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COMPRENDRE ET ANALYSER UN TEXTE"!!!!!!!!!!!!!!!!

Viateur Beaupré

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Introduction!Les professeurs de français du Cégep de Sept-Îles

se sont adressés à moi, un vétéran qu’ils considéraient plus qu’aguerri dans l’enseignement du français, pour que je leur dise comment j’analysais les textes, prosaïques, poétiques, littéraires ou non.

Ce que j’ai fait, en leur proposant une méthode d’analyse.!Cette méthode n’a rien de miraculeux, bien au

contraire: elle essaie tout simplement de faire entrer l’étudiant dans le texte étudié et de l’y garder suffisamment longtemps pour qu’il ait la chance. de le comprendre. Se concentrer sur le texte, sans prendre des voies vicieuses d’évitement ou de sortie. On peut appeler ça un miracle, si on y tient, car ce n’est pas courant.

C’est tout autre chose que ces examens dits «objectifs» de notre ministère de l’Héducation qui posaient 50 questions sur une page d’un texte de Victor Hugo. Questions disparates, centrifuges, auxquelles tu réponds, en 20 minutes, par un oui ou par un non, par une lettre ou par un chiffre. Et puis l’ordinateur normalisera le tout, pour. que «le jeune s’éduquant» ait sa «note de passage». Il «passe» à travers Victor Hugo, !!!

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comme il passera à travers les murs de son école, pour en sortir avec un cerveau en bouillie grise, polyvalente, multiculturelle.!La méthode que je propose n’a donc rien de

pastpostmoderniste: elle était valable, je crois, au temps de Virgile, de Shakespeare et de Victor Hugo. Elle est aussi valable aux temps de Gaston Miron, de La Fontaine, d’Isaïe ou de Gilles Vigneault.!Elle n’est pas plus démodée que les auteurs qu’elle

essaie de ne pas trahir: en leur faisant dire n’importe quoi, ou en prenant prétexte des textes étudiés pour disserter savamment dans les marges et entre les lignes du texte, pour éviter d‘y entrer et surtout d’y rester.!Péguy nous a raconté quelle merveilleuse méthode

avait utilisée son savant professeur universitaire pour faire apprécier par ses élèves Le Cid de Corneille. En bref, pendant des mois, le cher maître avait fait l’histoire du théâtre chez les Grecs, en l’éclairant longuement par la société du temps (pas de société, pas de théâtre! c’est communément admis); après quoi, il avait fait l’histoire du théâtre romain et de la civilisation qui l’avait produit, puisque le français était l’héritier de ces deux civilisations; puis ç’avait été le théâtre du !!!

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Moyen Âge français et de la Renaissance, les deux éclairés par les sociétés de ces temps, la française et l’européenne. Puis, on était arrivé au Cid.

Mais en se gardant bien d’y entrer trop tôt et tout de suite: il fallait au préalable expliquer pourquoi Corneille avait écrit le Cid, quels personnages contemporains avaient pu ou dû l’inspirer, les divers mouvements d’idées contemporains qui, peut-être, sûrement, l’avaient influencé. Et puis, il y avait la biographie de Corneille qu’il fallait renouveler, si on voulait comprendre son oeuvre. Il y avait aussi ces notes trouvées récemment dans la correspondance inédite d’un des oncles du premier interprète de Rodrigue, qui apportaient un éclairage tout nouveau sur Le Cid. Et quel accueil avait donc trouvé ce Cid dans la France du XVIIe siècle? C’était à voir, en y mettant le temps. Enfin, on arrivait à l’oeuvre elle-même.

Malheureusement, il ne restait plus de temps pour y entrer et surtout pour s’y attarder: la session était finie! Corneille et son Cid aussi: on les avait savamment asphyxiés sous un fatras, un magma de gravats, de commentaires. et d’éclairages centrifuges.!

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Ces savantes-pédantes-creuses méthodes d’analyse ont toujours été en grande demande, parce qu’elles dispensent d’avoir à parler de l’essentiel. Pour faire neuf, on change parfois la formule: on adopte, par exemple, celle du flash back: à vol d’oiseau ou d’hélicoptère, on survole d’abord l’oeuvre (ça prend au plus une heure), puis, pendant le reste du semestre, on scrute les origines de l’oeuvre en remontant les siècles, sinon jusqu’à Adam, du moins jusqu’à Noé.

Ces méthodes savantes s’apparentent à la technique qu’utilisent les caméramans criminels de Radio-Canada pour nous faire comprendre et goûter la Ve Symphonie de Beethoven.

Souvenez-vous: ils s’amusent à nous montrer, et dix fois plutôt qu’une, chacun des instruments de l’orchestre; comment il faut tenir l’archet pour que ça sonne bien; quel effet visuel impressionnant ça donne quand tous les violonistes et les virtuoses du trombone à coulisse jouent en même temps; comment donc s’y prend le saxophoniste pour émettre ses sons avec son curieux d’instrument. Ils tiennent aussi à profiter de l’occasion. pour t’initier à la musique: alors, ils introduisent leur camera sous le couvercle du piano, pour te faire voir, en gros plans, ces bizarres petits marteaux feutrés qui tapent sur des cordes pour

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produire les sons que toi, tu n’entendrais peut-être pas, si on ne te montrait pas en même temps les petits marteaux (pas de petits marteaux, pas de sons!); et puis, où et comment. le pianiste doit mettre et tenir le pied sur la pédale pour nuancer les sons émis par les petits marteaux (on te les montre à nouveau); les diverses réactions captées au vol sur les trombines des auditeurs amorphes ou illuminés; les boiseries et tapisseries, les lustres et les sièges de la salle de spectacle. Bref, n’importe quoi, tout, pour distraire de la musique et éviter que les gens meurent d’ennui si on les oblige à écouter rien que la musique de cette foutue Ve Symphonie. Il faut les faire participer au spectacle musical: c’est pour ça qu’on a inventé la télévision!!

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1. MÉTHODE D'ANALYSE"!Que faire pour comprendre un texte? Que faire

pour en donner une analyse écrite? Essentiellement les mêmes opérations dans les deux cas. Tu commentes bien, quand tu comprends bien la chose à commenter, dirait La Palice. !Pour comprendre exactement ce que dit un texte, et

non ce que tu voudrais bien lui faire dire, il faut le lire en entier, autant de fois qu'il est nécessaire pour s'assurer qu'on en a bien saisi l'essentiel.

Ce. texte, s'il est écrit par quelqu'un d'intelligent, a du sens, du bon sens. Il s'en va quelque part, pas n'importe où. Ses parties forment un tout homogène, et non un amas d'éléments hétéroclites et centrifuges. Les parties s'éclairent les unes par les autres. Souvent, la fin donne la clé d'interprétation pour tout ce qui précède, et il est non moins vrai que le début n'est pas étranger au milieu et à la conclusion. Seule une lecture de l'ensemble du texte permettra de ne pas interpréter les détails selon la première hypothèse venue à l'esprit.

Ainsi, un oeuf n'est pas nécessairement pondu par un oiseau: il peut fort bien l'être par un crocodile, et renfermer un crocodile, non une alouette. Et si on te dit

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que tu es «un beau fin» , tu ne dois pas en conclure triomphalement que tu es beau et fin. Il faut voir le contexte; et alors, il est bien possible que tu comprennes qu'on n'a pas voulu te faire deux compliments, mais te piquer deux fois dans le maigre. Et si quelqu'un t'adresse ce compliment: «Ma colombe à la gorge moirée», tu ne dois pas en conclure nécessairement que ton interlocuteur est ornithologue et que toi, tu es un oiseau. !!1. Dégager l'essentiel du texte!L'auteur a écrit ce texte pour me communiquer, me

faire comprendre quelque chose. Quoi exactement?Tantôt le message sera simple, facile à comprendre; et son contenu peut être riche, pauvre ou insensé.

Parfois le message est plus difficile à saisir. Il peut m'apparaître d'abord insensé, mais se révéler par la suite plein de saveur, de richesse et de sens.

Il se peut aussi que le texte soit difficile à comprendre parce que bousillé, écrit par un esprit confus et ténébreux, qui formule de façon emberlificotée des pensées informes et sans substance.

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Il faut donc évaluer un texte comme on évalue une personne: prendre le temps de l'analyser, se méfier des apparences et impressions superficielles, pour se garder des éloges ou des blâmes sans fondement. !Être conscient qu'il y a plusieurs genres de

messages. On peut écrire pour transmettre des informations claires, précises comme celles des sciences ou du bottin téléphonique. Mais on peut non moins légitimement vouloir exprimer des émotions, des sentiments, parler du coeur humain, de l'âme humaine, tous deux infiniment complexes et mystérieux.

On peut donc se servir de la langue comme on se sert d'un tournevis, d'un marteau, d'un madrier, pour des opérations plutôt frustes et rudimentaires; on peut aussi l'utiliser pour faire avec les mots ce que le musicien fait avec les sons, ce que le peintre et le sculpteur font avec les couleurs et les volumes.

On ne peut donc pas étudier un poème et une pièce musicale de la même manière qu'on étudie un problème de physique et un texte exposant les causes de la Deuxième guerre mondiale ou décrivant la géographie des Laurentides. Faire appel à la logique, quand le texte exige de la logique; mais être capable de sensibilité, d'émotion et d'imagination, quand le texte, en plus d'être logique, fait appel chez moi au sens de !!!

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l'émerveillement et de la beauté. Un être humain équilibré doit être capable de l'une et l'autre réaction, selon les circonstances.

Certains textes disent l'heure, et d'autres disent «bonjour» ou «Je t'aime ». Voir que les deux messages ne disent pas la même chose, et qu'ils ne sont pas captés avec les mêmes antennes. Comme dans le cas d'une radio, il faut, pour bien recevoir le message, ajuster son appareil récepteur sur la même fréquence que celle utilisée par l'émetteur. !2. Trouver les subdivisions du texte!Quand on est sûr d'avoir trouvé l'essentiel de ce

que dit le texte, son objectif principal, le tronc de l'arbre, on essaie de voir comment l'auteur a développé ce qu'il avait à dire, quelles sont les divisions principales de son texte, les idées secondaires, autrement dit, les branches maîtresses de l'arbre. !Nous avons maintenant la structure du texte, sa

charpente, son organisation. On n'a plus devant soi et dans son esprit un amas de feuilles, de branches, une jungle de détails, mais un tout organisé. On ne se demande plus si on a affaire à une jungle, à des membres épars, à un animal ou un nuage. On sait

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maintenant que le texte ne dit pas n'importe quoi: il parle de l'amour et non du chômage, c'est un sapin et non un baobab, c'est un lapin et non une baleine. Si on n'arrive pas à ces évidences, c'est ou bien que ce texte est un fouillis, ou bien que l'esprit du lecteur est un fouillis incohérent et nébuleux. !!3. Les moyens utilisés par l'auteur!Quand on a dégagé nettement la signification

globale du texte, il reste à voir quels moyens l'auteur a utilisés pour transmettre ce qu'il voulait me dire. Pour comprendre le texte, j'ai dû, plus ou moins consciemment, me laisser guider par ces moyens; il s'agit maintenant d'en prendre une conscience plus explicite. Quand j'ai acquis la certitude que j'ai affaire à un chat et non à un pacha, il me reste un univers à explorer dans ce chat. Plus je regarde comment il est construit, plus je me convaincs que c'est un chat. Et vice versa. !L'écrivain a choisi ses mots, son vocabulaire, pour

atteindre l'objectif visé. En quoi ce vocabulaire est-il approprié, efficace, pauvre ou déficient? !

