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Comment lire philosophiquement un texte ? Université de Fribourg (Suisse) Philosophie Moderne et Contemporaine Comment lire philosophiquement un texte ? Quelques conseils« Version 3 Ajout d’un complément important © Jean-Roch Lauper, Septembre 2007

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Comment lire philosophiquement un texte ?

Université de Fribourg (Suisse) Philosophie Moderne et Contemporaine

Comment lirephilosophiquement un texte ?

Quelques conseils

Version 3Ajout d’un complément important

© Jean-Roch Lauper, Septembre 2007

Comment lire philosophiquement un texte ?

Remarque préliminaire

Les pages qui suivent contiennent certains conseils que je trouve utiles pour lirephilosophiquement un texte. Elles contiennent également certaines opinions concernant lalecture et son importance au sein du travail philosophique. Ces conseils, et surtout cesopinions, manifestent parfois certains partis pris et sont bien sûr discutables. Ces pages sontdonc avant tout à considérer comme des pistes de réflexions : des pistes de réflexions afin denourrir votre propre réflexion sur la place de la lecture au sein du travail philosophique.

Comment lire philosophiquement un texte ? 1

Sommaire1. Réflexions préliminaires ................................................................................................... 2

1.1. Lecture et philosophie ........................................................................................... 21.2. Différents types de lecture ..................................................................................... 31.3. Une compétence qui se développe ......................................................................... 4

2. Lire philosophiquement un texte : « Marche à suivre » ...................................................... 52.1. Etape 1 : Comprendre et reconstruire ..................................................................... 52.2. Reconstruire la position d’un auteur : remarques ................................................... 82.3. Etape 2 : Evaluer ................................................................................................. 102.4. Etape 3 : « A votre tour ! » .................................................................................. 12

3. Lire philosophiquement un texte : Exemple d’application ............................................... 13

ComplémentsA. Résumer et reconstruire. Quelle différence ? L’image de la maison ........................ 22

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1. Réflexions préliminaires

1.1. Lecture et philosophie

Dans ces quelques pages, je cherche à donner quelques conseils concernant la lecturephilosophique d’un texte. Mais finalement : Pourquoi la lecture constitue une part importantedu travail du philosophe ? A quoi bon dépenser du temps et de l’énergie pour lire lorsque ceque l’on veut faire c’est faire de la philosophie ? Finalement, pourquoi s’intéresser à destextes parfois fort anciens, parfois fort éloignés de nous (aussi bien temporellement queculturellement) et très souvent fort ardus ?

Quelqu’un pourrait répondre : « le but de la lecture en philosophie c’est de connaître lesdifférentes idées et opinions des philosophes au cours des siècles ». Certes, connaître lapensée de philosophes, connaître la pensée de Kant sur la morale ou celle d’Aristote sur l’être,est quelque chose de très intéressant et de très louable. Cependant, cette réponse me paraîttrop limitative.

Tout d’abord, le départ de toute démarche philosophique me semble être le questionnement(un questionnement d’un type particulier, mais un questionnement tout de même) : tout àcoup, quelque chose nous intrigue, nous interroge : qu’est-ce que le temps ? qu’est-ce que lebien ? comment puis-je savoir que je ne suis pas en train de rêver ? suis-je véritablementlibre ? comment puis-je savoir que la personne avec qui je parle a des pensées, ressent desémotions comme moi ? est-il juste de faire telle ou telle action ? pourquoi est-ce que j’existe ?pourquoi ne doit-on pas faire ce qui est mal ?…

Faire de la philosophie consiste à chercher à répondre à de telles questions. Cependant, pasrépondre de n’importe quelle manière ! Chercher à répondre à de telles questions en étantguidé par la raison (et non, par exemple, par les émotions), en cherchant une réponse qui estsoutenue par de fortes raisons, en cherchant une réponse qui pourrait être acceptée pard’autres personnes que par moi (si celles-ci se laissent également guidées par la raison). Or,après avoir cherché à répondre à une telle question par soi-même, après avoir examinédifférentes réponses et les raisons que l’on peut avancer en leur faveur, il est importantd’entrer en dialogue avec d’autres personnes au sujet de cette question : ces personnes ont-elles d’autres idées de réponses auxquelles nous n’avons pas nous-mêmes pensé ? leursopinions et leurs réponses sont-elles soutenues par de fortes raisons ? leurs propos posent-ilsdes difficultés aux différentes réponses (ou débuts de réponses) que nous avons trouvées etaux raisons que nous avons invoquées ? leurs propos remettent-ils en question la vision quenous avions du problème ? ...

Le but de ce dialogue est de progresser vers la vérité, c'est-à-dire vers une réponse de plus enplus satisfaisante. C’est dans ce cadre-là que la lecture philosophique prend toute sonimportance : lire un texte philosophiquement permet d’entrer en dialogue, en nous appuyantsur la raison, avec l’auteur de ce texte, avoir l’opportunité de discuter rationnellement avecquelqu’un de la question qui nous interpelle et nous fascine.

Les « grands » philosophes, aussi bien passés que présents, sont autant d’interlocuteursprivilégiés qui se sont eux-mêmes confrontés aux difficultés de telles questions et avec qui

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nous avons la chance de pouvoir nous entretenir et entrer en dialogue : entrer en dialogue ausujet de questions qui nous intéressent, mais aussi au sujet de question qui les ont intéressésou qui les intéressent. C’est cela qui confère de la valeur à la lecture de leurs écrits : pouvoirobserver un être humain qui se confronte sérieusement à une question profonde, qui cherche ày répondre sincèrement en s’appuyant sur la raison et qui offre au dialogue et à notre examencritique les résultats de sa recherche. La lecture a ainsi cela d’exceptionnel qu’elle nouspermet d’entrer en dialogue avec des interlocuteurs privilégiés parfois bien éloignés dans letemps et/ou dans l’espace. Ainsi, lorsque vous vous promener parmi les rayonnages d’unebibliothèque de philosophie, ne considérez pas cet imposant amoncellement de volumessouvent épais et parfois poussiéreux comme une matière morte, comme un agglomérat depages contenant des idées figées et fixées, mais ayez bien conscience que tous ces volumesreprésentent autant d’interlocuteurs prêts à s’entretenir et à dialoguer avec vous, sont autantde rencontres possibles.

Néanmoins, les philosophes, plus ou moins « grands », ne sont pas les seuls interlocuteurspossibles. Nous pouvons également entrer en dialogue avec d’autres auteurs « non-philosophes » qui s’interrogent sincèrement. C’est pourquoi, il faut faire la distinction entrelire philosophiquement un texte ou un écrit et lire un texte ou un écrit philosophique. En effet,il est tout à fait possible de lire philosophiquement un texte qui n’est pas à proprement parlerun texte philosophique. Ceci explique le titre du présent document qui voudrait vous fournirquelques clefs pour lire philosophiquement un texte et non pas uniquement lire un textephilosophique. (Il est à noter que, bien que cela puisse paraître surprenant, il estmalheureusement également tout à fait possible de lire non-philosophiquement un textephilosophique…)

1.2. Différents types de lecture

Mais finalement, pourquoi diable est-ce que je vous donne un petit document contenant desconseils pour lire un texte philosophiquement ? Après tout, vous savez lire ! D’ailleurs, sinoncomment pourriez-vous être en train de lire ces lignes !

