatthijsGardenierlorsducontre‐sommetdeStrasbourgontété fondamentales, mais auraient mérité d’être décryptées afin d’entrer dans une démonstrationsociologiqueplus aboutie.Demême, les analysesdeYoussef El Chazli etChaymaaHassaboontpermisderéfléchirauxpratiquesviolentes,mêmesileurobjetd’étudeétaitavanttoutlesperceptionsdecespratiques.De fait, comme nous l’avons dit plus haut, un certain nombre de contraintes spécifiques aux terrainsd’enquêteencontexteviolentontsansaucundouteconduitcertainsintervenants(KhalilaAudeCoëfficparexemple, ou Arthur Quesnay sur la question des hommes qui partent quelques jours dans une Katiba etreviennentensuitedansleurfamille)àminimiserleursdescriptionsdesviolencespourendonnerrapidementuneinterprétation.Toutescescontributionsontendéfinitive incitéàunretourréflexifsur lesenquêtesensituationsdeconflitviolent et à poser une série de questions sur la fragilité du recueil de données: sur les dispositions desenquêteurs,leurscompétencesetsavoirfaire;surladivisionetlesfrontièresdutravailscientifique,etsurleslimitesdel'interprétationsociologiquedansdetellessituations.Maisaudelàderéflexionsdéjàdébutéesilyaplusdequinzeans7,cescontributionsontpuquestionner lestravauxrécentset trèsthéoriquesdecertainsanalystes de la violence, parfois plus habitués aux coupures de presse qu’aux observations directes sur leterrain.C’étaitbien l’ambitiondecettedeuxièmeétapedenotreprojetsur lesengagementsviolents.Nousambitionnonsdepoursuivrecetravailcollectifprometteurparunenouvellerencontreafindetravaillersurlabasedetextesplusaboutisenvuedelapublicationd’unouvragecollectifsurlaquestion.

7Nordstrom,CarolynetRobben,AntoniusC.G.M.,FieldworkUnderFire,ContemporaryStudiesofViolenceandCulture,Berkeley,UniversityofCaliforniaPress,1995.

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ST54Praticiensetexpertsdelasécuritéinternationale:sociologiepolitiqued’unespaceprofessionnel

DavidAMBROSETTI(InstitutdesSciencessocialesduPolitique)

dambrosetti@u‐paris10.frThibaudBONCOURT(CentreEmileDurkheim)

[email protected]

LesorganisateursdelaSTonttentéderéunirdestravauxpermettantdedocumenterl’universdespraticiensde la sécurité internationale, leurs pratiques, leurs savoir‐faire, leurs environnements institutionnelsspécifiquesetleursparcoursprofessionnels.Auplanméthodologique,l’objectifétaitd’éviterdeuxperspectivesfréquentesdanslechampacadémiquedesrelationsinternationales:1/cellesquines’intéressentà l’universsocialde lasécurité internationalequepourdémontrertelleoutellepropriétégénéraledesrelationsinternationales,oupourdébattredelasupposéeirréductibilitédelapolitiqueinternationale aux autres processus politiques infra‐étatiques(l’analyse de l’exceptionnalité de la politiqueétrangèrecommeuneconstructiondesquestionsdesécurité,commeunprocessusde«securitization»enafourniiciuncélèbreexemple);2/cellesdavantageorientéesversdespréoccupationspratiques,enquêtedesolutionsauxdéfis récurrents(notammentorganisationnels)auxquelssontconfrontéslesacteursdecedomaine,avecunegranderichesseempiriqueparfois.Lescommunicationsprésentéesontmobilisélesoutilsdelasociologiepolitiquepouranalysercertainsenjeuxpolitiques récurrents de la sécurité internationale, en particulier ceux qui impliquent des organisationsinternationalesetdespratiquesmultilatérales,coalisées:lesopérationsdemaintiendelapaix,l’actioncivilo‐militaire,laguerrecontre‐insurrectionnelle,lesprogrammesdeconsolidationdelapaixoupost‐conflitcommele DDR, la réforme des armées et des secteurs de la sécurité, voire la constitution d’architecturescontinentalesdepaixetsécurité,etc.Detelsenjeuxsontportéspardesmilitairesetdiplomatesnationaux,des fonctionnaires nationaux mis à la disposition d’organisations internationales, des fonctionnairesinternationaux, des experts contractuels, des consultants, des sociétés commerciales employant d’anciensmilitaires et anciens fonctionnaires internationaux, etc., tous engagés dans des formes de régulationinternationaledelasécurité.A partir de ces terrains, les cinq communications ont étayé plusieurs problématiques plus théoriques trèsprégnantesdansledomainedelasécuritéinternationale:

- la circulation des doctrines, des normes et savoirs pratiques (guerre contre‐insurrectionnelle;«régimes»del’aideaudéveloppementoudelasécurité,etc.);

- le «security development nexus» comme rapprochement conceptuel, et ce qu’il dit des formes desavoiretdepouvoirdanscedomaine,entreacteurs,programmes,servicesconcernés;

- laplacedel’expertise,commemarché,etcommefabriqued’horizonsd’attentescommuns;- lesenvironnementsinstitutionnelsnationauxdanschaqueÉtatmembredesorganisationsimpliquées,

enparticulier lorsqu’ils sontmarquéspardesdynamiques communes, comme les réformes aunomd’une«rationalisationgestionnaire»,etl’appuiaccrusurlesacteursetfinancementsprivés;

- lescompétitionsintersectoriellesquinesontplusouplusseulementnationales,maisquitiennentauxrelationsavecdesorganisationsinternationales;

- lesrivalitésinterétatiquesetbureaucratiquesàl’ombredesdifférentes«audiences»concernées,entredifférentsniveauxd’expositionau«regardpublic».

Plus précisément, la communication de Nathalie Duclosmontre le rôle joué par les opérations extérieures(OPEX) dans la carrière des gendarmes français. A partir d’entretiens approfondis, ellemet en évidence laforteattractivitédecetypedemissionsdufaitdesdifférentesgratificationsauxquellesellespeuventdonner

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lieu.Sur leplansymbolique, lesOPEXsonteneffet l’occasiondevivredes«expériences limites»fortementvalorisées. Sur le plan social, elles permettent une socialisation auprès de niveaux supérieurs du corpsprofessionnel. Sur le plan matériel, elles sont aussi l’occasion d’accumuler un capital économique plusimportant.L’article de Grégory Daho s’intéresse à l’évolution récente des techniques militaires de contrôle despopulationsà travers l’observationdesoutilsmobiliséspar lesofficiers français spécialistesdeCoopérationCivilo‐Militaire (CIMIC). A partir d’unmatériau qualitatif riche et diversifié (entretiens, sources secondaires,etc.), ilmetenévidencelesmécanismesdecompétitionprofessionnelle(entreforcesspécialesetarméedeterre), d’exhumation de techniques contre‐insurrectionnelles coloniales et de circulation transnationale depratiquesmilitaires(France–Etats‐Unis)quisecombinentpourcontribuerprogressivementàcetteévolution.LetextedeSébastienLoiseldécritcombienlesactionsdel’UEenappuiauxopérationsdepaixafricainesetaurenforcementdel’APSAsontdéterminéespardesdifférencesexistantentrelesecteurdelasécurité(ComitépolitiqueetdesécuritéCOPS,Politiquedesécuritéetdedéfensecommune)etceluidudéveloppement(DGDEV, Comité FED) au sein des institutions européennes. Ce sont dans les échanges des coups entre cessecteurs,dansleurtempo,qu’ondistinguelesmargesdemanœuvre,lesconditionsdepossibilitéd’uneactionetnond’uneautreàuntempst.Ceclivageestplusprofondqu’unecompétitionstrictementbureaucratique,ilnerenvoiepasseulementàdes incompatibilitésentre les intérêtsponctuelsdeservicesdonnés,maisàdesindividus installés de longue date dans des services en charge de programmes européens historiquementétanches,politiqueétrangèreetsécuritéd’uncôté,développementde l’autre.Celarenvoieàdesprocessusde socialisation, d’intériorisation de dispositions d’agir et de représentations au fil des relations entre cessecteurs.LacommunicationdeGérardBirantamijeetPamelaNzabampemarendjusticeauxjeuxdesacteurslocauxquise placent en interlocuteurs obligés (véritables courtiers du développement) pour capter la rente tirée deprogrammes internationaux richement dotés, comme celui mené par la Banque mondiale dans ledésarmement,ladémobilisationetlaréintégrationdesancienscombattantsauBurundietenRDC.Onyvoitcommentuneinstitution internationalecréeunvéritablemarchédeservicesderéintégration,semi‐captifetenpartiealignésurlesloyautéspolitiqueslocalesetnationales.Lederniertexteprésenté,celuideSamiMakki,proposeunegenèsedudomainedelaréformedusecteurdela sécurité qui renvoie aux mutations d’un espace d’expertise, à cheval entre les organisations nongouvernementales (International Alert) et des services gouvernementaux en charge de la coopérationinternationale (le DFID britannique), entre civils et militaires. Il retrace l’enchaînement des productionsinstitutionnellesnéesdecetterencontreréussieetdeleurdiffusionjusqu’àlamiseàl’agendadesprincipalesorganisationsoccidentalesenchargedelasécurité(UE,OTAN…).Les travaux présentés ici ont, enfin, révélé un défi persistant, celui consistant à typifier et à délimiter desespaces sociaux rencontrés («secteurs», «champs», etc.) de façon universelle, systématique et univoque,pourensuite localiser lespositionsdesacteursdanscesespaces,positionsentreeuxetenrelationavec lesEtats et les organes politiques des organisations internationales concernées. Ces espaces présentent ladifficultédereleverdediversuniversinstitutionnels,professionnelsetnationaux,cequisoulèveunesériedeproblèmespratiquespourquientend localiser lespositionsrelativesdesacteursenfonctiondesressourceset/oucapitauxqu’ilsportentetmobilisent.Plusprosaïquement,cestravauxontrappelé ladifficultépour lechercheur (une difficulté bien repérée par les anthropologues des organisations internationales) d’investirdifférents lieux, différents niveaux, en particulier dans la relation entre le siège d’une organisation et sesdélégationslocalisées,etplusencoredanslarelationentre«émetteurs»et«destinataires»deprogrammesinternationaux.

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ST57Commentétudierlesclubs,lesfondationspolitiquesetles«thinktanks»?

MathieuLAURENT(Centred’étudesetderechercheenscienceadministrative–Université

Paris2)[email protected](LaboratoireTriangle(UMR5206)–ENSLyon/UniversitéLyon2)

thibaut.rioufreyt@univ‐lyon2.frSi l'appel à communication portait sur les clubs, fondations et think tanks, l'essentiel des

communicationsetdesdiscussionsaportésurlesderniers,reflétantlesuccèsquerencontrecelabeldanslechampintellectueletlechamppolitiquefrançais.Laformeplusancienneduclubpolitique,siellecontinueàperdurer de nos jours, semble en effet céder le pas à des organisations visant un degré supérieur deprofessionnalisation, bien que cette dernière demeure largement en‐deçà des modèles étrangers souventérigésenréférence.

Plutôtquedechercherà fabriqueruneunitédemanièreartificielle, le compte‐rendude laST57estl'occasion de faire le constat d'une vraie diversité. À cet égard, parler des travaux sur ces groupementscommed'unchampd'étudespécifiqueseraitexagéréetpasforcémentsouhaitable.Cettesessionthématiqueapermisdemesurerladiversitédesobjets,desapprochesetdesméthodesquicaractérisentlesenquêtesquiontétéréaliséesousontencourssurcessujets.1)Lapluralitédesobjets

Lagrandediversitédesobjetsd’étudedoitêtresoulignée,renvoyantàlafoisàladiversitédesterrainsétudiésetdes typesdegroupementsauxquels cela correspond.Toutd'abord, ledegréde formalisationetd’institutionnalisationvaried’ungroupementàl’autre.Ainsi,l'ALEPSmobiliseunestructurelégère,avecpeude permanents. À l'inverse, la Fondation Jean‐Jaurès est un groupement davantage institutionnalisé etdisposantdesmoyensfinanciersethumainsplusconséquents.Cesgroupementdiffèrentdoncformellementparlesressourcesfinancièresdontilsdisposent,leurtaille,leurpérennité,leurnombredepermanentset,pluslargement, par lemodèle organisationnel dont ils s'inspirent et/ou se revendiquent: fondations politiques,réseaux de sociabilité élitaires, clubs politiques rattachés à un courant ou construits autour d'un leader,cercles de réflexion secrétés par des groupements professionnels, etc. Deuxièmement, le degréd’engagement/distanciation par rapport au champ politique est variable, oscillant entre des groupesfortementmarquéspar la logiquescientifiquedeneutralitéetd'autres secaractérisantaucontraireparunengagementplusprononcédanslecombatpolitique.Onobserveainsiunegradationdanslapolitisation,delaproductionthéoriquefondamentaleàlapartialitépartisane,enpassantparlaproductionexperteàusagedespolitiquespubliques.Entrelesfondationspolitiquesquisontliéesorganiquementàunpartietcertainsthinktanksquitiennentàmaintenirunrapportdistanciéetsonindépendancevis‐à‐visdesformationspartisanes,ily a de réelles différences. Troisièmement, leurs types d’activités (réflexion politique, expertise, productionéditoriale, recherche…) ne sont pas les mêmes, ces différences s'expliquant notamment par le fait qu'ilsrelèventd'universsociauxfortementdifférenciésdontles logiquespropressontretraduitesdansleurmodedefonctionnementetleurexistencemême.2)Ladiversitédesapproches

Ladiversitéd’approchesrenvoieenpremierlieuàlapluralitédesentréeschoisiespourétudiercetypede terrain. Certains des communicants ont choisi une entrée par l'étude de la carrière d'un référent (la«négociation collective» chezMaïlysGantois) oud'une thématique (comme la «démocratie participative»chezCorinneDelmas).D'autresontdavantagecentré la focaled'analysesur les individus.Lesgroupementsétudiés dans le cadre de cette ST57 ne sont pas désincarnés. À cet égard, le choix de Marc Patard des'intéresser moins aux think tanks qu'aux think tankers, et plus spécifiquement aux personnels salariés etpermanentsdecesgroupements,s'avèreextrêmementintéressante.Lesoutilsdéveloppésensociologiedesprofessions trouvent un usage heuristique appliqué à ce type d'objets. D'autres, enfin, ont adopté une

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approchedavantageorganisationnelleenprenantpourobjetunouplusieursgroupements.Àpartirdecettetroisièmeentrée,certainscontributeurssesontintéressésàuneseuleorganisation(àl'instardeThomasAlamsur l'EuropeanEpodeNetwork),d'autresàdesorganisationsd'uncertaintype(commeMickaëlCiccotellisurlesmouvementspatronauxdesociabilitéetd'action)quand,d'autres,enfin,ontadoptéuneapprocheplusstructuraleetmacrosociologiquesurl'espacedesthinktanks(AgatheCagé).

Ensecondlieu, lesapprochessedéploientdifféremmentdansl'espaceetdansletemps.D'unepart,certaines contributions s'inscrivent nettement dans une approche diachronique, cherchant à resituerl'historicitédesmouvementsétudiésetdesmodèlesorganisationnelsdont ilss'inspirent.DorotaDakowskamontrel'importancequ'ontjouélesfondationsallemandesquiconstituentunmodèlequelesuccèsdulabel«thinktank»tendtropsouventàocculter.Demême,KevinBrookeschercheàcomprendreladiffusiondesidéesnéo‐libéralesdansladroitefrançaiseàtraversl'évolutiondecertainsgroupementsintellectuelsquiontparticipéàcetravaild'intéressementidéologique.D'autresoptentaucontrairepouruneapprochedavantagesynchronique. D'autre part, à cette opposition diachronicité/synchronicité, s'adjoint une seconde ligned'oppositionentrelescommunicationsquiprivilégientl'étuded'unouplusieursgroupementsdansunespacesocialounationaldonnéetcellesqui,aucontraire,optentpourl'analysedelacirculationd'idéesoudeformesorganisationnellesentreplusieursespaces.Danscettedernièreveine, laperspectived'histoirecroiséedanslaquelle s'inscrit Dorota Dakowska a le grand mérite de contribuer à montrer que les groupementsintellectuels contemporains sont le fruit d'une hybridation entre des traditions intellectuelles etorganisationnelles différentes (think tank états‐unien ou britannique, fondation politique allemande, clubintellectuelousociétédepenséefrançais).

