Communication, tourisme et développement durable au ... · Faites vous-même votre malheur (Paul...

377
HAL Id: tel-00836473 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00836473 Submitted on 21 Jun 2013 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Communication, tourisme et développement durable au Sénégal : enjeux et risques Adama Ndiaye To cite this version: Adama Ndiaye. Communication, tourisme et développement durable au Sénégal: enjeux et risques. Sciences de l’information et de la communication. Université Michel de Montaigne - Bordeaux III, 2012. Français. <NNT : 2012BOR30004>. <tel-00836473>

Transcript of Communication, tourisme et développement durable au ... · Faites vous-même votre malheur (Paul...

  • HAL Id: tel-00836473https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00836473

    Submitted on 21 Jun 2013

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

    Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestine au dpt et la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publis ou non,manant des tablissements denseignement et derecherche franais ou trangers, des laboratoirespublics ou privs.

    Communication, tourisme et dveloppement durable auSngal : enjeux et risques

    Adama Ndiaye

    To cite this version:Adama Ndiaye. Communication, tourisme et dveloppement durable au Sngal : enjeux et risques.Sciences de linformation et de la communication. Universit Michel de Montaigne - Bordeaux III,2012. Franais. .

    https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00836473https://hal.archives-ouvertes.fr

  • Universit Michel de Montaigne Bordeaux 3

    cole Doctorale Montaigne Humanits (ED 480)

    Equipe dAccueil MCA (Mdiations, Information, Communication, Arts)

    THSE DE DOCTORAT EN SCIENCES DE LINFORMATION ET DE LA

    COMMUNICATION :

    Communication, tourisme et dveloppement

    durable au Sngal : enjeux et risques

    Prsente et soutenue publiquement le 30 mars 2012 par

    Adama NDIAYE

    Sous la direction dAnnie LENOBLE-BART

    Jury :

    Annie LENOBLE-BART, Professeur mrite, Universit Bordeaux 3

    Michel MATHIEN, Professeur, Universit de Strasbourg

    Michel LESOURD, Professeur, Universit de Rouen

    Gino GRAMACCIA, Professeur, IUT Bordeaux 1

  • 1

    Sommaire

    REMERCIEMENTS ...................................................................................................................................... 4

    TABLE DES SIGLES ..................................................................................................................................... 5

    INTRODUCTION ...................................................................................................................... 8

    I- Motivations de la recherche .............................................................................................................. 11

    II- Problmatique de recherche ............................................................................................................. 13

    III Hypothses de travail ........................................................................................................................ 14

    IV- Approche mthodologique ................................................................................................................ 16

    PREMIRE PARTIE : ............................................................................................................. 25

    CADRE CONTEXTUEL DU TOURISME SNGALAIS ................................................... 25

    I- Cadre mdiatique et imaginaire touristique sngalais ........................................................................... 26

    II- Enjeux touristiques lis au cadre naturel, socioculturel et politique ................................................. 46

    DEUXIME PARTIE : .......................................................................................................... 107

    ENJEUX DE LA COMMUNICATION ET DU DVELOPPEMENT DURABLE DANS

    LACTIVIT TOURISTIQUE SNGALAISE .................................................................. 107

    III. Enjeux de la communication dans lapproche intgre du tourisme sngalais.................................. 110

    IV Dfis environnementaux, stratgies politiques et de communication pour un tourisme durable .. 166

    TROISIME PARTIE : ......................................................................................................... 209

    LES RISQUES INHRENTS AU TOURISME SNGALAIS ET LEURS

    REPRSENTATIONS SOCIOCULTURELLES .................................................................. 209

    V Risques touristiques et impacts socioculturels ................................................................................ 212

    VI Risques touristiques et enjeux socioducatifs ................................................................................. 255

    CONCLUSION ...................................................................................................................... 294

    SOURCES ............................................................................................................................................... 312

    BIBLIOGRAPHIE THEMATIQUE .............................................................................................................. 323

    WEBOGRAPHIE ..................................................................................................................................... 338

    ANNEXES ............................................................................................................................................... 345

    TABLES DES MATIERES .......................................................................................................................... 372

  • 2

    Communication, tourisme et dveloppement

    durable au Sngal : enjeux et risques

  • 3

    Epigraphe

    [.] Une ide, pour peu qu'on s'y accroche avec une conviction suffisante, qu'on la caresse et la berce

    avec soin, finira par produire sa propre ralit .

    Faites vous-mme votre malheur (Paul WATZLAWICK, Seuil, Paris 1984), trad. Jean-Pierre CARASSO, p. 54.

  • 4

    REMERCIEMENTS

    Si la thse est une uvre daccomplissement individuel, cest aussi un travail minemment

    socioprofessionnel qui requiert, ce titre, un soutien moral et parfois matriel dans

    lentourage du chercheur. Nous dirons, ici, que ce soutien ne nous a pas fait dfaut, pour avoir

    bnfici de lencadrement de notre directrice de recherche Madame Annie LENOBLE-

    BART qui a bien voulu nous accorder sa disponibilit et une attention toute particulire. Nous

    la remercions surtout pour le soutien moral quelle na cess de nous apporter. Nous associons

    ses remerciements le Professeur Andr VITALIS sans lequel cette thse naurait jamais vu

    le jour.

    Merci galement tous le personnel de la MSHA (Maisons des sciences de lHomme

    dAquitaine), aux membres du laboratoire MICA (Mdiation, Information, Communication,

    Art), du groupe de travail du programme de gestion des risques en Afrique et,

    particulirement son directeur, Monsieur Simon POMEL, pour ses conseils et ses

    encouragements.

    Mes penses vont vers Maman Coumba, frre Biram, sur Nabou et naturellement vers ma

    petite famille, mon pouse Khady, mes deux filles Amina et Mamy. Votre patience et votre

    courage mont toujours rconfort.

    Comment oublier mes collaborateurs de travail, mes collgues et amis Charles et Philippe, les

    amis Seydou Nourou SALL, Gilles Alain DIAMOUNGANA, Moussa MBOW et Ndye Isseu

    NDIAYE avec qui nous avons le bonheur de partager cette formation. Nous remercions les

    frres Boubacar KANDE et Makhtar BASSENE pour leur hospitalit, mais aussi notre ami et

    frre Djib FAYE pour sa collaboration dans la confection de certaines cartes.

    Grand merci tante Marie FRANCOIS davoir rendu confortable notre long sjour

    Bordeaux.

    Nous remercions enfin, tous ceux-l qui nous ont accompagn et accept de partager avec

    nous leurs opinions pendant ce travail de recherches.

  • 5

    TABLE DES SIGLES

    ADPME : Agence de Dveloppement des Petites et Moyennes Entreprises

    ADSL : Asymmetrical Digital Subscriber Line

    AJE : Action Jeunesse Environnement

    AMP : Aire Marine Protge

    ANPT : Agence Nationale de la Promotion Touristique du Sngal

    AOF : Afrique Occidentale Franaise

    APIX : Agence Nationale de la Promotion de lInvestissement et des grands travaux de lEtat

    APT : Air Passengers Tarifs

    AVL : Location de Vhicules Automatiss

    BBC: British Broadcasting Corporation

    BEP : Brevet dEtudes Professionnelles

    BM : Banque Mondiale

    BTS : Brevet de Technicien Suprieur

    CAP : Certificat dAptitudes Professionnelles

    CD : Compact disc

    CDVE : Club De Vacances Ecotouristique

    CEDEAO : Communaut Economique des Etats de lAfrique de lOuest

    CESTI : Centre dEtudes des Sciences et Techniques de lInformation, Universit Cheikh

    Anta Diop de Dakar.

    CFA : Communaut Franaise dAfrique

    CMC : Centre Communautaire Multimdias

    CRED : Conseil pour le Respect de lEthique et de la Dontologie du Sngal

    CRODT : Centre de Recherches Ocanographique de Dakar-Thiaroye

    CRS: Computer Reservation System

    CUR : Centres Universitaires Rgionaux

    DPN : Direction de la Protection de la Nature

    DPS : Direction de la Prvision et des Statistiques du Sngal

    EDF : Electricit De France

    EDS : Etudes Dmographique sur le Sngal

    ENDA : Energie, Environnement et Dveloppement (est une ONG qui intervient dans ces

    domines dans le Tiers-monde pour)

  • 6

    FEACP : Fdration Europenne des Associations de Communication Publique

    FKA : Fondation Konrad ADENEAUR

    FM : Frquence Moyenne de modulation

    FMI : Fonds Montaire International

    FOPITS : Fdration des Organisations Patronales de lIndustrie Touristique au Sngal.

    Gbps : Giga bits par seconde (unit de mesure du dbit de stockage en informatique,

    transmission par internet value en volume par seconde).

    GDF : Gaz De France

    GDS : Global Distribution System

    GO : Gentleman Organizer

    GPS : Go localisation Par Satellite

    ISO : International Standardisation Organisation

    ISRA : Institut Sngalais de Recherches Agricoles

    ITS : Interactive information system (systme intelligent de transport)

    LSS : Leopold Sdar Senghor

    MAB: Man And Human Biosphere

    MRI : Mental Research Institute

    MSHA : Maison des Sciences de lHomme dAquitaine

    MSID : Minnesota School of International Development

    MST : Maladies Sexuellement Transmissibles

    OMD : Objectif du Millnaire pour le Dveloppement

    OMT : Organisation Mondiale du Tourisme

    OMVS : Organisation de la Mise en Valeur du fleuve Sngal

    ONG : Organisation Non Gouvernementale

    PAM : Programme Alimentaire Mondial

    PAPIL : Programme dAppui la petite Irrigation Locale

    PED : Pays En voie de Dveloppement

    PIB : Produit Intrieur Brut

    PME : Petites et Moyennes Entreprises

    PMI : Petite et Moyenne Industrie

    PNUD : Programme des Nations Unies pour le Dveloppement

    RBDS : Rserve de Biosphre du Delta du Saloum

    RFI : Radio France International

    RGS: Road Guiding System (Systme de Guidance sur Route)

  • 7

    RP : Relations Publiques

    RTC : Rseau Tlphonique Commut

    RTPC : Rseau Tlphonique Public Commut

    RTS : Radio Tlvision du Sngal

    SAPCO : Socit dAmnagement de la Petite Cte

    SARL : Socit Responsabilit Limit

    SCA : Stratgie de Croissance Acclre

    SCEAM : Symposium des Confrences Episcopales d'Afrique et Madagascar

    SYNPICS : Syndicat des Professionnels de lInformation et de la Communication au Senegal

    TIC : Technologies de lInformation et de la Communication

    TICAA : Tourisme Industriel et Artisanat dArt (thme port par le premier salon touristique

    du Sngal)

    TRI : Tourisme Rural Intgr

    UCAD : Universit Cheikh Anta Diop (Dakar)

    UICN : Union Mondiale pour la Conservation de la Nature

    UNICEF : United Nations International Childrens Emergency Fund (Fonds des Nations

    Unies pour lEnfance)

    UNITAR :United Nations Institute for Training and Research

    VOA : Voice of America

    WARC : West African Research Center

    WWF: World Wild Fund

  • 8

    Introduction

    Selon Daniel BOUGNOUX lubiquit dconcertante des pratiques communicationnelles

    passe facilement pour un effet de mode () et il se demande, quel acteur social nest pas

    aujourdhui saisi par la communication ? tre, cest tre peru 1, dit-il, citant la maxime de

    BERKELEY2, une maxime qui selon lui,

    sapplique particulirement aux responsables, aux entreprises, aux partis, aux glises, coles ou associations, aux intellectuels ou aux artistes, tous somms dapprendre les

    nouvelles rgles du jeu sous peine de dclin, ou de disparition. Or la thse du philosophe

    idaliste peut se relier celle qui domine luvre de Bateson3 et Watzlawick

    4 : on ne peut pas

    ne pas communiquer, non parce que ce serait fou ou dangereux, mais simplement

    impossible 5

    Affirme t-il, et soutient ensuite qu

    il en rsulte que la communication est laffaire de tous et non (consquence rassurante) de celle dune poigne dexperts ; sa comptence est parse et se confond avec lexercice de la

    dmocratie 6.

