Colorimétrie - perso.latribu.comperso.latribu.com/shagar/documents/colorim.pdf · Les colorants,...
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CATEGORIE TECHNIQUE
Formation bachelier en Sciences Industrielles
3ème année. Campus ULg – Sart Tilman
B5a(Physique) – bureau 4/57
6, Allée du 6 août, 4000 LIEGE
Tél. : 04 / 366 22 90
Email : [email protected] Website : www.isipack.be
Colorimétrie 2008-2009
Steve Gillet, D. Sc. [email protected]
http://perso.latribu.com/shagar
Colorimétrie.
1. Qu’est-ce que la couleur ?
De quoi allons-nous parler dans ce cours ?
Nous allons parler de la couleur, des colorants et de la coloration de matière. Le
terme « couleur » peut désigner une sorte de lumière, son effet sur l’œil humain ou, plus
important encore, son effet dans l’esprit d’un observateur. Nous allons aborder chacun de
ces aspects de la couleur et essayer de les relier entre eux.
Les colorants, d’un autre côté, sont des objets purement physiques. Ce sont les
teintures et les pigments utilisés lors du processus de coloration de la matière. La coloration,
enfin, est un processus physique, celui d’appliquer de la teinture sur des textiles ou
d’incorporer, par dispersion, des pigments dans de la peinture, des encres et des plastiques.
Nous essayerons d’aborder brièvement ces substances et processus physiques.
Mais la couleur est bien plus que quelque chose de physique, c’est ce que nous
voyons, le résultat de la modification physique de la lumière par les colorants observé par
l’œil humain (perception) et interprété par le cerveau (ce qui fait intervenir la psychologie).
C’est une cascade d’évènements d’une complexité énorme et pour décrire la couleur et la
coloration, il est important de comprendre au moins un peu chacun de ces évènements.
C’est ce que nous allons tenter de faire.
Avec la compréhension de la couleur, dans le sens large du terme, il est possible
d’approcher certains problèmes commerciaux liés à celle-ci : « Cet échantillon est-il de la
même couleur que celui-ci ? », « Quels colorants et en quelles quantités vais-je devoir
utiliser pour produire une couleur identique à celle-là ? », « Quel colorant conviendra le
mieux à ce type d’application ? », etc…
Le stimulus physique.
Pour décrire la couleur, nous devons parler à la fois d’actions physiques, telle que la
production d’un stimulus sous forme de lumière, et de résultats subjectifs comme la
réception et l’interprétation de ce stimulus au niveau de l’œil et du cerveau. Dans un premier
temps, nous n’étudierons que l’aspect physique de la couleur, qui est le plus simple.
D’un point de vue purement physique, la production de couleur requiert tout au plus 4
choses : une source de lumière, un objet illuminé, un œil pour détecter le signal et le cerveau
pour l’analyser. Bien évidemment, l’œil et le cerveau peuvent être remplacés par un
détecteur photosensible, relié à un ordinateur pour le traitement de signal. Bien qu’une
source de lumière puisse être observée directement pour en percevoir la couleur, nous nous
réfèrerons toujours à un objet illuminé par une source de lumière, à moins qu’il n’en soit
Gillet Steve, D.Sc. -1-
Colorimétrie.
spécifié autrement (puisque c’est l’interaction de la lumière avec la matière qui nous
intéresse préférentiellement).
Sources de lumière.
Rayonnement électromagnétique.
Le rayonnement électromagnétique, dont la lumière est un exemple, est une forme
d’énergie constituée d’ondes, c'est-à-dire de phénomènes vibratoires caractérisés par :
une vitesse de propagation (en l’occurrence c = 3.108 m.s-1, constante pour toutes les
ondes électromagnétiques dans le vide), une fréquence ν (nombre de vibrations par
seconde) et une longueur d’onde λ (distance parcourue pendant une vibration). Ces 3
longueurs sont liées par la relation λ = c / ν. Bien qu’il y ait une continuité totale dans les
valeurs possibles de longueur d’onde (ou de fréquence), on distingue (arbitrairement) sur
cette base des domaines particuliers du rayonnement électromagnétique, comme
indiqué sur la figure 1.1.
Figure 1.1. : Domaines particuliers du rayonnement
électromagnétique : A noter que l’échelle des longueurs d’onde
utilisée sur ce schéma est logarithmique, chaque intervalle
correspondant à un facteur de 10, et non à une variation de 10
unités. Il est également intéressant de voir que le domaine du
visible, le seul auquel notre œil est sensible, est extrêmement étroit
et est limité entre (380) 400 et 700 (780) nm.
La relative insensibilité de l’œil limite la partie visible du spectre à une très étroite
portion du spectre de 400 à 780 nm (suivant la CIE). La nuance que nous reconnaissons
comme étant du bleu se situe environ en dessous de 480 nm, le vert grosso modo entre 480
et 560, le jaune entre 560 et 590, l’orange entre 590 et 630 et le rouge au-delà de cette
valeur. Le « pourpre », qui est obtenu par mélange de lumière rouge et bleue (soit les
extrêmes du spectre visible) est une nuance commune que l’on ne retrouve pas dans le
spectre.
Gillet Steve, D.Sc. -2-
Colorimétrie.
Lumière blanche.
La plupart des sources lumineuses auxquelles nous pouvons penser émettent une
lumière blanche ou proche du blanc (soleil, filament d’une ampoule, tube fluorescent, etc.).
Isaac Newton a montré, en utilisant un prisme pour disperser la lumière en son spectre, que
la lumière blanche est normalement constituée de toutes les longueurs d’onde visibles. La
lumière de n’importe quelle source peut être décrite en terme de puissance relative (ou
d’intensité) émise à chaque longueur d’onde. Le tracé de cette puissance (intensité) en
fonction de la longueur d’onde donne la courbe de distribution de puissance spectrale d’une
source de lumière (son spectre, en simplifié). Quelques exemples typiques sont illustrés
dans la figure 1.2.
Figure 1.2. : Illuminants normalisées : A : version
normalisée de l’éclairage à
incandescence. B : lumière directe
du soleil. C : lumière moyenne du
jour, sans UV. D65 : lumière
moyenne du jour, avec UV. Notons
que sur ce spectre, c’est l’énergie et
non la puissance qui est représentée
en ordonnée (ce qui ne change rien,
puisque l’énergie est simplement la
puissance multipliée par le temps).
Les corps noirs.
Une catégorie importante de sources lumineuses, est appelée « corps noirs », qui,
contrairement à ce que leur nom semble indiquer, ne sont pas noirs, sauf lorsqu’ils sont
froids. Les corps noirs sont des objets idéaux qui absorberaient toute l’énergie
électromagnétique qu’ils reçoivent, sans en réfléchir ou en transmettre. En étant chauffés, ils
luisent comme les métaux, d’abord d’un rouge morne comme une résistance électrique, puis
de plus en plus brillant et blanc, comme le filament d’une ampoule à incandescence.
L’objet qui se rapproche le plus de ce modèle est l’intérieur d’un four. Afin de pouvoir
étudier le rayonnement dans cette cavité, elle est percée sur l’une de ses faces d’un petit
trou laissant s’échapper une minuscule fraction du rayonnement interne, laquelle représente
une bonne approximation du rayonnement d’un corps noir, la radiation continue, émise en
fonction de la température, étant alors indépendante de la nature du matériau constituant la
cavité. La température d’un corps noir est appelée température de couleur. Les filaments de
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Colorimétrie.
tungstène des ampoules à incandescence sont de bonnes approximations d’un corps noir,
mais leur température de couleur n’est pas exactement égale à leur température réelle.
Les spectres de deux corps noirs, représentant l’intervalle de températures de
couleur d’intérêt dans les problèmes de couleur, sont illustrés dans la figure 1.3. Le spectre à
2854 K est typique d’une lampe à filament de tungstène de 100 W, alors que celui à 6500 K
est comparable à celui de la lumière du jour. Notons toutefois que la lumière du jour réelle,
comme on peut le voir dans la figure 1.2., ne présente pas le spectre d’un corps noir, comme
de nombreuses autres sources de lumière répandues telles que les lampes fluorescentes et
les lampes à arc.
Figure 1.3. : Spectre de deux
corps noirs : avec des
températures de couleur de 2854
K (source A) et 6500 K. Les
courbes sont normalisées pour
une puissance relative de 100 à
560 nm.
Sources à spectres discontinus et combinés.
La plupart des lampes à arc, comme les lampes à mercure, néon et sodium,
n’émettent pas de lumière à toutes les longueurs d’onde, mais seulement à quelques
longueurs d’ondes spécifiques caractéristiques de l’élément émetteur. Leur spectre n’est
donc pas continu, comme ceux décrits jusqu’à présent, mais discret (discontinu) que l’on
appelle parfois spectre de raies (figure 1.4. A). Les lampes fluorescentes, quant à elles, ont
un spectre continu sur lequel se surimposent quelques raies, on parle alors de spectre
combiné (figure 1.4. B.).
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Colorimétrie.
Figure 1.4. : A : Spectre discontinu : Emission d’une lampe à vapeurs de mercure dans l’UV. B : Spectre
combiné : Emission d’un tube fluorescent de type « Warm white ».
B A
Sources de lumière standard.
Plusieurs sources de lumière standard ont été définies par le Commission
Internationale de l’Eclairage (CIE) pour être utilisées dans la description de la couleur. L’une
d’entre elles, la source A, est une lampe à filament de tungstène opérant à une température
de couleur de 2854 K (son spectre a déjà été représenté dans les figures 1.2. et 1.3.). Les
sources CIE B et C sont dérivées de la source A en faisant passer cette lumière au travers
de filtres liquides. La source B, avec une température de couleur d’environ 4800 K est une
bonne approximation de la lumière solaire directe, alors que la source C, à environ 6500 K
correspond à une bonne approximation de la lumière moyenne du jour, sans UV (spectres
de la figure 1.2.).
Figure 1.5. : Spectres de 3 sources
standard : Spectre de la source C
(CIE), de la lampe à arc au xénon et de
la Macbeth 7500 K Daylight.
Gillet Steve, D.Sc. -5-
Colorimétrie.
D’autres sources largement utilisées sont l’arc au xénon et la Macbeth 7500 K
Daylight, cette dernière étant obtenue en modifiant la lumière d’une lampe à filament de
tungstène avec des filtres de verre. Les spectres de ces sources sont illustrés dans la figure
1.5.
Distinction source et illuminant.
Il convient, à ce moment, de bien faire la distinction, dans la terminologie CIE, entre
une source et un illuminant.
Une source est une lumière réellement physique, qui peut être allumée ou éteinte et
qui est utilisée dans des expériences réelles de comparaison de couleurs. A, B et C sont des
sources, bien que B et C soient rarement utilisées dans ce cadre. Le spectre d’une source
est déterminé expérimentalement.
Un illuminant, par contre, est défini par un spectre et il peut ou ne peut pas être
possible de créer une source le représentant. La lumière du jour D65 CIE, dont le spectre est
défini, par exemple (figure 1.2.), est un illuminant auquel il ne correspond aucune source. A
noter que par définition, les sources (comme A, B et C, par exemple), sont également des
illuminants, puisque leurs spectres sont connus. Ainsi, toute source est un illuminant, mais la
réciproque n’est pas nécessairement vraie.
Comment la matière affecte-t-elle la lumière ?
Lorsque la lumière frappe un objet, plusieurs évènements affectant la couleur
peuvent avoir lieu :
La transmission.
La lumière peut simplement traverser l’échantillon sans modification majeure, on dit
alors qu’elle est transmise à travers la matière, laquelle est alors dite « transparente ». Si la
matière est incolore, toute la lumière est transmise à l’exception d’une faible quantité qui est
réfléchie aux deux surfaces de l’objet.
Cette réflexion et la diffusion de la lumière, dont nous parlerons ultérieurement, se
produisent chaque fois qu’il y a une modification de l’indice de réfraction (paramètre qui
détermine le facteur de ralentissement de la lumière dans une substance, par rapport à sa
vitesse dans l’air : un indice de 1.5, par exemple, indique une vitesse de 300 000 km s-1 / 1.5
= 200 000 km s-1). A chaque interface entre deux substances d’indices de réfraction
différents, la lumière change de vitesse, il en résulte qu’une faible partie est réfléchie et (à
moins que la lumière incidente ne soit normale à la surface) la direction du rayon lumineux
est modifiée (figure 1.6.). L’angle de réfraction est fonction de l’angle incident et du rapport
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Colorimétrie.
entre les indices de réfraction suivant la relation ir nn
θθ sinsin2
1= . L’indice de réfraction étant
fonction de la longueur d’onde, ce principe permet d’expliquer qu’un prisme soit capable de
disperser la lumière en son spectre (figure 1.7.).
Figure 1.6. : Réflexion et réfraction :
L’angle de réfraction est fonction de
l’angle d’incidence et du rapport entre
les indices de réfraction des deux
milieux, ici l’air et l’eau. L’indice de
réfraction d’un milieu étant fonction de
la longueur d’onde, l’angle de réfraction
sera différent pour deux ondes de
longueurs d’ondes différentes.
Figure 1.7. : Prisme : La double
réfraction à l’entrée et à la sortie d’un
prisme permet de disperser la lumière
en ses différentes composantes, c’est à
dire en son spectre.
L’absorption.
En plus d’être transmise, la lumière peut être absorbée. Si une substance absorbe
une partie de la lumière, elle apparaît colorée, mais reste transparente. Si toute la lumière
est absorbée, la substance est noire et dite « opaque ».
Une loi fondamentale de l’absorption de la lumière (la loi de Lambert) établit que la
fraction de lumière absorbée est proportionnelle à l’épaisseur du matériau (figure 1.8.). Cette
loi est toujours vraie, en absence de diffusion.
Gillet Steve, D.Sc. -7-
Colorimétrie.
Figure 1. 8. : Loi de Lambert : Des
épaisseurs égales de matière
provoquent des quantités d’absorption
égales.