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Ces mots ont été agencés pour former des phrases. La pensée peut être coulée dans des types de phrases très variés. Tout est possible, tout peut être efficace. Dans quelle mesure le texte étudié est-il caractéristique sur ce point?

Les termes de la phrase: sujet, verbe, complément, se prêtent à tous les agencements. Par souci de clarté, pour donner plus de relief à tel élément, ou pour rendre la phrase plus harmonieuse, les composantes de la phrase seront présentées d'une façon plutôt que d'une autre. Surtout si la phrase est complexe, les propositions qui la composent, permettent de multiples variations. Même la ponctuation est importante: elle est comme la respiration de la phrase. Simplement à l'usage qu'un écrivain fait de la ponctuation, on peut déceler si on a affaire à un esprit plat, stéréotypé, confus, ou à un esprit clair et délié comme le vol d'une hirondelle. !Ces phrases ont été assemblées pour former des

paragraphes plus ou moins longs. Les types de paragraphes sont aussi variés que les types de phrases. Un bon paragraphe a une cohérence, l'ordre de ses phrases n'est pas le fruit du hasard: elles ont un lien entre elles et ont toutes un rapport avec l'idée développée dans le paragraphe. En poésie, l'équivalent

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du paragraphe est la strophe qui groupe deux ou plusieurs vers. !Ces paragraphes, en plus de former un tout

organique comme l'architecture d'un arbre ou d'une plante, ont une progression. Un texte monte vers sa conclusion, comme tout le réseau des racines, de la tige et des feuilles d'une marguerite est hypnotisé par la fleur à naître à son sommet. Un avocat ne procède pas autrement dans son plaidoyer: par vagues successives et de plus en plus fortes, il soulève et entraîne la conviction des jurés là où il veut les conduire. Un poème, un conte, un roman, un film, une pièce de théâtre suivent le même cheminement: il y a un objectif à atteindre,. on nous fait progresser, monter vers cet objectif, et à la fin, on plante le drapeau au sommet de la montagne. !Pour atteindre l'objectif souhaité, l'écrivain a donc

utilisé toutes les ressources du langage: les mots, les phrases, le paragraphe, leur enchaînement et leur progression. Il les a choisis pour leur efficacité à transmettre son message. S'il veut tout simplement transmettre. des connaissances, exposer des faits, il adoptera un langage neutre, dépouillé comme celui d'un manuel de science, les clauses d'un contrat, ou le !!!

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contenu d'un testament. Ici, seules l'intelligence, la logique sont sollicitées. Mais si l'écrivain veut émouvoir, toucher le coeur, la sensibilité, l'imagination, bref, toutes les facultés de l'être humain, il fera appel à tout ce qui peut toucher le lecteur, l'émouvoir, lui faire vivre un moment de passion, d'extase.

Pour provoquer l'émerveillement devant la grandeur, la beauté de l'homme et de la vie, tu ne peux donc pas procéder de la même façon que pour démontrer la vérité d'un théorème ou d'une équation algébrique. Ainsi, l'exposé scientifique fuit l'éclat, la couleur, l'enivrement, l'émotion, la subjectivité, les comparaisons qui risqueraient de détourner l'attention, la distraire de la cible. Ce genre d'écrit file vers sa cible, en ligne droite, comme une balle.

Mais un tableau, un poème, ou un texte littéraire ont d'autres préoccupations: ils ressemblent plutôt à une danse. Quand tu danses, ce n'est pas pour prouver quelque chose: c'est pour traduire ta passion, ton ivresse. Et pour traduire ton amour, tu compares la chose aimée à toutes les autres choses aimables que tu lui associes. Tu n'es plus pressé par le temps et l'efficacité rentable , tu répètes, tu te livres à la liberté du jeu. L'homme d'affaires, «l'homme d'action» , diront que tu perds ton temps à des futilités. En réalité, c'est à

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ce moment-là que tu vis le plus intensément, que tu fais la chose la plus utile: célébrer la vie et ton âme. !C'est dire que pour comprendre ce genre de textes

extasiés, le lecteur doit être capable de saisir autre chose que des chiffres. L'écrivain qui exprime ce genre de réalités, vit intensément, de tout son être. Pour traduire cette vie exubérante, ravie, toute neuve, toute personnelle, il doit renouveler le langage quotidien, usuel, banal, stéréotypé, mort. Il invente, crée de l'inédit. Il étonne, s'écarte des normes communes du langage prosaïque. Il renouvelle notre vision des choses. Ses mots, ses phrases, ses comparaisons ne sont plus ceux de tous les jours, ce langage devenu usé, in-signifiant, sans relief, comme des pièces de monnaie devenues vulgaires à force de passer par toutes les mains.

L'analyse qu'on fera de ces textes doit donc, elle aussi, s'attacher à faire voir en quoi ils sont vivants, originaux, hors de la banalité. Pour le voir et le dire, il faut être soi-même capable de réagir de façon vivante face à un texte vivant. !En résumé, pour comprendre un texte, il faudra

aller de l'ensemble aux détails, puis des détails à l'ensemble, pour !!!

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!a) Comprendre le message du texte: !1. Quelle est son intention, sa direction, son sens,

l'essentiel de ce qu'il veut communiquer? Ai-je affaire à un texte de pure information qui s'adresse uniquement à la logique, ou au contraire à un texte qui vise à émouvoir, à séduire, qui fait appel à la sensibilité, à l’imagination? Et s'il vise à provoquer une émotion, laquelle? La colère? le rire? les larmes? ou quelque chose d'autre?

2. Quelles sont les parties secondaires qui développent l'idée principale? Ces deux opérations visent à dégager la

structure du texte, sa charpente, son organisation. C'est, en somme, le plan du texte. Le tronc de l'arbre et ses branches maîtresses.

!b) Comprendre les moyens utilisés par l'auteur pour

atteindre cet objectif: !1. Comment l'auteur a-t-il utilisé les mots, la

ponctuation, les phrases, les paragraphes?2. Comment a-t-il relié ces paragraphes? !!!

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3. Quel genre de progression emporte le texte vers son objectif?

4. L'auteur utilise-t-il le langage quotidien, celui de la communication neutre, plus ou moins stéréotypée? Au contraire, s'exprime-t-il de façon neuve, imprévue, non conventionnelle?En quoi sa façon de s'exprimer diffère-t-elle du style Pierre-Jean-Jacques, du style ON?

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*L'ordre à suivre pour présenter l'analyse du texte

pourra être sensiblement celui qu'on a suivi pour le comprendre. !Et dans cette analyse, on soulignera ce que le texte

a de particulier, plutôt que ce qu'il a en commun avec tous les autres textes. Quand tu décris une personne, tu ne passes pas nécessairement en revue tout ce qu'il a en commun avec l'ensemble des hommes: tu dégages ses qualités et ses défauts les plus marquants, caractéristiques. Tu ne parles pas de ses pieds et de ses cheveux, si ce sont les pieds et les cheveux d'à peu près tout le monde. !

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II. EXEMPLES D’ANALYSE

! a) Extrait du Survenant !(Le Survenant et le père Didace sont partis en

chaloupe à la recherche d'un canot qu'ils se sont fait voler. Arrivés aux îles, ils empruntent les chenaux où l'eau est peu profonde: au lieu de rames, on utilise alors une perche. Et voici comment l'auteure décrit ce qu'ils virent, et comment elle raconte les réactions du Survenant face à ce spectacle. )!

Les grandes mers de mai avaient fait monter l'eau de nouveau. À mesure qu'il avançait, le Survenant s'étonna du paysage, différent de celui qu'il avait aperçu, l'automne passé. En même temps il avait l'impression de le reconnaître comme s'il l'eût déjà vu à travers d'autres yeux ou encore comme si quelque voyageur l'ayant admiré autrefois lui en eût fait la description fidèle. Au lieu des géants repus, altiers, infaillibles, il vit des arbres penchés, avides, impatients, aux branches arrondies, tels de grands bras accueillants, pour attendre le vent, le soleil, la pluie: les uns si ardents qu'ils confondaient d'une île à l'autre leurs jeunes

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feuilles, à la cime, jusqu'à former une arche de verdure au-dessus de la rivière, tandis qu'ils baignaient à l'eau claire la blessure de leur tronc mis à vif par la débâcle; d'autres si remplis de sève qu'ils écartaient leur tendre ramure pour partager leur richesse avec les pousses rabougries où les bourgeons chétifs s'entrouvraient à peine. !Tout près un couple de sarcelles se promenait.

Indolente, la cane retourna à sa couvée pendant que le mâle s'ébrouait avec fierté, mais tout. le temps vigilant à l'égard de la jeune mère. Ni l'un ni l'autre ne se montrèrent farouches à l'approche de l'embarcation. Le sentiment de la vie était si fort en eux qu'il leur faisait dominer leur peur naturelle de la mort. !La chaloupe navigua dans un chenal de

lumière entre l'ombrage de deux îles, lumière faite du vert tendre des feuilles, de la clarté bleue du ciel et de la transparence de l'eau, sûrement, mais aussi lumière toute chaude de promesse, de vie, d'éternel recommencement. Un courage inutile assaillit le Survenant. Une ardeur nouvelle força son sang. Il eût voulu se mesurer à une puissance plus grande que lui, abattre un !!!

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chêne, vaincre un dur obstacle ou peut-être bâtir une maison de pierre. Seul, il eût crié à toute sa force. D'instinct, il se mit à percher si rapidement que la chaloupe faillit verser.

(Germaine Guèvremont, Le Survenant)!!

a) Comprendre l'essentiel du texte1. Quelle est l'idée principale, celle qui, comme un tronc d'arbre, relie les trois paragraphes? Ici, l'essentiel, c'est le renouveau, le surplus de vie qui se manifeste au printemps. 2. Quelles sont les idées secondaires, les subdivisions, les branches maîtresses de l'arbre qui viennent développer cette idée principale? Trois paragraphes, ici: Le premier parle essentiellement du renouveau de la vie, du surplus de vie, dans les arbres au printemps. Le deuxième montre comment ce renouveau se produit également chez les animaux. Le troisième parle du surplus de vie que ce spectacle enivrant provoque chez le Survenant. !Il ne s'agit évidemment pas d'un texte scientifique, mais d'un texte où l'auteure veut !!!

