Comment le numérique transforme les lectures des adolescents ?

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Une génération in- supportable ? Numérique, adolescents, lecture(s) « Comment le numérique transforme les lectures des adolescents ? » he sur Yon. Journée d’étude « Adolescents et lectures » embre 2013. Pôle universitaire Yonnais.

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Une génération in-supportable ?

Numérique, adolescents, lecture(s)« Comment le numérique transforme les

lectures des adolescents ? »

La Roche sur Yon. Journée d’étude « Adolescents et lectures »21 Novembre 2013. Pôle universitaire Yonnais.

Briser le mythe du « digital native »

(1er fantasme)

• Mon arrière grand-père est de la génération de la radio … mais il n’est pas né en sachant parler• Mon père est de la génération de l’automobile … mais il n’est pas pas né en sachant conduire• Je suis de la génération de la télévision … mais je ne suis pas né en sachant filmer• La génération Y n’est qu’un marronnier pour médias paresseux et conversations de bistrot.• Ils n’ont pas plus de « compétences », pas plus « d’habiletés ». Ils ont juste plus « l’habitude »

d’avoir recours au numérique, comme nous avions plus l’habitude d’avoir recours au vélo avant l’invention de la voiture.

Génération Y = #bullshit

1982 1999 2006

1984 1998 20102007

iPhone iPadGoogle

Macintosh

1985

Windows 1

1971

Projet Gutemberg

Cybook Cytale1ère « liseuse »

2005

GoogleBooks

Quelques chiffres …• L’adolescence est LA période de décrochage de la lecture. Elle l’a toujours été. • Les ados d’aujourd’hui ne lisent pas moins que les ados d’hier : « Baisse de la lecture est 1 phénomène

générationnel observé depuis les années 60 ». • Les « ados » lisent « moins ». Et en plus ils lisent « moins sur un support et plus sur un autre ».• Les gros lecteurs « papier » sont de gros lecteurs « numériques » (et inversement)• Les petits lecteurs « papier » sont de petits lecteurs « numériques » (et inversement)• Ils lisent la même chose (litt. Dédiée, SF, Fantasy + BD)• Ils lisent « en numérique » quand leurs parents ont des dispositifs numériques• Ces dispositifs sont très majoritairement des tablettes, puis des smartphones, puis des liseuses• La prise en main des tablettes et smartphones a lieu de plus en plus jeune (dès 2 ans) • Ils sont prescripteurs d’équipement.• Sources :

– http://www.actualitte.com/usages/canada-enfants-et-adolescents-adoptent-la-lecture-numerique-45248.htm– http://www.scoop.it/t/les-pratiques-des-jeunes-face-au-numerique – http://www.cnetfrance.fr/news/lecture-numerique-le-succes-des-tablettes-aupres-des-plus-jeunes-39794687.htm– http://www.sne.fr/img/pdf/Evenements/Assises/Assises-22mars2013/CP-Barometre-usages-livre-numerique-Vague3-22_03_13.pdf – http://www.lepoint.fr/culture/la-lecture-passe-temps-inavouable-11-09-2012-1504778_3.php– http://www.lemonde.fr/livres/article/2012/11/29/ados-zero-de-lecture_1797771_3260.html – http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2011-05-0032-005

Ce qui a VRAIMENT changéA part les livres et la société ;-)

Levy-Bruhl Odile. Les adolescents et la lecture. In: Enfance. Tome 10 n°5, 1957. pp. 561-567.doi : 10.3406/enfan.1957.1375url : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/enfan_0013-7545_1957_num_10_5_1375Consulté le 19 novembre 2013

Ce qui a VRAIMENT changé donc.

• Pas le goût de la lecture• Pas le « désir » de lire• Pas la période délicate de l’adolescence• LES MANIFESTATIONS de ce goût, de ce désir, de cette

littérature. « Manifeste : ce qui peut être touché par la main »• LE SUPPORT desdites manifestations.

