Comment Choisir Une Méthode d Evaluation

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Comment choisir une méthode d'évaluation -- novembre 2006 L'évaluation d'entreprise ne souffre pas de l'absence de méthodes mais bien plutôt de la coexistence d'un grand nombre de méthodes parmi lesquels les praticiens peuvent se sentir perdus. Contrairement à certains auteurs nous ne pensons pas que faire la moyenne des différentes approches soit une solution satisfaisante. Il convient plutôt selon les cas auxquels est confronté le praticien de sélectionner la méthode qui doit être employée. Cette sélection ne doit pas être faite au hasard mais doit résulter de critères précis. Trois grandes familles d'approches peuvent être utilisées : -- l'approche par les actifs -- l'approche par les revenus -- l'approche par les comparables. L'approche par des méthodes liées à la théorie des options correspond à des cas particuliers tels que les entreprises nouvelles ou les entreprises en retournement. Elle ne fera pas l'objet de développements spécifiques dans cet article.

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Comment choisir une méthode d'évaluation -- novembre 2006

L'évaluation d'entreprise ne souffre pas de l'absence de méthodes mais bien plutôt de la coexistence d'un grand nombre de méthodes parmi lesquels les praticiens peuvent se sentir perdus.

Contrairement à certains auteurs nous ne pensons pas que faire la moyenne des différentes approches soit une solution satisfaisante. Il convient plutôt selon les cas auxquels est confronté le praticien de sélectionner la méthode qui doit être employée. Cette sélection ne doit pas être faite au hasard mais doit résulter de critères précis.

Trois grandes familles d'approches peuvent être utilisées :-- l'approche par les actifs-- l'approche par les revenus-- l'approche par les comparables.

L'approche par des méthodes liées à la théorie des options correspond à des cas particuliers tels que les entreprises nouvelles ou les entreprises en retournement. Elle ne fera pas l'objet de développements spécifiques dans cet article.

Le présent article tentera donc de définir dans quels cas l une ou l'autre de ces approches peut être utilisée.

Le premier facteur de sélection correspond à la nature des actifs ou de l'entreprise qui doit être évaluée.

En effet, lorsque les actifs de l entreprise sont l'objet d'échanges sur un marché et peuvent être séparés sans difficulté, on se trouve tout naturellement dans une logique d'approche par les actifs. C'est ainsi que les entreprises qui détiennent principalement des actifs immobiliers sont généralement évaluées par cette approche. Cette méthode peut aussi être utilisée pour les entreprises de distribution qui possèdent un grand nombre de droits au bail. Par contre, les

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entreprises en phase de croissance qui détiennent essentiellement des actifs spécifiques non cessibles sur le marché doivent être évaluées selon un autre modèle.

Le second facteur de sélection à examiner correspond à la production de cash-flow par l'entreprise. Si celle-ci est déjà dans une phase où elle produit de façon récurrente des cash-flows, les approches dépendant du revenu pourront être utilisées facilement. Par contre si l'entreprise possède des actifs qui ne génèrent pas encore de revenus, telles que par exemple des brevets non exploites, elle pourra être évaluée selon une approche provenant de la théorie des options. Si l'entreprise possède des actifs qui ne pourront jamais produire des cash-flows, la seule solution est d'utiliser la méthode des comparables.

Un autre facteur qui influera sur le choix de l'approche est l'horizon de temps qu'utilise l'analyste. Si celui-ci est chargé de faire une évaluation avec un horizon à très court terme, il utilisera de préférence des méthodes fondées sur la valeur de réalisation des actifs. Si par contre, il examine l'entreprise dans une optique d'acquisition à long terme, il pourra utiliser les méthodes d'actualisation des cash-flows qui reposent sur de longues périodes d'estimation. On constate donc que la nature des actifs évalués et le contexte de l'évaluation permettent déjà de faire une première sélection parmi les approches. Mais après cette première sélection l'évaluateur reste confronté à un certain nombre de difficultés.

Si par exemple la méthode des cash-flows actualisés apparaît comme devant être sélectionné en fonction de ce qui précède, un certain nombre de choix restent ouverts. Nous allons examiner successivement :

-- les hypothèses d'endettement et le coût du capital.-- les hypothèses concernant le revenu, celui-ci doit-il être

courant ou normalisé ?-- les hypothèses concernant la croissance.

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Les hypothèses d'endettement ont bien évidemment un fort impact sur le coût moyen pondéré du capital. Si les analystes considèrent que l'endettement va varier au fil du temps, le taux d'actualisation à utiliser devra être ajusté en conséquence. Si par contre le niveau d'endettement est considéré comme stable on pourra utiliser un taux d'actualisation constant. Cette question nous ramène à l'analyse du risque d'entreprise et donc du niveau maximum de dettes que peut supporter une entreprise notamment au cours d'une opération de L. B. O. La compréhension du modèle économique et donc de la volatilité des résultats est un facteur essentiel de choix qui suppose à la fois l'analyse de la structure de coûts et l identifications des facteurs extérieur de risque qui peuvent influer sur le résultat. Ce problème se retrouve aussi dans la détermination du coût des fonds propres. On sait que le Medaf qui est le modèle standard le plus couramment utilisé suppose un investisseur diversifié dont le risque est réparti. Ceci peut bien évidemment s'appliquer pour un fonds d'investissement qui dispose de nombreuses participations. La question est moins évidente lorsque l'évaluation est faite pour un investisseur personne physique dont cette participation sera un élément essentiel du patrimoine.