Troisièmement, le statut sémantique et épistémique des termes retenus pour désigner leur objetdiffère là aussi entre les différentes communications. On peut distinguer ainsi trois acceptions des termes«club», «fondation» ou «think tank» qui renvoient à trois manières d'approcher le phénomène et deconstruirel'objet:commenotion,commelabeloucommeconcept.Lapremièreconsisteàutilisercestermescommede simplesnotions,motspratiquespermettantdedésigner l'objetd'étude sans s'engagerdansuntravaildedéfinitionconceptuelle.Sicetyped'usageestleplussusceptibledesuccomberàlaroutinisationouà la reprise issue de catégories indigènes dans l'analyse, les discussions montrent qu'il est néanmoinsabsolument indispensable en sciences sociales. Une seconde approche refuse toute définition a priori dutermepours'intéresserauxusagesindigènesdulabelthinktank;ils'agitderetracerlesappropriationsetlesusages de ce terme, de saisir les enjeux dans la présentation de soi par les acteurs qu'il recouvre et decomprendre,àlamanièredeLucBoltanskisurlacatégorie«cadre»,decequecetravaildelabellisationnousdit sur la construction sociale du phénomène étudié. C'est dans cette veine que se situent ainsi lescommunicationsdeC.DelmasoudeM.Gantois.Enfin,unetroisièmeapprocheconsisteàs'engagerdansuntravaildedéfinitionconceptuelledecestermes.Celui‐cipeutêtrefaitaprioriafind'aborderunphénomènesousunnouveau jour. C'est cequeproposede faireMarcPatard lorsqu'il définit le think tank commeune«agence d'ingénierie politique». Cette approche a ses vertus. Elle peut ainsi permettre d'objectiverl'évolutionhistoriqued'unmêmegroupementquipeutainsipasserdusimpleréseaudesociabilitéàunclub,àl'instar de certains groupes inventoriés par M. Ciccotelli, ou du club d'intellectuels au think tank à viséepolitique,àl'instardel'ALEPSetdugroupedes«Nouveauxéconomistes»étudiépatKevinBrookes.Ellepeutégalement permettre de saisir les transformations que subit unmodèle organisationnel (à l'instar du thinktankdanssaversionétats‐unienneoudes fondationspolitiques inspiréesdumodèleallemand)encirculantd'un pays à l'autre. Elle présente aussi ses limites, en particulier le risque de substantialiser le concept enoubliant qu'il est le produit d'uneproblématique spécifiqueou encore le risqued'obtenir des résultats quiconfirmentnécessairementleshypothèsesinitialessurunmodetautologique.Àcetégard,lesdiscussionsontinsisté sur le caractère idéal‐typique du concept en sciences sociales qui implique un aller‐retour constantentrethéorieetempirie.3)Destechniquesd'investigationetdesapprochesméthodologiquesvariées

Les communicationsprésentées sont issuesd'enquêtes reposant surdes techniquesd'investigationdiverses:entretienssemi‐directifs,archives,analysedocumentaire,observationparticipante.Silesentretiensrestentlaméthodelaplusutilisée,letravaildeKevinBrookesmontretoutelaféconditédutravaild'archivespourretracerl'histoiredesréseauxnéolibérauxfrançaissurletempslong.Demême,lacollectedocumentaireeffectuéeparCorinneDelmas sur lesprogrammeset lesdiscoursdesprincipauxpartispolitiques lorsde la

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campagneprésidentiellede2012révèle lesenjeuxautourde ladélimitationetde laconstructionducorpus.L'observationparticipanteaégalementétéutiliséepar certains contributeurs,notammentA.Cagédansungroupe de travail de TerraNova et T. Alam dans un think and do tank européen. La communication de cedernier s'est avérée particulièrement intéressante en montrant toute l'intérêt d'une approcheethnographiqueen immersiondansunthinktank,ced'autantplusqu'elle resteencoretrèspeuutilisée.Laréflexionprésentéeaenparticulier insistéd'unepart,sur lesperturbations inévitables induitespar l'arrivéesur leterraind'unchercheurnemaîtrisantpaslescodesindigènesetcequeces«gaffes»nousapprennent(hétéropraxie)et,d'autrepart, letravaild'apprentissageetd'indigénisationquecelarequiert(ethnopraxie),et notamment ses conséquences sur le plan déontologique. Les méthodes d'analyse documentaires etethnographiques sont donc largement dominantes, au détriment des analyses quantitatives. Seule lacommunicationd'AgatheCagé recourt àdesoutilsd'analysequantitative.Onpeutainsinoter l'absencedetravauxrecourantàl'analysedecomposantesouàlaméthoded'analysequantitativederéseauqui,pourtant,pourraients'avérerparticulièrement intéressantespoursaisir cesgroupementsaux frontières labilesetauxacteursextrêmementmultipositionnés.

***

Lestravauxsurlesclubs,fondationspolitiquesetthinktanksformentdoncl'espaced'unedispersion.Plutôtquedelenieroudeleminimiser, ilconvientdel'assumercommetel.Celaétantdit, leséchangesquionteulieuontmisaujourdevraiesrégularitésetconvergencesentrelesdifférentsobjetsetacteurs.

Enpremierlieu,cesétudesmontrentlefortdegrédemultipositionnalitédecesacteurs.Celles‐cipeutêtretrans‐organisationnelle–onlevoitaveclesgrandspatronsétudiésparM.Ciccotelliouaveclesacteursdel'IFRImentionnésparA.Cagé.Ellepeutêtretranssectorielle,commelemontrentnotammentlesréseauxd'acteurs réunisdans le cadredepartenariatspublic‐privé, commeceuxétudiésparT.Alam.Ellepeutêtretransnationale,commedanslespapiersdeK.BrookesouD.Dakowska.Ellesrejoignentencelalesétudessurlasociologiedesélites.

Deuxièmement,onnepeutqu'êtrefrappéparlasimilitudeentrelesregistresdiscursifsmobilisésparles différents acteurs. Le registre de l'expertise qui rejettent les politics, attaché à l'électoralisme etl'idéologie,auprofitdespolicies,vuescommedesimplesproblèmestechniquesàrésoudre,lavalorisationdel'international (sous‐entendu aux États‐Unis), de la «modernité» sont autant d'éléments de ce discours«modernisateur» partagé par un grand nombre des acteurs étudiés. Troisièmement, il semble en aller demêmepourlerépertoired'actionmobiliséparcesgroupes,autournotammentdufonctionnementenréseauetpar«projets»,transposantdanscetespacedeslogiquesdeprofessionnalisationassociéesaumanagementquisesontdéveloppéesdanslesentreprisesmaisaussilesadministrationspubliquesetlespartispolitiques.L'exemple de la contre‐expertise illustre bien la diffusion paradoxale de formes d'intervention longtempsassociées aux intellectuels libéraux ou aux conseillers du prince. Enfin, les discussions ont mis au jourl'existence de formes de sociabilité (petit‐déjeuners de travail, «assises», animation de table‐rondes»,échangesdecartes,etc...)qui,làaussi,transcendentlesfrontièresorganisationnelles.

La complémentarité des approches comme les convergences empiriques ont fait la richesse des

échanges engagésdans cette section thématiqueet justifient la nécessitéde lespoursuivre à l'avenir sousd'autres formes (organisationdecolloquesou journéesd'étudeetpublicationd'undossierdansune revueacadémique), d’autant plus que des pans entiers de la recherche en matière de think tanks, notammentconcernantleurstructurationàl’échelleeuropéenne,restentàdéfricher.

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ST58Cinéma,Filmet(science)politique

LaurentGODMER(UniversitéParis‐EstMarne‐la‐Vallée)

laurent.godmer@univ‐mlv.frDavidSMADJA(UniversitéParis‐EstMarne‐la‐Vallée)

david.smadja@univ‐mlv.frDansleprolongementdunuméro«Cinématographiesdupolitique»deRaisonspolitiques,lestravauxdelaSTontpermis,d’unepart,defaireétatdesrésultatsdecettepremièrerecherchecollectiveet,d’autrepart,d’approfondir lesquestionnementsde sociologiepolitique. Eneffet, audépart, trois axesétaientproposésdans l’appel à contributions. Un premier axe, plutôt méthodologique, abordait le film comme outild’observationdontlacapacitédereproduction,supérieureàcelledumagnétophone,permetderenouvelerles techniques disponibles de recueil de données. Or, à notre regret, cette offre thématique n’a rencontréaucune demande puisqu’aucune proposition s’inscrivant dans cette perspective ne nous est parvenue. Letroisièmeaxevisantàaborderlefilmcommesourced’hypothèsesexplicativesdupolitique‐quireprenaitleprojet éditorial de théorie politique du numéro de Raisons politiques ‐ a seulement été abordé par lesresponsables de la ST lors de l’introduction. Enfin, c’est surtout le deuxième axe de sociologie politique,consistantàappréhenderlefilmcommeanalyseurdesconduitespolitiques,quiarecueillilagrandemajoritédessuffragesendonnantlieuàsixcommunicationssursept.Suiteàl’appelàcontributions,lesresponsablesdelaSTontreçuunnombretrèsimportantdepropositions–unetrentaine.Parmicespropositions,unevingtaineàpeuprèscorrespondaitàl’undestroisaxes.Iladoncététrèsdifficiled’opéreruntravaildesélectionetdenombreusespropositionstoutàfaitpertinentesn’ontpuêtreacceptées enraisondecettecontraintematérielledeformat. Aufinal, ilaétédécidédeproposertroissous‐axesenfonctiond’undécoupagethématiquedistinguantlesquestionsdel’engagementpolitique,del’Etatetlaspécificitédesséries.Legroupedeseptcommunicantsétaitcomposédedeuxdoctorants,deParisetdeProvince,d’uneuniversitéet d’un IEP. Les institutions d’enseignement supérieur et de recherche représentées étaient aussi bienparisiennesqueprovincialesetinternationale(Québec).Lamajoritédesparticipantsprovenaitdel’Université(4sur7)tandisqueunvenaitdel’ENSetdeuxdesIEPdeProvince.Enrevanche,malheureusement,enraisondes aléas de la vie universitaire, la composition de la ST était exclusivement masculine. Enfin, les deuxsessionsontréunientrehuitetquinzeparticipantsd’universitésfranciliennes,deProvinceetétrangères.Plusprécisément, lesquestionsde l’engagementpolitique (figureduhors la loietpolitisationpratique),del’exercicede l’Etat,dumétieretdutempspolitiqueontétéabordées.Pourchacuned’elles, lesparticipantsont souligné l’importance de construire une lecture affranchie des angles d’attaque traditionnels,spécifiquementpolitiques‐del’idéologie(droite/gauche,conservateur‐réformiste)‐etpermettantderendrecomptedelatensionoudel’ambiguïtépropresauxphénomènespolitiques.Au final,au termedecesdeuxsessions, ilapparaîtque l’étudedupolitiqueauprismedesa représentationcinématographiqueetfilmiquereprésenteunchampd’étudepourl’instantinvestidemanièreindividuelleetexploratoire. En outre les outils analytiques (Bourdieu, Goffman, Cavell etc.) et lesmatériaux utilisés (filmparticulier,corpusdefilms,articlesdepresse,courriersdeslecteurs)sontparticulièrementdivers.Dufaitdecetéclatementanalytiqueetméthodologique,ladiscussionafaitapparaîtreunfaibledegrédecumulativité,inversementproportionnelaudegréderéflexivité.Toutefois,l’ensembledesrecherchesprésentéesonteuencommun d’appréhender la dimension politique des films, non plus de manière externe par l’analyse descontextessociopolitiques,maisdemanièreinterneenprêtantuneattentionplusmarquéeàleurcontenu,enparticulier aux situations politiques représentées et donc au scénarios, aux cadrages et à leurs réceptionscritiques.

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ST59Observerlalaïcitécommerépertoired’actionadministratif

SolenneJOUANNEAU(IEPdeStrasbourg,GSPE‐PRISME,UMRCNRS7012)

[email protected](UniversitéMontesquieu‐BordeauxIV,

CentreEmileDurkheim,UMRCNRS5116)yann.raison‐du‐cleuziou@u‐bordeaux4.fr

Lasectionthématique59s’inscritdansleprolongementd’unprogrammederecherchefinancéparlaMaisondes Sciences de l’Homme d’Alsace (MISHA), portant sur les politiques religieuses de l’Etat français depuis1905,quiadonnélieuàplusieursséminairesderechercheaucoursdel’année2013.Ellearéunidespolitistes,dessociologuesetdeshistoriensquis’interrogentsurlesmodalitésdelagestiondufaitreligieuxpardifférentescatégoriesd’agentsdelafonctionpublique.L’objectifdecettesectionétaitainsid’ouvrir laboîtenoiredela laïcité,afind’étudierempiriquementlespratiquesadministrativesquesous‐tendl’adoption de ce cadre juridique,mais aussi lamanière dont ce cadre se trouve retravaillé par les culturesadministrativespropresàchacunedesadministrationsétudiées.Plus précisément, les discussions se sont focalisées autour des 5 communications qui au final ont étéprésentéescejour‐là.EtiennePingaud,doctorant(EHESS‐CESSP),estrevenusurlesconditionsdeproductionet d’évolution d’une politiquemunicipale de la laïcité dans une ville communiste de la banlieue parisienne.FlorenceOllivier (EHESS‐CADIS) a présenté en quoi les convictions religieuses qui animaient la plupart desmédecins à l’origine de la création des soins palliatifs en 1986 ont par la suite trouvé à s’exprimer dans lefonctionnement quotidien de ces unités au sein des Hôpitaux publics. Claire de Galembert (CNRS‐ISSP) aexposélespratiquesetlesjeuxdenégociationsgénérésparl’obligationfaiteauxagentsdel’administrationpénitentiaired’assurer la libertédeconscienceetdepratique religieuseauxdétenusdont ilsont la charge.Laurent Bonnelli (ISSP) a quant à lui montré comment les policiers de la DST et des RG en sont venus às’intéresser à l’islam et la manière dont les habitus institutionnels propres à chacune de ces deuxadministrations pèsent concrètement sur leur manière de se saisir de l’islam en tant qu’objet depréoccupationpolicière.EnfinJean‐PierreMoissetamontrécommentaudébutde laVeRépublique,sous legouvernement de Michel Debré, des mesures fiscales favorables aux Eglises avaient pu être portées etadoptéesgrâceausoutiendiscretmaisefficaced’uneélitedehaut‐fonctionnaireschrétiens.Devant laqualitéde laplupartdespapiersproposéset laqualitédeséchangesqu’ilsont suscitésentre lesdifférents participants, il a été décidé de demander à chacun des participants de travailler à une versionpubliable de leur présentation en vue de les soumettre à une revue scientifique à comité de lecture. Descontactsdans ce sensontétépris avec laRevuedesSciencesSocialesdesReligionsetunepropositiondedossier devrait être soumise avant la fin de l’année 2013 par les deux coordinateurs de la section SolenneJouanneauetYannRaisonduCleuziou.

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ST60Unesociologiedelapenséepolitiqueest‐ellepossible?

Lecasdes(néo)libéralismes

ArnaultSKORNICKI(UniversitéParisOuest)askornicki@u‐paris10.fr

JérômeTOURNADRE(ISP/CNRS)[email protected]

ArnaudBrennetot(UMRCNRS6266IDEES,UniversitédeRouen):Unegéo‐archéologiedesnéolibéralismesSébastien Caré (Université catholique de Lille):Ouvrir la boîte noire des pensées libérales contemporaines :ElémentspourunesociologiedesidéesbiencomprisesMathieu Hauchecorne (Université Versailles‐Saint‐Quentin‐en‐Yvelines): La production des grands auteurs :l’entréedu«libéralismepolitique»deJohnRawlsauseinducanonfrançaisdelaphilosophieXavier Landrin (Grouped’analysepolitique/UniversitéParis‐Ouest). “Enrichissez‐vous” : les avatars d’unmotd’ordrelibéralJeanSolchany(IEPdeLyon)Rendrecompted'unetrajectoirenéolibérale:l'économisteWilhelmRöpkeNousavonsfait lechoixdepréférerà laclassiqueformuledudéfilédecommunications,frustrantepourtoutlemondeetpeupropiceà lacommunicationscientifique,uneprésentationgroupéeetproblématiséedespapiersdenosintervenants.Ils’agissaitainsidelesarticuleraumieuxaveclesquestionnements–tantméthodologiquesquethématiques‐denotreST.Sil’histoiredesidéespolitiquess’est,auRoyaume‐Uni,enAllemagneouenFinlande,notamment,renouveléedefondencombledepuisprèsde40ans,ellereste,enFrance,frappéedediscrédit(s),aussibienensciencepolitique que chez nombre d’historiens. Elle est par ailleurs considérée comme un cheval de Troie desrévolutionsconservatricesintellectuelles1.Ilnoussemblecependantquetouteunesériedetravaux,dispersésdans plusieurs disciplines, tend à redessiner les frontières de ce domaine en le rapprochant, de façon trèsgénérale, d’une histoire «sociale» des idées ou d’une histoire des langages politiques, lesquelles rompentaveclescanonsscolairementconstituédes«grandsauteurs»etdes«grandstextes».Ilestpeutêtretempsderassemblerceseffortsetentreprisesrepérablesdansplusieursdisciplines.Encesens, l’histoiredes idéespolitiques est une activité pour laquelle toute matière étrangère est bonne et toute bonne matière estétrangère; c’est la raison pour laquelle des «étrangers» prennent part à notre ST: un historien, ungéographe,etmêmequelquespolitistes.Pourquoi parler de sociologie de la pensée politique ou «histoire sociale des idées»? Cela permet de leverl’oppositionacadémiqueetépistémologiqueentrehistoiredesidéesethistoiresociale,analysedecontenuetanalyse externe des causes; une fraction desAnnalesn’a peut‐être pas fait autre chose du côté de LucienFebvre, par exemple; ou de glorieux prédécesseurs ont appelé de leurs vœux la réalisation d’un telprogramme sous ce nom, comme Pierre Bourdieu, Neal Wood, ou plus récemment Bernard Pudal etFrédériqueMatonti.Cesignifiantépistémologiqueplaide,enfin,pourundépassementde l’oppositionentreanalyseexterneetanalyseinterne.Pourquoiavoirchoisilelibéralisme/néolibéralisme?Ils’agiticidecasd’espèceayantfaitl’objetd’unimportantrenouvellement historiographique depuis 20 ou 30 ans, alors même que ces objets ont longtemps étécolonisésparleslibérauxouparlesmarxistes,aupointdeformerl’unedescatégorieslesplusnaturaliséesetlesmoinsinterrogéesdusenscommunpolitique,lelieucommundesprojectionsdetouteuneséried’affectspolitiques(tristesoujoyeux), lefilconducteurdetouteunesériedemanuelsd’histoiredesidéespolitiques.Le libéralisme est, plus encore, l’un de ces ‘courants intellectuels’ réputés fondateurs de la modernité

1VanDammeStéphane,«Leretourdel'histoireintellectuelle,révolutionconservatriceouprogrammederelance?»,Revued'histoiremoderneetcontemporaine,2012/5n°59‐4bis,p.29‐46.