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émouvoir, faire partager sa ferveur, son admiration, son extase face à quelque chose de beau, de grand, de fort, qui saisit l'homme tout entier, l'émeut profondément dans tout son être.

!b) Moyens utilisés par l'auteur!

1. L'enchaînement des paragraphes. Le deuxième commence par tout près. Tout près des arbres dont il est question dans le premier paragraphe, il y avait les sarcelles décrites au deuxième. Un lien qui relie deux espaces où se déroule le spectacle. Le lien entre le deuxième et le troisième paragraphe, c'est la chaloupe et l'eau. L'eau, présente dans les trois paragraphes, et la chaloupe où le Survenant, ému par le spectacle des arbres, des sarcelles et de l'eau, «toute chaude de promesse, de vie», entre dans une espèce de transe, d'extase, devient enivré, explose, comme un volcan, sous l'accumulation, la pression d'un surplus de vie. !2. La progression des paragraphes. Évidente, ici. Le surplus de vie provoqué par le printemps se manifeste dans le monde végétal, mais davantage dans le monde animal et !!!

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beaucoup plus encore chez l'homme. L'animal est plus vivant et réagit plus fortement que l'arbre à la vie environnante; et l'homme est beaucoup plus vivant que l'arbre et l'animal. Il participe à la vie de l'arbre et de l'animal, mais chez lui la vie prend une tout autre dimension. !3. Comment l'auteure utilise-t-elle la langue? On remarquera tout particulièrement que l'auteure n'emploie pas le mode d'expression froid, neutre, objectif, impartial, d'un scientifique. Les arbres et les sarcelles sont présentés comme s'ils étaient humanisés, ils éprouvent des sentiments comparables aux nôtres, ce qui nous les rend beaucoup plus intéressants, parce que fraternels. Les arbres, ici, sont autre chose que des arbres: ils sont des géants, ils ont des bras, ils ont des blessures; et ils sont avides, impatients, ardents, désireux de partager leurs richesses avec les plus faibles qu'eux. De même, les sarcelles ont des réactions d'humains: la cane est une mère heureuse et indolente, le mâle est tout fier de son rôle de protecteur. Ces deux amoureux sont trop pleins

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de vie pour s'inquiéter de la mort. Ce en quoi ils ressemblent à tous les amoureux de la terre. Le Survenant, surtout, ne se comporte pas en homme de science, rassis, impassible, impartial et neutre. Captant par tous ses sens en éveil la vie environnante, il explose de vie, littéralement, et fait des actions jugées folles par quelqu'un qui resterait sobre comme un mathématicien. Dans cet état survolté, s'il avait été peintre, poète ou musicien, il aurait alors créé un chant passionné pour célébrer la vie, la joie de vivre, la joie de créer. Le Survenant, pour extérioriser, exprimer son ivresse, fait alors ce qu'il peut: percher avec une ardeur frénétique, au point que la chaloupe faillit chavirer. !Tout le style de l'auteur porte ici la marque de l'enivrement. Par exemple, le vocabulaire choisi pour décrire l'ivresse du Survenant exprime l'intensité, la force: «courage - assaillit - ardeur - força - se mesurer - abattre - chêne - vaincre - bâtir - crié - force». . Les phrases sont brèves, saccadées, en coups de coeur. Par contre, quand elle décrit l'ivresse des arbres, elle fait une phrase ample, harmonieuse, balancée comme les

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longues branches d'un arbre sûr de sa force et de sa grâce. La lumière elle-même n'est plus une lumière banale: c'est du feu mêlé au vert tendre des feuilles, à la clarté bleue du ciel, et dansant sur une eau «toute chaude de promesse, de vie». Rien à voir avec la lumière blanche, neutre et froide d'une ampoule électrique. La lumière, ici, participe à l'ivresse, à la vie des arbres, des sarcelles et du Survenant. !On l'aura peut-être remarqué: certains verbes de ce texte sont écrits de bizarre façon. Il est possible que tu ne les aies jamais écrits de cette façon; probablement parce que tu ignores jusqu'à leur existence. Mais la langue française est quand même plus riche que ce que laisseraient croire ton journal local ou ton journal personnel. Comment aurais-tu écrit les verbes qui, dans ce texte, ont fait grésiller et peut-être même gr incer tes antennes linguistiques? Et tu devras peut-être recourir à ta grammaire, pour y faire deux découvertes stupéfiantes: 1o les modes conditionnel et

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subjonctif, ça existe; 2o et c'est deux modes différents.

!!Il y aurait bien d'autres choses à dire sur ce texte. Car un texte riche se prête à une analyse inépuisable. L'important, c'est de dégager l'essentiel. Et l'analyse donnée plus haut ne fait que signaler les principales voies à explorer. !

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b) Extrait du conte La ficelle!(Les premiers paragraphes du texte situent le cadre

dans lequel va se dérouler l'action. C'est, en somme, une introduction au récit. Ces paragraphes forment un tout homogène; on peut donc les analyser comme un tout, indépendamment de l'histoire qu'ils introduisent.)!

Sur toutes les routes autour de Goderville, les paysans et leurs femmes s'en venaient vers le bourg; car c'était jour de marché. Les mâles allaient, à pas tranquilles, tout le corps en avant à chaque mouvement de leurs longues jambes torses, déformées par les rudes travaux, par la pesée sur la charrue qui fait en même temps monter l'épaule gauche et dévier la taille, par le fauchage des blés qui fait écarter les genoux pour un aplomb solide, par toutes les besognes lentes et pénibles de la campagne. Leur blouse bleue, empesée, brillante, comme vernie, ornée au col et aux poignets d'un petit dessin de fil blanc, gonflée autour de leur torse osseux, semblait un ballon prêt à s'envoler, d'où sortaient une tête, deux bras et deux pieds.

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Les uns tiraient au bout d'une corde une vache, un veau. Et leurs femmes, derrière l'animal, lui fouettaient les reins d'une branche encore garnie de feuilles, pour hâter sa marche. Elles portaient au bras de larges paniers d'où sortaient des têtes de poulets par-ci, des têtes de canards par-là. Et elles marchaient d'un pas plus court et plus vif que leurs hommes, la taille sèche, droite et drapée dans un petit châle étriqué, épinglé sur leur poitrine plate, la tête enveloppée d'un linge blanc collé sur les cheveux et surmontée d'un bonnet.

Puis, un char à bancs passait, au trot saccadé d'un bidet, secouant étrangement deux hommes assis côte à côte et une femme dans le fond du véhicule, dont elle tenait le bord pour atténuer les durs cahots.

Sur la place de Goderville, c'était une foule, une cohue d'humains et de bêtes mélangés. Les cornes des boeufs, les hauts chapeaux à longs poils des paysans riches et les coiffes des paysannes émergeaient à la surface de l'assemblée. Et les voix criardes, aiguës, glapissantes, formaient une clameur continue et sauvage que dominait parfois un grand éclat poussé par la robuste poitrine d'un campagnard !!!

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en gaieté, ou le long meuglement d'une vache attachée au mur d'une maison.

Tout cela sentait l'étable, le lait et le fumier, le foin et la sueur, dégageait cette saveur aigre, affreuse, humaine et bestiale, particulière aux gens des champs. !!

Ce texte facile, facile de compréhension, est remarquable, non pas par la richesse de son message, mais par la façon subtile dont l'auteur a su parler d'un spectacle, banal à première vue. Une étude un peu plus attentive fera voir qu'un texte, simple comme un pissenlit, a de quoi émerveiller comme un pissenlit, si on prend le temps de bien observer le pissenlit.

!Cinq paragraphes décrivant une foule de

paysans. Ces paragraphes ont des contenus différents et ne sont pas agencés au hasard.

Le premier décrit les mâles, description physique qui ne retient que les éléments caractéristiques: pas tranquilles, corps en avant, longues jambes torses, épaule gauche plus haute que la droite, taille déviée; voir comment l'auteur explique ces particularités. Et leurs vêtements, !!!

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étonnants comme des costumes de clowns: des espèces de ballons d'où sortent une tête, deux bras et deux pieds. Description peu banale, à saveur humoristique.

Le deuxième décrit les femmes. Entre elles et les hommes, comme trait d'union imprévu, mais fort approprié, une vache et un veau. Transition efficace, étonnante, où on sent un humour discret. Comme si, entre les femmes et leurs maris, le lien le plus fort était celui d'un animal. Et de fait, pour ces paysans, les animaux sont un lieu de rencontre privilégié. C'est en partie grâce à leurs animaux qu'ils sont fortement unis. La description des femmes est aussi sobre et efficace que celle des hommes. L'auteur retient peu de détails, mais des détails intéressants. Quant aux têtes de poulets et de canards sortant des paniers, elles rappellent et regardent les têtes des mâles sortant de leur ballon.

Le troisième paragraphe est relié au deuxième par le puis. Mais surtout. par le fait que les mâles et les femmes des deux premiers paragraphes sont ici réunis dans un char à bancs tiré par un bidet. Le spectacle est frappant et prête à sourire, car les hommes et la femme de cette bagnole sont secoués «étrangement»comme des polichinelles de cirque. C'est plus intéressant que la reine d'Angleterre !!!

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trônant en majesté dans une Rolls-Royce avec, à ses côtés, un prince consort en grande tenue de gala.

!Le cortège des trois premiers paragraphes

s'engouffre sur la place de Goderville. Tout le monde y est: les mâles, les femmes et les animaux mélangés dans une belle fraternité. Au-dessus de la cohue émergent les cornes des boeufs, rivalisant avec les hauts chapeaux des paysans et les coiffes des paysannes, comme les têtes des mâles émergeaient des ballons dans le premier paragraphe, les têtes de poulets et de canards dans le deuxième, et les têtes des hommes et des femmes qui sautaient comme du pop corn au-dessus du char à bancs cahotique, dans le troisième paragraphe.

Au-dessus de la cohue émergent aussi les voix criardes, aiguës, glapissantes des femmes, formant une cacophonie dominée parfois par une robuste voix de mâle hilare formant duo avec le long meuglement d'une vache en peine.

C'est cocasse, savoureux, et ça repose des foules artificielles des stars du festival de Cannes, des réceptions officielles données par le Gouverneur général du Canada anglais, et aussi bien des discours officiels pompeux-creux du Nouvel An qui célèbrent la «Canadian Younité», !!!

!� "31!

«nos Rocheuses» des autres, nos trois océans et «nos Expos» américains.

!!L'analyse signalerait comment le choix de

mots, les comparaisons, les détails cocasses, les rapprochements saugrenus, la mise en scène, tout concourt à donner au texte de la couleur, de la saveur et un accompagnement musical à caractère humoristique. L'auteur est un citadin qui regarde les gens de la campagne, peut-être pas avec mépris, mais certainement avec un recul critique amusé. Il voit la scène avec cet étonnement goguenard d'un agriculteur sensé qui assisterait à une séance du sénat canadian, à une parade. de modes dans l'vent qui passe très vite, ou qui regarderait passer un défilé de zouaves dépassés de loin par les événements et ta soeur.