    Cette multifonctionnalit de la communication que dmontre Daniel BOUGNOUX, luvre

    de la mondialisation (interconnexion plantaire), lassimile ce quil dcrit comme un gros

    1 Daniel BOUGNOUX, Sciences de lInformation et de la Communication, La Dcouverte, Paris 2001, p.11

    2 L'vque George BERKELEY (12 mars 1685 - 14 janvier 1753) est un philosophe irlandais de la famille des

    empiristes dont la principale russite fut la thorisation de l'idalisme empirique ou immatrialisme, rsum par

    la formule esse est percipi aut percipere ( tre c'est tre peru ou percevoir ). Pour BERKELY, les choses qui

    n'ont pas la facult de penser (les ides) sont perues et c'est l'esprit (humain ou divin) qui les peroit. Sa thorie

    montre que les individus peuvent seulement connatre les sensations et les ides des objets, non les abstractions

    comme la matire ou les entits gnrales. Il a ralis de nombreux travaux, dont les plus connus sont sans

    doute les Principes de la connaissance humaine (1710) et les Trois dialogues entre Hylas et Philonous (1713)

    (Philonous, le spiritualiste, reprsentant BERKELEY dans son propre rle et Hylas, nomm d'aprs l'ancien mot

    grec pour matire, reprsentant l'objecteur). En 1734, il publia LAnalyste, une critique des fondations de la

    science, qui eut beaucoup d'influence sur le dveloppement ultrieur des mathmatiques , http://fr.george-

    berkeley, consult le 13/12/2010). 3Gregory BATESON (n le 9 mai 1904 Grant chester, Royaume-Uni mort le 4 juillet 1980 San Francisco)

    est un anthropologue, psychologue, pistmologue amricain. Influenc par la cyberntique, la thorie des

    groupes et celle des types logiques, il s'est beaucoup intress la communication (humaine et animale), mais

    aussi aux fondements de la connaissance des phnomnes humains. Il est l'origine de ce que l'on appelle l'cole

    de Palo Alto. Il est un des membres du projet qui publient en 1956 larticle commun Vers une thorie de la

    schizophrnie qui introduit le concept de double contrainte , daprs La Nouvelle Communication, (sous la

    direction dYves WINKIN), Seuil, 1981, 2000, p.27-33).

    Paul WATZLAWICK (1921), l'une des figures de proue de l'cole de Palo Alto, Philosophe et psychothrapeute

    autrichien. 5 Daniel BOUGNOUX, ibidem

    6 Idem

  • 9

    nuage que les vents poussent et dchirent, et qui plane sur peu peu tous les savoirs 7.

    Comme il vient de le montrer, la communication parat, dsormais, un inconditionnel de la

    culture et de la socit mondialise. Le tourisme nouveau, rsultante des caractristiques de

    cette interconnexion plantaire que symbolise la mondialisation en termes de progrs

    conomique, social et technologique, se trouve ainsi, de par son aspect culturel, relationnel et

    commercial, sous la vote de la communication qui, aujourdhui, le dtermine tous points de

    vue. Evolution transactionnelle, travers les technologies de linformation et de la

    communication, rapprochement des peuples, grce de meilleures conditions de voyages et

    de dialogues (voiries, aviation, autres moyens de locomotion, mdias, Internet etc., tant les

    avatars de cette mobilit). Nanmoins, sil est possible de chanter les valeurs nouvelles

    promues par le tourisme travers tous ces dynamismes communicationnels et conomiques, il

    nen demeure pas moins que de vritables bouleversements socioculturels rsultent de cet

    avnement plantaire et plus particulirement pour les destinations du Sud qui se trouvent

    classes au label de lexotisme. Il est vident que, loin dune unanimit avantageuse, le

    tourisme tel que pratiqu dans ces nouvelles destinations soulve de grandes inquitudes.

    Dj, loin de lAfrique et du Sngal, Cecil RAJENDRA, travers ce pome sindignait des

    impacts environnementaux et culturels du tourisme.

    A larrive des touristes, Nos hommes rangrent

    Leurs filets de pches

    Pour devenir garons de restaurant

    Et nos femmes se prostiturent

    A larrive des touristes

    La culture qui fut la ntre

    Senvola par la fentre

    Nous troqumes nos coutumes

    Contre des lunettes de soleil et des boissons gazeuses

    Nous transformmes

    Nos rites sacrs

    En peep show cinq sous

    A larrive des touristes

    Nous ne pouvions plus

    Aller la plage

    Car le grant dcrta que

    Les indignes salopent les bords de mer 8

    7Daniel BOUGNOUX, Introduction aux sciences de lInformation et de la Communication, La Dcouverte, Paris

    2001, p.10-11. 8Cecil RAJENDRA, pote malaisien (1993), http://www.saigonblues.com/2008/04/commodification-of-

    culture.html, traduction du net, consult le 22/04/2008.

  • 10

    Les impacts lis aux enjeux du tourisme sont rvlateurs. Cette image ngative que dcrit

    Cecil RAJENDRA, loin de reflter une norme dans les pays du Sud, doit, nanmoins, attirer

    lattention des acteurs vis--vis des bouleversements culturels quil draine, mais aussi et

    surtout sur les nuisances environnementales et risques sociopolitiques qui en rsultent assez

    souvent. En effet, la renaissance touristique dans les nouvelles destinations du Tiers-monde

    dites exotiques nattire pas que des capitaux financiers. Fruit dinvestissements souvent

    bien encourags par les gouvernements locaux grce aux impacts sociaux en termes

    demplois, le tourisme est aussi souvent lorigine dun ensemble de crises sociales qui

    peuvent se reprsenter en termes de risques : corruption des murs, oisivet de la jeunesse

    (du fait de largent facile), crises politiques, culturelles, sociales et sanitaires, dues aux

    conflits dintrt, la dgradation de lenvironnement, aux pollutions diverses, spoliations

    foncires, etc.

    Le tourisme nest cependant pas quun chapitre de nuisances ; il demeure une industrie

    culturelle, une dynamique conomique quil faut certes assainir , mais surtout construire

    dans la dure. Voil pourquoi on le dfinit par ailleurs par son aspect transversal, catalyseur

    dun ensemble dactivits conomiques, sociales et culturelles comme le dmontrent si bien

    Jean Michel DEWAILLY et Emile FLAMENT qui pensent que

    lactivit touristique rsulte de la mise en mouvement dun grand nombre dlments et de partenaires : sites naturels, conditions climatiques, attractions et quipements touristiques,

    hbergement, informations, transport, mise en march, professionnels divers, revenus

    disponibles et choix des clients, situation sociopolitique des espaces visits, tat de

    lenvironnement 9

    .

    Parler du tourisme contemporain, et plus encore dcotourisme, cest voquer un concept

    holistique, une activit globalisante, tout comme lest le dveloppement durable. Et, cest

    dans cette perspective, particulirement dans le domaine socioconomique o il est porteur de

    croissance, quil parat urgent pour les pays du Sud, le Sngal en particulier, de prendre en

    compte toute la responsabilit environnementale et socitale qui doit accompagner

    lmergence dune telle activit. Cest pourquoi, le dveloppement durable se conoit,

    linstar de lcotourisme, comme un concept, une attitude, un comportement, voire une

    activit globalisante.

    9DEWAILLY Jean Michel, FLAMENT Emile, Le tourisme, SEDES, HER, St. Germain de Puy, 2000, p. 11.

  • 11

    Didier MOREAU a constat que

    le dveloppement durable est apparu depuis quelques annes et sest impos dans le champ des mdias comme une vidence. Alibi ou vritable lment de stratgie, ce concept aux

    contours flous et mallable reste encore largement mconnu et incompris, galement restreint

    une catgorie trop limite de personnes et de structures. Il reste nanmoins un

    extraordinaire fdrateur dides et de projets novateurs 10

    .

    Cela nous dmontre que les enjeux du dveloppement durable demeurent existentiels car la

    dimension holistique de ce concept le circonscrit toutes les activits et proccupations de la

    pense humaine. Enjeux de socits mais aussi de civilisation, les principes du dveloppement

    durable visent rconcilier le dveloppement conomique et social, la protection de

    lenvironnement et la conservation des ressources naturelles. Ce dont tmoigne Didier

    MOREAU par son argumentaire du rapport de BRUNDTLAND qui le dfinit comme

    un dveloppement rpondant aux besoins du prsent sans compromettre la capacit des

    gnrations futures de rpondre aux leurs 11

    . Le dveloppement durable soutient-il vise donc trois objectifs : lintgrit cologique, lquit entre les nations, les individus et les

    gnrations ainsi que lefficacit conomique 12

    .

    Ces diffrents arguments nous autorisent, dornavant, qualifier le dveloppement durable

    comme un vaste programme aux composantes lvidence parfois contradictoires, mais qui

    serait, comme la communication, un concept aux contours aussi diffus. Cest ainsi que cet

    essai de conceptualisation sur la communication, le tourisme et le dveloppement durable

    nous amne poser la problmatique de recherche en termes de risques et denjeux, aussi bien

    pour la communication touristique que pour le dveloppement durable. Mais avant dentrer

    dans le vif du sujet, il simpose de dcliner les motivations de cette recherche.