Il y a longtemps de cela, dans une galaxie très lointaine …

• En 4 millénaires• Tablettes d’argile ( - 3000 av JC) > Volumen > Codex (500 ap JC) > Et retour : tablettes de silicone.

• En 40 ans• Ordinateur > ordinateur portables > téléphones > smartphones > liseuses > tablettes > phablettes > etc…• Chaque changement de support est semblable à ce que fut le passage du volumen au codex.

• Rester humble. On ne sait pas grand chose.

D’autant que …

Ceci est une interface tactile Ceci … aussi.

Allô Houston ? Vous avez un problème.

• Le codex a remplacé le volumen parce que :• c’était plus PRATIQUE• C’était plus RAPIDE• C’était plus MULTI-TÂCHE• On pouvait faire avec lui des choses INTERDITES par le volumen (comparer, revenir en arrière, etc.)

• Le gros #fail autour du livre numérique : • nous demander aujourd’hui de nous en servir sans se servir des possibilités inhérentes au

numérique.

• « Effet diligence »• « Les premiers wagons ressemblaient à des diligences et les premières automobiles, à des voitures à 

cheval. Les mentalités, habituées à des techniques désormais dépassées, utilisent les nouveaux outils avec des protocoles anciens, c'est ce que j'appelle l'effet diligence » (Jacques Perriault : http://archives.limsi.fr/WkG/PCD2000/textes/perriault.html)

• Interdit-on aux trains de rouler plus vite que les diligences ? Oblige-t-on les utilisateurs de téléphones portables à passer leurs appels depuis une cabine téléphonique ? Ecoute-t-on la télé comme on écoutait la radio (sans regarder les images) ? Doit-on lire des fichiers numériques comme des livres « papier » ?

Et pourtant ceci est un livre … numérique (sic)

Comment le numérique transforme … notre droit de lire

• Droits imprescriptibles du lecteur ?• Revendre ? Prêter ? A combien de personnes ? Être anonyme ?

Confidentialité de l’acte de lecture ?• Richard Stallman. « Les dangers du livre électronique »

http://www.framablog.org/index.php/post/2012/01/22/stallman-ebook-livre-electronique :

– « On peut l’acheter en espèces, de façon anonyme.– Après l’achat, il vous appartient.– On ne vous oblige pas à signer une licence qui limite vos droits d’utilisation.– Son format est connu, aucune technologie privatrice n’est nécessaire pour le lire.– On a le droit de donner, prêter ou revendre ce livre.– Il est possible, concrètement, de le scanner et de le photocopier, pratiques parfois légales sous le

régime du copyright.– Nul n’a le pouvoir de détruire votre exemplaire. »

« lecture numérique ? »

• Ce qui paraît compliqué est en fait assez simple : – Technologies (e-ink)– Interfaces (convivial, ergonomique – en général)

• Ce qui paraît être une rupture est surtout un héritage (du codex)– Typographie– Formats (standards)

• Et c’est ce qui paraît simple qui est en fait compliqué …– USAGES (modèle sociétal et représentations symboliques du « lecteur », droits accordés)

• Qui constitue une vraie rupture– USAGES (modèle économique et représentations marketing du « marché » de la lecture, droits

négociés)

Vecteurs de complexité • Offre légale

– Pauvreté. Prix. Visibilité. Offre … illégale ?

• Accès.– abonnement ? Paiement à l’acte ? Streaming ?

• Copie et stockage.– Dans le « cloud » ? « Chez » Amazon/Apple/Google ? Sur nos terminaux ?

Achat ou « allocation » temporaire ?

• Corrélats : – Prescription et médiation : Quelle offre ? légale ? Illégale ? Domaine public ?

Qui ? Algorithmes de recommandation ? Libraires / bib ?– Partage et transmission : DRM. Mémoire. Sans possibilité d’appropriation, la

rediffusion remplace le partage. Sans « copie » résidente ouverte, le choix de transmettre nous est ôté.

Les gens n’aiment pas les problèmes. Ni les trucs compliqués.

Les adolescents encore moins. Alors ils trouvent des solutions simples.

Il y en a même qui font l’effort de chercher.