!!!

!� "32!

c) Les moulins de mon coeur

!1. Comme une pierr' que l'on jetteDans l'eau vive d'un ruisseauEt qui laisse derrière elleDes milliers de ronds dans l'eau,Comme un manège de luneAvec ses chevaux d'étoiles,Comme un anneau de Saturne, Un ballon de carnaval,Comme le chemin de rondeque font sans cesse les heures,Le voyage autour du mondeD'un tournesol dans sa fleur,!Tu fais tourner de ton nomTous les moulins de mon coeur. !2. Comme un écheveau de laineEntre les mains d'un enfantOu les mots d'une rengainePris dans les harpes du vent, Comme un tourbillon de neige,Comme un vol de goélandSur des forêts de Norvège,!!!

!� "33!

Sur des moutons d'océan,Comme le chemin de rondeQue font sans cesse les heures,Le voyage autour du mondeD'un tournesol dans sa fleur,!Tu fais tourner de ton nomTous les moulins de mon coeur. !3. Ce jour-là près de la sourceTu sais ce que tu m'as dit,Mais l'été finit sa course,L'oiseau tomba de son nid,Et voilà que sur le sableNos pas s'effacent déjàEt je suis seule à la tableQui résonne sous mes doigtsComme un tambourin qui pleureSous les gouttes de la pluie,Comme les chansons qui meurentAussitôt qu'on les oublie,Et les feuilles de l'automneRencontrent des ciels moins bleusEt ton absence leur donneLa couleur de tes cheveux. ! !!!

!� "34!

4. Une pierre que l'on jetteDans l'eau vive d'un ruisseauEt qui laisse derrière elleDes milliers de ronds dans l'eau,Au vent des quatre saisonsTu fais tourner de ton nomTous les moulins de mon coeur.

(Eddy Marny)!!!A) Que dit ce poème-chanson? !

Ce texte parle d'un grand nombre de choses qui, à première vue, semblent tout à fait étrangères les unes aux autres. À la première, et même à la cinquième lecture du texte, il se peut donc que ton esprit, à force de tourner en rond, soit déboussolé et en conclue trop rapidement que son auteur a perdu le nord. Savait-il lui-même de quoi il voulait parler: des saisons? des moulins? de Saturne? des forêts de Norvège? des chevaux? des tournesols? ou de ta soeur?

!Pour retrouver le sens de l'orientation, et le

bon sens, celui du texte, il faudra le relire. plus !!!

!� "35!

attentivement, entrer au coeur du texte, au lieu de tourner en ronds vicieux autour de lui. Une des premières choses qui fixera ton attention, c'est que deux vers sont répétés trois fois dans le texte. C'est le refrain de cette chanson. Quand tu répètes trois fois la même chose, c'est parce que tu y tiens. La plupart des chansons utilisent le refrain et lui confient l'essentiel de la chose à dire. C'est le noyau, le coeur, le pôle d'attraction de tout le poème. À partir de lui, je pourrai mieux comprendre tout le reste.

On est ici au royaume de la poésie. Un poète, pour s'exprimer, utilise essentiellement l'image (comparaison) et le rythme. Un texte poétique sans comparaisons et sans rythme, c'est aussi impensable qu'une musique sans sons et sans rythme.

Que dit l'image centrale, celle du refrain? À peu près ceci: comme un moulin tourne sous l'action du vent, mon coeur à moi, ce qui le fait tourner, c'est le simple fait d'entendre ton nom. Alors, si tu ne comprends pas que ce texte est un poème où quelqu'un parle de son amour à la personne aimée, il vaudrait mieux que tu te spécialises désormais dans la lecture du bottin téléphonique. En passant, pourrais-tu dire si la personne qui parle est un homme ou une femme?!!!

!� "36!

C'est dit dans le texte, discrètement mais on ne peut plus. clairement.

!Cette image-matrice et motrice du refrain crée

un mouvement enivré dont les cercles vont se propager d'un pôle à l'autre du. poème. L'image-matrice engendrera toutes les autres, à son image et ressemblance. Ce qui suppose, chez le créateur, une sensibilité et une imagination intelligentes qui éliminent impitoyablement tout ce qui, même génial, n'entrerait pas dans l'organisme très précis de la chose à dire, qui se collerait comme une patte de caoutchouc, une flûte à bec ou un rétroviseur, sur un corps de gazelle.

Une fois repérée l'image centrale qui donne en même temps l'orientation, le sens du poème, reste à voir comment chacune des images, dans chaque strophe, reprend en écho, multiplie, répercute et amplifie cette image du moulin-coeur. Dans la première strophe, il est assez facile de voir que chaque image reproduit l'image centrale: toutes sont de forme ronde, et toutes elles tournent à la manière du moulin-coeur. Dans la deuxième strophe, cette unité est aussi rigoureuse, mais devient plus subtile; et dans la troisième, il faudra encore plus de finesse, de sensibilité, d'imagination !!!

!� "37!

et d'intelligence, pour voir que tout est dit en images, et que ces images sont aussi fidèles à l'image-mère que celles des première et deuxième strophes. La quatrième strophe reprend à la fois l'image centrale et la première du poème. Ainsi, le cercle des images et des strophes revient à son point de départ et laisse entendre que son amour enivré tourne et tourne sur lui-même, au vent des quatre saisons, sans arrêt, à l’infini. Ce qui pourrait s'illustrer ainsi:

!

�

!!!

!� "38!

!Un autre sujet d'admiration dans ce poème,

c'est de voir que s'il y a quatre strophes ici, ce n'est pas l'effet du hasard, de la fantaisie gratuite. Les trois premières nous présentent trois phases différentes d'un même amour. Amour qui, à son début, dans la première strophe, a tout l'éclat, la joie du printemps; les couleurs chaudes créent un climat d'enfance, de carnaval, d'émerveillement à l'état pur: un amour à reflets d'étoiles et de tournesol.

Dans la deuxième strophe domine le blanc-gris, couleur des goélands, des moutons d'océan, des tourbillons de neige. L'amour-hiver, gris monotone; avec, tout de même, un tournesol qui se moque de l'hiver.

Dans la troisième strophe, c'est l'amour-tragédie, les tisons rouges de l'automne qui rougeoient, mais en même temps noircissent et calcinent l'amour; du moins chez lui, qui l'a quittée.

Et en finale, dans la quatrième strophe, son amour à elle, qui est resté le même, à travers toutes ces étapes, et qui continue sa ronde enivrée.

!Ce texte est donc une merveil le de

composition: tout y chante, concerte comme les !!!

!� "39!

différents instruments de l'orchestre; tout s'harmonise,. comme s'équilibrent et concertent les différentes parties de la gazelle, d'un lys, d'un goéland,

!On voit qu'un poème, composé par un poète

intelligent, un vrai, est aussi rigoureusement construit qu'une navette spatiale. Dans cette navette, un fil, un boulon mal placés peuvent provoquer une catastrophe. Il en va de même dans un bon poème: le vocabulaire, le rythme, les images, la composition ne sont pas laissés aux bons soins du hasard qui, le plus souvent possible, fait bien mal les choses. Un artiste est aussi soucieux du détail qu'un ingénieur de la NASA et un comptable agréé. En prendre conscience est une bonne manière d'élargir son horizon mental, pour voir que l'esprit de l'homme, que son âme ont besoin d'autre chose que des réalités et des moules scientifiques.

Pour faire voir, par exemple, que les comparaisons de la troisième strophe reprennent toutes l'image centrale, il faudra faire appel à tout ce qu'on a d' intel l igence, de sensibil i té, d'imagination. Quel rapport ont la source, l'été qui finit sa course, l'oiseau qui tombe, le nid, la table, le tambourin, les gouttes de la pluie, avec le moulin !!!

!� "40!

qui tourne?Si on n'arrive pas à le voir et à le faire voir, c'est qu'on a peu ou mal compris le texte. Et on ne l'a pas compris, non pas parce que son auteur est incohérent, obscur, mais parce que le lecteur est lui-même incohérent et incapable de sortir de ses ornières mentales prosaïques, stéréotypées, usées, désabusées, stérilisées.

!Ce poème se prêterait à une analyse beaucoup

plus développée. On a signalé ici seulement quelques aspects: comment trouver la signification d'un texte quelque peu obscur au départ, et comment un court texte peut être construit avec autant de rigueur qu'une cathédrale, une symphonie, une navette spatiale, un chat, un pissenlit ou ces autres merveilles que sont ta main, ton oreille et tes yeux. !

!!!

!� "41!

III. L'ORDRE DES MOTS, DES PHRASES ET DES PARAGRAPHES

!Les mots dans une phrase, les phrases dans un

paragraphe, et une suite de paragraphes forment un tout cohérent: leur ordre n'est pas le fruit du hasard, mais de la logique, d'une certaine nécessité.

Les quelques exercices qui suivent, ont pour objectif de faire toucher du doigt, et surtout de l'esprit, ces évidences. Après quoi, quand on lit ou écrit, on ouvrira une oeil plus lucide. !a) Dans les trois textes qui suivent, l'ordre normal

des mots a été bouleversé dans la phrase. Ce qui, normalement, provoque un court-circuit dans la transmission du message. Il s'agit de réparer le circuit des mots, pour que le courant de la pensée passe, et passe sans mettre à la torture la logique du lecteur. !1. Mais j'arrive - l'âne non plus - et la perdrix s'envole - le boeuf non plus - le laboureur n'est pas tranquille2. Puis prend son temps - qu'il rend presque fou - fond sur le cou du lion. - tout d'abord il se met au large

!!!

!� "42!

3. Le loup ne se pressait pas - qu'il la mangerait - mais - il se mit à rire méchamment - comme il savait bien - quand elle se retourna!b) À l'intérieur des paragraphes suivants, l'ordre

des phrases a été bouleversé, en ce sens que la première phrase du paragraphe original peut fort bien se retrouver ici au milieu ou à la fin. Écrire le texte, en donnant une suite logique aux phrases. !1. Peut-être croyait-il que nous avions des gendarmes avec nous. En débarquant je l'avais déjà remarqué, assis devant la porte, sa pipe rouge aux dents, un fusil entre les jambes. Quand il entra, la douanière rougit un peu. Mais je ne sais pourquoi, il s'était enfui à notre approche. Et nous vîmes entrer un grand gars bien découplé, vrai type du braconnier ou du banditto, avec son bonnet de laine brune et son pelone en poils de chèvre. !2. Il en reconnaît un et l'appelle. Ce sont de vieux soudards à moustaches grises. Sur l'heure, on entend les gros canons qui roulent dans la cour; et quarante grands lansquenets, la pertuisane au poing, viennent se ranger dans la chambre. !!!

!� "43!

