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Communauté française de Belgique Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux EVALUATION DE L’IMPACT DU COTON SUR LE DEVELOPPEMENT RURAL Cas de la région de Korhogo au Nord de la Côte d’Ivoire Membres du jury, messieurs : Prof. LEBAILLY Ph., Promoteur Prof. MICHEL B. Prof. BURNY Ph. Prof. BAUDOIN J. P. Prof. MERGEAI G. (Rapporteur) Prof. WAUTELET J. M. (Rapporteur) Prof. TANOH K. M. DEA G. B. (CNRA) Année 2005 SERY Zagbaï Hubert Dissertation originale présentée en vue de l’obtention du grade de Docteur en Sciences agronomiques et Ingénierie biologique

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Communauté française de Belgique

Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux

EVALUATION DE L’IMPACT DU COTON SUR LE

DEVELOPPEMENT RURAL

Cas de la région de Korhogo au Nord de la Côte d’Ivoire

Membres du jury, messieurs :

Prof. LEBAILLY Ph., Promoteur

Prof. MICHEL B.

Prof. BURNY Ph.

Prof. BAUDOIN J. P.

Prof. MERGEAI G. (Rapporteur)

Prof. WAUTELET J. M. (Rapporteur)

Prof. TANOH K.

M. DEA G. B. (CNRA)

Année 2005

SERY Zagbaï Hubert

Dissertation originale présentée en vue de l’obtention du grade de

Docteur en Sciences agronomiques et Ingénierie biologique

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A tous les miens

Si tu vas au champ pour dormir à l’ombre,

la houe ne va pas te réveiller.

Le travail t’attend là où tu l’as laissé

et si tu recules, il te repousse.

Paroles de Père Zagbaï

Si, comme le rapporte Christiane Peyron-Bonjan, "seul l'insuffisant est

productif (...) la complexité est un progrès de connaissance qui apporte

de l'inconnu et du mystère. Le mystère n'est pas que privatif ; il nous

libère de toute rationalisation délirante qui prétend réduire le réel à de

l'idée et il nous apporte, sous forme de poésie, le message de

l'inconcevable" . Affronter le paradoxe d'une connaissance qui n'est son

propre objet dans la connaissance de la connaissance entendue comme

méta-connaissance transdiciplinaire du Politique, que parce qu'elle

émane d'un sujet, c'est aussi mettre à jour les limites assumées de cet

article qui, entre bricolage anarchiste de théories incommensurables et

architectonique d'un paradigme nécessairement non achevé, vise à

computer les savoirs par l'enchevêtrement hologrammatique des

connaissances dispersées, sorte d'archipel des savoirs (Mabilon-Bonfils

et Saadoun, 2000).

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SERY Zagbaï Hubert 2005. Evaluation de l’impact du coton sur le

développement rural. Cas de la région de Korhogo au Nord de la Côte

d’Ivoire. (Thèse de doctorat) Gembloux, Faculté universitaire des

Sciences agronomiques,

243 p., 31 tabl., 46 fig.

Résumé

L’étude tente d’évaluer l’impact du coton sur le développement rural dans

le Nord de la Côte d’Ivoire à partir du cas de la région de Korhogo. En

marge du cotonnier local pluriannuel qui existait dans les systèmes de

production, le cotonnier à cycle annuel a été introduit en Afrique de

l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de

quelques entreprises françaises qui voulaient échapper au monopole des

Etats-Unis sur le marché mondial de la fibre. Cette culture du coton a fait

l’objet de plusieurs formes de soutien à différents niveaux : recherches

agronomiques et technologiques, conseils agricoles et vulgarisation des

techniques culturales, formation et organisation des producteurs,

subventions aux intrants (les semences sont encore subventionnées

jusqu’à nos jours), prix garanti à la production, commercialisation

assurée, etc. Aussi, de culture forcée avant l’indépendance, le coton est-il

de plus en plus massivement adopté librement, à cause de ses nombreux

atouts. On peut retenir que le coton a profondément amélioré les pratiques

agricoles, modifié le paysage agraire dans son ensemble, transformé les

mentalités et le mode de vie d’un nouveau type d’agriculteur qui se veut

désormais à la fois producteur et industriel. En un mot, le coton joue un

rôle positif indéniable sur le développement de la région d’étude.

Le premier chapitre présente le contexte de l’étude et la méthodologie

suivie dans le choix et la réalisation des observations de terrain, fait

l’historique et analyse le fonctionnement de la filière coton en Côte

d’Ivoire. Dans le second chapitre, après une brève présentation des

situations antérieures, on évalue la dynamique des systèmes agraires

cotonniers depuis 1960 en considérant principalement les changements

induits par les diverses modalités d’adoption de la culture du cotonnier

sur les systèmes de production pratiqués. On analyse les modifications

survenues en matière d’occupation des terres, d’acquisition et d’utilisation

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d’équipements et d’intrants agricoles, de trajectoires d’évolution des

systèmes de production. On insiste sur les changements notables dans

l’affectation du facteur travail qui limite souvent la formation des revenus

agricoles. Tout cela aboutit à la différenciation du niveau de richesse des

exploitations en fonction du type de système de production pratiqué. Le

troisième chapitre de la dissertation est consacré à l’évaluation des

conséquences technico-économiques de la culture du cotonnier. On

montre qu’elle a contribué à améliorer les techniques de production, la

rentabilité financière des exploitations, l’accroissement des échanges

marchands, la réduction du niveau de pauvreté en milieu rural, les

conditions de vie et le niveau d’éducation des populations. On termine par

des conclusions générales, des perspectives et des recommandations.

L’accent est mis sur la nécessité de repenser la recherche agronomique et

la vulgarisation dans le sens de la durabilité des systèmes à base de coton

et, de trouver des solutions institutionnelles pour une répartition de la

valeur ajoutée de façon équitable aux différents acteurs de la filière

cotonnière en Côte d’Ivoire.

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SERY Zagbaï Hubert 2005. Impact appraisal of cotton cultivation on

rural development. Case of the Korhogo region, North of Côte d’Ivoire.

(Thèse de doctorat in french) Gembloux, Belgium, Faculté universitaire

des Sciences agronomiques,

243 p., 31 tabl., 46 fig.

Summary

The study tries to evaluate the impact of cotton on rural development in

the Northern part of the Côte d’Ivoire through the case study of the

Korhogo area. Besides the multiannual local cotton varieties which have

been existing in the production systems, a cotton plant with annual cycle

was introduced in West Africa and more particularly in Côte d’Ivoire as a

request from some French companies which wanted to escape from the

monopoly of the United States on the world fibre market. This type of

cotton crop was the object of several supporting measures at various

levels: agronomic and technological researches, agricultural advices and

popularization of the farming techniques, training and organization of the

producers, subsidies for the inputs (seeds are still subsidized nowadays),

production price guaranteed, ensured marketing, etc. Therefore, from an

imposed crop, cotton has became more and more massively freely

adopted, because of its many assets. It can be retained that the cotton has

deeply improved the agricultural practices, modified the agrarian

landscape in general, transformed the mentality and the way of living of a

new type of farmer who became both producer and industrial. In brief,

cotton plays an unmistakable positive role on the development of the

studied area.

The first chapter presents the context of the study and the methodology

which has been followed for the choice and the realization of the field

observations. It gives the history and analyzes the organization of the

cotton supply and marketing chain in Côte d'Ivoire. In the second chapter,

after a short presentation of the previous situations, the dynamics related

to the cotton agrarian systems since 1960 are estimated by considering

mainly the changes led by the various adoption modalities of the cotton

crop on the practised production systems. The modifications arisen in

land use, acquisition and use of equipments and agricultural inputs as well

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as the evolution trajectories of the farmers are analysed. We insist on the

notable changes in the work factor distribution which often limits the

formation of agricultural incomes. All this leads to the farmers wealth

level differentiation according to the type of practised production

systems. The third chapter is devoted to the evaluation of the technical

and social consequences of the cotton crop. It is shown that it has

contributed to the improvement of production techniques, to the farmers

financial profitability, to the increase of commercial exchanges, to the

reduction of the poverty level in rural areas, to the improvement of the

living conditions as well as to the educational level of the populations.

We end by general conclusions, perspectives and recommendations. It is

highlighted that there is a necessity to rethink agronomic research and

popularization toward sustainability of the cotton-based systems. It is also

important to find institutional solutions for a fairest distribution of the

added value to the various actors dealing with the cotton supply and

marketing chain in Côte d'Ivoire.

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Remerciements

Au terme de ce travail de recherche, je tiens à exprimer ma profonde

gratitude à Monsieur le Professeur Philippe LEBAILLY pour son flair

infaillible, son humanisme et sa rigueur scientifique qu’il a essayé de me

communiquer le long de ce cheminement. C’est parce qu’il m’a fait

confiance depuis le début, m’a soutenu et encouragé en acceptant d’être le

promoteur de cette dissertation que je suis arrivé au bout. J’ai eu la chance

de bénéficier de l’encadrement d’une équipe dont je garde à jamais les

meilleurs souvenirs tels que la robustesse de Monsieur Baudouin

MICHEL, la finesse du Professeur Philippe BURNY et le pragmatisme

avéré de Monsieur Fabio BERTI. En gros, ces orfèvres de la recherche en

économie (rurale) m’ont été d’un apport inestimable qui requiert mon

humilité et ma reconnaissance à tout moment.

Je remercie également Monsieur le Recteur et Président du jury,

THEWIS A., ainsi que Messieurs BAUDOIN J.-P., MERGEAI G.,

WAUTELET J.-M. pour leur précieux temps et l’attention qu’ils ont

accordés au suivi et à l’amélioration de ce travail.

Mes remerciements vont aussi à l’endroit de Monsieur le Directeur

Général du CNRA à Abidjan pour sa souplesse et à travers lui, tout son

personnel et en particulier, celui de la Direction Régionale de Korhogo,

Je ne saurais oublier de remercier messieurs ADJA Diby pour son soutien

administratif, TANO K. et NDAW P. S. pour avoir guidé mes premiers

pas dans la pratique de la recherche sur le terrain et, BOUABRE Marcel,

l’instituteur qui a le plus marqué mon enfance.

Je remercie très sincèrement Madame STOFFELEN Nadine et l’ensemble

du personnel de l’Unité d’Economie et Développement Rural pour son

soutien permanent. Je remercie aussi les fils ZAGBAI Husez, Astaire,

Ersim et Madame AHUA Nathalie pour leurs bénédictions, ainsi que tous

ceux qui, de près ou de loin, ont contribué d’une façon ou d’une autre à

l’aboutissement de ce travail.

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Table des matières

Introduction générale 1

1. Position du problème 1

2. L’objectif de l’étude 6

2.1. L’objectif global 6

2.2. Les objectifs spécifiques 6

3. Les hypothèses de recherche 7

3.1. Du progrès technique 7

3.2. Des temps de travaux 7

3.3. Du revenu du coton 7

3.4. Du développement rural 8

4. Définitions 8

4.1. De l’évaluation d’impact 8

4.2. Du cotonnier 8

4.3. De la notion de développement 9

4.4. De l’exploitation agricole 12

5. La revue de la littérature 13

6. Plan du travail 16

Chapitre 1 – Cadre général de l’étude 17

1. Méthodologie 17

1.1. La démarche globale 17

1.2. Les niveaux d’observation 18

1.3. Le choix de la région d’étude 20

1.4. Le choix des villages 23

1.5. Le choix des exploitants 23

1.6. Le choix des variables 24

1.7 La collecte et le traitement des données 25

2. Présentation du milieu naturel 28

2.1. La situation géographique 28

2.2. L’hydrographie 28

2.3. Les contraintes climatiques 28

2.4. Les sols 29

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Table des matières

ii

2.5. Le relief 31

2.6. La végétation 31

2.7. Le milieu humain 32

2.7.1. Les Sénoufo 32

2.7.2. Les Dioula 33

2.7.3. Les Peulh 34

2.7.4. La densité de peuplement 34

2.7.5. La pyramide des âges 35

3. La filière coton 36

3.1. L’importance de la culture du coton dans l’économie 37

3.2. Les raisons socio-économiques de l’introduction du coton 40

3.3. L’évolution de la recherche cotonnière en Côte d’Ivoire 43

3.3.1. Une première période de recherche

par tâtonnements 43

3.3.2. Une seconde période marquée par la sélection

massale 45

3.3.3. Une troisième période marquée par les croisements 46

3.4. L’encadrement de la culture du coton 49

3.4.1. Les grandes lignes du rôle de la CIDT 49

3.4.2. L’approvisionnement en intrants 52

3.4.3. La collecte du coton 52

3.4.4. Le stockage, la commercialisation et l’égrenage 53

3.4.5. Le financement de la filière 54

3.5. Les difficultés de la CIDT 55

3.6. La privatisation de la CIDT 57

3.6.1. Les prémisses de la privatisation 57

3.6.2. Les divergences autour de la question

de la privatisation 58

3.7. Les acteurs de la filière 62

3.8. La place des paysans dans la filière coton 63

3.8.1. Aperçu historique du mouvement coopératif 63

3.8.2. Les groupements à vocation coopérative 65

3.8.3. Les unions de GVC 67

3.8.4. Les égreneurs 69

4. Conclusion partielle 71

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Table des matières

iii

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire 73

1. Pendant la période précoloniale 74

2. Pendant la période coloniale 75

3. Après l’indépendance 78

3.1. L’adoption de la culture du coton au niveau du village 78

3.2. Le rejet de la culture du coton par le village 85

3.3. L’adoption de la culture du coton par les exploitants 87

3.3.1. L’évolution du nombre de planteurs de coton 87

3.3.2. L’adoption de la culture du coton par l’exploitant 92

3.4. La différenciation et le dynamisme des exploitants 97

3.4.1. La typologie des exploitants 97

3.4.2. La trajectoire d’évolution des paysans 101

3.5. La culture du coton modifie l’occupation du sol 110

3.5.1. Le système vivrier traditionnel de base en 1960 110

3.5.2. Le système de culture actuel 113

3.5.3. L’accroissement spectaculaire des superficies

cotonnières 123

3.5.4. La place du coton dans l’assolement 124

3.6. Le coton modifie l’affectation du facteur travail 129

3.6.1. Le calendrier agricole 131

3.6.2. Le temps des travaux agricoles 135

3.6.3. Le travail annuel de l’homme et de la femme 136

3.6.4. Le temps des travaux culturaux 138

4. Conclusion partielle 141

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 145

1. Introduction 145

2. Impact technique de la culture du coton 147

2.1. Le coton ouvre la voie au progrès biologique 147

2.2. Le coton favorise un progrès de savoir-faire 156

2.3. Les limites de la houe Sénoufo 158

2.4. La transition vers l’attelage, un progrès mécanique 159

2.5. Les déterminants de l’évolution de la production 162

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Table des matières

iv

3. La formation du revenu agricole 171

3.1. Le revenu des systèmes de culture sans coton 175

3.2. Le revenu des systèmes de culture manuelle de coton 177

3.3. Le revenu des exploitations mécanisées 178

3.4. Les caractéristiques technico-économiques

des exploitations 180

4. Les exigences de la mécanisation 182

4.1. Le choix de la taille optimale : approche théorique 182

4.2. Le difficile choix de la taille optimale de l’exploitation 186

5. L’impact socioéconomique du coton 190

5.1. Le coton accroît les échanges marchands 191

5.2. La tendance à la perte de revenu des exploitants 194

5.3. Le coton contribue à réduire le niveau de pauvreté 197

5.4. L’amélioration de l’habitat rural 203

5.5. L’utilisation de nouvelles sources d’énergie 204

5.6. L’information et la formation en milieu rural 206

5.7. La culture du coton facilite la mobilité paysanne 207

5.8. La création d’emplois en milieu rural 210

5.9. L’amélioration du niveau d’alphabétisation 213

5.10. L’amélioration du niveau de santé 216

5.11. L’amélioration de la situation de la femme 217

6. Conclusion partielle 219

Chapitre 4 – Conclusions générales et perspectives 223

1. Conclusions générales 223

2. Perspectives 227

3. Recommandations 228

Bibliographie 231

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Liste des tableaux

Tableau 1.1 – Structure de l’échantillon d’enquête selon la zone,

le village et les critères de choix 24

Tableau 1.2 – Tableau de bord pour le choix des variables

suivant les niveaux d’observation 25

Tableau 1.3 – Principales caractéristiques des sols 30

Tableau 1.4 – Répartition de la population de Korhogo par sous-

préfecture en 1998 35

Tableau 1.5 – Spécialités et capacités des entreprises

de transformation dans la filière coton 39

Tableau 1.6 Production et rendement en fibre comparés

des variétés Allen et Har 46

Tableau 1.7 – Comparaison des rendements de Isa 205

avec variétés sans glandes 48

Tableau 2.1 – Matrice des informations des possibilités de choix

de stratégies dans un cas théorique d’une

alternative (A, B) durant 4 périodes 104

Tableau 2.2 – Evolution de la distribution des exploitants suivant

le niveau technique de 1975 à 2002 105

Tableau 2.3 – Evolution de la distribution des 12 exploitants

disposant de culture attelée en 1975 (trajectoire) 109

Tableau 2.4 – Rotations dans le système vivrier de base en 1960 113

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Liste des tableaux

vi

Tableau 2.5 – Distribution relative de la superficie cultivée selon

le système d’exploitation et la zone d’étude (%) 115

Tableau 2.6 – Fréquence de parcelles portant la même culture

depuis la première année de défrichement (% de

parcelles de la culture) 117

Tableau 2.7 – Importance relative des principales cultures en

tête d’assolement (% du nombre de parcelles) 117

Tableau 2.8 – Distances moyennes du village à la parcelle (km) 122

Tableau 2.9 – Importance des superficies totales cultivées

suivant les types d’exploitations 127

Tableau 2.10 – Travail moyen annuel des actifs par exploitation

(en journées de travail par travailleur) 140

Tableau 3.1 – Evolution de la dose moyenne de NPK, d’Urée

et du rendement en coton-graine (kg/ha) 152

Tableau 3.2 – Taux d’adoption de la fertilisation minérale

(toutes cultures confondues) suivant les types

d’exploitations (% ha semés) 155

Tableau 3.3 – Forme conceptuelle du compte de

production/exploitation 172

Tableau 3.4 – Compte de production/exploitation du SCIG

(1 000 FCFA) 176

Tableau 3.5 – Compte de production/exploitation du MALCA

(1 000 FCFA) 179

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Liste des tableaux

vii

Tableau 3.6 – Compte de production/exploitation du CCA

(1 000 FCFA) 179

Tableau 3.7 – Caractéristiques technico-économiques des

différents systèmes de production de la zone

d’étude 181

Tableau 3.8 – Distribution des exploitants du village

de Kouniguékaha selon les classes de revenus

monétaires nets (1 000 FCFA) 200

Tableau 3.9 – Distribution relative des exploitants des différents

villages selon la classe de revenus monétaires

nets 201

Tableau 3.10 – Importance relative des types de maisons suivant

le type d’exploitant 203

Tableau 3.11 – Utilisation des sources d’énergie par les

exploitants suivant leur spécialisation (en %

du nombre d’exploitants) 205

Tableau 3.12 – Importance relative des sources d’information

utilisées suivant le type d’exploitants (%) 207

Tableau 3.13 – Distribution relative des exploitants des différents

systèmes de production suivant le moyen de

déplacement (en % du nombre d’exploitants

dans le système de production) 209

Tableau 3.14 – Distribution de l’effectif des micro-entrepreneurs

suivant leur activité antérieure 213

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Liste des tableaux

viii

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Liste des figures

Figure 1.1 – Evolution de la variation du PIB en Côte d’Ivoire 2

Figure 1.2 – Les niveaux d’observation 19

Figure 1.3 – La zone d’étude et villages d’enquêtes 22

Figure 1.4 – Pyramide des âges 36

Figure 1.5 – Variation interannuelle du prix courant au

producteur de coton 42

Figure 1.6 – Circuit de distribution des herbicides 53

Figure 1.7 – Répartition des zones cotonnières en Côte d’Ivoire 61

Figure 1.8 – Les acteurs de la filière coton et leurs principaux

liens 62

Figure 2.1 – Evolution de la production cotonnière sous

la colonisation (tonnes) 77

Figure 2.2 – Importance des raisons de l’adoption du coton

dans les villages de Niellé 80

Figure 2.3 – Les raisons de l’adoption du coton dans les villages

de la zone dense 81

Figure 2.4 – Raisons de l’acceptation du coton dans les villages

de Dikodougou 82

Figure 2.5 – Age moyen à l’adoption de la culture du coton 88

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Liste des figures

x

Figure 2.6 – Evolution de l’adoption de la culture du coton,

en % du nombre d’exploitants ayant cultivé

le coton de 1971 à 1980 90

Figure 2.7 – Evolution comparée de l’adoption de la culture

du coton des trois zones 90

Figure 2.8 – Principales raisons d’adoption du coton par

l’exploitant de 1974 à 2000 95

Figure 2.9 – Raisons d’adoption du coton par l’exploitant 96

Figure 2.10 – Typologie des exploitants de la zone d’étude 99

Figure 2.11 – Evolution de la mécanisation 102

Figure 2.12a – Trajectoire d’évolution de 2 exploitants

parmi les 12 étudiés 107

Figure 2.12b – Modification de la trajectoire d’évolution

de 3 exploitants dans la troisième période

(1986-1995) 107

Figure 2.12c – Changement de trajectoire d’évolution

de 2 paysans en 1986-1995 108

Figure 2.12d – Trajectoire stable de 4 exploitants depuis 1975 109

Figure 2.13 – Types d’associations de cultures en 1960 111

Figure 2.14 – Distribution de la superficie de coton par

type d’associations 112

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Liste des figures

xi

Figure 2.15 – Types d’associations en 2000 dans différents

types d’exploitations 114

Figure 2.16 – Evolution des superficies de coton en Côte d’Ivoire 123

Figure 2.17 – Distribution relative des superficies, toutes

associations confondues, selon le système

de culture (% ha) 124

Figures 2.18a

à 2.18f – Assolements suivant les types d’exploitants 126

Figure 2.19 – Calendrier de travail des principales cultures

de la région de Korhogo 132

Figure 2.20 – Travail global comparé de la femme et de

l’homme suivant les types d’exploitants 136

Figure 2.21 – Temps de travail à l’hectare suivant les exploitants 139

Figure 2.22 – Travail relatif par culture suivant le système

de culture 141

Figure 3.1 – Illustration de la métafonction de production

de coton 148

Figure 3.2 – Evolution du rendement en coton-graine

en Côte d’Ivoire (kg/ha) 151

Figure 3.3 – Courbes d’évolution des quantités de NPK et

du rendement en coton-graine sur périodes

de 10 ans (kg/ha) 153

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Liste des figures

xii

Figure 3.4 – Modèle du progrès mécanique 160

Figure 3.5a – Mise en évidence des effets du rendement

et de la superficie sur l’accroissement de

la production d’une année à l’autre 165

Figure 3.5b – Evolution de l’importance relative de l’effet-

rendement et de l’effet-superficie sur la

production de coton-graine en Côte d’Ivoire 166

Figure 3.6 – Variation de l’effet-rendement et de l’effet-

superficie suivant la spécialisation technique

de l’exploitant 169

Figure 3.7 – Analyse théorique de la viabilité de l’exploitation

en fonction de la taille 185

Figure 3.8 – Nuage de points de la distribution des exploitants

en culture attelée suivant le revenu monétaire net

et la taille 188

Figure 3.9 – Part des intrants dans le coût total et dans le

chiffre d’affaires suivant les types d’exploitants 191

Figure 3.10 – Evolution de l’indice du prix du coton-graine

en Côte d’Ivoire (1984 = 100) 192

Figure 3.11 – Distribution du revenu monétaire net moyen

dans les différents systèmes de production 198

Figure 3.12 – Distribution des exploitants selon le niveau

de richesse dans les villages étudiés (%) 202

Page 21: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Liste des abréviations, des acronymes et sigles

ACC Association cotonnière coloniale

AEV Animateur Endogène Villageois

ANADER Agence Nationale d’Appui au Développement

Rural

AOF Afrique Occidentale Française

Au Autres cultures

BIT Bureau International du Travail

BNDA Banque Nationale pour le Développement Agricole

BNETD Bureau National d’Etudes Techniques et de

Développement

BP Boîte Postale

BSIE Budget Spécial d’Investissement et d’Equipement

CA Conseil d’Administration

CAACH Exploitant équipé de chaîne de culture attelée et de

charrette

CAISTAB Caisse de Stabilisation

CASA Crédit d’Ajustement du Secteur Agricole

CASCH Exploitant équipé de chaîne de culture attelée sans

charrette

CCA Système coton en culture attelée

CCM Système coton en culture motorisée

CECI Centre Canadien d’Etude et de Coopération

Internationale

CENAPEC Centre National de Promotion des Entreprises

Coopératives

CFA Communautés Françaises d’Afrique

CFDT Compagnie Française de Développement des

Textiles

CI Consommations Intermédiaires

CIDT Compagnie Ivoirienne de Développement des

Textiles

CIRAD Centre de coopération internationale en recherche

agronomique pour le développement

CMACA Exploitant équipé de chaîne motorisée et de chaîne

de culture attelée.

Page 22: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Liste des abréviations, des acronymes et sigles

xiv

CMSCA Exploitant équipé de chaîne motorisée sans culture

attelée

CNCMA Centre National de la Coopération et de la

Mutualité Agricole

Co Coton

CREP Caisse Rurale d’Epargne et de Prêt

CSSPPA Caisse de Stabilisation et de Soutien des Prix des

Produits Agricoles

DCGTx Direction et Contrôle des Grands Travaux

DMC Direction de la Mutualité et de la Coopération

DOPAC Direction des Organisations Professionnelles

Agricoles et de la Coopération

ECOLOG Economie Locale de Korhogo

FAC Fonds d’Aide et de Coopération

FAO Food and Agriculture Organization of The United

Nations ou Organisation des Nations Unies pour

l’alimentaion et l’agriculture.

FIT Front Intertropical

FMI Fonds Monétaire International

FNUAP Fonds des Nations Unies pour la Population

Fr Fruitiers

FRAR Fonds Régionaux d’Aménagement Rural

GVC Groupement à Vocation Coopérative

IC Ivoire Coton

IDESSA Institut Des Savanes

IDH Indice du Développement Humain

Ig Igname

IPS Industrial Promotion Services

IRCT Institut de Recherche du Coton et des Textiles

exotiques

LCCI La Compagnie Cotonnière Ivoirienne

MALCA Système de culture manuelle de coton avec location

de matériel de culture attelée

MEF Ministère de l’Economie et des Finances

Ml Mil et sorgho

Ms Maïs

MSLCA Système de culture manuelle de coton sans location

de matériel de culture attelée

Page 23: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Liste des abréviations, des acronymes et sigles

xv

OCDE Organisation de Coopération et de Développement

Economiques

OCPV Office d’aide à la Commercialisation des Produits

Vivriers

ONG Organisation Non Gouvernementale

ONPR Office Nationale de Promotion Rurale

OPA Organisation Professionnelle Agricole

PAS Programme d’Ajustement Structurel

PED Pays en voie de Développement

PIB Produit Intérieur Brut

PNUD Programme des Nations Unies pour le

Développement

RBE Revenu Brut d’Exploitation

RGPH Recensement Général de la Population et de

l’Habitat

Ri Riz

RMN Revenu Monétaire Net

RNE Revenu Net d’Exploitation

SAPH Société Africaine de Plantation d’Hévéa

SATMACI Société d’Assistance Technique pour la

Modernisation de l’Agriculture en Côte d’Ivoire

SCCE Système sans coton, privilégiant les céréales

SCIG Système sans coton, privilégiant l’igname

SEDES Société d’Etudes et de Développement Economique

et Social

SIDA Syndrome Immunodéficitaire Acquis

SIP Sociétés Indigènes de Prévoyance

SMDR Sociétés Mutuelles de Développement Rural

SMPR Sociétés Mutuelles de Promotion Rurale

SODEPALM Société pour le Développement du Palmier à huile

et du cocotier

SODERIZ Société pour le Développement de la Riziculture

SOGB Société des plantations de Grand Béréby

TSAF Technicien Supérieur en Alphabétisation

Fonctionnelle

UCEA-CI Union des Coopératives des Exploitants Agricoles

de Côte d’Ivoire

UCEF Union Cotonnière de l’Empire Français

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Liste des abréviations, des acronymes et sigles

xvi

UCOOPAG-CI Union des Coopératives Agricoles de Côte d’Ivoire

UEMOA Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

UGVC Union des Groupements à Vocation Coopérative

UNICEF United Nations International Children’s Emergency

Fund (Fonds d’urgence des Nations Unies pour

l’enfance).

URECOS-CI Union Régionale des Entreprises Coopératives de la

Zone de Savanes de Côte d’Ivoire

USA United States of America

VA Valeur Ajoutée

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INTRODUCTION GENERALE

1 Position du problème

En 2002, la Côte d’Ivoire a été classée 156ème

pays parmi 1731, suivant

l’indicateur du développement humain2 (IDH) avec une espérance de vie

de près de 48 ans (elle était de 40 ans en 1960), un taux d’alphabétisation

des adultes (plus de 15 ans) d’environ 47 %, un revenu national brut par

habitant de 630 dollars (Banque mondiale, 2003 ; UNICEF, 2002 ;

PNUD, 2002 ; FNUAP, 2001). En 2003, elle a été classée 161ème

parmi

175 pays (PNUD, 2004). Depuis son indépendance en 1960, l’histoire

économique de ce pays peut être subdivisée en deux grandes périodes si

l’on s’inspire de la théorie pourtant discutable de Rostow (1970) : une

période de relative croissance économique de 1960 à 1980 et une autre

marquée par des incertitudes de 1980 à 2004. Le taux de croissance

annuelle du produit intérieur brut (PIB) de 1970 à 2004 illustré par la

figure 1.1 rend compte d’une évolution imprévisible avec parfois des

valeurs négatives depuis 1980.

La décennie de démarrage (1960 à 1970) a été qualifiée de « miracle

ivoirien» avec un taux de croissance annuelle du PIB d’environ 7 à 8 %

(Banque Mondiale, 1994). C’est le résultat d’une politique de libéralisme

basée sur le principe de l’ouverture sur l’extérieur et de la propriété

privée. Durant la période 1960-1980, l’interventionnisme étatique s’est

exprimé dans le cadre d’une planification indicative qui a permis de

définir un ensemble d’objectifs et de moyens qui ont contribué à

enclencher ce démarrage. A la fin des années 1980, la Côte d’Ivoire était

classée au premier rang des pays non producteurs de pétrole et en voie

d’émergence (UNICEF, 1996).

On voit bien sur la figure 1.1 que l’évolution de l’économie ivoirienne est

préoccupante. En effet, après deux décennies de croissance forte, le pays

est, depuis 1980, entré dans une crise qui se caractérise par le

1 Le pays a été classé 144ème en 2001 et 154ème en 2000 parmi 173 pays, suivant l’IDH du PNUD. 2 L’indicateur de développement humain mesure le niveau atteint en terme d’espérance de vie,

d’instruction et de revenu réel corrigé.

Page 26: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Introduction générale

2

ralentissement de la croissance économique et l’apparition d’importants

déséquilibres macroéconomiques. Différents programmes d’ajustement

structurel (PAS) ont été mis en œuvre en vue de résorber ces

déséquilibres, sans grand succès.

-6

-4

-2

0

2

4

6

8

10

12

14

70

72

74

76

78

80

82

84

86

88

90

92

94

96

98 0 2 4

Années

Cro

issa

nc

e d

u P

IB (

%)

Sources : Calcul de l'auteur à partir des données de Ministère du Plan (1997),

FAO (2002) et UEMOA (2004)

Figure 1.1 : Evolution de la variation du PIB en Côte d’Ivoire

La dévaluation de 50% du franc CFA par rapport au franc français

intervenue le 12 janvier 1994 a été pour le pays, une solution salutaire.

Elle a permis de corriger les déséquilibres macroéconomiques et de

relancer l’économie. L’impact de cette dévaluation ainsi que de son

programme d’accompagnement a été immédiat : le PIB qui était en baisse

de 1990 à 1993 s’est accru de 2% en 1994. L’accroissement s’est

amélioré de 1995 à 1997 avec des valeurs respectives de 7,1%, 6,9% et

6,6% suite à une évolution favorable des cours des matières premières et à

l’accroissement des investissements de près de 20% par an (Ministère du

Plan, 2000). En 1998, cet accroissement du PIB chute à 5,6% suite à la

baisse des cours mondiaux des produits d’exportation.

Page 27: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Introduction générale

3

L’effet positif de la dévaluation n’a été que de courte durée. En effet, en

1999, suite à la baisse des productions agricoles (-18,8% pour de cacao et

-48,3% pour le café), à la persistance de la chute des cours, au

ralentissement de l’investissement public (-30,3%) et à la hausse des

cours du pétrole et du dollar américain, la hausse du PIB chute à 1,5%. En

plus de cela, la situation de guerre que traverse le pays depuis septembre

2002 est telle que les perspectives économiques sont devenues

difficilement prévisibles. Cependant, le taux de croissance économique

attendu en 2004 selon l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine

est d’environ 2,4% (UEMOA, 2004).

Depuis la dévaluation, il apparaît, au niveau sectoriel de l’économie, une

hausse des productions agricoles, une progression remarquable des mines

et du pétrole et une bonne performance du commerce et des transports. La

répartition du PIB nominal par branche d’activité indique une

prépondérance du secteur tertiaire (43,7%) en 1996 ; au cours de cette

année, le secteur primaire et secondaire représentait respectivement 32%

et 24,3% du PIB.

En termes réels, le secteur primaire a enregistré une forte croissance

puisqu’elle est passée de - 0,3% en 1993 à 0,5% en 1994 et ensuite à 10%

et à 13,7% respectivement en 1995 et 1996. Dans le secteur secondaire,

grâce notamment aux branches de l’énergie et des bâtiments et travaux

publics, le taux de croissance réel est passé de 8,8% en 1994 à 9,4% en

1996. La croissance réelle du secteur industriel qui s’élevait à 1,6% en

1993, s’est accélérée après la dévaluation puisqu’elle est passée de 2,4%

en 1994 respectivement à 10,4% et 12,2% en 1995 et 1996.

En 2000, suite à la réduction des investissements (pendant la transition

militaire) et la dégradation de la situation financière des entreprises

causée par la baisse de la demande et l’accumulation des arriérés de

l’Etat, le secteur secondaire enregistre une baisse importante de – 11,4%

contre 1,3% en 1999.

En ce qui concerne le secteur tertiaire, dominé par les transports et le

commerce, sa contribution à la croissance du PIB, négative en 1993, est

positive au cours de la période post-dévaluation : 85% en 1994, 50% en

1996 et 1997 (Kouadio, 2000). En 2000, le secteur tertiaire connaît un

recul de 7,8% qui touche toutes les branches : -3,8% pour les Transports ;

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Introduction générale

4

-8,1% pour le Commerce et -7,7% pour les Services. La contribution de

l’agriculture, qui a été d’environ 45 % de 1966 à 1990 (Kouadio, 1993), a

baissé dans l’économie en passant à près de 24 % en 2001 (PNUD, 2003).

Cependant, en 2001, l’agriculture reste un secteur clé de l’économie

ivoirienne, occupant 60% de la population et représentant 34% du PIB et

2/3 des ressources d’exportation. Les produits traditionnels d’exportation,

le café et le cacao, occupent toujours la première place des cultures de

rente en Côte d’Ivoire placée au 1er

rang mondial pour le cacao et au 4e

rang pour le café. En dehors de ces principaux produits, les cultures de

palmier à huile, cocotier, hévéa, banane, ananas, coton et anacarde

occupent une place non négligeable dans l’agriculture ivoirienne et leurs

produits sont, dans leur grande majorité, destinés à l’exportation.

L’agriculture vivrière permet d’atteindre l’autosuffisance dans les

domaines de l’igname, du manioc, de la banane plantain, et des cultures

fruitières de manière générale, ce qui n’est toujours pas le cas pour une

denrée pourtant largement consommée par les Ivoiriens, qu’est le riz. En

effet, la Côte d’Ivoire importe encore du riz dans des proportions

importantes (300 000 à 400 000 tonnes par an) ou le poisson, la viande et

les produits laitiers.

Malgré son caractère qualifié de minier et de rentier par certains

observateurs tels que Dubresson et Raison (1998), bien qu’elle soit encore

sensiblement vulnérable par sa relative dépendance du marché mondial,

l’agriculture joue encore un rôle déterminant dans le développement et

dans les équilibres socioéconomiques du pays. Elle produit des biens de

consommation humaine et animale, fournit des consommations

intermédiaires pour les secteurs secondaires et tertiaires, génère deux

emplois sur trois (Badiane et Delgado, 1995, UNICEF, 1996 ; MEF,

1997 ; PNUD, 2002, Banque mondiale, 2003). C’est dans le secteur

agricole que la bataille pour le développement économique à long terme

sera gagnée ou perdue (Malassis, 1998).

C’est probablement dans ce sens que le gouvernement ivoirien a toujours

fait de l’agriculture, le pilier du développement économique et social. En

effet, les premiers programmes de développement faisaient la promotion

des cultures d’exportation : café, cacao, palmier à huile, hévéa, etc.

Depuis les années 1950, la compagnie française de développement des

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Introduction générale

5

textiles (CFDT) était déjà présente en vue de promouvoir la culture du

coton. C’est le plan quinquennal 1976-1980 qui donne la priorité à la

promotion de la culture du coton, notamment dans les régions de savanes

du Nord. Ce choix permettait de renforcer la recherche agronomique sur

le coton et de vulgariser les techniques culturales. Trois principaux

objectifs étaient assignés au programme de promotion de la culture du

coton :

faire une vulgarisation de masse de la culture du coton,

accroître la productivité des systèmes de production agricole en

zones de savanes par l’intermédiaire de la culture du coton,

accroître le revenu des agriculteurs qui adoptent le coton, de sorte à

améliorer leur bien-être.

La question des disparités régionales a été relevée par plusieurs

observateurs dont la SEDES (1965), Sinaly (1978), Aubertin (1982), Le

Roy (1984). La tendance générale qui se dégage de leurs études est que la

région du Nord avait accusé un retard dans son développement

économique par rapport à la région forestière du Sud. Ces études restent

discutables. Parce que d’abord, elles simplifient le débat à l’extrême en

subdivisant grossièrement le pays en deux grandes parties : le Nord est

opposé au Sud ou, la zone de forêt est opposée à la zone de savane.

Ensuite, sans hésiter de comparer le Nord à l’ensemble du pays, ces

études prennent comme critère discriminant, le revenu moyen. Par

exemple, ces études relevaient que, au début des années 1970, le PIB

régional par tête est d’environ 25 000 francs au Nord contre 75 000 francs

pour l’ensemble du pays ; le revenu monétaire d’un agriculteur local est

dix fois inférieur à ceux du Sud-Est. Enfin, les disparités intra-régionales

sont rarement perçues. On peut reprocher à ces études le fait de comparer

simplement les richesses des régions sans tenir compte des régions

d’origine des détenteurs de ces richesses. En effet, les auteurs auraient

probablement nuancé leurs conclusions en s’apercevant que parfois, les

ressortissants du Nord sont parmi les plus riches dans les régions du Sud

et les forêts de l’Ouest.

Par ailleurs, en mettant en évidence le rôle des cultures d’exportation dans

la prospérité du Sud ou de la zone forestière, ces études ont encouragé

d’une certaine manière l’expansion des cultures d’exportation vers le

Page 30: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Introduction générale

6

Nord par l’intermédiaire du programme de promotion de la culture du

coton.

C’est pourquoi, il est intéressant de procéder à une analyse des trois

principaux objectifs du programme de promotion de la culture du coton

en se posant les questions suivantes :

le programme coton a-t-il entraîné une adhésion massive des

paysans ?

le programme coton a-t-il réussi à améliorer les techniques

culturales des paysans ?

a-t-il accru les revenus des agriculteurs par rapport au système

traditionnel de cultures vivrières sans coton ?

Telles sont les questions auxquelles la présente étude essaye d’apporter

quelques éléments de réponses.

2 L’objectif de l’étude

2.1 L’objectif global

L’objectif général de l’étude consiste à contribuer à une meilleure

connaissance des acquis des programmes de développement en vue de la

définition de nouvelles orientations de la politique agricole.

2.2 L’objectif spécifique

L’objectif spécifique consiste à évaluer les impacts techniques et socio-

économiques de l’introduction de la culture du coton dans les systèmes de

production agricole de la région de Korhogo au Nord de la Côte d’Ivoire.

Cela amène à apporter des éléments de réponse aux questions suivantes :

quelles sont les stratégies de décision des agriculteurs dans la

dynamique de fonctionnement des systèmes de production agricole

les amenant à adopter ou à rejeter la culture du coton ?

quel est l’impact de l’introduction du cotonnier sur le progrès

technique dans les systèmes de production agricole ? En d’autres

Page 31: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Introduction générale

7

termes, quels sont les types de progrès générés par la culture du

coton au sein des systèmes de production traditionnels ?

quel est l’impact du coton du point de vue économique ? En

d’autres termes, quel est le surplus de productivité imputable au

coton et comment est-il distribué entre le producteur, les

intermédiaires et les consommateurs ?

quels sont les effets induits de la culture du coton au niveau de la

région d’étude sur le bien-être social ?

Enfin, on donne quelques éléments de perspectives d’avenir des différents

types d’exploitants agricoles en vue de formuler des propositions visant à

fournir quelques éléments de base de décision au vulgarisateur, au

chercheur et au gouvernement.

3 Les hypothèses de recherche

Les hypothèses sont relatives au progrès technique, aux temps de travaux,

au revenu généré par l’exploitation et, de façon plus globale, au

développement rural dans les zones de savane.

3.1 Du progrès technique

La mécanisation du travail agricole s’accompagne d’un progrès technique

à la fois de type biologique et mécanique.

3.2 Des temps de travaux

Bien que la motorisation entraîne une réduction du temps de travail par

hectare, elle accroît l’effort de mobilisation de la main-d’œuvre et en plus,

augmente le travail de la femme par rapport à l’homme.

3.3 Du revenu du coton

Le surplus de productivité globale en valeur résultant de l’activité du

coton peut être d’un niveau appréciable, mais dans la distribution de ce

surplus, on peut craindre que le paysan n’en profite pas assez par rapport

aux autres agents économiques de la filière (intermédiaires, fabricants des

fertilisants et des pesticides, fournisseurs, consommateurs, Etat).

Page 32: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Introduction générale

8

3.4 Du développement rural

La culture du coton a un impact positivement déterminant sur le

développement de la région d’étude. Ce dernier peut certes être

difficilement quantifiable, mais il est appréciable au moins

qualitativement.

Pour atteindre les objectifs de l’étude, il faut un cadre méthodologique

permettant d’en appréhender les données pratiques et théoriques.

4 Définitions

La compréhension des termes essentiels du sujet d’étude nécessite une

brève définition des notions d’évaluation d’impact, coton, développement

rural, exploitation agricole, unité de production familiale.

4.1 De l’évaluation d’impact

Le terme « évaluation » signifie, selon le Petit Larousse (2000) « action

d’évaluer ou de déterminer la valeur, le prix ou l’importance de quelque

chose ». L’évaluation est un processus qui consiste à déterminer de la

manière la plus objective possible, la pertinence, l’efficacité, l’efficience,

l’impact et la viabilité d’un programme ou d’un projet (séries d’activités)

par rapport aux objectifs fixés au départ (Pierre Fabre, 1997). Pour Baker

(2000) l’évaluation d’impact est destinée à déterminer de façon plus large

si le programme a eu l’impact désiré sur des individus, des ménages et

des institutions et si ces effets sont attribuables à l’intervention du

programme. C’est dans ce sens que s’inscrit la démarche de la présente

étude. Bien que le programme coton soit continu, l’évaluation est ex-post

dans la mesure où récemment, l’Etat s’est retiré, la CIDT est privatisée et

que la situation qui a prévalu à la mise en place de ce programme a été

profondément modifiée.

4.2 Du cotonnier

Les cotonniers cultivés en Côte d’Ivoire sont de type pluvial appartenant à

l’espèce Gossypium hirsutum L. (Demol et al., 1992). Sur un total actuel

d’une quarantaine d’espèces de cotonniers, seulement quatre ont été

domestiquées par l’homme. Le cotonnier est une espèce tétraploïde, à

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Introduction générale

9

52 chromosomes, possédant en phase haploïde 13 chromosomes

équivalents à ceux du génome A et 13 chromosomes équivalents à ceux

du chromosome D. La morphologie ou la structure fondamentale du

cotonnier est relativement simple. La tige principale est érigée, sa

croissance est terminale et continue. Les branches secondaires et les

suivantes se développent de façon continue (monopode) ou discontinue.

Le cotonnier est cultivé, comme plante annuelle, dans des régions

suffisamment chaudes, sans gelées et avec alternance d’une saison

humide (pour son développement) et d’une saison sèche (pour la

maturation de ses fruits). Son fruit est une capsule contenant des graines

oléagineuses entourées de fibres. Actuellement la culture du cotonnier

s'est répandue dans les régions chaudes de toutes les parties du monde.

L'invention de l'égreneuse à scies par E. Whitney, en 1794, et la

mécanisation de la filature, ont donné à l'industrie cotonnière, et aussi à

cette culture, une impulsion irrésistible.

4.3 De la notion de développement

Donner du développement ou du sous-développement une définition

acceptable par tous n’est pas chose facile. De nombreuses hypothèses ont

été avancées et reformulées dans le temps. Aucune d’entre elles n’est

encore parvenue à recueillir l’adhésion générale. D’ailleurs, le sujet est

tellement complexe qu’il eût été étonnant qu’il en fût autrement.

Les théories libérales considèrent le développement comme une étape

logique succédant au sous-développement. Pour Rostow (1960) par

exemple, le développement est une évolution linéaire passant forcément

par cinq étapes successives :

la société traditionnelle dominée par une économie agricole et des

mentalités conservatrices défavorables au développement,

la conquête de la science et de l’agro-industrie,

le take off où l’investissement et l’épargne doublent et passent de

5% à 10% du revenu national,

la diffusion du progrès technique, de la modernisation et le

développement des industries chimiques et électriques,

la consommation de masse des biens et services, une urbanisation et

une main-d’œuvre de plus en plus qualifiée.

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Introduction générale

10

Mais, il n’est pas possible de déterminer une période correspondant au

take off (Kuznet, 1971). Les pays sous-développés souffrent de neuf

plaies qu’ils doivent impérativement guérir s’ils veulent sortir de leur état.

Les trois premières concernent la situation démographique : forte natalité,

forte mortalité, alimentation insuffisante ; les quatre critères qui suivent

concernent l’emploi : hypertrophie du secteur primaire, sous-emploi rural,

travail des femmes et travail des enfants ; les deux derniers critères sont

d’ordre sociologique : absence de classe moyenne et absence de

démocratie (Alfred Sauvy cité par Montoussé, 1999). La thèse du retard

des PED doit être nuancée puisque les pays à industrialisation tardive

suivent un développement spécifique en mettant en place des stratégies de

substitution à l’importation (Gerschenkron, 1962 et 1970). Pour Ragnar

Nurkse (1964), la pauvreté et le sous-développement sont des

phénomènes autoentretenus dans un cercle vicieux : la pauvreté conduit

au sous-développement qui est un obstacle à l’enrichissement.

L’école de la dépendance est opposée à l’école libérale. Gunnar Myrdal

(1968) montre qu’il faut se méfier des approches traditionnelles marquées

d’eurocentrisme et de schématisme ne faisant appel qu’à un seul facteur

explicatif. Il préconise une approche multifactorielle. Emboîtant le pas à

Myrdal, Arthur Lewis (1976) met l’accent sur les spécificités des PED. Il

annonce la théorie de la dépendance lorsqu’il s’oppose à la théorie des

avantages comparatifs et qu’il affirme que les relations internationales

entre un pays dominant et un pays dominé risquent de constituer un

obstacle au pays le plus pauvre.

La croissance désigne le grossissement du flux économique et le

développement est l’aptitude d’une société à susciter l’adaptation des

structures sociales et mentales permettant le déroulement d’un processus

auto – entretenu de croissance (Badouin, 1969). Le développement

suppose que cette croissance soit accompagnée d’une mutation des

structures économiques, la participation des nationaux du pays lui–même

au processus qui génère le changement (Gillis et al, 1987). Le

développement est un phénomène complexe qui implique à la fois une

notion quantitative que l’on pourrait traduire par l’expression croissance

économique et une notion qualitative que rend assez bien l’idée de

bien-être (Nations-Unies, 1972 ; PNUD, 1996, 2000, 2003).

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Introduction générale

11

Face à la difficulté de trouver une définition satisfaisante, Peemans (2002)

fait remarquer que « dès le départ, le développement n’est pas un concept

pensé comme tel, il est pensé en fonction de ce qui est son absence… Le

développement est alors pensé comme la sortie du sous-développement ».

C’est probablement de ce point de vue de Peemans que le programme de

promotion de la culture du coton a été lancé en milieu paysan. Le

développement rural supposait donc pour l’Etat, la mise en œuvre d’un

ensemble de politiques et de projets conçus et coordonnés de manière à

accroître le niveau de vie de la population rurale. La notion de

développement rural peut donc être analysée sous deux angles. Le

premier est celui de l’accroissement de la production qui entraîne

logiquement l’accroissement du revenu global. Le second est celui du

progrès social engendré par l’accroissement de la consommation et aussi

par la possibilité pour l’homme de pourvoir à ses besoins au–delà d’un

seuil lui permettant d’accumuler des biens.

Les politiques agricoles visent une variété d’objectifs comme par

exemple, garantir une offre de produits alimentaires en quantité suffisante

à des prix raisonnables, soutenir les revenus des ménages agricoles,

contribuer au bien-être des communautés rurales et assurer la viabilité

écologique. En Afrique, au Sud du Sahara et notamment en Côte d’Ivoire,

l’agriculture est le pilier de l’économie. Au cours de la dernière décennie,

diverses approches analytiques sont apparues, aidant à saisir la

complexité et l’importance continue de l’agriculture et à évaluer ses

relations avec d’autres secteurs de l’économie et de la société. En

particulier, l’approche connue sous le nom d’« Agriculture et

Développement Rural Durable (ADRD) » est défendue par l’OCDE (1998

et 1999), Altieri (1999a). L’ADRD aide à favoriser un développement

durable (dans les secteurs de l’agriculture, des pêches et de la

sylviculture) qui « préserve la terre, l’eau, les ressources génétiques

animales et végétales, ne dégrade pas l’environnement, fait appel à des

techniques appropriées, est économiquement viable et socialement

acceptable » (FAO, 1999).

A partir de l’ADRD, le concept de caractère multifonctionnel de

l’agriculture et des terres (CMFAT) englobe toute la gamme des fonctions

écologiques, économiques et sociales associées à l’agriculture et son

utilisation des terres. Ce concept part de l’hypothèse que les systèmes

agricoles sont intrinsèquement multifonctionnels et ont toujours réalisé

Page 36: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Introduction générale

12

plus que leur objectif essentiel, qui est de produire des aliments, des fibres

et des combustibles. L’analyse de ce caractère multifonctionnel aide à

comprendre les liens, synergies et arbitrages qui peuvent aider à assurer la

durabilité à long terme de l’agriculture et du développement rural.

L’approche fondée sur le CMFAT offre un cadre analytique orienté vers

l’action pour la réalisation des objectifs de l’ADRD

4.4 De l’exploitation agricole

Chombart de Lauwe (1963) propose la définition suivante :

« l’exploitation agricole est une unité économique dans laquelle

l’agriculteur pratique un système de production en vue d’augmenter son

profit. Le système de production est la combinaison des productions et

des facteurs de production (terre, travail, capital d’exploitation) dans

l’exploitation agricole ». Cette définition s’appliquerait difficilement au

milieu traditionnel ivoirien dans la mesure où la recherche du profit n’est

pas l’objectif principal de l’unité de production inscrite dans une famille

élargie. On définit l’exploitation agricole comme l’unité de production où

le facteur le plus important est le facteur travail. Il y a un centre de

décision unique ou principal qui est lié à l’existence d’un champ sur

lequel tous les actifs agricoles travaillent (Bigot, 1980 ; Brossier, 1980).

L’unité de production familiale est l’agent de base du processus de

production agricole (Mémento de l’Agronome, 2000 et 2002 ; Ferraton et

Cochet, 2002 ; Ferraton et al, 2003 ; Cochet et al, 2003). La famille et les

relations de parenté jouent un rôle prépondérant dans la constitution de

l’unité de production agricole.

L’ambiguïté du terme d’exploitation agricole provient du fait qu’il

recouvre des réalités proches les unes des autres, bien qu’elles soient

dissociables (Ancey, 1975). L’exploitation agricole en Afrique est l’unité

économique de production agricole, dont les objectifs essentiels sont la

production de produits vivriers pour l’autoconsommation et celle de

produits pour la vente, basée sur la communauté d’actifs agricoles

travaillant fréquemment ensemble et soumis à la responsabilité d’un chef

d’exploitation (Gastellu, 1979 ; De La Vaissière, 1982). Comme on le

voit, l’on doit reconnaître qu’il serait vain de rechercher de l’exploitation

agricole, une définition précise et passe–partout qui ferait l’unanimité. La

définition proposée par Gastellu et De La Vaissière semble mieux

présenter les réalités du contexte ivoirien de l’exploitation agricole. Le

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Introduction générale

13

mode de gestion est décentralisé, le chef d’exploitation ne contrôle pas

toutes les décisions de production sur les parcelles individuelles.

L’exploitation agricole inclut donc de façon générale, la production

végétale et la production animale, les terres exploitées (cultivées,

pâturées, courtes jachères) et les réserves foncières (jachères longues,

forêts et marécages).

Le système technique de production est constitué par l’ensemble des

forces productives mises en jeu, des plantes cultivées et des animaux

élevés dans un espace donné. L’assolement concerne la disposition des

parcelles cultivées. La rotation est la succession des espèces dans le temps

sur une même parcelle. L’itinéraire technique est l’ensemble des procédés

et méthodes permettant d’atteindre le stade de la récolte. Les forces

productives comprennent essentiellement le travail humain, animal et le

travail mécanique, les consommations intermédiaires, les espèces

cultivées, l’expérience ou le savoir-faire, le niveau de formation, la

capacité d’information des travailleurs, l’aversion ou le goût du risque du

chef d’exploitation.

5 La revue de la littérature

La première étude qui retient l’attention est incontestablement celle de la

Société d’études et de développement économique et social (SEDES,

1965) dans les années 60. Cette étude permet d’avoir une vue globale

assez riche de la situation de l’économie de la région en ces temps-là. Ce

qu’il conviendrait d’en retenir dans le cadre de la présente étude c’est

qu’en 1960 :

les cultures vivrières constituaient l’essentiel des productions

agricoles. L’igname et le mil étaient les principales cultures,

le coton était encore une culture associée avec les cultures vivrières,

les exploitations agricoles étaient relativement peu intégrées aux

échanges marchands,

l’igname, avec 38% des revenus agricoles, était la principale culture

tandis que le coton n’apportait que près de 1,7% des revenus,

les outils agricoles étaient rudimentaires et de fabrication locale,

les communautés rurales vivaient dans des systèmes sociaux

relativement plus centrés sur la famille élargie avec un pouvoir de

Page 38: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Introduction générale

14

décision presque totalement concentré dans les mains du chef

d’exploitation,

la femme était reléguée au second plan même si la quantité de

travail agricole et non agricole qu’elle apportait était relativement

supérieure à celle de l’homme,

la majorité des villages étaient pratiquement enclavés,

la vulgarisation du coton était assurée par la CFDT qui rappelait

encore le bâton du Patron colon et les assimilés3.

Dans son étude intitulée « mise en place d’une région sous-développée :

le cas du Nord de la Côte d’Ivoire », Aubertin (1982) compare le Nord à

tout le reste du pays en considérant ces deux entités comme des entités

homogènes et passe sous silence les disparités internes de revenus. Elle

n’explique pas les bases du calcul du revenu par paysan des deux entités.

En 1960, la majorité des plantations de café et de cacao appartenaient

encore à des Européens. Les revenus tirés de ces cultures n’étaient donc

pas essentiellement ceux des paysans du Sud comme le prétend Aubertin.

Sinaly (1978) met un accent particulier sur les relations socio–culturelles

et le lien philosophique qui lient le paysan Sénoufo à la terre, au travail,

au bien matériel ou à la morale. Il note que toutes les actions du Sénoufo

s’inscrivent dans une sorte de symbolisme basé sur la maîtrise de soi, la

vie communautaire et imposant une sorte de lissage des niveaux de

richesses à tel point que toute velléité individuelle est perçue comme une

démonstration, une tentative de se positionner en marge de la société ou

de narguer les anciens qui ont vécu dans la modestie et le partage. Or, ces

vieux sont les dépositaires du savoir et de la magie et sont capables

d’utiliser leurs pouvoirs par exemple pour apporter la pluie ou pour

supprimer la vie humaine.

3 Les assimilés de la période coloniale étaient des noirs qui collaboraient avec les colons blancs.

Ils étaient souvent nommés chefs par intérim, puis peu à peu chefs à part entière. Ils étaient

assimilés aux blancs et suscitaient la méfiance que les paysans réservaient à ces derniers. Après

la colonisation en 1960, les premiers gardes de cercles (ou les bourgmestres, ou les sous-

préfets), qui étaient le plus souvent des noirs, n’avaient pas modifié leur façon de traiter les

autres. Les premières plantations de coton seraient pratiquement leur propriété, bien sûr au

détriment des paysans qui les cultivaient : le champ de coton était souvent réalisé de force par

les actifs les plus valides du village.

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Introduction générale

15

Le Roy (1984) relève que « l’émergence au sein des unités d’exploitation

traditionnelle, de sous–unités plus ou moins autonomes, puis leur

détachement éventuel de l’unité d’origine et leur érection en unités

indépendantes est un processus concomitant du déclin du mode

d’exploitation communautaire des champs au profit de l’exploitation

individuelle ». Il impute l’individualisme à la présence du coton dans le

système de production. Dans le même sens, Peter Ton (2001) pense que

« tout au long de la saison, les paysans doivent effectuer des arbitrages

entre le coton et les cultures vivrières en vue de l’allocation du temps de

travail et des biens d’équipement ». Landais (1983), Pokou (1990), Konan

(1990) et Ouattara (1994) ont trouvé tout comme Le Roy, que les cultures

vivrières bénéficient des arrières effets de la fertilisation du coton. Après

quelques années de pratique de la culture attelée, les avis des observateurs

semblent diverger.