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politique; il a fait l’objet de grands récits linéaires, de John Locke à John Rawls, c’est‐à‐dire de grandesreconstructionsrationnellesvisantàmettreencohérence,par‐delà lessiècles,despensées,philosophiesoudesmotsd’ordre,sanstenirdeleurhistoricité.Plusieursphénomènesontcependantconcouruàrenouvelerl’historiographiedulibéralisme:- La (re)découverte des cours de Foucault sur la question, dont on ne connaissait guère que quelques

textesauparavant.- Le projetméthodologique d’histoire sociale des idées politiques, esquissé par P. Bourdieu (notamment

dans lescourssur l’État)et repris,entreautres,parF.Matonti,B.PudalouG.Sapiro.Maisceprojet seheurte parfois à une certaine méfiance envers les idées et l’analyse de contenu, qui confine à ladénégationd’objet:àquoisertdefairedel’histoiresocialedesidéespolitiquessicen’estpas(aussi)pourcomprendrelesidéespolitiques,reconstituerscientifiquementleurvraisens,commenousyinvitaitdéjàlequasiprogrammede«sociologiehistorique»desœuvresétabliparSpinozaauXVIIesiècle.

- Letravailhistoriquedel’ÉcoledeCambridge,notammentceluiréaliséparQuentinSkinner,ouvrantsurlaredécouverte d’une tradition «républicaine» classique conduisant à reconsidérer la naissance dulibéralisme.

I. Une sociologie compréhensive de la pensée politique? Par‐delà l’opposition analyse

interne/externeLesyntagme«sociologiedesidées»suggèreunerelationentrelasociétéetlesidéesquipeutêtreexploréede eux manières: en se demandant ce que la société fait aux idées (ou le contexte au texte) ou ens’interrogeantsurcequelesidéesfontàlasociété(ouletexteaucontexte).La 1e approcheest explicative; elle renvoie à une forme d’analyse externe, par les causes, et laissetransparaîtreundésintérêtpourlesœuvresdanslamesureoùellesedispensed’enfaireunelectureprécise.Le seconde approche n’est pas très éloignée duparadigme compréhensifwébérien, tout en s’inspirant deSkinner.Cesontfinalementmoinslescausesquisuscitel’intérêtquelesensoul’intention.CetteapprocheamanifestementlesfaveursdeS.Caréets’appuiesurlafameusequestion«Queveutfaireunauteurquandildit ce qu’il écrit?» La réponseà laquestionne se trouve sûrementpasdans la têtede l’auteur,maisplussûrementdansl’espacedecontroversesconstituéparlaviepolitiqueetintellectuelledutemps.«Faireunesociologiedu libéralismeplutôtqu’unesociologiedes libéraux»: lasociologiepeutcontribueràéluciderlesensdesœuvresetdesidéesqu’ellesportent,sanslarabattresurunesociologiedesproducteursdebiensculturels.Laconnaissancedescausessocialesdutextenedonnepastouslesmoyensdecomprendrele texte: il nous faut l’intertexte, ou comme dit Genette, les relations de transtextualités (réponse ouattaques,imitationoupalimpseste,réécritureoucitation,etc.)Weberprécisaitbienque lacompréhension (quiétudierait lesmotivations internesdesagents)nes’opposepas à l’explication (qui repère les causes externes à l’action), et que la sociologie se fixe pour objectifd’expliquerlesphénomènessociaux.Lesensviséd’uneactionparunindividu,entantqu’ilestdéterminéparles actions des autres individus au sein d’une configuration sociale, est généralement obscur à l’agent lui‐même.Ildoitdoncêtreélucidéparlesavant,commeunecausedel’action.Onpourraitdoncdire:- Skinner chercheà identifier la force illocutoiredesénoncés, càd leurperformativité :Queveut faireun

auteurendisantcequ’ildit?- Weberchercheràdéterminer le senset la viséede l’action:Queveutdireunacteuren faisant cequ’il

fait?Dans les deux cas, l’intention et le sens ne se comprenne que relationnellement, et jamais comme la pureactivité d’un Sujet substantiel. Comprendre un auteur particulier suppose donc d’être familiarisé avec lesconventions et les structures mentales de son temps: ses concepts fondamentaux, mais aussi sescontroversesquiengagenttoujoursdesrapportsdeconcurrenceentreacteurs.Autrementdit,cequeSkinnerappelleplatement‘contexte’(rhétorique)estunespacesocialdeconcurrence,qu’illimiteàl’espacepolitiqueetintellectuel(sansbienlesdifférencier).Commentretraduirecedispositifméthodologiqueentermedesociologiedelapensée?Autrementdit,quesignifiecevieuxserpentdemerqu’est ledépassementde l’oppositionanalyseexterne/analyse interne?OnpeuticirappelerletravaildePierreBourdieusurHeidegger.IlyexposeeneffetunelectureinternedutexteEtre et Temps mais s’appuie également sur savoir socio‐historique de l'air du temps weimarien et de laposition relative de Heidegger dans le champ académique. Il se donne ainsi les moyens de décrypter

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autrementleplusabstraitetdésincarnédestextesphilosophiques.Cefaisant,ilrappellequeToutestdansletexte,maisqueletextenelivrepasdelui‐mêmetouteslesclésdesacompréhension.La sociologie de Weber fournit une contribution intéressante au programme d’Histoire Sociale des IdéesPolitiques : même s’il n’a jamais directement pratiqué l’histoire des idées politiques, sa réflexionépistémologique et sa pratique de sociologue (des religions, notamment) offrent bien des pistes fécondes(voir,àcesujet, lacommunicationdeM.Hauchecornesur l’œuvredeJ.Rawlset,plusspécifiquement,sonrecoursàlareligiondulivre).PourWeber,égalementcitédanslepapierdeS.Caré,latâchecentralede«toutesciencedelavieculturellehumaine»estd’«ouvrirlacompréhensionintellectuelleaux«idées»pourlesquellesleshommesontluttéetcontinuentdeluttersoitenréalitésoitenapparence.(…)laforcehistoriquedesidéesaétéetresteencoresiconsidérable pour le développement de la vie sociale que notre revue ne se dérobera jamais devant ceproblème, mais inscrira son étude au nombre de ses tâches les plus importantes.» (ETS). Le sociologueallemand ne défend pas ici une position idéaliste, mais promeut une économie politique généralisée desintérêtsmatérielsetidéels;lesconceptionsdumonden'ontpasenellemêmesleprincipedeleurpropremiseen pratique; mais une fois réappropriées par des forces sociales intéressées à leur usage, elles peuventaiguillonner ou mettre en forme ces forces sociales, «en déterminant les voies à l'intérieur desquelles ladynamique des intérêts a été le moteur des actions». Les «idées» ne sont donc pas seulement deslégitimationsex‐postdegroupesd’intérêts,maisdessphèresdevaleursjamaistotalementextrinsèquesauxintérêtsqu’ellesexpriment,masquent,déforment,etc.Ladiscussionde laSTs’estensuiteconcentréesur le rapport sociologiedes idées (politiques)et sociologiedes intellectuels, en cherchant à répondre à une question en particulier: peut‐on détacher ces deuxsociologiesl’unedel’autre,danslamesureoùl’intentionnalitéd’unauteurquiintervientenpolitiqueestaussiconstituépar lapluralitédesesuniverssociauxd’appartenance(voir lecasdeLocke,à lafoismédecinbienforméàlathéologie,conseillerduchefdupartiWhig,exiléquelquetempsenHollande,universitaireàOxford,membreduConseildeCommercesousGuillaumeIII,philosophe,actionnaired’uneCompagniedetraitedesNoirs,etc.)?

II. Letoposetlecanon:sociologiedumotd’ordreetdel’auctoritasLaformule«Enrichissez‐vous»,étudiéeparX.Landrin,n’estpasunmot,maisunephrase;enl’occurrencedeformeimpérative,dontl’auteurestbeletbienGuizot(dansl’arèneparlementairelouis‐philipparde)maisquis’estdéclinéàtravers1000usagespolitiques.Comme lesouligneX.Landrin,«Laformule“enrichissez‐vous”est intégréeàcesentreprisesdeclassementdontlessupportstémoignentd’unerelativediversitéd’usage».Le devenir‐stéréotype du slogan n’est‐il pas lié à l’éloignement temporel des conditions historiques de sanaissance?Àsavoir,l’amnésiedel’histoirequiestleproduitparadoxaldel’histoire,etplusencore,commelemontreX.Landrin,deshistoriensdelamonarchiedeJuillet.Objectiver l'autorité d'un auteur … C’est à cela qu’invite la communication de M. Hauchecorne sur la«Canonisation de Rawls». Plusieurs questions ont ici structuré la discussion. Comment articuler le texterawlsien et sa réception? A quel point les communautés interprétatives «font»‐elles le texte? L’étude decettecasted’‘interprêtres’autorisésduLivreest‐elledissociabledecelleduLivre?Aquelpoint les lecteurssontlesauteursdutextequ’ilslisent?Ladiscussions’estégalementdéplacéeversd’autresthématiques:- Le rôle des circulations transnationales dans la fabrication des grandeurs intellectuelles: Rawls comme

marqueaméricainedégriffée.Bourdieufaisait remarquerque« lestextescirculentsans leurcontexte»,maisondiraplutôtquelecontextenefaitjamaisdéfautauxtextes,etqueceux‐cisontre‐contextualisésen passant d’un espace national à un autre, à savoir les transformations de la gauche intellectuelle etpolitiquedanslesannées80‐90.CelavaunpeudanslesensdeDerridaquiestimaitque«iln’yaquedesmauvaises lectures», pour autant la communication intellectuellen’estpeut‐êtrepasunvainmot si lescloisonnementsnationauxnesontpasirréfragables.

III. Lenéolibéralismes’écritaupluriel

Comme le rappellent lescommunicationsdeA.Brennetot,S.CaréetJ.Solchany, lenéolibéralismeapparaîtcommeuneréponseàlacrisedulibéralisme.Ilseconstitue,enoutre,dèslesannées1930,commeuneplaquetournantedel’Internationalelibérale,àtraversunesériedelieuxneutresquinelesontpourtantpastantquecela(colloqueW.Lippmannen1938,SociétéduMont‐Pèlerinàl’immédiataprès‐guerre),…Lenéolibéralisme,

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derrière lavulgateet lescontoursd’unesimpleet libératricephobiede l’État, s’étaitprécisémentconstituédans les discours, les pratiques et par ses acteurs comme une pensée d’État, une philosophie d’État, unetechnologied’État,etc.Cette thèsecontre‐intuitivepeutse retrouverdansd’autres typesde travauxsur lenéolibéralisme: en philosophie politique (Wendy Brown), géographie (David Harvey), histoire des idées(Dardot et Laval); des travaux d’horizons disciplinaires très différents mais qui ont tous une communeréférenceàFoucaultetsescoursdesannées1977‐1979.

Eneffet,leNLapparaîtcommeune idéologiepolitique(aucroisementmultisectorield’intellectuels,dehauts fonctionnaires, de fractions du patronat, etc.), et non pas seulement comme une théorieéconomique(circonscrite à un cercles d’universitaires) ; et une idéologie politique qui abien effectivementtrouvé preneur au sommet de l’État à la faveur d’une nouvelle crise du capitalisme dans les années 1970,laquelle s’est traduite non pas par moins de capitalisme mais pas davantage! Comme toute idéologied’ailleurs, elle est traversée de tensions, divergences voire contradiction: ordolibéralisme allemand etéconomie sociale demarché. Slogans, mots d’ordre, étendards: un flou intellectuel fédérateur. Le NL estpeut‐être à ressaisir comme une cause et un combat, éventuellement comme une rationalité, plutôt quecommeunethéoriecohérente:elleestpeut‐êtreàressaisirdans«l’essayismedecombat»(Solchany),c’est‐à‐diredelavulgarisation(quidécritassezbienlestrajectoiresdeRöpkeetdeHayek,selonJ.Solchany).Cettedernière‐lavulgarisation–constitued’ailleursungenresurlequellasociologiedelapenséepolitiquedevraitsepenchertoutparticulièrement.

D’abordunecollusiond’acteursrépondantàlacrisedulibéralisme(//ducapitalisme)desannées30,càdune forme de réponse à la «grande transformation» analysée par Karl Polanyi: soit le ré‐encastrement del’économie demarché dans le social, càd la rupture avec l’utopie libérale dumarché autorégulateur, ou entermes keynésiens «la fin du laissez‐faire. Polanyimentionne 3 grands typesde ruptures : le communismebolchévique,lefascisme,etleNewDeal.Ilfaudraitenajouterunquatrième–lenéolibéralisme.Paradoxes’ilen fut: mais le NL entend lui aussi critiquer le laisser‐faire dans sa version «manchestérienne» càdautorégulatrice; et on peut estimer que le NL, dans sa pluralité, a élaboré un rapport spécifique del’économieaudroit(etdoncàl’État):L’Évolutiondulabel.Enbongéographe,ArnaudBrennetotdessineunecartesémantiquedunéolibéralisme,identifiantdeuxmoments‐clé.Sontravailconduitàaborder l’unedesquestionsayantservidefil rougeà laST‐Comment faired’une catégoriepolitique (qu’elle fût inventéepar les libérauxou les antilibéraux)unconceptanalytique?–et,plusgénéralement,àsefrotteràl’exercicepérilleuxdeladéfinition.Construire ladéfinitiondunéolibéralisme.Lenéolibéralismen'apasdedéfinitionthéoriquestabilisée,maispeut‐être une définition sociale, pourvu que l’on rompe avec lamythologie de la cohérence. Unemanièred’éviter lesécueilsde ladéfinitionpeutêtre,commelesuggèreJ.Solchany,deconsidérer lenéolibéralismecommeune"nébuleusedepenséesetderéseaux".Cette notion de nébuleuse est en effet centrale et peut s’appliquer à d’autres objets. Le marxisme, parexemple (même s’il n’existe pas de Rome du néolibéralisme, comme il y avait un Moscou pour lemarxisme…):ilnemanquaitpasnonplusdediversité,etpourtantl’onnedoutepas(peut‐êtreàtort)desonexistencecommeidéologie.Pourquoi?Un autre concept peut permettre d’appréhender le néolibéralisme, celui de gouvernementalité, cet artspécifique de conduire les conduites des autres et de soi‐même, sur la base d’une rationalité stratégiquefondé sur l’extension des principes formes d’une économie de marché à l’exercice du pouvoir politique.L’avantage, ici, est que le néolibéralisme est conçu comme unemodalité des rapports de pouvoir (et noncommeunephilosophiedelaliberté),etundispositifnonpascontrel’ÉtatmaispouruncertainÉtat(jardinieret non pas ingénieur, pour les ordolibéraux). Par ailleurs, il n’est pas seulement une philosophie ou unepolitiqueéconomique,maisuneéthiquepour les individus:êtreentrepreneurdesoi‐même,c’est lenouvelesprit du capitalisme. Bien sûr, l’intellection foucaldienne du NL est lacunaire sur le plan historique et nepermetpasdecomprendreentièrement toutes les transformationsducapitalismequi suivront, carelleestd’aborddirigéecontrelescritiquespostmarxistesdelasociétédeconsommation(cequesouligneS.Audier)Maiselledemeureméthodologiquementfécondeselonmoi.Parailleurs,cemodedegouvernementalité,quiproposel’extensiondel’entrepreneuriatàtoutl’exercicedupouvoir, voire à tous les aspects de l’existence, est ce qui serait véritablement «nouveau» dans le«néolibéralisme». Au fond, l’analyser comme gouvernementalité ou comme dispositif, c’est peut‐êtreéluciderlenouveaumoded’accumulationcapitalistequis’estmisenplacedepuislacrisedufordismedanslesannées70.

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Unetroisièmepistepourraitêtredeparlerdelangageoudeparadigme(ausensdePocock),commeonparlede langages républicain (humanisme civique), marxiste, absolutiste, patriotisme et nationalisme, etc. Il nes’agit pas d’un système d’idées cohérent mais d’un fonds commun de concepts, slogans, mots d’ordre,arguments, qui permet de s’entendre (non pas d’être d’accord nécessairement sur tout mais discuter,diverger, disputer). C’est sur fondde ces structures langagièresquepeut se singulariseruneparole et unepenséeplusspécifiqueet individuelle.Nepeut‐ontraiterlenéolibéralismedelamêmemanière,commeuneconfigurationsémantiquepartagée,unairdutempsquiproduitdeseffetsetdescroyances?Cequivabienau‐delàdesgroupesdemilitantsetdecroyantsdévouésàlacause…LeNLenpratiquesetenactesLaperspective«pratique»quel’ontrouvedansletextedeS.Carévientrappelerquel'idéologien'estpaslemonopoledes idéologues.Ellen’estpas, comme le suggéraitAlthusser,quelquechosedematériel.S.Caréfourniticiuneétudedunéolibéralismeenactes,dontlecentren’estplusconstituédesénoncésetpratiquesdiscursives mais des pratiques d'agents économiques qui, sans être économistes ou savants, participentparfoisàleurcorpsdéfendantàlaconstructiondelanouvellegouvernementaliténéolibéraledominante.