Lorrain! Lorrain! Pour complaire à l'enfant royal, la reine fait un signe. Le petit Dauphin bat des mains en les voyant. !c) Dans le texte suivant, l'ordre des paragraphes a

été changé. Retrouver leur ordre logique. !Il se reposait sur le flanc, à l'ombre d'un arbre. Il aperçoit le perdreau piétant et picotant à travers le chaume. Il se dresse et veut tirer, mais il a des fourmis dans le bras droit. Il ne peut lever son arme. Le bras retombe inerte et le perdreau n'attend pas qu'il se dégourdisse. - Je vous le revaudrai, dit la fourmi. Une fourmi tombe dans une ornière où il a plu et elle va se noyer, quand un perdreau, qui buvait, la pince du bec et la sauve. Or le chasseur n'est pas loin. La fourmi ne perd pas sa peine à discuter et elle se hâte de rejoindre ses soeurs qui suivent toutes le même chemin, semblables à des perles noires qu'on enfile. - Nous ne sommes plus, répond le perdreau sceptique, au temps de La Fontaine. Non que je doute de votre gratitude, mais comment piqueriez-vous au talon le chasseur prêt à me !!!

!� "44!

tuer! Les chasseurs aujourd'hui ne marchent plus pieds nus. !(Et tu pourras te demander: a) ce que vient faire La Fontaine dans ce texte. b) pourquoi le chasseur avait des fourmis dans le bras, et le bras droit. c) si tu peux expliquer intelligemment la comparaison entre les fourmis et les perles noires qu'on enfile. )!!

!!!

!� "45!

! d) LE POISON

!Le vin sait revêtir le plus sordide bougeD'un luxe miraculeux,Et fait surgir plus d'un portique fabuleuxDans l'or de sa vapeur rouge,Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux. !L'opium agrandit ce qui n'a pas de bornes,Allonge l'illimité,Approfondit le temps, creuse la volupté,Et de plaisirs noirs et mornesRemplit l'âme au-delà de sa capacité. !Tout cela ne vaut pas le poison qui découle De tes yeux, de tes yeux verts,Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers. Mes songes viennent en foulePour se désaltérer à ces gouffres amers. !Tout cela ne vaut pas le terrible prodige De ta salive qui mord,Qui plonge dans l'oubli mon âme sans remords,Et, charriant le vertige,La roule défaillante aux rives de la mort!!!!

!� "46!

(Charles Baudelaire)!!

Que dit ce poème?Il parle de poison; mais de quel poison?S'agit-il d'un texte scientifique exposant les différentes espèces de poisons et leurs effets respectifs?Probablement non: il est rare qu'un poète mette en vers ses connaissances en médecine. Il faut donc lire le texte attentivement, et probablement dix fois plutôt qu'une. Car on a déjà v u q u e l e l a n g a g e p o é t i q u e s ' é c a r t e considérablement du langage commun.

Entre la poésie et la prose courante, il y a le même écart qu'entre la parole banale et le chant (quand ce chant a de bonnes raisons de chanter), entre la marche et la danse, entre les couleurs d'un tableau et les belles couleurs d'une clôture en plastique Canadian Tire, entre les sons produits par. un camion en colère et ceux produits par un violon inspiré. Le poète utilise la langue commune, mais la travaille pour en faire une oeuvre d'art qui parle de réalités à la fois précieuses et mystérieuses qui transcendent le bla-bla-bla clair et plat des conversations courantes.

Pour le comprendre, il faut le mériter, s'arracher à la banalité, sortir des ornières de la !!!

!� "47!

routine, enlever ses oeillères, dégager ses ailes du goudron, être disponible face au mystère de l'homme et de la beauté.

Est-il question de poison dans les quatre strophes? Ce n'est pas du tout évident. Quel le vin et l'opium puissent être des poisons, cela se voit assez facilement: on pense alors à leurs effets nocifs sur la santé physique. Mais ce n'est pas nécessairement l'intention du poète, ici, de te dire que si tu bois avec persévérance ou te drogues avec constance, tu ruineras ta santé et t'empoisonneras la vie.

Avec les troisième et quatrième strophes, il semble que le poison se soit dilué dans le lac ou la salive, sans laisser aucune trace. C'est ici que le lecteur doit déployer bien haut toutes les antennes de ses facultés, s'il ne veut pas se noyer dans «ces gouffres amers» et rouler défaillant aux rives de la mort intellectuelle. Bien peu survivront au naufrage, si leurs lectures se limitent aux graffiti sur les murs, aux guili-guili-whoop-boum! des bandes dessinées, aux instructions des jeux Nintendo et aux annonces publicitaires de Provigo.

Pourtant, les choses sont dites ici de façon magistrale, avec des images d'une force exceptionnelle. Mais est-il possible qu'on n'arrive !!!

!� "48!

même pas à voir de quel poison il s'agit?Malheureusement oui. Même si on leur pointe du doigt «tes yeux», certains croiront que les lacs du texte sont formés par les larmes qui coulent de leurs yeux ou des yeux de n'importe qui, quand on lui met le doigt dans l'oeil. Ou ils diront que cette femme, quand elle pleure, rend triste à mourir celui qui la regarde. Et si on leur dit: «ta salive», ils demanderont: «Qu'est-ce qu'elle a, ma salive?»

Vous voyez: il ne suffit pas d'avoir de bons yeux et une salive normale pour comprendre un texte. Un texte, ça ne se comprend pas avec les yeux du corps, ça ne se mâche pas avec les dents, et ça ne se digère pas mieux avec beaucoup de salive.

!Lançons quelques bouées de sauvetage. Est-il

possible que les yeux, les regards d'une personne soient empoisonnés?Et se peut-il que la salive d'une personne que tu connais mieux que moi, te morde littéralement et plonge dans l'oubli ton âme sans remords?

Commences-tu à surnager? Si oui, il te restera à relire les deux strophes, avec ton intelligence maintenant au sec et capable «d’allumer». Si le courant ne passe pas encore, demande à ton professeur. Demande-lui quels yeux et quelle salive !!!

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sont capables de l'empoisonner, lui? Et s'il te répond que ces yeux et cette salive sont ceux d'une femme, tous les deux vous ne devriez tout de même pas en conclure que l'auteur est misogyne et qu'il prend des détours pour vous dire que toutes les femmes sont du poison mortel.

!Et quand tu auras compris les deux dernières

strophes, tu reviendras sur les deux premières, pour expliquer en quoi le vin et l'opium peuvent être poison. Et les premières réponses venues à l'esprit seront probablement les plus mauvaises, les plus banales, les plus étrangères au vrai sens du texte. La compréhension minimale des deux dernières strophes aidera normalement à ne pas voir les deux premières de façon superficielle, comme les interpréterait un propagandiste du ministère de la Santé s'adressant à des élèves du secondaire 2. Au fait, que leur dirait-il? Baudelaire, lui, parle de remords. Le remords, ce n'est pas n'importe quoi. C’est quoi, au juste?

!Reste à voir, entre autres choses, la nette

progression d'une strophe à l'autre; progression dans le contenu surtout, et même dans les mécanismes de transition. !!!

!� "50!

!Il faudra aussi faire voir en quoi les

comparaisons de l'auteur sont efficaces pour parler des effets de chacun des poisons.

!Et puis, il faudrait analyser le rythme des vers.

Pourquoi, par exemple, dans la deuxième strophe, il y a deux cellules rythmiques de six pieds et deux de cinq pieds. Ce qui est rare; et si ce rythme d'une ampleur déjà bien exceptionnelle se retrouve quatre fois en cinq vers, ce n'est pas le fruit du hasard. Un bon poète choisit son rythme, comme il choisit son vocabulaire et ses images. Et si, dans l'analyse d'un poème, on ne tient pas compte du rythme, c'est comme si tu ne tenais pas compte du rythme quand tu danses et quand tu chantes Swing la baquaise dans l'fond d'la boîte à bois!. Aussi bien danser ou chanter au tic-tac de l'horloge ou faire glisser ta baquaise sur un madrier en plastique.

!À quoi sert tout ce travail pour déchiffrer et

commenter un texte? À rien. Sinon à rendre plus rigoureux et subtil, c'est-à-dire plus intelligent, plus civilisé, plus humanisé. L'homme est fait pour comprendre et utiliser autre chose que ses

!!!

!� "51!

tournevis, son niveau, sa calculatrice et son puissant et enivrant véhicule tous terrains. !!IV. LES ÉCARTS DU LANGAGEOn emploie habituellement les expressions «écart

de langage» ou «écart de conduite», pour désigner, en mauvaise part, quelque chose qui s'écarte des normes de la politesse verbale ou de la conduite dite honnête. !Pourtant, il se peut que. ces écarts de langage soient

très louables. Ainsi, la langue parlée, plus spontanée, s'écarte souvent des normes du langage plus châtié, plus conforme aux règles enseignées par la grammaire. Cette langue parlée improvise, invente des mots tout neufs, des constructions inédites, pour mieux traduire la vie toujours nouvelle, jaillissante, imprévisible. !Mais quand on commence à utiliser la langue écrite,

on le fait de la façon la plus stéréotypée, on écrit selon les normes les plus traditionnelles, plates, uniformes, congelées. On écrit alors comme ON. pense; et un ON, ça ne pense pas. Un ON pense ce qu'ON a pensé pour lui. En conséquence, on écrit alors comme ON écrit, comme tout le mONde écrit. Une langue sans style personnel, sans couleur, sans odeur, une langue lessivée, !!!

!� "52!

stérilisée, plate comme peut l'être quelqu'un qui ressemble à tout le mONde, c'est-à-dire à n'importe qui-n'importe quoi. Une langue usée comme des bottines ayant servi, pendant trois générations, à Pierre, puis à Jean, puis à Jacques. Une langue mâchée par le ON anONyme, et devenue insipide comme une boulette de gomme Dentyne que cinquante mille ruminants auraient mastiquée. !Si étonnant que cela puisse paraître, la langue

littéraire, retrouve la spontanéité du langage parlé. Elle crée constamment du neuf, redonne au langage son rôle de traduire toute l'originalité, la créativité de l'esprit humain individuel réagissant de façon vivante et personnelle face à la vie.

Par un procédé ou par un autre, elle décape la langue usée, abusée, désabusée, pour lui redonner ses couleurs, son éclat, le goût de la vie; pour que la sève irrigue à nouveau le bois endormi par l'hiver de la routine, et qu'elle produise des feuilles, des fleurs, des fruits aussi étonnants que les. premières feuilles, les premières fleurs, les premiers fruits apparus sur la planète.

La langue ankylosée par la routine, retrouve alors sa souplesse, sa liberté de mouvement: au lieu de marcher sur des béquilles ou comme un paraplégique, !!!