    I- Motivations de la recherche

    Cette thse sinscrit dans la dynamique dune recherche action qui intgre deux dimensions de

    la communication : une communication managriale et une autre critique. Franoise

    BERNARD voque cette thse en dclinant deux postures du chercheur, celle de lexpert et

    10 Didier MOREAU, (Directeur de lEspace Mends France), in Les Enjeux du Dveloppement Durable,

    LHarmattan, Paris, 2005, p. 17 11

    En 1987 Harlem Ngo BRUNDTLAND prsidait la commission mondiale sur lenvironnement qui publia le 20

    mars Oslo ce rapport qui porte son nom, aussi publi sous le titre Notre avenir nous tous,

    www.ourcommonfuture.org, consult le 15/01/2010. 12

    Didier MOREAU, in.Les Enjeux du Dveloppement Durable, ibidem.

  • 12

    du critique. Elle pense que dans celle de lexpert qui relve aussi de la communication

    managriale,

    on peut identifier deux approches : une approche prescriptive dans la mesure o les textes produits indiquent la voie de ce quil convient de faire pour tre efficace, ou une

    approche recherche action qui est centre sur la rsolution de problmes situs 13

    .

    Cette dernire est celle qui nous interpelle ici, puisquil sagit de contribuer la rsolution des

    difficults de communication et dorientation qui se posent au tourisme sngalais. Ainsi,

    cette thse trouve sa motivation dans un ancrage professionnel. Une formation de base de

    technicien du tourisme et un cursus de recherche en communication des entreprises nous ont

    amen, trs tt, choisir ce domaine. Aprs un voyage dexploration dans notre rgion

    dorigine au Sngal en 2002, nous nous sommes projet dans une dmarche de contribution

    au dveloppement de cette localit qui nous a vu natre. Toubacouta nous paraissait comme le

    laboratoire de tous les antagonismes du tourisme sngalais. Notre implantation dans ce site

    nous a permis de rflchir sur les possibilits de contribuer la performance touristique

    locale. Cette rgion du Sine Saloum (carte 1) que nous avons revisite en 2004, alors que

    nous tions stagiaire dune station touristique dans le Mdoc, nous a confort dans la cration

    dun projet cotouristique, un CDVE (Club De Vacances Ecotouristique, photo 1) qui

    servirait de modle la fois de dveloppement quilibr en milieu rural, mais aussi de moyen

    de retour au bercail, devant inspirer une majorit dtudiants sngalais expatris.

    Ces objectifs la base ont donn naissance deux projets professionnels : cette thse de

    doctorat et lentreprise ci-dessus mentionne. Laccomplissement de ces travaux t rendu

    possible grce notre participation au programme Risques en Afrique de la MSHA (Maison

    des Sciences de lHomme dAquitaine) qui nous a permis dintgrer la problmatique du

    risque dans ce travail et dtudier la notion dala touristique vis--vis de lenvironnement et

    des cultures locales. Notre ultime conviction demeure que toute recherche acadmique doit

    pouvoir servir dapplication socioconomique et de contribution la cration de richesses ou

    de promotion dune certaine forme de dveloppement dans les pays du Sud. Ce qui nous

    amne, aujourdhui, peaufiner ces deux projets qui sont en gestation depuis 1996, date de

    notre premire immersion dans le tourisme. En dfinitive, ces principales raisons nous ont

    13 Franoise BERNARD, la communication interne lpreuve dun projet fort de recherche en

    communication des organisations , in Fidlisation et organisation, Communication & Organisation n 27,

    GRECO, Universit Michel de Montaigne Bordeaux 3, juin 2005, p. 154.

  • 13

    amen, en concertation avec notre directrice de thse, nous accorder sur cette thmatique qui

    intgre nos proccupations de recherche en information-communication et notre ambition

    dentrepreneur touristique.

    II- Problmatique de recherche

    Aprs avoir analys les diffrents concepts de notre thmatique et circonscrit les enjeux et

    risques potentiels lis au dveloppement de lactivit touristique dans le Tiers-monde, il est

    plus ais de poser la problmatique. En effet, au regard des risques soulevs par les impacts

    du tourisme en gnral, peut-on prsenter, aujourdhui, lcotourisme au Sngal comme un

    potentiel levier du dveloppement ? Dans une telle ventualit, quels peuvent tre les

    enjeux de la communication mdiatique et organisationnelle dans une perspective de

    durabilit ? La reconversion cotouristique permettra-t-elle de limiter les alas touristiques ou

    daffermir une image touristique sngalaise profondment corne par une sorte

    dintoxication mdiatique ou communicationnelle , dlibrment soutenue par lattrait

    commercial dune presse en perptuelle qute de scoops et de faits divers indits ?

    Enfin, la crise cologique mondiale ne ncessite-t-elle pas une nouvelle stratgie de

    communication plus responsable et plus juste, quand le tourisme classique, synonyme de

    consommation voire surconsommation, a fini par dmontrer ses limites dagressivit

    (surabondance de la documentation, overdose de linformation), motive par une course

    effrne au profit ? Lalternative cotouristique qui, dsormais simpose, ne doit elle pas tre

    accompagne dune communication du mme ressort, moins boulimique, plus responsable,

    solidaire, plus soucieuse du dialogue multiculturel, de lhumain et de sa prservation dans un

    environnement sain ?

    De toute vidence, les enjeux nouveaux que reprsente la communication dans le

    dveloppement des conomies modernes, nous permettent de soutenir certaines hypothses,

    certes nuances, mais suffisamment renseignes pour ouvrir des perspectives nouvelles en

    termes dapproche communicationnelle, dorganisation et de gestion durable du tourisme

    sngalais.

  • 14

    III Hypothses de travail

    Dabord, nous partirons du postulat de limpratif de la communication cotouristique comme

    argument thorique et pratique capable dinsuffler au tourisme sngalais un air nouveau.

    Moyen sociologique et conomique multifonctionnel, la communication cotouristique est un

    support dclairage, un outil thrapeutique, de recherche de rseaux et de performances

    relationnelles, dchanges, de connectivits et de solutions consensuelles et durables.

    Lintgrer au tourisme cest lui permettre une visibilit dont les retombes peuvent permettre

    la prise en charge des alas cologiques et culturels causs par des pratiques routinires.

    Comprendre cela, cest ensuite accepter le concept de communication applique comme une

    notion qui doit dpartir la communication des champs purement thoriques pour la confronter

    aux pratiques de lconomie, des ralits culturelles, environnementales et sociales. Ce qui

    peut signifier, pour le tourisme, un dploiement de dispositifs informationnels, doutils

    prventifs, de tissage de liens sociaux et commerciaux, indispensables au progrs.

    Cependant, songer un dveloppement touristique durable pour le Sngal, cest aussi aspirer

    au dveloppement daptitudes professionnelles soucieuses dune thique du dveloppement et

    de la valorisation culturelle. Ce qui ncessite forcment une volont politique claire par le

    souci dune bonne gouvernance, anime par la conscience du devoir de responsabilit et la

    ncessit dmocratique de rendre compte ses administrs.

    Assimiler tout cela requiert forcment une certaine apprhension des enjeux du tourisme en

    termes de risques ou de menaces vis--vis des ressources naturelles, culturelles ou datteinte

    la probit morale de certaines socits. Prendre en compte cet aspect du risque permet, enfin,

    dintroduire les enjeux des risques dans la problmatique de la communication, et du

    dveloppement touristique sngalais. Ce qui exige (puisquil sagit dune tude systmique),

    lanalyse de plusieurs paramtres physiques, culturels, politiques, sociologiques et

    conomiques caractristiques du dveloppement local. Tenter de cerner ces diffrents aspects

    dans un travail de thse semble prtentieux au regard des complexits spcifiques dun Etat en

    voie de dveloppement et des contraintes diverses lies la mobilit, aux tches

    professionnelles, aux ressources financires, morales et acadmiques, bref aux alas dordre

    existentiel.

  • 15

    Au regard de la problmatique nouvelle que soulvent toutes ces hypothses, il nous semble

    trs important dans la partie introductive qui suit, dannoncer en prambule le contexte peu

    favorable du Sngal, pays caractris par la complexit du sous-dveloppement. Une

    situation qui svalue en termes de dficit de moyens, de volont et dengagement politique,

    dinformation, dducation, de mobilisation sociale et dexercice du droit de citoyennet. Il

    sagit, en outre, dune ralit qui rsulte dune pluralit de facteurs et dactivits diverses qui

    ne permettent pas de concourir lamlioration du bien tre social qui, selon Monique

    MAINGUET,

    est communment compris comme lvolution dune collectivit vers lamlioration du bien tre : nourriture, logement, accs aux soins et protection sociale, progrs des sciences et des

    techniques, de lindustrie, du commerce, des voies de communication, accs linstruction et

    la culture 14

    .

    Cette observation nous permet daffirmer que le dveloppement suppose, en effet, une

    aspiration un bien tre social qui doit tre soutenu par une volont politique. En outre, cela

    doit correspondre la satisfaction de besoins physiologiques, matriels et sociaux. Mais

    latteinte dun tel objectif ne peut avoir de sens que lorsque tout cela sinscrit dans la dure,

    do la dimension holistique qu'annexe cette notion.

    Heureusement quau Sngal, la littrature mdiatique, le discours des officiels, des

    institutions - secteur touristique compris - sapproprient, consciemment ou non, le concept de

    dveloppement durable. Dans ce pays o le tourisme occupe le second rang dans lconomie

    nationale15

    , la presse et les mdias rythment aussi lactivit politique et sociale au quotidien.

    Cest pourquoi il nous parat impratif, dans cette tude prospective, danalyser les enjeux de

    linformation et de la communication dans les politiques du tourisme local et de

    lenvironnement qui le dtermine. Mais, tudier les enjeux des mdias et de la communication

    dans un processus de dveloppement durable, particulirement pour un secteur dactivit aussi

    sensible que celui du tourisme, demande en priorit une analyse contextuelle et sociologique

    de lenvironnement et lapprhension des risques lis cette activit. Cela oblige, en outre,

    une tude des risques inhrents au tourisme et une analyse de leurs reprsentations.

    14 Monique MAINGUET, Les pays secs, environnement et dveloppement durable, Ellipses, Editions Marketing

    S.A., Paris, 2003, p. 13. 15

    Selon les statistiques du ministre du Tourisme du Sngal et de la direction de la promotion touristique de

    lanne 2005, plus de 700 000 visiteurs ont t reus en 2004 avec des recettes de 800 milliards de francs Cfa et

    une contribution de lordre de 14% dans la croissance conomique nationale. Un secteur qui se porte bien et qui

    se place juste aprs la pche.