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ST63Lesfrontièresdelacommunautélibérale

AstridVONBUSEKIST(SciencesPoParis,CERI)

astrid.vonbusekist@sciences‐po.orgBenjaminBOUDOU(SciencesPoParis,CEVIPOF)

benjamin.boudou@sciences‐po.org

La section thématique n°63, organisée par Astrid von Buseskist et Benjamin Boudou, a réuni neufintervenantsrépartissurdeuxséancesde2h45.Sixuniversitésoucentresderechercheétaientreprésentés(Paris‐IUF‐IEE, Paris 12, ULB, Sciences Po‐CEVIPOF, CHSPM, Université de Bucarest) pour un dialogueinterdisclinaireentrelathéoriepolitique,lasociologieetledroit.

L’objectifdecettesectionétaitd’apporterunéclairagenouveausurlaquestiondelajustificationdesfrontièresdesdémocraties libérales.Nousnoussommesconcentréssur lesfrontièresde lanationdurant lapremièresession,etsurlesfrontièresdulibéralismedanslaseconde.

LaperspectivededroiteuropéendeMarie‐LaureBasilien‐Gaincheapermisdeposerlaquestiondesdroits effectifs desmigrants au regard des lois visant à la catégorisation des étrangers et aux effets de latechnologisationdesfrontièreseuropéennes.Lebutétaitdemontrerd’unepartlesbiaispolitiquesdanscesfrontières juridiques, et de donner une description concrète de la fabrique des frontières à l’échelle de lacommunauté libéraleeuropéenne.Nousavonsensuite resserrénotreperspectiveavec les interventionsdeJanie Pélabay etMyriam Hachimi Alaoui, etMarianne Fougère. Toutes trois ont étudié la question de laconstructiondesfrontièresculturellesàtraverslecontratd’accueiletd’intégrationenFrance,etlevisionnageobligatoirepourlesétrangersdeNaarNederlandauxPays‐Bas.Danslesdeuxcas,ilaétémisenévidencelesdifficultésd’un«libéralismerépressif»quibrouille lafrontièreentreune intégrationéthiqueetculturelleetune intégrationpolitiquedesétrangers,aunomd’unvivre‐ensemble insuffisammentdéfini.C’estdonc trèsexactement la problématique de l’oxymore «communauté libérale» qui fut interrogée grâce à l’analysethéorique et à l’enquête sociologique. L’intervention suivante fut celle de Martin Deleixhe à propos del’opposition entre droit de visite et droit de résidence chez Kant. Mettre ainsi en regard les pratiquescontemporainesdecontrôledesfrontièresaveclaphilosophiquepolitiquecosmopolitiquedeKantapermisun dialogue fructueux quant à l’envergure du pouvoir souverain vis‐à‐vis des étrangers. Avec le conceptkantiend’hospitalité,nousavonsanalyséquelspouvaientêtre lesenset l’effectivitédesdroitsde l’Hommedans lecontextemigratoire.CamillaPagania finalementétendu lesconsidérationskantiennesenmontrantlesenjeuxd’unecosmopolitsationplusradicaledusujetpolitique.Enpluralisantlanotiondefrontière,ellearelevé lesdifférentes théoriesqui proposeraient undépassementde la formeÉtat‐nationpour rendrepluscohérentlelibéralismeetsesinstitutions.

Dans lasecondesession,nousavonsréfléchiaux justificationsdesfrontières internesau libéralisme,enposant laquestionde laplacedudiscours libéralà lafoiscommepratiqueetcommeidéologie.NathalieSchmidtaainsimontrétoutes lesambiguïtésdu«politiquementcorrect»auxEtats‐Unis,poursouligner leslimitesdel’idéaldialogiquedulibéralisme.Maiss’iln’estpassimpledesedirelibéraltoutenlimitantlalibertéd’expression, cela l’est encore moins lorsqu’il s’agit de limiter juridiquement des pratiques consensuelles.Alicia‐Dorothy Mornington a ainsi soulevé le problème du paternalisme libéral à travers l’analyse de lajurisprudencedelaCourEuropéennedesDroitsdel’Homme.Poursuivantledialogueentrethéoriepolitiqueet droit, elle a montré comment le concept de consentement échappait dans la pratique juridique auxcatégories théoriques pour fabriquer et déplacer au gré des décisions de justice les frontièresmorales dulibéralisme.Enfin,lesdeuxdernièresinterventionsontouvertundialogueentrelelibéralisme,lemarxismeetle libertarisme pour analyser les impasses de l’idée même de communauté libérale. Paul Sereni, par sarelectureattentivedeMarx,amontrécommentlephilosopheallemandoffreunedéconstructionradicaledesambitions libérales tout en buttant sur la signification d’une communauté.Lorena Stuparu, quant à elle, autilisé l’anarcho‐capitalisme de David Friedman pour démontrer la possibilité d’une communauté dans uncontexteidéaldépolitisé.

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ST65Des«politiques»del’intersectionnalité.

Unregardcomparatifsurl’institutionnalisationdutraitementdesdiscriminationsmultiplesenEurope

MaximeFOREST(SciencesPo,OFCE‐PRESAGE)

maxime.forest@sciences‐po.frRéjaneSÉNAC(CNRS‐CEVIPOF)rejane.senac@sciences‐po.fr

PrésentationDans le prolongement de groupes de travail et sections thématiques organisés lors de congrès de l’ECPR(Lisbonne2009 ;Budapest,2011 ;Reykjavik,2011) ,de l’AssociationEspagnoledeSciencepolitique(Malaga,2009)etdel’AFSP(Lyon,2005;Strasbourg,2011),cettesectionthématiqueseproposaitd’analyser,dansuneperspective comparée, l’institutionnalisation de politiques publiques prenant en compte l’intersection dedifférentsmarqueursd’identitételsquelesexe,l’origineethnique,lacitoyenneté,l’âge,l’orientationsexuelleou lehandicapet leursconséquencesentermesdediscriminationscroisées,multiples,ou«multicritères». Ils’agissaitenoutre,demanièrepluslarge,dereplacercesprocessusdanslaperspective,théoriquecettefois,desdifférentes approches concernant la reconnaissancede ladiversité au seindes sociétésdémocratiquescontemporaines,àl’appuidelasociologieduDroitetdelathéoriepolitique.Si les problématiques des discriminationsmultiples et de «l’intersectionnalité» ont fait l’objet d’un intérêtacadémiquerenouvelédèsledébutdesannées1990–notammentauxEtats‐Unis,enGrande‐BretagneetenEuropeduNord‐,ellesdemeurentencorepeuétudiéesenFrance.Ainsi,alorsmêmequelesétudesdegenresesontintéresséesdelonguedateauxeffetsconjuguésdusexeetdelaclasse,investissantplusrécemmentceux au croisement de l’origine ethnique et du genre, et tandis que la réception tardive desthéoriesqueerpermet d’y aborder de manière croissante l’intersection du genre et de l’orientation ou del’identitésexuelle, faitencore largementdéfautuneperspectivedesciencepolitiquesur lesdiscriminationsmultiples. D’autre part, le caractère dépolitisant des politiques de la parité et de la diversité initiées auxtournants des années 1990 et 2000 (Sénac, 2007 ; 2012), tend à y affranchir la réflexion conduite sur lareconnaissance des différences et leur traitement en termes de politiques publiques, des concepts etproblématiquesarticulésàl’échelleeuropéenne.Telfutl’undesconstatsposésdanslecadredelaST22«Despolitiquesd’égalitéauxpolitiquesdel’identité:parité,diversité, intersectionnalité»organiséedanslecadredu précédent congrès de l’AFSP (2011). Les papiers présentés à Strasbourg ont souligné que cette notioncristallise une difficulté à dire et penser la dynamique des rapports sociaux, et à appréhender lesdiscriminationsmultiples dans le droit et les politiques publiques. Ce point de tension traverse à la fois lalittérature européenne qui leur est consacrée (Lombardo, Meier, 2009) et l’institutionnalisation de leurtraitementparlespolitiquespubliques(Krizsan,Squires,Skjeie,2012).Ainsi,alorsqueleconceptd’intersectionnalitéestpeuàpeuintroduitdanslevocabulairedessciencessocialesen France (Jaunait 2012), des espaces scientifiques sont nécessaires pour échanger sur les catégoriesconceptuelles et les réponses en termes d’action publique élaborées en France et en Europe afin de saisirl’intersection de différentes sources d’inégalité et de discrimination. Eu égard au rôle du niveaucommunautairedanslapromotiond’untraitementintégraldesdiscriminations,untelregardcomparatifpeuts’appuyeràlafoissurlestravauxrécentsconduitssousl’angledel’européanisationdespolitiquespubliquesnationales,etsurl’institutionnalismesociologiqueetdiscursif(Schmidt,2010;Lombardo&Forest,2012),quimetl’accentsurle«cadrage»discursifdespolitiquespubliquesenfonctiondecontextesinstitutionnelsetdeconfigurations d’acteurs qui varient fortement d’un pays européen à l’autre. Les problématiques dutraitement conceptuel des discriminationsmultiples et de l’institutionnalisation de réponses en termes depolitiquespubliquesdans lessociétéseuropéennes,ontétéabordéesdemanièrecomplémentaireaucoursdedeuxsessions.

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Compte‐renduscientifiqueSession1/Penserl'intersectiondespolitiquesdel'égalitéetdel'identitéPrésident:MaximeForest(SciencesPo,OFCE‐PRESAGE)Discutante:JustineLacroix(UniversitéLibredeBruxelles,Centredethéoriepolitique)

• SophieGuérarddeLatour(UniversitédeParisI–PanthéonSorbonne,PhiCo‐NoSoPhi)Lemulticulturalismeunprojetrépublicain?

• AlainPolicar(UniversitédeLimoges)L'argumentdel'intégration(Dworkin)est‐ilcompatibleaveclelibéralisme?

• JaniePélabay(CEVIPOF)Gouvernancedeladiversitéetvaleurscommunes.UneanalyseàpartirduRapportBouchard‐Taylor

• RéjaneSénac(CNRS‐CEVIPOF)L’institutionnalisationd’uneégalitédansladifférence:parité,diversité,intersectionnalité

La session 1, résolumentplacéesous le signede la théoriepolitique,apermisdesituernotrediscussionduconceptd’intersectionnalitéetdesconséquences–etconditionsdepossibilité‐d’untraitementconjointdesdiscriminations«multiples»,àunniveaudifférentdeceuxabordésdanslecadred’échangesantérieurs(AFSP2011,ECPR…).Ainsi, lesdeuxpapiersessentiellementthéoriquesprésentésparSophieGuérarddeLatouretAlain Policar, ont‐ils offert despoints d’entrée largement complémentaires, pourquestionner d’unepart lapossibilitéd’unmulticulturalisme«républicain»etd’autrepart,lacompatibilitédel’argumentdel’intégrationportéparDworkin,aveclesthéoriescontemporainesdulibéralisme.Or,loindes’éloignerdenotresujet,cescontributionscontribuentàréinterrogerlesthéoriesdelajusticeetdelacommunautépolitiquesousl’angledeleurcapacitéàintégrerladifférencesanspourautantatomisercettecommunautéciviqueet/ouéthiqueencommunautés d’où s’effaceraient les différences (d’intérêts, de motivations) entre les individus qui lescomposent.Réciproquement,silesthéorieslibérales,néo‐républicainesetcommunautaristesconvoquéesparlesdeuxpremièrescontributionsdecettesession,ontpourfondementd’abordercettetensionentreletoutetsesparties,enlienaveclesthéoriespolitiquesclassiques,elless’éclairentd’unjournouveausousl’angledudébatconsacréauconceptd’intersectionnalité.SophieGuérarddeLatourestainsi revenuesur lestravauxdespenseursnéo‐républicainsPhilipPettit,JohnMaynoretCécileLaborde,poursoulignerlestensionsquelapenséenéo‐républicaine–relativementéloignéedesaccentsdu«républicanismeàlafrançaise»,entretientaveclareconnaissancedeladiversitéculturelle.Cefaisant,enparticulierpardesempruntsàlaperspectivecritiquedeCécileLaborde,l’auteures’estefforcéederésoudre ces tensions, soulignant, dans le contexte d’un multiculturalisme républicain, le caractèreinstrumentaldelapolitisationdesidentitésminoritaires,quinevautquepourluttercontrel’assignationauxcritères censés les différencier. Si l’argument est séduisant pour interroger les tensions particulièrementprésentesdanslecontextefrançais,ladiscussionauranéanmoinssoulignéquelesintellectuelsfrançaiscitéspar l’auteure comme représentatifs d’un républicanisme sourcilleux et hostile à la reconnaissance de ladiversité, ne représentent pas un courant théorique ni ne situent leurs diatribes au même niveau que lesreprésentants de la penséenéo‐républicaine, laissant entière la questiond’unmulticulturalisme s’inscrivantdansunrépublicanismeà la française.QuantàAlainPolicar, ilmontreque lanotiond’intégrationexplicitéepar Dworkin, loin d’être en rupture avec les principes du libéralisme en reconnaissant l’importance del’appartenance des individus à des communautés, réconcilie morale politique et intérêt personnel, enintroduisant l’idéeque la légitimitéde l’État libéralest«liéeà la reconnaissancepar lescitoyensdevaleurspartagées et intériorisées dans une culture politique».Ce que l’auteur présente comme un enrichissementdécisifàlathéorielibérale,estégalementdiscutéàl’aunedel’approchenéo‐républicainedePhillipPettit.LescontributionsdeJaniePélabayetRéjaneSénacontpermisd’articulercepointdevuedethéoriepolitique,avec la question de la «gouvernance» de la diversité dans le débat public et les politiques publiques. Lapremière de ces contributions s’est ainsi attachée à une analyse très détaillée des propositions contenuesdans le rapport Bouchard Taylor élaboré au Québec dans le contexte d’un échec proclamé dumulticulturalismesuiteàlacriseautourdes«accommodementsraisonnables»etd’unediffusionduprincipede«valeurscommunes»propresàlasociétéquébecoise.Inscrivantledéveloppementdecediscourssurles«valeurscommunes»dansleprojetd’un«gouvernementdeladiversité»,distinctd’unepolitiquedetoléranceoude reconnaissance, l’auteures’estégalementattachéeà interroger lacompatibilitéd’une telleapprocheavec leprojetd’une intégrationpluraliste, soucieused’accueillir favorablement lepluralisme.Soulignant lestensionsquitraversentleRapportBouchard‐Taylor,l’auteureamontréenparticulierl’ambivalenceassociéeàlasituationduQuébec–àlafoisenclaveminoritaireauseind’unblocanglophone,etsociétéconfrontéeelle‐

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mêmeàunediversitécroissante.EclairéeégalementparlecasdelaCatalognedanslecadredeladiscussion,la situation analysée en détail dans cette contribution aura ainsi permis de donner corps aux tensionsabordéessousl’angleprincipalementthéoriquedanslecadredesdeuxpremierspapiersdelasession.Enfin, la contribution de Réjane Sénac s’est attelée à poursuivre l’exploration du caractère politique duprocessus de dépolitisation associé à l’institutionnalisation française de la promotion de la parité et de ladiversité.S’efforçantd’analyserlesrapportsentrel’organisation–ougouvernance–desdifférencesdanslasociétéfrançaisecontemporaine,et,d’autrepart,l’articulationentrelesordres«naturel»,économique,socialetpolitiqueetladéfinitionduprinciped’égalitérépublicain,l’auteureinterrogelamanièredontlaparitéetladiversitéaffecte lapriseencompteet la reconnaissancedesdifférencesdans l’espacepublic,et lamiseenœuvreduprincipedejusticeplacéaucœurducontratsocial.Elleabordecefaisantl’hypothèsetestéedanslecadredetravauxantérieur–celled’uneinstitutionnalisationd’uneégalitésousconditionde«performancedela différence», au prisme de l’articulation de deux tryptiques «sexe/race/classe» et«culturel/économique/libéral» et des tensions entre politiques d’égalité et politiques d’identité, dans lecontexted’unréférentiel libéral.Pourcefaire,RéjaneSénac interrogeladichotomieposéeparWalterBennMichaels entre inégalités économiques, fondamentales, et inégalités ethniques ou sexuelles, qualifiées deculturelles,àlalumièredelathéorietri‐dimensionnelledelajusticeproposéeparNancyFraser,quiarticuleladimensionpolitiquedelareprésentationauxcôtésdeladimensionéconomiquedeladistributionetdecelle,culturelle,delareconnaissance.Session2/LesenjeuxdutraitementintersectionneldesdiscriminationsmultiplesPrésidente:RéjaneSénac(CNRS‐CEVIPOF)

• LudivineThiaw‐Po‐Une(UniversitéParisSorbonne‐ParisIV)TroisapprochesdutraitementdesdiscriminationsmultiplesenEurope:Entreimpulsioncommunautaireetpathdependency

• Annalisa Lendaro (Ecole Nationale d’Administration Publique du Canada ‐ ENAP)Nommer et agir sur les populations discriminées. Une comparaison de deux dispositifs locaux de luttecontrelesdiscriminationsmultiplesenFranceetenItalie

• MaximeForest(SciencesPo,OFCE‐PRESAGE)L'intersectionnalitéauprismedeladiversité?Unregarddécentrésurlafabriquedespolitiquesd'égalitéetdeluttecontrelesdiscriminationsenFrance