Une seconde loi fondamentale de l’absorption de la lumière (loi de Beer) établit que la
fraction de lumière absorbée est proportionnelle à la quantité de matériel absorbant (à la
concentration d’une solution, par exemple). Cette loi n’est pas applicable à tous les
matériaux.
Figure 1. 9. : Loi de Beer : Des
quantités égales de matière absorbante
provoquent des quantités d’absorption
égales.
De ces deux lois, est tirée la relation de Beer-Lambert : A = ε l C où A est
l’absorbance, ε le coefficient d’extinction (une « constante »), l la longueur parcourue à
l’intérieur de l’échantillon et C la concentration en substance absorbante à l’intérieur de
l’échantillon.
La diffusion.
Finalement, la lumière peut être diffusée lorsqu’elle interagit avec la matière. Une
partie de la lumière est absorbée et réémise à la même longueur d’onde, mais la réémission
s’effectue dans toutes les directions. Les effets de la diffusion sont à la fois communs et
importants.
Lorsque la diffusion est suffisante, on dit que la lumière est réfléchie de façon diffuse
par une substance. Si seule une partie de la lumière traversant un échantillon est diffusée et
que l’autre partie est transmise, le matériau est dit « translucide ». Si la diffusion est si
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Colorimétrie.
intense qu’aucune lumière n’est transmise (il doit y avoir aussi un peu d’absorption, dans ce
cas) l’objet est dit « opaque ». La couleur de l’objet dépend de la quantité et du type de
diffusion et d’absorption en présence. Si il n’y a pas d’absorption et que la proportion de
lumière diffusée est la même pour toutes les longueurs d’ondes, le matériau apparaît blanc,
sinon, il est coloré.
Il est important de noter, ici, que la diffusion est due à l’interaction entre la lumière et
des petites particules dont l’indice de réfraction est différent de celui de l’environnement. La
quantité de lumière diffusée dépend fortement de la différence d’indices de réfraction entre
les deux matières (figure 1.10.), mais également de la taille des particules diffusantes
(figure1.11.). De très petites particules diffusent très peu, alors que la quantité de lumière
diffusée augmente avec la taille de la particule jusqu’à ce que cette dernière devienne
environ de la même taille que la longueur d’onde de la lumière, après quoi, elle diminue
lorsque la taille augmente encore (figure 1.12.).
Figure 1. 10. : Indice de réfraction : Variation de
la diffusion en fonction de la différence d’indices
de réfraction. Plus la différence est importante,
plus il y a diffusion. Lorsque les indices sont
identiques, il n’y a pas de diffusion.
Figure 1. 12. : Taille de
particule : Variation de la
diffusion en fonction de la taille
de la particule. La diffusion
augmente d’abord avec la taille,
passe par un maximum lorsque
la particule a une taille environ
égale à celle de la longueur
d’onde de la lumière diffusée,
puis diminue quand la taille
augmente encore.
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Colorimétrie.
Figure 1. 11. : Taille de particules : La quantité de lumière
diffusée dépend de la taille des particules. En outre, les
particules plus petites auront tendance à diffuser surtout les
faibles longueurs d’onde (le bleu), alors que des particules plus
grandes diffusent globalement toutes les longueurs d’ondes.
C’est ce phénomène qui explique que le ciel est bleu (atomes
dans l’air très petites particules), alors que la fumée est
blanche (grosses particules).
Pour ces différentes raisons, les pigments seront des diffuseurs d’autant plus
efficaces que leur indice de réfraction sera différent de celui de la matrice dans lesquels ils
seront inclus et que leur diamètre de particule sera environ égale à celui de la longueur
d’onde. Il est donc possible d’obtenir un emballage transparent avec de très petites
particules d’oxyde de fer, malgré l’importante différence d’indice de réfraction entre le
pigment et la résine, de même, il est possible d’obtenir une bonne diffusion avec des
pigments organiques colorés de taille suffisante, malgré la faible différence d’indice de
réfraction.
Autres aspects ou apparences.
Bien que nous n’en parlions pas dans ce cours, il faut noter qu’il existe d’autres
phénomènes que la couleur, qui participent à l’aspect d’un produit : la brillance, la réflexion
métallique, ou encore la fluorescence.
Caractéristiques spectrales d’une matière.
D’un point de vue de la couleur, l’effet d’un objet sur la lumière peut être décrit par
son spectre de transmission ou par sa courbe de facteur de réflexion (pour des matériaux
transparent ou opaques, respectivement, les deux étant nécessaires pour la caractérisation
des matériaux translucides). Ces courbes montrent la fraction de lumière réfléchie à chaque
longueur d’onde (comparée à celle réfléchie par un standard blanc) ou transmise à travers
l’échantillon (comparé à celle transmise par un standard, souvent l’air). Ces courbes
décrivent un objet tout comme le spectre décrit une source de lumière. Les courbes de
facteur de réflexion de certaines substances colorées sont illustrées dans la figure 1.13.
Gillet Steve, D.Sc. -10-
Colorimétrie.
Sachant que les matériaux colorés réfléchissent toujours la lumière de leur propre nuance et
absorbent celle de leur nuance complémentaire, on peut développer l’habilité de reconnaître
les couleurs à partir de leurs courbes de facteur de réflexion ou de transmission.
Figure 1. 13. : Courbes de facteur de réflexion (reflectance) : Pour différentes couleurs de substances.
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Colorimétrie.
Détection de la lumière et de la couleur.
Le système de loin le plus important pour la détection de la couleur est le système
comprenant l’œil, le système nerveux et le cerveau. Sans rentrer dans les détails, qui sont
inutiles dans le cadre de ce cours, il est tout de même important de connaître les grandes
lignes du fonctionnement de l’œil. Il fonctionne comme un appareil photo, dont la lentille
(cristallin) forme une image de la scène sur une pellicule photosensible (la rétine). Là, il
existe plusieurs sortes de cellules photosensibles appelées bâtonnets et cônes à cause de
leur forme (figure 1.14 gauche).
Les bâtonnets.
Les bâtonnets sont responsables de la vision nocturne (vision scotopique) et
possèdent un maximum de sensibilité vers 510 nm. Leur sensibilité est liée à un colorant, la
rhodopsine, qui blanchit à la lumière du jour, expliquant par là leur insensibilité la journée.
Les bâtonnets ne fournissent qu’une réponse photométrique et ne permettent donc pas de
déterminer les couleurs ; nous ne nous y attarderons donc pas plus.
Les cônes.
Il est généralement admis qu’il existe 3 types de cônes dans la rétine et que leur
réponse à la lumière est différente en fonction de la longueur d’onde. Ils fournissent donc
une réponse photométrique et chromatique grâce à des pigments dont les maximums
d’absorption se situent dans le bleu, le vert et le rouge (figure 1.14. droite). C’est là la base
de la vision des couleurs et son aspect trichromatique.
Figure 1. 14 : Sensibilité : A
gauche, schéma des cellules
photosensibles de la rétine
(bâtonnets + cônes). A droite,
courbe de sensibilité des cônes en
fonction de la longueur d’onde.
Déficience et disparité au niveau de la perception des couleurs.
Une petite portion de la population souffre d’une déficience au niveau de la vision des
couleurs, plus communément, ils ne savent pas distinguer le rouge du vert, c’est le
daltonisme. Mais plus important que cela (d’un point de vue général), est le fait que chaque
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Colorimétrie.
individu possède une vision de la couleur un peu différente des autres et pour un même
individu, cette perception va évoluer avec le temps (le cristallin ayant tendance, avec l’âge, à
prendre une coloration légèrement jaunâtre, c'est-à-dire à absorber dans le bleu, la vision du
bleu diminue en vieillissant). Il peut donc arriver que, de bonne foi, deux personnes aient un
avis différent sur deux échantillons, l’un affirmant qu’ils sont de la même couleur, alors que
l’autre, les voit de couleurs différentes.
Détecteurs « artificiels ».
Les photomultiplicateurs et les photodiodes sont les pendants artificiels de l’œil. Leur
réponse est différente pour différentes longueurs d’ondes. Les courbes de réponse
spectrales pour ces détecteurs sont différentes de celle de l’œil (figure 1.15.), ce qui est
d’importance considérable pour la mesure des couleurs (certains appareils possèdent un
système de correction pour permettre d’effectuer une détection comparable à celle d’un œil).
Figure 1. 15 : Détecteurs artificiels vs oeil
: Ce schéma représente la courbe de
réponse spectrale de l’œil comparée aux
courbes de réponse spectrales de deux
détecteurs artificiels. La différence est
notable.
Résumé.
Nous avons vu dans cette section que la production physique de couleur nécessitait 3
choses : une source de lumière, un objet à illuminer et un détecteur, habituellement l’œil et le
cerveau. Nous avons vu comment chacun des trois est décrit par une courbe tracée en
fonction de la longueur d’onde : la source de lumière, par son spectre ; l’objet, par sa courbe
de facteur de réflexion et/ou de transmission ; et, finalement, le détecteur, par sa courbe de
réponse spectrale.
La combinaison de ces trois paramètres fournit le stimulus, ou signal, que le cerveau
convertit en notre perception de la couleur. Nous devons maintenant considérer quelques
concepts psychophysiques et perceptuels plutôt que physiques et qui sont essentiels à la
compréhension et à la description de l’apparence de la couleur.
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Colorimétrie.
Description de la couleur.
Dans un premier temps, nous allons faire abstraction de tout ce que nous venons de
voir, ne retenant que ce concept très important : pour avoir une couleur, il faut une source,
un objet et un observateur.
Notre premier objectif est de décrire la couleur telle que nous la voyons. Dans cette
section, nous simplifierons le problème en considérant seulement la description d’une
couleur par une personne de vision normale, sous éclairage de jour. Dans la section
suivante, nous verrons quels impactes pourront avoir la variation de l’observateur et/ou de la
source de lumière.
Nous n’aurons toutefois pas encore trouvé une description complète de la couleur
perçue, puisque pour cela, il faudrait considérer les myriades de stimuli qui entourent la
scène complexe que nous observons en cet instant (influence de l’environnement, etc…).
Par simplification, nous ne considérerons donc qu’un stimulus de couleur isolé.
L’expérience de l’île déserte.
Une des nombreuses approches possibles pour la description de la couleur est
« l’expérience de l’île déserte ». Supposons qu’une personne n’ayant aucune expérience
dans le traitement de la couleur essaye de passer son temps sur une île déserte entourée de
galets de toutes sortes de couleurs (figure 1.16.).
Figure 1.16. : Galets à disposition de notre naufragé.
Supposons maintenant qu’elle veuille classer ces galets en fonction de leur couleur.
On peut penser à plusieurs façons de résoudre ce problème, nous n’en présenterons
toutefois qu’une. Considérons que notre expérimentateur, pensant aux couleurs en terme de
noms communs tels que rouge, vert, bleu, etc. comme la plupart d’entre nous le font,
choisisse d’abord de séparer les galets chromatiques des achromatiques (figure 1.17.).
Gillet Steve, D.Sc. -14-
Colorimétrie.
Figure 1.17. : Premier tri : Séparation des
galets chromatiques et achromatiques.
En examinant les pierres achromatiques, notre observateur pourrait trouver logique
de les classer en ordre, du blanc en passant par le gris clair, puis par le gris foncé pour
arriver au noir. Ce classement, en terme d’un seul paramètre variable, la luminosité, permet
de trouver une place pour chaque galet achromatique (figure 1.18.).
Figure 1.18. : Luminosité : Séparation
des galets achromatiques en fonction de
leur luminosité.
Les galets chromatiques présentent une situation plus complexe parce qu’ils diffèrent
l’un de l’autre de plusieurs façons, pas seulement par des différences de luminosité. Notre
expérimentateur pourrait les séparer d’abord par teinte, c'est-à-dire dans différentes piles
qu’il appelle rouge, jaune, vert, bleu, etc. (figure 1.19.).
Figure 1.19. : Teinte : Séparation suivant
la teinte rouge, jaune, bleu (nous nous
sommes limités à ces trois teintes pour
éviter de surcharger le schéma).
Chaque groupe de galets d’une même teinte peut alors être divisé suivant les
luminosités, juste comme pour les pierres achromatiques. Les galets « rouges », par
exemple, peuvent être séparés en roses, puis rouges, jusque rouges foncés. Chaque galet
rouge peut être reconnu comme étant équivalent en terme de luminosité à un galet gris de la
série achromatique (figure 1.20.).
Gillet Steve, D.Sc. -15-
Colorimétrie.
Figure 1.20. : Luminosité : Séparation,
pour chaque teinte (rouge, jaune, bleu), en
fonction de la luminosité.
Mais notre naufragé devra reconnaître que certains de ses galets rouges (et ceux
d’autres teintes également) diffèrent entre eux tout en ayant la même teinte et la même
luminosité. Il peut, par exemple, comparer une pierre rouge brique avec un galet présentant
un rouge tomate vif. Il devra admettre qu’ils ont la même teinte, aucune n’est plus jaunâtre
ou bleuâtre que l’autre. De même, il sera évident qu’ils ont la même luminosité, étant
équivalent de ce point de vue, au même galet gris moyen pris de la série achromatique.
Cependant ils sont distinctement différents. L’expérimentateur pourra, après réflexion,
reconnaître que ce troisième type de distinction réside dans la quantité de gris que contient
la couleur, l’un des galets présente une couleur vive (saturée), alors que l’autre présente une
couleur plus fade, grisâtre (désaturée ou lavée) (figure 1.21.).
Figure 1.21. : Saturation : Pour une
même teinte et une même luminosité, il est
possible de distinguer deux couleurs en
fonction de leur saturation, c'est-à-dire de la
quantité de gris qu’elles contiennent.
Coordonnées de couleur.
Une fois que notre naufragé aura séparé toutes ses pierres par teinte, luminosité et
saturation (espace TLS), il trouvera que son classement fournit une place pour tous les
galets de la plage. Aucun qu’il puisse imaginer exister ne serait inclassable. Il conclurait
Gillet Steve, D.Sc. -16-
Colorimétrie.
donc, avec raison, que trois, et seulement trois, paramètres (que nous appellerons
coordonnées colorimétriques) doivent être spécifiés pour définir une couleur.
