Colloque International Francophonie et développement durable

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Actes du colloque Colloque International Francophonie et développement durable Quels enjeux, quelles priorités pour l’horizon 2012? Dakar, Sénégal Les 11, 12 et 13 mars 2002 En collaboration avec : le Ministère de la jeunesse, de l’environnement et de l’hygiène publique du Sénégal et l’Agence Universitaire de la Francophonie Avec le soutien de : Colloque International Francophonie et développement durable Liberté - Égalité - Fraternité RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Ministère des Affaires étrangères Ministère de la Région wallonne

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Actes du colloque

Colloque International Francophonieet développement durable

Quels enjeux, quelles prioritéspour l’horizon 2012?

Dakar, SénégalLes 11, 12 et 13 mars 2002

En collaboration avec :le Ministère de la jeunesse, de l’environnement et de l’hygiène publique du Sénégalet l’Agence Universitaire de la Francophonie

Avec le soutien de :

Colloque International Francophonieet développement durable

Liberté - Égalité - FraternitéRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Ministère desAffaires étrangères

Ministère de laRégion wallonne

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ISBN 2-89481-016-4

© Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie, 200256, rue Saint-Pierre, 3e étage Québec (Québec) G1K 4A1 CanadaTéléphone: (1 418) 692 5727; Télécopie : (1 418) 692 5644Courriel : [email protected] Web: http://www.iepf.org

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CONTEXTE Du 26 août au 4 septembre 2002, 10 ans après Rio, la Communauté internationale se retrouvera à Johannesburg,au Sommet du développement durable. Un moment d’évaluation des initiatives prises depuis Rio, mais sur-tout de relance politique du processus international défini dans l’Agenda 21 de construction d’un dévelop-pement humain durable. Il s’agit d’engager des actions qui permettent de consolider les acquis, de renforcerdes initiatives régionales ou locales qui le méritent et surtout d’en lancer de nouvelles qui renforcent l’ensemblede la dynamique initiée à Rio.

OBJECTIF DU COLLOQUELe colloque «Francophonie et développement durable» visait principalement à créer un espace d’échangesentre les acteurs du développement de l’Espace francophone. Il a été pour tous l’occasion de débattre des enjeuxdu Sommet et de déterminer pour le futur les pistes d’une action francophone concertée.

DATES, LIEULe colloque s’est tenu du 11 au 13 mars 2002 à Dakar, Sénégal.

Hôtel Novotel, Avenue Abdoulaye Fadiga

COMITÉ SCIENTIFIQUE Habib Benessahraoui

Claude Villeneuve

Sibi Bonfils

François Richard

ATELIERS

Animateurs Secrétaires Atelier 1 : Benjamin Dessus Olivier Machiels

Atelier 2 : Houria Tazi Sadeq Papa Gora Ndiaye

Atelier 3 : Christian de Laet Zita-Laure Tchaha

Atelier 4 : Olivier Guillite François Richard

Atelier 5 : Bakary Kanté Soumaïla Diarra

Atelier 6 : Christian Brodhag N’Fally Badiane

Atelier 7 : Claire Sabourin Cécile Canale

Atelier 8 : Youba Sokona Hortense Bado

Atelier 9 : Philippe Le Prestre Éric Hazard

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COORDINATIONClaude Villeneuve

Sibi Bonfils

COMITÉ ORGANISATEUR

Ministère de la Jeunesse, de l’Environnement et de l’Hygiène publique du SénégalFatima Dia Touré

Mamadou Sangaré

Pathé Baldé

Commission nationale pour la Francophonie – SénégalFatim Gueye

Agence Universitaire de la FrancophonieBonaventure Mvé-Ondo

Diaw Da Silva

Jacques-Philippe Ganty

IEPFEl Habib Benessahraoui

Sibi Bonfils

Nicole Chouinard

PARTENAIRESCe colloque s’est tenu grâce au soutien des :

Ministère des Affaires étrangères de France

Ministère de la Région wallonne

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TABLE DES MATIÈRESAvant-propos

El Habib BENESSAHRAOUIDirecteur exécutif, Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie . . . . . . . . .xiv

CONFÉRENCESFrancesco di CASTRIDirecteur de recherches au CNRS, Montpellier, FranceMembre des Académies des sciences d’Italie et de RussieLes conditions gagnantes du développement durable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

Hama Arba DIALLOSecrétaire exécutif de la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification (UNCCD)La gouvernance environnementale et la synergie entre les trois conventions globales . . . . . . . . . . . 12

SYNTHÈSE DES TRAVAUXSynthèse préparée par Claude VILLENEUVE (UQAC) et Sibi BONFILS (IEPF)

Colloque international de Dakar sur le thème «Francophonie et développement durable.Quels enjeux, quelles priorités pour l’horizon 2012?». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

LE NEPAD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .26

ATELIERSATELIER 1 – ÉNERGIE ET DÉVELOPPEMENT: QUELLES OPTIONS, QUELS CHOIX?

AnimateurBenjamin DESSUSCommission française du développement durable (CFDD), France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

Études de cas Michel HAMELINAgence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME), FranceLes partenariats internationaux mis en œuvre pour contribuerau développement durable : l’expérience de l’ADEME dans les pays du Sud . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

Yazhong LIUInternational Conseil Énergie (ICE), FranceRésumé du programme FFEM/ADEME:Efficacité énergétique dans la construction en Chine . . . 53

Claude NjomgangFaculté des Sciences économiques et de Gestion, Université de Yaoundé II-SoaÉconomie du bois de feu et environnement au Cameroun . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

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ATELIER 2 – L’INCONTOURNABLE QUESTION DE L’EAU

AnimatriceHouria TAZI SADEQPrésidente, Alliance Maghreb Machrek pour l’Eau (ALMAE), Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

Études de casClaude VILLENEUVECommissaire auxiliaire, Bureau d’Audiences Publiquessur l’Environnement du Québec, CanadaLa consultation publique sur l’eau au Québec et ses résultats. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84

Michel RADOUX, Marie NEMCOVA, Didier CADELLIFondation Universitaire Luxembourgeoise (FUL), Belgique, Groupe de Recherche MHEA®Épuration et réutilisation des eaux usées domestiques et urbaines dans les régionsen développement. Exemples au Sénégal (Dakar–Cambérène) et au Maroc (Tétouan–M’Diq) . . 87

Jean BURTONCoordonnateur du Réseau francophone de gestionnaires d’écosystèmesfluviaux et lacustres, Québec, CanadaLe développement des capacités en gestion des ressources en eau par bassin:l’expérience du projet «Gestion des grands fleuves» et du Réseau francophonede gestionnaires d’écosystèmes fluviaux et lacustres (1990-2001). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

Kamal ELMDARIAssociation Chouala, MarocL’éducation, la culture et la thématique de l’eau au Maroc.Expérience de l’association Chouala . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

ATELIER 3 – ÉDUCATION ET SENSIBILISATION: CLÉ DE VOÛTE DE LA VOLONTÉ D’AGIR

AnimateurChristian DE LAETFondation de recherches transnationales Knowlton,Président de l’antenne au Canada de «Développer Autrement», Canada . . . . . . . . . . . . . . . . . 105

Études de casRoland GÉRARDCollectif Français pour l’Éducation à l’Environnement, Planet’ERE(Éducation Relative à l’Environnement), FranceLes résultats du Forum Planet’ERE (novembre 2001) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114

Raphael NDIAYEENDA, EDDOC, SénégalUn espoir dans le désert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124

Fred CONSTANTRecteur de l’Université Senghor, Alexandrie, ÉgypteRolando MARIN Directeur du Département Gestion de l’environnement, Université SenghorL’Université Senghor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126

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ATELIER 4 – BIODIVERSITÉ, SOCIO-DIVERSITÉ: DIALOGUE DES CULTURESPOUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE

AnimateurOlivier GUILLITTEChargé de recherche aux laboratoires d’écologie de la Faculté universitairedes Sciences agronomiques de Gembloux et de l’Université de Liège (Belgique),Président des Réserves naturelles RNOB, Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134

Études de casJean-Pierre REVERETProfesseur, Université du Québec à Montréal, CanadaApproche éco-socio-systémique de la question de la biodiversité dans une étuded’impact environnementale. Le cas d’un projet minier.* Le texte de cette communication est disponible sur le site: http://www.er.uqam.ca/nobel.oei/

Mai DINH YENProfesseur, Université des Sciences de Hanoi, ViêtnamProgramme de renforcement de capacités en gestion de la biodiversité au Viêtnam . . . . . . . . . . . 139

Michel MONGEONAssociation des Premières nations du Québec-Labrador, CanadaApproche de la communauté Atikamekw de Wemotaci. Développement durable,biodiversité et développement de l’emploi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143

Patrice DALLAIREDirecteur adjoint, IEPFLa Déclaration de Cotonou sur la diversité culturelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145

ATELIER 5 – LES TRANSFERTS DE TECHNOLOGIE: RENOUVELER LA COOPÉRATION?

AnimateurBakary KANTEDirecteur, Division du Développement des Politiques et Droit de l’Environnement,Programme des Nations Unies pour l’EnvironnementTransferts de technologie dans le cadre du développement durable et à la veilledu Sommet de la Terre sur le développement durable : Défis et perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . 150

Études de casYves SCHENKELDépartement Génie rural, CRA, Gembloux, BelgiqueLe programme COGEN: Transfert de technologie Nord-Suden biomasse-énergie industrielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152

Paul VERMANDEProfesseur émérite à l’INSA, Lyon, FranceL’importance de la recherche technologique appliquée menée dans les pays du Sud,le cas de l’enseignement polytechnique de Yaoundé au Cameroun . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

Arthur RIEDACKERMission Interministérielle de l’effet de serre, Paris, FranceRéflexions sur les transferts de technologies dans le domaine du changement climatique . . . . . . . 155

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ATELIER 6 – L’ADAPTATION AUX CHANGEMENTSDE L’ENVIRONNEMENT PLANÉTAIRE: LES DÉFIS ET LES MOYENS

AnimateurChristian BRODHAGDirecteur de recherche, École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne, France . . . . . 159

Études de casFerdinand BONNProfesseur, titulaire de la Chaire de Recherche du Canada en Observation de la Terre (CARTEL), Université de Sherbrooke, Sherbrooke, Québec, CanadaTélédétection et suivi des changements des vocations des terres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166

Ali AGOUMIProfesseur à l’École Hassania des Travaux publics, Maroc Projet PNUD/FEM maghrébin sur les changements climatiques, MarocLe Maghreb face aux changements climatiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170

Stéphane DOUMBÉ-BILLÉProfesseur à l’Université Jean-Moulin – Lyon 3, FranceRéseau «Droit de l’environnement» de l’AUFLe droit de l’environnement et l’adaptation aux changements planétaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171

ATELIER 7 – REPENSER LES MODES DE CONSOMMATION POUR LE MIEUX-ÊTREDES GÉNÉRATIONS FUTURES

AnimatriceClaire SABOURINUniversité du Québec à Montréal, Québec, CanadaDes modes de consommation repensés : pour repenser les modes de consommation . . . . . . . . . . . 180

Études de casLaure WARIDELCofondatrice d’Équiterre, Québec, CanadaLe commerce équitable pour humaniser l’économie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195

Mamadou DIANKASecrétaire Technique GQQ/RPTES, SénégalUsage efficace des énergies traditionnelles pour le bien-être des générations futures . . . . . . . . . . . 200

ATELIER 8 – L’ÉRADICATION DE LA PAUVRETÉ: MISSION POSSIBLE?

AnimateursYouba SOKONA et Jacques BUGNICOURTENDA-TM, Sénégal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205

Études de casMoussa KONATEDirecteur SUCO, MaliResponsabilisation des communautés en vue d’un autodéveloppementdémocratique et durable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208

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Samir MEDDEBDirecteur, observatoire tunisien du développement durable, TunisieÉchange de dette pour le développement durable* * Le texte de cette communication n’est pas disponible. Afin de respecter l’enchaînement

du colloque, nous avons conservé son emplacement dans la table des matières.

Djénéba KAMARA et Yvonne Issié GUEYE, Association «20 000 femmes pour une banque»Expérience de création d’une Banque de femmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 210

ATELIER 9 – GOUVERNANCE MONDIALE: QUEL RÔLE POUR LA FRANCOPHONIE?

AnimateurPhilippe LE PRESTREDirecteur, Observatoire de l’écopolitique internationale, ISE/UQAM, Montréal, CanadaLe débat sur la réforme de la gouvernance de l’environnement et du développement durable :La Francophonie peut-elle développer une approche distincte? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214

Études de casStéphane GUÉNEAUSOLAGRAL, Collectif français «Jo’burg 2002», FranceInteractions entre le processus de régulation commerciale et le développement durable :un enjeu pour les pays africains au Sommet de Johannesburg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219

Bienvenu RAJAONSONSpécialiste de l’environnement, Banque mondiale, MadagascarLe Plan d’Action Environnementale (PAE) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224

Liste des participants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .232

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Si la Conférence de Rio a abouti à une réelle prise deconscience de l’importance des questions environne-mentales et de leur impact sur le développement, à lacréation de nombreux organismes, institutions etagences de l’environnement au niveau des gouverne-ments et de la société civile, à l’adoption de nombreuxaccords et conventions sur l’environnement, il n’endemeure pas moins que la mise en œuvre de l’Agenda 21n’a pas été, de façon générale, à la mesure des engage-ments et des décisions prises. Le Sommet deJohannesburg, en terre africaine, dans quelques mois,sera l’occasion de répondre plus précisément à ces ques-tions, de dresser un bilan et d’avancer concrètement etdurablement.

En effet, le Sommet mondial pour le développe-ment durable ne devra pas être uniquement un Rio + 10,comme on a parfois tendance, à tort, à le qualifier. Ildevra non seulement réaffirmer fortement l’engage-ment en faveur des principes de Rio et de la mise enœuvre complète de l’Agenda 21, mais aussi considérerpleinement les trois piliers fondateurs du concept dudéveloppement durable que sont l’économie, le social etl’environnement. Il faudra tenir compte de chacun de cespiliers en tant que tels mais aussi, et c’est une nécessitéévidente, dans leurs interrelations, l’ensemble formantun tout cohérent.

Le Sommet de Johannesburg devra intégrer les nou-veaux défis qui ont émergé depuis Rio avec la mondia-lisation et le développement des technologies de l’in-formation et de la communication, dont nous percevonsaujourd’hui tant les risques réducteurs, si on laisse allerles choses selon la seule loi du marché, que les potentia-lités prometteuses, si on agit comme il se doit. En effet,la mondialisation n’est pas spontanément solidaire et ne

saurait s’automaîtriser ou s’autoréguler. La commu-nauté internationale se doit de tout faire pour l’huma-niser, la normaliser, la tempérer par esprit de justicesociale et d’équité.

De même, la démocratisation, partout, de l’accèsaux nouvelles technologies de l’information demeure lavoie à suivre si l’on veut éviter l’approfondissement dufossé numérique entre «inforiches» et «infopauvres» etsi l’on veut mobiliser, au profit de tous, les grandesopportunités qu’offrent ces technologies. La lutte contrela pauvreté devra, de ce fait, être la préoccupation mar-quante et un objectif majeur des travaux et décisions duSommet de Johannesburg. Ceux-ci devront rejoindre etconcrétiser les objectifs arrêtés lors du Sommet du mil-lénaire, notamment en termes d’accès à l’éducation, à lasanté de base, à la sécurité alimentaire, à l’eau potable età l’énergie, soit, en un mot, aboutir au respect et à lajouissance des droits fondamentaux pour et par tous.

Ce sont là autant de conditions nécessaires au déve-loppement durable. Comme le sont également laconscience universelle et l’engagement collectif en faveurde la sauvegarde du patrimoine commun que sont laTerre et ses écosystèmes et de sa gestion attentive etéquitable à l’intérieur des États, entre les États et entreles générations.

D’un autre côté, le développement durable, ce n’estpas de courir derrière un modèle unique venu d’ailleursou imposé par d’autres. Le développement durable, c’estde garantir, à tous, les droits fondamentaux d’une viedigne, libre et prospère, tout en préservant l’identité,l’histoire, la langue, les arts et la civilisation de chaquepeuple, autrement dit en sauvegardant la diversité cul-turelle de toutes celles et de tous ceux qui peuplent laTerre.

xivActes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

AVANT-PROPOS

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La défense de la diversité culturelle qui est l’un desfondements essentiels de l’action de la Francophonie, esteffectivement un des enjeux cruciaux du développe-ment durable. Le dialogue entre les cultures et les civi-lisations constitue également la condition préalable del’émergence de la conscience universelle et de l’engage-ment collectif et solidaire pour le développement.

M. Koffi Annan déclarait récemment: «Le processusde développement durable n’est pas une notion abs-traite. Il touche les habitants du Nord comme du Sud,et prend un visage humain avec les paysans contraintsà des déplacements de plus en plus lointains pour trouverde la nourriture et du bois pour chauffer, avec les habi-tants des taudis qui vivent dans des conditions sani-taires morbides, avec des travailleurs urbains qui souf-frent de la pollution et de l’entassement.» M. Annanestimait que tous ces problèmes étaient surmontables.Et ils le sont. Ils le seront d’autant plus si, à Johannesburg,on aboutit à un plan d’action contenant des programmesconcrets et des engagements fermes.

Ils le seront si tous les acteurs, gouvernements, entre-prises, société civile, sont impliqués et responsabilisésdans des partenariats multiples et féconds.

Ils le seront si des modes de financement et des pra-tiques de commerce international novateurs sont mis enœuvre, avec des flux, suffisants et plus équitablementrépartis, d’investissement étrangers dans les pays endéveloppement, notamment les PMA; avec l’ouverturedes marchés du Nord aux produits du Sud; avec uneaugmentation importante et réelle du volume et de laqualité de l’aide publique au développement; avec desmesures d’allègement de la dette pour les pays les pluspauvres, notamment les pays les moins avancés; avec unrenforcement de la cohérence des systèmes monétaire,financier et commercial internationaux.

Ils le seront si des mécanismes sont concrètementmis en œuvre pour le développement et la diffusion detechnologies propres dans les pays en développement.

Ils le seront si partout s’établissent, aux niveauxnational, régional et international, des cadres institu-tionnels et de gouvernance adéquats.

En un mot, ils le seront si, à Johannesburg, seconstruit une véritable coalition mondiale pour le déve-loppement durable.

Pour sa part, la Francophonie, qui appelle de tous sesvœux une telle coalition, se présentera à Johannesburgporteuse de propositions concertées et solidaires. Espacepar excellence de diversité culturelle et de solidarité, ellepeut et doit jouer un rôle de médiation afin que leSommet mondial pour le développement durableatteigne les résultats escomptés.

Le continent africain, hôte du Sommet, exige desefforts particuliers et des engagements renouvelés. Dansla déclaration qu’ils ont adoptée lors de la Conférencepréparatoire de la Région, les Ministres africains ontconstaté que, dix ans après Rio, nombre de pays sontdans une situation critique.

La plupart des pays d’Afrique continuent d’êtremarginalisés et pâtissent de la mondialisation. Les mar-chés du Nord ne sont pas suffisamment ouverts auxproduits africains. Le niveau de l’aide publique au déve-loppement et des investissements privés étrangersdemeure très bas en Afrique. La crise sanitaire ne cessede s’aggraver, et nombre d’autres problèmes énergé-tiques et environnementaux se posent pour le conti-nent.

L’initiative novatrice des chefs d’État africains, leNouveau Partenariat pour le Développement del’Afrique, doit être soutenue par la Communauté inter-nationale à Johannesburg car le développement durablene peut se faire sans l’Afrique ou avec une Afrique mar-ginalisée. La Francophonie, dont la majorité des paysmembres sont de l’Afrique, prend fait et cause pourune telle initiative. Le Sommet de Johannesburg devrainscrire ses propositions dans une vision qui donnetoute sa place au Nouveau Partenariat pour leDéveloppement de l’Afrique.

C’est aussi une contribution à la réussite duSommet.

C’est aussi la voie du développement durable.

El Habib BenessahraouiDirecteur exécutif

Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie (IEPF)

xv Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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J’ai vécu les 30 dernières années de ma vie selon lesconcepts et les actions du développement durable.On en parlait bien avant le Sommet de Rio sur l’envi-ronnement et le développement en 1992. On en par-lait déjà, par exemple vers la fin des années 1960, pen-dant le processus de préparation de la Conférence deStockholm sur l’environnement de l’homme en 1972.

Lorsqu’on vit pendant une si longue période selonune idée et une action, on vit aussi toujours – et inévi-tablement – des querelles, des désillusions, des incom-préhensions et des agacements. J’en ai vécu en ce quiconcerne l’évolution de la pensée et des interpréta-tions du développement durable. Rassurez-vous, laconfiance et la compréhension ont été rétablies entrele développement durable et moi. Elles sont revenuessurtout lorsque j’ai constaté la force, la vitalité, la via-bilité, l’applicabilité, et le pouvoir d’entraînement et depersuasion de ce concept, sur le terrain, dans des pro-jets concrets de développement de par le monde, quej’ai vécus moi-même intensément et que je continueà vivre ainsi, avec des communautés locales, des peuplesautochtones et parfois même des multinationales.

Je suis un empirique, je ne crois pas aux dogmesidéologiques, moins encore aux slogans à la mode. Jesuis inspiré et motivé plus par le doute que par les cer-titudes. D’ailleurs, c’est le propre de la recherchescientifique, de la quête du nouveau, de l’innovation.Mes propres idées et conceptualisations, mes propresconvictions et les résultats de mes recherches n’ont pasgrande valeur pour moi, si je ne peux pas constatermoi-même qu’elles ont une existence propre et réelleen dehors de moi, qu’elles sont compréhensibles,viables et applicables par les autres, sur le terrain,dans la vie réelle de tous les jours, en faisant face à des

situations concrètes, en appliquant le principe quim’est le plus cher et qui est le principe du réalisme.C’est donc le terrain et les gens qui l’habitent quim’ont rendu la conviction que le développementdurable peut devenir applicable, qu’il l’est déjà dansplusieurs circonstances, lorsque les « conditionsgagnantes» peuvent s’imposer.

LES FAIBLESSES DU DÉVELOPPEMENTDURABLEMa confiance dans le caractère opérationnel et l’effetd’entraînement du développement durable avait étéassez ébranlée, il faut bien que je l’admette, par cer-taines grandes messes institutionnelles, par le for-malisme et l’hypocrisie de certains administrateurs,par la récupération du terme à des fins qui n’avaientque de lointains rapports avec les objectifs initiaux,par l’opportunisme intellectuel – le désir d’être tou-jours «politiquement correct», dans un souci de fairecarrière en suivant toujours le courant – d’une partiede mon propre milieu, les académies et les universités.

Avant de parler de réalisations concrètes et vécuesen développement durable, des nouveaux outils,ouvertures, approches et occasions qui nous amè-nent vers ce développement, et du contexte généralqui peut le favoriser et le promouvoir, «les conditionsgagnantes», permettez-moi donc de vous présenteraussi mes incompréhensions et mes doutes vis-à-visdu développement durable.

D’ailleurs si, après plus de 30 ans de discussionssur le développement durable, et 10 ans après que lespays ont accepté officiellement de l’appliquer, l’idéeet l’action entourant le développement durable sont

1 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Les conditions gagnantes du développement durableFrancesco di Castri

Directeur de recherches au CNRS, Montpellier, FranceMembre des Académies des sciences d’Italie et de Russie

CONFÉRENCE

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encore si loin de la pratique de tous les jours, il paraîtévident qu’il existe des faiblesses intrinsèques. J’airecensé et présenté moi-même jusqu’à 24 objectionsdans des discussions et débats sur le développementdurable dans un contexte décisionnel ou académique.Je me limiterai ici à un petit nombre d’entre elles.

• En premier lieu, les deux termes, «développe-ment» et «durable», sont assez incompatiblesentre eux dans la théorie, la méthodologie et sou-vent aussi dans la pratique. Le développementest une notion dynamique, de système ouvert eten mouvement, à comportement non linéaire,en état de non-équilibre, peu déterministe, avecdes fluctuations, des surprises (au sens techniquedu terme), des hauts et des bas, des événementsextrêmes, voire catastrophiques, avec enfin uncomportement de type chaotique. Le durableévoque par contre une notion de stabilité, d’équi-libre, de linéarité dans sa progression et ses ten-dances, de prévisibilité, typique plus des systèmesfermés que des systèmes ouverts.

Ceux-ci, les systèmes ouverts, représentent la réa-lité de ce monde. Ils l’ont toujours représentée, et deplus en plus avec la mondialisation et surtout l’avè-nement de la société de l’information. Les frontièrespolitiques, administratives, territoriales, écologiques,biogéographiques, génétiques, culturelles, même enadmettant qu’elles aient vraiment existé de la manièrefixiste que quelqu’un imagine encore ou a imaginé,sont devenues plus perméables, ont même été bou-leversées ou ont changé, et changent sans cesse, delimites et de repères. Elles peuvent s’imbriquer lesunes dans les autres et s’enrichir mutuellement.

• Deuxièmement, on a trop mis l’accent, aumoment du lancement du concept de développe-ment durable, sur les ressources naturelles locales,solidement en place, bien délimitées et à circons-crire, sur la possibilité de les stabiliser, de les gelerpour les offrir telles quelles aux générationsfutures. Et elle est même amusante, la prétentionque l’on a de s’arroger le droit de représenter lesgénérations futures, ne pouvant représenter lesgénérations actuelles.

Or, le concept même de ressource est de caractèreéminemment anthropocentrique et change dans l’es-pace et dans le temps. Ce qui est, a été ou sera une res-

source pour quelques-uns, ne le sera plus ou pasnécessairement pour les autres. Et les ressources bou-gent, depuis la nuit des temps, par le commerce, quia été la plus ancienne, la plus importante et la plusdéterminante des innovations et des adaptations del’homme face à l’hétérogénéité, dans l’espace et dansle temps, des ressources, pour accroître ainsi la dura-bilité du développement, sa « soutenabilité ».Comment ne pas se référer aux navigations desPhéniciens, au commerce des Grecs et des Arabes, auxgrandes caravanes de dromadaires et de chameauxdans les déserts du monde, à la route de la soie et desépices, même au commerce des anciens Polynésiensen dépit d’énormes distances entre les îles ? Parexemple, les échanges entre Madras, au sud de l’Inde,et la Méditerranée, pendant la période hellénique etromaine, ont été plus importants et déterminantsqu’à présent, en pleine ère de mondialisation. Et avecles ressources bougent et migrent les hommes, et deplus en plus, sans parler des capitaux et de leursexpressions virtuelles, qui étaient déjà à la base de lacivilisation phénicienne, grecque, vénitienne, isla-mique, chinoise, indienne.

C’est vrai que le concept de développementdurable a évolué beaucoup, et continuera d’évoluer,depuis cet accent initial mis sur le seul environne-ment naturel. Les considérations économiques,sociales, politiques et géopolitiques, décisionnelles etorganisationnelles, historiques et surtout culturellesprennent de plus en plus la place qui leur corresponddans la formulation et la pratique du développementdurable.

D’ailleurs, une simple vue d’ensemble des condi-tions effectives de développement des divers pays etrégions du monde montre que ce sont les ressourceshumaines, leur autonomisation et l’innovation per-manente, et non plus les ressources naturelles dispo-nibles localement, qui constituent les forces détermi-nantes du développement actuel. C’est l’adaptationculturelle au changement, ou, pour mieux dire, à deschangements successifs, continuels et intrinsèque-ment imprévisibles, qui est à la base du développementdurable, de la «soutenabilité». Les outils et les condi-tions préalables pour parvenir à cette capacité d’adap-tation de la culture humaine à un changement per-manent sont encore plus mal répartis dans le mondeque les mêmes ressources naturelles. D’où la brèche

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qui se creuse de plus en plus entre pays et surtout, faitnouveau, à l’intérieur de chaque pays.

• Troisièmement, on a souvent confondu, parfoisintentionnellement, le développement durableen tant que modèle de rechange de société,qu’idéologie, et le développement durable en tantque démarche opérationnelle et de terrain pouraboutir à des conditions de développement rela-tivement plus stables. Je n’ai rien contre le déve-loppement durable comme nouvelle idéologiepolitique, mais dans ce cas, il faut qu’il soit traitédans l’arène qui lui correspond, celle du débatd’idées, de la confrontation politique et démo-cratique, des élections.

En tant qu’idéologie, le développement durable anécessairement soif d’absolu, de simplification, d’op-position entre le bien (ce type de développement) etle mal (les autres développements). Il prêche et donnedes leçons, il ne peut pas ne pas tomber dans desschémas manichéens, de blanc et de noir – mais c’estle gris qui est la réalité du monde. Il évite de regarderde trop près les réalités du terrain, car il risque d’êtredémenti par les faits. Cette tentation de faire le bienabsolu, de découvrir des solutions définitives, parfaiteset bonnes pour tout le monde, conduit souvent à desintolérances, à des dogmatismes, à la négation oul’ignorance de la prodigieuse diversité des cultures etde leur droit d’évoluer de la façon qui leur est propre.

Cependant, lorsque l’on considère le dévelop-pement durable comme une démarche concrète,responsable et destinée à répondre aux aspirationslégitimes et pressantes des populations et des commu-nautés, aspirations et demandes formulées et requisespour aujourd’hui même, et non pas pour un futurplus ou moins lointain quand l’état du monde et dessociétés aura peut-être changé, la démarche prend uneallure toute différente. Il s’agit alors de faire du bri-colage dans le sens le plus noble du terme, un peucomme le «bricolage de la nature» qui a été et estencore la force et l’essence de l’évolution biologique,qui a créé la diversité des gènes, des espèces et des éco-systèmes. Le bricolage implique la nécessité d’êtrespécifique, d’avoir de l’initiative et un objectif précis,d’utiliser les potentialités et les éléments dont on dis-pose, et de ne pas se forcer à imiter ce que font lesautres. Les solutions de ce bricolage universel, tout

comme il est arrivé à l’évolution biologique et à l’évo-lution culturelle au cours de l’histoire de la nature etde l’homme, ne peuvent qu’amener à la diversité et àl’innovation.

Il s’agit d’analyser soigneusement et sur le terraince dont on dispose et pourra disposer, en termes deressources naturelles, de ressources humaines et de res-sources technologiques, et de faire pour le mieux,sans préjugés et par approximations successives, parinteractions constantes entre tous les acteurs, les inté-ressés, par la conviction, l’exemple et la démonstration,et non pas par l’imposition ou le terrorisme intellec-tuel. Il s’agit d’obtenir un développement au moins unpeu plus stable qu’auparavant, plus stable que celui dupays ou de la communauté voisine, qui sont partis deconditions semblables. C’est le royaume des solutionsrelatives, bonnes par comparaison concrète avecd’autres solutions moins valables. C’est n’est plus leroyaume de l’absolu, c’est presque sa négation. Cen’est pas la «pensée unique»; elle ne peut qu’être plu-rielle, étant axée sur la diversité et sur une histoire quine finira jamais. C’est comme faire de la recherchecomparative, mais une recherche dont le champ d’ex-périmentation est la vie réelle, qui comprend autantles hommes, avec la diversité de leurs cultures et deleurs aspirations, que les écosystèmes et les ressources.

Ne pouvant pas comparer, dans ce contexte unpeu politique, le cas macroscopique des bonnes etmauvaises stratégies suivies par certains pays que jeconnais, je me limite à citer ici le cas assez exem-plaire et plutôt inhabituel de la Polynésie française.Elle représente – dans son énorme diversité de situa-tions – mon microcosme et mon jardin expérimentalpour tester tout genre d’action sur le développementdurable. Le niveau de vie de la Polynésie est devenutrès élevé (se situant entre celui de l’Australie et celuide la Nouvelle-Zélande), tout ceci accompagné d’uneextraordinaire renaissance de la culture et de la languepolynésienne, et d’une plus grande prise de consciencedes problèmes de l’environnement (à l’exception depeu d’îles, comme Tahiti ou Bora Bora). Or, chaquearchipel, voire chaque île de la Polynésie (au moins les28 îles que j’ai étudiées et suivies) a sa propre politiqueparticulière de développement, ses propres aspira-tions, ses propres filtres culturels locaux vis-à-vis desforces globales de la mondialisation et de celles dutourisme international.

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C’est, encore une fois, tout le contraire de lafameuse «pensée unique» quant au développementet à la société. On trouve, dans quelques-unes de cesîles, plusieurs des meilleurs exemples de vrai déve-loppement durable, à la fois du point de vue énergé-tique (énergie solaire), hydrologique (systèmes decaptation d’eau pluviale) et de la puissance de labeauté absolue. Presque toujours, il s’agit dedémarches différentes et spécifiques de «bricolage»,dans le sens noble et constructif que j’ai donné à ceterme. Bien sûr, l’expression « développementdurable» et même le terme «écotourisme» ne sontjamais évoqués dans ces lieux et ne seraient même pascompréhensibles pour ces populations locales. Maispourquoi devraient-ils l’être? La démarche est telle-ment proche de celle qui correspond aux traditionset aux actions actuelles de ces populations qu’elle n’apas besoin d’être qualifiée par des adjectifs inutiles.

• Quatrièmement – mais ce n’est pas la faute dudéveloppement durable lui-même – la plupartdes recherches appliquées sur l’environnementet le développement durable ne débouchent passur des applications, et ceci pour des raisons inhé-rentes. Ces recherches sont hors contexte, et laplupart des chercheurs ne connaissent pas lanature des processus décisionnels. Pas plus de1% de ces recherches appliquées débouchent surquelque chose de concret – bien que la proportionsoit beaucoup plus élevée pour les recherches enénergie et en hydrologie. Pour ce type de recher-ches, l’ex-Ministre français de la Recherche, RenéCurien, et moi-même avons forgé l’acronymeRANA (Recherches Appliquées Non Applicables).Le terme est encore plus juteux en italien, carrana, c’est la grenouille, qui se gonfle et se gonflepour se donner de l’importance, mais qui, en fait,ne représente pas grand-chose. C’est la crise de lapertinence d’institutions fondamentales de lasociété, le choc de l’inadaptation institutionnellevis-à-vis de la transition en cours, qui dépassentles universités pour s’étendre aussi à des parties del’État et de grandes entreprises.

• Enfin, il y a bien des petites choses qui me gênaientdans l’utilisation de l’expression de «développe-ment durable», et que je vous livre pêle-mêle :l’utilisation du terme en tant qu’alibi, pourdémontrer que l’on est en train de faire quelque

chose de nouveau, alors que rien n’a changé; l’abusdu terme et la dispersion de la qualification«durable» ou «soutenable», un peu comme dupersil, dans des documents déjà faits et immuables,aux Nations Unies, auprès de grandes entrepriseset de multinationales, dans des ministères, pourêtre «politiquement correct» ou opportuniste,sans bien comprendre ce que l’on fait, et commesolution de facilité, presque comme une impos-ture. Tout ceci peut représenter une vraie stimu-lation à l’inaction et au statu quo. La dérive aussivers la démagogie, la banalité et l’irréalisme decertaines propositions, la fuite en avant versl’utopie du futur ou le retour en arrière vers l’idéa-lisation du passé, et tout ceci pour ne pas faire faceaux réalités du présent. C’est trop dangereux de lesaffronter; on pourrait se tromper, et les personnesconcernées se rendraient bientôt compte de l’in-compétence subjacente.

LES CONDITIONS GAGNANTESDU DÉVELOPPEMENT DURABLE La possibilité d’être gagnant dans une action de déve-loppement durable dépend d’un certain nombre deconditions. D’ailleurs, le mot «gagnant» pourraitimpliquer qu’il faudrait aussi avoir ou produire desperdants, dans un jeu de compétition à somme zéropar rapport à la création de valeurs. C’est le contrairequi est vrai, car la condition gagnante principale dece développement, en termes économiques, sociauxet éthiques, est la solidarité (et la tolérance).

En plus de celle-ci, je voudrais subdiviser lesconditions gagnantes en trois catégories :

1. Avant tout, savoir se placer dans le vrai contextede la situation actuelle, et non pas donner desbatailles d’arrière-garde;

2. Utiliser pleinement les nombreux outils nouveauxqui sont apparus dans un foisonnement d’inno-vations, considérer toujours les nouvelles ouvertureset les nouvelles opportunités qui se présentent – etqui dit opportunité implique nécessairement etinévitablement un niveau de risque presque équi-valent à éviter;

3. Ne pas négliger les trois conditions de base dansun monde imprévisible, ouvert et peuplé de

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populations assoiffées d’une ardente aspirationpour une participation toujours plus active, etde relations de proximité effectives et respon-sables. Il s’agit de la diversification dans toutesses formes, de la connectivité ou de la capacité decommuniquer, de créer et maintenir des liens, etde l’autonomisation constante des gens, de plus enplus habilités à réaliser des choses eux-mêmes,disposant de tous les instruments, des connais-sances et du pouvoir nécessaires à cette fin, etcapables de s’en rendre compte et d’agir en consé-quence. C’est le local empowerment des auteursanglais, el empoderamiento des auteurs espagnols.Le mot français «habilitation» ne rend pas toutà fait le même sens qu’empowerment. Il a uneconnotation plus paternaliste, unidirectionnelleet verticale, tandis que l’empowerment supposeune interaction constante et transversale, bidi-rectionnelle, sans complexes, pleine d’espéranceet d’initiatives. (On parle aussi de l’appropria-tion de ses pouvoirs.)

LE CONTEXTELe contexte qui marque d’une façon indéfectible lasituation actuelle est donné assurément par la tran-sition postindustrielle, le passage et le relais de lasociété industrielle à celle de l’information, toutcomme la fin du XVIIIe et le début du XIXe avaient étémarqués par le passage de la société agraire à la sociétéindustrielle. J’ai beaucoup écrit sur cette transition, etelle est tellement complexe, que je n’en pourrais pasdire plus ici. Seulement un fait marquant: la concen-tration de la population active, des capitaux et desinvestissements ne porte plus sur des activités indus-trielles, moins encore sur des activités agricoles, maissur des activités de services. Dans une société biendéveloppée, 2 à 6% de la population active se retrou-vent à présent dans les activités agricoles, contre 10 à20% dans les activités industrielles, et le reste, 70 à80%, dans les services. Ceci change complètement lesschèmes du développement – ceux aussi, en passant,de la lutte syndicale, qui est de plus en plus impor-tante, mais sur des bases plus interactives.

Par exemple, avant les attentats du 11 septembre2001, à New York, le tourisme international, en tantque service, représentait le secteur économique le

plus important dans le monde – et il reprendra pro-bablement son rang. Il venait avant l’industrie del’automobile, les technologies de l’information, lesproduits chimiques, les produits agricoles, le pétrole,les technologies de la communication, les textiles etles produits miniers. En outre, en termes de com-merce international, les technologies et services del’information et de la communication – au senslarge – représentent à elles seules plus que la sommede l’industrie automobile, de l’agriculture et des tex-tiles, les symboles mêmes des sociétés antérieures.Ce passage aux services est aussi extrêmement rapidedans certaines sociétés postcoloniales, les îles de laRéunion ou Maurice par exemple, où cette transitionest particulièrement spectaculaire.

Il faut souligner que «société de l’information» neveut pas dire seulement, ni même fondamentale-ment, une plus grande utilisation des ordinateurs etdu réseau Internet. C’est tout le système d’informa-tion qui est transformé avec d’énormes répercus-sions sur l’organisation de l’entreprise, surtout despetites et moyennes entreprises, sur les systèmesd’éducation et de formation permanente, même àdistance, sur les systèmes de participation et deconnexion de tous les acteurs en jeu. L’information estdevenue bidirectionnelle, donc active (ou interac-tive) ; elle se diffuse par des réseaux transversaux ouhorizontaux, en surmontant les clivages classiques, lescloisonnements de la verticalité et les hiérarchies dansle passage de la communication. Cette nouvelle trans-mission de l’information laisse une place beaucoupplus importante aux initiatives individuelles, à cellesde populations locales, de petites communautés et depetits entrepreneurs à taux élevé d’innovation.

