Commentaire de l’Évangile - Exultet · 2015. 8. 26. · Mais le silence de l’Évangéliste...

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  • Commentairedel’Évangile

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  • Le troisième, qui insiste si fortement sur la figure duPrécurseur, le dernier des grands prophètes d’Israël, lequel ledésignecommesonsuccesseuretcommesonsupérieur,leplacedans sa lignée spirituelle et consacre son autorité devant sonpeuple.Lequatrième,débutantparunepropositionthéologiqueinouïe,lemontredépassantparnaturel’humanité,lacréationetletemps.

    AbordonsavecsimplicitélagénéalogiedeJésusChrist.Elleconsiste en quatorze noms s’étageant entreAbraham etDavid,de quatorze autres entre David et Jéchonias lors de ladéportationàBabyloneetdequatorzeenfinentreladéportationetJoseph,l’épouxdeMarie,delaquellenaquitJésusquel’onnomme le Christ12. Comparons-la avec l’autre généalogie quifigure en Luc, celle-ci remontant par cinq fois quatorzegénérationsplustrois,jusqu’enAdamfilsdeDieu13.

    Il faut remarquer queLucdonne le nomd’Héli au père deJoseph, alors queMatthieu l’appelle Jacob ; que d’AbrahamàJésus,Luccomptequatrefoisquatorzegénérations,etMatthieutroisfoisquatorze;qu’àpartlesnomsdeDavidetd’Abraham,les listes ne concordent en aucun point. Il y a plus : chezMatthieu, la liste des royaux descendants de David qui estparallèleauxénumérationshistoriquesdel’AncienTestamentneconcorde pas non plus avec elles, puisque les Livres desChroniques citent dix-sept rois, là où l’Évangéliste en retientquatorze.

    Lesanciensexégètesontvainement torturé la logiquepourréduiredesécartsaussiconstants;ilsontrecouruàcetteclausede laLoi qui prescrit au frère d’épouser la veuve de son frèredéfunt:maisilfaudraittropdefrèrespourcomblerleslacunes.Ils ont déclaré que Matthieu suivait l’ordre de la générationcharnelle, Luc celui de la génération d’adoption comme pour

  • montrer, ajoute bellement saint Augustin, « que c’est paradoptionquenousdevenonsfilsdeDieu».

    LefilsdeDavid

    Maisàceproposilestunechosequiauraitdûnousfrapperetnousarrêterdepuislongtemps,c’estquelesgénéalogiess’envont toutes finir en Joseph, en celui qui se trouve justementn’êtrepas lepèredeJésus.Sidonc lagénéalogiecharnelleestdéjà d’adoption, l’autre l’est deux fois, à moins qu’elle ne lesoittroisouquatrefoisquatorzefois.

    Ons’est,commedejuste,efforcéautantquefairesepeutderéparer la brisure en affirmant que laViergeMarie était de lamême tribu que son époux et descendante aussi du roiDavid.Mais il est sinon prouvé, du moins assez probable, que celan’estpas,puisquel’Évangélisten’enditrien.Or,c’étaitlaseulechosequ’ilétaitnécessaired’établiricietlanécessitéenétaitsipressantequelaconversiond’Israëlendépendait,puisquepourrépondreàl’attentedesonpeuple,qu’ilallaitdélivreretvengerdetouteslesnations,etpourremplirl’imagequelesprophètesavaientdresséedeluiàtraverslessiècles,leMessiedevaitêtredelasemencedeDavid,unsurgeondelasouchedeJessé14.Lesilencedel’Évangélisteindiqueraitassezquelachosen’estpas,etJésuslui-mêmenesemble-t-ilpasparlerunefoisdanscesensenparolespeuvoilées?Carlesdétenteursdelapuretradition,les scribes, les Pharisiens, les sacrificateurs ignorent sesoriginesoun’enfontnulcas,leméprisentcommen’étantpasdeleurcasteet,misaupieddumur,ilnedémentpasleuropinion,maisleurrétorqueseulement:LeroiDavidinspiréparl’Esprita chanté : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur. »CommentDavidappellerait-illeMessiesonSeigneur,s’ilétaitsonfils15

  • ?Maislesilencedel’Évangélisteprouveautrechoseencore:

    il prouve la vérité historique de l’Évangile et qu’un fait, s’iln’estpascertain,n’yestpasrapporté,mêmepourlesbesoinsdela cause,même pour l’édification des âmes. Il prouve aussi lafidélitéde l’Égliseàgarderetà transmettre l’Écriture,puisqueles passages qui lui ont causé en tout temps le plus grandembarrasnousontétélégués,intacts,aveclereste.

    On a peut-être souri à m’entendre parler de la véritéhistoriquedel’ÉvangiletoutdesuiteaprèslesconstatationsquenousavonsfaitesausujetdesGénéalogies,maisjemaintienscequej’aiditetj’yreviendraitoutàl’heure.

    PourcequiestdesGénéalogies, ilestévidentd’abordquel’énumération ne se développe pas au hasard, comme il arrivegénéralement aux générations humaines, mais qu’elle estvolontairement coulée au moule du nombre quatorze,translittération kabbalistique dumotDAVID. La division de lalignéeentroistronçonségauxcorrespondauxtroisépoquesquise sont succédé en Israël : la première celle des Juges, laseconde celle des Rois, la troisième celle des Pontifes. C’estpourdireque laprimordiale autoritédes Juges, lamajestédesRois, lasuprêmedignitépontificalereviennentà l’Héritier,quiles réunit en lui comme elles se trouvaient réunies chez lesPatriarches régnant par droit divin de sagesse et de grâceprophétique, et c’est pourquoi saint Luc évoque le nom desPatriarchespourcouronnersalisteetl’acheverenDieu.

    Litaniedesnoms

    ToutcelatientdéjàdanslestroisnomsdupremierversetdeMatthieu : Génération de Jésus Christ fils de David, fils

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  • deLui.Etlesfléauxaussi,cariln’estpaslàpourjustifier,maispourjuger,etiljugesesfidèlesplussévèrementquelesautres.Voilà ce que la Bible enseigne tout au long : queDieu est leDieu Vivant, le Dieu puissant, agissant, créateur. Quant àl’Évangile,quiestlecomplémentdelaLoi,ilnousenseignequepour nous éveiller aux réalités spirituelles, Dieu s’est mêmeincarné.

    Nous voilà loin des fades douceurs de l’Idéal. Et commetoutes les choses vivantes, le Christ est hautementcontradictoire,étonnant,stupéfiant,indémontrable,impossibleàinventer a priori. Il se détache précisément avec une nettetéparfaitedetoutcequiestfableetdetoutcequiestmytheetdetout ce qui est fabrication philosophique. Y croire n’est passeulement une question de foi, c’est une question de flair.Nesavez-vous pas tous, en voyant une fresque ou un tableau,reconnaîtres’ils’agitd’uneinventionous’ils’agitd’unportrait? Savez-vous reconnaître à première vue qu’une tête deGhirlandaio,parexemple,esttoujoursunportraitetmêmequ’ilestsûrementressemblant(encorequevousn’enayezpasetn’enpuissiez jamais avoir le modèle sous les yeux), tandis qu’unetêtedeMichel-Angen’est jamaisunportrait etne ressembleàaucun visage humain, mais est une création idéale ? Qu’unefiguredeBruegel,parexemple,estpriseàmêmedanslaréalitéet vue, alorsque la sculptured’une cathédrale romanen’est lacopied’aucuneréalitévisible?

    Il convientd’exercerun flair analogue (quenulleéruditionne nous donnera) sur les textes sacrés, pour connaître si lespersonnes et les faits qu’on nous y présente sont de simplesfiguresoudesêtresvivants,desréalitésconcrètesetspirituelles.Écoutez bien, enmême temps que le sens, le son que rend letexte,etlaqualitédelavoix;etvosyeuxdevieverrontcequeles prétentieuses besicles de l’objectivité critique n’y ont pas

  • vu:que lafigurede l’hommeJésus,duFilsde l’homme,pourautantquehauteencouleuretpleinedesens,n’enestpasmoinsréelleetvivante,plusréelleetvivantequ’aucundenous.

    SilaréalitéduChristnousémeutàsihautpoint,c’estparcequ’ellenousparledenous;sinouscroyonsenlui,c’estparcequenouscroyonsencemeilleurcôtédenous-même,parcequenous le sentons en nous-même, ou peut-être parce que nousressentonsl’absencedecemeilleurcôtéquisemarqueennousen creux et que la réalité du Christ vient si bien remplir. LeChrist nous parle d’une voix dont nous ne doutons pas parceque, l’entendant pour la première fois, nous la reconnaissons.Que le Christ soit un mythe solaire, que l’Évangile soit unecréation littéraire, que ce soit l’exposé par images d’unedoctrine philosophique, ou d’un modèle moral, ce sont là desimplesbalivernes.Personne,nilepopulairesansinstruction,nile poète et moins encore le philosophe, ne pouvait créer unefigure telle que celle duChrist, une figured’unepuissancederéalité telle qu’elle a bouleversé de fond en comble toutes lesrèglesdel’art,delamorale,delalogique,delaphilosophie.

    Si c’était une création du peuple ignorant, nous n’ytrouverionspaslesclefsdelavieintérieure,unesciencecachée,uneconnaissancedetouslessecrets.Nousnetrouverionspascetexteàtouslesdegrésdeconnaissanceauxquelsnouspouvonsnous élever comme étant plus élevé que nous. Si c’était uneœuvre littéraire, il serait tiré selon les canons du temps.Or, ilcontreditentièrementcescanons. Iln’aprobablement,pour lescontemporains, représenté aucune forme de beauté. Il estjustementsibeletsiémouvantparcequ’iln’ariend’esthétique,parce qu’il ne cherche pas à toucher ni à plaire, parce que sabeautén’estpasartnilittérature,maisnatureetesprit.Miseenscènephilosophiqueetmorale?ScandalepourlesJuifsetfoliepour les Grecs, horreur des gens de bien et dégoût des

  • philosophes!Sic’étaitunefabricationdesprêtres,jepensequelesprêtresn’auraientpasétésiimprudentsquedefabriqueruninstrument si incommodeàmanier,carquiconquesehasardeàenseigner l’Évangile risque de voir se dresser contre lui lesgrandesetterriblesvéritésqu’ilalui-mêmeaffirmées.

    Que les ennemis d’un homme se concertent pour lecondamner et lui ôter la vie, cen’est pas chose rare,maisquevingtsièclesaprèssamort,ils’entrouveencorepourreprendreenmainsonprocèsafindelecondamneràn’avoirjamaisvécu,c’estuneaventurequinepouvaitarriverqu’àJésusseul.

    LevisageduSeigneur

    Mêmesinousadmettonsque,poursoutenirunehypothèseaussi osée que celle de l’inexistence du Christ, alors qu’ellen’avaitjusqu’alorsjamaisétéavancéeniparlesennemislesplusacharnésdelareligionchrétienne,niparleshérétiqueslesplusaberrants, il suffise d’alléguer l’absence de documentshistoriques, même si nous admettons que les six témoignagesqui datent du premier siècle soient insuffisants,même si nousadmettonsqueTacite,Suétone,PlineleJeune,FlaviusJosèphequi parlent du Christ comme d’un homme que Ponce Pilate acrucifié, soient suspectsd’informationprécipitée, ainsique lesrabbinsduTalmudquilemaudissent,etquesaintPaul,dontlesécrits sont sans doute plus anciens que l’Évangile canoniquemême,soitsuspectdeconnivenceaveclapartieencause,ilnousreste un septième témoignage qui n’est ni romain, ni juif, nichrétien, ni humain : celui-ci (il montre la Sainte Face duSuairedeTurin).

    Vousleconnaissez,cen’estpasunepieuseimage,cen’estpasunfruitdel’imagination,cen’estpaslechef-d’œuvred’un

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  • horsdesmurset,sixmoisplustard,l’annonciationdel’angeàMarie,àNazareth;etnuln’ensaitrien,queMarieseule.Puislavisitation des deux femmes dans la montagne, la salutationd’Élisabeth et le Magnificat de la Vierge, la prophétie deZacharie lors de la circoncision de Jean, les prophéties deSiméonlejusteetd’AnnelaprophétesselorsdecelledeJésus.