En effet, selon Bigot et al (1976), Peltre et Steck (1979), Bigot (1981) et

Bernardet (1984), l’adoption de la culture attelée n’aurait pas permis

d’accroître les superficies cultivées. Mais, Goe et Grysseels (1983) ainsi

que Borderon (1984) soutiennent le contraire. Le premier souligne que

« un recours accru à la culture attelée permet d’accroître substantiellement

les superficies et la productivité du travail ». Pour le second, « la culture

attelée permet de mettre en valeur de plus grandes superficies ».

Il faut souligner que toutes ces études s’intéressent plus particulièrement à

la modification de la décision de produire du paysan suite à l’introduction

soit du coton (Le Roy), soit du riz (Ouattara), soit de l’élevage (Landais),

ou suite au retrait de l’Etat (Pokou) et à l’adoption de la culture attelée.

Elles fournissent des éléments appréciables de la situation passée et

actuelle des exploitations agricoles de la région. Mais elles ne renseignent

pas sur la dynamique des systèmes de culture suite à l’introduction du

coton.

Pour la CIDT, la pratique de l’association culturale ne devait être qu’un

obstacle dans la réussite de l’intensification de la culture du coton. Pour

Schultz (1964), les paysans traditionnels se comportent de façon

rationnelle, gèrent efficacement les ressources productives et, s’ils restent

pauvres, c’est parce que, dans la plupart des pays pauvres, les occasions

techniques et économiques sont rares. Selon lui, pour transformer un

secteur agricole traditionnel en une source de croissance économique dans

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Introduction générale

16

les pays pauvres, la clé est d’investir de façon à mettre à la disposition des

agriculteurs des facteurs à fort rendement. De Janvry (1975) rejette

l’assertion de Schultz selon laquelle le paysan est « pauvre mais efficace »

dans une agriculture traditionnelle. Pour cet auteur, « le sous-

développement de l’agriculture (…) ne peut être compris qu’en termes de

relations marchandes entre zones arriérées et zones avancées. Parce que

l’agriculture sert de refuge naturel aux populations marginales en leur

permettant de satisfaire en partie leurs besoins de subsistance ».

6 Plan du travail

Après cette introduction générale, la suite du travail est structurée en trois

grands chapitres. Le premier est consacré au cadre général de l’étude, le

second porte sur la dynamique agraire et le troisième, sur l’impact

technico-économique de la culture du coton. Un quatrième chapitre est

relatif aux perspectives, recommandations et conclusions générales.

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CHAPITRE 1

CADRE GENERAL DE L’ETUDE

Ce chapitre se compose de trois points : le premier porte sur la

méthodologie du travail, le second fait la présentation du milieu et le

dernier se consacre à la filière coton.

1 Méthodologie

Le cadre méthodologique contient la démarche globale, les niveaux

d’observation pris en compte et les méthodes de collecte des données.

1.1 La démarche globale

La méthode est corrélée aux hypothèses et aux objectifs spécifiques. Sans

souci d’exhaustivité, la complexité du système agraire en tant que

domaine d’étude amène à adopter une démarche à la fois systémique et

dynamique. Comme le dit De Rosnay (1975), « l’approche systémique

étudie toutes les variables simultanément et intègre la durée et

l’irréversibilité des phénomènes ». Notre méthode d’observation et

d’analyse est essentiellement comparative en accord avec Durkheim

(1984) qui dit : « nous n’avons qu’un moyen de démontrer qu’un

phénomène est cause d’un autre, c’est de comparer les cas où il sont

simultanément présents ou absents et de chercher si les variations qu’ils

présentent dans différentes combinaisons de circonstances témoignent que

l’un dépend de l’autre».

Pour mieux cerner les mécanismes de fonctionnement des systèmes de

production, on a préféré limiter le nombre de situations caractéristiques à

examiner. Il ne s’agit pas de rechercher une représentativité statistique

mais plutôt une représentativité explicative. En effet, « les sciences

sociales mettent à jour des modes de fonctionnement et de reproduction

d’entités sociales complexes, elles induisent des principes (ou lois)

d’organisation ou de structuration du champ social observé, elles font

l’hypothèse que les degrés de liberté du réel pour inventer des structures,

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

18

pour traduire une logique d’interdépendance ne sont pas nombreux :

l’hypothèse que le réel est intelligible aboutit ainsi à postuler une certaine

nécessité contre le hasard » (Winter, 1984).

L’étude veut examiner un processus de développement. Ceci amène à

centrer la démarche sur l’étude des systèmes de production agricole : les

pratiques sociales, économiques et techniques sont les cibles privilégiées,

en étant centré sur l’impact du coton. Le souci de restreindre les cas pour

décrire le réel exclut, dans la démarche méthodologique, le choix aléatoire

et impose plutôt un choix raisonné de ces cas.

1.2 Les niveaux d’observation

La démarche combine l’approche bibliographique et l’utilisation de

résultats statistiques, issus de sources diverses, à l’observation

monographique immédiate des réalités de terrain. Plusieurs niveaux

d’observations sont considérés de sorte à assurer une compréhension

appréciable des déterminants de l’économie de la région à la suite de

l’introduction de la culture du coton. Le diagnostic se fera sur des échelles

spatiales différenciées suivant le degré d’organisation agricole. Ces

échelles sont :

la parcelle pour les décisions relevant de l’individu chargé de sa

gestion. C’est au niveau de la parcelle que sont appréciés les

itinéraires techniques pratiqués. Pour connaître la superficie totale

cultivée par chaque exploitant, les parcelles ont été mesurées

individuellement,

le champ : c’est l’ensemble des parcelles regroupées en un tenant.

Il peut être géré à la fois par plusieurs individus. La somme des

superficies des parcelles d’une exploitation détermine sa place

dans l’occupation du terroir du village,

l’exploitation agricole ou l’unité de production. Ce sera l’unité

d’observation de base,

le village ou terroir villageois, lieu d’investigation privilégiée des

unités d’exploitation. « Il est le centre historique de la délimitation

et de la gestion de l’espace exploité par une communauté rurale.

Son organisation sociale et technique surdétermine une grande

partie des décisions prises par les agriculteurs » (Jouve et

Mercoiret, 1987). Ses limites territoriales et sa relative densité de

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

19

population renseignent sur les contraintes foncières locales ainsi

que sur les dispositions y relatives. Il reste le premier lieu où nous

pouvons rencontrer la communauté villageoise et les unités de

production. L’identification et le choix des unités de production se

font au niveau du village, avec l’accord préalable des responsables

coutumiers. Les exploitants de l’échantillon d’enquête sont

représentatifs de leur village,

la région, comme un ensemble de zones élémentaires cohérentes

du point de vue écologique, social et économique. Les quatre

villages choisis pour la collecte des données primaires permettrent

de retrouver les grands types de systèmes de production de la

région,

la nation, pour les décisions de politique agricole et de

développement régional comparé,

le niveau mondial pour considérer le contexte macroéconomique

du commerce international des produits agricoles, notamment le

coton et ses produits concurrents.

Figure 1.2 : Les niveaux d’observation

On part du général

pour arriver au

particulier, la parcelle

On reconstitue le

général par

agrégations

successives des

niveaux

inférieurs

Parcelle

Région

Village

Champ

Nation

Exploitation

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

20

Ces niveaux d’observation ont une réalité physique, sociale et opératoire.

Une première lecture à la fois horizontale (isolant les échelles) et verticale

(interactions entre échelles) se fait de haut en bas (figure 1.2) ou du

général (nation) vers le particulier (parcelle). Une seconde se fait dans le

sens inverse, i.e. de la situation micro-économique vers la situation

macro-économique en procédant par agrégations successives des éléments

des niveaux inférieurs pour reconstituer les niveaux supérieurs.

Cependant, ces niveaux d’observation sont relatés dans la suite du texte,

non pas de façon agencée comme dans cette figure, mais plutôt de façon à

les intégrer dans un discours harmonieux. En d’autres termes, la figure

n’est qu’une présentation synthétique de la démarche méthodologique qui

tient compte des liens fonctionnels entre les différents niveaux

d’observation.

1.3 Le choix de la région d’étude

L’étude se déroule essentiellement dans la région agricole de Korhogo, au

Nord de la Côte d’Ivoire, plus spécifiquement dans les trois zones ou

sous-préfectures de Nielle, de Korhogo et de Dikodougou (figure 1.3).

En 1990, cette région comptait environ 56 400 chefs d’exploitations

agricoles, soit 7 % du total ivoirien. Dans la même année, environ 61 %

de ces chefs d’exploitations cultivaient du coton (DCGTX, 1992). Le

choix de cette région repose sur plusieurs critères objectifs :

du point de vue démographique, géographique et pédoclimatique,

les trois zones sont quelque peu contrastées et représentatives du

Nord ;

la sous-préfecture de Nielle correspond à la zone d’extrême nord,

à la frontière du Mali et du Burkina Faso. Le climat est de type

soudano sahélien ; le paysage est dominé par des graminées. La

densité de population est de l’ordre de 8 habitants/Km²;

celle de Karakoro est dans la zone la plus densément peuplée de la

région de Korhogo avec environ 170 habitants au Km². En

conséquence, les terres y sont devenues assez rares ;

la sous-préfecture de Dikodougo, au sud de celle de Korhogo, est

une zone pré-forestière, avec une densité de peuplement de l’ordre

de 14 habitants/Km² : les cultures vivrières y prédominent encore

chez la majorité des paysans ;

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

21

la région cotonnière de Korhogo1 disposait d’un bureau régional

de la CIDT qui assurait la vulgarisation du coton. La CIDT avait

mis en place de longue date, un puissant dispositif d’encadrement

des paysans. Elle disposait d’une bibliothèque où sont stockées

des données des statistiques cotonnières. Après la privatisation de

la CIDT, ces infrastructures sont devenues la propriété de la

Compagnie cotonnière ivoirienne (LCCI) ;

sur le plan sociologique, la région de Korhogo renferme plusieurs

groupes ethniques dont les réactions vis-à-vis du coton pourraient

découler de logiques particulières. Certains agriculteurs à temps

plein que l’on y rencontre aujourd’hui étaient au départ de simples

ouvriers agricoles venus d’autres régions, notamment de pays

voisins. On s’attend à une région riche de ses dynamiques de

populations engendrant des dynamiques de systèmes de

production sous l’influence du coton ;

concernant la littérature, Korhogo a intéressé de nombreux

chercheurs dont la SEDES qui en a fait une monographie qui a

servi de référence pour les années 60. Bien d’autres chercheurs ont

réalisé d’importants travaux qui ont servi de point de repère de la

dynamique des systèmes de production en présence ;

enfin, notre propre expérience de terrain a été principalement

acquise dans cette région de Korhogo. En effet, c’est une région

où nous avons longuement travaillé :

d’abord de 1984 à 1987, dans le cadre d’un projet de

recherche sur les systèmes alimentaires de la région Nord2.

Nous étions en effet, chargé de la mise en place de ce projet

(choix des villages, choix des paysans, formation des

enquêteurs, élaboration des fiches d’enquête, exécution

d’une partie des enquêtes, supervision des enquêteurs, etc.),

ensuite de 1989 à 1995, dans le cadre de notre participation

aux travaux de l’Institut des savanes3.

1 Les trois zones d’études peuvent s’inscrire dans la région cotonnière de Korhogo.

2 Il s’agissait d’un projet du Centre Ivoirien de Recherches Economiques et Sociales

(CIRES), BP.1295 Abidjan 08, en Côte d’Ivoire. 3 En 1994, nous avons contribué à la mise en place d’un projet de l’Université

Catholique de Leuven.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

22

Figure 1.3 : La zone d'étude et villages d’enquêtes Légende des villages d’enquêtes permanentes: 1 = Ouamélorho, 2 = Niellé,

3 =Kouniguékaha, 5 = Sionhouakaha

Les villes : 4 = Korhogo, 6 = Dikodougou

Région de Korhogo

et zone d’étude

La région de Korhogo

en Côte d’Ivoire

La Côte d’Ivoire

en Afrique

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

23

1.4 Le choix des villages

Le choix des villages vise à assurer le recoupement des contrastes internes

à la région d’étude en tenant compte du gradient de diffusion de la culture

du coton ainsi que de la spécialisation des exploitants dans les techniques

de production. Les critères de choix des villages sont l’accessibilité en

toute saison, la volonté des autorités villageoises à accepter l’étude dans

leur terroir et la volonté de participation des paysans. Ce critère n’était

pas prévu au départ ; mais il s’est imposé sur le terrain. En effet, la

période était telle que certaines considérations d’ordre sociopolitique

étaient de nature à empêcher de mener des enquêtes libres dans certains

villages4. Quatre villages ont été choisis : Ouamélhoro (Ouam) et Niellé

dans l’extrême nord de la zone d’étude, Kouniguékaha (Kounig) dans la

partie centrale, et Sionhouakaha (Sionh) dans la partie sud. D’autres

villages (au nombre de 11) ont été choisis au hasard pour des enquêtes à

passage unique.

1.5 Le choix des exploitants

Notre démarche privilégie la diversité des situations contrastées et

significatives. Les unités de production familiale retenues dans

l’échantillon d’enquêtes résultent d’un compromis entre la

représentativité, le contraste et la diversité. Il s’agit, tout comme pour les

villages, de choix raisonnés. Nous avons tenu compte de l’importance

relative de la culture du coton, de la mécanisation, des céréales et de

l’igname dans l’assolement. Dans les villages de Sionhouakaha à

Dikodougou et de Kouniguékaha dans la zone dense de Korhogo, presque

tous les exploitants ont été retenus. Par contre, on a retenu 40 exploitants

à Ouamélhoro et 45 autres à Niellé, respectivement parmi 3 000 et

6 000 exploitants. Le tableau 1.1 donne le nombre de paysans de

l’échantillon d’enquête distribués par village et suivant les critères.

4 Après la première prise de contact avec les autorités villageoises, certaines exigeaient

que nous fournissions des autorisations délivrées par des autorités de leur choix. Il était

donc déjà clair qu’il fallait choisir les villages où il y avait une réelle volonté de

participer à l’étude jusqu’au bout.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

24

Tableau 1.1 : Structure de l’échantillon d’enquête selon la zone, le village

et les critères de choix

Zone Village Système à base de coton Système à base de vivrier Total

Manuel Attelé Moto

risé

Total Igname Céréale Total

Nord Ouam. 6 33 1 40 0 0 0 40

Niellé 6 35 3 44 0 1 1 45

Dense Kounig. 12 28 0 40 0 6 6 46

Sud Sionh. 7 5 0 12 20 1 21 33

Total 31 101 4 136 20 8 28 164

Source : Notre enquête

(Ouam = Ouamélhoro ; Kounig = Kouniguékaha ; Sionh = Sionhouakaha).

1.6 Le choix des variables

Rabinow (1977), Clifford (1983), Keyes et Vansina (1995) ou Bassett

(2002) reconnaissent que l’étude des systèmes de production agricole ou

celle de la dynamique agraire soulèvent des questions méthodologiques et

épistémologiques. Le choix des variables est orienté par les objectifs

spécifiques de l’étude en rapport avec les hypothèses, les niveaux

d’observation précédemment définis et la disponibilité des données

secondaires (archives des associations de producteurs de coton, notes des

conseillers agricoles, statistiques des sociétés cotonnières). Dans le

tableau 1.2, les niveaux d’observation sont considérés avec quatre

principaux facteurs (terre, travail, capital et expérience) pour servir de

repères dans le choix raisonné des variables.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

25

Tableau 1.2 : Tableau de bord pour le choix des variables suivant les

niveaux d’observation

Niveaux

observés

Terre Travail Capital Expérience

Parcelle

Topographie,

assolement, taille

rotation,

itinéraire,

systèmes de

culture, densité,

dose des intrants

Rendement

Temps de

travaux,

calendrier,

division sociale

Intrants, outils

utilisés,

aménagement

Qualité du travail

Champ

Distance (village-

champ et champ à

champ)

Itinérance (fixe)

Temps de travaux Aménagement Choix des

aménagements

Exploitation

Disponibilité

Taux

d’occupation

Durée de jachère

Système productif

Membres

Division

Entraide

Crédit

Epargne

Investissement

Revenu coton

Rapport entre

chef et

dépendants

Village

Système foncier

Taux

d’occupation

Groupes

d’entraide

Solution travail

Investissements

Equipements

population

Culturel

Associations

Rapports sociaux

Région

Système agraire

Disponibilité

Circulation de

main-d’œuvre

Exode

Crédits,

subvention

Investissements

Infrastructure

Fédérations

d’associations

Nation Droit foncier

Disponibilité

Exode Place du coton

dans le PIB

Disparités

régionales

Monde Cours mondial Mondialisation

Subventions

Source : Notre enquête

1.7 La collecte et le traitement des données

L’étude s’est déroulée en quatre phases imbriquées et itératives. Il n’y a

pas de rigidité d’ordre chronologique dans leur exécution. Ce sont les

phases de recherche bibliographique, de collecte de données primaires, de

codification et d’analyse:

La recherche bibliographique a permis de préciser les aspects théoriques,

les méthodes d’enquête, les méthodes d’analyse et les limites de l’étude.

Elle a aussi permis de comprendre le contexte de l’économie mondiale et

régionale de la production du coton.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

26

Les données primaires ont été recueillies principalement par enquêtes sur

le terrain. Les méthodes d’enquête ont été aussi souples que diversifiées

en gardant un caractère participatif. Certaines données sont obtenues à

partir de témoignages oraux de personnes ressources sans que ces

dernières fassent forcément partie de l’échantillon d’enquêtes réalisées à

l’aide de fiches. Ces fiches ont permis de focaliser l’attention sur les

questions clefs. Ces dernières sont parfois posées sous plusieurs formes

afin d’en faciliter la compréhension par les répondants. La majorité des

enquêtes ont été effectuées à passages répétés sur un échantillon fixe

d’exploitants. Le nombre de ces derniers est relaté dans le tableau 1.1

précédent. On a utilisé des fiches d’enquêtes après les avoir testées, ainsi

que des guides d’enquêtes pour des interviews semi-ouvertes où l’intérêt

a essentiellement porté sur les opinions des interviewés. Certaines

enquêtes ont été réalisées à passage unique, tant sur des répondants

individuels que regroupés.

Au début, il fallait prendre rendez-vous avec les personnes à interviewer.

Mais après un court moment de collaboration, la confiance mutuelle

s’était installée et il était possible de les interviewer même sans rendez-

vous préalable. Certaines enquêtes ont été collectives, unissant plusieurs

exploitants à la fois, notamment pour des questions d’ordre général :

situation foncière, calendriers culturaux, prix des intrants, contraintes

générales dues à l’état de la nature comme par exemple l’organisation

sociale et professionnelle, les raisons de l’adoption ou du rejet de la

culture du coton, etc.

Pris individuellement, les exploitants ont fourni les caractéristiques

démographiques de leurs unités de production, les données relatives à

leurs champs et à leurs parcelles. Avec leur accord de principe, certains

membres de l’exploitation ont parfois été interviewés (épouses, enfants,

autres dépendants, manœuvres temporaires ou permanents, etc.). Chez un

chef d’exploitation sur cinq, les données ont été recueillies de façon

détaillée : inventaire des matériels agricoles (âge, prix, durée

d’utilisation), disponibilité en terre (on fait le tour des terres de

l’exploitation et on en estime les superficies des portions non cultivées, la

durée de mise en culture, la durée de la jachère et la date probable de la

remise en culture), pose des carrés de densité de semis/rendement, relevé

des quantités d’intrants épandus sur la parcelle, temps de travaux de

chaque actif familial pendant toute la campagne agricole, etc.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

27

La codification, mise en ordre et épuration des données est une étape qui

tient compte du caractère logique des informations soumises à la

triangulation. Par la pratique du terrain, l’expérience et le bon sens

permettent de repérer et de juger de la cohérence et la fiabilité des

données.

Le rendement moyen (en kg/ha) de chaque culture a été estimé à partir de

la triangulation des données. La première approche est la méthode

classique de carré de densité/rendement. La seconde consiste à peser la

récolte tirée d’une portion de parcelle. Dans ce cas on reste avec les

membres de l’exploitation, du début à la fin de la récolte d’une partie de

la parcelle. Celle-ci est mesurée pour en connaître la superficie et la

récolte obtenue est pesée. La troisième approche consiste à utiliser les

données du gérant de la coopérative. En effet, il détient un cahier

contenant les données de superficies des principales cultures, ainsi que

des données de production de coton-graine de chaque paysan. La

quatrième concerne les multiples interviews des paysans. Les estimations

du rendement et de la production de chaque culture sont alors faites au

niveau de chaque exploitation agricole. Les résultats individuels sont

agrégés en vue d’établir le compte de production/exploitation par

système.

Les superficies cultivées ont été mesurées à la boussole et au mètre ruban

(ruban de 50 m). Les superficies cultivables ont été obtenues par les

déclarations des paysans. Ces données ont été ajustées avec celles

obtenues par le volet Nord du projet « Plan foncier rural5 ».

L’analyse de l’impact de la culture du coton sur le développement rural

dans la région de Korhogo nécessite une démarche systémique,

descendante dans sa première phase. Celle-ci consiste à décomposer le

tout en ses principales parties élémentaires. On passe ainsi de la région au

village, puis de l’unité de production familiale à la parcelle. La seconde

phase de la démarche est ascendante. Elle consiste à rassembler les

agrégats pour reconstituer les niveaux d’analyses de plus en plus agrégés.

5 Le projet relatif au plan foncier rural mis en œuvre au Nord a concerné tous les villages

retenus dans notre échantillon d’enquêtes. Ce projet a permis d’avoir une estimation

satisfaisante des superficies cultivables de chaque exploitant agricole. Cependant, les

données de ce projet n’ont pas été entièrement archivées pour tous les villages.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

28

Les types de systèmes de production cibles sont imbriqués et permettent

d’analyser le passage de l’un à l’autre. Le choix raisonné des

exploitations agricoles s’est imposé dans la démarche, parce que les

systèmes de production sont interdépendants et surtout parce qu’ils

procèdent de stratégies objectives relevant plutôt de choix techniques et

socio-économiques délibérément raisonnés que d’un simple hasard. La

méthode d’enquêtes basée sur la participation effective des interviewés à

la consolidation des données collectées sur le terrain a créé un climat de

confiance indispensable entre le chercheur et les personnes ressources.

Les hypothèses sont liées aux objectifs spécifiques traduits sous forme de

questions. L’analyse des données commence par la présentation du milieu

naturel.

2 Présentation du milieu naturel

2.1 La situation géographique

Le département est situé au nord de la Côte d’Ivoire. Il couvre une

superficie de 12 000 Km² et constitue la principale zone cotonnière des

régions des savanes de Côte d’Ivoire. Il est situé entre les 8°30 et 10°30

de latitude Nord et les 4° et 7° de longitude Est.

2.2 L’hydrographie

Le Département de Korhogo est arrosé essentiellement par les nombreux

affluents du fleuve Bandama blanc. La longue saison sèche diminue le

volume des fleuves moyens, met à sec les petits cours d’eau ou les réduit

à quelques mares. Le réseau hydrographique apparaît relativement dense

notamment en saison des pluies où les bas-fonds (talwegs) retiennent les

matières fines arrachées aux bassins versants par les eaux de

ruissellement. Les plaines alluviales inondables sont abondantes.

2.3 Les contraintes climatiques

Le climat est de type tropical sec. Le rythme des saisons est réglé par le

déplacement du Front Intertropical (FIT). Ce climat est caractérisé par

une alternance de deux saisons contrastées et durant environ six mois :

la saison des pluies (pluies mensuelles supérieures à 50 mm) est

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

29

unique en général et coïncide avec la présence du FIT d’avril-mai

en octobre. Les pluies connaissent de fortes variations inter

annuelles : 900 mm à 1 300 mm. Les précipitations sont parfois

violentes et irrégulières dans le temps. L’unicité de la saison des

pluies pose un problème récurrent de calage des cycles des

cultures annuelles (coton et vivriers). Le paysan reste impuissant

face à l’irrégularité des pluies d’une année à l’autre. Seules son

expérience et son aversion du risque lui permettent de décider de

semer tôt,

la saison sèche s’étend de novembre en avril. Elle est marquée par

le retrait du FIT et par une absence presque totale de pluies. C’est

la période où souffle l’harmattan, un vent chaud et sec. Au cours

de cette saison, les températures peuvent descendre jusqu’à 10° C

(en décembre et en janvier), les températures maxima s’élèvent

jusqu’à 40° C (mars-avril). L’évapotranspiration potentielle est

maximale en janvier avec une valeur moyenne d’environ

1 700 mm. Le déficit hydrique cumulé peut varier de 500 mm à

2 000 mm selon les zones.

La pluviométrie constitue le facteur climatique prépondérant (SEDES,

1965 ; Sinaly, 1978 ; CIDT, 1980, 1990 et 2000). Le système agricole et,

par extension, la vie des paysans de la région sont rythmés par la pluie.

En années sèches, comme en 1961, en 1973 ou en 1983 par exemple, les

productions agricoles peuvent connaître une chute drastique, surtout en ce

qui concerne l’igname, le riz et le coton. Il en est de même pour l’élevage.

L’hygrométrie moyenne est de 65-70 %. La durée de l’insolation est en

moyenne de 2 500 heures par an, la moyenne mensuelle étant d’environ

250 heures en saison sèche contre près de 140 heures pendant les mois de

juillet et août (les plus arrosés).

2.4 Les sols

Le granite et les schistes sont les roches mères caractéristiques du substrat

de la région. Les sols sont en général peu humifères et de fertilité

moyenne. Sur les buttes, les plateaux et les hauts de pentes, ils sont de

couleur rouge ou ocre-rouge, de structure argilo-sableuse, gravillonnaires

et à cuirassement fréquent. Dans les bas de pentes, ils sont ocre-jaune ou

jaune et beige, sableux et présentent parfois une carapace ou une cuirasse.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

30

Dans les bas-fonds, ils sont de couleur jaune et beige, gris à pseudogley

de profondeur, de structure argilo-sableuse, avec des concrétions et une

hydromorphie. Ils sont parfois sensibles au lessivage, à l’érosion et au

phénomène d’induration. D’un versant à l’autre et même sur le même

versant, la distribution topographique des cuirasses se fait de façon

anarchique (Sinaly, 1978). Les sols de la région peuvent se décrire à

travers trois séquences de paysage à savoir le plateau; le bas de pente et le

bas-fond. Le tableau 1.3 en résume les principales caractéristiques.

Tableau 1.3 : Principales caractéristiques des sols

Unité Plateau, buttes

haut de pente

Bas de pente Bas - fond

Nom local

Couleur

Structure

Caractère et

degré

d’induration

Etendue

Aptitude

culturale

Tadjaha

Rouge, ocre-rouge

Argilo-sableuse

Gravillonnaire

Cuirassement

15 %

Faible

Marga

Ocre-jaune

Jaune beige

Sableuse

Cuirassement en

faible profondeur

55 %

Bonne

Vaga

Jaune beige

Pseudogley

Argilo-sableuse

Argilo-limoneuse

Concrétion

Hydromorphie

10 %

Faible à bonne

Sources : adapté de SEDES, 1965 ; Demont et Jouve, 1999 ; Stessens, 2002

Les bas-fonds sont caractérisés par des sols hydromorphes peu profonds,

peu humifères et soumis à d’importants battements de la nappe

phréatique. Localement, l’aptitude agronomique de ces sols varie avec

leur situation dans le profil topographique. En dehors du cas particulier

des sols hydromorphes de bas-fonds, les meilleurs sols se situent en haut

et en milieu de pente; les sols rouges de plateaux, souvent argileux,

difficiles à travailler avec les outils aratoires, ont généralement des

aptitudes médiocres. Les sols des bas de pente sont peu fertiles du fait de

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

31

la présence de sable grossier, mais fréquemment cultivés parce qu’ils sont

faciles à labourer. De façon générale, les sols de moyenne à bonne valeur

agricole représentent environ 65% des terres cultivables contre 35% pour

les sols à faible valeur. En fonction de la densité du couvert végétal et des

pratiques agricoles, l’érosion du sol peut être importante. Le taux

d’érosion annuelle varie entre 3 et 9 tonnes de terre à l’hectare sur des

sols dénudés avec une pente de 4° (Gerdat, 1980 cité par Bassett, 2002).

2.5 Le relief

Le relief se présente généralement comme un plateau faiblement ondulé,

de seulement 300 m à 400 m d’altitude, aux pentes peu accentuées (2 % à

4 %). Des noyaux granitiques plus durs donnent quelquefois naissance à

des inselbergs ou à des dômes aux parois lisses et abruptes, comme on

peut en rencontrer aux alentours de la ville de Korhogo (le Mont Korhogo

à environ 567 m) et de Dikodougou.

2.6 La végétation

La végétation de la zone n’est pas seulement la résultante des

phénomènes morphologiques, climatiques et pédologiques. En effet,

depuis ces trois dernières décennies, inconsciemment ou non, l’homme

pratique des feux de brousse annuels. De cette façon et quelles qu’en

soient les raisons, il participe activement à la transformation rapide du

paysage agricole avec des risques de désertification et de changements

climatiques6. La végétation spontanée comporte :

des forêts claires avec une strate arborescente et une strate

herbacée constituée de graminées comme Andropogon tectorum

Schumach. et Thonn. ;

des formations savanicoles contenant des ligneux et herbacées tels

que Loudetia superba et Andropogon ivorensis Adjanohun et

Clayton ;

des galeries forestières se rencontrent le long des cours d’eau ;

des îlots de forêts qui servent de bois sacrés à proximité des

villages, renfermant des espèces qui ont pratiquement disparu

6 Le phénomène de feux de brousse annuellement vécu dans la partie nord du pays

devient une préoccupation nationale au point où depuis plus de dix ans, les ministères

de l’agriculture et ou de l’environnement tentent d’y apporter des solutions viables.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

32

ailleurs. Ils contiennent encore des espèces forestières comme le

fromager (Ceiba pentandra (L.) Gaertn..).

La végétation cultivée comporte des cultures annuelles (coton, etc.) et des

cultures pérennes (manguier, anacardier, etc.).

2.7 Le milieu humain

Les peuples de la zone d’étude appartiennent au groupe voltaïque (encore

appelé Gour) et au groupe Mandé. Le premier est représenté par les

Sénoufo et le deuxième par les Dioula. A ces peuples, se sont ajoutés des

Peulhs (SEDES, 1965 ; Sinaly, 1978).

2.7.1 Les Sénoufo

Les Sénoufo de la région de Korhogo se répartissent en plusieurs sous-

groupes : Kiembara, Nafambélé, Kouflo, Gbonzoro, Kafibélé,

Kassambélé et Tagbambélé. Contrairement à de nombreux peuples de

Côte d’Ivoire, notamment ceux de l’Est et du Centre, les Sénoufo ne

disposent pas d’un pouvoir politique et religieux dépassant les limites du

village (Amichia, 1994). Le pouvoir politique se transmet de l’oncle au

neveu sur la base d’un système de filiation matrilinéaire. On note

toutefois quelques cas de filiation patrilinéaire sous l’influence de la

religion musulmane et aussi de la modernisation. Le village est autonome,

son chef est généralement le représentant le plus âgé (et le plus valide)

des ancêtres fondateurs.

La famille regroupe les descendants de l’ascendant utérin le plus âgé, ses

neveux et des personnes adoptives éventuelles. Un ou plusieurs ménages

composent une unité de production familiale sous la direction d’un chef.

Plusieurs unités de production composent un quartier, avec un chef de

quartier. Le quartier est une réalité sociale et économique susceptible de

constituer l’unité économique du village. Plusieurs quartiers constituent

un village avec un chef. Le pouvoir du chef du village est un pouvoir

collégial. Il est de plus en plus influencé par la présence de secrétaires de

partis politiques, des présidents des conseils d’administration des

coopératives agricoles et du pouvoir administratif national.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

33

Le poro est une organisation séculaire fondée sur des bases rituelles,

initiatiques et religieuses. Il cimente la cohésion sociale et détermine le

système de transmission des connaissances et des coutumes aux acteurs

sociaux. C’est une institution relativement rigide qui voit l’univers

comme étant une communauté associant les morts et les vivants.

L’initiation est basée sur le mode de vie communautaire axé sur la

droiture et l’humilité : elle consiste en l’apprentissage des valeurs

sociales.

Le système de classes d’âge permet de doter l’organisation sociale de

structures relativement stables, d’assurer le renouvellement des

générations et de garantir la cohésion du groupe. Ce système permet

d’atténuer toute forme d’injustice au sein du village, car les individus

d’une même classe d’âge constituant une promotion de poro, obtiennent

les mêmes enseignements initiatiques et jouissent des mêmes avantages

sociaux. L’initiation du poro dure six à sept ans. Elle consiste en un

ensemble d’épreuves visant à forger chez l’initié, l’esprit de soumission à

tout aîné. Le bois sacré sert de centre de formation, de musée et de salle

de réunion. C’est le lieu où le naturel et le surnaturel s’interpénètrent. Il

est sous le contrôle d’un comité de sages. Les décisions prises dans le

bois sacré sont souveraines. Les fondements des pratiques à caractère

mystique ou magique restent secrets et réservés aux sages (Sinaly, 1978).

De nos jours, les principes du poro sont de plus en plus contestés et peu

utilisés par les jeunes qui ont sensiblement évolué sous l’influence des

autres religions et du mode de vie occidental.

2.7.2 Les Dioula

On rencontre les Dioula en groupes plus ou moins isolés dans la majorité

des villages de la région. Il existe des cas de villages où ils sont la

population dominante (cas du village de Kadioha au sud de Dikodougou).

Les Dioula sont généralement de religion musulmane. Ce sont des

commerçants de coutume, mais ils peuvent se reconvertir en agriculteurs

pourvu que cette reconversion leur procure une aisance économique.

L’ouverture du monde Dioula, inhérente à la vocation commerciale du

groupe et la valorisation sociale de l’initiative individuelle ont permis aux

structures traditionnelles de mieux résister au choc de la modernité

(Sinaly, 1987).

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

34

2.7.3 Les Peulh

L’arrivée des Peulh en Côte d’Ivoire se situe vers 1930. Ils proviennent

essentiellement du Burkina Faso (70 %), du Mali (28 %) et des autres

pays sahéliens. Leur arrivée en Côte d’Ivoire a été guidée par deux

raisons. Il s’agit d’une part de la disponibilité de pâturages plus florissants

que ceux de leurs pays d’origine et d’autre part, de l’absence de

contraintes fiscales et administratives, au contraire de ce qui existe dans

leur pays. Les Peulh vivent en société patrilinéaire à mariage virilocal. Ils

protègent et conservent leur structure sociale en s’isolant de leurs hôtes.

En général, ils arrivent, certains avec leurs troupeaux, d’autres à la

recherche d’un emploi de bouvier des troupeaux locaux.

2.7.4 La densité de peuplement

La population de la région des savanes du Nord est répartie sur quatre

départements administratifs à savoir Tingréla et Boundiali au Nord-ouest,

Korhogo au Centre et Ferkessedougou (Ferké) à l’Est. Cette population

est estimée à environ 500 000 habitants en 1975, 745 840 habitants

en 1988 et à près de 1 000 000 d’habitants en 1998, soit un taux

d’accroissement moyen annuel de 3,1 %. La densité moyenne est de

27 habitants au Km² en 1998. A l’observation, il apparaît que cette

population est inégalement répartie entre les quatre départements et même

à l’intérieur de chacun d’eux, au niveau des sous-préfectures. Le

tableau 1.4 traduit cette inégalité pour Korhogo. La population de

Korhogo était estimée à environ 275 300 habitants en 1975.

Dans le département de Korhogo, les sous-préfectures les plus densément

peuplées en 1998 ont plus de 50 hab./Km². Ces sous-préfectures sont dans

un rayon d’environ 15 à 20 Km de Korhogo et constituent la zone dense.

Les sous-préfectures de Guiembé, Niofoin, M’bengué, Sirasso et de

Dikodougou sont les moins peuplées. Concernant les trois zones d’étude,

Niellé (villages de Niellé et de Ouamélhoro) est dans une zone

moyennement peuplée, Kouniguékaha (dans la sous-préfecture de

Karakoro) est dans la zone dense et Sionhouakaha dans la sous-préfecture

de Dikodougou est dans une zone faiblement peuplée avec 15 hab./Km².

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

35

Tableau 1.4 : Répartition de la population de Korhogo par sous-préfecture

en 1998

Sous-préfecture Nombre de

villages

Superficie

(Km²)

Population Densité

(hab./Km²)

Korhogo

Napiéolédougou

Tioroniaradougou

Guiembé

Dikodougou

Sirasso

Karakoro

Komborodougou

Sinématiali

Niofoin

M’bengué

Total

175

97

52

22

35

30

96

59

221

35

49

871

1 258

600

360

1 470

2 100

1 700

270

250

680

2 100

2 600

13 388

260 000

66 300

15 840

3 800

32 200

32 300

18 850

11 660

37 230

18 029

30 732

532 500

207

111

44

3

15

19

70

47

55

9

12

40

Source : RGPH, 1998

2.7.5 La pyramide des âges

La pyramide des âges (figure 1.4) permet de distinguer quatre classes :

dans la première (moins de 15 ans) et la troisième (50 à 75 ans) les

hommes sont relativement plus nombreux que les femmes ; par contre

dans la seconde (15 à 49 ans) et la dernière (plus de 75 ans) ce sont les

femmes qui prédominent. A la naissance, le nombre de garçons est

légèrement supérieur à celui des filles. Jusqu’à 14 ans, les jeunes restent

le plus souvent auprès de leurs géniteurs ou de la famille élargie. Entre

15 et 49 ans, les hommes émigrent beaucoup plus facilement que les

femmes, soit pour poursuivre leurs études, soit pour des raisons

économiques. La polygamie en rajoute pour justifier la supériorité du

nombre de femmes par rapport aux hommes. Entre 50 et 75 ans, les

émigrés tendent à revenir au village d’origine. Il ressort aussi que la

population est relativement jeune. En effet, près de 60 % de la population

ont moins de 20 ans.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

36

-60000 -40000 -20000 0 20000 40000 60000

Effectif (habitants)

0 - 4

10-14

20-24

30-34

40-44

50-54

60-64

70-74

80-84

Tra

nc

he

s d

'âg

e (

an

s)

Source : RGPH, 1998

Hommes Femmes

Figure 1.4 : Pyramide des âges

3 La filière coton

Le vocable de « filière » connaît depuis quelques années une vogue

singulière en économie. Les politiques, les plans, les programmes de

développement s’y réfèrent volontiers aujourd’hui et s’établissent, le plus

souvent, en terme de filière pour avoir droit de cité. L’appellation filière

recouvre en fait des contenus fort larges et parfois différents. Elle englobe

un ensemble de notions parfois plus précises telles que celles de chaîne,

circuit, branche ou secteur d’activités, marché, système, etc. (Lebailly et

al., 2000). Une filière est un ensemble homogène d’activités économiques

reliées verticalement et horizontalement par des échanges commerciaux.

L’établissement des frontières d’une filière particulière requiert

nécessairement de la part du chercheur l’adoption de postulats subjectifs.

Idéalement, il convient d’englober dans la filière toutes les entreprises

pour lesquelles on observe des liens verticaux ou horizontaux. La filière

représente une division raisonnée et opérationnelle de l’économie dans un

domaine d’investigation (Schaffer, 1973, cité par Lebailly et al, 2000).

Piriou (1997) définit la filière comme étant un « ensemble d’activités

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

37

productives complémentaires orientées vers un produit (un marché) final

donné ». Pour Durufle et al. (1988), une filière est constituée de

« l’ensemble des agents qui contribuent directement à la production, puis

à la transformation et à l’acheminement jusqu’au marché de réalisation

d’un même produit agricole ». Calabre (1997) propose une approche

technico-économique de la filière qui consiste à décrire les étapes

techniques de la production et de la transformation conduisant à un

produit utilisable dans la consommation ou dans l’industrie.

Sans suivre Calabre (1997) à la lettre, ce chapitre évoque l’importance de

la culture du coton dans l’économie ivoirienne, les raisons socio-

économiques de la promotion de la culture du coton en Côte d’Ivoire,

l’historique du coton à travers l’évolution de la recherche scientifique. Il

situe les acteurs de la filière et présente les principales actions

d’encadrement et de promotion de la culture du coton.

3.1 L’importance de la culture du coton dans l’économie

Le coton est une des cultures les plus répandues dans les pays en voie de

développement. Elle constitue une source vitale de devises,

d'investissement et de croissance pour certains des pays les plus pauvres

du monde. En Afrique de l'Ouest et du Centre (AOC), le coton joue non

seulement un rôle important dans la croissance de l'économie mais aussi

dans le développement des zones rurales.

D'après le mémorandum de la Concertation des ministres de l'Agriculture

de l'AOC sur la filière coton, les 25-26 juin 2002 à Abidjan, la capitale

ivoirienne, au cours des trente dernières années, la production régionale a

été multipliée par cinq, passant de 445 000 tonnes environ au début des

années 70 à 2 373 000 tonnes en 2001/2002, en améliorant les revenus de

près de 2 millions de producteurs.

L'AOC a produit, en 2001/2002, 991 000 tonnes de coton-fibre, soit

environ 5% de la production mondiale. Les exportations de l’AOC

représentaient 15% des échanges mondiaux de coton en 2001/2002, ce qui

fait de la région le troisième exportateur mondial de coton, après les

Etats-Unis et l'Ouzbékistan. L'exportation de l'Afrique de l'Ouest et du

centre s'élève à 95% de sa production de fibre.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

38

Quant à l'Afrique de l'Ouest, avec près d'un million de tonnes de fibres

produites, 17% du marché mondial en 2002, le coton Ouest Africain

représente une des principales sources de revenus de nombreux pays de la

sous-région. Il contribue pour 50% à 80% des recettes d'exportation du

Mali, du Bénin, du Togo et du Burkina Faso (Abel, 2002, Goreux, 2003).

Avec une production de près de 180 000 tonnes de fibre dont

131 000 tonnes ont été exportées, la culture du coton était, au cours de la

campagne 1999/2000, la troisième culture d’exportation de Côte d’Ivoire

après le cacao et le café, avec un chiffre d’affaires de l’ordre de

120 milliards de FCFA. En aval, la transformation locale du coton-fibre

en textile crée environ 6 000 emplois. La culture du coton a permis

également un début d’industrialisation des régions Nord et Centre du

pays, avec 13 usines d’égrenage (produisant la fibre de coton en balles),

une filature (produisant divers types de tissus et de fils, etc.) et une usine

de trituration des graines (produisant de l’huile, du savon, des tourteaux,

etc.).

La culture du coton est la pierre angulaire de l’économie de la zone de

savane. Elle a généré en 1997/98, des revenus de 63 milliards FCFA pour

153 000 familles d’exploitants. La production de coton en Côte d’Ivoire

est le fait d’exploitations de quelques 2 ha en moyenne toutes cultures

confondues. Le nombre de planteurs est passé de moins de 50 000 en

1970 à plus de 160 000 en 2000. La position des sociétés cotonnières dans

l’ensemble de la filière coton est d’autant plus forte qu’elles ont la

maîtrise de l’encadrement de la production agricole, qu’elles gèrent

directement l’ensemble des activités industrielles de première

transformation et qu’elles ont le contrôle de la mise en marché au niveau

mondial de la fibre, confortées en cela par la présence de négociants

d’envergure dans leur capital. Environ 1 500 organisations

professionnelles agricoles (OPA) regroupant la plupart des planteurs sont

affiliées à des organisations faîtières dont les plus importantes sont

l’URESCOS-CI, la Coopérative Agricole de Cote d’Ivoire (COOPAGCI)

et la Coopérative des Exploitants Agricoles de Côte d’Ivoire (CEACI) qui

détiennent respectivement 75%, 15% et 7% des OPA.

Tous les maillons de la filière (producteurs, égreneurs, industries textiles

et de trituration, financiers et agences de service) sont représentés dans

une instance permanente dénommée INTER COTON. C’est un cadre de

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

39

concertation et de coordination ayant pour mandat de favoriser

l’organisation des relations au plan technique et contractuel entre les

intervenants de la filière, d’assurer le suivi de la campagne et la collecte,

l’analyse, la diffusion d’informations relatives à la filière, et de gérer la

fixation du prix d’achat du coton-graine.

L’égrenage du coton-graine est réalisé par les sociétés cotonnières avec

une capacité totale de 2720 tonnes/jour. En moyenne chaque année, 75 à

80% de la production de coton-fibre de Côte d’Ivoire est exportée vers

l’Europe et l’Asie, le reste est vendu aux sociétés nationales de filature et

de tissage. Les opérations de transformation qui concernent la trituration,

la filature, le tissage, la teinture, l’imprimerie et la confection sont

assurées par des unités industrielles dont les capacités sont données dans

le tableau 1.5.

Tableau 1.5 : Spécialités et capacités des entreprises de transformation

dans la filière coton

Opérations Entreprises Capacités Produits

Trituration Trituraf 180 000 T Tourteaux et huile

Filature et tissage

COTIVO

FTG

UTEXI

8 000 T

8 500 T

6000 T

Tissu et écru

Tissu et écru

Fil, tissu et écru

Teinture et

imprimerie

TEXICODI

UNIWAX

15 000 Km

20 000 Km

Pagnes fancy

Pagne wax et fancy

Confection Challenger

SAB

Pantalon jean

Sources : Enquêtes, 2004

Légende : COTIVO = Cotonnière Ivoirienne, FTG = Filature et Tissage Gonfreville,

UTEXI = Union Textile de Côte d’Ivoire, TEXICODI = Textile de Côte d’Ivoire.

L’industrie de trituration écoule sa production d’huile végétale et de

savon principalement sur le marché local, tandis que 50% du tourteau de

coton est vendu aux usines locales d’aliments pour bétail et le reste

exporté en Europe. Les unités de confection opérant en Côte d’Ivoire sont

de trois types : industriel, semi-artisanal et artisanal. Une seule unité

industrielle de confection est actuellement en opération en Côte d’Ivoire

(Challenger-SAB) produisant surtout sous licence les produits Wrangler.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

40

Les entreprises de type semi-artisanal sont limitées aux grands centres

urbains et comprennent des unités opérant avec quelques 6 à 20 machines

industrielles. Leurs productions sont destinées aux hôpitaux, écoles,

grandes surfaces, boutiques, etc. Une association de travailleurs de la

confection, de type syndical et couvrant une partie des petites et

moyennes entreprises (PME) de confection existe. Une multitude de

petites unités artisanales (pour la plupart de type informel, allant du

tailleur ambulant à l’arrière-boutique avec quelques machines manuelles

ou industrielles) desservent le grand public, principalement pour ce qui

concerne les vêtements courants. Le pagne est le principal produit textile

fini en Côte d'Ivoire; il est également le produit le plus consommé par les

Ivoiriens : environ 4 mètres de tissus par an et par habitant (BNETD,

2004).

3.2 Les raisons socio-économiques de l’introduction du coton

Ruttan (1984) récapitulant les modèles de développement agricole qui ont

le plus souvent influencé les conceptions pendant la période de l’après-

guerre jusqu’aux années 1970, a particulièrement insisté sur l’échec de la

plupart d’entre eux à « expliquer comment des conditions économiques

induisent le développement et l’adaptation d’un paquet technique efficace

dans une société donnée». Selon le modèle de l’innovation induite de

Ruttan et Hayami (1995), les innovations et la croissance de l’agriculture

résultent de la pression exercée par les paysans sur les instituts de

recherches publics ou privés pour qu’ils mettent au point de nouvelles

techniques permettant de surmonter des contraintes particulières. Koppel

(1995 a), Grabowski (1995) et De Janvry (1995) ont critiqué cette théorie

de l’innovation induite de Ruttan et Hayami en reprochant principalement

qu’elle ne précise pas dans quels contextes sociaux, économiques et

politiques la pression paysanne intervient. Répondant à cette critique,

Ruttan et Hayami (1995) ont reconnu qu’il manquait à leur modèle, une

« théorie de l’action » qui prend en compte les relations entre paysans et

institutions de recherche. Le modèle de « développement dirigé » de

Burmeister (1987 et 1995) tient justement compte des liens entre le

pouvoir politique, la recherche et la vulgarisation agricole. Basset (2002)

souligne que c’est ce modèle qui aide à comprendre la dynamique du

changement technique et de la croissance agricole en Côte d’Ivoire.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

41

Le gouvernement ivoirien a donné plusieurs justifications économiques et

sociales à l’introduction de la culture intensive du coton au Nord (Konan,

1990). La première est de parvenir à relever sensiblement le niveau du

revenu agricole, à stabiliser la population locale par la réduction des

migrations vers les villes et les régions rurales du Sud. La seconde raison

relève de la nécessité de diversifier les sources de revenu en dehors des

cultures pérennes (café et cacao). La politique de promotion de nouvelles

cultures comme le coton, le palmier à huile, l’ananas et plus tard la canne

à sucre était perçue comme un moyen de réduire la dépendance du pays

vis-à-vis des fluctuations du marché des deux produits de base. La

troisième raison est d’utiliser la culture du coton comme moyen

d’intensification de l’agriculture par l’utilisation de fertilisants, de

pesticides chimiques, d’outils mécaniques (attelage, motorisation). En

outre, cette agriculture devait déboucher sur la transformation industrielle

de la production. En ce sens, les producteurs de coton devaient désormais

fournir la matière première pour approvisionner les usines locales

d’égrenage, de trituration et de filature.

La culture du coton a bénéficié d’une forte intervention publique en

matière d’incitation. En effet, au fil des années, l’Etat a procédé à un

relèvement des prix au producteur. Ainsi, le prix d’achat de la première

qualité de coton est passé de 35 FCFA/kg en 1969-70 à 115 FCFA/kg en

1984-85 et à 200 FCFA/kg en 2004.

Bien que la tendance globale du prix soit à la hausse, on constate qu’avant

1995, le prix courant reste pratiquement stable sur de longues périodes :

de 1960 à 1974 où le prix a varié entre 35 et 45 FCFA/kg ; de 1977 à

1983, le prix a été de 80 FCFA/kg ; de 1985 à 1990, il a été de 115

FCFA/kg. Cependant, de 1970 à 1996, le prix d’achat au producteur a

quintuplé.

La fixation du prix au producteur est un processus déterminant de la

filière coton dans la mesure où elle influence le revenu de l’exploitant. On

remarque dans la figure 1.5 qu’il y a eu deux augmentations

spectaculaires du prix. La première, de près de 59 %, a eu lieu en 1975 et

la seconde, d’environ 69 %, est intervenue en 1994 avec l’arrivée au

pouvoir du second Président de la république après trois années de crise

sociopolitique. Depuis la privatisation de la CIDT en 1998 on assiste à

d’importantes fluctuations du prix d’une année à l’autre. Depuis cette

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

42

privatisation, on peut dire que le prix au producteur de coton est devenu

encore plus incertain.

-30

-20

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0

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19

99

20

01

Années

Var

iati

on

(%

)

Source : A partir des données de la CIDT et nos enquêtes, 2002

Figure 1.5 : Variation interannuelle du prix courant au producteur

de coton

Un autre élément de la politique d’incitation en faveur du coton est

représenté par la subvention aux intrants. En effet depuis 1966, la Caisse

de Stabilisation et de Soutien des Prix et des Productions Agricoles

(CSSPPA) subventionne les produits phytosanitaires (notamment les

traitements insecticides) appliqués sur le coton. A partir de 1978, l’avance

sur culture a été étendue aux semences et aux éléments fertilisants. Ces

subventions se sont situées au niveau record d’environ 49 300 FCFA/ha

en 1982-1983. Dans le même temps, le prix du coton est passé de

80 FCFA/kg à 115 FCFA/kg. Les subventions à l’équipement agricole

affectées à la culture du coton (traction animale et tracteur) furent

d’environ 30% du coût total des matériels de 1978 à 1983. De

165 millions de FCFA en 1970, la charge des subventions représentait en

1980 pour l’Etat ivoirien, environ sept milliards de FCFA par an, sans

compter les charges d’assistance et d’aides au défrichement, à la

mécanisation et à la réalisation des infrastructures. Ces subventions ont

été financées grâce aux excédents de trésorerie des filières café et cacao

gérées par la CSSPPA.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

43

Suite à la crise économique que traversait le pays et aggravée par la chute

du cours des principales matières premières sur le marché mondial (baisse

des cours du cacao, du café et du coton), le gouvernement avait supprimé

les subventions aux engrais de la culture du coton en 1984. Néanmoins,

elles ont été maintenues pour les insecticides et les semences.

3.3 L’évolution de la recherche cotonnière en Côte d’Ivoire

Selon le CIRAD (2003), l'histoire du coton est très ancienne. Des restes

de tissus en coton ont été exhumés dans la Vallée de l'Indus, à Mohenjo-

Daro et remontent à 3 200 ans avant J.C. et auraient été tissés à partir de

fibre du Gossypium arboreum. C'est à partir de l'Inde que le coton a

progressé vers le Moyen Orient, puis l'Égypte, l'Afrique et l'Europe.

Les premières introductions de cotonniers sur le continent africain se

situent entre 1725 et 1775. Des navires assurant la traite des noirs

rapportent d’Amérique, des variétés de cotonnier d’espèce Gossypium

barbadense (Hau, 1988). Toutes ces « nouvelles » variétés introduites se

sont substituées progressivement aux espèces locales qui sont

G. herbaceum et G. arboreum (Mahdavi, 1997) parce qu’elles avaient une

productivité et une qualité supérieures. Jusqu’au début du XXème

siècle, la

production de coton en Afrique reste anecdotique, aucun effort n’étant

réalisé pour l’encourager. Les différentes variétés sont cultivées pour

l’artisanat local (Godart et Furri, 1999).

Le développement de la culture cotonnière en Côte d’Ivoire se fonde sur

les progrès réalisés par les travaux de recherches agronomiques portant

sur l’amélioration variétale, la protection phytosanitaire et les techniques

culturales (Zagbaï, 1999). Il repose aussi sur l’effort de vulgarisation.

Depuis le début du XXème

siècle, on peut distinguer trois périodes

caractéristiques dans l’évolution de la recherche cotonnière en Côte

d’Ivoire.

3.3.1 Une première période de recherche par tâtonnements

La première période s’étend de 1900 à 1953. En 1902, un groupe privé de

filateurs français, voulant échapper au monopole des Etats-Unis pour le

coton et de l’Egypte pour la soie, crée l’association cotonnière coloniale

(ACC) qui installe sa direction pour l’Afrique de l’Ouest à Bouaké (au

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

44

centre du pays). Ce groupe se charge de toute la filière : expérimentations

agronomiques, conseils aux exploitants, égrenage et commercialisation

(Hau, 1988 ; Bassett, 2002).

En 1908, l’administration coloniale élabore un premier projet cotonnier

notamment pour la zone de Korhogo (Ecolog, 1999) et améliore les voies

de communication. En 1924, après la première guerre mondiale qui a

entraîné une baisse de la production, le Gouvernement général de

l’Afrique Occidentale Française (AOF) décide d’organiser la production

des plantes textiles et crée le Service des Textiles à Ségou au Mali. Ce

service se charge de l’expérimentation, de la vulgarisation et de

l’amélioration de la qualité technologique du produit tandis que l’ACC

s’occupe de l’achat, de l’égrenage, du pressage des balles, du classement

et de la commercialisation. L’espèce utilisée est le G. barbadense : il a un

cycle long de près de 200 jours, une tige d’environ 3,5 m de haut, un

potentiel de rendement compris entre 70 kg/ha et 250 kg/ha, un

rendement en fibres à l’égrenage de 34 %. L’ACC construit en 1924 la

première usine d’égrenage mécanique à Bouaké. Dans le même temps, un

programme d’amélioration variétale est lancé et la production nationale

atteint environ 3 000 tonnes en 1938.

En 1941, l’ACC change de statut et devient l’Union Cotonnière de

l’Empire Français (UCEF.) qui reprend l’ensemble des activités de la

filière : expérimentation, sélection, multiplication, conseils aux

agriculteurs, classement, égrenage et commercialisation. Les espèces

utilisées en cette période en Côte d’Ivoire étaient d’une part le

G. barbadense cultivar Ishan dont le rendement en fibres est de 34 % et

d’autre part, le G. hisrutum cultivar Nkourala en provenance du Mali.

En 1946, l’institut de recherche du coton et des textiles exotiques (IRCT)

est créé et installé à Bouaké. Il s’occupe de l’expérimentation et de la

sélection. L’UCEF se charge alors de l’encadrement, de l’égrenage et de

la commercialisation jusqu’en 1947. L’IRCT développe un programme de

sélection de G. hirsutum « Nkourala ». Cette variété semble se révéler

supérieure aux variétés locales (Hau, 1988). En effet, elle a un potentiel

de rendement de 230 à 250 kg/ha et 35 % de rendement en fibres contre

80-150 kg/ha et 28-32 % de fibres pour les variétés antérieures. En outre,

elle présente une immunité presque totale à la bactériose et aux maladies

virales, une bonne pilosité qui lui confère une résistance aux jassides et

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

45

une meilleure productivité en culture pure.

Cependant, la variété Nkourala a un port peu robuste qui s’accommode

assez mal de la culture associée en vigueur en ces temps-là. Sa floraison

plus précoce l’expose à la pression des chenilles des capsules. Elle n’a

donc pas été massivement adoptée par les paysans. En 1949, la CFDT est

créée avec un statut de société d’économie mixte à caractère industriel.

Elle se substitue à l’UCEF et s’occupe de la vulgarisation.

Suite à l’échec de Nkourala, les recherches sont reprises pour améliorer

davantage l’espèce G. barbadense. Vers 1953, la culture du coton s’étend

sur deux grandes zones de production qui approvisionnent deux usines.

La première est en zone Centre (Bouaké, Katiola, Béoumi, et Mankono)

avec une usine d’égrenage à Bouaké, la seconde en zone Nord (Boundiali,

Korhogo) avec une usine d’égrenage à Korhogo (Hau, 1988). En zone

Centre, la variété cultivée est : le « Local Bouaké », espèce

G. barbadense. La fibre est blanche, brillante et relativement courte

(24 mm). Au nord, la variété cultivée est le « Babo » appartenant comme

le « Local Bouake » à l’espèce G. barbadense. Il est sensible à la

bactériose et aux maladies virales et produit une fibre jaunâtre.

3.3.2 Une seconde période marquée par la sélection massale

La seconde période (1954 à 1960) marque l’introduction de la variété

« Mono ». La variété « Mono » introduite du Dahomey (actuel Bénin),

produit d’une sélection massale, se montre assez plastique aux conditions

du milieu. Le « Mono » représente un progrès appréciable de la recherche

agronomique par rapport aux variétés locales : il a une bonne pilosité qui

lui permet de supporter les attaques des jassides en culture non protégée.

Il est alors diffusé en priorité dans les zones du nord en remplacement du

« Babo » a potentiel de rendement relativement plus faible. Hau (1988)

note qu’en 1960, le Mono s’était substitué aux variétés de coton

vulgarisées en Côte d’Ivoire.