  • 16

    Il nous parat vident, aussi, de prsenter quelques aspects des spcificits du tourisme

    sngalais en premier lieu, non seulement sous langle des difficults, mais sous loptique des

    potentiels et des perspectives de dveloppement. Dans cette logique, nous retiendrons quatre

    points essentiels, relatifs aux facteurs environnementaux, politiques, conomiques et sociaux :

    des facteurs que nous tudierons la lumire des mdias, des acteurs et des populations, mais

    surtout par rapport un contexte historique marqu par une mondialisation aux impacts pour

    la plupart diffus pour lconomie locale. Cependant avant dentrer dans ce vif du sujet, il

    savre important de dcliner ici notre mthodologie de recherche.

    IV- Approche mthodologique

    Le choix dune mthode semble toujours, pour un travail de recherche, un exercice assez

    dlicat puisque choisir mme, cest procder llimination de certains modles qui trouvent

    toute leur pertinence dans lanalyse dun sujet transdisciplinaire, pour ne pas dire transversal.

    Mais puisque lapproche systmique, de par son nom, fait rfrence une notion de systme

    auquel sidentifient les domaines du tourisme et de la communication, choix ne pouvait nous

    sembler plus vident que celui-ci. Il importe, cet effet, de dresser un petit historique de ce

    courant, plutt gnralisant.

    La systmique, courant contradictoire de lapproche analytique16

    est un concept inspir par la

    thorie cyberntique de Paul WATZLAWICK de l'cole de Palo Alto qui regroupe diffrents

    chercheurs et psychothrapeutes qui ont labor la fois une conception interactionnelle et

    synchronique du comportement et une mthode de rsolution de problmes psychologiques,

    16 Selon le rsum de Mathieu GUIDERE, la mthode analytique procde par dcomposition du sujet. On

    dcompose un ensemble en ses lments constitutifs, ses lments essentiels, afin den saisir les rapports et de

    donner un schma gnral de lensemble. Exemples : Analyse qualitative / quantitative : dcomposer lensemble

    pour dterminer la nature et les proportions des constituants. Lanalyse iconographique : dcomposer limage

    en lments spars (pour en comprendre la structure smiotique, par exemple). Cette mthode consiste en

    outre, prendre peu peu connaissance des vasions et fausses justifications, dtectables par leurs

    manifestations strotypes, et leur opposer des contre-valorisations, penses et rflexions contrecarrant la

    pente naturelle de la vanit et de ses mtamorphoses , http://www.unifr.ch/socsem/cours/compte_rendu,

    consult le 05/06/2011)

    http://www.unifr.ch/socsem/cours/compte_rendu

  • 17

    rvlant ainsi une vision originale de l'tre humain. Elle ouvre la voie une nouvelle science

    de la communication et du changement - la thorie de la double contrainte 17

    (double bind).

    Lobjectif de lanalyse systmique de notre recherche sappuie sur deux fondamentaux de ce

    courant :

    - La dmarche empirique qui ncessite une fouille minutieuse des lments de terrain.

    Ce qui, dans le cadre de ce travail, nous permet de comprendre la structure du

    tourisme sngalais, les maux dont il souffre, afin de contribuer la thrapie

    communicationnelle approprie son tat actuel. Cependant, il savre important de

    noter que le constat gnral qui se dgage des opinions recueillies dans les entretiens

    effectus auprs des acteurs cibls par notre guide dentretien, indexent les dficits

    communicationnels et promotionnels comme les premiers maux dont souffre lactivit

    touristique sngalaise. A cet effet, les enjeux de la communication deviennent

    majeurs.

    - Lanalyse structurelle : elle permet ltude des interactions des composantes

    touristiques (la communication, lenvironnement, la culture et les sociabilits dans les

    socits daccueil et surtout les relations entre les diffrents acteurs, etc.), ce qui

    savre indispensable pour cerner la ralit touristique sngalaise.

    Nous pouvons donc dire que cette mthode a pour finalit lapplication systmique comme

    une thrapie de jouvence sur un corps touristique en mal de perspectives. Comme le prvoient

    les prcurseurs de ce modle, il sagit de voir le tourisme comme un tout, un corps, mais ici, il

    sagit dun corps malade et dont les symptmes dj diagnostiqus peuvent affecter sa

    17 Cette thorie envisage la maladie mentale comme un mode d'adaptation une structure pathologique des

    relations familiales. Cette thorie provoque un bouleversement des conceptions psychiatriques traditionnelles et

    contribue au dveloppement de la thrapie familiale. Dans le but d'tudier les implications thrapeutiques de

    cette approche, Don JACKSON fonde, en 1959, le MRI Palo Alto. Paul WATZLAWICK, puis Richard FISCH,

    rejoignent le MRI et poursuivent les travaux du groupe BATESON. Ce dernier quitte Palo Alto en 1963 alors

    que HALEY et WEAKLAND viennent complter les effectifs du MRI. Le groupe BATESON originel s'est alors

    divis en deux branches : d'une part, BATESON ouvre son approche de la communication l'tude d'espces

    trs diffrentes (des dauphins aux pieuvres) et part la recherche des fondements pistmologiques d'une

    cologie de l'esprit , de l'autre, Paul WATZLAWICK et son quipe du MRI recherchent des moyens d'action

    thrapeutique plus efficaces. Le modle thrapeutique familial de Palo Alto va voluer et atteindre sa version la

    plus soigne avec la cration du Centre de thrapie brve la fin des annes 1960. Cette thrapie brve

    se focalise sur le symptme tel qu'il se manifeste ici-et-maintenant dans le systme relationnel du patient. Elle

    dfinit quelques pistes d'intervention qui se rvlent gnralisables la rsolution des problmes sociaux les

    plus divers. Le thrapeute dfinit un objectif prcis son intervention et labore une stratgie visant modifier

    les interactions qui maintiennent le problme au sein du systme concern , lInstitut Gregory BATESON :

    L'cole de Palo Alto et Paul WATZLAWICK , article publi par lIGB-MRI de Lige le 24 avril 2005.

    http://www.mieux-etre.org/_IGB_.html

  • 18

    longvit (durabilit). Il nous faut donc analyser ces diffrents symptmes travers les gnes

    qui les portent et qui ont pour noms : communication, conomie, culture, sociologie,

    environnement et relations entres les acteurs qui lentretiennent (voir la figure 7 qui traduit

    ces ides et reflte ces concepts).

    Cependant, soigner le tourisme sngalais ncessite dabord de cerner ses composantes et de

    relever les dfaillances qui subsistent dans les interactions de ses organes. La durabilit devra

    attester de la performance de cette thrapie dont la communication constitue le principal

    protocole. Tout comme la conception cyberntique du symptme, le tourisme devra envisager

    la communication comme un moyen d'adaptation un contexte particulier, devant entraner

    une vision relativiste des problmes. Ce qui rapproche la dmarche du psychothrapeute

    de celle de l'anthropologue et de lconomiste cologiste qui leur permet, ds lors, de se

    passer de toute conception normative ou pathologisante des problmes humains : sociaux,

    conomiques et environnementaux.

    L'cole de Palo Alto a mis en vidence la rflexivit du processus scientifique : les valeurs qui

    guident la pense du chercheur, orientent sa rflexion et dterminent ses conclusions.

    BATESON et ses collgues du MRI ont voulu expliciter les prmisses de leur travail, en dpit

    de divergences certaines, qui rvlent bien des valeurs communes. Mme respect de la

    diversit (biologique et sociale), mme dfiance l'gard des idologies, mme constat des

    effets nfastes des buts conscients . Nos hypothses sont toujours partielles et les buts

    que nous nous fixons sur leurs bases sont bien souvent la source de nos difficults 18

    . Pour

    ces chercheurs, ce sont nos efforts dlibrs en vue de contrler notre environnement - donc

    de court-circuiter les rgulations naturelles - qui sont l'origine des difficults individuelles,

    mais galement culturelles, sociales et cologiques. Les pratiques du tourisme de masse sont

    largement rvlatrices dans ce sens. La qute du plaisir balnaire et de dcouvertes exotiques

    (safaris et dcouvertes culturelles) ont beaucoup contribu, tout au long du sicle dernier, la

    disparition despces naturelles rares et au pillage duvres pour antiquaires. Mais faut-il

    pour autant abdiquer ? La rponse cette question devra, en tout cas, prendre en compte la

    ncessit de sadapter au changement environnemental, lvolution de la structure des

    besoins et des dsirs de lhomme contemporain. Il ne sagit donc pas dabdiquer mais

    dessayer de vivre dsormais plus en harmonie avec lenvironnement tout en songeant

    18 Institut Gregory BATESON : L'cole de Palo Alto et Paul WATZLAWICK , op. cit. p. 3.

  • 19

    davantage le prserver. Une telle vision sera sans doute la seule alternative capable de

    permettre au tourisme sngalais dtre viable et prenne.

    Cette position rapproche l'cole de Palo Alto de certaines philosophies orientales comme le

    taosme ou le bouddhisme qui prnent lasctisme comportemental, un impratif, aujourdhui

    trs actuel. Le sommet de Copenhague de 200919

    en a beaucoup fait lcho. Ce qui se traduit

    encore par lappel la moralisation conomique lanc par des dirigeants politiques depuis

    lavnement de cette crise conomique mondiale qui affecte aussi durement le tourisme dans

    le Tiers-monde.

    En dfinitive, jamais lapproche de BATESON na sembl aussi actuelle, cherchant comment

    penser en harmonie avec les rgulations naturelles au-del du dualisme corps/esprit ; tandis

    que le MRI tente de trouver comment agir sans laisser les leons du pass faire obstacle

    notre perception du prsent. En ralit, notre rflexion se retrouve la croise de ces deux

    modes de penses. Car si le tourisme se conoit comme un systme, la fois conomique,

    culturel, politique, relationnel ou social, il nen demeure pas moins que la communication

    permet, elle, de mettre en harmonie laction conomique avec lthique environnementale et

    culturelle. Plus que le dcline le MRI, il sagit non seulement de chercher agir sans laisser

    les leons du pass faire obstacle notre perception du prsent 20

    , mais aussi faire comme

    le prne le rapport de BRUNDTLAND21

    , de telle sorte que nos actions prsentes ne

    compromettent pas lavenir de lexistence humaine. Et cest l o lapproche systmique

    prend tout son sens pour nous car il devient une ncessit de concilier la rflexion laction

    dans le but dune dialectique thorique et dune volution socioconomique : le progrs. La

    pense devient ds lors structurante, elle aide mieux guider laction conomique

    singulirement dans une dmarche recherche action.

