Commission Des Infractions Fiscales

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  • 7/25/2019 Commission Des Infractions Fiscales

    1/2// N437 Novembre 2010// Revue Franaise de Comptabilit14

    La Commission des infractions fiscales :

    quand la fraude fiscale devient un dlit pnal

    I. La qualificationde fraude fiscale etles peines encourues

    Le dlit de fraude fiscale est un dlitparticulier qui doit tre qualifi (A) et quientrane des sanctions pnales (B).

    A. La qualification de fraude fiscale

    Larticle 1741 du CGI dfinit en des termestrs gnraux le dlit de fraude fiscalepuisquil punit quiconque sest fraudu-leusement soustrait ou a tent de se sous-traire frauduleusement ltablissement ouau paiement total ou partiel de limpt.Sont viss essentiellement les trois cas sui-vants :

    omission de dposer sa dclarationdans les dlais prescrits2; dissimulation volontaire dune partie dessommes sujettes limpt (ex. : omissionde recettes)3; organisation de son insolvabilit4oudploiement dautres manuvres pourfaire obstacle au recouvrement de lim-pt5.

    Linfraction doit prsenter un caractrefrauduleux, ce qui suppose que sonauteur ait t anim par une volont defraude. Bien entendu, la preuve de lexis-

    tence des lments constitutifs du dlitde la fraude fiscale, notamment llmentintentionnel, doit tre apporte par leministre public et ladministration (par-tie civile). Il est ainsi ncessaire dta-blir que lauteur a agi volontairement ousciemment6.

    B. Les sanctions pnales

    Les peines encourues sont une amendede 37 500 (75 000 en cas dachats

    ou de ventes sans facture) et dun empri-sonnement de cinq ans. Des peines com-plmentaires peuvent tre prononcespar les tribunaux : interdiction dexercerune activit commerciale, suspensiondu permis de conduire, privation de toutou partie des droits civiques, civils et defamille numrs larticle 131-26 duCode pnal. La condamnation fait lobjet

    dune publicit dans les journaux.Les experts-comptables qui ont particip ltablissement des documents falsifispeuvent galement tre poursuivis sur leplan pnal (amende de 4 500 et/ou unemprisonnement de cinq ans) en vertude larticle 1772 du CGI. Larticle 1745 duCGI prvoit que les auteurs et les com-plices dune mme fraude sont tenus soli-dairement au paiement des droits fraudset des pnalits, ds lors quils ont tousfait lobjet dune condamnation pnaledfinitive et que la solidarit a t pro-nonce.

    II. Une procdureparticulire

    Les poursuites pnales sont engages linitiative de ladministration fiscale (A),mais celle-ci ne peut porter plainte quesur avis favorable de la Commission desinfractions fiscales (CIF) (B).

    A. Les poursuites pnalessont engages linitiativede ladministration fiscale

    Dans les cas de fraudes fiscales les

    plus graves, ladministration fiscale peutdcider seule7, en plus des sanctions fis-cales8, de traduire les fraudeurs devantles tribunaux correctionnels qui pronon-ceront les sanctions vises ci-dessus. Laplainte peut tre dpose, en principe,jusqu la fin de la troisime anne quisuit celle au cours de laquelle linfractiona t commise. Ce dlai est suspendupendant une dure de six mois entre ladate de la saisine de la commission etcelle laquelle elle met son avis 9.Dans la pratique, chaque anne, environun millier de plaintes, en moyenne, sont

    portes devant les tribunaux correction-nels. Pour 2008, sur 1029 propositionsde poursuites pnales soumises la CIF,992 poursuites pnales ont t diligen-tes. Les Directions dpartementales sontjuges, entre autres, sur le nombre deplaintes dposes au pnal. La proportion

    De nombreux contribuables cherchent volontairement chapper

    limpt en violant la loi fiscale. On parle de fraude fiscale. Les

    fraudeurs encourent de lourdes sanctions fiscales qui sont des

    sanctions pcuniaires (majoration de droits, intrts de retard et

    majorations de 40 % en cas de manquement dlibr, majoration de

    80 % en prsence dabus de droit et de manuvres frauduleuses et

    majoration de 100 % en cas dopposition contrle fiscal). Celles-ci

    sont directement appliques par ladministration fiscale en vertu de

    la loi et sous le contrle du juge de limpt.