Certes, vous savez lire. Mais l’erreur est de croire qu’il n’y a qu’un seul type de lecture ! Eneffet, notre manière de lire change en fonction des objectifs que nous avons au moment de lireet du type de texte lu : lire un texte afin de voir si son contenu nous touche, lire un texte afinde voir si l’auteur parle d’événements historiques importants ou lire un texte afin de vérifierson orthographe sont des choses bien différentes ! De la même manière, lire une lettred’amour, lire un poème, lire le manuel d’une télévision, lire la faute de l’Abbé Mouret ou lirele bottin téléphonique sont des choses bien différentes ! Dans ces situations différentes, notreattention et notre concentration sont focalisées et dirigées en priorité vers des élémentsparticuliers différents.

D’une manière semblable, il serait faux de croire qu’il n’y a finalement pas de différenceentre lire un texte et lire philosophiquement un texte : lire philosophiquement un texterequiert, comme nous allons le voir, que vous soyez attentifs à des éléments bien particulierset que votre attention soit dirigée vers certaines choses plutôt que d’autres.

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1.3. Une compétence qui se développe

Beaucoup sont les gens qui pensent que savoir lire est une compétence qui s’acquiert une foispour toute : « J’ai appris à lire à l’école et depuis je sais lire. » Or, cette vision statique deschoses, comme vous pourrez le constater au fil des mois et des années à venir, estcomplètement erronée.

Savoir lire est une compétence dynamique. En effet, il arrive malheureusement que certainespersonnes qui savent lire ne le savent plus après un certain nombre d’années par manque depratique. De façon semblable mais inverse, à travers la pratique, savoir lire est unecompétence qui peut se développer tout au long de notre vie. Gardez bien cela à l’esprit,surtout dans vos premières « confrontations » avec des textes philosophiques, et plusgénéralement avec des textes de type universitaire : la lecture de ces textes paraît souvent trèsardue au début (vocabulaire inconnu, texte dense, argumentation serrée, …) ; mais, avec letemps, vous verrez que ces textes ne deviendront pas forcément plus simples, mais que leurlecture deviendra quand même bien plus aisée et que, si l’on peut dire, vous vous y sentirezbien plus à l’aise. Il n’en reste pas moins que la lecture philosophique de textes, qui plus estcelle de textes philosophiques, demeure (et ce qu’importe notre « niveau » de lecture) uneentreprise qui nécessite passablement de temps, d’énergie, de patience et d’opiniâtreté si elleveut être bien conduite et si elle veut nous être profitable : la lecture philosophique d’un textene sera guère le lieu de la hâte...

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2. Lire philosophiquement un texte :« Marche à suivre »

Il ne semble pas y avoir de recette universelle afin de bien lire philosophiquement un texte.Cependant, il existe une série d’étapes que l’on peut tout de même mettre en évidence et qu’ilvaut la peine de suivre dans l’approche philosophique d’un texte.

2.1. Etape 1 : Comprendre et reconstruire

Le premier objectif que vous devez avoir en tête lorsque vous lisez philosophiquement untexte est double :

- comprendre le mieux possible ce qu’a voulu dire l’auteur ;- reconstruire le mieux possible la position de l’auteur dans vos propres mots et en

évitant tout terme et jargon technique.

Afin de réaliser ce double objectif, vous devriez être capables de faire ressortir du texte etreformuler dans vos propres mots (sans terme technique et autre jargon) les élémentssuivants :

Lecture philosophique d’un texte : les éléments à ressortir

(1) La question – le thèmeA quelle question (implicite ou explicite) cherche à répondre l’auteur dans son texte ?(Cette question devrait être suffisamment générale pour que l’on puisse imaginer qued’autres auteurs puissent chercher à y répondre dans d’autres textes.)La question à laquelle cherche à répondre l’auteur détermine le thème du texte.

(2) La réponse – la thèseQuelle réponse donne l’auteur à la question (implicite ou explicite) qu’il se pose ?Cette réponse correspond à la thèse défendue par l’auteur.

(3) Les raisons – les argumentsComment l’auteur défend-il sa thèse ?Quelles sont les raisons qu’il avance afin de défendre sa réponse ?Répondre à ces questions revient à dire quels sont les arguments avancés par l’auteuren faveur de sa thèse.

Ö Par rapport à ce que sont les arguments et une argumentation : veuillez consulter ledocument « l’argumentation en très bref ».

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GA noter : plusieurs thèsesIci, pour simplifier, je fais comme si un texte ne possédait forcément qu’un seul thèmeet qu’une seule thèse.Cependant, très fréquemment, au sein d’un même texte, un auteur défend une thèseprincipale et différentes thèses secondaires : les thèses secondaires sont alors engénéral présentées et défendues (à l’aide d’arguments) afin d’étayer la thèse principalede l’auteur. Ainsi, fréquemment, le troisième élément à faire ressortir, « (3) Lesraisons – les arguments », contiendra lui-même une suite de thèses secondairesdéfendues par divers arguments.Il arrive également qu’un texte contienne différentes thèses qui ne sont pas vraimenthiérarchisées (c'est-à-dire, qui ne sont pas telles que l’on puisse distinguer parmi ellesdes thèses principales et des thèses secondaires), mais qui sont liées entre elles d’uneautre manière (par exemple, elles se rapportent à un même sujet).

Certains éléments « linguistiques » du texte étudié vont vous fournir une aide précieuse afinde faire ressortir les trois éléments précités :

Lecture philosophique d’un texte : l’aide de certains éléments linguistiques

a. Le titreIl peut vous donner des informations concernant le thème du texte.

b. Les paragraphesLe découpage du texte en paragraphes, si celui-ci est bien fait par l’auteur, doit vousrenseigner sur les « grandes étapes » du texte. L’observation de ce découpage informegénéralement sur la manière dont l’auteur « structure » son argumentation. Cetteobservation permet également de construire un plan du texte, tâche très utile à réaliser(pour le plan du texte et son utilité, voir un peu plus bas dans ce document).

c. Les mots-clefsCertains mots peuvent revenir fréquemment dans le texte. Il peut également arriverque, au sein d’un même texte, de nombreux mots semblent faire partie d’une même« famille », être relatifs à un même sujet. Ce sont ces mots qui sont les mots-clefs.Ceux-ci nous renseignent généralement sur le thème du texte travaillé.

d. Les mots-chevillesLes mots-chevilles sont tous ces petits mots qui constituent l’articulation des phraseset des parties de phrases du texte. Ils peuvent indiquer des choses aussi diverses que lacause, la conséquence, l’opposition, la concession, la disjonction, …Ex. : donc, par conséquent, c’est pourquoi, car, en effet, bien que, soit… soit…,

c'est-à-dire, de plus, ceci s’oppose à, malgré, mais, si et seulement si, si…alors, …

Lors de la lecture philosophique d’un texte, il est important de bien repérer cesdifférents petits mots (par exemple, en les mettant en évidence) et d’identifier leur rôle(conséquence, opposition, concession, …). En effet, ceux-ci sont en général une aide

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afin de bien comprendre et de pouvoir reconstruire les arguments avancés par l’auteuren faveur de sa thèse.

e. Les images et les exemplesLorsque vous désirez lire philosophiquement un texte, il est également bien que vousobserviez si le texte étudié contient des images et des exemples.Si tel est le cas, il faudra à chaque fois vous demander quel est leur rôle.