Notons que seuls trois paramètres sont nécessaires pour déterminer une couleur,
mais ils ne suffisent pas, par contre, à définir l’apparence d’un objet. D’autres facteurs
doivent être pris en compte, comme la taille, la brillance, la texture, l’environnement, etc…
pour avoir une idée de l’apparence d’un objet.
Le schéma que nous avons décrit, avec la teinte, la luminosité et la saturation comme
coordonnées colorimétriques, est largement utilisé pour décrire la couleur d’une façon
systématique, comme dans le modèle de couleur de Munsell dont nous parlerons
ultérieurement. Il convient, toutefois, de noter que d’autres coordonnées pourraient être
utilisées (comme la brillance, un mélange de saturation et de luminosité).
Maintenant que nous avons une description de la couleur telle qu’elle apparaît à
l’observateur, pouvons-nous relier ces concepts psychologiques à la description physique
que nous avons développé dans la section précédente ? La réponse est « oui » ou tout du
moins « presque ». Comme nous le verrons dans le chapitre 2, il est possible de calculer, à
partir de la courbe de facteur de réflexion et/ou de la transmission, des sets de 3 nombres
qui décrivent la couleur. Si nous poussons les calculs suffisamment, ces nombres
commencent à s’accorder avec ce que nous percevons comme la teinte, la luminosité et la
saturation. Il est cependant probable que nous n’arrivions jamais à améliorer les calculs de
façon à ce que ces nombres représentent exactement ce que l’œil humain perçoit, ni même
que nous n’arrivions à comprendre pourquoi cela nous est impossible. Cependant, d’un point
de vue pratique, ce n’est pas très important.
Il est par contre important de noter que les données physiques (courbes de facteur de
réflexion et transmission) contiennent plus d’informations que n’en contiennent les
coordonnées que sont la teinte, la luminosité et la saturation ou n’importe quel autre set. En
d’autres termes, il est possible de trouver les coordonnées TLS à partir des données
physiques, mais l’inverse ne l’est pas. Les répercussions de ce fait sont à la base d’une
grande partie de la discussion de la prochaine section, et sont fondamentales à toute
technologie de la couleur.
L’apparence de la couleur.
Maintenant que nous avons développé un canevas pour la description de la façon
dont une couleur apparaît à un observateur, nous pouvons considérer comment cette
apparence change, lorsque l’un ou plusieurs des trois grands paramètres influençant la
couleur (source de lumière, objet et observateur) est(sont) modifié(s).
Gillet Steve, D.Sc. -17-
Colorimétrie.
Sources lumineuses, rendu de la couleur et adaptation chromatique.
Considérons tout d’abord une situation commune dans laquelle l’objet et l’observateur
restent constants, mais dans laquelle la source de lumière varie. Comme exemple familier,
imaginons que vous achetiez une veste brune chez un tailleur, dont la boutique est éclairée
par des ampoules à filament de tungstène à la couleur chaude et qu’en sortant, à la lumière
du jour, vous vous rendiez compte que votre veste présente un aspect verdâtre déplaisant.
Que s’est-il passé ?
Dans le résumé de la section précédente (page 13), nous avons signalé que le
stimulus, que le cerveau convertissait en notre concept de couleur, est le fruit de la
combinaison du spectre de la source, de la courbe de facteur de réflexion de l’objet et de la
courbe de réponse spectrale du détecteur (ici, l’œil). Si l’illumination change, le stimulus qui
parvient au cerveau change également et nous pouvons supposer que la couleur perçue
sera modifiée également. Nous pouvons conclure que les coordonnées de couleur d’un objet
(comme la perception de sa couleur) changent en fonction de la source lumineuse (le veston
paraît plus vert = teinte, plus sombre = luminosité et plus délavé = saturation). La propriété
de la lumière d’affecter la couleur des objets est appelée « rendu des couleurs ».
Nous pouvons supposer que des effets similaires vont avoir lieu si la source et l’objet
restent identiques, mais que l’observateur change. L’œil et le cerveau sont des dispositifs
merveilleux et ils essayent en général de compenser les modifications qu’on leur présente.
En fait, le pouvoir d’adaptation de l’œil est tel que tout changement ne devrait pas être perçu.
Mais il y a de nombreux exemples où ce n’est pas le cas et ils sont très importants dans le
cadre de la fabrication et de la vente d’objets colorés.
L’adaptation chromatique est en fait un des plus grands mystères non résolu de la
science des couleurs jusqu’à ce jour. Nous savons que la perception des couleurs dépend
de l’état d’adaptation de l’œil et que cette adaptation dépend de tous les stimuli dans le
champ visuel. Un bel exemple en est illustré dans la figure 1.22.
Figure 1.22. : Contraste : Les cases A et B ont
la même couleur, comme en atteste l’encart . C’est
un exemple frappant du contraste simultané : nous
évaluons la couleur d’une zone relativement aux
couleurs environnantes. La case A étant entourée
de cases plus claires, nous la jugeons foncée. A
l’opposé, la case B étant entourée de cases
sombres, nous la jugeons claire. Dans cet
exemple, ce qui ajoute à l’illusion, c’est le dégradé
de l’ombre portée, qui permet une transition « en
douceur » de l’espace éclairé à l’espace dans
l’ombre.
Gillet Steve, D.Sc. -18-
Colorimétrie.
Le métamérisme.
Maintenant que nous cherchons les différences dans la perception d’un objet lorsque
la source ou l’observateur change (mais pas les deux à la fois), nous devons penser en
terme de paires d’objets. Voici la situation classique : deux objets semblent avoir la même
couleur, ils correspondent, sous une source lumineuse donnée. Ils ne correspondent
cependant pas sous une autre source (figure1.23.). Cela signifie que les deux objets, qui ont
des coordonnées de couleur identiques sous une source donnée, présentent des courbes de
facteur de réflexion différentes et donc des coordonnées de couleurs différentes sous une
autre source de lumière. Ce qui reflète une fois de plus que la courbe de facteur de réflexion
contient plus d’informations que les coordonnées de couleur.
Figure 1.23. : Métamérisme : Deux objets, qui
ont la même couleur sous une source lumineuse
donnée (par exemple, la lumière du jour), peuvent
avoir des couleurs différentes lorsqu’ils sont
exposés à une autre source de lumière (par
exemple une ampoule). Ce phénomène porte le
nom de métamérisme.
On définit une paire d’objets possédant des courbes de facteur de réflexion
différentes, mais des coordonnées de couleur identiques sous une source lumineuse
donnée, comme étant des « objets métamériques » ou une « paire métamérique ». Des
objets qui possèdent les mêmes courbes de facteur de réflexion, et qui ont donc les mêmes
coordonnées de couleur quelle que soit la source, sont dits « non métamériques » et forment
une « paire invariable ».
Ce concept peut être étendu au cas où deux objets apparaissent avoir la même
couleur pour un observateur donné, alors qu’ils n’ont pas la même couleur pour d’autres
observateurs. Cela résulte de petites différences dans la courbe de réponse spectrale des
observateurs. Cette différence est plus grande, par exemple, entre un observateur humain et
une photodiode.
Une bonne compréhension du métamérisme est importante pour établir la
correspondance de couleurs. Ainsi, si deux objets doivent correspondre, sous n’importe quel
type de source, ils devront alors avoir la même courbe de facteur de réflexion, ce qui n’est
Gillet Steve, D.Sc. -19-
Colorimétrie.
pratiquement possible qu’en utilisant le même colorant pour les deux échantillons. Dans le
cas de matériaux différents, il est très difficile d’y arriver et tout le talent du coloriste est
nécessaire pour éviter les correspondances conditionnelles ou métamériques.
Résumé.
Si vous ne deviez retenir que quelques éléments de ce que nous venons de voir, ce
seraient les suivants : Dans le cas le plus simple d’un stimulus de couleur isolé, trois facteurs
sont essentiels à la production, la perception et la mesure d’une couleur : la source de
lumière, l’objet et l’observateur (qu’il soit humain ou non).
Malheureusement (d’un point de vue pratique), dans la vie réelle, les couleurs sont
influencées par l’environnement et les stimuli isolés ne sont pas légion. Il convient donc
toujours d’avoir à l’esprit que la sensation de couleur est modifiée par l’environnement et la
capacité d’adaptation de l’œil, et que cela, aucun appareil n’est capable de le mesurer.
Toutefois, l’utilisation industrielle de la technologie de la couleur peut être restreinte,
sans perte majeure, à des cas simples, pour lesquels les concepts que nous venons de
développer restent vrais.
2. Description de la couleur. En moyenne, l’œil humain est capable de discerner plus de 350 000 couleurs
différentes. Pour pouvoir étudier ou utiliser ces différentes couleurs, il est plus qu’utile d’en
effectuer un classement afin de pouvoir les caractériser de manière simple et efficace.
Des nombreuses façons de classer les nuanciers (espaces colorimétriques), nous
distinguerons ceux qui consistent en une collection d’échantillons physiques et ceux qui ne
sont pas basés sur des échantillons réels. Le premier groupe sera subdivisé suivant la
présence ou l’absence d’une ligne de conduite à suivre pour construire le classement. Dans
chaque classe et division, nous décrirons un ou plusieurs exemples typiques, mais il en
existe d’autres.
Systèmes basés sur des échantillons physiques.
Classement basé sur le comportement des colorants.
Dans de nombreuses industries telles que celles de la peinture et des encres, il est
commun de produire une large variété d’échantillons colorés par le mélange systématique de
seulement quelques colorants hautement chromatiques l’un avec l’autre et avec du blanc, du
noir et du gris. Non seulement les échantillons sont produits de cette manière, mais le
produit vendu est fabriqué de la même façon. Un exemple de nuancier de ce type est le
Gillet Steve, D.Sc. -20-
Colorimétrie.
système américain Pantone, largement utilisé dans l’imprimerie, l’industrie textile et
plastique, ainsi que dans les arts graphiques. De nombreux produits Pantone sont
disponibles sur le marché, parmi lesquels le fameux « PMS » (Pantone Matching System),
un nuancier qui se présente sous forme de feuillets regroupés en éventail (figure 2.1.).
Chaque feuillet définit une demi-douzaine de couleurs en en présentant l’échantillon et le
nom Pantone.
Chaque couleur est identifiée de manière unique par un nom de type « P » + numéro
(lesquels ne répondent pas à une logique par
fait créées à partir de 11 couleurs
fondamentales. Ainsi, P493, une sorte de
vieux rose, est composé de 20.3 % de
« Warm red », de 4.7 % de « Process
blue » et de 75 % de « Transparent white ».
ticulière). Les couleurs de ce nuancier sont en
Classement basé sur les lois de mélange des couleurs.
ières colorées sont
e système de Ostwald.
Figure 2.1. : Pantone : Nuancier Pantone. Chaque feuillet définit
une demi-douzaine de couleurs en présentant l’échantillon et le nom
Pantone.
Il est bien connu que lorsque des colorants ou des lum
mélangées, dans des mêmes quantités, des résultats comparables sont toujours observés. Il
doit donc y avoir des lois ou des règles permettant la prédiction de ces résultats, elles seront
discutées ultérieurement. Les lois décrivant le mélange de lumières colorées par la méthode
du disque colorimétrique ont été utilisées pour fournir bon nombre de systèmes de
classements, anciens et nouveaux.
L
t le système le plus connu qui soit basé sur les résultats du disque C’est probablemen
colorimétrique. Idéalement, les couleurs, dans le système d’Ostwald, sont produites par la
lumière réfléchie sur un disque rotatif possédant des secteurs blanc, noir et d’échantillons
hautement chromatiques dites couleurs « pleines ». Ces teintes de base sont au nombre de
24 et s’appuient sur 4 teintes de base (jaune, rouge, bleu outremer et vert marin). Quatre
Gillet Steve, D.Sc. -21-
Colorimétrie.
couleurs intermédiaires sont ajoutées (rouge-orange, violet, bleu glacier et vert feuille). Enfin,
ces 8 couleurs donnent chacune 3 variantes pour un total de 24 teintes qui peuvent former
un cercle (figure 2.2.). Une échelle de 8 niveaux de gris neutres est ajoutée à ces 24 teintes.
Figure 2.2. : Cercle des teintes de base : Représente
les 24 teintes de base sur lesquelles est construit le
classement de Ostwald.
La quantité de blanc et de noir, qui est une « dilution » de la couleur, est notée sous
ttre %blanc %noir
forme d’une paire de lettres, la première représentant le pourcentage de blanc et la seconde
le pourcentage de noir. Sont définies à la base 8 valeurs possibles notées a, c, e, g, i, l, n et
p. La table suivante indique les valeurs pour chacune des 8 lettres, selon qu’elles sont
utilisées pour désigner le taux de blanc ou de noir :
Lettre %blanc %noir Le
a 89.13 10.87 i 14.13 85.87
c 56.23 43.77 l 8.91 91.09
e 35.48 64.52 n 5.62 94.38
g 22.39 77.61 p 3.55 96.45
Ainsi la notation 3pg définit un brun (teinte orange = 3) mêlé à 3.55 lanc (p) % % de b et 77.61
de noir (g).
Figure 2.3. : Classement de Ostwald : Pour chaque teinte de base du cercle de la figure 2.2., il est possible de définir une page (droite) suivant des critères de dilution par du blanc et du noir et de construire
ainsi une sorte d’espace colorimétrique (gauche)
Gillet Steve, D.Sc. -22-
Colorimétrie.
Classement basé sur des étapes d’égales perceptions visuelles.
Le système RAL.
Créé en Allemagne en 1927, il est utilisé en Europe dans le secteur industriel. Il se
présente sous forme d’un ensemble de cartes, une par couleur, avec l’échantillon de la
couleur et le code RAL associé (RAL classic). Un système plus récent reprend la
présentation de Pantone, sous forme d’éventail : le système RAL design.