    Les fraudeurs ignorent souvent quen plus de ces sanctions fiscales, ils

    risquent des sanctions pnales (peines correctionnelles) prononces

    par les tribunaux de lordre judiciaire. Nanmoins, le montant global

    des sanctions ne doit pas dpasser le montant le plus lev de lune

    des sanctions encourues1.

    Par Michel FOURRIQUES, professeur de fiscalit,

    directeur scientifique Mastre Spcialis Ingnierie patrimoniale du dirigeant, Euromed Management

    Synthse // Rflexion // Une entreprise/un homme // RfrencesDROIT PNAL

    1. Conseil. const., 30 dcembre 1997,n 97-395 : RJF2/98, n 182.

    2. V. Cass. crim., 2 novembre 1977 : Bull. Crim.,

    n 324, p. 827.

    3. V. Cass. crim., 10 fvrier 1976 : Bull. crim.,

    n 49, p. 117.

    4. V. Cass. crim., 25 juin 1979 : Bull. crim.,

    n 223, p. 607.

    5. V. Cass. crim., 26 mai 1976 : Bull. crim.,

    n 185, p. 476.

    6. Cf. Cass. crim., 11 fvrier 2009,req. n 08-82899.

    7. Ni le procureur, ni une partie civile autre

    que ladministration ne peut enclencher

    ce processus. Il sagit dune formalitsubstantielle, dont lobservation est

    dordre public.

    8. Les poursuites pnales du chef de

    fraude fiscale, qui visent rprimer descomportements dlictueux tendant la

    soustraction de limpt, ont une nature et

    un objet diffrents de ceux des poursuitesexerces par ladministration fiscale dans

    le cadre du contrle fiscal, qui tendent aurecouvrement des impositions ludes :

    Cass. crim., 9 avril 1970, Fourni : Dr. fisc.1970, n 28, comm. 833 - Cass. crim.,

    6 novembre 1997, M. Pini : Dr. fisc. 1998,

    comm. 521.

    9. LPF, art. L. 230.

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    de dossiers ayant entran une poursuitepnale est leve car ladministration fis-cale slectionne les dossiers qui doiventtre exemplaires sur le fond et parfaits surla forme avant dtre soumis au regard

    de la CIF. En effet, elle considre, dansces cas-l, que son travail va tre jugpar une entit externe et elle veut donnerdelle une image de professionnalisme etde grande comptence.Les oprations les plus frquemmentsanctionnes ont t : le dfaut de dclaration, les dissimulations de recettes, la ralisation doprations fictives.Ladministration fiscale recherche par cessanctions pnales un effet dexempla-rit. Quelques contribuables se rappel-lent encore le chanteur Richard Anthony

    qui avait pass un jour en prison il y aquelques annes. A lpoque son incar-cration pour fraude fiscale ntait paspasse inaperu car ctait encore unevedette de premier plan.Cependant, ladministration fiscale nepeut dposer une plainte pnale que suravis favorable de la CIF10, sous peine dir-recevabilit, quelle que soit la nature delinfraction11.

    B. Lavis de la CIF

    Le contribuable est invit par la commis-sion prsenter, dans un dlai de trente

    jours, ses observations crites. La com-mission lui communique lessentiel desgriefs qui motivent la saisine12. La proc-dure devant la CIF nest pas rgie par lesdispositions de la procdure pnale maispar les dispositions spcifiques prvuespar larticle L. 228 du LPF 13. Cette pro-cdure nest donc pas contradictoire etlavis rendu nest pas motiv. La CIF nestpas en effet un nouveau degr de juri-diction. Etant un organisme consultatif14destin donner un avis sur lopportunitdes poursuites pnales, le principe ducontradictoire reconnu par la Convention

    europenne des droits de lhomme nesaurait trouver application devant cettecommission 15.

    Aprs lavis rendu par la CIF, deux situa-tions sont possibles :nSi lavis est conforme la position deladministration, une action pnale pourra

    tre engage et laction publique suivrason cours. La procdure pnale devantle tribunal correctionnel est lance parune plainte que dpose le Directeur desservices fiscaux du dpartement auprs

    du Procureur de la Rpublique. Le contri-buable conserve nanmoins la possibilitde discuter ultrieurement devant un tri-bunal les charges qui sont retenues contrelui16.Lavis de la commission tant insuscep-tible de faire grief puisquil nest pas dta-chable de la procdure pnale engage,il ne saurait donner lieu recours devantle juge administratif de lannulation. Lesjuridictions de lordre judiciaire sont com-ptentes pour statuer sur les recours for-ms par le requrant contre la dcision duministre de saisir la commission et lavis

    favorable de celle-ci, car il sagit dactesncessaires la mise en recouvrement

    de laction publique et qui nen sont doncpas dtachables17. Le juge pnal est doncseul comptent pour apprcier la rgula-rit de la procdure suivie devant la com-mission et de lavis de cette commission.