• Rôle illustratif :L’image ou l’exemple considéré n’apporte pas vraiment d’élément explicatifnouveau, mais permet de mieux saisir, en l’illustrant, une affirmation ou unpropos. Si tel est le cas, il devrait être possible de retirer cette image ou cetexemple sans perdre d’élément essentiel du texte

• Rôle explicatif :L’image ou l’exemple considéré apporte un véritable élément explicatifnouveau (il peut par exemple s’agir d’une image utilisée au sein d’uneanalogie). Si tel est le cas, il ne devrait pas être possible de retirer cette imageou cet exemple du texte sans en retirer quelque chose d’essentiel.

Repérer les images et les exemples et saisir leur rôle au sein du texte peut être utilelors de la reconstruction des arguments.

Ö Découper le texte et en faire un plan

En plus des différents éléments précités :Lorsque vous lisez philosophiquement un texte, essayer toujours de :

1. découper ce texte en parties (un élément important par partie) et de2. donner un nom à chacune de ces différentes parties.

(A noter : souvent (mais pas toujours !) les parties correspondent aux paragraphes du texte.)Les noms donnés aux différentes parties du texte doivent être brefs (une expression, unephrase, …), mais suffisamment clairs et informatifs : on devrait pouvoir connaître en gros lecontenu de la partie simplement en lisant le nom que vous lui avez donné ; le titre doitsuffisamment évoquer (en tout cas, pour vous !) le contenu de la partie concernée (un titre departie qui se limiterait à « introduction » n’est par exemple pas très utile…).

En découpant le texte en parties et en leur donnant un nom, vous obtenez un plan du texte. Or,ce plan possède une double utilité.

a. Un tel plan est une aide très utile pour la reconstruction de l’argumentationcontenue dans le texte étudié.

b. Un tel plan, joint à une mise en évidence intelligente et adéquate, vous dispense leplus souvent de faire un résumé « traditionnel » du texte. En effet, pour vousremémorer un texte, il vous suffira le plus souvent de reparcourir la copie du textetravaillé avec ses différentes grandes parties nommées.

(Si en plus, vous avez ressorti le thème, la thèse et reconstruit l’argumentation, untel résumé « traditionnel » est vraiment superflu et inutilement chronophage…)

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G Vous trouverez un exemple d’application de cette première étape dans la partie 3. de cedocument.

[Le contenu du point 2.1. s’inspire du document « Analyse d’un texte philosophique. Quelques éléments.Méthode A.1 » utilisé par G. Devanthéry et J.P. Fragnière (Collège St-Michel, Fribourg (Suisse)) durant l’annéescolaire 2003-2004, ainsi que de discussions que j’ai eues avec eux à son sujet.]

2.2. Reconstruire la position d’un auteur : remarques

Lorsque vous cherchez à reconstruire la position d’un auteur, je vous conseille de suivre lesquelques recommandations suivantes, que l’on m’a faites lorsque je débutais mes étudesuniversitaires de philosophie et qui se sont toujours avérées très utiles depuis :

• Clarté et simplicitéLorsque vous reconstruisez la position d’un auteur, imaginez-vous que vousdeviez expliquer, rendre compte de cette position à un ami qui n’a pas lu letexte et qui ne fait pas forcément de la philosophie. Vos priorités doivent être lasimplicité et la clarté.

• Vos propres motsLorsque vous reconstruisez la position et surtout l’argumentation d’un auteur,faites cela avec vos propres mots. Ne citez pas de passages, mais expliquez ceque l’auteur dit et pourquoi il le dit. Evitez l’usage de mots techniques ou alors,si vous en utilisez, définissez-les.

• Le principe de charitéLorsque vous reconstruisez la position d’un auteur, vous n’êtes pas encore entrain d’évaluer sa position ou d’examiner si celle-ci rencontre des difficultés.Ainsi, lors de cette première étape, soyez charitables avec l’auteur (applicationdu principe de charité) : essayer de donner l’interprétation qui rend sesarguments aussi forts que possibles. Autrement dit : avant de critiquer,chercher à véritablement comprendre. Attention cependant à ne pas corriger unauteur quand vous reconstruisez ses arguments : votre interprétation doit êtrecharitable, certes, mais tout de même justifiée !

[Ces recommandations reprennent une partie de celles faites par Markus HALLER lors du proséminaire « Entrel’anarchie et le Léviathan : Hobbes, Hume, Buchanan » qui eut lieu au semestre d’hiver et au semestre d’été1998-1999, à l’Université de Fribourg (Suisse).]

Reconstruire la position et l’argumentation d’un auteur revient dans un sens à faire le résuméd’un texte. Mais attention ! ce n’est pas simplement un résumé ! En effet, afin de mener à biencette reconstruction, vous devez véritablement vous approprier le texte, vraiment saisir sonarticulation, vraiment saisir comment les différents éléments constitutifs du texte sont liés lesuns aux autres. Ainsi, reconstruire la position d’un auteur nécessite et permet unecompréhension approfondie du texte et une entrée en son sein qui dépasse ce que pourrait êtreune première lecture. Pour reprendre l’image du dialogue entre vous et l’auteur du texteexprimée ci-dessus : lire un texte et le reconstruire revient à écouter attentivement les paroles

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G Le terme « dialogue »Le terme « dialogue » vient du grec dia-logos. Une des manières possiblesd’interpréter étymologiquement ce termeest : « la parole raisonnée à travers ».Selon cette interprétation, être véritablementen dialogue reviendrait ainsi à laisser passerla parole de l’autre à travers soi-même, avecpour guide la raison.

de votre interlocuteur et être capable ensuite dereformuler ses propos avec simplicité, clarté et dans vospropres mots.

Cependant, la reconstruction d’un texte peut être plus oumoins approfondie. En effet, selon les occasions et lessituations (et étant donné les limites du temps à votredisposition), vous ne reconstruirez pas toujours un texte avec la même profondeur : parfois,une reconstruction assez grossière peut suffire (par exemple, lorsque vous voulez avoir saisiles grandes lignes d’un texte) et, d’autre fois, une reconstruction minutieuse est nécessaire(par exemple, lorsque vous voulez entrer véritablement en dialogue avec l’auteur du texte etévaluer sa position). En tous les cas, il ne faut pas et vous ne pourrez pas, pour chaque texte,faire une reconstruction dans le détail et rédigée par écrit !

Qu’importe le niveau de profondeur « choisi », vous pourrez assez vite vous rendre compteque les quelques efforts nécessaires afin de reconstruire la position d’un auteur n’ont pascomme unique fruit la production d’un résumé argumenté, mais qu’ils vous permettent de« goûter » au texte considéré d’une autre manière, une manière qui vous apportevéritablement quelque chose. Dans un sens, la différence qu’il y a entre lire rapidement untexte et lire philosophiquement un texte est un peu semblable à la différence existant entre lirela carte d’un bon restaurant et y faire un bon repas…

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2.3. Etape 2 : Evaluer

Une fois que vous avez reconstruit la position d’un auteur en appliquant le principe de charité,et seulement à ce moment-là, vous allez pouvoir évaluer la force de la position de l’auteur.

Mais que doit-on faire afin d’évaluer la position d’un auteur ?