Même le niveau de pauvreté (d’un pays ou d’unepopulation) est défini à présent par le manque d’accèsà l’information.Accès ne signifie pas seulement capacitéde recevoir de l’information, mais aussi de pouvoir latransmettre librement, de se connecter à travers l’in-formation pour pouvoir augmenter la force et la repré-sentativité d’un groupe, étendre le spectre des initiatives.

Outre la révolution numérique, il y a, dans cettesociété de l’information, une révolution biologique etgénétique. Les biotechnologies médicales, industrielleset agricoles ont une portée et des prospectives encoreplus grandes.

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Je prends l’exemple de ma propre région, le nord-est de l’Italie, un peu ce qui était la République deVenise et qui est passée, en une vingtaine d’années,d’une région agricole pauvre et marginale, fortementsubventionnée par la Commission Européenne, à larégion la plus riche d’Europe, toute axée sur les services,l’information, les biotechnologies et la haute techno-logie de précision, sans pour autant perdre sa structurefamiliale et son implantation avant tout rurale.

L’autre contexte que l’on ne peut pas ignorer – enbien ni en mal – est celui de la mondialisation. J’y tra-vaille – dans la conceptualisation, dans l’action etdans la régulation – depuis une douzaine d’années,depuis que la conjugaison de trois facteurs principaux,la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide,la libéralisation des marchés par les accords du GATT,et la montée de l’information numérique, le BIG(Berlin, Information, GATT), a déclenché ce phéno-mène dans toute son ampleur.

Cela vous surprendra, mais j’attache à la mon-dialisation et à ses effets une importance moindrequ’à l’avènement de la société de l’information. Cedernier est un changement de nature profondémentstructurelle, qui nous marquera durant des dizaineset des dizaines d’années. La mondialisation, parcontre, est un phénomène éminemment conjonc-turel. Et il y a eu tellement de «globalisations» et demondialisations, dans l’histoire de la Terre et de l’hu-manité. La rencontre des Deux Mondes et la périodedes Grandes Découvertes, même la Belle Époque audébut du XXe siècle, ont été des mondialisations quiont eu des répercussions bien supérieures à ce que l’onvit maintenant et qui nous stimule et nous agace à lafois. Dans une approche historique, les «globalisa-tions» sont comme des pulsations cycliques entredes périodes de cloisonnement (les États-nations,tout récemment) et des périodes d’expansion.

Même les événements du 11 septembre 2001 ontdonné un fort coup d’arrêt à la mondialisation encours, surtout dans ses aspects irrationnels de penséeunique ou de nouvel ordre économique à suivred’une manière presque identique pour tous les paysdu monde, quels que soient leur culture, leur his-toire et leur niveau de développement. Évidemment,cette mondialisation a pris des caractères très idéo-logiques, d’un côté comme de l’autre, mais mondia-

listes et antimondialistes appartiennent, de la mêmemanière, au même titre et avec les mêmes moyens etles mêmes outils, à la société de l’information.

Il se crée, entre la mondialisation et les stratégiesde la plupart des pays, un étrange décalage. Tous lespays du monde, à deux ou trois exceptions près, axentleur économie sur la mondialisation. En dépit desnuances linguistiques ou rhétoriques des divers gou-vernements, c’est bonnet blanc et blanc bonnet.Cependant, très peu de pays font quoi que ce soit deconcret pour que leurs citoyens aient vraiment lapossibilité de comprendre et de s’adapter aux nou-velles conditions, parfois très dures, et en tout casassez imprévisibles et très mobiles, requises pour uneadaptation active et participative à la mondialisa-tion. Comme si le facteur humain ne comptait guère.Il y a, dans tout cela, une certaine hypocrisie de la partde quelques gouvernements. Et ces mesures existent :une formation permanente – tout au long de la vie –et appropriée pour se recycler dans des activités deservice, des aides conséquentes pour lancer des ini-tiatives personnelles, des assurances contre les risquesde telles reconversions, une information autocritiqueet qui ne tombe pas systématiquement dans la déma-gogie et la simple culpabilisation des autres pour toutce qui se passe.

LES OUTILS ET LES OUVERTURESPOUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLEQuant aux outils, aux ouvertures opérationnelles,aux nouveaux accès et aux nouvelles opportunitésqui nous sont offerts, et avec lesquels je travaille surle terrain et un peu partout dans le monde en quêtede développement durable, ils appartiennent à cinqcatégories :

1. L’accès à l’information numérique et à sa nouvelleinteractivité, à son énorme pouvoir de stimulationet d’acceptabilité, surtout auprès des populationspauvres, marginalisées, isolées ou fragmentées àl’intérieur de leur propre contexte culturel ou deleur propre pays. On peut ainsi parfois vaincre lecycle infernal de la pauvreté.

2. L’accès à l’information biologique et génétique,aux biotechnologies, ce qui n’est pas autre chosequ’un type, pas tellement nouveau, de gestion et

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d’utilisation par l’homme de la biodiversité. C’estla diversité naturelle, la biodiversité, comme res-source et comme service.

3. L’accès à l’information culturelle et relationnelle,la valorisation de la diversité culturelle commeressource et comme service. Dans le mondeactuel, tellement mobile et ouvert, c’est le tou-risme international qui a la forme la plus intense,potentiellement, parfois la plus explosive et dan-gereuse, mais aussi la plus prometteuse,d’échanges et de compréhension culturels entreles peuples.

4. L’accès à l’information économique du commerceinternational, la plus vieille des adaptations del’homme, mais qui peut aussi devenir – faute derégulations – la plus perturbatrice des activitéshumaines.

5. L’accès à l’information et à l’innovation techno-logique. Ici je me réfère surtout à des technologiesqui s’appuient sur la proactivité (intervenir audébut du cycle de production et d’élaboration,pour éviter autant que possible de générer desdéchets), sur le qualitatif et le non-irréversible(par exemple, les énergies renouvelables), sur lapetite échelle et la précision (voire l’agriculture deprécision ou, dans un autre registre, les informa-tions satellitaires).

Pour chacun de ces « accès », je donnerai desexemples concrets tirés de mes propres expériencessur le terrain, car c’est un peu comme pour lessciences naturelles: rien ne remplace l’intuition, l’ins-tinct de perception et de captation des réalités de ter-rain qu’a un bon naturaliste, qui aime le contactdirect avec les choses, avec les espèces et avec les per-sonnes – quelque chose, en passant, qui est en trainde se perdre dans nos Facultés de sciences naturelles.Il faut beaucoup de terrain et de contact avec les gens– toujours du terrain et sans cesse du terrain – poursavoir comment utiliser ces instruments, dans quellesconditions spécifiques on peut le faire, quelles sont lespersonnes qui peuvent comprendre, avoir confianceet apprécier ces instruments.

Car il faut bien le dire, il y a presque une corres-pondance totale entre l’ampleur des opportunités(ou occasions) offertes par ces accès à différents typesd’information et l’ampleur et le danger des risques qui

les accompagnent. Ce sont presque les deux faces dela même médaille. C’est pour cela que la compré-hension et la gestion du risque sont devenues unaspect déterminant et indispensable, non seulementdes applications, mais aussi de la recherche elle-même. Je parle de gestion du risque, de contrôle durisque, mais non pas de l’élimination totale du risque.Même si cela était possible dans la vie réelle, celaéquivaudrait à l’élimination, en même temps, detoute occasion d’évoluer, à l’anéantissement de touteopportunité, à la stagnation d’une société et à l’ex-tinction progressive d’une culture.

Au sujet de ces cinq accès ou ouvertures à l’in-formation, je ne peux être que très schématique. Unou deux exemples concrets par rapport à une pano-plie de possibilités.

Pour ce qui est de l’accès à ce nouveau type d’in-formation numérique, bidirectionnelle et interac-tive, disponible presque en tous lieux, stimulanted’initiatives et d’autonomisation, même à distance, iljette un éclairage nouveau sur les rapports entre lesvilles et les milieux ruraux. Ceux-ci se dépeuplent etse désertifient, surtout par manque d’occasions etd’information. Or, l’information devient disponibledans l’espace rural presque dans les mêmes conditionset au même prix que dans les villes. Une nouvellecolonisation du milieu rural devient possible, pastellement par des activités agricoles – ou dans ce caspar une agriculture de haute qualité, d’originecontrôlée, de haut prix –, mais par l’introduction dessecteurs secondaire et tertiaire dans ce milieu, en pro-fitant aussi d’une meilleure qualité de vie. C’est lanouvelle «révolution rurale», porteuse de diversité,tandis que – par contre – la «révolution agricole» avaitentraîné à l’industrialisation de celle-ci et l’homogé-néisation du milieu. L’exemple que j’ai donné dunord-est de l’Italie correspond à cela.

Dans le cas de pays pauvres, c’est presque émou-vant de constater l’éveil – des initiatives, des espé-rances, un renouveau culturel, de nouvelles formesd’action et de développement – lorsque cette infor-mation arrive dans des villages indiens pauvres,comme dans le triangle Madras-Bangalore-Hyderabad, avec un rôle fondamental et une maîtrisetoute particulière de l’outil et des objectifs, de la partdes femmes. Dans ces cas, des systèmes simples de

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microcrédit et de microcapitalisation accélèrent lemouvement d’autonomisation, d’appropriation despouvoirs pour définir et contrôler sa propre destinée,et réaliser ses propres aspirations.

Toujours dans le même esprit et avec les mêmesmoyens, il faut souligner l’extraordinaire renaissanceculturelle, couplée souvent à un développement éco-nomique très fort, d’îles ou de montagnes éloignées,fragmentées, marginalisées, dépendantes de paysdivers, mais unies par une même culture et une mêmeaspiration de développement et de qualité de vie.L’accès à cette information et l’élargissement deséchelles qui en résulte peuvent transformer une régiongéographique en un grand territoire culturel et éco-nomique, même lorsque ses frontières et ses com-munications ne sont que virtuelles. On peut constaterle même genre de phénomène dans des régions arc-tiques et andines : l’union par l’information depeuples séparés et fragmentés, mais soudés par unemême culture.

Quant à l’information génétique, les aspects lesplus importants sont les aspects industriels, phar-maceutiques et médicaux. Quant aux applicationsagricoles et transgéniques, vous serez peut-être hor-rifiés et scandalisés d’apprendre que j’utilise parfois,moi aussi, ces cultures dans certains projets de déve-loppement. Il faut savoir prendre des décisions dou-loureuses et trancher entre deux risques: le risquetrès présent d’appauvrissement du sol par excès de fer-tilisants minéraux et de pesticides, de pollution deseaux superficielles et surtout des nappes phréatiquesutilisées aussi pour l’approvisionnement en eaupotable, et le risque d’envahissement biologique parune nouvelle variété génétiquement modifiée. Il y aaussi le risque d’uniformité biologique croissante,provoqué par certaines multinationales des semences.Mais quelle occasion de monopole on leur offre lors-qu’on délaisse ou boycotte les recherches nationalessur les biotechnologies, qui peuvent constituer lemeilleur atout en tant que source de diversification,même commerciale!

Dans certaines zones de la province de Rosario etdu Paraná en Argentine, le printemps n’est plus silen-cieux comme celui décrit par Raquel Carson, mais leprintemps est bien revenu, avec les insectes, les chantsdes oiseaux, l’apparition des oiseaux rapaces, voire des

renards, sans compter les poissons du fleuve Paraná.Et le printemps a réapparu grâce aux cultures trans-géniques, mêmes plus rentables et compétitives, et auxsystèmes de semis direct, sans labourage. La faune etles microbes du sol connaissent un nouvel essor (c’estmon propre domaine), et la substance organique dusol s’est accrue considérablement, avec un effet impor-tant aussi comme puits et réservoir de CO2. Et querépondre à un paysan pauvre qui voudrait avoir dessemences et des cultures plus résistantes à la séche-resse? De souffrir des années de disette en attendantque la domination de certaines multinationales soitsurmontée?

Pour ce qui concerne l’information relationnelleou culturelle, j’ai déjà dit – et ceci aussi risque de voussurprendre – qu’elle renvoie surtout au tourisme. Letourisme a été défini, par l’UNESCO, comme le fac-teur potentiellement le plus important d’échangesculturels dans le monde, en plus de représenter le sec-teur économique qui connaît la plus forte expansionet d’être la source de plus de 50% des transferts decapitaux vers le pays du Sud. Bien sûr, il y a égalementpeu de secteurs économiques qui soient aussi peudurables et source d’uniformité que certaines formesde tourisme de masse. Par contre, les exemples lesplus beaux et les plus marquants de développementdurable, je les ai développés et rencontrés précisé-ment dans des activités touristiques de moyenne et depetite taille, avec un engagement total des popula-tions locales et surtout l’éveil de l’esprit d’entreprise.Il y a des exemples pas seulement dans des régionslointaines et nouvellement ouvertes au tourisme, maisaussi dans des endroits très touristiques, comme dansles îles Canaries (Palma et Hierro, qui contrebalancentles excès négatifs de Grande-Canarie et de Tenerife).La Polynésie, les Andes, l’Arctique, la Patagonie, plu-sieurs parties de l’Afrique et de l’Amérique latine, descantons des Alpes suisses et autrichiennes, des zonesde l’Inde et de la Thaïlande, de l’Australie ou l’île dePâques sont autant d’endroits où les succès du déve-loppement durable et les aspects favorables se multi-plient, toujours accompagnés d’une vraie renaissanceculturelle, voire linguistique. La diversité biologique etla diversité culturelle sont ici la ressource. Des systèmesde microcrédit et de microcapitalisation, très com-muns surtout dans le sous-continent indien, aidentbeaucoup.

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Mais probablement l’information qui aide le plusau développement durable est l’information écono-mique fournie par le commerce international. Nouspensons ici à un développement durable qui remonteà la nuit des temps et qui était aussi axé sur leséchanges. Par le commerce international, bien sûr,dans la mesure où il est régi par des régulations équi-tables, et ce n’est pas toujours ou pas souvent le cas, onpeut casser les systèmes de subventions perverses oules objectifs d’aboutissement à tout prix à une sorted’autosuffisance alimentaire nationale ou régionale.

La plupart des subventions sont perverses, carelles ont aidé, en général, à favoriser le milieu urbainpar rapport aux milieux ruraux, ou à donner desprimes aux agriculteurs les moins innovants, à ceuxqui créent le moins de valeur ajoutée et même à ceuxqui ont une action plus néfaste sur l’environnement.Particulièrement perverses sont les subventions àl’exportation de la Commission Européenne (maisaussi des États-Unis et du Japon), car elles pénalisent,parfois d’une manière déterminante, le développe-ment de pays du Sud ou de l’Europe de l’Est.

Quant à l’autosuffisance alimentaire, elle a forcédes écosystèmes agricoles fragiles à fournir des den-rées contre leurs propres aptitudes et potentialitésde production, en extrayant des produits qui ontcontribué à éroder les sols, surtout sur les pentes, àpuiser à l’extrême le peu d’eau disponible, des pro-duits qui, en outre, reviennent beaucoup plus chersque les produits d’importation analogues. L’extrêmediversification du Chili, de l’Afrique du Sud et de laNouvelle-Zélande au profit des produits d’exporta-tion, souvent vers l’autre hémisphère, en délaissant descultures de prix bien moindres et pour lesquelles lesécosystèmes locaux n’avaient aucune aptitude, est unbon exemple de développement durable réussi et axésur le commerce et la diversification.

Enfin, en ce qui concerne l’information techno-logique, j’attache une importance toute particulièreaux technologies proactives, préventives, qui per-mettent une utilisation presque complète de la res-source, car les déchets éventuels sont pris en compteet élaborés au début même du cycle de production,et non pas rejetés à la fin du processus. Évidemment,on ne parviendra jamais à ne produire aucun déchet,mais on se rapprochera de ce but. La nouvelle géné-

ration des industries de traitement de la pâte à papier,qui sont aussi beaucoup plus compétitives, montrejusqu’à quel point on peut réduire la pollution deseaux de rivière, pendant que les entreprises polluantesde la génération antérieure sont progressivement éli-minées, et ceci même dans les pays du Sud. Le bassindu fleuve Bio-Bio au Chili en est un bon exemple.

Il faut aussi signaler la très grande importance destechnologies qui mettent l’accent sur la qualité desproduits, de celles d’extrême précision qui consom-ment aussi moins d’énergie et de ressources et pro-duisent moins de déchets, voire de l’agriculture deprécision. Il y a aussi toute la panoplie des nouvellestechniques, peu consommatrices d’énergie, qui nousviennent de la technologie satellitaire et qui appar-tiennent, elles aussi, à la société de l’information. Onles utilise dans des technologies lourdes, commel’agriculture intensive, mais aussi dans le position-nement satellitaire pour de simples touristes.

LES FACTEURS DE BASEDU DÉVELOPPEMENT DURABLE Je reviens aux trois facteurs de base auxquels j’ai faitallusion au début de ce texte, facteurs qui constituenten même temps un fondement et un aboutissementdu développement durable : diversification, connec-tivité et autonomisation (empowerment).

La diversification est la stratégie d’adaptation maî-tresse dans les cas de conditions difficilement prévi-sibles, de systèmes complexes, et ceci dans tous lesdomaines: l’évolution biologique d’espèces, de gènesou d’écosystèmes, l’évolution culturelle de paysages, decommunautés, de sociétés ou de nations, l’évolutionéconomique d’industries ou simplement de porte-feuilles d’actions. Par des indices de la rank analysis,j’essaye d’intégrer tous les aspects de la diversité: diver-sité biologique des gènes aux écosystèmes, diversitéculturelle, diversification des activités économiques paropposition aux monocultures, y compris celle du tou-risme, aussi rentables puissent-elles apparaître dans desconditions de stabilité. Diversification, aussi, à l’inté-rieur d’un secteur déterminé, l’agriculture parexemple; nous voyons la catastrophe à laquelle uneagriculture aussi efficace, avancée et moderne quecelle de l’Argentine a mené ce pays par son extrêmeuniformité et sa simplification. Diversification du

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tourisme surtout – et j’ai bien étudié ce phénomèneaprès le 11 septembre 2001 – qui oblige à une nouvelleréflexion fondamentale sur ce secteur économique.

Quant à la connectivité, elle renvoie à la capacitéd’un système d’entretenir des liens, des interactionsà l’intérieur de lui-même, les liens sociaux de lafamille, de l’école et de l’entreprise, par exemple. Maisla connectivité renvoie aussi à la capacité du systèmed’établir des liens avec d’autres systèmes, à distance,systèmes qui appartiennent à son propre domainegéopolitique ou culturel, ou systèmes de toute autreorigine, trajectoire historique et tendance évolutive.C’est la cohésion d’un côté, c’est l’ouverture de l’autre.La durabilité ne peut exister que dans l’ouverture, etnon pas dans la fermeture ou le cloisonnement d’unsystème fermé. Voir par exemple l’histoire de laRépublique de Venise, avec ses 1100 ans de «soute-nabilité» (697-1797), qui s’est maintenue par l’ou-verture de son commerce jusqu’à l’Extrême-Orient etpar le multiculturalisme de sa société, en plus d’unconstant effort de diversification.

Enfin, l’aboutissement le plus important, le plusopérationnel de tous, dans la marche vers la durabi-lité du développement, est l’autonomisation, la pos-sibilité de s’approprier les outils et les moyens pourfaire face à des situations inconnues et imprévisibles,la confiance de savoir comment les affronter avecune initiative et une innovation constantes, la récep-tivité au changement et son acceptation, la fierté deses origines et de son identité, qui doit aller de pairavec l’appréciation de l’histoire et de l’identité desautres. Il faut évidemment que tout ceci soit accom-pagné de mesures concrètes et appropriées de for-mation permanente, d’habilitation et d’enseigne-ment, fût-ce à distance, de systèmes de microcrédit(pas d’assistanat) pour favoriser les initiatives et enlimiter les risques.

Cette conférence sur la francophonie est bienl’exemple de ces trois éléments fondateurs: la diversi-fication des langues et la viabilité des cultures (c’estseulement par une langue propre qu’une culture peutsubsister); la connectivité de tous ceux qui partagentdes valeurs culturelles, des systèmes de valeurs quileur sont propres, mais aussi la connectivité et l’ou-verture vers les autres, le respect et l’appréciation detoutes les autres cultures. Enfin, la confiance qui porte

à l’appropriation de sa propre culture, à son autono-misation où l’on peut trouver les sources du déve-loppement, le pouvoir de faire des avancées originaleset appropriées.

LA ROUTE VERS JOHANNESBURGLes routes qui nous ont menés de Rio à Johannesburg,et surtout leur analyse, pourraient être très enrichis-santes. C’est pratiquement le passage accéléré, unetransition beaucoup plus rapide que toutes les tran-sitions antérieures dans l’histoire de l’humanité, d’unesociété à l’autre, de la société industrielle à celle de l’in-formation. À Rio, on a très peu parlé de mondialisa-tion, encore moins de société de l’information,lorsque le problème du développement durable a étéabordé. Et pourtant, mondialisation et société de l’in-formation étaient déjà là, bien présentes, mais igno-rées par la plupart des participants. Tout s’est doncdéroulé un peu hors contexte.

À présent, je crois que plus personne ne nieraque, pour le meilleur ou pour le pire, la mondialisa-tion et la société de l’information sont les facteurs fon-damentaux à considérer dans le développementdurable. Ce serait aveugle ou suicidaire que de lesignorer dans une analyse, un repositionnement etune redéfinition du concept, et une ouverture vrai-ment opérationnelle du développement durable.L’essentiel de la discussion, à Johannesburg, devraitdonc porter sur cela, sur la manière de repositionnerle développement durable dans ce nouveau contexte,sur les outils et les approches à employer, sur lesmécanismes de régulation à introduire.

Cependant, rien n’est acquis. Il pourrait y avoir, etje crois qu’il y en aura dans une certaine mesure,variable, des dérives scientifiques ou méthodologiques,administratives ou bureaucratiques, et idéologiques.

Bien sûr, il y a d’autres moyens d’aborder le déve-loppement durable que ceux que j’ai essayé d’illustrerpar des exemples de terrain. Ils sont souvent plus sti-mulants du point de vue académique et méthodolo-gique. Par exemple, il y a la méthodologie de la capa-cité de charge, la carrying capacity, encore assezcourante en planification touristique. Elle m’a donnéde très bons résultats, depuis les années 1960, mêmequand j’ai appliqué cette approche à la mesure de la

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capacité de charge du bétail ou d’animaux sauvagesdans une réserve. Quant aux humains, aux touristespar exemple, les résultats sont beaucoup moins fiables,tout comme quand on prédit, par des modèles trèssophistiqués, l’effondrement des ressources naturellesde l’île de Pâques pour l’année 2025, en oubliant lesimple fait que les ressources naturelles de cette île nesont presque plus touchées par les humains, qu’ilssoient résidants ou touristes. Toutes les ressourcespour l’alimentation et l’énergie de l’île arrivent à pré-sent du continent américain, surtout du Chili, parfoisde l’Australie. Et c’est loin d’être un cas isolé.

Il y a aussi les approches et les techniques desindicateurs de durabilité, ainsi que la modélisation quiles accompagne. Combien de livres passionnants ontété publiés sur ce sujet! Ils ne manquent pas d’intérêt,surtout lorsqu’il s’agit de décrire une situation, plutôtque de la prédire. Ils sont aussi d’une grande utilitélorsqu’ils illustrent un rapport ou un état des connais-sances. Mais il est bien plus difficile de les utiliser demanière opérationnelle, pour des activités concrètesde développement, face à l’extrême diversité de lanature et de la culture, des ressources et des hommes,dont il est bien heureux qu’ils soient divers.

Il y a aussi l’approche administrative et gouver-nementale – inévitable pour des raisons géopoli-tiques inhérentes – des Nations Unies. Elle est, detoute évidence, dominante et nécessaire. On incitedonc les pays membres à décrire soigneusement, pardes rapports nationaux, leurs propres structures pourassurer le développement durable, leurs propres planspour le mettre en œuvre, les programmes qu’ils ontlancés, la quantité de régions, de municipalités oud’organisations non gouvernementales qui, dans unpays donné, ont accepté les principes du développe-ment durable et de l’Agenda 21. Ces rapports natio-naux constituent des matériaux utiles, indispensables,mais dont le degré de fiabilité est très variable pourdes raisons intrinsèques. Il faudrait parfois être undevin pour pouvoir discerner parmi tous ces maté-riaux, qui en réalité ne peuvent être assujettis ni à unecritique ni à une vérification, ce qu’il y a de vrai et deconcret (car il y a certainement beaucoup de cela), etce qui relève de l’illusion, du wishful thinking ou del’improvisation.

Enfin, il est très probable, et même souhaitable,que des groupes antimondialistes seront présents etactifs parmi les délégations non gouvernementales etpeut-être les manifestants à Johannesburg. Personnene nie que mondialisation, commerce internationalet marché ne sont pas des phénomènes doués d’unecapacité d’autorégulation presque magique. Ce seraitune énorme naïveté, un manque d’expérience ou unegrave incompétence que d’affirmer de pareilles choses.Cependant, la plupart des mouvements organisésd’antimondialisation sont – pour le moment – plusimprégnés d’idéologie que d’expérience de terrain,plus portés à voir les aspects négatifs de nos sociétés(et c’est compréhensible, et il y en a certainementbeaucoup et de bien criants) qu’à signaler des occa-sions et des propositions de développement. Ils sontplus générateurs de rejets que de projets. Par contre,même dans les conditions actuelles, il y a un foison-nement d’occasions de développement durable; milleet un sentiers peuvent nous conduire dans cette direc-tion. Il serait dommage de les ignorer pour prati-quer la politique du pire, pour céder à la tentation ducatastrophisme, tellement à la mode.

Pour Johannesburg, j’espère donc – et surtout –qu’il y aura au moins un espace et une place, aussiéloignée et marginalisée soit-elle, un peu commel’était le Parque Flamenco à Rio de Janeiro, où despopulations, des communautés locales, des petits etmoyens entrepreneurs, et même de grandes entre-prises et des multinationales avec leurs systèmes – par-fois très performants – de contrôles volontaires,comme ISO 14000 et bien d’autres, puissent montrerce que l’on a fait vraiment, d’une manière concrète,sur le terrain, pour l’épanouissement d’un dévelop-pement durable à travers le monde.

Car, en dépit du pessimisme ambiant, du sno-bisme et du scepticisme de bon ton que suscite ledéveloppement durable, même dans des cercles offi-ciels, ou de la méconnaissance du terrain, les progrèseffectifs, opérationnels, concrets, visibles et tangiblesen matière de développement durable, et en dépitdes difficultés, ont été énormes (même s’ils n’ont pasété généralisés). Ces progrès constituent une réellesource d’espérance et d’optimisme pour le futur.

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Je voudrais tout d’abord remercier M. El HabibBenessahraoui, Directeur exécutif de l’Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie,qui a bien voulu m’inviter à échanger avec vous surle thème de la gouvernance environnementale et dela synergie entre les trois conventions globales quesont la Convention sur la Diversité Biologique (CBD),la Convention Cadre des Nations Unies sur lesChangements climatiques (UNFCCC) et la Conven-tion des Nations Unies sur la Lutte contre la Déser-tification (UNCCD).

Quelques mois avant la tenue du Sommet mon-dial sur le développement durable, il est très heu-reux qu’un dialogue sur le thème mentionné puisseavoir lieu au sein de la communauté francophone, carplusieurs pays de ce regroupement intergouverne-mental sont intéressés au premier chef par une miseen œuvre réussie des conventions dites de la généra-tion de Rio.

GOUVERNANCE ENVIRONNEMENTALE Le rapport du Secrétaire général des Nations Uniesconsacré à la mise en œuvre d’Action 21, adoptée ily a dix ans lors de la Conférence des Nations Unies surl’environnement et le développement, à Rio deJaneiro, souligne avec raison la lenteur des progrèsaccomplis dans le domaine du développementdurable. Au niveau des institutions chargées de faci-liter la mise en œuvre des trois conventions, de nom-breuses actions sont prises dans le but de mieux aiderles pays à s’acquitter de leurs obligations vis-à-visdes conventions de Rio. Dans ce contexte, on évoque

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La gouvernance environnementale et la synergieentre les trois conventions globales

Hama Arba DialloSecrétaire exécutif de la Convention des Nations Unies

sur la Lutte contre la Désertification (UNCCD)

CONFÉRENCE

souvent la multiplicité des accords multilatéraux surl’environnement dont, il est vrai, l’évolution séparéeet sans coordination n’est pas souhaitable et peutmême constituer la source des lenteurs observées.

Cette question est d’autant plus importante dansles pays en développement que, comme chacun lesait, les capacités des départements ministérielsconcernés sont plutôt limitées. D’où le débat sur uneplus grande coordination entre les trois traités mul-tilatéraux intervenant dans le domaine de l’environ-nement et du développement durable. Toutefois, sitout le monde est d’accord sur la nécessité d’une plusgrande coopération de travail entre les trois conven-tions, il faudrait encore s’entendre sur l’objectif àrechercher.

À écouter attentivement les solutions préconi-sées, on entend beaucoup plus parler de coordinationentre institutions, à savoir les secrétariats des troisconventions et d’autres agences spécialisées du sys-tème des Nations Unies. Une telle approche me paraîtlouable, mais difficile à réaliser, dans la mesure où lestraités internationaux concernés puisent la légitimitéde leurs actions dans des décisions de leurs organesconstitutifs que sont, selon les cas, les Conférences desParties ou le Conseil d’administration.

À mes yeux, le problème n’est pas tant l’arrange-ment institutionnel au niveau des secrétariats etagences concernés, que la coordination des efforts envue de faciliter la mise en œuvre des trois conventionsde Rio au niveau des pays mêmes. La gouvernanceenvironnementale dont il est question doit, par consé-quent, mettre l’accent beaucoup plus sur la capacité de

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coordonner des activités nationales relevant de la miseen œuvre des trois conventions que sur la volonté decréer des niveaux institutionnels hiérarchisés.

Pour cette raison, la CCD privilégie plutôt la miseen place des programmes nationaux de lutte contrela désertification basés sur une approche intégrée etla recherche d’une plus grande complémentarité entreCBD, UNFCCC et UNCCD.

Aussi, nous considérons, à la CCD, que le premierpalier d’intervention, en matière de coordination desaccords environnementaux multilatéraux, demeurel’identification et le développement d’actions priori-taires dont la mise en œuvre répond simultanémentaux objectifs des conventions de Rio. À cet égard, leSecrétariat de la CCD met déjà un accent particuliersur l’action au niveau national.

SYNERGIE ENTRE LES TROIS CONVENTIONSGLOBALESLa nécessité d’une approche synergique a été maintesfois reconnue par les Conférences des Parties destrois conventions (CBD, UNFCCC et UNCCD). Lesorganes directeurs des conventions concernées ontdemandé à leurs secrétariats de tirer parti des liens quiexistent entre eux, de les renforcer et de les valoriser.

Le Secrétariat de la Convention sur la lutte contre ladésertification a élaboré une approche qui repose surles points suivants :

1. Renforcement des liens institutionnels par le biaisd’accords avec le secrétariat des autres conven-tions concernées ;

2. Conception de stratégies et politiques communes.À cette fin, on a récemment créé un groupe deliaison au niveau des directions exécutives dessecrétariats ;

3. Mise à l’essai d’initiatives opérationnelles, dans lecadre des programmes de travail conjoints avec laConvention sur la diversité biologique et laConvention sur les changements climatiques;

4. Appui aux initiatives émanant des pays. À cetégard, un programme d’ateliers nationaux surles synergies a été lancé, fin 2000, en étroite col-laboration avec les Secrétariats de la Convention

sur la Diversité Biologique, de la ConventionCadre des Nations Unies sur les ChangementsClimatiques et de la Convention de Ramsar rela-tive aux zones humides. Ces ateliers constituentune première réponse à la nécessité de collabo-ration entre les trois conventions de Rio. Le prin-cipal objectif ici est d’intégrer le processus de laConvention sur la lutte contre la désertificationdans les stratégies nationales de développementdurable.

Les ateliers nationaux sur la synergie entre lestrois conventions de Rio visent à renforcer la coordi-nation existante à l’échelon local, notamment en:

– échangeant des informations;

– favorisant le dialogue politique avec l’ensembledes donateurs afin d’obtenir les soutiens financiersnécessaires pour réaliser les programmes qui intè-grent les objectifs des trois conventions;

– permettant aux secrétariats des trois conventionsd’actualiser leurs programmes de travail com-muns, particulièrement en matière de renforce-ment des capacités, de développement des sys-tèmes d’information et de modalités novatrices decoopération et d’assistance.

La collaboration entre l’UNCCD et les autresconventions porte sur plusieurs volets dont: un pro-gramme de formation destiné aux experts ressortis-sants de pays en développement et visant à élaborerdes projets susceptibles d’être financés par le Fondspour l’Environnement Mondial ; le développementdes profils nationaux et des systèmes d’information;le renforcement des capacités. À long terme, il estprévu de procéder à une évaluation commune dupotentiel et des contraintes propres à certains secteursclés, dont la sylviculture, par rapport aux programmeset/ou aux stratégies des conventions de Rio.

PERSPECTIVESLe Secrétariat de la CCD a l’intention de poursuivreet d’intensifier l’organisation de ces ateliers sur lessynergies, pour lesquels plusieurs pays ont exprimédes demandes d’appui. En collaboration avec lesautres secrétariats concernés, le travail à mener sefera essentiellement au niveau national.

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Le Secrétariat a également transmis au comitépréparatoire du Sommet mondial sur le développe-ment durable une contribution de la CCD en vue depréparer le Sommet de Johannesburg. Cette contri-bution traite aussi de «… la contribution que pour-rait apporter la convention en tant qu’instrument deréduction de la pauvreté, en particulier en tirant partides effets de synergie entre les différents accords mul-tilatéraux sur l’Environnement» (Décision 8 / COP.5– Annexe-résumé du Président – Réunion spéciale dehaut niveau – 8-9 octobre 2001).

CONCLUSIONLa Convention des Nations Unies sur la lutte contrela désertification est reconnue de tous comme uninstrument de développement. À ce titre, la CCDpermet de mieux préparer les pays en développe-ment touchés non seulement à lutter contre la déser-tification, mais, au-delà, à contribuer à l’éliminationde la pauvreté.

La synergie entre les trois conventions de Rio etde la gouvernance environnementale est considérée,au niveau de la CCD, comme une demande visant unemeilleure coordination avec d’autres partenaires inté-ressés, dans le but de maximiser notre soutien, enparticulier aux pays en développement touchés par ladésertification. Étant donné le caractère particulier dela CCD, qui est une convention basée sur uneapproche intégrée, intervenant à la fois sur les registresde l’environnement et du développement, les ques-tions de synergies entre les conventions de Rio et lagouvernance environnementale sont surtout appré-ciées parce qu’elles favorisent une plus grande effica-cité du soutien apporté aux pays concernés, dans lecontexte de la mise en œuvre de leurs programmesd’action nationaux de lutte contre la désertification.

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Du 11 au 13 mars 2002 s’est tenu, à Dakar, sous lehaut parrainage du Président de la République duSénégal et sous la présidence effective du Ministre dela Jeunesse, de l’Environnement et de l’Hygiènepublique, un colloque international sur le thème« Francophonie et développement durable. Quelsenjeux, quelles priorités pour l’horizon 2012?». Cecolloque, organisé par l’Institut de l’énergie et del’environnement de la Francophonie (IEPF), Organesubsidiaire de l’Agence Intergouvernementale de laFrancophonie, en collaboration avec le Ministère dela Jeunesse, de l’Environnement et de l’Hygiènepublique du Sénégal et l’Agence Universitaire de laFrancophonie (AUF), se situait dans le cadre du pro-cessus préparatoire du Sommet de Johannesburg surle développement durable.

Trente-quatre États et gouvernements membresde la Francophonie étaient représentés par plus de160 acteurs du développement durable, dont:

• Les représentants des Gouvernements chargés desuivre le processus préparatoire du Sommet deJohannesburg et le Sommet lui-même. Ils étaientune quarantaine;

• Les représentants des institutions internationaleset régionales très présentes aujourd’hui dans ceprocessus;

• Les membres de la société civile et notamment desuniversités, de la presse (une dizaine) et des orga-nisations non gouvernementales (une vingtaine),actifs dans les questions en débat pour le Sommet.

Au cours du colloque de Dakar, les participantsont pu apprendre, débattre et s’informer mutuelle-ment dans neuf ateliers thématiques, desquels ont

émergé idées, pistes de solutions et recommanda-tions. Le présent rapport constitue non pas une listede celles-ci, mais un point de départ pour structurerun dialogue multilatéral sur le développementdurable. Ce dialogue se poursuivra bien au-delà de larencontre de Johannesburg dans le processus de miseen œuvre de l’agenda de la prochaine décennie.

LE DÉROULEMENT Les travaux du colloque se sont déroulés en troisphases :

• Une phase de mise en contexte qui a permis derappeler les objectifs du colloque et de le replacerdans le cadre plus global du processus de prépa-ration du Sommet de Johannesburg. Elle a étémarquée par trois conférences :

– du Professeur Francesco di Castri, sur lesconditions gagnantes du développement durable,

– du Ministre délégué général au NEPAD,Abdoul Aziz Sow, sur le Nouveau Partenariatpour le Développement de l’Afrique,

– de l’Ambassadeur Hama Arba Diallo, secré-taire exécutif de la Convention Cadre desNations Unies de lutte contre la désertification,sur la lutte contre la désertification en jouantsur la synergie entre les trois conventions issues deRio ;

• Une phase de production au cours de laquelleles participants, répartis en neuf ateliers, ontréfléchi sur les thèmes suivants :

– Énergie et développement : quelles options,quels choix?

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Colloque international de Dakar sur le thème « Francophonie et développement durable. Quels enjeux, quelles priorités pour l’horizon 2012 ? »Synthèse préparé par Claude VILLENEUVE (UQAC) et Sibi BONFILS (IEPF)

SYNTHÈSE DES TRAVAUX

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– L’incontournable question de l’eau,

– Éducation et sensibilisation, clé de voûte de lavolonté d’agir,

– Biodiversité, socio-diversité: dialogue des cul-tures pour un développement durable,

– Les transferts de technologie : renouveler lacoopération?,

– L’adaptation aux changements de l’environ-nement planétaire : les défis et les moyens,

– Repenser les modes de consommation pour lemieux-être des générations futures,

– L’éradication de la pauvreté: mission possible?

– Gouvernance mondiale : quel rôle pour laFrancophonie?

• Une phase de synthèse et de restitution au coursde laquelle les participants ont élaboré de façonconcertée les conclusions et recommandationsdu colloque.

Le secrétariat des ateliers était assuré par des per-sonnes issues de la filière des études supérieures enécoconseil. Il s’agissait respectivement de:

– Olivier Machiels (Communauté française deBelgique, Région wallonne), Atelier 1: Énergie etdéveloppement: quelles options, quels choix?

– Papa Gora Ndiaye (Sénégal), Atelier 2: L’incon-tournable question de l’eau,

– Zita-Laure Tchaha (Cameroun), Atelier 3 : Édu-cation et sensibilisation: clé de voûte de la volontéd’agir

– François Richard (Canada-Québec), Atelier 4 :Biodiversité, socio-diversité : dialogue des culturespour un développement durable

– Somaïla Diarra (Mali), Atelier 5: Les transferts detechnologie: renouveler la coopération?

– N’Fally Badiane (Sénégal), Atelier 6: L’adaptationaux changements de l’environnement planétaire: lesdéfis et les moyens?