    Le jugement du tribunal correctionnel estsusceptible dappel, dans les dix joursde son prononc, devant la chambre desappels correctionnels de la cour dappel.Lappel est suspensif.nDans le cas contraire, aucune actionpnale ne sera possible, ce qui est le casenviron dans 5 10 % des cas 18.Selon larticle R*228-6 du LPF, Lecontribuable est inform de lavis de lacommission par le secrtariat si cet avisest dfavorable lengagement des pour-suites ou, dans le cas contraire, par lad-ministration lors du dpt de la plainte .

    Pour les infractions de droit commun(ex : escroquerie la TVA), ladminis-tration fiscale peut dposer plainte surle fondement de larticle 313-1 du Codepnal, sans avoir solliciter lavis pr-alable de la CIF19. Cest le cas du dlitde blanchiment. En effet, ni la loi, ni lajurisprudence n'ont tendu le domaine del'article L. 228 (saisine de la CIF) au dlitde blanchiment. Dans ce cas, le parquet,sur plainte de l'administration fiscale, sai-sira donc directement le tribunal correc-tionnel. Dans la pratique ladministration

    fiscale sollicite en gnral lavis dela Commission des infractions fiscaleslorsquun mme contribuable, au titre derappels distincts, fait lobjet simultan-ment, et pour la mme priode, duneplainte pour escroquerie et dune plaintepour fraude fiscale 20.

    10. LPF, art. L 228.

    11. Cass. crim., 10 novembre 1987, req.

    n 86-91750 P. - Cass. crim., 15 dcembre

    1987, req. n 87-83475.

    12. LPF, art. R*228.

    13. Cass. crim., janvier 1991, req. n 89597.

    14. Et non juridictionnel : Cass. crim., 28

    janvier 1991, req. n 90-81606.

    15. Labsence de dbat oral devant elle ne

    constitue pas une violation de larticle 6-1

    de la Convention europenne des droits

    de lhomme, ds lors que le prvenu a pucontester la ralit de linfraction reproche

    dans le cadre des dbats contradictoires

    tenus ultrieurement devant le tribunal

    correctionnel : CEDH, 11 janvier 2000,Le Meignen, RJF3/2001, n 426.

    16. Cass. crim., 7 mars 2001, req. n 00 8996.

    17. T. confl., 19 novembre 1988, req. n 2548 :Dr. fisc.1989, comm. 551.

    18. La Commission des infractions fiscales :

    une garantie illusoire accorde auxcontribuables, Gazette du Palais,8 aot 2000, p. 2, M. Sieraczek-Abitan.

    19. V. Cass. crim., 16 juin 2010, req. n 01-

    86.962.

    20. Droit pnal fiscal : Dr. fisc.2010, n 37,chron. R. Salomon, p. 12.

    Pour en savoir plus

    J.-P. Casimir, Contrle fiscal, 11ed. Groupe

    Revue Fiduciaire, 2010.

    M. Cozian, Prcis de fiscalit des entreprises

    2009/2010, 33ed. Litec, 2009.

    J. Grosclaude et P. Marchessou, Procdures

    fiscales, 4ed. Dalloz, 2007.

    T. Lambert(sous la dir. de), Les sanctions

    pnales fiscales, d. LHarmattan, 2007.

    T. Lambert, J.-J. Bienvenu, Droit fiscal, 4e

    d. PUF, 2010.

    Comptabilit des fusions et oprations assimilesLe rglement CRC 2004-01 du 4 mai 2004 a dfini les nouvelles rgles de comptabilisation, dans les comptes indivi-duels, de toutes les oprations de fusion et oprations assimiles rmunres par des titres et retraces dans un traitdapport prvu larticle L 236-6 du code de commerce. Ces rgles, obligatoires depuis le 1erjanvier 2005 et compl-tes depuis par dautres rglements du CRC ainsi que par des avis du comit durgence du CNC, forment dsormais cequon peut qualifier de droit comptable des fusions et oprations assimiles.

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