A nouveau, il n’y a pas de recettes universelles. Cependant, certains principes généraux etquelques étapes types peuvent tout de même être mis en évidence. Commençons par deuxprincipes généraux importants :

(1) Portée/objet de l’évaluation : l’importance des argumentsAfin d’évaluer la position d’un auteur, il ne faut surtout pas se focaliser sur la thèse(ou les thèses) défendue(s) par l’auteur en oubliant les arguments avancés par l’auteuren faveur de cette thèse !Afin de juger la valeur de la position d’un auteur, il faut, au contraire, examiner avecattention les arguments que l’auteur avance afin de soutenir sa thèse.Ce qui compte en philosophie n’est pas que l’on soit simplement d’accord ou pasd’accord avec une certaine thèse ! Ce qui compte c’est être capable de considérer lesarguments avancés en faveur d’une certaine thèse et voir si ces arguments semblentsolides ou non et ce, qu’importe que la thèse défendue par ces arguments vousparaissent acceptables ou non.Tant que quelqu’un considère différentes opinions ou différentes thèses, aussiintéressantes soient-elles, ce quelqu’un ne fait pas encore de la philosophie !Quelqu’un fait de la philosophie uniquement dès le moment où, au-delà (ou en-deçà)des opinions et des thèses considérées, ce quelqu’un s’intéresse aux raisons avancéesafin de soutenir et défendre ces opinions et ces thèses.

(2) Le guide de l’évaluation : la raisonAfin d’évaluer la position d’un auteur, il ne faut surtout pas vous appuyer sur vosémotions ou vos sentiments ou autre réaction spontanée.Afin d’évaluer la position d’un auteur, il faut, au contraire, vous appuyer uniquementsur votre raison.Lorsque vous évaluer la position d’un certain auteur, il se peut que cette position vousrepousse, ou même vous dégoûte ou vous choque. Il se peut également que cetteposition vous charme, vous attire. Ces réactions, vous ne pouvez bien sûr pas déciderde les ressentir ou non. Cependant, ces réactions ne doivent pas être votre guide lorsde l’évaluation de la position d’un auteur. Pour évaluer cette position, vous devez vousappuyer uniquement sur la raison et évoquer des éléments aisément acceptables partout autre être humain.Mais finalement, pourquoi s’appuyer sur la raison plutôt que sur nos émotions pourévaluer la position d’un auteur ?Les émotions peuvent grandement varier d’un individu à l’autre face à une mêmesituation, alors que la raison se veut quelque chose d’universel et d’aisémentpartageable. Or, la philosophie cherche à comprendre la réalité et, dans cet effort, elletend à s’approcher le plus possible de la vérité. Or, la vérité et le type decompréhension que l’effort philosophique recherche se place du côté de l’universel et

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de l’aisément partageable et non pas du côté du particulier et de la connaissanceprivée. D’où l’importance de s’appuyer sur la raison et non sur les émotions.

Une fois ces deux principes de base reconnus, évaluer la position d’un auteur consistera àtester les arguments que celui-ci avance en faveur de la thèse qu’il défend. Mais commenttester un argument ? En effet, on ne peut pas tester un argument en laboratoire comme l’onpourrait tester par exemple la résistance d’un certain matériau ou la viscosité d’un certainliquide ! Parmi les choses qui peuvent être faites afin de tester un argument, j’aimerais citer,sans ordre précis, les suivantes :

Quelques « tests » à effectuer afin d’évaluer la position d’un auteur ou unecertaine thèse

1. Forme Examiner la forme de l’argument afin de voir si celle-ci est acceptable (pour plus

de détails, voir le document « l’argumentation en très bref »).

2. Prémisses / présupposés Examiner les différentes affirmations (implicites ou explicites) que l’auteurconsidère comme vraies et qui jouent un rôle important dans ses arguments : cesaffirmations sont-elles facilement admissibles ? au contraire, semblent-ellesdiscutables ? pourquoi ?...

3. Pouvoir explicatifAfin d’examiner le pouvoir explicatif de la position examinée, chercher à répondreaux questions suivantes : La position (et, plus particulièrement, la thèse) examinée permet-elle de rendre

compte de manière satisfaisante de nombreuses situations, de nombreux cas ? Au contraire, n’y a-t-il que peu de cas dont la position examinée permet de

rendre compte de manière satisfaisante ?A supposé qu’elle soit vraie, la position examinée augmente-t-elleconsidérablement notre compréhension du monde ou peu ?

Afin de répondre à ces questions, il faut réfléchir à différents exemples, àdifférentes situations et voir ce que la position examinée en dirait.

4. Contre-exemplesRéfléchir afin de voir si on peut imaginer des contre-exemples à la thèse défendue.Si ces contre-exemples paraissent solides, la thèse peut être rejetée ou doit êtremodifiée afin d’en tenir compte.

5. Situations problématiquesRéfléchir également à la question de savoir si, sans être des contre-exemples, ilexiste des situations dont la thèse a de la peine à rendre compte. Si oui, il faudraréfléchir aux conséquences de ce fait.

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6. ConséquencesExaminer quelles sont les conséquences qui peuvent être tirées de la thèseconsidérée : « A supposer que cette thèse soit vraie, quelles en seraient lesconséquences ? ». Une fois ces conséquences mises en évidence, on pourra sedemander : que penser de ces conséquences ? paraissent-elles acceptables, ou, aucontraire, inacceptables ? dans chacun de ces cas, qu’en penser ?

7. Liens et réseau de croyances Examiner les liens existant entre la thèse défendue et d’autres thèses défenduesdans d’autres domaines de la philosophie :Exemple : « Cette thèse X paraît vraie. Mais si X est vraie alors, dans un autre

domaine de la philosophie, la thèse Y doit être fausse. Cependant, lathèse Y me paraît également vraie. Alors qu’en penser ?... »

Cet aspect de l’évaluation correspond à la mise en relation de la thèse défendue ausein d’un groupe d’affirmations plus large. Dans un sens, on « prend du recul » parrapport à la thèse particulière examinée.

2.4. Etape 3 : « A votre tour ! »

L’étape 3 n’est pas vraiment une étape qui se rajoute aux deux précédentes : ce n’est pasvéritablement une étape qui devrait encore être faite lorsque l’on désire lirephilosophiquement un texte et que l’on a déjà effectué les étapes 1 et 2. L’étape 3 désigneplutôt le pas suivant que vous devriez être capables de réaliser une fois que vous aurezpratiqué les étapes 1 et 2 par rapport à différents textes. Cette troisième étape consiste à êtrecapable d’appliquer les deux premières étapes (reconstruction et évaluation), non plusseulement à d’autres auteurs et à des textes écrits, mais aussi à des opinions, des croyances,des thèses soutenues et défendues par vous-mêmes !

Lorsque vous chercherez à appliquer l’étape 1 à votre propre position, vous ne rencontrerezgénéralement que peu de difficultés à trouver la question à laquelle vous cherchez(consciemment ou non) à répondre (le thème de votre position) et la réponse que vousproposez à cette question (votre thèse). Par contre, afin de trouver et exprimer avec soin lesraisons que vous pouvez avancer afin de défendre cette position (vos arguments), pas mald’énergie risque de vous être nécessaire. La difficulté sera encore bien plus grande (en toutcas, au début), lorsque vous chercherez à évaluer votre propre position avec impartialité (vousvous trouverez alors dans une situation quelque peu semblable à un joueur d’échecs qui joueface à lui-même) !