    Iln’yapasdedoutequeLucaitvoulupeindreundiptyque.Jean,c’est l’ombreducorpsdeJésuset l’ombre,c’est lecorpsgrisetplatmarchantdevantlecorpsàrasdeterresurlechemin.Etl’ombreressembleaucorps,traitpourtrait,ets’opposeàlui.Jeanest l’enfantde la stérilité etde lavieillesse,de la souched’Israël antique et desséchée, un surgeon digne de sa hautenoblesse.EtilquitteleTempleetlavilleetvaaudésert.Jésusnaît de la Vierge intacte, il est, de par les entrailles de latendressedeDieu,leSoleillevantquivisitelemonde,ilestlasourced’eauvive,ilestl’époux.Ilvientd’unvillageéloignéetpasseparledésert,maispourallerauxvillesetpourenseignerdans le Temple. Jean s’abstient du pain et du vin, c’est-à-diredesbiensde lanatureetdesenivrementsspirituels,maisJésusmangeetboitetsedonnelui-mêmecommepainetcommevin.

    Annonciations

    L’Ange du Seigneur qui paraît à Zacharie dans le Temple,c’estl’Angedel’Inspiration.Sanatureactivesedécèleparceci:ilparaîtàdroite.Ilsetientdebout.Ilditdelui-même:Jesersdevant Dieu (Asto ante Deum). Il est donc l’Inspirateur desgrandes actions qui dépassent les forces humaines et lesprévisions les plus audacieuses, mais qui doivent s’accomplirpar les voies naturelles dans lemonde extérieur. Il n’est doncpas seulement l’Ange qui annonce la victoire, mais celui qui

  • apporte la conception et le projet, et nous intime l’ordred’entreprendre.Ilannoncelesgrandeschosesqueferalefilsquivanaîtredenous.Voilàcommentl’Angedel’Inspirationapporteleprojet,carlagrandeactioninspiréequivasortir,cen’estpasnous qui la ferons,mais elle se fera d’elle-même, pourvu quenousnousprêtionsàcequelagrâcenoustraverse.

    OrZacharie,revenudelaterreurquis’estruéesurlui,quiirruit super eum, à la vue de l’Ange demeure hésitant etdubitatif :D’oùsaurai-jecela? répond-il, c’est-à-dire : jen’ypeuxcroire,nonqu’ilnecroieenDieu,maisparcequ’ildoutede lui-même. Parce qu’il est vieux et déçu, et quoique ayanttoujoursmarché dans les commandements et justifications duSeigneur, sa femme est stérile ; en d’autres termes, sa naturemanque de ce ferment d’ardeur qui rend créatrices des naturesmoins nobles. Zacharie est prêtre de race, d’office et devocation. Il n’a jamais songé que Dieu demandât de lui autrechose que de consumer sa vie comme cet encens en fuméed’agréable odeur. Et maintenant, c’est hors du Temple, c’estdanssamaison,c’estàuneœuvredechairobscureetàlaquellene s’attache l’apparence d’aucun mérite, c’est à cela qu’il estappelé pour le salut du peuple, pour sa joie et sa gloireéternelles.

    Maisàcausedesondoute, l’Ange luinoue la languepourquecelaluiservedepunitionetdeprotectionaussi:c’estpourdire que le conseil de la haute entreprise a besoin d’êtremûridans le silence. D’ailleurs, Zacharie aurait-il l’usage de lalangue et l’éloquence la plus parfaite, comment expliquer aupeuple ce qui lui est arrivé et ce qui adviendra ? Le peupleattend hors des murs la grâce de Dieu tandis que le prêtreintercède,et lagrâceestdéjàvenueetviendraaupeuple,maispardesvoiesquelepeuplen’entendpasdutoutetqueleprêtrelui-même n’entend qu’à demi. C’est pourquoi, jusqu’à l’heure

  • de la naissance, il ne peut faire que des signes, erat annuensillis. Et c’est aussi pourquoi Élisabeth se cache pendant lespremiersmoisdesagrossesse.

    Mais l’Ange qui, le sixièmemois, vient saluer la Vierge :Ave,pleinedegrâce,leSeigneurestavectoi,tuesbénieentrelesfemmes…voici,tuconcevrasentonventreetenfanterasunfils… l’AngeGabrieln’apparaîtpasàMarie,maisilentrechezelle, ingressus Angelus ad eam, dixit. Il est l’Ange de laContemplation, il est l’approche de l’union dans l’extase. Sil’Ange surgit à droite ou à gauche, cela n’est pas dit, s’il setenait debout ou trônait ouvolait,Mariemêmen’en sait peut-être rien.Si j’étais dansmon corps ou dehors, je ne sais, ditsaintPaul,Dieulesait.L’Angeentreet,partoutà la fois, toutestlumière.

    Etcettelumièrecéleste,ellen’estpaspourlesyeuxetcettevoixdivine,ellen’estpaspourl’oreille.Ellenes’arrêtepasàlapointe de l’intellect ni au sommet du cœur. Elle descend auxprofondeursdel’âmeviergeetinviolée,elledescendplusbasetpénètre la chair comme une blessure, elle descend encorejusqu’à celaque le corps adeplus corporel, jusqu’au recès leplus aveugle, le plus sourd, le plus ténébreux, le ventre. Ah !mes enfants, quelle révélation sur la réalité des chosesspirituellesetsur laspiritualitédesnaturelles,sur lesrelationsetlesentrelacementsdecequiestenhautetcequiestenbas!Quelavéritééclairel’intelligence,celaestfortbeau,maisvadesoi ; que le cœur s’élève et s’illumine, c’est fort bien et dansl’ordre des choses ; mais que l’Esprit Saint mette sa marquedanslachairetl’êtreestbousculédefondencombleettoutestaccompli…

    Comment cela se fera-t-il ? demandeMarie, qui s’étonnemaisquinedoutepascommelevieuxprêtreadouté,carelleestneuve,ouverteetprêteàtout.Etl’Angeluienseignecetarcane

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  • On a coutume en Occident d’assimiler l’esprit àl’intelligenceetd’employer ces termes lesunspour les autres,contresens lourddesconséquences lesplus fâcheusesqui rendincompréhensiblesdespointscapitauxde l’Écritureetbrouillelescheminsdelaconnaissanceetdelareligion.

    Mais laconfusioncacheunevéritéprofondeet l’erreurestbien un contresens et non pas un non-sens. Il suffit de larenverser pour toucher au vrai. Il suffit de renverserl’intelligencepouratteindrel’esprit:l’esprit,c’estl’intelligencerenversée.

    Quandonditquel’intelligenceestlaplusnobledesfacultéshumaines, qu’elle est divine en son essence, on dit vrai. Cecaractère divin estmarqué dans l’intelligence par la notion del’InfinietdelaPerfection,quiestinnée,eneffet,enelleseuleetqui ne peut lui venir du dehors par l’appréhension d’aucunechosepuisquetoutessontfiniesetimparfaites,etnepeutdoncêtre en elle que le signe de sa propre essence. C’est sur cettenotionqu’ellerèglesaconnaissancedetoutesleschosesfinieset particulières dans les sciences. Les nombres prennent leurplacesurdeséchellesallantàl’infini,etpareuxtoutsemesure;lespointstrouventleurlieusurdeslignesallantàl’infini;etlesformes géométriques, par quoi tout le sensible atteint à uneconsistancemesurable,seconstruisentà l’intersectiondeplansinfinis.Lesphénomèneset les événements se comprennentparunenchaînementdecausesàl’infini.Sil’onopposeàcelaqu’ilestimpossibledeconcevoirl’infinietqu’onestsaisidevertigedèsquel’onessaie,jerépondsqu’ilestimpossibledenepasleconcevoir, et qu’il suffit de poser une limite, si large qu’ellesoit,àl’espace,autempsetauxvaleurspourquel’intelligenceseporteau-delàavecunrirevictorieux.

    Mais il faut que l’intelligence se retourne, se renonce, seconvertisse,pourqu’onpuisseparlerd’esprit,telquel’Écriture

  • l’entend. Et le premier renversement, c’est de s’adresserdirectementàl’Infinitéauseindelaquelletoutechoseconnueserange, sans que jamais cette infinité devienne objet deconnaissance ; de faire que cette infinité qui donne le vertigeparce qu’elle s’impose en fuyant, parce qu’on ne peut ni laconcevoir en soi, ni rien concevoir sans elle, devienne lasuprêmecertitudeetqu’ellesoitcourageusementappeléedesonvrainomquiestDieu.Cepremierrenversementdel’intelligences’appellefoi.

    Lesecondrenversement,c’estqu’aulieudepartirducroyantpour remonter à travers les choses à l’infini, l’Esprit, desextrémités de l’horizon et du sommet du ciel, descend et fondsur le croyant, et c’est ce qui s’appelle l’inspiration. Par larencontredel’élanascendantdelafoietdusouffledescendantdel’inspiration,lacommunicationdel’HommeàDieus’affirmeetlaconceptionmêmedeDieusecomplète,carc’estdansl’âmeque l’infinité rejoint l’unité et la vie et qu’ainsi les troisprincipauxattributsdeDieuseretrouvent.Etl’âmeàcecontactéclate,reluitetrejaillit,ellerebonditenespritetellepeutdire:monespritexultecarilsauteversleprincipedesonêtre,desonamour,desonéternité,danssonsalut,Dieu.

    Etl’analogiedecequiseproduitdansl’espritdelaViergeetdanssonventres’exprimeencemotdeBèdeleVénérable:«Carl’espritdelaViergeseréjouitdel’éternelledivinitédecemêmeJésus,c’est-à-direduSauveur,dontelleformelachairenune conception temporelle33. » Et saint Ambroise conclut :« Qu’en chacun soit l’âme de Marie et qu’elle magnifie leSeigneur, en chacun l’esprit deMarie et qu’il exulte enDieu,cars’iln’yaselonlachairqu’unemèreduChrist,etcependant,selon la foi, le Christ est le fruit de tous, puisque toute âmereçoitleVerbedeDieu34.»

  • HumilitédeMarie

    De l’exaltation de la grandeur de Dieu dans l’âme, del’exultationde l’esprit enDieu, quepeut-il donc résulter pourl’hommesinonlaconsciencedesabassesse,desonnéant?Etvoilà de quoi naît la fondamentale et première de toutes lesvertusreligieuses,l’humilité.EtdefaitlaViergecontinue:carilaregardél’humilitédesaservante,etlesseptderniersversetsdu Magnificat célèbrent le bonheur de cette disposition quiattirelapuissancedeDieu.

    UngrandserviteurdeDieuetchercheurdevérité35aexclul’humilité des vœux qu’il prononça lui-même et fit prononcerauxsiens,parceque,remarquait-il,«onnepeutpasvouloirêtrehumble».Onnepeutque se forcer àparler avecmodestie, cequi est habile. Et il arrive souvent que l’on tombe ainsi dansl’hypocrisie. De fait, on ne peut devenir humble parce qu’ons’efforcede l’être ;maisd’autrepart,onnepeutpasnepas ledevenir si l’on a l’attention constamment tournée vers lagrandeurdeDieu.Carl’immensitéestunemesureàquoiriennerésiste.Prendreconsciencedel’infiniegrandeurdivine,c’estdumêmecoupprendreconsciencedelanullitédetoutetdesoi.Seconsidérercommeconsidérable,montrerdel’assurance,s’enfler,c’estsimplementoublierDieu.AffirmerDieu,c’estseréduireàrien. C’est pourquoi il ne peut y avoir religion, c’est-à-direaffirmation de Dieu et lien entre Dieu et l’homme, sansl’humilité.

    La méthode qu’on préconise souvent pour celui qui veutacquérir l’humilité, c’est qu’il tienne compte de ses fautes, deses bévues passées, et se rappelle ses hontes, bonne pratiquemaisquin’aboutitpastoujoursàl’humilité,carlesorgueilleuxse butent sans cesse à ces sortes de pensées et cela ne fait

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  • aucommencementetenmêmetempsenprincipe ; lemot latinprincipium, comme le mot grec archè, comporte le sens depriorité,deprimautéetdeprédominance.Or,ceCommencementétait(jeparlehumainement,commedisaitsaintPaul,àcausedelafaiblessedenotrechair41),ceCommencementétaitautempsoùletempsn’étaitpas.C’estpourquoiildemeureprésentàtouslestemps.EtceCommencementouPrincipesubsisteraaprèsladestruction du monde et la consommation du temps. En ceCommencement qui n’a jamais commencé et qui ne finirajamais,encetemps-làquin’estpasuntemps,encePrincipequin’est pasun lieu, en cepoint quin’est nullepart, que riennecontient,maisquicontient tout ; là toutcequi fut faitaeu laplénitude de son être, l’exaltation de son être sensible à soi-même,savie;ettouslesvivantsquisecombattent,s’opprimentets’entredévorentici-basontétéharmonieusementfondusdanslavieéternelleduVerbe.