– Cécile Canale (France), Atelier 7 : Repenser lesmodes de consommation pour le mieux-être desgénérations futures

– Hortense Bado (Burkina-Faso), Atelier 8 :L’éradication de la pauvreté : mission possible?

– Éric Hazard (ENDA-TM), Atelier 9: Gouvernancemondiale : quel rôle pour la Francophonie?

Qu’ils soient tous chaleureusement remerciés.

LES IDÉES FORCESPlusieurs idées forces ont émergé de ces trois joursd’intenses échanges entre représentants des gouver-nements et de la société civile :

• La promotion de la dimension culturelle dans lanotion de développement durable, dont elle pour-rait être le quatrième pilier aux côtés du social, del’économie et de l’environnement;

• La participation éclairée des citoyens et des com-munautés dans les processus de prise de déci-sions sur le développement durable et dans leurmise en œuvre;

• La nécessité de se connecter au réseau mondial del’information pour avoir accès aux connaissanceset aux moyens de se faire connaître à l’échelleplanétaire ;

• La nécessité de la mise en réseaux à l’échelle locale,régionale et mondiale pour enrichir les capacitésd’intervention des communautés sur leur propredéveloppement;

• La mobilisation des autres communautés lin-guistiques pour une action concertée sur les ques-tions de nature globale ;

• La nécessité de s’interroger sur le choix des infra-structures lourdes de développement de manièreà en assurer l’efficacité et la pertinence pendanttoute la durée de leur utilisation, tout en conser-vant leur adaptabilité au changement;

• L’importance du transfert de technologies de qua-lité vers les petites et moyennes entreprises enfonction des besoins exprimés;

• L’importance de la sensibilisation, de l’éducationet de la formation pour améliorer la capacité deprise en main de leur propre développement parles communautés locales ;

16Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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• L’importance de structures d’éducation et de for-mation pertinentes pour favoriser le transfert detechnologies et de savoir-faire et favoriser l’émer-gence de nouvelles compétences ;

• La nécessité de remettre en question le paradigmeéconomique dominant et de favoriser, dans cer-tains domaines de production et de consomma-tion, le point de vue de l’humanité plutôt quecelui de l’individu;

• La nécessité de disposer d’outils appropriés et demoyens pertinents, notamment financiers ethumains, pour permettre des actions durables ;

• La nécessité d’intensifier la coopération entre lesecteur de la recherche, les institutions publiques,les ONG et le secteur privé dans des actions ins-crites dans la durée;

• L’importance du renforcement de l’application etde l’effectivité du droit international ;

• La nécessité d’une attention particulière de lapart des pays responsables des changements cli-matiques pour faciliter l’adaptation des pays duSud aux conséquences de ces changements, quirisquent d’avoir leurs effets les plus dramatiquesdans ces pays ;

• La nécessité d’une vision globale et intégrée dudéveloppement durable, permettant l’exerciceplein et entier de la citoyenneté;

• L’importance de modes de production durablerespectant l’environnement, la pérennité des res-sources naturelles et la diversité culturelle desbesoins humains pour donner aux citoyens dumonde des options leur permettant d’exercerleurs choix, donnant ainsi une valeur politique àla consommation;

• Le devoir pour la Francophonie de produire etdiffuser de nouvelles réflexions, des analyses dis-tinctes et de développer des idées nouvelles pourinfluencer l’ordre du jour des réunions mondiales.

LES RECOMMANDATIONSLes participants au colloque, faisant leurs l’ensembledes idées maîtresses qui ont émergé des échanges,expriment d’une même voix les recommandations

suivantes et s’engagent à travailler de concert pourfavoriser leur mise en œuvre:

I – Énergie et développement: quelles options,quels choix?

L’énergie, son accessibilité et sa maîtrise sont indis-sociables de la satisfaction des besoins humains.Considérant que l’énergie ne devrait en aucun casêtre considérée comme une fin en soi et devant lavariété des conditions locales et des filières énergé-tiques potentiellement exploitables, les éléments sui-vants méritent d’être pris en compte:

1. Ajouter la dimension culturelle aux trois dimen-sions (économique, sociale, environnementale)habituellement associées au développementdurable, en insistant sur le respect de la diversitéculturelle comme garant et outil de déclinaisonmajeur de l’objectif du développement durable ;

2. Considérant les impacts de la production et de laconsommation d’énergie sur le patrimoine éco-logique global, réaffirmer la volonté d’accompa-gner les efforts indispensables de réduction de laconsommation d’énergie des pays développés etl’adoption, dans les pays du Sud, des technologiespropres au service de leur développement. La rati-fication du Protocole de Kyoto est un premierpas que nous nous devons de faire dans cette voie;

3. Pour définir les priorités et les moyens des poli-tiques énergétiques, inverser la logique domi-nante qui donne la priorité à la production et à ladistribution d’énergie, en négligeant largementl’analyse des déterminants de la demande éner-gétique, et s’appuyer sur une analyse précise desbesoins diversifiés du développement, aussi bienau Sud qu’au Nord, pour remonter, à travers lesinfrastructures, les appareils et les services, auxmoyens de production d’énergie, avec une atten-tion particulière à la maîtrise de la demanded’énergie;

4. Renforcer le rôle des pouvoirs publics en faveurdu développement des énergies renouvelables,avec une mission et une planification à longterme. En matière d’énergies renouvelables, il estnécessaire d’intensifier la recherche et le déve-loppement technologique massif, notamment

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dans les pays développés, pour diversifier les solu-tions proposées et les rendre économiquementplus accessibles et mieux adaptées aux besoinsdu développement;

5. Accorder l’importance qu’il mérite au choix desinfrastructures lourdes du développement (amé-nagement du territoire, logement, filières de pro-duction, réseaux de transport, etc.) pour créerles conditions futures d’un développement éco-nome en énergie et plus respectueux de l’envi-ronnement;

6. Infléchir les politiques d’aide au développementvers un appui aux politiques publiques indis-pensables au choix et à la réalisation des infra-structures décrites dans la recommandation pré-cédente;

7. Renforcer la participation des citoyens et descommunautés locales à la définition des besoinsénergétiques de leur développement et des solu-tions à mettre en œuvre;

8. Rendre transparente et démocratique une ana-lyse homogène des conditions de compatibilitédes différentes solutions énergétiques actuellesou futures (fossiles, nucléaires, renouvelables,maîtrise de l’énergie, etc.) vis-à-vis du dévelop-pement durable, en prenant soin de ne pas limitercette analyse à la protection des ressources natu-relles et de l’environnement, mais aussi d’inclurele développement et l’acceptabilité sociale et cul-turelle de ces diverses filières.

II – L’incontournable question de l’eauL’accès à une eau de qualité adéquate, en quantité suf-fisante, est un problème commun à l’ensemble del’humanité et constitue, dans beaucoup de pays, unfrein au développement. Les participants ont doncconvenu d’appeler à :

1. Promouvoir l’idée d’une législation internatio-nale dans la perspective d’une gouvernance mon-diale de l’eau qui prenne en compte le niveaulocal et notamment les expériences tradition-nelles de gestion de l’accès à la ressource;

2. Privilégier dans ce contexte une gestion fondéesur la demande, participative et intégrée parbassin, qui permette de limiter les conflits d’usage,

les pollutions diffuses et la superposition desusages, et qui donne aux communautés locales lesoutils et les moyens pour une gestion durable dela ressource;

3. Reconnaître l’unicité de la ressource en eau; pro-mouvoir un accès équitable de tous à une eausaine et faire en sorte que la privatisation de la ges-tion de la ressource, lorsqu’elle est jugée souhai-table par les populations, soit accompagnée desystèmes et de mécanismes de régulation;

4. Favoriser le développement de compétencesadaptées aux situations locales par le transfert detechnologies adéquates, notamment pour le trai-tement des eaux usées ;

5. Valoriser les bonnes pratiques et les expériencescouronnées de succès en les rendant largementdisponibles à l’usage des gestionnaires locaux dela ressource en eau;

6. Privilégier la recherche et la mobilisation definancement à l’échelle locale afin de favoriserl’autonomisation et la responsabilisation.

III – Éducation et sensibilisation, clé de voûtede la volonté d’agir

Le développement d’une éthique personnelle de l’en-vironnement est un préalable à des prises de déci-sions éclairées et à un débat démocratique sur lesenjeux du développement durable. Les participantsde cet atelier recommandent donc de:

1. Intégrer l’éducation à l’environnement et audéveloppement durable dans toutes les strates dela population, et notamment dans les pro-grammes scolaires, ainsi que dans les commu-nautés locales urbaines et rurales, les entreprises,les gouvernements, les médias, les organisationshumanitaires etc. ;

2. Développer à cette fin des partenariats effectifs,notamment entre la société civile et l’État, et entreles différents acteurs de la vie socio-écono-mique et faire de ces différentes entités des acteursresponsables et participatifs ;

3. Développer, pour la Francophonie, des alliancesculturelles et linguistiques en créant des passe-relles avec les autres communautés dans le sensd’une diffusion concertée des valeurs essentielles

18Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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que véhiculent les différentes cultures humaines,afin de mieux mobiliser les moyens adéquatspour financer les initiatives locales ;

4. Favoriser une éducation à l’environnement inté-grant le territoire et le développement humainpour permettre aux populations locales et à lasociété civile de se responsabiliser par rapportaux ressources naturelles et aux modes de pro-duction et de consommation durables ;

5. Favoriser le développement d’outils d’éducationà l’environnement et au développement durableaccessibles par des réseaux de coopération surInternet.

IV – Biodiversité, socio-diversité : dialogue des cultures pour un développement durable

Richesse insoupçonnée pour l’avenir de l’humanitéil y a encore peu de temps, la biodiversité est devenuel’objet d’un consensus international et d’uneConvention cadre des Nations Unies à l’issue duSommet de Rio. La diversité des cultures apparaîtaujourd’hui comme un élément essentiel du patri-moine de l’humanité qui est aussi un gage de laconservation de la biodiversité puisqu’elle reflètel’adaptation de nombreuses populations aux éco-systèmes dans lesquels elles se sont intégrées pendantdes millénaires. En conséquence les participants decet atelier recommandent de:

1. Promouvoir l’idée que le développement durabledoit tenir compte des racines, du vécu et desaspirations culturelles des populations. Cetteapproche culturelle offre a priori une meilleureefficience du processus essentiel, partant de l’in-formation, passant par la sensibilisation et la for-mation, et menant à la concertation. La prise encompte de la culture dans ces phases permet ausside multiplier les modèles de développementdurable et les solutions concrètes pour y aboutir;

2. Proposer à la communauté internationale de s’ins-pirer de la Déclaration et du plan d’action deCotonou (15 juin 2001). Ce plan d’action mériteraitd’être affiné, en prenant notamment en compte leslangues et dialectes locaux. En termes de démarche,les États devraient inciter de façon prioritaire leurscommunautés à réfléchir et à construire leur déve-loppement en intégrant leurs valeurs culturelles;

3. Développer une science émergente, l’ethno-éco-logie, au même titre que le développement desbiotechnologies et des technologies de l’infor-mation, et soutenir l’interdisciplinarité entre envi-ronnementalistes, ethnologues, sociologues etéconomistes ;

4. Proposer à la communauté internationale defaire de la diversité culturelle un pilier en soi dudéveloppement durable ou, en tout cas, la prin-cipale condition du maintien et de la reconstitu-tion de la biodiversité. Le lien étroit existant entrela biodiversité et la diversité socioculturelle résul-tant d’un état d’équilibre multiséculaire entrel’homme et la nature est une raison suffisante;

5. Défendre, a minima, l’idée que le concept de bio-diversité inclut de manière explicite les préoc-cupations culturelles, telles que les variétés et lespaysages que l’homme a créés en interactioncontinue avec l’environnement;

6. Développer le potentiel de retombées socio-éco-nomiques reliées à l’utilisation de la biodiversité,potentiel souvent sous-estimé et qu’il est essentielde développer pour le maintien de la biodiversité.

V – Les transferts de technologie : renouveler la coopération?

Dans un monde où les progrès scientifiques et tech-niques permettent de développer des moyens plusefficaces de satisfaire les besoins humains en réduisantles impacts sur l’environnement, il est difficilementtolérable que l’accès à un développement plus propreet respectueux du développement durable soit limitépour les populations qui en ont le plus besoin. Parailleurs, les scientifiques et techniciens de tous lespays pourraient apprendre des expériences et destechnologies développées par l’usage traditionnel depopulations qui ont réussi à vivre en harmonie avecleur environnement pendant des millénaires. Prenanten compte le fait que certaines façons de faire etnormes peuvent constituer un frein au commerceinternational et au développement des communautéset que le transfert de technologies nécessite aussi letransfert des savoir-faire nécessaires à leur implanta-tion, à leur adaptation aux conditions locales et àleur entretien pour en favoriser la durabilité et larentabilité, les participants recommandent de:

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1. Appuyer sur le long terme le renforcement deséquipes spécialisées (écoles d’ingénieurs, agences,etc.) dans les pays en développement et dans lesdivers secteurs liés au développement durable.Soutenir la coopération de ces équipes avec lesentreprises privées ainsi qu’avec les points deconvergence et les ministères chargés de l’élabo-ration des politiques et mesures ;

2. Favoriser les échanges d’expériences entre despartenaires ayant des préoccupations communespour qu’émergent des solutions diversifiées etadaptées aux conditions locales, des solutions quifondent véritablement le développement durable.Dans cette recherche de solutions, il est essentielque les pays francophones renforcent les échangespar le développement et la consolidation deréseaux Nord-Sud et Sud-Sud. Le soutien à lacoopération décentralisée entre les collectivitéslocales et leurs partenaires techniques peut, à cetégard, être particulièrement utile et permettre decréer de nouveaux partenariats pour développerou introduire, au niveau local, les technologies etsavoir-faire utiles au développement durable;

3. Favoriser le développement prioritaire des tech-nologies de l’information et de la communicationafin de réduire la fracture numérique entre lespays et les régions et d’élargir l’accès à l’informa-tion et aux connaissances pour le développementdurable ;

4. Favoriser la complémentarité de différents outilsfinanciers dans la mise en œuvre opérationnelledes transferts de technologies ;

5. Mettre l’accent sur la qualité dans les transfertsde technologies en instituant en particulier desnormes à cette fin;

6. Associer les pays du Sud à l’élaboration denormes internationales de qualité ;

7. Tirer avantage du mécanisme de développementpropre dans le domaine des technologies énergé-tiques et des infrastructures pour favoriser le trans-fert de technologies permettant la réduction oul’évitement des émissions de gaz à effet de serre.

VI – L’adaptation aux changements de l’environnement planétaire :les défis et les moyens

Les conditions de vie sur la planète changent à unrythme accéléré du fait des activités liées à la satis-faction des besoins d’une population humaine deplus en plus nombreuse. Ces changements qui sontperceptibles tant à travers la désertification et leschangements climatiques qu’à travers l’érosion de labiodiversité, risquent d’occasionner des consé-quences désastreuses à moyen et long terme si desmesures ne sont pas mises en œuvre immédiate-ment pour agir à la fois sur la cause des problèmeset sur la protection des populations les plus vulné-rables. Au terme de leur discussion, les participantsrecommandent de :

1. Développer l’expertise pour le diagnostic et lamise en œuvre des mesures d’adaptation. Leschangements globaux en cours doivent être consi-dérés tant sur le plan de l’expertise et du dia-gnostic que des mesures d’adaptation.

L’expertise doit être développée aux niveauxrégional, national et local afin de permettre sonintégration dans les processus de décision. Elleconcerne notamment:

– l’observation des changements en cours, enmobilisant la capacité de mesure et d’expertiselocale et les techniques géospatiales,

– l’application des modèles de simulation auxespaces régionaux des pays du Sud en déve-loppement,

– la recherche des solutions de parade.

Les mesures d’adaptation doivent être déployéesde façon prioritaire dans les zones les plus vulné-rables, et notamment les zones arides, semi-arides,insulaires, etc., c’est-à-dire, en général, dans des paysdu Sud en développement. Le financement de cesmesures d’adaptation est un élément essentiel de laproblématique, les efforts visant à réduire les émis-sions des pays qui en sont responsables au premierchef devant par ailleurs être maintenus;

2. Promouvoir une vision intégrée et l’informa-tion pour la décision. Le défaut de coordinationpersistant entre les grandes conventions induit descontraintes dans la mise en œuvre des politiques

20Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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sur le terrain ; il empêche les synergies entre lesactions menées et les programmes d’appui. Lesobligations, en matière de collecte d’informationet d’élaboration de rapports, sont des chargesdifficilement supportables pour certains pays.Une mise en cohérence de ces demandes, demême que la prise en compte des principes éco-nomiques et juridiques d’accès à l’informationsont nécessaires pour contribuer à doter les paysde systèmes d’information de base (cartes,images) susceptibles d’aider à la prise de déci-sions à tous les niveaux. Cette problématique del’information doit aller jusqu’à la sensibilisationet à l’éducation, en utilisant tous les moyens,comme la radio rurale qui, diffusée dans leslangues locales, couvre un territoire plus largeque les autres médias, ce qui assurera un meilleurrespect de la diversité culturelle.

VII – Repenser les modes de consommationpour le mieux-être des générations futures

Les modes de consommation et de production nondurables constituent les domaines où il y a le plus àfaire pour favoriser l’avènement d’un développe-ment durable. L’empreinte écologique des habitantsdes pays développés rend d’ores et déjà impossibleune égalité des chances pour tous, les systèmes derégulation de la planète ne pouvant vraisemblable-ment résister à une généralisation de ces modes deconsommation à l’ensemble des habitants de la Terre.Or, c’est l’exemple de ces comportements que lasociété marchande propose comme « moteur dudéveloppement économique mondial». Pour tenterd’infléchir cette tendance dans le respect des indi-vidus, de leur bien-être et de leurs aspirations, les par-ticipants à l’atelier recommandent de:

1. Revoir les systèmes d’éducation et de formation,en termes de contenus informatifs et concep-tuels, et en développer l’accès. Les modes deconsommation non durables et les modes de pro-duction qui leur correspondent ont en effet étésoutenus, en grande partie, par le type d’éduca-tion qui a prévalu au cours des années passées. Lesbesoins actuels en éducation pour modifier lesmodes de consommation et les modes de pro-duction associés sont le fait de la très grandemajorité des acteurs économiques, des profes-

sionnels de l’information, des magistrats ainsique des élus et des responsables gouvernementauxà tous les niveaux. Mais c’est davantage sur lesbesoins en éducation des communautés locales ettraditionnelles, visant à renforcer leurs capacitésproductives ainsi que leurs habiletés décision-nelles, que l’essentiel des efforts devrait porter.L’éducation requise est celle qui assure la sauve-garde et l’épanouissement, voire la diffusion desvaleurs, des connaissances et de l’expérience tra-ditionnelles ;

2. Renforcer l’accès de ces communautés aux savoirsscientifiques et technologiques en développantdes véhicules d’information des savoirs nouveauxdu Nord, mais aussi du Sud, afin qu’ils puissentêtre mis en valeur au niveau local en s’intégrantà la culture en place sans porter atteinte à leurintégrité ;

3. Promouvoir la constitution d’un patrimoineinformationnel dans l’espace public, patrimoinealimenté par l’ensemble des cultures ;

4. Rendre accessibles, en langue française, dessavoirs techniques en même temps que les outilspédagogiques qui vont en permettre une véri-table appropriation par les communautés locales;

5. Assurer la valorisation et la diffusion des savoirsémergents des communautés des pays d’Afrique,non seulement vers les pays du Nord mais aussiau niveau des réseaux Sud-Sud.

C’est donc en bonne partie par l’imbrication dessavoirs nouveaux et des savoirs traditionnels por-teurs de la diversité culturelle que pourront semettre en place de nouveaux modes de consom-mation durables. Cette orientation redonneraaux populations paupérisées un niveau de viedont elles sont dépourvues dans le cadre du déve-loppement économique et technologique actuel ;

6. Mettre sur pied des mécanismes de financementdonnant accès aux savoirs en créant, par exemple,un fonds mondial d’appui et de partage des tech-niques et des connaissances scientifiques, enpartie dans le domaine public ou encore en déve-loppant des fonds d’appui aux innovations tech-nologiques;

21 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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7. Favoriser le développement des infrastructuresde communication permettant d’avoir accès auxsavoirs et aux instruments de savoir élaborés auniveau mondial, et particulièrement au sein del’espace francophone.

VIII – L’éradication de la pauvreté: mission possible ?La pauvreté n’est pas une notion absolue, mais lors-qu’un groupe humain ne peut plus assurer sa sécuritéalimentaire et trouver les ressources nécessaires à sondéveloppement dans un milieu donné, il en résulteune exploitation des ressources du milieu jusqu’àleur ultime dégradation. Ce processus, spirale de l’ap-pauvrissement, force des millions de personnes à lamisère et contribue à l’accélération de la désertifica-tion et à des pertes irréversibles de biodiversité. Ilimporte donc de prendre les moyens pour faire de lalutte contre la pauvreté, et en particulier contre lapauvreté extrême, une priorité pour le développementdurable, en conséquence de quoi les participants àl’atelier recommandent de:

1. Renforcer la démocratie et la bonne gouvernanceen privilégiant la décentralisation, la responsabi-lisation des populations, le transfert des compé-tences et des ressources humaines, techniques etfinancières aux communautés de base et en amé-liorant l’équité et la solidarité sociales ;

2. Recomposer le tissu social et réhabiliter lesvaleurs culturelles, ce qui permet de trouver dessolutions endogènes et de puiser dans la solida-rité des communautés les ressources humaines etmatérielles pour le développement;

3. Trouver une solution au problème de la dette,autre que l’ajustement structurel couplé à laréduction de la dette prôné par les institutions deBretton Woods. Accroître plutôt les subventionset dons des partenaires en lieu et place des prêts,même concessionnels ;

4. Utiliser pour l’Afrique, dans la lutte contre lapauvreté, toutes les facilités que pourra offrir leNouveau Partenariat pour l’Afrique (NEPAD)dans la mise en œuvre de ses programmes dedéveloppement;

5. Renforcer le sentiment d’appartenance en déve-loppant, dans les populations concernées par la

pauvreté, une citoyenneté pleine et conséquente,une citoyenneté qui favorise la participation auxprises de décisions, une citoyenneté qui ne mar-ginalise pas, une citoyenneté transparente quidonne droit et accès à toutes les conditions d’unevie digne (éducation, santé, eau potable, assai-nissement, énergie, logement décent…).

IX – Gouvernance mondiale : quel rôle pour la Francophonie ?

La Francophonie, en tant que composante de la com-munauté internationale, fondée sur la solidarité et lasauvegarde de la diversité culturelle, devrait :

1. Se donner les moyens de façonner l’ordre dujour et d’influencer la définition des problèmeset des solutions, tels qu’ils sont ensuite reprisdans les débats et actions internationaux, par lesinitiatives suivantes :

– Des partenariats francophones actifs (envisagéspar les organisateurs du SMDD) pour valo-riser la recherche, les expériences et le capitalintellectuel existants, produire des analysesdistinctes sur les enjeux internationaux, déve-lopper des concepts et idées nouvelles (ex.modes de synergie entre les conventions,filières d’action communautaires, etc.) ;

– Un réseau de centres de réflexion, d’analyse etde recherches appliquées sur le développe-ment et la mise en œuvre des politiques d’en-vironnement et de développement durable.La Francophonie ne devrait pas laisser àquelques institutions d’Amérique et d’Europedu Nord le monopole de la production intel-lectuelle qui nourrit le discours internationalet encadre les décisions et actions, non seule-ment internationales mais aussi nationales etlocales. Ce réseau devrait reposer sur la spé-cialisation, la complémentarité et l’échange. Ilpermettrait de:

• développer des bases de données distinctesou d’examiner de façon critique celles exis-tantes,

• produire des analyses sur des sujets né-gligés ou qui remettent en question lesidées reçues,

22Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 35: Colloque International Francophonie et développement durable

• échanger de l’information et des étudesde cas (en association avec un dialogueméthodologique sur ces derniers),

• valoriser le capital intellectuel nationalexistant,

• développer des réseaux thématiques cen-trés sur l’ordre du jour politique (et nonsur une discipline, une profession ou unoutil) ;

2. Prendre une part plus active, en tant que com-munauté, aux réflexions et prises de décisionsreliées aux grandes problématiques existantes,notamment :

– Le débat sur la gouvernance institutionnelleinternationale, dont résultera un cadre insti-tutionnel dans lequel notre communautédevra s’insérer et qui conditionnera les résul-tats de ses actions. La Francophonie pourrait,par exemple, ouvrir un chantier de travail sur :

• les moyens de tirer parti des changementsen vue (telle la réforme du Forum globaldes ministres de l’Environnement),

• les avantages et inconvénients d’une ap-proche décentralisée de la gouvernanceinternationale de l’environnement et dudéveloppement durable pour la promo-tion des préoccupations collectives de laFrancophonie;

– Les débats sur le commerce, l’environnement etle développement durable. Les chantiers por-teurs pour notre communauté concerne-raient :

• d’une part, les procédures de certificationet les normes environnementales qui semettent en place, notamment sur leursprocédures de développement, leur natureet leurs impacts sur le commerce Sud-Nord,

• d’autre part, un partenariat francophoned’appui au commerce de produits deconsommation durables.

3. Instaurer une division du travail habilitante surles grands dossiers de la diplomatie de l’environ-nement et du développement durable, en créant

des chefs de file francophones, un ou deux pays(Nord, Sud) sur une question donnée (ex. : accèset partage des bénéfices; droits de propriété intel-lectuelle et diffusion de technologies, de tech-niques, de savoirs locaux; gestion communautairedes ressources; tel ou tel accord ou négociation encours, etc.). Chaque pays deviendrait alors unesource d’information et d’expertise pour le restede la communauté et devrait, naturellement, s’in-vestir diplomatiquement dans ce dossier, en par-ticipant aux réunions de bureaux par exemple.On pourrait, entre autres, identifier certains chan-tiers ou thèmes et procéder à un appel de candi-datures. Une telle initiative permettrait de:

• renforcer l’impact de la Francophonie surl’ordre du jour international et les négociationsen cours,

• valoriser les experts nationaux,

• renforcer les capacités de négociations natio-nales dans les enceintes internationales.

Recommandations transversalesPar le biais des rapports de synthèse des ateliers et desdébats en plénière, des recommandations transver-sales pourraient faire l’objet de discussions dans lecadre du processus préparatoire au Sommet deJohannesburg, et notamment à l’intérieur de l’espacefrancophone.

1. Diversité culturelleLe respect de la diversité culturelle semble être un

élément qui a été évoqué dans tous les ateliers et dontl’importance a été soulignée avec force dans lesrecommandations. En conséquence, il serait impor-tant de promouvoir la dimension multiculturelledans le concept du développement durable en valo-risant les racines culturelles, l’histoire et les aspirationsculturelles des populations de manière à ce que cettedimension devienne pour la communauté interna-tionale le quatrième pilier du développement durable.La Francophonie pourrait en ce sens chercher desalliances stratégiques avec d’autres communautéslinguistiques pour faire valoir la socio-diversité àl’échelle mondiale.

23 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 36: Colloque International Francophonie et développement durable

2. Accès à l’informationLe développement de la société de l’information

met en évidence le fossé numérique entre « info-pauvres» et «inforiches». Pour la Francophonie,fondée sur le partage d’une langue commune, ladémocratisation de l’accès à l’information et à sesnouvelles technologies est en tête des priorités. Ledéveloppement des NTIC devrait être partout encou-ragé comme outil pour la diffusion large des connais-sances, des savoirs et des savoir-faire pour le déve-loppement économique et social, pour la promotiondes contenus et des expériences francophones dans lessystèmes mondiaux d’information et pour le renfor-cement des systèmes nationaux d’information d’aideà la décision.

3. Partage d’expériencesPlusieurs ateliers ont souligné l’importance des

échanges, du partage d’expériences, de réussites etde bonnes pratiques permettant d’inspirer les gens enrecherche de solutions. La Francophonie, espace desolidarité, constitue ainsi un cadre favorable à de telséchanges et à leur valorisation dans l’espace et dansla durée. Cette valorisation devrait évoluer d’unelogique de projets ponctuels à celle de politiques et deprogrammes de plus vaste ambition et appuyés par deséquipes spécialisées de recherche-développement enréseau.

4. Gestion de la demandeLa logique fondée sur la demande dans le

domaine de la consommation, en particulier de l’eauet de l’énergie, et une gestion efficace de cettedemande devraient être partout privilégiées, ce qui estde nature à renforcer la démarche de développementdurable.

5. DémocratieLa démocratie et le développement sont indisso-

ciables. Il ne saurait y avoir de démocratie sans déve-loppement ni de développement sans démocratie.Cette dernière, qui crée les conditions d’une mobili-sation librement acceptée par les populations, encou-rage le plein exercice de la citoyenneté et demeurefondée sur une bonne gouvernance et un rôle régula-teur des États, pour un accès égal à l’éducation, à l’in-formation, à la formation, à la santé et à l’emploi,

ainsi que pour une juste répartition et une gestiondurable des ressources nationales.

6. Éducation et diffusion des connaissancesDans la plupart des ateliers, l’importance de l’édu-

cation pour le développement durable a été soulignée.Des efforts soutenus devront donc être menés tant auniveau de l’éducation de base pour vaincre la pau-vreté, qu’au niveau de l’éducation générale et dutransfert des connaissances tout au long de la viepour une pleine participation des citoyens, une sen-sibilisation des consommateurs, une «habilitation» etune amélioration de l’expertise des acteurs techniquesdu développement.

Il convient, dans ce cadre, de sauvegarder les con-naissances et savoir-faire locaux, dits traditionnels(notamment dans la gestion de la biodiversité) etd’encourager leur diffusion et leur valorisation.

7. GouvernanceIl a été appelé à une mobilisation accrue de la

communauté scientifique francophone et au renfor-cement de la réflexion autour des grandes questionsliées à la mise en œuvre du développement durableselon une approche de spécialisation et de complé-mentarité. Une telle approche, permettant à un paysou un groupe de pays de devenir chef de file, sur unequestion précise, au profit de toute la communauté,est de nature à favoriser une implication plus forte dela Francophonie dans les négociations internatio-nales relatives au développement durable, avec unecontribution réelle à l’élaboration des ordres du jour,des concepts, et de manière générale, à la réflexionmondiale sur le développement durable.

8. FinancementPlusieurs ateliers ont souligné l’importance d’un

financement adéquat en volume et durable pourrépondre aux exigences à court et moyen terme dudéveloppement durable. La nécessité de la complé-mentarité des mécanismes de financement a été miseen évidence avec la mobilisation d’abord des res-sources internes mais aussi de celles de l’APD, del’investissement privé et de mécanismes novateurs(conversion de la dette, mécanisme pour un déve-loppement propre, partenariat public-privé) ainsique par le commerce et l’accès aux marchés du Nord.

24Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 37: Colloque International Francophonie et développement durable

Il a été appelé au renforcement des capacités pour laformulation de projets et de programmes et pour lamaîtrise des conditions de mobilisation des ressourcesfinancières.

9. Priorité AfriqueLa situation de crise économique, sociale et envi-

ronnementale en Afrique, et particulièrement dans lesPMA, et la lutte contre la pauvreté seront au centre destravaux du Sommet de Johannesburg. La Franco-phonie, dont la majorité des pays-membres viennentde l’Afrique, accorde la priorité de ses actes à ce conti-nent. À cet égard, l’initiative du NEPAD doit êtreappuyée et accompagnée en tant qu’initiative per-mettant d’asseoir les bases du développement durableen Afrique.

Un effort particulier devrait être consenti pour lamise en œuvre réelle de la Convention sur la luttecontre la désertification en lien et synergie avec lesautres conventions, relatives à la biodiversité et auxchangements climatiques.

ConclusionLa richesse des débats et des présentations du colloquede Dakar indiquent la vigueur de la réflexion dansl’espace francophone et la nécessité de continuer del’alimenter, non seulement à l’occasion du processuspréparatoire des conférences mondiales, mais demanière organisée et permanente à l’intérieur desinstitutions et des réseaux par des publications et dessystèmes d’information.

Cette réflexion devrait également être renforcéeavec le concours des acteurs locaux du développementet sur le terrain de la mise en œuvre.

25 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 38: Colloque International Francophonie et développement durable

Le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique(NOPADA, désigné également par l’acronyme anglais NEPAD (NewPartnership for Africa’s Developement) a été formalisé sous la formed’un plan d’action adopté par les chefs d’État du Comité de mise enœuvre, à Abuja, le 21 octobre 2001.

Le NEPAD résulte de la fusion de plusieurs initiatives de chefsd’État africains : le Programme de renaissance africaine pour le nou-veau millénaire (Millenium African Program-MAP), initialement pro-posé par le Président Thabo Mbéki (Afrique du Sud), soutenu par lesprésidents Abdelaziz Bouteflika (Algérie), Hosni Moubarak (Égypte)et Olusegun Obasanjo (Nigéria); le Plan Omega conçu par le PrésidentAbdulaye Wade (Sénégal). La forte implication d’États africains auplus haut niveau a suscité une grande attention de la part de la com-munauté internationale, que ce soit au G8 d’Okinawa puis de Gênes,au sein des organisations internationales (Banque africaine de déve-loppement, Banque mondiale, Organisation de coopération et de déve-loppement économique OCDE, etc.). Un Sommet informel s’est éga-lement tenu à Paris le 8 février 2002. L’implication de dirigeants duNEPAD est prévue dans le cadre du prochain G8 à Kannanaskis(Canada).

Le NEPAD est dirigé par le Comité des chefs d’État chargé de lamise en œuvre, soit les cinq chefs d’État à l’origine du partenariat, plusdix autres (à raison de deux par région). Ce comité s’est donné les tâchessuivantes :

– «Déterminer quelles sont les questions stratégiques qui doiventfaire l’objet de recherche, de planification et de direction au niveaudu continent ;

– Mettre en place les mécanismes d’évaluation rétrospective desprogrès accomplis en vue de la réalisation des cibles convenuesd’un commun accord et du respect des normes acceptées partous;

– Examiner les progrès accomplis dans l’exécution des décisionsprises afin de prendre les mesures idoines pour surmonter toutproblème ou retard.»

Première initiative africaine, par son niveau politique, par sa viséecontinentale, par l’étendue de ses objectifs et par l’originalité de sonapproche, le NOPADA/NEPAD est aujourd’hui un projet incontour-nable, tant pour les bailleurs de fonds et les organisations internatio-nales impliquées en Afrique que pour la communauté internationaledans son ensemble.

Spécificités du NEPAD

Son objetLe NEPAD a pour ultime objectif de combler le retard qui sépare

l’Afrique des pays développés. Cette notion de fossé à remplir est le cœurmême du NEPAD. Ses fondateurs considèrent que l’Afrique a été mar-ginalisée par l’évolution historique qui fait qu’aujourd’hui, elle reçoitmoins de 1% de l’investissement mondial et représente 1,7% du com-merce international.

Or, pour ces dirigeants africains, l’Afrique est bien dans la mon-dialisation, du fait que le développement de l’économie mondiale,pour les États-Unis et l’Europe en particulier, est historiquement, trèslargement le fruit de l’exploitation des matières premières du continentafricain et du travail de ses populations à travers ses produits d’ex-portation.

Les pays à l’origine du NEPAD revendiquent donc des pays déve-loppés des investissements massifs dont les mécanismes sont à préciser,sans qu’il s’agisse nécessairement de crédits ou d’aides, les transferts defonds des pays développés vers l’Afrique n’ayant, jusqu’à présent, pasdonné les résultats escomptés par ces pays africains.

Sa stratégieLe NEPAD est articulé en une double stratégie :

– D’une part, le choix de la région comme espace opératoire de base,et non plus les États. L’espace régional est considéré comme celuiqui offre un plus grand marché aux industries africaines et les plusgrandes possibilités pour les investissements étrangers ;

– D’autre part, le recours aux investissements privés massifs. LeNEPAD encourage le développement d’un secteur privé africain(Africains du continent et de la diaspora) qui peut être soit auto-nome, soit associé au secteur privé étranger dans des joint ventures.

Les grandes prioritésLe NEPAD propose un partenariat avec les pays riches en vue de la con-ception en commun et de l’exécution d’un plan d’urgence de 10 sec-teurs prioritaires ou «superpriorités»:

1. la bonne gouvernance politique,

2. la bonne gouvernance économique,

3. les infrastructures,

4. l’éducation,

5. la santé,

6. les nouvelles technologies de l’information et de la communica-tion (NTIC),

7. l’agriculture,

8. l’énergie,

9. l’accès aux marchés des pays développés,

10. l’environnement.

Pour en savoir plusNEPAD SECRETARIATP.O. Box 1234Midrand – Halfway House 1685South AfricaTél. : + 27 11 313 3672Fax: + 27 11 313 3684Site Web: http://www.nepad.org ou http://www.nepadsn.org

26Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

LE NEPAD

Page 39: Colloque International Francophonie et développement durable

ATELIER 1 – ÉNERGIE ET DÉVELOPPEMENT: QUELLES OPTIONS, QUELS CHOIX?

AnimateurBenjamin DESSUSCommission française du développement durable (CFDD), France

Études de cas Michel HAMELINAgence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME), FranceLes partenariats internationaux mis en œuvre pour contribuerau développement durable : l’expérience de l’ADEME dans les pays du Sud

Yazhong LIUInternational Conseil Énergie (ICE), FranceRésumé du programme FFEM/ADEME:Efficacité énergétique dans la construction en Chine

Claude NjomgangFaculté des Sciences économiques et de Gestion, Université de Yaoundé II-SoaÉconomie du bois de feu et environnement au Cameroun

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29 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

QUELLE LÉGITIMITÉ POUR LA FRANCOPHONIE ? La première question qu’on est amené à se poserdans le contexte du séminaire de Dakar est, bienentendu, celle de la légitimité d’une expression fran-cophone sur cette question d’importance planétairequi fera l’objet des débats de Johannesburg en sep-tembre prochain. En quoi en effet les pays qui seréclament de la francophonie auraient-ils une légiti-mité de parole et de proposition particulière par rap-port à tout autre regroupement de pays, sur des basesgéographiques, économiques, culturelles ou autrespour parler de l’énergie dans le cadre du développe-ment durable ? Cette légitimité me semble tenir àl’importance qu’il est nécessaire d’accorder à la diver-sité des cultures dans la déclinaison du développe-ment durable. Ce point généralement négligé dans ledébat international a été plusieurs fois souligné par laCFDD tant il lui semblerait dangereux de voir sedévelopper une uniformité culturelle sous le prétextedu développement durable, une sorte d’ajustement àun mode culturel unique «environnemental».

L’ensemble francophone dans ce contexte pré-sente une double caractéristique:

Tout d’abord la diversité, la diversité géographiqued’une mosaïque de pays appartenant aux 5 conti-nents, la diversité des cultures, des histoires, deslangues, la diversité des situations économiques, maisaussi l’attachement à la pratique d’une langue com-mune qui permet à la diversité des points de vue des’exprimer avec des mots et des concepts communs1.

C’est bien ce double aspect dialectique qui fondel’intérêt d’une analyse des problèmes, d’un échanged’expériences, d’une discussion des points de vue etd’éventuelles prises de position communes dans ledomaine du développement durable.

COMMENT SE POSE LA QUESTION DE L’ÉNERGIE DANS LA PERSPECTIVE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ? La première et principale question qui se pose dansce domaine peut être résumée en trois sous-ques-tions emboîtées :

• Comment faire une meilleure place aux 3 mil-liards de pauvres et de démunis que comptent nosdiverses sociétés actuelles, qu’il s’agisse de la majo-rité des habitants des pays les plus pauvres ou dela minorité des habitants des pays les plus riches ?