    Si le tourisme semble concern par la communication, cest aussi pour repenser et divulguer

    les principes cologiques qui permettront cette activit conomique de ne plus se poser

    19 Sommet tenu du 7 au 18 dcembre 2009 Copenhague, capitale du Danemark, cens sauver la plante.

    20 Institut Gregory BATESON : L'cole de Palo Alto et Paul WATZLAWICK , op. cit., p. 2.

    21 Rapport, Notre avenir nous tous, publi le 20 mars 1987 par la commission de lenvironnement de

    lOrganisation des Nations Unies, (ONU), sous la direction de Gro Harlem BRUNDTLAND, alors prsidente de

    cette commission. Il porte aussi le nom de sa prsidente, BRUNDTLAND, cf.

    http://www.businesspme.com/articles/strategie/67/rapport-brundtland.html, consult le 12 dcembre 2009.

  • 20

    comme un dilemme22

    conomique et aventurier (risque environnemental et socioculturel),

    mais comme une solution conomique durable qui dmocratise laccs au bien-tre.

    Grand pourfendeur des systmes de pense ferms sur eux-mmes, de toutes les idologies,

    WATZLAWICK propose une solution plus souple notre qute de cohrence intellectuelle.

    Les thories ne sont que des constructions mentales, affirme-t-il, des "modles" qu'il ne faut

    pas prendre pour le phnomne modlis : nous construisons notre ralit 23

    . C'est

    probablement l le message essentiel des thories "constructivistes" que WATZLAWICK a

    contribu diffuser tant dans les milieux scientifiques que dans le grand public. Personne ne

    peut revendiquer une "meilleure" vision de la ralit qu'un autre au nom de quelque critre

    objectif que ce soit ; seule l'utilit du modle pour la rsolution du problme traiter peut

    en justifier l'usage et la valeur. Et cest cette leon qui nous inspire toute la dmarche de notre

    travail, ne prtendant ni labsolu, ni lobjectivit car toute existence tant circonstancielle.

    Cette tude, qui nest quun essai danalyses circonstancies dun domaine dtermin par des

    interactions diverses, dcoule de ce postulat.

    Aprs avoir retrac lhistorique de la pense systmique et des objectifs de recherche de ses

    protagonistes, il nous appartient, comme nous venons de le dmontrer dans les lignes

    prcdentes, den faire un usage adquat par rapport nos objectifs anims par une volont de

    trouver les vrais enjeux communicationnels qui psent sur le tourisme sngalais, de

    rechercher les facteurs de risques inhrents cette activit, et, tout comme le prtend

    lapproche systmique de Paul WATZLAWICK et les travaux psychologiques de lcole de

    Palo Alto et de Grgory BATESON, administrer au tourisme sngalais la thrapie

    communicationnelle idoine en lorientant vers un cotourisme. Pour ce faire, il nous faut

    adopter une mthodologie qui puisse prendre en compte la complexit dune recherche la

    fois critique et empirique. La systmique qui englobe tout cela nous permet donc denvisager

    ce travail avec ralisme.

    22 Fait rfrence louvrage dIsabel ARNAUD-BABOU et Philippe CALLOT, Les dilemmes du tourisme,

    Vuibert, Paris, 2007. 23

    Institut Gregory BATESON Gregory BATESON : L'cole de Palo Alto et Paul WATZLAWICK , op, cit.

    p. 6.

  • 21

    La mthode est un ensemble de procds raisonns pour excuter une action ou raliser une

    uvre. En termes scientifiques, cest un ordre que l'on suit dans l'tude ou dans

    l'enseignement d'une science suivant les conditions essentielles cette science. Tandis que du

    point de vue philosophique, cest un ensemble des procds rationnels employs la

    recherche de la vrit. Dans le cadre de cette tude nous choisissons une mthode hybride,

    combinant lempirique la critique.

    Les diffrentes questions que suscite cette thmatique appellent une dmarche synthtique et

    dialectique. Une telle dmarche communicationnelle sinscrit dans une approche

    pluridisciplinaire et transversale.

    Il sagit donc, comme le dit Alex MUCHIELLI, de ne plus se limiter un courant spcifique,

    mais de chercher tirer profit de ce que tous les modles ont gnr ;

    les chercheurs ont produit divers modles pour expliquer la communication. Chaque modle li un contexte, une poque et un sujet scientifique diffrent agit comme un

    mcanisme perceptif et cognitif qui transforme la ralit en reprsentation. Il permet ainsi

    den voir certains aspects mais, obligatoirement en occulte dautres 24

    .

    La communication se situant la dimension de lhomme et de ses dterminants sociologiques,

    culturels, conomiques et environnementaux, elle revt un caractre pluridisciplinaire qui

    linstalle la croise de penses discursives contemporaines (philosophie, sociologie,

    anthropologie, ethnologie, etc.), et des pratiques modernes de lconomie (le tourisme), de la

    culture et de la politique.

    Ltude des enjeux de la communication (un concept dactualit et pluridisciplinaire) dans le

    tourisme, un secteur en pleine expansion et du dveloppement durable (une vision la mode

    mais qui ici se justifie pleinement), nous oblige la fois adopter une approche systmique

    (englobante) et empirique (exprimentale). Il sagit, en outre, dune tude critique et

    exprimentale qui sapplique un domaine dtude bien concret, le tourisme sngalais.

    24 Alex MUCHIELLI, Les modles de la communication in, La communication : tat des savoirs, Editions

    Sciences Humaines (2me dition actualise), Auxerre, 2005, p. 45.

  • 22

    Lapproche systmique ici, nous renvoie la dfinition donne par Eric HELLENDORF qui

    pense que ce modle

    sappuie sur la notion de systme (ensemble dlments en interaction) : une cellule, une entreprise, une ville sont des systmes. Ne de la fcondation croise de disciplines telles la

    biologie, la cyberntique, la thorie de linformation et la thorie des systmes, cette approche

    commune, transdisciplinaire permet de dcrire la complexit organise. Cest une nouvelle

    mthodologie, permettant de rassembler et dorganiser les connaissances en vue dune plus

    grande efficacit de laction, denglober tous les lments du systme tudi ainsi que leurs

    interactions et interdpendances 25

    .

    Le choix de ce modle pour notre thmatique prsente des avantages multiples : pouvoir

    naviguer entre ces concepts, tudier, analyser et dgager des vidences portes par la

    communication - plus particulirement celle des mdias dans la comprhension des intrts,

    des enjeux, des risques, des possibilits et des perspectives de dveloppement dune activit

    cotouristique sngalaise. Et, puisquil sagit aussi dune tude dimpacts de la

    communication et du tourisme dans la perspective dun enveloppement durable, lenjeu

    principal est de cerner les reprsentations, didentifier les risques, les analyser et desquisser

    quelques pistes de rflexion. Au-del dun diagnostic global et dune analyse gnralisante,

    cette tude a lambition de reflter le rsultat, un moment donn, dun questionnement

    permanent autour de cet enjeu principal quest lapport de la communication dans le

    dveloppement durable, du tourisme, sngalais en particulier.

    Mener une tude empirique ou pragmatique de cette nature ncessite de la disponibilit et des

    ressources assez consquentes. A cet effet, nous avons fait, dabord, des recherches

    documentaires. Elles nous ont men, dans un premier temps, llaboration dune

    bibliographie conforme aux objectifs de notre dmarche. Mais quel chercheur pourrait se

    passer aujourdhui dInternet ? Ce moyen nous a pargn le parcours de milliers de kilomtres

    la recherche de documents et permis laccs de nombreuses donnes. Nous en avons tout

    le temps fait usage, de mme que tous les autres outils des TIC (Technologies de

    lInformation et de la Communication). Dans la recherche distance que nous menions, ces

    moyens nous t dune trs grande utilit.

    25 Eric HELLENDORF, in Jean-Michel DECROLY, Anne-Marie DUQUESNE, Roland DEBAERE et Anya

    DIEKMANN (dir.), Tourisme et Socit : Mutations, enjeux et dfis, Editions de lUniversit de Bruxelles, 2000,

    p. 150.

  • 23

    Nous avons ensuite effectu une tude de terrain sur la base dun guide dentretien (source 1)

    dont les objectifs principaux ont consist :

    - rcolter des informations qui permettent dapprcier lvolution de lactivit

    touristique sngalaise ;

    - apprhender les difficults lies au dveloppement de cette activit ;

    - identifier les risques inhrents lexploitation touristique et mesurer les enjeux de la

    communication ;

    - cerner les reprsentations que les diffrents acteurs (professionnels, mdias,

    organismes sociaux, autorits politiques et administratives, touristes, et populations daccueil)

    se font des notions de risque, de danger et durgence dans ce secteur ;

    - et enfin, recueillir des donnes qui permettent danalyser les enjeux du dveloppement

    durable dans lcotourisme sngalais.

    Compte-tenu des contraintes professionnelles (en temps et en moyens), nous avons du innover

    pour nous faciliter le travail denqute de terrain. Cette innovation a consist extraire du

    questionnaire labor et des rponses apportes celui-ci (sources 1 et 2), une question (n 7,

    source 1), pour traiter des risques qui font partie intgrante de notre thse. A partir des

    rsultats obtenus par le bais de cette question n 7, nous avons construit deux graphiques : le

    premier (figure 5) nous a permis didentifier les diffrentes catgories de risque considres

    comme tel par nos interlocuteurs ; le second (figure 6) nous a permis de rpertorier les cibles

    les plus vulnrables ainsi que les classes dge les plus exposes aux risques touristiques

    identifis. Lexploitation des rsultats de cette recherche est davantage dveloppe dans la

    troisime partie de la thse.

    En dfinitive cette mthode nous parat assez vidente pour cerner et analyser la complexit

    des reprsentations socioculturelles, politiques et conomiques que suscite notre thmatique.

    Elle nous permet, travers une dmarche assez fonctionnaliste aussi, voire pragmatique,

    empirique et mme simple, de rcolter des informations qui autorisent proposer des pistes de

    rflexion crdibles face aux inquitudes que peuvent avoir les acteurs dans un contexte

    risque : prcarit sociale, dgradation environnementale, crise morale, sanitaire, drives

    mdiatiques et politiques comme cest le cas pour la Casamance au sud du Sngal.

    Afin de rpondre toutes ces attentes, nous avons choisi dtudier, dans un premier temps, le

    contexte mdiatique, physique, socioconomique, politique et culturel qui dtermine le

    dveloppement touristique local. Analyser ensuite, les enjeux de la communication et du

  • 24

    dveloppement durable dans ce tourisme et enfin, recenser et analyser les risques inhrents

    cette activit et ses reprsentations socioculturelles.