!� "53!

elle se met à courir, à danser, soulevée par la passion du jeu, de la liberté. !L'écrivain, parce qu'il est devenu un virtuose de la

langue, peut jouer avec elle. Et il ne s'en prive pas. Il joue avec les mots, avec les phrases, avec les images, avec le rythme. Il crée du jamais vu, du neuf; et s'il est vivant, équilibré, ses créations, bien que très étonnantes, auront non pas l'originalité du bizarre, du biscornu hurluberlu, mais s'imposeront avec l'évidence d'une tulipe, d'un écureuil, d'un vol d'hirondelle.

Une langue vivante étonne toujours. Beaucoup d'entre nous auraient été bien incapables d'inventer une tulipe, un écureuil, une hirondelle. Mais après qu'il les a vus à l'oeuvre, quelqu'un d'intelligent et de vivant se dit que ces inventions stupéfiantes sont pleines de bon sens et sont une source inépuisable d'émerveillement. !!* Le vocabulaireL'écrivain de bonne race recrée les mots. Parfois il

en invente à loisir. C'est le cas de Rabelais, génial inventeur de mots aussi farfelus que savoureux.

Parfois, l'écrivain renouvelle les mots, en leur redonnant le sens fort qu'ils avaient à l'origine, ou en

!!!

!� "54!

leur greffant un sens dérivé non encore prévu au dictionnaire.

Parfois, il associe des mots, banals en soi, pour créer une expression qui réveille. Quoi de plus banal que l'expression usée «école buissonnière»? Mais si Brassens écrit: «J'ferai la tombe buissonnière», c'est comme s'il cognait deux coups de masse sur ta tombe. Normalement, tu sursautes dans ta tombe.

De même, quand l'écrivain joue avec les idées. Si Vigneault me dit: « C'est demain que j'avais vingt ans», il me déboussole pour un moment, me fait tituber dans le temps; il m'oblige à secouer la tête pour remettre en place le mécanisme de mon horloge ronronnant son tic-tac mécanique et monotone.

Simplement à jouer avec le vocabulaire et les associations de mots, il y a du plaisir pour toute une vie. Et ce plaisir vaut bien celui de jouer ou voir jouer au hockey, jouer aux dames ou aux messieurs, jouer à la Bourse ou la vie, jouer à la chaise musicale ou au fauteuil sénatorial, jouer aux titres, jouer des hanches, des fesses ou du couteau, jouer à qui gagne perd son âme, ou jouer à bâiller ou bayer aux corneilles et à ta grande soeur. !* La syntaxe! !!!

!� "55!

C'est une aire de liberté aussi vaste que celle du vocabulaire. Il y a des milliards de combinaisons de phrases possibles. L'écrivain exploite ce filon inépuisable, tantôt avec sobriété, tantôt avec une exubérance allant jusqu'à l'ivresse, mais une ivresse qui n'a rien à voir avec les orgies d'un gars saoul qui déconne comme un tonneau ou avec les élucubrations d'un hystérique raëlien débranché du bon sens.

Quand Aragon écrit: Je déborde d'un chant sublime impérieux. !Un chant qui se soucie aussi peu de moi-mêmeQue la flamme de l'âtre ou du rideau le ventL'ivresse du buveur la balle du vivant. . . !il m'oblige à prendre conscience que l'ordre des

termes dans une phrase peut être tout autre chose que l'ordre habituel: sujet, verbe, complément. Ainsi, pour voir que dans ce texte âtre et buveur sont des compléments d'objet indirect, que le vent est sujet, et que du buveur n'est pas complément du nom ivresse, pas plus que le rideau n'est le complément du vent, il faut avoir les méninges et la jarnigoine qui ne tournent pas en rond comme une turbine, un tire-bouchon ou un derviche tourneur enivré de pot.

!!!

!� "56!

Certains, une fois de plus, se demanderont s'il n'est pas plus important de tirer le bouchon d'une bouteille que de tirer le sujet de leur intelligence scellée d'un bouchon de ciment. Tout dépend de l'estime que tu as pour ton intelligence.

Il faudra donc ici que je fasse jouer ma logique, autant qu'un astrophysicien s'exerçant à équilibrer les galaxies ou que le ministre des Finances tentant d'équilibrer son foutu budget. Cet exercice de réchauffement prépare à mieux voir que, dans tous les domaines, on peut s'écarter des normes, sans pour autant s'écarter du bon sens. Et c'est une leçon de syntaxe utile pour voir un peu plus clair dans la syntaxe complexe de sa vie et dans la syntaxe non moins complexe de la vie en société. !De même, la phrase suivante de Maupassant peut

élargir ma conception conventionnelle de la phrase française: !Mariniers de bas étage, ils ne naviguaient régulièrement que dans les mois de famine. Le reste du temps ils ravageaient. Rôdant jour et nuit sur le fleuve, guettant toute proie morte ou vivante, braconniers d'eau, chasseurs nocturnes, sortes d'écumeurs d'égouts, tantôt à l'affût des !!!

!� "57!

chevreuils de la forêt de Saint-Germain, tantôt à la recherche des noyés filant entre deux eaux et dont ils soulageaient les poches, ramasseurs de loques flottantes, de bouteilles vides qui vont au courant la gueule en l'air avec un balancement d'ivrognes, de morceaux de bois partis à la dérive, Labouise et Maillochon se la coulaient douce. !!Trouver les fonctions précises de rôdant, de

chasseurs, de morceaux, et retrouver le verbe principal et ses sujets, peuvent te faire prendre une vive conscience qu'une bonne phrase française peut être tout autre chose que le bel ordre plat de l'immense majorité de tes phrases «vides qui vont au courant la gueule en l'air», avec le balancement hébété des beaux canards en plastique jaune de Taïwan se dandinant sur le gazon d'un beau parterre à la con. !!* Les images, les comparaisonsElles aussi s'ouvrent sur l'infini du possible. La

langue parlée y prend un plaisir inépuisable. De même, la langue écrite, quand elle redevient vivante, débarrassée de sa gangue de crasse accumulée par la !!!

!� "58!

paresse, l'habitude mécanisée, la routine des roues de la chaise roulante. (Voir, dans le texte ci-dessous de Maupassant, «galette de crasse» qui servait de casquette à Maillochon.)

Soit deux strophes où Apollinaire crée une cascade d'images pour mieux célébrer la femme qu'il aime: !Je ne veux jamais l'oublierMa colombe ma blanche radeO marguerite exfoliéeMon île au loin ma DésiradeMa rose mon giroflier!La cinquième Sainte-FabeauC'est la plus belle des quenouillesC'est un cyprès sur un tombeauOù les quatre vents s'agenouillentEt chaque nuit c'est un flambeau!Si une femme reçoit un tel hommage, à la fois

extasié comme un feu d'artifice et aussi sensé que le rire rouge vin d'une tulipe et le rose virginal de l'ancolie, elle devrait normalement se réjouir davantage que si on lui offrait des hommages en fleurs artificielles fabriquées à la chaîne par un robot impeccablement programmé et discipliné. !!!

!� "59!

!On a vu que l'image est essentielle à la poésie, aussi

essentielle que la respiration et le sang pour ton organisme. Mais la prose aussi, quand elle est vivante, emprunte la respiration poétique de l'image. Voici trois paragraphes où Maupassant nous présente les deux personnages de son conte L'âne: !Maillochon reparut avec son fusil enveloppé dans une loque. C'était un homme de quarante ou cinquante ans, grand, maigre, avec cet oeil vif qu'ont les gens tracassés par des inquiétudes légitimes, et les bêtes souvent traquées. Sa chemise ouverte laissait voir sa poitrine velue d'une toison grise. Mais il semblait n'avoir jamais eu d'autre barbe qu'une brosse de courtes moustaches et une pincée de poils raides sous la lèvre inférieure. Il était chauve des tempes. Quand il enlevait la galette de crasse qui lui servait de casquette, la peau de sa tête semblait couverte d'un duvet vaporeux, d'une ombre de cheveux, comme le corps d'un poulet plumé qu'on va flamber. Chicot, au contraire, rouge et bourgeonneux, gros, court et. poilu, avait l'air d'un bifteck cru caché dans un bonnet de sapeur. Il tenait sans !!!

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cesse fermé l'oeil gauche comme s'il visait quelque chose ou quelqu'un, et quand on le plaisantait sur ce tic, en lui criant: «Ouvre l'oeil, Labouise», il répondait d'un ton tranquille: «Aie pas peur, ma soeur, je l'ouvre à l'occase.» Il avait d'ailleurs cette habitude d'appeler tout le monde «ma soeur», même son compagnon ravageur. !Certaines comparaisons, ici, sont explicites. Ainsi,

l'oeil de Maillochon est comparé à celui des bêtes souvent traquées et à celui des gens louches qui ont bien raison de loucher tous azimuts. Sa barbe ressemble aux poils d'une brosse à dents et à une pincée de poils prélevée sur le crâne d'un Warrior Mohawk rasé à la mitraillette. Sa casquette, c'est une galette, et une galette de crasse. La peau de sa tête, tout un poème: c'est un duvet, mieux encore qu'un duvet: une vapeur; ses cheveux sont une ombre, et le tout ressemble à un poulet plumé avant que tu le manges flambé.

Son complice Chicot est non moins appétissant: c'est un gros tas de viande rouge, compact, un beau bifteck cru, présenté dans une casserole en forme de gros casque flamboyant de pompier. !D'autres comparaisons sont moins évidentes, mais

non moins pittoresques. Par exemple, Maupassant ne !!!

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dit pas expressément que la poitrine de Maillochon ressemble au poitrail d'un cheval ou d'un gros orignal mâle; mais il nous en dit suffisamment pour que toi, lecteur, si tu es lucide, tu fasses le lien avec le poitrail d'une grosse bête, sinon fauve, du moins très sauvage. !Cette description imagée de deux personnages tout

en grossièreté, repose des descriptions délavées et insipides de la télévision nous présentant comme des merveilles le sourire pincé et permanent des nageuses synchronisées ou les élégances savonneuses, langoureuses, fardées et fartées, des aspirantes au titre de Miss Univers.

Avec Maupassant, on a de savoureuses grosses brutes crues bien authentiques; avec les chroniqueurs fades de la télévision, on a d'insipides poupées artificielles en guimauve fondante bleue et rose. Faites votre choix entre ces deux présentations. Et tu t'en souviendras quand tu auras toi-même à présenter des personnages. !!!* Le rythmeUn texte utilisant des mots simples, sans images

particulièrement frappantes, pourra avoir été !!!

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transfiguré par le rythme. Le rythme est un feu capable de transformer un simple bout de bois en danse aérienne. Bien que très ordinaire, le matériau utilisé, s'il est travaillé, fondu et coulé dans un rythme efficace, peut acquérir une tout autre dignité, devenir bague, couronne, coq d'église dompteur des vents, ou statue de Maillol célébrant la liberté.