• Comment prévoir les moyens d’accueillir dans ladignité et le développement les 2 à 3 milliards denouveaux habitants que comptera l’humanité à lafin du siècle si l’on en croît les démographes?

• Le tout sans obérer gravement l’avenir de l’hu-manité par un épuisement des ressources de laplanète indispensables à sa survie et à la poursuitede son développement (ressources en eau, énergie,en terres, ressources biologiques, ressources cul-turelles, etc.) et des transformations irréversiblesdes conditions de vie même sur cette planète(changement de climat, de niveau des océans,désertification, etc.) ?

Benjamin DESSUSCommission française du développement durable (CFDD)

France

ATELIER 1 – Énergie et développement: quelles options, quels choix ?Animateur

1. Voir l’émission le «double je» de Bernard Pivot.

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L’ambition du développement durable suppose lamise à la disposition du plus grand nombre et defaçon équitable d’un certain nombre de « bienspublics communs» qui sont consubstantiels de lanotion même de développement et qu’on peut tra-duire par une série de droits fondamentaux, le droità la santé, à l’alimentation, au logement, à l’éducation,au confort domestique, à la mobilité, etc.

L’énergie est au cœur de ces questions, non pastant comme une fin en soi, mais à la fois comme l’undes moyens indispensables à la satisfaction d’un cer-tain nombre de ces biens publics et comme contri-buteur et responsable potentiel de la destruction d’uncertain nombre d’autres biens communs globaux telsque l’environnement ou la pérennité des ressourcesnon renouvelables2.

L’originalité et l’avancée que représente le conceptde développement durable réside dans la tentative derendre synergiques ces différents biens communs sou-vent présentés comme antinomiques. L’histoire éner-gétique du vingtième siècle a mis en évidence deuxextrêmes de la prise en compte de cette contradiction.

• La mise en exploitation intense des ressourcesfossiles et le recours à l’énergie nucléaire à partirdes années 1950 s’est faite dans un contexte où lesproblèmes d’environnement (pourtant déjà bienconnus aussi bien pour les émissions de GES quepour le problème des déchets nucléaires) n’ontpas fait l’objet de précautions particulières, en sefondant sur l’idée que le progrès technique seraità terme capable de résoudre les problèmes éven-tuels. C’est la notion de développement qui pré-valait donc au détriment de la durabilité même dece développement.

• Symétriquement on a vu à la fin du vingtièmesiècle s’élever dans les pays du Nord des voixremettant en cause le développement des paysdu Sud au nom de la protection de l’environne-ment mondial. C’est alors la durabilité du modede développement des pays déjà développés quiprévaut.

Le pari du développement durable est donc celuide la sortie de la contradiction citée plus haut par l’ap-prentissage de cette synergie indispensable, sans

laquelle la pérennité d’un développement pour tousserait irrémédiablement mise en cause à plus oumoins long terme.

C’est avec cette ligne directrice que nous allonsdélibérément traiter un certain nombre de questionsplus spécifiquement à l’énergie.

QUELQUES PROBLÈMES SPÉCIFIQUES À L’ÉNERGIE DANS LE CONTEXTE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE Il ne peut évidemment pas être question ici d’aborderl’ensemble des problèmes liés au développement, àl’énergie et à l’environnement. On se contentera doncd’apporter quelques éclairages spécifiques sur cer-taines des questions énergétiques qui font aujour-d’hui l’objet de discussions et qui pourraient fairel’objet de recommandations et/ou de propositionsd’action de la part de l’ensemble francophone à laConférence de Johannesburg. On se proposed’aborder les points suivants qui concernent au pre-mier chef notre communauté francophone:

– L’énergie et la pauvreté.

– La maîtrise de la demande d’énergie et le déve-loppement durable.

– Les énergies renouvelables et le développementdurable.

– L’énergie nucléaire et le développement durable.

L’énergie et la pauvreté La réduction significative de la pauvreté et le déve-loppement durable constituent des défis majeurs etfondamentalement liés dans le contexte des pays endéveloppement. Pourtant, aujourd’hui, l’énergie n’estpas explicitement prise en compte dans les initiativesde lutte contre la pauvreté, alors que pour les popu-lations pauvres, l’énergie est non seulement indis-pensable à la satisfaction des besoins quotidiens maisconstitue une composante essentielle de toute activitépermettant d’assurer un minimum de développementéconomique et social.

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2. Biens publics dont la protection est elle même indispensableà plus ou moins long terme à la pérennité même du déve-loppement.

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L’insécurité et l’exclusion des pauvres La satisfaction des besoins élémentaires des popu-

lations nécessite, pour la plupart d’entre eux, l’utili-sation de diverses formes d’énergie. Leur rareté ouleur coût trop élevé concourent au maintien et à l’ac-croissement de la pauvreté en particulier dans leszones rurales. En effet :

– soit les formes d’énergie sont accessibles à tous(comme la biomasse sous ses diverses formes),mais alors les prélèvements de proximité sur lecouvert végétal participent à la raréfaction de laressource, à la dégradation de l’environnement etpar là même amplifient les situations de pau-vreté ;

– soit les sources d’énergie (électricité, charbon debois, gaz, produits pétroliers, etc.) sont régies parles mécanismes de marché en amont ou en aval,et alors le coût des services énergétiques est tropélevé en regard des ressources disponibles despopulations pauvres.

Dans les deux cas, l’inaccessibilité des pauvres àun service efficace équivaut à l’impossibilité d’as-surer la couverture de leurs besoins élémentaires dansdes conditions satisfaisantes. Ce qui caractérise lapauvreté est donc, au-delà de la faible consommationd’énergie, l’exclusion des pauvres des processus de tran-sition énergétique observés actuellement.

Dans la plupart des pays en développement, l’ap-provisionnement en énergie du milieu rural restemajoritairement tiré de la biomasse (80% en Afriquepar exemple), avec des rendements très faibles.

Les résultats de nombreuses études dans ces paysont montré que:

– pour un même service énergétique, les pauvresconsomment plus d’énergie que les autres: un éclai-rage au kérosène est 35 à 40 fois moins efficacequ’un l’éclairage avec un tube néon. Pour la cuisson,le rendement des fourneaux à bois est cinq à huitfois inférieur à celui d’un fourneau à gaz.

– les pauvres dépensent proportionnellement pluspour un même service énergétique que les autres.Un coût de service de base trop élevé accroît lapart du produit et du service dans les dépensesd’un ménage et diminue d’autant la part consacrée

aux autres consommations indispensables (santé,nourriture, etc.). Dans les villes de ces mêmes pays,en l’absence de solutions alternatives bon marchéet de réseau de distribution d’électricité, c’est encorela biomasse qui domine souvent mais cette fois-cisous forme de charbon de bois généralement brûlélui aussi dans de mauvaises conditions d’efficacitéet donc à des coûts de service élevés.

Enfin, au-delà des problèmes d’accès à l’énergiedes populations rurales en état d’extrême pauvreté despays les moins avancés, il existe une frange très impor-tante de populations rurales ou urbaines dont les capa-cités de développement économique se heurtent à l’ab-sence ou la difficulté d’accès à des quantités d’énergiesuffisantes pour mener des activités artisanales ou indus-trielles susceptibles de créer de la plus-value locale.

On constate d’autre part que, dans le domainede l’énergie, tout concourt à faire perdurer la situa-tion d’exclusion des pauvres et même à aggraverleurs conditions. Le processus de déforestationentraîne bien souvent la dégradation de l’environ-nement des populations les plus pauvres. La diffu-sion des équipements efficaces à partir d’énergiesfossiles ou d’énergies renouvelables, repose, pourpartie, sur l’évaluation de la contribution moné-taire possible des populations afin d’établir lesmodalités de vente à crédit de ces équipements, cequi exclut le plus souvent les couches pauvres dubénéfice de cette diffusion.

Enfin dans les pays les moins avancés, la transi-tion énergétique se manifeste généralement par unrenforcement, au moins pour la cuisson, du modèledual urbain/rural : la biomasse en milieu rural, lecharbon de bois et le gaz ou le kérosène en milieuurbain. Le monde rural et les populations les pluspauvres des milieux urbains ne participent que trèsfaiblement à cette transition énergétique en gesta-tion depuis une vingtaine d’années. Les mécanismesde la transition pérennisent l’exclusion des couches lesplus défavorisées qui continuent à s’approvisionnerhors des énergies commercialisées: toute exclusion descircuits de revenus monétaires (et en l’absence demécanismes de redistribution) est par définitionexclusion des formes d’énergie commercialisées. Deplus, les programmes ou les projets énergétiques exis-tants ou en cours d’élaboration ne considèrent pas de

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manière explicite la problématique énergétique despauvres. Les politiques énergétiques de subvention-nement global du secteur, de ciblage des subventionsdistribuées sur une énergie ou un appareil donnés, oude taxations des consommations des plus aisés pré-sentent bien souvent des effets pervers vis-à-vis desplus pauvres3. L’énergie humaine reste alors bien sou-vent encore le palliatif pour un certain nombred’usages comme la force mécanique, en particulier enmilieu rural (transformation des céréales, approvi-sionnement en bois, exhaure de l’eau, etc.).

Pour une approche communautaire et décentralisée L’amélioration de la situation des pauvres, tout le

monde le constate, passe par l’accession rapide à uncertain nombre de «biens publics» essentiels commel’eau, la nourriture et la santé, et donc la créationd’activités économiques permettant soit de produireces biens, soit de se les procurer sur le marché.Comment avancer dans ce domaine grâce aux équi-pements énergétiques? La réussite des expériencesde mise en place de plates-formes multifonction-nelles comme au Mali montre l’intérêt d’une approchecommunautaire : à partir d’un moteur diesel entraî-nant divers équipements tels que des moulins, décor-tiqueuses, alternateurs, chargeurs de batterie, pompes,postes de soudure, machines de menuiserie, etc., la vieen milieu rural peut être radicalement modifiée. Laplate-forme permet d’alléger les travaux pénibles desfemmes en leur libérant du temps qui pourrait êtreconsacré à l’éducation, à l’entretien des enfants, àl’amélioration des conditions sanitaires mais aussi àdes activités génératrices de revenus. En fournissantla possibilité d’une diversité de services énergétiques,la plate-forme permet de donner une impulsionimportante aux différents domaines économiques etsociaux du monde rural (transformation alimen-taire, irrigation, santé, artisanat traditionnel et méca-nique, etc.).

Ainsi posée en termes de développement local etde bien collectif, l’introduction des équipements éner-gétiques, y compris ceux qui utilisent les énergiesrenouvelables (éoliennes, biodigesteurs, solaire, etc.),constitue une réponse au problème endémique de lapauvreté. Partir des besoins des plus défavorisés, tra-vailler avec des groupes de base (village, communes,associations, etc.) et procéder par une approche décen-

tralisée, mais communautaire, dans laquelle les popu-lations locales sont directement impliquées, paraîtde nature à changer significativement la donne pourles plus pauvres. Cela nécessite l’adhésion et la parti-cipation des populations. Mais lorsque les populationssont associées à la gestion des équipements d’électri-fication par exemple et qu’une tarification adéquateest négociée avec les populations, on enregistre destaux de raccordement de 95%, là où l’électrificationclassique par réseau obtiendrait moins de 10%.

LA MAÎTRISE DE LA DEMANDE D’ÉNERGIE ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE Chacun sait aujourd’hui que la maîtrise de lademande d’énergie, c’est-à-dire la recherche systé-matique de l’efficacité énergétique maximale pourun service déterminé (le confort thermique, la conser-vation ou la cuisson des aliments, les transforma-tions industrielles, la mobilité des personnes et desbiens, etc.), est une condition première du dévelop-pement durable. Tous les scénarios du long termeau niveau mondial montrent à l’unisson la nécessitéde cette maîtrise sans laquelle la ponction sur les res-sources rares et les atteintes à l’environnement globaldeviendraient rapidement si intenses que le déve-loppement de l’humanité, voire sa survie seraient encause. Parmi les marges de manœuvre, à servicesrendus inchangés, c’est de loin la plus importantepour le siècle qui vient, bien avant les substitutionsd’énergie (nucléaires ou renouvelables4).

Mais derrière ce consensus au niveau du discoursquelles sont les réalités concrètes?

Dans les pays industrialisés Les politiques de maîtrise de la demande d’énergie yont bien du mal à se mettre en place ou à se péren-niser dans le contexte de faibles prix des énergies fos-siles et de dumping qui accompagne souvent la libé-ralisation des marchés.

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3. «Énergies renouvelables et pauvreté», Y. Sokona et J. Ph.Thomas, Enda, Cahiers de Global Chance n° 15, février 2002.

4. Voir par exemple «Les défis du long terme» Commissionénergie 2010- 2020, Atelier 4, Commissariat général duPlan, France 1998.

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Les objectifs des politiques de maîtrise de l’énergierestent modestes, souvent bien inférieurs aux poten-tiels économiquement mobilisables et rentables pourla collectivité, les moyens financiers ou incitatifs remisen cause à la moindre occasion, sous la pression desgrands lobbies industriels (les pétroliers, l’industrienucléaire, les transporteurs routiers, les construc-teurs automobiles, etc.).

La mode du moins d’État et moins d’impôts rendsouvent difficile la mise en place de taxes incitativesnouvelles même si elles sont compensées par desdiminutions de charge sur d’autres facteurs de pro-duction comme l’emploi par exemple.

La privatisation de pans entiers des servicespublics (comme le rail au Royaume-Uni) a accéléréencore le rythme de régression des systèmes de trans-port les moins voraces en énergie et les moins dépen-dants du pétrole.

Les agences publiques chargées de l’animationdu secteur maîtrise de l’énergie, quand elles existent,ont des effectifs et des moyens financiers trop faiblespour impulser les partenariats nécessaires avec lescollectivités locales, les entreprises et les particuliers.La plupart du temps, elles dépendent d’un ministèrede l’industrie plus préoccupé par la productiond’énergie, et les entreprises dont il souhaite soutenirla croissance, que par la maîtrise de la demanded’énergie. Parfois ce sont les ministères de l’environ-nement qui ont la charge de ces structures, mais leursmoyens sont généralement dérisoires et leur influencemineure en comparaison aux puissants ministèressectoriels comme l’agriculture, l’industrie, l’équipe-ment ou les transports.

Pour la classe politique, la visibilité d’une actionde maîtrise de la demande d’énergie est bien sou-vent bien moins claire que celle d’un nouvel outil ouentreprise de production, bien que les bénéfices col-lectifs que peuvent en attendre ses mandants soientparfois très importants.

Quant au comportement énergétique du parti-culier, il est tout d’abord dépendant de la nature desinfrastructures dans lesquelles il organise son exis-tence, la nature de l’urbanisme, la qualité des habita-tions, les distances domicile travail, la présence ou nonde transports en commun, etc. (on trouvera plus loin

un paragraphe spécifiquement consacré à cette ques-tion majeure). Au-delà de ces contraintes, il reste trèspeu informé des marges de manœuvre dont il pour-rait disposer pour conjuguer ses propres objectifs dedéveloppement et de confort et une moindre consom-mation d’énergie. Il est, d’autre part, soumis à unepression médiatique réductionniste centrée sur laperformance et l’événement dans laquelle la maîtrisede la demande d’énergie figure rarement5. Enfin, lapart de l’énergie dans son budget lui reste en généralune inconnue presque complète (sauf pour l’essencedans les pays européens où les taxes sur les carburantssont relativement élevées) : qui serait capable dereconstituer les éléments de sa facture d’électricité enFrance par exemple? Dans ces conditions, comments’étonner que son comportement d’achat reste lar-gement indépendant des coûts futurs de fonctionne-ment énergétique que son choix initial risque d’en-traîner ? Tous ces facteurs de freinage égalementrépartis dans l’ensemble des milieux socio-écono-miques expliquent en grande part pourquoi les poli-tiques de maîtrise de la demande d’énergie, pour-tant citées aux premières places dans bien des discoursdes pouvoirs publics ne font l’objet que de réalisationsmineures, sans que personne ne s’en émeuve vrai-ment.

Un exemple significatif : la Commission Euro-péenne dans son dernier livre vert sur l’énergie insistetrès fortement sur la nécessité d’engager une politiquede maîtrise de l’énergie ambitieuse sans laquellel’Union européenne risque à la fois une dépendanceénergétique dangereuse et des problèmes d’environ-nement majeurs. Mais les scénarios qui viennent àl’appui de cette thèse présentent des situations dedemande énergétique ridiculement proches les unesdes autres (moins de 5 % d’écart entre scénariosextrêmes) en 2020, mais avec des mix de ressourcesénergétiques très diversifiés. Sans aucune scénarisa-tion d’une politique volontariste de maîtrise del’énergie, comment mettre en relief l’intérêt, leslimites, les coûts et les effets pervers éventuels d’unetelle politique? D’ailleurs aucun moyen, ni institu-tionnel ni financier n’est explicitement prévu à l’appui

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5. On imagine difficilement le très médiatique Paris Dakarsans vroum-vroum et sans débauche d’hélicoptères et autresengins énergivores.

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de la priorité décrite par la Commission. La maîtrisede l’énergie reste donc largement du domaine philo-sophique ou moral « un supplément d’âme » parnature inchiffrable!

Dans les pays en développement Aborder la question de la maîtrise de l’énergie, sou-vent assimilée à l’économie d’énergie, voire à la res-triction d’énergie pour des pays et des populations quin’y ont pas accès ou qu’un accès parcimonieux appa-raît souvent comme totalement incongru, surtoutquand ce sont des représentants des pays les plus dis-pendieux en énergie qui en font la proposition.D’autant que le discours est souvent assorti de pro-positions visant au nom de «la vérité des prix» à lasuppression des subventions (cachées ou non) à cer-taines de ces énergies, pour provoquer chez lesconsommateurs des comportements plus économes.Mais comme ces propositions ne sont généralementpas assorties de solutions alternatives (subventions àl’achat d’appareils plus performants, prêts bonifiés,etc.) les mesures proposées se révèlent pratiquementimpossibles à mettre en œuvre par les pouvoirspublics, qui craignent avec raison des réactions trèshostiles des populations concernées dont la possibi-lité d’accès à un minimum d’énergie risque de serétrécir encore.

D’autre part, les mesures de maîtrise de l’énergiesupposent l’achat de matériaux et d’appareils dont lescoûts d’investissement découragent les acheteurséventuels, même si leur emploi est susceptible dedégager des économies importantes à court terme.

Enfin, les pouvoirs publics des pays à démogra-phie rapidement croissante sont confrontés à unesérie de problèmes majeurs et urgents (le logement,l’éducation, la santé, l’acheminement des produits, laproduction industrielle) qui relèguent bien souventau second plan les conséquences à long terme deleurs décisions et par conséquent les investissementspublics de maîtrise de l’énergie.

Certes le tableau précédent n’est pas général et ilexiste des pays au sein de la francophonie aussi biendu Nord que du Sud où des politiques sectorielles demaîtrise de l’énergie ont réussi à se mettre en place età se maintenir. Mais ce n’est pas le cas général et les

expériences des uns et des autres ne sont guère échan-gées au sein de la communauté. L’espace francophoneparaît parfaitement adapté à la mise en relief des expé-riences réussies, à cette information réciproque à cettecoopération à la fois Nord-Nord, Nord-Sud et Sud-Sud au service de l’objectif commun.

Dans l’ensemble des pays du monde enfin, lesconcepts de maîtrise de l’énergie, d’efficacité énergé-tique ou d’économie d’énergie renvoient presquetoujours à la performance énergétique d’appareils,qu’il s’agisse du rendement des centrales électriques,de la consommation des voitures, de l’efficacité desappareils de chauffage ou de froid, de la consomma-tion des appareils ménagers, etc. Les politiques éner-gétiques, quand elles s’intéressent à la maîtrise del’énergie, s’adressent en priorité à l’amélioration desperformances de ces différents outils, par la recherche,par la réglementation, par des mesures incitatives.

Mais elles omettent presque toujours de s’inté-resser aux infrastructures dans lesquelles sont uti-lisés ces divers appareils qu’il s’agisse de la nature del’urbanisme, de l’aménagement du territoire et de lagéographie de la production industrielle, de laconception bioclimatique de l’habitat, de la nature desdifférents réseaux (réseaux de transport, d’eau, d’élec-tricité). Pourtant ces choix initiaux d’infrastructuresont des conséquences souvent très importantes sur lademande d’énergie.

Les choix d’urbanisme par exemple (habitat denseou dispersé) ont des conséquences majeures sur lesdépenses énergétiques des ménages. Un habitant deLos Angeles dépense 6 fois plus d’énergie pour sesdéplacements quotidiens qu’un Parisien ou un habi-tant de Kyoto. Une maison convenablement isolée etbien conçue consomme 3 à 4 fois moins d’énergie dechauffage ou de refroidissement, pour le mêmeconfort, qu’une maison ordinaire. Le transport fer-roviaire de marchandises par le rail consomme 5 foismoins d’énergie que le transport routier, etc.

Plus important encore est le fait que les infra-structures en question ont des durées de vie presquetoujours supérieures à 50 ans voire 100 ans. L’enjeuest donc considérable pour la maîtrise de la demanded’énergie, mais il reste généralement presque inconnudes décideurs publics en charge de leur édification.

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COMMENT PALLIER CES DIFFÉRENTES DIFFICULTÉS AU NORD COMME AU SUD ? Il est bien évident que, sans une impulsion nouvelleau niveau international, la maîtrise de la demanded’énergie restera la dernière roue du carrosse despolitiques de nombreux pays industrialisés et en déve-loppement même si les discours y font des référencesmarquées. C’est pourtant une part essentielle despolitiques de protection de l’environnement et desressources naturelles. Il est donc indispensable defaire de la maîtrise de l’énergie un des objectifsmajeurs de l’agence mondiale de l’environnement quede nombreux pays francophones appellent de leursvœux pour gérer et défendre les grandes conventionsd’environnement (climat, biodiversité, désertifica-tion, etc.).

Il faut bien évidemment aussi que les pays indus-triels, les plus dispendieux en énergie et les premiersresponsables des émissions de gaz à effet de serre,montrent l’exemple. Ils doivent changer de vitessedans le domaine de la maîtrise de la demanded’énergie en la plaçant au centre de leur stratégie,plutôt que de consacrer l’essentiel de leurs forces à lamise en place de filières de substitutions ou à desmesures palliatives aux dégâts environnementaux pro-voqués par une consommation exponentielle d’énergie(captation et enfouissement du CO2, transmutation etenfouissement des déchets nucléaires etc.).

Mais pour cela il faut réunir trois conditions:

• Une meilleure prise de conscience citoyenne desenjeux de telles politiques sans laquelle les pou-voirs publics qui les représentent auront toujoursla tentation de donner prioritairement satisfactionaux producteurs d’énergie et à leurs alliés natu-rels (en particulier le transport routier). L’exempleencore trop peu suivi des agendas 21 locaux pour-rait devenir un levier puissant de cette prise deconscience citoyenne au niveau des lieux de viedes populations.

• Un recentrage des politiques de maîtrise de lademande d’énergie vers un aménagement du ter-ritoire et la réalisation ou la réhabilitation d’in-frastructures orientées vers la maîtrise de l’énergie.Il y a là un enjeu majeur qui suppose une for-mation et une information des divers décideurs

politiques et administratifs actuellement encoretrès peu conscients de l’importance des consé-quences énergétiques et environnementales deleurs décisions.

• Un repositionnement des agences chargées d’im-pulser ces politiques à un niveau suffisammentélevé (auprès du Premier ministre ou du Ministrede l’économie), pour pouvoir agir en concertationavec l’ensemble des secteurs économiques etsociaux.

En ce qui concerne les pays en développement, lesmêmes recommandations pourraient bien évidem-ment s’appliquer, mais deux éléments spécifiques s’yajoutent : la nécessité d’une coopération et d’une aideau financement de ces politiques par les pays riches,l’importance encore plus grande des choix d’infra-structures du développement économes en énergie defonctionnement puisque ces pays sont en pleine phasede construction de leurs infrastructures de base6.

La question est d’autant plus importante qu’elleéchappe largement à la logique de marché qui gou-verne de plus en plus les rapports Nord-Sud. On dis-pose d’un exemple pratique à travers le mécanisme dedéveloppement propre, bien taillé pour provoquer dessubstitutions d’énergie (gaz contre charbon, éner-gies renouvelables, etc.) par un mécanisme de marché,mais incapable de fait d’orienter les investissementsd’infrastructure (urbanisme, logement, réseaux detransport) vers des solutions plus économes enénergie à long terme.

C’est le sens du second Appel de Bellevue qu’ontrouvera en annexe et qui propose au niveau européenla création d’un fonds de coopération précisémentconsacré à ces questions de choix «d’infrastructureséconomes en énergie».

Cette idée mériterait sans doute d’être reprisedans le cadre de la francophonie et portée àJohannesburg.

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6. Dans les pays développés, la part des investissements denouvelles infrastructures est souvent plus faible que celle dela réhabilitation ou du renouvellement d’infrastructuresexistantes.

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ÉNERGIES RENOUVELABLES ET DÉVELOPPEMENT DURABLE Confrontés aux craintes de réchauffement du climatet sensibilisés après l’attentat du 11 septembre à la fra-gilité des systèmes énergétiques hypercentralisés quisont la règle dans les pays industrialisés, nombreuxsont ceux qui dans ces pays voient dans le dévelop-pement des énergies renouvelables une réponsemajeure (aux côtés ou non du nucléaire) aux diffé-rents problèmes du siècle qui s’ouvre. Les organisa-tions internationales, de l’ONU au G8, proposentdes plans de relance des énergies renouvelables,l’Europe promulgue des directives, l’OfficeParlementaire des Choix Scientifiques et Techniquesfrançais y consacre un rapport et propose des prio-rités controversées. Bref, dans les pays industrialisésexiste une vogue nouvelle pour ces nouveaux modesde production d’énergie.

QUELS ENJEUX AU NORD ET AU SUD, QUELLE RÉALITÉ DERRIÈRE LES DISCOURSDES UNS ET DES AUTRES, QUELLES PERSPECTIVES ET QUELLES PRIORITÉS ? On range sous le terme d’énergies renouvelables unensemble d’énergies inépuisables à l’échelle humaine7,la plupart issues de l’activité solaire mais qui se mani-festent à travers des phénomènes physiques très diverset qui peuvent être transformées par des moyens plusou moins sophistiqués en énergie directement utile àl’homme. C’est ce qu’on appelle une «filière énergé-tique», notion qui recouvre à la fois l’origine de l’énergiemais aussi le besoin final qu’il s’agit de satisfaire.

Cette notion n’est évidemment pas spécifiqueaux énergies renouvelables et s’applique aussi bien auxénergies fossiles. Mais quand on dispose par exemplede pétrole, un concentré d’énergie aisément trans-portable et stockable, on peut fournir indifférem-ment de la chaleur, de l’électricité ou du carburant.Dans le cas des énergies renouvelables au contraire,des spécificités s’introduisent, des applications privi-légiées à des besoins déterminés apparaissent, desimpossibilités pratiques aussi, qui viennent restreindrela possibilité pratique d’usage de ces énergies et celapour deux raisons principales :

• D’abord parce que ces énergies ne sont pas toutesconstamment à notre disposition « à l’étatnaturel». Comme on ne sait généralement pasou mal stocker ces sources d’énergie, dans leur étatnaturel, (à l’exception du bois), on n’est pas sûrd’en disposer au moment où on en a besoin.

• Ensuite parce que ces énergies sont dispersées etgénéralement peu transportables sous leur formeoriginelle, à l’exception notable du bois qui setransporte bien.

Il existe aujourd’hui une dizaine de filières d’éner-gies renouvelables qui méritent une attention parti-culière parce qu’elles représentent dès maintenantou à court ou moyen terme un potentiel importantau niveau mondial. Certaines d’entre elles ont atteintle stade du marché ou de la démonstration techniqueet économique, au moins dans des zones et des cir-constances favorables et sont capables de répondre àdes besoins importants de nombreuses régions dumonde. D’autres encore en développement présententdes potentiels importants à moyen et long terme.

Le tableau 1 qui les regroupe est établi en croisantles principaux besoins énergétiques et les sourcesd’énergie renouvelable. On a indiqué par des croix lescases qui correspondent pour chaque source renou-velable aux applications les plus significatives (decinq croix pour les principales à une pour celles quirestent marginales)8.

L’observation de ce tableau confirme qu’en dehorsde la biomasse dont les applications peuvent couvrirpratiquement tout le spectre des usages, y compriscelui de carburant (pour deux de ses filières), la plu-part des sources renouvelables se voient cantonnées

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7. Ce n’est vrai pour la biomasse par exemple que si l’on secontente d’une exploitation ne mettant pas en cause lecaractère renouvelable de cette ressource.

8. Cette classification prend en compte à la fois l’adéquationde la filière aux besoins exprimés et l’importance du poten-tiel de l’application envisagée: par exemple, le photovoltaïqueà la fois très bien adapté à l’application électricité horsréseau et à fort potentiel d’usage dans de nombreuses par-ties du monde obtient la note ***** Le même photovoltaïqueobtient la note ** seulement pour l’électricité sur réseau etce pour des raisons principalement économiques de concur-rence avec d’autres filières électriques.

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Tableau 1: Les principales filières renouvelables et leurs usages

Ordre de grandeur Eau chaude Chauffage Cuisine Chaleur Électricité Électricité Carburantsdes potentiels sanitaire des locaux industrielle hors réseau sur réseaud’application MT et HT

I. Solaire

Solaire thermique

Capteurs plans ***** *****

Concentration ** *

Solaire thermodynamique1 ***

Solaire photovoltaïque ***** **

II. Hydraulique

Grande hydraulique > 10 MW *****

Petite hydraulique ***** *****

Marémotrices ***

III. Éolien

< 50 kW *****

>50 kW *****

IV. Énergie des vagues ** **

V. Géothermie

basse température < 100 ºC ***** ****

haute température > 200 ºC ***

VI. Énergie thermique des mers **

VII. Biomasse

Déchets organiques

Incinération **** **** **** ****

Méthanisation **** **** **** **** **** **** ***

Bois énergie

Bois de feu hors commercial *** ***** ***** ***

Bois moderne2 ***** ***** ***** ***** **** *****

Cultures énergétiques

Taillis, forêts *** *** *** **** *** *****

Colza, canne, betterave, maïs *****

Légende:1. Solaire thermodynamique: centrales solaires du type themis, luz, etc. à concentration avec chaudière vapeur et turbines.2. Chaudières à bon rendement, fourneaux fermés, etc.

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à une ou deux applications significatives et ne sont pasnaturellement adaptées à tous les usages.

Quels potentiels pour ces différentes filièresau Nord et au Sud? En respectant l’esprit précédent d’association dechaque source d’énergie à ses possibilités d’usagerégional on peut analyser les potentiels de chacune desfilières dans les pays développés et dans les pays endéveloppement, aujourd’hui et à plus long terme9.

Cette analyse qualitative, quantitative et géogra-phique des enjeux pour les différentes filières montrequ’on devrait fortement nuancer l’approche répandueselon laquelle les énergies renouvelables sont avanttout un enjeu pour le développement des pays duSud. En fait, si l’on tient compte des besoins à satisfaire,les potentiels globaux raisonnablement mobilisablesau Nord et au Sud sont voisins (même s’ils sont trèsdifférentiés, filière par filière) : 850 Mtep supplémen-taires au Nord et 1050 Mtep au Sud dans les annéesqui viennent.

Mais l’accès à ces potentiels renouvelables estbeaucoup plus facile dans les pays du Nord que dansles pays en développement. Dans les pays industria-lisés en effet, le problème de l’introduction des renou-velables n’est principalement qu’une affaire de substi-tution sur un marché existant, très développé et solvable.Dans les pays du Sud, au contraire, il s’agit bien sou-vent de développer l’accession à des services énergé-tiques inexistants ou très insuffisants, en faveur deconsommateurs pauvres, dans des zones dispersées,et dans des conditions techniques et de risque défa-vorables, donc de bâtir une réponse à la question«qui pourra payer quoi? »

La responsabilité du Nord La première responsabilité des pays du Nord estdonc de dépasser le discours actuel qui semble n’ima-giner un réel développement des énergies renouve-lables qu’au Sud et de changer de rythme d’intro-duction de ces énergies au niveau domestique.Nombre de technologies ont atteint un degré dematurité technique suffisant pour permettre leurdiffusion. Au Nord, les industries pour les produireexistent même si elles n’ont pas encore atteint leurtaille optimale, les surcoûts économiques initiaux

de ces énergies (quand ils existent) restent la plupartdu temps tout à fait acceptables pour les usagers oula société. Enfin, il existe une panoplie d’outils éco-nomiques dont on commence à bien connaître lesavantages et les effets pervers éventuels, pour accom-pagner l’effort industriel et la diffusion des produitssur le marché.

Reste donc principalement à dépasser les bar-rières culturelles et politiques qui freinent ce déve-loppement sans lequel tout discours sur les énergiesrenouvelables, le développement durable (en parti-culier la lutte contre le changement climatique) et lespays du Sud restera largement inopérant. Ce dépas-sement suppose la mobilisation citoyenne en faveurdu développement durable. Tant que le débat sur cesquestions restera cantonné au seul dialogue entrepouvoirs publics et lobbies industriels, il y a en effettoutes les chances que la question du développementdes énergies renouvelables reste totalement marginale.

Quelle cible pour la coopération? Au moment où la coopération Nord-Sud tente deredéfinir ses objectifs autour de la notion de «bienscommuns globaux» (l’accès à l’eau, à l’énergie, à lasanté, à l’éducation, à la mobilité, etc.), et où il a étédécidé dans le contexte international que les finan-cements Nord-Sud vont de plus en plus abonder lesbudgets des pays hôtes (plutôt que des projets souventdéfinis par les bailleurs), la pertinence des solutionsrenouvelables proposées par les industriels du Nordvis-à-vis des besoins d’un accès à l’énergie le plusfavorable au développement des PED et à la luttecontre la pauvreté ne va pas de soi.

Dans un très grand nombre de cas en effet, l’uti-lisation rationnelle d’énergies fossiles se révèle plusaccessible aux PED que les renouvelables, par manqued’industries et de capacités de maintenance locale etplus encore peut-être pour des raisons purementfinancières. La situation présente est bien sûr sus-ceptible d’évoluer, mais cela suppose d’établir avecchaque pays du Sud une stratégie pluriannuelle de

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9. Voir par exemple « Où, combien, comment » Cahiers deGlobal Chance no 15 (février 2002) ou «Le potentiel mon-dial des énergies renouvelables», B. Devin, B. Dessus, F.Paharabod, La Houille Blanche, 1992.

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développement énergétique indexée sur ses propresschémas de développement économique et social.

L’effort de financement de la diffusion des éner-gies renouvelables dans les PED par les bailleurs duNord est encore souvent très décalé par rapport auxbesoins réels de développement des PED. C’est le cas,par exemple, pour l’électricité photovoltaïque quibénéficie de programmes beaucoup plus importantsque la modernisation de l’utilisation de bois de feu etde la biomasse (chaleur industrielle, électricité) de lapart des grands bailleurs, alors que les enjeux entermes de développement économique, industriel etsocial sont bien plus significatifs pour la biomasse.

Il ne faudrait pas que l’aide publique au déve-loppement, indispensable à une analyse sérieuse dessolutions les plus adaptées à leur dynamique et à unfinancement au cas par cas des besoins d’accès àl’énergie des PED soit en fait détournée au profitd’une aide à l’exportation et au développement desindustries des pays du Nord. C’est dans le cadre duchoix des ressources énergétiques, renouvelables ounon, les plus adaptées à la satisfaction des besoinsengendrés par le développement que les énergiesrenouvelables ont un rôle majeur à jouer.

Mais si nous ne voulons pas gâter l’espoir qu’onpeut légitimement mettre dans l’émergence des éner-gies renouvelables au service du développementdurable, il est urgent de changer de vitesse chez nous,pays riches qui pouvons nous payer les surcoûts éven-tuels d’apprentissage de leur utilisation.

Nous le devons à la planète puisque nous sommesles premiers responsables des problèmes de change-ment climatique et, d’une grande part, d’autres pro-blèmes de pollution (océans, etc.), et nous pouvonsagir pour contribuer à dissiper l’image d’un Nordmonolithique, uniquement préoccupé par la libéra-lisation des marchés et le fonctionnement de l’OMC.

Nous le devons aussi aux pays du Sud, à la foispour leur laisser l’espace indispensable à leur déve-loppement, qui exigera sans aucun doute un recoursaccru aux fossiles, et pour leur transférer à terme destechnologies renouvelables sûres et bon marché.

Pour cela il faut, au Nord, définir soigneusementdes objectifs ambitieux mais raisonnables à 10 et 20ans pour chacun des couples énergie renouvelable :

• Usages les plus significatifs (la biomasse pour lechauffage et l’électricité, l’électricité éolienne, laconstruction et la réhabilitation bioclimatique, lechauffage solaire, etc.), compatibles avec les enjeuxqu’on peut assigner à chacun de ces couples dansles différents pays industrialisés, plutôt que de selaisser guider par les seules ambitions des lobbiesproducteurs.

• Ne pas changer d’avis tous les matins sur les prio-rités d’action comme nous le propose par exempleaujourd’hui le rapport de l’OPECST (Office par-lementaire des choix scientifiques et techniques)pour la France à propos du programme éolien, àpeine entamé, en tentant une diversion versd’autres programmes dont la justification nesemble pas guidée par des arguments chiffrés réa-listes.

• Inclure dans l’effort partenarial de coopérationcentré sur l’aide à la définition et au financementdes infrastructures de développement les pluséconomes en énergie et les plus respectueuses àlong terme de l’environnement dont nous avonsparlé plus haut une composante sur les énergiesles plus utiles à leur développement. C’est dans cecontexte de partenariat, de transfert de techno-logie, d’appropriation industrielle, économique etsociale que les filières renouvelables trouverontune place importante et efficace dans le dévelop-pement durable des pays du Sud.

L’ÉNERGIE NUCLÉAIREET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE Il n’est évidemment pas possible dans le contextefrancophone d’aborder la question «énergie et déve-loppement durable» sans faire allusion à la questiondu nucléaire. En effet, au sein de la francophonie, ontrouve des pays comme la France ou la Belgique dontl’approvisionnement électrique repose très majori-tairement sur l’énergie nucléaire, alors que dans laplupart des autres pays qui y recourent, sa proportiondans le bilan électrique dépasse très rarement un

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tiers. On sait aussi que le développement de cettefilière est un sujet majeur de controverse aussi biendans les pays qui disposent déjà de cette énergie (dansles pays francophones10) que dans les pays qui n’endisposent pas encore. Controverse qui porte, d’unepart, sur les risques de prolifération du nucléaire civilvers les applications militaires et, d’autre part, surles problèmes de développement durable et dans cecas sur au moins trois points :

• Controverse sur les risques d’accidents et la vul-nérabilité à des actes de malveillance et leursconséquences,

• Controverse sur les risques liés à l’aval du cycle eten particulier au devenir des déchets à longuedurée de vie,

• Controverse aussi sur la contribution potentielleau développement des pays en développementd’une filière qui se caractérise actuellement pardes tailles unitaires considérables d’outils de pro-duction, des pas d’investissement très élevés, lanécessité d’un investissement culturel et tech-nique particulièrement lourd.

Dans les pays francophones11, dans un contexte oùl’énergie nucléaire est présentée par ses défenseurscomme une contribution potentiellement majeure àla réduction des émissions mondiales de gaz à effet deserre, c’est sur trois problèmes principaux que seconcentre le débat :

• l’aval du cycle, le retraitement et le devenir desdéchets nucléaires ;

• l’acceptabilité sociale du risque d’accident ;

• la vulnérabilité de la filière aux actes de mal-veillance interne ou aux actes terroristes.