Le RAL classic est composé d’environ 200 couleurs et un code unique sur 4 chiffres
est attribué à chaque couleur. Le premier chiffre désigne la teinte, le deuxième chiffre est
toujours 0 et les deux derniers forment un numéro arbitraire. Ce RAL n’est donc classé que
par la teinte principale donnée par le premier chiffre comme suit :
Plage Catégorie
RAL 1001 à 1099 Jaunes
RAL 2001 à 2099 Oranges
RAL 3001 à 3099 Rouges
RAL 4001 à 4099 Roses / violets
RAL 5001 à 5099 Bleus
RAL 6001 à 6099 Verts
RAL 7001 à 7099 Gris
RAL 8001 à 8099 Bruns
RAL 9001 à 9099 Blancs & noirs
Le RAL design a été mis en place notamment pour organiser les couleurs par teintes
plus précises. Il définit plus de 1600 couleurs, en leur attribuant un code sur 7 chiffres. Les 3
premiers désignent la teinte (001 à 360), les deux suivants la luminosité, et les deux derniers
la saturation. L’utilisation d’un tel système simplifie la recherche de nuances, dans la mesure
où l’on peut, en lisant le code, se faire une idée de la couleur (telle teinte, plutôt saturée ou
non, plutôt sombre ou lumineuse).
Figure 2.4. : RAL classic : Nuancier RAL classic sous
forme de bloc à spirales.
Figure 2.5. : RAL design : Nuancier RAL design sous
forme d’éventail comparable au Pantone.
Gillet Steve, D.Sc. -23-
Colorimétrie.
Le système Munsell.
Ce système, surtout utilisé aux USA, a été inventé par Munsell (qui l’eût cru ?) en
1909. Les couleurs y sont classées selon leur teinte, leur luminosité et leur saturation, dans
un solide de type « toupie » (figure 1.28.). Le « Munsell Book of Color » définit plus de 1500
couleurs au travers de 40 pages (teintes).
Figure 2..6. : Munsell : Nuancier de Munsell sous forme de
volume (dont il manque une partie pour permettre de voir
l’intérieur). « L’angle » correspond à une teinte, le rayon à
une saturation et l’axe à une lumiosité.
Une couleur est codée ainsi :
- La teinte est un code désignant la position sur le cercle des teintes autour d’une
teinte de base, de 1 à 10, 5 correspondant à la teinte de base. Munsell définit 5
teintes de base et 5 teintes secondaires : R (rouge), Y (jaune), G (vert), B (bleu-
cyan), P (« pourpre ») et YR (orange), GY (vert-jaune), BG (cyan foncé), PB (bleu
violacé), RP (magenta foncé). Chaque secteur est alors découpé en 10 intervalles
pour donner une roue chromatique de 100 teintes (figure 2.7.). Il est intéressant de
noter que des teintes opposées dans la roue chromatique sont des couleurs
complémentaires (leur mélange additif donne un gris de même luminosité).
- La luminosité est un nombre entre 0 (noir) et 10 (blanc).
Figure 2.7. : Cercle chromatique : Ne sont
représentées effectivement que les teintes de
base et les teintes secondaires.
Gillet Steve, D.Sc. -24-
Colorimétrie.
- La saturation commence à 0 (gris) et n’a pas de limite. Les couleurs « normales » ont
une saturation pouvant atteindre 20, mais le système Munsell peut attribuer une
saturation de 30 pour des couleurs fluos.
Ainsi, une couleur se voit attribuer un code du type « T L/S » (à noter qu’en anglais,
teinte = hue, luminosité = value et saturation = chroma, ce qui donne un code de type H
V/C). Par exemple, un rouge corail aura comme notation Munsell « 10R 6/14 », « 10R »
désignant la teinte rouge-orangée, « 6 » la luminosité (lumineuse à 60 %) et « 14 » la
saturation (vivacité).
Notons finalement qu’une « version améliorée » de l’espace de Munsell, le modèle TLS
est utilisé par de nombreux programmes de traitement électronique de l’image (figure 2.8.).
Figure 2.8. : Modèle TLS : Ce
modèle, qui ressemble très fort au
modèle de Munsell, si ce n’est qu’il est
plus « fin », est très répandu dans le
domaine du traitement électronique de
l’image.
Le NCS (Natural Color System)
Le système NCS a été créé en Suède en 1920 par le centre suédois de la recherche
sur la couleur. C’est un standard national en Suède, Norvège, Espagne et Afrique du Sud, et
il possède des antennes nationales implantées dans 21 pays.
On utilise ce standard dans de nombreuses branches de l’industrie : textile, cuir,
peinture, plastique, arts graphiques, cosmétiques, agro-alimentaire, céramique, verre, etc.
Ce système s’appuie sur le fait que l’homme discernerait 6 couleurs fondamentales :
le rouge, le jaune, le vert et le bleu + le blanc et le noir. Toutes les autres couleurs résultent
du mélange de 2, 3 ou 4 des couleurs fondamentales. Un nuancier nommé « NCS Atlas »
référence 1950 couleurs, placées dans une « toupie ». Le rouge, le jaune, le vert et le bleu
sont placés sur le diamètre, le blanc et le noir aux pointes (figure 2.9.)
Gillet Steve, D.Sc. -25-
Colorimétrie.
Cette toupie est alors présentée en « tranches » triangulaires, chacune d’entre elles
présentant les variations d’une même teinte.
Figure 2.9. : Système NCS : Toupie
du « Natural Color System ». Le rouge,
le bleu, le vert et le jaune sont placés
sur le diamètre alors que le blanc et le
noir sont placés aux pointes.
Dans ce système, une couleur est codée comme suit :
- La tonalité (teinte) est un code représentant un pourcentage de mélange entre 2
couleurs fondamentales parmi R (rouge), Y (jaune), G (vert) et B (bleu) : B80G
désigne un mélange de bleu (20 %) et de 80 % de vert. Le nombre représente donc
la proportion de la deuxième couleur fondamentale. Seules les combinaisons
suivantes sont autorisées : YxxR, GxxY, BxxG et RxxB.
Figure 2.10. : Numérotation NCS :
Quelques exemples de numérotation
de la teinte. Le nombre représente la
proportion de la deuxième couleur
fondamentale.
- La teneur en noir (de 0 à 100 par pas de 10) : plus la valeur est élevée, plus la
couleur est sombre.
- La teneur chromatique (similaire à ce qu’on appelle ailleurs la saturation) entre 0 et
100 : plus la valeur est élevée, plus la couleur est forte (saturée).
Par exemple, un rose saumon (figure 2.11.) est codé S 2030-Y90R : 20 % de noir, 30 %
de teneur chromatique (saturation), mélange de 10 % de jaune et 90 % de rouge. Le préfixe
« S » indique qu’il s’agit d’un code standard dans le système NCS seconde édition.
Gillet Steve, D.Sc. -26-
Colorimétrie.
Autrement dit, le « S » est présent pour les 1950 entrées de l’atlas NCS. Pour toutes les
références hors Atlas, on n’indique pas ce « S ».
Figure 2.11. : Rose saumon : Un
rose saumon peut être codé, par
exemple S 2030-Y90R : 20 % de noir,
30 % de teneur chromatique, mélange
de 10 % de jaune et 90 % de rouge. La
lettre « S » désigne que cette couleur
est un standard présent dans l’atlas
NCS.
Les couleurs achromatiques n’ont évidemment pas d’indications de tonalité, et sont
toutes suffixées par « -N ». La blanc a pour code S 0500-N, un gris très clair S 1000-N,
un gris un peu moins clair S 1500-N, jusqu’au noir qui a pour code S 9000-N.
Les produits NCS se présentent classiquement sous forme d’éventails, livres
(triangles du solide NCS), échantillons. A noter l’existence des NCS Translation Keys, qui
permettent d’obtenir l’équivalence entre des codes d’un autre nuancier (RAL, Munsell,
etc.) et NCS.
Contrairement à beaucoup de ses concurrents, et bien que limité à un nuancier
standard de 1950 entrée, le système NCS permet, grâce à sa notation numérique, de
caractériser toute couleur visible par une référence précise. Par exemple, 9324-B17G est
absent du NCS Atlas, mais désigne une couleur bien précise, dont la nuance est située
quelque part entre les triangles B15G et B20G (pas de préfixe « S » pour indiquer qu’il
s’agit d’une couleur hors Atlas NCS). En ceci, il se rapproche d’un « modèle » de
couleurs plus que d’un nuancier.
Le système ISCC-NBS.
Pour simplifier la description d’une couleur, l’ISCC-NBS (Inter Society Color Council –
National Bureau of Standards) a standardisé le nom de 267 couleurs du nuancier de
Munsell. Chaque nom a donc une correspondance exacte avec une couleur bien
déterminée du système Munsell.
Pour ce faire, les 10 termes de base suivants ont été retenus : pink, red, orange,
brown, yellow, olive, green, blue violet, purple. Puis 28 noms ont été créés à partir de ces
Gillet Steve, D.Sc. -27-
Colorimétrie.
termes, par combinaison en paire : reddish orange (orange tirant sur le rouge), bluish
gree, etc… Auquel il faut ajouter les 3 noms « white », « gray » et « black ». Enfin, une
liste de 8 adjectifs (plus le superlatif « very ») sont choisis pour traduire les nuances
d’une teinte donnée.
Nom Traduction Notation
Pink Rose Pk
Red Rouge R
Yellowish Pink Rose jaunâtre yPk
Brownish Pink Rose brunâtre brPk
Reddish Orange Orange rougeâtre rO
Reddish Brown Brun rougeâtre rBr
Orange Orange O
Brownish Orange Orange brunâtre brO
Brown Brun Br
Orange Yellow Jaune orangé oY
Yellowish Brown Brun jaunâtre yBr
Yellow Jaune Y
Olive Brown Brun olive OlBr
Greenish Yellow Jaune verdâtre gY
Olive Olive Ol
Yellow Green Vert jaune YG
Olive Green Vert olive OlG
Yellowish Green Vert jaunâtre yG
Green Vert G
Bluish Green Vert bleuâtre bG
Greenish Blue Bleu verdâtre gB
Blue Bleu B
Purplish Blue Bleu violacé pB
Violet Bleu-violet V
Purple Violet P
Gillet Steve, D.Sc. -28-
Colorimétrie.
Reddish purple Violet rougeâtre rP
Purplish Pink Rose violacé pPk
Purplish Red Rouge violacé pR
White Blanc White
Gray Gris Gy
Black Noir Black
Adjectif
Light Clair l.
Dark Foncé d.
Pale Pâle p.
Moderate Moyen m.
Brilliant Brillant b.
Strong Franc, Dur s.
Deep Profond deep
Vivid Vif v.
Very Très v.
Medium1 Moyen med.
Blackish Noirâtre blackish
Grayish Grisâtre gy.
1 : ce terme est exclusivement utilisé en association avec "Gray" dans "med.Gray" (gris moyen).
La combinaison d’une de ces teintes et d’un de ces adjectifs a permis de constituer les
267 noms de couleurs. On combine donc un adjectif, éventuellement précédé de « very »
plus un des 31 noms (28 + 3). Peut également apparaître le terme « grayish » ou
« blackish ». Dans la notation abrégée, on ne peut pas confondre le « v. » de « very » avec
le « v. » de « vivid », puisque « very » ne peut précéder un autre adjectif. Par exemple
« v.P » désigne « Vivid Purple » alors que « v.d.P » désigne « Very Deep Purple ». Notez
que toutes les combinaisons d’adjectifs et noms n’existent pas, car toutes n’ont pas de sens.
Par exemple, il n’y a pas de « Very Light Black » (noir très clair) ni de « Greenish Red »
(rouge verdâtre).
Gillet Steve, D.Sc. -29-
Colorimétrie.
Ces 267 noms sont appelés « centroïdes » car, s’ils désignent une couleur Munsell bien
définie, on peut visuellement associer les nuances voisines au même terme. La figure 2.12.
montre comment se répartissent les noms ISCC-NBS à cheval sur les pages 4R et 6R du
nuancier de Munsell, et leur emprise approximative.
Figure 2.12. : Noms ISCC-NBS : Noms ISCC-NBS des couleurs à cheval
sur les pages 4R et 6R du nuancier de
Munsell.
Le système CIE.
Le système CIE (Commission Internationale de l’Éclairage) est de loin le plus
important des systèmes, non associés à une collection d‘échantillons physiques qui soit
utilisé habituellement avec les instruments de mesure de la couleur. Ce système est basé
sur le fait qu’un stimulus de couleur est fournit par la combinaison adéquate d’une source de
lumière, d’un objet et d’un observateur (figure 2.13.). En 1931, la CIE ébauche la
standardisation de la source et de l’observateur ainsi que la méthodologie permettant
d’obtenir des nombres qui fournissent une mesure d’une couleur illuminée par une source
standard et vue par un observateur standard.
Gillet Steve, D.Sc. -30-
Colorimétrie.
D C B A
Figure 2.13. : Origine d’un stimulus coloré : Un stimulus coloré (D) est fournit par la combinaison
adéquate d’une source de lumière (spectre A), d’un objet (courbe de facteur de réflexion B) et d’un
observateur (courbe de réponse spectrale C).
Les sources et illuminants standard de la CIE.
Alors qu’en 1931, la CIE recommandait seulement l’utilisation des sources standard
A, B et C, qui ont rapidement été définies comme illuminants standard, dès que leur spectre
fut mesuré, l’utilisation croissante d’agents de blanchiment fluorescent a rendu nécessaire
l’utilisation d’illuminants (et de sources) qui émettent également dans l’UV, de façon plus
comparable avec la lumière du jour naturelle.
Finalement, l’illuminant D65, qui représente la lumière moyenne du jour, avec UV et
qui a une température de couleur corrélée de 6500 K, s’est imposé largement. Rappelons ici
que bien qu’il existe plusieurs sources qui se disent D65, aucune n’est recommandée par la
CIE.