La grande taille de G. barbadense qui lui permet de s’adapter à

l’association culturale n’est plus intéressante pour les nouvelles

techniques agricoles basées sur la culture pure. La sélection des variétés

de G. barbadense est donc abandonnée par l’IRCT pour reprendre celle

de G. hirsutum. De 1960 à 1970, il réussit à adapter la variété G. hirsutum

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

46

type Allen aux conditions locales. Allen a été obtenue aux USA par

J.B. ALLEN en 1896 (Hau, 1988). Elle se caractérise par un port élancé,

des capsules moyennes à petites, des fibres longues et soyeuses, un

rendement à l’égrenage de 29 %. Importée en Ouganda vers 1900, Allen

arrive au Nigeria en 1912, puis au Tchad en 1945. L’IRCT introduit

l’Allen à Bouaké en 1952. Différentes vagues de sélection se succèdent :

Allen 150, 151 et 333.

En 1963 la variété Allen est vulgarisée chez les paysans du Nord.

En 1966, elle se substitue totalement au Mono. Son potentiel de

rendement atteint les 1 300 kg/ha avec un taux de 37,7 % de fibres à

l’égrenage. L’Allen transforme donc le paysage agricole ivoirien du

Centre au Nord. Le coton y devient la principale spéculation de rapport,

mettant en jeu de nouvelles techniques culturales : utilisation d’insecticide

et d’engrais, culture pure, semis et récolte groupés à des périodes précises.

A l’indépendance en 1960, le gouvernement ivoirien apporte un appui

décisif à l’IRCT (organisme de recherche) et à la CFDT (organisme de

vulgarisation). En effet, il subventionne l’engrais et accorde la gratuité

des produits insecticides.

3.3.3 Une troisième période marquée par les croisements

La première phase de la troisième période (1969–1984) se caractérise par

l’introduction des variétés Har issues du croisement de G. hirsutum,

G. arboreum et G. raimondii. Le nom Har est justement composé des

initiales de ces trois noms. Plusieurs lignées Har ont été obtenues et se

sont révélées relativement plus intéressantes que Allen (tableau 1.6).

Tableau 1.6 : Production et rendement en fibre comparés des variétés

Allen et Har

Variétés Production en kg/ha Rendement fibre en %

Allen 333-57a

Har 444-2-64a

Har 444-2-70b

Har L231-24-70b

Har L299-10-70b

Har T120-7c

1 209

1 220

1 510

1 491

2 199

2 294

41,7

42,5

40,7

41,3

41,9

42,2 Sources: (a) IRCT, 1966 ; (b) IRCT, 1978, (c) Hau (1988)

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

47

La variété Har est vulgarisée jusqu’en 1984, année où elle est remplacée

par la variété Isa, vulgarisée de 1983 à 1987. Depuis 1972, les travaux de

recherches variétales utilisent les théories de la génétique quantitative.

Ces dernières permettent de mieux comprendre le déterminisme génétique

des caractères sélectionnés et, partant, d’orienter des stratégies de

sélection plus efficaces. Aussi, plusieurs croisements diallèles sont-ils

entrepris entre variétés Har (Lefort et Schwendima, 1974 ; Hau et

Merdinoglu, 1982) ou entre variétés d’origine américaine (Cateland et

Schwendiman, 1976). Les lignées L299-10, L231-24 et L142-9 obtenues

sont ensuite croisées permettant alors d’isoler une souche exceptionnelle,

la N 205-3. Cette dernière a donné naissance à la variété ISA 205 qui

marque un progrès sensible de la recherche agronomique en matière

d’amélioration du rendement à l’égrenage. En effet, ce rendement se situe

désormais au niveau de 44,3 % contre 42,1% pour la meilleure variété du

moment, la T120-7. Le potentiel de rendement de Isa 205 est de

2 433 kg/ha contre 2 243 kg/ha pour T120-7. Isa 205 a donc été la variété

vulgarisée en priorité à partir de 1984.

Parallèlement au lancement de Isa 205, les travaux de recherche se

poursuivent et visent à mieux exploiter l’amande de la graine de coton,

riche en huile et en protéine. Au niveau du traitement à l’usine, on pense à

éliminer le gossypol, composé toxique. L’ère du coton sans glandes

commence. Le caractère « absence de glandes » a été découvert chez le

cotonnier par un chercheur américain en 1957. Dès 1960, ce génotype a

été introduit au Tchad et c’est dans ce pays qu’ont été créées les

premières variétés de coton sans glandes en Afrique. Mais, c’est

seulement en 1974 que ces variétés sans glandes sont introduites en Côte

d’Ivoire. Par la technique du « back-cross » (croisement retour), l’IRCT

met au point trois premiers cultivars : ISA-BC1, ISA-BC2 et ISA-BC4.

Ces variétés ont été cultivées en milieu paysan de 1980 à 1995. En 1984

par exemple, la variété Isa BC2 occupait 23 736 ha (Hau, 1988).

Le coton sans glandes a un potentiel de rendement d’environ 1 300 kg/ha.

Son rendement en huile est amélioré de 1 %. Son tourteau entre

facilement dans la composition des aliments du bétail (notamment porc et

volailles) et sa farine s’est révélée utilisable en alimentation humaine.

Celle-ci a été expérimentée avec succès à l’Institut national de santé

publique à Abidjan pour la réhabilitation d’enfants atteints de

kwashiorkor-marasme. Avec le coton sans glandes, le cotonnier devenait

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

48

une culture à usage diversifié, permettant de développer l’industrie textile

aussi bien que l’industrie alimentaire. En 1987, les cotonniers sans

glandes ne sont pas vulgarisés en raison de leur faible performance en

fibres par rapport à la variété Isa 205. Les recherches se poursuivent sans

relâche et, à partir de 1989, de nouvelles variétés sans glandes meilleures

que Isa 205 sont mises au point (tableau 1.7). Mais, ces dernières ne

contiennent pas de gossypol dans les glandes et, par conséquent, sont

sensibles aux insectes. A Gembloux, les recherches du professeur Guy

Mergeai qui visent à éliminer le gossypol seulement dans la graine du

cotonnier pourraient apporter une solution satisfaisante à ce problème.

Tableau 1.7 : Comparaison des rendements de Isa 205 avec variétés sans

glandes

Variétés Rendement (kg/ha) Rendement fibre (%)

Isa 205 (à glandes)

Isa BC 4 (sans glandes)

Isa LP5 (sans glandes

Isa GL6 (sans glandes)

2 213

2 158

2 048

2 275

44,7

42,7

45,3

46,2

Source : adapté de Hau, 1988

L’effort de recherche a donc permis de proposer un grand nombre de

variétés de coton durant une longue période. Cependant, les résultats de

ces recherches ne sauraient parvenir aux paysans sans la mise en place

d’un processus de transfert des connaissances. L’ACC entreprend la

vulgarisation du cotonnier de 1902 à 1924, la ST prend son relais de 1924

à 1941, l’ACC devenue UCEF se substitue à la ST de 1942 à 1949 avant

de céder la place à la CFDT de 1949 à 1973. La CIDT remplace la CFDT

de 1974 à 1998 où elle est privatisée. L’institut des savanes (IDESSA) a

été créé en 1986 en remplacement de l’IRCT. Le Centre National de

Recherche Agronomique a été créé en 1998 et a repris les activités de

l’IDESSA qui a été dissout la même année.

Page 73: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

49

3.4 L’encadrement de la culture du coton

3.4.1 Les grandes lignes du rôle de la CIDT

Depuis la date de sa création en 1949 jusqu’en 1973, la CFDT s’est

occupée de l’encadrement de la culture du coton. La CIDT a pris le relais

en 1974. C’était une société d’économie mixte au capital de 7,2 milliards,

dont 70 % appartenaient à l’Etat ivoirien et 30 % à l’Etat français

représenté par la CFDT. Dans un premier temps, la CIDT a eu pour

fonction la mise en œuvre de l’ensemble de la filière coton. Elle

intervenait en amont de la production dans l’approvisionnement en

intrants (semences, engrais, insecticides, herbicides). Elle intervenait

aussi en aval pour assurer la collecte, le transport, l’égrenage et la

commercialisation. Dans un second temps, le rôle de la CIDT s’était

étendu à la majorité des cultures présentes en zone de savanes.

L’encadrement coton recouvre plusieurs domaines d’activités :

La vulgarisation agricole qui recouvre :

la définition des recommandations techniques,

la préparation des supports pédagogiques,

la formation des formateurs et des agriculteurs,

le suivi des itinéraires techniques,

la mise en place et l’application des innovations techniques,

le suivi de l’utilisation des matériels agricoles,

la fourniture des statistiques liées à la production cotonnière,

l’appui au suivi sanitaire des bœufs de culture attelée,

l’appui à l’opération d’alphabétisation fonctionnelle.

La définition des objectifs de production et le recensement des intentions

des producteurs qui comprennent :

la collecte et le traitement des données,

la planification de la production,

l’estimation de la production de coton-graine.

Page 74: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

50

La fourniture des intrants et du matériel agricole aux agriculteurs, qui

recouvre :

l’estimation des besoins des agriculteurs,

les appels d’offre,

la commande, le transport, la mise en place et le financement des

intrants et du matériel agricole,

la fabrication des semences de coton,

le recouvrement du crédit agricole.

La recherche cotonnière qui concerne :

la définition des programmes de recherche,

la conduite des essais sur les points d’observation (PO) en milieu

paysan.

La commercialisation du coton-graine qui comprend :

la planification de la commercialisation,

le programme du ramassage, du transport, du contrôle de la

qualité, du financement et du payement du coton-graine.

L’appui aux organisations professionnelles agricoles (OPA) qui

recouvre :

la création des OPA,

la formation des coopérateurs,

l’appui à la gestion, le financement, le suivi, le contrôle et

l’évaluation des OPA.

La gestion durable des sols qui concerne :

la fumure organique,

la défense, la restauration, l’aménagement et la protection des

sols.

L’entretien des pistes de desserte qui se résume à :

l’identification des tronçons à entretenir et l’élaboration du

programme d’entretien,

l’évaluation du coût des travaux et l’appel d’offre,

le suivi et le contrôle de l’exécution, le financement et le

payement des travaux.

Page 75: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

51

On peut dire que la fonction d’encadrement de la filière coton en Côte

d’Ivoire a connu trois grandes périodes depuis les années 50 à ce jour. La

première période s’étend de 1950 à 1973. Elle aura été marquée par la

CFDT et par l’IRCT. En 1963, le gouvernement a signé un accord avec la

CFDT en vue de renforcer ses efforts de vulgarisation du coton. Jusqu’en

1966, les coûts de l’encadrement et de la vulgarisation étaient supportés

par le fonds d’aide et de coopération (FAC) de la France. A partir de cette

date, ces coûts étaient devenus à charge du Budget spécial

d’investissement et d’équipement (BSIE) de la Côte d’Ivoire. En 1973, la

CFDT et le gouvernement ivoirien révisent leur convention et la première

se retire de son rôle d’encadreur. Selon Sawadogo (1977), jusqu’en 1973,

la filière coton enregistrait un déficit annuel d’environ 500 millions de

FCFA imputés essentiellement aux subventions. Ce déficit était couvert

par des transferts de surplus financiers issus des autres filières,

notamment le café et le cacao.

La seconde période s’étend de 1973 à 1998 et consacre le rôle de la

CIDT. Ce rôle a évolué peu à peu d’un encadrement exclusif de la culture

du coton vers un encadrement diversifié au profit des cultures vivrières,

notamment le riz et le maïs. Auparavant, le riz avait été encadré par un

organisme spécialisé, la Société pour le développement de la riziculture

(SODERIZ) à partir de 1970. Cette structure avait la responsabilité de la

gestion des ouvrages d’irrigation et de la vulgarisation des techniques de

production intensive du riz dans la région. Elle livrait, gratuitement aux

paysans, les semences, les engrais et les insecticides pour des superficies

inférieures ou égales à 1 ha. L’exploitant prenait en compte le coût

supplémentaire des engrais lorsque ses superficies étaient supérieures à

1 ha. Mais, en 1977, la SODERIZ a été dissoute. Cela a entraîné

l’extension du rôle de la CIDT aux cultures vivrières.

La troisième période va de 1998 à nos jours. Elle se caractérise par la

libéralisation de la filière cotonnière et une plus grande prise de

conscience des producteurs. Nous y reviendrons dans la suite (voir § 3.8

et 3.9 de ce même chapitre).

Page 76: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

52

3.4.2 L’approvisionnement en intrants

Trois types d’intrants sont fournis aux paysans : les semences, l’ensemble

des produits chimiques et les matériels agricoles. La figure 1.6 résume le

circuit de distribution des herbicides entre la firme et l’exploitant. La

firme cède l’intrant à crédit à l’OPA qui le rétrocède à crédit au paysan.

Le remboursement se fait dans un délai d’environ 12 mois avec un taux

d’intérêt de près de 10 %.

Le système d’approvisionnement en herbicides, des engrais et des

insecticides a l’avantage de mettre les OPA en relation directe avec les

firmes et d’accroître leurs responsabilités dans les stratégies de gestion de

leurs activités. Il favorise une certaine concurrence entre les firmes et

permet souvent de réduire les prix offerts aux paysans.

3.4.3 La collecte du coton

La fonction de collecte et d’achat de la production de coton-graine

relevait du monopole de la CIDT. La production est regroupée dans des

magasins par les paysans avec la liste des exploitants et la quantité de

production individuelle. Le pesage se fait par les agents de la CIDT en

présence des gérants des associations représentant les paysans. Ces

derniers assurent le chargement des camions tandis que la CIDT

transporte le produit vers l’usine d’égrenage. Le classement de la

production en première ou seconde qualité est déterminé par l’usine au

moment où elle reçoit le produit. Elle procède à un nouveau pesage du

produit qui est payé suivant la qualité et le poids ainsi déterminés. Avec le

désengagement progressif de la CIDT, certaines coopératives parviennent

à transporter leur production à l’usine. A la faveur de la privatisation, les

usiniers assurent la collecte du produit, avec une participation de plus en

plus importante des OPA.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

53

3.4.4 Le stockage, la commercialisation et l’égrenage

Au niveau de l’exploitant, les contraintes de main-d’œuvre entraînent une

réduction de la fréquence des récoltes. Il s’ensuit un stockage du coton-

graine sur pied. Le paysan conserve parfois sa récolte en tas sur la

parcelle, au contact du sol. La commercialisation du coton se fait suivant

un calendrier différent de celui du rythme des récoltes, ce qui rend le

stockage inéluctable au village, dans des cases ou des magasins souvent

peu adaptés. Cela peut entraîner une baisse de la qualité du produit.

Coopérateur

Coopérative ou

section de

coopérative

Union de

coopératives

ou faîtière

Firmes

Utilise au mieux les intrants reçus

à crédit et rembourse la valeur à

la fin de la campagne

Reçoit, emmagasine,

redistribue les intrants et reçoit

les remboursements du paysan.

Vérifie la conformité des

intrants reçus de la firme

et les redistribue aux

coopératives

Recouvre le crédit auprès de

l’union des coopératives ou

de la faîtière

Définit ses propres besoins

en intrants

Elabore le plan de

campagne à partir des

besoins des membres

Agrège les besoins, négocie

avec les firmes en vue de

réduire les prix et passe une

commande groupée

Réceptionne les

demandes, les analyse et

répond

Figure 1.6 : Circuit de distribution des herbicides

Source : adapté de Assi, 1997

Légendes : Expression des besoins et flux financiers

Réponses aux besoins exprimés

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

54

L’usine stocke aussi du coton-graine puisque les quantités livrées

excèdent parfois sa capacité de traitement journalier. Les conditions

d’humidité atmosphérique entraînent une certaine détérioration de la

qualité du coton-graine dans les différents lieux de stockage. Toutefois,

en dernier ressort, c’est l’usine qui détermine la qualité du produit, à

l’insu et parfois, au détriment du paysan.

3.4.5 Le financement de la filière

Avant la privatisation de la filière, le mode de financement représentait un

support à la vulgarisation du coton. Chaque année, le gouvernement

négociait avec la CIDT un barème qui déterminait le coût des activités.

Lorsque le cours mondial était supérieur à ce coût, la CIDT devait verser

la différence à la CSSPPA (ou CAISTAB). Lorsque le prix de vente était

inférieur, c’était la CAISTAB qui apportait la différence à la CIDT.

Cependant, Bisson (1989) souligne que ce barème ne permettait pas de

déterminer la valeur ajoutée de la filière car :

il incorporait des subventions octroyées par le gouvernement à

l’agriculture des savanes de sorte à équilibrer les revenus entre les

différentes régions du pays,

il comprenait les coûts de l’encadrement et du processus de

modernisation de l’agriculture en région des savanes,

il était calculé en tenant compte de toutes les taxes y compris

celles à l’exportation,

il supportait les frais financiers dus aux retards de versement de la

CAISTAB et il ne tenait pas compte des dépenses imprévues de la

CIDT (diverses charges sociales et imprévus physiques).

Les semences et les insecticides étaient entièrement subventionnés par

l’Etat et étaient donc fournis gratuitement aux paysans. Seuls les engrais

et les herbicides leur étaient vendus par un système de crédit de

campagne. Mais, suite à la crise économique que traversait le pays depuis

1980, en 1984, les subventions aux engrais et aux herbicides ont été

supprimées. Elles ont coûté environ 1,5 milliards de FCFA en 1981 et

en 1982, alors que celles des insecticides ont coûté près de 1,4 milliards

(Beenhakker et Bruzelius, 1984).

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

55

3.5 Les difficultés de la CIDT

Les subventions à l’agriculture étaient devenues difficilement

supportables par le budget de l’Etat compte tenu de la longue récession

qui a conduit à une série d’ajustements structurels jusqu’à ce jour. Par

exemple, le déficit du secteur public qui était à peine de 2 % du PIB

en 1975, était passé à 8,5 % en 1978 et à environ 12 % en 1980. Le déficit

des transactions courantes qui était de près de 10,6 % du PIB en 1978,

s’établissait à près de 17,4 % en 1980. Le ratio de la dette qui était de

13 % en 1978 était passé à 24,7 % en 1980 (Kouadio, 1993). Les

difficultés économiques rencontrées par le pays persistaient. Le PIB par

tête avait chuté continuellement en termes réels. Le ratio du service de la

dette se situait à 36 % en 1986. Dans les programmes de stabilisation

macro-économique et d’ajustement structurel mis en œuvre par les

pouvoirs publics, les organismes internationaux (Banque mondiale, FMI)

recommandaient la réduction voire la suppression des subventions à la

production et aux intrants agricoles. Les conséquences de la suppression

des subventions et du désengagement de l’Etat se répercutent sur toute la

filière et abouti à ce qu’on pourrait appeler la crise de la CIDT. En 1991,

le déficit cumulé est estimé à près de 67 milliards. Une des faiblesses de

la filière est sa forte dépendance vis-à-vis du marché mondial où le pays

n’a aucune influence notable sur le processus de fixation du prix

international.

Pour rétablir les équilibres macro-économiques, le gouvernement

entreprend des programmes d’ajustement structurel avec le soutien de la

Banque Mondiale et du FMI. Les objectifs de cette stratégie d’ajustement

sont les suivants :

l’amélioration de la sécurité alimentaire et la diversification des

productions,

l’amélioration de l’efficacité de l’encadrement-formation-

recherche,

l’organisation professionnelle des filières agro-industrielles et la

promotion du réseau coopératif,

le développement et la promotion du secteur moderne de l’élevage

et de la pêche sur la base de l’initiative privée.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

56

Plus spécifiquement, le plan à moyen terme suggère de procéder à la

relance de la filière coton en vue d’en assurer l’équilibre financier sur la

base des actions suivantes :

la mise en place d’un nouveau mécanisme de régulation des prix

permettant une meilleure répartition des risques entre les

différents opérateurs et la création d’un fonds de garantie du coton

géré par un comité tripartite (gouvernement, CIDT et exploitants),

l’organisation et la responsabilisation des paysans par la

consolidation du réseau coopératif,

la baisse des coûts de l’encadrement et le transfert progressif aux

coopératives du rôle d’approvisionnement en intrants,

l’amélioration de la qualité et la spécialisation régionale de la

production par la poursuite des actions de recherche variétale pour

le coton à fibres longues et du cotonnier sans glandes ainsi que

par l’amélioration du processus industriel.

En 1991, l’Etat signe une convention cadre d’une durée de cinq ans avec

la CIDT sur les bases qui précèdent, en vue de restructurer la filière.

L’application de cette convention entraîne une relative baisse des coûts de

revient mais une certaine fragilisation du monopole de la CIDT.

En effet, entre 1983 et 1990-1991, le coût de revient du coton fibre

ivoirien a baissé de 34 %. Cette performance est attribuable à une

réduction du coût de l’encadrement de la filière par la CIDT. Par exemple,

le coût de l’encadrement est passé de 17 % du prix de la fibre en 1983 à

environ 12 % en 1987-1991. En valeur absolue, ce coût de l’encadrement

est passé, en francs courants, de 121 228 FCFA la tonne en 1983 à

52 830 FCFA la tonne en 1990, soit une baisse de près de 56 %. Les coûts

de transformation et de commercialisation chutent de 12 % sur la période

de 1983 à 1990 tandis que la production s’accroît de 105 %. La CIDT a

donc amélioré son efficience en accroissant la production avec des coûts

plus réduits.

En 1997, pour la région de Korhogo, la CIDT payait un salaire à

76 conseillers agricoles (autrefois appelés moniteurs), 10 observateurs en

milieu paysan, 10 techniciens spécialistes de l’association agriculture-

élevage et 14 divers agents. Chacun des conseillers agricoles assurait le

suivi de 11 villages, 325 paysans et 644 hectares de coton (ECOLOG,

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

57

1999). Par contre en 1986, la même région était encadrée par

258 moniteurs dont chacun suivait près de 103 paysans et 255 hectares de

coton. Il y a donc eu une réduction du personnel et des charges

d’encadrement et cela annonçait une nouvelle ère, celle de la

privatisation.

3.6 La privatisation de la CIDT

3.6.1 Les prémisses de la privatisation

L’accroissement de la production cotonnière a longtemps reposé sur le

soutien financier de l’Etat au fonctionnement de chaque segment de la

filière. Outre les exemptions fiscales et les exonérations de douanes dont

bénéficient les industriels qui opèrent dans la filière, ce soutien s’est aussi

manifesté par d’importantes subventions aux prix de cession du coton

fibre. Depuis les années 1980 déjà, suite à la crise économique que

traverse le pays, la réduction des subventions et des avantages financiers

consentis par l’Etat à la filière coton est devenue indispensable. Mais, en

plus de la suppression des subventions aux intrants, les planteurs entrent,

dès la fin des années 1980, dans une période d’incertitude relative au prix

d’achat de leur produit.

Le modèle CIDT a pourtant connu des succès remarquables. Il a permis

de quintupler la production cotonnière qui est passée de près de

60 000 tonnes en 1970 à environ 337 000 tonnes en 1997. Les superficies

ont été quadruplées, passant de 60 000 ha à 244 000 ha sur la même

période alors que les rendements sont passés de près de 1 000 kg/ha à

environ 1 400 kg/ha. On peut donc dire qu’au moment même de la

privatisation, la CIDT représente un capital productif assez important

pour l’économie du Nord de la Côte d’Ivoire. La privatisation de la CIDT

est le résultat conjoint :

d’un mouvement de libéralisation de la filière amorcé dès l’arrêt

des subventions de l’Etat. Ce mouvement est poursuivi à travers le

relèvement du coût des intrants, la baisse des prix réels d’achat

aux exploitants, le repli de l’Etat des opérations d’encadrement

des paysans, l’adoption d’un vaste plan de restructuration de la

CIDT qui a abouti au licenciement de plus de mille agents,

Page 82: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

58

de l’accélération du programme de privatisation mené à la

demande des institutions de Breton Woods (Banque Mondiale,

FMI) qui, d’une certaine manière, exigent le retrait de l’Etat du

capital de la CIDT.

La privatisation de la CIDT constitue un test pour la politique de

libéralisation des filières agricoles en Côte d’Ivoire. Elle est l’une des

conditions posées par les bailleurs de fonds en 1997 avant le déblocage de

la seconde tranche du crédit à l’ajustement du secteur agricole (CASA)

estimé à 225 millions de francs français.

En juin 1994, sous la pression des bailleurs de fonds, le gouvernement

entreprend de privatiser une soixantaine d’entreprises. Un comité de

privatisation et de restructuration du secteur parapublic se met alors en

place en 1995 dans le cadre d’un programme de relance économique et de

stabilisation. Les objectifs de la libéralisation de la filière coton sont

d’augmenter la productivité et la compétitivité du secteur sur le marché

mondial, de réduire puis de supprimer les subventions de l’Etat à la

filière, d’assurer un débouché à la production villageoise et d’accroître les

capacités d’autofinancement du secteur. En septembre 1996, le

gouvernement adopte une stratégie de privatisation de la CIDT qui

prévoit une partition de l’espace cotonnier en trois lots. Il s’agit du lot

Nord-est, du lot Nord-ouest et du lot Centre appelé « la CIDT nouvelle ».

3.6.2 Les divergences autour de la question de la privatisation

Le processus de libéralisation du secteur coton ivoirien a permis de

révéler deux conceptions de la filière relativement opposées. Les deux

modèles qui s’affrontent sont toutefois d’origine exogène au milieu

paysan et même au gouvernement. La première conception soutenue par

la CFDT souhaite une réforme restreinte conservant le système de

monopole/monopsone de la CIDT de sorte à :

réduire l’écart entre le prix à la production du coton-graine et le

cours mondial de la fibre de coton

impliquer davantage le paysan dans le processus de fixation des

prix et les privés dans celui du transport et de l’approvisionnement

en intrants,

ne plus subventionner les filateurs et les triturateurs.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

59

Contrairement à une réforme tous azimuts, la conception de la CFDT

permettait de ne pas supprimer certains atouts du système intégré qui était

en place, notamment le régime d’agriculture contractuelle, qui permet

d’assurer le recouvrement des coûts de la recherche et de la vulgarisation,

ainsi qu’un fort taux de recouvrement des crédits à l’achat d’intrants. Elle

permettrait probablement aussi de mieux aligner les prix du coton graine

sur les cours mondiaux du coton fibre.

Mais, la CIDT détiendrait encore le monopole de l’encadrement et de la

commercialisation de la graine et de la fibre de coton. Le prix bord champ

du coton-graine serait fixé unilatéralement par la CIDT. Le crédit de

campagne (achat des intrants) serait systématiquement déduit de la valeur

du coton-graine payée à l’exploitant.

Cette option offre donc peu de chance de réussir, parce que, d’une part, il

est peu probable que la CIDT et la CAISTAB rétrocèdent volontairement

une part importante du revenu de la filière à l’exploitant. D’autre part, le

processus de fixation des prix mettrait en jeu des groupes d’intérêt de

nature éminemment politique. Il serait d’ailleurs plus facile pour la CIDT

de jouer la carte du pouvoir politique et du clientélisme de l’exploitant

que de la transparence. D’ailleurs, la nomination du directeur général de

la CIDT relevait du gouvernement et donc du pouvoir politique.

Les bénéfices générés par la filière ne profiteraient pas assez à

l’exploitant, le paternalisme sous-jacent ne permettrait ni une

émancipation rapide ni une maîtrise des actions d’autopromotion du

paysan dont le rôle serait toujours limité simplement à la production avec

une capacité réduite de négociation sur les prix.

Ces critiques alimentent la seconde conception qui se fonde sur le courant

de l’économie libérale et est défendue par la Banque Mondiale qui exige

une ouverture de la concurrence à tous les niveaux de la filière pour

permettre :

le relèvement et un meilleur alignement des prix à la production

sur les cours mondiaux,

une fixation plus efficiente des prix des intrants agricoles et des

services d’appui à l’agriculture,

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

60

un renforcement des activités publiques connexes, en particulier

dans les domaines de la recherche, de la vulgarisation et de

l’action phytosanitaire,

un renforcement des capacités institutionnelles d’organisation et

de négociation des associations paysannes,

la réduction des taxes au sein de la filière.

Le gouvernement ivoirien a adopté l’option libérale, assurément sous la

pression des bailleurs de fonds. La CFDT s’y oppose évidemment en

arguant que le démantèlement de la CIDT peut entraîner un accroissement

des coûts fixes et que la concurrence attendue pourrait être empêchée par

l’état d’enclavement de certaines zones de production.

En définitive, la zone cotonnière ivoirienne a été scindée en quatre zones

Cette privatisation s’est réalisée en mai 1998 et a modifié la structure de

la filière coton ivoirienne. On est passé d’une filière intégrée, à une filière

libéralisée dans laquelle quatre structures se partagent la zone cotonnière.

Il s’agit, comme le montre la figure 1.8, de :

Ivoire coton (IC) au Nord-ouest, groupe privé

La compagnie cotonnière ivoirienne (LCCI), groupe privé

la CIDT nouvelle ou résiduelle au Sud et au Centre, détenue par

l’Etat,

et de l’ANADER, dépendant de l’Etat qui, à l’exception des trois

autres structures (égreneuses), ne fait que l’encadrement dans les

zones marginales à l’Est. Alors que les trois groupes

précédemment mentionnés sont des industriels, l’ANADER n’est

qu’une simple structure d’encadrement. La production de la zone

couverte par l’ANADER est vendue en priorité à la CIDT.

A côté de ces quatre structures, les paysans constituent une entité non

négligeable parmi les acteurs de la filière.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

61

Réserve

de la

Comoé

100 km100 km100 km100 km

de

Kossou

Lac

LIB

ER

IAMALI BURKINA FASO

GU

INE

E

GH

AN

A

de

Kossou

Lac

LIB

ER

IAMALI BURKINA FASO

ABIDJAN

G o u lia

Marandala

D iaw ala

D alo a

Bo u afléY A MO U SSO U K RO Bo n g o u an o u

M'b ah iak roBéo u mi

Tan d a

Zu én o u la

V av o u a

TiénigbouéK atio la

N assian

K o u n ah iri

N iak araD ik o

N ap ié

Mo ro n d o

D ab ak ala

K an iSarh ala

Bo u n a

N iellé

Mad in an i

K asséré

G b o n

Tin g réla

Sin ématiali

Sirasso

Téh in iFerk éO d ien n é

Tien k o

To u b aBo n d o u k o u

O n d éfid u o

Bo u ak é

N io fo in

Zone LCCI

Zone CIDT

Zone Ivoire Coton

Répartition des zones cotonnières en Cote d'Ivoire

Zone de développement ANADER

Figure 1.7 : Répartition des zones cotonnières en Côte d’Ivoire Source : Adapté par l’auteur de Ochou, 2004.

San-Pedro

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

62

3.7 Les acteurs de la filière

Les acteurs de la filière sont les paysans et leurs différents niveaux

d’organisation, les organismes d’encadrement et de conseil agricole, les

industriels égreneurs, triturateurs ou filateurs, les transporteurs et les

autorités publiques. La figure 1.9 résume leurs liens.

Légende : Conseil technique

Feed-back

Flux d’argent

Flux de produit

Figure 1.8 : Les acteurs de la filière coton et leurs principaux liens

Egreneur

Filateur Triturateur

Vulgarisateur

Gouvernement

Recherche

agronomique

Fournisseur

d’intrants

Producteur

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

63

Le transporteur joue un rôle primordial dans la filière : il transporte le

coton-graine du producteur à l’égreneur, la graine et la fibre de coton de

l’égreneur respectivement au triturateur et au filateur, les intrants du

fournisseur à l’égreneur et au producteur. Le conseil technique est élaboré

par la recherche agronomique à la suite de plusieurs séries

d’expérimentations en station (micro-parcelles) et en milieu paysan

(parcelles dites en vraie grandeur). Le feed-back permet d’apprécier la

réaction de l’exploitant et l’efficience du conseil s’il est adopté. Le flux

de produit concerne soit le coton-graine lorsqu’il part du producteur, la

graine et/ou la fibre partant de l’égreneur vers le triturateur ou vers le

filateur, les intrants au départ du fournisseur vers l’exploitant. La relation

entre le fournisseur et l’exploitant est assez récente, elle s’instaure et se

renforce après la privatisation de la filière. Le flux d’argent est soit le

payement du produit, soit du salaire.

Le gouvernement est présent au sein de la filière coton par la définition et

le soutien de la politique sectorielle ainsi que du cadre institutionnel. Il

intervient à travers la CIDT, l’ANADER, la recherche agronomique et le

Ministère de l’agriculture. Sous la tutelle de ce dernier, l’ANADER

assure l’encadrement des OPA (associations formelles ou informelles de

paysans).

3.8 La place des paysans dans la filière coton

3.8.1 Aperçu historique du mouvement coopératif

L’histoire du mouvement coopératif ivoirien remonte à la période pré-

coloniale. La philosophie et la pratique coopératives y trouvent leurs

origines à travers divers types d’associations d’entraide et de travaux

collectifs. Ces associations étaient caractérisées par l’autodétermination et

par la recherche de la cohésion sociale.

De 1910 à 1959, le colonisateur s’est appuyé sur cette base pour assurer la

production et la commercialisation des produits agricoles dans un système

de travaux forcés. Il a ainsi créé successivement, les Sociétés indigènes de

prévoyance (SIP), les Sociétés mutuelles de promotion rurale (SMPR) et

les Sociétés mutuelles de développement rural (SMDR). Ces structures

coloniales avaient pour fonction, l’approvisionnement en matériels et en

intrants agricoles, la distribution du crédit agricole, la commercialisation

des produits, l’aide sociale.

Page 88: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

64

Les premiers efforts de l’administration ivoirienne en faveur des

coopératives remontent à 1959 avec la création du Centre national de la

coopération et de la mutualité agricole (CNCMA). Ce dernier devait

favoriser la formation des planteurs de café et de cacao en vue de la

production et de la commercialisation de leurs produits. Il s’agissait

principalement, en lieu et place des structures coloniales (SIP, SMPR,

SMDR), de mettre en place des structures plus souples en vue de la

coordination de l’approvisionnement en intrants (semences, fertilisants et

pesticides, équipements) et de l’écoulement des productions.

Jusqu’en 1964, les opérations de commercialisation ne semblent pas être

maîtrisées et il est considéré que le CNCMA n’a pas atteint ses objectifs.

Il est alors dissout en 1965. La loi n° 66-251 du 5 août 1966 jette alors les

bases d’une nouvelle configuration du mouvement coopératif en créant

les « groupements à vocation coopérative ou GVC ».

En 1969, à la faveur d’une convention entre le Gouvernement et le

Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) par

l’intermédiaire du Bureau international du travail (BIT), le Centre

national de promotion des entreprises coopératives (CENAPEC) a été

créé. Il avait pour objectif d’organiser l’action coopérative à partir de la

base, de dynamiser la capacité d’organisation et de gestion à travers la

formation et l’éducation des responsables et du personnel, de mettre en

place une législation coopérative en tenant compte des particularités

ivoiriennes (DMC, 1982 ; DOPAC, 1997).

Les GVC, perçus comme étant des pré-coopératives, ont été créés dans

plusieurs villages par le CENAPEC. La multiplication des GVC fait naître

des besoins supplémentaires en financement des investissements et en

fonds de roulement. Le Ministère du Plan crée alors en 1974, un réseau de

Caisses rurales d’épargne et de prêts (CREP). Mais celles-ci se focalisent

sur les centres urbains et n’apportent pas les solutions attendues en milieu

rural.

En 1977, la Banque nationale de développement agricole (BNDA) est

créée en vue de résoudre, entre autres choses, les problèmes de

financement des activités agricoles menées par des exploitants individuels

ou par des groupements d’exploitants. La même année, le CENAPEC est

dissout en raison de l’insuffisance de ses résultats. L’Office National de

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

65

Promotion Rurale (ONPR) a été créé en 1975 par le Ministère du plan. Il

était chargé de l’animation pour le développement. En 1977, il a été

intégré au Ministère de l’agriculture de sorte qu’il s’occupe aussi de

l’encadrement du mouvement coopératif. L’ONPR se lance alors dans

une approche de développement intégré basé sur l’idée d’auto-promotion

des ruraux. Il s’appuie sur les mouvements d’animation et sur les

organisations rurales qui devaient évoluer de sorte à remplacer

progressivement l’Etat dans son rôle d’encadrement. Mais l’ONPR

oeuvre avec un certain paternalisme et pis encore, il diversifie ses

activités à l’extrême (éducation sanitaire, formation agricole,

aménagement de l’espace rural, aménagement de l’habitat rural,

alphabétisation) alors que le personnel qualifié dont il disposait était en

nombre insuffisant pour remplir autant de fonctions. Il n’atteint pas ses

nombreux objectifs et est alors dissout en 1981 et remplacé par la

Direction de la Mutualité et de la Coopération (DMC).

La création de la DMC laisse désormais la totalité des responsabilités

d’appui coopératif aux sociétés d’encadrement. La DMC se charge de la

conception des programmes (étude de faisabilité et formation des GVC),

de la définition et de la planification des actions des GVC, de la

coordination des projets des GVC au niveau local et régional. La DMC

mène donc trois types d’actions dont la structuration des organisations

coopératives, la consolidation des GVC en vue de mieux valoriser les

efforts d’organisation des paysans et enfin, la formation qui est sensée

jouer un rôle important d’entraînement vers les transformations

nécessaires. C’est la fin de l’auto-évaluation pratiquée par les anciennes

structures d’encadrement.

3.8.2 Les groupements à vocation coopérative

Les paysans constituent le premier maillon de la filière coton. Leur

position en qualité d’acteurs de la filière se perçoit plus facilement à

travers leurs différents niveaux d’organisations. Le premier niveau est

celui du GVC. Il a été institué suite à la loi N°66-251 du 5 août 1966 qui

donnait un statut juridique au mouvement coopératif en Côte d’Ivoire.

En 1975, 13 premiers GVC de producteurs de coton ont été créés dans

quatre départements du Nord à savoir, Ferkessédougou, Korhogo,

Boundiali et Tingrela. Ils regroupaient environ 1 600 membres. A partir

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

66

de 1976, le mouvement coopératif s’est étendu peu à peu dans les autres

zones de production de coton. En 1984, 288 GVC étaient fonctionnels

dans 14 départements et regroupaient 130 000 exploitants. Ces premiers

GVC étaient essentiellement localisés dans des villages. Leur rôle était

limité à la collecte et au regroupement de la production de coton de leurs

membres, en vue de faciliter et de réduire le coût d’achat bord champ. En

effet, avec le nombre croissant des exploitants, leur dispersion dans

l’espace, l’insuffisance voire la mauvaise qualité des pistes de desserte, il

devenait de plus en plus difficile pour la CIDT de collecter toute la

production à temps. La solution la plus simple était donc d’associer les

paysans à la collecte et au regroupement de leurs productions de coton-

graine.

Les GVC regroupaient un ou plusieurs villages et leurs activités se

résumaient par :

la collecte et le groupage de la production de coton sur les sites de

commercialisation,

le chargement et le damage du coton dans les camions de

transport,

la tenue des documents administratifs et comptables,

le transfert des fonds du coton et le paiement individuel des

exploitants,

la redistribution des intrants aux paysans membres.

Ces activités ont permis aux GVC entre autres choses de :

bénéficier de différents fonds résultant du transfert de

responsabilité (prime de collecte primaire du coton graine,

excédents de poids),

se doter d’équipements (véhicules de ramassage, bascules, etc.),

créer des emplois salariés au village (comptable, gérant, etc.),

participer activement aux projets d’intérêt social de la région.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

67

3.8.3 Les unions de GVC

Sous l’impulsion de la DMC à partir de 1982, plusieurs GVC se sont

regroupés au niveau sous-préfectoral pour constituer des unions de GVC,

structures coopératives de deuxième degré. Cela a encore marqué la

volonté des paysans à se prendre en charge et à jouer un rôle plus

déterminant dans la filière. Les UGVC regroupent les GVC d’une sous-

préfecture ou d’un département. Le rôle des UGVC consiste à aider leurs

membres au niveau de l’approvisionnement en intrants, matériels de

commercialisation, crédit bancaire, transport des fonds et de la

diversification des activités économiques. Au niveau de la

commercialisation, l’intervention des UGVC consiste à planifier les

marchés du coton dans leur zone, à participer aux équipes d’achat du

coton, à acquérir et à gérer le matériel professionnel (véhicules, magasins,

bâches, bascules), à transférer les fonds et les payements du coton et

enfin, à uniformiser les divers documents de gestion.

En termes de gestion de la production, les unions suivent la gestion des

intrants fournis aux GVC par la CIDT, achètent les intrants auprès de

firmes commerciales (herbicides et appareils de traitement) et suivent les

crédits de la culture attelée. Le rôle des unions dans la commercialisation

des produits vivriers se limite à l’achat des stocks constitués par les GVC

et au financement de cette commercialisation au profit des GVC.

En 1984-1985, on compte 6 UGVC regroupant 63 GVC ; en 1989-1990,

23 UGVC regroupant 259 GVC et environ 45 000 membres. En 1990, on

compte 22 UGVC constituées par 634 GVC réunissant

131 400 exploitants individuels. De 1982 à 1990, la part de la production

de coton regroupée par les UGVC par rapport à la CIDT est passée de

56% à 99% de la production totale.

Les faîtières sont des unions régionales ou des entités de troisième niveau.

Elles sont mises en place à partir de 1991 et regroupent les unions de

GVC de la filière coton. Elles s’investissent dans la diversification des

services aux unions et aux coopératives de base, l’exploitation d’unités de

transformation et de conservation, la mise en place d’un système

d’information sur les prix des intrants ainsi que sur les prix des produits,

la mise en place d’un fonds de garantie pour leurs membres, la création

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

68

d’une centrale d’achat et de vente d’intrants. De façon générale, les

faîtières se donnent comme mandat de promouvoir, représenter le

mouvement coopératif et de prendre des parts dans le capital des

organismes de recherches agronomiques ou d’encadrement, voire des

usines d’égrenage du coton. La plus importante des faîtières en zones

cotonnières est l’Union Régionale des Coopératives des zones de Savanes

de Côte d’Ivoire (URECOS-CI), créée le 30 novembre 1991. Soulignons

que d’autres faîtières créées après l’UREOCS-CI ont eu une

représentativité et un rôle moindre. Il s’agit par exemple de l’Union des

Coopératives des Producteurs Agricoles de Côte d’Ivoire (UCOOPAG-

CI) créée en 1992 ou de l’Union des Coopératives des Entreprises

Agricoles de Côte d’Ivoire (UCEA-CI) créée en 1995.

Le réseau URECOS-CI couvre 23 départements répartis du centre du pays

depuis Yamoussoukro, au nord du pays et concerne 90 % des producteurs

de coton-graine. Il détient trois sièges dans le conseil d’administration

(CA) de la CIDT résiduelle après la privatisation, 16 % du capital du

CNRA en plus de ses deux sièges dans le CA de ce dernier, 8 % du

capital de l’ANADER et un siège dans son CA.

On peut donc dire, qu’à travers l’URECOS-CI, les paysans sont actifs

dans la filière coton en Côte d’Ivoire. Ils peuvent réduire le déséquilibre

entre leur offre initialement atomisée de coton-graine et une demande

monopolistique. La privatisation d’une partie de la CIDT marque le retrait

de l’Etat de cette filière. La demande de coton-graine provient d’un

oligopsone assuré par trois égreneurs. Les rapports conflictuels entre les

entreprises industrielles d’égrenage du coton et les organisations

paysannes à l’image de l’URECOS-CI tendent à convaincre les paysans

de l’importance de leur rôle dans la filière. En 2002, l’URECOS-CI a

construit une usine d’égrenage de coton à Korhogo et en 2003, elle en a

construit une autre à Bouaké. Elle se positionne alors comme une

véritable concurrente des égreneurs.

Il faut souligner qu’avec la nouvelle loi coopérative survenue en 1997, les

GVC sont devenus des sections de coopérative, les UGVC sont devenues

des coopératives à part entière, à partir de 1998-1999.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

69

3.8.4 Les égreneurs

3.8.4.1 La Compagnie cotonnière ivoirienne

La compagnie cotonnière ivoirienne (LCCI) est détenue à 70 % par un

consortium privé constitué du groupe agro-industriel suisse, l’Aiglon

(pour 49 %), spécialisé entre autres choses dans la production et la

commercialisation de coton, du groupe agro-industriel Bolloré Albatros

(14 % des actions) et de la société de négoce international de matières

premières Shorex Investments (7 % des parts). Les 30 % restants du

capital sont détenus par l’Etat ivoirien qui envisage en rétrocéder 10 %

aux OPA et entre environ 3 % et 5 % au personnel (Godart et Furri,

1999). Il revient donc à LCCI, trois anciennes usines d’égrenage à savoir

Korhogo 1, Korhogo 2 et Ouangolodougou. La capacité d’égrenage de

ces trois usines est de 101 000 tonnes. En juillet 2001, LCCI a achevé la

construction d’une nouvelle usine dans la sous-préfecture de M’bengué

avec une capacité de près de 90 000 tonnes. LCCI a également repris les

actifs de l’encadrement (bureaux, magasins, véhicules, stocks de matériels

de culture mécanisée, etc.). Elle couvre les départements de Katiola, de

Ferké et de Bouna, une partie du département de Korhogo comprenant les

sous-préfectures de Korhogo, de M’bengué, de Napié, de Sinématiali, et

une partie de Dikodougou.

En 1997-1998, la zone cédée à LCCI représentait 81 105 hectares de

coton pour une production de 116 742 tonnes de coton-graine avec un

rendement moyen de 1 464 kg/ha. En mai 1999, LCCI a employé

110 agents répartis entre les trois anciennes usines, la direction technique

à Korhogo et la direction commerciale à Abidjan. De plus, elle travaillait

avec 314 agents saisonniers au moment de la collecte.

3.8.4.2 Ivoire coton

Ivoire coton est une société dont l’Etat ivoirien détient 30 % des actions

(dont 10 % reviendraient aux exploitants, 3 % au personnel et 17 % à

l’Etat) contre 70 % acquis par un consortium privé. Ce consortium se

compose de la société Industrial Promotion Services (IPS) basée à

Abidjan avec 49 % des parts et du groupe Reinhart qui compte pour 21 %

des actions. IPS est une filiale du groupe Agha Khan Found For

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

70

Economic Development. Reinhart est l’un des premiers négociants

mondiaux de coton fibre et premier acheteur de fibre ivoirienne.

Ivoire coton a acquis les trois usines du lot Nord-Ouest, à savoir

Boundiali 1, Boundiali 2 et Dianra ainsi que les camions de collecte et

l’ensemble des infrastructures d’encadrement. La capacité d’égrenage des

trois usines de IC est estimée à environ 119 100 tonnes. La zone

d’intervention de IC comprend les départements de Boundiali et

d’Odienné, une partie du département de Korhogo (sous-préfectures de

Niofoin, Sirasso, et Dikodougou en partie) et une partie de la région de

Mankono (zone de Dianra et de Sarhala). En 1997-1998, la zone IC a

couvert 76 140 hectares de coton pour une production de 120 086 tonnes

avec un rendement moyen de 1 577 kg/ha. Son personnel est composé à

90 % d’anciens employés de la CIDT.

3.8.4.3 La CIDT résiduelle

La période qui s’étend de mai 1998 à avril 2000 a été baptisée période

transitoire. Durant cette période, la CIDT continue à assumer les tâches

relatives à l’encadrement des paysans. Les zones restées sous le contrôle

spécifique de la CIDT sont celles de Bouaflé, Séguéla, Katiola,

Bondoukou et une partie de la région de Mankono (zones de Mankono,

Kounahiri, Tieningboué et de Marandala). Quatre des 10 usines sont

restées propriétés de la CIDT nouvelle, ce sont celles de Bouaké, Zatta,

Séguéla et de Mankono. La capacité totale d’égrenage de ces usines est

d’environ 103 000 tonnes. En 1997-1998, la zone de la CIDT nouvelle a

cultivé environ 87 067 ha pour une production de 98 268 tonnes de coton-

graine et un rendement moyen de 1 128 kg/ha.

3.8.4.4 L’URECOS-CI

Après la libéralisation de la filière, avec l’appui de bailleurs de fonds

étrangers, l’URECOS-CI a installé deux usines d’égrenage de coton dont

l’une à Korhogo et l’autre à Bouaké. Cela marque clairement à la fois le

niveau de professionnalisme des organisations paysannes et la volonté du

producteur d’investir dans l’agro-industrie en vue d’accroître sa part de la

valeur ajoutée de la filière.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

71

4 Conclusion partielle

L’introduction de la culture du coton dans les systèmes de production de

la région d’étude est le résultat de plusieurs faits conjugués et relevant

d’un long processus dont il serait difficile de rendre compte de façon

exhaustive. Ce chapitre a essayé de mettre en évidence l’itinéraire

relativement complexe suivi dans les processus de recherche

agronomique et de vulgarisation de la culture du coton.

Le mouvement coopératif ivoirien s’est lentement mis en place avec

beaucoup de tâtonnements. La culture du coton a favorisé une rapide prise

de conscience de la part des paysans. Ces derniers ayant compris la

nécessité de s’organiser, ont formé des groupements à vocation

coopérative. Comme le soulignent Herbel et al (2003), l’intégration entre

exploitants agricoles est un type de coordination qui apporte une

amélioration sensible de la capacité d’anticipation des acteurs, une

réduction des coûts de transaction, des économies d’échelle et un pouvoir

de négociation accru. Les différents niveaux de regroupement du

mouvement coopératif cotonnier ont eu pour objectif d’amener

l’exploitant à mieux participer aux activités de la filière dans la

perspective de pouvoir capter une plus grande part de la valeur ajoutée.

La privatisation de la CIDT, suite au désengagement de l’Etat et à

l’apparition de nouveaux interlocuteurs égreneurs tels que LCCI et IC, a

renforcé la conviction des paysans à mieux s’organiser. Par leur prise de

conscience et leur professionnalisme qui restent encore à parfaire, ils se

sont positionnés dans le processus d’industrialisation lorsque, à travers

l’URECOS-CI, ils ont créé leurs propres usines d’égrenage du coton-

graine, avec l’aide de bailleurs de fonds étrangers. Tout ce cheminement

est le résultat de la dynamique du système agraire.

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Chapitre 1 – Cadre général de l’étude

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CHAPITRE 2

DYNAMIQUE DU SYSTEME AGRAIRE

Au chapitre précédent, l’historique de la culture du coton a tenu compte

des activités de recherches agronomiques et de vulgarisation. Le rôle des

paysans qui s’est traduit notamment par la production de coton-graine, a

nécessité une série de réorganisations du système agraire.

Ce chapitre essaye, d’une part, de mettre en évidence les caractéristiques

de la dynamique agraire de la zone d’étude et d’autre part, de donner des

éléments explicatifs des raisons qui peuvent soutenir cette dynamique.

L’analyse reste cependant orientée par la culture du coton qui constitue

l’élément directeur de l’étude. Pour y parvenir, deux points de repère sont

fixés dans le temps. Le premier couvre les années 1960-1965

correspondant à la fin de la période coloniale ou au début de

l’indépendance. Les données de cette période proviennent principalement

de la littérature existante et quelquefois de la mémoire de personnes

ressources. Le second est la période actuelle qui se situe de 1998 à 2004

et dont une grande partie des données relève de nos observations et

enquêtes sur le terrain. Entre les deux périodes, des données

bibliographiques aussi bien que notre expérience de 1984 à ce jour

contribuent à comprendre les trajectoires d’évolution des systèmes de

production de la période précoloniale à nos jours.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

74

1 Pendant la période précoloniale

Dans une récente étude, Basset (2002), après avoir consulté les musées,

les archives nationales et les bibliothèques de plusieurs pays africains et

européens, déplore l’insuffisance de données de littérature relative à la

région de Korhogo pour la période précoloniale. Certains vieux de la

région se rappellent encore les témoignages de leurs grands-parents selon

lesquels, avant l’arrivée des colons, l’essentiel de l’habillement consistait

en un cache-sexe fait d’écorces, de lianes et aussi de cotonnade. La

chasse, la pêche et la cueillette constituaient les principales activités

productrices à côté d’une agriculture traditionnelle de case. L’objectif

principal était d’assurer l’autosubsistance alimentaire de la communauté

villageoise. Pendant la période précoloniale, le coton cultivé relevait de

plusieurs variétés rustiques et pluriannuelles comme il a été souligné plus

haut dans l’historique de la recherche cotonnière. Les variétés introduites

avant 1900 constituent la gamme des variétés appelées par le nom

commun de coton traditionnel.

Traditionnellement, le coton était cultivé par les femmes, en association

(en faible densité) avec les cultures vivrières ; ce coton avait un

rendement variant d’environ 50 kg/ha à près de 100 kg/ha. Il était, avec le

tabac, la principale culture non vivrière. Toutes ces cultures relevaient de

systèmes extensifs sur défriche-brûlis et à longue durée de jachère (plus

de 20 ans). Ce coton, commercialisé en petites quantités par les femmes,

servait principalement aux tisserands spécialisés dans la fabrication

d’habits et de linceuls. Les recettes servaient entre autres choses à acheter

du sel de cuisine. Sa culture était peu connue dans la plupart des villages

et de la majorité des paysans. Il semble qu’il entrait aussi dans la

pharmacopée traditionnelle, ce qui pourrait justifier sa conservation et sa

présence en quelques pieds chez certains paysans, même de nos jours.

Les tisserands, par exemple, étaient socialement considérés avec respect,

grâce à leur rôle d’habilleurs conféré par le secret du tissage du coton.

Déjà, à cette époque et de ce point de vue qualitatif, on peut soutenir que

le coton était d’une importance appréciable sur les plans social et

économique, bien que sa place dans l’assolement restait encore assez

marginale.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

75

2 Pendant la période coloniale

La période coloniale se subdivise en deux phases à savoir avant et après la

seconde Guerre Mondiale. L’évolution du coton pendant cette période

dépend du mode selon lequel il est introduit ainsi que de la réaction

suscitée auprès des paysans. Avant la seconde Guerre, le coton de variété

Mono a été introduit par l’administration coloniale. Il était produit de

force (travail forcé)1, avec l’encadrement de la Société Indigène de

Prévoyance (SIP) relayée ensuite par la Société Mutuelle de

Développement Rural (SMDR). Il s’agissait généralement d’une seule

parcelle de coton dans un village. Cette parcelle était attribuée par le chef

des terres, sans contrepartie. La production était destinée à l’usine de

l’Association cotonnière coloniale (ACC) installée à Bouaké depuis 1902.

Le paysan ne recevait aucun payement. Ce mode de production du coton

basé sur le travail obligatoire se superpose à celui qui approvisionnait les

tisserands. Un rapport de 1918 sur la culture du coton en Côte d’Ivoire,

cité par Basset (2002), révèle le degré de contrôle exercé par le colon sur

l’organisation de la culture forcée : « c’est un travail continuel que font

les administrateurs, car non seulement il faut obliger les indigènes à

défricher, semer, mais il faut poursuivre le travail de l’entretien des

champs à la récolte et enfin former les convois pour les lieux de vente.

C’était la tâche des gardes de cercle et des agents de vulgarisation ».

De 1930 à 1945, l’impôt de capitation devait être payé essentiellement par

le travail forcé et par les réquisitions pour le portage. Avant même de

réaliser ses propres travaux, le paysan devait travailler d’abord

obligatoirement sur les parcelles de coton du commandant ou du

gouverneur du Cercle de Korhogo.

Après la seconde Guerre Mondiale, le travail forcé a été aboli.

L’administration coloniale a révisé sa stratégie d’approvisionnement en

coton. L’IRCT est créé en 1946 et la CFDT s’installe en 1949. Ces deux

structures, respectivement de recherche agronomique et de vulgarisation,

renforcent le processus d’encadrement technique de la culture du coton.

1 Le travail forcé est mis en place dès le début de la colonisation. Il correspond à des

prélèvements de main-d’œuvre pour la construction de pistes ou des premiers

aménagements hydrauliques. Ces réquisitions pouvaient aboutir au transfert forcé des

hommes vers les grandes plantations ou les exploitations forestières du Sud.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

76

L’administration coloniale impose que l’impôt de capitation soit en nature

(une tine de 20 kg à 30 kg de céréales par an), soit en argent.

Pour avoir cet argent, il fallait produire du coton, seule culture ayant un

prix fixé et bénéficiant d’un circuit de commercialisation. Le prix du

coton était assez bas : 10 FCFA/kg à 30 FCFA/kg. Mais le paysan pouvait

aussi vendre les fruits du néré ou du karité, de l’arachide ou des petits

animaux. Vers la fin de la période coloniale, l’administration a exécuté

plusieurs plans d’extension de la culture cotonnière et a même imposé des

quotas de livraison aux paysans du Nord au titre de l’effort de Guerre

(ICEF et al., 1999). On peut supposer que le processus de production du

coton dans les champs du commandant avait un certain impact sur les

systèmes de production dans la mesure où il accaparait une part du temps

de travail du paysan au détriment de ses propres activités champêtres. On

peut donc dire que deux modes de production du coton ont coexisté

pendant la période coloniale. Le premier est celui des ménages associant

le coton aux vivriers sur la même parcelle et approvisionnant les

tisserands et dont l’argent devait aussi servir à payer l’impôt. Il est

probable qu’à partir de là, les hommes aient commencé à participer plus

activement aux travaux du coton aux côtés des femmes. Le second relève

des champs du commandant. Ce champ est un bloc généralement cultivé

en pur dans les villages de taille moyenne par un groupe de travailleurs

désignés à cet effet, sous la responsabilité du chef de village chargé d’en

remettre la récolte au chef de canton qui la remet au commandant.

Comme on le voit, pendant la période coloniale, le rôle social et

économique du coton s’accroît, même si les superficies et les productions

restent encore relativement limitées dans l’ensemble par rapport aux

vivriers. Cela notamment parce que les paysans rechignent à libérer une

quantité de travail plus importante au seul profit du commandant de cercle

et des chefs locaux intermédiaires. C’est ce qui ressort en 1917, d’une

lettre du gouverneur général du cercle de Korhogo, Joost Van

Vollenhoven, citée par Bassett (2002) : « l’indigène de l’AOF2 n’est pas

autrement fait que le reste de l’humanité (…). Il s’est refusé à travailler

chaque fois qu’il estimait son salaire insuffisant (…). Les producteurs de

coton étaient rarement rémunérés pour leur travail ». Les SIP et par après,

les SMDR ont donc tenté d’introduire le coton sous le commandement de

2 Afrique Occidentale Française (AOF).

Page 101: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

77

l’administration coloniale du Cercle de Korhogo. Mais, ces tentatives de

production du coton par le travail forcé sont restées sporadiques et la

production moyenne annuelle de 1912 à 1945 est estimée à environ

3 000 tonnes avec un maximum de 11 000 tonnes atteint en 1938

(figure 2.1).