Au regard de ces questionnements majeurs il estbien évident que l’argument de l’absence d’émissionsde CO2, bien que parfaitement recevable, est loind’être suffisant pour trancher, malgré les effortsdéployés par les défenseurs de la filière pour réduirele débat à ce seul point.

Dans un débat de ce type plusieurs postures sontabondamment représentées :

– celle du lobby nucléaire et de nombreux ministèresde l’industrie qui argumentent à la fois sur l’ab-sence d’émission de GES, l’excellente fiabilité sup-posée de l’aval du cycle actuel (retraitement, Mox,vitrification des déchets et stockage souterrain) etles perspectives qu’ouvre le progrès scientifiquedans plusieurs directions, nouveaux réacteurs,transmutation, etc.

– celle de nombreux écologistes qui considèrentque le nucléaire est par nature antinomique de lanotion même de développement durable, prin-cipalement pour des raisons environnementaleset/ou de prolifération, à court et surtout à longterme.

Ces deux positions sont, bien évidemment, tota-lement inconciliables et le débat parfaitement vain surde telles bases.

Comment progresser? Si l’on veut bien admettreun instant le préalable selon lequel les conditionsactuelles d’édification et de fonctionnement du nucléairesont très loin d’être compatibles avec le développementdurable, mais en même temps que l’énergie nucléairecivile n’est pas forcément congénitalement condamnéeà demeurer pour les siècles qui viennent incompatibleavec la notion de développement durable, on pourraitreformuler la question sous la forme suivante:

• À quelles conditions devrait répondre le nucléairepour devenir compatible avec le développementdurable12 ?

• Comment et avec qui discuter démocratique-ment de ces conditions?

• Quel chemin emprunter pour y parvenir éven-tuellement? Pour aborder cette question, il estutile d’examiner comment la communauté inter-nationale s’est organisée pour tenter de pallierun autre risque majeur pour l’humanité, celui

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10. Alors, par exemple, que le gouvernement français continueà soutenir la filière nucléaire et la filière du retraitementdes déchets, le gouvernement belge a décidé d’un mora-toire sur le retraitement et envisage une sortie à terme dunucléaire.

11. Au contraire des pays anglophones où le débat porte beau-coup plus sur la prolifération.

12. Ceci n’implique d’ailleurs pas d’avance que l’on puisse éta-blir de telles conditions.

Page 53: Colloque International Francophonie et développement durable

du changement climatique dû aux émissionsanthropiques de GES.

Devant le risque annoncé par les scientifiquesmais aussi compte tenu des incertitudes encoremajeures sur les capacités technologiques de séques-tration du carbone émis par différents moyens13 lacommunauté internationale a choisi d’appliquer unemesure de prévention, « en attendant d’en savoirplus» et de s’engager dans une limitation progressivedes émissions de GES. D’où les engagements de Kyotoet l’intense négociation qui a suivi.

Dans le cas du nucléaire, il en va tout autrement.Devant les risques potentiels liés aux déchetsnucléaires par exemple mais aussi compte tenu despropositions de la communauté scientifique derésoudre la question à long terme par un programmed’acquisition de connaissances portant à la fois sur denouveaux réacteurs ou sur des méthodes d’inertagedes déchets par transmutation, les instances nationaleset internationales réagissent très différemment: au lieude s’engager dans une limitation programmée ducumul des déchets comme pour le C02 ces diversesinstances se contentent de lancer des programmesde recherche ambitieux dont les résultats potentielsne sont pas attendus avant plusieurs décennies etdont les conséquences pratiques sur le stock final dedéchets dangereux ne deviendront significatives qu’aubout d’au moins un siècle.

On voit par ces deux exemples que les méthodesemployées sont tout à fait divergentes. Le rapport« Étude économique prospective de la filièrenucléaire » au Premier Ministre français14, avaitremarqué cette dissymétrie d’analyse et proposé d’ou-vrir une réflexion sur cette question. En ces termes:

En ce qui concerne les déchets qui posent le plusde problèmes d’acceptabilité (les déchets à très longuedurée de vie et à haute activité), la question se pose parexemple de savoir si une réflexion, parallèle à celle quia été engagée pour la limitation des émissions de gaz àeffet de serre, peut être menée sur une limitation desstocks de déchets radioactifs à vie longue. Malgré desdifférences sensibles entre les deux questions, plusieursarguments plaident pour une telle approche:

– d’emblée, le problème concerne le très long terme,implique les générations futures et tout choix estgénérateur de fortes inerties ;

– l’état de la connaissance scientifique ne permetpas toujours aujourd’hui de quantifier les risquesencourus. D’où la nécessité de bien dissocier lerisque contre lequel il est possible de se couvrir(assurances et marchés à terme), du risque faceauquel le décideur doit agir en situation d’infor-mation incomplète.

Enfin, les performances du nucléaire en ce quiconcerne les rejets de gaz à effet de serre en font un outilpotentiel des politiques de réduction des émissions deces gaz. Sans un mécanisme équivalent aux quotasd’émissions, la substitution possible de l’énergienucléaire aux énergies fossiles pourrait entraîner uneexplosion du volume de déchets, y compris des déchetsà vie longue (sans compter d’éventuels nouveauxrisques de prolifération).

De la même façon, la question de l’acceptabilitésociale du risque d’accident (fortuit ou provoqué)mérite d’être reformulée pour permettre un véritabledébat. Le problème est en effet celui du risque associéà un accident de très faible probabilité mais auxconséquences catastrophiques, le produit de l’infini-ment petit (la probabilité) par l’infiniment grand(les conséquences). Il y a alors deux tendances : ceuxqui considèrent que c’est l’infiniment petit qui l’em-porte et ceux qui pensent que c’est le second terme quicompte. Mais dans la mesure où l’occurrence d’un telaccident n’est pas nulle (surtout si le terrorisme s’enmêle!), la vraie question que nous devons nous poserdevient alors: sommes-nous, ensemble de citoyens denos pays et du monde, prêts à accepter ou pas deprendre ce risque? La réponse à cette question nedépend évidemment pas des seuls scientifiques quipeuvent seulement nous apporter des informationssur la nature des risques et les conséquences d’unaccident.

À partir de ces deux exemples, on voit bien que laconstitution d’un début de réponse aux trois ques-tions précédentes suppose sûrement un type d’ap-proche qui combine à la fois :

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13. Comme la captation du CO2 des centrales thermiques et saséquestration en sous-sol ou dans les océans proposés parla communauté scientifique.

14. Étude économique prospective de la filière électriquenucléaire, J.M. Charpin, B. Dessus et R. Pellat, rapport auPremier Ministre, La documentation française, Paris 2000.

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• des mesures de prévention à court terme pouréviter la constitution exponentielle de stocks dedéchets, par exemple par une négociation dequotas à respecter comme à Kyoto pour le CO2,

• la mise en place de critères de développementdurable, discutés démocratiquement et dans latransparence pour toutes les filières énergétiques,y compris pour le nucléaire soumis traditionnel-lement à un secret qui n’a rien de légitime,

• la définition et l’adoption aux niveaux mondialet nationaux d’un chemin vers l’objectif ainsidéfini pour chacune des filières énergétiques, fos-sile, fissile et renouvelable (avec des objectifs derecherche et un calendrier d’engagementsconcrets, étape par étape, pour y parvenir).

Une telle démarche, homogène pour toutes lesfilières énergétiques, transparente et démocratique,sans a priori définitif sur telle ou telle filière, assortiede mesures de préventions à court et moyen terme etd’un cheminement vers l’objectif final de compati-bilité avec les critères retenus pour le développementdurable dans le cadre international, pourrait per-mettre de sortir du cercle vicieux dans lequel la dis-cussion est actuellement bloquée.

Dans une telle démarche, il serait essentiel que lespays en développement qui, aujourd’hui, ne disposentpas de cette technologie mais revendiquent légitime-ment la possibilité d’y accéder, puissent trouver leurplace en particulier pour apporter leur analyse de lacontribution des différentes technologies en présencepour leur développement.

QUELQUES ÉLÉMENTS DE CONCLUSION ET DE PROPOSITIONS Après ce tour d’horizon rapide de quelques-unes desquestions qui se posent à la communauté interna-tionale en termes d’énergie et de développementdurable, on souhaiterait insister ici sur quelquespoints qui pourraient faire l’objet de discussions plusapprofondies et conduire éventuellement à un mes-sage commun de la francophonie vis-à-vis de la com-munauté internationale à Johannesburg en septembreprochain.

On voudrait plaider ici pour six idées force:

• L’importance du respect de la diversité culturelledans la déclinaison des priorités et des moyens del’objectif commun du développement durable.

• La nécessité, pour définir les priorités et lesmoyens, d’inverser la logique habituelle (qui s’ap-puie d’abord sur la production d’énergie et sadistribution en négligeant largement l’analysedes déterminants de la demande de services éner-gétiques) et partir des besoins du développement,aussi bien au Sud qu’au Nord, pour remonter, àtravers les infrastructures, les appareils et les ser-vices, vers les moyens de production et distribu-tion d’énergie avec une attention particulière à lamaîtrise de la demande d’énergie.

• Dans ce contexte, l’importance à accorder auNord et peut-être plus encore au Sud au pro-blème du choix des infrastructures lourdes dudéveloppement (aménagement du territoire,urbanisme logement, réseaux de transport) pourcréer les conditions futures d’un développementéconome en énergie et la réflexion prioritaire àaccorder aux moyens d’APD à accorder à cetobjectif majeur.

• L’importance d’une analyse homogène, transpa-rente et démocratique des conditions de comp-tabilité des différentes solutions énergétiquesactuelles et futures vis-à-vis du développementdurable, en prenant soin de ne pas limiter cettenotion à celle de la protection de l’environne-ment ou de la préservation des ressources et d’enfaire le bilan du point de vue des nécessités dudéveloppement et de l’acceptabilité sociale.

• La nécessité d’un renforcement de la participationdes citoyens et des communautés locales dans ladéfinition des solutions énergétiques à leursbesoins de développement.

• L’intérêt de profiter pleinement de la chance queconstitue l’espace francophone comme lieud’échanges d’expérience de discussion et decoopération.

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La Conférence de Rio en juin 1992 a confirmé la néces-sité du développement et a souligné la nécessité d’uneapproche globale incluant la prise en compte de sescomposantes économiques, environnementales etsociales, aboutissant à la notion de développementdurable. Des objectifs de développement sont main-tenant fixés au niveau international. Ils concernentnotamment la suffisance alimentaire, l’accès à l’eau, àla santé, à l’éducation, l’égalité homme/femme…,tandis qu’émerge la notion de biens publics mondiauxqui doivent être préservés au titre de la solidarité inter-générationnelle. Des solutions concrètes doivent main-tenant être proposées pour remplir ces objectifs, enmobilisant au mieux les efforts de tous les acteurs,organisations internationales, gouvernements, admi-nistrations, collectivités locales, entreprises, sociétécivile. Un défi que l’ADEME contribue à relever.

UNE FORTE SYNERGIE « ÉNERGIE – DÉVELOPPEMENT DURABLE » Les dimensions économique, sociale et environne-mentale sont indissociables du développement durable.

Souvent cause de la dégradation de l’environne-ment mais aussi moyen indispensable à la satisfactiondes besoins essentiels au développement économique,l’énergie est au centre des débats sur le développementdurable.

Dans ce contexte, la planification énergétique quivise à répondre à la demande résultant du dévelop-pement ne peut être traitée sans que soit prise encompte la nécessité de réduire son impact sur l’envi-ronnement.

De la même façon, les mesures qui visent la pro-tection de l’environnement doivent intégrer les pro-blématiques économiques et sociales.

Les contraintes qu’implique le développementdurable doivent autant s’appliquer au monde déve-loppé qu’au monde en développement.

Toutefois, les pays développés doivent réaliser enoutre des efforts importants pour réduire l’impactqu’ont leurs activités sur l’environnement global, enapplication du principe de responsabilité différenciée,notamment pour la réduction de leurs émissions degaz à effet de serre.

Ils devront à cet égard respecter les obligationsqu’ils ont souscrites dans le cadre du Protocole deKyoto et contribuer notamment à différents méca-nismes visant le transfert de technologies et le déve-loppement de capacités (« capacity building ») Ilsabonderont à cet effet les fonds additionnels prévusà la dernière Conférence des Parties de la Conventionsur le changement climatique (Marrakech), au béné-fice des pays en développement et des pays les moinsavancés.

Dans les pays du Sud, le lien entre énergie etdéveloppement durable prend toute son importancelorsque l’on considère la difficulté d’accès à l’énergiequi caractérise le monde rural et souvent les zonespériurbaines. L’énergie est alors davantage à consi-dérer comme un moyen indispensable pour atteindreles objectifs du millénaire énoncés par les NationsUnies: lutte contre la pauvreté, accès universel à l’édu-cation et à la santé, égalité des genres, lutte contre la

Les partenariats internationaux mis en œuvre pour contribuer au développement durable : l’expérience de l’ADEME dans les pays du Sud

Michel HAMELINAgence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME)

France

ATELIER 1 – Études de cas

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faim, approvisionnement en eau potable… Dans lecontexte actuel, les sociétés rurales ne disposent sou-vent que du bois comme principale source d’énergie,tandis que la capacité de travail des femmes et parfoismême des enfants est essentiellement consacrée àl’accomplissement de tâches essentielles et péniblescomme la corvée d’eau, la mouture du grain, la col-lecte du bois, …

Ainsi, dans une logique de développementdurable, les solutions à proposer pour l’accès àl’énergie dans les pays du Sud devraient en premierlieu privilégier la réponse aux besoins fondamen-taux et au développement économique afin de luttercontre la pauvreté. Elles requièrent la mise en œuvrede solutions techniques adaptées au contexte local etde grande efficacité énergétique.

Ce choix doit procéder d’une analyse :

• de la demande et de la perspective de croissancede cette demande en fonction du développementlocal ;

• de la capacité à assurer localement le fonction-nement, la maintenance et la gestion;

• des capacités de financement (de la contributionlocale jusqu’à la mise en œuvre d’instrumentsfinanciers) ;

• de la disponibilité et de la maturité des tech-niques;

• des conditions locales (accessibilité au réseau,densité de la population, vent, soleil, etc.) ;

• des possibilités d’utilisation des produits résul-tants d’une bonne gestion des ressources locales(biomasse, hydroélectricité) ;

• de l’impact environnemental qu’il faut minimiser.

En général, dans les zones urbaines, du fait de laprésence du réseau électrique et de la plus forte den-sité de population, les problèmes à régler sont denature différente et concernent davantage:

• la continuité de la fourniture d’électricité notam-ment en période de pointe, et l’importance despertes non techniques;

• l’amélioration des usages spécifiques de l’électri-cité (éclairage, froid domestique, substitution duchauffe-eau solaire au chauffe-eau électrique,etc.) ;

• la production de chaleur pour la cuisson (diffu-sion du GPL, d’équipements économes, etc.) et lamaîtrise de la filière bois ;

• l’amélioration de l’efficacité énergétique dans lebâtiment (isolation thermique, architecture bio-climatique, etc.) ;

• l’amélioration et la gestion des transports urbainset la réduction de la pollution atmosphérique.

La résolution de ces problèmes nécessite que l’Étatet les collectivités locales disposent ou se dotent de lacapacité et des instruments économiques permet-tant de définir et de mettre en œuvre des politiquesvisant la réponse à la demande, et s’inscrivant dans laperspective d’un développement durable.

Le contexte de libéralisation du marché impose enoutre que l’État et les collectivités puissent aussiassurer leur responsabilité de régulateur pour que ledynamisme du marché contribue à la réduction desinégalités sociales au lieu de les aggraver.

Des actions de coopération régionale (par exem-ple interconnexions) peuvent par ailleurs contribuerà rationaliser le développement des infrastructures età réduire les risques découlant d’aléas climatiques.Elles n’en exonèrent pas pour autant les paysconcernés de la nécessaire mise en place de politiquesnationales notamment en matière d’efficacité éner-gétique et de mobilisation des sources locales etrenouvelables d’énergie.

La priorité accordée aujourd’hui à la probléma-tique de l’énergie ne doit toutefois pas conduire ànous détourner des autres problèmes qui lient l’en-vironnement et le développement, notamment enzones urbaines, où la gestion des déchets et deseffluents sont d’ores et déjà des facteurs d’impor-tance pour la santé des populations urbaines des paysdu Sud dont les villes connaissent une urbanisationgalopante.

44Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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L’ADEME, ACTEUR DU DÉVELOPPEMENTDURABLE AU NIVEAU FRANÇAIS L’ADEME, établissement public, a pour mission detravailler sur les questions d’énergie et d’environne-ment: utilisation rationnelle de l’énergie, dévelop-pement des énergies renouvelables, surveillance etprévention de la pollution atmosphérique, gestion,valorisation et traitement des déchets, réhabilitationdes sites contaminés.

L’ADEME intègre dans ces travaux les dimen-sions économiques et sociales. Elle est donc, au niveaufrançais, un acteur important de la politique nationalede développement durable.

Capacité d’expertise et de gestion d’instrumentsfinanciers, l’ADEME est au service de l’État, des col-lectivités locales, des entreprises, des associations et desconsommateurs, pour la mise en œuvre des politiquesnationales régionales et locales. Elle est ainsi un lieu dedialogue entre l’administration et la société civile.

Sur le plan national, elle est engagée dans la poli-tique de réduction des gaz à effet de serre, d’amélio-ration de l’efficacité énergétique et de développe-ment de la production d’électricité au moyen desénergies renouvelables en application de la directivecommunautaire. Elle doit en particulier dans ce cadrecontribuer à accroître la production d’électricité àpartir des énergies renouvelables, de 15% à au moins21% en 2010.

Elle contribue activement à la politique d’amélio-ration du traitement de la valorisation de déchets. Elleparticipe à l’effort national en matière de surveillanceet de réduction de la pollution atmosphérique. Elle joueun rôle actif pour le développement d’une politique destransports favorisant l’amélioration de la gestion destransports publics, la réduction des émissions des véhi-cules, et la mise en œuvre de nouveaux moyens pourassurer le transport de marchandises.

L’ACTION INTERNATIONALE DE L’ADEME,POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE Sur le plan international et forte de l’expérienceacquise aussi à travers les agences qui l’ont précédée,l’ADEME est fortement sollicitée pour intervenirdans le cadre de partenariats européens, ou au béné-

fice des pays de l’Est, des Nouveaux États Indé-pendants ou des pays du Sud.

Ses actions couvrent alors un vaste champ del’assistance technique institutionnelle jusqu’au mon-tage et à la réalisation de projets pilotes, en intégrantles aspects formation, la coopération scientifique ettechnique.

Elle en amplifie les résultats en recherchant l’effetlevier de financements extérieurs (financements fran-çais, européens ou multilatéraux) et développe despartenariats avec des opérateurs français et locauxpour en assurer la pérennité.

Dans les pays du Sud, il est possible de regrouperles interventions marquantes de l’ADEME autourdes grands thèmes suivants :

Le développement des politiques au niveau multilatéral L’ADEME est mise à contribution par le MinistèreFrançais pour aider à la formulation des positionsqui sont défendues par la représentation françaisedans un contexte multinational. Elle a, dans ce cadre,particulièrement contribué à la préparation des docu-ments de position européenne publiés sous Présidencefrançaise dans le cadre du processus européen de pré-paration de la CDD 9 consacrée à l’énergie, enavril 2001. Elle est maintenant associée dans le mêmecadre à la préparation d’une initiative européennesur l’énergie pour l’éradication de la pauvreté et ledéveloppement durable. Cette initiative mettra parti-culièrement l’accent sur la contribution que peuventapporter l’efficacité énergétique, les énergies renou-velables et les technologies propres, pour la réalisationdes objectifs internationaux du développement.

L’assistance à la définition et à la mise en œuvre de politiques nationales En Europe comme les pays du Sud, l’ADEME ou lesAgences qui l’ont précédée ont souvent servi demodèle pour le développement de structures homo-logues. L’ADEME a pu contribuer directement à lacréation de certaines d’entre elles en y apportant uneassistance technique et politique, et en réalisant avecelles des premières actions structurantes, avec descofinancements français. Ce fut notamment le caspour l’Agence Nationale des Énergies Renouvelables

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en Tunisie, l’Association Libanaise pour la Maîtrise del’Énergie et de l’Environnement (Liban), le Centre deDéveloppement des Énergies Renouvelables auMaroc.

L’Agence a contribué fortement avec son homo-logue espagnol IDAE à la création de l’AssociationMéditerranéenne des Agences de l’Énergie. Cetteassociation qui regroupe douze agences représentantl’Algérie, l’Égypte, l’Espagne, la France, la Grèce,l’Italie, le Liban, la Palestine, la Tunisie et la Jordanie,est maintenant reconnue par les principales organi-sations internationales travaillant dans la zone commeun interlocuteur incontournable sur les probléma-tiques de l’efficacité énergétique et le développementdes énergies renouvelables.

existantes au niveau des douars et appuyées sur desstructures permettant d’assurer la maintenance deséquipements. Les projets ont été ensuite définis pourchaque douar en fonction des caractéristiques dechaque implantation pour ce qui concerne la demande,la disponibilité des sources locales d’énergie (hydro-électricité, éolien, photovoltaïque, groupes électro-gènes). Plus de 30 villages ont été concernés par cetteopération qui a permis de jeter les bases du conceptd’électrification rurale décentralisée lors de la confé-rence organisée par le Maroc en 1995 (Marrakech). En1997, une nouvelle phase concernant 90 villages, inté-grée dans le Programme d’Électrification RuraleGénéralisé conduit par l’ONE a été lancée. La coopé-ration ADEME-CDER va maintenant s’étendre à denouveaux thèmes, notamment la maîtrise de l’énergieet les technologies propres.

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Des liens de coopérations particulièrement étroitssont entretenus par l’ADEME avec l’ALMEE. Ils por-tent sur des actions de formation dans les domainesde la qualité de l’air, de la gestion des déchets, et dela maîtrise de l’énergie. La contribution à la réalisa-tion de projets importants comme le volet du pro-gramme Méditerranéen Énergie Environnementurbain à Beyrouth, la contribution au projet financépar le FFEM sur l’efficacité énergétique dans le bâti-ment, l’organisation de conférences sur l’environne-ment urbain avec l’IEPF, ou des opérations dedémonstration, comme dans le domaine du stockagefroid et du solaire thermique.

La coopération CDER-ADEME

Depuis le début des années 1980, l’ADEME et leCDER coopèrent ensemble dans les domaines des éner-gies renouvelables, de la maîtrise de la demande d’élec-tricité. Les points forts de cette coopération ont été :

Les actions de formationDes plates-formes de formation ont été mises en

place concernant la mise en œuvre des énergies renou-velables (solaire thermique et photovoltaïque, hydro-électricité, éolien, ainsi que pour l’utilisation de groupesélectrogènes). Elles permettent la formation d’ingé-nieurs, de décideurs, de formateurs. Elles ont été asso-ciées aux grandes étapes du développement des pro-grammes marocains d’électrification rurale, le PPER, etmaintenant le PERG. Elles ont accueilli un nombreimportant de stagiaires (près de 800), et commencentà servir de base à des actions de coopération Sud-Sud(Maroc-Sénégal, Maroc-Mauritanie)

Le développement des programmes d’électrifica-tion rurale, en coopération avec l’ONEDe premiers projets pilotes ont été mis en œuvre

dans les années 1980. Les enseignements recueillis ontpermis d’aboutir à la définition d’un Programme dePré-Électrification Rurale développé à partir de 1987. Ceprogramme, partant de l’étude socio-économique deszones rurales isolées a permis de définir des modalitésde gestion fondées sur les structures administratives

Partenariat ADEME – PNUD MAE

« Plates-formes multifonctionnelles»La plate-forme multifonctionelle est une infra-

structure de base, acquise et gérée par des associationsde femmes, et composée d’un moteur diesel, d’équi-pements de transformation des produits agricoles(décortiqueuse, moulin, etc.) et d’un alternateur des-tiné à la production d’électricité. Le service énergétiquefourni par la plate-forme permet un accroissement deproductivité du travail en milieu rural. Celui-ciconcerne principalement le travail domestique des

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femmes (mouture du grain, décorticage, etc.) et dansune moindre mesure les activités génératrices derevenus (métiers de l’artisan impliquant une consom-mation d’électricité, broyage des noix de karité, etc.) Cetaccroissement de productivité se traduit pour lesfemmes par une réduction du temps consacré aux acti-vités domestiques, qui peut ainsi être utilisé pourd’autres activités. Le service énergétique fourni par laplate-forme entraîne ainsi non seulement une amélio-ration des conditions de vie de la femme mais égale-ment la diversification et le développement des activitésgénératrices de revenus qui garantissent ainsi la viabi-lité économique du service énergétique. Depuis 2000,l’ADEME et le Ministère des Affaires Étrangères sou-tiennent l’initiative de développement de ces infra-structures en milieu rural africain portée par le PNUDet l’ONUDI par la promotion de mesures d’efficacitéénergétique et la mise en place d’outils pour la forma-tion et le transfert des compétences.

Partenariat ADEME – EDF «Société de Services Décentralisés»

Les sociétés de services décentralisés sont des sociétés dedroit local, animées par des locaux, avec participationd’EDF et d’autres investisseurs au capital s’engageantdurablement à fournir un service énergétique dans unezone comprenant 10000 à 15000 clients. La gamme deservices est destinée à répondre à la fois aux besoins deconfort (éclairage, audiovisuel, etc.), productifs (petitepuissance pour l’artisanat, etc.) ou de première néces-sité (exhaure de l’eau, conservation de vaccins, etc.). Leservice, payé par le bénéficiaire, est fourni au moyen dedifférentes configurations technologiques (Kits PV,mini-réseaux éolien ou diesel) dont le choix dépend desbesoins et des conditions locales.

Le concept de Société de Services Décentralisés a étédéfini dans le cadre d’un partenariat étroit entrel’ADEME et EDF, qui fait appel pour sa mise œuvreautant aux associations (FONDEM, GRET, GERES, etc.)qu’aux bureaux d’études et autres entreprises (fournis-seurs de matériel, etc.). Les travaux menés en communavec EDF touchent à la fois les domaines de la formation,de la recherche et du développement de nouveaux outils(Système d’information géographique, etc.) ou de lamise en œuvre de projets de démonstration de solutionstechniques et méthodologiques nouvelles.

47 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

La problématique de l’accès à l’énergie en milieu rural Les méthodes conventionnelles d’électrification parextension des réseaux ne peuvent répondre à lademande légitime d’une population rurale disperséeà très faible niveau de consommation, faute d’une ren-tabilité suffisante.

Ce problème d’accès des populations rurales despays en développement à l’énergie peut néanmoinsêtre résolu dans le cadre d’une démarche conjointeavec les acteurs institutionnels et privés qui intègrentla demande (besoins vitaux, développement écono-mique, confort) et la recherche d’une offre technico-économique efficace énergiquement et viable écono-miquement: maîtrise de la demande et choix du typed’énergie en fonction du gisement local d’énergie (irra-diation, vent, hydraulique, etc.) et des coûts d’inves-tissement et de fonctionnement. La solution qui s’im-pose pour la fourniture d’énergie en milieu rural est parconséquent «multi-énergie» et «multi-service».

Pour atteindre l’objectif du changement d’échelledes projets aux programmes nationaux en matièred’énergie dans le monde rural, l’ADEME s’associe àdes partenaires privés et institutionnels tels qu’EDF,le PNUD, le MAE, la FONDEM, les ministères etagences spécialisées des pays du Sud afin de conduiredes actions structurantes pour le secteur:

• définition du cadre institutionnel ;

• recherche de nouveaux outils : système d’infor-mation géographique, logiciels de planification,offre technologique pour les besoins de puis-sance;

• mise en œuvre de solutions techniques nouvelles:mini-réseaux économes, « plate-forme multi-fonctionnelle»;

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• transfert nord-sud de plates-formes de forma-tions techniques, diffusion d’informations.

Cette démarche prenant en compte les besoins dela société civile, les impacts sur l’environnement et laviabilité économique a conduit à la définition deconcepts globaux tels que les sociétés de servicesdécentralisés à capitaux privés ou la gestion délé-guée. Dans ce cadre, le concours des acteurs privés etassociatifs est souvent sollicité pour la mise en œuvrede projets pilotes préalables permettant de tester lessolutions qui seront appliquées à plus grande échelleultérieurement.

La maîtrise de la demande d’électricité Dans les pays en développement, les tarifs de l’élec-tricité (surtout en secteur résidentiel) sont souventbien en dessous des coûts réels de production et dis-tribution et les carburants sont bien moins taxés qu’enEurope. Des tarifs sociaux amènent le kWh à un prixmoyen très bas pour la majorité des abonnés. Celaretarde l’émergence de marchés de l’équipement per-formant et maintient les comportements de gaspillagede consommateurs et opérateurs peu concernés. Lesecteur public de l’électricité est alors structurelle-ment déficitaire; le secteur pétrolier est en retard tech-nologique. Il s’ensuit un retard d’investissement, sou-vent un déficit de puissance et des délestages.

Diffusion de réfrigérateurs performants en zones rurales palestiniennes

Le projet, en collaboration avec la banque Cairo-Amman (CAB) et le Palestinian Energy & EnvironmentResearch Centre (PEC) vise la diffusion d’appareilsménagers performants, pour la maîtrise de la consom-mation d’électricité dans les villages palestiniens.

Les gros réfricongélateurs d’occasion absorbentdans ces villages 30 à 50% de l’électricité consomméepar les ménages, et le kWh est encore cher, même si lesprogrammes d’électrification de la PEA devraient àterme compléter la couverture du réseau.

Pour développer simultanément la demande etl’offre d’appareils performants adaptés, le Projet pour-suit quatre objectifs complémentaires :

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• la sensibilisation des ménages et des distributeursd’électroménagers appuyée sur la certification et lalabellisation,

• le lancement d’une offre concurrentielle d’appareilsneufs performants,

• la diffusion en 3 ans de 20000 appareils perfor-mants en facilitant les achats des ménages parcrédit bonifié, primes dégressives et groupementdes commandes,

• l’amélioration progressive du marché de l’occa-sion, (formation des artisans, charte volontaire dequalité, accès au label des appareils d’occasion per-formants).

Étalé sur 3 à 4 ans, le Projet se découpe en troisphases : mobilisation des acteurs jusqu’à la premièrecommande de la CAB, puis développement concur-rentiel de la demande et de l’offre, enfin consolidationd’un marché durable sous réglementation du neuf,avec assainissement du marché d’occasion, et aide à lamise en place d’une production locale performante.

Budget et plan de financement: Pour un cumulinvesti par la CAB atteignant 23 m Euro sur 3 à 4 ans,la contribution demandée au FFEM est de de 1,8 mEuro.

Il permettra d’éviter l’émission de 316000 tonnesde CO2 sur 12 ans.

Le secteur résidentiel absorbe souvent 35 à 60%de l’électricité et explique de l’ordre de 70 à 80% dela pointe. Hors chauffage, trois usages dominantsexpliquent près de 85 % de la consommation desménages: réfrigérateur (et ventilation), 40%; éclai-rage, 25%; TV Vidéo 20%. À court terme, les lampesincandescentes pourraient être remplacées par deslampes performantes de qualité. Le parc de réfrigé-rateurs et TV Vidéo ne peut être renouvelé qu’en 10à 15 ans.

À terme une réglementation s’impose pour ratio-naliser durablement la demande d’énergie et modérerla demande de climatisation et/ou de chauffage. Enmixant réforme tarifaire, certification énergétique et

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réglementation et l’intégration d’instruments finan-ciers, il est en effet possible à terme d’aplatir lescourbes de charge.

Ces opérations doivent associer des élémentsstructurants que sont :

• l’information des décideurs publics et privés ;

• des tarifs des énergies cohérents, prenant mieux encompte les coûts réels et les externalités ;

• des réglementations énergétiques pour les secteursà forte incidence: certains appareils ménagers ;

• des technologies performantes permettant de satis-faire, voire devancer les réglementations;

• des formations à effet multiplicateur, sur les élé-ments clés : campagnes de mesures, normalisa-tion, certification.

L’efficacité énergétique dans le bâtiment La faible efficacité énergétique des bâtiments nou-veaux qui sont construits dans les pays en dévelop-pement détermine durablement leur consommationénergétique. Il faut en effet considérer la durée de vieimportante des constructions et la faible fréquence desopérations de remise en état.

Ainsi les mesures qui pourraient être prises dèsmaintenant et à des coûts localement acceptables,pour améliorer l’efficacité énergétique des construc-tions ou pour réhabiliter les bâtiments existants peu-vent avoir des conséquences importantes et durablessur les consommations d’énergie et sur la réductiond’émissions de gaz à effet de serre.

Efficacité énergétique dans le bâtiment en Chine

Lancé en 1999, ce projet se déroule maintenant àHarbin, Beijing et Shenyang. Il concerne plus de800000 m2 de planchers construits dans des régions oula température hivernale est très rigoureuse jusqu’à –40 ºC Les propositions faites aux promoteurs chinoisont concerné:

• la modification de l’orientation des bâtiments pourmaximiser l’apport solaire ;

49 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

• la modification des plans masse pour réduire lessurfaces de murs extérieurs ;

• la réduction des ponts thermiques;

• l’isolation par enduit isolant extérieur;

• l’isolation en toiture;

• la modification de la répartition des pièces à l’in-térieur de chaque appartement;

• l’étanchéité et l’isolation des fenêtres ;

• la distribution de chaleur et la régulation de tem-pérature.

La formation des opérateurs qui conduit à mettreen œuvre des techniques ou des matériaux nouveaux estassurée.

Les instituts de conception de bâtiment, l’Universitéd’architecture de Harbin sont associés au suivi du projetet à l’évaluation des résultats.

Les résultats des premiers bâtiments livrés à Harbindémontrent qu’il a été possible de réduire de près de50 % la quantité d’énergie nécessaire au chauffaged’hiver, pour un surcoût à la construction n’excédantpas 5,7%.

De 2008 à 2012, les améliorations apportées sur cesbâtiments à Harbin devraient permettre de réduire lesémissions de CO2 de 44500 tonnes.

Des extensions du projet sont en cours de discus-sion pour la réalisation de projets de démonstration:

• en région froide, à Dailin en utilisant la filière sèche.

• en région chaude, à Shanghai.

Les projets conduits par l’ADEME dans le secteurdu bâtiment visent ainsi à démontrer la possibilitéqu’il y a d’améliorer les pratiques constructives, tantdans les zones froides (projet conduit pour le FFEMen Chine, à Pékin, Shenyang et Harbin) que dans lespays chauds (projet conduit pour le FFEM, avecl’ALMEE au Liban).

Page 62: Colloque International Francophonie et développement durable

Efficacité énergétique dans le bâtiment au Liban

La phase I du projet est maintenant achevée; elle aporté sur 3900 m2 de logements répartis sur 3 bâti-ments.

Les améliorations suivantes ont été apportées auprojet initial par les architectes et bureaux d’études quiont appuyé les concepteurs locaux.

Modification Économies attendues

Eau chaude solaire avec GRS 40%

Éclairage (LBC) 40%

Isolation protection des façades 20%

De 2008 à 2012, les économies d’énergie réaliséesdevraient conduire à une réduction d’émissions estiméeà 675 tonnes de CO2.

La phase II du projet concernera 3 bâtiments(habitat collectif et établissements scolaires).

50Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

LA GESTION DES TRANSPORTS ET LA RÉDUCTION DE LA POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE La croissance démographique, associée à l’exode rural,provoque dans beaucoup de pays en développementun développement anarchique de la ville qui génèreune demande de transport importante, par exemplepour les trajets du type domicile lieu de travail, oudomicile école. La surface de voirie disponible n’estalors pas suffisante pour permettre dans de bonnesconditions le transport des voyageurs et celui desmarchandises. Le parc de véhicules est souvent obso-lète, mal entretenu, avec un taux de renouvellementtrès bas, tandis que la qualité des carburants est trèsvariable.

Il en résulte un encombrement de l’espace urbainqui augmente considérablement la durée des trans-ports et a des répercussions préoccupantes sur la pol-lution atmosphérique locale. Les transports publicsperdent alors des parts de marché importantes auprofit des moyens individuels. Ces derniers bénéficientde l’avantage évident de la disponibilité et se déve-loppent d’autant plus vite que la situation écono-mique s’améliore (ou que les coûts de ces moyens detransport baissent – cas de l’invasion des motocycleschinois au Viêtnam). Au-delà d’efforts importantsque les bailleurs de fonds multilatéraux font sur le volettechnologique (élimination de l’essence plombée,réduction des émissions de certaines catégories devéhicules par passage au GPL ou au CNG, promotiondu diesel propre, de pots catalytiques pour les véhiculesà deux et trois roues…), il apparaît que l’impact de cesmesures restera limité dans le temps. II doit être com-plété par des études de planification urbaine et par uneréorientation des politiques vers une meilleure gestionde l’espace urbain et une meilleure prise en compte dela demande favorisant de nouveau le développementdu transport public. C’est l’approche que les autoritésd’Hochiminh Ville développent avec l’ADEME qui aamorcé la réflexion à partir d’une étude mettant enévidence la part croissante des transports dans lacontribution à la pollution atmosphérique locale.

Ces deux projets visent l’appropriation demeilleures pratiques dans la conception et la construc-tion des bâtiments. Ils ont pour caractéristique com-mune d’apporter une expertise française Architecteset Bureaux d’études pour améliorer des projets déjàdécidés et financés au niveau local. Les promoteurs etconcepteurs locaux mettent alors en œuvre, sous leurpropre responsabilité, les modifications qu’ils ontacceptées. Ils bénéficient de l’accompagnement desexperts français pendant la réalisation des travaux. Lesbâtiments achevés font l’objet de campagnes demesure permettant de vérifier les performances réellesobtenues. Ces opérations sont conduites en relationavec les décideurs locaux qui bénéficient ainsi de l’ex-périence acquise et contribueront ensuite à en diffuserles résultats, notamment en les intégrant dans lescahiers des charges, les normes techniques, les régle-mentations locales.

Il s’accompagne de mesures pour la diffusion detechnologies plus performantes, isolation extérieure,fenêtres double vitrage étanches, vannes thermosta-tiques, eau chaude solaire, production de briquesalvéolées…

Page 63: Colloque International Francophonie et développement durable

La pollution atmosphériqueà Hochiminh Ville et les transports

Ville de près de 7 millions d’habitants, Hochiminh Villeconnaît une situation préoccupante pour ce quiconcerne la pollution atmosphérique. Les transportssont responsables de 60 % des émissions d’oxydesd’azote, de 84% des émissions de monoxyde de carboneet de 94% des émissions de composés organiques vola-tils. Alors que le parc de voitures individuelles est encorelimité (de l’ordre de 10 véhicules pour 1000 habitants)le trafic connaît des pointes particulièrement impor-tantes le matin et le soir.

Ces pointes sont largement dues à la désaffectionpour les transports publics dont la part de marché estpassée de 47% en 1970 à 2% en 1999, tandis que la flottede motocycles explose depuis l’arrivée sur le marché demotocycles chinois à bas prix et aux performancesmédiocres. Plus de 67% des ménages en possèdent déjàau moins un.

Le programme de travail en cours vise à sensibiliserl’opinion, à développer la concertation entre tous lesacteurs concernés (services de l’administration concernésau premier chef – Environnement – Transports publics– Travaux publics mais aussi ceux dont les décisionsont un rôle dans la détermination de la demande detransport – responsables d’entreprises, de l’éducation(30% de la demande en période de pointe le matin) oude consommateurs – associations. Pour rechercher dessolutions sur la base d’un constat objectif et d’infor-mations partagées.

Amorcée en 2000, cette réflexion porte déjà sesfruits. Un premier séminaire rassemblant les princi-paux acteurs a été organisé en septembre 2001, ledeuxième est prévu en mai 2002.