Les observateurs standard de la CIE.
La seconde recommandation de la CIE en 1931 était celle d’un observateur standard
dont la vision de la couleur est représentative de la moyenne de la population humaine ayant
une vision de la couleur normale.
La façon dont les données représentant l’observateur standard de la CIE sont
dérivées, transformées et utilisées est un des concepts le plus difficile à comprendre dans le
système CIE. Nous ne rentrerons pas en détail dans les développements mathématiques qui
ont été nécessaires pour parvenir à définir l’observateur standard, mais nous nous
contenterons de la description simplifiée qui suit.
Dans une très vieille expérience, la lumière d’une lampe test brille sur un écran blanc
et est vue par un observateur. Une portion voisine de l’écran est illuminée par la lumière
provenant d’une ou plusieurs de trois lampes, équipées pour donner des lumières de trois
Gillet Steve, D.Sc. -31-
Colorimétrie.
couleurs très différentes, à savoir rouge, vert et bleu. Ces trois lumières primaires sont
choisies arbitrairement, mais sévèrement contrôlées. En ajustant les intensités de ces
lampes, l’observateur peut fabriquer la couleur combinée qui s’accordera à celle de la lampe
test, sur l’écran. Les quantités des trois lumières primaires sont les trois nombres décrivant
la couleur test (figure 2.14.).
Figure 2.14. : Test CIE : Test de correspondance entre la couleur d’une lumière test et celle d’une
lumière combinée qui a permis de définir l’observateur standard.
Si les couleurs des trois lumières primaires sont assez différentes, une grande
quantité de couleurs tests peuvent être accordées de cette façon, mais en aucun cas, toutes
les couleurs tests possibles, et ce, quel que soit le set de lumières primaires. Ce problème
peut être déjoué de plusieurs façons. L’une d’elles consiste à ajouter une des lumières
primaires à la lampe test, plutôt que d’être mélangée avec les autres deux lumières
primaires. Cela revient en quelque sorte, lors du test évoqué ci-dessus, à soustraire cette
couleur des autres couleurs primaires. La couleur test peut alors être décrit par une
combinaison de quantités positives et négatives de lumières colorées primaires.
En utilisant des quantités négatives de lumière, comme décrit ci-dessus, il est
possible d’accorder n’importe quelle lampe test en mélangeant seulement trois lumières
colorées. Si on sélectionne des couleurs primaires du spectre telle que le rouge à 700 nm
(R), le vert à 546,1 nm (G) et le bleu à 435,8 nm (B), la figure 2.15. montre les quantités
relatives, que nous appellerons r , g et b , qui sont nécessaires à une personne, avec une
vision normale de la couleur, pour coordonner n’importe quelle couleur, pour autant que
chaque source de lumière émette la même quantité de puissance. Dans sa recommandation
de 1931, la CIE a adopté les valeurs moyennes de r , g et b obtenues par un petit nombre
d’observateurs comme étant la définition expérimentale de l’observateur standard CIE.
Gillet Steve, D.Sc. -32-
Colorimétrie.
Figure 2.15. : Fonctions d’accord de couleur RGB de la CIE en 1931 : Les
fonctions d’accord de couleur sont les
quantités de lumières primaires
nécessaires pour accorder la lumière test
monochromatique à la longueur d’onde
définie en abscisse.
En 1931, cependant, il était considéré comme important de supprimer les valeurs
négatives des fonctions décrites ci-dessus. Dès lors, une transformation mathématique des
donnée de l’observateur standard ont été réalisées, conduisant au remplacement des rouge,
vert et bleu primaires originaux (R, G et B) par un nouveau set, qui ne peut être produit par
aucune lampe réelle et appelées, simplement, primaires X, Y et Z. Les fonctions illustrées à
la figure 2.16. définissent l’observateur CIE X, Y, Z standard de 1931.
Figure 2.16. : Observateur standard de
1931 : Correspondant mathématique des
fonctions d’accord de couleur RGB, en
utilisant, cette fois, des lumières colorées
fictives X, Y et Z.
La CIE aurait pu sélectionner n’importe quel set, du nombre infini de lumières
primaires colorées X, Y et Z obtenus mathématiquement, comme définition de l’observateur
standard. Celui qu’ils ont sélectionné possède un nombre d’avantages qui vont devenir
évident au fil des pages qui vont suivre. L’un d’eux est que y a été sélectionné tel qu’il soit
égal, en quantité de puissance totale, à la courbe de réponse spectrale de l’oeil que nous
avons vu à la figure 1.15., ce qui a pour résultat que la valeur de Y fournit une information
sur la luminosité d’une couleur et ce, quelles que soient les autres valeurs. La courbe y est
parfois appelée efficacité lumineuse spectrale ; à chaque longueur d’onde, elle montre
Gillet Steve, D.Sc. -33-
Colorimétrie.
l’efficacité de l’oeil à convertir la puissance en sensation lumineuse. Notons que
l’observateur standard (CIE 1931) que nous venons d’étudier est parfois accompagné de la
notation 2° pour indiquer qu’il correspond à un angle de vision de 2° (mais la notation seule
X, Y ou Z correspond par défaut à cet angle de vision de 2°). En 1964, la CIE a défini un
observateur standard supplémentaire, accompagné de la notation 10° pour indiquer qu’il
correspond à un angle de vision de 10° (en faisant abstraction de ce qui se passe sous 2°
d’angle de vision). Cet observateur supplémentaire rend compte du fait que la rétine
possède une région centrale morphologiquement différente (et donc de sensibilité différente),
appelée fovéa. Notons toutefois que les différences sont assez minimes (mais il convient de
savoir de quoi on parle et notamment que la valeur de Y10 ne représente pas exactement la
luminosité d’une couleur, contrairement à Y).
Calcul des coordonnées X, Y et Z CIE.
Nous allons maintenant indiquer comment calculer les coordonnées X, Y et Z CIE à
partir des informations concernant l’objet étudié, d’un illuminant standard CIE et d’un
observateur standard CIE.
La courbe P (spectre de l’illuminant) est multipliée par la courbe R (courbe de facteur
de réflexion et/ou transmission) et x , y ou z (courbes de réponse spectrale de l’observateur
suivant X, Y et Z) pour donner les courbes PR x , PR y et PR z dont l’intégration, puis la
normalisation, dont nous allons parler plus bas, fournit les coordonnées X, Y et Z (figure
2.17.).
Figure 2.16. : Détermination des
coordonnées X, Y et Z : Les
différentes étapes sont illustrées : on
effectue d’abord le produit de P (haut
gauche) par R (haut droit) pour obtenir
la courbe PR (milieu). PR est ensuite
multiplié par x , y ou z (gauche,
centre, droite) pour donner les produits
PR x , PR y et PR z , dont l’intégrale
sous la courbe, après normalisation
donne les coordonnées X, Y et Z.
Gillet Steve, D.Sc. -34-
Colorimétrie.
Par convention, lorsque l’on travaille avec un objet réfléchissant, on assigne la valeur
de 100 à Y à un blanc idéal, non fluorescent, qui réfléchit 100 % à chaque longueur d’onde.
Lorsque l’on travaille avec un objet transparent, on assigne la valeur 100 à Y pour un objet
(fictif) parfaitement incolore et qui transmet à 100 % à chaque longueur d’onde.
Coordonnées de chromaticité et diagramme de chromaticité.
Y
Z
Figure 2.17. : Espace CIE XYZ.
X
Pour la facilité d’obtenir des cartes de couleurs bidimensionnelles, il est habituel de
calculer des coordonnées de chromaticité, qui décrivent les qualités d’une couleur et plus
spécifiquement, en plus de son facteur de luminance, sa chromaticité, laquelle correspond
en quelque sorte à la teinte et la saturation. Dans le système CIE, les coordonnées de
chromaticité x, y et z sont obtenues en normalisant les valeurs X, Y et Z, dont nous avons
parlé plus haut par leur somme. Ainsi, ZYX
Xx++
= , ZYX
Yy++
= et ZYX
Zz++
= .
Comme la somme des coordonnées chromatiques est un, il est seulement nécessaire de
préciser deux des trois coordonnées chromatiques pour décrire une couleur. L’une des
coordonnées X, Y et Z, doit également être spécifiée, habituellement Y. On obtient ainsi une
« coupe » de l’espace CIE XYZ, tel que représenté à la figure 2.18.
Gillet Steve, D.Sc. -35-
Colorimétrie.
Figure 2.18. : Diagramme de
chromaticité : Le diagramme de
chromaticité consiste en une coupe de
l’espace CIE XYZ suivant le plan x+y+z=1.
La couleur, telle que décrite par la CIE, peut être tracée sur un diagramme de
chromaticité, habituellement un tracé des coordonnées de chromaticité x et y. L’une des
représentations les plus courantes est celle de la figure 2.19. La ligne connectant les points,
pour lesquels sont indiquées des longueurs d’ondes, représente les chromaticités des
couleurs du spectre. Les chromaticités du corps noir (la ligne noire courbée), les illuminants
CIE standard A, B, C, et D65 ainsi que le point achromatique E (x, y et z = 1/3) sont
également indiqués.
Figure 2.19. : Diagramme de chromaticité CIE 1931 :
Notons que ce diagramme ne
prend pas en compte la notion
de luminosité. Par exemple, un
brun, qui est un orange de
faible luminosité, n’apparaît
pas sur ce diagramme (d’où la
nécessité, en plus d’indiquer
les coordonnées x et y,
d’ajouter la valeur Y).
Gillet Steve, D.Sc. -36-
Colorimétrie.
Il est bon de noter que le diagramme de chromaticité CIE1964, n’est que légèrement
différent du diagramme de chromaticité CIE1931. Nous n’en parlerons donc pas plus.
Un set de coordonnées alternatives (figure 2.20.), dans le système CIE, parfois
appelées coordonnées de Helmholtz, que sont la couleur dominante et la pureté
correspondent plus ou moins aux aspects visuels que sont la teinte et la saturation, bien que
leurs gradations ne paraissent pas visuellement uniforme. La couleur dominante d’une
couleur est la longueur d’onde de la couleur du spectre dont la chromaticité est sur la même
ligne droite que le point d’échantillon et d’illuminant. A noter qu’il n’est possible de trouver
une couleur dominante spectrale qu’à condition que la couleur échantillon se trouve entre le
point de l’illuminant et la courbe de spectre (courbe en forme de fer à cheval). Si le point
d’échantillon se trouve entre le point de l’illuminant et la droite correspondant aux couleurs
pourpres, la longueur d’onde que l’on trouve est dite « couleur dominante associée » et la
couleur dominante de cet échantillon est dites « non spectrale ». La pureté est la distance
entre le point correspondant à l’illuminant et celui correspondant à l’échantillon, divisée par la
distance entre le point correspondant à l’illuminant et le point de la couleur dominante
correspondante.
Illuminant C
Figure 2.20. : Coordonnées de Helmholtz : Supposons des objets de couleur B et B’ éclairés par un
illuminant C. Les couleurs sur un segment [C,A] correspondent à la combinaison d’une lumière spectrale pure
(A) à de la lumière blanche (teinte constante et saturation variable). La couleur A est la couleur dominante
associée à l’échantillon B. A’, qui se trouve sur la droite des pourpres, est une couleur non spectrale et est la
couleur dominante de B’. Notons que dans ce cas, A est la couleur dominante complémentaire de B.
Finalement, B’ est la couleur complémentaire de B (et vice-versa). La pureté de la couleur B est égale à
CB/CA (et celle de B’ est égale à CB’/CA’).
Gillet Steve, D.Sc. -37-
Colorimétrie.
Il est important de noter que le système CIE n’est associé à aucun set particulier
d’échantillons physiques. C’est seulement accidentellement que des sets d’échantillons ont
été produits pour illustrer le système. Le système n’est pas non plus basé sur des étapes de
perception visuelles égales, bien que de nombreuses modifications du système CIE ont été
proposées pour ce faire. En fait, le système CIE n’a d’autres objectifs que de dire si deux
couleurs concordent (ce qui est le cas, si elles ont les 3 mêmes valeurs de X, Y et Z). Le
diagramme de chromaticité CIE, de la même façon, est proprement utilisé seulement pour
déterminer si deux couleurs ont la même chromaticité, pas pour savoir de quoi elles ont l’air,
ou en quoi elles diffèrent, si elles ne concordent pas.
Quoiqu’il en soit, il est souvent souhaitable de savoir, approximativement, où
certaines couleurs se situent sur le diagramme de chromaticité et si, en se limitant soi-même
à des couleurs vues sous un illuminant de type « lumière du jour » par un observateur
adapté à cette lumière, nous n’en sommes pas trop éloignés. C’est sur cette base qu’ont été
assignés les noms de couleurs que l’on retrouve dans le diagramme chromatique de la figure
2.19.
Système plus uniformes.
Il a souvent été dit qu’un des plus grands désavantages du système CIE réside dans
son manque d’uniformité (il est évident, en observant la figure 2.19., que la proportion du
diagramme réservée au vert, par exemple, est beaucoup plus importante que celle réservée
au bleu). Au fil des années, plusieurs essais ont été réalisés pour transformer le système
CIE ou même pour inventer de nouveaux systèmes plus uniformes, tout en permettant une
transformation simple des coordonnées de couleur, à partir des, ou vers les, coordonnées X,
Y et Z.
Transformations linéaires du système CIE.
Dans l’étude des transformations du système CIE pour augmenter son uniformité, il
est important de considérer séparément deux types de transformations : la linéaire et la non
linéaire. Les mathématiciens (et les ingénieurs ?) reconnaîtront et comprendront les
implications de ces termes, mais il est suffisant, pour nous, de savoir que les transformations
linéaires préservent certaines caractéristiques importantes du système CIE associées au
mélange additif des couleurs, dont nous parlerons ultérieurement.