Soit ces vers limpides, tout simples, de La Fontaine célébrant, lui, le lièvre et les grenouilles: !Il s'en alla passer sur le bord d'un étang. Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes,Grenouilles de rentrer en leurs grottes

profondes. !Le rythme du premier vers imite le galop

tambourinant du lièvre terrorisé et pistonné par son ombre: ta-ta-ta, ta-ta, ta-ta-ta, ta-ta-ta. Celui du deuxième fait entendre le déclic électrique des jarrets rockers des grenouilles: ta-ta, ta-ta-ta-ta, ta-ta-ta, ta-ta-ta. Et le rythme du troisième, combiné aux sons lourds et caverneux, nous entraîne dans des profondeurs aussi profondes que celles de l'Océan.

Le spectacle, encore une fois, n'offre rien d'exceptionnel. Un badaud, impassible et digne comme une roche, aurait tout simplement dit, selon son !!!

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habitude vulgaire: «Ya rien là!» Mais quand c'est vu et décrit par La Fontaine, ça devient une merveille, surtout grâce au rythme. Voyez ce rythme:

423324332433. !Simplement à l'oeil, tu vois bien que les syllabes

n'ont pas été groupées au hasard. Imagine, en contraste, ce que donnerait une succession de syllabes agencées dans l'ordre suivant:

15231324125241. Cette fois, ton oeil est déboussolé: il voit la pagaille,

l'incohérence, le fouillis, un désordre visuel qui ressemble à celui de ta chambre peut-être, ou à celui d'une boutique de babioles et de bisouneries hétéroclites offertes en vrac.

Ton oreille a la même impression désagréable, quand elle entend des sons cahotant dans un tohu-bohu de foire et charriés dans toutes les directions, pour s'en aller nulle part. Regarde de nouveau le rythme choisi par La Fontaine, et récite à haute voix ces vers en leur donnant le rythme prévu par l'auteur. Le résultat? Si tu n'es pas aveugle et sourd, tu comprendras que dans un !!!

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cas tu es en pleine cacophonie, et que dans l'autre, tu es entré au royaume de la musique, là où «tout n'est qu'ordre et beauté». !Et à l'avenir, tu feras plus attention au rythme de ta

langue, à celui des poèmes et aussi à celui des textes en prose quand ils sont écrits par des esprits au moins aussi vivants que des lièvres et des grenouilles peuvent l'être.

C'est bien le moins qu'on puisse exiger des hommes: qu'ils soient aussi vivants et rythmés, dans leur esprit et dans leurs oeuvres, que le sont des lièvres et des grenouilles, dans leur cervelle et leurs bonds. Ça s'apprend, si on ne fait pas exprès pour asphyxier la vie de son esprit dans les fioles hermétiques de la banalité, pour le conserver ensuite, bien protégé de la vie, comme une grenouille ou un lièvre dans le formol. Ce qui est proprement écoeurant. !!* La répétitionÉtant simples, naturels, vivants, non encore

formolés et congelés dans les formules plates, les enfants prennent beaucoup de plaisir à répéter les actions, les mots qu'ils aiment. S'ils trouvent ou entendent un son plaisant, une suite de mots qui !!!

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enchantent leurs oreilles, ils. les répètent avec émerveillement, avec frénésie, comme ils prennent une joie inépuisable à sauter à cloche-pied, à tirer la langue et à se faire raconter cent fois la même histoire. Et ron, ron, ron, petitpatapon! Plus c'est bizarre, plus ça leur semble intéressant:

Nous avons une fillette,youp la-la-la, larira!Qui voudrait bin la pauvrette,Youp la-la-la, larira!Au plus tôt s'y marier,Youp youp youp, larirette, ô gué!!À peu près toutes les chansons utilisent ce procédé

de la répétition. L'explication, c'est que, pour écrire une chanson, il faut retrouver la naïveté, la spontanéité, la vérité de l'enfance. Un petit homme de science, un homme petit dans n'importe quel domaine, trouve insignifiants ces jeux inutiles.

Mais un grand, dans n'importe quel domaine, retrouve, par-delà le faux sérieux de sa petite spécialisation, le royaume enchanté de la liberté de son enfance. Einstein aimait jouer du violon. Son génie scientifique lui permettait de franchir les bornes, prodigieuses mais somme toute fort étroites, de la science. Si un philosophe ou un autre est constipé de !!!

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sérieux, tu peux en conclure que sa philosophie est constipée, dangereuse, asphyxiée, mortelle parce que morte. !La poésie, la vraie, répète à profusion. Répétition

des mêmes sons à la fin du vers (rime) et souvent répétition à l'intérieur du vers, pour créer un effet de musicalité, douce comme le soupir d'un bébé endormi ou éclatante comme les trompettes et le canon: !Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèles.

(Hugo)!Mourait dans le couchant le bruit sourd de la mer

(Beaupré)!Adieu, Meuse endormeuse et douce à mon enfance

(Péguy)!Est-ce à moi de mourir? Tranquille je m'endorsEt tranquille je veille, et ma veille aux remords Ni mon sommeil ne sont en proie.

(André Chénier)!Eux, dans l'emportement de leurs luttes épiques,!!!

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Ivres, ils savouraient tous les bruits héroïques, Le fer heurtant le fer, La Marseillaise ailée et volant dans les balles,Les tambours, les obus, les bombes, les cymbales, Et ton rire, ô Kléber!

(Hugo)!!Répétition des mêmes mots à l'intérieur du poème

(reportez-vous au poème Les moulins de mon coeur). !Répétition du même cadre (le vers), du même

rythme ou de rythmes très apparentés: Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

(2433) Le navire glissant sur les gouffres amers

(3333)!La prose, si son objectif premier est de transmettre

de l'information jugée sérieuse, évitera la répétition: elle est sérieuse, elle, et ne perd pas son temps à jouer! Elle se garde des balivernes et enfantillages d'amoureux ou de poète désoeuvré! Mais la prose littéraire, elle, ne croit pas s'abaisser en jouant, en répétant.

C'est curieux: plus tu es vivant, plus tu répètes. Quand tu flambes de colère, tu répètes, et trois fois !!!

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plutôt que deux. De même quand tu souffres ou admires. Et quand tu aimes, oh alors! tu n'en finis plus de répéter que tu aimes. Et curieusement, la personne qui reçoit cet hommage extasié et fou, n'en finit plus de trouver ça beau. Et elle en redemande, inlassablement! Et l'amoureux répète cinq fois, dix fois, cent fois:

Il ya longtemps que je t'aime. Jamais je ne t’oublierai.!

!!!

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!!!

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! Si tu savais comme on s'ennuieÀ la ManicTu m'écrirais bien plus souventÀ la ManicouaganSi t'as pas grand'chose à me dire,Écris cent fois les mots «Je t'aime»:Ça fera le plus beau des poèmes.Je le lirai cent fois...Cent fois cent fois c'est pas beaucoupPour ceux qui s’aiment!!!* Le tonLa langue scientifique et celle qui vise uniquement à

transmettre des connaissances, adoptent un seul ton: le ton sérieux. Elle s'interdit les écarts de l'émotion, de l'imagination, de la fantaisie, de l'admiration, du rire et des larmes.

Le texte littéraire, lui, ne s'impose pas d'être sérieux, objectif, impartial, monocorde comme une corde à linge. Non seulement. permet-il à toutes les formes de la vie de s'exprimer librement, mais il privilégie l'expression de cette vie portée au paroxysme. Rabelais, Chaplin et Molière ne rient pas en sourdine !!!

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ou en catimini: ils déclenchent les cataractes du fou rire, énorme, monstrueux. Et quand un poète pleure, il est possible que le torrent de ses larmes mine les plus hautes montagnes et les roule au large des océans amers. Et quand il est joyeux, ce peut fort bien être d'une joie plus lumineuse que des milliards de galaxies. Sa joie décroche non seulement la lune, mais atteint et décroche «l'inaccessible étoile» . !!!Si donc tu as affaire à un texte littéraire, il faudra

que ton analyse rende compte des écarts qu'on vient de voir et des autres écarts, s'il y en a. Et tu en feras le commentaire dans une autre langue, si possible, que la langue de plâtre d'un notaire impassible ou la langue d'acier des scribes qui rédigent l'impitoyable formulaire de ta déclaration de revenus. !Par tous ces procédés, l'écrivain arrache la langue

commune à sa banalité. Avec des matériaux communs à tout le monde, il crée une oeuvre d'art unique, à son image et ressemblance. Il libère la pensée et la langue. asphyxiées sous la «galette de crasse» de l'habitude. En même temps, il libère l'imagination et la sensibilité. Il a compris que la langue est la plus géniale des inventions !!!

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de l'homme. Il ne s'en sert pas seulement comme d'une brouette, d'un marteau, mais comme d'un orchestre symphonique, capable de parler de tout, capable d'exprimer l'homme et la vie, dans leur globalité, pas seulement à travers les tuyaux et seringues d'une spécialisation. La langue peut être précise comme les équations les plus rigoureuses des scientifiques; mais elle peut aussi peindre, sculpter, chanter, danser, traduire toutes les richesses de la pensée, de l'homme, de la vie.

Quand tu comprends une belle oeuvre littéraire, splendide, toute nue, toute neuve et jaillissant ruisselante de vie comme la superbe Vénus de Botticelli naissant de l'écume des mers, alors tu deviens toi-même plus vivant, plus humanisé, plus beau. Et quand tu en fais l'analyse, tu développes chez toi l'habitude de regarder un texte, l'homme et la vie, autrement qu'avec la belle dignité morte d'un hublot ou d'un oeil-de-boeuf. Un hublot et un oeil-de-boeuf ne se permettent aucun écart de vision: ils sont sérieux, eux!!

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e) LE CHASSEUR D'IMAGES !

Il saute du lit de bon matin, et ne part que si son esprit est net, son coeur pur, son corps léger comme un vêtement d'été. Il n'emporte point de provisions. Il boira l'air frais en route et reniflera les odeurs salubres. Il laisse ses armes à la maison et se contente d'ouvrir les yeux. Les yeux servent de filets où les images s'emprisonnent d'elles-mêmes.

La première qu'il fait captive est celle du chemin qui montre ses os, cailloux polis, et ses ornières, veines crevées, entre deux haies riches de prunelles et de mûres.

Il prend ensuite l'image de la rivière. Elle blanchit aux coudes et dort sous la caresse des saules. Elle miroite quand un poisson tourne le ventre, comme si on jetait une pièce d'argent, et, dès que tombe une pluie fine, la rivière a la chair de poule.

Il lève l'image des blés mobiles, des luzernes appétissantes et des prairies ourlées de ruisseaux. Il saisit au passage le vol d'une alouette ou d'un chardonneret.

Puis il entre au bois. Il ne se savait pas doué de sens si délicats. Vite imprégné de parfums, il !!!

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ne perd aucune sourde rumeur, et, pour qu'il communique avec les arbres, ses nerfs se lient aux nervures des feuilles.

Bientôt, vibrant jusqu'au malaise, il perçoit trop, il fermente, il a peur, quitte le bois et suit de loin les paysans mouleurs regagnant le village.