    Oui, la Vie, cette forme surabondante et débordante del’Être, résidedans leVerbequiest lasève laplusvivanteet laviemême duDieu vivant. Nous distinguons en nous l’être, lavie, la conscience comme trois degrés d’une même chose. EnDieu,lestroisnesesuperposentpas,maiss’égalisentparcequel’unet l’autreégalement immensessesupposent l’un l’autreetsecomposententreeux.L’ÊtreconvientauPère,laVieauFilsqui est le Verbe, la Conscience à l’Esprit Saint. Cependantpuisquedes troisHypostasesouPersonnesdivines iln’estpasfaitmentiondansletexte,maisdelaSecondeseulementsouslenomdeVerbe,nousn’insisteronspassurcepoint.

    Vieetlumière

    Etlavieétaitlalumièredeshommes.Lavieestcequ’ilya

  • deplusobscur,intimeetrecueillidansl’Être,elleestcedontonneforceetnepénètrepaslesecret.Lalumièreestcequ’ilyadeplus manifeste, ce qui se répand également sur tout, à toutmoment, ce qui envahit en un moment l’espace entier. Enpassantbrusquementde lavieà la lumièreaprèsavoirplacé lavie de toute chose dans le Verbe, l’Apôtre joint de façonsaisissante les extrêmes, unit le fondement et le sommet, laprofondeuretlahauteur,l’alphaetl’oméga.

    De même que la parole est la première, la plus parfaite,l’indispensablemanifestationdelapensée,demêmelalumièreestlepremierdesêtresdanscemonde,lepremiercrééselonlaGenèse,leplusparfait,lepluscomplet,leplusprochedeDieu.Etdanstouteslesreligionsetdanstouteslessagesses,Dieuseprésente et se manifeste comme lumière. Je dis bien qu’il semanifestecommelumièrecarcommenon-manifesté,ilestnuit;maisau-delàdel’horizondenosregardsetdenosconceptions,lumièreetobscuritéseconfondent.Entantquemanifestédanslemonde,ilestd’abordlumière.

    Lavisionquelessciencesd’aujourd’huinousdonnentdelamatière nous permet de pénétrer ce texte d’unenouvelle façonquinecontrediraitenrienlatradition,carlalumièreestàlafoisunematièreetn’estpasunematière,elleestàlafoisfinieetelleestinfinie,ellesepropageavecunevitessedonnéeetquel’onapu calculer ; cependant cette vitesse, dit-on, est une vitesse-limite, une vitesse qui ne peut être dépassée car tout ce quiatteindraitcettevitesseperdraitsanatureproprepourdevenirlalumière, comme tout ce qui s’enflamme perd la sienne pourdevenir feu.La lumièreestunepurevibrationet il semblequetouslesêtres,quetouteslesgammesdel’être,quelapenséeetl’âmeelle-mêmesoientdes formesde l’ondeetentrentdans lagrandehiérarchiedesondes,c’est-à-diredelalumière.Ilsembleque la lumière soit en effet aucommencement,puis la lumière

  • devientfeu,quiestunelumièreinférieure,puislefeus’éteintetdevientmatière.Lemondeentiern’est,selonl’expressiondetelsavant moderne, qu’une « maladie de la lumière », unedégradation de la lumière. Puis un jour tout ce qui existerepassera par le feu de la vie et rentrera dans la lumière, toutcommel’enseignentdepuislecommencementlestextessacrés.

    Maisiln’estpasseulementditquelavieétaitlalumière,ilest précisé qu’elle était la lumière des hommes pour indiquerque cette lumière de vie et d’abîme n’est pas celle dont lessavantsmesurentlavitesseavecdesinstrumentsdeprécision,niquelesbêtesvoientavecdesyeuxpareilsauxnôtres,maisqu’ils’agit de l’illumination intérieure ; et pour nous rappeler cetteconsolanteaffirmationetsévèrepromesse:qu’ellenousregarde.

    LeSaint-Esprit

    Uncompagnon:Vousavezparlé,maistropbrièvement,destroisPersonnesdivines. Jen’aide la troisièmequ’unenotiontrèsvague.Qu’est-elleaujuste?

    Réponse : C’est le lien de la première à la seconde. Je nevoulaispasdéveloppercela icipuisque le texten’enparlepas.Maiss’il faut l’appelerparsonnom, la troisièmePersonneestcequelathéologieappelleleSaint-Esprit.C’estparl’EspritquelePèreetleFilscommuniquent.CelienduPèreauFilsestunlienvivant,unliend’amour.

    En Occident on a la très fâcheuse habitude de confondreesprit avec intellect.Decette fâcheusehabitudedécoule l’idéeque le Saint-Esprit représente la connaissance ou la sagessedivine.Orcetteconnaissance,cettesagessesontprécisémentlepropre du Verbe, c’est-à-dire la seconde Personne. À latroisième Personne, c’est l’amour qui convient, l’amour pur,

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  • Du péché, l’Ancien Testament et l’Ancienne Loi nousparlentd’abondanceet ilsnouspourvoient contre lui. Ils nousendonnentdesremèdes,car toutesceschoses tombentsous laLoi.MaisleNouveauTestamentsetourneavecuneparticulièrevéhémence contre cette troisième espèce de mal : le malsupérieur,lepéchéenesprit.Nosfautessontunechosenéfasteet dangereuse, elles répandent autour de nous beaucoup demaux, elles tuent les gens, elles les rendentmalades, elles lesdépriment,elleslesattristent,ellesleségarent.Maisnosvertus,ô nos vertus, quels dégâts ne font-elles pas ! Et comme ellesstimulent et animent cette Ignorance, cette Inconscience dontnousvenonsdeparler, la source laplusnoiredupéché.Quelsempêchements ne sont-elles pas, nos vertus, et avec elles noscuriosités scientifiques et notre culture, et notre amour de lagloire et notre désir de louange et tout ce qui nous fait brilleraux yeux des autres, comme elles nous empêchent de nousretourner sur nous-mêmes et de chercher la vraie lumière.Combiendetempsnouspassons,nousdontletempsestlimité,àrésoudredesproblèmesquinenousconcernentpas,àacquérirdessciencesquinenouséclairentpas,àremplirdesdevoirsquine servent ni à nous ni aux autres, qui ne servent à personnequ’à notre vanité, à notre secret désir d’être justifiés. Et voilàsans doute la raison du terrible verdict du Christ touchant lepéchécontrel’esprit:qu’ilnetrouverapasdepardon.Ceuxquile pratiquent ne trouveront pas le pardon parce que le pardonsupposelerepentiretceux-làsejustifientàleurspropresyeuxetseglorifientlesunslesautres.Quellepartpeuvent-ilsavoiràlamiséricordedivineetcommentleurarriverait-elle?

    Si donc vous voulez que les ténèbres reçoivent la lumière,tâchez que vos ténèbres soient pures. Si vous voulez êtreilluminés,éteignezlesfausseslumières,carsivousavezdanslesyeuxdeslampesdeville,vousneverrezpasl’étoile;etsivous

  • êtes plein de savoir, de satisfaction, de gloire et decontentement, vous suivez déjà le Prince de cemonde qui, eneffet,s’appelaitLucifer,c’est-à-direlePorteurdelaLumière,etétantsatisfaitdelalumièrequ’ilportait,aétéprécipitédanslefeu.

    Cherchez donc la pureté intérieure, la pure obscurité,oubliez ce quevous avez appris, ne vous crispezpas dans vosefforts, restezdétenduset libresdansvotreactionextérieureetdans l’accomplissement de vos devoirs extérieurs comme l’onvousaenseignéàresterrelâchéscorporellementdansl’exercice,afin que la lumière intérieure ne trouve pas un nœud et unebarrière au moment d’entrer en vous. Si vous voulez êtreilluminés,faites-vousobscurs,cherchezl’obscurité,retirez-vousàl’intérieuroùtoutestnoir,rebrousseztouteslespentesaulieud’yglisser,rebroussezlapentedesdésirs,évitez ladistraction,souvenez-vous de l’essentiel, du point petit, petit, petit, pluspetitquelegraindemilletdansl’ombreducœur,entrezparlaporte étroite, abaissez-vous, car si vous ne vous abaissez pas,vous ne serez pas relevés ; si vous vous élevez, vous serezprécipités.

    Maisde tout cela surtout prenezoccasiond’un examendeconscience,nem’écoutezpascommeonécouteundiscours,nem’écoutezquepour rentrerenvous,vousécoutervous-mêmes.Faites le silence intérieur et cherchez l’obscurité : vousn’apprendrezriendevospropreslumières;vousn’atteindrezàrien avec vos propres forces ; vos vertus ne vous serviront derien.Méfiez-vousdevosvertus et devos connaissances.Nousallonsnousrecueillirunmoment,voulez-vous?

  • VII

    Lebaptême

    15novembre1946,rueSaint-Paul.

    Aprèslaparolequenousavonscommentéel’autrejour:Etla lumière luitdans les ténèbres,et les ténèbresne l’ontpointreçue,vientunesortedeparenthèsetouchantJeanBaptiste.Elleestdepeudemots,elleserareprisedanslasuiteetdéveloppée:IlyeutunhommeenvoyédeDieu,sonnométaitJean. Ilvintcomme témoin pour témoigner de la Lumière afin que touscrussent par lui. Il n’était pas la lumière, mais pour rendretémoignagedelalumière.Lesparolesquisuiventserattachentàcellesquenousavonscommentées.Elleétait,lavraieLumièrequiéclairetouthommevenantencemonde.Elleétaitdanslemondeetlemondeaétéfaitparelle,etlemondenel’apointconnue.Elleestvenuechezlessiens,etlessiensnel’ontpointreçue54.

    La période est double selon le style prophétique hébreu,mais ce redoublement n’est pas redondance. La phrase : Elleétaitdanslemonde,etlemondeaétéfaitparelle,etlemondenel’apointconnue,etcetteautre:Elleestvenuechezlessiens,etlessiensnel’ontpointreçue,sontfaitessurlemêmethème,mais touchent pour ainsi dire des plans de réalité différents.Elles vont toutes deux rejoindre la première :La lumière luitdanslesténèbres,etlesténèbresnel’ontpointreçue.Ténèbres,monde, hommes. Reçue, connue, reçue. Les trois phrasestouchentetéclairentpourainsidirelestroismondes:lemonde

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  • réalitélaplustangibleetlaplusobservable,observableauseulpoint où l’univers soit entièrement observable (observable à lafois du dehors et du dedans) : en nous. En nous, dans notrecorps,dansnotreesprit,dansnotrecœur,au-dedansdudedans,là où aucune image ne frappe notreœil, là où aucune ne peutnous tromper. Là, nous ne nous sentons pas comme unemachine ; là, nous savons que nous vivons. Et si nous avonsoublié que tout vit, c’est que nous avons refusé d’être là, denoustourneraupointoùnoussommesvivantsànous-mêmes.

    Jereprocheauxtrop-intelligentsd’aujourd’huiden’êtrepasassez intelligents et en tout cas systématiquement superficiels.Ce qui dépend de l’intellect, du pur intellect, est superficiel.L’intelligencenesaisitquelessurfaceset l’extensionà l’infinidelasciencedessurfacesneluidonneaucuneconnaissancedela profondeur. Bergson fait une remarque digne d’un grandphilosophe et cette remarque est : « L’intelligence humaine sedistingueparune incompréhensionnativede lavie. »Si notrescience reste uniquement intellectuelle, nous ignoronsnécessairementlasubstanceetlaréalitédeschoses,etsurtoutlavie, la simple vie telle que nous en avons l’expériencequotidienne,lecontactimmédiatennous-mêmesetdanstouslesêtresquenousdisonsvivants.Voilàpourquoi il estdonnéauxenfants, aux nourrices, aux curés de village, voire à l’idiot duvillagedeconnaîtrecequiestcachéauxdocteursetauxsavants.