Notons que, l’évaluation et l’examen de votre propre position ne déboucheront pas forcémentsur un rejet ou une acceptation pur et simple de votre position, mais que, le plus souvent, ilsdéboucheront sur une modification, sur un amendement de celle-ci.

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3. Lire philosophiquement un texte :Exemple d’application

Afin d’illustrer les propos précédents, je vous propose maintenant de montrer ce que pourraitêtre l’application de l’étape 1 (compréhension et reconstruction) à un texte particulier. A cettefin, considérons un passage très célèbre du livre 11 des Confessions d’Augustin.

Si le futur et le passé existent, je veux savoir où ils sont. Si jen'en suis pas encore capable, je sais du moins que, où qu'ilssoient, ils n y sont ni en tant que futur, ni en tant que passé,mais en tant que présents. Car si le futur y est en tant quefutur, il n'y est pas encore; si le passé y est en tant que passé,il n'y est plus. Où donc qu'ils soient, quels qu'ils soient, ils nesont qu'en tant que présents. Lorsque nous faisons du passédes récits véritables, ce qui vient de notre mémoire, ce ne sontpas les choses elles-mêmes, qui ont cessé d'être, mais destermes conçus à partir des images des choses, lesquelles entraversant nos sens ont gravé dans notre esprit des sortesd'empreintes. Mon enfance, par exemple, qui n'est plus estdans un passé disparu lui aussi; mais lorsque je l'évoque et laraconte, c'est dans le présent que je vois son image, car cetteimage est encore dans ma mémoire. La prédiction de l'avenir sefait-elle selon le même mécanisme ? Les événements qui nesont pas encore, sont-ils représentés à l'avance dans notreesprit par des images déjà existantes ? J'avoue, mon Dieu, queje l'ignore. Mais ce que je sais, c'est que d'habitude nouspréméditons nos actions futures, que cette préméditationappartient au présent, tandis que l'action préméditée n'est pasencore, étant future. Lorsque nous l'aurons entreprise, et quenous nous serons mis à réaliser ce que nous avions prémédité,alors l'action existera, puisqu'elle sera à ce moment non plusfuture mais présente. De quelque façon que se produise cemystérieux pressentiment de l'avenir, on ne peut voir que cequi est. Or ce qui est déjà n'est pas futur, mais présent.Lorsqu'on déclare voir l'avenir, ce que l'on voit, ce ne sont pasles événements eux-mêmes, qui ne sont pas encore, autrementdit qui sont futurs, ce sont leurs causes ou peut-être les signesqui les annoncent et qui les uns et les autres existent déjà.

[L’idée d’utiliser ce texte d’Augustin afin d’appliquer l’étape 1 (compréhension et reconstruction) de la lecturephilosophique d’un texte provient de G. Devanthéry et J.P. Fragnière (Collège St-Michel, Fribourg). Certainséléments des lignes qui suivent proviennent également de discussions que j’ai eues avec eux au sujet de ce texte.]

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Appliquons maintenant les différents éléments vus au sein de l’étape 1 (compréhension etreconstruction) à ce texte.

A. Les éléments linguistiques (les aides à la reconstruction)

a. Le titreLe passage considéré n’en a pas. Ainsi, pas d’indication pour le thème au niveau du titre.

b. Les paragraphesIls ont été retirés du passage considéré. Ainsi, pas d’indication pour la structure del’argumentation au niveau des paragraphes.

c. Les mots-clefsAfin de les repérer, relisons le texte et regardons si certains mots semblent se répéter oufaire partie d’une même famille. A cette fin, mettons en évidence de tels mots.

Si le futur et le passé existent, je veux savoir où ils sont. Si jen'en suis pas encore capable, je sais du moins que, où qu'ilssoient, ils n y sont ni en tant que futur, ni en tant que passé,mais en tant que présents. Car si le futur y est en tant quefutur, il n'y est pas encore; si le passé y est en tant que passé,il n'y est plus. Où donc qu'ils soient, quels qu'ils soient, ils nesont qu'en tant que présents. Lorsque nous faisons du passédes récits véritables, ce qui vient de notre mémoire, ce ne sontpas les choses elles-mêmes, qui ont cessé d'être, mais destermes conçus à partir des images des choses, lesquelles entraversant nos sens ont gravé dans notre esprit des sortesd'empreintes. Mon enfance, par exemple, qui n'est plus estdans un passé disparu lui aussi; mais lorsque je l'évoque et laraconte, c'est dans le présent que je vois son image, car cetteimage est encore dans ma mémoire. La prédiction de l'avenir sefait-elle selon le même mécanisme ? Les événements qui nesont pas encore, sont-ils représentés à l'avance dans notreesprit par des images déjà existantes ? J'avoue, mon Dieu, queje l'ignore. Mais ce que je sais, c'est que d'habitude nouspréméditons nos actions futures, que cette préméditationappartient au présent, tandis que l'action préméditée n'est pasencore, étant future. Lorsque nous l'aurons entreprise, et quenous nous serons mis à réaliser ce que nous avions prémédité,alors l'action existera, puisqu'elle sera à ce moment non plusfuture mais présente. De quelque façon que se produise cemystérieux pressentiment de l'avenir, on ne peut voir que cequi est. Or ce qui est déjà n'est pas futur, mais présent.Lorsqu'on déclare voir l'avenir, ce que l'on voit, ce ne sont pasles événements eux-mêmes, qui ne sont pas encore, autrementdit qui sont futurs, ce sont leurs causes ou peut-être les signesqui les annoncent et qui les uns et les autres existent déjà.

Comment lire philosophiquement un texte ? 15

Les différents mots clefs du texte sont :

- passé ; - image ;- présent ; termes liés au temps - mémoire ;- futur ; - prédiction, préméditation, pressentiment.

En observant ces mots-clefs, nous obtenons une information sur le thème du texte : vu lafréquente occurrence de termes tels que « passé », « présent » et « futur », il paraît clairque le texte parle du temps. Le mot-clef « mémoire » et le groupe de mots-clefs« prédiction – préméditation - pressentiment » renforce encore cette idée.Le mot-clef « image » (et sa fréquente occurrence), qui n’est pas lié directement à lanotion de temps, indique que l’idée d’image aura un rôle important à jouer au sein del’argumentation.

d. Les mots-chevillesLes mots-chevilles sont souvent très nombreux au sein d’un texte (penser à des termes telsque « et » ou « ou »). Ainsi, il est en général inutile, voire contre-productif, de tous lesmettre en évidence. C’est à vous, avec un peu de pratique, d’apprendre à déterminer quelssont les mots-chevilles qu’il est utile de mettre en évidence. Pour le texte que nousexaminons, une telle mise en évidence pourrait être la suivante (mais d’autres sont biensûr possibles !) :