    Cette structuration obit une certaine logique relative la formulation de notre sujet et une

    dmarche qui nous parat cohrente pour aboutir aux rsultats de cette tude. La

    communication tant notre discipline de recherche, il a sembl plus pertinent de dfinir en

    prambule le contexte mdiatique et communicationnel du domaine dtude (le tourisme

    sngalais), puis de prsenter les facettes de ce secteur (le tourisme sous tous ses aspects) et

    enfin de diagnostiquer, par le biais des sciences de linformation et de la communication, les

    contraintes qui se dressent potentiellement comme des risques par rapport une activit

    touristique durable et prcisment lmergence de pratiques cotouristiques qui peuvent tre

    des alternatives de dveloppement socioconomiques pour les Sngalais.

    Pour tous les noms de sites, villes, villages, zones touristiques et terroirs, nous avons

    confectionn une carte 5 o ils sont rpertoris.

    Carte 1 : carte touristique du senegal

    (Daprs le ministre du Tourisme du Sngal, 1994).

  • 25

    Premire partie :

    Cadre contextuel du tourisme sngalais

  • 26

    Nos essais de dfinitions conceptuelles dans la partie introductive de ce travail nous ont

    permis dexplorer certaines pistes de rflexion. Parmi celles-ci, nous retenons les enjeux du

    tourisme. Cette tude des enjeux socioconomiques et de limage culturelle du tourisme vis--

    vis des cibles que sont les autorits, les oprateurs, les professionnels des mdias, les touristes

    et les populations daccueil, nous permettra de mieux apprhender les carences et les dficits

    organisationnels du secteur. Ces dficits que nous qualifions de lacunes sont dordre

    promotionnel, marketing ou politiques en gnral. Ce qui nous autorise diagnostiquer les

    difficults inhrentes au tourisme sngalais et dessayer dy apporter des solutions. Pour ce

    faire, il est important danalyser lenvironnement contextuel et mdiatique. Une tude que

    nous amorcerons par une analyse du cadre mdiatique et de limaginaire local dans le quel a

    baign le secteur depuis 196026

    . Il sera ensuite ncessaire de nous appesantir sur les

    dterminants socioconomiques et culturels qui ont une incidence indniable sur lui.

    I- Cadre mdiatique et imaginaire touristique sngalais

    Dans son ouvrage la socit sngalaise entre le local et le global, Momar Coumba DIOP

    dcrit de faon pertinente la conjoncture socioconomique, politique et culturelle ayant

    prcd lalternance politique de lanne 2000. Il affirme que

    le Sngal a t confront, la fin des annes 1970, des difficults grandissantes ayant ncessit des rformes conomiques accompagnant un processus plus large domin, celui-l,

    par le passage de lEtat providence la privatisation de pans entiers du secteur public 27

    .

    Le matre mot tait devenu moins dEtat, mieux dEtat . Cest dans un contexte

    dajustement structurel impos par les institutions financires internationales - FMI et Banque

    Mondiale - principaux bailleurs de lEtat que le gouvernement sngalais sest rsolument

    engag dans une politique daustrit. Ce qui entrane une situation de crises conomiques, de

    malaises sociaux et de tensions politiques exacerbes. Le libralisme mdiatique des annes

    1990 se dveloppe dans ce contexte : dmocratisation des ondes et des techniques de

    communication. Le tableau suivant permet davoir une ide assez prcise de notre contexte.

    26 Lanne 1960 marque les indpendances africaines. Elle est symbolique en ce sens que le Sngal tout comme

    certains Etats africains vont saffranchir dune certaine tutelle europenne et vont essayer dlaborer des

    politiques de dveloppement rpondant plus ou moins aux aspirations de leurs peuples. 27

    Momar Coumba DIOP (dir), La socit sngalaise entre le local et le global, Karthala, Paris 2002, p.12.

  • 27

    Tableau 1 : Le Sngal en statistiques

    (Daprs, http://www.statistiques-mondiales.com/senegal.htm, consult le 29/ 07/2010).

    28 Lindice du dveloppement humain* est un indicateur du niveau de dveloppement dun pays tenant compte

    parts gales de lesprance de vie la naissance, du taux de scolarisation et dalphabtisation des adultes et du

    produit intrieur brut par habitant en parit du pouvoir dachat. Il est compris entre 0 et 1. Plus cet indice est

    lev, plus le dveloppement humain est apprciable. 29

    Le coefficient Gini du nom de lauteur mme Corrado GINI, mesure le degr dingalit des revenus au sein

    dune communaut ou lchelle dun Etat. Il est compris entre 0 et 1. Plus cet indice est faible mieux les

    revenus sont bien rpartis. 30

    Lindice de la libert civile* est tabli sur une chelle de 1 7. Le 1 reprsentant les liberts civiles les plus

    grandes et 7 une absence totale de liberts civiles. Les critres pris sont la libert dexpression, le droit

    dassemble et dducation, la libert religieuse, Etat de droit, activit conomique libre etc. 31

    Lindice de la libert de presse* est tabli par RSF (Reporters sans Frontires) partir de 50 critres dont la

    libert dopinion et daction, de pratique de la dmocratie, etc. Il est compris entre 1 et 100 et plus il est faible, la

    presse est libre et plus il est lev, la presse est sous contrle. 32

    Lindice de corruption* varie entre 0 et 10. Plus il est faible, la corruption est active et plus il est lev, elle

    absente.

    Capitale Dakar (2010) 3 000 000 hbt. Dpenses militaires en %du PIB (2008) 1,9%

    Superficie 196 190 Km2 Dpenses dducation en % du PIB (2006) 5,0 %

    Point culminant 581m Consommation dnergie (TEP) par hbt (2002) 0,32

    Ctes 531km Consommation dlectricit (kWh / hbt. (2004) 176

    Population (2009) 13 711 597 Pourcentage de population sous-alimente (2004) 20%

    Densit population (2009) 69,8 h/km2 Taux de chmage (2007) 48%

    Population (1950) 2 750 000 Indice de Dveloppement Humain (IDH)28 2006 0,50*

    Population de moins de 15 ans (2009) 42,2 % Coefficient Gini29 0,413*

    Population de plus de 64 ans (2009) 3, % Indice de libert civile30 (2008) 3*

    Esprance de vie (2009) 59 ans Indice de libert de la Presse31 (2008) 19*

    Dpenses de sant par hbt (2008) 48$

    Domaine Internet sn Nombre de mdecins pour 1000 hbts (2006) 0,1

    Proportion 15/49 ans infects par le virus du Sida (2007) 01%

    Population urbaine (2008) 42,3 % Population ayant accs llectricit (2000) 32%

    Age mdian (2009) 18,6 ans Taux dalphabtisation 15 ans et + (2007) 42,6%

    Taux de fcondit (2009) 4,95 Nombre dhomicides pour 100 000 (2004) 1,1

    Taux de natalit (2009) 36,84 %0 Indice de corruption32 (2008) 3,4*

    Taux de natalit (1970) 48,0 %0 Nombre de tlphones fixes pour 1000 hbts (2006) 23

    Taux de mortalit (2009) 9,75 %0 Nombre de tlphones mobiles pour 1000 hbts (2007) 320

    Taux daccoisement naturel (2009) 2,71 % Utilisateurs dInternet pour 1000 hbts. (2006) 54

    Mortalit infantile (2008) 58,93 %0

    Taux de mortalit des moins de 5 ans (2006) 116%0

    PIB en millions de $ US (2008) 13900 Population active agricole (2004) 72,42%

    PIB par hbt. en $, valeur PPA (2008) 1600 $ Part du PIB agricole dans le PIB total (2004) 17,9%

    Taux de croissance (2008) 4,8% Production de crales en milliers de tonnes (2004) 1085

    Taux de croissance production industrielle (2007) 2,7% Production de viande en milliers de tonnes (2004) 167

    Part dans les importations mondiales (2006) 0,03% Terres arables (%) superficies mergs (2004) 12,5%

    Part dans les exportations mondiales (2006) 0,01% Nombre de tracteurs pour 1000 hectares cultivs (2003) 3

    http://www.statistiques-mondiales.com/senegal.htm

  • 28

    Loin dtre exhaustif, ce tableau reflte avec ralisme la sant politique, conomique et

    sociale du Sngal dans notre contexte dtude. Les donnes permettent dapprhender

    certaines difficults de lorganisation conomique nationale qui affectent en gros tous les

    secteurs dactivit de la vie. Du point de vue sanitaire, selon ENDA/Sant

    la faible prvalence du VIH dans la population en gnrale (0,7% selon lenqute EDS 4) contraste davec la vulnrabilit des groupes les plus exposs : la prvalence est encore trs

    leve chez les travailleuses du sexe (10 30% et les MSM (21,5% 33

    .

    Ce taux trs faible par rapport au reste de lAfrique, nautorise pas de senorgueillir dune

    couverture sanitaire satisfaisante. Tel tant le cas pour lducation o le taux dalphabtisation

    natteint pas encore la moyenne. Ces deux facteurs associs ceux de la libert de presse et

    civile, malgr lcho dmocratique du Sngal, attestent une fragilit sociale, sans doute

    prendre en compte.

    Du point de vue des paramtres conomiques, tous les indexes sont faibles : de la production

    agricole la consommation dnergie en passant par la croissance conomique (PIB, taux

    dexportation etc.), la tendance qui se dessine est celle dun pays dficitaire en tout. Ce

    constat nous amne repenser les orientations des politiques conomiques, puisque ce tableau

    reflte aussi, dune certaine manire, une vision conomique encore base sur lagriculture.

    Les biens et services sont quasiment dlaisss au profit dune conomie axe sur les

    ressources (pches et agriculture), et qui nont pas fini de dmontrer leurs limites aprs

    cinquante annes dindpendance politique. A notre avis, il faut explorer dautres crneaux :

    ceux des services, de lintelligence conomique, des tlcoms par exemple et du tourisme en

    particulier (un secteur o le Sngal dispose de vrais atouts). Encore faut-il que la prise en

    compte de lexploitation de ce domaine soit associe une bonne maitrise des technologies de

    linformation et de la communication, ce qui pourra permettre lconomie nationale, en sus

    des secteurs primaires, de tirer une valeur ajoute nouvelle aux impacts positifs pour la

    socit.