    Vousvoyezquedanscetévangile il s’agitdudiable,et lestrès-intelligentsdeconclurequel’Évangélisteestnaïf.Trèsnaïfceluiquicroitquel’Évangélisteestnaïf.Iln’yapasunmot,pasune ligne de ces textes qui soit vide, insignifiant, inutile,redondantounaïfdanslesensdestupide.Sidoncl’Évangélisteparledudiable avec tantde simplicité, je trouveque celui quirougit de croire au diable devrait rougir de son manque desimplicité.

  • Del’existence

    Quand on parle d’exister, d’être, on se donne rarement lapeine d’expliquer ou même de comprendre de quoi on parle.Ainsi nous voyons quantité de philosophes nous démontrerl’existence de Dieu, depuis Aristote et bien avant, jusqu’àDescartes et bien après. Dans ces démonstrations, on nousdéfinitabondammentDieuetlaconceptionqu’ons’enfait,maisonnégligededireceque l’onentendparexister.Et si l’onsedemandecequecemotétymologiquementveutdire,onvoitqueladémonstrationmêmetourneàl’absurde.Existerveutdire:setenir (sistere ou stare), ex (au-dehors), être un objet. Or,précisément,uneconceptioncorrectedeDieunousenseignequece n’est pas un objet, qu’il n’est pas au-dehors, mais « au-dedansdudedans»,commedit leLivrede lavéritédeparoledesÉgyptiens.Qu’iln’estobjetpourpersonne,qu’ilestlesujetdusujet,qu’ilestlesoidusoi,qu’ilestlecachéducaché,qu’ilestceluiquenuln’avu,caronnevoitquecequiestau-dehors,onnevoitpascequ’onaderrière lesyeux,onvoitcequ’onadevantlesyeux.DoncDieun’existepas:ilest,cequiesttoutàfaitdifférent.Etquandonditêtre,onditun,éternel,nondivisé,parconséquentintérieur,parconséquentnonex-sistant.

    Etdudiableilestencorebeaucoupplusfacilededémontrermétaphysiquementqu’iln’existepas,oupourmieuxdire,qu’àl’inverse de Dieu il existe mais qu’il n’est pas, car le diable,c’estlepéché,c’estlemal,c’estledéfaut,c’estl’ombre,c’estladestruction, c’est-à-dire le retour au rien, c’est le rien. Etcommentlerienexisterait-il?Defait,lerienn’existepasdansl’absolu.Lerienn’existepasauniveaudeDieu,maisnousnesommespasàceniveauetparconséquentilnousestinterditdedire ou de croire qu’il n’existe pas ; il nous est dangereux de

  • direoudecroirequ’iln’existepas.Pournous, il existe,car ilexiste autant que nous, et quand je dis autant, vous verrezcombienmondireestexact.

    Etnous?Sommes-nous?Nousquisommesaujourd’huiicietquiseronstoutàl’heureailleurs,quisommesaujourd’huidesvivantsetquiseronsdemainmorts,quiaujourd’huisommesetdemainne seronsplus?Nousdont lesparoles résonnentdansl’airetaumomentoùellesrésonnent,ellesnesontdéjàplus.Cequiestnepeutcesserd’être,cequiestrestecequ’ilest.Dieuditdelui-mêmeàMoïse:Jesuisceluiquiest,celuiquisuis74(pourquedemeureàlapremièrepersonneleVerbequiexprimelapremièrePersonne).Nous,nousnesommespas,nouspassonsdansl’êtreetcequenousappelonsnousn’estpasnous,commece que les autres voient de nous n’est pas nous. Ce que lesautresvoientdenous,c’estnotrecorps,etcequenous-mêmesvoyons de nous, c’est notre personne. Mais nous savons quenousnesommesninotrecorpsninotrepersonne75.Mêmeceuxquisaventqu’ilsnesontnileurcorpsnileurpersonnenesaventpastouscequ’ilssont.

    Le commun des hommes (et la plupart de nous dans laplupartdenos instants) seprend soi-mêmepour cequ’il n’estpas. Nous appelonsmoi tout ce qui nous limite et nous nie.Nous appelonsmoi ce qui nous exclut de tout, ce qui nousenfermedansunpetit cercle, nous réduit àune forme tangibleousensibleetparconséquentpassagère :notreombreetnotredéfaut;notredémon,lediablefamilierquiestattachéàchacunde nous ; notre volonté propre, comme dirait saint Bernard ;notreamour-propre,sourcedetoutnotremal.SouslesoleildeDieu comme sous le soleil du ciel, notre ombre est attachée ànotrecorps,etnousnepouvonspasnousendétachernisauterpar-dessus.Etcommenousn’avonsquenotreombredevantles

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  • et pour un long temps encore. N’y a-t-il pas là toutes lesmarquesdelatentation?

    Etvoilàcommentnouspouvonsentrevoirquel’Évangilequinous apparaît d’abord comme un amas de petits faits et dediscourscoususboutàboutauhasard,rapprochésdansunsenschezunÉvangélisteetchezunautredansunautresens,estaucontraire un grand poème, une symphonie où chaque chosesonneàsaplace,unecompositionsavanteetpleinedesensparelle-même.Ilestcomposécommeunvitrailavecsespartiesquise répondent, et tout le long du commentaire nous verrons sedessinercettesecrètearchitecture.Vousverrezsurtoutcommelecommencementetlafins’équilibrent.Carlesenseignementsetles événements, les paraboles et les miracles ne prennent leurpleinesignificationquedanslesacrificefinal.

  • IX

    Lespremiersdisciples

    29novembre1946,rueSaint-Paul.

    LesdeuxdisciplesdeJean

    Retournons au récit de Jean où nous l’avions laissé.On acoutumed’opposerl’ÉvangiledeJeanauxtroisautresendisantque c’est l’Évangile spirituel,mais l’Évangile de Jean procèdeexactement comme les trois autres : il use de simplesmots, ilparledesimpleschoses.Noustombonsprécisémentsurundespassageslesplussimplesetlesplusvivants,desplusémouvantsaussi :Le lendemain, Jean était encore là, avec deux de sesdisciples ; et, ayant regardéJésusquipassait, il dit :«Voicil’AgneaudeDieu.»Lesdeuxdisciplesl’entendirentprononcercesparoles,etilssuivirentJésus85.

    Voilàunbelexempledenotresaintpatron86surlequelilestbonquenousméditions,que tousceuxqui formentungroupespirituelapprennentdeluicetteleçon.C’estlui,Jean,quidit:«Voici l’Agneau deDieu », afin que ses disciples le quittentpour suivre le nouveau venu. Cela doit nous enseigner que lavéritén’estpasunparti,niuneentrepriseprofitable,queceuxqui suivent notreméthode ne sont pas des clients à séduire, àretenir,àarracheràd’autresenseignements.Nousdevonssavoirquenousnesommespaslesseulsdépositairesdelavérité,ques’ilyanombredevoies,nombredemaîtres,nombred’écolescen’estpassansunevolontédeDieu,car laVéritéestune,mais

  • leshommessontmultiples;divers,ilsnepeuvents’yaccrocherqueparunevoie,unecertainevoiefaitepoureuxouàlaquelleilspeuventsefaire.Ilfautdoncnousmontrersansaigreurpourceuxquisedétournentdenous.

    Les deux disciples l’entendirent prononcer ces paroles, etils suivirent Jésus. Jésus se retourna, et voyant qu’ils lesuivaient, il leur dit : « Que cherchez-vous87 ? » Les deuxdisciples voient de dos celui que Jean a désigné, eux qui ontcherchélavérité,quil’ontcherchéeparlavoielaplusrude,parlavoiedeJean,àtraversledésertettouteslesaustérités,etvoiciqueJeanlui-mêmedésigneuninconnuetleurdit:«C’estcelui-là»,etilslesuivent.Etsoudainunechosebouleversantearrive:Jésusseretourneetilleurdit:Quecherchez-vous?etici,c’estlastupeuretletumulteintérieur.Ilyatantdechosesàdirequelalanguecaille,quelagorges’étrangle:Quecherchez-vous?–Nous cherchons la lumière, nous cherchons la vérité, nouscherchons leMaître, nous cherchons le Sauveur d’Israël, nouscherchons…Etilsluirépondirent:Rabbi(c’est-à-direMaître),où demeures-tu ? Réponse de celui qui ne sait que dire, quin’osepas,quinesaitplusoùilenest.C’estpoursavoirautrechosequeOùdemeures-tu?qu’ilslesuivent.

    Etl’onsenticiqueJésusbatlégèrementdescilsetsouritdeleurembarrascarilleurrépond:«Venezetvoyez.»Ilsallèrent,etilsvirentoùildemeurait.Oh!suprême,oh!sublimepoésie,sipoésiesignifiemontrerleschosesenlescachant,etdiredeschosessimplesquisonnentdansl’âmeàl’infini.Ilsallèrent,etilsvirentoùildemeurait.Oui,etl’Évangélistenenousditriendecequ’ilsvirent.SibienquenousvoyonsoùJésusdemeuraitsansrienvoir,commeeuxdansleurtroubleetleurstupeurn’ontrienvu,carcen’étaitpaslàcequ’ilscherchaient.Etilsrestèrentauprès de lui ce jour-là. C’était environ la dixième heure du

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  • XI

    DelacraintedeDieu

    13décembre1946.

    Nous voici arrivés aux dernières semaines de l’Avent.L’Aventestunmotqui se situeentreavènement,événement etvenue.C’est lavenueduSeigneur,c’est l’avènementduChristetilyaaussiunmotquiressembleàcelui-làparl’origineetparlesens:c’estlemotaventure.Carc’estlagrandeaventuredansl’histoire éternelle, dans l’histoire historique et dans l’histoireintérieure.Onditquelesbergersquireçurentlanouvellesurlamontagne, dès qu’ils entendirent les anges, furent pris d’unegrande crainte, d’une grande crainte d’abord et d’une grandeallégresse ensuite. Nous nous arrêterons simplement au motcrainte, nous ne pousserons pas plus avant notre commentaireaujourd’hui, attendu le trouble que ce mot a jeté dansl’assistancelorsqu’ilm’estarrivédeparlerdelacraintedeDieu,et lesdiscussionsauxquelles lemotadonné lieuentrevousetquim’ontétérapportées.

    Plusieursbonnesâmesetpieusespersonnesnousontmêmequittés, indignées de ce que je voulusse rétablir cette noirecoutume de craindreDieu.On nous amême accusés de n’êtrepas chrétiens, ou dumoins d’être chrétiens à la façon du noirMoyenÂge (car il estbienentenduquecetteépoquehauteencouleurs et pleine de lumière estnoire pour les gris que noussommes).On nous a opposé que si la crainte est le sentimentfondamental qui inspire l’Ancien Testament, le Nouveau

  • TestamentestlarévélationduChrist,celled’unDieutoutamouretquelacraintedoitdisparaître.Onanégligédenousopposerl’unique texte chrétien, je crois, qu’on puisse citer pourdéfendre une telle thèse, et ce n’est rien de moins que laPremièreÉpître de saint Jean, où il est dit : Il n’y a point decrainte dans l’amour,mais l’amour parfait bannit la crainte,carlacraintesupposelechâtiment.Celuiquicraintn’estpointparfait dans l’amour.Nous donc, aimonsDieu, puisqueDieunousaaiméslepremier99.

    Quandonnousprésente ledoux Jésus commesidoux,onoublielamoitiéoubienlestroisquartsdel’Évangile,onoublieque le doux Jésus a fulminé contre les hypocrites et lespuissants de ce monde tout autant que n’importe lequel desprophètes d’Israël et qu’il n’a eu aucundéplaisir ni remords ànouerunecordeetàchasser lesbestiauxet lesmarchandsquiavaient envahi le Temple, à renverser leurs tables. Et qu’il estplein de paroles dures, âpres, poignantes, déchirantes. Il fautqu’on écoute et lise l’Évangile avec les oreilles et les yeuxbouchésparl’habitudepourn’ypointvoirlefeu!Sepeut-ilqueles chrétiens aient vidé de sens leur propre tradition, au pointd’en arriver à ignorer le sentiment fondamental non seulementde la leur,maisde toute religion !Qu’ilsaientperdu tout leursel ! Qu’ils éludent le noyau du fruit, qu’ils oublient qu’aucentre et à la fin de tout il y a la croix, la croix, les clous,l’épongedevinaigre, la lance, la flagellation, le couronnementd’épines,le:Seigneur,Seigneur,pourquoim’as-tuabandonné?Toutcelaest-ildoux,délicat,délicieux,aimable?