Déjà de premières expériences décidées par lesautorités locales sont en cours, comme:

• le développement de bus pour assurer les trajetsdomicile école;

51 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

• la décision récemment annoncée par voie de pressede subventionner le transport public dont le coûtsemble prohibitif pour une bonne partie des usagers.

Les travaux en coopération avec l’ADEME ont faitl’objet de présentations considérées comme des contri-butions importantes aux travaux de la Banque mondialeet de la Banque asiatique de développement qui déve-loppent une «Clean Air Initiative» pour le Sud-Est asia-tique.

Ils devraient se poursuivre avec la définition deprojets permettant de bénéficier de financement desorganes de coopération ou des bailleurs de fonds inter-nationaux. Ils s’orientent vers des réalisations de typeredéfinition des lignes de bus en fonction de la demande,renforcement du rôle de régulateur de la collectivitélocale, étude de la tarification, et possible mise en placed’un système de compensation (type carte orange).Une coopération entre les villes d’Amiens et deHochiminh Ville se développe sur ce projet.

CONCLUSION Ces quelques exemples concrets montrent commentl’ADEME, au-delà de sa contribution nationale, s’im-plique à l’international dans des opérations quicontribuent au développement durable.

Dans ses domaines de compétence, elle participe:

• au renforcement des capacités, à la mise en placeou au renforcement des cadres et structures ins-titutionnelles en vue de l’établissement de poli-tiques nationales permettant à l’État et aux col-lectivités locales de jouer leur rôle de régulateur,nécessaire à l’expression d’un marché dynamiquemais respectueux du contexte social ;

• au transfert de savoir-faire permettant le déve-loppement et la mise en œuvre de technologiesmatures, pour une meilleure efficacité énergé-tique et un moindre impact sur l’environnement;

• à la sensibilisation et à la mobilisation de tous lesacteurs et en particulier ceux de la société civile,pour une meilleure intégration de la gestion de lademande dans l’élaboration de politiques

Page 64: Colloque International Francophonie et développement durable

publiques respectueuses de la diversité et sou-cieuses d’améliorer la cohésion économique etsociale ;

• au développement de partenariats public-privééquilibrés ;

• à la mobilisation des financements publics etprivés sur la base des priorités exprimés au Sud,notamment pour garantir l’accès aux servicespour les plus démunis ;

• à la mise en œuvre de coopérations décentralisées,entre opérateurs de mêmes niveaux.

Les partenariats internationaux mis en œuvrepar l’ADEME répondent au souci constant de favo-riser la prise en compte des éléments liés à l’envi-ronnement dans les efforts qui sont entrepris pour ledéveloppement de l’accès des populations du Sudaux biens publics globaux.

52Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 65: Colloque International Francophonie et développement durable

En s’appuyant sur l’expérience acquise en Franceet en Chine sur les économies d’énergie dans l’habitat,le programme vise à définir et à appliquer des mesuresde maîtrise de l’énergie dans la construction, en pre-nant en compte les spécificités climatiques, écono-miques et sociales de différentes provinces en Chine.

Le programme intervient dans trois provinces,Heilongjiang, Liaoning et Beijing, qui se caractérisentpar une période froide très rigoureuse et de fortesamplitudes saisonnières. Il comprend trois voletscomplémentaires :

• l’application à une échelle significative de tech-niques innovantes dans des programmes immo-biliers (prédiffusion);

• le renforcement ou le lancement de partenariatstechniques ou industriels ;

• l’accompagnement institutionnel et financier,pour adapter le cadre réglementaire et les méca-nismes d’incitation à la maîtrise de l’énergie dansla construction en Chine.

Le programme inclut une coordination pourassurer la bonne organisation des différents interve-nants chinois et français (promoteurs, ingénieurs,industriels, etc.) et s’articule en trois phases :

– la phase initiale (dite phase 0), lancée en sep-tembre 1999 et qui a comporté des étudesdétaillées sur les programmes immobiliers sélec-tionnés par les partenaires chinois, ainsi qu’unesérie de transactions pour arrêter les investisse-ments et leur financement (conclusive sur Harbinet sur Pékin) pris en charge principalement par lespromoteurs chinois ;

53 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

– la phase 1, démarrée en septembre 2000, porte surune première tranche de réalisations, à Harbin età Shenyang, en incluant également le lancementdes actions industrielles et institutionnelles ;

– la phase 2, démarrée en septembre 2001, porte surune seconde tranche de réalisations, à Harbin et àPékin, en intégrant les acquis des phases précé-dentes ainsi que le résultat des actions industrielles.

• Les opérations de prédiffusion ont un objectif deréalisation de plus de 800 000 m2. Environ 6 pro-grammes immobiliers seront mis en œuvre avec desinterventions au stade de la conception; de la réa-lisation (mise en œuvre des mesures d’améliora-tion, formation des entrepreneurs), de la com-mercialisation et de l’utilisation (suivi desperformances). Les interventions porteront aussisur le financement et la gestion de l’énergie, ainsique sur le partage des coûts et des bénéfices liés auxéconomies d’énergie entre les différents acteurs.

• Les partenariats techniques ou industriels porterontsur quelques produits ayant une forte incidence surla consommation d’énergie dans les provinces (ex.:briques à alvéoles verticales, blocs RTH1, isolationperformante, système de ventilation naturellehygroréglable, etc.). Les études de pré-faisabilitéexamineront les blocages à la diffusion des produitsperformants (études spécifiques) et le financementdes solutions susceptibles de se rentabiliser (ens’appuyant sur les marchés effectifs et sur leur pro-gression du fait du projet).

Résumé du programme FFEM/ADEME : Efficacité énergétique dans la construction en Chine

Yazhong LIUInternational Conseil Énergie (ICE)

France

ATELIER 1 – Études de cas

1. Blocs en béton incorporant de l’isolant.

Page 66: Colloque International Francophonie et développement durable

54Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

• Les mesures institutionnelles et d’incitation à lamaîtrise de l’énergie dans le bâtiment sont égale-ment une composante du programme. Elles por-tent plus spécifiquement sur l’adaptation du pro-cessus normatif au niveau des provinces, lacertification des produits, les mesures incitativesaux économies d’énergie et leur mise en œuvre auniveau des provinces.

La démarche se veut pragmatique et adaptable enfonction des résultats du terrain. Elle est suivie auniveau français, par un Comité associant les minis-tères et institutions concernés2 qui s’appuie surl’ADEME pour coordonner les différentes interven-tions. Au niveau chinois, le suivi est principalementassuré dans chaque province (autorités provinciales).

Les aides du FFEM accompagnent les efforts desinstitutions et des opérateurs chinois ou français pourintroduire des innovations et accompagner les trans-formations. Le différentiel financier, de l’ordre de 7%par rapport aux dépenses de construction de réfé-rence, est réparti entre les différents partenaires. Ce

coût additionnel à l’investissement est supportable, sonamortissement pouvant être couvert par les économiesd’énergie et par les améliorations de qualité.

Il est suffisamment limité pour escompter qu’àl’issue du programme, les mesures adoptées et lessavoir-faire se diffuseront selon des logiques propres.

Le projet entre dans le champ des actions de luttecontre l’effet de serre par les économies de charbonet d’hydrocarbures qui résultent des économies dechauffage (émissions évitées).

Sur la base des flux constructifs prévus dans leprojet, l’économie annuelle de charbon lorsque lestranches seront réalisées sera de plus de 12000 tonnesde charbon. Les émissions évitées seront de l’ordre de36000 tonnes de CO2 par an. Si, à l’issue du projet, letaux d’application des normes de 1995 double dansles trois villes concernées par le programme (20% deslogements neufs), on obtiendra 100000 tonnes d’émis-sions de CO2 évitées par an.

2. Le Ministère des Finances, de l’Industrie et du Commerceextérieur, le Ministère de l’Aménagement territorial et del’Environnement, le Ministère des Affaires étrangères, leMinistère de l’Équipement, du Transport et du Logement,l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie(ADEME) et le Secrétariat du FFEM.

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RÉSUMÉ Le Cameroun est depuis longtemps affecté par une criseà la fois physique et économique du bois de feu. Lacrise est physique, puisqu’elle est liée à la déforestationqui affecte particulièrement la zone soudano-sahélienneet la zone de savane. Elle est aussi économique, puis-qu’elle résulte de la pression de la demande urbaine debois sur le couvert boisé.

La politique de gestion des ressources ligneuses estlimitée, dans ce contexte, par l’absence d’un cadre formeld’analyse et d’une norme rationnelle de gestion. L’idéede base dans la recherche d’une telle norme est que lereboisement n’est pas une fin en soi, quelle que soitl’ampleur de la crise du bois de feu. Elle ne doit viser niplus ni moins qu’à restaurer l’équilibre, défini par réfé-rence au taux d’exploitation compatible avec l’auto-régénération de la ressource ligneuse.

Le cadre d’analyse proposé dans cet article repose surla recherche d’une définition opérationnelle de la crisedu bois de feu et sur un modèle théorique du prixd’équilibre conçu comme une norme de reboisement.L’économie du bois de feu nous offre un cadre d’analysemettant en évidence l’importance de l’interface éco-nomie-environnement pour une gestion durable de laressource ligneuse.

INTRODUCTION Le marché camerounais du bois de feu se présentecomme un ensemble d’aires d’approvisionnementdes centres urbains. C’est en effet autour des villes ques’organise le commerce du bois, à la faveur de la fortedemande urbaine. Ces aires forment des filières quicoïncident avec les principales zones de végétation

55 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

(voir carte). L’on peut ainsi distinguer trois grandesfilières de bois de feu:

– La filière sahélienne, représentée dans l’étude parles aires de Maroua, Garoua, Kaélé et Mokolo;

– La filière forestière, représentée par l’aire deYaoundé;

– La filière de savane, représentée par l’aire deBamenda.

Ces filières sont affectées par une crise à la foisphysique et économique du bois de feu. La crise estphysique, puisqu’elle est liée à la déforestation quiaffecte particulièrement les filières sahéliennes et desavane. Elle est aussi économique, puisqu’elle résultede la pression de la demande urbaine sur le couvertboisé. L’exploitation commerciale du bois ajoutée àl’inefficience des équipements, contribue à la dégra-dation de l’environnement à travers la déforestationet l’accroissement de l’émission de CO2. Le modèled’interface qui est proposé ici fournit alors à traversle prix d’équilibre un indicateur à la fois du tauxd’exploitation de la ressource ligneuse compatibleavec la régénération de la ressource, et de la balanceentre la capacité de fixation de CO2 par la biomassevégétale et l’émission de CO2 par l’utilisation éner-gétique du bois.

Le cadre d’analyse proposé dans cet article part del’étude des caractéristiques du marché camerounaisdu bois de feu, pour mettre en évidence les relationsentre la commercialisation du bois de feu et la dégra-dation de l’environnement. Elle s’intéresse ensuite àla spécification d’un modèle théorique du prix d’équi-libre du bois de feu, conçu comme une norme dereboisement.

Économie du bois de feu et environnement au CamerounClaude NJOMGANG

Faculté des Sciences économiques et de Gestion Université de Yaoundé II-Soa, Cameroun

ATELIER 1 – Études de cas

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56Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

BamendaFoumban

Baloussam

Buea

Douala

GUINÉEÉQUATORIALE GABON CONGO

CENTRAFRIQUE

Zoneforestière

Zonesde végétationdu Cameroun

Zone desavane

Zonede transition

Zonesahélienne

TCHADNIGÉRIA

Berloua

Ngaoundere

Garoua

Kaélé

Maroua

Mokolo

LAC TCHAD

YAOUNDE

Mbalmayo

Ebolowa

OCÉANATLANTIQUE

GUINÉEÉQUATORIALE

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57 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

PREMIÈRE PARTIE

LES CARACTÉRISTIQUES DU MARCHÉ

LA STRUCTURE DU MARCHÉ L’objet de cette section est de caractériser le marchéselon le système de production de bois de feu, lesréseaux de commercialisation et la consommation.

Le système de production Le système de production de bois de feu est tributairedes contraintes physiques et économiques qui pèsentsur le couvert forestier dans les différentes filières.L’on peut ainsi dire que la filière soudano-sahélienneet la filière de savane se caractérisent par la surex-ploitation, tandis que la filière forestière se caractérisepar la sous-exploitation. Dans les zones de surexploi-tation, où le couvert forestier est maigre, le système deproduction de bois de feu s’apparente à un système decueillette, reposant sur des techniques extensives :ramassage de bois mort, coupe artisanale par desbûcherons occasionnels utilisant la machette, la hache.Une production d’appoint est fournie par les déchetsvégétaux et l’abattage de vieux arbres fruitiers. Larareté physique du bois crée des comportements decoupe plus sélectifs dans la filière soudano-sahélienne,notamment en montagne, certaines essences (l’acaciaalbida, par exemple) étant préservées pour leur utilitédans le maintien de l’équilibre agro-sylvo-pastoral.L’on note également une spécialisation de la produc-tion dans la filière de savane (région de Bamenda),avec les plantations énergétiques («fuel plantations»)réalisées par l’État et les particuliers autours des villes.Dans les zones de sous-exploitation, le système deproduction de bois de feu est plus intensif, reposantsur l’utilisation systématique de la scie mécaniquepour l’exploitation des résidus des grandes exploita-tions forestières industrielles, lesquels sont estimés àprès de la moitié des arbres abattus.

Les réseaux de commercialisation La configuration, la dimension et l’organisation desaires d’approvisionnement des villes en bois de feuvarient selon les filières, en fonction de facteurs éco-

nomiques, institutionnels et sociologiques. Sur leplan sociologique, le choix des essences combustiblespeut être influencé par les traditions. Dans certainescommunautés rurales de la zone soudano-sahéliennepar exemple, le bois est considéré comme un élé-ment du patrimoine, au même titre que le bétail.Ceci repousse la limite de la zone de coupe, à larecherche d’essences plus résistantes, en vue d’uneplus longue conservation. Au niveau institutionnel, laréglementation de la coupe influence le choix desessences, ainsi que la configuration de la zone decoupe. Ceci dépend du civisme des habitants autantque des moyens de contrôle dont disposent les pou-voirs publics. Sur le plan économique enfin, les modesd’approvisionnement et le degré d’organisation de laprofession du bois de feu varient en fonction de l’im-portance de la demande urbaine. Par ailleurs, la confi-guration de la zone de coupe est largement tribu-taire du réseau de communications. Ainsi la coupes’intensifie-t-elle pendant la saison des pluies auxabords des grands axes de communication, d’où l’éva-cuation par camion plus aisée que sur les routessecondaires devenues inaccessibles pour la plupart.Dans la filière soudano-sahélienne, les aires d’appro-visionnement sont plus étendues, notamment enplaine, sous l’effet combiné de la forte demandeurbaine et de la faiblesse des ressources ligneuses(plus de cinquante kilomètres en moyenne autour desgrandes agglomérations de Garoua et Maroua). Lesmodes d’approvisionnement sont aussi plus intensifs(utilisation systématique des camions spécialementloués pour le transport de bois). Enfin la professionest plus hiérarchisée (plus oligopolistique). La chaînede distribution comprend à un bout des bûcheronsengagés en brousse par des grossistes installés en villeet détenant la quasi-totalité des autorisations de coupedans la région et à l’autre bout des détaillants assurantl’approvisionnement des consommateurs.

En montagne, le système d’approvisionnement estplus autarcique, du fait de la plus faible urbanisa-tion. Le mode d’approvisionnement est moins intensifaussi (utilisation occasionnelle des camions par lesparticuliers lors de divers déplacements). Les airessont par conséquent plus étroites (vingt kilomètres enmoyenne autour de Mokolo).

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58Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Dans la filière de savane, notamment dans larégion de Bamenda, coexistent souvent deux airesd’approvisionnement distinctes : une aire restreintequi recouvre les « fuel plantations » périurbainesappartenant à l’État (huit kilomètres en moyenneautour de Bamenda) et une aire extensive incluant lesapprovisionnements fournis par des localités pluséloignées, avec un rayon moyen de vingt-cinq kilo-mètres autour de la ville. Des ventes massives de boistiré des « fuel plantations» (jusqu’à 100 stères parpersonne) sont effectuées chaque année par les ser-vices des Eaux et Forêts aux commerçants grossistes.Cette intervention de l’État dans la production et ladistribution est une particularité de la filière savanequi limite le développement d’une véritable profes-sion du bois. Dans la filière forestière, la forte dota-tion en ressource ligneuse permet de contenir lesaires d’approvisionnement dans des limites relative-ment restreintes malgré la forte demande urbaine(trente-cinq kilomètres en moyenne autour deYaoundé). Le mode d’approvisionnement est intensif(utilisation systématique du camion), mais la pro-fession du bois est moins hiérarchisée (moins oligo-polistique) que dans la filière soudano-sahélienne.L’abondance des résidus des grandes exploitationsforestières rend inutile en effet l’acquisition onéreused’autorisations de coupe destinée à la satisfactiondes besoins en bois de feu, et réduit de ce fait ladépendance des bûcherons par rapport aux com-merçants grossistes basés en ville.

La consommation Nous examinerons trois aspects de la consommationde bois de feu : les consommateurs (qui utilise lebois?), les usages, les modes d’utilisation (les équi-pements).

Les consommateurs Le bois est utilisé par presque toutes les couches

sociales, soit exclusivement soit en combinaison avecles énergies conventionnelles (gaz, électricité…), maisla grande majorité des utilisateurs est concentréedans le secteur informel et les quartiers d’habitatspontané, où le mode de vie est bien souvent sem-blable à celui du village.

Les usages Le bois de feu est essentiellement destiné aux

usages domestiques courants (cuisine, chauffage, etmême éclairage pour les couches sociales les plusdéfavorisées), et accessoirement à certains usagesextra-domestiques dans lesquelles le bois est rem-placé par le charbon de bois: restauration informelle,boulangerie artisanale, forges artisanales, brasseriestraditionnelles, etc.

Les modes d’utilisation Les équipements sont rudimentaires dans l’en-

semble. Pour les usages domestiques, plus de 75% desménages utilisent le foyer traditionnel à trois pierres.D’autres types d’équipements sont utilisés dans lesusages extra-domestiques, parmi lesquels notam-ment le barbecue portatif de fil de fer tressé sur-monté d’une grille, le tonneau ouvert et surmontéd’une grille, les deux gentes d’automobiles accolées.Les équipements peuvent être décrits selon quatrecaractéristiques principales : l’aire d’utilisation (ledegré de diffusion), le mode d’acquisition (expriméeen termes de degré de commercialisation et de prix),le rendement calorifique (efficience exprimée entermes d’économie de combustible et de temps decuisson) et la rentabilité sociale (coût de fabricationet durée de vie probable). Les zones rurales sont enavance sur les zones urbaines pour l’améliorationdes foyers. Ceci s’explique par la forte concentrationde la population urbaine dans les zones d’habitatspontané, où la précarité des habitations ne permetpas la construction de foyers fixes en terre pour pro-téger le feu. En zone rurale au contraire, et tout spé-cialement dans les zones possédant une longue tra-dition des constructions en terre séchée et où lapénurie de bois est très marquée (Sahel et savane),l’habitat sédentaire se prête bien à la construction età l’entretien des foyers protégés en terre. Mais onconstate là aussi que le taux d’abandon est très élevédans les expériences de vulgarisation des foyers amé-liorés, une fois que l’équipe de vulgarisation respon-sable de l’expérience est partie. Le degré d’acceptationmême des foyers améliorés est très faible. Parmi lescauses le plus souvent avancées, l’on relève: l’insuffi-sance de la prise de conscience de la crise du bois defeu et de la nécessité d’économiser le bois, le refus desbouleversements qu’entraîne l’introduction des foyers

Page 71: Colloque International Francophonie et développement durable

améliorés (perçage du mur pour l’installation dufoyer, suppression de la source d’éclairage queconstitue le feu libre pour la plupart des ménagesruraux, insertion du temps de construction et d’en-tretien dans la division du travail domestique). Ilconvient toutefois de mentionner les erreurs tech-niques des premières expériences de foyers améliorésdans les années 1970, qui conduisaient parfois à desfoyers encore moins efficients que les foyers tradi-tionnels. Depuis lors, les expériences se sont rationa-lisées, les tests de rendement, d’acceptabilité et derentabilité étant devenus plus systématiques.

En conclusion On peut différencier comme suit les trois filières dupoint de vue de la structure du marché. Au niveau dusystème de production, la filière forestière utilise desméthodes de production intensives (utilisation systé-matique de la scie mécanique), tandis que les deuxautres filières utilisent des méthodes extensives (ramas-sage, coupe artisanale à la machette et la hache). Auniveau des réseaux de commercialisation, la professiondu bois est plus hiérarchisée (marché plus oligopolis-tique) dans la filière soudano-sahélienne que dans lafilière forestière. Dans la filière de savane l’interventionde l’État dans la production et la distribution de boislimite le développement d’une véritable professiondu bois. Au niveau de la consommation, le bois estsurtout destiné aux usages domestiques courants,quelque soit la filière. Le combustible ligneux est uti-lisé par toutes les couches de la population, avec deséquipements dont le degré de diffusion dépend duprix, de la rentabilité sociale et du rendement calori-fique. Ce contraste entre les trois filières se retrouvedans les mécanismes de formation des prix, mais avecun dénominateur commun, le dualisme.

LA FORMATION DES PRIX

Les facteurs d’offre

Le stockage et le degré de monétarisation On peut estimer le degré de monétarisation du

bois en comparant les poids respectifs des différentsmotifs de stockage du bois: on distinguera des motifsde précaution, de commercialisation et de spéculation.

Dans la zone sahélienne et dans la zone de savane, laconstitution de réserves de bois répond d’abord à unmotif de précaution, l’exploitation des ressourcesétant étroitement liée au rythme des saisons. Le niveaudes réserves augmente en saison sèche, en prévision dela raréfaction du bois sec en saison des pluies. Le poidsénorme du motif de précaution coïncide dans ce casavec un faible degré de monétarisation du bois (60 à64% des ménages à Mokolo, Kaélé et Bamenda consti-tuent des réserves de bois par prévoyance, 2,5 à 11%,seulement pour la commercialisation). On pourrait endéduire que dans les zones sahélienne et de savane,l’offre n’a qu’une faible liaison avec le prix du bois, dufait du poids dominant du motif de précaution. Ilconvient de nuancer cette conclusion, car les réservesne sont pas parfaitement mobiles (valeur sociolo-gique du bois). Dans certaines zones (Kapsiki de larégion de Mokolo), le bois est un élément essentiel dupatrimoine familial au même titre que le bétail, et il enexiste d’énormes dépôts dont l’âge peut atteindrequinze ans. Les motifs de stockage évoqués sont pro-bablement biaisés par la méfiance des ménages d’ex-ploitants en situation irrégulière qui n’osent pas avouerleur activité commerciale. Sur les aires d’approvi-sionnement des grands centres urbains, les motifs decommercialisation et de spéculation l’emportentcependant, avec pour conséquence une forte liaisonentre l’offre et le prix du bois.

L’hétérogénéité du marché et le marchandage Le fagot est une unité de volume apparente et très

hétérogène, ne tenant compte ni de l’état du bois (vertou sec), ni de sa forme (vides entre les bûches), ni de sataille (brindilles de ramassage ou bûches de débitage).Il est possible de standardiser quelque peu cette unité soiten établissant une correspondance avec le stère de bois,soit en prenant le poids moyen par fagot résultant depesées effectuées sur un marché ou dans une région. Lemode le plus courant de fixation du prix reste toutefoisle marchandage à partir de quelques standards de fagotspropres à chaque localité. Le pouvoir de marchandageest d’autant plus élevé (et les prix plus faibles) que ledegré de monétarisation du bois est faible. Ainsi dans lazone sahélienne, les prix sont en moyenne plus élevés enplaine qu’en montagne, où le degré de monétarisationdu bois est plus faible.

59 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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Le coût de production La mesure dans laquelle le prix reflète le coût de

production plutôt qu’un prix de marchandage dépenddu degré de monétarisation. Seuls quelques grandscommerçants spécialisés ont une perception clairedes coûts de production et fixent leurs prix en consé-quence. La grande masse des vendeurs est constituéed’occasionnels («vendeurs à objectif»), pour qui lebois ne devient objet de commerce qu’à l’occasion debesoins ponctuels d’argent.

Le degré d’intermédiation La longueur du circuit de distribution influence

notablement le prix du bois, chaque intermédiaireajoutant sa marge bénéficiaire à son prix d’achat. Leprix de détail varie avec la structure des coûts de dis-tribution et de conditionnement. La structure typecomporte généralement le commerçant grossiste quise trouve au début du réseau de distribution en ville,achète en brousse, transporte, paie les taxes au servicedes Eaux et Forêts, assure la manutention (charge-ment et déchargement du camion), le débitage et leconditionnement. Pour le commerçant détaillant, ilfaut ajouter les frais de revente (rémunération desrevendeurs), l’écart entre le prix de gros et le prix dedétail pouvant aller du simple au quadruple. Un fagotstandard (1/10 stère environ) acheté 200 francs enbrousse dans la région de Yaoundé est livré au demi-grossiste à 500 francs environ, et atteint 700 francschez le détaillant. Quant au charbon, un sac de 20 kgacheté 800 francs en brousse est revendu 1 800 francsau demi-grossiste au dépôt central de la Briquetterieà Yaoundé, et plus de 2 500 francs au détaillant. ÀBamenda, un sac de charbon de 20 kg acheté 1 500francs à Mendankwe (village producteur à 12 km àl’est de la ville) est revendu 2 000 francs au demi-gros-siste du dépôt central de Ghana’s Street à Nkwen, etatteint 3 000 francs au détail.

Les facteurs de demande La mutation du bois en énergie commerciale imposeun raisonnement en termes de prix relatif par rapportaux substituts possibles. La logique économique dessubstitutions énergétiques est fondée sur la compa-raison du prix de l’énergie actuelle au prix du sub-stitut, ce dernier ne devenant intéressant qu’à partirdu moment où le prix de l’énergie actuelle égale ou

excède le sien. Mais dans un système énergétiquedualiste comme celui du Cameroun, cette substitutionest soumise à des contraintes spécifiques. Le dua-lisme à la fois technologique et juridique se traduitdans le secteur énergétique par la prédominance desénergies traditionnelles (bois, charbon de bois,déchets animaux et végétaux) dans les bilans éner-gétiques, alors même que le pays est producteur et(ou) exportateur d’énergies modernes (pétrole, gaz,électricité). L’on assiste à la juxtaposition d’un secteurénergétique moderne excédentaire, mais incapablede résorber la crise du bois de feu du fait des obstaclestechnologiques et sociologiques à la substitutionénergétique. Le dualisme juridique se traduit par unconflit entre les législations foncières coutumière etmoderne, avec absence de mobilité juridique desterres, qui fait obstacle à l’aménagement forestier età une gestion rationnelle des ressources en bois. Dansce contexte dualiste, la substitution au bois de feu sedoit de prendre en compte deux optiques complé-mentaires: une optique économique, dans laquelle lefacteur de substitution est le prix, et une optiquesociologique, dans laquelle le facteur complémen-taire du mode vie est pris en compte.

Optique économique L’élasticité de substitution sert de concept de réfé-

rence pour décrire la sensibilité de la structure desconsommations d’énergie, aux variations des prixrelatifs des énergies, c’est-à-dire, en particulier, l’in-fluence sur la consommation de bois, d’une variationdu prix du substitut. Les utilisations énergétiques dubois, dans une optique plus large, tiennent compte desélasticités croisées, c’est-à-dire de l’influence desusages alternatifs du bois sur le prix du bois de feu.C’est le cas par exemple du bois d’œuvre pour diffé-rentes constructions traditionnelles, des poteaux élec-triques en bois d’eucalyptus dont la Société Nationaled’Électricité fait une grande consommation et quiproviennent souvent, dans le nord-ouest, des «fuelplantations». C’est aussi le cas de l’exploitation indus-trielle du bois par les sociétés forestières. Dans l’op-tique économique, nous nous intéressons aux facteursspécifiques de dualisme qui limitent la valeur expli-cative du prix dans la substitution au bois de feu etaugmentent les coûts de substitution. Les principauxfacteurs sont ici le caractère dominant du bois et sondegré de monétarisation.

60Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 73: Colloque International Francophonie et développement durable

Le caractère dominant et le degré de monétarisation Le bois de feu apparaît dans la zone sahélienne,

comme un bien de première nécessité, du fait de saforte prédominance dans les consommations éner-gétiques (98% des ménages l’utilisent comme com-bustible). Il en découle que la demande de bois estrigide, de même que le prix relatif, dont la structurene dépend pas du prix du substitut, comme dans unprocessus normal de substitution. Bien que le bois soitdepuis longtemps devenu une énergie commerciale,ses réserves non commerciales sont encore appré-ciables dans la zone soudano-sahélienne. Ceci répondcertes à un motif de spéculation (les commerçants debois tirant profit de la hausse du prix du bois ensaison des pluies), mais aussi à un motif de précau-tion, dans une région où la disponibilité de la res-source ligneuse est étroitement liée au rythme des sai-sons. Le niveau des réserves augmente en fin de saisonsèche, en prévision de la rareté du bois en saison despluies. Ceci constitue une «fuite» dans l’offre de bois,qui limite la valeur explicative du prix dans la sub-stitution au bois. Il convient de distinguer de cettesubstitution rationnelle au bois, la substitution «per-verse » assurée par les substituts traditionnels quibien que non commercialisés, influencent le prix et lasubstitution au bois. L’attraction de la demandeurbaine de bois le soustrait aux consommationsrurales, au profit des brindilles de ramassage et desdéchets végétaux (tiges de coton, de mil et de maïs).Ceci accroît l’offre de bois sur le marché urbain, et lavaleur explicative du prix dans la substitution aubois, qualifiée de «perverse», car elle ne résorbe pasla crise du bois de feu et détourne les déchets végétauxde leur rôle fertilisant pour les sols.

L’optique sociologique Le mode de vie est un critère d’analyse complé-

mentaire de celui du prix ; il recouvre le mode deconsommation énergétique déterminé en théorie parle type d’habitat, la profession, le type d’aliments cui-sinés, le type d’équipements, récipients et foyers. Ilconvient, dans l’optique sociologique, de relativiser lepoids de ces facteurs, l’habitude (la routine) consti-tuant le facteur sociologique dominant de la substi-tution au bois de feu. L’habitude favorise la survivancede modes archaïques de consommation énergétique

et l’adoption d’énergies et d’équipements à très faiblerendement calorifique:

• le revenu et le coût des équipements. Pour Garoua,une enquête réalisée par le Ministère du planestime à 177 kg l’équivalent bois de 5,9 litres depétrole et de 5,65 kg de gaz de pétrole liquéfié, cequi confère à ces derniers un avantage comparatifévident, malgré le coût d’acquisition des équipe-ments. Malgré ces coûts, au moins 4 000 famillessupplémentaires utiliseraient le gaz si la pénuriede bouteilles dans la ville était enrayée. À l’inverse,la baisse substantielle du coût de l’électricitéinduite par la mise en service de la centrale deLagdo ne semble pas devoir accroître l’intérêt despopulations pour cette énergie, tout particuliè-rement pour la cuisson des aliments. Enfin, lesobstacles à l’utilisation du pétrole tiennent moinsau coût d’acquisition du fourneau ou du réchaudà pétrole qu’à l’altération du goût des aliments queles populations attribuent à ce type d’énergie.

• la profession et le type d’habitat. La substitution estfaible dans les quartiers pauvres dominés par lespetits métiers informels, où le bois est le com-bustible quasi exclusif. Elle est par contre élevéedans les quartiers résidentiels aisés, où les énergiesmodernes sont plus largement utilisées, en asso-ciation avec le bois et le charbon de bois. Lepétrole est d’un usage commode dans tous lestypes de locaux, alors que l’utilisation du boissuppose l’existence d’une cuisine extérieure, àl’écart de la maison d’habitation, à cause de lafumée. Il est alors frappant de constater cependantque le bois peut être utilisé à l’intérieur de cer-taines habitations modernes, par la force de l’ha-bitude.

L’analyse du marché esquisse une comparaisondes trois filières camerounaises du bois selon la struc-ture du marché et les mécanismes de formation desprix. Au-delà des contrastes physiques et économiquesmis en exergue, le dualisme apparaît comme la toilede fond de cette comparaison. Il se retrouve avecquelques nuances dans toutes les filières. La structuredu marché est dualiste à la fois dans le système de pro-duction (coexistence de techniques intensives et detechniques archaïques) et dans les modes d’utilisation

61 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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62Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

(coexistence d’équipements archaïques et modernes),tandis que les comportements sous-jacents aux méca-nismes de formation des prix font intervenir des fac-teurs sociologiques liés aux modes de vie et aux tra-ditions.

Il apparaît finalement que ce dualisme constituela principale contrainte à une gestion durable de laressource ligneuse. Elle renforce la survivance de fac-teurs sociologiques qui entravent la substitution aubois de feu, les énergies modernes dont le Camerounest abondamment doté n’ayant qu’une pénétrationlimitée dans les bilans énergétiques des ménages.

DEUXIÈME PARTIE

LA SPÉCIFICATION DU MODÈLE THÉORIQUE DU PRIX D’ÉQUILIBRE DU BOIS DE FEU

La démarche consiste ici à déterminer dans la sphèreécologique une condition de crise considérée commeun critère d’équilibre. Dans un deuxième temps, l’onintroduit cette condition comme contrainte dans unmodèle d’optimisation du prix du bois.

DÉFINITION DE LA CRISE DU BOIS DE FEU, ET LA CONDITION DE CRISE

Nous définissons la crise par rapport à l’équi-libre, symbolisé par

µ = ωt/ωo = 1

où:

– µ est le taux d’épuisement de la ressource ligneuse,

– ωt le taux effectif d’exploitation du capital fores-tier Wt en t,

– ωo le taux optimal d’exploitation, c’est-à-dire letaux compatible avec la régénération forestière.

Pour déterminer ωO dans la pratique, l’on procèdeà l’inventaire d’un hectare de forêt naturelle, que l’oncompare avec le rendement annuel des opérations dereboisement dans le périmètre considéré. Si, parexemple, l’inventaire donne 40 stères à l’hectare, et sile rendement des opérations de reboisement est de2 stères par hectare et par an, l’on obtient un cycle de

régénération (égal, à l’équilibre, à la période de rota-tion)

T = 40/2 = 20 ans

L’on aura alors

ωo = 1/T = 1/20

c’est-à-dire que la formation forestière considéréepeut être divisée en vingt parcelles égales, dont unepeut être exploitée chaque année sans danger pour lecapital forestier.

Le taux effectif est défini, quant à lui, par le rap-port entre la quantité de bois exploitée Qt et le capitalforestier Wt , soit

ωt = Qt/Wt

La situation d’équilibre (la condition de crise)est donc symbolisée par

µµ = 1 , c’est-à-dire ωωt = ωωo

ou encore Qt/Wt = 1/T

L’indicateur µ permet de distinguer entre les deuxtypes de crise de bois de feu qui sévissent au Cameroun:

– La crise de surexploitation, caractérisée par µ > 1,qui sévit dans les filières sahélienne et de savane,

– La crise de sous-exploitation, caractérisée par µ < 1, qui sévit dans la filière forestière.

Bien que l’on se réfère surtout ici à la crise de sur-exploitation, la crise de sous-exploitation est bienréelle elle aussi. Pour le comprendre, il faut distinguerentre ressources potentielles et ressources exploi-tables de bois. Dans la crise de surexploitation, les res-sources potentielles sont faibles du fait de la fortedégradation du couvert végétal, les ressources exploi-tables aussi. Dans la crise de sous-exploitation aucontraire les ressources potentielles sont énormes,mais la faible accessibilité de la forêt profonde limiteles ressources exploitables. Il en résulte une rareté dubois aussi contraignante par ses effets sur les prix etl’environnement (destruction de la ceinture fores-tière autour des villes comme Yaoundé) que la crisede surexploitation.

Page 75: Colloque International Francophonie et développement durable

63 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

La période de rotation T correspond à l’âgeoptimum d’abattage. Elle détermine, dans le contextede l’étude, la capacité de charge optimale Xo (popu-lation d’arbres pour laquelle le taux naturel de régé-nération est maximal).

Graphiquement, Xo est déterminé par la courbede rendement maximum soutenable (RMS). Danssa forme « régulière », RMS suit la loi logistique g(X) = dX/dt = X (1 – X/Xm), où X désigne la popu-lation considérée et Xm la capacité de charge maxi-male (valeur de X pour dX/dt = 0). L’on vérifie enannulant la dérivée que la capacité de charge optimale(correspondant au RMS) est égale à Xm/2).

L’on peut utiliser la courbe RMS comme normepour décrire graphiquement les différents types decrise (figure 1). Ainsi en se référant à la courbe «régu-lière» g(X)0, l’on peut faire les hypothèses suivantessur la «déformation» de la courbe par la crise :

– Dans la crise de sous-exploitation (zone fores-tière), l’optimum X1o de la courbe g(X)1 a uneordonnée très élevée, la croissance naturelle de laressource étant forte. La capacité maximale X1m

est plus éloignée de l’origine que X0m, de mêmeque l’optimum X1o, la capacité de charge du

milieu étant élevée. La courbe g(X)1 est ainsiétalée vers la gauche.

– Dans la crise de surexploitation (zones soudano-sahélienne et de savane), l’optimum X2o de lacourbe g(X)2 a une ordonnée très basse, la crois-sance naturelle de la ressource étant très faible. Lacapacité maximale X2m est plus proche de l’origineque X0m, de même que l’optimum X2o , la capa-cité de charge du milieu étant faible. La courbe estainsi aplatie et étalée vers la droite.

LE MODÈLE THÉORIQUE DU PRIXD’ÉQUILIBRE Le prix d’équilibre est ici un prix implicite. C’est-à-direqu’il résulte du processus de maximisation souscontrainte de rareté de la ressource ligneuse, du béné-fice social net procuré par le bois, au lieu d’être unparamètre (prix de marché ou prix public) dans ceprocessus. Il indique le prix d’une unité de ressourceen termes de bénéfice social net, lorsqu’on fait varierla contrainte d’une unité. Il s’agit donc d’une variablede décision dans notre problème de rationalisation dela politique de reboisement, permettant d’apprécierl’impact des activités humaines sur le couvert boisé, etnon d’une donnée exogène.

Figure 1

Formes comparées de la courbe de rendement maximum soutenable dans les différents types de crise

0

g(X)

g(X)2

g(X)0

g(X)1

X2o X0o X2m X1o X0m X1m

X

Page 76: Colloque International Francophonie et développement durable

64Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Dans le contexte de l’étude, la recherche du prixd’équilibre vise à fournir un critère d’analyse quan-titative de l’interface énergies traditionnelles (boisde feu en particulier) – environnement, ces énergiesétant considérées dans leur double fonction de sourced’énergie et de revenus, d’une part, et de facteur derégulation de l’écosystème, d’autre part. Il s’agit alorsd’un macro-prix implicite [3], en ce sens qu’il résulted’une maximisation conjointe dans l’écosystème etdans l’exploitation économique du bois de feu, dansl’hypothèse d’une proportionnalité entre la valeuréconomique du bois et son intensité écoénergétique.

Les hypothèses 1. Nous nous plaçons dans l’optique de l’État, dont

l’objectif est de maximiser la satisfaction desbesoins en bois sous la contrainte de l’équilibreécologique, c’est-à-dire avec reboisement.

Cette optique est plus conforme au droit forestiercamerounais, où les forêts font partie du domaineprivé de l’État. De façon générale, les commerçants debois de feu s’approvisionnent dans les forêts doma-niales. L’exception est constituée par les plantationsprivées de bois de feu (les «fuel plantations») que l’onrencontre dans la région de Bamenda dans la filièrede savane.