    Les TIC sont devenues, bien videmment, des supports incontournables de lexploitation

    dune activit touristique. Mais les mdias aussi ne sont pas en reste. Leur rle nest pas que

    33 ENDA/ Sant, Rapport dactivits 2006, Dakar, Sngal, p. 5.

  • 29

    jouer la mdiation dans social ou dalerter les politiques. Ils constituent, au-del du rle de

    garant des liberts dmocratiques qui leur est attribu, des supports promotionnels de grande

    importance. Leur capacit de mobilisation nous amne ainsi, tudier les enjeux quils

    reprsentent pour le tourisme. Pour ce faire, nous tenterons de voir dabord le cadre

    contextuel de lvolution mdiatique au Sngal.

    I-1 Contexte mdiatique

    La libralisation de lconomie sngalaise partir de 1980 na pas pargn le secteur des

    tlcommunications. La presse crite a connu une grande effervescence malgr quelques

    turpitudes lies divers facteurs : immaturit lectorale, non respect des codes dthiques et

    de dontologie, censure dEtat, autocensure, dficit de formation dans le corps journalistique

    etc. Ce qui fait revendiquer Mak DAGNOKO de

    la formation pour assainir la profession 34

    . Il pense que le code de la presse en

    gestation vise, entre autres, donner un nouveau statut au journaliste 35

    . Il rappelle en

    outre, que dans les organes de presse, les professionnels sont conscients que la formation

    est la seule voie pour assainir la profession 36

    .

    Ce que fait remarquer dj Pape Atou DIAW.

    Jusqu prsent, cest la loi 96-04 qui rgule la presse sngalaise. Etat, journalistes, techniciens, patrons de presse, juristes, socit civile et parlementaires sont maintenant

    conscients du caractre dsuet du texte. Celui-ci ne prend pas en compte toutes les

    proccupations des journalistes et des entreprises de presse, de manire gnrale. Cest

    pourquoi, le nouveau code de la presse est jug salutaire, en ce sens quil permet de rguler le

    secteur des mdias. Il est aussi un instrument qui aidera assainir un milieu o la formation

    est, dsormais, primordiale, pour revendiquer le statut de journaliste 37

    .

    Le secteur de laudiovisuel et lInternet sont cependant, les secteurs qui davantage nourrissent

    lespoir dans cette effervescence qui sest rvle aux consommateurs de faon spectaculaire

    34 Mak DAGNOKO, La formation pour assainir une profession , in Le Soleil, Thma/Mdiats, statut du

    journaliste, financement des mdiats, cadre juridique, comprendre le nouveau code de la presse , 20 octobre

    2009. p. 5. 35

    Idem 36

    Ibidem 37

    Le Soleil, Thma / Mdiats, Comprendre le nouveau code de la presse , 20/10/2009, p. 1.

  • 30

    partir de 199238

    , malgr les rticences des pouvoirs publics. Cependant le dveloppement

    des tlcoms va se faire sans difficults majeures : tlphonie mobile et Internet associs, avec

    une diversification doprateurs ds lan 2000. Le paysage mdiatique sngalais va reflter,

    dsormais, une grande pluralit ditoriale et une diversit du point de vue des contenus. Mais

    cette image plurielle et diverse ne va pas manifester assez dintrts conomiques,

    scientifiques et mme culturels. En ralit, la politique occupe trop le champ mdiatique

    travers des facettes polmiques et de rubriques de faits divers. La culture scientifique et

    lconomie demeurent marginales et peu pertinentes. Malgr le dynamisme local39

    , le

    tourisme va beaucoup en ptir. Ces limites nous autorisent, ainsi, tudier les enjeux du

    pluralisme de la presse et de la diversification mdiatique vis--vis de la culture, du tourisme

    et de lconomie en gnral.

    I-2 Pluralisme de la presse, naissance de laudiovisuel et dInternet

    La presse crite sngalaise a expriment le pluralisme mdiatique ds le dbut des annes

    1970 avec les parutions plus ou moins rgulires de titres comme Promotion ou le Politicien.

    Mais le dveloppement de la presse politique, Momsareew, Xarebi, Siggi, Tahaw, Jaay-Dol,

    And-Sopi Sopi, ne sest pas fait attendre. Ltude ralise par la fondation FKA (Konrad

    ADENAUER) rvle que

    Paradoxalement, laccroissement du nombre de journaux et de radios sest fait dans un contexte socioconomique morose. La dimension conomique surtout constituera le maillon

    faible des entreprises de presse 40

    .

    Dans le courant des annes 1980, on assiste au dveloppement de divers hebdomadaires, de

    quotidiens privs et dune presse spcialise aux parutions plus ou moins rgulires. Selon

    cette tude, on compte en 2005 environ une vingtaine de titres et une quarantaine de radios.

    38 Des textes importants ont t publis. Exemple la loi n 92-57 du 03 septembre 1992, relative au pluralisme

    la radio tlvision, a consist en linstitutionnalisation dmissions hebdomadaires (tribune des partis politiques).

    Obligation est dsormais faite au service public dinviter les partis politiques participer des missions dont la

    programmation revenait la RTS. 39

    Selon lAPIX (lAgence de la promotion de lInvestissement et des travaux publics, rapport 2009), lconomie

    sngalaise a connu une croissance moyenne de 5 6% entre lan 2000 et 2007. 40

    Fondation Konrad ADENAUER-Centre dEtudes des Sciences et Techniques de lInformation (CESTI), Les

    Cahiers de lalternance n 8, Dakar, 2005, p. 19.

  • 31

    Les plus clbres parmi cette presse indpendante sont : Sud quotidien, Walfadjri,

    lObservateur, Le quotidien, le Matin, lAs, etc. Les quatre premiers sont produits par des

    multinationales mdiatiques qui ralisent les plus gros tirages de la presse nationale. Ces

    entreprises ont ouvert la voie la diversification des produits mdiatiques avec la cration de

    journaux spcialiss dans le sport, la culture et les faits divers.

    Laudiovisuel va suivre la mme cadence et cest surtout dans ce domaine-l quon assiste

    partir de 1994, la vritable rvolution mdiatique sngalaise (carte 2) qui,

    malheureusement, va laisser en rade la presse conomique o rsistent encore quelques

    hebdomadaires et mensuels linstar de Promotion, puis plus tard, les magazines Russir et

    Performances en ce qui concerne les titres les plus rcents et les plus connus. Pour le reste, la

    presse conomique nest constitue que de magazines appartenant des institutions comme

    BIE (Bulletin dInformations Economiques) de la Chambre de Commerce et dIndustrie de

    Dakar, ou du trimestriel Le Touriste du ministre du Tourisme qui a cess de paratre depuis

    juin 2003. Ainsi, pour lactivit touristique qui est homologue dans les rubriques

    conomiques de la presse, lessentiel de lactualit porte uniquement sur les faits divers et

    quelques nouvelles dintrt mdiatique de nature surtout commerciale. On trouve quelques

    rares articles dans les ditos et peu danalyses pertinentes quand il sagit dtudier les impacts

    du tourisme sur une conomie sngalaise quil dtermine en second. Dans la plupart des

    crits de la presse et surtout la presse en ligne, on publie particulirement les coups de

    gueules doprateurs ou de syndicalistes face aux situations de pnurie et de crise, ou les

    sorties de ministres et accessoirement, des articles de contribution de la part de sociologues,

    gographes, manageurs ou hommes politiques etc. sur diffrents aspects du tourisme leur

    concernant.

  • 32

    Carte 2 : radios de proximit

    (Nombre par dpartement, avril 2011)

    Jadis, caractris par un monopole dEtat travers la RTS (Radio Tlvision du Sngalaise)

    qui regroupe la radio nationale, la chaine Inter et la tlvision nationale, le secteur de

    laudiovisuel connat une fulgurante diversification entre 2004 et 2010 avec lattribution de

    frquences sur la bande FM (frquence moyenne) en ce qui concerne la radio et lattribution

    de cinq licences au secteur priv pour lexploitation tlvisuelle.

    La dynamique audiovisuelle qui samorce partir de 1994 rsulte de la conjonction de deux

    facteurs. Dabord lbullition sociale ponctue par la dtermination des syndicats de

    professionnels des mdias (qui ont eu pour mrite daffronter lEtat dans tous les champs),

    mobilise le secteur priv. Ce qui dcide le pouvoir viter la confrontation par lappel au

    dialogue qui motive certains compromis. Paralllement on note la prise de conscience des

    pouvoirs politiques dune ncessit de prise en compte de la diversit sociale et culturelle

  • 33

    dans lespace mdiatique sngalais. Il sy ajoute la ncessit de faire jouer la concurrence

    pour assurer une meilleure qualit des programmes et de la production audiovisuelle.

    Aujourdhui, la pluralit des radios publiques, prives et associatives dmontrent cette volont

    publique dassoir la dmocratie sngalaise travers une meilleure reprsentativit

    mdiatique et daccs une certaine forme de libert dopinion41

    . Certes, il ya beaucoup de

    limites leffervescence radiophonique (carte 2), mais il demeure un acquis la fois

    politique, social et conomique aussi bien pour la marche dmocratique que pour laccs des

    citoyens la culture dmocratique.

    Cependant, le maillon faible de lmergence mdiatique est la presse crite. Le lectorat est

    insignifiant, et la raison principale est imputable au taux faible dalphabtiss. Or, comme le

    rvlent Annie LENOBLE-BART et Andr-Jean TUDESQ,

    le dcodage des textes ou des images, des illustrations, suppose une ducation, en Afrique comme ailleurs. En ce sens, la radio est un mdias plus direct et plus efficace, mme si les

    incomprhensions ne sont pas exclues 42

    .

    Ceci dmontre encore une fois quen milieu rural o la radio est le principal moyen

    dinformation, la diffusion culturelle est moins importante quen ville. Dans le champ social

    cela peut tre un frein pour les campagnes de sensibilisation denvergure sur des risques

    (maladies), le devoir civique (le vote), la gestion environnementale (lutte contre les incendies

    etc.). Lillettrisme ne permet pas de stocker de faon efficace et prenne des donnes. Ce qui

    peut tre un obstacle pour la conservation de la mmoire locale et de la transmission fiable

    des savoirs et des savoirs faire locaux. La situation de lanalphabtisme rend peu performante

    les actions de promotion mdiatique et plus particulirement par la presse crite dont le taux

    de pntration est trs faible en milieu rural. La direction de la prvision des statistiques

    nationales, dans son rapport de 2004, note quen dpit des efforts importants raliss dans le

    cadre des campagnes dalphabtisation, seuls 37,8% des adultes (gs de 15 ans et plus) ont la

    capacit de lire et crire dans une langue quelconque. Mme si une attention particulire est

    accorde aux zones rurales o sont implantes 95% des coles communautaires de base, la

    41 La libert dopinion est souvent assimile la libert dexpression, de presse, civile et parfois mme

    dmocratique. Il est vrai que ces notions entretiennent des rapports trs troits. Chaque indice tant un facteur

    dindicateur pour lautre. Quoiquil en soit, ces diffrents types de libert restent des paramtres essentiels la

    libert dmocratique. La libert de presse est par contre plus proche de la libert dopinion, son indice est de 19

    au Sngal (anne 2009) sur une chelle de 100, ce qui reste apprciable dans la norme africaine. 42

    Annie LENOBLE-BART et Andr-Jean TUDESQ, Connatre les mdias dAfrique subsaharienne, Karthala,

    Paris, 2008, p. 103.