0

2000

4000

6000

8000

10000

12000

19

12

19

18

19

24

19

30

19

36

19

42

Années

Pro

du

ctio

n (

ton

nes

)

Sources : ANCI, cité par Bassett, 2002.

Figure 2.1 : Evolution de la production cotonnière sous la colonisation

(tonnes)

Malgré la faible production de coton sous la colonisation, on peut dire que

le paysage agraire est en cours de transformation, ne serait-ce que par la

présence du champ du commandant. La filière coton de cette époque

comporte quatre principaux acteurs : l’IRCT qui s’occupe de la recherche

agronomique en amont ; la CFDT qui se charge de la vulgarisation des

résultats de cette recherche ; les paysans qui sont soumis à produire le

coton-graine et en aval, les usiniers privés assurant la commercialisation.

Mais la véritable envolée du coton est à observer après l’indépendance.

Page 102: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

78

3 Après l’indépendance

Bien que cette période après l’indépendance ne couvre que quatre

décennies par rapport à la période coloniale, elle reste la plus

déterminante pour l’économie du coton. Pour mieux comprendre cette

perspective historique, il paraît opportun de voir les conditions d’adoption

(ou de rejet) de la culture du coton par le village et par les exploitants.

3.1 L’adoption de la culture du coton au niveau du village

Dans la plupart des villages, les « vieux » ont particulièrement insisté à

faire admettre que la première condition à l’adoption de la culture du

coton dans un terroir par un exploitant donné, est que le chef de terre

et/ou le chef du village donne d’abord son accord de principe. Le conseil

des sages du village pouvait rejeter ou accepter la culture du coton.

L’enquête réalisée dans neuf villages de la région (trois dans chaque

zone) a essayé d’identifier les principales raisons de l’adoption ou du rejet

de la culture du coton au niveau du village. On se situe dans le passé, à un

moment où aucun paysan ne pratique encore la culture dans le terroir

suivant les nouvelles méthodes. Les principales raisons évoquées ont été

comparées les unes aux autres suivant l’importance relative3 que les

paysans leur ont accordée. Ces raisons, par ordre d’importance

décroissante, sont les suivantes :

1) espoir d’accroître le revenu. Il était dit aux paysans : « le prix du

coton est garanti, on viendra acheter toute votre production de

coton ici au village ; on vous remettra l’argent sur place ; c’est une

chance pour vous et vous devriez en profiter, surtout que cela ne

3 Les principales raisons ont été identifiées par les paysans. Pour les hiérarchiser, le

chef et ses conseillers ont été répartis en trois sous-groupes. Chaque sous-groupe a

attribué une note à chacune des 10 raisons. Le nombre de cailloux en face de chaque

raison représentée par un symbole dénote de son poids par rapport aux autres. A la fin

des discussions en sous-groupe, on compte le nombre de cailloux attribués à chaque

raison et le chercheur note les explications des paysans. Une synthèse des déclarations

des trois sous-groupes est faite sur place avec notre assistance. Pour cela, on reprend la

distribution des cailloux de façon à ce que tous les participants soient d’accord avec la

nouvelle disposition. De façon quasi générale, les moyennes des trois sous-groupes

sont dans le même ordre de grandeur que ce qui est établi lors de la synthèse.

Page 103: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

79

vous coûte pas cher puisqu’on vous donne les intrants

gratuitement, etc. »,

2) choix du village par le moniteur. Certains villages ont dû attendre

que le moniteur les contacte. Le nombre de villages contactés par

le moniteur dépendait de leur accessibilité, des moyens humains et

matériels mis en jeu par la CFDT, puis par la CIDT,

3) visite des autorités administratives (sous-préfet, préfet, directeur

régional de l’agriculture, etc.). Ces visites consistaient à fournir

des informations générales de politique de développement

régional et sectoriel adoptée par le gouvernement. En ces

moments où prévalait le régime de parti unique, certains

programmes de développement rural étaient présentés aux paysans

comme étant des dons et des cadeaux du gouvernement, voire du

Président. Ce dernier étant parfois assimilé à l’Etat. Mais ce qu’il

conviendrait le plus de retenir de l’administration en ces débuts de

l’indépendance, c’est surtout son caractère oppressif, tout comme

pendant la colonisation, notamment dans le processus de

vulgarisation de la culture du coton,

4) visites de bailleurs de fonds, souvent accompagnés des autorités

administratives,

5) gratuité des intrants. Le message du moniteur et des visiteurs de

l’administration était éloquent : « le gouvernement a décidé de

vous donner les intrants gratuitement, c’est un cadeau du Président

de la République, pour vous aider à accroître votre revenu ; avec

cela, ceux qui refusent la culture du coton découragent nos

efforts ; acceptez le coton c’est pour votre bien, aidez-nous à vous

aider»,

6) disponibilité en terres du village. Ce critère devient important

surtout parce que les premières parcelles ont été communes,

7) appui des cadres ressortissants du village (ministre, fonctionnaire,

ouvrier, etc.),

8) présence de paysans ayant déjà cultivé ou vu cultiver le coton

ailleurs. Dans la majorité des cas, ces derniers ont encouragé leurs

pairs à tenter l’aventure du coton,

9) existence de groupes de travail d’entraide des hommes,

10) espoir de développement du village. Selon les dires des cadres, du

moniteur et des visiteurs rapportés par les paysans : « ceux qui

accepteront de cultiver le coton auront beaucoup d’argent, ils

pourront alors participer au développement de leur village et de

Page 104: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

80

leur région, ils pourront mettre leurs enfants à l’école, s’acheter

des habits, améliorer leur cadre de vie, etc. ».

Trois cas de figure ressortent des enquêtes. Le premier concerne les

villages choisis pour la culture du coton et qui ont adhéré. Le second est

celui des villages qui n’ont pas été choisis, mais dont les autorités locales

ont pris l’initiative de demander à l’administration de leur affecter un

moniteur en vue de cultiver le coton. Le troisième relève des villages qui,

choisis ou non, ont rejeté la culture du coton. Les figures 2.2, 2.3 et 2.4,

font apparaître que les raisons de l’adoption de la culture du coton par les

autorités villageoises varient d’un village à l’autre. Au cours de l’enquête,

les sous-groupes de paysans ont souvent harmonisé leurs points de vue.

En appliquant le test de Pearson (Khi carré), on constate que les notes

attribuées aux différentes raisons sont indépendantes au seuil de

probabilité de 10 % d’un sous-groupe à l’autre dans le même village.

Elles le sont au seuil de probabilité de 5 % lorsqu’on tient compte de

l’ensemble des 9 villages.

5

23

12 11

18

119

4 42

0

5

10

15

20

25

Cadre Revenu Admi Bfonds Monit Intrant Terre Travail Ancien Dévelp

Principales raisons

Po

ids

dan

s la

déc

isio

n (

%)

Source : Notre enquête

Figure 2.2 : Importance des raisons de l’adoption du coton dans

les villages de Niellé

Page 105: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

81

Trois groupes de raisons apparaissent assez clairement dans la zone de

Niellé (villages de Niellé, de Ouamélhoro et de Diawala) comme le

montre la figure 2.2. L’espoir d’un revenu agricole (plus sûr et régulier) et

la présence d’un moniteur ont été les plus déterminants. En seconde

position, la gratuité des intrants, les visites de l’administration et des

bailleurs de fonds ainsi que la disponibilité en terres sont aussi des raisons

qui ont compté. Le troisième groupe de raisons a eu une influence plus

modérée. Il comprend l’appui des cadres originaires du village,

l’existence de groupes d’entraide, la présence de paysans ayant déjà vu ou

cultivé le coton et l’espoir de développement de leur village.

1

25

15

1213 13

6

2

6 6

0

5

10

15

20

25

30

Cad

re

Rev

enu

Adm

i

Bfo

nds

Mon

it

Intra

nt

Terre

Trava

il

Anc

ien

Dév

elp

Principales raisons

Po

ids

dan

s la

déc

isio

n (

%)

Source : Notre enquête

Figure 2.3 : Les raisons de l’adoption du coton dans les villages

de la zone dense

Dans la zone dense de Korhogo (villages de Kouniguékaha, de Dih et de

Kapelé), l’espoir de revenu semble avoir été la principale raison retenue

par les autorités villageoises. La présence du moniteur a eu moins d’effet4

qu’à Niellé. Bien qu’il y ait beaucoup plus de cadres en ces temps-là en

4 Le moniteur était ressortissant de l’un des villages. Il était assez bien connu, ce qui

expliquerait pourquoi son action a été moins ressentie par les siens.

Page 106: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

82

zone dense que dans les autres zones, leur apport dans l’adoption de la

culture du coton semble avoir été peu ressenti par les autorités

villageoises. Par contre, on sent un peu plus d’espoir fondé dans les

perspectives de développement en zone dense qu’à Niellé (figure 2.2) ou

à Dikodougou (figure 2.4). Les groupes de travail en commun étaient

assez rares en zone dense dans les années 60 et n’ont donc pas

suffisamment pesé dans l’adoption de la culture du coton. La gratuité des

intrants, les visites des responsables administratifs et des bailleurs de

fonds sont parfois perçues de façon identique par les paysans de cette

zone.

1

15 14

0

24

19

1211

0

4

0

5

10

15

20

25

30

Cadre Revenu Admi Bfonds Monit Intrant Terre Travail Ancien Dévelp

Principales raisons

Po

ids

dan

s la

déc

isio

n (

%)

Source : Notre enquête.

Figure 2.4 : Raisons de l’acceptation du coton dans les villages

de Dikodougou

La zone de Dikodougou apparaît assez particulière. Les villages choisis

n’avaient pas eu de visites de bailleurs de fonds, les paysans avaient

rarement vu des champs de coton ailleurs. L’espoir fondé sur le revenu du

coton n’était pas bien perçu comme en zone dense et à Niellé. Par contre,

c’est le contact régulier du moniteur et la promesse de la gratuité des

intrants qui ont été les raisons déterminantes au début. De même, les

paysans de Dikodougou privilégiaient davantage le travail en groupe

d’entraide que ceux des deux autres zones. Peut-être que sa position en

Page 107: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

83

zone pré-forestière relativement plus boisée pouvait rendre les travaux de

défrichement plus difficiles et justifier l’importance accordée au travail en

groupe.

Malgré les différences qui apparaissent d’une zone à l’autre, on peut

identifier quelques caractéristiques communes. En effet, dans les trois

zones, les cadres ont peu contribué à l’adoption du coton, les perspectives

de développement étaient peu perçues par les paysans, les disponibilités

en terre au niveau du terroir ne semblent pas avoir eu une importance

notable dans la décision des responsables du village. La présence du

moniteur (conseiller agricole) de la CFDT et ensuite de la CIDT a été un

élément déterminant. Certains paysans ont ressenti le choix de leur village

par le moniteur comme une chance à saisir. Ces villages ont privilégié

l’espoir de revenu et de développement tout comme les villages

volontaires. Dans les autres villages choisis, c’est beaucoup plus la crainte

de l’administration qui a prévalu.

En effet, l’introduction de la culture du coton se poursuit au début de

l’indépendance en conservant son caractère forcé. Des villages étaient

choisis par le moniteur avec le concours de l’administration. Le sous-

préfet, parfois accompagné de gendarmes, de policiers et/ou de gardes du

corps, participait à des réunions d’information et de recensement des

planteurs de coton dans certains villages. Il représentait le gouvernement

et l’Etat. Sa présence visait à influencer les paysans à prendre des

engagements à cultiver le coton. Dans le village, le moniteur relevait le

nom des exploitants, des hommes mariés, des femmes et des enfants de

plus de 14 ans capables de travailler. Ceux qui refusaient étaient signalés

à l’administration et parfois, ces derniers étaient tellement intimidés par le

sous-préfet qu’ils se décidaient, malgré eux, à cultiver le coton. Dans la

zone de Tioroniaradougou par exemple, il nous a été rapporté en 1985,

qu’en 1966, le sous-préfet a demandé à 5 exploitants « récalcitrants », de

cultiver une parcelle de coton à son profit. La campagne suivante, le sous-

préfet était satisfait d’apprendre que ces derniers avaient accepté

« volontairement » de cultiver le coton pour eux-mêmes. Les témoignages

des vieux rapportent que dans certains cas, les « réfractaires » ont été

obligés de balayer et/ou de nettoyer les locaux de la sous-préfecture (lieu

public) jusqu’à ce qu’ils s’engagent à cultiver le coton avant d’être

libérés. De tels exemples abondent dans la région et dans chaque village,

on peut écouter des anecdotes sur la culture du coton.

Page 108: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

84

De 1960 à 1974, le mode de vulgarisation de la CFDT consistait à

défricher une grande parcelle appelée bloc de culture, de superficie allant

de 5 ha à 10 ha d’un tenant. Sur ce bloc, chaque chef d’exploitation

recevait une portion de 0,25 ha destinée à la culture pure de coton (variété

Allen). Le bloc avait plusieurs avantages. Il permettait le regroupement

des paysans et favorisait l’émulation dans le travail. Les conseils étaient

donnés aux paysans qu’on réunissait sur les parcelles de sorte que ceux

qui n’avaient pas compris pouvaient voir sur place et imiter les autres. Le

moniteur pouvait, en un tour de main, contrôler le travail et amener les

paysans à respecter les conseils techniques (dates de semis, distances

entre billons et entre poquets, date de démariage, dates d’épandage des

engrais et leurs doses, période optimale de récolte). Parfois, le coton était

acheté sur le bloc. Le bloc a permis une diffusion plus rapide des

connaissances en matière de techniques de production du coton.

Mais, il était difficile d’avoir des espaces de 10 ha et plus d’un tenant, car

les parcelles individuelles de vivriers des paysans essaimaient dans le

terroir. L’expérience était difficile à renouveler dans tous les villages où

les paysans voulaient faire du coton. Par ailleurs, le bloc a parfois été

défriché au bulldozer sans épargner la couche superficielle de sol déjà

généralement assez léger et peu profond. Souvent décapé lors de ce

défrichement, après 2 à 4 ans d’occupation du bloc par la monoculture du

coton, la fertilité baissait d’année en année et entraînait une baisse des

rendements. L’enherbement nécessitait alors un travail supplémentaire

dont le coût d’opportunité qui devait être au détriment des vivriers ne

pouvait être fourni par tous les paysans. L’émulation a alors produit un

effet positif, mais en dehors du bloc : en effet, par imitation, les paysans

ont peu à peu délaissé le travail du bloc, créant leurs propres parcelles de

coton en tenant compte des autres contraintes de gestion de leur

exploitation. Le bloc n’était pas toujours proche des parcelles vivrières de

tous les paysans, certains étant inévitablement plus éloignés que d’autres.

Le chef de terre, qui avait attribué ses terres au bloc, ne recevait rien en

retour. La méthode des blocs a été abandonnée en 1974 au moment où la

CIDT se substituait à la CFDT dans le rôle d’encadrement et de

promotion de la culture du coton.

Page 109: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

85

3.2 Le rejet de la culture du coton par le village

Il y a des villages qui ont perçu le choix de leur terroir comme un

indicateur de perturbation de l’harmonie interne. Ils ont alors rejeté la

culture du coton. Les raisons de ce refus sont plutôt difficiles à établir de

façon pertinente. Certains observateurs évoquent le mauvais souvenir

laissé par la pratique forcée de la culture du coton sous la colonisation

(Michotte, 1970, Basset, 2000), d’autres se fondent sur ce qu’ils appellent

le caractère rétrograde des paysans refusant l’innovation qu’est en soi la

culture du coton (CIDT, 1980, 1990). Les raisons parfois avancées par les

sages des villages qui ont (momentanément) refusé le coton sont assez

simples. Ce sont, sans tenter de les hiérarchiser :

le coton, c’est le retour de l’esclavage,

c’est le travail forcé,

les génies de la terre refusent le coton. Dans les villages où cet

argument a été avancé et où l’administration tenait tout de même à

introduire le coton, les semences ont parfois été discrètement

bouillies la nuit et semées le jour en présence du moniteur. Le

résultat était plus qu’éloquent : pratiquement rien ne poussait. Le

moniteur, étonné, incriminait la magie des « sorciers » et souvent

ne souhaitait plus revenir dans un tel village,

celui qui cultive le coton dans ce village doit s’attendre à perdre

un de ses descendants ou de ses ascendants qui compte le plus

pour lui. Le résultat d’une telle prescription est immédiat :

personne ne voudra qu’on l’accuse d’avoir contribué à la mort de

son parent le plus cher au profit du coton,

pour cultiver le coton sur nos terres, les génies demandent de leur

offrir un bœuf au début de chaque campagne. Evidemment, en ces

temps-là, même aujourd’hui encore, aucun paysan n’oserait

cultiver du coton pour offrir un bœuf aux « vieux » du village

chaque année,

le coton, ça ne se mange pas. Cette idée a enrichi bien des

controverses de la part des observateurs. Pour le paysan, le choix

est sans ambiguïté au profit de ses cultures vivrières,

si ce moniteur revient dans notre village, nos sorciers lui lanceront

un sort bien mérité. En effet, les malheurs et accidents de travail

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

86

arrivés aux moniteurs étaient largement imputés à leur entêtement

à faire adopter la culture du coton par ceux qui n’en voulaient pas,

il paraît que dans le village voisin, des paysans sont morts au

champ après avoir utilisé les produits insecticides. Nous ne

voulons pas de cela dans notre village. Les produits chimiques

phytosanitaires étaient parfois dangereux pour l’homme : plusieurs

cas d’empoisonnement ont été signalés au fil du temps dans

certains villages,

etc.

Cependant, cette liste non exhaustive d’éléments de raisons semble, selon

nous, cacher la crainte des sages du village de voir s’échapper leur

pouvoir traditionnel qui repose plus sur les mythes que sur l’argent. On

peut ainsi soutenir que la raison du refus réside dans le fait que le paysan

n’était pas sûr que la culture du coton puisse effectivement lui permettre

de résoudre ses problèmes sans lui en créer de nouveaux encore plus

difficiles. Malgré les réticences des autorités villageoises, la dynamique

des faits montre que la quasi-totalité des villages et campements de la

région d’étude ont fini par adopter la culture du coton. C’est notamment

le cas du village de Sionhouakaha où les génies de la terre auraient refusé

le coton au moment de son introduction en 1980. Après plusieurs

discussions avec les paysans de ce village, la crainte de perdre la cohésion

sociale entre les membres a été une raison essentielle de leur réticence. La

cohésion pour eux est un ensemble de considérations et de

comportements guidés par le respect de la hiérarchie en fonction de l’âge

et non en fonction de la richesse matérielle. A partir de 1989, les sages de

Sionhouakaha ont enfin admis que la culture du coton soit pratiquée dans

leur terroir, parce que presque tous les jeunes avaient déjà quitté le village

pour pratiquer le coton ou d’autres cultures de rente ailleurs. Sans la

présence de ces jeunes, la succession était menacée et les vieux voyaient

leur village plutôt triste et en voie de disparition. Pour les mêmes raisons

de cohésion sociale, ils ont été obligés d’accepter la culture du coton et

ont demandé à leurs fils de revenir au village. Ces derniers ne sont

d’ailleurs pas tous revenus. Cependant, l’acceptation de la culture du

coton a amené la CIDT à transformer la piste reliant le village à l’axe

routier (sur 2 Km) en une route praticable aux véhicules et en toutes

saisons. La CIDT a fait cela en vue de collecter la production de coton-

graine au sein du village. En définitive, le critère le plus important dans la

Page 111: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

87

décision d’adoption du coton par les autorités villageoises reste selon

nous, l’espoir de revenu plus important qu’avec les vivriers et surtout la

garantie que la production de coton est effectivement et entièrement

achetée sans frais supplémentaires pour l’exploitant. L’adoption de la

culture par les chefs d’exploitation tient compte de raisons parfois plus

techniques qu’il convient d’examiner.

3.3 L’adoption de la culture du coton par les exploitants

Pour connaître les raisons de l’adoption de la culture du coton par les

exploitants, on a analysé leurs principales caractéristiques au moment où

ils prenaient cette décision pour la première fois. L’enquête réalisée

en 2000/2001 et en 2002 a concerné 1200 chefs d’exploitation dans

15 villages (5 villages par zone d’étude). Or, nous venons de montrer que

de 1960 à 1974, l’adoption de la culture du coton a été guidée par deux

critères dominants à savoir, l’espoir d’un revenu meilleur et les pressions

administratives. Cependant, tous les paysans n’ont pas adopté la culture

du coton en même temps. Il devient alors intéressant de comprendre les

raisons qui fondent l’évolution du nombre de producteurs de coton dans le

temps et dans l’espace.

3.3.1 L’évolution du nombre de planteurs de coton

L’analyse de l’évolution du nombre de planteurs se base sur la campagne

de la première réalisation d’une parcelle de coton à titre personnel et en

qualité de chef d’exploitation. Au moment de l’enquête (échantillon des

1 200 chefs d’exploitation), il est apparu que de façon générale, les chefs

d’exploitation se rappellent cette campagne qui a en quelque sorte été

pour eux, comme un baptême. De même, ils se rappellent, le plus souvent,

du nombre de campagnes au cours desquelles ils ont pratiqué la culture du

coton. Dans la plupart des cas, le cahier5 du moniteur (conseiller agricole)

a été exploité. Il contient entre autres choses, le nom de chaque paysan,

5 Le cahier du moniteur a été pour nous une source d’informations assez riche. On y

trouve, pour chaque campagne, le nom de chaque planteur de coton, ses prévisions et

ses réalisations en termes de superficie par culture, de quantités d’intrants et de petits

matériels (piles, appareils de traitement phytosanitaire, etc.). Il ne fait pas de différence

entre le planteur de coton et le chef d’exploitation agricole. Une étude ciblée sur le

chef d’exploitation doit donc procéder par enquête complémentaire afin d’éviter des

amalgames.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

88

l’année, la superficie cultivée en coton. L’évolution du nombre de

planteurs de coton au cours des quatre décennies traduit leurs réactions

par rapport aux efforts d’encadrement.

Sur 1 283 exploitants interviewés dans 15 villages, 1200 cultivent le

coton, soit 94 % contre seulement 6 % ne le cultivant pas. L’analyse faite

à partir de l’âge de l’exploitant et de l’année où celui-ci a cultivé le coton

pour la première fois en qualité de chef d’exploitation permet d’établir la

figure 2.5.

0,1 0,8

10,1

50,7

38,4

0,0

10,0

20,0

30,0

40,0

50,0

60,0

plus de 60 50 à 59 ans 40 à 49 ans 30 à 39 ans 20 à 29 ans

Tranches d'âge

Fré

que

nce (

%)

Sources : Notre enquête, 2001-2002.

Figure 2.5 : Age moyen à l'adoption de la culture du coton

En regroupant les exploitants par tranche de 10 ans6, l’observation sur

longue période laisse apparaît assez nettement que l’adoption de la culture

du coton repose sur les exploitants relativement jeunes. En effet, au

moment où ils adoptaient la culture du coton, près de 89 % des

exploitants avaient entre 20 ans et 40 ans. Les exploitants âgés de plus de

40 ans au moment où ils adoptaient la culture du coton ne représentent

6 On tient compte de l’imprécision de la variable âge dans ce milieu rural où il n’y avait

généralement aucun registre systématique des naissances. Aujourd’hui encore, il

existe une part appréciable de la population dont l’âge est une indication

approximative.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

89

qu’environ 12 %. De façon générale, les vieux sont presque toujours

restés accrochés à leur système vivrier sans coton.

La CFDT a réalisé la vulgarisation jusqu’en 1973 avant de céder ce rôle à

la CIDT en 1974. Cette considération rend nécessaire l’examen de la

période 1970 à 1979 qui enregistre 53 % des exploitants.

Cette figure tend à montrer que l’adhésion a varié selon les campagnes

agricoles. Quelques années avant sa dissolution, la CFDT a réduit son

dispositif sur le terrain et a mis en place celui de la CIDT. Les paysans

ont probablement préféré attendre que la nouvelle structure s’exprime : ce

qui pourrait justifier la baisse de l’adhésion de 1971 à 1973. A partir

de 1974 où la CIDT s’installe, la réponse se voit par une adhésion plus

importante sur les trois années qui ont suivi la mise en place de la CIDT.

Mais on peut dire que cette adhésion massive est aussi et surtout une

réaction à l’augmentation du prix du coton-graine de près de 60 %

intervenue en 1974/75 (cf. figure 1.7 du chapitre 1). Ensuite, le rythme

d’adhésion va en chutant, ce qui peut traduire la saturation du potentiel

d’adhésion. De 1991 à 2002, dans les villages où la culture du coton a

connu une implantation relativement plus ancienne, ce sont surtout les

jeunes paysans de moins de 30 ans qui sont les nouveaux adhérents ; par

contre dans les villages de la zone de Dikodougou, on avait encore des

paysans de plus de 40 ans parmi les nouveaux adhérents.

La figure 2.7 montre l’évolution comparée du nombre de planteurs de

coton dans les trois zones d’étude (Niellé ou extrême nord, la zone

densément peuplée de Korhogo et la zone pré-forestière de Dikodougou).

Il apparaît que la zone de Niellé a pratiquement saturé son potentiel

d’adhésion en trois décennies, de 1960 à 1990. L’adhésion en zone centre

semble avoir été plus étalée dans le temps. Dans la zone de Dikodougou

au contraire, elle a été assez tardive et plus perceptible autour de 1990.

L’introduction de la culture du coton date d’ailleurs des années 80 alors

qu’elle date des années 60 dans les deux autres zones. Le retard de

Dikodougou n’est donc pas imputable au seul fait des paysans, mais aussi

au calendrier de travail de vulgarisation de la CFDT et de la CIDT.

Dikodougou est considérée comme une zone où la culture du coton peut

encore gagner de nouvelles terres (Demont et Jouve, 1999).

Page 114: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

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20

71 72 73 74 75 76 77 78 79 80Années

Ex

plo

itan

ts (

%)

Source : Notre enquête

Figure 2.6 : Evolution de l’adoption de la culture du coton, en % du

nombre d’exploitants ayant cultivé le coton de 1971 à 1980

0

20

40

60

80

60 à 70 71 à 80 81 à 90 91 à 2001

Années

Explo

itan

ts (

%)

Niellé Dense Diko

Source : Notre enquête

Figure 2.7 : Evolution comparée de l’adoption de la culture du coton

des trois zones

Page 115: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

91

En 1970, Michotte réalise une étude de l’adoption de la culture du coton

dans la région de Bouaké. Il constate que « L’action du café en tant que

facteur favorable à l’introduction du coton (…). L’action de la CFDT a

surtout réussi dans les villages où le café n’occupe qu’une place très

marginale et dans ceux qui en sont dépourvus ». En 2002, soit 32 ans plus

tard, nos observations dans cette région de Bouaké révèlent que la culture

du coton a presque totalement disparu de même que celle du café. Notre

expérience de terrain permet de soutenir que la culture du coton a été

introduite dans la zone de Bouaké dans un esprit de substitution à celles

du café et du cacao qui étaient peu recommandables en raison des

conditions climatiques défavorables. Dans ce contexte, on peut croire que

le vulgarisateur a d’abord visé comme cible, le paysan qui avait peu ou

pas d’emblavures en café et en cacao. Ce dernier ne pouvait probablement

qu’accepter le coton, dans la mesure où, dans la plupart des cas, il n’avait

pas beaucoup d’efforts à fournir : le moniteur se chargeant souvent de

réaliser l’essentiel des travaux à sa place jusqu’à la commercialisation.

Toutefois, il reste évident pour l’instant que la culture du coton dans la

région de Bouaké n’a pas connu les résultats escomptés, notamment à

cause de l’instabilité du climat, des dégâts des bœufs sur le cotonnier et

de la migration des paysans vers le Sud. C’est peut-être pourquoi, avant

sa privatisation en 1998, la CIDT avait déjà classé cette zone comme étant

une zone marginale et y avait cessé toute activité de vulgarisation de la

culture du coton. Le coût de fonctionnement de la CIDT y était supérieur

aux recettes et pis encore, réduisait les possibilités d’actions dans les

autres régions plus propices à la culture du coton.

L’étude de Michotte a eu le mérite d’expliquer en son temps les

conditions d’adoption du coton en zone marginale. Cependant, nous

mettons en exergue la difficulté de l’analyse et l’importance de la

perspective dynamique ou temporelle de la réaction d’adoption ou de rejet

d’une innovation en milieu paysan. Cette difficulté réside notamment

dans le repérage des critères objectifs ou des réelles motivations qui

justifient la décision du paysan de façon durable. Parce que, comme le

souligne Hebermas (1993), « sans doute que l’innovation est plus que

jamais valorisée par le système de pensée et de connaissance dominant,

tant dans le monde scientifique que dans celui du développement ». Il est

aussi difficile de se tenir à l’écart des considérations idéologiques du

processus de transfert, d’adoption ou de rejet de l’innovation. C’est

probablement en cela que Lebeau et Salomon (1990) et Serpantié (1991)

Page 116: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

92

soutiennent que le concept d’innovation est souvent chargé de jugements

de valeur chez les praticiens du développement lorsqu’il s’agit d’évaluer

la situation et l’avenir des agriculteurs des pays en voie de

développement. L’évaluateur ou l’observateur est exposé au risque de

surestimer les déterminants exogènes de l’innovation (offre d’innovation)

ou de surévaluer les capacités endogènes d’adaptation. La culture du

coton a été présentée comme étant le moyen le plus sûr pour le paysan des

zones de savanes d’accroître son revenu agricole. Des villages comme

celui de Sionhouakaha ont été obligés de l’adopter parce qu’il n’y a pas

eu d’autres choix à efficience similaire au programme coton.

A partir de ces considérations, l’analyse de l’adoption de la culture du

coton par les exploitants apparaît assez complexe, tant les variables à

prendre en compte sont nombreuses et parfois difficiles à quantifier. C’est

le cas par exemple de l’expérience, du niveau d’alphabétisation, de la

propension au risque ou de la capacité d’anticipation du chef

d’exploitation. Au stade actuel des choses, les naissances n’étant pas

souvent systématiquement déclarées et archivées, l’âge du chef

d’exploitation est certes une variable quantitative, mais elle est parfois

entachée d’une marge d’erreur importante capable de dévier les analyses

dans un sens comme dans l’autre.

3.3.2 L’adoption de la culture du coton par l’exploitant

Boussard (1970), Bublot (1974) et Brossier (1989), pour ne citer qu’eux,

indiquent que l’étude de la décision de produire est basée sur la théorie

microéconomique de la firme ou théorie de la production. De nombreux

auteurs comme Schultz (1964), Askari et Commings (1977) ou Bond

(1983) soutiennent que les agriculteurs sont rationnels dans leur prise de

décision. Ces auteurs considèrent que l’agriculture traditionnelle est à

base d’énergie biologique (humaine et parfois animale), proche des

conditions naturelles et par conséquent dépendante de celles-ci. Ainsi, la

décision de niveau microéconomique de l’exploitant, prise de façon

rationnelle, s’inscrit dans le monde du vivant et dépend de l’énergie

biologique. Tout cela rend l’analyse assez complexe et appelle à un

certain pragmatisme dans la détermination des critères qui fondent

l’adoption de la culture du coton par les exploitants.

Page 117: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

93

Réduire l’espace des critères d’adoption de la culture du coton à

seulement deux dimensions, l’espoir d’un meilleur niveau de revenu et les

pressions administratives serait une simplification dont la validité reste

limitée à l’échelle du village. Au niveau de l’exploitant, il convient de

tenir compte de certaines caractéristiques propres aux unités de

production, surtout à partir de 1974, lorsque les pressions administratives

ont cessé et que l’adhésion à la culture du coton a relevé beaucoup plus

d’une décision libre et individuelle. Onze principaux critères sont repris

dans la figure 2.8 comme suit :

1. le nombre de travailleurs familiaux (Mof),

2. la superficie de terre arable disponible (Ter),

3. le nombre d’épouses (Eps),

4. le niveau d’alphabétisation du chef d’exploitation (Nal),

5. le niveau d’alphabétisation d’un membre de l’exploitation (Nam),

6. le nombre d’années d’expérience de gestion d’exploitation (Exp),

7. l’espoir de revenu meilleur (Rev),

8. l’appartenance à un groupe de travail (Tra),

9. le niveau d’épargne et de fonds propres (Fpe),

10. la possession d’une chaîne de culture attelée : on a vu des paysans

qui ont débuté la culture du coton parce qu’ils avaient un accès

facile à la culture attelée (Cat),

11. l’héritage : il existe des cas où la première année de pratique de la

culture du coton à titre personnel a coïncidé avec la succession

d’un parent défunt (Her),

Point n’est besoin d’insister sur le caractère imprécis des données issues

de déclarations des paysans et faisant appel essentiellement à leur capacité

de mémorisation des événements marquants de leur trajectoire

d’évolution. La collecte de données datant de plusieurs années, incluant

de nombreuses variables demandées à des paysans qui n’ont presque

jamais archivé, sur support visuel, quoi que ce soit de ce qu’ils font au

quotidien, n’est déjà pas sans risques de biais importants quant à la

fiabilité des informations. Même en milieu intellectuel où existent des

supports de plus en plus sophistiqués de stockage de l’information, il ne

semble pas non plus évident que chacun archive toutes ses données ou

s’en rappelle avec précision à tout moment. Tenant compte de cette

imprécision, nous préférons adopter une méthode d’analyse relativement

modeste qui, sans chercher à atteindre une grande précision, essaye de

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

94

rendre compte d’une certaine façon, des faits observés.

Après l’interview des paysans individuels, les résultats leur ont été

présentés pour recueillir leurs critiques et compléments d’informations en

vue de mieux appréhender les conditions d’adoption de la culture du

coton dans la région. Les séances de restitution nous ont alors conforté

dans l’option d’une méthode d’analyse simple dont le lecteur voit

clairement l’insuffisance, mais qui a la force de rester proche de la réalité.

L’analyse est faite sur deux périodes assez caractéristiques de l’évolution

des conditions d’encadrement et de vulgarisation de la culture du coton.

La première qui va de 1974 à 1983, tient compte de deux événements :

d’une part, la fin, en 1973, de l’encadrement par la CFDT, avec son

caractère oppressif ressenti par les paysans et, d’autre part, la cessation

des subventions de l’Etat aux intrants en 1983/1984. La seconde période

qui va de 1984 à 2000 permet de situer les réactions des producteurs de

coton placés en situation de libre choix de la culture. Cette période a

connu des modifications majeures dans le processus de production : la

mécanisation a été introduite et le mouvement coopératif a été mis en

place. La figure 2.8 est réalisée à partir des réponses à deux variables : le

nombre d’années de pratique de la culture ; la principale raison de ce

choix. Chaque paysan n’a donné qu’une seule raison (1 017 cas). Les

différentes raisons ont été regroupées en onze catégories. La figure 2.8

donne la situation globale indépendamment de la période.

De façon générale, sur l’ensemble des deux périodes, il ressort que deux

raisons prédominent avec une fréquence totale de près de 69 % à savoir :

le revenu escompté et le facteur travail. Le facteur travail intervient en

première position avec une fréquence d’environ 40 % si l’on combine les

trois raisons que sont la main-d’œuvre familiale (18 %), le nombre

d’épouses (13 %) et l’appartenance à un groupe de travail (10 %). Le

revenu vient en seconde place avec 28 % de fréquence. L’expérience du

chef d’exploitation se classe en troisième position avec 14 %. Ainsi, les

contraintes de travail, le revenu attendu et l’expérience peuvent être

considérés comme trois raisons principales qui soutiennent l’adoption de

la culture du coton (fréquence cumulée de 83 %). Les autres raisons

n’interviennent qu’à une fréquence d’environ 17 % : ce sont la

disponibilité en terre, le niveau d’alphabétisation, la culture attelée, les

fonds propres et l’héritage.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

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Mof Ter Eps Nal Nam Exp Rev Tra fpe cat her

Raisons

Ex

plo

itan

ts (

%)

Source : Notre enquête (échantillon de 1017 paysans)

Mof, nombre de travailleurs familiaux ; Ter, superficie de terre arable disponible ;

Eps, nombre d’épouses ; Nal, niveau d’alphabétisation du chef d’exploitation ;

Nam, niveau d’alphabétisation d’un membre de l’exploitation ;

Exp, nombre d’années d’expérience de gestion d’exploitation ;

Rev, espoir de revenu meilleur ; Tra, appartenance à un groupe de travail ;

Fpe, niveau d’épargne et de fonds propres ; Cat, possession d’une chaîne de culture

attelée ; Her, héritage.

Figure 2.8 : Principales raisons d’adoption du coton par l’exploitant

de 1974 à 2000

Cependant, une observation attentive révèle une certaine évolution dans

les motivations des paysans quant à leur décision d’adopter la culture du

coton d’une période à l’autre. En effet, comme le montre la figure 2.9, la

tendance générale est certes maintenue dans chacune des deux périodes,

mais, il y a eu quelques modifications de comportement qui, bien que de

faible importance relative, méritent d’être soulignées comme éléments de

dynamique agraire. L’expérience du chef d’exploitation semble avoir de

moins en moins d’influence sur le paysan dans sa décision en faveur du

coton. Trois nouveaux éléments apparaissent qu’on pourrait prendre pour

une tendance récente. Le premier est le niveau d’alphabétisation dont la

fréquence a presque triplé, passant de près de 4 % entre 1974 et 1983 à

environ 11 % de 1984 à 2002. Alors que seulement 1% des exploitants

avaient choisi la culture du coton dans la première période parce qu’ils se

faisaient confiance du fait de leur niveau d’alphabétisation, ils étaient

Page 120: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

96

environ 6 % à s’y référer au cours de la seconde période. Le second, c’est

la culture attelée : elle n’existait pratiquement pas dans les zones

d’enquête avant 1975 et, depuis son introduction, elle contribue de plus en

plus à l’adoption du coton. C’est peut-être l’effet de la culture attelée qui

se traduit sur la figure 2.9 par une réduction de l’importance du travail

d’entraide qui est passée de 12 % (de 1974 à 1983) à 6 % (de 1984 à

2002). Ce même effet, conjugué avec la réduction de l’âge de l’exploitant

peut soutenir la baisse de l’importance du nombre d’épouses, de 16 % à

8 %, parmi les raisons du choix de la culture du coton.

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Mof Ter Eps Nal Nam Exp Rev Tra fpe cat her

Raisons

Ex

plo

itan

ts (

%)

Période 1974 à 1983 Période 1984 à 2002Légende :

Source : Notre enquête (1017 paysans soit 627 de 1974 à 1983 et 390 de 1984 à 2002)

Mof, nombre de travailleurs familiaux ; Ter, superficie de terre arable disponible ,

Eps, nombre d’épouses ; Nal, niveau d’alphabétisation du chef d’exploitation ;

Nam, niveau d’alphabétisation d’un membre de l’exploitation ;

Exp, nombre d’années d’expérience de gestion d’exploitation ;

Rev, espoir de revenu meilleur ; Tra, appartenance à un groupe de travail ;

Fpe, niveau d’épargne et de fonds propres ; Cat, possession d’une chaîne de culture

attelée ; Her, héritage.

Figure 2.9 : Raisons d’adoption du coton par l’exploitant

Page 121: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

97

Le troisième élément qui ressort c’est que l’héritage et les fonds propres

ont été les raisons déterminantes de près de 7 % des paysans cultivant le

coton pour la première fois. Ces deux critères peuvent réduire l’influence

de l’expérience sur l’adoption du coton. En effet, bien que l’âge ne soit

pas pris directement en compte comme critère d’adoption, force est de

constater que de façon générale, l’âge de l’exploitant a baissé, passant de

48 ans dans les années 1970 à 39 ans en 2000. Nous avons relevé qu’entre

1991 et 2002, la plupart des exploitants âgés en moyenne de 28 ans et

sachant lire et écrire (cours primaire et collège), ont adopté la culture du

coton par héritage.

Après l’examen des conditions d’adoption de la culture du coton tant au

niveau du village que de celui des exploitations individuelles, l’analyse se

porte sur les conséquences directes et indirectes sur les systèmes de

production.

3.4 La différenciation et le dynamisme des exploitants

3.4.1 La typologie des exploitants

Les paysans ont des ambitions personnelles qui, sur la base de leurs

expériences, de la quantité et de la qualité des moyens dont ils disposent

et de leur propension à prendre quelques risques, fondent leurs

perceptions des choses et leurs objectifs ou leurs décisions de produire

dans le temps et dans l’espace. L’étude de la trajectoire des exploitants

peut permettre entre autres choses de les classer en groupes plus ou moins

homogènes et de les caractériser par rapport aux décisions et aux

conséquences de ces dernières. Ces groupes doivent avoir une

signification sociale et économique assez claire et l’appartenance d’un

exploitant à un groupe doit avoir une certaine stabilité dans le temps par

rapport à des événements de moindre importance. Cependant, il est

difficile d’établir une typologie passe-partout des exploitants agricoles

compte tenu de la diversité des décisions de produire, de leurs

conséquences sur la vie et l’avenir de chaque exploitant et aussi des

objectifs de l’étude. La démarche à l’origine de la présente typologie est

simplificatrice et réduit la diversité des cas et de la différenciation

progressive que suivent les exploitations agricoles en présence.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

98

La typologie proposée n’est donc pas exhaustive et ne révèle pas toutes

les hétérogénéités des situations réelles rencontrées. Elle contribue, de

façon approximative, à comprendre comment les exploitants en présence

ont évolué dans le temps pour être ce qu’ils sont au moment de nos

enquêtes. Une autre difficulté provient de la détermination de la clé de

répartition des exploitants rencontrés en groupes homogènes. La taille de

l’exploitation peut être un critère, mais la superficie totale emblavée ou le

nombre de travailleurs qui peuvent refléter l’importance économique de

l’exploitation sont des critères variables dans le temps. La marge brute

d’exploitation peut servir de critère à l’élaboration de la typologie, mais

elle dépend des prix des intrants, des prix reçus des productions et de la

performance des circuits de commercialisation. La marge brute apparaît

donc comme un critère instable. La structure de la production, à savoir la

proportion relative de chaque production dans l’exploitation en superficie

ou en valeur, est aussi variable d’une année à l’autre et ne peut fonder la

typologie dans notre cas.

L’ensemble des inputs utilisés dans la production peut servir de critère qui

fonde la typologie s’il est possible d’établir assez nettement la structure et

les proportions relatives de ces inputs. De cette façon, on s’inspire de la

fonction de production à la condition que cette dernière soit d’abord

objectivement déterminable. Elle doit ensuite se traduire par une liaison

de causalité assez solide ou intense entre le vecteur des quantités de

facteurs employés et celui des quantités de productions. Mais dans la

pratique, il est difficile de mesurer avec précision le niveau des facteurs.

Ce critère ne peut donc nous être utile.

Le critère employé dans le cas présent n’est pas non plus irréprochable.

Mais, il a été déterminé avec le concours des paysans sur la base, d’une

part, de sa simplicité ou de sa clarté à leurs yeux et, d’autre part, en

fonction de sa relative stabilité dans le temps. Deux critères ont alors été

privilégiés à savoir, la spécialisation par rapport au niveau de

mécanisation d’une part et, la culture principale, d’autre part. Le niveau

de mécanisation permet de définir trois types perceptibles sans équivoque

à savoir la houe (culture manuelle), la traction animale et la motorisation.

Dans le système manuel à base coton, certains exploitants louent

l’attelage contrairement à d’autres. Dans le système vivrier, certains

exploitants privilégient les céréales et d’autres, l’igname (figure 2.10).

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

99

Figure 2.10- Typologie des exploitants de la zone d'étude

Source : Notre enquête

Légende : SCIG = système sans coton privilégiant l'igname SCIG = système vivrier sans coton privilégiant l'igname

CASCH = système coton en culture attelée sans charrette

CAACH = système coton en culture attelée avec charrette

CMSCA = système coton motorisé sans attelage

CMACA = système coton motorisé avec attelage

SCCE = système vivrier sans coton privilégiant les céréales

MSLCA = système coton manuel sans location d'attelage

MALCA = système coton manuel avec location d'attelage

SCIG SCCE MSLCA MALCA CASCH CAACH CMSCA CMACA

Ensemble des producteurs

Sans coton Avec coton

Manuel Mécanisé

Attelé Motorisé

Ainsi, au fil du temps et ce, depuis la période précoloniale, la culture du

coton a contribué peu à peu à exacerber la différenciation latente des

exploitants. En effet, selon les témoignages de personnes ressources,

plusieurs castes coexistaient au sein des communautés villageoises. Ces

castes se référaient à la spécialisation sociale et parfois économique d’un

lignage où le secret du métier se transmettait de génération en génération :

les artisans (dessinateurs sur toile, sculpteurs, forgerons, bijoutiers,

tisserands), les griots ou gardiens de la parole et de la mémoire collective,

les marabouts ou porte-parole du divin et de l’esprit des morts auprès des

vivants, les guérisseurs ou médecins traditionnels, les sorciers capables de

jeter un sort ou de donner la mort de près ou de loin, les artistes

(musiciens, chorégraphes), les commerçants souvent d’origine dioula.

Chaque caste était reconnue et respectée par l’importance des services

attendus ou effectivement rendus à la communauté. La peur qu’inspirait le

sorcier avait même un aspect positif en ce sens qu’elle contribuait à

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

100

limiter les déviations des règles de vie communautaire. La cohabitation de

ces castes assurait une certaine harmonie au sein de la communauté qui,

comme on le voit, n’était en rien homogène. Les us et coutumes

atténuaient le particulier au profit du collectif, l’importance de l’individu

perçue en référence à sa classe d’âge, à son lignage.

Inversement, les principes d’harmonie et de solidarité communautaires

qui entraînaient une sorte de nivellement des différences par la base sont

en voie de disparition. Déjà à l’époque coloniale, l’introduction de

l’impôt de capitation, après la première phase où il était payé sous forme

de journées de travail, a été exigé d’être payé en espèces et la culture du

coton était en bonne place pour y contribuer. Dès lors, les germes de la

différenciation par la culture du coton étaient semés. L’arrivée de la

CFDT et de l’IRCT qui ont œuvré à l’adaptation et à la vulgarisation de

paquets technologiques spécifiques aux conditions pédoclimatiques de

production du coton a accentué le rôle de la culture du coton dans les

systèmes de production. Au fil des campagnes agricoles, le caractère forcé

ou coercitif de la culture du coton est de plus en plus oublié, faisant place

à son importance technico-économique dans les décisions individuelles

des chefs d’exploitation et dans le modelage du paysage agraire. Dans son

intervention depuis 1974, la CIDT a privilégié une méthode diversifiée de

vulgarisation rapprochée du coton et aussi des cultures assolées. Elle

contribue à l’introduction d’outils mécanisés (traction animale, petite,

moyenne et motorisation conventionnelle) et à la formation d’un grand

nombre de forgerons capables de fabriquer et de réparer notamment les

outils de traction animale. Tout cela accentue la conviction des paysans

d’adopter la culture du coton, de perfectionner leurs matériels et

techniques culturales et aboutit à la typologie observée. On comprend

ainsi que, par le travail et les ambitions personnelles, la culture du coton

amplifie de façon plus claire et même irréversible, la stratification sociale.

Par le passé, cette stratification était peu perceptible en dehors d’une

hiérarchisation symbolique basée par exemple sur les privilèges de l’âge

ou de l’antériorité (sages du village, dignitaires des rites initiatiques,

propriétaires terriens, etc.), Sans la culture du coton, il est indiscutable

que le système agraire poursuivrait son élan et qu’une différenciation

apparaîtrait tôt ou tard. Cette dernière, quelle qu’elle soit, serait aussi

imputée à au moins un critère déterminant. Dans le cas présent, nos

observations corroborées par les résultats de plusieurs autres études

comme Kientz, 1984, Le Roy, 1987 et Pokou, 1990 ; pour ne citer qu’eux,

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

101

incitent à soutenir que la culture du coton a entraîné une exacerbation de

la différenciation latente des exploitations. Un examen de la trajectoire

d’évolution des paysans par rapport à la gestion de leur exploitation

permet de comprendre comment la culture du coton a joué sur leurs

motivations et leurs choix en conduisant à les stratifier.

3.4.2 La trajectoire d’évolution des paysans

On peut essayer de rendre compte de l’évolution de sous-groupes de

paysans relativement homogènes par rapport à leur stratégie de

mécanisation. Pour cela, des périodes repères ont été fixées dans le temps

avec le concours des paysans de telle sorte que chacun puisse s’y

retrouver et relater les points marquants de sa propre évolution. Les

périodes proposées se situent autour des années 1975 (jusqu’en 1975),

1985 (de 1976 à 1985), 1995 (de 1986 à 1995) et 2002 (de 1996 à 2002).

Dans la zone d’étude 87 exploitants ont été choisis parmi ceux qui avaient

au moins 25 ans de pratique de la culture du coton. L’enquête a été

réalisée une première fois en mars 1999, en début de campagne agricole,

et une seconde fois en janvier 2002, en fin de campagne. Les deux

périodes d’enquête ont permis de corriger et de compléter les

informations7.

L’échantillon des 87 exploitants en culture mécanisée a été initialement

réparti en six sous-groupes suivant le degré ou la stratégie de

mécanisation auquel ils se trouvaient en 1975, comme suit :

48 paysans en culture manuelle stricte sans location de

matériels attelés (MSLCA),

26 exploitants en culture manuelle mais louant du matériel de

culture attelée (MALCA),

12 autres disposant d’une chaîne de culture attelée et n’ayant

pas de charrette (CASCH),

7 Lorsque nous reprenions les enquêtes en janvier 2002, 6 chefs d’exploitation de la

première enquête étaient décédés. Les éléments clés de leur cursus ont été confirmés

par les autres paysans dont certains parents. De façon générale, les paysans d’une

petite zone s’observent mutuellement. Au cours des enquêtes semi-ouvertes de groupes

restreints (environ 10 paysans), le cursus de chacun ne pouvait être falsifié en ses

données caractéristiques relatives à la mécanisation sans provoquer la réaction des

autres qui apportaient des éléments de précision.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

102

1 seul exploitant ayant à la fois la culture attelée et une

charrette (CAACH),

0 exploitant en motorisation sans culture attelée (CMSCA),

0 exploitant en motorisation avec culture attelée (CMACA).

Par la suite, l’enquête a consisté à retrouver le stade auquel chacun était

aux différentes périodes : 6 tables sont installées avec 6 enquêteurs.

Chaque table ou enquêteur représente chacun des 6 niveaux de

spécialisation. Pour une période annoncée, chaque paysan se met dans le

rang en face d’une table où l’enquêteur note son nom et celui de son

village.

La figure 2.11 donne l’évolution de la distribution de la fréquence des

paysans au cours des différentes périodes d’observation et suivant les

stratégies de mécanisation.

Figure 2. 11. Evolution de la mécanisation

Sources : Notre enquête

55

3733

59

0

10

20

30

40

50

60

70

1975 1985 1995 2002 Périodes

Ex

plo

ita

nts

(%

)

MSLCA

MALCA

CASCH

CAACH

CMSCA

CMACA

Figure 2.11 : Evolution de la mécanisation

Page 127: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

103

Il ressort qu’au départ, c’est-à-dire dans les années 1975, 55 % des

paysans interrogés travaillaient exclusivement à la daba, 30 % travaillant

à la houe avaient recours à des prestataires de travail disposant de chaîne

de culture attelée, 14 % avaient déjà adopté la traction bovine. Les

paysans ayant à la fois une chaîne de traction animale et une charrette

étaient assez rares, soit 1% de l’effectif. Environ une décennie plus tard,

la plupart des paysans avaient changé de stratégie : la configuration des

sous-groupes s’est modifiée. Deux décennies plus tard, c’est-à-dire

en 1995, certains paysans ont pu acquérir un tracteur, soit 5 % des cas,

d’autres ont en plus du tracteur, une chaîne de traction bovine. En 2002,

on constate qu’aucun des paysans de cet échantillon ne travaillait plus

exclusivement à la daba, ceux qui avaient recours à la location de

matériels attelés ne représentaient que 11% de l’ensemble. La stratégie

prédominante en 2002 consiste à avoir au moins une chaîne de culture

attelée et une charrette. L’effectif des paysans disposant de tracteurs s’est

réduit entre 1995 et 2002.

Cette figure ne traduit pourtant pas assez les mécanismes de

fonctionnement et de prise de décision des exploitants d’une période à

l’autre. Par exemple, elle ne renseigne pas sur la trajectoire des 59 % de

paysans qui, en 2002, avaient en plus de leurs chaînes de culture attelée,

une charrette en vue d’assurer le transport de leurs matériels et produits.

De même, elle ne situe pas la trajectoire suivie par les 55 % de paysans

qui étaient en culture manuelle stricte en 1975.

En effet, il est possible d’identifier chaque sous-groupe soit en suivant le

temps dans le sens normal de 1975 à 2002, soit en remontant le temps de

2002 à 1975. Pour cela, construisons une matrice dont les lignes sont les

différentes stratégies alternatives qui se présentent aux paysans et les

colonnes, les périodes. Dans chaque cellule, les paysans correspondants

sont identifiés nommément. On peut ainsi suivre chaque exploitant pour

connaître sa stratégie ou sa position à chacune des périodes. Le

tableau 2.1 illustre la matrice d’informations dans l’exemple théorique de

l’alternative (A ou B) à choisir durant quatre périodes (1, 2, 3 et 4).

Pendant la première période, l’effectif des paysans ayant adopté la

stratégie A est A1. Au cours de la seconde période, certains peuvent avoir

gardé la même stratégie A, ils sont quantifiés par A1A2. D’autres par

contre peuvent avoir adopté la stratégie alternative B en seconde période,

ils sont notés par A1B2. En poursuivant le raisonnement théorique, il

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

104

apparaît que le nombre de cas possibles augmente rapidement avec le

nombre de périodes. Le tableau 2.1 montre bien que pour une alternative

(A ou B) et 2 périodes, il y a 4 cas possibles ; pour cette même alternative

et 3 périodes, il y a 8 cas possibles ; et pour 4 périodes, il y a 16 situations

observables. Ainsi, par récurrence, si n indique le nombre de stratégies et

m le nombre de périodes, la matrice des informations qu’on pourrait

traduire par l’arbre des décisions donne théoriquement lieu à nm

situations

possibles.

Tableau 2.1 : Matrice des informations des possibilités de choix de

stratégies dans un cas théorique d’une alternative (A, B)

durant 4 périodes

Alternative

(A ou B) Périodes

1 2 3 4

A

A1A2A3A4

A1A2A3B4

A1A2B3A4

A1A2B3B4

A1B2A3A4

A1B2A3B4

A1B2B3A4

A1B2B3B4

B

B1A2A3A4

B1A2A3B4

B1A2B3A4

B1A2B3B4

B1B2A3A4

B1B2A3B4

B1B2B3A4

B1B2B3B4

B1

A1

B1B2

B1A2

A1A2

A1B2

A1A2A3

A1A2B3

A1B2A3

A1B2B3

B1A2A3

B1A2B3

B1B2A3

B1B2B3

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

105

Dans notre cas d’étude, il y avait n égal à 6 alternatives technologiques au

départ en 1975 et m égal à 4 périodes : on aurait donc théoriquement 64

soit 1 296 situations observables à la quatrième période (2002). Les

décisions du paysan ne sont pas prises au hasard. A chaque période, le

paysan raisonne suivant son expérience, ses contraintes, ses atouts, ses

ambitions et adopte une et une seule alternative technologique après avoir

éliminé toutes les autres. Au cours de l’enquête, les quatre sous-groupes

qui existaient en 1975 ont évolué suivant 43 trajectoires différentes (et

non 1 296 trajectoires théoriques). Cela permet d’approfondir la

compréhension de la dynamique des exploitants agricoles observés. Le

tableau 2.2 donne la distribution de l’effectif des 87 exploitants suivant

les niveaux de technicité par période.

Tableau 2.2 : Evolution de la distribution des exploitants suivant le niveau

technique de 1975 à 2002

Niveaux

techniques

Périodes 1

(Jusqu’à

1975)

2

(1976 à

1985)

3

(1986 à

1995)

4

(1996 à

2992)

MSLCA 48 21 9 0

MALCA 26 32 18 10

CASCH 12 20 26 23

CAACH 1 14 29 51

CMSCA 0 0 4 3

CMACA 0 0 1 0

Total 87 87 87 87

Source : Notre enquête, 2002

Légende : MSLCA, culture manuelle sans location de matériels attelés

MALCA, culture manuelle louant du matériel de culture attelée

CASCH, culture attelée sans charrette

CAACH, culture attelée avec une charrette

CMSCA, culture motorisée sans culture attelée

CMACA, culture motorisée avec culture attelée

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

106

Les paysans sont préoccupés d’adopter des matériels agricoles plus

performants au fil des années. En 2002, 88,5 % des exploitants de

l’échantillon ont une chaîne de culture attelée et seulement 11,5 % sont

encore en culture manuelle. Par contre, jusqu’en 1975, 85 % des

exploitants n’avaient pas d’attelage. Aucun exploitant de cet échantillon

ne veut plus travailler exclusivement à la houe, bien qu’elle fasse partie

de la collection d’outils utilisés. On peut donc dire que la situation s’est

inversée, traduisant une formidable évolution des mentalités et des

comportements des paysans.

Les trajectoires suivies par les uns et les autres traduisent leurs réactions

individuelles, leurs stratégies de production suivant leurs contraintes

spécifiques, leurs ambitions, leurs capacités à mobiliser le capital tant par

le travail que par toutes possibilités de transferts de capital (crédit, dons,

héritage), leur capacité d’anticipation dans un avenir incertain. Durant les

25 années de pratique de la culture du coton, ils ont connu des fortunes

diverses : certains ont vite adopté la culture attelée ou la culture motorisée

tandis que d’autres étaient encore en culture manuelle après plus de

15 ans. Le tableau 2.2 ne permet pas d’expliquer le passage d’un

exploitant d’un niveau technique à un autre, d’une période à l’autre. Les

figures 2.12a, 2.12b, 2.12c et 2.12d traduisent les trajectoires des 12

paysans qui étaient en culture attelée sans charrette (CASCH = C) en

1975. Pour lire ces figures, on part de la gauche vers la droite. A partir

d’un carré donné, une flèche à pente positive indique un niveau technique

inférieur à la situation de départ ; une pente nulle (flèche horizontale)

indique que le niveau technique reste stable ; une flèche à pente négative

indique un niveau technique supérieur. Chaque case contient le nombre

d’exploitants concernés. Au-dessus, on a noté la trajectoire telle que les

lettres A à F représentent les niveaux techniques8 et les chiffres (1 à 4),

les périodes9 Dans la figure 2.12a par exemple, deux exploitants ont

régressé de 1975 à 1985.