L’une des premières transformations linéaires du système CIE fut l’UCS (Uniform
Chromaticity Scale) de Judd (1935). Plus tard, un UCR rectangulaire (RUCS) fut créé par
Breckenridge (1939). MacAdam (1937) a, pour sa part, développé un système (u, v) qui fut
recommandé en 1960 par la CIE comme approximation à la perception visuelle uniforme
Gillet Steve, D.Sc. -38-
Colorimétrie.
(figure 2.21.). Plus tard (1943), il développera un autre système, permettant de calculer des
petites différences de couleurs, mais ce système ne peut être décrit pas des équations
simples et est loin d’être linéaire.
Figure 2.21. : Diagramme de chromaticité CIE 1960.
Finalement, un accroissement de la coordonnée v, de 50 %, a permis d’obtenir un
diagramme de chromaticité, qui fut recommandé par la CIE en 1976, et qui est illustré à la
figure 2.22.
Figure 2.22. : Diagramme de chromaticité CIE 1976 : Pour lequel la
variable v’ correspond à une augmentation
de 50 % de la variable v du diagramme de
chromaticité CIE 1960.
Gillet Steve, D.Sc. -39-
Colorimétrie.
Echelle de luminosité.
Comme la luminosité d’un objet est une des plus importantes coordonnées de
couleur, une attention particulière a été portée au développement d’échelles de luminosité
correspondant à une perception visuelle uniforme de cette variable. Une des premières
échelle de luminosité, proposée par Priest en 1920 suppose que la luminosité de Munsell
(« Munsell Value ») est proportionnelle à la racine carrée du coefficient de luminosité Y (V =
Y1/2). Ce qui est approximativement vrai lorsque des échantillons d’une échelle de gris sont
observés sur un fond blanc. Cette échelle a été adoptée plus tard, par Hunter (1942) qui a
conçu un colorimètre à lecture directe de la luminosité, L, qu’il a défini comme étant L = 10
Y1/2. Si les échantillons sont observés sur un fond gris moyen, l’équation doit être modifiée
pour tenir compte du facteur de réflexion de ce fond (Y/YMgO = 1,2219 V – 0,23111 V2
+0,23951 V3 – 0,021009 V4 + 0,0008404 V5). En fixant YMg0 comme étant égale à 1,026 pour
certaines conditions bien déterminée, on obtient une échelle de luminosité de Munsell
encore largement utilisée à présent : Y = 1,1913 V – 0,22532 V2 + 0,23351 V3 – 0,020483 V4
+ 0,00081935 V5. Plus tard (1958), Glasser a montré qu’une racine cubique est une bonne
approximation de cette équation et c’est finalement cette fonction qui sera retenue par la CIE
en 1976 pour définir sa luminosité métrique (L* = 116 (Y/Yn)1/3 – 16). A noter que dans cette
équation, Yn est fixé à 100 par convention et que pour des valeurs de Y/Yn inférieures, ou
égales à 0,008856, on utilisera plutôt la formule L* = 903,3 (Y/Yn). L* varie donc de 0 (noir
parfait) à 100 (blanc parfait) en passant, entre autre, par un gris moyen, dont la valeur de L*
est d’environ 50.
Les espaces de couleur uniformes.
Il est tout d’abord important de réaliser qu’il n’existe pas d’espace de couleur
uniforme en tant que tel et que donc, l’appellation « espace de couleur uniforme » n’est
qu’une approximation. Nous ne considérerons que quelques uns des espaces les plus
courants dans l’industrie, et tous, seront des transformations non linéaires du système CIE
X, Y, Z de 1931.
L’un des système les plus utilisé, mis à part le CIE 1931, est l’espace de Hunter L, a,
b (1942), dont le grand avantage, est d’avoir permis de construire des colorimètres qui
permettent la mesure directe de ces paramètres, et ce, bien avant l’émergence des
ordinateurs modernes.
L’espace Adams (1942) s’est également montré utile, principalement grâce à ses
équations associées, permettant d’évaluer les différences de couleur (dont nous reparlerons
ultérieurement). En 1952, Nickerson va affiner cet espace, que l’on retrouve parfois sous
l’appellation « espace Adams-Nickerson » ou « espace ANLAB ».
Gillet Steve, D.Sc. -40-
Colorimétrie.
En 1973, MacAdam suggéra à la CIE que l’espace ANLAB pouvait être modifié pour
faciliter les calculs. Cette modification fut officiellement recommandée, en 1976, pour devenir
l’espace CIE L*a*b* avec l’abréviation officielle CIELAB (figure 2.23.).
Figure 2.23. : Espace CIELAB :
La luminosité métrique L* consiste
en l’axe vertical qui relie le noir au
blanc.
En même temps, la CIE recommandait une seconde approche, à l’espace de couleur
uniforme, basée sur la combinaison du diagramme de chromaticité u’, v’ avec la luminosité
métrique L*. Les coordonnées résultant de cette combinaison sont appelées L*, u* et v*, le
système lui-même étant connu sous le nom de système CIE L*u*v* avec l’abréviation
officielle CIELUV (figure 2.24.)
Figure 2.24. : Espace CIELUV : Espace CIELUV à gauche et détail des coordonnées à droite.
Gillet Steve, D.Sc. -41-
Colorimétrie.
3. Mesure de la couleur et des différences de couleur. Nous avons vu à plusieurs reprises que trois facteurs sont nécessaires pour la
production de couleur : une source de lumière, un objet illuminé et un observateur qui, à la
fois, détecte le signal et le convertit en ce que le cerveau humain reconnaît comme étant une
couleur. Nous avons également vu que, pour diverses raisons, il est intéressant de pouvoir
associer des valeurs numériques à cette réponse appelée couleur, de sorte qu’elle puisse
être décrite, avec précision, à quelqu’un d’autre, ailleurs et à un autre moment. Nous en
arrivons donc à la question de savoir comment cela peut être fait, et c’est l’objet de ce
chapitre.
Lorsque nous utilisons les mots « mesure de la couleur », la plupart d’entre nous
pensent à l’utilisation d’instruments. Mais il s’agit là, seulement, d’une façon de mesurer la
couleur, et probablement pas la plus courante, ni la plus simple. L’examen et la comparaison
visuels, plutôt qu’instrumentaux, de produits colorés, est autant une mesure de la couleur
qu’une méthode faisant intervenir des instruments complexes et élaborés. Il n’y a pas besoin
de considérer l’œil et un instrument comme des outils de mesure de la couleur
fondamentalement différents. Nous devons, bien entendu, ne jamais oublier que la couleur
est « ce que nous voyons », et qu’une mesure de l’aspect purement physique d’une couleur
ne peut jamais fournir une réplique exacte de ce que notre cerveau nous fait percevoir.
Les principes de base de la mesure de la couleur.
Quelles que soient les techniques utilisées, la mesure de la couleur peut être divisée
en 2 étapes majeures : l’examen et l’estimation.
L’examen.
L’étape d’examen d’une couleur inclut seulement la triade que nous avons déjà
mentionnée si souvent :
a) Une source de lumière qui illumine l’échantillon et le standard.
b) L’échantillon qui doit être évalué et le standard auquel on le compare. En examen
visuel et avec certains instruments, l’échantillon et le standard sont observés en
même temps. Examiner l’échantillon et le standard, l’un après l’autre, n’est pas une
bonne pratique, visuellement, mais se fait couramment en mesure instrumentale.
c) Un moyen de détecter la lumière qui vient de l’échantillon examiné.
Gillet Steve, D.Sc. -42-
Colorimétrie.
L’estimation.
La seconde étape, dans la mesure d’une couleur, est divisée, pour des raisons
pratiques, en trois opérations nécessaires pour déterminer si un échantillon est identique ou
non au standard.
a) Un rapport doit être établi si il y a une différence entre l’échantillon et le standard. Ce
rapport peut être rédigé en termes de mesures instrumentales, ou de mots.
b) A supposer qu’il y ait une différence, le rapport conséquent doit être exprimé en
termes qui aient la même signification pour toutes les personnes impliquées. Ces
termes peuvent être une description verbale standardisée, en utilisant une
terminologie de couleur préalablement acceptée, ou le simple rapport des lectures
instrumentales elles-mêmes, ou encore, les coordonnées d’un point dans un système
de classement acceptable, dans lequel les données visuelles ou instrumentales ont
été converties.
c) La différence, bien qu’établie, doit être évaluée et une décision doit être prise quant à
son acceptabilité. Nous avons choisi de grouper des deux étapes ensembles, bien
qu’en pratique, elles puissent être entreprises séparément, même par des personnes
différentes de celles qui ont effectué les mesures.
C’est cette dernière étape qui est la plus difficile de toute la procédure de mesure et
évaluation d’une couleur, mais c’est également celle qui remplit les objectifs du processus
entier.
L’échantillon.
Alors que nous débutons notre discussion des étapes impliquées dans la mesure de
la couleur, nous nous trouvons d’abord confrontés au problème de l’origine et de la
préparation des échantillons. Envisageons ce point un peu plus en détail.
Les échantillons pour analyse.
Une chose que les professionnels de la couleur ont tendance à oublier, c’est que la
mesure de la couleur n’est rien d’autre qu’une technique spéciale d’analyse. En tant que
telle, elle partage avec toutes les autres méthodes d’analyse, le même problème
fondamental, à savoir : obtenir un échantillon représentatif. Il convient de bien faire attention
à la façon de choisir l’échantillon qui sera analysé, et ce, quelle que soit la technique qui sera
utilisée pour ce faire. Que la mesure doive être faite sur un lot d’articles moulés dans du
plastique, de morceaux de tissus teintés ou de boites peintes, il faut être certain que
l’échantillon examiné représente vraiment l’ensemble considéré.
Gillet Steve, D.Sc. -43-
Colorimétrie.
Une forme adaptée à l’analyse.
Avant de commencer toute mesure de couleur, qu’elle soit visuelle ou instrumentale,
la première question à se poser, est de savoir si l’échantillon représente bien le matériel qui
doit être étudié. Cette question inclut à la fois l’aspect « sélection de l’échantillon », dont
nous venons de parler, mais également l’étape suivante qui consiste à le transformer sous
une forme qui soit analysable. Alors qu’il existe seulement quelques cas où le produit fini est
déjà, en tant que tel, sous une forme souhaitable pour l’examen, visuel, ou instrumental,
après un échantillonnage adéquat, la plupart des matériaux exigent en revanche que
l’échantillon soit modifié d’une façon ou d’une autre. Par exemple, un échantillon de tissu doit
être plié, de sorte qu’un nombre standard de couches soient présentées pour l’examen, ou
encore, un échantillon de peinture ou une poudre de plastique doivent être convertis en un
objet coloré.
Dans le cas de substances colorantes, telles que les teintures ou les pigments, le
problème est encore beaucoup plus difficile, puisqu’il n’est pas possible de se faire une idée
des performances d’un colorant sur la base de son apparence en tant que poudre sèche. Il
n’y a pas de substitut pour la conversion du colorant en sa forme finale sous laquelle il doit
être utilisé, et il est souvent difficile de développer une technique, à l’échelle du laboratoire,
qui soit comparable aux résultats obtenus en usine, avec une teinture ou un pigment donné.
La conversion de n’importe quel échantillon de matière colorée, dans une forme
acceptable pour l’examen, requière une procédure standardisée, qui soit à la fois répétable
(par la même personne, dans le même laboratoire) et reproductible (par des personnes
différentes, dans différents laboratoires, à différents temps). On ne saurait trop insister sur
l’absolue nécessité d’examiner chaque procédure de préparation d’échantillons par des
techniques statistiques, pour s’assurer une connaissance précise de sa répétabilité. Etant
donné la précision des appareils de mesure actuels, c’est bien souvent la préparation de
l’échantillon qui représente le maillon faible dans la chaîne d’analyse.
Regardez !
La question de la conversion de la substance colorante en une forme souhaitable
pour l’analyse est encore plus importante lorsqu’on envisage d’effectuer des mesures
instrumentales. La confiance aveugle, dans les mesures instrumentales dans des
laboratoires où des machines sont simplement « alimentées » en échantillons et les résultats
renvoyés centralisés, peut amener à de sérieuses erreurs, dues à des échantillons
inadéquatement préparés. Lorsque, par exemple, un panneau peint est regardé et comparé
avec un standard, un observateur entraîné peut repérer si l’échantillon et le standard sont
dans de bonnes conditions. C’est quelque chose qu’aucune machine, aussi complexe fut-
Gillet Steve, D.Sc. -44-
Colorimétrie.
elle, ne peut faire. Les machines, bien qu’extrêmement utiles, ne peuvent réfléchir. C’est
pour cette raison qu’il est important que les échantillons, dont on veut mesurer la couleur,
soient regardés avant toute analyse, quelle que soit la technique que l’on envisage d’utiliser
pour ce faire. Ceci est spécialement vrai dans les grands laboratoires où la préparation de
l’échantillon n’est pas réalisée par la même personne que celle qui effectue l’analyse.
Mesures visuelles de la couleur.
Simplement par facilité et non à cause de différences fondamentales, les sujets
« mesure visuelle » et « mesure instrumentale » ont été séparés. Dans chaque section, les
trois subdivisions des étapes d’examen et d’estimation conservent leur importance. Dans un
examen purement visuel, toutefois, certaines étapes, dans la procédure d’estimation,
peuvent être combinées. Dans plusieurs examens de ce type, l’évaluation consiste
simplement en une décision d’acceptabilité ou non, sans description de la différence ou en
ne la décrivant qu’en des termes strictement qualitatifs.
Un échantillon et un standard unique.
L’examen et l’évaluation visuels d’une couleur est l’une des technique la plus utilisée.
Il existe plusieurs méthodes standard pour faire ce type de mesure (ASTM D 1535, D 1729).
Dans sa forme la plus simple, les éléments essentiels sont l’échantillon qui doit être évalué
et un standard unique, les deux vus en même temps par un observateur en utilisant une
source de lumière standardisée. Si un accord peut être trouvé entre l’acheteur et le vendeur,
sur le standard qui doit être utilisé et sur les conditions d’examen (y compris le type exacte
de source de lumière utilisée), un grand pas est franchi, bien que l’évaluation soit tout de
même laissée à des yeux et des cerveaux de deux personnes différentes.