La seconde difficulté que rencontre l'analyste dans l'utilisation des modèles de cash-flow actualisé est la notion de revenus réels ou normatifs. Si une firme a une activité cyclique il est évident que l'évaluateur doit utiliser des revenus moyens sur une période suffisamment longue pour pouvoir appréhender l'impact total du cycle. De la même façon si l'entreprise s'écarte significativement de la rentabilité moyenne du secteur il conviendra de se demander si la firme a un avantage concurrentiel suffisant pour maintenir une rentabilité anormalement élevé. Au cas contraire si sa rentabilité est inférieur aux autres opérateurs du secteur est elle en mesure de corriger rapidement ses faiblesses pour revenir progressivement à une rentabilité comparable à celle de ses concurrents ? Dans tous les cas le choix d'une hypothèse de résultat futur devra être fondé sur une analyse détaillée du modèle économique et des facteurs concurrentiels du secteur. On rencontre trop souvent des

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calculs de cash-flow actualisé qui se contentent de prendre comme une constante les résultats les plus récents de l'entreprise.

La troisième difficulté que l'on rencontre dans les modèles fondés sur le revenu actualisé est l'hypothèse de croissance. Si l'entreprise a connu au cours d'une période récente un taux de croissance supérieure à celui de l'économie dans son ensemble la question naturelle est de savoir combien de temps cette croissance peut se poursuivre ? Ceci revient à analyser l'avantage compétitif de l'entreprise. Cet avantage est-il fondé sur des produits originaux ou sur des coûts particulièrement bas ? Combien de temps faudra-t-il à la concurrence pour détruire cet avantage ? L'entreprise dispose-t-elle d'une marque reconnue qui lui donne une visibilité sur le marché ? La réponse à toutes ces questions va conditionner le taux de croissance qui sera utilisé dans le modèle.

On pourrait imaginer que l'approche par les comparables soulève moins de difficultés que celle par les revenus actualisés. Généralement il n'en est rien. En effet, cette approche suppose que l'on identifie sur le marché des transactions portant sur des actifs similaires. Ceci est assez simple si l analyse porte sur des entreprises de petite taille dont on trouve plusieurs milliers sur le marché et qui font l'objet de nombreuses transactions. C'est notamment le cas pour les commerces de détail et les professions libérales. Pour les entreprises industrielles, l'exercice est plus difficile. Il existe peu de base de données recensant les transactions portant sur des petites et moyennes entreprises. Les informations disponibles portent davantage sur les grandes transactions ou sur les entreprises cotées. Il convient donc de corriger le biais introduit par l'effet de taille. Par ailleurs la question de la variable à utiliser reste difficile. On sait ainsi que dans certains secteurs les analystes utilisent des multiples du résultat d'exploitation, dans d'autres cas des multiples du chiffre d'affaires, enfin dans certains cas des multiples de l excédent brut. Ces variables peuvent donner des résultats très différents. On sait aussi que les prix constatés sont parfois le reflet de situations particulières et de la volonté de l'acquéreur de s'assurer un avantage stratégique. On constate ainsi que dans certains secteurs en phase de consolidation les

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prix des transactions correspondent à des multiples très élevés. Aussitôt que le secteur à atteint sa maturité ses multiples se réduisent brutalement et les évaluations se rapprochent des cash-flows actualisés. Dans tous les cas l'évaluateur doit disposer d'un nombre suffisant de transactions. Il doit par ailleurs se demander si la référence à une variable éloignée des résultats n'est pas fondée sur une hypothèse trop forte de similitude des modèles économiques. Chacun se souvient des évaluations faites il y a quelques années portant sur le nombre de clients ou le chiffre d'affaires sans aucune prise en compte de la réalité économique de l'entreprise. Il convient donc toujours de garder à l'esprit le fait qu'une bonne utilisation des comparables suppose :

-- d'utiliser des firmes de taille similaire.-- un stade équivalent de développement.-- un modèle économique aussi proche que possible.

Force est de constater que dans la pratique ces conditions ne sont pas toujours réunies.

Au terme de cette revue trop rapide des méthodes possibles, on ne peut que répéter quelques évidences. Aucune approche ne l'emporte de façon systématique. Le jugement de l'analyste est nécessaire pour déterminer l'approche applicable à chaque cas. Il ne doit ensuite pas hésiter à comparer les résultats obtenus avec diverses approches. Même si l'évaluation d'entreprise est 'un exercice dans lequel les certitudes sont rares, il convient de faire des choix qui seront probablement meilleurs s'ils sont fondés sur une analyse raisonnée que l'utilisation arbitraire de moyennes entre différentes méthodes que l'on rencontre encore trop souvent.