Si le futur et le passé existent, je veux savoir où ils sont. Si jen'en suis pas encore capable, je sais du moins que, où qu'ilssoient, ils n y sont ni en tant que futur, ni en tant que passé,mais en tant que présents. Car si le futur y est en tant quefutur, il n'y est pas encore; si le passé y est en tant que passé,il n'y est plus. Où donc qu'ils soient, quels qu'ils soient, ils nesont qu'en tant que présents. Lorsque nous faisons du passédes récits véritables, ce qui vient de notre mémoire, ce ne sontpas les choses elles-mêmes, qui ont cessé d'être, mais destermes conçus à partir des images des choses, lesquelles entraversant nos sens ont gravé dans notre esprit des sortesd'empreintes. Mon enfance, par exemple, qui n'est plus estdans un passé disparu lui aussi; mais lorsque je l'évoque et laraconte, c'est dans le présent que je vois son image, car cetteimage est encore dans ma mémoire. La prédiction de l'avenir sefait-elle selon le même mécanisme ? Les événements qui nesont pas encore, sont-ils représentés à l'avance dans notreesprit par des images déjà existantes ? J'avoue, mon Dieu, queje l'ignore. Mais ce que je sais, c'est que d'habitude nouspréméditons nos actions futures, que cette préméditationappartient au présent, tandis que l'action préméditée n'est pasencore, étant future. Lorsque nous l'aurons entreprise, et quenous nous serons mis à réaliser ce que nous avions prémédité,alors l'action existera, puisqu'elle sera à ce moment non plusfuture mais présente. De quelque façon que se produise cemystérieux pressentiment de l'avenir, on ne peut voir que cequi est. Or ce qui est déjà n'est pas futur, mais présent.Lorsqu'on déclare voir l'avenir, ce que l'on voit, ce ne sont pas

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les événements eux-mêmes, qui ne sont pas encore, autrementdit qui sont futurs, ce sont leurs causes ou peut-être les signesqui les annoncent et qui les uns et les autres existent déjà.

Remarque : Pour chacun des mots-chevilles soulignés, vous devriez être capables de direson rôle !La mise en évidence de ces différents mots-chevilles permet, comme nous l’avons dit,d’être vraiment attentifs à l’articulation du texte et nous aide à saisir la structure desarguments de l’auteur.

e. Les images et les exemplesCe texte contient très peu d’images et d’exemples. Le seul exemple présent est celui del’enfance et son rôle est clairement illustratif.

f. Découper le texte en parties et leur donner un nom : le planComme je l’ai affirmé précédemment, je vous recommande d’essayer de découper le texteétudié en parties et de donner un nom à chacune de ces parties. Pour chaque texte, il y abien sûr différentes possibilités de découpage. Je vous en propose une, parmi d’autres :

Si le futur et le passé existent, je veux savoir où ils sont. Si jen'en suis pas encore capable, je sais du moins que, où qu'ilssoient, ils n y sont ni en tant que futur, ni en tant que passé,mais en tant que présents. Car si le futur y est en tant quefutur, il n'y est pas encore; si le passé y est en tant que passé,il n'y est plus. Où donc qu'ils soient, quels qu'ils soient, ils nesont qu'en tant que présents. Lorsque nous faisons du passédes récits véritables, ce qui vient de notre mémoire, ce ne sontpas les choses elles-mêmes, qui ont cessé d'être, mais destermes conçus à partir des images des choses, lesquelles entraversant nos sens ont gravé dans notre esprit des sortesd'empreintes. Mon enfance, par exemple, qui n'est plus estdans un passé disparu lui aussi; mais lorsque je l'évoque et laraconte, c'est dans le présent que je vois son image, car cetteimage est encore dans ma mémoire. La prédiction de l'avenir sefait-elle selon le même mécanisme ? Les événements qui nesont pas encore, sont-ils représentés à l'avance dans notreesprit par des images déjà existantes ? J'avoue, mon Dieu, queje l'ignore. Mais ce que je sais, c'est que d'habitude nouspréméditons nos actions futures, que cette préméditationappartient au présent, tandis que l'action préméditée n'est pasencore, étant future. Lorsque nous l'aurons entreprise, et quenous nous serons mis à réaliser ce que nous avions prémédité,alors l'action existera, puisqu'elle sera à ce moment non plusfuture mais présente. De quelque façon que se produise cemystérieux pressentiment de l'avenir, on ne peut voir que cequi est. Or ce qui est déjà n'est pas futur, mais présent.Lorsqu'on déclare voir l'avenir, ce que l'on voit, ce ne sont pasles événements eux-mêmes, qui ne sont pas encore, autrementdit qui sont futurs, ce sont leurs causes ou peut-être les signesqui les annoncent et qui les uns et les autres existent déjà.

� Thème : le futur et le passé existent-ils ?

� Thèse : le futur et le passé existent en tant que présents.� Arg. en bref : - Être passé → ne plus exister ; - Être futur → ne pas encore exister ; - Être présent →

exister.

� Arg. pour le passé

importance de la mémoire : contient des images des événements passés.

� Arg. pour le futur prédiction, préméditation, pressentiment.

Comment lire philosophiquement un texte ? 17

Une fois ces différents éléments linguistiques mis en évidence et le découpage du texteréalisé, vous être prêts à ressortir les différents éléments propres à la lecture philosophiqued’un texte : le thème, la thèse et l’argumentation. Dans le texte présent, ces élémentspourraient être présentés de la manière suivante :

G Remarque importante :A nouveau, il s’agit d’une présentation possible parmi d’autres ! En effet, il peut y avoir passablement devariations dans la présentation du thème, de la thèse et des arguments et ce, notamment au niveau de laforme.

B. Lecture philosophique : les éléments à ressortir

[Cette partie B. est issue d’un essai de reconstruction que j’avais réalisé dans le cadre de mon enseignement auCollège St-Michel (Fribourg (Suisse)) durant l’année scolaire 2003-2004]

1. La question – le thème (partie�)Le thème du texte est exprimé dans la première phrase et peut être formulé comme suit :

(1) Le futur et le passé existent-ils ?

$ Vraiment faire attention à toujours formuler le thème sous forme interrogative !(évite bien des difficultés dont celle de confondre thème et thèse !)

2. La réponse – la thèse (partie�) Thèse générale

(2) Le futur et le passé existent en tant que présents. Thèses particulières « contenues » dans (2) :

(3) Le futur n’existe pas en tant que futur ;(4) Le passé n’existe pas en tant que passé ;(5) Le futur existe en tant que présent ;(6) Le passé existe en tant que présent.

3. Les raisons- les arguments : Essai de reconstruction

• Argument en bref en faveur de (2) (partie�)Argument pour (3)

- Ce qui est futur n’existe pas encore ;- Donc, le futur ne peut pas exister en tant que futur (d’où (3)).

Argument pour (4)- Ce qui est passé n’existe plus ;- Donc, le passé ne peut pas exister en tant que passé (d’où (4)).

Argument partiel en faveur de (5) et (6)- Seul ce qui est présent existe ;- Donc, le futur ne peut exister qu’en tant que présent (d’où (5)) ;- Donc, le passé ne peut exister qu’en tant que présent (d’où (6)).

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• Argument en faveur de (6) (partie�)Comment le passé peut-il exister en tant que présent ?

- Les événements passés n’existent pas dans le présent, puisqu’ils ne sontplus.

- Ce qui existe dans le présent, ce sont les images des événements passés quise trouvent dans notre mémoire.

- Ainsi, le passé existe en tant que présent, grâce aux images des événementspassés qui se trouvent dans notre mémoire.

• Argument en faveur de (5) (partie�)Comment le futur peut-il exister en tant que présent ?