2. Le reboisement est la seule source d’accroisse-ment de la ressource ligneuse. Nous considéronsen effet que le taux de croissance naturelle ducapital forestier est très faible, du fait de la trèsforte dégradation des formations forestières dansles filières sahélienne et de savane.

3. La politique de reboisement est prise en comptepar le biais du taux r de remplacement imposé parl’État après chaque coupe.

Cette politique de remplacement ex post est ici laconséquence de l’insuffisance des moyens de contrôleface à la coupe clandestine. Dans ce cas, en effet, il estmoins difficile de suggérer ou d’imposer un taux deremplacement calculé sur la base du taux d’exploita-tion effectif (replanter tant d’arbres pour tant decoupés), que de contenir (généralement par la miseen défens) la coupe dans des limites compatibles avecle taux d’exploitation optimal. Ainsi par exemple, untaux de remplacement de 2/3 correspondrait à un

taux d’exploitation optimal de 1/3, soit une périodede rotation de 3 ans.

Les relations1. La première relation est une relation de définition

du remplacement de la coupe,

Rt = r Qt

où Rt désigne le nombre d’arbres à replanter, et Qt

le nombre d’arbres coupés. Le taux r est constant.

2. La deuxième relation est une relation de défini-tion du capital forestier,

Expression dans laquelle :

– Wt et W0 désignent respectivement le capitalforestier en t et le capital forestier initial ;

– Les sommes entre parenthèses désignent respec-tivement les quantités exploitées et replantéesjusqu’en t.

Ceci s’écrit encore

et finalement

Dans cette expression, ω(1–r) désigne le tauxd’exploitation effectif en présence de reboisement.L’on a en effet :

3. La troisième relation est une relation de définitiondu bénéfice social net procuré par l’exploitationénergétique du bois,

Page 77: Colloque International Francophonie et développement durable

où:

– U(Q) désigne l’utilité sociale du bois de feu. Cetteutilité est définie, dans le contexte de l’étude,comme la somme des revenus des producteurs debois de feu, et des services de consommation et deproduction rendus par le bois dans les différentsusages. Il s’agit de la cuisson des aliments, del’éclairage, du chauffage, de l’artisanat (forges enparticulier), du repassage, de la restauration infor-melle aux abords des rues, de certaines prépara-tions spéciales (bière de mil, de maïs…).

– Cs désigne le coût social du bois. Ce coût inclutles coûts environnementaux (coûts de reboise-ment en particulier), les coûts d’opportunitémesurés en termes de rendement comparé desusages alternatifs du bois (bois d’œuvre en par-ticulier) et des substituts du bois dans les usagesénergétiques (gaz, pétrole et électricité notam-ment).

– U(Q) mesure la somme des flux d’utilité Pt (q),q désignant le flux de production de bois. l’on aainsi :

La résolution Le problème revient donc à maximiser

sous la contrainte d’équilibre écologique ω = ωo ,ou Qt = Rt en termes de remplacement.

Le lagrangien s’écrit :

ou encore:

En annulant les dérivées partielles, l’on obtient :

La première relation donne:

ou encore, sachant que

où λ(t) est un multiplicateur de Lagrange fonction dutemps, jouant le rôle d’un coefficient de proportion-nalité entre le prix d’équilibre et la contrainte de res-source.

CONCLUSION L’on peut résumer comme suit les caractéristiquesessentielles du modèle théorique du prix d’équilibredu bois de feu au Cameroun:

1. À l’équilibre, le taux d’épuisement (m) des res-sources en bois est égal à 1. C’est le taux qui assurela compatibilité entre le cycle de régénération desressources et le rythme de rotation.

2. En l’absence de reboisement, c’est-à-dire dansl’hypothèse d’une exploitation privée d’une forêtdomaniale, le prix d’équilibre du bois de feu estégal à son utilité marginale pour l’exploitant.

3. En présence de reboisement, c’est-à-dire dans l’hy-pothèse d’une exploitation publique, le prix d’équi-libre du bois de feu est égal à son utilité sociale,définie comme la somme des revenus des produc-teurs de bois de feu, et des services de productionet de consommation rendus par le bois de feu.

Les implications de ce modèle théorique pour lapolitique de reboisement sont les suivantes :

1. Le prix du bois de feu est une fonction décrois-sante de la période de rotation (T). L’on peut eneffet poser que U’(Q) = λ(t)[1-(Rt/Wt).T], c’est-à-dire que l’utilité marginale sociale du bois estd’autant plus grande que la période de rotation T

65 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 78: Colloque International Francophonie et développement durable

est courte. Ceci met en évidence l’intérêt desessences à croissance rapide dans les opérations dereboisement.

2. Le modèle fournit un critère de compatibilitéentre l’équilibre économique et l’équilibre écolo-gique (µ=1). La crise du bois de feu apparaît dansle modèle comme l’expression du conflit entreces deux équilibres. Le bois est en effet à la fois unesource d’énergie et de revenu pour les ménages, etun facteur de régulation de l’écosystème.

3. Le modèle fournit aussi un critère de gestionintégrée des différentes filières de bois, par desapprovisionnements de soudure des zones desurexploitation (µ>1) à partir des zones de sous-exploitation (µ<1), pour appuyer les opérationsde reboisement dans les premières, sans rupturede l’équilibre écologique dans les secondes.

RÉFÉRENCES Njomgang, C., L’évaluation des énergies traditionnelles

au Cameroun, Yaoundé : Institut des SciencesHumaines, 1989, 82 p.

Njomgang C., La crise des énergies traditionnelles : Larecherche du prix d’équilibre dans le cas du bois defeu au Cameroun, Actes du Premier ColloqueInternational Georges Walter Ngango, Yaoundé,26-28 février 2001 (à paraître).

Ministère des Mines, de l’Eau et de l’Énergie / ESMAP,Plan Énergétique National. Étude de la stratégie del’énergie domestique au Cameroun, Yaoundé :Document de travail N° 1 à 5, 1991.

Njomgang C., «La substitution au bois de feu dans unsystème dualiste : le cas de quelques villes de lazone soudano-sahélienne du Cameroun »,Liaison-Énergie-Francophonie 1993, 18 : 22-5.

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Ministère de l’Environnement et des Forêts/GTZ/PNUD, Plan National de Gestion de l’Envi-ronnement (PNGE), Conservation, gestion et valo-risation de la biodiversité et des ressources forestières,Yaoundé: 1995.

Agence Française pour la Maîtrise de l’Energie(AFME)/Centre Technique Forestier Tropical(CTFT), La filière bois énergie au Cameroun :Situation actuelle et perspective, Paris, 1991.

66Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 79: Colloque International Francophonie et développement durable

ATELIER 2 – L’INCONTOURNABLE QUESTION DE L’EAU

AnimatriceHouria TAZI SADEQPrésidente, Alliance Maghreb Machrek pour l’Eau (ALMAE), Maroc

Études de casClaude VILLENEUVECommissaire auxiliaire, Bureau d’Audiences Publiquessur l’Environnement du Québec, CanadaLa consultation publique sur l’eau au Québec et ses résultats

Michel RADOUX, Marie NEMCOVA, Didier CADELLIFondation Universitaire Luxembourgeoise (FUL), Belgique, Groupe de Recherche MHEA®Épuration et réutilisation des eaux usées domestiques et urbaines dans les régionsen développement. Exemples au Sénégal (Dakar–Cambérène) et au Maroc (Tétouan–M’Diq)

Jean BURTONCoordonnateur du Réseau francophone de gestionnaires d’écosystèmesfluviaux et lacustres, Québec, CanadaLe développement des capacités en gestion des ressources en eau par bassin:l’expérience du projet «Gestion des grands fleuves» et du Réseau francophonede gestionnaires d’écosystèmes fluviaux et lacustres (1990-2001)

Kamal ELMDARIAssociation Chouala, MarocL’éducation, la culture et la thématique de l’eau au Maroc.Expérience de l’association Chouala

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L’EAU, C’EST LA VIE La question de l’eau est l’une des questions les plusstratégiques de notre temps et les plus difficiles parcequ’elle est associée à la vie et qu’elle n’est pas le pro-duit de l’homme. Elle est multidimensionnelle, com-plexe et en interaction avec d’autres ressources natu-relles, les différents milieux et les communautés.

Historiquement, la gestion et la valeur de l’eausont indissociables du développement – matériel etspirituel – de toutes les civilisations. Elle retient tou-jours l’attention de la communauté internationalequi la qualifie aujourd’hui de prioritaire et de clépour le développement durable.

Pourtant, pendant que l’offre baisse et que lademande augmente, une personne sur 4 (soit 1,5 mil-liard) n’a pas accès à l’eau potable et une personne sur3 (soit 2,5 milliards) n’a pas accès à l’assainissementet 80 % des maladies sont d’origine hydrique. En2050, 9 milliards d’humains devront être approvi-sionnés en eau potable saine.

L’eau, ressource naturelle salvatrice, revêt plu-sieurs fonctions dont:

– une fonction de survie,

– une fonction de sauvegarde,

– une fonction intégratrice, par les interactionsqu’elle permet entre les espaces, les milieux et/oules ressources,

– une fonction de lien social entre les commu-nautés,

– l’élément temporel qu’elle introduit, le dévelop-pement durable tisse un lien entre l’action despersonnes d’aujourd’hui et les générations futureset engage la responsabilité des contemporains àleur égard,

– de matière première du développement socio-économique.

L’eau peut également être destructrice :

– à l’origine de maladies et de décès,

– en cas de conflits: elle est transformée en arme deguerre.

L’eau est victime:

– du gaspillage et des atteintes à sa qualité,

– ou cible de conflits, armés ou non.

EAU ET DÉVELOPPEMENT DURABLE : LE CONSTAT

L’atelier : une opportunité Le présent atelier offre une opportunité pour tenterde saisir la complexité de la question, d’en aborder lesenjeux et de dégager des pistes d’action pour faire decette ressource un facteur de développement durable,de paix, de sécurité et de coopération.

Face à la réalité de l’eau, la communauté inter-nationale est sommée d’intégrer une démarche auservice du développement durable qui place la per-sonne humaine au centre des débats et qui vise le droitd’accès de tous à l’eau.

69 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Houria TAZI SADEQPrésidente, Alliance Maghreb Machrek pour l’Eau (ALMAE)

Maroc

ATELIER 2 – L’incontournable question de l’eauAnimateur

Page 82: Colloque International Francophonie et développement durable

À cette fin, des interrogations pressantes attendentdes réponses concrètes : l’eau peut-elle en raison deson caractère social devenir définitivement une sourcespéculative de profits? L’État, peut-il se désengagercomplètement de sa gestion? Quel est le partage derôles? Quels sont les niveaux d’espaces de coordina-tion et de concertation? Quelles sont les mesuresd’accompagnement? Quels sont les systèmes de régu-lation? Pouvons-nous opérer des mutations brutalesdans les modes de vie et de pensée des populationspréoccupées par l’amélioration de leurs conditions devie matérielle et morale? De quelle façon optimiserl’utilisation de l’eau à l’avenir et de garantir une jus-tice sociale en faisant preuve de l’aptitude à concilierl’utilisation de l’eau à des fins de développementdurable et sa conservation en tant que patrimoineécologique? Quelle coopération? Quelles solidarités?Et avec quels moyens? Si l’on adhère au fait que l’eauest un bien économique et social et qu’elle est unequestion éminemment politique, il est utile de porterune attention:

– au partage et/ou aux parts alloués: aux différentsusages de l’eau: agriculture, industrie, eau potableet assainissement, navigation, hydroélectricité,loisirs, aux États riverains, circonscriptions admi-nistratives ou régions.

– à qui appartient l’eau? Qui en a le droit d’usage?Et par quel mécanisme?

– à l’équilibre durable entre l’offre et la demande,l’offre étant parfois inférieure aux demandes dela zone à alimenter ;

– aux liens entre l’eau, la démographie et les dyna-miques de population;

– à la solidarité entre l’amont et l’aval ;

– à l’interaction entre la ressource en eau, les autresressources naturelles, les milieux et les commu-nautés ;

– à la répartition des structures naturelles de collecteet de redistribution des eaux entre le milieu ruralet le milieu urbain;

– à la question foncière ;

– à la place accordée à la protection de l’environ-nement en général, à la ressource en eau en par-ticulier et la qualité qui est censée être atteinte ;

– aux aspects économiques (coût et prix, externa-lité des coûts, privatisation, concessions) entermes d’efficacité, mais également d’équité etd’acceptabilité sociale ;

– à l’évaluation de l’efficience des services concédés;

– à l’harmonisation de l’organisation sociale et destechniques traditionnelles de gestion avec lesmodes d’intervention modernes. Tout projet lié àl’usage de l’eau, son partage et son développementdoit tenir compte des pratiques traditionnellesacceptées ;

– au système permettant de remédier, en cas deruptures, à la compétition ou au conflit potentielou déclaré émanant de droits ou des usages del’eau, des réclamations relatives à des décisionsadministratives et du contrôle de la pollutiond’eau;

– à la manière dont la participation des différentsintervenants dans les processus de prise de déci-sions, de gestion et d’évaluation est assurée;

– à l’identification des obstacles à la bonne appli-cation des lois et à leur origine;

– à l’articulation entre les différents niveaux: local-national-régional-transnational ;

– à l’effectivité du droit d’accès à une eau saine;

– aux outils et moyens destinés à garantir l’effecti-vité des mesures adoptées.

Si l’Agenda 21 dans son chapitre 18 a marquél’importance de l’eau et déclaré les principes qui doi-vent guider l’action en la matière, nous sommesencore loin d’atteindre l’objectif qui consiste à recon-naître le droit d’accès à l’eau pour tous.

L’eau: réalité différenciée et inégalitésSi l’on fait le ratio entre la quantité d’eau douce et lapopulation mondiale, on constate que la disponibi-lité en eau est en moyenne suffisante.

Mais rapidement on réalise qu’il ne s’agit pas làd’arithmétique dans la mesure où on est face à une

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grande diversité de situations vis-à-vis des ressourcesen eau et de l’assainissement, voire une grande inéga-lité entre les pays et à l’intérieur des pays, entre lemilieu urbain et le milieu rural, les secteurs d’utili-sation et au niveau de la consommation par habitant.

Entre la pénurie et le déluge, l’eau nécessaire àl’Homme ne se trouve pas forcément où il faut, niquand il le faut, ni avec la qualité que l’on souhaite-rait. Au fil du temps, l’adéquation est de moins enmoins bonne.

À l’inégalité de la répartition géographique desressources s’ajoutent des variations encore relative-ment imprévisibles des précipitations d’une année surl’autre: sécheresses, inondations et famines ont touchél’humanité tout au long de son histoire bien avant queles activités humaines ne commencent à peser surcette évolution.

Ces problèmes sont exacerbés aujourd’hui par lephénomène de désertification et de réchauffement dela planète.

Le rationnement et les coupures en eau, la haussedes prix alimentaires atteignent les grandes agglo-mérations, où longtemps étranger aux angoisses del’agriculteur, même le citadin, en mesure actuelle-ment les effets pervers, excepté le touriste venu dufroid qui s’en réjouit.

Une grande inégalité apparaît, d’un pays à l’autre,au niveau de la consommation par habitant: un agri-culteur malgache utilise 10 litres par jour, soit leminimum compatible avec la vie, un Parisien en uti-liserait 240 pour son usage personnel, alors que laconsommation d’un citoyen américain dépasserait600 litres.

Si à la campagne, les problèmes de l’eau se posentde façon alarmante, il est désormais établi que letournant du siècle nous met en présence d’une sériede changements sans précédent qui risquent d’ag-graver la crise de l’eau.

Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité,les villes seront plus peuplées que les campagnes,alors que le monde rural reste marginalisé et défavo-risé quant à son accès à l’eau potable et à l’assainis-sement.

Plus qu’un phénomène démographique, cetteurbanisation rapide s’avère l’un des changements lesplus importants et elle décide de notre avenir. Laconfiguration des villes est, de ce fait, en profondemutation et le développement urbain s’accompagnede changements sociaux, économiques, environne-mentaux et politiques complexes.

Longtemps considéré comme un don du ciel dontl’État est le gardien, aujourd’hui, plusieurs pays s’en-gagent dans le partenariat public-privé et mettent enplace des modes de gestion associant le public et leprivé.

En effet, ces dernières années, la scène interna-tionale assiste à la multiplication de formules mixtesÉtat-privé en matière d’infrastructures et de gestionde l’eau. Un marché concurrentiel permettrait derépartir les ressources en eau entre les différentsclients en situation de concurrence.

Pour le moment, seules les grandes villes attirentl’investisseur privé créant une autre inégalité entre cesdernières et les autres centres urbains.

Le secteur privé arrive doucement mais assuré-ment dans le milieu de l’eau. L’écoefficacité est de plusen plus un enjeu stratégique compris par les entre-prises. L’orientation qui se précise consiste en ce quedans le cadre du management de la chaîne d’appro-visionnement, des donneurs d’ordre imposent desnormes de management de l’environnement à leurssous-traitants avec des systèmes de labélisation envi-ronnementale des produits. Les PME et PMI sont, àmoins d’un accompagnement, incapables de saisirde telles occasions.

L’eau: complexité et paradoxes D’un côté, le discours véhiculé par la communautéinternationale et certaines actions concrètes démon-trent qu’il existe une prise de conscience manifeste dela valeur de la ressource en eau accompagnée d’unevolonté politique d’organiser, de maîtriser sa gestionet de la valoriser.

D’un autre côté, la communauté internationale nese décide pas à régler en priorité le problème de l’eauet de lui accorder les moyens nécessaires, suffisants etpérennes.

71 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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Dans les régions vulnérables, environ 460 millionsde personnes (soit 8% des habitants de la planète)manquent d’eau. Un quart de la population mondialeest menacé de connaître le même sort. Si rien n’estfait, prédisent les experts, les deux tiers de l’humanitérisquent de souffrir d’un manque d’eau modéré àgrave avant 2025.

Les chiffres disponibles montrent qu’en Afriquesubsaharienne, les deux tiers environ de la populationrurale (273,5 millions d’habitants) et un quart de lapopulation urbaine (45,6 millions d’habitants) nedisposent pas d’eau potable, et le nombre de ceux quine bénéficient pas d’un assainissement adéquat estencore plus grand.

Les prédictions pour l’an 2000 annonçaient déjàque près de 300 millions d’Africains risquaient devivre en situation de pénurie d’eau, et d’ici 30 ans,20 pays de la région pourraient en manquer.

Les sécheresses récurrentes et localisées, l’insé-curité alimentaire croissante et les maladies d’ori-gine ou à transmission hydrique causent chaqueannée des millions de décès. La dégradation de l’en-vironnement va en s’accentuant et, pour compliquerles choses, tous les pays de la région partagent une ouplusieurs vallées fluviales qui s’étendent au-delà deleurs frontières nationales.

D’après les travaux de l’Agence canadienne dedéveloppement international, la pénurie d’eau tou-chera une quarantaine de pays en 2050, principale-ment en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. Si rienn’est fait, les pays d’Afrique du Nord et la Mauritanieseront largement touchés. En Afrique de l’Ouest, laCôte d’Ivoire, le Sénégal, le Mali, le Ghana sontconcernés.

L’accroissement de la consommation d’eau nepose pas seulement un problème quantitatif, celuide l’ajustement des ressources aux besoins. Il a éga-lement des répercussions importantes sur la qualitédes eaux utilisables.

Dans les pays riches comme dans les pays endéveloppement, les ressources hydriques sont de plusen plus exposées à une dégradation pernicieuse consé-cutive au retour d’une eau insuffisamment et/ou nonépurée et à l’impact des activités humaines. La

majeure partie de l’eau utilisée sert de solvant, deréfrigérant et de support à l’évacuation des déchets.Cette dégradation, l’érosion des sols, l’envasementdes barrages affectent les cours d’eau et les lacs maiségalement les nappes phréatiques menaçant ainsil’avenir.

L’accumulation de sel dans les terres irriguées,en raison d’un drainage insuffisant et de l’évaporationintense, représente une autre menace.

D’après l’Organisation mondiale de la santé, 80%des maladies et un décès sur trois dans les pays endéveloppement sont dus à des déficiences de l’hy-giène et du retard pris dans la mise en place des équi-pements nécessaires à l’alimentation en eau et à l’as-sainissement.

L’ampleur des ressources financières nécessairespour atteindre les taux de couverture visés pose unautre problème.

Dans ce paysage, l’agriculture est montrée du doigt,les choix des politiques agricoles – soucieuses du liensocial et de la sécurité, voire de la qualité alimentaire –ont favorisé des productions buveuses de grandes quan-tités d’eau.

Le déficit en informations et en évaluations scien-tifiques constitue un handicap supplémentaire dansplusieurs pays parmi ceux qui vivent la crise de l’eauet/ou exportatrice d’eaux virtuelles.

L’eau: une préoccupation constante,pour quel résultat? L’ensemble de la «Terre Patrie» réalise que la pressionsur l’eau est devenue telle qu’elle constitue à la fois unattribut et un symbole de pouvoir politique ; ellemenace d’être à l’origine de nouveaux conflits lors-qu’il s’agira de s’assurer de la sécurité de l’approvi-sionnement en eau. Ces conflits peuvent éclater entreles États mais aussi entre les différents usages de l’eau.

L’abondance ou la pénurie de ce «patrimoinepartagé», voire «patrimoine de l’humanité», condi-tionne les processus de «développement durable».

La menace adressée au double niveau national etinternational, tellement les inégalités sont criantes, n’apas les réponses spécifiques au règlement des conflitspotentiels, actuels ou non dits.

72Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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L’eau, cette substance médiatrice entre l’hommeet la nature se heurte en dépit des efforts déployés àdes difficultés en raison de ses caractéristiques propreset de son caractère éminemment social et politique.

La communauté internationale consciente quecette ressource par nature salvatrice peut devenir des-tructrice, s’organise de conférences en forums et à tra-vers des programmes d’actions dans le cadre et endehors du système des Nations Unies et à un niveaumondial, régional ou sous-régional.

La société civile, de son côté, s’organise autour dela thématique de l’eau, et apporte sa contribution enrefusant notamment de réduire la réalité complexe decette ressource clé pour le développement à un seultype de variable. L’importance des enjeux et la natureintrinsèquement sociale des solutions impliquentque la décision n’appartienne plus uniquement auxinitiateurs scientifiques et techniques du développe-ment.

Malgré tout, nous ne sommes parvenus ni àadopter un cadre juridique et institutionnel interna-tional spécialisé ni à rendre effectifs les principes et lesorientations énoncés par la CNUED, ni parfois àréussir les arbitrages nécessaires entre les usagers del’eau. Combien de pays luttent aujourd’hui effective-ment contre la pollution et le gaspillage? Heureuse-ment, depuis la Décennie internationale de l’eaupotable et de l’assainissement (1980-1990) les pro-blématiques liées à l’eau ont mûri grâce à la confron-tation des convictions des uns et des autres. Sans pré-tendre à l’exhaustivité, on peut rappeler certainesétapes significatives.

– La Conférence des Nations Unies sur la gestion desressources en eau, tenue à Mar del Plata enArgentine en 1977 a débouché sur un plan d’ac-tion mis en œuvre par le Programme des NationsUnies pour l’environnement en coopération avecd’autres organisations internationales mondiales,régionales ou sous-régionales. Elle a émis desrecommandations: mise en valeur des ressourcesen eau, élaboration par les États de programmescommuns, création de mécanismes et institutionsnécessaires à cette coordination internationale.

– On laissera de côté les tentatives de rapproche-ment et d’harmonisation de la Communautéeuropéenne, pour retenir le travail mené depuis1987 par le Comité des problèmes de l’eau de laCommission économique des Nations Unies pourl’Europe (dont sont aussi membres les États-Uniset le Canada) sur les problèmes vécus par desÉtats riverains d’un cours d’eau partagé qui aabouti à la signature, le 17 mars 1992 à Helsinki(Finlande), d’un instrument international décisifpour la résolution des conflits inter-étatiques enla matière : la Convention sur la protection etl’utilisation des cours d’eau transfrontières et leslacs internationaux.

– On a assisté à un retour progressif des préoccu-pations globales dans le domaine de l’eau. NotreAvenir à tous paru en 1988 (il s’agit du Rapportde la Commission mondiale sur l’environnement,appelé Rapport Brundtland) marque un intérêtsur la question de l’eau qui est l’un des neufpoints énumérés par la résolution 44/228 del’Assemblée générale de l’Organisation desNations Unies comme facteur d’un développe-ment durable.

– Pour préparer la Conférence des Nations Uniessur l’Environnement et le Développement (Rio deJaneiro, juin 1992), on a tenu un certain nombrede réunions internationales traitant, directementou non, de la question de la ressource en «eau».Les travaux de la Conférence Internationale surl’Eau et l’Environnement (ICWE), qui a eu lieu àDublin (Irlande) du 26 au 31 janvier 1992, ontconstitué le principal élément d’information de ceForum international pour tout ce qui touche auxréserves d’eau douce en attirant l’attention surl’épineuse question de ces réserves et sur la façond’en optimiser l’utilisation à l’avenir. Cette Confé-rence a reconnu que des mesures concertées s’im-posaient pour redresser la situation – consom-mation excessive, pollution, risques croissants desécheresse et d’inondation. Les mesures recom-mandées par la « Déclaration de Dublin » àl’échelon local, national et international, s’inspi-rent de quatre grands principes directeurs : lecaractère fragile et non renouvelable de la res-source, indispensable à la vie, au développement

73 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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et à l’environnement; l’association à tous les éche-lons des usagers, planificateurs et décideurs danssa gestion et sa mise en valeur; le rôle essentiel desfemmes dans sa gestion et sa préservation et dansl’approvisionnement et sa valeur économique.

Si l’on considère l’intérêt des générations futures,la Déclaration de Dublin énonce des principes quidevaient favoriser un accès pacifique et équitable dela ressource.

– Le chapitre 18 de «Action 21», le plan d’action dela CNUED consacré à la protection des ressourcesen eau joue un rôle essentiel et s’affirme commeune application d’approches intégrées de la miseen valeur, de la gestion et de l’utilisation des res-sources en eau. Dès l’introduction, on trouveaffirmé l’objectif de veiller à ce que l’ensemble dela planète dispose de ressources en eau perma-nentes, suffisantes et de qualité. Dès lors que sarareté est susceptible de générer des conflits, ilconvient d’aller vers une planification et une ges-tion durable.

– La Déclaration de Barcelone (Conférence euro-méditerranéenne, novembre 1995) reconnaît quel’approvisionnement en eau ainsi qu’une gestionappropriée et un développement des ressourcesconstituent une question prioritaire pour tousles partenaires méditerranéens et qu’il importe dedévelopper la coopération en ces domaines.

Déjà, le 30 octobre 1992, les représentants d’unevingtaine de pays riverains de la Méditerranée ontsigné une Charte méditerranéenne de l’Eau pour lasauvegarde de l’eau «élément fondamental pour ledéveloppement équilibré et durable de chaque pays».

– L’Assemblée Générale des Nations Unies a adoptéle 21 mai 1997 par la résolution 51/229 « LaConvention sur le droit relatif aux utilisations descours d’eaux internationaux à des fins autres quela navigation» élaborée, non sans résistance, pardes États souverains dans le cadre de la Commis-sion de Droit international.

– Les Forums de l’eau (Marrakech, mars 1997,La Haye, mars 2001 et le processus de Kyoto,mars 2003 ; – Le processus préparatoire àJohannesburg et particulièrement la Conférence

des Nations Unies tenue à Bonn en décem-bre 2001 qualifiant l’eau de clé pour le développe-ment durable.

Tous les efforts convergent vers l’importanced’une nouvelle gouvernance et la nécessité de mobi-liser des ressources financières. Le renforcement descapacités et le partage des connaissances sont désignéscomme axes prioritaires.

Nous devons aujourd’hui distinguer entre pro-téger la ressource d’une manière générale et protégerla ressource consommée ce qui traduirait le passagesouhaité de la logique d’usages à celle plus intégrativede milieu.

Une eau disponible, de qualité, consommée avecprudence puis collectée et assainie, n’est-ce pas là unenjeu pour tous? Si elle doit être utilisée pour le biencommun ou «l’intérêt général» ni l’Administration,ni l’usager ne peuvent s’en désintéresser, ni s’endérober.

L’importance des enjeux et la nature intrinsè-quement sociale des solutions impliquent que lesprocessus de décision n’appartiennent plus unique-ment aux initiateurs scientifiques et techniques dudéveloppement.

Y a-t-il un cadre commun juridique et institutionnel? À cet effet, quel peut être l’apport du droit et quelleest l’utilité d’intégrer les aspects juridiques et insti-tutionnels dans l’analyse? Pouvons-nous faire valoirl’idée d’une communauté régie par des dispositifsjuridiques inspirés du modèle français?

Au niveau interne L’avancement dans la mise en place des dispositionslégislatives et réglementaires dépend si l’on se situe enpays riches ou en développement et de l’âge des loisen vigueur. Ces dispositifs s’articulent globalementautour des axes suivants :

– la domanialité publique de l’eau afin de faciliterle contrôle administratif de son usage;

– les droits d’usage soumis à une autorisation admi-nistrative, un permis ou une concession;

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– une planification des ressources en eau sur labase de données disponibles relatives à l’état de laressource sur les plans quantitatifs et qualitatifsenregistrées par l’administration;

– une gestion intégrée par bassin hydrographique;

– l’introduction du principe pollueur-payeur oupréleveur-payeur;

– un système de normes obligatoires ;

– un mécanisme tarifaire et le principe «l’eau, bienéconomique»;

– des systèmes d’encouragements financiers en vued’une utilisation efficace et protectrice de l’eau etde technologies propres ;

– mise en place et/ou acceptation de l’utilité d’uneapproche participative à la gestion des ressourceshydrauliques à différents niveaux;

– mécanismes de règlements de conflits ;

– l’institution ou le renforcement de la police del’eau (sanctions) ;

– une tutelle administrative exercée parfois par unDépartement qui garantit la gestion intégrée maissouvent on se heurte à des interventions mul-tiples et des approches sectorielles ;

– la reconnaissance des droits acquis ou traditionnels.

Le droit international de l’eau La navigation et l’hydroélectricité ont longtempsconstitué la préoccupation majeure puis la pollutiontransfrontière a été intégrée.

À ce niveau, un consensus apparaît autour deprincipes importants dégagés par :

• La coutume

– l’obligation de coopérer et de négocier avecl’intention d’aboutir à un accord;

– l’interdiction de réaliser des aménagementssusceptibles d’avoir des conséquences dom-mageables et durables au détriment d’autresÉtats ;

– l’obligation de consultation préalable ;

– l’utilisation équitable des ressources parta-gées y compris les eaux souterraines, qui sous-tend deux principes, à savoir le principe del’égalité d’accès et le principe de non-discri-mination.

• Les principes généraux du droit :

– l’obligation de ne pas abuser de ses droits ;

– le bon voisinage entre États. D’autres prin-cipes ont émergé et rendent ce dernier opé-ratoire : le principe d’informer d’urgence, leprincipe de l’assistance, le principe d’infor-mation préalable des projets.

• Le règlement amiable des conflits.

Plusieurs arrêts de la Cour Internationale deJustice confirment ces orientations (Affaires du LacLanoux, des fumées de la Fonderie de Trail, du Détroitde Corfou, Projet Gabcikovo-Nagymaros).

N’y a-t-il pas là une base consensuelle justifiantde répondre à une demande citoyenne en faveurd’une convention-cadre sur l’eau dans la perspectivedu développement durable et où seraientt explicitésles modes d’une nouvelle gouvernance de l’eau? Lacommunauté internationale est en quête d’un réfé-rentiel commun en la matière!

POUR UNE NOUVELLE GOUVERNANCE DE L’EAU AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENTDURABLE, L’AUTRE VOIE Dans la perspective de Rio + 10 et au-delà, noussommes confrontés à l’épineuse question de savoir dequelle façon optimiser l’utilisation de l’eau et degarantir une justice sociale en vue:

– de parer aux inégalités d’accès à la ressource eneau et à l’assainissement entre les différentesrégions et les différents milieux (monde rural,habitat insalubre) ;

– d’assurer, d’organiser et de pérenniser une répar-tition entre les différents secteurs (domestique,industriel, agricole) ;

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– de protéger quantitativement et qualitativementcette ressource devenue plus rare et vulnérable ;

– d’éviter qu’elle ne devienne source de conflit.

En quête d’une autre voie, nous sommes inter-pellés en vue de revoir les pratiques adoptées en vuede rendre opérationnel le développement durabledans le domaine de l’eau.

Dans le contexte d’un accroissement incessant etd’une diversité de la demande face à une baisse del’offre et d’une inégale répartition des disponibilitésde la ressource, il s’agit d’apporter des réponses adap-tées. Relever ce défi malgré sa complexité, exige denous des approches, voire de nouveaux modes d’in-tervention dont l’opérationnalité est fondée surl’équité, la solidarité, la précaution et la subsidiarité.En somme, une nouvelle gouvernance en mesure defaciliter le passage du local au global, du quantitatifau qualitatif, du sectoriel au multidimensionnel, dugénéral au particulier, de la rigueur à la nuance.

• Pour de nouvelles approches… En matière d’eau, les approches technicistes fondéessur l’offre et la gestion sectorielle ont montré leurslimites.

Dans ce cadre, l’accès et l’utilisation optimale dela ressource en eau sous-tendent de nouvellesapproches en faisant la place qu’elle mérite à la dimen-sion culturelle du développement. L’interdisci-plinarité, les approches globales et multisectorielleont définitivement droit de cité.

Les propositions convergent vers :

• L’action fondée sur la demande qu’il s’agit deconnaître préalablement et de gérer.

• Une définition qui consacre l’unicité de la ressourceen respect du cycle de l’eau. Souvent, le littoral nebénéficie pas des dispositions législatives dans untexte unificateur. Le rivage de la mer, écosystèmeriche et fragile en même temps, subit les aléas: dela pollution pélagique venue du large, de la pol-lution tellurique venue de l’intérieur, le phéno-mène d’attraction qu’exerce le rivage de la mer surles populations a conduit à une pression démo-graphique sur des zones côtières. Aux rejets desétablissements industriels installés au bord de la

mer viennent s’ajouter les rejets d’eaux uséesdomestiques et les rejets résultant du trafic desnavires-citernes et des activités portuaires.

• La prévention dans la perspective d’une gestionfondée sur la précaution et la subsidiarité : le prin-cipe de pollueur-payeur, bien que largementadmis au niveau international s’appuie sur desmesures répressives destinées à protéger la res-source en eau. Si ces dernières conservent tout leurintérêt, de nos jours le souci de prévention inspireplus fréquemment.

La lutte a posteriori contre la pollution impliquela mise en œuvre de moyens financiers puissants quimanquent.

La Déclaration de Rio a montré l’importance duprincipe de précaution qui devrait être traduit par desmesures concrètes.

• Le concept de gestion intégrée et décentralisée de laressource en eau par bassin hydrographique, parcequ’elle vise, en respect du milieu aquatique, l’en-semble des actions destinées à garantir aux popu-lations et aux activités économiques une utilisa-tion optimale de cette ressource, tant en termes dequantité que de qualité et au-delà des frontièresadministratives et/ou politiques.

Bien entendu, la gestion de l’eau dans le cadre desbassins hydrographiques passe par une remise encause institutionnelle. Elle retient le découpage«naturel» des bassins versants qui se juxtapose à celuides régions et ne coïncide pas forcément avec lui etrend le découpage administratif caduc. Elle appelle àune nouvelle définition des rôles et des responsabi-lités des pouvoirs publics concernés, voire à leursrelations avec les citoyens. Elle pose en des termesnouveaux le partage de l’eau notamment pour lescollectivités qui ont besoin de s’approvisionner en eauen dehors de leurs limites territoriales ainsi que pourl’assainissement dans le cas où des communautéssubissent la pollution par les effluents mal ou nontraités par leurs voisins.

• Le principe de l’accès équitable de tous à une eausaine, occasion de parer aux inégalités entre lesmilieux, entre les secteurs et d’impliquer tous lessecteurs de la société civile dans des actions

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concrètes en permettant de bâtir des partenariatsbasés sur la complémentarité des interventionsselon une approche holistique.

L’eau devient école de citoyenneté et de dévelop-pement durable.

Le discours juridique évolue doucement du droitde l’eau vers le droit à un environnement sain et doncà une eau saine… le droit au développement durable.Concept largement revendiqué, l’eau y trouve sachance dans la reconnaissance d’une relation d’in-terdépendance entre la démocratie, le développe-ment et les droits de l’homme reconnus par le docu-ment final sur lequel s’est fait l’accord à la ConférenceMondiale sur les Droits de L’Homme de Vienne du25 juin 1993 et de l’interdépendance entre tous lesdroits de l’homme invitant la communauté interna-tionale à les traiter «globalement, de manière équitableet équilibrée, sur un pied d’égalité et en leur accordantla même importance» (article 5 de la Déclaration deprincipes).

Pour s’épanouir, ces droits ont besoin d’un envi-ronnement national et international favorable. Ilspréfèrent se mouvoir dans un régime démocratiquequi respecte les droits fondamentaux et les libertésessentielles de la personne humaine à même degarantir une politique basée sur la paix, le dialogue,la concertation et la coopération mutuelle au serviced’un même projet, à savoir le mieux être de la société.

En même temps, on s’accorde à dire qu’il n’y a pasde droits de la personne humaine sans développe-ment, devenu aujourd’hui développement durable, etsans paix.

Or le droit au développement s’épanouit aumilieu des perceptions plurielles et différenciées lors-qu’il met l’accent sur les droits économiques, sociauxet culturels et ne s’accommode plus des insuffisancesdes approches purement économiques du dévelop-pement.

… et des mécanismes alternatifs Harmoniser le développement passe par la mise enplace de mécanismes alternatifs à même de traduiredans l’action les approches retenues.

Les mécanismes auraient pour tâche de:

• Rendre opérationnelle la gestion participative de laressource en eau en élargissant le cercle des acteursde l’eau définitivement consacrés : la mise en placed’un système de gestion participative supposeque soient clairement identifiés les acteurs quien ont la charge, les objectifs qui leur sont assignéset les modalités de leur implication au processusde prise de décision.

Cette évolution ne manquera pas de susciter uneremise en cause du cercle des acteurs de l’eau qu’ils’agit de repenser en définissant les droits et les obli-gations de chacun en sachant que les pouvoirs publicssont les seuls à pouvoir concilier les différents intérêtsquel que soit le désengagement des États.

La participation populaire, dans la mesure oùelle donne, entre autres, l’occasion d’une pondérationentre les différents intérêts, peut éliminer ou atté-nuer, par le procédé du consensus, les causes duconflit dans le respect des particularités locales. Laparticipation active a prouvé qu’elle était la garantied’une meilleure adaptation des règlements aux réa-lités et d’un meilleur respect des textes.

C’est pourquoi, il reste à renforcer les dynamiqueslocales et à responsabiliser les populations en vued’une plus grande autonomie et/ou décentralisation,mais en assurant la création d’un cadre de concerta-tion entre différents acteurs.

Elle passe par l’étude d’impact continu, le droit àl’information et le droit d’accès aux documents admi-nistratifs mais aussi la sensibilisation, la formation,voire la mobilisation et la motivation des ressourceshumaines, le renforcement des capacités.

• Reconnaître et/ou généraliser le droit et l’égalitéd’accès aux juridictions y compris pour les ONG etgarantir l’application des décisions judiciaires dontl’objectif est la ressource en eau. Le droit à l’eauet au développement durable ne trouvera toute sasignification que dans des procédures de mise enœuvre tant au niveau international qu’au niveaunational. Pour ce faire, il requiert aussi un chan-gement d’attitudes et de mentalités face à uneprocédure contentieuse rendue difficile par lanature des atteintes portées à la nature, à l’eau en

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particulier, et les conséquences des nuisances surle développement durable.