Pour déterminer si deux échantillons de couleur sont, ou non, identiques, l’examen
visuel des deux échantillons, l’un à côté de l’autre, sous des conditions standardisées de
lumière est idéal. Dans de nombreux cas, une seule source de lumière n’est pas suffisante
pour une inspection sérieuse et deux ou plusieurs sources de lumière standardisées peuvent
alors être utilisées.
Avec l’utilisation croissante de sources de lumière variées, spécialement celles qui
sont assez différentes de la lumière du jour, ou des lampes à tungstène, il est devenu
essentiel d’utiliser deux (et dans de nombreux cas, trois) sources de lumière standardisées
pour l’examen. Il est important que l’acheteur et le vendeur, aussi bien que tous les
laboratoires à l’intérieur d’une même compagnie, se mettent d’accord sur les caractéristiques
de ces sources de lumière, puisque les propriétés des cabinets de lumière (figure 3.1.) sont
significativement différentes d’un fabriquant à un autre.
Gillet Steve, D.Sc. -45-
Colorimétrie.
Figure 3.1. : Cabinet de lumière : Modèle MiniMatcher MM-
1e de la marque Geneq. Il est habituellement équipé de trois
sources de lumière : jour artificiel D65, lumière fluorescente
blanc froid (CWF) et lumière domestique (incandescente). Il
est en outre, en général, possible d’équiper ces cabinets
d’une source UV.
Le problème de variabilité des observateurs, par contre, n’a pas encore trouvé de
réponse satisfaisante. Des différences entre des observateurs, qui sont pourtant tous
reconnus comme ayant une vision normale de la couleur par divers tests, peut malgré tout
conduire à une grande diversité dans la détermination d’une concordance, au même titre que
le ferait une variation de source lumineuse. A moins que les différences au niveau des
observateurs ne soient connues et prises en compte, par exemple, par un accord préalable,
aucune standardisation des sources lumineuses ne peut conduire à des résultats
satisfaisants. A nouveau, nous ne pouvons que mettre l’emphase sur ce paramètre, bien trop
souvent ignoré. Des tests simples, utilisant des paires d’échantillons métamériques, sont
disponibles pour démontrer les différences au niveau des observateurs (et des sources
lumineuses). Ils devraient être utilisés pour trier les observateurs et éliminer ceux dont la
vision des couleurs s’écarte de la moyenne, tout en étant considéré comme ayant une vision
normale de la couleur. Lorsqu’une standardisation des observateurs de cette façon n’est pas
possible, une importance plus grande doit être accordée à la moyenne d’observations à
partir d’un ensemble d’observateurs.
Un échantillon et des standards multiples.
L’utilisation d’un seul standard auquel l’échantillon est comparé conduit
immédiatement à des difficultés lorsque les deux ne sont pas identiques. Cela vient du fait
qu’un seul standard représente seulement un point dans le monde tridimensionnel de la
couleur. Si l’échantillon et le standard ne concordent pas, on aimerait pouvoir décrire la
différence avec précision et savoir si elle s’inscrit à l’intérieur de limites précédemment
établies. C'est-à-dire que nous aimerions savoir, à la fois, comment et de combien le
standard et l’échantillon diffèrent-ils ?
Cela nous amène à faire un jugement quantitatif et analytique, auquel l’œil est moins
adapté que dans le jugement de savoir si oui ou non deux matériaux sont identiques. L’œil
est un bon détecteur d’absence de différence, en quelque sorte… par contre, la situation se
Gillet Steve, D.Sc. -46-
Colorimétrie.
complique beaucoup lorsqu’il existe une différence et qu’il faut dire quelle est cette différence
et la quantifier.
Cette limitation de l’œil humain peut être compensée en lui fournissant plus d’un
standard avec lequel faire une comparaison. Si l’observateur dispose d’un second standard
qui se situe à une distance connue du premier (en terme d’espace de couleur), son
évaluation de savoir si l’échantillon est plus proche du premier standard, le standard cible, ou
du second standard, le standard limite, sera facilitée.
L’examen visuel avec l’aide d’un ou plusieurs standards limites en plus du standard
cible est relativement commun. Le nombre de standards limites de même que le degré de
différence par rapport au standard cible dépend du niveau de tolérance de couleur désiré.
Une combinaison habituelle consiste en un standard cible et 6 standards limites : une limite
supérieure et une limite inférieur, pour chaque coordonnée de couleur, que sont la
luminosité, la teinte et la saturation. L’utilisation d’un set complet de standards limites,
combiné avec des sources standardisées, fournit une procédure de contrôle relativement
satisfaisante en routine. Il est essentiel que ces standards limites soient non métamériques
par rapport au produit qui doit être inspecté, ce qui n’est pas toujours le cas avec les
systèmes de ce type, disponibles commercialement.
Mesure instrumentale de la couleur.
Spectrophotométrie.
La spectrophotométrie, c'est-à-dire la mesure du facteur de réflexion ou de
transmission des objets en fonction de la longueur d’onde, a beaucoup d’applications, autres
que la mesure de la couleur. Nous ne décrirons, ici, que la spectrophotométrie dans le
domaine visible du spectre, soit entre 400 et 780 nm environs, comme cela se passe
effectivement dans les instruments adaptés à la mesure de la couleur.
Source, monochromateur et détecteur.
Les principaux composants de tout spectrophotomètre sont : la source de radiation,
un moyen d’isoler une lumière monochromatique, et un détecteur photoélectrique adapté.
Dans la plupart des instruments analytiques, et dans certains spectrophotomètres de mesure
de la couleur, la lumière blanche provenant de la source, souvent une ampoule à filament de
tungstène, est dispersée en son spectre, par un prisme ou un réseau. Une fente est utilisée
pour sélectionner une petite portion du spectre pour illuminer l’échantillon. Cette portion peut
être comprise entre quelques dixièmes à une dizaine de mm de large, en fonction de
l’instrument. La longueur d’onde de la lumière passant à travers la fente est variée, par
Gillet Steve, D.Sc. -47-
Colorimétrie.
scannage automatique, pour couvrir l’entièreté du spectre visible. L’irradiation
monochromatique illumine l’échantillon, et la lumière réfléchie est collectée par un détecteur
(figure 3.3). Ce type de procédé est appelé illumination monochromatique.
Figure 3.3. : Illumination
monochromatique : La lumière
blanche provenant de la source
est décomposée par un
monochromateur, puis une portion
de cette dernière illumine
l’échantillon. La lumière réfléchie
par l’échantillon est ensuite
détectée.
D’autres instruments de mesure de la couleur utilisent le procédé inverse, lequel
s’appelle illumination polychromatique. Cette fois, la lumière pleine provenant de la source,
habituellement une lampe à filament de tungstène filtrée ou un arc à xénon, illumine
l’échantillon, et c’est la lumière réfléchie, cette fois, qui est passée à travers un
monochromateur avant d’être détectée (figure 3.4.).
Figure 3.4. : Illumination
polychromatique : La lumière
blanche provenant de la source
illumine directement l’échantillon
est c’est, cette fois, la lumière
réfléchie par ce dernier, qui est
détectée, après être passée par
un monochromateur.
Calcul des coordonnées X, Y et Z CIE.
Cfr. pg 34. Note : Les spectres des illuminants standard et la courbe de réponse
spectrale de l’observateur standard sont en général des données associées au logiciel de
traitement des données du colorimètre.
Standardisation et précision.
Nous n’allons pas nous étendre sur ce point, retenons simplement que, comme tout
appareil de mesure précis, un spectrophotomètre doit être régulièrement calibré, pour
Gillet Steve, D.Sc. -48-
Colorimétrie.
s’assurer que les résultats fournis sont bien reproductibles. Cette calibration requiert
habituellement, au minimum, 2 standards : l’un étant un blanc de travail, qui peut être
constitué de téflon, d’émail, ou de céramique, par exemple, et dont l’écart par rapport au
blanc parfait est connu du logiciel de traitement des données ; l’autre étant un piège à
lumière, qui permet de fixer le noir parfait. Souvent, on utilise un standard de plus, un vert,
par exemple.
Estimation de la différence de couleur.
Estimation par méthodes visuelles.
Nous avons vu que la combinaison œil-cerveau constituait un détecteur pratiquement
inégalable lorsqu’il s’agissait d’estimer si deux échantillons étaient de couleur identiques ou
non. Une fois qu’une différence entre l’échantillon et le standard est détectée, toutefois, il y a
des variations importantes d’opinion, même parmi des observateurs entraînés. Cette
variation est une source de confusion et de découragement. Avec un instrument, par contre,
la description de la différence entre le standard et l’échantillon est non ambiguë, même si
l’interprétation des résultats, en terme visuel, peut être sujet à interprétation.
La conversion de la description de la relation entre le standard et l’échantillon, en des
termes de couleur, telle qu’elle est perçue, n’est pas du tout évident. En se fiant à des
coloristes entraînés et à un système standardisé, il est possible de décrire la différence entre
le standard et l’échantillon de façon à la rendre compréhensible par d’autres personnes
entraînées. Habituellement, toutefois, on fera plus confiance à des standards limites et
l’estimation finale consistera simplement à dire si la couleur de l’échantillon tombe ou non
dans la zone de tolérance,
Estimation par méthodes instrumentales.
Idéalement, le résultat final d’une mesure de couleur instrumentale devrait être une
série de nombres, décrivant la nature et l’amplitude de la différence en couleur, entre
l’échantillon et le standard, de façon à ce que, les nombres aient toujours la même
signification en terme de perception visuelle. Cela a été l’objectif de nombreux chercheurs
qui ont modifié les systèmes de classement de couleur uniformes dont nous avons parlé
dans le chapitre 2. Comme nous l’avons vu alors, cet objectif n’a pas été atteint et il parait
improbable, à certains experts, que l’on puisse jamais y arriver.
Quoiqu’il en soit, il y a de nombreuses façons de calculer un nombre représentant
une amplitude de différence de couleur, aussi longtemps que l’on se souvient que ce nombre
n’aura pas la même signification, en terme de perception visuelle, pour différentes couleurs.
Gillet Steve, D.Sc. -49-
Colorimétrie.
Un problème additionnel provient, en outre, du fait qu’il existe de nombreuses façons
différentes de calculer de telles différences de couleur, couramment utilisées, et que ces
différentes façon de faire ne sont pas compatibles entre elles, sans même parler de
perception visuelles. Beaucoup d’études ont visé à démontrer ce fait, à présent bien accepté,
mais trop peu reconnu. Plus important, encore, il est impossible de convertir les différences
de couleurs calculées par deux méthodes différentes en ayant recours à des facteurs de
conversion moyens (à une exception près).
Nous allons à présent décrire certaines des formules de différence de couleur qui ont
été, et qui sont toujours, largement utilisées.
Equations basées sur les données de Munsell.
L’uniformité des espaces entre les échantillons du livre des couleurs de Munsell
implique une différence de couleur constante entre des échantillons adjacents (en tenant
compte de la nature cylindrique de ce système).
La première équation de différence de couleur qui ait été utilisée, l’index d’effacement
de Nickerson (1936), additionne simplement les différences de coordonnées de Munsell
entre l’échantillon et le standard : CVHCE Δ+Δ+Δ=Δ 3652
(avec C = saturation, V =
luminosité et H = teinte). Balinkin a modifié cette formule, en 1941, pour l’adapter à une
géométrie Euclidienne, dans laquelle la distance oblique entre deux points est la racine
carrée de la somme des carrés des distances entre eux, suivant trois axes de coordonnées
mutuellement perpendiculaires : ( )2
22 206
52
⎟⎠⎞
⎜⎝⎛ Δ+Δ+⎟
⎠⎞
⎜⎝⎛ Δ=Δ CVHCE
π.
A cause de la difficulté de calculer des coordonnées de Munsell à partir des
coordonnées X, Y et Z CIE, ces équations et leurs modifications ultérieures n’ont jamais été
très populaires. Adams, en 1942, développa les formules, modifiées par Nickerson, qui
aboutirent aux équations ANLAB, dont l’équation de différence de couleur :
( ) ( )( ) ( )( )222 4.023.040 zyyxy VVVVVE −Δ+−Δ+Δ=Δ (avec Vy,x,z = luminosités de Munsell
calculées à partir de la formule donnée précédemment, avec Y, X/0.9804 et Z/1.1810). Plus
tard, Glasser, Sauderson et Reilly ont introduit quelques modifications mineures à ces
équations, que nous avons déjà abordées.
Equations basées sur des données de différences tout juste perceptibles.
Une unité de différence de couleur basée sur l’échelle uniforme de chromaticité de
Hunter a été désignée comme unité du Bureau National des Standards ou unité NBS. Ce
Gillet Steve, D.Sc. -50-
Colorimétrie.
système n’est que rarement utilisé, mais le terme « unité NBS » a souvent été appliqué, à
tort, aux résultats d’autres calculs de différence de couleur, dont les équations ANLAB. Une
autre unité de différence de couleur, est celle dérivée simplement et directement des lecture
d’un colorimètre en coordonnées L, a, b de Hunter : 222 baLE Δ+Δ+Δ=Δ (avec L, a et b,
les coordonnées de Hunter, dont nous avons parlé à la page 40). Finalement, la
transformation de MacAdam du diagramme x, y, qui est devenu le diagramme u, v CIE 1960,
a été combinée avec la racine cubique de l’échelle de luminosité pour donner l’espace de
couleur et les équations de différence de couleur adoptées par la CIE en 1964. Ces
équations ont été remplacées par les équations CIELUV recommandées par la CIE en 1976.
Equations basées sur la déviation standard de correspondance de couleur.