Dehors, il fixe un moment, au point que son oeil éclate, le soleil qui se couche et dévêt sur l'horizon ses lumineux habits, ses nuages répandus pêle-mêle.

Enfin, rentré chez lui, la tête pleine, il éteint sa lampe et longuement, avant de s'endormir, il se plaît à compter ses images.

Dociles, elles renaissent au gré du souvenir. Chacune d'elles en éveille une autre, et sans cesse leur troupe phosphorescente s'accroît de nouvelles venues, comme des perdrix poursuivies et divisées tout le jour chantent le soir, à l'abri du danger, et se rappellent aux creux des sillons.

(Jules Renard)!Pour écrire ou commenter un texte de cette qualité,

il faut un esprit net, un coeur pur et un corps pas trop alourdi de caisses de bière, de Big cochonneries Mac ou de ripailles Micmac.

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Limitons-nous à quelques remarques servant de points de départ pour l'analyse de l'oeuvre. !1. Quelle est l'idée principale de ce texte? Trouver la réponse devrait être plus facile que trouver un remède au sida ou à la paresse. 2. Quel est le plan de ce texte? Quel ordre suit l'auteur?3. Comment procède l'auteur pour relier entre eux les paragraphes?Remarquer que ces procédés de transition sont divers, efficaces, et ressemblent à des fils discrets, plutôt qu'à des liens faits de broche à foin. 4. Quelles remarques feras-tu sur le vocabulaire, les phrases de l’auteur? Ne te contente pas de dire que le vocabulaire est simple et les phrases plutôt courtes. Cela, un élève du primaire peut le dire. Toi, tu dois avoir autre chose de moins simpliste à dire. 5. Il y a beaucoup d'images, de comparaisons dans ce texte. Les vois-tu, et toutes? Et peux-tu dire en quoi elles ne sont pas, elles non plus, simplistes?Par exemple, si un chemin peut avoir des os et des veines, une rivière peut-elle avoir des coudes, blancs ou non? Et ici, Renard, en pensant aux coudes d'une rivière, pensait aussi à autre chose qui peut blanchir aux coudes. Quoi donc? et pourquoi?!!!

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Et pourrais-tu expliquer l'expression «troupe phosphorescente»? Pourquoi troupe? et pourquoi phosphorescente?6. Un homme de science, un ornithologue, un botaniste auraient pu voir les mêmes choses que Renard. En auraient-ils parlé de la même manière?En quoi ce récit est-il différent d'une description scientifique?7. Dans Le Survenant, l'auteure, en humanisant les arbres et les sarcelles, nous les rendait plus attachants. Renard utilise-t-il ici le même procédé? 8. Pourquoi Renard dit-il que «ses nerfs se lient aux nervures des feuilles»? Et pourquoi sort-il du bois, terrifié?9. Comme le faisait Maupassant dans le texte La ficelle, Renard utilise ses sens comme antennes captant les messages de la nature. Comment? !

!!!

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f) VÉNUS CALLIPYGE

!Votre dos perd son nom avec si bonne grâceQu'on ne peut s'empêcher de lui donner raisonQue ne suis-je Madame un poète de racePour dire à sa louange un immortel blason (bis)!En le voyant passer j'en eus la chair de pouleEnfin je vins au monde et depuis je lui voueUn culte véritable et quand je perds aux boulesEn embrassant Fany je ne pense qu'à vous (bis)!Pour obtenir Madame un galbe de cet ordreVous devez torturer les gens de votre entourDonner aux couturiers bien du fil à retordreEt vous devez crever votre dame d'atours (bis)!C'est le duc de Bordeaux qui s'en va tête basseCar il ressemble au mien comme deux gouttes d'eauS'il ressemblait au vôtre on dirait quand il passeC'est un joli garçon que le duc de Bordeaux (bis)!Ne faites aucun cas des jaloux qui professent Que vous avez placé votre orgueil un peu basQue vous présumez trop en somme de vos fesses

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Et surtout par faveur ne vous asseyez pas (bis)!Laissez-les raconter qu'en sortant de calècheLa brise a fait voler votre robe et qu'on vitÉcrite dans un coeur transpercé d'une flècheCette expression triviale: «À Julot pour la vie».(bis)!Laissez-les dire encore qu'à la cour d'AngleterreFaisant la révérence aux souverains angloisVous êtes patatras tombée assise à terreLa loi d'la pesanteur est dure mais c'est la loi (bis)!Nul ne peut aujourd'hui trépasser sans voir NaplesÀ l'assaut des chefs-d'oeuvre ils veulent tous courirMes ambitions à moi sont bien plus raisonnablesVoir votre académie Madame et puis mourir (bis)!CodaQue jamais l'art abstrait qui sévit maintenantN'enlève à vos attraits ce volume étonnantAu temps où les faux-culs sont la majoritéGloire à celui qui dit toute la vérité!!!

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(Georges Brassens)!!Comme exercice préliminaire qui pourrait aider à la

compréhension de ce texte, mettre la ponctuation. En poésie moderne, les poètes se dispensent très souvent de ponctuer leurs textes. Entre autres raisons, parce qu'ils pensent que les lecteurs de poésie, espèce d'humains aussi rare que la fleur cultivée par le Petit prince, sont capables de voir la ponctuation, même si elle ne leur est pas signalée, noire sur blanc.

N'y vois pas une excuse vicieuse pour te dispenser, toi, de ponctuer tes textes. Pas avant le jour où tu seras devenu virtuose de la langue et de la pensée. On ne marche pas, sur un fil de fer à vingt mètres au-dessus de la scène, avant d'avoir appris à ne pas s'enfarger les mollets en marchant sur le plancher des vaches. Un directeur de cirque te le dirait aussi bien que moi, et avec sanctions sévères à l'appui. !Que dit le texte? Il te faudra probablement plusieurs lectures avant

de proposer une hypothèse d'interprétation qui tienne debout. Il faudra éclairer l'ensemble par les détails, et vice versa. Le texte n'est pourtant pas du charabia, écrit pour des extraterrestres par un auteur parti pour un !!!

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bad trip astral. Ce n'est pas une devinette, une énigme polyvalente, telle qu'en délivrent les astrologues et les horoscopes.

Non. L'obscurité, s'il y en a, loge toute dans l'esprit brumeux du lecteur, et non dans celui du poète, esprit clair comme l'eau de la Claire fontaine. Si tu ne comprends pas en criant lapin, il ne faudra pas crier contre l'auteur. Fais un acte d'humilité, ce qui est une bonne voie pour accéder à la vérité. Et remets-toi à lire, cette fois toutes tes facultés en éveil, en alerte rouge. !Quand tu croiras commencer à comprendre, relis

bien la quatrième strophe. C'est une des merveilles de ce merveilleux poème. Pourrais-tu dire ce que représente le il de cette strophe? Et de quoi exactement le mien et le vôtre sont-ils les représentants, les substituts?

Si tu le trouves, tu auras eu une journée, une session bien remplies. Mais si tu te satisfais d'une réponse bousillée, approximative, tu auras bien raison de marcher tête basse, en frôlant les murs des corridors du cégep, avec un visage qui ressemble comme deux gouttes d'eau au cul de Brassens. Ça se voit souvent chez les étudiants analphabètes diplômés, quand ils ont à lire autre chose que des simplicités; cela se voit aussi. chez d'autres, adultes analphabètes bien diplômés, en !!!

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position de commande mais ignares et concentrés comme un puits. !Si, après voir compris, tu relèves fièrement la tête,

tu regarderas les autres strophes, en te demandant si Brassens suit ou non le fil de son idée, et s'il a eu raison de faire avec ce fil autant de noeuds, de strophes, que celles qu'il te donne à dénouer. !Puis, tu essaieras de voir la progression dans ces

strophes. Car il y en a une. !Un des sens de blason, c'est «genre poétique du

XVIe s. , description détaillée, élogieuse ou satirique, d'une personne, d'une chose». Dans la première s t r o p h e , B r a s s e n s s e p l a i n t , h u m b l e m e n t , douloureusement: il voudrait être un poète de bonne race pour écrire un immortel blason à la gloire de la personne ou de la chose dont il parle. Toi, trouves-tu que Brassens a relevé de façon magistrale le défi épique qu'il s'était fixé? A-t-il travaillé, ciselé la langue, pour en faire un joyau comparable au joyau qu'il mourait d'envie de célébrer?!

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Et si, dans dix ans, trente ans, devenu célèbre, tu relis ce poème sans éprouver une profonde admiration, c'est que, mon frère ou ma soeur, la vie t'aura bouffé. Tu auras réduit ton intelligence, toutes tes facultés, ton âme, aux dimensions étroites de ton champ-camp de concentration.

Consciencieusement, patiemment, tu auras creusé un puits, tête en bas; et la carotte spécialisée que tu retireras de ce puits, tu la tiendras devant tes yeux pour te masquer tout l'horizon, et, entre les deux lobes de ton cerveau, cette carotte concentrée sera. comme une antenne captant les seules rumeurs montées de ton insondable puits vide. Autrement dit, tu seras mort, mon frère ou ma soeur. Célèbre, puissant peut-être, mais définitivement mort, mon frère. Je ne dis pas Amen!!

!!!

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g) EXTRAIT D’ANDROMAQUE et du Cid !Acte I, Scène 2. !Une analyse complète de ce texte traiterait des

différents aspects signalés à l'occasion des textes précédemment étudiés. Ici, on n'attire l'attention que sur le message contenu dans les discours d'Oreste et de Pyrrhus.

Ce dialogue ressemble à celui qu'on entendrait lors d'un procès. Il y a un objet de contestation, une dispute, un enjeu. Et deux avocats présentent leurs arguments, pour soutenir des opinions tout à fait opposées. !1. Quel est cet enjeu?!2. Quels sont les arguments d’Oreste? Quels sont les arguments de Pyrrhus? !3. À mesure qu'avance le dialogue, est-ce que ces arguments se veulent de plus en plus convaincants? !!!!! !!!

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***!On pourra faire le même travail sur les deux textes suivants où s'affrontent deux avocats lucides et passionnés: !Le Cid, Acte II, Scène 8. Andromaque, Acte IV, Scène 5. !

!!!

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!TABLE DES MATIÈRES

!Introduction ........................................................... 2!I. Méthode d’analyse ............................................. 7!II. Exemples d'analyse: a) Extrait du Survenant ........................ 18 b) Extrait du conte La ficelle ................ 26 c) Les moulins de mon coeur. .............. 32 !III. L'ordre des mots, des phrases et

des paragraphes ..................... 41 !

d) Le poison ........................................ 45 !IV. Les écarts du langage .................................... 51* Le vocabulaire ................................................. 53* La syntaxe ........................................................ 54* Les images ........................................................ 57 * Le rythme ......................................................... 61* La répétition ..................................................... 64* Le ton .............................................................. 68

e) Le chasseur d'images ...................... 72!!!

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f) Vénus Callipyge .............................. 76 g) Extraits d'Andromaque et du Cid... 82

!!!