8 A=MSCLA = exploitants en culture manuelle stricte sans location de matériels attelés.

B = MALCA = exploitants en culture manuelle mais louant du matériel de culture,

C = CASCH = exploitants disposant d’une chaîne de culture attelée,

D = CAACH = exploitants ayant à la fois la culture attelée et une charrette,

E = CMSCA = exploitants en motorisation sans culture attelée,

F = CMACA = exploitants en motorisation avec culture attelée 9 1 = jusqu’en 1975 ; 2 = de 1976 à 1985 ; 3 = de 1986 à 1995 ; 4 = de 1996 à 2002.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

107

Figure 2.12a : Trajectoire d’évolution de 2 exploitants

parmi les 12 étudiés

Suite au décès de son épouse et de son premier fils, le premier revend ses

matériels de culture attelée en 1985. Il se retrouve en 2002 sans matériels

attelés propres à lui, mais en situation de dépendance vis-à-vis de ceux

qui en disposent. Par contre, le second a eu plus de chance. Selon ses

dires, l’un de ses deux bœufs d’attelage était mort en 1976. Dans le même

temps, son frère cadet qui travaillait avec lui, l’avait quitté pour la ville,

espérant apprendre un métier. Il a donc arrêté le travail à l’attelage. Son

frère cadet n’ayant pas réussi en ville, était revenu au village en 1983.

Ensemble, ils ont acheté deux nouveaux bœufs en 1989 et, en 1999, ils

ont acheté une charrette. La figure 2.12b montre les trajectoires suivies

par trois autres exploitants.

Figure 2.12b : Modification de la trajectoire d’évolution de 3 exploitants

dans la troisième période (1986-1995)

C1C2

C1C2D3D4

C1C2C3C4

C1C2B3B4

C1

C1C2D3

C1C2C3

C1C2B3

3 1 1

1

1

1

1

12

Source : Notre enquête

C1B2B3B4

C1B2C3D4

C1B2B3

C1B2C3

1

1

1

C1

1

C1B2

2

12

Source : Notre enquête

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

108

De 1975 à 1985, ces trois exploitants sont tous restés en culture attelée

(C1C2). Mais, pendant la troisième période (1986 à 1995), ils sont à des

niveaux techniques différents :

le premier arrête la culture attelée et reste dans cette situation

jusqu’en 2002,

le second garde sa chaîne attelée sans acheter de nouveaux

matériels

le troisième acquiert une charrette en plus de sa chaîne attelée,

dans la dernière période.

La figure 2.12c montre les trajectoires de 2 autres exploitants parmi les 12

du sous-échantillon.

Figure 2.12c : Changement de trajectoire d’évolution de 2 paysans

en 1986-1995

On relève que dans la période 1986 à 1995, deux exploitants faisant partie

des 7 qui avaient déjà acquis une charrette en plus de leur attelage,

changent leur situation. En effet, ils ont acquis un tracteur. L’un reste

dans cette situation jusqu’en 2002 (C1D2E3E4) ; l’autre a acheté une

charrette en plus de son tracteur (C1D2F3). Mais, en 1999, ce dernier, se

sentant vieux, cède sa charrette à son fils mais garde sa chaîne attelée.

Dans la figure 2.12d, on voit comment ont évolué 5 des 12 exploitants en

culture attelée depuis 1975.

Source : Notre enquête

C1

C1D2

C1D2E3E4

C1D2F3

C1D2F3E4

C1D2E3

C1D2D3

7

2

1

5

1

12

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

109

Figure 2.12d : Trajectoire stable de 4 exploitants depuis 1975

On voit que ces cinq exploitants ont gardé le même niveau de technicité

de 1985 à 1995. En 2002, quatre exploitants parmi eux n’ont toujours pas

changé de niveau (C1D2D3D4), par contre, le cinquième a régressé. : il a

cédé ses matériels de culture attelée à son premier fils qui assurait

l’essentiel des travaux mécanisés. En 1997, il a accepté que ce dernier

s’installe enfin à son propre compte en devenant un chef d’exploitation.

L’analyse de l’évolution de ces 12 exploitants peut se résumer dans le

tableau 2.3.

Tableau 2.3 : Evolution de la distribution des 12 exploitants disposant de

culture attelée en 1975 (trajectoire)

Niveaux

techniques

Périodes 1

(Jusqu’à 1975)

2

(1976 à 1985)

3

(1986 à 1995)

4

(1996 à 2002)

MSLCA = A 0

MALCA = B 2 (C1B2) 2 (C1B2B3) 2 (C1B2B3B4)

CASCH = C 12 (C1) 3 (C1C2) 2 (C1C2C3) 2 (C1C2C3C4)

CAACH = D 7 (C1D2) 6 (C1D2D3) 6 (C1D2D3D4)

CMSCA = E 2 (C1D2E3) 2 (C1D2E3E4)

CMACA = F

Total 12 12 12 12

Source : Notre enquête, 2002

Légende : MSLCA, culture manuelle sans location de matériels attelés

MALCA, culture manuelle louant du matériel de culture attelée

CASCH, culture attelée sans charrette

CAACH, culture attelée avec une charrette

CMSCA, culture motorisée sans culture attelée

CMACA, culture motorisée avec culture attelée

C1

C1D2 C1D2D3D4

C1D2D3C4

C1D2D3

1

4 5

12

7 Source : Notre enquête

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

110

On constate que ces exploitants ont évolué de telle sorte qu’en 2002, ils

sont répartis en quatre sous-groupes suivant leur niveau de mécanisation.

En effet, 2 exploitants ont perdu leur chaîne attelée, 2 autres n’ont pas

changé par rapport à leur situation de 1975, 6 ont acheté une charrette et 2

ont réussi à acquérir un tracteur.

Chaque paysan a ainsi une trajectoire d’évolution particulière dans la

mesure où il est aisément identifié dans le village par les caractéristiques

techniques de son exploitation. Suite à ce qui précède, l’on peut essayer

de comprendre l’impact de la culture du coton sur les deux principaux

facteurs qui se font de plus en plus rares dans la région : la terre et le

travail.

3.5 La culture du coton modifie l’occupation du sol

3.5.1 Le système vivrier traditionnel de base en 1960

La situation agricole des trois zones d’étude peut être établie (figure 2.13)

en 1960-1965 grâce aux études de la SEDES. Les systèmes de culture ou

l’ensemble plus ou moins structuré des productions végétales et animales

retenues par les agriculteurs (Badouin, 1969) étaient composés de

nombreuses espèces végétales. Mais, neuf cultures représentaient 90 %

des superficies cultivées et la quasi-totalité de la valeur de la production.

Il s’agissait essentiellement du maïs (Zea maïs L.), du mil (Pennisetum

glaucum L..), du riz pluvial (Oryza sativa L.), du riz de marais (Oryza

glaberrima Steud.), de l’igname (Dioscorea spp.), de l’arachide (Arachis

hypogaea L.), du coton (Gossypium hirsutum L.), et dans une moindre

mesure, du sorgho (Sorghum spp.) et du pois de terre (Vigna subterranea

(L.) Verdc..). Cependant, deux cultures prédominaient à savoir le mil et

l’igname. La SEDES avait alors défini deux grandes zones de

production : la zone mil et la zone igname. La première couvrait les

villages cibles de Ouamélhoro, Niellé et Kouniguékaha ; la seconde

concernait Sionhouakaha ou Dikodougou. Dans ce système vivrier

traditionnel de base, les cultures pures représentaient seulement 20 % des

superficies totales de la région contre environ 80 % pour les associations

de cultures qui étaient de ce fait prédominantes. Les associations à deux

cultures occupaient environ 58 % des superficies, celles à trois cultures

intervenaient sur près de 18 % des superficies tandis que les associations

de 4 cultures occupaient environ 2 % des emblavures (figure 2.13).

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

111

autres

associations :

1,8%

quatre

cultures

associées :

1,8%

trois cultures

associées :

18,4%

deux cultures

associées :

57,8%

cultures pures

: 20,2%

Source : adapté de SEDES, 1965

Figure 2.13 : Types d’associations de cultures en 1960

La culture du coton avait une place assez marginale par rapport aux

vivriers dans les systèmes de culture. En effet, le coton semé en culture

pure représentait seulement 1,3 % des superficies totales cultivées, soit

6,7 % des superficies sous cultures pures. Comme le montre la

figure 2.14, la culture du coton était beaucoup plus pratiquée en

associations avec les vivriers qu’en culture pure. En effet, 39 % des

superficies en coton étaient des associations à deux cultures (igname +

coton et maïs + coton), 47 % étaient des associations de trois cultures

(igname + riz pluvial + coton, maïs + riz pluvial + coton et igname + maïs

+ coton), 8 % étaient des associations de quatre cultures (igname + maïs +

riz pluvial + coton). Ces chiffres montrent que seulement 6 % des

superficies de coton étaient en culture pure contre 94 % dans diverses

associations.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

112

3 cultures

associées au

coton : 8%

Culture pure

de coton : 6%

1 culture

associée au

coton : 39%

2 cultures

associées au

coton : 47%

Source : Données établies à partir de SEDES, 1965

Figure 2.14 : Distribution de la superficie de coton par type d’associations

Ce système vivrier traditionnel de base est le système de production qui

était pratiqué de façon générale dans les zones cotonnières avant la mise

en œuvre du programme de vulgarisation du « paquet technologique »

comprenant la culture du coton. Il était supposé assurer la quasi-totalité

des besoins d’autoconsommation et pouvait, dans une moindre mesure,

procurer un revenu monétaire par la vente notamment de surplus vivriers.

Le système de culture était un système itinérant essentiellement sur

défriche-brûlis. Dans les trois zones d’étude, les principales rotations de

l’époque sont indiquées dans le tableau 2.4.

La durée de la jachère était assez longue, même dans la zone densément

peuplée de Korhogo (Kouniguékaha) où les contraintes de terre étaient

déjà assez bien perçues dans les années 60. L’igname était cultivée dans

toutes les zones et venait presque toujours en tête d’assolement. Les

associations culturales étaient pratiquées sans tenir compte de l’année de

rotation. L’arachide fermait la rotation dans toutes les zones. La durée

d’utilisation du sol excédait rarement 6 ans. Elle se limitait autour de 3 à

4 ans en zone igname. De façon générale, la baisse de la fertilité des sols,

la pression des adventices et les risques d’érosion étaient les principales

raisons de l’abandon d’une parcelle laissée en jachère.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

113

Tableau 2.4 : Rotations dans le système vivrier de base en 1960

Année Zone dense mil

(Kouniguékaha)

Zone mil

Niellé, Ouaouaron

Zone igname

Sionhouakaha

Année 1 Igname+riz+coton

Igname+mil

Igname+mil+coton

Maïs+mil

Igname+riz+maïs

Riz+coton

Année 2 Riz+coton

Maïs+mil

Maïs+mil Riz+maïs,

arachide

Année 3 Riz+mil

Arachide+maïs

Maïs+mil,

arachide

Riz+maïs,

arachide

Année 4 Maïs+mil, arachide Maïs+mil,

arachide

Arachide, jachère

Année 5 Maïs+mil, arachide Arachide Jachère 6 à 30

ans

Année 6 Jachère 5 à 10 ans Jachère 8 à 15 ans Source : Adapté de SEDES, 1965

3.5.2 Le système de culture actuel

L’assolement s’est considérablement transformé en 2002 au regard de la

situation de base en 1960 (figure 2.13).

En effet, comme le montre la figure 2.15, on peut dire qu’il y a

pratiquement eu une inversion de situation : en 2002, les cultures pures

occupent plus de 60 % des superficies dans les trois zones d’étude. Chez

les paysans en culture motorisée, les associations culturales sont encore

plus rarement pratiquées que dans les autres systèmes mécanisés.

Dans les systèmes sans coton, ceux qui privilégient les céréales associent

de moins en moins les cultures que ceux qui ont conservé le système à

base d’igname. Dans ce dernier, les associations représentent encore près

de 40 % des superficies, contrairement à 1960 où elles en occupaient

environ 80 %. Il a été observé que les associations incluant la culture du

coton n’existent plus, celles contenant trois cultures du type igname + riz

pluvial + maïs dans la zone de Dikodougou, igname + riz pluvial + mil

dans les zones de Korhogo et de Niellé sont de plus en plus rares.

Quelques associations à deux cultures subsistent encore, notamment à

Dikodougou comme par exemple igname + riz pluvial, riz pluvial + maïs,

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

114

arachide + maïs. Dans cette tendance générale de réduction des

superficies des cultures associées, ce sont les paysans sans coton qui

pratiquent encore relativement plus d’associations. En d’autres termes, la

culture du coton a contribué à la réduction des associations de cultures et

ceux qui ne cultivent pas le coton ne sont pas restés indifférents aux

transformations des techniques culturales induites par cette culture.

76

8992 98

83

64

24

118

2

17

36

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

MSLCA MALCA CCA CCM SCCE SCIG

Types d'exploitation

Su

per

fici

es

Cultures pures Cultures associées

Source : Notre enquête

MSLCA = coton, manuel sans location de matériel attelé

MALCA = coton, manuel avec location de matériel attelé

CCA = coton, culture attelée

CCM = coton, culture motorisée

SCCE = sans coton, privilégiant les céréales

SCIG = sans coton, privilégiant l’igname

Figure 2.15 : Types d’association en 2002 dans différents types

d’exploitations

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

115

3.5.2.1 La durée d’occupation du sol

Les modifications intervenues dans les rotations culturales sont

essentiellement de deux ordres : d’une part, la culture du coton vient de

plus en plus en tête d’assolement par rapport au système vivrier

traditionnel de base et d’autre part, la durée d’occupation du sol est

devenue relativement plus longue. Le tableau 2.5 donne une idée de

l’évolution entre 1960 et 2002. Pour chaque parcelle, le nombre d’années

de jachère avant le dernier défrichement a été relevé ainsi que la

superficie. Quatre classes de durées de jachère sont ensuite déterminées à

savoir :

durée nulle ou quasi nulle, système d’exploitation fixée,

notamment pour les parcelles de cultures pérennes et quelques

parcelles en zone dense,

durée comprise entre 1 an et 10 ans de jachère, avec une moyenne

d’environ 5 ans, système d’exploitation semi-fixé,

durée de 11 à 20 ans avec une moyenne de 10 ans de jachère,

système semi-itinérant,

durée de plus de 20 ans de jachère avec une moyenne de 25 ans,

système itinérant.

Tableau 2.5 : Distribution relative de la superficie cultivée selon le

système d’exploitation et la zone d’étude (%)

Système

d’exploitation

Niellé Kouniguékaha Sionhouakaha

1960 2002 1960 2002 1960 2002

Fixé 7,4 6,0 27,4 4,0 4,3 1,0

Semi-fixé 18,5 45,5 36,3 81,5 33,5 67,5

Semi-itinérant 13,9 25,5 10,9 13,0 33,9 23,5

Itinérant 60,2 23,0 25,4 1,5 38,3 8,0

Total 100 100 100 100 100 100 Sources : SEDES, 1965 et Notre enquête, 2002

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

116

Il apparaît que le système d’exploitation itinérant qui prévalait en 1960 est

de moins en moins pratiqué. Dans le village de Kouniguékaha en zone

dense de Korhogo par exemple, les systèmes d’exploitation de type semi-

fixé occupent environ 80% des superficies cultivées. Dans les deux autres

zones d’étude, les systèmes d’exploitation itinérants existent encore sur

environ 23% des emblavures à Niellé et Ouaouaron et sur 8% des

superficies à Sionhouakaha.

L’accroissement de la durée d’occupation des terres se fait par des

rotations multiformes qui semblent provenir parfois de l’inspiration de

chaque chef d’exploitation face à ses contraintes et ses atouts. Les raisons

qui soutiennent cet accroissement de la durée d’occupation des sols sont :

l’utilisation de la fertilisation minérale et/ou organique,

les techniques de travail du sol (labour à la charrue) qui favorisent

une aération et un ameublissement du sol,

la rareté des terres notamment en zone dense et à proximité des

villages, la pénibilité du travail de défrichement en zone pré-

forestière de Dikodougou.

C’est la culture du coton qui a une durée d’occupation du sol la plus

longue : il arrive qu’elle se succède à elle-même pendant 4 à 5 campagnes

sur la même parcelle et parfois plus. L’enquête a permis d’établir

l’historique des parcelles en termes de succession de cultures au fil des

campagnes agricoles à partir de la première année de défrichement, sans

tenir compte des rotations qui se réalisent au cours de la même année. Il

apparaît que seule la culture du coton peut se succéder à elle-même durant

8 campagnes sur la même parcelle. Cependant, au-delà de 4 ans, la

fréquence de parcelles de ce type est plus faible (tableau 2.6). Les autres

cultures se succèdent assez rarement à elles-mêmes.

Sur 100 parcelles qui portent la culture du coton en première année de

défrichement, 73 sont reprises avec du coton en seconde année, 68 portent

encore du coton en troisième année. En huitième année, seulement

5 parcelles sont toujours emblavées en coton. Plus de la moitié des

parcelles cultivées en maïs en première année de défrichement sont

reprises en seconde année avec la même culture ; en quatrième année,

19% des mêmes parcelles portent encore du maïs. Les successions igname

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

117

sur igname sont peu fréquentes et lorsque cela arrive, ce n’est pas toute

l’ancienne parcelle qui est reprise, mais une petite partie. Quatre cultures

principales se succèdent ainsi à elles-mêmes à savoir le coton, le maïs, le

riz et l’igname, mais dans des proportions différentes suivant les zones.

Tableau 2.6 : Fréquence de parcelles portant la même culture depuis la

première année de défrichement (% de parcelles de la

culture)

Culture An 1 An2 An3 An4 An5 An6 An7 An8

Coton 100 73 68 44 32 26 13 5

Igname 100 24 3 0

Riz

pluvial.

100

37

11

2

0

Maïs 100 59 41 19 5 0 Source : Notre enquête, 2002.

Le tableau 2.7 met en évidence l’importance relative des principales

cultures en tête de rotation dans la zone d’étude.

Tableau 2.7 : Importance relative des principales cultures en tête de

rotation (% du nombre de parcelles)

Tête

d’assolement

Niellé et

Ouamélhoro

Kouniguékaha Sionhouakaha

Coton 57 20 12

Igname 2 1 51

Igname + riz 0 0 20

Riz pluvial 6 8 5

Riz + maïs 11 28 10

Maïs 24 43 2

Total 100 100 100 Source : Notre enquête

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

118

Le coton est la principale culture en tête de rotation à Niellé où il occupe

57 % des parcelles nouvellement défrichées. A Kouniguékaha, en zone

dense, les céréales, notamment le maïs et le riz pluvial, sont les plus

fréquentes en première année de défrichement. A Sionhouakaha, c’est la

tradition de l’igname qui prédomine. Les résultats précédents montrent

d’ailleurs que ces cultures qui occupent la tête de rotation dans chaque

zone sont celles qui y sont aussi les plus cultivées. Le choix des cultures

qui font partie de l’assolement, en dehors des contraintes

pédoclimatiques, relève des objectifs propres à chaque chef

d’exploitation. A Sionhouakaha, par exemple, où l’igname était presque

toujours la seule culture en tête de rotation, le coton est en train de se faire

une place depuis que le village l’a accepté.

3.5.2.2 L’impact du coton sur la fertilité des terres

L'importance qu'a prise la culture du coton dans certains pays africains

amène logiquement à s'interroger sur ses conséquences possibles au

niveau de l'environnement. Au Tchad, le Ministère de l’environnement et

de l’eau (MEE) pense que la culture cotonnière, à travers les apports

importants voire abusifs de produits chimiques et d’eau pour l’irrigation,

est particulièrement polluante. Les ressources en terre ne sont pas

illimitées. Les techniques ancestrales avec de longues jachères s’avèrent

plus intéressantes pour assurer la durabilité des systèmes. Avec

l’intensification, les sols n’ont plus le temps d’être régénérés par des

jachères qui sont raccourcies inéluctablement, entraînant la disparition des

terres arables par érosion incontrôlée ou par des processus d’évolution

régressive des sols. Nous avons constaté avec beaucoup d’amertume la

" squelettisation"des sols surtout ceux de la région de Benoye mais aussi,

les autres zones cotonnières entraînant la migration des populations de ces

localités vers d’autres terres plus aptes (…). La culture du coton est un

mauvais précédent. L’expansion de la culture cotonnière se poursuit sans

assurer un équilibre écologique. Sur le plan économique, le cultivateur de

coton n’est pas bénéficiaire s’il faut considérer l’effort qu’il fournit. (…).

Les constats sont là : la culture cotonnière est actuellement un fléau pour

la durabilité des systèmes agro - pastoraux à travers la dégradation des

sols et il ne faudrait pas seulement voir cette culture sous un angle

économique, à court terme, mais également écologique (MEE, 1999).

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

119

Contrairement, au Tchad, Picard et Abel (1999), dans une étude réalisée

au Cameroun, constatent que le coton, bien que souvent décrié par les

chercheurs qui le jugent de culture dévoreuse d’espace, ou de danger

capable de remettre en cause l’autosuffisance alimentaire des paysans,

« n’est pas (…) un possible facteur de famine mais un atout pour le

développement de l’exploitation agricole et du niveau de vie des

familles ». Ainsi, ces auteurs trouvent à la culture du coton, plus

d’avantages que d’inconvénients.

Pour Beroud (2002) la culture cotonnière semi-intensive, telle qu'elle est

préconisée et pratiquée en Afrique francophone, joue un rôle positif dans

la durabilité des systèmes de production. Elle implique en effet :

l’emploi de semences sélectionnées plus productives,

l'alternance des cultures sur la même parcelle,

la préparation légère et l'entretien des cultures avec des outils

tractés par des bœufs,

l'apport aux sols d'éléments nutritifs par une fumure adaptée,

la protection des récoltes par des traitements phytosanitaires.

La dégradation de la fertilité des terres, en culture continue, constitue un

phénomène naturel général extrêmement préoccupant. Cette dégradation

est due, essentiellement, à l'épuisement progressif en éléments nutritifs,

ainsi qu’au déficit du bilan organique des sols cultivés qui provoque à

terme leur déstructuration physique. L'utilisation raisonnée d'engrais

chimiques, d'amendements et de fumure organique, et la lutte anti-érosive

permettent de produire plus et constituent la meilleure façon de protéger

un sol cultivé. La mise en œuvre de ces pratiques se heurte cependant à de

fortes contraintes économiques.

La fumure minérale constitue, pour l'agriculteur, le moyen le plus sûr, le

plus pratique et le plus économique pour améliorer le rendement au

champ mais aussi pour ralentir les phénomènes de dégradation de la

fertilité des sols en culture pluviale. Combinée avec la rotation des

cultures, des chaulages périodiques et des compléments de fumure

organique, elle stabilise et restaure le potentiel des sols. Cette fumure, à

base d'engrais chimiques, est généralisée sur la culture cotonnière et

profite indirectement à l'ensemble de l'assolement par le biais de la

rotation coton-céréales. Les quantités appliquées sont néanmoins

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

120

modestes, de l'ordre de 70 unités / ha d'éléments fertilisants, parfois

moins. C'est ainsi que les doses d'engrais utilisées sur coton sont

insuffisantes à compenser les exportations des éléments minéraux et ne

peuvent, à elles seules, reconstituer la fertilité des sols de savane. A

l'échelle des zones cotonnières, les quantités sont dérisoires au regard de

celles que reçoivent la Bretagne, le bassin parisien et toutes les grandes

régions agricoles d'Europe et qui posent réellement problème, notamment

les nitrates qui polluent les nappes phréatiques. Sur le plan de

l'environnement, le problème ne se situe donc pas en termes d'excès mais

bien au contraire en termes de sous-consommation d'engrais minéraux

Sans protection phytosanitaire chimique, il n'y a pas place, aujourd'hui,

pour une production cotonnière rentable en Afrique (Beroud, op.cit.).

Mais cette protection chimique doit être contrôlée, maîtrisée. On peut

constater qu'à ce jour, en Afrique francophone, la protection

phytosanitaire a été réalisée avec un ratio coût-efficacité satisfaisant pour

les producteurs. Les consommations d'insecticides non seulement n'ont

pas augmenté, mais encore ont été progressivement réduites. En effet,

dans le cas de la Côte d’Ivoire par exemple, les insecticides sont utilisés à

faibles volumes : il est conseillé d’épandre généralement un litre à

l’hectare. Or, il n’est pas certain que tous les exploitants respectent cette

recommandation. Les quantités de matières actives utilisées sont parmi

les plus faibles de la culture cotonnière, et le choix judicieux, en étroite

collaboration avec la recherche, des matières actives et des associations

de familles chimiques a permis de retarder l'apparition de résistances des

ravageurs aux insecticides.

Il est vrai que le contrôle, par les sociétés cotonnières, des

approvisionnements en insecticides a empêché la prolifération des

revendeurs de produits souvent douteux et la surconsommation des

pesticides. On citera, pour mémoire, les contre-exemples des pays

d'Amérique centrale ou de la Thaïlande, champions toutes catégories des

consommations de pesticides. Ces pays ont vu leurs productions de coton

s'effondrer en raison des surconsommations d'insecticides et des

résistances des insectes qui s'ensuivent (Beroud, op.cit.).

Schwartz (1996), abordant dans le même sens que Beroud, examine les

pratiques paysannes en rapport avec la question de la fertilité au Sud du

Burkina, dans un écosystème proche de celui de Korhogo que nous avons

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

121

étudié. Il s’intéresse particulièrement au choix de la parcelle de culture, la

durée de mise en culture, la durée de la jachère, l’apport d’engrais, la

place du coton dans la succession des cultures et la préparation de la terre.

Selon lui, la culture du coton n’a pas entraîné une course à la terre, elle

apparaît même plutôt comme un facteur de stabilisation de l’agriculture

par un allongement de la durée de mise en culture. Mais cette stabilisation

« ne va pas dans le sens d’un maintien de la fertilité du milieu » (Tricart,

1995 : 127-137). En effet, selon les travaux de Hien et al. (1984) et de

Berger et al. (1987), pour un sol cultivé de façon continue plus de 12 ans,

la teneur en matière organique peut baisser de 1,5 % à 0,6 %. Or, au seuil

de 0,6 % de matière organique, il y a généralement absence de réponse

aux engrais minéraux et, en d’autres termes, un tel sol peut être considéré

comme sérieusement dégradé. Nos résultats font apparaître que la durée

maximale de mise en culture excède rarement les 10 ans, de ce fait, le

risque d’une dégradation extrême des parcelles cotonnières ne semble pas

encore évident.

Le labour à la charrue, non seulement se substitue progressivement au

labour manuel, mais il permet aussi l’accès aux terres plus lourdes - et

plus fertiles -, jusque-là non cultivées, puisque trop difficiles à travailler

(Tersigljel, 1992). L’alternance coton-céréales qui constitue la principale

succession culturale mise en œuvre par les paysans de l’aire cotonnière

ouest-burkinabè, « est une pratique favorable à la limitation de la baisse

du stock organique des sols » (Pieri, 1989 : 234, cité par Schwart, 1996).

Le coton est cultivé en rotation avec d’autres cultures, à l’intérieur d’un

système de cultures dont il n’est que l’une des composantes. Cela veut

dire que, contrairement à ce qui est souvent avancé, il ne fait l’objet

d’aucun traitement de faveur en ce qui concerne l’affectation des terres, la

parcelle cultivée en coton l’étant aussi bien, au fil des années et de la

succession culturale, en maïs, en sorgho, etc. L’examen de la succession

des cultures à l’échelle de la parcelle montre par ailleurs que, après un

défrichement, donc sur une terre réputée à nouveau bien fertile, le coton

n’est que rarement la culture d’ouverture (Schwartz, 1996). Pour cet

auteur, « les pratiques culturales mises en œuvre sur les exploitations

cotonnières, concourent (…) à l’amélioration de la fertilité des terres ».

Grâce au coton, la mécanisation par la culture attelée a joué un rôle

capital. L’engrais minéral que reçoit la parcelle a, par ailleurs, sur la

culture céréalière qui succède au coton, un « arrière-effet » des plus

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

122

bénéfiques, en particulier sur le maïs, qui offre en l’occurrence la

meilleure réponse (Parry, 1982). Le pédologue Brabant (1992) pense que

« l’état de dégradation des terres a été plutôt surévalué dans un certain

nombre de pays d’Afrique ». Nous pouvons donc dire, à la lumière de ces

données bibliographiques, que la question de la durabilité des systèmes de

culture à base coton est tellement importante qu’elle mérite une étude

approfondie simultanée dans plusieurs pays. Les résultats disponibles à ce

jour sont épars, limités et parfois divergents dans leur appréciation du rôle

du coton sur l’environnement : l’exemple du Tchad s’oppose à celui du

Burkina Faso. Néanmoins, on perçoit une tendance à créditer la culture du

coton comme étant relativement « inoffensive » vis-à-vis de

l’environnement.

3.5.2.3 La distance du village à la parcelle

Dans les années 60, les parcelles les plus proches du village étaient

situées entre 3 Km et 5 Km ; les plus éloignées, qui nécessitaient

l’établissement d’un campement, étaient situées entre 7 Km et 15 Km

selon les zones (tableau 2.8).

Tableau 2.8 : Distances moyennes du village à la parcelle (Km)

Distance village

parcelle (en Km)

Niellé Kouniguékaha Dikodougou

1960 2002 1960 2002 1960 2002

Minimum moyen

(Ecart-type)

5,5

1,7

(0,8)

3,0

0,2

(0,3)

4,4 1,2

(1,5)

Moyenne

(Ecart-type)

6,3

4,1

(1,1)

3,9

1,3

(0,7)

7,0 5,5

(3,2)

Maximum moyen

(Ecart-type)

14,9

17,4

(2,7)

7,3

3,2

(1,5)

4,5 7,4

(5,2) Sources : SEDES, 1965 et notre enquête, 2002

En 2000-2002, les parcelles les plus proches du village sont à moins

de 2 Km. Dans la zone dense (Kouniguékaha) par exemple, certaines

parcelles de coton jouxtent les maisons d’habitation. Dans cette même

zone, les parcelles les plus éloignées ne sont plus qu’à moins de 3,5 Km

du village. Par contre dans les zones de Niellé et de Sionhouakaha, les

distances maximales sont devenues plus importantes qu’en 1960 parce

que la disponibilité des terres y rend encore possible la création de

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

123

nouveaux campements. Cependant, de nombreux campements ont vu leur

population s’accroître et sont devenus de véritables villages, réduisant

ainsi la distance moyenne village-parcelle dans l’ensemble de la région

d’étude.

3.5.3 L’accroissement spectaculaire des superficies cotonnières

Une vue générale des statistiques cotonnières, notamment de l’évolution

des superficies affectées au coton depuis les années 60 comme le montre

la figure 2.16, traduit l’importance prise par cette culture et laisse

entrevoir les conséquences sur l’occupation du sol dans la région. Basset

(2002) signale que les données de la CIDT ne sont plus fiables à partir de

1984 parce que, dit-il, les subventions avaient cessé et les paysans ne

déclaraient plus toutes les superficies. Ces derniers auraient utilisé des

doses plus faibles d’engrais sur des superficies plus grandes. Il suppose

alors que les superficies réelles sont sous-estimées à partir de 1984. Le

recours aux séries statistiques de la FAO laisse encore plus perplexe qui

tend à contredire celles de la CIDT.

Sources : CIDT (1995/96 et 1997/98)

y = 6216,8x

R2 = 0,9412

0

50

100

150

200

250

300

60 62 64 66 68 70 72 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96

Années

Sup

erf

icie

(1

00

0 h

a)

Figure 2.16 : Evolution des superficies de coton en Côte d’Ivoire

Malgré l’imprécision des statistiques, il est possible de voir, comme le

montre la figure 2.16 (données brutes et tendance linéaire), que la

superficie globale de coton en Côte d’Ivoire s’est accrue avec le temps.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

124

Elle est passée de près de 140 ha en 1960/61 à environ 244 000 ha en

1997/98, soit un taux d’accroissement de 22 % par an. De 1960 à 1984, ce

taux a été de 34 % par an contre 4 % par an de 1984 à 1997. Deux

arguments pourraient soutenir ce ralentissement de l’évolution des

superficies : la cessation des subventions aux intrants et la frontière

d’expansion du coton par rapport aux autres cultures au sein de

l’exploitation. Toutefois, il est indéniable que le système vivrier

traditionnel de base en 1960 a été l’objet d’importantes transformations.

3.5.4 La place du coton dans l’assolement

La figure 2.17 donne la distribution relative des superficies développées

pour chaque culture en culture pure et en culture associée : maïs (Ms), riz

pluvial et riz de bas-fond (Ri), igname (Ig), .mil et sorgho (Ml), coton

(Co), fruitiers (Fr) et autres associations (Au). Elle donne la situation

globale des trois zones d’étude.

1711

2 4 5

54

5 2

2732

27

38

0 2 1

0

10

20

30

40

50

60

Ms Ri Ig Ml Ar Co Fr Au

Cultures

Ha (

%)

système avec coton système sans coton

Source: Notre enquête

Ms = maïs ; Ri = riz (pluvial, irrigué) ; Ig = igname ; Ml = mil/sorgho ; Co = coton : Ar = arachide;

Fr = fruitiers ; Au = autres

Figure 2.17 : Distribution relative des superficies toutes associations

confondues selon le système de culture (% ha)

La culture pure du coton qui n’occupait qu’à peine 6 % des superficies

en 1960, occupe actuellement environ 54 % des emblavures toutes

associations culturales confondues (superficie développée), et 57 % des

terres effectivement mises en culture. Ainsi, suite à son extraordinaire

expansion dans le temps et aussi dans l’espace agraire, la culture du coton

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

125

est devenue la principale culture chez la majorité des paysans qui la

cultivent. Chez ces derniers, le maïs vient en seconde place avec 17 % des

superficies, avant le riz qui vient en troisième place avec 11 %. Dans le

système sans coton, le maïs et le riz apparaissent les plus cultivés

occupant chacun environ 32 % à 33 % des terres. L’igname, qui était la

culture principale dans les années 60, continue de perdre de son

importance : elle est de moins en moins cultivée. Son exigence en terre

plus fertile et meuble (obtenue généralement après une longue jachère), sa

méthode de buttage qui reste encore manuelle et pénible, du point de vue

de la plupart des paysans, sa forte sensibilité aux stress hydriques ainsi

qu’aux dégâts des bœufs sont autant de raisons qui peuvent expliquer le

déclin de cette culture. Ajoutant à cela le prix parfois peu rémunérateur et

les difficultés de conservation de l’igname, on comprend pourquoi les

paysans lui accordent une moindre place au fil des années. Le mil et

l’arachide ont encore une importance relative plus grande dans le système

sans coton que dans le système avec coton. On observe également dans le

système avec coton, une légère prépondérance dans la réalisation de

plantations de fruitiers (manguier, anacardier) qui, selon eux, constituent

leurs champs de retraite. Le revenu tiré de la culture du coton ou des

céréales permet d’acheter les plants de manguier généralement greffés ou

les semences sélectionnées d’anacardiers.

Cependant, ces données générales ne rendent pas compte des

particularités des exploitants. Les détails de la distribution des superficies

suivant les catégories d’exploitations précédemment définies sont

fournis : figure 2.18a pour MSLCA ; figure 2.18b pour MALCA ;

figure 2.18c pour CCA ; figure 2.18d pour CCM ; figure 2.18e pour

SCCE et figure 2.18f pour SCIG. Le choix des stratégies de gestion des

exploitations que traduisent les systèmes de culture en présence et les

spécialisations techniques qu’ils nécessitent semblent assez clairement

rendus par ces figures. Dans les systèmes sans coton par exemple, les

SCCE et les SCIG sont bien différents dans leurs options : les premiers

privilégient les céréales, notamment le maïs et le riz tandis que les

seconds s’adonnent beaucoup plus à la culture de l’igname en dépit des

nombreuses contraintes techniques et économiques qu’ils rencontrent. Le

système céréalier, comme le système coton, semble prendre une certaine

avance sur le système à base d’igname dans le processus d’établissement

de cultures pérennes fruitières.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

126

Figure 2.18 a : MSLCA

coton,

37%

maïs,

12%

au , 2%Fr, 2%

riz, 20%

ig, 18%ar, 7%

mil, 2%

coton

43%

au

0%Fr

2%

maïs

22%

riz

15%

ig

3%

mil

8%

ar

7%

Figure 2.18 d : CCM

Fr

6%

au

1%maïs

12%

riz

15%

ig

2%mil

5%ar

10%

coton

49%

Figure 2.18 b : MALCA

maïs

38%

riz

32%

au

3%

Fr

4%

ar

9%

mil

6%

ig

8%

Figure 2.18 e : SCCE

coton

55% mil

4%

ig

1%

ar

5%

riz

10%

maïs

17%Fr

5%

au

3%

Figure 2.18 c : CCA

riz

32%

maïs

23%

ig

35%

ar

8% Fr

1%mil

1%

Figure 2.18 f : SCIG

Figure 2.18a à 2.18f : Assolements suivant les types d’exploitants

Légende : ar = arachide ; au = autres ; Fr = fruitiers ; ig = igname

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

127

Cela peut s’expliquer par la capacité d’investissement relativement plus

importante acquise dans le temps par la commercialisation des céréales.

Ceux qui pratiquent la culture du coton manuellement sans location de

matériel attelé (MSLCA) consacrent relativement moins de terres à cette

culture, soit environ 37 % de l’assolement, que les autres systèmes à base

de coton qui consacrent 44 % à 56 % de la superficie au coton.

L’importance de la culture du coton qui est de 54 % des superficies de

l’ensemble des exploitants qui l’ont adopté, est le fait des paysans en

CCA (figure 2.18c) qui lui consacrent 56 % de leur assolement. Le

tableau 2.9 présente les superficies moyennes emblavées des différents

systèmes de production sur les trois dernières années (2000, 2001 et

2002).

Tableau 2.9 : Importance des superficies totales cultivées suivant les types

d’exploitations

SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les

céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :

système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec

attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.

Ce tableau éclaire davantage sur l’occupation des terres par les différents

types d’exploitations. Il ressort en effet que la superficie cultivée

augmente avec le degré de mécanisation. Les exploitants qui sont en

culture manuelle sans location de matériel attelé, notamment les MSLCA

et les SCIG, ont les plus faibles superficies. La location de matériel attelé

(MALCA), a permis d’accroître les superficies de près de 20 % par

rapport à MSLCA. Le passage à la culture attelée proprement dite permet

de multiplier la superficie totale par deux voire par trois par rapport à la

culture manuelle (MSLCA). Les exploitants en culture attelée (CCA) ont

deux fois plus d’emblavures que ceux qui louent l’attelage (MALCA). On

peut comprendre, par ce constat, pourquoi les trajectoires d’évolution des

paysans ont le plus souvent conduit à l’acquisition de la culture attelée

MSLCA MALCA CCA CCM SCCE SCIG

Superficie (ha) 2,65 3,25 7,74 20,5 2,8 2,6

Coefficient de

variation (%) 49,0 52,0 65,0 27,0 82,0 58,0

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

128

dans cette région. La motorisation entraîne un véritable décollage avec un

triplement des superficies par rapport à la culture attelée. Les coefficients

de variation des superficies permettent de faire un constat important : les

superficies moyennes ne sont pas représentatives dans la plupart des cas.

Même chez les exploitants spécialisés en igname, il n’y a pas une taille

standard tout comme chez les producteurs de coton en culture attelée. Le

faible coefficient de variation chez les paysans en culture motorisée

provient du fait qu’il ne sont qu’au nombre de quatre et la variabilité des

comportements est faible. Sur cette base, on peut penser que les

possibilités d’amélioration ou d’ajustement des stratégies de gestion de

l’exploitation sont encore nombreuses dans les autres cas de figure où

l’écart-type est élevé.

Si les cultures du mil et de l’igname ont perdu de leur importance en

termes de superficies occupées et de productions vivrières, c’est bien,

d’une certaine façon, à cause de la culture du coton. En effet, en 1960, le

mil était prépondérant dans la production agricole des zones allant de

Napié à Niellé, passant par Korhogo et Ouangolo. De nos jours, on peut

dire que le mil est en déclin parce que (1) il est une culture

essentiellement de second cycle, semé et démarié au moment du sarclage

du coton en juillet-août, il est récolté en décembre-janvier au même

moment que le coton, (2) il est très sensible aux dégâts des bœufs

transhumants en décembre au moment où sa récolte est différée au profit

de celle du coton, (3) il a peu préoccupé la recherche agronomique et la

vulgarisation, (4) la culture du maïs, culture de premier cycle lui a été

préférée à cause de ses nombreux usages à travers le pays, (5) la bière des

brasseries industrielles concurrence la bière de mil (tchapalo) de

fabrication traditionnelle. Le déclin de la culture d’igname se comprend

par, (1) son travail de buttage manuel, lent, fastidieux et pénible, (2) son

exigence en terre fertile et relativement profonde ou meuble, (3) la

méconnaissance des innovations techniques (intensification, conservation

et multiplication des semences, etc.) de la part des paysans, (4) sa relative

sensibilité aux dégâts des bœufs (sa récolte est parfois retardée par la

méthode de conservation en terre), (5) son prix jugé peu rémunérateur par

les paysans qui le produisent de plus en plus essentiellement pour la

consommation du ménage, (6) les nombreux problèmes post-récolte qui

rendent sa conservation plus difficile que les céréales, etc. Le recul du mil

et de l’igname est une transformation notable des systèmes de culture de

la zone d’étude.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

129

Un autre aspect non négligeable de la transformation des systèmes de

culture imputable au coton est la raréfaction des associations culturales.

Alors qu’en 1960, les cultures pures n’occupaient qu’à peine 20% des

emblavures selon la SEDES (op. cit), il ressort que la tendance s’est

inversée : ce sont les cultures associées qui occupent de nos jours à peine

15 % des superficies. La massive adoption de la culture du coton par les

paysans a aussi entraîné un accroissement des superficies cultivées en

2002 par rapport à 1960. Il en est résulté une raréfaction de plus en plus

accrue des terres cultivables, un raccourcissement de la durée des

jachères, une occupation plus longue de la parcelle par les cultures. Les

engrais chimiques sont de plus en plus utilisés suite à la baisse de fertilité

naturelle des sols. Les herbicides interviennent même dans les parcelles

de culture vivrière comme le maïs ou le riz, en dehors de celle du coton.

Cette adoption de la culture du coton s’est faite dans le temps et dans

l’espace, dans le sens nord sud, des zones à spécialisation céréalière vers

celles spécialisées en igname, des zones à végétation de savanes

herbeuses vers les zones pré-forestières où le défrichement est

relativement plus difficile.

3.6 Le coton modifie l’affectation du facteur travail

Dans son étude de la force de travail en milieu rural africain, Bonnefond

(1980) souligne que l’importance du travail en tant que facteur de

production n’est pas à prouver tant au niveau pratique que théorique.

Toutefois, s’il est indispensable de posséder des données sur le travail en

agriculture, leur recueil s’avère extrêmement délicat et bien souvent

décevant, surtout si on rapporte le temps nécessaire pour les obtenir et les

exploiter à la qualité statistique des données finales (en particulier

l’extrême dispersion des valeurs obtenues, leur très grande variabilité et le

caractère très instable de la moyenne sont souvent difficilement

explicables). Il n’en demeure pas moins vrai qu’on ne peut, au niveau

économique, en rester au stade de la description, du qualitatif ou de

l’approximation, mais qu’il faut s’efforcer de rechercher des données

quantitatives les meilleures possibles, compte tenu du temps et des

moyens disponibles. Les deux grandes saisons climatiques de la région,

pluvieuse et sèche, correspondent généralement respectivement à deux

périodes de forte et de faible intensité de travail. Le calendrier cultural

reste en cela peu modifié depuis 1960, notamment pour les principales

cultures.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

130

L’enquête a permis de relever, pour l’ensemble des actifs agricoles de

trois exploitants de chacun des 6 systèmes de culture (soit 18 exploitants),

le temps de travail par demi-journée de chaque jour du mois. Dans chaque

demi-journée, deux opérations culturales sont notées, celles qui ont

occupé le plus de temps de l’actif. Une distinction est faite entre travail au

sein de l’exploitation (parcelle familiale) et travail hors exploitation. De

même, une autre fiche permet de recueillir le travail reçu de l’extérieur

dans le processus d’entraide ou de salariat. L’observation directe sur le

terrain a été privilégiée. En effet, une fois par semaine, l’enquêteur se

rend sur les parcelles d’une exploitation pour voir et noter sur place ce qui

se fait. Sur le terrain, la levée des parcelles a été faite à la boussole et au

ruban de 50 m. Les superficies ont été ensuite calculées sur ordinateur.

Pour le coton, la production de l’exploitation est facilement connue au

moment de l’achat. Pour les autres cultures, des carrés de

densité/rendement ont servi à avoir une idée de la production.

Toutefois, l’enquête n’est pas exhaustive. En effet, non seulement c’est un

sous-échantillon réduit qui a servi à la collecte des données, mais aussi,

noter seulement deux opérations culturales dans une demi-journée occulte

les autres opérations. Cela peut surestimer le temps de travail réel. Notre

enquête est donc insuffisante pour rendre compte de toutes les

occupations culturales des paysans de façon détaillée.

Cependant, bien qu’imparfaite, cette enquête qui a duré effectivement une

campagne agricole entière, a permis de ressortir les tendances globales

qui autorisent de comprendre la gestion du facteur travail au sein des

différents types d’exploitation en présence. Il a aussi été relevé que le

nombre moyen d’opérations culturales dans la journée est de 2,3 par actif

avec un écart-type de 1,2 opérations. En d’autres termes, nous avons vu

rarement un même paysan réaliser plus de quatre opérations culturales

différentes dans une même journée. Ce constat permet d’ajuster les

données recueillies, sans toutefois atteindre la perfection. Il est donc

possible de donner un aperçu du calendrier agricole et des temps de

travaux.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

131

3.6.1 Le calendrier agricole

Il y a certes de nombreuses variantes de calendriers agricoles qu’on

pourrait identifier au gré des contraintes et atouts de chaque exploitation

tant au cours d’une même campagne que d’une campagne à l’autre. Mais

il est plus intéressant de dégager une tendance globale pour chaque

culture principale. Pour simplifier, quatre groupes d’opérations culturales

sont définis :

la préparation du sol concerne le défrichement, l’abattage, le

débardage, le brûlis et/ou l’écobuage, le labour, le billonnage, le

buttage, etc.,

le semis comprend le travail de pépinière, le semis, le repiquage, le

démariage, la préparation des boutures, le bouturage, etc.,

l’entretien des cultures signifie le sarclage, l’épandage

d’herbicides, l’épandage d’insecticides, la fertilisation minérale

e/ou organique, le désherbage, le buttage, le billonnage, etc.,

la récolte : récolte sous toutes ses formes selon le produit, battage,

vannage, transport, stockage, etc.

Dans la figure 2.19, les colonnes indiquent les mois de janvier à

décembre. Les lignes sont les cultures. Elles sont subdivisées en bandes

correspondant aux quatre groupes d’opérations culturales. Dans chaque

bande, dont la longueur dénote la durée globale moyenne de l’opération,

la partie plus sombre indique la période de pointe de travail. Le mois est

considéré implicitement comme unité de période. Cette figure essaye

ainsi de rendre compte du calendrier cultural dans ses grandes tendances.

Elle repose sur les hypothèses suivantes :

la fin et le début de chaque opération culturale ont été définis par

rapport à la fréquence cumulée de sa réalisation. Cette fréquence est

calculée par le nombre de fois que l’opération est exécutée par

l’ensemble des paysans de l’échantillon,

lorsque la fréquence cumulée atteint environ 10 %, la période

correspondante est notée comme étant le début de l’opération,

la fin de l’opération arrive lorsque la fréquence cumulée atteint

environ 90 %,

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

132

la période où la fréquence absolue d’apparition d’une opération

culturale est supérieure ou égale à la moyenne mensuelle a été

définie comme étant une période de pointe.

Toutes ces hypothèses de calcul sont bien sûr arbitrairement définies,

mais elles contribuent à poursuivre la démarche de description et

d’analyse du système agraire en présence.

Mois

Cultures

Source : Notre enquête

Légende : Préparation du sol : Entretien

: Semis : Récolte

: Période de pointe

Arachide

Mil, sorgho

M

Riz pluvial

Maïs

J F

Riz bas-fond

M JA

Coton

Igname

N DJt A S O

Figure 2.19 : Calendrier de travail des principales cultures de la région

de Korhogo

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

133

L’importance de ce calendrier cultural apparaît dans la détermination des

périodes de forte demande de travail où plusieurs opérations se

superposent pour différentes cultures. La gestion du facteur travail

devient alors un élément déterminant tant pour le choix des cultures, de la

taille des parcelles que de celui de leur emplacement dans l’espace

(surtout la distance village-parcelle).

Comme il fallait s’y attendre, les périodes allant d’avril à octobre

renferment la majeure partie des contraintes de travail de toutes les

cultures. Cette période coïncide avec la période humide. Mais la période

sèche qui est généralement consacrée aux loisirs et aux réjouissances, aux

funérailles et aux séances initiatiques (poro dans le bois sacré) n’est pas

aussi paisible en travail champêtre qu’on pourrait le penser. Elle est

occupée par les récoltes d’igname, du coton, du riz de bas-fond, du mil et

du sorgho. Par ailleurs, la plupart des nouveaux défrichements au titre des

préparations du sol se réalisent en période sèche. Certains paysans

procèdent également au buttage et au bouturage de l’igname tardive.

Il ressort que la culture d’igname requiert des travaux assez étalés dans le

temps. Deux raisons soutiennent ce constat : la durée du cycle de

l’igname est d’environ 6 à 9 mois ; cette culture comporte plusieurs

variétés classées en deux sous-groupes suivant la durée du cycle. Il y a les

variétés précoces et les variétés tardives. Par ailleurs, les variétés dites

précoces ont deux périodes de récolte, la première donne des primeurs

notamment en août et septembre, la seconde donne surtout des semences

pour la saison suivante. Le calendrier de l’igname devient donc étalé

lorsqu’on prend toutes les variétés sous la seule appellation « igname ».

Après l’igname, la culture du maïs a aussi un calendrier étalé dans le

temps. C’est parce qu’elle se réalise en deux cycles, autant dans les bas-

fonds que sur les terres exondées. Les variétés cultivées dans les bas-

fonds se font souvent en contre-saison et apportent une production prisée

par le consommateur.

Le riz de bas-fond se cultive de plus en plus en deux cycles, voire trois

cycles, ce qui entraîne aussi un calendrier assez étendu. Les périodes de

pointe se situent en mai et en septembre (préparation du sol et repiquage),

en décembre et en janvier de la campagne suivante (récolte). Le riz

pluvial, l’arachide et le mil/sorgho sont seulement réalisés presque

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

134

entièrement pendant la période des pluies. Cela peut traduire leur faible

aptitude relative à supporter les stress hydriques par rapport aux autres

cultures.

La culture du coton présente quatre périodes de pointe de travail sur cette

figure. La première se situe dans la période de juin à juillet et concerne les

travaux de préparation du sol, de semis et d’entretien. Or au cours de cette

période, la culture d’igname ne présente pas de contraintes majeures en

travail. Ce sont plutôt les céréales, notamment le riz, le maïs et le mil qui

entrent en compétition avec le coton et cela pour les mêmes opérations.

La seconde se situe en septembre et ne concerne que les entretiens

(notamment les traitements insecticides). Bien que cette période soit

relativement courte, elle est d’une importance capitale du point de vue

agronomique : septembre est le mois le plus pluvieux et les traitements

insecticides contre les ravageurs sont assez difficiles à réaliser sous la

pluie. La troisième se situe en décembre avec la fin des traitements contre

les ravageurs des capsules et des graines de coton et le début des récoltes.

Ces dernières se poursuivent jusqu’en février avec une quatrième pointe

en janvier.

Ce calendrier agricole montre que les paysans sont occupés par les

travaux des champs presque toute l’année. La culture attelée dont

l’introduction est imputable à la culture du coton permet de labourer dès

les premières pluies et de ce fait, rallonge la période globale des travaux

culturaux par rapport à la culture manuelle stricte. Les travailleurs à la

houe doivent nécessairement attendre que les pluies soient bien installées

et surtout que le sol soit bien trempé avant de démarrer la campagne. Le

buttage de l’igname en fin de saison de pluie, en vue du bouturage en

début de campagne prochaine, procède de cette contrainte de travail du

sol à la houe. Cette contrainte ne peut pour le moment être levée à l’aide

de l’attelage et constitue, entre autres choses, les freins à la promotion de

l’igname qui, comme on l’a vu plus haut, perd de son importance par

rapport aux autres cultures.

Ce calendrier a donc permis de situer chaque culture dans le temps et dans

la succession logique des travaux. Mais, il ne donne pas les détails des

ajustements techniques possibles d’un type d’exploitation à l’autre. Les

difficultés de collecte des données n’autorisent pas de relever de tels

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

135

détails qui, d’ailleurs, auraient moins d’importance que la quantité de

travail effectué par les actifs agricoles.

3.6.2 Le temps des travaux agricoles

Pour exprimer la journée ou la demi-journée de travail en temps de

travail, il faut faire un certain nombre d’hypothèses de calcul. En effet, les

deux opérations culturales effectuées dans la même demi-journée ont été

affectées d’une durée identique. Ce qui n’est pas toujours vrai dans la

réalité. Mais, cette démarche, bien qu’approximative, a été préférée à

celle qui consisterait à demander au paysan d’évaluer la durée de son

travail en heures et minutes. Il n’aurait pas non plus été possible de les

suivre avec un chronomètre. Une telle précision serait encore plus

irréaliste même si on fait abstraction de son coût d’opportunité. Les temps

de marche entre le village et la parcelle ou d’une parcelle à l’autre, de

même que les temps de pose pour cuire quelque chose et le manger sont

compris dans le temps de travail. En temps normal, les paysans partent

aux champs au plus tard à 8 heures du matin et sont de retour vers

16 heures, soit une moyenne de 8 heures de travail dans la journée. Par

contre, en période de pointe, déjà à 7 heures du matin, le village est

presque vide, les paysans ne reviennent que vers 17 heures. La période de

pointe comporte donc en moyenne une journée de 10 heures de travail et

enregistre donc 2 heures de travail supplémentaire par rapport à la période

normale. Sur base de ces considérations, la demi-journée dure

respectivement 4 heures en temps normal et 5 heures en période de pointe

de travail. Lorsque deux opérations sont notées dans la demi-journée,

chacune est affectée de la moitié du temps, dans le cas contraire, la seule

opération signalée est supposée avoir effectivement consommé tout le

temps.

Il faut aussi préciser que l’enquête s’est intéressée seulement aux travaux

culturaux et non à toutes les occupations des paysans. Nous pensons qu’il

aurait certainement fallu connaître ou quantifier ces autres occupations

pour mieux appréhender les temps de travaux des champs. Par exemple, il

n’est pas possible de comparer le volume de travail agricole à celui des

autres formes de travail au sein de l’exploitation.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

136

Cette démarche permet donc de se faire une idée de l’affectation du

facteur travail par culture, par opération culturale, selon le type de main-

d’œuvre, et le type de système de culture.

3.6.3 Le travail annuel de l’homme et de la femme

Le volume global de travail au cours de la campagne agricole a été

calculé pour chaque système de production et suivant le sexe. La

figure 2.20 permet de comparer le travail de l’homme à celui de la femme

suivant la spécialisation technique.

48 4642

34

49

6052 54

5866

51

40

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

MSLCA MALCA CCA CCM SCCE SCIG

Types d'exploitants

Tra

vai

l re

lati

f (%

)

Homme Femme

Source : Notre enquete

MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA : système de

culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec attelage,

CCM : système de culture de coton avec motorisation, SCCE : système sans coton privilégiant les

céréales, SCIG : système sans coton privilégiant l’igname.

Figure 2.20 : Travail global comparé de la femme et de l’homme suivant

les types d’exploitants

On peut considérer que le système sans coton et privilégiant la culture

d’igname (SCIG) est le plus proche du système vivrier traditionnel de

base qui prévalait encore en 1960. Dans ce système, l’homme apporte

encore environ 60 % du travail champêtre contre 40 % pour la femme.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

137

Dans ce système donc, l’homme passe plus de temps au champ que dans

les autres systèmes. Le travail de l’igname, on l’a vu, s’étale presque sur

toute l’année, même la récolte et le stockage de l’igname sont des

opérations principalement réalisées par l’homme. Le caractère manuel et

peu performant des outils agricoles qui prévalent dans ce système est

aussi un élément qui peut soutenir ce constat. Le système céréalier est tel

que l’homme apporte 49 % du travail contre 51 % pour la femme. En

effet, après les préparations du sol qui nécessitent des travaux parfois

assez lourds, l’homme réduit ses prestations champêtres et l’apport de la

femme prédomine lors des semis, des entretiens (notamment le sarclage

manuel) et de la récolte. Il suffit, par exemple, d’observer la récolte du riz

qui se fait parfois au petit couteau, épi par épi, en vue de constituer des

bottillons pour comprendre, non seulement la précision des gestes, mais

aussi la patience des récolteuses qui doivent caractériser la lenteur de

cette opération.

Dans les systèmes avec coton (MSLCA, MALCA, CCA et CCM), on

constate que le travail de la femme s’accroît avec le niveau de

mécanisation. Cela autorise d’assumer une partie de l’hypothèse relative

au facteur travail10. Les trois exploitants en culture motorisée par exemple,

bien qu’en nombre insuffisant dans l’échantillon, laissent croire que la

femme apporterait près de 66 % du travail champêtre contre près de 34 %

pour l’homme. Il faut souligner que les travaux généralement réalisés à

l’aide du tracteur et aussi de l’attelage bovin sont limités aux labour,

billonnage et transport des produits. Ces opérations requièrent un temps

relativement réduit par rapport à celles effectuées manuellement et qui

sont réservées aux femmes. Cependant, certains travaux de la femme se

réalisent désormais en un temps plus court que par le passé, grâce à

l’attelage (nous reviendrons sur cet aspect dans le chapitre suivant).

La culture du coton a indéniablement accru le travail de la femme par

rapport à celui de l’homme au sein de l’exploitation. Les travaux de

semis, de sarclage manuel et de récolte du coton sont généralement le fait

de la femme. Pour y parvenir, elle est obligée de maintenir le système

d’entraide communautaire qui, du reste, est de moins en moins pratiqué

10

On rappelle cette hypothèse : « bien que la motorisation entraîne une réduction du

temps de travail par hectare, elle accroît l’effort de mobilisation de la main-d’œuvre et

en plus, augmente le travail de la femme par rapport à l’homme ».

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

138

par les hommes. Déjà dans les années 60, le travail des nouveaux initiés

du poro était de moins en moins systématique dans les champs des aînés

dignitaires du bois sacré. Le travail du fiancé au profit de son futur beau-

père ou de sa future belle-mère était aussi en voie de disparition.

Aujourd’hui, ces formes d’entraide communautaire sont devenues encore

plus rares.