Première partie de la partie� (jusqu’à « J’avoue, mon Dieu, que je l’ignore. »)Même mécanisme que pour le passé ?

- Comme nous l’avons vu : le passé existe en tant que présent grâce auximages des événements passés qui se trouvent dans notre mémoire.

- Le futur existerait-il en tant que présent selon le même mécanisme ?c'est-à-dire, le futur existerait-il en tant que présent grâce à des imagesdes événements futurs qui se trouveraient à l’avance dans notre esprit ?

- Non, vraisemblablement pas. (Augustin dit qu’il l’ignore).Seconde partie de la partie� :Mais alors, comment le futur peut exister en tant que présent ?

- Les événements futurs n’existent pas dans le présent puisqu’ils ne sontpas encore.

- Ce qui existe dans le présent, c’est notre prédiction (~ dire à l’avance)des événements futurs.

- Cette prédiction prend deux formes :- la préméditation (~ réfléchir à l’avance)

d’ordre intellectuel ;nous pouvons voir certains événements présents commeles causes d’événements futurs.

- le pressentiment (~ sentir à l’avance)de l’ordre du sensible ;nous pouvons voir certains événements présents commedes signes annonciateurs d’événements futurs.

- Ainsi, le futur existe en tant que présent par notre prédiction desévénements futurs qui s’appuie sur notre connaissance d’événements déjàprésents.

Comment lire philosophiquement un texte ? 19

GRemarque importante : un minimum à faireVous n’êtes bien sûr pas obligés de faire tout le travail de l’étape 1 dans le détail et par écritchaque fois que vous désirez lire un texte philosophiquement : la reconstruction del’argumentation, typiquement, peut être plus ou moins approfondie et détaillée (elle peutêtre moins approfondie que dans notre exemple d’application, mais également encore bienplus approfondie et détaillée !). Cependant, vous devriez être capables de mener à bien untel travail. En tout cas, je vous recommande vivement, pour tous les textes, au minimum, :

- de faire ressortir le thème-la question du texte (en l’indiquant directement à côté dutexte) ;

- de faire ressortir la thèse-la réponse du texte (en l’inscrivant directement à côté dutexte) ;

- de mettre en évidence les mots-chevilles importants ;- de séparer le texte en grandes parties et de leur donner un titre ; et- de saisir les grandes lignes de l’argumentation (reconstruction brève des grandes

étapes de l’argumentation).De plus, gardez toujours à l’esprit que, même si il est important d’avoir saisi le thème d’untexte et la thèse défendue par l’auteur en son sein lorsque l’on lit philosophiquement untexte, le plus important est de comprendre et de saisir les arguments que l’auteur avance enfaveur de cette thèse !Certains trouveront que ce minimum est déjà bien exigeant. Certes, il l’est. Mais, je pensesincèrement que si vous effectuez un tel minimum, la lecture de textes, et notamment detextes philosophiques, vous sera bien plus profitable que si vous parcourez leurs lignes à lahâte.

GRemarque : Rédaction et présentation sous forme de pointsDans mon essai de reconstruction de l’argumentation du petit passage d’Augustin, j’aiprésenté les choses sous la forme d’une suite de points et d’assertions. Lorsque vous rédigezun travail de proséminaire ou de séminaire, vous pouvez, par moments, présenter les chosesde cette manière si cela favorise la clarté de vos propos. Cependant, il faudrait éviter quetout votre travail se présente de cette manière ! En effet, dans le cadre d’un travail deproséminaire ou de séminaire, il faudra que vous présentiez vos propos sous la forme d’untexte ou, en tout cas, que vous alterniez passages écrits de manière « traditionnelle » etpassages utilisant une telle présentation sous forme de points et d’assertions.

Bonne Lecture !

Comment lire philosophiquement un texte ? 20

Complément A.

Résumer et Reconstruire.Quelle différence ?L’image de la maison

Septembre 2007

Dans le cadre des études de philosophie, il est essentiel de développer et d’acquérir la capacitéde reconstruire l’argumentation d’un texte. Cette capacité joue un rôle central dans touttravail philosophique, car elle constitue une première étape nécessaire et indispensable :

- pour pouvoir entrer véritablement en dialogue avec un texte et- pour pouvoir véritablement évaluer les forces ou les faiblesses de celui-ci.

Le but principal des travaux écrits de pro-séminaire est pour moi l’apprentissage et ledéveloppement de cette faculté chez l’étudiant(e). A cette fin, je lui demande de choisir unargument au sein d’un texte et de le reconstruire. Les pages précédentes de ce document sur lalecture philosophique d’un texte visaient et visent toujours à indiquer quelques grandes lignesà suivre afin de mener à bien cette tâche. Cependant, au fil des évaluations, j’ai constatéqu’une même difficulté se présente à beaucoup d’étudiant(e)s : ils/elles ont de la peine àvraiment saisir la différence entre

- le résumé « traditionnel » d’un texte (ou de l’un de ses passages) et- la reconstruction de son argumentation.

La conséquence la plus directe de cette difficulté est que beaucoup d’étudiant(e)s ont tendance(surtout dans les premiers travaux) à réaliser davantage un résumé qu’une reconstruction.

Les étudiant(e)s ont généralement pris connaissance des pages précédentes et les ontapparemment comprises. De plus, dans ces mêmes pages, je parle à de nombreuses reprises de« la reconstruction d’une argumentation » et tente d’expliquer ce que j’entends par cela. Etpourtant, en dépit de cela, la difficulté mentionnée et le problème qu’elle engendreapparaissent. Un complément d’explication m’est donc paru nécessaire.

Expliquer davantage la différence entre- un résumé « traditionnel », linéaire et- la reconstruction d’un texte

n’est pas si évident, notamment car les deux entreprises, bien que différentes, ont de multiplespoints communs : les deux, par exemple, parlent d’un texte et évoquent ses élémentsimportants. De plus, l’étudiant(e) commençant(e) est généralement déjà bien familier de cequ’est un résumé, mais encore très peu de ce qu’est une reconstruction.

Une des manières d’expliquer cette différence est de recourir à une analogie. Cette analogie ades limites. Mais, par le passé, il semble qu’elle ait pu éclairer certains étudiant(e)s.

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L’argument et la maison

• Comparez le texte que vous étudiez et l’argument qu’il contient à une maison.

• Comme un argument, une maison est un tout structuré.- Les différents éléments qui constituent une maison (les briques, les murs, les

planchers, les poutres, ...) sont agencés d’une façon et dans un ordre bien précis :par exemple, le toit ne peut pas se trouver sous le 1er étage ! de la même manière,chaque plafond est par exemple soutenu par des murs et ceux-ci ne peuvent pasêtre horizontaux.

- Il ne suffit pas d’avoir les éléments de construction de la maison pour avoir lamaison. Ceux-ci doivent être agencés d’une certaine manière pour constituer unemaison. Imaginez que dans un pré se trouvent mis côte à côte tous les matériauxet éléments nécessaires à la construction d’une maison : les briques, le béton, lesstructures métalliques, les tuiles, le ciment, les poutres, le plâtre, … Vous avezles éléments de construction, mais vous n’avez pas encore une maison ! Pourqu’une maison apparaisse, il faut que ces éléments soient assemblés et agencésd’une manière bien précise.Pour un argument, c’est la même chose, il ne suffit pas de juxtaposer desénoncés pour en obtenir un. Il faut que ces énoncés soient liés et connectés entreeux d’une manière bien précise.