Davantage centrée sur le traitement des discriminationsmultiples par les politiques publiques, la secondesession aura permis de proposer une analyse multi‐niveaux de l’institutionnalisation de telles politiques,intégrantàlafoisleséchelonsrégional,nationaleteuropéen.S’appuyantsur latypologiedesdifférentesapprochesdutraitementdesdiscriminationsmultiplesproposéedansunouvragerécemmentparusousladirectiond’AndreaKriszan,HegeSkjeieetJudithSquires,LudivineThiaw‐Po‐Unes’est d’abord attachée à distinguer les politiques abordant les inégalités de genreindépendamment des autres inégalités, des politiques intégrant le concept d’inégalités multiples et desapproches «intersectionnelles». Puis l’auteure a entrepris d’interroger les conflits de droits associés àl’institutionnalisation des discriminations multiples, et de distinguer, dans ce processus, ce qui relève del’impulsion ou de la contrainte communautaire, des trajectoires de dépendance aux sentiers empruntés, àl’échellenationale,dansl’institutionnalisationdespolitiquesd’égalitéetdeluttecontrelesdiscriminations.Cefaisant, cette contribution a souligné le renouvellement du sujet politique par les théories del’intersectionnalitéetproposédesélémentspouranalysercequel’auteureabordecommedesrésistances,enEurope,àunevéritableapprochedesdiscriminationsmultiplessousl’angledesintersectionsentrefacteursdediscrimination.AnnalisaLendaros’estquantàelleattachéeàcomparerdemanièreapprofondiedeuxdispositifsrégionauxdeluttecontrelesdiscriminationsmultiples,enrégionPACAetenLigurie.Sepenchant,dansuneperspectiveconstructiviste, en premier lieu sur les différences sociétales qui distinguent deux approches de l’actionpubliquefaceàl’objetdes«discriminationsraciales».L’auteureéclairecefaisantlesliensentrelesmodalitésde lutte contre les discriminations multiples et la conception de la justice sociale à l’œuvre derrière lesdispositifspublics.Multi‐niveaux,cettecontributionabordelerôledelarégion,desservicesdéconcentrésdel’Etat, des municipalités et du «tiers secteur», et les instruments qu’ils mobilisent. Anna‐Lisa Lendaros’interroge en particulier sur l’existence d’une construction, à l’échelle régionale et sous l’impulsion de cesdifférentsacteurs,decequi constitueunediscrimination racialeet la légitimationdesdispositifspublicsdeluttecontrelesdiscriminationsmultiples.DanslecasdePACA,lerôledesservicesdéconcentrésdel’Etatdans

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la diffusion d’unmodèle national de traitement de ces situations estmis en avant, tandis qu’en Ligurie, lecaractère régionalisé des politiques d’insertion et de lutte contre les discriminations, ainsi que le rôle desassociations–confessionnellesnotamment,concourentàdéfinirlanaturedecespolitiques.Ladiscussionaurapermisd’ouvrircetteanalysesurlapossibilitédecomparaisonsélargies,àl’échelled’autresrégions–dotéescette fois de compétences législatives, et, dans chacun des pays traités (la France et l’Italie), d’autresterritoires dotés de caractéristiques différentes du point de vue des cultures de politique publique et desréseauxd’acteursmobilisés.Enfin, Maxime Forest a abordé les politiques d’égalité et de lutte contre les discriminations conduites enFranceàl’aunedesdébatsnouésauniveaueuropéenautourdutraitementdesdiscriminationsmultiplesetdel’intersection entre différentsmotifs de discrimination. Cette analyse critique s’est appuyée sur l’approcheinspirée de l’institutionnalisme discursif développée in Lombardo & Forest (2012), et la perspectiveinstitutionnaliste historique adoptée in Alonso, Bustelo, Forest et al. (2012), développant l’hypothèse selonlaquelleladiversitéconstitueunestratégiediscursive,adoptéedansuncontextenationaldépendantvis‐à‐visdu Droit et des trajectoires d’institutionnalisation des politiques d’égalité et de lutte contre lesdiscriminations.De cepoint de vue, cette contribution apermis d’alimenter le constat posé au cours de lasession,ducaractèrepathdependentdesdispositifsdeluttecontrelesdiscriminationsmultiplesenEurope.

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ST66Lepartagepublic/privé:généalogieetrecompositions

CamilleFROIDEVAUX‐METTERIE(UniversitédeReimsChampagne‐Ardenne/IUF)

[email protected]‐VincentHOLEINDRE(UniversitéPanthéon‐AssasParisII)

[email protected] L’objectif de cette section thématique était de s’interroger sur les origines du partage public/privé dansl’histoire et la pensée politiques mais aussi sur les recompositions de ce partage dans la périodecontemporaine. L’appel à communications a suscité une trentaine de propositions (pour huit finalementretenues), essentiellement issues de deux sous‐disciplines de la science politique: la théorie politique etl’analysedespolitiquespubliques.Notredémarcheincitaitàunteldialogueintra‐disciplinaireentredeuxsous‐disciplines qui n’ont pas pour habitude de communiquer (notons que les choses tendent à changer). Si lecouplepublic/privéconstitueunélémentstructurantdansl’histoiredelapenséepolitiqueetparticulièrementde la théoriepolitique libérale, laquestiondupartagepublic/privé figureenbonneplacedans l’agendadesrecherches en politiques publiques, lorsqu’il s’agit notamment d’interroger la redéfinition du périmètred’action de l’État. Les conditions du dialogue étaient donc réunies,même s’il aurait été souhaitable que ladimensioninternationaleetcomparativesoitplusprésentedanslespropositionsdecommunication,afindemettreenperspectivelesdonnéesetlesinterprétations. Notrehypothèsededépartétaitdeconsidérerlepartagepublic/privédanssonhistoirelongue,afindenousdonner lesmoyensdesaisir les recompositionsactuellesdans toute leur spécificité,d’où ladémarchegénéalogiqueinitiéedanslapremièrepartiedelasectionthématique. StéphanieRoza(«Auxoriginesde laconceptionfrançaisedupartagepublic/privé:deRousseauà laRévolutionfrançaise»)abienmontréquelapenséepolitiquedeRousseau,inspiratricedesRévolutionnairesfrançais et notamment de Sieyès, représentait une balise essentielle dans la généalogie du partagepublic/privé.Maiselleaaussimisen lumière le faitqueRousseaurévélaitcertainestensions inhérentesà lamodernitépolitique: paruncôté, il aexprimédanssesœuvrespolitiques lavolonté toute républicainedesubordonner la sphère privée à la sphère publique ; par l’autre côté, dans ses écrits plus «littéraires», il aprésentélemondedel’intimecommeuncontre‐modèlepourpenseruneréformegénéraledelasociété. Nicolas Piqué («Signes et sécularisation du visible: éléments pour une généalogie de la sphèrepublique») a proposé une autre périodisation de la constitution d’un espace public que celle qui estgénéralement retenue (notamment chez Habermas). Pour lui en effet, le partage public/privé est trèsdirectementliéàlaquestionthéologico‐politiquetellequ’elleestformuléedanslesœuvresdeLuther,Calvinet plus tard de Pascal. Chez ces auteurs, la logique religieuse de la manifestation de Dieu dans le mondehumain sedissoutpour rendrepossibleunespacepublicoù leshommes sontporteursde signes séculiers.C'est par un processus de sécularisation du «visible» que l'espace public aurait ainsi émergé, de l'intérieurmêmedelareligionchrétienne. CamilleFroidevaux‐Metterie(«Larévolutionféministeetladésexualisationdupartagepublic/privé»)propose de repenser la généalogie du partage public/privé au prisme de la «bipartition sexuée de l’ordresocial». Il apparaît que le mouvement féministe de la seconde vague a conduit, dans la périodecontemporaine, à remettre en cause une division instituée dès l’Antiquité gréco‐latine entre l’homme, encharge des affaires publiques, et la femme, cantonnée à la sphère privée et domestique. Aujourd’hui, ladésexualisationdesrôlesetdesfonctionscontribueàredéfinirlesrapportshommes/femmesmaiségalementle partage public/privé. Celui‐ci se trouve remis en cause au profit d’un réordonnancement articulantdésormais trois ordres non plus séparésmais imbriqués: le public‐politique, le privé‐social et l’intime, troisordresauseindesquelsleshommesetlesfemmespossèdentlamêmelégitimité. Autermedecettepremièrepartiegénéalogique,BenjaminLoveluck(«Permanenceetrecompositiondupartagepublic/privéàl’èred’Internet»)s’estintéresséàlafaçondontInternetavaitcontribuéàredéfinir

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lepartagepublic/privé,aupointdeproduireunbrouillageentrelesdeuxsphères.Lesobservateurssontsurcettequestionpartagés:lesunsconsidèrentquel’expositiondel’intimeetlaparoledébridéepropresauwebposent le problème d’une transparence poussée à son paroxysme et se retournant contre les libertésindividuelles; les autres estiment qu’Internet permet d’intégrer demanière plus égalitaire les citoyens à lasphère publique. Benjamin Loveluck se propose d'aller au‐delà de ces oppositions aussi polémiques queschématiques,pourmontrercequelalibrecirculationdel’informationfaitaulibéralismedémocratique:d’uncôté, Internet peut permettre de réaliser une démocratie «émanant plus directement des citoyens»; del’autre,lewebpeutfavoriseruneprivatisationvoireunemiseausecretd’enjeuxquirelevaientautrefoisdelasphèrepublique,audétrimentduprojetd’autonomieexpriméparladoctrinelibérale. Reprenant l'ensemble de ces interventions, Annabelle Lever a soulevé un certain nombre dequestions, relatives notamment au partage domestique/politique. Elle s'est demandée si la conception dedeux sphères séparées et distinctes ne permettait pas de répondre aux contradictions de l'égalité. Encantonnantlesfemmesdansleslimitesétroitesdufoyeretenassimilantlefémininàlavertu,lesthéoriciensde la modernité politique n'ont‐ils pas esquivé les enjeux émancipateurs de l'universalisme des droits del'homme? La deuxième partie de la section thématique s’est focalisée sur la question des recompositions dupartagepublic/privé.Lesprofondsbouleversementsqueconnaissentnossociétéscontemporainesviennenteneffet remettreencause lesdistinctionset lescatégoriesclassiqueshéritéesde l’histoireetde lapenséepolitique moderne. Nous avons ainsi identifié un double mouvement de publicisation du privé et deprivatisation du public qui constitue l’un des éléments centraux du questionnement de cette sectionthématique. Les quatre papiers s’appuyaient, dans cette perspective, sur des études de cas. Auriane Guilbaud(«L’hybridation des politiques mondiales de lutte contre le VIF/sida et les maladies négligées à travers ledéveloppementdepartenariatspublic‐privés»)aprésentéunecontributionaucarrefourde lasociologiedel’actionpubliqueetdesrelationsinternationales.Revenantsurlafabriquedespolitiquessanitairesàl’échellemondiale, elle a montré que ces politiques publiques avaient la frappante particularité d'intégrer unemultituded’acteursaustatuttrèsdifférentdansleprocessusdedécision:public,privéàbutnon‐lucratif,maisaussi privé à but lucratif, voire «intermédiaire» (fondations issues du capital d’un entrepreneur). Si lespolitiquessanitairesnesontpasépargnéesparlephénomènedelaprivatisationd’enjeuxautrefoiscontenusdanslasphèrepublique,c’estsurtoutl’hybridationentrepublicetprivéet,cefaisant,entrelogiquelucrativeetlogiquenon‐lucrative,quidoitêtreremarquée. En étudiant le cas de l’autisme, Céline Borelle («Le soin : un enjeu politique ? Collectivisation etprivatisation du soin dans le cas de l’autisme») s’est intéressée à la problématique du care, défini commel’ensembledesactivitésvisantàprendresoind’autrui.Seposantlaquestiondesavoirsilecareconstituaitunenjeucollectifouindividuel,elleamontrécommentdesquestionsrelevantautrefoisduprivévoiredel’intimeavaientétépubliciséesaumotifqu’elles concernaient lebiencommun.CélineBorellea toutefoisnuancé leconstat en soulignant le fait que le care pouvait tout aussi bien faire l’objet de politisation que dedépolitisation, laresponsabilisationdesparentsétant liée,danslecasdel'autisme,àunepolitiquepubliquesouventinsuffisante.Lamiseenplaced’uneactionpubliqued’aideàlaparentalitéposeainsileproblèmedestensionsinhérentesentresphèrepubliqueetprivée. Dans sa contribution sur l’action publique vis‐à‐vis du tabac, Caroline Frau a contribué, par unedémarche socio‐historique, à corriger la généalogie du partage public/privé couramment retenue («Dumercantilismeaurisquesanitairecommemodede justificationde l’interventionde l’Etat.Transformationetrecompositiondel’actionpubliquesurlemarchédutabac»).Onassocieeneffetspontanémentl’hybridationpublic/privé à l’émergence du libéralisme voire du néolibéralisme. Elle a montré que le statut hybride desentreprisesetdespersonnelsd’Étatétaitapparudèslaconstructionétatiquemoderne,avantdonclamiseenplace d’un dispositif libéral. Par la suite, l’État a continué de se préoccuper de questions liées au tabac enraisondesesobligationsenmatièredesantépublique;cependant,sonimplications’avèreinfinedépendredecontextessocio‐historiquesspécifiquesquiontàvoiravecl’évolutiondesmœurs. AmandineMontagut a présenté son enquête en cours surLa Poste, entreprise publique désormaisprivatisée,mais toujours soumise à une «mission de service public», interrogeant ce qui se présente biencommeunparadoxe(«Interrogerl’exercicedemissionsduservicepublicpostaloulamiseenquestiondela

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garantie de l’intérêt général»). Elle a montré que, par un côté,La Poste se devait d’être une entrepriserentable soumise à une concurrence dans le contexte de l’européanisation,mais que, par l’autre côté, elledemeurait un acteur majeur des politiques publiques, notamment en matière de maillage territorial et deprésencedel’Étatdansleszonesrurales. Danssoncommentairedelasecondepartie,PierreMulleraposélaquestionquiluidonnaittoutsonsens: qu'est‐cequenousdit l'approchepar l'actionpubliquedes recompositionspublic‐privé ? Il a ainsi pul'évoquercomme le lieuoù l'onpensecettearticulationetoùonagit surelle.Toutefois,déplorantque leschercheursenpolitiquespubliquesfassenttropsouventl'économiedelarepriseréflexivedeleursterrains,ilapu regretterqueces recompositionssoientdavantage «agie»que«pensée».Ouvrantsurune réflexionqu'il entend bienmener dans un proche avenir, PierreMuller amis en évidence, pour conclure, le lien quiexistaitentrecyclesdepolitiquespubliquesetrégimesdecitoyenneté. Au terme de cette section thématique, plusieurs enseignements ont pu être tirés. Il nous sembled'abordavoircontribuéànuancer les interprétationsusuellesconcernant lagenèsedupartagepublic/privé.Cela nous a permis ensuite de repérer plus finement le caractère inédit de ses recompositions. Surtout, ladiscussion intradisciplinaire sur le thème du partage public/privé s’est révélée très féconde. Plusieursquestionnements communs, épistémologiques ou empiriques, sont apparus au fil des exposés et desdiscussions:lelienentrethéorieetempirie(commentpasserd’uneétudedecassurunauteur,unthèmeouune institution à la généralisation?); la question du néolibéralisme, qui accentue le double phénomène depublicisation de public et de privatisation du privé, à travers notamment la montée en puissance despartenariatspublic/privé;ouencorel’émergenced’unesphèredel’intimedansl’espacedupolitique,quivientcompliquerlaséparation«classique»entrepublicetprivé…Ceséchangestrèsstimulantsappellentdeplusamples réflexions et développements: d’autres rencontres autour de ces thèmes pourront ainsi êtreorganiséesàl’avenir.