    Oui,leChristesttoutamour;oui,ilesttoutl’amour;maisilneseraitpastoutl’amours’ilétaitsidoux.Carl’amour,celuiqueleChristenseigne,c’estl’amourdontonmeurt.Cetamourestunabîme,c’estunfeudévorant,commeditsaintPaul.Notre

  • Dieu est un feu dévorant100,un glaive à deux tranchants quisépare l’os de la moelle, qui pénètre toutes les pensées et lecœur101,etchacunestnudevantl’œildeDieu102.Celaest-ilsidoux ? Et puis comment finit l’Évangile ? Le NouveauTestament?Ilfinitcommefinittout.Aprèsnosœuvresbonnesoumauvaises,quedoit-ilarriver?Qu’est-cequifinitlelivredeDieuetlelivredumonde?L’Apocalypse,avecsespestesetsesfléaux,et lesbêtesquisortentde lameret lesoleilcommeunsacdecrinetlesétoilesquitombentcommedesfiguesvertes,ettoutcelaest-ilsidoux?

    ChaquefoisqueDieuserévèledirectement,dansl’Évangilecomme ailleurs, quand les disciples ou les assistants ont lesentiment immédiat de la présence de Dieu, la crainte estinévitablementcequisedégagedecetterencontre.Quand,aprèsla pêche miraculeuse, Pierre sent Dieu en Jésus, il lui crie :Éloigne-toidemoi,carjesuisunhommecoupable.EtquandleChrist réunit Pierre, Jean et Jacques sur la montagne et setransfigure à leurs yeux, qu’arrive-t-il ? Est-ce qu’ils jubilent,ces disciples, à la présence de ceDieu tout amour, de ce trèsaimableDieu?Ilstombentlafacecontreterreetc’estl’attitudequiconvient,laseulequisoitpossiblequandvraimentDieuserévèle, quand il se révèle autrement qu’en paroles et dans defadesimaginations.

    Je lirai quelques textes tirés des Pères grecs. Clémentd’Alexandrie dit : Le premier pas vers le salut c’est la foi.Viennent ensuite la crainte, l’espérance, la pénitence, lamaîtrise de soi, et la patience qui, en se développant, nousconduisentàlacharitéetàlaconnaissance.

    Évagredit:Lafoi,enfants,sefondesurlacrainte,celledeDieu.Lacrainteàsontoursurlamaîtrisedesoi.Celle-ciestaffermie par la patience et l’espérance dont naît la liberté

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  • pouvoirdeprocheenprochesurlesbêtesetsurleséléments,etc’est pourquoi il est dit d’Orphée que son chant charmait lesbêtessauvages,etc’estpourquoil’histoirenousapprendquelesalchimistesétaientcapablesde transmuer leséléments, c’est-à-dire non pas de décomposer, d’analyser, de tuer les corpsminéraux mais d’en pénétrer l’essence intime et la vitalitécachéeetdelesfairepasserrapidementàtraversuneévolutionqui, dans la nature et selon le courant ordinaire des choses,dureraitpendantdessiècles.

    Voilà dans les grandes lignes comment se définissent lesmages que la tradition des imagiers nous présente comme desrois. Mais vous avez à peine remarqué que le texte ne parlenullement de rois et que l’on peut aussi bien croire que lesmagesétaientdesphilosopheserrantsaumanteautroué.Jamaislatransmutationdel’orn’aenrichilessagesquienpossédaientlesecret,car ilsnecherchaientpas lapossessionde l’ormort.Les alchimistes appellent mort ou vulgaire l’or que nousconnaissons,l’orquel’onmonnaye;maisl’ordontilsparlent,c’estl’orvif,commeilsdisent:l’orvivant,l’ordevie,degrainfixe, lagrainede la lumière.Leurmanièrede transmuerestunartdejardinier,carlagrainedel’orseplantecommeunegrainede sénevé et, plantée, elle croît et multiplie, elle croît etmultipliepourlesageseulementetparl’effetetenlaprésencedu sage. Celui qui, non sage, voudrait se livrer à la mêmeopération n’arriverait qu’à cuire et recuire une matière morte.Toutmageestroietlesimagesontraison.Roidanslesensoùlemotestemployéquandonparledu«yogaroyal»;leyogaroyalest celui qui consiste à lamaîtrise des sens, à lamaîtrise despuissances de l’homme. Et toute royauté n’a de prestige quemagique.

    Silaroyautéapresquedisparudelaterreaujourd’hui,c’estparce que la réalité magique a disparu de notre monde, cette

  • fusiondontjeparlais,desavoir,depouvoiretdevie,lepouvoird’augmenterlavieparlesavoiretnonpasdeladissocier,deladessécher,deladisperser,delamécaniser.Orlesroismagesquel’onfigurejustementcommedevénérablesvieillardsprésententleur offrande à l’Enfant : c’est l’hommage de toute la sagesseantiqueauPrincipedelanouvellesagesse.

    L’or,l’encensetlamyrrhe

    Etquelleestcetteoffrandeetcetrésor?L’or,l’encensetlamyrrhe.Lestroisprincipesdontusaientlesalchimistes,savoir:lesel,lesoufreetlemercure.

    Le soufre, c’est le pouvoir transfigurateur du feu, c’est leprincipedufeu.Poursesublimer,c’est-à-direpourchangerdenatureets’éleververslalumière,leschosesdoiventpasserparlefeu.Maisavantdepasserparlefeu(lepassageparlefeu,vousl’avez reconnu, c’est celui qui est figuré ici par l’encens), lachose a été lavée à l’eau, à l’eau-de-vie comme disaient lesalchimistes,c’est-à-direaumercure,figurépar lamyrrhe.Voicidéjà,puisqu’ilnes’agitpasseulementdetransmuerlesélémentsminéraux,maisprincipalement,sinonuniquement,desélémentsintérieurs,voicidéjàfiguréslesdeuxbaptêmesdontnousavonsparlél’autrefois:lebaptêmedel’eauetceluidufeu,dusangetdel’esprit.

    Lesel121incorruptible,puretblanc,c’estcequicondenseetcristallise.C’estpourquoionassocieausell’idéedelasagesse,à lafois leprincipeconcretet leprincipesavoureux.L’or, l’orvifestlerésultatdetouteslesopérationsdusel,dusoufreetdumercure.Ilestlasublimationdelamatière.L’or,c’estunegouttedelumière;l’orvif,c’estunegouttedelumièrequiesttiréedufondde lamatière, et le selblancest leprincipequidemeure,

  • une fois filtrée la matière première noire. L’or lumineux ourouge,métaloupierre–métal, c’est-à-dirematièrequi rend lalumière;pierre,c’est-à-dirematièrequisepénètredelumièreetne rend pas d’ombre –, c’est la matière parvenue à l’extrêmelimite de sa purification, dense et claire. L’or est une pierrephilosophale,unepierredevérité.Cequiestvraiest,nechangepas,nebougepas,c’estlerésultatdelatransmutation,c’estunêtreinaltérableetdense.

    Les deux principes qui ont servi à la transmutation sontdoncl’unfluide:lamyrrhe,quireprésentelemercureetl’eau;l’autre volatil : l’encens, qui représente le feu et la fumée (etaussileparfumdecettefuméefineentretoutesqu’estlafuméedelatransfigurationintérieure).Maislebutestlacondensation,legrainestungraindenseoùtouteslespuissancesquisortirontdecegrainetquisedévelopperontdansl’airetdanslalumière,toutescespuissancessontramasséesenunpoint.Etpourmieuxfigurerlavéritédecequejeviensdedire,l’orestportéparunmagequialacouleurnoireetquifigurelamatièrepremièreetlaterremère.

    Mais regardons de plus près le triple trésor des magescommeélémentsdelavieintérieure.

    Lamyrrhe,c’estlebaptêmedel’eau,lebaptêmedeJean,lapénitenceetlapurificationascétique,c’estl’exercice.

    L’encens,c’est laprièreet lesacrifice, laconsommationdelacharitéetdelaferveur,lebaptêmedefeuduChrist.

    L’or,c’estlefruitdutravailspirituel:c’estlaconcentration,leprincipedel’êtrenouveau,lacondensationetlafixationdelalumière.

    LesmagesoffrentcetrésoràceluiquiseraleRoidesrois,leBergerdesbergers, leMagedesmages, legrainvifentre tous,l’Enfant, l’Enfant intérieur. Tous les miracles de magie neservent qu’à reconnaître et qu’à glorifier, qu’à développer la

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  • n’est pas dans le ciel extérieur et lointain que nous latrouverons,maisdans l’ombreducœur,dans lesecretdenotrehumanité,arched’alliance,tourd’ivoire,demeured’or,causedenosdélices,vasespirituel,notrepropreâme.

    Quantàl’Enfant,iln’estpasseulementenfantetsaint,maisbienDieu,etc’estpourtantunenfantnu,unenfantpauvre,unenfantnéhorsdelamaison,unenfantquin’apasmêmecequel’enfantd’unpaysanalejourdesanaissance:unberceau.Ilestcouchédanslacrècheetdansl’orpauvredelapaille,etvoyezcomme l’or de la paille est pauvre : c’est la matière la plussèche, la plusmorte, la plus commune et elle a la couleur desrayons du soleil, et l’aspect de la chose la plus précieuse. Lacrèche,avec l’Enfantaucentrede lacrèche,estune réduction,unrappeletunrenversementdusoleil,cachéaucreuxdelaterreglacée.

    L’Enfant rayonne dans la paille… oh ! non pas d’unelumière éblouissante, mais d’une lumière filtrée et tremblantecomme la lumière d’une chandelle. Et la chandelle, nous laprotégeons de nos mains, de peur qu’un courant d’air nel’éteigne.

    Or,telleestlanouvelleimagedeDieu,l’imageabsolumentnouvelle du Tout-Puissant. Tel est le renversement et lescandale, la folie pour les païens d’autrefois et les païensd’aujourd’hui.C’estparcequ’ilestdésarméetbesogneux,c’estparcequ’ilestnuetcaché,c’estparcequed’uncoupdepoingnous pourrions l’écraser, c’est pour cela que nous allons à luinous agenouiller, c’est pour cela qu’il nous attire d’un sipuissant attrait, c’est pour cela qu’il nous saisit du dedanscommel’hameçondanslabouchedupoisson.

    Ce n’est pas ainsi que Dieu s’est d’abord présenté auxhommes. Il s’est présenté d’abord sous l’image bruyante dutonnerre, sous l’image brillante du soleil, au besoin terrible et

  • destructeur, au besoin incompréhensiblement cruel, maispuissant, Lui le Dieu vivant, le Dieu des armées. Et tel ildemeurecommeleTout-Puissant,lePèreéternel,leRoiduciel,assis sur lespontsduciel, le créateurduciel etde la terre, leCréateurducieletdel’enfer,celuiquivientpourlejugementetdanslamort,celuiquipassedanslefeuetlesfléaux,celuiquicasseralesroiscommedespots,celuiquifrapperalesfortsavecunevergedefer,celuiqui rompra lesnuques raides.Celuiquisonde les cœurs et les reins, celui à qui personne n’échappe,celuiquiiraàsesfinsquinesontpaslesnôtres,celuiquifaitsavolontésansdaignernousl’expliquer,celuiquiexigetoutetquinenousdoitrien.

    Ilestencorelàetdansl’éternité,leDieuterribleetjaloux,leDieuquinousveuttoutentiersetquinousaimejusqu’àlamort,quiestcommeunfeudévorant.Maisvoiciqu’ilnousparaîtsousune autre forme, voici que d’extérieur, céleste et solaire, ildevientterrestre,intérieur,tendreetmêmefaible.Desortequ’ilnoussaisitparenhautetqu’ilnousprendcommepar-dessous.Pour l’adorer nous devons aussi renverser l’ordre de nossentiments, retourner l’échelledesvaleurs, renverser lesensdenotre amour. Noël ouvre de nouvelles perspectives, crée denouvellesdimensionspournousafinque,selonsaintPaul,nousconnaissions la hauteur, la largeur, la longueur et laprofondeur126.C’est unnouvel amour inconnuauxpaïensquiserévèledanslemystèredecettenaissanceetquinousappelleàlasecondenaissance,àunenaissancecélestedanslachair,dansle temps, dans le siècle, dans ce cœur, dans ce corps, nousappelleànaître,àrenaîtrenous-mêmes,ettoutdesuite.