3.6.4 Le temps des travaux culturaux

De façon générale, le temps de travail pour un hectare de toutes cultures

confondues est relativement plus important en culture manuelle qu’en

culture mécanisée. La figure 2.21 le montre assez bien. En effet, les

exploitants en culture motorisée (CCM) mettent deux fois moins de temps

de travail à l’unité de superficie que ceux qui sont en culture attelée

(CCA). La location de matériel attelé entraîne une faible réduction du

travail global chez les MALCA par rapport au MSLCA. L’adoption de la

culture du coton semble se traduire par une réduction du travail total à

l’hectare. Cela peut s’expliquer par le fait que les superficies sont

globalement plus grandes dans les systèmes à base de coton que dans les

systèmes vivriers.

Cette réduction du temps de travail global en présence de mécanisation

s’accompagne d’une réduction de sa pénibilité, d’une part, et d’une

relative rapidité d’exécution, d’autre part. Ces avantages sont largement

soulignés par les paysans pour justifier l’adoption de la mécanisation.

Dans la majorité des cas, il n’est plus question de travailler exclusivement

à la daba et, ceux qui ne peuvent pas s’acheter une chaîne de culture

attelée, procèdent à la location. Mais, il n’y a pas encore de réel marché

de prestation de travail dans le domaine de la traction animale. En

général, c’est lorsque le paysan a fini ses propres travaux de préparation

des terres qu’il essaye de satisfaire la demande de ceux qui attendent qu’il

leur loue ses services. Les paysans qui ont recours à la location du travail

attelé ne sont donc pas réellement en situation confortable. Cela a été

constaté indirectement lors de l’analyse de la trajectoire d’évolution des

types d’exploitations, confirmant qu’il s’agit d’une position transitoire

vers la possession en propre d’une chaîne de culture attelée.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

139

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

MSLCA MALCA CCA CCM SCCE SCIG

Types d'exploitants

jt/h

a

Source : Notre enquête

MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA : système de

culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec attelage,

CCM : système de culture de coton avec motorisation, SCCE : système sans coton privilégiant les

céréales, SCIG : système sans coton privilégiant l’igname.

Figure 2.21 : Temps de travail à l’hectare suivant les exploitants

Malgré la forte réduction du travail par la motorisation, le tracteur n’a pas

connu le succès attendu pour deux raisons principales. La première est

que les difficultés de maintenance pour un bon fonctionnement

mécanique sont évidentes. En effet, les pièces de rechange sont rares et si

elles existent, il faut parfois les commander spécialement de l’Europe. Le

coût de telles pièces devient souvent prohibitif et décourage le paysan

lorsqu’en plus, il doit encore attendre plusieurs mois voire des années

avant de les recevoir. Par ailleurs, la rareté des tracteurs agricoles ne

favorise pas une spécialisation poussée des mécaniciens locaux qui sont

contraints d’apporter un secours approximatif sinon peu efficace en cas de

panne. La seconde raison renvoie aux difficultés que les chefs

d’exploitation rencontrent dans l’effort de mobilisation de la main-

d’œuvre. En effet, la tendance générale est à la nucléarisation de la

famille. Il devient de plus en plus difficile de réunir plusieurs centres de

décision au sein d’une même exploitation comme par le passé. Les actifs

agricoles préfèrent prendre leur indépendance lorsqu’ils estiment que les

conditions matérielles sont réunies de travailler à leur propre compte.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

140

Le passage à des niveaux plus élevés de mécanisation entraîne une

réduction du temps de travail à l’hectare tout simplement parce que les

superficies sont devenues plus grandes que dans les systèmes à faible

degré de mécanisation. L’importance du facteur travail doit plutôt être

recherchée au niveau de la main-d’œuvre familiale. Le tableau 2.10 donne

la distribution du travail annuel moyen par actif agricole et par type

d’exploitation.

Tableau 2.10 : Travail moyen annuel des actifs par exploitation (en

journées de travail par travailleur)

MSLCA MALCA CCA CCM SCCE SCIG

jt/uth 206 175 210 192 128 246

Ecart-type 56 120 77 31 85 64

Coefficient

variation (%) 27 69 37 16 66 26 Source : Notre enquête

Le temps de travail par actif se réduit en présence de mécanisation certes,

mais la différence des valeurs moyennes n’est pas statistiquement

significative au regard des résultats de notre échantillon. La position

relativement différente des MALCA et des SCCE par rapport à ce résultat

est peut-être conjoncturelle. Par exemple, le système de culture à

spécialisation céréalière est parfois le fait de paysans à famille

nombreuse, ce qui pourrait expliquer la réduction du temps de travail par

actif. Mais, en regardant le coefficient de variation de ces données autour

de leur moyenne, on se rend compte que la tendance se retrouve même

chez les MALCA. Le système de culture basé sur l’igname apparaît donc

comme celui qui demande le plus de travail par actif. On a déjà expliqué

que les parcelles de riz de bas-fond y sont les plus petites. En plus de cela,

la culture d’igname dont le calendrier cultural est largement étalé sur

toute l’année entraîne une forte fréquence de présence du paysan sur les

parcelles. Notre méthode de recueil des données qui n’a tenu compte que

de la demi-journée et non du temps effectif peut avoir abouti à une

certaine surestimation du temps de travail dans le système à base igname.

Ce résultat laisse cependant croire que ce système relève encore d’une

gestion plus approximative du facteur travail que les systèmes cotonniers

et céréaliers. La distribution du travail par hectare et par culture, toutes

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

141

associations confondues, confirme l’importance relative accordée à

chaque culture par les différents types d’exploitants en présence

(figure 2.22).

Source : Notre enquête

0%

20%

40%

60%

80%

100%

MSLCA MALCA CCA CCM SCCE SCIG

Jou

rnée

s d

e tr

avai

l /h

a(%

)

Igname Maïs Mil/sgo Riz pluvial Arachide Coton Autres

Figure 2.22 : Travail relatif par culture suivant le système de culture

4 Conclusion partielle

Dans toutes les zones étudiées, malgré quelques réticences au début,

l’espoir d’accroître le revenu agricole, la présence du moniteur et de

l’administrateur (préfet, sous-préfet) ont été les principales raisons de

l’adoption de la culture du coton par les autorités villageoises. Ces

dernières ont peu privilégié le rôle du coton sur le développement, tout

comme les premiers cadres ou intellectuels des villages ont joué un rôle

insignifiant dans l’adoption de la culture du coton. Sans l’autorisation

préalable du chef de terre, personne ne saurait cultiver tranquillement le

coton dans le terroir du village. La volonté d’améliorer le niveau de son

revenu agricole et la disponibilité de la main-d’œuvre familiale ont

constitué, entre autres choses, les principales raisons de l’adoption de la

culture du coton par les exploitants individuels. Sur une longue période,

bénéficiant d’un système organisationnel crédible, efficient et durable

comme le cas de la CFDT et de la CIDT, le coton s’est imposé comme

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

142

étant la culture principale dans les zones étudiées. On peut donc répondre

à la première question en affirmant que la culture du coton a

effectivement entraîné une adhésion massive des exploitants : ceux qui

l’ont adoptée représentent 95% de l’effectif des exploitants rencontrés.

L’acceptation de la culture du coton dans le terroir et son adoption par les

exploitants ouvrent une nouvelle ère dans le village Sénoufo : elle se

caractérise par la mise en évidence de l’enrichissement personnel et la

réduction du partage avec les autres membres de la communauté. Dès

lors, les exploitants adoptent des stratégies individuelles susceptibles de

leur permettre d’accroître leur revenu. Il en résulte une différenciation des

exploitants tant suivant la culture dominante dans l’assolement que

suivant le matériel agricole privilégié. Les modifications, voire les

changements de stratégies de chaque exploitant au fil des années

entraînent la dynamique du système agraire en présence. On passe de la

houe Sénoufo à l’attelage qui tend d’ailleurs à s’imposer en tant que

matériel agricole privilégié dans les zones d’études en particulier et dans

les zones de savanes en général. Ce changement de niveau de technicité

de l’exploitant, en termes de mécanisation, d’utilisation d’intrants

chimiques et organiques, d’application plus ou moins réussie de paquets

technologiques, traduit sa formidable capacité d’adaptation à l’innovation

et dénote des possibilités d’autoréglage des systèmes de culture observés.

Le processus de location de matériel de culture attelée réalisé « à

l’amiable », mais de plus en plus contre salaire, permet à ceux qui n’en

disposent pas, de réduire tout de même, la pénibilité des labours (faits à la

houe) et du transport des récoltes (à pied). Les exploitants qui ne cultivent

pas le coton ne sont pas indifférents à cette culture, mieux, ils profitent de

sa présence. En effet, ces exploitants ont une certaine propension à

l’usage des engrais chimiques sur leurs cultures céréalières. Certains

parmi eux louent de temps en temps l’attelage en vue de transporter leurs

récoltes au village.

La culture du coton contribue à amplifier et à accélérer de façon plus

décisive, la stratification sociale existante dans les communautés

villageoises concernées. Mais, on doit aussi admettre que son adoption

massive est due au fait que les paysans n’avaient pas d’autres choix pour

bénéficier des conseils agricoles, obtenir des crédits à la production et

espérer accroître leur revenu. La culture du coton a bénéficié d’un soutien

effectif et continu dans le temps et dans l’espace.

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

143

La culture du coton qui occupait moins de 10% des terres dans les années

60, en occupe aujourd’hui en moyenne 54% chez les exploitants qui l’ont

adoptée, dans le cas de notre échantillon. La pratique de la culture pure du

coton représentait seulement 6% des superficies cultivées en 1960. On

peut soutenir que la pratique de la culture pure du coton est la cause

principale de la raréfaction de celle des associations culturales dans les

zones d’étude. La zone dense autour de la ville de Korhogo est encore le

lieu où l’on rencontre les associations culturales les plus diversifiées par

rapport aux zones de Dikodougou et de Niellé. Cependant, la rareté des

terres dans cette zone dense, ajoutée au nombre sans cesse croissant

d’utilisateurs de cette ressource, entraîne un morcellement des parcelles

dont les superficies s’amenuisent d’année en année. L’occupation du sol

se fait alors de plus en plus longue, 6 à 10 ans, par rapport aux zones

moins denses, 4 à 6 ans. La durée de la jachère a été réduite de façon

générale. Elle se situe entre 1 et 3 ans en zone dense de Korhogo et entre

3 et 5 ans dans les autres zones.

Bien que certains observateurs reprochent à la culture du coton ses effets

néfastes sur l’environnement, d’autres, au contraire, lui reconnaissent des

qualités de culture stabilisatrice de l’agriculture ayant un arrière-effet

positif sur les cultures vivrières et sans grand dommage pour

l’environnement. Cependant, nous pensons que cette polémique relative à

l’impact de la culture du coton sur l’environnement et à la durabilité des

systèmes à base coton est encore loin d’être tranchée et qu’elle nécessite

une plus grande attention des recherches agronomiques,

environnementales ou socio-économiques. Les conclusions des études

existantes semblent être tirées parfois à grands traits. En effet, il se

pourrait bien que les produits chimiques utilisés détruisent certains

microorganismes dans l’écosystème mais que cela reste encore à une

échelle imperceptible à l’œil nu au point où ces études ne s’en inquiètent

pas.

L’analyse comparée de l’affectation des temps de travaux permet de

soutenir l’hypothèse que « bien que la motorisation entraîne une réduction

du temps de travail par hectare, elle accroît l’effort de mobilisation de la

main-d’œuvre et en plus, augmente le travail de la femme par rapport à

l’homme »

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Chapitre 2 – Dynamique du système agraire

144

La culture du coton a entraîné une prise de conscience chez les exploitants

qui ont accepté de s’organiser en groupements à vocation coopérative. En

créant ces GVC, la CIDT cherchait probablement uniquement à constituer

une structure paysanne qui puisse la relayer en assumant certaines tâches

de l’encadrement, de telle sorte à réduire ses propres coûts de

fonctionnement. Mais, au fil du temps, les GVC ont perfectionné leur

mode d’organisation en se constituant en unions de GVC qui à leur tour

ont formé des faîtières. Le mouvement paysan est même allé plus vite et

plus loin que l’administration que ne l’imaginait le gouvernement et la

CIDT. En effet, la loi coopérative a été promulguée tardivement en 1997,

alors que les faîtières étaient déjà constituées de 1991 à 1995. Cette loi

n’a donc fait que rattraper une situation existante avec le mérite de

conférer à cette dernière, une valeur et un droit juridique.

La longue marche de la culture du coton, depuis son introduction

organisée par la CFDT à partir des années 50, les multiples tentatives

d’amélioration génétique et de vulgarisation par différents organismes ont

certes contribué à accroître la production nationale de coton-graine,

alimentant de nombreuses usines d’égrenage et une usine de trituration,

mais, ont-elles permis aux exploitants d’améliorer leur niveau de vie ? La

réponse à cette question est donnée dans le chapitre suivant.

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CHAPITRE 3

IMPACT TECHNIQUE ET SOCIAL

DE LA CULTURE DU COTON

1 Introduction

Suite au chapitre précédent consacré principalement aux transformations

du système agraire, le présent chapitre tente d’approfondir la réflexion sur

l’impact de la culture du coton en essayant de répondre à deux questions :

d’une part, la culture du coton a-t-elle entraîné un progrès technique et

d’autre part, les producteurs de coton ont-ils amélioré leur bien-être ?

Concernant la question de l’accès au progrès technique et à une plus

grande productivité des facteurs de production grâce au coton, il faut

souligner, comme l’ont fait Bublot et Sneessens (1979), que les

techniques sont en progrès d’une année à l’autre lorsque :

une quantité plus grande de produit est obtenue au départ de la

même quantité de ressources,

le même volume de produit est obtenu au départ d’une quantité

moindre de ressources,

une quantité plus grande de produit est obtenue au départ d’une

quantité moindre de ressources, ou

une quantité plus grande de produit est obtenue au départ d’un

volume plus grand de ressources, l’accroissement de celui–ci étant

plus petit que l’augmentation obtenue dans le volume de la

production.

En analysant la répartition du revenu global entre les facteurs, en vue de

discuter séparément l’influence de l’offre d’un facteur et celle du progrès

technique, Hicks (1968) suppose que les facteurs restent employés dans la

même proportion. Dans cette hypothèse, il soutient qu’un progrès

technique est neutre, contrairement à un progrès non neutre, s’il n’affecte

pas le taux marginal de substitution entre les facteurs et que dès lors, le

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 146

rapport de la productivité marginale et moyenne des facteurs, ainsi que le

rapport de leur élasticité restent inchangés.

L’agriculture traditionnelle est en soi le résultat d’un processus de

création et d’adoption de l’innovation dans l’espace agraire et surtout

dans le temps. Le passage du stade de cueillette et de chasse à celui de la

culture et de l’élevage est le résultat d’efforts inlassables de sélection,

d’adaptation et d’adoption d’espèces végétales et animales, par des

expériences empiriques, conservées et améliorées au fil des générations.

Les progrès réalisés dans le secteur agricole sont des changements

apportés par les agriculteurs au processus de production et à la gestion de

leurs exploitations en vue d’améliorer leur position personnelle et celle de

leur famille. Ainsi, en termes généraux, l’on peut soutenir que « tout

changement favorable peut être considéré comme un progrès »

(Duquesne, 1965).

Au sens le plus large, l¹innovation est l’adoption d’une nouveauté

(Chauveau et al., 1999). Le terme d’ « innovation » s’est superposé ou

s’est substitué à celui de « vulgarisation » depuis les années quatre-vingt.

Plusieurs auteurs témoignant de cette diffusion du terme « innovation »

sont, parmi d’autres, Eldin et Milleville (1989), Couty (1991), Treillon

(1992) et Olivier de Sardan (1995 a et b). Introduire et faire adopter une

nouvelle variété de culture, une nouvelle formule de fertilisant ou de

pesticides, une nouvelle technique culturale par exemple, a toujours été la

principale préoccupation des organismes de recherche et de

développement agricole, notamment dans les pays en voie de

développement (PVD), comme c’est le cas en Côte d’Ivoire. Depuis 1974

jusqu’à nos jours, les moniteurs et/ou les conseillers agricoles de la CIDT

ont utilisé et utilisent encore le terme de « mots d’ordre », pour indiquer

les « alternatives technologiques » qu’ils proposent au paysan. Leur

préférence de ce terme de « mot d’ordre » traduit surtout un ordre rigide,

indiscutable, donné au paysan, de pratiquer « la meilleure méthode mise

au point pour son bien», renfermée dans un paquet technologique.

C’est dans cet ordre d’idées que, d’entrée de jeu, la culture du coton a été

introduite avec un paquet technologique comprenant notamment des

semences améliorées, des produits chimiques (engrais, insecticides et

herbicides), des itinéraires techniques et de nouveaux matériels de culture.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 147

Il est intéressant d’analyser, à la lumière de théories appropriées et

éprouvées, l’impact technique de la culture du coton suite à :

l’emploi des produits chimiques industriels ou artisanaux et qui

relèvent d’un progrès biologique,

l’amélioration des techniques de travail dans l’ensemble par le

savoir-faire du paysan,

l’utilisation d’outils de travail plus performants qui traduit le

progrès mécanique.

2 Impact technique de la culture du coton

2.1 Le coton ouvre la voie au progrès biologique

Un progrès de type biologique a pour effet d’augmenter, dans le cas de la

production végétale, le potentiel de rendement de la plante cultivée. Au

niveau de la production végétale, Bublot (1974) souligne que le progrès

biologique consiste essentiellement dans : l’emploi de fumures plus

adéquates et mieux équilibrées, la lutte contre les maladies, la sélection

des plantes. On peut ajouter à cela, l’utilisation raisonnée de pesticides.

Utilisant le concept de métafonction, Hayami et Ruttan (1971) ont émis

l’hypothèse que le progrès technique se manifeste par un glissement de la

fonction de production suite à des recherches encouragées par la nécessité

d’accroître la rentabilité du facteur de production le plus rare.

Cette hypothèse peut s’appliquer au processus de production de la culture

du coton en Côte d’Ivoire. Certes, le facteur terre n’est pas encore limitant

chez la majorité des exploitants en zones cotonnières. Cependant, l’on

tend inexorablement vers la raréfaction de la terre avec l’accroissement

démographique et surtout avec la pression sur les terres cultivables. On

peut supposer que c’est par anticipation que, depuis les années 60, le

vulgarisateur tente de promouvoir les méthodes de stabilisation des

systèmes de culture, dans un esprit de durabilité du système d’exploitation

à base de coton.

Dans la figure 3.1, l’abscisse dénote la quantité d’intrants chimiques par

unité de superficie cultivée et l’ordonnée, le rendement de la culture du

Page 172: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 148

coton par unité de superficie ; Fo, la courbe de réponse d’une variété

traditionnelle de coton, soit Vo, à différentes doses d’engrais au temps to ;

F1, la courbe de réponses d’une variété améliorée de coton, soit V1, au

temps t1.

Dans la période to, on considère que le prix des intrants chimiques est plus

élevé que celui du coton-graine. Le rapport de prix Po1 est donc faible et,

compte tenu de sa contrainte budgétaire, l’exploitant réduit la quantité

d’intrants utilisés. En conséquence, il obtient un rendement de niveau A

sur la courbe Fo. Lorsque le prix des intrants diminue par rapport à celui

du coton-graine, c’est l’inverse que l’on observe : le rapport de prix étant

plus élevé (P1 > Po), l’exploitant augmente la quantité d’intrants à

l’hectare (Qb > Qa) et en réponse, le rendement augmente, passant du

point A au point B. Ce niveau de rendement B est situé à l’optimum de la

fonction de réponse du cotonnier relativement à la quantité optimale

d’intrants Qb sur la courbe Fo. Cela signifie que, pour une même variété

de coton, lorsque le rapport de prix entre le coton-graine et les intrants est

élevé, il est plus intéressant et recommandé d’utiliser une plus grande

quantité de ces intrants. Mais, ces intrants ne doivent pas excéder la

quantité optimale Qb pour laquelle l’on obtient un rendement optimum.

1 Po est le rapport du prix du coton-graine au prix des intrants.

Figure 3.1 : Illustration de la métafonction de production de coton Sources : Adapté de Hayami et Ruttan, 1971.

Source : adapté de Hayami et Ruttan, 1971

Qb Qc Qa Engrais (kg/ha)

B

C

Fo A

F

F1

P1

P1

Po

Pro

du

ctio

n d

e co

ton

kg

/ha

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 149

En effet, au-delà de cette quantité Qb, toute unité supplémentaire

d’intrants épandus entraînerait une diminution de la production : cela se

traduit par l’infléchissement de la courbe Fo (frontière de production) au-

delà du point B.

La politique de subvention aux intrants pratiquée par la CFDT, puis par la

CIDT avec l’appui du gouvernement, avait sans nul doute pour but d’en

encourager une plus importante utilisation par les producteurs de coton.

Le vulgarisateur conseillait aux exploitants d’employer la quantité

optimale d’intrants, obéissant ainsi lui-même, aux recommandations de la

recherche agronomique.

Cette recherche cotonnière s’est toujours poursuivie, avec pour objectifs,

entre autres choses, la mise au point d’une variété susceptible d’avoir un

potentiel de production suffisamment élevé et, la réduction des coûts des

intrants par la réduction des doses efficaces. La diminution du coût des

intrants augmente le rapport de prix au profit du coton-graine et

encourage leur emploi par les exploitants. Par la théorie de Hayami et

Ruttan (op. cit.), on explique assez clairement que la recherche

agronomique peut trouver une telle variété de coton. En effet, dans la

figure 3.1, l’emploi d’une plus grande quantité d’intrants, soit Qc au

temps t1, permet le glissement de la fonction de production de Fo à F1. Sur

cette nouvelle frontière de production (F1), Qc permet d’atteindre un

niveau de rendement C. On constate que ce niveau de rendement C est

plus élevé que B, alors que le rapport de prix entre le coton-graine et les

intrants reste identique, soit P1, suite à la réduction des coûts de

production. Cette nouvelle variété (V1) sera alors préférée à l’ancienne

qui ne sera plus vulgarisée.

Le passage du point A au point B sur la fonction de production Fo se fait

donc pour une même variété de coton, Vo au temps to, répondant à des

doses croissantes d’intrants. Par contre, le passage de la fonction de

production Fo à la fonction de production F1, respectivement de to à t1, se

réalise grâce à la mise au point d’une nouvelle variété, V1. Cette V1 est

capable de transformer une plus grande quantité d’intrants en une

production plus importante. La courbe enveloppe F (en pointillés) dans la

figure 3.1 qui relie les courbes Fo et F1 et qui donne l’allure globale des

réactions possibles des différentes variétés de coton aux différentes doses

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 150

d’intrants, du temps to au temps t1, est appelée une métafonction de

production (Hayami et Ruttan, op. cit.).

Sur le terrain, l’expérience montre que la CFDT et la CIDT ont parfois

prolongé les activités de recherches agronomiques par des

expérimentations dites en vraie grandeur, avec des champs témoins

laissés à la responsabilité des exploitants. Plusieurs variétés de génotypes

différents étaient alors proposées aux exploitants. Ces derniers n’avaient

pas le choix de la variété de coton. D’une période à l’autre, le changement

des variétés de coton proposées par le vulgarisateur traduisait son souci

d’en trouver au moins une qui ait un niveau de rendement effectif le plus

élevé possible en réponse aux conditions pédoclimatiques du milieu, aux

doses d’intrants et aux itinéraires techniques recommandés. En 1985 par

exemple, quatre variétés différentes (G7, ISA 319A, ISA 319C, et ISA

266A) étaient proposées à différents groupes d’exploitants de la région de

Korhogo, tandis que dans une autre région, celle de Mankono, une autre

variété (ISA 205K) était proposée à d’autres paysans.

Dans la figure 3.2, sont représentées d’une part, la courbe d’évolution du

rendement de la culture du coton d’une campagne agricole à l’autre et

d’autre part, la courbe de tendance sur longue période. Chaque point de

cette courbe de tendance représente le rendement moyen de la culture du

coton, sur le plan national, pour une campagne agricole donnée, en liaison

avec les campagnes agricoles antérieures, sans tenir compte des

conditions climatiques et socio-économiques qui ont prévalu. La courbe

de tendance qui élimine ainsi les effets conjoncturels de la production sur

le long terme, rend compte, mieux que la courbe des valeurs courantes, de

l’évolution globale du rendement.

Cette évolution globale du rendement a une allure proche de la courbe de

métafonction représentée dans la figure 3.1, à la différence qu’elle est

établie simplement en fonction du temps et ne renseigne pas sur les

quantités d’engrais utilisées au cours de chaque campagne agricole.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 151

y = 253,4Ln(x) + 320,26

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1961

1964

1967

1970

1973

1976

1979

1982

1985

1988

1991

1994

1997

2000

Années

Ren

dem

ent

(kg

/ha)

Sources : A partir des données de la CIDT, 1995, et de FAO, 2002

Figure 3.2 : Evolution du rendement en coton-graine

en Côte d’Ivoire (kg/ha)

Les données des statistiques cotonnières ivoiriennes ne donnent pas une

estimation claire de ces quantités d’engrais. Mais, à partir de plusieurs

données de la CIDT, de la CFDT (superficie totale de coton fumée,

quantité d’engrais vendue aux paysans, dose conseillée d’engrais à

épandre à l’hectare) ainsi que de plusieurs auteurs (Bygot, 1984 ; Basset,

2002), il a été possible d’établir le tableau 3.1. Deux types d’engrais sont

vulgarisés :

l’engrais de fond, NPK (10-18-18 ou 15-15-15-6-1 ou 10-15-18) à

épandre au moment du labour ou au plus tard 15 jours après le

semis du coton. La dose conseillée pour le cotonnier se situe entre

150 kg/ha et 200 kg/ha suivant les types de sols et,

l’engrais de couverture, Urée, titrant 46% d’azote, à épandre 30 à

45 jours au plus tard après le semis. Il est conseillé d’épandre

l’Urée à une dose située entre 50kg/ha et 75kg/ha pour le

cotonnier.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 152

Tableau 3.1 : Evolution de la dose moyenne de NPK, d’Urée et du

rendement en coton-graine (kg/ha)

Période NPK (kg/ha) Urée (kg/ha) Rendement

(kg/ha)

1961 à 1970 120 35 739

1971 à 1980 170 42 1 070

1981 à 1990 185 45 1 258

1991 à 2002 190 46 1 163 Sources : adapté par l’auteur à partir de diverses sources (Rapports d’activité de la

CFDT, 1970 ; Rapport d’activité de la CIDT, 1984 à 1996, Bygot, 1984,

Basset, 2002).

L’épandage d’urée coïncide avec plusieurs autres travaux agricoles :

sarclage et épandage d’insecticide pour la culture du coton, semis ou

sarclage du maïs, semis du riz pluvial et sarclage de l’arachide. Il en

résulte que la dose conseillée d’Urée est rarement atteinte par les

exploitants.

La CIDT conseille d’appliquer les insecticides de façon systématique. Il

faut réaliser au total 5 à 7 traitements à intervalles de 14 jours à partir du

45ème

jour après le semis. Les produits utilisés sont généralement à

épandre à faible volume à raison de 1l/ha et par traitement.

La figure 3.3 présente une synthèse de la figure 3.2 et du tableau 3.1 en

tenant compte de l’évolution du rendement par rapport à la quantité

d’engrais. En restant modeste et réservé quant à la qualité de ces données

statistiques, on a préféré prendre une moyenne du rendement de la culture

du coton sur des périodes de 10 ans. L’objet de la démarche est

essentiellement de comprendre la tendance générale.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 153

80

100

120

140

160

180

200

1961 à 1970 1971 à 1980 1981 à 1990 1991 à 2000Périodes

Do

ses

de

NP

K (

kg

/ha)

600

700

800

900

1000

1100

1200

1300

Ren

dem

ent

(kg

/ha)

Dose de NPK (kg/ha)

Rendement (kg/ha)

Sources : adapté de diverses sources par l'auteur

Figure 3.3 : Courbes d’évolution des quantités de NPK et du rendement

en coton-graine sur périodes de 10 ans (kg/ha)

Tout en gardant à l’esprit d’une part, que le rendement en coton-graine ne

dépend pas seulement des engrais et d’autre part, que seul le NPK nous

sert de fil conducteur de cette analyse (alors qu’il y a aussi l’Urée), on

constate, sur la figure 3.3, que le niveau d’utilisation de l’engrais (NPK)

s’est accru dans le temps, passant de près de 120 kg/ha en moyenne entre

1961 et 1970 à environ 190 kg/ha entre 1991 et 2002. Cet accroissement

de la quantité d’engrais utilisé par le paysan, traduit avant tout, sa propre

conviction que l’engrais a un effet d’entraînement sur le rendement de la

culture du coton. En effet, la faible utilisation de l’engrais en 1960 alors

qu’il était distribué gratuitement au paysan à cette époque, renvoie, selon

nous, à l’insuffisance de la formation et de la prise de conscience du

paysan ainsi qu’à sa faible maîtrise de l’itinéraire technique. Au fil du

temps, le paysan a compris, par la pratique, que l’engrais a un effet positif

sur le rendement. Il l’utilise de plus en plus alors que ce dernier n’est plus

subventionné et qu’il en supporte entièrement le coût.

Page 178: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 154

Il ne serait pas exagéré de dire, en accord avec le modèle théorique

présenté par Hayami et Ruttan (op. cit.), que le paysan en zone cotonnière

ivoirienne fait, lui aussi, un calcul de rapport de prix entre le produit

(coton-graine) et les intrants. Certes, il ne peut quantifier avec précision

l’effet de l’engrais sur le rendement, mais il le perçoit et en est conscient.

Par ailleurs, la figure 3.3 fait apparaître une baisse de rendement de la

culture du coton sur la période 1991 à 2002 par rapport à la décennie

précédente. Cela peut provenir de plusieurs raisons dont les effets réels

restent cependant à quantifier. Il s’agit de :

la qualité approximative des données statistiques cotonnières. En

effet, depuis la crise de la CIDT qui a abouti à la privatisation en

1998, les données statistiques ne sont plus précises,

depuis 1991, les paysans, à travers l’URECOS-CI, pensent pouvoir

assurer la fonction d’encadrement (voir chapitre 1), tandis que la

CIDT pense qu’ils n’en ont pas encore les moyens techniques. Il

existe donc une mésentente entre le mouvement coopératif paysan et

la CIDT. Cela aboutit à une certaine perturbation de l’encadrement

et de l’approvisionnement en intrants,

les paysans sont de moins en moins satisfaits du prix d’achat du

coton-graine fixé par les égreneurs : ils reprochent que, non

seulement le prix ne rémunère pas leurs efforts, mais aussi, il est

fixé trop tardivement de telle sorte qu’ils ne peuvent pas en tenir

compte objectivement pour prendre leur décision de produire.

Au plan microéconomique, les enquêtes réalisées sur le terrain de 1999 à

2002 montrent que tous les paysans cultivant le coton utilisent l’engrais

certes, mais à des doses différentes. Le tableau 3.2 donne le pourcentage

de superficies cotonnières fumées et la dose moyenne d’engrais à

l’hectare suivant les types de paysans précédemment définis.

Page 179: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 155

Tableau 3.2 : Taux d’adoption de la fertilisation minérale (toutes cultures

confondues) suivant les types d’exploitations (% ha semés)

Types d’exploitations % ha coton

fertilisé

% ha total

fumé

Coton manuel sans location d’attelage

(MSLCA)

72

43

Coton manuel avec location d’attelage

(MALCA)

85

55

Coton culture attelée (CCA) 94 69

Coton culture motorisée (CCM) 81 30

Sans coton privilégiant les céréales (SCCE) 0 25

Sans coton privilégiant l’igname (SCIG) 0 12 Source : Notre enquête, 2002

Ce tableau 3.2 fait apparaître trois types de décisions d’utilisation de la

fertilisation minérale par les paysans :

premièrement, de façon globale, les paysans cultivant le coton

appliquent rarement la dose d’engrais recommandée par

l’encadrement : la totalité de la superficie en coton n’est pas

fertilisée. Le taux de fertilisation semble suivre le degré de

mécanisation, probablement par le souci de rentabiliser

l’investissement en matériel mécanique,

en second lieu, les autres cultures sont fertilisées en dehors de

celle du coton initialement visée. Mais, là aussi, les doses

d’engrais conseillées ne sont pas respectées. On peut dire que les

cultures assolées à celles du coton ne profitent pas seulement des

effets résiduels de sa fertilisation, mais qu’elles profitent aussi de

l’effet direct de cette fertilisation,

troisièmement, les paysans ne cultivant pas le coton tentent, eux

aussi, d’utiliser la fertilisation minérale : près de 25 % des

superficies totales de ceux qui privilégient les céréales et environ

12 % des superficies de ceux qui privilégient l’igname. L’igname

n’est pas encore fertilisée pour autant.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 156

L’utilisation de la fertilisation minérale par les paysans qui ne cultivent

pas le coton et qui privilégient la culture d’igname est cependant une

surprise. Aussi, peut-on soutenir que la modernisation des systèmes de

culture se fait aussi en dehors du système à base de coton, laissant croire

que la présence de la culture du coton influence les décisions de produire

de presque tous les exploitants de la zone cotonnière, même de ceux qui

ne cultivent pas le coton.

Certains paysans utilisent quelques quantités de matière organique

comme complément à la fertilisation minérale, notamment ceux qui

disposent d’une charrette bovine et qui, de ce fait, peuvent transporter

plus aisément ce type de fertilisant lourd et difficile à déplacer. L’emploi

de la matière organique est plutôt épisodique et dépend de sa

disponibilité. La matière organique provient généralement des déjections

des bœufs dans des parcs à bétail. Elle ne fait pas encore l’objet de

commercialisation notable. Le compostage a été expérimenté par la CIDT

dans les années 1990, mais, les résultats ne font pas l’unanimité au niveau

des agronomes et ne sont donc pas encore vulgarisés. Pour le moment, les

exploitants utilisent la matière organique comme ils peuvent, parce qu’ils

savent qu’elle a un effet positif sur le rendement.

2.2 Le coton favorise un progrès de savoir-faire

Le progrès de savoir-faire est un progrès inhérent à la personne du chef

d’exploitation et de sa main-d’œuvre familiale. Ce progrès consiste dans

l’ouverture d’esprit, l’amélioration du niveau des connaissances et des

compétences, etc. Il résulte de l’éducation, l’expérience acquise, l’effort

de recherche et de vulgarisation, etc. Il conditionne souvent l’adoption

des autres types de progrès.

Le progrès de savoir-faire réalisé par les paysans se traduit au niveau de

l’exploitation agricole individuelle et sur le plan collectif. Au niveau

collectif, il se traduit par une meilleure organisation de la profession (cas

des coopératives, des unions ou des faîtières de coopératives de

producteurs de coton). Au niveau de l’exploitation agricole individuelle, il

consiste en une amélioration des techniques de culture et d’élevage, des

méthodes de gestion de l’exploitation. L’amélioration des façons

culturales procède d’une certaine ingéniosité de la part du paysan qui, au

fil du temps, et par la pratique, a acquis de l’expérience en développant

Page 181: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 157

son savoir-faire. Le billonnage, par exemple, est une technique culturale

connue par les paysans des zones de savane longtemps avant

l’introduction de la culture du coton. La faible profondeur de la majorité

des terres de ces zones, ajoutée à l’unicité et la courte durée de la saison

des pluies a dû inciter les paysans à inventer ce mode de préparation du

sol. Le billonnage est parfois fait en début ou à la fin de la saison des

pluies : la terre est encore humide, il est facile d’arracher les mottes de

terre et de les retourner de telle sorte que les herbes soient enfouies. Le

pourrissement de ces herbes permet une certaine restitution d’éléments

fertilisants au sol.

Avec la culture du coton, les parcelles emblavées se sont agrandies,

quelque peu stabilisées et sont parfois débarrassées des troncs et des

souches d’arbres notamment pour faciliter le travail à l’attelage. La

reprise de telles parcelles sur plusieurs années consécutives entraîne des

risques d’érosion. Pour prévenir ces risques, le vulgarisateur a souvent

conseillé de réaliser les billons perpendiculairement à la ligne de grande

pente. La réalisation de plus en plus spontanée et généralisée du

billonnage prévenant l’érosion représente en soi un gain de maturité et de

savoir-faire de la part du paysan. Il est évident que le paysan ne saurait

faire une bonne planification de l’ensemble des opérations culturales dans

le temps et dans l’espace sans son savoir-faire. Ce savoir-faire commande

la précision de l’ensemble des opérations culturales.

L’emploi de matériels de culture attelée illustre encore davantage le

progrès de savoir-faire réalisé par le paysan depuis l’introduction de la

culture du coton. Selon les témoignages recueillis sur le terrain, au début

de l’introduction de la culture attelée en 1975, lorsque le moniteur avait

annoncé pour la première fois, aux paysans du village de Ouamélhoro,

qu’il envisageait leur apprendre de nouvelles techniques associant des

bœufs pour le labour et le transport, nombreux étaient ceux qui lui avaient

rétorqué en rigolant : « depuis quand a-t-on vu un animal travailler la

terre ? Comment une vache peut-elle travailler la terre, elle n’a pas de

doigts pour tenir une houe, elle ne comprend pas et ne parle pas ? ».

Force est de reconnaître qu’après quelques années d’apprentissage, les

paysans ont acquis une bonne maîtrise du travail par l’attelage et le bœuf

est devenu leur compagnon de travail. La transition de la houe à l’attelage

traduit les limites de la première et un changement en termes de progrès

mécanique qu’il convient d’observer et de comprendre.

Page 182: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 158

2.3 Les limites de la houe Sénoufo

Dans les zones cotonnières de Côte d’Ivoire et notamment dans la zone

d’étude, de nombreux témoignages soutiennent qu’en général, l’adoption

de la traction bovine ne s’est pas faite de façon systématique par les

paysans. Cette adoption repose sur de longues années d’apprentissage de

l’utilisation des outils mécaniques. Pour faciliter l’accès des paysans à ce

nouveau type d’investissement productif, une politique de subvention de

la chaîne attelée a été mise en place. L’attelage (une paire de bœufs, une

charrue à soc, une herse, etc.) était cédé aux paysans à crédit,

remboursable en cinq campagnes agricoles. En plus de cela, des

moniteurs spécialement formés devaient assister les paysans dans le choix

des bœufs et la conduite du travail ; des vétérinaires étaient engagés pour

apporter leur assistance dans le suivi et l’amélioration de la santé des

animaux de trait.

Pour comprendre le passage de la houe à l’attelage, il faut souligner avant

tout, avec Leroi-Gourhan (1973), que ce qui importe, n’est pas qu’un

instrument de travail permette l’exercice de la force de travail, mais que

cet instrument soit présenté comme résultant du développement de gestes,

de comportements, acquis ou innés et que ses principes mécaniques en

soient le prolongement. Le succès de l’attelage dans les systèmes de

culture à base de coton est le résultat d’un long cheminement du paysan

dans la quête d’outils de travail plus performants. En zones cotonnières, le

type de sol dominant, caractérisé par une faible épaisseur, avec souvent

présence d’indurations et de concrétions en surface, avait déjà contraint le

paysan Sénoufo, à semer la plupart de ses cultures annuelles sur billons.

Pour confectionner ces billons, il a dû inventer ou adopter une houe assez

spéciale. En effet, alors que les houes utilisées dans les autres régions du

pays ont une lame ayant en moyenne maximum 20 cm de long et 15 cm

de large, la houe Sénoufo, la plus grande jamais utilisée dans le pays, est

dotée d’une lame d’environ 40 cm de long et 20 cm de large.

Cette grande houe Sénoufo a une attaque oblique qui permet, par

percussion, de trancher des mottes de terre et de les retourner. En

observant le paysan confectionner un billon ou une butte à l’aide de cette

houe, on s’aperçoit de la complexité du mouvement d’ensemble réalisé

par son corps et par l’outil. Par un geste vif, le laboureur lève le fer de la

houe au-dessus de la tête et l’abaisse rapidement en dessous de la

Page 183: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 159

ceinture, tout en en conservant une attaque correcte au sol. Un tel

mouvement permet à la lame de parcourir un espace d’environ deux fois

égal à sa longueur, augmentant ainsi la force résultante. Mais, comme le

souligne Bernardet (1984), la force résultante est identique à celle

développée par le travailleur. Aucune pression supplémentaire efficace

n’est à imprimer à l’outil, une fois qu’il a pénétré le sol, pour qu’il y entre

plus profondément.

La houe permet au paysan d’employer intensivement sa force musculaire,

mais, elle ne lui permet pas de l’accroître mécaniquement. En effet, la

plus profonde pénétration du tranchant de la houe dans le sol par une plus

grande amplitude du geste intensifie la force de travail certes, mais crée

une contrainte : la motte de terre (parfois imbibée d’eau) devient plus

massive et lourde, opposant une force de résistance qui rend difficile son

soulèvement par le paysan. Ainsi, bien que la grande houe permette un

labour ou un buttage efficace, elle présente une limite dans son utilisation

par l’homme : la force nécessaire au soulèvement de la motte de terre est

d’autant plus grande que celle-ci est massive. Une autre contrainte du

labour à la houe vient du fait qu’elle est dotée d’un manche court. En

effet, ce dernier impose une stature courbée au paysan et accroît la

pénibilité de cette opération culturale qui met à rude épreuve les muscles

lombaires et surtout les reins. Avec la houe, la force musculaire du paysan

est donc un élément capital du processus de production. Par ces limites

non exhaustives connues à la houe Sénoufo, le paysan était implicitement

à la recherche d’un outil plus performant. Aussi, l’attelage se présente t-il,

en substance, comme une substitution intéressante, souhaitée.

2.4 La transition vers l’attelage, un progrès mécanique

Le progrès mécanique a pour effet, l’exécution plus facile et plus rapide

des nombreuses tâches qu’implique la venue à existence des productions

agricoles. Dans les années 1975, au début de l’introduction de l’attelage

dans les zones cotonnières ivoiriennes, les disponibilités en terres étaient

encore importantes, mais, la main-d’œuvre était un facteur limitant de la

production agricole. La rareté de la main-d’œuvre ne se mesurait pas par

son prix, puisqu’il n’existait pas de réel marché du travail, mais, plutôt

par l’effort à fournir pour mobiliser cette main-d’œuvre. Généralement, le

paysan privilégie le système qui comporte le moins de risques et si

possible le moins de dépenses monétaires. L’attelage se présentait alors

Page 184: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 160

comme étant une option technique la moins coûteuse et la plus profitable

pour le paysan, permettant de rentabiliser le facteur travail qui se raréfiait.

L’intensification par l’usage des engrais et des pesticides était certes

encouragée, mais, le vulgarisateur a aussi favorisé une agriculture

extensive par le choix de l’attelage. Il eut d’ailleurs été plus difficile de

procéder autrement, parce que l’augmentation des rendements ou de la

productivité de la terre n’était pas prévisible : elle dépendait aussi bien

des intrants chimiques employés que de l’irrégularité interannuelle de la

pluviométrie et de la faible maîtrise des techniques culturales par la

majorité des paysans d’alors. La figure 3.4 explique, en théorie, ce qui se

passe dans le cas où les efforts à fournir pour obtenir et utiliser la terre,

facteur moins rare, sont plus réduits que ceux du facteur travail, plus rare.

Figure 3.4 : Modèle du progrès mécanique

Tra

va

il (

hj/

ha

)

Pro

du

ctio

n (

kg

/ha

)

Y1

Yo

Ao A1

L1

Lo

O

[ O, M ]

Progrès

mécanique

p1

p1

Vo

V1

V

po

Terre (ha)

Sources : Adapté de Hayami et Ruttan (1998)

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 161

En effet, on voit dans cette figure, qu’au temps t0, la quantité de travail

utilisée est L0. Mais les outils rudimentaires qui prévalent en cette période

permettent de mettre en valeur une superficie limitée, A0. Il en résulte,

toutes choses étant égales par ailleurs, une production globale de coton-

graine équivalente à Y0. On suppose que cette production Y0 est

l’optimum que le système de production puisse atteindre en rapport avec

les matériels rudimentaires qui prévalent. Cela se traduit dans la figure

par l’intersection de la droite des prix P0 (le prix du travail par celui de la

terre) avec la courbe V0 (fonction de production).

Or, il est entendu qu’il est relativement difficile de mobiliser la main-

d’œuvre dans la zone d’étude. Dans ces conditions, l’utilisation d’un

nombre important de travailleurs dotés d’outils rudimentaires n’est

évidemment pas une position enviable. Le progrès technique a donc été

logiquement réalisé dans le sens d’une substitution du capital au facteur

travail. Ce capital sert à l’acquisition de nouveaux matériels, notamment

l’attelage.

Dans la même figure 3.4, c’est l’utilisation de l’attelage bovin, matériel

plus performant que la houe, qui, à une autre période, soit t1, permet

d’aboutir à trois améliorations appréciables dans le système de

production : i) la quantité de main-d’œuvre nécessaire au travail diminue,

passant de L0 à L1 ; ii) la superficie cultivée s’accroît, passant de A0 à A1 ;

enfin, iii) la production de coton-graine augmente, de Y0 à Y1.

L’amélioration des conditions de production et des résultats obtenus se

traduit dans la figure par un déplacement de la droite de rapport des prix

de la position Po à la nouvelle position P1, au temps t1.

La théorie de Hayami et Ruttan (op. cit.) permet ainsi d’expliquer

comment l’attelage permet une moindre consommation du facteur travail

(L1<L0), une plus importante utilisation du facteur terre (A1>A0) et un

accroissement de la production (Y1>Y0). La courbe enveloppe V est un

méta-isoquant montrant comment, au cours du temps, une plus grande

élasticité de substitution entre les facteurs terre et travail se manifeste,

grâce au progrès technique. Elle se traduit, sur la figure, par une relation

linéaire (droite [O, M]) entre ces deux facteurs, représentant

l’accroissement de la production (OY1>OYo).

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 162

Le premier avantage visé par l’attelage est donc de permettre

l’augmentation des superficies emblavées à partir d’une moindre quantité

de travail et d’accroître la production globale de coton-graine. Le second

avantage est de réduire la pénibilité du travail en le rendant plus attrayant,

donnant à l’exploitant la possibilité de mieux se consacrer aux travaux

d’entretien. De ce fait, l’attelage, en tant qu’innovation technique

introduite par l’intermédiaire de la culture du coton, permet d’améliorer

les conditions de vie du paysan. Le travail devient plus agréable et

nécessite moins d’efforts physiques, incitant alors les jeunes à s’y

investir, réduisant l’exode et les migrations des zones cotonnières vers les

villes ou vers d’autres zones rurales.

A la suite de Hayami et Ruttan (op. cit.), on comprend le fondement du

comportement des exploitants en culture mécanisée. On relève trois faits

remarquables :

les exploitants font des efforts pour, non seulement s’acheter une

chaîne de culture attelée, mais aussi maîtriser ce nouveau matériel

de travail et le rentabiliser ;

l’adoption de la mécanisation (attelage et motorisation) et la

location d’outils mécanisés (dans une moindre mesure),

aboutissent à un accroissement de la superficie emblavée ;

la mécanisation permet une réduction notable du temps de travail

par hectare.

On peut dire que sur base des progrès biologique, mécanique ou de

savoir-faire, la production cotonnière s’est accrue au fil des campagnes

agricoles. Il est possible d’analyser les effets du progrès technique sur

l’évolution de la production cotonnière en mettant en évidence

l’importance relative des éléments dont elle dépend.

2.5 Les déterminants de l’évolution de la production

L’analyse des variations annuelles de la production cotonnière amène à

considérer deux types d’effets résultant du savoir-faire de l’exploitant :

d’une part, l’effet-superficie, dépendant principalement du progrès

mécanique et d’autre part, l’effet-rendement, essentiellement imputable

au progrès biologique, toutes choses étant égales par ailleurs.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 163

L’effet-rendement se rapporte à une utilisation plus ou moins massive des

produits chimiques (engrais et pesticides), l’effet-superficie renvoie à une

consommation plus ou moins importante des superficies cultivables. La

mise en évidence des deux effets du progrès technique tant recherché et

véhiculé par la culture du coton devient nécessaire pour réfléchir sur les

perspectives d’une évolution durable du système de production cotonnier.

Pour les campagnes t-1 et t, exprimons la production de coton-graine par

les formules suivantes :

111 ttt RSY (1)

ttt RSY (2)

Avec 1tS et tS , en abscisse dans la figure 3.5a, les superficies cultivées

en coton respectivement au cours des campagnes t-1 et t ; 1tR et tR ,

les rendements correspondants en coton-graine. Les différences entre les

superficies d’une part et les rendements d’autre part, de t-1 à t, sont

exprimées respectivement par :

1 ttt SSS (3)

1 ttt RRR (4)

La différence entre les productions de coton-graine des deux campagnes

consécutives est telle que :

111 ttttttt RSRSYYY (5)

Tenant compte des équations (3) et (4), l’équation (5) devient :

1111 )()( ttttttt RSRRSSY (6)

11 ttttttt SRRSRSY (7)

Dans le second membre de l’équation (7), le premier terme dénote un

effet lié à la variation simultanée du rendement et de la superficie, on peut

l’appeler « effet conjoint » ; le second terme, lié à la variation de la

superficie, est donc un effet-superficie et, le troisième terme, est un effet-

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 164

rendement. Il est possible de transformer l’effet conjoint pour n’obtenir

que les deux principaux effets, de la façon suivante :

11)( tttttt SRRRSY (8)

Intégrant l’équation (4) dans l’équation (8), on obtient :

1 ttttt SRRSY (9)

Dans l’équation (9), le premier terme dépend essentiellement de la

variation de la superficie cultivée de t-1 à t et indique l’effet-superficie ; le

second membre dépend de la variation du rendement et représente l’effet-

rendement. Si l’on fait la somme des différences de productions

constatées des années t-1 à t (t variant de 1 à 42, c’est-à-dire de 1960 à

2002), on peut exprimer d’une part, l’impact de l’accroissement des

superficies emblavées sur la variation de la production de coton-graine,

équation (10) et, d’autre part, l’impact du rendement sur cette même

variation, équation (11), comme suite :

42

1

42

1supt

t t

t

t tt

Y

RSerficieEffet (10)

42

1

42

1 1

t

t t

t

t tt

Y

SRrendementEffet (11)

Cette méthode a été utilisée par Bublot (1974) pour analyser les effets de

la superficie et du rendement sur les variations fondamentales observées

des productions végétales belges de 1950 à 1972. Cependant, Bublot

utilise les valeurs absolues des différences de rendements (dRt), de

superficies (dSt) et de production (dYt) d’une année à l’autre. Or, il est

établit que les valeurs absolues ne rendent pas compte de la variation

réellement observée d’une année à l’autre des superficies ou des

rendements. En effet, la valeur absolue d’une différence est positive et

voile les effets négatifs du rendement ou de la superficie sur la

production.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 165

Figure 3.5a. Mise en évidence des effets du rendement et de la superficie

sur l’accroissement de la production d’une année à l’autre.

Par contre, il faut tenir compte des signes du numérateur et du

dénominateur dans l’interprétation du résultat des équations (10) et (11).

Parce que, si le signe du résultat est positif, c’est que le numérateur et le

dénominateur sont de même signe. Un signe négatif du résultat provient

de ce que les signes sont différents au numérateur et au dénominateur.

A partir des séries chronologiques de superficies cultivées en cotonnier et

de rendements de coton-graine de 1960 à 2002, l’application des formules

(10) et (11) à l’aide du logiciel Excel a donné les résultats illustrés par la

figure 3.5b. On a considéré différentes périodes caractéristiques de

l’évolution des conditions générales de la production cotonnière,

notamment par rapport à l’utilisation des fertilisants, des pesticides et de

l’attelage.

O

Rt

St-1

Rt-1

R

Yt-1=St-1*Rt-1

∆Rt*St-1

∆St*Rt-1

∆St*∆Rt

St

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 166

Figure 3.5b : Evolution de l’importance relative à l’effet-rendement et de

l’effet-superficie sur la production de coton-graine en Côte d’Ivoire

De 1960 à 1973, les rendements sont passés de 500 kg/ha à 980 kg/ha

avec une moyenne annuelle de 730 kg/ha. Ainsi, les rendements au champ

ont presque doublé au cours de cette période, leur effet global restant

relativement élevé, soit 31 %, mais plus faible que l’effet-superficie qui

est de 69 %.

De 1974 à 1984, l’effet-rendement a été amélioré, représentant 34 % de la

variation annuelle de la production de coton-graine. Les rendements en

coton-graine sont passés de 500 kg/ha en 1960 à 1450 kg/ha en 1984, soit

un taux de croissance annuelle de 5,4 %. Durant cette période de 1960 à

1984, les engrais étaient subventionnés, ce qui a certainement favorisé

leur utilisation massive par les exploitants. L’accroissement des

rendements de cette période peut aussi s’expliquer par le fait que les terres

avaient encore un niveau de fertilité naturelle appréciable : les longues

jachères permettaient la reconstitution de cette fertilité. La CIDT qui avait

pris le relais de la CFDT à partir de 1974 mettait un accent particulier sur

l’accroissement du rendement, surtout que pendant cette période, l’engrais

était toujours distribué gratuitement aux paysans. On peut supposer que

les paysans avaient acquis une certaine expérience dans l’application des

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 167

fertilisants grâce aux conseils du moniteur de la CIDT. Mais

l’accroissement des superficies n’était pas non plus négligé. En effet, la

CIDT était aussi préoccupée à étendre l’aire de « conquête » de la culture

du coton dans des zones pré-forestières telles que Dikodougou au sud de

Korhogo.

Depuis 1984, l’effet-rendement n’a cessé de s’amoindrir. En effet, de

1984 à nos jours, les rendements sont passés de 1450 kg/ha à près de 1100

kg/ha, soit une chute annuelle d’environ 1,4 %. De 1999 à 2002, la

production a chuté relativement à une baisse simultanée des superficies

emblavées et des rendements (figure 3.5b). En définitive, de 1960 à 2002,

le rendement a eu un effet cumulé dépressif sur l’évolution d’une année à

l’autre de la production. En d’autres termes, c’est plutôt l’accroissement

annuel des superficies qui explique celui de la production de coton-graine

sur la longue période.

Après leur mise en place, en 1998, les deux sociétés industrielles qui ont

racheté les deux parties privatisées de la CIDT, à savoir La Compagnie

Cotonnière Ivoirienne (LCCI) et Ivoire Coton (IC), n’ont pas pris le relais

dans l’encadrement des paysans, comme cela était initialement prévu dans

les termes du contrat de privatisation. La distribution des intrants a été

relativement perturbée chaque année au cours de cette période : les

semences étaient parfois fournies en quantité insuffisante par rapport à la

demande des paysans, de même que les autres intrants (engrais et

pesticides) quelquefois également distribués tardivement par rapport aux

dates limites d’application. Le bas niveau des prix sur cette période,

ajouté à la situation de crise sociopolitique que traverse le pays depuis

1999 sont des raisons supplémentaires qui soutiennent la réduction des

superficies, la baisse des rendements et en conséquence, la chute de la

production de coton-graine de ces dernières années.

On peut donc dire, par rapport à la présentation théorique de la figure 3.4,

que l’accroissement de la production cotonnière en Côte d’Ivoire repose

beaucoup plus sur un progrès de type mécanique (effet-superficie) que sur

un progrès de type biologique. C’est ce qui se traduit dans la figure 3.5

par l’effet-superficie de 109 % sur la période allant de 1960 à 2002, en

opposition à l’effet-rendement sur la même période. Aussi, malgré les

nombreuses campagnes de formation et d’information des paysans, ces

derniers ne sont-ils pas encore parvenus à réaliser un progrès biologique

Page 192: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 168

qui puisse soutenir durablement la variation annuelle de la production

cotonnière.

Mais, le faible effet-rendement n’est pas imputable aux seuls paysans. Le

rendement dépend aussi de la qualité des semences (taux de germination),

du potentiel génétique de la semence sélectionnée ainsi que de bien

d’autres variables que les paysans ne peuvent pas maîtriser. C’est le cas

par exemple de la pluviométrie. On a d’ailleurs constaté au second

chapitre que les paysans faisaient un effort de stabilisation de leur

système de production par une plus longue occupation du sol. Or, les

doses d’engrais conseillées aux paysans producteurs de coton sont parfois

les mêmes, sur toute l’étendue du territoire ivoirien, sans tenir compte des

types de sols, ni des types de rotations culturales, ni des durées

d’occupation du sol. Tout cela explique le plafonnement tendanciel du

rendement constaté dans la figure 3.2 plus haut.

Ces résultats, sans être exhaustifs, tendent à interpeller la recherche

agronomique du cotonnier. En effet, on constate que les variétés de

cotonnier disponibles en Côte d’Ivoire transforment difficilement les

intrants en coton-graine, soit qu’il faille changer la qualité et/ou la

quantité de ces intrants, ce qui poserait un problème de reformulation des

types et des doses d’engrais, soit qu’il faille modifier la fonction de

transformation de la plante au niveau génétique. Le plafonnement des

rendements en coton-graine peut aussi être dû à une réduction

tendancielle de la fertilité des terres. Bien que les résultats de nos

recherches ne permettent pas de discuter de ces aspects de façon

approfondie, il est important de les noter afin d’en tenir compte dans la

recherche de la durabilité des systèmes de production à base de coton.

La situation générale constatée au niveau national (figure 3.5b) cache bien

des spécificités entre les zones, les villages et surtout les types

d’exploitations agricoles. Ce constat est mis en évidence par la figure 3.6

pour les quatre dernières années d’observation, de 1999 à 2002, dans les

zones d’étude.

Page 193: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 169

819

35

9281

65

114

-14-40

-20

0

20

40

60

80

100

120

140

MSLCA MALCA CCA CCM

Systèmes de culture

Eff

ets

(%)

Effet-rendement Effet-superficie

Source : Notre enquête, 2002.

Figure 3.6 : Variation de l’effet-rendement et de l’effet-superficie suivant

la spécialisation technique de l’exploitant

Il apparaît que l’effet-rendement est positif et augmente avec le niveau de

mécanisation sauf chez les exploitants en culture mécanisée. Il passe de

19%, chez ceux qui louent le matériel attelé (MALCA), à 35 % chez les

exploitations en culture attelée (CCA). Cela traduit le fait que le

rendement de la culture du coton s’est amélioré notamment chez les

paysans en culture attelée et chez ceux qui, n’étant pas propriétaires d’une

chaîne attelée, labourent néanmoins leurs parcelles en louant ce matériel.