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MPP1Enseignerlesrelationsinternationales.Expériencescroisées

ThierryBALZACQ(UniversitédeNamuretUniversitéd’Edimbourg)

[email protected]édéricRAMEL(SciencesPoParis,CERI)

[email protected]’histoire académique des Relations internationales en tant que discipline se confond avec celle desEtats‐Unis (Vennesson).QuandbienmêmesonoriginesesitueenGrande‐Bretagneaprès laPremièreGuerremondiale(LapremièrechairedeRelations internationalesestcrééeàAberystwythauPaysdeGallesen1919),sesponctuationsrésultentdecontroversesoutre‐atlantiquesprésentéesauxétudiantssousformede«grandsdébats».Dansunarticlefameux,StanleyHoffmannqualifieraainsilesRelationsinternationales de «science sociale américaine» (Hoffmann). Issue d’une «greffe qui prend», cettescience aura pour fondement le réalisme classique importé par un exilé européen du nom deMorgenthau. Celui‐ci diffuse sur le sol des Etats‐Unis les conceptions de Treitschke ou de Weber,étrangèresàl’histoireculturelleetintellectuelledupays.Lesprédispositionsintellectuellessontl’undestroisfacteursidentifiésparHoffmanncommefavorablesàcetteentreprisescientifique.Lesdeuxautressont les circonstances politiques offertes par la victoire de 1945 – les Etats‐Unis sont une grandepuissance et supplantent définitivement la Grande‐Bretagne ‐ et les facilités institutionnelles – laprésence de grandes fondations du type Carnegie, Ford ou Rockfeller qui financent largement larecherche. Le projet de Morgenthau peut se concrétiser: fonder une science selon des principesrigoureux conformément à l’esprit de l’époque qualifié par Dahrendorf d’«applied Enlightenment».Croyancesenlapertinencedessciencessocialesfondéessur lesapportsdessciencesdelanaturequibénéficient d’un prestige sans égal après la Seconde guerremondiale, voilà le terreau dans lequel agermé ce qui deviendra le paradigme de la discipline. Il est incontestable que la production savantetrouvel’undesesnoyauxdursauxEtats‐Unisetceencoreaujourd’hui.Disciplinemajeuredanslemondeanglophone,donc,lesRelationsinternationalesmènentuneexistenceparadoxale dans la plupart des Etats francophones. Pourtant, plusieurs institutions d’enseignementsupérieur proposent un portefeuille varié de formations approfondies (Masters, par exemple)estampillées«Relations internationales».Deplus,durant les troisdernièresdécennies, lapopulationd’étudiantssespécialisantdanscechampdisciplinaireaconsidérablementaugmenté.Lemodules’eststructuréautourdetroisaxes.Lesdébatssesontorientésvers lareconnaissancedesRI,leurconstitutionetleurpositionacadémique.Lesaspectsdetechniquespédagogiquesn’ontpasfaitl’objet1.UnedescriptiondecontextesacadémiquesspécifiquesLestroisEtatstraitéslorsdumodule(Canada,Suisse,Belgique)relèventtousdelaformefédérale,cequi constitue une particularité organisationnelle dans le développement des universités. Ils secaractérisent également par un plurilinguisme dont la portée dans le contexte universitaire mondialtendàs’altérersousl’effetdutropismeaméricain.Toutefois,ilsprésententtoutefoisdesparticularités.CANADA

- une proximité avec le géant américain qui induit une densité de relations académiques plusformaliséesaveclechampdesRI(notammentl’existenced’unesectionEtudescanadiennesauseindel’InternationalStudiesAssociation)

- unemajoritéd’approchescritiquesdansl’offrethéoriquedesenseignementsenRI

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- un itinéraire doctoral qui passe de plus en plus par le marché américain (tendance à undéséquilibrelinguistiqueauprofitdel’anglaisycomprisauQuébec)

SUISSE

- uneprécocitédesenseignementsetdelarechercheenraisondelafonctiondiplomatiquedelavilledeGenève

- unerésistanceàl’autonomisationdeladisciplineRIselonlesmodèlesaméricainoubritannique(IHEIprivilégielesapprochespluridisciplinaires)

- l’identificationdefiguremarquantedansl’essordel’étudedesRIàl’instardeJacquesFreymond- une influencede la réorientationde lapolitiqueétrangère suisse sur ladéfinitionde l’agenda

académiqueBelgique

- desenseignementsdeRIàpartirsurtoutdelasecondeannée- une insertion des études de RI dans les Facultés d’économie et de gestion, et non pas droit

commeenFrance- une stratégie de publication (en français et en anglais) vigoureuse mais encore un peu trop

nationale, à quelques exceptions près. On peut toutefois souligner une tendance soutenue,chezlesjeuneschercheurs,àl’internationalisationdèslespremièrespublications

- danslerationombred’étudiants/nombresd’enseignantschercheurs,lesRIsontsouventmoinsbiendotésqued’autresspécialisationsde lasciencepolitique, telleque lasociologiepolitiqueoulapolitiquecomparée.

2.Uneréflexionsurlerapportaunoyauaméricain.Les expériences académiques observées démontrent une grande vitalité de la production savanteextérieureàl’anglosphère,aumêmemomentoùcelle‐civoitémergerladiscipline,c’est‐à‐direen1919End’autrestermes,iln’yaquepeud’autarcieoud’îlotsnationauxpuisquecesvoiescroisentlesréférencesde langue anglaise et rencontrent leur vague d’expansion. Celle‐ci peut revêtir quatre dimensions:territoriale (au‐delà des nations occidentales), disciplinaire (à l’intérieur de la Science politique),substantielle (dans la définition de programmes de recherche labellisés Relations internationales),théorique (outils et approches) (Hellmann). Lors des échanges avec la salle, la question d’uneproliférationdesapprochesditesnationalesdesRIaétéégalementsoulevée(notammentenRussieoulesgrandsémergents).L’unedeshypothèsesàtesterconsisteraitàétablirunecorrélationentrel’essorde ces approches et le développement d’une discipline uniforme sur modèle américain (thèse de laréactivitéépistémologique).3.UnemiseenperspectivedelatrajectoirefrançaiseparcontrasteLe cas français n’a pas fait l’objet d’un traitement direct au cours du module. Toutefois, dans leséchangesavec lasalle, laquestionducontexteacadémiquefrançaisasuscitéundébat.Existe‐t‐iluneperspective française spécifique? Pourquoi l’article de Stanley Hoffmann sur les RI comme «sciencesocialeaméricaine»a‐t‐ilautanteud’échoalorsqued’autresproductionssavantespubliéesenfrançaisetquiluisontantérieuresaboutissentdéjàaumêmediagnostic?LelecteurpourraretrouverunepartiedecesrésultatsetdecesdiscussionsdanslapremièrepartieduTraitédeRelationsinternationalesquiparaîtraauxPressesdeSciencesPoàl’automne2013.Hellmann, Gunther, 2011, “International Relations as a Field of Study”, International Encyclopedia ofPolitical Science. 2011. SAGE Publications. <http://www.sage‐ereference.com/view/intlpoliticalscience/n295.xml>.

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Hoffmann Stanley, [1977] 2001, “An American Social Science: International Relations”, in Nossal KimRichard, “Tales that Textbooks Tell: ethocentricity andDiversity in American Introductions to IR”, inRobertM.A.Crawford,DarrylS.L.Jarvis,ed.,InternationalRelations–StillanAmericanScience?TowardsDiversityinInternationalThought,NewYork,StateUniversityofNewYorkPres.VennessonPascal,1998,“LesrelationsinternationalesdanslasciencepolitiqueauxEtats‐Unis”,Politix,41,pp.176‐194.Waever Ole, 1998, “The Sociology of a not so international discipline : American and EuropeandevelopmentsinInternationalRelations”,InternationalOrganization,52,4,pp.687‐727.

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MPP3Lessimulationsensciencepolitique:

histoired’uneinnovationetétudedesesenjeuxpédagogiques

AdrienFAUVE(SciencesPo/CERI)adrien.fauve@sciences‐po.org

PhilippePERCHOC(UniversitéCatholiquedeLouvain/CECRI)[email protected]

Cemodule,qui faitsuiteàceluideStrasbourgen2011,permetd’approfondir lestroisdimensionsdessimulations: didactiques, scientifiques, et professionnalisantes, en s’appuyant sur de nouvellesexpériences.

AdrienFauveenrappelletoutd’abordlesenjeux:iltrouvedessimilitudesentrel’usagedesimulationsetlaméthodesocratique:danslesdeuxcaslasocialisationestunedimensionimportanteduprocessus,ellepermetdeseformerintellectuellementtoutens’amusant(XénophonetPlatononteuxaussiinsistésur «l’écriture sérieuse», le fait «d’être sérieux tout en jouant», que l’on retrouve aussi chezAristophaneetRabelais.Enlatin,eduqueren’implique‐t‐ilpasquel’on«sortedelaroutine»?).

PhilippePerchocfaitl’historiquedessimulationsdanslesquellesilaétéengagéavecAdrienFauve.Ilyestvenuparunengagementassociatifmilitant,dans lebutdepermettreaux lycéensdeconnaître lemodèle européen. La différence entre le concept de simulation européenne et la pratique des«Parlementseuropéensdesjeunes»tenaitdèsl’origineàlasubstitutiondeprofesseursvolontaires,quiengagenttouteleurclasse,auxlycéensquis’ylancentdeleurproprechefenordredispersé.Ils’agissaitalors de leur fournir un kit clefs enmains pour simuler l’audition de candidats à la présidence de laCommission Européenne avant investiture. Les lycéens ont apprécié les joutes verbales, et, selon lesconditions dans lesquelles l’expérience se déroulait, il a pu leur arriver de ne pas entériner unecandidature.500 lycéenssesontsuccédéentroisans,grâceàunfinancementde l’UE,certainsyontdécouvertleurvocation(parexemple,avocat).

Cettesimulationaétéensuitetransposéeàl’échelondetroisétablissementsd’enseignementsupérieur(décritedansl’articlesurlessimulationsàparaître,rédigéparlesanimateursdelasessionprécédenteàStrasbourg), avec l’aide de Francesco Marchi de l’ESSEC‐IRENE. Celui‐ci souligne l’importance dudébriefing,aussibienpour lesétudiantseux‐mêmesquepour lesenseignantsorganisateurs,carc’estcetteprocédurequipermetlemieuxdedistinguerdesimplesjeuxderôlesd’unevéritablesimulation.Au cours des simulations européennes, par exemple, une expérience de «pause and play» a étépratiquée,avecsuccès(touteslesdeuxoutroisheures,lasimulationestsuspendueafindecommentercequis’estpasséjusquelà).Néanmoins,commeleremarquentdesparticipantsàcemodule,intervenirdansledéroulementdujeurisquedelefausser.

Les avantages de ces simulations européennes sont évidents: mélanger les étudiants de plusieursétablissements (au lieu de ne mobiliser que ceux qui se connaissent déjà); professionnaliser lesactivistesmembresd’associationspro‐européennes;introduireaumontagedeprojet,trèsappréciédesfutursrecruteurs;et,biensûr,formerauxtechniquesdenégociation.Deplus,ellesaidentlesétudiantsàcompléterleurformation,carlesthèmessontchoisisdefaçonàcomblerdeslacunes(lesparticipantsn’ont pas eu de cours préalables dans ce domaine) ou à illustrer des enseignements (des cours dethéorie des négociations la précèdent). Enfin, les étudiants sont plongés dans lemonde réel dont‐ilsdécouvrent avec surprise le fonctionnement (le lobbying agricole en est un exemple édifiant, parl’étonnementqu’ilsoulèvechezlesparticipants),surtoutquandilsontcoachéspardesambassadesoudesentreprises(Gazprom,danslasimulationsurl’énergie)oùilssonttrèsbienaccueillisaucoursdeslaphasedepréparationdelasimulation.L’inclusiond’étudiantsenjournalismepoureffectuerdesrevuesenligneetdesinterviewsdesétudiantsjouantunrôleetdelapersonnequiluicorrespondenvrai,ou

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bien faire des analyses à chaud au cours de la simulation, sont également des facteurs de réalismeappréciés.

D’autantquecetexerciceestvaloriséparlesrecruteurs:uneétudedeFrançoisForêtmontrequ’ilssontsensiblesà laparticipationdescandidatsà troisactivités formatrices: lemontagedeprojet, suividessimulations et enfin des stages. Or, on peut parfois combiner ces trois atouts au cours d’un mêmeexerciceàconditionqu’ilsoitsuffisammentlong.

Enrevanche,laplupartdecesexercicessontextracurriculaires,ilfauttrouverunmoyendeslesplacerdansl’agendadesenseignementsducurriculum,delesgratifieroucréditer,voirdenoterlesétudiantsindividuellement dans un cursus obligatoire. Le problème est identique pour les enseignants, quidoiventyaccorderbeaucoupdetempsavecpeuderémunération.

Michèle Guillaume‐Hofnung présente ensuite l’expérience conduite depuis plus de trente cinq ans àParis 11 Sceauxdans le cadredumaster endiplomatie et négociations stratégiques (une initiative deMarioBettati,dontlanotiondedroitd’ingérenceaémergé).Ilenressortnotammentquecetexercicepeutcontribueràl’énonciationd’unenormeouàlaclarificationdel’usagedetermesopérationnelsoujuridiques,commelamédiation.

C’est une opération longue, qui commence en septembre et s’achève en mai par trois jours enimmersioncomplète.Ellese faitenpartenariatavec troisuniversitésdontune libanaise (LaSagesse).Les sujets sont connus à l’avance, et traités dans le cadre d’une unité pédagogique appelée «projetprofessionnel».Ils’agitd’aideràladéfinitiond’untermeoud’unproblème,parfoispourlecompted’uncommanditaire(Conseildel’EuropeouCommissionEuropéenne),carl’acquisitiondecettecompétenceest considérée comme indispensable par des institutions européennes (elle fait partie de la «boîte àoutils»que lescandidatssontsupposésavoir).Lesétudiantson répartisengroupes,chacunavecuntâche différente (par exemple, définition du terme «médiation», indépendance des médiateurs,formationàladémarchedemédiation).Ilssemettentavecenthousiasmedanslapeaudeleurrôle.

ClaireVisierévoqueàsontouruneexpérienceconduiteàRennes1,oul’onpratiqueun«pré‐briefing»:oninformesurledéroulementdel’exerciceetsesbuts,onfaitparlerchacunsurcequiestattendudujeu avant son déclenchement. L’exercice consiste en trois modules successifs (négociationinternationale, lobbying,montagedeprojet), suivisdequinze joursde simulation.Un tutorat associepar paire des enseignants de droit, d’économie et de science politique. Les participants déclarentapprécier les cours de théorie qui débouchent sur la pratique, la rencontre avec de vrais experts,l’émulationquienrésulte.

AsciencesPoMadagascar,quiexistedepuisdeuxans, lessimulationssontobligatoires,commenousl’apprendDavidaRajaon.Ellesoccupent20%delaformation,delapremièreannéeaumaster.Dansunpays africains, l’oral est très important, il s’agit donc de maîtriser la rhétorique. Un concours estorganiséentregroupesd’étudiants,avecunefinaleetunclassement,cequilesmotivefortement.Dansl’assistance certains réagissent en se demandant dans quelle mesure l’introduction d’un esprit decompétitionpeutaffecterl’exerciceetcomment.

Au‐delàdecesbutspédagogiques,onnesaitpasencorecommenttraiterlesmatériauxcollectéspourfaire avancer la recherche. Comment les notes rédigées par les participants pourraient‐elles êtreutilisées? Quels logiciels adopter pour quel type de démarche (lexicométrie, analyse de discours,CAQDAS)? Demander à ceux qui en ont faites de remplir un même questionnaire pourrait êtreopportun,bienquemalaiséàconcevoiretàadministrer.Onpourraitaussisedemanderquandetoulessimulationsont‐ellescommencé,àquoiressemblaient‐elles,commentont‐ellesétéreproduitesailleurs?Onpourraitenfind’interrogersurlapréférencedesemployeurspotentielspourcetyped’exercice.

Yves Schemeil observe qu’une recherche expérimentale sur les simulations serait encore plusambitieuse.Ellesupposeraitquel’onconçoivedesgroupesdecontrôleetdesgroupesd’expérience,en

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faisant varier les consignes données aux uns et aux autres, les règles de procédure, ou les sourcesd’information.Lesrésultatsatteintsseraientalorscomparés,etlescausesdedivergencesdepositionsadoptéespourraientêtreimputéesàunevariableouunautre.

Ilrestequelarecherchesurlessimulationsseheurteàdesobstacleséthiques.Ainsifaudrait‐ilavertiràl’avancelesparticipantsqueleursproposoumêmeleurimagepourraientserviràdesfinsd’analyse,ettrouverlemoyend’anonymiserleurcontribution(cequelaCNILnemanquerapasd’exiger).Maisalors,les étudiants se sachant observés ne modifieront‐ils pas leur comportement? Prévenir c’est aussiorienter, voire déflorer un objet de recherche en rendant transparent son usage scientifique et ensuscitantdoncdesperformancesdifférentesdecequ’ellesauraientétésanscesavertissements.Quandlesétudiantsétrangersquiyprennentpartviennentdepaysautoritaires, les filmerou lesenregistrerrisque de leur porter préjudice à leur retour. De plus, comme l’a déclaré une enseignante belge, ilfaudraits’interrogersurlerapportdessimulationsàladémocratie:siellesn’étaientgénéralisablesquedansdesécolessélectives,celareviendraitàpénaliserdesétudiants inscritsdans lesautresfilières: ilfaudraitqu’ellessoientaccessiblesàtous.

En résumé, toutes les interventions soulignent que les participants entrent vite dans le jeu, qu’ilsformulentdesarguments identiquesàceuxque l’onentenddans lavraievie,qu’ilsapprécient le lienainsi fait entre la théorie et la pratique, que l’émulation suscitée et la perspective d’être utile sontproductives, que la préparation et le suivi du déroulement de l’exercice ainsi que lamise en relationavec lespersonnesou lesgroupesquisont lessourcesd’inspirationde leurs rôlessont lesprincipauxfacteursdesonsuccès.

Pourconclure,YvesSchemeilnotequeparrapportauprécèdentcemoduleapermisdedécouvrirdesexemplesnouveaux,etdespistesde réflexionsquin’avaientpasété suffisammentvoirepasdu toutexploréesen2011.Ainsi,lacontributiondel’exerciceàl’employabilitédesétudiantsouàlasatisfactionde commanditaires est une piste à creuser, de même que les effets d’une intervention accrue desorganisateurs sur le comportementdesparticipants.Enfin, lebénéficecitoyende l’exercicen’estpasnégligeable, il mérite que l’on y réfléchisse au‐delà de la découverte des conditions de la prise dedécisiondanslemonderéel,bienbaliséeparlemoduleprécédentetl’articlequienestissu.

Y.Schemeilsuggèred’ouvrirunsitewebhébergéparl’AFSP,composéd’archives(lesdocumentsdéjàrédigés sur les simulations faites, les comptes‐rendus individuels et notes collectives faites à cetteoccasion dans l’espoir qu’elles pourront un jour servir de matériaux à la recherche), de listes deréférencesutiles(lecturesrecommandées,liens),etd’unforumd’échangesquipermettraitàchacundefairepartdesapropreexpérienceenlamatière.Onpourraitégalementpenseràgénéraliser l’idéedekitdesimulation,reproductibledansdesétablissementsautresqueceuxquilesontconçus,quiseraienttéléchargeablesdepuiscesite.