  • 34

    population rurale sngalaise reste largement analphabte. Le tableau suivant nous fait un tat

    de la situation.

    Tableau 2 : variations diffrentielles en pourcentage du taux

    dalphabtisation de la population ge de 15 ans et plus par milieu

    de rsidence selon le sexe.

    Direction de la prvision des statistiques, 2004, 2me

    enqute sngalaise auprs des mnages, p. 60.

    Ce tableau montre que lurbanisation confre aux populations un avantage en matire daccs

    la connaissance comparativement celle rsidant en milieu rural. Annie LENOBLE-BART

    et Andr-Jean TUDESQ dmontrent cette vidence :

    parmi les radios prives, celles lies des journaux (par exemple au Sngal) permettent dapprcier la diversit des opinions, surtout lorsquelles diffusent des dbats, il sagit surtout

    dune audience urbaine 43

    .

    Le milieu urbain bnficie ainsi de la diversit mdiatique et de choix dmissions. La quasi

    totalit des radios prives sont installes dans les capitales, Dakar en particulier. Ce qui donne

    aux urbains plus daccs linformation et la culture.

    Les donnes de ce tableau 2 permettent de corroborer cette ralit pour le tourisme. La

    maturit touristique est aussi lie au degr daccessibilit la connaissance dont les mdias

    sont porteurs. La dernire partie de ce travail nous permettra daffiner la question. Cependant,

    on peut retenir que les acquis politiques des radios rsultent la fois de lcho de la diversit

    dopinion, de courants politiques, de penses sociales, scientifiques et conomiques qui

    permettent au plus grand public dlargir ses choix. Dans cette mme dynamique, les radios

    prives communautaires et associatives tentent de combler les dficits informationnels creuss

    43 Annie LENOBLE- BART et Andr-Jean TUDESQ, Connatre les mdias dAfrique subsaharienne, op. cit.,

    p. 110.

    Milieu de rsidence Ensemble Hommes Femmes

    Ensemble 37,8 49,1 28,2

    Milieu urbain 55,5 66,4 46,1

    Dakar 58,3 67,6 49,5

    Autres villes 51,9 64,6 42,1

    Milieu rural 23,3 34,8 13,7

    Effectifs 2107219 1261940 845279

  • 35

    par les organes publics. Ces dernires devaient sensiblement changer leurs pratiques en se

    conformant lesprit de la loi 92-57 du 3 septembre 1992 relative au pluralisme la radio

    tlvision. Selon Moussa SAMB ET Cldor DIOUF,

    obligation est dsormais faite au service public dinviter les partis politiques participer des missions dont la programmation revenait la RTS. La ncessit de respecter le

    pluralisme a t, par la suite, reprise en cho dans le cahier des charges gnral applicable

    aux titulaires dune autorisation de diffusion de programme radios (1993) qui oblige toute

    mission diffuse respecter le caractre pluraliste de lexpression des courants de pense et

    dopinion, en particulier en appliquant, aux interventions professionnelles et politiques sur les

    sujets de portes nationales, la loi des trois tiers : 1/3 au gouvernement, un 1/3 la majorit

    parlementaire et 1/3 lopposition 44

    .

    Cest ainsi que les radios pouvaient offrir un vritable contre pouvoir aux partis politiques de

    lopposition, du point de vue de la communication et de lexercice du jeu dmocratique aussi.

    Du point de vue socital, il sagit de lopportunit dune vritable tribune dopinion qui

    soffre aux citoyens pour changer et contribuer leffort dun dveloppement conomique

    durable, responsable ou quitable, qui sexerce par le partage dexpriences diverses et par

    laccs linformation et la connaissance. Par consquent, dans le champ social, les radios

    sont devenues des offices sociaux qui contribuent beaucoup lducation des populations.

    Au-del des informations diffuses dans toutes les langues accessibles un large public, ces

    mdias sont porteurs de vrits et de contre-vrits qui permettent dapprcier davantage

    laction des politiques, des acteurs sociaux, des oprateurs conomiques et de la justice, tout

    en leur permettant dmettre des critiques, de prendre position sur des sujets qui concernent la

    marche politique, la citoyennet et le dveloppement conomique. Cependant, Moussa SAMB

    et Cldor DIOUF sinterrogent sur les consquences de cette dmocratisation mdiatique et

    pensent que

    ces mutations sans prcdent ne pouvaient manquer de susciter des interrogations plurielles et apprciations contrastes, lesquelles nont pas seulement interpell le juriste. En effet, avec

    louverture de laudiovisuel la concurrence, ce sont les moyens de communication de masse

    les plus influents qui voluent. Et la communication de masse est dfinie comme le champ

    dintenses dactivits thoriques et intellectuelles, dpositaire dun riche hritage bti la

    confluence de la philosophie et de la rhtorique, de lconomie politique, de la psychologie,

    des sciences politiques, de la sociologie, des thories organisationnelles et des avances

    scientifiques et technologiques 45

    .

    44 Moussa SAMB et Cldor DIOUF, La libralisation de lespace audiovisuel sngalais : enjeux et

    perspectives, Universit Cheikh Anta DIOP/Konrad ADENAUER, Dakar, mars 1999, p. 14. 45

    Moussa SAMB et Cldor DIOUF,ibidem.

  • 36

    Du point de vue sociopolitique, sagissant des rouages de lEtat et en particulier des mdias

    dEtat placs sous monopole, depuis plus dun quart de sicle, les auteurs se sont interrogs

    sur la volont des pouvoirs publics et leur capacit dadaptation aux nouvelles rgles de jeu de

    lactivit audiovisuelle. Du point de vue criminologique leurs questions portent sur les

    rapports pouvant exister entre une ouverture audiovisuelle non matrise et le dveloppement

    de la criminalit. Enfin, du point de vue juridique, le dbat rformateur porte sur les moyens

    de donner satisfaction des intrts difficilement conciliables :

    Celui de lintrt de loprateur priv de bnficier dune concession exclusive de frquence radio ou tlvision, donc dun bien collectif, et de lexploiter dans un but lucratif.

    Lintrt particulier des citoyens, qui rside dans la ralisation dune demande de plus en plus

    accrue de transparence, dinformation, et de libert dexpression dans les domaines politique,

    conomique social et culturel.

    Lintrt gnral de la cit qui, en tant que garante de ce qui prcde, doit tre pourvue des

    moyens de garantir efficacement le bon fonctionnement du systme 46

    .

    Dans le domaine conomique, certains mdias deviennent des entreprises commerciales qui

    gnrent beaucoup demplois et dintrts financiers. Les perspectives sont bonnes car ils

    innovent dans plusieurs domaines : commerciaux, culturels, technologiques, etc., et

    participent leffort de dveloppement national par la cration de nouvelles richesses. Entres

    dans la sphre industrielle, les entreprises mdiatiques sont soumises aux mmes lois du

    march, celles de la comptitivit et de la rentabilit. Cest ainsi que du point de vue de

    lconomie de march et du marketing, elles offrent aux entrepreneurs locaux de divers

    secteurs, et du tourisme en particulier, des espaces publicitaires plus divers, leur permettant

    ainsi de toucher une plus grande part du march des consommateurs. Par le biais de

    magazines de dcouverte, ils contribuent la visibilit de loffre touristique sngalaise et la

    promotion de la destination nationale.

    Par ailleurs, les acquis mdiatiques que nous venons dnumrer ne se sont pas faits sans

    heurts. Il a fallu beaucoup de temps lEtat et de la patience aux acteurs socioconomiques et

    lopinion pour y arriver. Il a fallu par exemple, passer par les tapes dun monopole dEtat

    46 Moussa SAMB et Cldor DIOUF, La libralisation de lespace audiovisuel sngalais : enjeux et

    perspectives, op. cit. p. 9-11.

  • 37

    une dmocratisation en passant par un simulacre de libralisation, dissipant les craintes du

    pouvoir politique qui accepte enfin linluctable rvolution mdiatique.

    Longtemps sous monopole dEtat, la tlvision nationale connat une timide ouverture partir

    des annes 1990 o, des entreprises prives se voient accorder les premires licences

    dexploitation despaces de diffusion crypts, en loccurrence Canal+Horizon et plus tard

    lespace Excaf, une entreprise multimdia. Les seuls efforts constats au niveau du domaine

    public pendant cette mainmise de lEtat sur laudiovisuel, refltaient une pitre diversit

    culturelle. Certaines rgions limitrophes du pays avaient ressenti cela comme une forme

    dexclusion culturelle. Des rgions comme la basse Casamance, Kdougou ou le Fouta au

    nord semblaient prfrer les programmes des chanes trangres plus accessibles. Le

    Professeur Andr-Jean TUDESQ voque cette question mdiatique, rappelant que

    dans plusieurs rgions priphriques, lcoute des radios africaines voisines tait meilleure : ainsi les Toucouleurs de la rgion du Fleuve faisaient-ils passer leurs avis et

    communiqus par la radio mauritanienne 47

    .

    On constatera cette mme propension culturelle surtout (via les mdias) vis--vis de la Guine

    Bissau et de la Guine Conakry dans la partie sud du Sngal et dans le nord, vis--vis de la

    Mauritanie, ou parfois mme, vis--vis de la Gambie pour quelques zones du centre-sud-

    ouest. Nanmoins pour le Sngal, une tape dcisive - celle que nous appelons le simulacre

    de libralisation de lespace audiovisuel - va prcipiter la marche rvolutionnaire des

    mdias. Lavnement des bouquets satellitaires semble avoir beaucoup influenc le choix

    douverture de lespace tlvisuel sngalais. Les classes aises et mme moyennes prfrant

    sabonner aux chanes cryptes, non pas que pour sinformer mais pour bnficier dune

    diversit de choix culturels internationaux, de divertissements pour la plupart et de primaut

    linformation.

    En consquence, le constat fait par les autorits publiques de cet engouement mdiatique et

    surtout leur prise de conscience des risques lis aux multiples revendications sociales et

    politiques qui laccompagnent dcideront enfin les pouvoirs publics cder du lest. Mais ce

    sera dune faon trs timide au dpart. La premi