    Le mystère de Pâques est celui de la résurrection dansl’autre monde, mais le mystère de Noël est celui de notresecondenaissancedanscemonde-ci,del’entréeauroyaumedes

  • cieux qui est dans nos cœurs, de l’introduction à laconnaissanceduChristquiestennousetquiestnous-mêmes:«cetAutreennousplusnous-mêmesquenous127».

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  • culture;celaaussidemandeàêtrerejeté.Unpauvre,unbesogneuxàcausedel’espritpeutencoreêtre

    riche de la satisfaction de son propre savoir : riche, content,rassasiédesjouissancesquesonespritdonneàsoi-même.Maisl’homme de l’esprit, je dis bien l’homme de l’esprit et nonl’homme d’esprit140, l’homme de l’esprit doit savoir renoncerou doit au moins vouloir renoncer aussi à ces richesses-là etdevenir simple, rechercher la simplicité qui est le signe et lesymboledel’unité.Carlesrichessesdel’intellectontlemêmeeffet que les autres richesses ; cet effet est la satisfactionartificielle immédiate et facile. La richesse est mauvaise parcequ’elle donne des satisfactions artificielles, faciles etimmédiates;lapauvretéestbonneparcequ’elledonneduprixàtoutechose,enrendant toutechosedifficileetenenseignantàcelui qui veut vaincre sa propre pauvreté, la vaincre et non lafuir,enenseignantàcelui-lààsedégagerdudésiretdel’objetdudésir,afindereprendreensoisondésiretdeletournerversunobjetéternel.

    La connaissance de l’intellect a pour effet de mettre dansl’âmeunemultituded’objets,dediviserl’âme,demultiplierlesoccasionsdesedistraire.Pourquoilarichesseest-ellemauvaise? Parce qu’elle est une immense distraction, ou dumoins unetentation si forte qu’il est presque irrésistible d’êtrecontinuellementdistrait.Distraitdequoi?Distraitdesoi.Etlatentation n’est pas moindre, elle est même plus secrète etpénétrante quand les richesses sont des curiosités, de vainesspéculations, d’excessives délectations esthétiques, desconnaissances,quandcesontdesrichessesdel’esprit.Aussilatraduction ordinaire « heureux les pauvres d’esprit » qui nousévoque l’idée d’hommes ingénus, stupides et peu instruits,n’est-ellepasabsolumentàrejeter.Souvenons-nousavecquelle

  • extrêmerigueursaintFrançois,qui s’étaitdonnéà lapauvreté,excluaitet rejetait les livresetcommeilamaudit,mauditsanspardon avec une dureté effrayante celui de ses disciples quis’était faitprofesseurà l’universitédeBologne.Nouspouvonssonderparlàcombienlesdifférentssensdepauvresenespritetpauvresd’espritsetrouventconjointsetliés.

    La pauvreté qui fait donc l’objet du premier enseignementdes Béatitudes est une pauvreté totale : pauvreté de corps, decœur et d’esprit. Pauvreté réelle et pauvreté symbolique. Lesbesogneux ont faim, ils ont soif, ils demandent, ils tendent lamain.Pourtendrelamain,ilssemettentauplusbasdel’échellehumaine,ilsbaissentlatête,ilsaffirmentleurpropreindignité,ils oublient leur orgueil, ils renoncent à l’esprit de lutte quienseigneà touthonnêtehommeàsefaireenversetcontre tousuneplaceausoleil.Pareilleàcelledubesogneuxest l’attitudedu disciple qui veut entrer dans le royaume des cieux : il seplaceauplusbas,iltendlamain.

    Soyez besogneux de l’esprit, soyez mendiants de l’esprit,mendiez lepainde l’espritàquipeut ledonneretnecraignezpas de vous humilier devant celui-là, comme fait le mendiantdevantlepremierhommequipasse.Voilàlaconditionetquandelleestacquise,l’Espritmêmeestacquis,cariln’estpasdit:leroyaume des cieux sera à vous. Il est dit : « Le royaume descieux est à vous » dans les deux textes. Par le seul fait dudépouillement total,vousêtesentré totalementetdèsàprésentdansleroyaumedescieux.Sivousn’êtespasdansleroyaumedescieux,c’estquevotre renoncementaquelquedéfaut.C’estque vous êtes attaché par quelque côté à quelque chose ou àquelqu’un. C’est qu’au plus profond de vous-même il estquelque richesse à quoi vous n’avez pas renoncé. Si cerenoncementétaitabsolu,lavictoireneseraitpasunepromesse,maisunfaitquevousconstateriezdevous-même.

  • II-Heureuxlesdoux,carilsposséderontlaterre!

    D’autres traductions donnent « heureux les débonnaires ».Maiscen’estpaslafautedutraducteursilesdeuxtraductionssontmauvaises, car lemot françaismanque qui traduit lemotgrechoïpraêis et le latinmites.Mitis, c’estdoux et enmêmetempscalme.Heureuxlesdoux,humblesetcalmes.Humbleestunmot qui vient dehumus, ethumus veut dire terre : la terrenourricière, la terre d’où sortent les plantes. Celui qui esthumble est semblable à la terre qui nourrit les graines et quiportedufruit.Commeelle,ilseplacebas,commeelleilestnonséparé,ilestlelieudelanon-séparation,caràlaterretoutfinitpar retourner et l’oiseau qui s’envole ou l’homme quis’enorgueillitretournentl’unetl’autreetpresqueaussivitequel’autre,àlaterre.

    «Heureux leshumbles,car ilshériterontde la terre !»Cen’est que justice, car le semblable retrouve le semblable. Lecalmeestlecôtépassifetnégatifdelasagesseenmêmetempsquesasoliditéfondamentale:c’estlaterredelasagesse.Voilàpourquoil’héritagedelaterreestpromisauxcalmesalorsqueleroyaumedes cieux revient aux ardents de la sagesse, ceux quirenoncentà toutetsouffrentpersécutionpourelle(premièreethuitièmebéatitudes).Ceuxquis’enorgueillissentretournerontàla terre, retomberont sur la terre, se fracasseront sur la terre,périront dans la terre. Mais les doux, mais les calmes, maisceux-làquines’élèventpas,ceux-làhériterontdelaterre,quandlavolontédeDieuserafaitesurlaterrecommeauciel.Toutesles ambitions des autres retomberont sur elles-mêmes et sebriseront les unes contre les autres.Les doux finiront par êtreplus forts que les forts : telle est la promesse comprise danscetteBéatitude.

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  • veut être mon disciple est comme le roi qui avec dix millehommes marche au-devant d’un autre roi qui vient l’attaqueravecvingtmille,etnesedonnepas lapeinedes’asseoiretderéfléchiretd’envoyerunambassadeurpouravoirlapaixpendantquel’autreroiestauloin;et ilestcommeceluiquiveutbâtirune tour et ne s’est pas donné la peine de réfléchir s’il a lesmoyensdelaterminer…»

    En effet, quiconque possède doit s’occuper de ce qu’ilpossèdeetdoitdéfendrecequ’ilpossède,etildevraitenmêmetemps,pourêtremondisciple,s’occuperdeschosesspirituellesetsedéfendredesentraînements.Maiscelan’estpaspossible,celaestinsensé,celaestridicule,celaestdignedefairerirelespassants.Celui qui possède abeau semontrer le pluspaisibledeshommesetdirequ’ilneveutnuireàpersonne,qu’ildésiremême être généreux, sa fortune travaille contre autrui à sonprofit.Safortune,qu’ilaitdesterresoudesaffaires,safortunegérée par les administrateurs exploite les gens ; sa fortune, sielle n’est défendue par lui, sera défendue par l’État, parconséquent l’acquisition ou la gestion de sa fortunel’embarquent dans une entreprise semblable à la constructiond’unetour.Etpourdéfendrecequ’ila,oupourquecequ’ilasedéfende de soi-même, voilà qu’il se prendra dans le train desaffairespubliques.

    Ilferaitmieuxderéfléchir,d’avoirunpeudesel,c’est-à-direunpeudesagesseetdeserendrecomptedecequ’ilneviendrapas à bout de sa double tâche de posséder sa maison, soncommerce ou sa terre et en même temps d’être le disciple duChrist.S’ilcroityparvenir,ilestinsensé,ets’ilprétendqu’ilnegardesesbiensquepourlesemployerauserviceduChrist,ilestdeuxfois insensé ;àmoinsqu’ilnesoithypocrite.Ainsidoncdéjà la suite des paragraphes se rétablit et nous pouvons lired’affiléetoutledéveloppementàpartirde:Siquelqu’unvientà

  • moi,ets’ilnehaitpassonpère,samère,safemme,sesenfants,ses frères,et ses sœurs,etmêmesaproprevie, ilnepeutêtremondisciple.

    Cela se suit et se tient ; voici comment : pour être mondisciple vous devez renoncer à vos affections et à vosattachementshumains159,àvospetites famillesetàvospetitesaffaires, à vos petites patries.Et si vous voulez garder tout enmêmetemps,sivousvoulezm’avoiretavoirenmêmetempslesrichesses et les honneurs du monde, si vous voulez servir enmêmetempsDieuetMammon,vousêtesuninsenséet iln’yapointdeselenvous.Vousavezunsel,unesagessequiaperdusasaveur,c’est-à-diresaraisond’être.Vousêtessansdoutetrèsintelligent dans vos affaires, mais vous avez seulement oubliél’essentiel. Vous êtes un gros malin et un grand fourbe, maisvousalleztoutdemêmeàundésastreetàundésastreridicule.Vousentrouvereztoujoursundeuxfoisplusfortquevouspourvous écraser, ô vous les rois dont le but est d’étendre vosdomaines jusqu’aux extrémités de la terre, vous faites un troudansl’eau!Vousferiezmieuxdevousasseoiretderéfléchir.

    Et cela est crié aux grandes foules qui cheminaient avecJésusetc’estpourquoicediscoursseconclutparcesmots:Queceluiquiadesoreillespourentendreentende.Carilestévidentquelafoulen’ariencomprisàcediscours,etcombiend’entrenous font partie et feront jusqu’à la fin partie de cette foule ?Les grandes foules suivent Jésus parce que Jésus est unpersonnage prestigieux, parce que Jésus fait des miraclesétonnants,parcequ’elles trouvent intéressant,curieux,amusantet peut-être profitable de le suivre, et Jésus se retournant leurdit:

    «Sivousvoulezmesuivre,cen’estpasavecvospieds;sivousvoulezm’entendre,cen’estpasaveclesoreillesquevous

  • tendez versmoi que vous allezm’entendre. Si quelqu’un veutvenir à moi, il peut venir, je n’y mets aucune barrière, jen’affectepasdemerendre inaccessible, jenemeretranchepasderrièrede fauxmystères, jenecachepasmesvéritésdans lessouterrainsd’untemple.Jedislavéritétoutouvertement,maisilfaut savoir m’entendre ; je donne la béatitude, je promets lesalut, je donne le salut, et je ne demande pas une obole enéchange. Je demande seulement ceci : renoncez à père, mère,fils, fille, frère, sœuret autres.Renoncezàvos fortunes, àvosentreprises, à vos ambitions politiques, à vos espérancesnationales.Renoncezàtoutcequevouspossédezetvenez.Vousserezalorsenétatde recevoir lebonheurque jedonne,que jeprometsetquejedonne,quejeneprometspasseulement,maisquejedonne,quiestàvousdèsquevousavezrenoncéàtout.»Heureuxlespauvrescarleroyaumedescieuxestàeux.

    Salédefeu

    Et maintenant revenons à Marc. Chez Marc ce qui m’afrappéleplus(jenesaispassic’estvotrecas),c’estl’étonnanteparole :Car tout homme sera salé de feu160. « Sera salé defeu»,etoùcetteparoleest-elleplacée?Entrequoietquoicettepensée est-elle coincée ? –Coupe tamain !Coupe ton pied !Arrache ton œil ! Cela vaut mieux que d’être jeté dans lagéhenne,oùlevernemeurtpointetoùlefeunes’éteintpoint.Etaussitôtaprèscefeud’enfer:Cartouthommeserasalédefeu.Etaussitôtaprèsceseldefeu:Leselestunebonnechose.Maissileseldevientinsipide,avecquoil’assaisonnerez-vous?Ayezduselenvous-mêmes,etsoyezenpaix(tiens!),enpaixlesunsaveclesautres.Voilàbiendesfeuxpourarriveràlapaix.