• Comme un argument, une maison peut être plus ou moins solide.- Certaines maisons sont très solides : elles supportent de très forts vents et autres

« déluges » ; leur toit ne cède pas sous la neige lourde et mouillée… A l’inverse,d’autres maisons vont être endommagées facilement et peuvent même êtredétruites partiellement ou complètement dans des conditions similaires.

- De la même manière, certains arguments sont très solides et ne cèdent pas auxpremiers examens et aux premières objections, alors qu’à l’autre extrêmecertains cèdent facilement.

- Ce qui intéresse le philosophe c’est la solidité des arguments (ce qui est normalpuisqu’il recherche la vérité). Quand il rencontre un argument, il va ainsi toutnaturellement tester sa solidité. Quand il en construit un lui-même, il va essayerde le faire aussi solide que possible. En cela, il est semblable à un « architecte-inspecteur de construction » dont la préoccupation principale et première est lasolidité des maisons (c’est presque une obsession pour lui !) : quand il rencontreune maison, il va tout de suite examiner sa solidité ; quand il construit lui-mêmeune maison, il va essayer d’en construire une aussi solide que possible.

• Comme un argument et le texte qui le contient, une maison peut être plus ou moinsbelle.

- Dans les deux cas, la beauté n’est pas sans valeur (en effet, quel plaisir de voirune belle maison ! et quel plaisir de lire un beau texte !). Mais, ce que rechercheavant tout le philosophe comme notre architecte-inspecteur, c’est la solidité ! Sion a en plus la beauté, tant mieux ! Mais la beauté seule n’est pas suffisante et entout cas pas prioritaire !

Comment lire philosophiquement un texte ? 22

Résumer et esquisser

Lors d’une promenade en solitaire, vous vous retrouvez face à une maison à vendre que vousne connaissez pas. Vous la trouvez étonnante et très intéressante et aimeriez partager votredécouverte et en parler avec l’ami qui vous accompagne d’habitude et qui est justement à larecherche d’une maison.

Comme vous aimez dessiner, vous avez toujours avec vous un petit carnet et des crayons.Vous commencez alors à faire des croquis et des esquisses de cette maison, essayant de lareprésenter dans ses grandes lignes, essayant de représenter ses éléments importants. Lepropriétaire vous permettant d’y pénétrer, vous faites également quelques esquisses del’intérieur. Ayant un petit appareil photo avec vous, vous prenez également à chaque foisquelques photos.

Quand, le soir, vous rencontrez votre ami, vous lui racontez votre balade et lui parlez de lamaison étonnante que vous avez rencontrée. Vous lui montrez les esquisses, les croquis et lesphotos. Cela lui permet d’avoir vraiment une bonne idée de la maison que vous avezrencontrée.

• Faire un résumé « traditionnel », linéaire, c’est comme faire des esquisses et prendre desphotos d’une maison : il nous permet déjà d’avoir une bonne idée du texte.Les esquisses et les photos répondent de manière satisfaisante à : comment est cettemaison ? De la même manière, le résumé répond de manière satisfaisante à : de quoiparle le texte ? quel est son contenu ?

Reconstruire et examiner la solidité

Votre ami est vraiment content d’avoir vu les photos et les esquisses : la maison lui plaîtapparemment beaucoup et il serait très intéressé à l’acheter ou à en construire une semblable.Cependant, les photos et esquisses ne le satisfont que partiellement. En effet, il est trèspréoccupé par la solidité de la maison qu’il va acheter ou construire. Or, les photos et lesesquisses ne lui disent que très peu si la maison est solide ou non. Autrement dit :

des esquisses ou des photos d’une maison ne permettent de juger que très partiellementde la solidité d’une maison ;de la même manière, le résumé traditionnel, linéaire d’un texte ne permet de juger quetrès partiellement de la solidité des arguments qui y sont développés.

Votre ami aimerait pouvoir examiner la solidité de la maison et éventuellement, au cas où ilne peut pas l’acheter, être capable d’en construire une semblable. Comme il est très occupéces derniers temps, il ne peut pas vraiment se rendre à la maison en question. Il vous chargede vous y rendre pour lui et de lui ramener les informations nécessaires afin de répondre à sesattentes.

Vous retournez sur place et parlez avec la personne qui a construite la maison. Vous luidemandez alors : quels matériaux ont été utilisés dans la construction ? comment les différentséléments ont été mis ensemble ? … En fait, vous lui demandez de vous expliquer dans lesgrandes lignes comment la maison a été construite. A partir de ses dires et de vos

Comment lire philosophiquement un texte ? 23

observations, vous effectuez un plan de la maison indiquant comment elle est construite et lesmatériaux utilisés. A partir de ce plan, votre ami est véritablement à même

- d’évaluer la solidité de la maison et- éventuellement, d’en reconstruire une semblable.

• Reconstruire un argument c’est comme faire un tel plan. La reconstruction d’unargument ne se « contente » pas d’évoquer les éléments essentiels d’un texte. Elle dit enplus comment ces éléments tiennent ensemble, comment ils sont liés les uns aux autres.

Ce qui préoccupe le philosophe c’est la solidité des arguments. C’est pourquoi, ce quil’intéresse n’est pas un résumé, mais une véritable reconstruction de l’argumentation. Unrésumé n’est pas inutile, mais il ne lui sert pas à grand-chose étant donné le but qu’il vise.

L’analogie en bref

La maison examinée L’argument étudié

L’architecte de la maison L’auteur de l’argument

Des esquisses, des photos de la maison Un résumé traditionnel de l’argument

Un plan expliquant commentla maison est construite Une reconstruction de l’argument

D’autres analogies possibles

La maison n’est pas le seul objet pouvant être utilisé pour expliquer la différence entre unrésumé traditionnel et une reconstruction d’argument. Parfois, d’autres objets parlentdavantage à certain(e)s étudiant(e)s. C’est pourquoi, j’en cite brièvement encore deux :

L’armoire IKEA- Comparez l’argument (ou le texte) étudié à une armoire IKEA devant laquelle vous

vous trouvez.- Vous pouvez faire des photos et des dessins de cette armoire pour expliquer à un ami

comment elle est→ cela correspond à un résumé.

- Cependant, cela n’est suffisant ni pour examiner sa solidité, ni pour en construire unesemblable.

- Pour cela, il faut que vous réalisiez un « plan » de l’armoire, que vous expliquiezcomment elle est construite. En fait, il faudrait dans un sens que vous refassiez vous-même le manuel de montage de l’armoire.→ le manuel de montage correspond à la reconstruction d’un argument

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Le plat cuisiné très élaboré- Le texte correspond à un plat très élaboré que vous goûtez.- Vous pouvez en faire des photos, mais surtout le décrire, décrire son goût, sa texture,

sa chaleur, …→ ces description correspondent au résumé du texte

- Cependant, ces descriptions ne suffiront pas à savoir comment le plat a été réalisé,comment certains aliments ont été assemblés. Elles ne suffiront pas non plus à savoirsi le plat a été « bien » réalisé. Qui plus est, ces descriptions ne seront pas suffisantespour pouvoir cuisiner un plat semblable.

- Pour cela, il faudrait la recette du plat !→ reconstruire un argument c’est comme réécrire la recette d’un plat.