Comment ! Vous ne connaissez pas Adèle ??? Mais oui, réfléchissez ! Un amour de petite bonne...

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Comment ! Vous ne connaissez pas Adèle ??? Mais oui, réfléchissez ! Un amour de petite bonne femme, vive comme une bergeronnette, 75 ans, les yeux bleus et les cheveux blancs… Elle a toujours une tasse de café pour le visiteur de passage. Mais sa maison est un peu à l’écart du bourg, et les visites sont rares… Et aujourd’hui, justement, Adèle a un peu de vague à l’âme ; il faut dire que le temps est long, toute seule à l’orée du bois…

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Allons ! Elle doit se secouer ! Tiens ! Elle va commencer par mettre sa cafetière en route !

L’arome du précieux nectar commence à se répandre dans le petit lo-gement lorsque le timbre de la sonnette retentit. Adèle trottine jusqu’à la porte…

- Ah ! Bonjour, Alphonse ! Mauvais temps pour un facteur ! Vous me portez du courrier ?

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- Bonjour, Adèle. Ce que ça sent bon, chez vous !!!

- Entrez vite. Vous n’allez pas me refuser une tasse de café, par ce brouillard !

Alphonse convient que c’est une excellente idée, et entre sans se faire prier. Pendant qu’Adèle sort les tasses et le sucre, il extirpe de son sac une grosse enveloppe qu’il pose sur la table. À cette vue, envolé le cafard d’Adèle ! Ses yeux se mettent à briller.

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De par son métier, un facteur est habitué à la discrétion ; mais être facteur n’empêche pas d’être homme ! Aussi Alphonse, tout en tour-nant sa cuillère dans son café, ne peut s’empêcher de demander :

- C’est-y donc de si bonnes nouvelles que vous attendez, dans cette grosse enveloppe, Adèle ?

- Et bien, j’espère, répond Adèle. Le petit-fils de Véronique doit être né, et sa maman avait quelques problèmes ; il me tarde de savoir !

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Et puis Bruno a dû rentrer du Maroc, il nous aura mis des photos et un compte-rendu. Il me tarde aussi de savoir si Josette est sortie de l’hôpital, et comment s’est passée la rentrée chez Annie.

Alphonse regarde son hôtesse avec des yeux tout ronds.

- Mais… je croyais que vous n’aviez plus de famille ?

- Et bien, c’est un peu comme ma nouvelle famille, c’est ma cordée !

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Le facteur regarde Adèle avec inquiétude ; il n’arrive pas à l’imagi-ner gravissant les pentes neigeuses, suspendue à une corde ! Se pourrait-il que…

Le rire clair d’Adèle remplit la pièce.

- Mais non, je ne perds pas la tête ! Une cordée, c’est un groupe de 6 ou 7 personnes qui s’écrivent régulièrement. Nous nous racon-tons nos joies, nos peines et nos malheurs.

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- Mais… mais c’est une bien grosse enveloppe ?

- Oui, parce que… (Adèle sent qu’elle s’embrouille). Voilà. Moi, je vais ouvrir l’enveloppe, et je vais trouver une lettre de chacun des cordistes, même la lettre que j’ai écrite la dernière fois. Je vais sortir ma vieille lettre, en mettre une nouvelle, où je raconterai notamment que mon gentil facteur a accepté de rester boire un café avec moi, et je renvoie toutes les lettres à la personne suivante sur la liste.

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Le pauvre Alphonse essaie péniblement de comprendre.

- Alors… alors dans cette enveloppe, il y a sept lettres, et chaque destinataire enlève sa vieille lettre et en met une nouvelle et envoie au suivant… C’est comme le jeu des mouchoirs ! Alors, il y a toujours sept lettres dans l’enveloppe ?

- Oui, et nous finissons par bien nous connaître et, c’est vrai, former une famille.

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- C’est formidable ! Comment vous est venue cette idée ?

- L’idée n’est pas de nous. "Les Cordées“ existent depuis 1930 et font maintenant partie intégrante de l’APF.

Encore plus perdu, notre pauvre facteur ! L’APF ???

- L’Association des Paralysés de France, lui explique Adèle.

Et bien non, ce n’est pas une explication ! Il comprend même de moins en moins !

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- Vous n’êtes pas paralysée ? (il ouvre des yeux incrédules) Vous avez triché ?

- Mais non, les Cordées sont ouvertes à tout le monde, les valides et les personnes handicapées en France et à l’étranger ! C’est sans doute pour cela que c’est si riche. Nous apprenons à nous connaître, sans jugement, nous échangeons en toute confiance.

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- Ouvert à tout le monde ? Alors ma femme pourrait faire partie de ces… cordées ?

(sa femme est timide et sort peu de chez elle, et, rien que de l’imaginer avec les yeux brillants qu’avait Adèle en découvrant l’enveloppe, cela met de l’espoir dans son cœur)

- Bien sûr, répond Adèle qui connaît bien Mélanie, et entrevoit tout le bien qu’elle pourrait tirer de ces échanges.

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Elle ajoute :

- Attendez ! Il doit y avoir une documentation dans l’enveloppe ! En principe, il y en a toujours qui circulent !

Et en effet, elle en trouve un, qu’elle tend à son interlocuteur. En son for intérieur, elle se reproche de n’y avoir pas pensé avant. Et parmi les autres personnes qu’elle connaît, qui serait heureux de participer à une Cordée ? Il faut qu’elle y réfléchisse.

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C’est vrai, ça ! Elle n’y avait jamais pensé ! La continuité et la vitalité des Cordées dépend en premier de chaque cordiste ! Si nous ne faisons pas connaître les Cordées, qui pourrait le faire ? Se demande-t-elle.

Alphonse est plongé dans la lecture du petit dépliant, et ne réalise même pas que sa tasse s’est remplie à nouveau. Il la vide sans s’en rendre compte ! Heureusement que je l’avais sucré, pense Adèle.

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- Je vais finir ma tournée, dit-il en se levant résolument, et je porterai ça à Mélanie. J’essaierai de lui expliquer !

-s’il y a un problème, elle m’appelle. Vous connaissez mon numéro. Et d’ailleurs vous pouvez lui dire, puisqu’elle a un ordinateur, qu’il existe aussi des cordées électroniques. Mais ça je connais moins.

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Alphonse est parti, un nouvel espoir au cœur.

Adèle, avec gourmandise, étale sur la table les lettres de ses cor-respondants. Adieu, la solitude ! La chaleur qui s’est répandue dans son petit appartement n’est plus celle de son radiateur. C’est la chaleur de l’amitié partagée qui l’enveloppe maintenant.

Chut ! Ne la dérangeons pas !

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Je m’en vais sur la pointe des pieds, non sans vous préciser que les Cordées existent réellement, regroupant 800 cordistes de par le monde.

Je précise à nouveau que les Cordées papier ou électroniques sont ouvertes à tous, valides ou personnes handicapées, en France et à l’étranger, et de tous âges.Pour tous contacts : [email protected]  cordées épistolaires  [email protected] cordées électroniques

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Photo-composition : Mija

Texte : Jacky

Musique :"Bagatelle champêtre“ Florian Bernard au synthé;

[email protected]://jackydubearn.over-blog.com/