    Ettoutevictimeserasaléedesel.Leseln’estpasseulement

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  • mauvaises,dedésastreusesconséquences.Voyonsd’abord labonne raisondesemontreretdeparler.

    Elleest inscriteen toutes lettresà la findececommandementchaque fois qu’il se présente, et voici comment finissent lesdeuxpassages:afinqueleshommesvoientvosbonnesœuvresetqu’ilsglorifientvotrePèrequiestdanslescieux.Etl’autre:afin que ses œuvres soient manifestées, parce qu’elles sontfaitesenDieu.Voilà la raison,voilà la conditionpourque lesbonnesœuvresetpourquelavéritésoientvues,etvoilàaussilabonnemesurepourconnaîtres’ilyalieuous’iln’yapaslieude manifester cette vérité et cette bonté publiquement. Cettemanifestationest-elleinspiréeparledésirdeglorifierDieu,oubienparceluidenousglorifiernous-mêmesennotrepersonnecomme font les hypocrites qui sonnent de la trompette sur lesplacespubliquespourannoncerqu’ilsvontdistribuerl’aumôneet qui prient à haute voix ? Chose qui ne se fait plusaujourd’hui,mais il s’en fait biend’autres équivalentes.Àquivalagloire?Voilàcequedoitsedemanderceluiquisemontreetquiparle.Etquiestceluiquiparle?Est-cemapersonne177ouest-cemoi,etDieuenmoi?Sic’estmapersonne,qu’ellesetaise et qu’elle disparaisse, qu’elle fasse la seule chose pourquoielleesttolérée:qu’elleserve,qu’elleserveàsignifierautrechose qu’elle, qu’elle serve autre chose qu’elle, la suprêmeChose.

    Mais il n’y a pas qu’un scrupule délicat qui nous invite ànouscacheretànoustairesicen’estpaslavéritéquiparleennous. Même si c’est la vérité qui parle en nous, il nous fautquelquefoissavoirnoustaire.Lessagesdetouttemps,etJésusChristlepremier,nousontdonnél’avisdenoustaireetdenouscacher,de taireetdecachercequenousavonsdemeilleur,depeur d’avoir eu notre récompense en le montrant. Et aussi de

  • peur d’autres dangers. Les sages d’autres temps ont poussé lesecret très loin et non sans raison : pour quatre raisonsprincipales,etjediraimêmecinq.

    1. La première, c’est que savoir c’est pouvoir et qu’il neconvient pas de mettre le pouvoir dans la main des indignes.C’estcequeJésusexprimeparcesmots:depeurquelesporcsseretournantnevousdéchirent178.Sivousavezunpistolet, ilne vous convient pas de le placer dans les mains d’un foufurieux.Sivousavezun rasoir, ilneconvientpasde lemettredans les mains d’un chimpanzé qui court dans une maisonpleine d’enfants, de peur que ce chimpanzé, comme les autresciviliséssesconfrères,n’égorgetoutcequ’ilyadanslamaisonetlui-même.

    C’estévidemmentpourquoilesgrandssecretsdelascienceontétécachésavecleplusgrandsoinjusqu’àcejour,cachésparlesprêtreségyptiensquilesavaientétudiésetlesconnaissaient,cachésparlessagesdelaChineetparlessagesempereursquilesgouvernaient,cachésmêmedansdesempiresaussimauvais,aussipourrisdevicesquel’Empireromain.Ilafalluenveniràla folie d’aujourd’hui pour laisser, et avec quelle satisfaction,avec quelle inconscience, avec quelle criminelle imbécillité, lasciencerépandresesdégâtsetdonnersesfruitsdemort.

    C’est pourquoi les alchimistes duMoyenÂge, qui étaienttous les joursencontactavec lespuissances formidablesde lanatureetquilesconnaissaientbeaucoupmieuxpeut-être179queles chimistes d’aujourd’hui, se sont tus avec un soin jaloux.Souspeinedemortonnelaissaitpasallerunsecretdangereuxparcequ’ilpouvaitdéchaînerlespuissancesélémentaires;onnele transmettait qu’à des adeptes longuement éprouvés. Onn’inscrivait le résultat des expériences que dans un langage

  • chiffré,incompréhensiblepourceluiàquionnel’expliquepasdebouche à oreille, et nous nous trouvons encore aujourd’huidevantcestextesstupéfiants.

    Les sages savaient que le savoir n’est un bien que s’il estaccordé avec toutes les vertus de celui qui sait ; qu’un savoirdébordant, disproportionné, éclatant, versé dans une naturebasseouinsuffisammentfiltrée,nonseulementn’estpasunbienmaisestunmaltotal.Ilfallaitdonc,pourtransmettreàl’adepteune vérité (et je ne parle ici que d’une vérité extérieure etnaturelle),quelecaractèredel’hommefûttrempé,illuminé,queladirectiondesavie fûtassurée,que labonne intentiondesarecherchefûtdémontrée,quesonabsoludésintéressementnefîtaucun doute. Alors, un à un, avec une extrême lenteur, onpouvaitluiconfierlesperlesdusavoir,legrainfixeetl’orvif,lapierre philosophale, la pierre de transmutation, le principe duchangementintérieur,afinquelalumièresefîtdansl’esprit,afinque le cœur rendît grâces à Dieu, et non pour les livrer auxusines et aux armées,moyennant finance, décorations et titreshonorifiques.

    2.La seconde raisonpour se taire etpour cacher cequ’onsait,c’estqueconnaîtreestunemanièredenaître,uneopérationdevie,etquetouteviesecache.Iln’yapasdecréaturevivante,fût-ceunemouche,quinecacheetne tiennesecret leprincipequi la fait vivre. Si vous ouvrez une graine elle sèche, si vousouvrezun lézard ilmeurt,sivousétalezunevéritéellemeurt ;pourquelavéritésoitunevéritévivante,ilfautquesoncentresoit profond, soit caché, soit connu dans une forme qui seuleapparaît, tandis qu’elle-même n’apparaît pas. Il faut donc àl’égard de la vérité, et dans la mesure où cette vérité estprécieuseetprofonde,ilfautgarderunepudeur.C’estpourquoiles religions n’ont jamais expliqué l’objet de l’adoration, ne

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  • Élogedelaloi

    C’est bien ainsi que la tradition occidentale interprète cepoint du Sermon,mais trop sans doute, car l’interprétation nepeut faire exclusion de la lettre. L’on a rejeté non seulementl’iota et le trait de lettre, mais la lettre et la parole, mais lesparagraphes l’un après l’autre, avec leur sens, et l’esprit dulégislateuraveceux.Carsi leChristaprotestécontre lesabusparalysantsetabêtissantsdesobservances,etcontrel’orgueiletla fourberie de ceux qui s’abritent sous la loi et se croientjustifiésparelle,jamaisiln’areniécetteloinil’espritdecetteloi. Son histoire démontre qu’il se soumettait aux ritestraditionnelscommetoutbonfilsd’IsraëletquechaqueannéeilmontaitauTempledeJérusalempourlaPâqueetmêmeaupérildesavie.

    Ornousensommesvenus,danscemondeoccidental,àneplus rien considérer comme impur, comme souillé, comme nedevantpasêtretouché,nedevantpasêtredit,nedevantpasêtrepensé.Nousavonsoubliéquelaconditiondelapurificationdel’esprit est une certaine purification du corps, qu’il n’est paspermisdetoucheràtout,deparlerdetout,desecomplairedanslemélange, de seprésenter devantDieun’importe comment etsanss’êtrepréalablementlavé.

    Nousavonsoubliéaussilesacrificesanglant.Cen’estpasquejeregrettecesboucheriessacrées,maislesacrificeaussin’apas été aboli par le Christ, il a été accompli par le Christ.L’agneaudessacrificesquel’onégorgeaitpourlepéchédeceluiquileprésentaitauTemple,leChristavoulului-mêmeêtrecetagneau,et ilnousenseignececi :qu’iln’yapasdevictimedesubstitution pour notre propre purification, que nous devonsnous-mêmesnousoffrirenholocauste.Jecomblecequimanque

  • auxsouffrancesduChrist188,ditsaintPaul.Quand on fait de la religion chrétienne un épanchement

    sentimental,onlafaussedefondencomble,onladénatureetonlasalit.Jetiensquelatâched’unréformateuraujourd’huiparminousseraitderétablirsousquelqueformelaloidePurification.Pourquoi tout le siècle est-il blasphème, mélange et laideur ?Par oubli de la loi de Purification. C’est à cause de cetteabolition que le corps se trouve sevré de l’esprit, la viequotidienne de toute signification religieuse, l’apparence de laréalité.

    Ceseraitunegrandetâchequederétablirpournous-mêmesetpournosfamilles,sousdenouvellesformes,lesdeuxpartiespremières et principales de la loi aujourd’hui tombées endésuétude : la loi du Sacrifice et la loi de Pureté, afin quel’hommesepréparetoutentier(corpsetâme)àentrerdanslaviespirituelleetquecetteviespirituelleunefoisatteintes’exprimeavecplénitudesurtouslesplans.ToutdiscipledeGandhisaitcequejeveuxdire189.

    Aussiceluiquienseigneraauxhommesàobserverlespluspetits commandements (c’est-à-dire les commandements quiregardent les observances extérieures) à les observer selonl’esprit,celui-làseraditgranddansleroyaumedescieux.

  • XIX

    AimezvosennemisouDelacharité

    28février1947,rueSaint-Paul.

    La cohérence du Sermon sur la montagne selon Matthieun’apparaît pas à première lecture. Il semble fait d’uneaccumulation de divers discours cousus bout à bout. Ce quiaugmente cette impression, c’est que nous en trouvons desfragments chez les autresÉvangélistes, rapportés avec d’autrescirconstances.AinsileSermonselonMatthieuparaîtrassemblerlemeilleur de ce qui a été dit pendant toute la prédication duSeigneur. Sans doute,mais il est certain que l’Évangéliste n’apas cousu ces bribes au hasard, qu’il y a suivi un plan. S’ilsembleyavoirdessautesdepenséed’uneimageàl’autre,c’estsurtout parce que nous ne pénétrons pas les images et n’ensaisissons pas la signification. Les significations, elles, sesuiventparfaitement.

    Pourrésumer,nouspouvonssuivrelaroutetracéedepuislesBéatitudes jusqu’au point où nous en sommes.LesBéatitudesexprimentlerenversementdetoutenotrenaturepourentrerdansla voie nouvelle. Heureux les pauvres, heureux ceux quipleurent,heureuxlespersécutés,heureuxceuxquelemondeditmalheureux.Puis,découlantdecettepensée,lesdiressurleselde la terre, sur le sel de la douleur, sur le sacrifice nécessairepourentrerdanslavoie.Puisl’annoncedelalumière:cettevoieestlavoiedelalumièreetcettelumièredoitêtrerépandue.Ellen’est pas faite pour être mise sous le boisseau, mais pour

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  • enmoi, ce qu’il y a enDieu. Cet homme c’estmoi-même, cepassant, c’est Dieu. » Ai-je blasphémé en disant « ce passantc’estDieu»?Non,jen’aipasblasphéméetjen’aipointparléparmoi-même,maisc’est leSeigneurqui aparlé :Quand, luidemandèrent les disciples, t’avons-nous trouvé affamé ett’avons-nous nourri… Quand t’avons-nous trouvé nu ett’avons-nous vêtu…Quand t’avons-nous visité en prison ? –Quandvousavezfaitcelaàl’undecespluspetits208,leurest-ilrépondu.

    C’est donc par la purification, par le retour sur soi-même,parlarecherchedel’essencequ’onpeutarriveràlacharité,carêtrecharitable,c’estconnaîtrenonaveclapointedel’intellect,maisparlapreuvedefeudel’êtreentier,quelemêmeennous-mêmeestlemêmepartout.L’hommecharitablepeutregarderleplusmalheureuxetlepluscoupabledeshommesendisant«cessouffrances,cespéchés,cesontlesmiens»;ilpeutregarderlepluspur,leplusgrand,leChristetdire«jeseraisluisijesavaisêtremoi-même».