On peut dire que la culture attelée, bien qu’elle favorise un accroissement

de la superficie emblavée, améliore aussi le rendement de la culture du

coton par rapport à la culture manuelle et à la culture motorisée. Dans le

village de Kouniguékaha, en zone dense de Korhogo, on a constaté que

l’effet-rendement de la culture du coton était relativement plus important

que dans les autres villages (Sionhouakaha, Niellé et Ouamélhoro). Les

superficies emblavées en cotonnier étant relativement plus réduites dans

ce village, on peut supposer que les paysans y ont relativement plus de

temps à consacrer aux travaux d’entretien afin de gagner en rendement, ce

qu’ils ne peuvent avoir en superficie.

Page 194: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 170

Dans l’ensemble, nos résultats corroborent ceux, plus généraux, de la

CIDT, relevés dans ses rapports d’activités annuels de 1984 à 1996. Selon

ces rapports, la culture attelée permet un labour plus profond que la houe

manuelle. Pour y parvenir, le paysan en culture attelée a parfois éliminé

les souches et les troncs d’arbres encombrant la parcelle, au point où pour

un hectare, la partie utile est souvent plus grande en culture attelée qu’en

culture manuelle. Toutes choses restant égales par ailleurs,

l’accroissement du nombre de billons par le labour attelé entraîne une

augmentation de la densité de semis à l’hectare et peut entraîner un effet-

rendement relativement plus important.

Le labour motorisé peut être plus profond que le labour attelé et pourtant,

l’effet-rendement y est négatif, du moins, dans le cas de l’échantillon

d’enquête. Selon les constats faits par la CIDT, les rendements en coton-

graine obtenus en culture motorisée sont généralement situés à un niveau

moyen inférieur à ceux obtenus en culture attelée. Il est généralement

reproché aux paysans en culture motorisée, l’insuffisance du niveau de

fertilisation minérale et du niveau de traitement insecticide. Leurs

parcelles de coton sont parfois plus enherbées que celles des paysans en

culture attelée. Le sarclage réalisé à l’aide du tracteur est en pratique plus

difficile que celui réalisé à l’attelage bovin. Il a été constaté que, parmi les

quatre exploitations en culture motorisée de l’échantillon, deux avaient

accru leurs superficies allouées à la culture du coton, respectivement de

près de 25 % et 40 % de 1999 à 2002, en procédant à des nouveaux

défrichements. La baisse des rendements peut être imputable aux

nouvelles superficies non encore dessouchées.

Ces analyses tendent à confirmer l’hypothèse que la culture du coton a bel

et bien entraîné un progrès technique. Le progrès de type biologique reste

d’un niveau relativement plus faible que le progrès de type mécanique,

que ce soit au niveau de l’évolution globale de la production cotonnière

nationale, qu’à celui de l’échantillon d’enquête. On a constaté que l’effet-

rendement en coton-graine a été relativement plus important pendant la

période où les engrais étaient subventionnés. La suppression des

subventions aux engrais, qui signifie aussi l’accroissement de leur coût,

pourrait être une cause de la réduction tendancielle des rendements et de

l’accroissement tendanciel des superficies cultivées.

Page 195: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 171

C’est peut-être parce que le revenu tiré de la culture du coton ne permet

pas de couvrir le coût des engrais que la suppression des subventions à

ces derniers s’est soldée par une baisse de l’effet-rendement par rapport à

l’effet-superficie. Il faut donc vérifier l’hypothèse relative au revenu et

selon laquelle, le surplus de productivité globale en valeur résultant de

l’activité du coton peut être d’un niveau appréciable, mais que dans la

distribution de ce surplus, on peut craindre que le paysan n’en profite pas

assez par rapport aux autres agents économiques de la filière

(intermédiaires, fabricants des fertilisants et des pesticides, fournisseurs,

consommateurs, Etat).

3 La formation du revenu agricole

La rentabilité financière des exploitations agricoles en présence se

comprend d’une part, par rapport aux choix techniques et, d’autre part, au

regard de l’incertitude sur le prix à la production de coton-graine.

L’analyse de la rentabilité financière des différents systèmes permettra de

vérifier notre hypothèse selon laquelle, « le surplus de productivité

globale en valeur résultant de l’activité du coton peut être d’un niveau

appréciable, mais dans la distribution de ce surplus, on peut craindre que

le paysan n’en profite pas assez par rapport aux autres agents

économiques de la filière ».

Il est possible de comparer les exploitations agricoles définies dans la

typologie suivant le critère du revenu monétaire net d’exploitation (RMN)

qui est le revenu net d’exploitation déduit de la valeur de

l’autoconsommation (tableau 3.3).

Le prix des intrants et des productions a été déterminé au prix du marché.

Le marché des produits agricoles autres que celui du coton-graine est

généralement atomisé. Dans l’ensemble, en dehors du coton-graine, il n’y

a aucune organisation garantissant la commercialisation des productions

agricoles vivrières notamment. Les produits vivriers ont un cycle annuel.

Ils sont récoltés durant une période de deux à trois mois. Pour l’igname, la

stratégie de conservation en butte permet un étalement de la récolte sur

trois à six mois. De façon générale, les difficultés de conservation et

parfois le besoin de liquidités, amènent les exploitants à commercialiser

une très grande partie de leur production vivrière pendant la période de

récolte.

Page 196: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 172

Tableau 3.3 : Forme conceptuelle du compte de production/exploitation2

Emplois Ressources

Consommations intermédiaires (CI)

Chiffre

d’affaires

(CA)

Valeur

ajoutée

(VA)

Salaires

Frais financiers (inclus ici dans CI)

Taxes

Revenu brut

d’exploitation

(RBE)

Amortissement

Revenu net

d’exploitation

(RNE)

Autoconsom

mation

Revenu

monétaire

net (RMN)

L’autoconsommation au sein de l’unité d’exploitation familiale est

constituée aussi bien par des produits agricoles que par des produits non

agricoles. Ces derniers sont entre autres choses :

le logement, les cases, les greniers et autres abris qui sont parfois

faits de matériaux locaux (terre, bois, pailles, lianes). Leur coût

d’opportunité est situé par nos enquêtes entre 10 000 FCFA/an et

50 000 FCFA/an,

le bois de chauffe, le charbon de bois dont la valeur moyenne se

situe entre 20 000 FCFA/an et 50 000 FCFA/an dans les villages,

divers autres produits tels que les poteries, les vanneries, etc.

Toutefois, il est difficile d’avoir une connaissance précise de

l’autoconsommation tant en quantité qu’en valeur. On peut cependant en

faire une estimation même approximative en vue d’en tenir compte dans

l’analyse, parce qu’elle est indispensable dans les exploitations agricoles

rencontrées. De façon raisonnable, l’autoconsommation des produits non

agricoles se situerait globalement entre 30 000 FCFA/an et

100 000 FCFA/an selon les exploitations.

2 VA = CA-CI ; RBE = VA-salaires-frais financiers-taxes ; RNE = RBE-

amortissements. RMN = RNE-autoconsommation.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 173

Des estimations similaires sont aussi faites pour divers produits agricoles

autoconsommés qu’on pourrait qualifier de produits mineurs. Ce sont par

exemple :

les légumes divers rapportent de 5 000 à 10 000 FCFA/an, le

grain et la poudre (jaune) du néré sont estimés à environ 2 000 à

5 000 FCFA/an,

la graine et le beurre de karité valent près de 5 000 à

10 000 FCFA/an,

le pois sucré et les autres produits valent environ 2 000 à

5 000 FCFA/an.

On peut donc estimer la valeur des divers autres produits agricoles et non

agricoles entre un minimum de 30 000 FCFA et un maximum de

130 000 FCFA, suivant la taille et les stratégies de l’exploitation. Les

frais financiers sont compris dans la valeur des consommations

intermédiaires (engrais, insecticides, herbicides, etc.) reçues à crédit de la

part des fournisseurs. Le travail d’entraide sociale reçue de l’extérieur a

été comptabilisé comme faisant partie du travail familial. Par contre, le

travail d’entraide fourni par les membres de l’exploitation à l’extérieur

n’est pas pris en compte pour deux raisons : i) cette donnée a été encore

plus difficile à collecter que le travail reçu de l’extérieur, ii) on suppose

que c’est la compensation du travail reçu de l’extérieur. Cependant, le

travail salarié des membres de l’exploitation est considéré lorsqu’il s’agit

de travail à façon avec l’attelage ou le tracteur. Les autres formes de

travail salarié affecté hors de l’exploitation ne sont pas prises en compte

pour trois raisons : i) elles sont difficiles à évaluer par enquête, ii) elles

restent encore marginales et sont le fait des enfants, iii) ce type de travail

n’est pas encore organisé en termes de stratégie de production, le salaire

qui en résulte restant à usage individuel et généralement inconnu du chef

d’exploitation.

La production est nette des pertes au champ. Les pertes au stockage sont

parfois importantes, notamment pour l’igname, mais elles n’ont pas été

mesurées et ne sont pas prises en compte dans les calculs. L’utilisation de

résultats empiriques obtenus ailleurs par d’autres chercheurs au départ de

différents modes de conservation de produits agricoles végétaux donnerait

une illusion de précision à l’analyse. L’autoconsommation comprend les

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 174

semences, la consommation alimentaire de l’exploitation et les dons ou

transferts à l’extérieur. Ces derniers sont parfois importants lorsqu’ils se

font du village vers la ville. Les dons de produits agricoles reçus de

l’extérieur ne sont pas pris en compte, parce qu’ils sont difficiles à

appréhender par enquête et aussi, parce qu’ils compensent parfois les

dons faits par l’exploitant. Il est possible d’esquisser un compte de

production/exploitation de chacun des six types de systèmes de

production précédemment identifiés. Pour rappel, on a :

SCIG : système sans coton privilégiant l’igname,

SCCE : système sans coton privilégiant les céréales,

MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location

d’attelage,

MALCA : système de culture manuelle de coton louant l’attelage

CCA : système de culture du coton avec attelage,

CCM : système de culture de coton avec motorisation.

L’autoconsommation a été estimée à la suite des enquêtes pour chaque

produit : les quantités de produits à consommer sont pesées avant de les

cuire. Le prix moyen annuel du produit autoconsommé est celui auquel le

paysan l’achèterait sur le marché. Le paysan achète du vivrier lorsque son

stock ne lui suffit plus, cela se produit généralement en période de

soudure. Le prix d’autoconsommation est donc plus élevé que celui

auquel le paysan vend le même produit du fait de l’intervention des

commerçants qui jouent un rôle d’intermédiaire entre le consommateur et

le producteur. Le produit d’autoconsommation est obtenu en multipliant

la quantité autoconsommée par le prix d’autoconsommation. Les divers

petits produits agricoles et non agricoles autoconsommés sont pris en

compte, non pas par souci de précision, mais plutôt par souci de clarté de

la méthode. En supposant que toute la production non autoconsommée est

effectivement commercialisée, le produit de vente est la part

commercialisée multipliée par le prix moyen du marché.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 175

3.1 Le revenu des systèmes de culture sans coton

Les systèmes de culture sans coton sont d’une part ceux qui privilégient la

culture d’igname (SCIG) et d’autre part, ceux qui se spécialisent dans la

production céréalière (SCCE). Avec un rendement moyen de près de

7,8 t/ha, une part autoconsommée de près de 3,7 t par exploitation, la

culture d’igname apporte 78 % de la valeur ajoutée totale du SCIG. Avec

une très faible utilisation de fertilisants et de pesticides, les charges

variables sont relativement limitées dans ce système. Il en résulte un

chiffre d’affaires presque identique à la valeur ajoutée. Le taux

d’autoconsommation assez élevé, 56 % du chiffre d’affaires, réduit

substantiellement le revenu monétaire net à une valeur moyenne

d’environ 400 000 FCFA par exploitation. La valorisation de la journée

de travail familial s’élève à près de 2 100 FCFA dans ce SCIG

(tableau 3.4).

Même si le niveau d’utilisation de l’engrais est relativement faible dans ce

système traditionnel à base d’igname, force est de reconnaître la

formidable adaptation du paysan Sénoufo aux nouvelles méthodes de

production agricole et surtout, dans son effort d’adoption du progrès

technique. Ce constat confirme les résultats d’autres chercheurs dont

Chantran (1978), Dupriez et De Leener (1987), dans d’autres contextes de

systèmes traditionnels de production agricole soumis à des

transformations d’origine exogène. On note aussi que ce système

traditionnel de base où le paysan refuse encore de cultiver le coton n’est

plus essentiellement fondé sur l’autosubsistance. En effet, près de 44 %

de la production fait l’objet d’échanges marchands. Cette différence de

niveau de revenu monétaire des exploitations agricoles du système

traditionnel était peu perceptible, dans les années 60, lorsque le surplus

vivrier n’était pas assez bien valorisé financièrement. Mais, avec la

commercialisation du coton qui apportait de l’argent liquide à ceux qui le

produisaient, les paysans du système traditionnel ont eu peu à peu, le

souci de vendre une part de plus en plus grande de leur production

d’igname. Il a été observé qu’il y a bien des cas où, pour résoudre des

contraintes financières, certains paysans ont vendu une part parfois

appréciable de leur réserve alimentaire au moment des récoltes. Ces

derniers se sont souvent retrouvés démunis de vivres pendant la période

de soudure où, malgré eux, ils ont dû s’endetter pour acheter des vivres.

C’est surtout dans le système à base d’igname que ce problème de pénurie

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 176

alimentaire en période de soudure se pose avec beaucoup plus d’acuité,

parce que l’igname, contrairement aux céréales, est difficile à conserver.

Tableau 3.4 : Compte de production/exploitation du SCIG (1 000 FCFA)

Désignation Ig Riz Ms M/S Ar Fr Dana Total

Superficies cultivées (ha) 1,2 1,1 0,8 0,1 0,3 0,0 0 3,5

Chiffre d'affaires 888,1 117,6 46,8 3,3 43,8 1,3 50,0 1 150,9

Coût total des intrants 0,0 5,6 12,0 0,0 0,0 0,0 17,6

Amortissement 3,0

Valeur ajoutée 888,1 112,0 34,8 3,3 43,8 1,3 50,0 1 133,3

Salaire payé 88,0 1,5 1,2 0,0 0,0 0,0 0,0 90,7

Revenu brut 1 042,6

Revenu net 1 039,6

Revenu monétaire net 402,3

Valorisation de la journée de

travail 2,1

Autoconsommation (%)3 56,2

Sources : Notre enquête, 2002

Légende : Ig = igname, Ms = maïs, M/S = mil/sorgho, Ar = arachide, Fr = fruitier,

Cot = coton, Dana = divers produits agricoles et non agricoles

Dans le système de culture sans coton et privilégiant les céréales (SCCE),

le rendement moyen de la culture d’igname est de 5,5t/ha. Le coût de

production est supérieur à ce qui prévaut dans le système à base

d’igname, à cause d’une plus grande utilisation d’intrants et de travail

salarié. Le riz et le maïs apportent environ 60 % de la valeur ajoutée

contre 20 % pour l’igname, confirmant ainsi leur primauté dans ce

système à base de céréales. Le deux systèmes sans coton utilisent des

outils manuels simples et ont en conséquence une dotation aux

amortissements relativement faible, de l’ordre de 3 000 FCFA par an. La

rémunération de la journée de travail se situe à près de 1 800 FCFA dans

3 Le taux d’autoconsommation est le produit autoconsommé divisé par le chiffre d’affaires, en

pourcent.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 177

le SCCE contre environ 2 100 FCFA dans le SCIG. Ces moyennes sont

statistiquement différentes4 au seuil de 5 %.

3.2 Le revenu des systèmes de culture manuelle de coton

L’échantillon d’enquête comportait 8 exploitants représentant ce système

de culture manuelle sans location de matériel attelé (ou MSLCA), en voie

de disparition, comme nous l’avons souligné dans le deuxième chapitre.

Ces exploitations sont peu nombreuses dans la zone d’études. Les 8 cas

individuels faisant partie de l’échantillon d’enquête ont des situations

financières contrastées. La valeur ajoutée moyenne est de 830 000 FCFA

avec un minimum de 450 000 FCFA et un maximum de 1 760 000 FCFA.

Les exploitations qui ont dégagé les valeurs ajoutées les plus importantes

sont celles où les superficies consacrées à la culture d’igname sont

relativement plus grandes. Dans ce système, bien que la culture du coton

occupe la plus grande superficie, c’est plutôt celle de l’igname qui apporte

la plus grande part de valeur ajoutée, soit 43 % contre 24 % pour le coton,

13 % pour le riz qui vient ainsi en troisième position. La culture du coton

occasionne 49 % du coût variable total contre 32,5 % pour l’igname. Le

revenu monétaire net est d’environ 345 000 FCFA, presque identique à

celui du système céréalier et inférieur à celui du système à base d’igname.

La majorité des exploitations composant ce système sont justement issues

de celui à base d’igname. On peut donc dire que leur décision d’adopter la

culture du coton a entraîné une baisse de leur valeur ajoutée. Mais, il faut

souligner que si le revenu de la culture du coton est presque garanti, celui

de l’igname est bien loin de l’être. On garde à l’esprit que les résultats

monétaires obtenus par les différents systèmes à partir des cultures

vivrières sont des estimations qui admettent que la commercialisation est

effective. Les données sur le terrain ne sont pas conformes à cette

hypothèse qui reste cependant valable pour les calculs.

4 Nous avons fait un test de comparaison des moyennes prises deux à deux avec un

risque d’erreur de 5 % dans la table de Student Fisher. Si N1 et N2 sont les séries

étudiées avec pour moyennes respectives 1x et 2x , pour écart-type global S, le t

calculé est obtenu par la formule 21

2121

NN

NN

S

xxt

. Si t calculé est inférieur à

celui de la table au seuil de 5%, alors il n’y a pas de différence significative entre les

deux moyennes.

Page 202: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 178

Les exploitations en culture manuelle de coton mais recourant à la

location de matériels de culture attelée (MALCA) cultivent une superficie

moyenne de 3,6 ha dont 1,8 ha consacrés au cotonnier (tableau 3.5), soit

50 % des emblavures. Les charges variables sont consacrées à la culture

du coton à concurrence de près de 80 % (engrais, pesticides et travail

salarié). La culture du coton contribue à près de 50 % de la valeur ajoutée

des MALCA. Leur revenu monétaire net moyen est d’environ

420 000 FCFA et un taux d’autoconsommation de près de 28 %. La

journée de travail familial est valorisée à raison de 1 700 FCFA contre

1 900 FCFA chez ceux qui ne louent pas de matériels attelés. La part de la

location de matériels attelés a été toutefois difficile à estimer à cause des

relations de parenté ou d’amitié entre les paysans. En effet, il existe

encore de multiples formes d’arrangement entre celui qui reçoit le

matériel en location d’une part et celui qui loue ce matériel d’autre part.

De ce point de vue, on peut dire que le marché de prestation de travail

mécanisé est encore à ses débuts. De façon générale, le labour attelé ou

motorisé d’un hectare est payé entre 15 000 FCFA et 30 000 FCFA au

prestataire. Le bénéficiaire de la prestation est chargé de débarrasser l’aire

de tout obstacle dans la mesure du possible : racines, souches et troncs

d’arbres, etc.

3.3 Le revenu des exploitations mécanisées

Les exploitations en culture attelée (CCA) étaient au nombre de 101 dans

l’échantillon d’enquête. Le tableau 3.6 relate le compte de

production/exploitation de leur exploitation moyenne. La superficie

moyenne cultivée dans ce système est de 8,2 ha dont 56 % affectés à la

culture du coton. On constate, comme dans les autres systèmes à base de

coton, que la part autoconsommée de la production de coton-graine est

pratiquement nulle. De façon générale, le coton-graine est de moins en

moins autoconsommé par les exploitants. Par contre, 60 % de la

production physique d’igname est autoconsommée, contre respectivement

50 %, 40 %, 30 % et 23 % pour le mil et le sorgho réunis, l’arachide, le

maïs et le riz.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 179

Tableau 3.5 : Compte de production/exploitation du MALCA (en 1000 FCFA)

Désignation Ig Riz Ms M/S Ar Fr Cot Dana Total

Superficie occupée (ha) 0,1 0,6 0,4 0,2 0,4 0,3 1,8 0,0 3,8

Chiffre d'affaires 31,1 108,0 52,8 11,1 54,6 10,7 480,5 75,0 823,7

Total intrants 3,0 14,0 8,0 0,0 0,0 0,0 116,0 0,0 141,0

Amortissement 16,0

Valeur ajoutée 28,1 94,0 44,8 11,1 54,6 10,7 364,5 75,0 682,7

Salaire total payé 0,0 13,0 0,0 0,0 0,0 0,0 40,0 0,0 53,0

Revenu brut 629,7

Revenu net 613,7

Revenu monétaire net 420,0

Valorisation de la

journée de travail 1,7

Autoconsommation (%) 28,4

Source : Notre enquête, 2002

Tableau 3.6 : Compte de production/exploitation du CCA (1000 FCFA)

Désignation Ig Riz Ms M/S Ar Fr Cot Dana Total

Superficie occupée (ha) 0,1 0,9 1,4 0,3 0,4 0,6 4,6 0 8,3

Chiffre d'affaires 50,3 162,2 143,5 19,5 83,1 27,3 1 340,6 75,0 1 901,5

Coût total des intrants 3,0 22,0 35,7 5,0 0,0 0,0 300,2 0,0 365,9

Amortissement 95,0

Valeur ajoutée 47,3 140,2 107,8 14,5 83,1 27,3 1 040,5 75,0 1 535,7

Salaire payé 0,0 18,5 12,0 0,0 0,0 0,0 121,0 0,0 151,5

Revenu brut 1 384,2

Revenu net 1 289,2

Revenu monétaire net 1 049,7

Valorisation de la journée

de travail 2,2

Autoconsommation (%) 16,6

Source : Notre enquête, 2002

_____________________________

Légende des tableaux : Ig = igname, Ms = maïs, M/S = mil/sorgho, Ar = arachide, Fr = fruitier,

Cot = coton, Dana = divers produits agricoles et non agricoles

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 180

Les engrais sont appliqués sur presque toutes les cultures principales dans

les systèmes à base de coton sauf sur l’igname pour laquelle les résultats

de la recherche agronomique ne sont pas encore vulgarisés et l’arachide

qui est une légumineuse. La culture du coton absorbe environ 80 % des

charges relatives aux engrais et aussi à la main-d’œuvre salariée. Les

herbicides et les insecticides sont essentiellement appliqués sur la culture

du coton et accessoirement sur le riz et le maïs. De façon générale, les

semences sont rarement achetées sauf pour l’igname dans les

exploitations où cette culture n’est pas prioritaire. La valorisation de la

journée de travail familial se situe à environ 2 200 FCFA dans le CCA,

presque identique à celle du système de production à base d’igname. On

n’oublie pas cependant que les revenus générés par la culture du coton et

dans une moindre mesure par celle des céréales sont effectifs par rapport à

ceux de l’igname.

La culture d’igname génère, à l’hectare, la valeur ajoutée la plus élevée,

soit environ trois fois plus que le coton ou l’arachide, 4 fois plus que le riz

et plus de 6 fois plus que les autres cultures (maïs, mil et sorgho). Cette

tendance reste vraie dans les autres systèmes.

3.4 Les caractéristiques technico-économiques des exploitations

L’analyse de la formation des revenus agricoles à partir des comptes de

production/exploitation permet de chiffrer les principales caractéristiques

sociotechniques des systèmes de production (tableau 3.7).

Il ressort que le système traditionnel de base comprend les paysans ayant

les plus faibles revenus. La production d’igname ne permet pas

d’accroître le revenu monétaire net dans la pratique. En effet, la plus

grande partie de la production d’igname est commercialisée au moment

de la récolte où son prix est le plus bas. Le système à base d’igname

semble plus sécurisant que celui à base de céréales, du point de vue du

revenu monétaire net. Son niveau d’autoconsommation qui est de 56 %

laisse dire qu’il est moins ouvert sur le marché que le système à base de

céréales. Les facilités de conservation du riz et du maïs, notamment dans

des greniers à grains, rendent possible une commercialisation plus étalée

dans le temps, une plus longue présence sur le marché, une possibilité de

négocier les prix d’achat de ces céréales qui, de ce fait, confèrent une plus

grande souplesse aux exploitants. Ceux qui cultivent le coton ont un

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 181

coefficient capitalistique (rapport coût de production au chiffre d’affaires)

d’environ 2 à 4 fois supérieur à celui des paysans des systèmes vivriers

sans coton : ces derniers investissent peu. Il en résulte que la productivité

du capital (inverse du coefficient capitalistique) est relativement plus

élevée dans les systèmes sans coton que dans ceux avec coton.

Tableau 3.7 : Caractéristiques technico-économiques des différents

systèmes de production de la zone d’étude

Caractéristiques Les différents systèmes de production

SCIG SCCE MSLCA MALCA CCA CCM

Exploitations enquêtées 20 8 8 23 101 4

Nombre UTH/exploit. 2,4 3,3 2,6 2,8 4,6 7,8

Ha/UTH 1,5 1 1,2 1,3 1,8 2,7

JT/UTH 246 128 206 175 210 191

SAU (ha) 9,5 6,6 8,5 11,5 15 36

SAC (ha) 3,5 3,2 3,2 3,6 8,2 21

C.A. (1 000 FCFA) 1 150 692 924 824 1 900 3 680

V. A (1 000 FCFA) 1 133 649 830 683 1 536 3 036

V.A. /ha (1 000 FCFA) 324 203 259 190 187 145

RBE (1 000 FCFA) 1 040 606 736 630 1 384 2 885

RBE/ha (1 000 FCFA) 260 255 280 127 159 123

RNE (1 000 FCFA) 1 040 603 732 626 1 300 2 765

RNE/ha (1 000 FCFA) 260 254 278 127 149 118

RMN (1 000 FCFA) 402 348 346 420 1 050 2 183

RMN/ha (1 000 FCFA) 108 147 131 87 121 93

Valorise JT (1 000F) 2,1 1,8 1,9 1,7 2,2 4,2

Autoconsommation % 56 39 46 28 16 19

Eff

ecti

f d

es e

xp

loit

atio

ns

par

clas

ses

de

RM

N (

10

00

FC

FA

) ≤ 200 7 2 2 4 0 0

201<RMN ≤ 400 4 3 3 8 1 0

401<RMN ≤ 600 6 3 1 7 8 0

601<RMN ≤800 0 0 2 4 10 0

801<RMN ≤1000 2 0 0 0 38 0

1001<RMN≤1200 1 0 0 0 23 0

1201<RMN≤1400 0 0 0 0 8 0

1401<RMN≤2000 0 0 0 0 11 1

2001<RMN≤2500 0 0 0 0 2 3

Source : Notre enquête, 2002 SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les

céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :

système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec

attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 182

4 Les exigences de la mécanisation

4.1 Le choix de la taille optimale : approche théorique

La figure 3.7, adaptée de Bonnefond (1980), peut contribuer à faire une

analyse théorique du problème posé par le choix de la taille optimale de

l’exploitation en présence de mécanisation. On a vu dans le chapitre

précédent que l’attelage a permis d’accroître les superficies cultivées par

rapport à la culture manuelle. Cet accroissement est supposé provoquer

celui de la production agricole et partant, celui du produit brut ou du

chiffre d’affaires (ΔCA) par rapport au coût des consommations

intermédiaires (ΔCI) de sorte à générer une augmentation de la valeur

ajoutée (ΔVA), puisque ΔVA est la différence entre ΔCA et ΔCI.

Le revenu net d’exploitation comprend une partie en nature qui est

autoconsommée et une partie monétaire. On admet, avec Bonnefond

(op.cit), que la part autoconsommée est généralement constante, là où il

n’y a pas de sous-nutrition : les seuls phénomènes pouvant se produire

lors du développement étant des substitutions suite à des changements

d’habitudes alimentaires par la diversification. La culture du coton étant

essentiellement commercialisée et perçue comme le moteur du

développement, il va de soi que l’accroissement du revenu monétaire qui

ne peut être mesuré qu’en monnaie, est un indicateur intéressant pour

juger des résultats de l’introduction de cette culture dans les systèmes

traditionnels de production agricole.

L’accroissement de la superficie cultivée par l’emploi de l’attelage bovin

est non seulement une nécessité, mais aussi une exigence technico-

économique dans la mesure où les charges nouvelles s’accroissent plus

rapidement que le chiffre d’affaires et entraînent une réduction du revenu

monétaire net par hectare. Le problème se pose donc dans la

détermination de la superficie optimale à emblaver lorsqu’on dispose

d’une chaîne de culture attelée ou, de façon plus globale, lorsque le coût

de production augmente avec la taille de l’exploitation. Dans une vue

théorique présentée par la figure 3. 7, il y a une partie supérieure et une

inférieure ; l’axe des ordonnées indique la superficie (représentée par des

lettres majuscules) et celui des abscisses, la valeur monétaire (en lettres

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 183

minuscules). Toutes les données sont exprimées à l’hectare. Les courbes

représentées dans la partie supérieure de la figure sont celles :

du chiffre d’affaires (CA) qui est la valeur monétaire de la

production (production multipliée par le prix unitaire),

de l’autoconsommation,

du revenu monétaire brut (RMB) qui est la différence entre le

chiffre d’affaires et la valeur monétaire de l’autoconsommation,

des charges ou consommations intermédiaires.

Les courbes représentées dans la partie inférieure de la figure sont celles :

de la valeur ajoutée (VA) ou la différence entre le chiffre

d’affaires et les consommations intermédiaires,

du revenu monétaire net (RMN) qui est le revenu net

d’exploitation diminué de l’autoconsommation

L’autoconsommation étant supposée constante, diminue au fur et à

mesure que la superficie augmente et est représentée par une hyperbole.

Mais, bien qu’elle diminue avec la taille de l’exploitation,

l’autoconsommation ne s’annule pas : l’axe des abscisses est donc

l’asymptote de sa courbe. L’intersection entre cette courbe

d’autoconsommation et celle du chiffre d’affaires intervient (montant

« a ») quand le revenu monétaire brut (RMB ou chiffre d’affaires moins

autoconsommation) est nul. A ce moment, le revenu monétaire net

(RMN) est négatif : cela correspond à la superficie « A » (sur la seconde

partie du graphique). Le RMN devient nul, si le coût de production est

égal au revenu monétaire brut (RMB)/ha et cela à deux moments :

premièrement, si les deux ont des valeurs réduites (montant « b ») pour

une superficie « B » et, deuxièmement, s’ils ont des valeurs élevées

égales au montant « e » suite à la mise en œuvre d’une superficie « E »).

Si le RMB égale l’autoconsommation, cela signifie que le chiffre

d’affaires est le double du RMB (montant « c »).

Le RMN est à son niveau maximal si la différence entre le RMB et le coût

de production est la plus élevée (montant « d », superficie « D »). La

valeur ajoutée est maximale si le coût de production est à son plus bas

niveau possible, il décroît si la superficie augmente et devient nul si le

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 184

coût/ha est égal au chiffre d’affaires à l’hectare (montant « f », pour une

superficie F).

En exprimant ainsi toutes les valeurs à l’hectare, la courbe du RMB tend

asymptotiquement vers celle du CA, tandis que la courbe du RMN tend

de la même façon vers celle de la valeur ajoutée.

Il apparaît dans cette figure que, lorsque la superficie cultivée est égale à

" A " ha, l’exploitation n’est pas viable. En effet, en ce moment-là, la

valeur monétaire de l’autoconsommation est supérieure au chiffre

d’affaires. Lorsque les emblavures se situent entre "A" ha et "B" ha,

l’autoconsommation des membres de l’exploitation est assurée, mais le

revenu monétaire net est négatif et le chef d’exploitation est endetté, parce

que le coût de production est supérieur au revenu monétaire brut. Dans ce

contexte, réduire le niveau de l’autoconsommation en vue de payer les

dettes est un choix qui entraînerait une sous-nutrition au sein de

l’exploitation et serait donc non viable socialement.

Pour une superficie égale à " B " ha ou à " E " ha, l’égalité entre le coût de

production et le revenu monétaire brut entraîne un revenu monétaire net

nul par hectare. Entre ces valeurs de " B " ha et "E" ha, le revenu

monétaire net est supérieur à zéro et l’exploitation est financièrement

viable. Cependant, comme on le constate sur la figure 3. 7, cette viabilité

dépend de la stratégie de gestion de l’exploitant : des charges élevées

(montant « e ») ou réduites (montant « b »), intersections des courbes de

RMB/ha et de charges/ha, annulent le RMN/ha. C’est entre ces valeurs

extrêmes de " B " ha et " E " ha que le RMN/ha atteint son maximum

(pour la superficie de " D " ha). Ainsi, lorsque les charges augmentent

avec la superficie emblavée, phénomène amplifié en présence de la

mécanisation, il se pose généralement un problème de choix de la taille ou

de la superficie optimale à cultiver. Ce problème renvoie à celui de la

planification des objectifs de production du paysan en début de campagne

agricole.

Or, pour réussir cette planification, le paysan doit disposer d’informations

fiables sur les prix des intrants et surtout, sur celui des productions.

L’expérience montre, dans la zone d’étude, que le paysan ne connaît

souvent pas le prix à la production du coton-graine au moment où il

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 185

décide la taille de l’exploitation. De ce fait, cette décision est prise dans

l’incertitude sur le prix et entraîne un risque d’erreur de sa part.

Figure 3.7 : Analyse théorique de la viabilité de l’exploitation en fonction

de la taille

Source : Adapté de Bonnefond (1980)

f

Superficie (ha)

Superficie (ha)

FCFA

FCFA

a

B F

B

c

E

E

b

A

A

VA/ha

Autocons/ha

RMB/ha

RMN/ha

CA/ha

Charges/ha

D

D

F

e

d

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 186

De " E " ha à " F " ha, les charges/ha sont supérieures au RMB/ha, ce qui

signifie que l’exploitation subit des pertes monétaires car le RMN/ha est

négatif même si la valeur ajoutée est encore positive. En cultivant " F "

ha, les charges sont égales au chiffre d’affaires et la valeur ajoutée devient

nulle. Au-delà de " F " ha, chaque hectare supplémentaire accroît les

pertes monétaires puisque la valeur ajoutée négative signifie que

l’exploitant est endetté. C’est donc une taille comprise entre " B " ha et

"E" ha qui conviendrait d’être adoptée par les paysans. Pour maximiser le

RMN/ha, il faudrait cultiver " D " ha et pour optimiser le RMN global

(zone en gris de la figure 3. 7), emblaver " E " ha. L’analyse des résultats

obtenus par les exploitants de l’échantillon d’enquête permet de discuter

ces données théoriques au regard de la réalité du terrain, en plus de ce qui

a déjà été dit.

4.2 Le difficile choix de la taille optimale de l’exploitation

Chez les producteurs de coton, l’importance du revenu monétaire net suit

le degré de mécanisation. On comprend pourquoi la plupart des paysans

en culture manuelle de coton louent du matériel de culture attelée. Cette

stratégie leur permet d’accroître les superficies par rapport à ceux qui sont

en culture manuelle stricte et de ce fait, d’obtenir une plus grande

production de coton. Mais, comme cela a été souligné dans l’approche

théorique, il faut pouvoir choisir la taille optimale de l’exploitation.

La détermination de la taille optimale de l’exploitation est un problème

récurrent que tentent de résoudre les conseillers agricoles de la CIDT et

les exploitants eux-mêmes, au début de chaque campagne agricole. Ce

problème qui se posait déjà en culture manuelle, a été amplifié par

l’introduction de l’attelage bovin et de la motorisation. La superficie

cultivée doit être maîtrisable en termes d’affectation des temps de travaux

compte tenu du calendrier des différentes cultures. La taille des parcelles

doit être décidée par l’exploitant, en relation avec quatre variables

essentielles à savoir :

le nombre et la qualité de la main-d’œuvre dont il dispose,

le matériel agricole et la superficie cultivable dont il peut disposer

au cours de la campagne.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 187

Mais, si la maîtrise de ces quatre variables peut relever de la compétence

ou de la capacité de gestion de l’exploitant, il y a bien d’autres variables

qui imposent une limitation des superficies ensemencées en dessous de

l’optimum et qui, malheureusement, ne sont pas facilement maîtrisables.

Il s’agit entre autres choses :

des contraintes climatiques : le retard ou l’insuffisance des pluies

en début de campagne. Il s’agit là d’une contrainte jusqu’ici

inéluctable dans la mesure où le coton n’est pas encore une culture

irriguée en Côte d’Ivoire. La maîtrise de l’eau échappe totalement

aux exploitants qui sont irrémédiablement soumis aux aléas

climatiques. Il est admis que pour préparer convenablement le sol

et semer dans de bonnes conditions, il faut que les pluies soient

suffisantes pour permettre les labours,

le retard dans l’approvisionnement en intrants ou l’insuffisance de

ces derniers. Pour prévenir cela, les conseillers agricoles

sillonnent tous les villages en vue d’établir, avec l’appui des

organisations paysannes, les prévisions de culture pour la

campagne prochaine. Mais, malgré ces précautions, il y a bien des

cas où certains exploitants ne reçoivent pas les intrants à temps ;

d’autres les reçoivent parfois en quantité insuffisante au regard de

leurs prévisions. Entre autres raisons à cela, on peut citer des

perturbations qui interviennent lors de la conservation ou du

transport des semences,

le retard dans le démarrage de la campagne pour des raisons de

santé voire de décès. Ces mêmes raisons peuvent provoquer une

limitation des superficies cultivées si elles interviennent après un

bon démarrage.

Ces contraintes non exhaustives qui entraînent une réduction de la

superficie cultivée sont autant de données incertaines dont les exploitants

doivent cependant tenir compte. Ils savent qu’une superficie réduite ne

produira pas assez pour couvrir les besoins d’autoconsommation de la

famille, de même, une trop grande superficie posera des contraintes de

temps de travaux. Selon les dires des exploitants, une des raisons du

succès mitigé de la motorisation provient justement des difficultés

résultant du choix de la superficie optimale. La figure 3. 8 donne le nuage

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 188

de points de la distribution des 101 exploitants de l’échantillon d’enquête

en culture attelée (CCA) suivant le revenu monétaire net (en ordonnées)

et la taille des parcelles cultivées (en abscisse et en ha/UTH).

Sources. Notre enquête, 2002.

0

500

1000

1500

2000

2500

0 0,5 1 1,5 2 2,5 3

Taille (Ha/UTH)

RM

N (

10

00

FC

FA

)

Moyenne RMN=1050

Figure 3.8 : Nuage de points de la distribution des exploitants en culture

attelée suivant le revenu monétaire net et la taille

Ces résultats montrent que le revenu monétaire net s’accroît avec la taille

de l’exploitation, or, celle-ci croît avec le niveau de charges. Ils

concordent assez bien avec les éléments théoriques de la figure 3. 7 et

illustrent l’importance du choix de la taille optimale de l’exploitation,

notamment en présence de mécanisation. En effet, le seuil de pauvreté5 est

situé à environ 160 000 FCFA par an et par personne en âge de travailler

(FAO, op. cit.), les exploitations en culture attelée ont en moyenne

4,6 UTH. Cela signifie que les exploitations dont le revenu monétaire net

est inférieur à 736 000 FCFA vivent en dessous du seuil de pauvreté.

5 La pauvreté est considérée ici sous un aspect monétaire. Mais, le pauvre (celui qui vit dans la

pauvreté) cumule souvent d’autres manques dans ses conditions de vie qui ne sont plus de

quantité, mais de qualité : habitat dégradé, travail précaire, alimentation insuffisante, peu d’accès

aux soins de santé, à l’eau potable, à l’éducation, aux services, aux infrastructures, au débat

politique, etc.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 189

Dans la figure 3.8, on peut constituer 3 sous-groupes selon leurs revenus

monétaires nets moyens :

dans le premier sous-groupe, les exploitants réalisent des

superficies comprises entre 3 et 6 ha et obtiennent un revenu

monétaire net compris entre 380 000 et 660 000 FCFA. Ils sont

en dessous du seuil de pauvreté. La superficie moyenne minimale

conseillée par la CIDT en culture attelée est de 7 ha, dont une

moitié devrait être consacrée à la culture du coton et l’autre, aux

autres cultures. On voit ici que nos résultats tendent à renforcer ce

conseil du vulgarisateur,

dans le second sous-groupe, les superficies varient entre 7 et 10,5

ha par exploitation. Le revenu monétaire net est compris entre

750 000 et 1 300 000 FCFA. Ils sont au-dessus du seuil de

pauvreté. Mais, on voit aussi que parmi ces exploitants, ceux qui

ont une superficie proche des 7 ha ont un revenu monétaire net

inférieur à la moyenne globale du groupe qui est de

1 050 000 FCFA,

le troisième sous-groupe est celui des exploitants en culture

attelée dont on peut dire qu’ils ont un réel succès dans les

villages. La taille de leur exploitation est comprise entre 11 et 14

ha. Le revenu monétaire est compris entre 1 700 000 et 2 300 000

FCFA.

La situation des exploitants en culture motorisée illustre aussi bien le

problème du choix de la taille optimale de l’exploitation. En effet, les

quatre exploitants de l’échantillon d’enquête réalisent des superficies

totales comprises entre 18 et 30 ha. Ils obtiennent un revenu monétaire

net compris entre 2 millions et 2,5 millions de FCA. Ils sont tous au-

dessus du seuil de pauvreté.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 190

5 L’impact socioéconomique du coton

5.1 Le coton accroît les échanges marchands

La valeur ajoutée générée par les différents systèmes de production

participe d’une certaine façon au transfert de ressources vers les autres

secteurs de l’économie. Une de nos hypothèses stipule que la part de la

valeur ajoutée revenant au producteur de coton pourrait s’avérer

insuffisante par rapport aux autres agents de la filière et surtout au regard

des efforts qu’il a fournis pour produire.

Bublot (1974), Bublot et Sneessens (1978) et Roux (1984), pour ne citer

qu’eux, ont essayé de donner une estimation de la distribution du gain de

productivité de l’agriculture dans l’économie, en utilisant la méthode du

« surplus de productivité globale ». La mise en œuvre de cette méthode

nécessite une connaissance précise et exhaustive des quantités et des prix

de l’ensemble des produits et des intrants ou facteurs employés en vue de

la production. Cette méthode ne peut être utilisée dans notre contexte, vu

l’insuffisance des données fiables. A défaut, nous utiliserons des

coefficients ou indicateurs qui, bien que peu robustes, ont l’avantage

d’être assez simples à calculer et surtout, de permettre de caractériser la

distribution des revenus créés par le travail des paysans.

La figure 3.9 donne, pour chaque système de production, une estimation

de deux indicateurs clés. Ce sont :

la part des consommations intermédiaires dans le chiffre d’affaires

(coût des intrants rapporté au chiffre d’affaires),

la part des intrants dans le coût total variable (coût des intrants

rapporté au coût total variable).

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 191

16

3843

68 69

80

17,318,816,78,74,81,5

0

20

40

60

80

100

SCIG SCCE MSLCA MLCA CCA CCM

systèmes de production

%

part des intrants dans le coût total (%)

part des intrants dans C.A.(%)

Source : Notre enquête, 2002

SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les

céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :

système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec

attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.

Figure 3. 9 : Part des intrants dans le coût total et dans le chiffre d’affaires

suivant les types d’exploitants

Il apparaît que le système vivrier traditionnel à base d’igname (SCIG)

nécessite des coûts de production relativement plus réduits que les autres

systèmes. De ce point de vue, ce système se réalise avec une faible

participation aux échanges marchands. Il peut se reproduire dans le temps

avec un coefficient capitalistique relativement faible et inversement, avec

une productivité élevée du capital. Contrairement à ce système à base

d’igname, les intrants sont de plus en plus utilisés dans les systèmes

céréaliers et surtout dans ceux à base de coton. Cette utilisation des

intrants s’accroît avec le niveau de mécanisation. En effet, les intrants

représentent environ 69 % du coût total de production en culture attelée

contre près de 80 % de ce coût en culture motorisée. Depuis ces dix

dernières années, les engrais (NPK, urée, etc.), les herbicides et les

insecticides payés par les paysans dans la filière coton ont une valeur

moyenne annuelle de près de 20 milliards de FCFA. Le système vivrier

Page 216: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 192

basé sur les céréales a augmenté ses coûts de production et donc sa

dépendance vis-à-vis des fournisseurs d’intrants et des intermédiaires.

Mais, on constate que dans les systèmes à base de coton, le coefficient

capitalistique est élevé. Plus la culture du coton est importante dans la

formation de la valeur ajoutée, plus les coûts de production sont élevés et

plus le paysan participe aux échanges marchands et contribue, lui aussi, à

la formation du revenu des autres agents de la filière. Le transfert de

ressources créées par les paysans se fait principalement par

l’intermédiaire du prix et de la quantité de coton-graine, d’une part, et des

intrants, d’autre part. Une réduction du prix d’achat de la production

agricole ou une augmentation du prix des intrants d’une année à l’autre

sont des mécanismes aboutissant à la réduction du revenu des exploitants.

De 1968 à 2002, par exemple, on constate (figure 3.10) que l’indice du

prix d’achat au producteur de coton a certes une tendance générale à la

hausse, mais, avec plusieurs années successives de stagnation ou de chute

de ce prix.

Indice prix = 4,0 années + 21,2

R2 = 0,89

0

50

100

150

200

1968

1970

1972

1974

1976

1978

1980

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

Années

Indic

e

Sources : A partir des statistiques de CIDT, 1996 ; Nos enquêtes, 2002.

Figure 3.10 : Evolution de l’indice du prix du coton-graine

en Côte d’Ivoire (1984 = 100)

Page 217: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 193

Quatre périodes semblent caractéristiques du prix d’achat du coton :

première période : 1960 à 1973. Les prix étaient particulièrement

bas dans les débuts du lancement du programme coton, avec

l’encadrement de la CFDT,

seconde période : 1974 à 1983. La CIDT prend la relève de la CFDT

en 1974, améliore le prix, mais le maintient presque fixe d’une

année à l’autre jusqu’en 1984. Ces deux premières périodes sont

caractérisées par des subventions aux engrais,

troisième période : 1984 à 1993. A partir de 1984, les subventions

sont supprimées, en compensation, la CIDT augmente le prix au

producteur de coton. Mais la chute des cours sur le marché mondial

entraîne une chute du prix intérieur de 1987 à 1990 où la crise

économique ivoirienne devient encore plus difficile à soutenir. La

légère augmentation de 1990 à 1993 ne permet pas d’atteindre le

niveau du prix de 1985. Les paysans entrent en grève et refusent de

vendre leur coton, sous l’impulsion du mouvement coopératif

entraîné par l’URECOS-CI,

quatrième période : 1994 à 2002. La période est marquée par de

nombreux changements sur le plan socioéconomique et politique.

L’augmentation du prix d’achat en 1995 pourrait être liée aux

élections présidentielles intervenues cette année-là. Le mouvement

coopératif devient de plus en plus fort et tente d’influer sur le prix à

la production du coton-graine. La privatisation de la CIDT entre

dans sa phase active en 1998. D’importants changements politiques

interviennent, comme par exemple, le coup d’Etat de 1999, la

transition militaire de 2000, le changement de régime vers fin 2000

et la crise militaro-politique et économique de septembre 2002.

Tous ces événements ont contribué d’une certaine façon à prendre le

problème des paysans avec plus de circonspection. Le prix du coton

est maintenu à des niveaux relativement plus élevés par rapport aux

précédentes périodes.

Page 218: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 194

5.2 La tendance à la perte de revenu des exploitants

L’évolution du prix courant du coton-graine montre bien que le paysan

fait face à une situation incertaine dans la planification de ses objectifs de

production. Le risque semble élevé que, d’une année à l’autre, la valeur

ajoutée de sa production cotonnière diminue, si, entre temps, le prix des

intrants a augmenté.

Il est possible de montrer, à l’aide de formules simples, la variation de la

valeur ajoutée dans une exploitation agricole, d’une année à la suivante,

en tenant compte des quantités et des prix, à la fois de la production de

coton-graine et des intrants.

La valeur ajoutée aux temps t0 et t1 est respectivement donnée par :

00000 XQPYVA (1)

11111 XQPYVA (2)

Avec :

Y0 et P0 qui dénotent respectivement la production et le prix d’achat du

coton-graine de la campagne t0 ; Y1 et P1, ceux de la campagne t1,

Q0 et X0, respectivement la quantité et le prix des intrants en t0 ; Q1 et X1,

ceux de la campagne t1,

La différence de valeur ajoutée obtenue de t0 à t1 est donc :

)()( 00001111 XQPYXQPYVA (3)

Si cette différence (3) est négative, c’est que la valeur ajoutée de la

campagne t1 est inférieure à celle de la campagne t0 et que le paysan a

perdu de l’argent entre les deux campagnes. Dans le cas contraire, sa

situation est soit stationnaire (si la différence est nulle), soit améliorée (si

la différence est positive). On peut appliquer cette formule à l’ensemble

des producteurs de coton et cela, sur deux campagnes consécutives ou

disjointes, ou sur une longue période. Sur le long terme, on voit mieux

l’enjeu de la fixation des prix reçus ainsi que des prix payés par le paysan.

A cet effet, on assume que les formules (1), (2) et (3) indiquent

respectivement la valeur ajoutée générée par tous les producteurs de

Page 219: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 195

coton-graine aux temps t0 et t1 et la différence des valeurs ajoutées entre t0

et t1. En faisant varier t de 1 à n, le cumul des différences de valeurs

ajoutées des campagnes successives permet de formuler que :

)**()**( 1

1

1

11

t

n

t

ttt

nt

t

nt

t

QXXQYPPYVA (4)

Dans l’équation (4), le premier terme du second membre rend compte de

l’importance de la perte ou du gain de valeur ajoutée due à la variation

des quantités et des prix du coton-graine sur la durée des n campagnes

agricoles, le second terme indique l’effet de la variation de la quantité et

du prix des intrants sur le cumul des différences de valeurs ajoutées des n

campagnes consécutives.

Cette équation a été appliquée aux données du terrain sur une période de

42 ans, de 1960 à 2002. Les prix relatifs comme les quantités relatives des

facteurs et des produits varient en effet au cours du temps, ce qui signifie

que le poids relatif affecté aux variations de quantité et de prix des

différents produits évolue au cours du temps. Plus longue est la période

d’estimation, plus importante est l’incidence de cette évolution sur les

résultats finaux, plus faible est au contraire l’influence exercée par le

choix de la première et de la dernière année. Les statistiques de la CIDT

donnent bien les quantités globales de production de coton-graine, le prix

moyen du kilogramme (de première et seconde qualité) perçu par les

paysans et le prix payé pour obtenir les principaux intrants. Pour illustrer

les propos, on tiendra compte seulement du prix et des quantités de

l’engrais ternaire NPK. A l’aide du tableur Excel, on obtient les résultats

suivants :

)(42

11

42

1

t

t

t

t VAVA - 165 000 000 FCFA (5)

111

42

1

*)(*)(42

1tttttt

t

t

YPPPYY - 108 000 000 FCFA (6)

11

42

1

1 *)(*)(42

1ttt

t

t

ttt QXXXQQ - 57 000 000 FCFA (7)

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 196

Il en sort un constat édifiant. La variation d’une année à l’autre du prix de

l’engrais NPK ainsi que de la quantité utilisée par les producteurs de

coton d’une part, et l’évolution de la production et du prix au producteur

d’autre part, ont entraîné un effondrement de la valeur ajoutée créée par

les paysans. C’est ce qu’indique le signe négatif du résultat de l’équation

(5) qui révèle que les paysans ont perdu annuellement en moyenne

environ 165 millions de FCFA. Cette perte de valeur ajoutée est

imputable à près de 65% aux variations des prix et des quantités de NPK

(équation (6)) et à environ 35% aux variations du prix et de la production

de coton-graine (équation (7)).

Cette perte de valeur ajoutée par les paysans pourrait probablement être

d’un niveau plus important si l’on avait tenu compte de l’ensemble des

intrants (insecticides, herbicides, urée, etc.). On peut donc assumer

l’hypothèse que, par rapport aux autres agents de la filière coton, le

paysan est quelque peu lésé dans le processus de distribution de la valeur

ajoutée qu’il génère par la production de coton-graine. On peut alors dire

que les paysans qui refusent encore de cultiver le coton ne souhaitent pas

rentrer dans ce jeu de transfert de revenu et de dépendance accrue vis-à-

vis des autres agents de la filière. Mais, ces types de paysans rejetant la

culture du coton sont de moins en moins nombreux dans la région

d’étude, de 1960 à ce jour. Dans le village de Sionhouakaha par exemple,

la culture du coton n’a été adoptée qu’en 1998, soit près de 20 ans après

son introduction dans la zone de Dikodougou. Comme Sionhouakaha,

d’autres villages ont longtemps refusé la culture du coton avant de s’y

résoudre, parfois, pour inciter les jeunes à revenir, dans la mesure où ces

derniers avaient déjà émigré pour cultiver le coton ailleurs.

Aussi, est-il aujourd’hui quasi difficile de trouver un village du nord où la

culture du coton n’a pas une quelconque influence sur le comportement

des paysans ou sur l’économie dans son ensemble. C’est peut-être parce

que le coton procure effectivement de la liquidité au paysan qui le cultive.

C’est peut-être aussi pourquoi, bien que les paysans ressentent cette

ponction réalisée sur leur revenu et qu’ils s’en plaignent parfois, on peut

constater que la culture du coton se maintient et mieux, poursuit son essor

dans l’occupation des terres au sein des exploitations. Nombreux sont

d’ailleurs les paysans qui affirment que la culture du coton a influé

positivement sur leur niveau de vie et sur leur perception de l’avenir. On

peut donc dire que la culture du coton a accéléré le passage des

Page 221: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 197

communautés paysannes des zones d’études, d’une économie de

subsistance à une économie de marché.

5.3 Le coton contribue à réduire le niveau de pauvreté

L’analyse de longue période a révélé une tendance à la perte de revenu

des producteurs de coton. Cependant, l’analyse de la rentabilité des

différents systèmes de production permet de dire que la culture du coton

est un moyen pour le moment indispensable de procurer un revenu

monétaire net appréciable à l’exploitant. Nous avons vu au second

chapitre de cette étude que la culture du coton entraîne une amélioration

significative des connaissances techniques et pratiques du paysan. La

culture du coton a donné au paysan, la possibilité d’accéder aux

techniques d’intensification, notamment par l’utilisation de la fumure

minérale, l’herbicide, l’insecticide, les semences améliorées (de coton,

maïs, riz, igname), à la mécanisation (attelage bovin, motorisation), à un

niveau d’organisation sociale et professionnelle qui accroît son ouverture

vers l’extérieur (coopératives et unions de coopératives agricoles), au

crédit agricole, à l’épargne bancaire, à l’assurance-maladie et l’assurance-

vie, etc. A partir des comptes de production/exploitation, on parvient à

mettre en évidence, pour les campagnes observées, le revenu monétaire

net (RMN) obtenu en moyenne dans les différents systèmes de

production. La figure 3.11 suggère de comparer ces systèmes suivant le

RMN.

Les exploitations en culture manuelle avec ou sans coton obtiennent un

revenu monétaire net moyen inférieur à 500 000 FCFA par campagne.

L’attelage permet de doubler le revenu monétaire net moyen par rapport à

la culture manuelle. La motorisation dégage un RMN qui est 4 à 5 fois

supérieur à celui des paysans en culture manuelle et 2 à 3 fois supérieur à

celui des paysans en culture attelée. On constate donc qu’il y a un

potentiel d’accumulation de revenu de plus en plus élevé au fur et à

mesure que l’exploitation se mécanise ou s’intensifie.

Page 222: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 198

400 350 345430

1050

2200

0

500

1000

1500

2000

2500

SCIG SCCE MSLCA MLCA CCA CCM

Systèmes de production

RM

N (

10

00

FC

FA

)

Sources : Notre enquête, 2002.

SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les

céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :

système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec

attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.

Figure 3.11 : Distribution du revenu monétaire net moyen dans les

différents systèmes de production

Il a été souligné plus haut que cette moyenne de RMN n’était pas

représentative de chaque type de systèmes. Tout en gardant à l’esprit que

le revenu tiré des cultures vivrières n’est pas toujours effectif, les résultats

en présence permettent de supposer que des paysans en culture d’igname

pourraient être les plus riches, au regard de l’importance de leur chiffre

d’affaires. Or, l’expérience montre que c’est justement le contraire. Parce

que, si le système à base d’igname ou celui à base de céréales

permettaient au paysan d’accumuler le capital, étant donné que ces deux

systèmes prédominaient au moment de l’introduction de la culture du

coton, celle-ci n’aurait probablement pas été adoptée à une si grande

échelle. Ce n’est certainement pas par hasard que la plupart des paysans

rencontrés affirment que la culture du coton est plus rentable pour eux

que les autres cultures. L’argent liquide que le paysan est assuré d’obtenir

chaque année par la vente de sa production de coton-graine, lui permet de

prendre certains engagements sociaux et d’améliorer sa vie au quotidien,

Page 223: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 199

mieux que celui qui privilégie le système vivrier. A ce propos, le rejet de

la culture du coton sous le prétexte qu’elle ne se mange pas ne trouve plus

son fondement. Ce qui explique d’ailleurs l’adhésion massive des paysans

jusque dans les villages où les chefs coutumiers étaient les plus

résolument opposés à la pratique de cette culture dans leur terroir.

L’accumulation du capital en milieu paysan peut se traduire sous diverses

formes. A la faveur d’un climat de confiance qui s’était créé entre les

paysans, les enquêteurs et nous, les premiers ayant compris et adhéré aux

objectifs et méthodes de l’étude, il a été possible d’obtenir des

informations qui sont parfois à caractère relativement sensible. C’est le

cas, en dehors de l’autoconsommation du ménage, de quelques

indicateurs qui, bien que disparates, peuvent rendre compte d’une certaine

amélioration du niveau de vie des paysans. L’analyse de ces données

permet, comme nous allons le voir dans la suite, de mettre en évidence

l’importance de la culture du coton dans l’amélioration de l’habitat,

l’accès à de nouvelles sources d’énergie, l’accès à l’information, la

capacité de déplacement et de loisirs, la contribution à la vie associative et

au développement du village, le rôle de la femme.

En 2002, le seuil de pauvreté était fixé à 160 000 FCFA par individu en

âge de travailler en Côte d’Ivoire (FAO, 2004). En milieu paysan, un

homme en âge de travailler est un actif agricole. Le revenu monétaire net

moyen par actif agricole est donc un indicateur intéressant pour apprécier

le niveau de pauvreté dans les différents types d’exploitations et aussi

dans les villages. Le tableau 3. 8 donne la distribution des exploitants

selon la classe de revenus et le système de production pour le village de

Kouniguékaha, en zone dense où le système à base d’igname n’est pas

pratiqué et où la motorisation est presque inexistante.