Je cherche 1 livre numérique que je peux prêter autant de fois que je veux, imprimer, copier-coller, donner si j’en ai envie, si possible pas trop cher, et pas forcément un auteur super connu déjà en vente partout.

Quand on cherche on …

rigole.

Quand on cherche on … paie.

Et il est obligatoire d’avoir un compte Amazon (et conseillé d’avoir un liseuse Amazon – Kindle)

Quand on cherche on paie.

Et il est obligatoire d’avoir un compte FNAC (et conseillé d’avoir une liseuse FNAC – Kobo)

Quand on cherche on … paie

Et il est obligatoire d’avoir un compte Google.

Quand on cherche on paie

Et il est obligatoire d’avoir un compte iTunes(et conseillé d’avoir un ordinateur Mac)

Quand on cherche on veut tout.

Quand on cherche on veut tout. Tout de suite.

Sans choisir avant.

Avaler des « étagères infinies ».

Elle : « J'ai toujours eu foi en la bonté des inconnus. »Lui : « Et moi j’ai encore reçu un courrier d’Hadopi »

Le problème du désir (et la criminalisation du désir), de la pulsion, et de la frustration.

Trois sujets « sensibles » à l’adolescence …Trois problèmes que le numérique revisite.

• « je suis plus inquiet par l'absence de téléchargement - l'absence de désir - que par le téléchargement. » Hubert Guillaud http://lafeuille.blog.lemonde.fr/2009/10/20/nayez-pas-peur/

Quand on cherche on veut tout.

Source : http://lemotif.fr/fichier/motif_fichier/75/fichier_fichier_syntha.se_ebookz.pdf

Ce que le numérique change dans les pratiques de lecture ?

La prescription commence avec le téléchargement.Et elle continue APRÈS.

Problème des « terminaux »

• Un terminal se doit d’abord d’être un commencement. Le livre est un objet « terminal ». Qui ne nécessite aucune extériorité. Les terminaux numériques sont totalement dépendants d’extériorités.

• Problème « cognitif » : lecture connectée ? Lecture multitâche ? Besoin de dispositifs « dédiés ». Comme le livre, la liseuse est un dispositif cognitif dédié. Qui, comme le livre, rend possible certains franchissements, dépassements : prise de note, recherche sur internet, etc. Mais grosse pression des industries culturelles pour enterrer liseuses au profit des tablettes, dispositifs plus rentables par la diversité des usages qu’ils offrent (et des possibilités de monétisation afférentes).

• Des NTIC aux NTAD (nouvelles technologies de l’attention et de la distraction)

Comment le numérique transforme les lectures des adolescents ?

Une génération in-supportable.

Aujourd'hui le téléphone portable est le 1er terminal de connexion à internet à l'échelle de la planète. Demain débarquera sur le web le prochain milliard d'internautes. Demain chaque vêtement, chaque objet sera "connecté". Le World Wide "Wear". Des opérations aussi simples que celle permettant de donner à un ami une place de cinéma dont on ne se sert pas, un blouson dont on n'a plus d'utilité, un livre que l'on n'a plus envie de lire, deviendront impossibles ou seront soumises à une identification préalable. Identification qui plus est « biométrique ». Indépendamment des risques de "fichage" inhérents à cette évolution, nous sommes en passe, trop peu souvent hélas à notre corps défendant, d'accepter de nous aliéner des pans entiers de culture et de sociabilité au nom d'un fantasme entretenu de connexion permanente et ubiquitaire. Les premiers impactés seront bien sûr nos enfants. Il fallut quelques siècles pour passer du livre en rouleau (le volumen) au livre sous sa forme actuelle (le "codex"). Les "supports" changent désormais plusieurs fois par génération : ordinateurs, téléphones cellulaires, tablettes, liseuses, phablettes, etc. La génération actuelle sera la première génération sans support. Une génération littéralement in-supportable. Faisons en sorte qu'elle ne soit pas sans mémoire(s).

#Bonus Tracks

« qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse » ? Ben non, pas vraiment justement …