MacAdam et ses assistants ont déduit un tas de données de l’incertitude avec
laquelle une correspondance de lumière colorée pouvait être faite. Ces données
comprennent les fameuses ellipses de MacAdam dans le diagramme x, y (figure 3.5.), ou, si
la luminosité est prise en compte, les ellipsoïdes correspondants. Plus tard (1957), Brown a
trouvé des ellipses pour 12 observateurs, Wyszecki (1971) en a étudié encore plus, et Rich
(1975) a obtenu des ellipses similaires, mais pour des surfaces colorées, cette fois. Les
variations observées représentent l’écart dans la perception des différences de couleur, d’un
observateur à un autre, dans les limites d’une vision normale de la couleur.
Figure 3.5. : Ellipses de MacAdam :
représentées sur le diagramme de
chromaticité x, y de la CIE 1931. Les
ellipses illustrées sont 10 fois plus grandes
que les ellipses réelles. Chaque ellipse
(réelle) correspond à la région du
diagramme de chromaticité qui contient
toutes les couleurs qui sont non
distinguables, pour un œil humain moyen,
de la couleur se trouvant au centre de
l’ellipse.
MacAdam a montré comment utiliser ces ellipses pour calculer des différences de
chromaticité. Simon, pour sa part, les a combiné avec un calcul de luminosité de Munsell
Gillet Steve, D.Sc. -51-
Colorimétrie.
modifié pour fournir des ensembles de tableaux très utiles pour un rapide calcul manuel de
différences de couleurs et comme tableaux de tolérance de couleur. Plus tard, MacAdam,
Friele et Chickering ont collaboré pour produire deux équations de différence de couleur,
connues comme FMC-1 et FMC-2. Cette dernière a été utilisée, plus tard, dans différents
softwares de colorimètres et sa popularité s’est accrue. Malgré l’utilisation courante de ces
équations, ni elles, ni aucune autre équation dérivée des ellipses de MacAdam ne sont
présentes dans les recommandations de la CIE 1976.
Recommandations de la CIE.
Les équations de différence de couleur connues comme équations CIELAB et
CIELUV accompagnent la recommandation CIE de 1976 (CIE 1978) pour les nouveaux
espaces de couleur, équations de différence de couleur et termes de couleurs discutés en
page 41. Les équations dérivent directement des définitions des coordonnées de couleur
psychométriques décrites alors. La CIE ne tranche donc pas sur l’équation à utiliser, soit la
CIELAB, soit la CIELUV. L’une des raisons en est qu’il y a très peu de différence entre elles,
dans leur façon de s’accorder avec des données visuelles. Il a également été montré
qu’aucune de ces équations ne reproduisait ni les ellipses de MacAdam, ni les écarts dans
les couleurs de Munsell. Il est probable que les personnes travaillant dans les domaines de
reproduction de la couleur, qui préfèrent un espace de couleur qui possède un diagramme
de chromaticité qui soit une transformation linéaire du diagramme CIE x, y, préfèreront
l’espace CIELUV et utiliseront probablement les équations de différence de couleur
correspondantes. Par contre, les personnes qui devront travailler avec des colorants dans
des peintures, des plastiques, textiles, etc. et ceux qui sont familiers avec les équations
d’Adams-Nickerson, préfèreront certainement utiliser CIELAB.
Comme nous l’avons déjà signalé, il existe une exception au fait qu’il soit impossible
de passer facilement d’une différence de couleur obtenue par une équation à une autre.
Cette exception vient du fait que l’équation CIELAB est très proche de l’équation ANLAB et
qu’il est en général possible de passer d’une différence de couleur déterminée par ANLAB
40 à une différence de couleur CIELAB, simplement en multipliant par le facteur constant
1,1.
Il est parfois intéressant de séparer la différence de couleur ΔE* CIELAB ou CIELUV,
en ses composants se rapportant à la teinte (H*), luminosité (L*) et saturation (C*) :
( ) ( ) ( )222 **** CVHE Δ+Δ+Δ=Δ .
Un mot d’avertissement : Les appareils modernes de mesure de la couleur calculent
les différences de couleur à deux (ou plus) décimales. Sans même se soucier de l’équation
Gillet Steve, D.Sc. -52-
Colorimétrie.
utilisée, tout ce qui se trouve derrière la première décimale n’a pas de signification en terme
visuel.
Perceptibilité vs acceptabilité.
Que l’on ait, ou non, converti des données instrumentales en valeur désignant la
différence de couleur, en prenant toutes les précautions nécessaires, le problème, en fin de
compte, dans la mesure de la couleur, est d’évaluer la différence de couleur en terme
d’acceptabilité de l’échantillon, comparé au standard. Si des standards limites,
adéquatement sélectionnés et préparés, sont utilisés, cette dernière étape se fait
automatiquement.
Si les limites d’acceptabilité sont exprimées en termes de valeur de différence de
couleur, il y a un réel problème auquel faire face. Il n’est pas seulement vrai que des valeur
de différences égales, dans n’importe quel système de calcul, ne correspondent pas à des
différences de couleurs visuellement perceptibles égales, mais il se trouve que, ce qui
constitue une différence de couleur acceptable, est un phénomène statistique. C'est-à-dire
que toutes les personnes ne seront pas d’accord sur ce que devrait être une différence de
couleur commercialement acceptable. Les différences de perception des couleurs et les
goûts personnels, à la fois, prennent, ici, une importance indubitable.
La meilleure procédure, dans les cas où la préférence du client doit jouer un rôle, est,
peut-être, d’effectuer des mesures de couleurs sur une période suffisamment longue pour
disposer d’un historique. Si le client est constant dans sa façon d’accepter ou de rejeter le
produit, il est possible, de cette façon, d’atteindre un accord sur ce qui constitue une
différence de couleur acceptable, même si il semble qu’il y ait peu de relation avec ce qui
semble être une différence perceptible. Certain coloristes estiment qu’il n’y a pas de
différence fondamentale entre perceptibilité et acceptabilité, excepté que les limites
acceptables peuvent parfois être quelque peu plus importantes que les limites de
perceptibilités ; d’autres estiment que la question fondamentale de ce qui est, ou non,
acceptable, doit être établi, d’avance, par un accord entre le vendeur et l’acheteur. Si des
méthodes instrumentales doivent jouer un rôle dans l’examen, elles doivent être définies
exactement, y compris les techniques de mesure, la conversion des données, les calculs et
l’évaluation des résultats.
Utilisation appropriée des calculs de différence de couleur.
Quelle est donc la bonne façon d’utiliser les calculs de différence de couleur ? Cela
peut être résumé dans les 5 règles qui vont suivre. Si elles étaient universellement suivies, la
plupart des incertitudes, confusions, débats et altercations sur les tolérances de couleurs au
Gillet Steve, D.Sc. -53-
Colorimétrie.
niveau commercial, disparaîtraient et la vie de nombreux coloristes s’en trouverait plus
heureuse.
1. Sélectionnez une seule méthode de calcul et utilisez la logiquement. Pour une
utilisation interne, puisqu’il n’y a pas de différence fondamentale suivant l’équation
qui est utilisée (aucune n’étant réellement bien conforme à un jugement visuel),
choisissez en fonction de la familiarité, de la facilité, ou de l’expérience. MAIS, pour
un usage externe, suivez les recommandations CIE en cours en utilisant les
équations CIELAB ou CIELUV pour une question d’uniformité.
2. Spécifiez toujours exactement comment les calculs sont réalisés. Soyez sûr que
les formules exactes, avec tous les facteurs d’échelle et autres variables spécifiques,
soient écrites à un endroit bien déterminé, comme un rapport de la compagnie, une
méthode ASTM, un livre, ou une publication, ou encore dans un accord client-
fournisseur. Référez-vous alors régulièrement à cette source. N’oubliez pas que le
résultat global dépend du type d’instrument utilisé et veillez à ce qu’il soit également
spécifié.
3. N’essayez jamais d’interconvertir des différences de couleurs obtenues avec
différents types d’équations en utilisant des facteurs de moyenne. Avec la seule
exception dont nous avons parlé précédemment (ANLAB 40 – CIELAB), la seule
bonne façon de convertir des valeurs, est de retourner aux données originales de
standard et d’échantillon, puis d’effectuer un nouveau calcul. Il faut insister sur le fait
qu’il n’existe, en général, pas de concordance entre des valeurs de différences de
couleur obtenues par deux méthodes différentes, quelles qu’elles soient. La
comparaison de différentes méthodes montre invariablement que les réponses
obtenues ne sont pas les mêmes, quel que soit le facteur de « correction » ou
d’ « ajustement » appliqué. Il est toutefois qualitativement intéressant de se rappeler
que l’unité de MacAdam est approximativement une différence de couleur tout juste
perceptible, alors que de nombreuses autres unités sont 2 à 4 fois plus importantes.
Parmi ces unités plus importantes, toutes approximativement de la même échelle, on
retrouve Adams, CIELAB, CIELUV, Hunter et NBS.
4. N’utilisez des différences de couleur calculées que comme première
approximation dans l’établissement des tolérances, jusqu’à ce qu’elles
puissent être confirmées par jugement visuel. Si pour un rouge clair, par exemple,
vous estimez que 2 unités CIELAB constituent une bonne tolérance, ne vous
attendez pas à ce que ce soit toujours le cas pour un jaune fort, ou un marron, ou un
vert lumineux, ou encore un bleu marin foncé.
Gillet Steve, D.Sc. -54-
Colorimétrie.
5. Rappelez-vous que personne n’accepte ou ne rejette de couleurs à cause de
nombres : c’est toujours l’apparence qui compte. Utilisez les calculs de différence
de couleur pour assurer une certaine régularité, pour l’archivage de données, par
facilité ou objectivité, mais observez toujours visuellement aussi.
Spécification de la couleur et tolérance.
Au final, la vente et l’achat d’un matériau coloré reposent sur la conformité des
échantillons à certaines tolérances de différence de couleur. Considérons à présent
comment ces tolérances doivent être définies.
Les tolérances de couleur sont, malheureusement, définies de deux façons peu
recommandées. La première consiste à rendre la tolérance aussi étroite que possible, aussi
longtemps que le vendeur peut fournir un produit satisfaisant. La seconde consiste à fixer la
tolérance à la limite absolue pour un observateur humain, ou pour un humain, de détecter
une différence de couleur. Ces deux méthodes ont le défaut majeur de ne pas être reliées à
ce qui est requis. Si ce qui est requis nécessite un maximum de contrôle, alors, c’est ce qui
doit être fourni, mais, pour utiliser un exemple d’un autre type d’industrie, il serait idiot de
commander des barres d’acier machinées avec une tolérance de 25 µm si c’est pour les
utiliser comme barres de renforcement d’un béton armé. Une des raisons pour laquelle ce
n’est pas fait, entre autre, est le fait que, plus la tolérance est étroite, plus le prix sera élevé.
Une tolérance, plus réaliste qu’une concordance « exacte », peut être facilement définie par
des standards limites dans plusieurs dimensions de l’espace de couleur. Bien entendu,
lorsqu’une concordance « exacte » est nécessaire, elle peut être fournie… pour autant que
l’on soit prêt à en payer le prix.
Les tolérances de couleur devraient être définies pour correspondre à un accord
entre l’acheteur et le vendeur. Une façon d’y arriver, en utilisant des lectures instrumentales,
est de développer une table de tolérance en gardant un enregistrement des mesures de
chaque lot d’une couleur donnée produite. Ces données peuvent être tracées dans un
espace de couleur uniforme approprié, comme sur le diagramme CIELAB (figure 3.6.).
Comme illustré, les lectures correspondant à chaque lot sont rapportées en indiquant si ce
dernier a été accepté ou non. A mesure que le nombre d’enregistrement augmente, il devient
possible de tracer une figure de tolérance qui peut être un cercle, une ellipse, ou même une
forme irrégulière, centrée, ou non sur le standard. Avec l’expérience, on peut estimer
d’avance la probabilité que le prochain lot, fabriqué, mesuré et rapporté, sera accepté ou
non. Des standards limites, pour un contrôle visuel, peuvent être sélectionné à partir des
lots, dont le point tombe à proximité du tracé de la figure de tolérance.
Gillet Steve, D.Sc. -55-
Colorimétrie.
Gillet Steve, D.Sc. -56-
Figure 3.6. : Limites de tolérances : tracées sur un
diagramme de type CIELAB. Les points correspondent
aux valeurs mesurées pour des lots acceptés et les
croix, à des lots refusés.
Cette procédure, pour laquelle une grande confiance est placée dans les mesures
instrumentales et les standards limites, requière une extrême prudence dans la
standardisation des techniques employées. Comme les standards physiques peuvent
changer, il est important que leur stabilité soit vérifiée avant d’utiliser la conformité à ces
standards comme un critère d’acceptabilité. Il faut insister sur le fait que les standards
limites, qu’ils soient utilisés comme assistants à l’examen visuel, ou pour fixer des intervalles
numériques d’acceptabilité, doivent montrer la même modification de couleur (ou absence de
modification) que l’échantillon, avec un changement de source de lumière.
Tous les instruments sont sujets à des erreurs instrumentales et il convient de bien
veiller à ce que ces instruments soient utilisés de façon adéquate, dans des conditions
adéquates. Cela peut paraître évident, mais la somme de ces erreurs ne peut dépasser, ou
même constituer une partie significative des limites de tolérance. Si ces conditions sont
remplies, toutefois, il en résulte une grande économie de temps et d’énergie, lorsque les
mesures, qu’elles soient instrumentales, ou visuelles, permettent de classer
automatiquement le produit, sans plus de discussion ou de calcul.
L’intérêt d’avoir une spécification (pas seulement au niveau de la couleur) est de
doter le fournisseur d’un moyen lui permettant d’offrir à l’utilisateur un produit qui sera
satisfaisant pour son utilisation. Si la spécification est trop stricte, il sera impossible de fournir
un produit satisfaisant ; si elle est trop large, le produit final ne sera pas satisfaisant. De
nouveau, c’est un cas d’accord entre l’acheteur et le vendeur : la spécification définit un
produit que le fournisseur puisse offrir et que le client puisse utiliser, le tout dans des limites
financières satisfaisantes.