Page 224: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 200

Tableau 3. 8 : Distribution des exploitants du village de Kouniguékaha

selon les classes de revenus monétaires nets (1 000 FCFA)

Systèmes de production

Classes de

revenus SCIG SCCE MSLCA MALCA CCA CCM Total %

0-200 3 1 4 8,70

201-400 2 1 2 1 6 13,04

401-600 1 1 4 6 12 26,09

601-800 1 7 8 17,39

801-1000 2 12 14 30,43

1001-1200 2 2 4,35

1201-1400 0 0,00

1401-2000 0 0,00

2001-2500 0 0,00

Total 0 6 3 9 28 0 46 100,00

Source : Notre enquête, 2002 SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les

céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :

système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec

attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.

Il ressort que les exploitants ayant un revenu n’excédant pas

200 000 FCFA représentent seulement 8 % à 9 % de l’effectif. Les

exploitants spécialisés dans la culture des céréales et qui ne pratiquent pas

celle du coton ont des revenus relativement plus faibles que ceux qui

cultivent le coton. Parmi ces derniers, ceux qui possèdent une chaîne de

culture attelée sont parmi les plus riches du village. Cependant, dans ce

village, comme dans celui de Sionhouakaha, le revenu maximum

n’excède pas 1 200 000 FCFA et ceux qui parviennent à cette limite sont

bien rares. Les exploitants ayant un revenu supérieur à 400 000 FCFA

représentent près de 78% de l’effectif à Kouniguékaha contre 45,5 % à

Sionhouakaha. Cette différence repose essentiellement sur l’importance

relative de la culture du coton à Kouniguékaha. En effet, sur les

5 exploitants du système céréalier, un seul réalise un revenu supérieur à

400 000 FCFA, alors que 35 des 40 exploitants cultivant le coton ont un

revenu qui excède ce montant. Parmi ces derniers, on constate que le

revenu augmente avec le niveau de mécanisation. A Niellé, le seul

exploitant de l’échantillon qui ne pratique pas la culture du coton réalise

le plus faible revenu. Deux des 6 exploitants qui louent du matériel attelé

Page 225: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 201

pour faire leurs labours ont un revenu qui n’excède pas 400 000 FCFA.

Tous les exploitants en culture attelée ou motorisée réalisent des revenus

supérieurs à ce montant. Dans le village de Ouamélhoro, 90 % de

l’effectif des exploitants de l’échantillon ont réalisé un revenu supérieur à

800 000 FCFA. Ce village est d’ailleurs l’un de ceux où l’organisation

coopérative des producteurs de coton est la mieux structurée et gérée. En

prenant le revenu monétaire net comme critère, le tableau 3. 9 permet de

faire une comparaison entre les différents villages.

Tableau 3. 9 : Distribution relative des exploitants des différents villages

selon la classe de revenus monétaires nets

Classes de

revenus

Sionhouakaha

Kouniguékaha

Nielle

Ouamélhoro

Total

0-200 30 9 2 0 9

201-400 24 13 4 8 12

401-600 24 26 11 0 15

601-800 9 17 9 3 10

801-1000 9 30 27 28 24

1001-1200 3 4 20 30 15

1201-1400 0 0 7 13 5

1401-2000 0 0 13 15 7

2001-2500 0 0 7 5 3

Total 100 100 100 100 100

Source : Notre enquête, 2002

Il ressort que les exploitants réalisant les revenus les plus élevés sont, par

ordre d’importance, ceux de Ouamélhoro (extrême nord de Korhogo), de

Niellé (nord de Korhogo), de Kouniguékaha (centre de Korhogo) et enfin

de Sionhouakaha (sud de Korhogo). On peut donc dire que le revenu

moyen tiré de la culture du coton est de plus en plus important au fur et à

mesure que l’on passe des zones du sud de Korhogo vers celles du nord

de Korhogo. Mais, il n’est pas exclu qu’il existe des zones isolées,

notamment au sud et au centre, où ce constat ne serait pas vérifié.

La figure 3.12 tente de résumer ce qui précède en distinguant deux sous-

groupes d’exploitants : ceux dont le niveau du revenu monétaire net les

place au-dessous du seuil de pauvreté (160 000 FCFA/actif/an) et ceux

qu’il place au-dessus.

Page 226: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 202

73

30

135

28

27

70

8795

72

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

Sionhakaha Kouniguekaha Nielle Ouamelhoro Total

Villages

Exp

loit

an

ts (

%)

inférieur au seuil de pauvreté Supérieur au seuil de pauvreté

Source : Notre enquête

Figure 3.12 : Distribution des exploitants selon le niveau de richesse dans

les villages étudiés (%)

Il ressort qu’à partir des données recueillies dans les quatre villages, 72 %

des exploitants vivent au-dessus du seuil de pauvreté tandis que 28 %

vivent à un niveau inférieur. Le village de Sionhouakaha, où la culture du

coton est relativement peu pratiquée, se présente comme le village le plus

pauvre avec près de 70 % des exploitants vivant avec un niveau de revenu

inférieur au seuil de pauvreté. Le village de Kouniguékaha, en zone

centre, a un résultat inverse de celui de Sionhouakaha. A Niellé et à

Ouamélhoro, on note que 87 % et 95 % des actifs agricoles ont un revenu

supérieur au seuil de pauvreté. On peut donc soutenir que la culture du

coton apporte une forte contribution à la réduction de la pauvreté dans les

zones cotonnières. Notre hypothèse selon laquelle la culture du coton

amplifie de façon notoire la stratification sociale se trouve encore vérifiée.

Il est indéniable que cette stratification existait dans les communautés

villageoises et était basée sur différents critères socioculturels tels l’âge

ou le pouvoir foncier. A présent elle est exacerbée depuis l’introduction

de la culture du coton qui révèle un autre critère plus remarquable, le

revenu.

Page 227: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 203

5.4 L’amélioration de l’habitat rural

Dans le village traditionnel Sénoufo, les cases se ressemblent par leur

forme (ronde en général), leur toiture de chaume en forme d’entonnoir

renversé, leur mur en terre battue ou en briques de terre. L’intérieur de la

case est crépi d’argile mélangée de bouse de vache, sauf lorsqu’il s’agit

de greniers à grains. Aujourd’hui, c’est plutôt la forme rectangulaire qui

prédomine avec des toitures de plus en plus en tôles ondulées et les murs

en briques de ciment, le sol intérieur étant crépi en ciment et les murs

parfois peints à la peinture industrielle. La maison représente d’une

certaine façon un signe extérieur de richesse aux yeux du paysan.

L’enquête a permis de faire un inventaire des maisons suivant les

matériaux dominants dans la construction et selon les différents types de

systèmes de production. Le tableau 3.10 donne le pourcentage de chaque

type de maisons dans un système donné. L’exploitant peut posséder

plusieurs maisons de plusieurs types.

Tableau 3.10 : Importance relative des types de maisons suivant le type

d'exploitant

Nature du mur

et de la toiture

SCIG

SCCE

MSLCA

MALCA

CCA

CCM

Total

Terre, paille 80 38 25 14 6 0 18

Terre, tôles 10 25 24 39 30 25 28

Briques, paille 10 12 13 17 5 0 8

Briques, tôles 0 25 38 30 59 75 46

Total 100 100 100 100 100 100 100

Source : Notre enquête, 2002 SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les

céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :

système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec

attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.

Les maisons en terre et à toiture en paille sont en voie de disparition, elles

représentent 18 % de l’ensemble des maisons de l’échantillon. Mais elles

se rencontrent encore chez la plupart des paysans des systèmes sans

coton : près de 80 % des maisons dans le système à base d’igname

(SCIG), 38 % dans le système céréalier (SCCE). A l’observation, il

Page 228: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 204

semble que les paysans préfèrent les maisons en terre à toiture en paille

(28 %) à celles en briques à toiture en paille (8 %). Pour une raison bien

simple : si on est capable de construire des murs en briques, il vaut mieux

achever par une toiture en tôles que de passer par une étape intermédiaire

de toiture en paille.

La maison en briques et en tôles est la plus désirée. Elle traduit le confort

par rapport à la maison en terre et en paille qui, de toutes les façons, a non

seulement une durée de vie relativement plus réduite, mais cause parfois

des désagréments lorsqu’il pleut et que la toiture laisse passer des gouttes

d’eau. Mais, le coût des matériaux de construction est parfois prohibitif.

Toutefois, les données du tableau 3.10 laissent croire que le nombre de

maisons en briques et en tôles augmente suivant l’importance du revenu

monétaire effectif et donc suivant la place de la culture du coton dans le

système. On peut donc soutenir que la culture du coton contribue

remarquablement à améliorer l’habitat rural.

5.5 L’utilisation de nouvelles sources d’énergie

Les résultats de l’enquête sont regroupés dans le tableau 3.11. Si on prend

par exemple le cas de la lampe tempête, ce tableau donne le pourcentage

d’exploitants de chaque système de culture qui l’utilisent effectivement

pour leur éclairage. La dernière colonne donne le total des paysans

enquêtés utilisant l’une des cinq sources d’énergie spécifiées.

Longtemps utilisée pour s’éclairer, la lampe tempête est encore la

principale source de lumière dans la plupart des villages. Les autres

anciennes sources de lumière dans le village, comme par exemple la

bougie à base de beurre de karité ou de sève séchée de certains arbres, ont

presque totalement disparu. Même dans ceux qui sont électrifiés, elle

reste le principal recours en cas de coupure d’électricité.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 205

Tableau 3.11 : Utilisation des sources d'énergie par les exploitants suivant

leur spécialisation (en % du nombre d'exploitants)

Sources d'énergie SCIG SCCE MSLCA MALCA CCA CCM Total

Lampe tempête 100 100 100 100 61 100 76

Electricité 0 38 13 35 45 100 37

Bois de chauffe 100 100 100 100 100 100 100

Charbon de bois 35 100 100 78 58 100 63

Gaz butane 0 0 0 0 3 100 4

Source : Notre enquête, 2002 SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les

céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :

système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec

attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.

L’électricité provient généralement des barrages hydroélectriques et la

connexion d’un village relève parfois du programme régional de

développement qui procède de décisions politiques. Il y a eu quelques cas

exceptionnels où l’électricité est produite à partir de groupes électrogènes

ou bien d’usines (de transformation du bois, de palmier à huile ou de

caoutchouc d’hévéa). Pour accélérer le processus d’électrification de leur

village, les habitants peuvent participer aux frais d’installation et obtenir

le soutien d’un fonds national créé à cet effet (fonds régionaux

d’aménagement rural ou FRAR). L’accès individuel des paysans à

l’électricité dépend d’abord de la présence d’une liaison au réseau

national et ensuite, de sa capacité et sa volonté à payer. Avoir de

l’électricité chez soi est signe de succès pour ceux des paysans qui

parviennent à payer leur consommation. Or, payer régulièrement sa

facture d’électricité, sans recourir à des transferts d’argent de la ville vers

le village, suppose que le paysan dispose de liquidités à partir de ses

revenus, ce que permet la culture du coton, mieux que celle des vivriers,

au stade actuel des choses.

Parmi les quatre villages enquêtés, Sionhouakaha n’était pas encore

connecté au réseau électrique. Tous les paysans du SCIG choisis dans ce

village sont donc sans électricité. C’est aussi le cas des paysans du village

de Kouniguékaha, à la différence que ce dernier est en voie d’être

connecté au réseau électrique. Parmi les paysans de Kouniguékaha,

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 206

certains avaient déjà installé leur compteur électrique, en attendant la fin

des travaux. A ce niveau, il a été établi que les premiers à installer leur

compteur étaient ceux qui étaient considérés comme étant parmi les plus

grands producteurs de coton dans le village. Les deux autres villages, à

savoir, Niellé et Ouamélhoro sont éclairés. Dans ces deux villages, il a été

aussi constaté que l’accès à l’électricité d’un paysan individuel dépendait

de son revenu tiré de la culture du coton.

L’utilisation du charbon de bois est aussi ancienne dans les villages du

Nord où la pénurie de bois se fait sentir de longue date. Son utilisation

semble être en relation moins évidente avec la pratique de la culture du

coton que l’électricité ou le gaz butane. Le bois de chauffe est d’une

utilisation très ancienne qui persiste encore, même dans les grandes villes.

Tous les paysans en font usage. Cependant, face à la disparition

tendancielle du couvert végétal et à la réduction de la biodiversité, le

gouvernement tente de faire la promotion de l’utilisation du gaz butane,

notamment comme source de chaleur. Mais, sur le terrain, la vulgarisation

de ce type de source d’énergie apparaît encore limitée. Pour utiliser le

gaz, il faut consentir à payer un coût d’opportunité supplémentaire par

rapport au bois de chauffe qui est le plus souvent « gratuit ». Les paysans

qui l’utilisent sont à Niellé et pratiquent soit la culture attelée (3 % des

paysans en attelage) soit la culture motorisée. L’adoption du gaz nécessite

par ailleurs, que le paysan surpasse sa peur d’être victime d’un incendie à

domicile, ce qui arriverait rarement avec le bois de chauffe ou le charbon

de bois. En l’absence d’électricité, certains paysans, notamment les

jeunes, utilisent des batteries comme source d’énergie pour alimenter

leurs postes de radio en vue de s’informer.

5.6 L’information et la formation en milieu rural

Pour analyser cet aspect, on suppose qu’un paysan qui achète un poste de

radio ou un téléviseur est disposé à s’informer et à se former par

l’intermédiaire de certaines émissions qu’il écoute et/ou regarde

(tableau 3.12). Mais, ceux qui n’ont pas acheté ces équipements peuvent

aussi s’informer ou se former par la radio et la télévision du voisin. On

sait aussi que certaines personnes capables de s’acheter une radio ou une

télévision peuvent refuser ces équipements sous prétexte qu’ils

consomment leur temps utile. Il suffit de voir le paysan aller au champ

avec son poste de radio qu’il tient à l’oreille ou accroché à son vélo, ou

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 207

aussi de voir l’attroupement d’enfants et même d’adultes face à une

télévision exposée dans un village pour se dire que ces équipements ont

une réelle importance qu’il serait intéressant de mettre en évidence.

Tableau 3.12 : Importance relative des sources d'information utilisées

suivant le type d'exploitants (%)

Sources

d’information

SCIG SCCE MSLCA MALCA CCA CCM Total

Poste de radio 20 63 50 48 66 0 55

Téléviseur 0 0 0 0 0 0 0

Radio et télé 0 13 38 35 34 100 30

Radio ou télé 20 75 88 83 100 100 86

Ni radio ni télé 80 25 13 17 0 0 14

Total 100 100 100 100 100 100 100

Source : Notre enquête, 2002 SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les

céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :

système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec

attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.

Il ressort que près de 80 % des paysans rejetant la culture du coton n’ont

ni poste de radio, ni téléviseur et que ce taux décroît avec l’importance de

cette culture dans l’exploitation. La radio précède la télévision, ce qui

explique que les cas où il existe une télévision seule sont rares. Dans

l’ensemble, 55 % des exploitants possèdent un poste de radio, 30 %

possèdent à la fois un poste de radio et un téléviseur et 15 % ne possèdent

rien du tout. Le paysan peut aussi s’informer et se former par les voyages

où il peut voir autre chose que ce qui se passe dans son terroir. Les

moyens de déplacement ne sont pas pour autant accessibles à tous les

paysans. Certains continuent d’effectuer encore l’essentiel de leurs

déplacements à pied. Ceux-ci ne peuvent généralement pas parcourir de

grandes distances sans quitter leur village pour émigrer vers d’autres

régions.

5.7 La culture du coton facilite la mobilité paysanne

Tous les villages de producteurs de coton sont reliés par au moins une

piste praticable, notamment pendant la période sèche qui coïncide avec

celle de la distribution des intrants par les égreneurs, de la collecte et de

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 208

l’achat du coton-graine. A travers la CIDT, le gouvernement a ainsi créé

de nombreuses pistes rurales qui permettent d’évacuer, non seulement la

production de coton-graine, mais aussi toutes sortes de productions vers

les marchés ruraux ou urbains. Ces pistes facilitent aussi l’accès des

villages aux personnes étrangères ainsi que la sortie des habitants du

village vers l’extérieur.

Le désir d’aller plus loin et plus rapidement a certainement poussé le

paysan à utiliser des moyens de déplacement de plus en plus rapides, mais

aussi de plus en plus coûteux. On peut à la limite accepter que quelqu’un

renonce à la télévision, peut-être parce que dans l’ensemble, les émissions

ne lui plaisent pas, mais lorsqu’on marche chaque fois, pour aller au

champ et en revenir, pour faire pratiquement tous ses déplacements, cela

n’est certainement pas un choix social fortuit. Dès lors, on peut admettre

que la volonté du paysan de rendre son moyen de déplacement plus

performant procède de son souci de rendre son quotidien moins pénible et

plus agréable (tableau 3.13). L’enquête a permis de relever le nombre des

moyens de locomotion utilisés au sein de chaque exploitation de

l’échantillon. Le vélo a été l’une des plus grandes innovations des moyens

de transport. Dans les années 1960, le vélo était rare et ceux qui le

possédaient faisaient l’objet d’admiration et même de convoitise.

Aujourd’hui en zone cotonnière, il est devenu un matériel presque banal :

chez certains exploitants, chaque actif agricole en dispose à titre

personnel.

Il ressort que 7 % des paysans ne disposent d’aucun moyen de

déplacement autre que la marche et qu’il s’agit essentiellement de ceux

qui ne produisent pas de coton. Le village de Sionhouakaha, d’où sont

issus ces paysans de l’échantillon, est un village resté longtemps enclavé.

Dans l’ensemble, près de 10 % des exploitants ne disposent que du vélo

pour leurs déplacements : ceux qui ne pratiquent pas la culture du coton

sont les plus concernés. Les données en présence laissent croire que la

possession d’une mobylette s’accompagne souvent de celle d’un vélo, soit

18 % des exploitants contre seulement 1 % de ceux qui ont au moins une

mobylette sans avoir de vélo. Ce cas a été rencontré chez les paysans en

culture céréalière. La mobylette intervient pour le transport de leurs

récoltes de céréales. De même, la moto à vitesses est rarement le seul

moyen de déplacement au sein de l’exploitation : lorsqu’il y a une moto,

c’est qu’il y a au moins un vélo (18 % des cas) ou au moins une

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 209

mobylette (6 % des cas). Dans 36 % des cas, les trois engins à deux roues

coexistent au sein de l’exploitation. Cela peut être dû au fait que les

moyens de déplacement sont acquis progressivement, des moins

sophistiqués (vélo, puis mobylette) vers les plus sophistiqués (moto à

vitesses puis voiture). De ce fait, les premiers sont souvent réparés pour

servir aux autres membres de l’exploitation, tandis que le chef

d’exploitation détient le plus récent.

Tableau 3.13 : Distribution relative des exploitants des différents

systèmes de production suivant le moyen de déplacement

(en % du nombre d'exploitants dans le système de

production)

Moyens de

déplacement

Systèmes de production

SCIG SCCE MSLCA MALCA CCA CCM Total

Néant 55 0 0 0 0 0 7

Vélo (v) 35 38 13 13 2 0 10

Mobylette (m) 0 13 0 4 0 0 1

(v) et (m) 5 25 38 22 17 25 18

Moto à vitesse (M) 0 0 0 0 0 0 0

(v) et (M) 5 13 13 17 22 0 18

(m) et (M) 0 0 0 0 10 0 6

(v), (m) et (M) 0 0 38 43 43 75 36

Voiture (V) 0 0 0 0 0 0 0

(v), (m), (M) et (V) 0 13 0 0 7 0 5

Total 100 100 100 100 100 100 100

Source : Notre enquête, 2002 SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les

céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :

système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec

attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.

Il apparaît facile d’établir une corrélation entre l’importance des moyens

de déplacement et celle de la culture du coton au sein de l’exploitation.

7 % des exploitations en culture attelée possèdent un véhicule. Mais, dans

l’ensemble, ces véhicules servent plutôt pour le transport en commun de

marchandises et de personnes et non pour le déplacement des membres de

l’exploitation. La charrette bovine, en plus des engins à deux roues, sert

déjà parfois largement aux déplacements des membres de l’exploitation.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 210

Certains des paysans ayant déclaré posséder un véhicule sont associés à

d’autres personnes, c’est le cas de l’exploitation en culture céréalière et de

quatre autres en attelage bovin, à Niellé et à Ouamélhoro. Le revenu

obtenu de la culture du coton permet donc de :

réduire le niveau de pauvreté individuelle et collective par

l’augmentation des revenus et du pouvoir d’achat,

améliorer la formation et le niveau d’information des paysans,

accéder à de nouvelles sources d’énergie (électricité, gaz butane),

faciliter les déplacements des membres de l’exploitation,

améliorer l’habitat et le niveau de vie des communautés rurales,

accroître les échanges marchands au sein d’un même village, entre

villages voisins, entre les villages et les villes.

Ces apports, de plus en plus observables, voire mesurables, peuvent être

perçus comme étant une partie des contributions de la culture du coton au

développement rural. La culture annuelle de coton et des vivriers assolés

réduisent le chômage en milieu rural.

5.8 La création d’emplois en milieu rural

Le fait que le milieu rural soit parfois peu attrayant, notamment pour les

jeunes, est dû, entre autres choses, à la rareté d’emplois non agricoles. La

pénibilité du travail de la terre, essentiellement réalisé à l’aide d’outils

manuels peu performants, est un facteur supplémentaire rebutant qui

entraîne l’exode des jeunes vers les centres urbains. Depuis son

introduction dans les systèmes de production agricole des régions de

savanes, la culture du coton joue un rôle appréciable dans la création de

nouveaux emplois et/ou dans le renforcement d’emplois déjà existants.

Du point de vue de la majorité des paysans, la culture du coton a entraîné

l’augmentation du nombre d’exploitants agricoles. Pour mieux profiter du

revenu tiré de la culture du coton, parfois, certains jeunes n’ont pas

attendu d’avoir l’accord de leurs aînés avant de s’installer à leur propre

compte. C’est notamment le cas des jeunes qui ont souvent quitté le

village comme on l’a constaté à Sionhouakaha par exemple. Par contre,

dans d’autres villages comme Niellé ou Kouniguékaha, de nombreux

jeunes sont retournés pour cultiver le coton, parce qu’ils ne trouvaient pas

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 211

un emploi meilleur ailleurs. La réduction de la pénibilité du travail par

l’attelage a aussi contribué à accroître le nombre d’exploitants et à réduire

le chômage en milieu rural.

Le processus de vulgarisation des techniques culturales, d’achat de la

production de coton-graine, d’égrenage et de commercialisation de cette

production a nécessité la mise en place d’un personnel administratif et

technique. Ce personnel, salarié, est composé de cadres et d’agents

d’exécution, permanents ou temporaires. L’effectif du personnel a

augmenté au fur et à mesure que le volume d’activités s’est accru. Avant

sa privatisation en 1998, la CIDT comptait plus de 2500 agents salariés.

Le métier de forgeron qui existait auparavant, s’est vu renforcé et

diversifié après l’introduction de la culture du coton. En effet, avant le

coton, le forgeron fabriquait essentiellement des outils agricoles manuels

légers dont les principaux demeurent le couteau, la faucille, la hache et la

houe. Pour assurer la maintenance des matériels de culture attelée, la

CIDT a procédé à la formation de forgerons, depuis 1975. En 1990, la

CIDT comptait 185 forgerons modernes. Ces derniers sont classés en trois

catégories selon le niveau de formation obtenue à la CIDT. A chaque

niveau, correspond un type d’équipements déterminant la capacité de

fabrication :

le premier niveau comporte 135 forgerons dotés de l’équipement de

base (enclume de 55 kg, ventilateur, étau à mors parallèle, marteaux,

clés, scies, dégorgeoirs, tarauds, instruments de mesure),

le second niveau comprend 12 forgerons. En plus de l’équipement

de base, ils utilisent des postes de soudure oxyacétylénique (petite

soudure),

le troisième niveau comporte 42 forgerons. Ils utilisent des postes de

soudure plus perfectionnés pour faire de la grosse soudure (poste

statique avec énergie électrique ou poste autonome avec groupe

électrogène).

De nombreux autres forgerons ont appris, sur le tas, auprès de ceux qui

ont été formés par la CIDT, accroissant l’effectif global de forgerons des

zones cotonnières. En plus des outils agricoles (couteau, hache, houe,

charrue, charrette bovine, herse, semoir, etc.), ces forgerons fabriquent

divers autres objets métalliques nécessaires au confort de la population

(portes, fenêtres, chaises, marmite, etc.). Si la case traditionnelle de mur

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 212

en terre battue, de charpente en bambou ou en bois et de toiture de paille

est en voie de disparition, c’est en partie grâce au revenu tiré de la culture

du coton. Cette case traditionnelle ne nécessite pas une spécialisation

particulière pour sa construction, contrairement à la maison en briques de

ciment, à charpente de planches et à toiture en tôles. Pour cette dernière, il

faut au moins deux spécialistes pour la construire : un maçon et un

menuisier6. Certains jeunes de la région cotonnière ont appris la

maçonnerie, la menuiserie ou la plomberie et ont pour principaux clients,

les producteurs de coton.

Dans la ville de Dikodougou, notre enquête a permis de dénombrer

17 maçons, 6 menuisiers, 6 forgerons, 168 boutiques, 7 vendeurs de

planches, 2 détenteurs de décortiqueuses électriques semi-industrielles à

grains (pour la transformation du riz paddy en riz blanchi), 6 propriétaires

de broyeuses artisanales polyvalentes qui transforment le produit primaire

en pâte ou en farine (maïs, manioc, arachide, karité, tomate, etc.). Ces

micro-entrepreneurs ont été classés en quatre catégories suivant la

principale activité que le propriétaire a déclarée avoir réalisée

antérieurement (tableau 3.14). En effet, le propriétaire peut avoir été :

un paysan,

un salarié (à la retraite ou ayant perdu son emploi),

dans ce métier avant de venir s’installer dans la ville de Dikodougou

en vue de poursuivre,

autre que les trois modalités qui précèdent (chômeur, école, etc.).

Il ressort que 25 % des propriétaires de micro-entreprises dans la ville de

Dikodougou ont d’abord été agriculteur auparavant : ils ont donc changé

de métier. Mais, il faut dire qu’il ne s’agit pas de chefs d’exploitation,

mais plutôt de travailleurs dépendants de ces derniers au moment où ils

prenaient la décision de changer de métier. Pour la plupart de ces ex-

paysans, la raison principale était d’assurer leur indépendance vis-à-vis du

chef d’exploitation en s’installant à leur propre compte. On voit que pour

47 % des micro-entreprises présentes à Dikodougou, les propriétaires sont

des habitués ayant une expérience acquise antérieurement. La majorité de

ces propriétaires de micro-entreprises, 85 %, affirment que la culture du

6 D’autres spécialistes peuvent intervenir pour améliorer le confort de la maison : un

plombier, un électricien, un peintre, etc.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 213

coton a apporté une partie du financement de leur activité, sans pour

autant pouvoir donner une estimation précise de cet apport.

Le mouvement coopératif a aussi permis de créer de nouveaux emplois en

milieu rural de façon générale et plus particulièrement en zones de

production cotonnière où il a eu un succès remarquable. Il s’agit

notamment de gérants, comptables, secrétaires, magasiniers, gardiens,

chauffeurs : ces emplois exigent parfois une solide formation scolaire

voire universitaire préalable.

Tableau 3.14 : Distribution de l’effectif des micro-entrepreneurs suivant

leur activité antérieure

Micro-entrepreneurs

Activité antérieure :

paysan salarié dans ce

métier

autres total

Maçons 6 0 4 7 17

Menuisiers 2 0 1 3 6

Forgerons 4 0 2 0 6

Boutiquiers 37 5 85 41 168

Vendeurs de planches 2 0 4 1 7

Décortiqueuses 0 0 1 1 2

Broyeuses 1 0 3 2 6

Total 52 5 100 55 212

% 25 2 47 26 100

Source : Notre enquête, 2002

5.9 L’amélioration du niveau d’alphabétisation

La principale voie d’alphabétisation est avant tout la scolarisation des

enfants. L’introduction de la culture du coton dans les années 1950 a

parfois coïncidé avec l’installation des premières écoles (écoles de

missionnaires religieux ou de l’administration coloniale). Après

l’indépendance, la politique de scolarisation s’est poursuivie et renforcée

dans toutes les régions du pays. Dans les zones cotonnières, le taux de

scolarisation est longtemps resté relativement faible par rapport aux autres

régions, en raison de l’utilisation des enfants pour les travaux agricoles.

C’est à partir des années 1980, avec l’appui de plusieurs organisations

non gouvernementales, d’associations des premiers cadres issus des

villages du Nord, de programmes didactiques audio-visuels d’information

Page 238: Communauté française de Belgique Faculté … · l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de ... la finesse du Professeur Philippe BURNY et le ... 2.5.

Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 214

des populations sur les avantages de l’école, que le taux de scolarisation

s’est peu à peu amélioré.

Il est plutôt intéressant de savoir que la culture du coton a contribué à

accroître le nombre d’écoles et le taux de scolarisation. En effet, les fonds

régionaux d’aménagement rural (FRAR) mis en place par le

gouvernement, financent la création d’infrastructures villageoises, sur la

demande des populations. Cette demande est effective lorsque la

communauté villageoise réunit 30 % du financement contre 70 %

apportés par les FRAR. Le choix des infrastructures étant laissé aux

villageois, ces derniers ont parfois opté pour l’école, les puits d’eau

potable, l’ouverture ou le reprofilage de pistes rurales, la construction de

marchés ruraux, etc.

Aussi, dans les quatre zones d’étude (Dikodougou, Kouniguékaha, Niellé

et Ouamélhoro), les producteurs de coton ont-ils financé la construction

d’une école sur trois, la construction de maisons abritant les instituteurs,

la scolarisation de leurs propres enfants. Les écoles sont généralement

implantées dans les villages de producteurs de coton. Les producteurs de

coton ont parfois rendu d’inestimables services aux autres paysans en

assurant notamment l’hébergement et la nourriture de leurs enfants

scolarisés. Cette scolarisation, initialement réservée aux garçons, a peu à

peu concerné les filles dont le nombre est en pleine croissance. La femme

était d’abord destinée aux travaux de ménage et les paysans craignaient

que son émancipation par l’école ne la rende peu maîtrisable. Par ailleurs,

il a été noté sur le terrain que, dans la plupart des cas, ce sont les paysans

cultivant le coton qui étaient les premiers et les plus nombreux à

scolariser leurs enfants, contrairement à ceux qui privilégient les cultures

vivrières. Le producteur de coton a généralement participé à plusieurs

séances de formation ou d’information de la part des agents de

vulgarisation agricole. Cela peut lui avoir permis de comprendre plus vite

les avantages de l’école et de l’ouverture sur l’extérieur.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 215

Depuis les années 1990, la CIDT avait initié un programme

d’alphabétisation fonctionnelle qui consiste à apprendre aux paysans à

lire, écrire et à calculer dans leur langue la mieux connue. L'organisation

mise en place avant la privatisation à été maintenue et se présente comme

suit :

au niveau des directions régionales, un responsable régional assure

la conception, l'animation et la coordination du programme avec

l'appui technique de la direction générale (CIDT), et de l'Institut de

la Linguistique Appliquée à l'université de Cocody,

au niveau de la zone, le suivi du programme est assuré par un

Technicien Spécialisé en Alphabétisation Fonctionnelle (TSAF),

dans les villages, la formation est faite aux paysans (appelés

apprenants) par les Animateurs Endogènes Villageois (AEV)

formés préalablement par les TSAF. Des matériels didactiques

(dépliants, films audio-visuels, etc.) sont utilisés en vue de cette

formation,

le choix des AEV et des apprenants est fait avec la participation des

Organisations Professionnelles Agricoles (OPA). Les OPA font par

ailleurs le choix et l'aménagement du local de formation, achètent

les fournitures pour les apprenants et payent un certain

intéressement financier ou en nature aux AEV.

Dans la zone cotonnière, l'opération a touché 11 870 agriculteurs dans

474 villages (BNETD, 2004). Le nombre de paysans considérés comme

alphabétisés est de 5 233, soit 44 % des formés.

Ce programme d’alphabétisation est d’une grande importance pour les

paysans. En effet, non seulement ils savent lire, écrire et communiquer

plus aisément avec leur entourage, mais aussi, ils peuvent servir

directement les intérêts de la communauté. C’est ce qui se passe lorsqu’ils

participent au débat sur les questions de développement du village et de la

région, à l’animation endogène, à la gestion comptable des coopératives,

etc.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 216

5.10 L’amélioration du niveau de santé

Dans les communautés rurales africaines, particulièrement ivoiriennes et

plus encore chez les Senoufo animistes, les plantes naturelles étaient

prioritairement utilisées pour guérir. Cette pratique remonte d’ailleurs

dans la nuit des temps. On attribue au guérisseur traditionnel, le pouvoir

de contrecarrer le mal et, parfois, même la mort.

Des personnes (médecins, sages-femmes, etc.) ont été interviewées dans

le centre hospitalier régional de Korhogo et aussi dans les dispensaires de

Dikodougou et de Niellé. L’objectif était de mettre en évidence

l’évolution de la demande de soins médicaux des paysans. Les points de

vue non exhaustifs de ces personnes convergent et semblent pertinents,

sans pour autant se baser sur des chiffres concrets :

au début de la création de chaque centre de santé, les paysans sont

les moins nombreux parmi les patients : ils viennent se faire soigner

parfois lorsque leur cas est déjà grave et qu’ils estiment que le

guérisseur traditionnel ne peut les sauver. Les accouchements à

l’hôpital et, de façon générale, les prestations en gynécologie étaient

les plus rares. Actuellement, les femmes viennent spontanément se

faire examiner, parfois dès qu’elles sentent une anomalie ;

le nombre de paysans demandeurs de soins de santé augmente avec

le temps, concerne hommes et femmes de tout âge, pour des

interventions relevant de causes multiples ;

les paysans trouvaient que les soins médicaux étaient trop chers et

qu’ils ne pouvaient pas payer. Actuellement, ils sont de plus en plus

consentants à payer ;

au début, les quelques rares paysans qui venaient nous solliciter

arrivaient parfois très fatigués, à pied ou à vélo. Actuellement, les

malades arrivent à mobylette et de plus en plus en taxi-brousse.

Ces déclarations ne mettent pas en évidence l’apport de la culture du

coton. Mais, on sait que ce sont les producteurs de coton qui,

contrairement à ceux qui ne le produisent pas, possèdent le plus de vélos

et de mobylettes, sont davantage ouverts sur l’extérieur, ont le plus

souvent une trésorerie pouvant faire face, dans une certaine mesure, à

diverses dépenses du ménage. On peut alors supposer que ce sont les

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 217

producteurs de coton qui sont, parmi les paysans des trois zones d’étude,

les plus nombreux à demander les soins dans ces centres de santé. De ce

fait, on peut aussi dire que la culture du coton contribue à l’amélioration

de la santé en milieu rural. La fréquentation des centres de santé par la

femme paysanne peut être considérée comme un progrès dans l’évolution

des mentalités. En effet, ce qui touche de près à la femme, notamment les

problèmes de gynécologie, est parfois tabou dans les communautés

traditionnelles.

5.11 L’amélioration de la situation de la femme

Comme nous l’avions dit plus haut, le cotonnier traditionnel pluriannuel,

semé en association avec les vivriers, était une culture reléguée

essentiellement à la femme. Le revenu de ce coton lui revenait. L’homme

en a fait sa priorité lorsque les conditions techniques de production et de

commercialisation se sont améliorées avec l’introduction du cotonnier

sélectionné et à cycle annuel. Le revenu de ce nouveau cotonnier revient

généralement à l’homme. La femme profite cependant des effets induits

de la modernisation du système de production du coton, bien que, par

ailleurs, son travail au sein de l’exploitation soit devenu relativement plus

important que celui de l’homme, notamment en présence de mécanisation.

Trois faits ressortent assez clairement.

Le premier et le plus important, concerne la réduction de la pénibilité du

travail de la femme, au champ et aussi dans le ménage. Nous comparons

la situation actuelle de la femme à celle qui prédominait lorsque la culture

du coton était encore marginale dans les systèmes de production, comme

c’était le cas en 1960. Le labour (fait plutôt par l’homme) et le sarclage

(fait essentiellement par la femme) sont devenus moins pénibles. Non

seulement le labour réduit l’enherbement, mais aussi le sol est moins dur

au moment du sarclage, ce qui rend le travail relativement plus rapide et

moins fatigant. L’utilisation de l’herbicide réduit la durée et la pénibilité

du désherbage manuel des parcelles de coton et surtout de celles de

céréales (riz, maïs, mil, sorgho). Un inconvénient qui ressort souvent est

que le travail de récolte, essentiellement réalisé par la femme, est de plus

en plus long consécutivement à la taille des parcelles qui s’accroît dans

les systèmes à base de coton.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 218

Le travail au foyer devient aussi de moins en moins pénible. Les céréales

constituent les aliments les plus consommés par les paysans, même chez

les exploitants qui privilégient la culture d’igname. Les mets les plus

consommés à base de céréales nécessitent le décorticage (cas du riz) et

parfois le broyage des grains (transformés en farine). Pendant longtemps,

ces opérations de décorticage et de broyage des grains étaient faites

manuellement, par la femme, à l’aide de matériels locaux (mortier, pilon,

pierre à écraser, etc.). Ces opérations nécessitaient beaucoup de temps,

d’effort physique et de savoir-faire. Mais, depuis l’introduction de la

culture du coton, ces opérations sont de plus en plus réalisées par des

décortiqueuses semi-artisanales, contre payement relativement aisé suite à

l’accroissement du revenu.

Le puisage de l’eau est du ressort de la femme. Cela se faisait

essentiellement dans des points d’eau les plus proches du village, de 100

m à 500 m voire plus selon les cas. Le portage de l’eau jusqu’au village,

n’a pas toujours été chose facile pour la femme. La corvée quotidienne

d’eau est devenue de moins en moins pénible avec l’apparition de puits

d’eau potable dans les villages. Si ces puits ont parfois été creusés dans le

cadre de programmes financés par le gouvernement, leur entretien repose

sur la prise de conscience et le financement des habitants. Dans les zones

d’étude, trois puits sur quatre sont fonctionnels grâce au revenu du coton.

Le transport du bois de chauffe se faisait essentiellement par portage, par

la femme. Ce travail est de plus en plus réalisé par la charrette bovine, sur

des distances devenues plus longues suite à la croissance de la demande

consécutive à l’accroissement démographique. La charrette permet à la

femme de constituer de plus grands stocks de sécurité en bois de chauffe.

Le second fait important du point de vue de la femme concerne le relatif

gain de temps dont elle bénéficie, notamment grâce à la mécanisation par

rapport à la femme des systèmes de culture manuelle. Il est admis, certes,

que le volume global du travail de la femme s’est accru en présence de la

mécanisation par rapport à celui de l’homme, mais, au regard de la

situation de la femme des systèmes non mécanisés, certaines opérations

sont exécutées plus rapidement et plus aisément suite à l’amélioration des

moyens de déplacement (vélo, mobylette, charrette) et à l’accroissement

des revenus. Le gain de temps permet à certaines femmes de participer à

des séances d’information et de formation à l’autodétermination ; d’autres

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 219

sont membres d’associations à but lucratif telles que les productrices de

riz de Korhogo, les jardinières de cultures maraîchères de la ville de

Napié à 12 km au sud de Korhogo. D’autres paysannes encore participent

à des séances de formation et d’information sur les maladies sexuellement

transmissibles dont le VIH/SIDA.

Le troisième fait concerne l’accroissement du revenu de la femme

paysanne. En effet, bien que le revenu de la culture du coton soit géré par

l’homme, les épouses interviewées reconnaissent en recevoir une partie

substantielle, même si cela se fait parfois sur leur insistance. Certaines

femmes ont même insisté pour faire admettre que leur mari leur confie le

revenu du coton et qu’elles jouent un rôle de coffre-fort pour l’homme.

Par ailleurs la pratique de la culture d’arachide en avant-culture du coton

ou dans la rotation normale, a entraîné un accroissement des superficies

en arachide. Il s’en est suivi une augmentation de la production d’arachide

et un accroissement du revenu de la femme dans la mesure où c’est elle

qui gère cette culture.

Toutefois, sans avoir approfondi cette question de la place de la femme

paysanne au sein de l’exploitation agricole, on voit qu’elle tend à prendre

de l’importance dans la recherche de son émancipation et de son

autodétermination. Aussi, même si la culture du coton a entraîné un

regain de travail de la femme par rapport à l’homme au sein de

l’exploitation, force est-il d’admettre que, grâce à la culture du coton, la

situation de la femme s’est relativement améliorée par rapport à 1960 et

aussi par rapport à celle qui n’est pas dans un système à base coton, en

général, ou mécanisé en particulier.

6 Conclusion partielle

Dans ce chapitre on a essayé de savoir si la culture du coton a entraîné un

progrès technique et si le revenu des exploitants s’est accru de sorte à

améliorer leur bien-être. Il en ressort que l’utilisation des produits

chimiques ou organiques permet d’agir positivement sur la biologie des

plantes cultivées, négativement sur celle des adventices et des insectes

nuisibles. La production de coton-graine s’est donc améliorée en qualité

et en quantité, au fil des années, sous l’effet conjugué de ces intrants,

traduisant un progrès de type biologique. L’utilisation de la mécanisation,

notamment de l’attelage et l’abandon progressif de la houe, caractérisent

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 220

un progrès mécanique. Bien qu’il s’agisse de résultats approximatifs

basés sur l’observation des réalités du terrain et pas sur l’expérimentation,

on peut néanmoins assumer l’hypothèse que la culture du coton a entraîné

un progrès technique dans le système de production. Les deux types de

progrès biologique et mécanique ne sauraient cependant être séparés avec

rigueur tant les effets sont complexes et complémentaires. Cependant, la

supériorité constatée sur longue période, de l’effet-superficie à l’effet

rendement, tend à montrer que l’adoption de la mécanisation (attelage) a

plus favorisé l’accroissement des superficies (progrès mécanique) que

celui des rendements (progrès biologique). Cela suppose que des efforts

restent à faire dans l’amélioration variétale par la recherche agronomique

et dans la maîtrise de l’itinéraire technique par les paysans.

Les différents comptes de production/exploitation ont permis de

comprendre les atouts et les limites des systèmes de culture en présence.

La différence de prix des vivriers (prix au producteur et prix

d’autoconsommation) est parfois élevée, traduisant la faiblesse de la

demande face à une offre atomisée, inorganisée et à la merci des

commerçants intermédiaires. Le taux d’autoconsommation relativement

plus élevé chez les exploitants spécialisés en productions vivrières (SCCE

et SCIG) que chez ceux qui ont adopté la culture du coton, se traduit par

leur faible intégration aux échanges marchands. La culture du coton, du

fait de son marché organisé et de son prix assuré, est pour l’exploitant une

bonne garantie de son intégration de plus en plus accrue dans le marché.

La différence de revenu monétaire net reste relativement faible entre les

exploitants spécialisés en vivriers d’une part et dans la production

cotonnière d’autre part. Seuls les paysans en culture attelée ou en culture

motorisée parviennent à obtenir un revenu monétaire net deux à trois fois

supérieur à celui des autres exploitants. Mais, si l’on tient compte de

l’incertitude du prix vivrier par rapport au prix du coton-graine,

incertitude qui peut se traduire sur le terrain par une plus forte

autoconsommation vivrière et des prix vivriers assez bas, alors la

différence de revenu peut s’avérer considérable. L’incertitude du prix

vivrier et la rareté d’autres cultures d’exportation font de la culture du

coton le moteur du développement de la région d’étude.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 221

Cependant, le revenu tiré de la production de coton-graine serait encore

plus important pour les exploitants si une partie appréciable n’était pas

retenue par les autres acteurs de la filière. L’analyse réalisée sur une

longue période, de 1960 à 2002, tenant compte de l’évolution des coûts de

production du coton-graine d’une part et du prix à la production d’autre

part, révèle que les exploitants en culture du coton ont perdu une part non

négligeable de leur valeur ajoutée. Sur cette base, on peut accepter

l’hypothèse que « le surplus de productivité globale en valeur résultant de

l’activité du coton peut être d’un niveau appréciable », mais dans la

distribution de ce surplus, on peut craindre que le paysan n’en profite pas

assez par rapport aux autres agents économiques de la filière

(intermédiaires, fabricants des fertilisants et des pesticides, fournisseurs,

consommateurs, Etat).

La culture du coton a entraîné une multitude d’effets induits dont,

l’amélioration de l’habitat, du cadre de vie et des moyens de déplacement,

la création de nouveaux emplois en milieu rural à travers plusieurs micro-

entreprises parfois informelles. Elle contribue à l’amélioration du niveau

de santé en facilitant l’accès aux soins de première nécessité suite à

l’accroissement des revenus, à la réduction du niveau de pauvreté et à

l’amélioration des voies de communication. Elle contribue également à

l’amélioration de la situation de la femme soucieuse de son émancipation.

Sur le terrain, l’exploitant semble être heureux d’avoir adopté la culture

du coton. Les tabous qui empêchaient l’enrichissement individuel sont

brisés depuis longtemps. Chacun peut désormais afficher la différence par

la possession de biens matériels, tant que ses revenus le lui permettent. Il

s’agit là d’un progrès d’ordre psychologique notable en milieu rural

Sénoufo. Nous gardons à l’esprit, l’image de ces jeunes initiés du poro

qui portaient des gourmettes et des chaînes en métaux précieux (or,

argent, etc.) à la place de cauris, de lianes ou d’autres objets traditionnels

anciennement utilisés. Les résultats de nos observations et analyses, bien

que non exhaustifs et parfois approximatifs, militent cependant en faveur

de l’hypothèse que la culture du coton favorise le développement de la

région.

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Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 222

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CHAPITRE 4

CONCLUSIONS GENERALES ET

PERSPECTIVES

1 Conclusions générales

Les objectifs spécifiques de cette étude consistaient à apporter des

éléments de réponse à quatre questions dont la première était : quelles

sont les stratégies de décision des agriculteurs ? En réponse à cette

question, il a été montré que les exploitants ont plusieurs stratégies aussi

bien au niveau individuel qu’au niveau collectif.

Sur le plan individuel par exemple, chaque exploitant prend ses décisions

en fonction de ses contraintes propres, des moyens dont il dispose, de ses

ambitions et des risques qu’il est prêt à assumer. La culture du coton met

en évidence deux sous-groupes d’exploitants ayant des stratégies

différentes : i) le premier a rejeté la culture du coton en vue de mieux

privilégier la fonction d’autosubsistance au sein de l’exploitation ; ii) le

second a adopté la culture du coton notamment en vue d’accroître son

pouvoir d’achat. L’évolution dans le temps et dans l’espace de ces deux

sous-groupes d’exploitants tend à conforter la position de ceux qui ont

choisi la culture du coton. En témoigne le nombre croissant des

producteurs de coton au détriment de ceux qui ne produisent que les

vivriers. Mais, il faut dire que ce résultat était prévisible, les subventions

aux intrants et un prix garanti dont le coton a bénéficié, y compris une

structure d’encadrement et de recherche agronomique des plus

performantes dans le pays, étaient entre autres choses, des atouts

indéniables du système à base de coton. Cependant, il n’existe pas une

opposition avérée entre le coton et le vivrier, dans la mesure où d’une

part, les deux cultures coexistent et entrent dans la rotation chez les

producteurs de coton et d’autre part, les producteurs de vivriers

s’inspirent ou « copient » les techniques culturales véhiculées grâce au

coton.

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Chapitre 4 – Conclusions générales et perspectives 224

Sur le plan collectif, ce sont encore les producteurs de coton qui

améliorent sensiblement leur situation dans le temps. En effet, ils ont

accepté de créer des groupements à vocation coopérative et peu à peu,

comprenant les enjeux financiers de la culture du coton, ils ont créé des

structures de plus en plus fédératrices et performantes qui, d’une certaine

façon et à l’image de l’URECOS-CI, tendent à se poser comme étant de

sérieux concurrents des égreneurs par la construction de leurs propres

usines.

La seconde question consistait à savoir quel était l’impact de l’adoption

du cotonnier sur le progrès technique ? Pour y répondre, il a été mis en

exergue que la culture du coton a effectivement eu un impact positif sur le

progrès (biologique et mécanique) qui se solde par un accroissement de la

production de coton-graine. Cette réponse a amené à confirmer

l’hypothèse qu’elle sous-entend. L’impact de la culture du coton sur la

fertilité des terres et sur la durabilité des systèmes de production en zones

cotonnières reste à déterminer. Nos résultats ne permettent pas de discuter

de cela. A ce jour, les résultats des autres recherches sont encore

disparates et ne permettent pas non plus de trancher. Cependant, on relève

qu’un plus grand nombre de chercheurs semblent ne pas voir

d’inconvénients majeurs du coton sur l’environnement, alors qu’au

Tchad, le Ministère de l’environnement pense que la culture du coton est

un véritable danger permanent contre la biodiversité. Cette divergence de

point de vue révèle toute l’importance du problème de la durabilité des

systèmes à base de coton et interpelle la recherche agronomique.

Quel est l’impact du coton du point de vue économique? Pour répondre à

cette troisième question, il a été montré que la culture du coton a entraîné

une évolution sensible dans les communautés villageoises. Il suffit de

sillonner les zones cotonnières pour constater l’effervescence générale qui

règne dans les villages cotonniers par rapport aux autres, surtout, pendant

la période de commercialisation de la production. L’exploitant se dit

heureux de pratiquer la culture du coton qui, dit-il, lui a permis de réduire

la pénibilité du travail, avoir un revenu garanti et des effets

d’entraînement positifs sur la production vivrière. Grâce à ce revenu, il

peut améliorer sa vie au quotidien par l’accumulation de biens matériels,

dans un habitat qu’il trouve plus agréable que par le passé. Cependant, du

point de vue économique ou de la société toute entière, considérant

l’intervention incontournable des autres agents de la filière, notamment

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Chapitre 4 – Conclusions générales et perspectives 225

les égreneurs, les fournisseurs d’intrants et l’Etat, la part de revenu qui

revient au producteur apparaît relativement faible. De ce point de vue, on

a confirmé l’hypothèse que les producteurs reçoivent une moindre part du

gain de productivité générée par la culture du coton. C’est justement pour

revendiquer un revenu plus rémunérateur de leur effort ainsi que de leur

savoir-faire dans le travail que les producteurs de coton continuent de

parfaire leurs différentes formes d’organisation (formelle ou informelle)

de telle sorte à renforcer leur pouvoir de négociation au sein de la filière.

De façon globale, on peut soutenir que la culture du coton apporte

beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients, tant au paysan individuel

qu’à la collectivité. C’est d’ailleurs ce qui justifie son succès auprès des

producteurs. Cependant, nos recherches restent limitées dans la

perception de la durabilité du système à base de coton. Il s’agit là d’un

aspect qui mérite d’autres études approfondies.

Aussi, introduite en Afrique de l’Ouest et plus particulièrement en Côte

d’Ivoire sur la demande de quelques entreprises françaises voulant

échapper à la concurrence des Etats-Unis sur le marché mondial de la

fibre, la culture du coton s’est-elle peu à peu imposée comme étant la

principale culture des zones de savane du Nord de ce pays. On peut

retenir qu’elle a profondément modifié les pratiques agricoles, le paysage

agraire dans son ensemble, les mentalités et le mode de vie des paysans

de la zone d’étude.

L’abandon tendanciel de la houe au profit de l’attelage avec des tentatives

d’adoption de la motorisation est en soi une transformation des techniques

culturales qu’on pourrait qualifier de spectaculaire. De façon globale, les

différents types de transformations des systèmes de production rendent

compte de la capacité des paysans à s’adapter au changement, chaque fois

que cela leur permet de résoudre leurs contraintes. Les multiples

stratégies de production introduites par la culture du coton ont abouti à

une différenciation des exploitants qu’on pourrait apprécier tant du point

de vue technique que socioéconomique. C’est ainsi que, sur le plan

technique, il est possible de faire une classification des exploitants par le

matériel agricole privilégié, la plus ou moins forte utilisation des intrants

chimiques, le respect des itinéraires techniques conseillés par le

vulgarisateur, la taille des parcelles, les rendements au champ, etc. Sur le

plan socioéconomique, les choix des stratégies de production agricole, sur

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Chapitre 4 – Conclusions générales et perspectives 226

base de diverses contraintes et atouts individuels des exploitants, se

prolongent par la différenciation des niveaux de revenus ou de pauvreté et

des niveaux de vie. C’est dire que la culture du coton a accentué les

clivages sociaux que les communautés traditionnelles évitaient de

privilégier, en utilisant parfois diverses pratiques visant à maintenir une

sorte de nivellement par la base.

L’impact de la culture du coton se constate aussi dans la création de

nouveaux emplois dans les zones cotonnières. Il s’agit entre autres

choses, des forgerons et des ferronniers, spécialisés dans la réparation ou

la fabrication d’outils attelés ; des gérants et autres dirigeants de

coopératives cotonnières ; des commerçants de pièces détachées et de

produits phytopharmaceutiques, etc. La participation des producteurs de

coton au développement de la région est indéniable, même si cet aspect

n’a pas été quantifié avec précision par l’étude. Ils participent

financièrement, au travers de leurs coopératives, dans la construction des

écoles, le forage de puits d’eau potable à pompes hydrauliques,

l’établissement de centres de santé primaire, la création ou l’entretien de

pistes rurales, l’électrification des villages, etc.

On peut donc dire que la culture du coton est le moteur du développement

des régions de savanes et notamment de la zone d’étude. Il en est de

même dans les zones de production cotonnière des autres pays de la sous-

région où le coton joue un rôle économique majeur avec un important

effet d’entraînement. En Côte d’Ivoire ainsi que dans les pays africains

qui le produisent, la culture du coton contribue à réduire la pauvreté, les

risques et la vulnérabilité, à améliorer le bien-être. Pourtant, que ce soit en

Côte d’Ivoire ou dans les autres pays de la sous-région, l’avenir de

l’économie cotonnière repose sur la mise en place d’un programme

pragmatique tenant compte de la structure actuelle et des perspectives

d’accroissement de la production de coton-graine et d’évolution du

marché mondial de la fibre.

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Chapitre 4 – Conclusions générales et perspectives 227

2 Perspectives

Il est encore possible d’accroître la production cotonnière ivoirienne,

notamment par l’accroissement simultané ou individuel de ses deux

principales composantes que sont la superficie cultivée et le rendement à

l’hectare. Avec l’adoption de plus en plus massive de la culture attelée, il

est à craindre que l’effet-superficie ne continue d’entraîner l’essentiel de

la production au détriment de l’effet-rendement. En effet, un

accroissement tous azimuts des superficies peut entraîner une saturation

des terres cultivables, amplifier les contraintes foncières latentes, réduire

la fertilité des terres et réduire la production. Cela posera alors un

problème de durabilité du système à base de coton.

Les perspectives de développement rural sont encore possibles. En effet,

le revenu tiré de la pratique de la culture du coton permet de plus en plus

de financer des activités hors exploitation. Par ailleurs, les producteurs de

coton cultivent de plus en plus des fruitiers, notamment les manguiers et

les anacardiers. En d’autres termes, un nouveau paysage agraire est en

train de se mettre en place avec une prépondérance des plantations de

cultures pérennes à produits destinés essentiellement à l’exportation. Il est

à craindre que la fixation des parcelles par les cultures pérennes

n’accélère la raréfaction des terres et ne réduise à terme, les emblavures

consacrées à la culture du coton.

Les producteurs de coton vont probablement poursuivre le

perfectionnement du fonctionnement de leur coopérative ou union et

faîtière de coopératives en vue d’obtenir une part de plus en plus

importante de la valeur ajoutée dans la filière. Cependant, il est à craindre

qu’un antagonisme et une concurrence directs entre les producteurs d’une

part et les égreneurs privés d’autre part n’entraînent une désorganisation

et une certaine anarchie dans la filière. Il est entendu que l’Etat continuera

de se retirer des activités productives et ne reprendra pas le contrôle de la

filière coton comme par le passé.

De façon globale, on peut s’attendre à ce que les producteurs de coton

continuent à améliorer leur cadre de vie et leur bien-être en utilisant le

revenu du coton. Mais, ce revenu restera encore longtemps soumis aux

fluctuations des cours de la fibre de coton sur le marché mondial. Selon le

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Chapitre 4 – Conclusions générales et perspectives 228

journal Agra Europe (2005), l’OMC semble exiger le respect des règles

du marché mondial par les principaux acteurs, notamment les Etats-Unis

et l’Union Européenne en ce qui concerne la coton. Cependant, nous

pensons qu’il serait quelque peu utopique de croire que les pays grands

producteurs de coton comme les Etats-Unis d’Amérique, la Chine ou

l’Europe renonceront aux diverses formes de soutien ou de subvention de

leurs producteurs et exportateurs. Ces perspectives appellent un certain

nombre de recommandations.

3 Recommandations

L’accroissement futur de la production cotonnière étant nécessaire si l’on

veut accroître les revenus des producteurs et avoir des effets notables sur

le développement, il est à recommander de tenir compte de la durabilité

du système de production. En effet, pour mieux exploiter le facteur terre

cultivable qui se raréfie dans cet environnement agro-sylvo-pastoral et,

espérer donner la chance aux générations futures d’agir pareillement, il

serait souhaitable que l’utilisation des engrais et des pesticides chimiques

se fasse de façon raisonnée. Cela suppose que la recherche agronomique

accentue ses travaux, d’une part, dans l’estimation de l’impact actuel des

produits chimiques du coton sur la biodiversité dans l’écosystème et,

d’autre part, dans la mise au point de nouvelles variétés à haut potentiel

de rendement et nécessitant une faible consommation d’espace et de

produits chimiques. Au Mali par exemple, il y a déjà un début de solution

par la recherche de coton biologique qui met l’accent sur la fertilisation

organique et l’utilisation de pesticides naturels. Un tel programme

pourrait être introduit en Côte d’Ivoire.

La durabilité du système cotonnier repose aussi sur une bonne

organisation des agents économiques de la filière. De ce point de vue,

l’on recommande que l’Etat poursuive son effort visant à renforcer la

responsabilisation des organisations des producteurs de coton. Il doit

aussi veiller à ce que la libéralisation et la privatisation en cours

n’aboutissent à un désordre et une anarchie dans la filière. Pour cela,

l’Etat devra jouer entièrement son rôle d’arbitre de telle sorte que chaque

agent remplisse clairement sa mission. Par exemple, les producteurs

devront perfectionner leurs modes de production, les égreneurs devront

assurer correctement l’encadrement dans leurs zones respectives,

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Chapitre 4 – Conclusions générales et perspectives 229

distribuer les intrants en temps opportun et en quantités suffisantes et

payer la récolte à temps et au juste prix.

Il serait souhaitable de redéfinir une politique de promotion des systèmes

de production à base de vivriers. Cela passe par le renforcement des

activités de recherche agronomique, la professionnalisation des structures

de commercialisation des productions vivrières, la mise en place d’un

système de prix garanti au producteur.

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