(noterédigéeparYvesSchemeil,le13juillet2013)

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MPP4

Lespolitistesetlesmédias,lespolitistesdanslesmédias.Quellesmodalitésd’interventiondansl’espacepublicmédiatique?

JérômeHEURTAUX(UniversitéParisDauphine/IRISSO)[email protected]

NicolasKACIAF(UVSQ/VIP–CERAPS)[email protected]

Dans leur introduction, les organisateurs du module (Jérôme Heurtaux et Nicolas Kaciaf)rappellentque laquestiondesrapportsentre lesuniversdesmédiasetde larechercheconstitueunevieille interrogation dans l’univers académique. Ces réflexions ont été historiquement structuréesautourdedeuxantagonismesquiserejoignentsansnécessairementseconfondre:

• On observe, d’une part, une tension entre une quête de visibilité (justifiée par l’impératif depublicisationdestravauxscientifiquesetl’exigencedeparticipationauxdébatspublicsaunomd’un statut spécifique) et un souci de préservation de l’autonomie de l’espace de productionacadémique (dont le principal public doit demeurer les pairs, seuls à même d’évaluer lapertinencescientifiquedesgrillesd’interprétationdumondesocial);

• On note, d’autre part, une opposition entre la revendication d’une posture d’intellectuelpotentiellementcapabledeprendrepositionsurunelargediversitéd’enjeuxetl’adossementàunepostured’expertspécialisé,soumisàunimpératifdeneutralitéaxiologique.

Ces divergences n’empêchent cependant pas les chercheurs en science politique de partager uneproblématiquecommune:commentaccéderauxmédiasetpouvoirainsis’exprimerpubliquementsanssubir les contraintes de formatage qu’imposent les routines professionnelles et règles d’écriturejournalistiques?Cetteinterrogation,bienqu’ancienne,mérited’êtreànouveauposée,tantlesuniversdes médias et de la recherche ont été bouleversés au cours des deux dernières décennies. Quatreévolutionsmajeuresméritentd’êtrementionnées:

• La «révolution numérique» qui bouleverse les conditions d’entrée dans l’espace publicmédiatique,maisquiaccroitaussi lacapacitédespublicsextérieursàaccéderauxproductionsacadémiquesetàlesdiscuter,entémoignentlescritiquespubliquesduFNcontrelesapprochesdéfendueslorsd’uncolloqueconsacréen2013auxquaranteansdeceparti;

• Les transformations du champ journalistiquequi voit l’entrée en scène d’une génération derédacteursdavantageouvertsauxsciencessocialesmaisquiconnaît,dans lemêmetemps,unrenforcementdescontraintes:accélérationdutempsdeproduction,précarisationdesstatutsdansdenombreusesentreprises,etc;

• La multiplication des «affaires» judiciaires (plaintes contre Alain Garrigou ou contre lesdirecteurs de France Rebelle) qui questionne l’exercice effectif de la liberté d’expression desuniversitaires;

• Les transformations du champ académique: moins tournée vers ses objets canoniques surlesquellesleschercheurssontpourtantleplussollicités(élections,partis…),lasciencepolitiqueaconnuunediversificationdesterrainsd’enquête,unemutationdesconditionsdefinancementdelarecherche,unmoindreancragemilitantdeschercheurs.

Dans ce contexte, les politistes ont pris conscience des exigences de vulgarisation de leurssavoirs,toutenétantmarquésparlamenaced’uneempriseduchampjournalistiquesurlesespacesdeproductionintellectuelle.Plusieurschercheursontnéanmoinstentéderésoudrecedilemme,àl’imagede Cyril Lemieux dont les travaux de recherche et les modes de participation au débat public ontbeaucoup compté dans la genèse de ce module. Les deux coordinateurs ont également participé à

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l’animationd’uneéditionparticipatived’analysedelacampagnedesélectionsde2012surMédiapart,encollaborationavec l’équipede rédactiondece journal.Onconstateégalementunemultiplicationdesblogs de chercheurs qui permettent à la fois des formes originales de communication au sein de lacommunauté académique mais aussi des interventions plus réactives et plus autonomes vis‐à‐vis del’actualité. Restent deux interrogations sur la diversité des publics qui s’y rendent et sur l’accès desjournalistesàcessupports.Ilfautdoncs’interrogeràlafoissurlesconditionsd’accèsdeschercheursàlaproductionmédiatiqueetsurlesconditionsd’accèsdesjournalistesàlaproductionacadémique.

Ce module a dès lors pour objectif de cartographier les types possibles de rapports entrepolitistesetmédias.Ils’agitautantd’unretourréflexifsurnospratiquesqu'unséminaired'analysedesrapportsentremédiasetpolitistes. Lemodulede l’AFSPest le format idéal, dans lamesureoù raressont les espaces où nous avons l'occasion de réfléchir collectivement à nos propres pratiques dechercheursendehorsbien sûrdesdiscussions sur laméthodequi sontdevenues rituellesdansnotrefaçondepratiquerlemétier.Unautreobjectifestderéfléchiràdesformatsdecollaborationoptimaux.Pour cela, il fallait réunir des journalistes ouverts aux sciences sociales et des politistes qui ont uneapproche compréhensivedumétier de journaliste et de ses contraintes. Lebut implicite est doncderéfléchir aux «bonnes» pratiques médiatiques des politistes, pas de constater une fois de plusl'impossibilité de cette relation. Ce module réunit deux professeurs de science politique (LaurentBouvet et Rémi Lefebvre) qui entretiennent,malgré la proximité relative de leurs objets d’étude, uncommerce régulier mais différent, avec les médias, en particulier avec les médias d’information etd’analysefrançais,etunjournalistepolitiqued’unquotidienfrançais(ThomasWiederduMonde).

Les deux politistes sont invités à opérer un retour réflexif sur leurs premières expériencesmédiatiques, de raconter leurs transactions avec les journalistes, d’évoquer les savoir‐fairemobiliséspour s’ajuster aux attentes et aux formats médiatiques: quels sont les contours d’une interventionréussie de leur point de vue? Comment fait‐on pourmaîtriser le contenu des interventions? Ils sontégalementincitésàexposerlesfinalitésdesinterventionsdespolitistesdanslesmédiasd’information:quelleestlalégitimitédeschercheursàintervenir?Quellearticulationenfinentrestatutdechercheur,interventionmédiatiqueetengagementpolitique?

Laurent Bouvet est professeur de science politique à l’Université Versailles Saint‐Quentin,spécialistedethéoriepolitique.Ilintervientdanslesmédiascommeintellectuelplusquecommeexpert.Cetanalysteengagédelaviepolitiquefrançaiseaparticipéàdenombreusesaventures intellectuellessituéesàlagaucheduchamppolitique,notamment«lagauchepopulaire».Sonlivreleplusrécent(LeSens du peuple. La gauche, la démocratie, le populisme, Gallimard, 2013) l’a fait connaître au‐delà d’unpublic restreint. Il précise qu’il a commencé à répondre aux sollicitations médiatiques avant d’êtrepolitiste, au début des années 1990, en tant que très jeune militant politique. Il a poursuivi cetengagementpolitiqueàgauche,enétantmembreà la foisduParti socialisteetde la fondationJeanJaurès.PuisilaétésollicitépardesjournalistesduMondeàl’occasiond’undespremiersgrandsforumsorganisésparcequotidienenrégion,encollaborationavecEsprit,àGrenobleen1996.IlenestressortiunportraitetuneinterviewdansLeMonde.Lamédiatisations’estalorsaccélérée,conduisantLaurentBouvet à réfléchir à l’articulation entre engagement politique et engagement politiste, suite à sonrecrutementcommemaîtredeconférencesàlafindesannées1990àl’UniversitédeLille2.L’objetdesesrecherches(uneanalysede«latroisièmevoie»)etl’engagementpolitiqueserecoupaientdefaçond’autant plus saillante que Lionel Jospin arrivait au pouvoir. Laurent Bouvet a même occupé desresponsabilitésàcemoment‐làenprenantlachargedelarevuethéoriqueduparti,LaRevuesocialiste.IlaégalementétélaplumedeFrançoisHollandelorsdelacampagnedeseuropéennesde1999.Ilaétéconduitàs’interrogersurcedoubleinvestissement,d’autantplusquelesjournalistesnefaisaientpasledistinguo lorsqu’ils le présentaient. Laurent Bouvet était présenté comme enseignant en sciencepolitique,etmêmeprofesseuràSciencespo(oùilexerçaitentantquevacataire).L’indistinctionaprisfinquandLaurentBouvetaquittésesresponsabilitésauPartisocialisteenprivilégiantunengagementextérieurdetype«para‐politique»,dansdesthinktanksetenparticipantàlacréationdelacollectiondeLaRépubliquedes idées auSeuil. Il acherchéà interveniren tantquechercheuren revenantà ses

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objetsinitiaux(LesEtats‐Unis)etendélaissantlesréflexions«pluspolitiques»surlasocial‐démocratieen Europe. Ses interventions publiques se sont alors davantage focalisées sur les enjeux auxquellesfaisaitfacelagauchefrançaise(parexemplesonessaisurle«21avril»sevoulaitunlivreengagéetnonunlivredepolitiste,mêmes’ils’appuiesurdessavoirsacadémiques).Puisilaexpérimentéunnouveautyped’engagement,enintervenantcommeexpertsurlesquestionsuniversitaireslorsdelacampagnede 2007 pour le compte de Ségolène Royal. Il a alors arrêté tout engagement politique endémissionnant du Parti socialiste et en devenant un «intellectuel de gauche», «étiquette imprécisemais qui fait sens», ou plutôt en «intellectuel public», «c’est‐à‐dire quelqu’un qui intervientpubliquement àpartir de saposition, de son statut, sa notoriété et de ses ressources, sur un certainnombredesujetsdudébatpublic,nonpasseulementpourfairepassersesidéesmaiségalementpouréclairer le débat public». Les outils numériques, des blogs aux réseaux sociaux, lui ont offertl’opportunitédeconstruirecerôleetdethéorisersesrapportsauxmédias:ilaacquissuffisammentderessources pour choisir à quel média s’adresser. Fortement sollicité lors de la publication de sonouvrageLeSensdupeuple,ilaparexemplerefusédeparticiperauxdébatsmisenplacesurleschaînesd’informationcontinue,afindenepasdevenir«undecespersonnages‐troncquidiscutentdetout».

RémiLefebvreestprofesseurdesciencepolitiqueàl’UniversitéLilleNorddeFrance(CERAPS).Il se présente comme un «intellectuel spécifique» articulant une triple identité: une identitéacadémiqueentantquechercheur,quiessaiedediffuserpar lesmédiassestravauxau‐delàducercleconfinédespairs; une identitémilitante revendiquée (en tantquemembreduParti socialistedepuis1995), «posture qui n’est pas facile à articuler avec la précédente dans un univers professionnel oùl’engagement est peu valorisé voire perçu comme une transgression des normes de la neutralitéaxiologique»;uneprésencedanslesmédias,essentiellementécrits,quiadémarrésuiteàlapublication(avecFrédéricSawicki)deLaSociétédessocialistes(LeCroquant,2006).Cetouvrageaattiréleregardmédiatiqueparsadimensioncritiqueetaconduità«l’enrôlement»deRémiLefebvredanslesmédias.Sa «carrière»médiatique a atteint son apogée lors de la publicationdesPrimaires socialistes en 2011(Raisons d’agir), soit au cœur même des primaires, dans un souci de participation au débat.L’articulation des identités académique, militante et médiatique a évolué, dessinant des cyclesd’intervention.MembreduPSmaisdansuncourantminoritaire, il constateavoirbeaucoupmoinsdechosesàdiredepuisl’arrivéedelagaucheaupouvoir,commes'ilétaitplusunspécialisteduPSquandcelui‐ciestdans l'oppositionqu'augouvernement.Eneffet,RémiLefebvresepréoccupeplus,entantquechercheur,del’organisationsocialiste(sesmilitants,sesélus,etc.)quedesapratiquedupouvoiroudeson idéologie. Ils’empêched’intervenirsur lesquestions idéologiques,afindenepasmélanger lesgenres militant et académique. Ce retrait relatif de l’expression médiatique s’explique aussi parl’acquisitionderesponsabilitésplusfortesauPS,notammentdepuissonaccessionauConseilnational.

PourRémiLefebvre,lesavoir‐fairemédiatiqueconstitueunecompétencequis’acquiert(ilfautquecelaaillevite,ilfautprendreencomptelesattentesdesjournalistestoutenlesreformulant,ilfautavoirconsciencedesformats).Ils’estinvestisousdeuxformesprincipales:tribunesdanslesjournaux(cinqousix)desapropreinitiativemaisaussiinterviews(àl’initiativedesjournalistes,notammentdansLibération). Plus on publie une tribune, plus on peut proposer des papiers longs, en raison de laconstitutiond’uncapitaldelégitimitémédiatique.Lesinterviewssontpluscomplexesàgérer,carpluscourtes et davantage liées à des questions d’actualité. Il reconnait que la relecture des papiers estsystématique(saufpourlapresselocale),cequifacilitesesinterventions.Unelimiteconsistetoutefoisànepassefermerdesportessurleterrain.Ilexprimeégalementsonregretd’avoirparticipéàcertainesémissionstélévisées,commecelled’YvesCalvi,«Cdans l’air»,enraisondunombretrès importantdequestionsquiluiontétéposées,etdeleurmanquedepertinence.Ils’estalorssentienporte‐à‐fauxvis‐à‐visde«faussesquestions»,dedemandesdeprédiction,d’uneattentede«commentaireépique»surla vie politique. C’est pourquoi il préfère intervenir dans la presse où les règles du jeu sont mieuxdéfinies.Selonlui,sipeudejournalisteslisentleslivresdesciencepolitique,certainsonttoutefoislusonouvrage,ycomprisdefaçoncritique,contribuantàenassurerlacirculationdanslesespacesmédiatiqueetpolitique.

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La parole est ensuite donnée à Thomas Wieder, journaliste politique au Monde, où il estchargéde suivre l’activité du président de la République et du gouvernement. Formé aux sciencessociales (ENS, IEP Paris, agrégation d’histoire), il était auparavant affecté au Monde des livres. Ilentretientplusieurs liensavec lasciencepolitique,encontactantdespolitistespouréclairerunpapierd’analyse ou dans le cadre d’interviews. Comment ThomasWieder se repère‐t‐il dans le champde lasciencepolitique?Quels usages fait‐il de ces savoirs et de ses relationsdans lemilieudespolitistes?Quelleperceptiona‐t‐ildesesinteractionsaveclespolitistes?Lacollaborationfonctionne‐t‐elle?Peut‐onl’amélioreretcomment?Deplus,entantquejournalistepolitiqueauMonde,ilaunaccèsprivilégiéaumondepolitiqueetsevoitsollicitéparplusieursmédiaspublics(Franceculture)etprivés(BFMTV,Canal+)pourfairede l'analysepolitique.ThomasWieder produitausside l’analysepolitiquedans lesmédias, entrant de fait en concurrence avec les politistes. Comment caractériser ce type d’analysepolitique? Comment rester exigeant quand on est à ce point sollicité, y compris dans des formatsprécis? Comment échappe‐t‐on aux grilles du commentaire épique, de l’analyse psychologisante, ducommentairedesondages?

ThomasWiederauneopinioncontrastéedesrapportsentrejournalistesetpolitistes.D’uncôté,ilsesertdestravauxdespolitistescommed’unbagageintellectuel.Lorsqu’ils’empared’unobjetqu’ilva «suivre, disséquer, commenter pendant un certain temps», il se constitue une bibliographie, un«paquetderéférences»pournaviguerautourdeteloutelobjet:«Avantd’entrerauservicepolitiqueen2010,oùj’aisuivilesétudesd’opinion,jemesuisbeaucoupdocumentésurcesujetpendantquinzejours, trois semaines, demandant au journal d’être libéré de l’actualité quotidienne pour passer dutemps enbibliothèque à lire les travauxdeBourdieu, Champagne, Blondiaux, Lehingue.» Il ne se dit«pas forcément toujours en accord» avec ces travaux très critiques, mais il reconnaît leur apport,même indirect (c’est‐à‐dire sans le truchement d’une citation explicite), à son travail. Il a pu aussisolliciterdirectementteloutelpouruneinterviewlorsquel’actualitéapulejustifier,lorsdesdébatsauparlement sur l’encadrement des sondages d’opinion, par exemple. Certains travaux de sciencepolitique peuvent l’aider à analyser plus finement tel ou tel phénomène. Lors de la campagneprésidentielle,unedesquestionsqui seposaitparmi les journalistesdu«Hollande tour»,encouragéspar leurrédaction,étaitcellede la«ferveur»:y‐a‐t‐ilde laferveurautourdeFrançoisHollandequ’ondonnaitgagnantàParis?Les journalistesconstataientsur leterrainplutôtde l’indifférenceautourducandidat socialiste. ThomasWieder s’est alors appuyé sur les travaux de NicolasMariot pourmieuxcomprendre l’articulation complexe entre l'adhésion (ou l'indifférence) et l'expression (oul'inexpression)d’enthousiasmedelapartdesélecteurs.