    La charité c’est la reconnaissance de soi dans l’autre, laconnaissance concrète et vivante de l’être ; c’est donc l’entréedanslevifdelavérité.EtvoilàquiexpliquelafinétrangedelacélèbrepagedesaintPaulsurlacharitéoùilestditquetouteslessciencesprendrontfincarcequiestparfaitremplaceracequiest imparfait : Lorsque j’étais enfant, je parlais comme unenfant,maisendevenantunhomme jemesuisvidédecequiétait de l’enfant209.Ainsi donc, à l’encontre de ce qu’un vainpeuple pense, la science n’est qu’un enfantillage, n’est qu’un« don incomplet » qui doit s’effacer « quand le don seracomplet».Etmaintenant,ajoutel’Apôtre,nousvoyonscommedans un miroir par énigme, mais alors nous verrons face àface. Maintenant je connais imparfaitement, mais alors je

  • connaîtraicommejesuisconnu210.Or il est bien entendu que la connaissance parfaite selon

    l’acception traditionnelle des mots, c’est uniquement maispleinementladistinctiondecequiestetdecequin’estpas,decequiestintérieuretdecequiestextérieur,decequiestmoietdecequiestautre.Enmoicommedanslesautres.Carilyauncôtéparoùjesuisautreenmoiet ilyauncôtéoùl’autreestmoi-mêmeautantquemoietpeut-êtreplus.S’il estmoi-mêmeplusquemoi, il estmonmaître.Si je suisautreenmoiplutôtquemoi-même,alorsjesuisdansl’ignorance,danslemélange,danslepéché,jesuisàmoi-mêmel’ennemietledémon,jesuisdans les « ténèbres extérieures ». Mais si je m’établis àl’intérieur de moi-même je n’y trouve plus trace du corps, nimornemoitiéd’ombre,carlalumièrepénètrelàcommeaucœurdudiamantet s’ymultiplie sans s’interrompre.Là, je suis à lasourcedelavie;monâmen’estqu’unechoseavecl’être,aveclavie,avecl’amour,aveccetamourquimefaitentrerdansl’êtredetouslesêtres.C’estpourquoi lepréceptequenousavonslusetermine par cesmots : Soyez donc parfaits comme votre Pèrecélesteestparfait211.

    Charitéetaffections

    Maiscequej’aiditprésentebiendeslacunesetlaissebiendesobscurités.Voulez-vousmefairedesremarquesetposerdesquestions?

    Une dame : Je m’étonne de la méprisante sévérité aveclaquelle vous traitez l’amour de la famille. Le foyer chrétienn’est-ilpaslelieunatureldessentimentslesplusnoblesetlesplusdélicats?

    Réponse:Vousavezraison,Madame,demereprendreetde

  • m’obliger à mettre chaque chose à sa place. Rien n’est plusémouvant en effet que le dévouement d’unemère penchée surson enfant ; la vigilante bonté paternelle, la piété filiale, lafidélité fraternelle, tout cela est bel et bon sur le plannaturel.Les bêtes sauvages aussi aiment leurs petits, ce n’est pas uneraison pour traiter avec sévérité ce qui est l’ornement etl’honneur de la nature.Mais ce qu’il faut traiter avec sévérité,c’estlaconfusiondesplansoùl’onsecomplaîtaujourd’hui;cequi nous dégoûte à juste titre, c’est qu’on donne pour deschoses divines ce qui est parfaitement naturel ou pour mieuxdire,cequin’estquelafaçadeconventionnelleetlanoblepartiedelanature,prisepourletout.

    Poursévèrequejesoisàl’égarddel’attachementfamilial,jelesuismoinsquel’Évangile:Pourmoilefilshaïralepère,lafille lamère212…Suit l’énumérationdesdegrésdeparenté lesplusdivers;sansparlerdelaréponsedeJésusenfantauxsiensqui l’avaient cherché pendant trois jours avec une affectiontremblanteetdésemparéesur les routesetdans lavillepour letrouver discourant avec les docteurs :Ne saviez-vous pas quej’ai à m’occuper des affaires de mon Père213 ? Dureté dediamant, ô sage et sainte inhumanité ! La sanctification del’attachementfamilial(surestiméaujourd’huidanslamesureoùil se fait rare) relève d’une confusion à peinemoins grossièreque celle des païens qui divinisaient les voluptés érotiques.Maisdelavolupténonplusjeneveuxpointparleravecsévérité,àquoinousdevonstantdechantssublimes,etsansaucundoutelaviemême.

    Une compagne : Nos parents et nos proches seraient-ilsdoncparnatureexclusdeslimitesdenotrecharité?

    Réponse : Si j’ai défini la charité comme un amour sanslimite, c’est que personne au monde n’en doit être exclu.

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  • tortsà l’égarddecette loi,etvengécette loid’abordsurnous-même.

    Ainsidonc,en jugeantetencondamnantnouscommettonsourisquonsdecommettretroispéchés:l’unàl’égarddeDieu,l’autreàl’égarddesautres,etletroisièmeànotrepropreégard.

    À l’égarddeDieucarnousne faisons riend’autre,avec laplusgrandesimplicitéetentouteinnocence,quedenousmettreà sa place. Juger veut dire semettre à la place deDieu car ilfaudraitêtreàcetteplacepourpouvoirjugeravecjustice,c’est-à-direenconnaissancedecause.Nousnousinstallonstelquel,nous installonsnotrebravederrièrehumainsur le trônede feuduTout-Puissant.

    Àl’égarddenosfrères,nouscommettonslepéchédenousséparerd’eux.Car jugeretsurtoutcondamner,c’estseséparer.C’estoublierlelienquinousunittous.Carsilemalaquelquechosedebon,c’estqu’ilnous faitconnaîtrequenoussommestousunisetenglobésdans lemalet lahonte,etdans lamêmecondamnation,desortequ’àlafaveurdenotremalheurcommun,nousnousenrichissonsdelamiséricordedetoutcequipècheetsouffre. Mais si nous condamnons sans sortir nous-même dupéché,nousôtonsmêmecebienquiestdanslemal.Àdirevrainous oublions que nous sommes liés dans une trame où le filblanc et le fil noir s’entrecroisent. Nous oublions que siquelqu’unpèchenouspéchonstousparlui.Certesiln’yauraitpastantdemauvaissilesbonsavaientlavertudesméchants.Silesbonsmettaientdanslabontéautantd’énergie,devolonté,declairvoyance, d’habileté, de tact, d’attention qu’un voleur parexempleenmetàvoler.Iln’yauraitpastantdemécréantssilescroyants possédaient plus de foi etmontraient des vertus plusadmirables. Si les prédicateurs de vérité mettaient autant degrâceetdechaleuràconduirelepeupleàDieuqu’unséducteuràplierunejeunefilleàsonplaisir.

  • Enfinenjugeantnouscommettonslesuprêmepéchécontrenous-mêmes,lepéchédenousoubliernous-mêmes.Lejugementnousa étédonnépournousconduirenous-mêmesdans lavie,pourarrivernous-mêmesausalut.Ennousoccupantdesautresnousnousoublions,maisnousnenousoublionspascommeons’oublie dans la charité, comme il est juste de s’oublier.Nousn’oublionspasnotrepersonne,nousn’oublionspasnosintérêts,nous n’oublions pas nos passions. Nous nous oublions, nousnous oublions nous-mêmes, nous oublions celui dont noussommeschargésdenousoccuperd’abord.LaloietlejugementnoussontdonnéscommeunegrâcedeDieupourquenousnouscorrigions, pour que nous nous sauvions et non pas pour quenous nous répandions en remarques et discussions sur laconduited’autrui.

    Mais il y a plus en ce petit paragraphe, et ce plus est unenseignement d’une portée incalculable, car il est clair commeune équation, il est évident et pourtant on n’a pas souvenirqu’untextesacréantécédentl’aitclairementexprimé:Nejugezpoint,etvousneserezpointjugés;necondamnezpoint,etvousne serez point condamnés.Donnez, et il vous sera donné unemesure pleine et débordante, car on vous mesurera de lamesure dont vous vous serez servis221. Prenez garde, prenezgardeàcela,ce«donnez»;souventlorsqu’ils’agitdedonoude dette dans l’Évangile, c’est le jugement qui est en cause.Donnez, c’est-à-dire efforcez-vous de justifier autrui, efforcez-vous de vous corriger vous-mêmes et de justifier les autres.C’estlecontrairequevousfaites:vousessayezdecorrigerlesautresetdevous justifier,et leseul faitde jugerveutdirequevousvousjustifiez,quevousvoussentezjustifié.Voilàdoncunnouveau risque auquel vous vous engagez par une sévéritéinconsidérée. Outre toutes les iniquités que le jugement

  • comporte, et toutes les erreurs et les bévues, il y a aussi cetteimprudence dont il est parlé dans plusieurs paraboles, entreautres dans celle de« l’économe infidèle222 », qui ne fait quedévelopperceparagraphe.

    Maîtreetdisciple

    Comment passons-nous au paragraphe suivant : Il leur ditaussicetteparabole:unaveuglepeut-ilconduireunaveugle?Ne tomberont-ilspas tousdeuxdansune fosse223? Commentcelaserelie-t-ilàcequenousvenonsdelire?C’esttrèssimple,déduisons:Nejugezpointvotresemblable,maisemployezvotrejugementàdécouvrirvotredirection.Orsivoussuivezunguidepourtrouvervotredirection,vousavezledroitdejugersicettedirectionestbonneetsileguideyvoitclair.Commentleferez-vous?

    Certes, si vous prenez un maître, c’est pour le mettre au-dessusdevous.Ilnevousestpasdéfendudemettrequelqu’unau-dessus de vous ; il ne vous est pas défendu de jugerquelqu’un supérieuràvous.Si le jugementvousaété interdit,c’est que précisément le jugement suppose que vous vousmettiez au-dessus de lui. Vous êtes en quelque sorte forcé dejuger celui qui vous conduit, car vous devez vous juger vous-même et celui qui vous conduit est, provisoirement dumoins,vous-même;vousleplacezenvousau-dessusdevouspourqu’ilvous conduise. C’est que vous le jugez plus éclairé que vousn’êtes,et ilestbiendifficilepourquelqu’unquiyvoitpeudejugerdecequevoitceluiquiestsupposévoirplus.Maisaussibienceluiquientreprendladifficile tâche, ladangereusetâchede conduire d’autres doit-il avoir le courage de s’exposer aujugementlégitime,aujugementprofonddeceuxqu’ilconduit.

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  • CarDieu qui seul sait, juge comme il veut et non commevous jugez. Ilpaie,s’il luiplaît, leprixde la journéeentièreàl’ouvrierdelaonzièmeheure.Ilappelleàluidansleroyaumelelarronexpirantsurlacroix,effacetoussescrimesàcaused’unseulmotsoufflédanslerepentiretdecettesoudaineouvertureducœursurleseuildelamort.Ilrelèvelafemmeadultèreetlaprostituée. Il pardonnebeaucoupà ceuxet cellesquiont aimébeaucoup.

    Lajusticenouvelle

    Reste à comprendre pourquoi le Seigneur nous administrecette fois son enseignement au moyen d’une histoirescandaleusement immorale. Ne pouvait-il choisir une autreimage?Sic’estàl’indulgencequ’ilvoulaitnousdisposer,àlabienveillanceetaurespectduprochain,pourquoicomparercesvertusàunefourberieintéressée,àunehabiletédégoûtante?

    C’estquenous touchonsundecespointsparoù leChristétait un scandalepour les Juifs (par où il scandalise encore lejuif qui est en nous, chrétiens). Quoi ? dit l’homme de pureobservance, tandis que laLoi exigeœil pourœil et dent pourdent, vous osez pencher pour l’indulgence !Nous tenons celapour relâchement et complicité. Malheur à qui mêle lacompassionauxchosesdelajustice.Sichacuntransigeait,alorsqu’ilyvadumaintiendecetteinstitutiondivinequ’estlaLoideMoïse,quenousvaudraientleTemple,leSacrifice,lesÉcrituresetl’Arched’alliance?

    Tout Juif est, de naissance, justicier. En Israël, le jugeabandonne le condamnéaupeuplepour être lapidé.LePeupleéluestjusticier,c’est-à-direàlafoisjugeetbourreau.Luidire«nejugepas»,c’estluiôte