Mais le «dialogue» entre politistes et journalistes bute sur plusieurs obstacles. Du côté desjournalistes, lemanque de temps et l’absence de disponibilité d’esprit. La couverture de l’activité del’exécutif auquotidienest une tâcheexigeanteet harassante, qui le conduit à sedémultiplier autantdans la réalité(il«colle»sonobjetsur le terrainet lesuit lemoindredesesdéplacements)quedansl’universmédiatique(présencesurTwitter,participationàdesémissionsdans lesmédiasaudiovisuels,etc.).Les journalistessont incitésàproduireenpermanencede l’informationsans lereculnécessaire.Autreproblème,certainsjournalistessontpeucurieux,ontdesréflexespavloviensconsistantàsolliciterles mêmes figures «d’experts». Les limites proviennent aussi dumilieu académique. Parmi celles‐ci,l’accèsauxproductions intellectuelles: «Lamémoiredecequiapuêtreproduiten sciencepolitiques’estompetrèsvite,mêmequandonlacuriositédes’intéresseràlalittératurespécialisée»,explique‐t‐il.«Il y a des progrès indéniables, comme la plateforme cairn.fr, par exemple, mais beaucoup reste àfaire».Mais trop de travaux restent invisibles, les sites internet des laboratoires ne sont pas à jour,l’information ne circule pas suffisammentbien au sein d’unmême laboratoire.Au‐delà des textes ensciences sociales, ce sont les auteurs eux‐mêmes qui sont souvent injoignables, indisponibles voirecarrémentréticents.Denombreusessollicitationsseheurtentsouventàdelaméfianceetdel’hostilité.De nombreux chercheurs (y compris chez les jeunes chercheurs, soit parce qu’ils sont moinsexpérimentés, soit «parce qu’une coupure s’est produite, beaucoup de chercheurs ne lisant plus lesjournaux, sont coupés de l’actualité de leur propre objet d’étude») posent beaucoup de conditionspour s’exprimerdans lesmédias, et considèrentparavanceque leurspropos seront tronqués.D’une

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manière générale, le cloisonnement de la recherche est tel que trouver le bon chercheur est unerechercheensoi,unvéritable«chemindecroix».

Ladiscussionaveclepublicapermisdefaireémergerdesquestionscomplémentaires,ausujetdelaformationauxsciencessocialesdanslesécolesdejournalisme,maisaussietinversementausujetde l’absencetotaledeformationoude«mediatraining»dans lemondeacadémique.Larichessedesinterventionsetlenombredequestionssoulevéeslorsdecemoduleplaidepourunapprofondissementet un élargissement de la réflexion. Sans prétendre épuiser dans ce bilan l’ensemble des questionspossibles,onpeutd’embléeformulerquelquespistes.Est‐ilpertinent/convenable/réalisted’imaginerlaformation d’un organe ou d’un réseau organisé chargé de produire collectivement un matériauintellectuelàdestinationdelacommunautédesjournalistes?Quellessontlesspécificitésdelasituationfrançaise, en comparaison avec d’autres situations socio‐historiques? Comment se déclinent lesrapportsentrepolitistesetjournalistesenfonctiondelanaturedesobjetsconcernésetdeleurdegréde complexité (guerres extérieures, révolutions, etc.)? Dans quelle mesure «l’autonomie» desUniversités engendrera‐t‐elle une surveillance accrue des interventions publiques des chercheurs parleurautoritédetutelleetnotammentparlesservicesdecommunicationqui,d’oresetdéjà,s’assurentquelesuniversitairesprécisentsystématiquementl’identitédeleursétablissements?

JérômeHeurtauxetNicolasKaciaf

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AD2Réussirsonparcoursdoctoral.Témoignagesdejeunesdocteur(e)s

PierreMuller(CNRS,CEE)

pierre.muller@sciences‐po.frEmilienJulliard(ANCMSP)[email protected]

Cet atelier donnait la possibilité à quatre docteurs (Thomas Alam, Sandrine Devaux, Étienne Pénissat etGwenaëllePerrier)detémoignersurleparcoursdoctoral,c’est‐à‐dirededécrireleurprofessionnalisation,deleur entrée en thèse jusqu’à l’obtention d’un emploi stable, académique ou non. Ce compte‐rendu fait lasynthèsedecestémoignages,découpéeenquatrepoints:l’entréeetledébutdelathèse,lesconditions(deréussite)dutravaildoctoral,lesdifficultésmatériellesduparcoursdoctoral,lerecrutementetleséventuellesreconversionshorsdumilieuacadémique.Toutd’abord, lesquatredocteursprésentsontpourpointcommund’avoirréaliséunethèsesansallocationderecherche.Aussi,poureux,lapremièreannéedethèseaétésynonymederecherchedefinancements,etde manière générale, une partie de leur temps et de leur énergie a été consacrée à cette préoccupationpresquetoutaulongdeleurthèse.Cesfinancements,parfoiscombinésaucoursd’unemêmeannée,peuventprendre des formes plus oumoins pérennes, et sont souvent étroitement liés aux objets de recherche, àl’actualitédesorganismespotentiellementfinanceursouà lacapacitédudirecteurdethèseàmobiliserdescontactsinstitutionnelshorsdel’université.Nosinvitéssesonteneffetappuyésparexemplesuruneboursede l’ADEME(Agencede l’environnementetde lamaitrisede l’énergie)ouvertesuiteà la«crisede lavachefolle», une bourse Lavoisier, des aides de conseils régionaux ou de ministères, voire des stages ou desemploisàmi‐temps(chargéd’étudeauseind’unministère,assistantparlementaire).Parsécurité,certainsdenos invitésontégalementpassédes concours (de l’enseignement secondaire,d’attaché territorial), afindefinancerleurrechercheoudes’assurerundébouchérémunéré.Cestémoignagesvontainsiàl’encontredecequi est désormais souvent préconisé dans les écoles doctorales: certes on peut difficilement réaliser unethèsesansfinancement,maisonpeutréussirsonparcoursdethèseetsaprofessionnalisationsansallocationde recherche (ou contrat doctoral). Mais comme on va le voir plus bas, cette absence de financement«légitime»etpérenneleuraaussiposédesproblèmesentermedeconditionsmatériellesderéalisationdeleurrecherche.Poureux,outrelefinancement,lesconditionsderéussitedeleurthèsedépendentdeformesd’encadrementcollectivesquis’ajoutent,voiresesubstituentàcelledudirecteurdethèse.ThomasAlams’estparexemplebeaucoupappuyésuruncollectif informeldedoctorants,qui intervenaità la foissurunregistresyndicaletassociatifetquientretenaitunebasededonnéesdefichesdelectures.C’estsanscompterégalementsurlesatelierset lesséminairesdulaboratoireoudel’écoledoctoralequipermettentdeconstituerdesréseauxetderencontrerdeschercheursauxintérêtscommuns.Demême,parcequ’ilssontsouventfortementaniméspar les doctorants, les centres de recherche à l’étranger sont susceptibles de fournir un appui scientifiquesolidedanslecoursdelathèse.Certainsdenosinvitésaucontrairedéplorentquel’accèsauxressourcesdulaboratoire(bureau,photocopieurs,etc.),quiconditionnentunencadrementcollectifquotidien,soitparfoisuniquementréservéauxseul‐e‐stitulairesd’uneallocationderecherche.Onrelèveaussil’importancecrucialedes’ancrerdisciplinairement,notammentparlaprésenceauxcolloquesoucongrès,etnonpasuniquementdans lesareastudiespourcellesetceuxquiontmenédesenquêtesà l’étranger.Nos invitésontégalementtousenseigné–ens’efforçantdesurmonterlescontraintesdelégalitéouvrantaccèsàl’enseignementdanslesupérieur–etétéATER.Touscesjeuneschercheursontdûfairefaceàdesmomentsdeprécaritéaucoursdeleurparcoursdoctoral,etn’ontdisposéquedefaiblesrevenusentièrement investisdans laproductionde lathèse. Ilapparaitainsilogique que leurmanuscrit ait été rédigé, pour une partie d’entre eux, lors d’une période de chômage. Lamoment qui suit la soutenance s’avère également critique d’un point de vue financier et pour l’insertionprofessionnelledanslemondedel’enseignementsupérieuretdelarecherche.Elleestsouventmarquéepar

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l’enchainementdecontratsdetravaildecourtedurée:post‐doctorats,contratsderecherchede6mois,voirehorsdumondedelarecherche,quinegarantissentniuneinsertiondurableàl’universitéouauCNRS,niunebasepourunereconversionprofessionnelle.Enparallèle,cescandidatsauxmétiersde lasciencepolitiqueontcherchéàsefairerecrutersurdespostesstables. Plusieurs d’entre eux ont enchainé plusieurs campagnes de recrutement aux postes demaitre deconférenceavantd’effectivementêtreembauchéparuneuniversité, leurconseilétantdepostulerpartout,même làoù l’onpensen’avoir aucune chance, afinde faire connaitre sa candidatureet éventuellementdes’entrainer à l’exercice de l’audition. D’autres, comme Gwenaëlle Perrier, ont vu le post‐doctorat qu’ilsréalisaient au sein d’une université se transformer en véritable tremplin pour le recrutement, quand bienmêmecelapeuts’accompagnerd’unchangementd’objetderecherche.Pourautant,ilnefautpasoublierque90%desdocteursensciencessociales(danslesquelsonpourraitinclurelasciencepolitique)netrouventpasde poste à l’Université, et que par conséquent, il faut entamer des stratégies de reconversionsprofessionnelles, qui, si elles sont rituellement présentées comme souhaitables et valorisantes, sontgénéralementignoréesparlestitulairesetvécuescommeunéchecparlesjeunesdocteurs.Parminosinvités,SandrineDevauxs’estreconvertiedansl’administrationd’Étatpuisdescollectivitésterritorialesaprèsquatreannéesdecandidature,etoccupedepuisdeuxansunpostedechefdecabinetdansunemairiede40000habitants.Elleinsistetoutd’abordsurlanécessitédenepasfairededistinctionentredesthèsesquiseraientprofessionnellesetd’autres,académiques.Pourelle,ilfautfairelemeilleurtravailscientifiquepossible,cequine nuit en rien à une reconversion, bien au contraire. La thèse ne fait pas peur à tous les recruteurs, et siexpérience à l’étranger il y a, elle peut être extrêmement valorisée, dans le public dans son cas. Après unpremier contrat à la direction de la recherche d’un conseil régional qui recherchait ses compétences enmatière européenne, Sandrine a ainsi vécu 5 ans au Luxembourg au service du ministère des Affairesétrangères,avantderevenirenFrancecommeorganisatriced’unfestivaltransfrontalierpuisdansunemairie.Ont assisté à cet atelier doctoral entre quarante et cinquante personnes, doctorants, jeunes docteurs ettitulaires.Lesquestionsposéespar la salleànos invitésontpermisaupublicdeprécisercertainesde leursinterrogations,surl’intérêtdepasserleconcoursdel’agrégationensciencepolitiqueàlafindelathèse,surlespossibilitésderecrutementacadémiquehorsdeFrance,surlesconditionsderéalisationdesthèsesenco‐tutelleetlesdébouchésqu’ellesouvriraient,surlerecrutementdansdesorganisationsdetypethinktank.

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AD3Fairefaceaubouleversementsoudainduterraindel’enquête.

Al’épreuvedu«Printempsarabe»

AminAllal(Institutd’EtudesPolitiquesd’Aix‐en‐Provence,CHERPA)[email protected]

MarinePoirier(Institutd’EtudesPolitiquesd’Aix‐en‐Provence,CHERPA/IREMAM)[email protected]

ChristopheTraïni(Institutd’EtudesPolitiquesd’Aix‐en‐Provence/CHERPA)[email protected]

Participants:∙AminAllal(Doctorant,CHERPA/IEPd'Aix‐enProvence)Fairefidestéléologies,interpréterl'histoireduprésent.DesrévoltesdeGafsaen2008aumomentrévolutionnaireTunisien∙CécileBoex(PostDoc,EHESS,CEIFR/IISMM)Prendreencomptel’évènement,résisteràl’évènementiel:l’analysedesredéploiementsdesengagementspolitiquesdescinéastessyriens∙Youssefel‐Chazli(Doctorant,CRAPUL‐IEPI,Lausanne)Quandl’objetdelathèseentreen“crise”:“Construire”unobjetàpartird’uneconjoncture“fluide?(Egypte)∙ChaymaaHassabo(Docteure,PACTE‐IEPdeGrenoble/CollègedeFrance)Larévolutionégyptiennecommeépiloguedethèse∙RomainLecomte(Doctorant,UniversitédeLiège)Lescyberactivistestunisiensont‐ilsfaitla"Révolution"oul'inverse?Réflexionsurlesbiaisd'uneanalyseaposterioridesusagesettrajectoiresd'internautestunisiensengagés∙MarinePoirier(Doctorante,CHERPA/IEPd'Aix‐enProvence)Unsystèmed’allégeanceaupouvoirautoritairefragile.Lacrisecommerévélateurdeslogiquesd’actionetdufonctionnementroutinierdel’ancienpartiduprésidentauYémen Aucoursdecetatelier,lessixdocteursetdoctorantsprésentsontproposéunretourréflexifsurlamanièredont ilsontétéamenésà faire faceaubrusquebouleversementde leurobjetd’étude.Laproblématique commune à laquelle ont été soumis l’ensemble de ces chercheurs pourraient êtrerésuméeainsi:Commentréagirlorsqu’enquelquessemainesseulementunterraind’enquêtesemblesetransformerbienplusrapidementquetoutaulongdeplusieursannéesd’observation?Lesdiscussionssesontarticuléesautourdedeuxsériesdequestionnements:

‐> Comment l’évènement est‐il venu perturber le travail en cours? Quel défi inattendu a‐t‐ilconstitué,maisaussiquelleopportunité?Quellesontétélesconséquencespratiques, leschoixfaitsàcemoment?

‐>Avec lerecul,quelsenseignementspeut‐ontirerdecetteexpérience,dupointdevuede laconnaissancedel’objetd’étude,delaméthode,del’intérêtdesprofessionnelsdesmédias?

L’atelierapermisdemontrerques’ilconvientdenepasnégligerlesdéfisetdifficultésqui,suiteau«Printempsarabe»,ontpuseprésenter,cesderniersn’apparaissentnullementindépassables.Bienau contraire, l’expérience accumulée au cours de cette épreuve—pour peu qu’elle soit l’objet d’unretour réflexif partagé — offre l’opportunité d’enrichir la maîtrise des opérations pratiques et dessavoir‐fairepropresàlarecherchequelquesoitsonobjetetsoncontexte. Parmi les participants, nombreux sont ceux pour qui la rupture révolutionnaire a permisd’éclairer l’objetétudié,voiremêmede le révéler.Eneffet, les inflexionssoudainesdu terrainontpupermettre à certains de mieux déceler l’objet souvent «flottant» d’une thèse en construction,

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d’approfondiretd’accélérer letravaildeproblématisation.Ellesontaussiété l’occasiond’explorerdenouvelles pistes et de repenser les questionnements ou les protocoles de recherche privilégiésjusqu’alors.

Pour ceux qui étaient déjà bien engagés dans la rédaction, les contextes révolutionnairesmarquésparundesserrementdel’étaupolicier,lalibérationdelaparole,lesrevirementspolitiquesetles effervescences des mécontentements‘populaires’ ont inévitablement fait l’objet d’une mise enperspective,dansl’introduction,laconclusionouunépilogue,etlorsdelasoutenance.Lesévénementsont pu consolider a posteriori une démonstration bâtie sur d’importantsmatériaux empiriquesmaisaussides intuitionsparfoiscontestéespar l’entouragemêmeduchercheur. Ilsonteneffetpermisdetesterlavaliditéouleslimitesduraisonnement,voiredeconfirmerleshypothèsesdéveloppéesdanslathèse, en soulignant parfois la continuité des stratégies des acteurs. Ces outils forgés au cours de lathèseontensuitepuêtreréinvestisdansdenouveauxterrainspostdoctoraux.

Lessoulèvementsde2011ontaussiprovoquédenombreusessollicitationset injonctions, tantmédiatiquesqu’académiques.Silespremièresontrappelélesdifficultéspourlechercheurensciencessocialesderépondreàcesdemandessocialesd’analyse«àchaud»,lesjournéesd’études,séminairesetprojets de publication, tout en accroissant la charge de travail des doctorants, ont eu pour effet dedécloisonneretdedespécifier lesobjetsd’étude, favorisant leséchangesentredisciplines,approchesmaisaussiterrains.Ilsontparticipéàlaconstruction,certesfragileetparfoisconjoncturelle,deréseauxde recherche,de travail etd’espacesdediscussioncollectivepropicesà l’avancementet l’affinementdestravauxencours.

In fine, ces expériences croisées de doctorants travaillant sur les pays touchés par lessoulèvements populaires de 2011 est tout particulièrement riche en enseignements utiles à tous leschercheurs confrontés aux transformations inattendues de leur objet d’étude. Pour cette raison, àl’issuedecetatelier,nousambitionnonsdeproposerunarticlecollectifàunerevuedesciencessocialesdupolitique.

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L’outil numérique...Utilisation du site internet du Congrès sur la période 2012-2013

De l’ouverture du site web dédié au 12ème Congrès de Paris en octobre 2012 jusqu’au 30 septembre 2013, ce sont 211 060 pages visitées et 95 031 visites.

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Retrouvez toutes les communications aux différentes sessions sur le site web du congrès qui reste en ligne au

http://www.congres-afsp.fr

Prochain RDV ?du 22 au 24 juin 2015 à l’IEP d’Aix-en-Provence...