L’environnement pose de ce point de vue de nom-breux problèmes qui exigent un préalable qui consisteà disposer d’une définition précise de ce que l’onqualifie d’environnement «sain et équilibré» et par-tant d’une «eau saine». Mais là, interviennent le pro-grès scientifique et le dialogue des technologies où l’ona recours à des évaluations scientifiques dont l’inté-grité est parfois sacrifiée sur l’autel des idéologies.

L’efficacité du droit devant protéger l’environ-nement (discipline relativement nouvelle) est loind’être une réalité. Non-application, mise en œuvreinsuffisante, institutions inappropriées et insuffi-samment puissantes, préférences accordées auxméthodes douces, souvent extrajudiciaires, actionunilatérale de l’Administration… caractérisent cettediscipline.

• Organiser l’accès aux financements selon uneapproche communautaire : toutes les actions enfaveur du droit au développement durable ontbesoin des moyens adéquats pour leur réalisa-tion. Or, les pays riches n’ont pas respecté lesengagements proclamés à Rio. De plus, cet accèsreste un exercice pour experts en vue d’obtenir desfinancements ponctuels dégagés souvent de pro-grammations préétablies où les priorités locales,les technologies appropriées et les choix endo-gènes ne s’insèrent pas a posteriori.

Johannesburg est attendue comme une étapepour dégager des pistes destinées à identifier enmatière de financements : la nature de l’engagementdes pays riches, comment chaque pays peut comptersur ses moyens, par quelles solutions innovantes maiségalement grâce à quels partenariats? À quelles condi-tions le partenariat public privé est-il viable?

• Reconnaître que la privatisation nécessite préala-blement des systèmes et des mécanismes de régula-tion: si l’eau doit respecter certains critères d’ef-ficacité économique, elle est un bien éminemmentsocial dont la gestion est incompatible avec lanotion de profits spéculatifs. Elle doit aussi insistersur le critère d’acceptabilité sociale et politique ducoût de fonctionnement et d’amortissement desinfrastructures et celle des investissements.

• Tisser la solidarité et la coopération: dans la mesureoù par sa mobilité et sa fluidité la ressource en eautraverse les frontières imposant une «liberté decirculation», le local ne peut faire fi de « l’inter-national». Inversement, bien que le champ despolitiques liées à l’eau soit déterminé par le carac-tère souvent transectoriel ou mondial des phé-nomènes auxquels elles entendent remédier, l’im-portance du local ne peut être sous-estimée.

• Contribuer à l’œuvre de codification nationale etinternationale et à la mise en œuvre de lois natio-nales quand elles existent : les conséquences del’absence d’une véritable législation internationaleglobale fait aujourd’hui défaut face la notion de«marché de l’eau» qui envahit les pays dans uncontexte de mondialisation qui attend du sec-teur public qu’il trouve les moyens de pallier lesinégalités de revenu, de promouvoir le dévelop-pement dans les régions défavorisées, de régle-menter les activités portant atteinte à l’environ-nement et de limiter les monopoles privés quantà leurs effets indésirables. Cet appel s’adresse à lacommunauté internationale pour faire progresserle processus d’intégration des usages par la codi-fication du droit international de l’eau, aux Étatsdont dépendent l’effectivité et la mise en œuvrede ce droit afin de se doter des outils de son opé-rationnalité.

Il serait bien sûr naïf de croire que l’existence derègles de droit suffisent à elles seules ! Mais «engagerun processus en faveur d’une convention-cadre surl’eau» ne serait certainement pas un acte gratuit.

Il s’agit donc de chercher les conditions d’unebonne gouvernance de l’eau. Le Programme desNations Unies pour le Développement (PNUD)donne les définitions suivantes pour la gouvernance:«La gouvernance peut être considérée comme l’exercicedes pouvoirs économique, politique et administratifpour gérer les affaires des pays à tous les niveaux. Ellecomprend les mécanismes, procédés et institutions parlesquels les citoyens et les groupes articulent leurs inté-rêts, exercent leurs droits légaux, remplissent leurs obli-gations et gèrent leurs différences. La bonne gouver-nance est, parmi d’autres choses, participative,transparente et responsable. Elle est aussi efficace etéquitable. Et elle fait la promotion du cadre de la loi. La

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bonne gouvernance assure que les priorités politiques,sociales et économiques sont fondées sur un largeconsensus dans la société et que les voix des plus pauvreset des plus vulnérables sont au cœur du processus dedécision sur l’allocation des ressources pour le dévelop-pement.»

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83 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 96: Colloque International Francophonie et développement durable

INTRODUCTION Depuis quelques années, sur le plan mondial, l’eaudevient un thème majeur de débats. On craint despénuries d’eau potable pour de larges parties de lapopulation du globe. On craint également des séche-resses graves en certains pays, ce qui peut menacer lasécurité alimentaire, d’une part, et le développementéconomique, d’autre part. La capacité d’autosuffi-sance alimentaire de nombreuses régions du mondesera vraisemblablement limitée par le manque dedisponibilité de l’eau, en particulier dans les zones oùl’irrigation est nécessaire. On s’interroge égalementsur les modes de gestion de l’eau, qui laissent souventdes usagers sans accès à une eau de qualité suffisantepour leur propre consommation.

Le Québec est abondamment pourvu en réservesd’eau douce, généralement de bonne qualité. Il n’estdonc pas menacé d’en manquer, du moins à courtterme. Au milieu des années 1990, force était deconstater, malgré des programmes importants deprévention de la pollution, une dégradation des plansd’eau liée à l’agriculture et à des usages industriels,domestiques et récréatifs générateurs de pollutionsdiverses. Par ailleurs, la menace de projets d’expor-tations massives d’eau vers les États-Unis, la multi-plication de projets de captage des eaux souterraineset des projets de privatisation des infrastructuresmunicipales de traitement, de distribution et d’épu-ration des eaux ont provoqué un malaise dans lapopulation québécoise, inquiète de l’avenir de sesressources en eau et anxieuse au sujet de la protectionqu’il convenait d’apporter à cette ressource qu’onqualifiait d’or bleu du 21e siècle par analogie avec lepétrole qui avait été l’or noir du 20e siècle.

UNE VASTE CONSULTATION PUBLIQUE C’est dans ce contexte assez tumultueux que le gou-vernement du Québec a lancé sa consultation sur lagestion de l’eau au Québec. En tant que ressourcenaturelle, l’eau est d’abord de compétence provinciale,le gouvernement fédéral ayant juridiction notam-ment sur la pêche, sur la navigation et sur les ques-tions internationales.

Le gouvernement du Québec a d’abord confié àl’Institut national de recherche scientifique (INRS-Eau) la responsabilité d’un Symposium sur la gestionde l’eau au Québec, qui a eu lieu à Montréal à la finde 1997. Ce symposium a permis de faire le point surl’état des connaissances scientifiques sur l’eau auQuébec. Les actes du Symposium ont été publiés entrois cahiers (Québec, INRS-Eau, 1998). Mais, loin defaire l’unanimité, la tenue du Symposium a relancé lesdébats dans l’opinion publique.

Le gouvernement a alors décidé de mandater leministre de l’Environnement pour la réalisation d’unevaste consultation publique sur la gestion de l’eau.Cette consultation, confiée au Bureau d’AudiencesPubliques sur l’Environnement s’est déroulée demars 1999 à mai 2000. Conformément à la procéduredu Bureau, la consultation s’est effectuée en deuxparties, l’une consacrée aux questions de la popula-tion et la seconde à l’audition de mémoires.

Pendant la première partie, la Commission a visité17 régions administratives du Québec, ainsi que lescommunautés autochtones en territoire conventionné,et obtenu des différents ministères environ 800 docu-ments et études réalisés, dans l’appareil gouverne-mental. Elle a aussi organisé onze ateliers thématiques

84Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

La consultation publique sur l’eau au Québec et ses résultatsClaude VILLENEUVE

Commissaire auxiliaireBureau d’Audiences Publiques sur l’Environnement du Québec

Canada

ATELIER 2 – Études de cas

Page 97: Colloque International Francophonie et développement durable

où divers experts sont venus témoigner sur des sujetsplus précis, comme les menaces globales sur l’eau ouencore l’eau et les cultures autochtones.

La procédure québécoise est simple et non judi-ciarisée. Elle permet à toute personne de venir se pré-senter et de soulever les points qui l’intéressent. Lepublic s’est donc présenté en nombre aux différentesséances de travail.

Au total, la Commission a tenu 143 séancespubliques et entendu 379 mémoires. Avec les800 documents rendus publics et les transcriptionsdes audiences publiques, l’ensemble de la documen-tation représente une masse impressionnante. Le rap-port de la Commission (environ 750 pages), les trans-criptions d’audience ainsi que les mémoires et lesdocuments transmis sous forme électronique ont étécolligés dans un cédérom, ce qui permet à la popula-tion d’avoir accès au rapport et analyses, et aux cher-cheurs de poursuivre la réflexion.

UN ENSEMBLE DE RECOMMANDATIONS La Commission recommandait en particulier :

– D’interdire l’exportation massive de l’eau de sur-face ou de l’eau souterraine par voie de dérivation,de pipeline ou de conteneur;

– De permettre une exploitation accrue de l’eausouterraine à condition que les usages supérieursà 75 mètres cubes par jour soient soumis à la pro-cédure d’évaluation et d’examen des impacts.L’exportation d’eau souterraine embouteillée nereprésente pas en soi une menace pour les réservesquébécoises, mais il peut y avoir des conflitsd’usages, d’où l’importance d’étude et d’examenspublics des projets;

– De ne pas privatiser les équipements et servicesmunicipaux tout en demeurant ouverte à cer-tains partenariats limités et encadrés entre le sec-teur public et le secteur privé;

– De mettre en place la gestion par bassin versantet l’implantation, pour les grands utilisateurs, deredevances pour le prélèvement d’eau et lesdéchets ;

– De procéder à une réforme complète de la Loi durégime des eaux pour conférer à l’eau souter-raine et à l’eau de surface un statut de chose com-mune (res communis) et d’une gestion intégrée del’eau à l’échelle des bassins versants ;

– De désigner un ministre d’État à l’Eau, chargéd’assurer la concertation entre les dix ministèresayant des responsabilités sectorielles reliées à l’eau;

– De créer un organisme, appelé Bassin VersantQuébec, ayant pour mandat d’implanter la ges-tion par bassins versants ;

– De créer un Conseil de l’eau et des milieux aqua-tiques chargé de donner des avis au Ministred’État et d’amorcer certaines consultations;

– De réviser le règlement sur l’eau potable ;

– De réviser le programme d’assainissement agricole.

La Commission affirmait que ses recommanda-tions reposaient sur trois principes : le principe d’in-tégration des décisions gouvernementales pourdépasser les contradictions de l’actuelle gestion sec-torielle de l’eau; le principe de l’articulation sur le ter-ritoire à partir des bassins versants qui semble deplus en plus, dans le monde, la bonne manière de fairedans le domaine de l’eau; le principe de la participa-tion démocratique et de l’engagement des citoyensdans la gestion de l’eau.

Sur le plan opérationnel, la Commission recom-mandait la révision du règlement sur l’eau potabledont les normes sont maintenant désuètes, la réformedu règlement sur la disposition des eaux usées desrésidences isolées, la relance d’un programme fédéral-provincial de rénovation des infrastructures pouraider les municipalités à rénover leur réseau, uneconcertation accrue dans les interventions qui concer-nent le fleuve Saint-Laurent. Elle recommandait sur-tout la révision fondamentale du programme d’as-sainissement agricole. Depuis 20 ans au Québec,l’assainissement urbain et l’assainissement industrielont beaucoup progressé mais les étapes subséquentesrisquent d’être compromises si un effort systématiqueet considérable n’est pas déployé dans le domaineagricole. La Commission insistait en particulier sur lesquestions de pollution diffuse: pratiques culturales

85 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 98: Colloque International Francophonie et développement durable

nuisibles, utilisation intensive d’intrants chimiques,surfertilisation, gestion déficiente des fumiers, drainageagricole et forestier, etc.

Il importe de signaler, tout au long du dossier, l’in-sistance très forte, de la part des participants, sur ladimension symbolique de l’eau. À la fin de la premièrepartie de l’audience, une coalition d’artistes est venuetémoigner. On peut dire qu’une large partie de lapopulation se sent vivement concernée par l’eau parcequ’elle y voit une source de vie. L’éventualité d’unrecul de l’État et de la marchandisation de l’eau asoulevé la peur et l’indignation des participants et desmédias.

UN ACCUEIL FAVORABLE Le rapport, déposé en mai 2000, a reçu un accueil fortpositif et les avancements suivants ont déjà été notésdans les politiques gouvernementales :

• Rédaction d’un projet de politique, actuellementen consultation interministérielle ;

• Adoption d’une loi sur l’exportation de l’eauinterdisant l’exportation en contenants de plus de20 litres ;

• Adoption d’un règlement sur l’eau potable ;

• Adoption d’un règlement sur les résidences isolées ;

• Un règlement sur le captage des eaux souter-raines est en prépublication.

CONCLUSIONLa consultation publique sur l’eau au Québec amontré que, même dans un contexte d’abondance desressources, les conflits d’usages de l’eau peuvent êtreune source de problèmes sérieux pour l’environne-ment et les populations. Le mécanisme des audiencespubliques permet de discuter publiquement desenjeux et de laisser les diverses parties exposer leurpoint de vue, ce qui aide le décideur à agir en touteconnaissance de cause et avec transparence. La consul-tation publique constitue aussi un puissant outild’éducation des utilisateurs de la ressource et favorise

l’engagement de la population dans une conservationactive de la ressource.

Le rapport de la Commission peut être consultépar Internet dans le site du Bureau d’audiencespubliques sur l’environnement du Québec.http://www.bape.gouv.qc.ca/eau/

Claude Villeneuve est professeur responsable duDÉSS en Éco-conseil, Département des sciences fondamentales, Université du Québec à Chicoutimi,555, boulevard de l’Université, Chicoutimi (Québec)Canada, G7H 2B1, [email protected]

86Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 99: Colloque International Francophonie et développement durable

CONTEXTE GÉNÉRAL Dans les pays en développement, la recherche d’unessor économique durable intègre mal l’importancesocio-économique de la protection de l’environne-ment naturel et de la qualité de vie des populations.En particulier, la lutte contre la pollution des eaux nedispose encore que de moyens dramatiquement insuf-fisants, et le retard en matière d’épuration des eauxusées domestiques et urbaines est catastrophique.

La proportion des eaux usées bénéficiant d’uneépuration dans les pays en développement se situeentre 0 et 10%; elle fluctue entre 30 et parfois près de100% dans les pays industrialisés. D’autre part, pourune même région géographique, les zones rurales etles grandes périphéries urbaines sont toujours trèsnettement sous-équipées par rapport aux centresurbains alors qu’elles sont, très souvent et de loin, lesplus peuplées.

Malgré certaines similitudes entre la condition descollectivités rurales dans les pays occidentaux et cellede nombreuses populations dans les pays en déve-loppement (environnement plus fragile conduisant àdes exigences épuratrices souvent plus sévères, tech-nologies classiques d’épuration peu ou pas adaptéeset coûts prohibitifs à l’exploitation, technologiesextensives d’épuration mieux adaptées mais insuffi-samment maîtrisées et mal appliquées), il est évidentque la problématique de la gestion des eaux usées seprésente, dans les pays du Sud, avec des contraintessans commune mesure avec les situations rencon-trées en Europe, par exemple. Il en résulte que les solu-

tions techniques qui ont fait leurs preuves dans lespays européens risquent fort d’être décevantes surplace. D’ailleurs, quand on veut bien être objectif,l’échec est évident depuis longtemps.

Pourtant, faute de terrains disponibles et de sur-face suffisante à proximité, les technologies inten-sives restent encore souvent les seules envisageablespour les grands centres urbains, malgré les difficultésd’exploitation et les innombrables échecs constatés…Et encore, dans beaucoup de cas – dont celui deDakar, par exemple –, la compacité réelle des sta-tions classiques ne suffit même plus à permettre letraitement des eaux à proximité économique ducentre urbain: les eaux usées doivent déjà être trans-férées à des kilomètres en périphérie pour disposer duminimum d’espace nécessaire à l’épuration inten-sive, soit là où l’épuration extensive peut elle aussis’implanter!

D’une manière évidente donc, les pays en déve-loppement ont tout intérêt à s’investir dans les tech-nologies naturelles et extensives tant du point de vuestrictement économique que du point de vue desréalités du terrain ou de l’importance des populationsconcernées.

Cet engagement forcé n’est cependant pas simplepour plusieurs raisons:

• Beaucoup de pays industrialisés affichent encoreune résistance politique évidente vis-à-vis de cestechnologies.

87 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Épuration et réutilisation des eaux usées domestiques et urbaines dans les régions en développement

Exemples au Sénégal (Dakar–Cambérène) et au Maroc (Tétouan–M’Diq)

Michel RADOUX, Marie NEMCOVA, Didier CADELLI Fondation Universitaire Luxembourgeoise (FUL) Belgique

Groupe de Recherche MHEA®

ATELIER 2 – Études de cas

Page 100: Colloque International Francophonie et développement durable

• De fait, la recherche internationale consacrée auxtechnologies extensives d’épuration des eaux esttrès nettement moins développée que celle quis’attache à l’amélioration des technologies clas-siques intensives.

• L’évolution actuelle des circuits économiquesinternationaux (libéralisme forcené, mondialisa-tion économique et leurs contraires) entraîneune méfiance compréhensible des pays en déve-loppement vis-à-vis d’une proposition quel-conque du Nord à propos d’une priorité quel-conque en matière de développement durable.

• Dans divers domaines, et en particulier dans celuide la gestion des eaux et de l’assainissement, le Suddoit souvent prendre une position officielle sansoser avouer les limites de ses compétences tech-niques (ici, en matière d’épuration des eaux parles systèmes extensifs).

• Plus grave encore, le Sud ne peut souvent quesuggérer des politiques différentes dans uneconcertation où les pressions économiques duNord restent quasi incontournables.

PROBLÉMATIQUE PROPOSÉE Dans ce contexte économiquement, techniquement,socialement et politiquement très difficile, il nous aparu utile et constructif d’imaginer et d’essayer demettre en œuvre un programme de recherche/déve-loppement, élaboré à partir d’une problématique ori-ginale développée à la Station Expérimentale de Viville(FUL) depuis 1978 sur les technologies naturellesd’épuration.

En bonne logique, cette problématique s’imposeles contraintes suivantes :

• Pas de concession sur la qualité à long terme destraitements appropriés à proposer d’urgence, sousprétexte d’économies.

• Pas de concession non plus sur le meilleur rapportqualité/prix, même si cela doit impliquer, à terme,un transfert Nord-Sud de méthodologie/compé-tence, rentable pour le Sud, et non un transferttechnologique Nord-Sud, rentable pour le Nord.

Dans un premier temps (soit depuis 1978), nousavons mis en place, sous climat tempéré et en zonerurale européenne, un programme scientifique, rigou-reux et objectif, capable de clarifier les capacités,réelles ou illusoires, des technologies naturelles alter-natives d’épuration. Nos conclusions montrent que,non seulement, ces technologies possèdent des atoutsindiscutables mais que, de plus, elles sont optimi-sables en continu dans un contexte donné.

Le bilan synthétique de ces recherches est présentéci-dessous:

• Toutes ces technologies ont des avantages les unespar rapport aux autres mais aucune n’a le privi-lège de surpasser toutes les autres à tous points devue: elles ont donc aussi des inconvénients par-ticuliers.

• Par contre, des filières d’épuration constituées d’unesuccession judicieuse de certains éléments de plu-sieurs d’entre elles peuvent atteindre des rende-ments d’épuration de haute qualité, respectantnotamment les normes de l’Union Européennepour les zones sensibles à l’échéance 2005 et, enmatière de désinfection, les normes de la bai-gnade en eaux naturelles. Ces filières, devenueshiérarchisées et pluri-écosystémiques par lasimple application progressive des résultats del’expérimentation (ce sont des Mosaïques Hiérar-chisées d’Écosystèmes Artificiels ou M.H.E.A.®),dépassent évidemment en efficacité les filièresextensives traditionnelles dont la structure n’apas été déduite de confrontations comparativessystématiques. Plusieurs de ces technologies sontd’ailleurs encore mono-écosystémiques même sielles peuvent être classées dans les «multi-stagesystems».

• En station strictement expérimentale, ces filièressont facilement optimisables en continu par lamême voie simple de la comparaison systéma-tique.

• Ces filières d’épuration M.H.E.A.® restent cepen-dant aussi dépendantes que leurs éléments consti-tutifs, du macroclimat et des caractéristiques glo-bales des eaux usées ; elles ne sont donc pastransférables.

88Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 101: Colloque International Francophonie et développement durable

• Par contre, le processus méthodologique mis aupoint peut se transférer facilement: non seule-ment, il est peu coûteux par rapport à l’efficacitéde son extrapolation régionale mais, de plus, ilpermet la formation progressive sur place d’uneéquipe scientifique et technique capable de maî-triser sa propre technologie, en étant tout natu-rellement beaucoup plus sensible qu’une équipeétrangère au contexte socio-économique local.

Ces expérimentations ont conduit, dès 1982, àl’élaboration et aux premières applications de ce pro-cessus de recherche appliquée, unifié, simple et effi-cace, permettant la mise au point autonome puis ledéveloppement de filières extensives d’épuration per-formantes :

• sous différents climats,

• pour différents types d’eaux usées,

• dans divers contextes socio-économiques.

En 1994, il a été dénommé processus méthodolo-gique et technologique MHEA®. Il envisage donc toutesles opérations depuis la recherche expérimentale et laformation de tous les intervenants (scientifiques, ges-tionnaires, fonctionnaires responsables) jusqu’à lasensibilisation des populations et la gestion en rou-tine de stations d’épuration conçues et réalisées surplace.

Ce processus méthodologique et technologique areçu, en 1997, l’agréation décernée par le UnitedNations Flag Technology Program.

Le programme complet comporte, sous la gui-dance de la Station Expérimentale de la FUL à Viville,un ensemble de 8 actions spécialisées et coordon-nées, simultanées ou successives, à mener par une ouplusieurs équipes pluridisciplinaires.

• Action 1: information objective sur place par com-paraisons systématiques de toutes les grandescatégories de technologies naturelles existantesen Centre expérimental de recherche-dévelop-pement.

• Action 2 : optimisation de filières hiérarchiséesMHEA® adaptées en Centre expérimental de R/D,soit :

– la conception sur place de nouvelles filièrescombinées,

– la mise au point de leur gestion technique,

– l’évaluation des possibilités de valorisation dessous-produits de l’épuration (boues et bio-masses produites) et de réutilisation des eauxtraitées.

• Action 3 : intégration technologique des filièresMHEA®, soit la construction et la mise en routed’une ou de plusieurs stations-pilotes en grandeurréelle.

• Action 4: développement du processus, soit la mul-tiplication de stations d’épuration appliquant lesfilières d’épuration MHEA® retenues, en gran-deur réelle et dans la zone d’applicabilité (pays lui-même et régions assimilables).

La concrétisation utile de ces 4 premières actions,d’ordre technique, impose un certain nombre depréalables dont principalement:

• une volonté politique nationale officielle, affirmantclairement les intentions de l’État en matièred’épuration des eaux usées urbaines par les tech-nologies naturelles,

• un cadre institutionnel bien défini sur place enmatière de gestion des eaux usées,

• une équipe scientifique et technique locale préa-lablement formée à la méthodologie,

• un Centre expérimental local de recherche-développement et ses équipements techniquespour accueillir cette équipe.

• Action 5: applicabilité régionale, soit la cartogra-phie à l’échelle régionale des entités habitées sus-ceptibles de tirer avantage de ces filières, une foisintégrés et pondérés les aspects liés au contextesocio-économique local, au cadre institutionnel,à l’aménagement du territoire, à l’urbanisme, à laqualité de vie en général des collectivités locales,aux technologies alternatives classiques, etc.

89 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 102: Colloque International Francophonie et développement durable

• Action 6: éducation relative à la gestion intégrée deseaux usées, soit les deux volets traditionnelsconcernant d’une part, la sensibilisation des col-lectivités locales et du grand public et d’autrepart, l’information et la formation des scienti-fiques, des techniciens, des fonctionnaires res-ponsables et des futurs gestionnaires.

Cette action est destinée à renforcer les capacitésnationales de l’ensemble des intervenants en ges-tion intégrée du cycle de l’eau.

• Action 7: évaluation socio-économique, soit le voletdestiné à établir le bilan financier, économique,social, sanitaire, écologique… de l’installationdes filières MHEA® dans le contexte national etrégional.

• Action 8: critique opérationnelle régulière du pro-gramme par des experts indépendants, ce quiconstitue un outil indispensable à tous les parte-naires impliqués pour maintenir l’efficacité et lacoordination de toutes les actions entreprises.

Toutes ces actions, inspirées de nos recherchesmenées en épuration naturelle des eaux usées domes-tiques et urbaines depuis 1978, gravitent autour de lanécessité impérieuse de respecter deux contraintesfondamentales :

• Tout d’abord, du point de vue social, sensibiliser,informer, former et sensibiliser les populations à laprotection de leur environnement (dont le cyclenaturel de l’eau) en tant que facteur incontour-nable de leur qualité de vie et du développementdurable.

• Ensuite, du point de vue technique, ne réaliser desstations d’épuration en grandeur réelle que sous lemacroclimat et pour un type d’eaux usées globale-ment comparables à ceux de l’expérimentation sys-tématique préalable : d’abord, une station-pilotepour vérifier, en situation concrète, les résultatsobtenus en miniature et pour évaluer l’importancedes erreurs liées au facteur d’échelle ; ensuite, seu-lement, les stations d’application.

CONCRÉTISATION ACTUELLE À ce jour, plusieurs stations de recherche-dévelop-pement miniatures ont été réalisées et sont fonc-tionnelles, depuis plusieurs années, dans diverscontextes climatiques et/ou socio-économiques:

Station expérimentale M.H.E.A.® de Viville: climattempéré atlantique, eaux usées domestiques eturbaines en zone rurale européenne (Belgique),

Station expérimentale M.H.E.A.® de M’diq: climatméditerranéen, eaux usées domestiques et urbainesen zone touristique (Maroc),

Station d’essais préliminaires M.H.E.A.® deCambérène: climat tropical sec, eaux usées domes-tiques et urbaines en zone périurbaine (Sénégal).Cette station a reçu le Grand Prix du Président de laRépublique pour les Sciences (Dakar, juillet 1999)

Chacun de ces centres est géré par une équipelocale de scientifiques et de techniciens, préalablementformés au processus méthodologique et technolo-gique MHEA® à partir du centre de base à Viville.

QUELQUES EXEMPLES DE RÉSULTATS Après seulement quelques années de fonctionne-ment, les trois centres peuvent déjà déterminer lesrendements réels que l’on peut attendre sur placedes différentes technologies naturelles traditionnelles(lagunages, lits à roseaux, marais artificiels, épan-dages souterrains et autres filtres à sable, …) dans lecontexte macro-climatique et socio-économiquerégional, tout en caractérisant aussi leurs qualités etleurs défauts respectifs, notamment en ce qui con-cerne les contraintes de leur exploitation.

De plus, chacun des centres a aussi mis au pointdeux, voire plusieurs filières d’épuration nouvellesoptimisées dans le contexte local : ce sont les pre-mières filières MHEA® adaptées.

La présentation de ces nouvelles conceptionstechnologiques naturelles est en voie d’élaborationpour le moment de manière à ce qu’elles apparaissentsous une forme techniquement, juridiquement etéconomiquement conforme aux attentes des entre-prises, des bureaux d’études et des maîtres d’ouvrageconcernés.

90Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 103: Colloque International Francophonie et développement durable

Même si ce processus garantit ainsi une compé-tence locale complète en matière de technologiesd’épuration naturelles adaptées, l’intérêt de ces centresest encore plus marqué lorsqu’ils fonctionnent enréseau scientifique international. Nous le montronsci-dessous par quelques exemples très simples.

Le comportement d’une même filière naturelle d’épuration (eau libre + Typha) dans différentscontextes climatiques et socio-économiques Les deux figures qui suivent présentent l’efficacité del’épuration secondaire par une même filière natu-relle reconstituée, au Sénégal, au Maroc et enBelgique. Les résultats sont exprimés en concentra-tions (graphique 1) et en taux de rétention (gra-phique 2) de la DCOnf (matières organiques totales).

Graphique 1

Graphique 2

Exprimés en concentrations, les résultats du gra-phique 1 montrent la conformité pour la Belgique parrapport aux normes européennes. Ce n’est pas le caspour le Maroc ou pour le Sénégal sur cette même basede références, choisie à seul titre d’exemple. Parailleurs, il apparaît nettement que les eaux uséesbrutes sont très différentes selon le pays concerné(contextes climatiques et socio-économiques diffé-rents).

Exprimés en rendements épuratoires, les résultatsdu graphique 2, pour les mêmes normes européenneschoisies, montrent la conformité pour le Sénégal,une conformité pendant 6 mois pour la Belgique,une non-conformité pour le Maroc.

Au total, sur l’exemple des contraintes euro-péennes, la Belgique et le Sénégal peuvent, pour ceparamètre, utiliser cette filière; elle est, par contre, sansintérêt pour le Maroc.

91 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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norme UE 75 % de réduction

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Page 104: Colloque International Francophonie et développement durable

Le comportement comparé des meilleures filièresMHEA® à ce jour dans les différents contextes vis-à-vis des exigences européennes en zone sensible :le cas de l’azote Les résultats sont exprimés en concentrations (gra-phique 3) et en taux de rétention (graphique 4) del’azote total contenu dans les eaux usées brutes ettraitées.

Graphique 3

Exprimés en concentrations, les résultats mon-trent la conformité pour la Belgique et pour le Maroc,mais pas du tout pour le Sénégal.

Graphique 4

Exprimés en rendements épuratoires, les résultatsmontrent la conformité pour les trois pays.

Au total, selon les contraintes européennes prisesà titre d’exemple, les trois pays pourraient utiliserces filières en toute sécurité.

La désinfection par les meilleures filières testées à ce jour dans les trois pays, vis-à-vis des normeseuropéennes (pour la baignade en eaux naturelles),vis-à-vis des normes OMS (pour l’irrigation) Le graphique 5 montre de grandes différences decharge entre les trois pays. D’autre part, ces filièressont parfaitement conformes à tous niveaux au Marocet en Belgique. Par contre, au Sénégal, si la filière estsatisfaisante pour la baignade, elle est insuffisantepour l’irrigation: pour la sécurité, il manque un ordrede grandeur d’abattement.

92Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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BELGIQUE MAROC SENEGAL

Belgique Maroc Sénégal

norme UE 15 mg N/l

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Belgique

Maroc

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norme UE 70 % de réduction

Sorties

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t en

%

Page 105: Colloque International Francophonie et développement durable

Le lagunage à microphytes traditionnel, extrêmementrépandu dans tous les contextes imaginables,en concurrence objective avec les autres technologiesnaturelles (ici, des filières MHEA®) Le graphique 6 présente, sur une base d’échantillon-nages intensifs durant 12 mois consécutifs et sousdes conditions expérimentales locales identiques danschacun des trois centres MHEA®, le rendement épu-ratoire moyen du lagunage à microphytes traditionnelet d’une filière MHEA® pour les principaux para-mètres de pollution des eaux.

Les conclusions qui découlent de ce graphiquesont de la plus évidente simplicité. En effet, quel quesoit le contexte climatique et socio-économique envi-sagé dans les trois pays, quel que soit le paramètre depollution concerné, il apparaît que le lagunage àmicrophytes traditionnel peut toujours être large-ment dépassé par d’autres technologies naturelleslorsqu’il se trouve dans des conditions d’espace et defonctionnement rigoureusement identiques.

CONCLUSION Le processus méthodologique et technologiqueMHEA®, mis en œuvre actuellement dans ces trois centres répartis dans des contextes climatiqueset socio-économiques très différenciés, a permis laconstitution de trois bases de données régionales etd’une base internationale de données parfaitementstandardisées. De plus, son développement s’estconcrétisé par l’émergence rapide des premiers élé-ments de conception de plusieurs filières MHEA®spécifiques et adaptées à ces divers contextes.

En effet, grâce à l’expérience acquise dans cedomaine par la Station expérimentale de Vivilledepuis 25 ans, la collaboration étroite entre centres

93 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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BELGIQUE

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Belgique

Maroc

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norme UE baignade 2000 UFC/100 ml

norme OMS irrigation 1000 UFC/100 ml

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SENEGAL

MAROC

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Graphique 6

Page 106: Colloque International Francophonie et développement durable

permet localement d’accélérer considérablement lerendement des diverses actions du processus MHEA®de sorte que les premières filières MHEA® optimiséeset adaptées aux principaux contextes régionaux Nordet Ouest africains sont déjà conceptualisables.

Remerciements Ces travaux, très sommairement synthétisés ici parquelques exemples simples, n’auraient pas été possiblessans le soutien constant du Ministère de la RégionWallonne de Belgique qui a financé ces trois centres :

• Directement, par sa Direction Générale des RelationsExtérieures, Direction des Relations Internationales(DGRE-DRI) pour la Station de Cambérène et sonéquipe scientifique (Bécaye DIOP et Mbaye MBE-GUERE) au Sénégal ; par sa Direction Générale desTechnologies, de la Recherche et de l’Énergie(DGTRE) pour la Station de Viville et son équipe enBelgique,

• Indirectement, au travers de l’Agence de laFrancophonie et de l’IEPF, par la DGRE-DRI, pour leCentre de M’Diq et son équipe scientifique (AbdeslamENNABILI et Jamila EZZAHRI) au Maroc.

Nous tenons également à remercier les équipes sénégalaises et

marocaines qui, par le suivi quotidien et rigoureux des protocoles expé-

rimentaux, ont permis la constitution des premiers éléments de cette

banque internationale de données sur l’ensemble des technologies natu-

relles d’épuration des eaux.

94Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 107: Colloque International Francophonie et développement durable

CONTEXTE ET RÉALISATIONS Au Sommet de Dakar de 1989, lorsque le Canadalançait le projet « Gestion des grands fleuves », lasituation des grands bassins fluviaux était déjà pré-occupante; les pressions combinées de la désertifica-tion, de la salinisation des terres irriguées, de la pol-lution et de la surexploitation des ressources en eaulaissaient entrevoir des difficultés sérieuses pour l’en-semble des usagers de ces grands systèmes. La situa-tion était d’autant plus complexe que les rares outilsde gestion développés dans le Nord devaient êtreadaptés aux besoins du Sud, mais dans un contexterendu difficile par des moyens fort limités.

Le but premier du projet, à savoir le développe-ment des capacités en gestion des ressources en eaupar bassin, est encore valable aujourd’hui : commentdévelopper les capacités de ces gestionnaires qui, ausein de structures nationales ou régionales, doiventquotidiennement prendre des décisions dans un envi-ronnement complexe et avec aussi peu de moyens? Lagestion des besoins en eau par les divers usagersnécessite la mise en commun d’un large éventail deconnaissances et, bien sûr, des moyens dont ne dis-posent pas les institutions nationales et régionaleschargées de la gestion des bassins dans le Sud.

Clientèle et objectifs Depuis le tout début, les gestionnaires œuvrant ausein des institutions nationales et régionales de bassin

ont constitué la clientèle privilégiée du projet dont lesobjectifs sont les suivants :

• identifier les besoins en matière de développe-ment des capacités ;

• développer avec les gestionnaires, des outils degestion bien adaptés à leurs besoins;

• faciliter la circulation de l’information et de l’ex-pertise ;

• réaliser des activités de formation et de partaged’expériences.

Réalisations Le projet «Gestion des grands fleuves», sous-finance-ment lié canadien auprès de l’Agence intergouverne-mentale de la Francophonie (autrefois l’Agence decoopération culturelle et technique, ACCT), a pouropérateur le Centre Saint-Laurent; c’est un centre derecherche appliquée faisant partie d’EnvironnementCanada. Le projet a débuté sur les fleuves Sénégal etNiger.Une première analyse des besoins a été réalisée parun atelier tenu à Bamako (Mali) en 1990. Un manuel deformation en gestion des écosystèmes fluviaux a été éla-boré avec une douzaine de gestionnaires de la régionsahélienne au cours d’un atelier de travail organisé àSégou (Mali) en 1991; il a été publié au cours de lamême année, en français et en anglais (Burton etBoisvert, 1991). Parallèlement, un appui était apportéaux trois centres de documentation de l’Organisation demise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS),via la Banqued’information des États francophones (BIEF).

95 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Le développement des capacités en gestion des ressources en eau par bassin : l’expérience du projet « Gestion des grands fleuves »

et du Réseau francophone de gestionnaires d’écosystèmes fluviaux et lacustres (1990-2001)

Jean BurtonCoordonnateur du Réseau francophone de gestionnaires d’écosystèmes fluviaux et lacustres

Québec, Canada

ATELIER 2 – Études de cas

Page 108: Colloque International Francophonie et développement durable

Au même moment, l’idée d’un réseau de ges-tionnaires de grands fleuves faisait son chemin, leterritoire d’influence s’étant élargi à plusieurs grandssystèmes d’eau douce en pays francophones autant duNord que du Sud. En 1991, en marge du Colloqued’Orléans, le «Réseau francophone de gestionnairesd’écosystèmes fluviaux et lacustres» était créé parl’ACCT et la coordination en est assurée depuis parle Centre Saint-Laurent.

En 1992-1993, 5 séminaires internationaux d’unedurée de deux semaines ont été organisés: au Rwanda(4 pays du bassin de la Kagéra), au Viêtnam (4 paysdu bassin du Mékong), au Tchad (4 pays du bassin dulac Tchad), au Burkina Faso (7 pays du bassin duNiger) et au Sénégal (4 pays du bassin du Sénégal).Chaque séminaire était organisé en partenariat avecune organisation régionale de bassin et réunissaitplus d’une vingtaine de gestionnaires dans un exer-cice très appliqué de gestion par bassin, suivant lemanuel développé en 1991. Ces séminaires ont permisde poser un diagnostic sur chaque bassin à partir del’information disponible fournie par les participants,d’identifier les éléments d’un plan d’action et lesmoyens nécessaires à sa mise en œuvre. Parallèlement,un comité international d’orientation de 15 membresétait mis en place pour le réseau et un bulletin tri-mestriel était publié (RésEAUX). Les membres ducomité représentaient des organismes de bassin etdes bailleurs de fonds provenant aussi bien du Nordque du SUD.

En 1994-1995, un atelier sur la gestion intégréedes bassins fluviaux et lacustres était organisé par leprojet à Cabourg (France), en partenariat avecl’Agence de l’eau Seine-Normandie. Il réunissait unecinquantaine de participants venus d’Europe, d’Asie,d’Afrique et du Canada ; ceux-ci ont présenté desétudes de cas dans le but de mieux définir lesapproches les plus prometteuses en matière de gestionintégrée des bassins fluviaux (ACCT, 1995). Une syn-thèse des cinq séminaires réalisés en 1992-1993 étaitaussi présentée à cette occasion (Burton, 1995). LeBulletin trimestriel RésEAUX était publié, de mêmequ’un premier répertoire des collaborateurs (environ400 gestionnaires répartis dans plus de 45 pays). Enmarge des activités régulières du réseau, l’Agencecanadienne de développement international (ACDI)

finançait en 1995 la tenue d’un séminaire sur le Nil,dans le cadre d’un programme bilatéral Canada-Égypte.

En 1996, le réseau a permis à six gestionnaires duSud de participer à un atelier organisé par l’Officeinternational de l’eau en Roumanie pour discuter del’importance des plans d’action (RIOB, 1996). Aussien 1996, l’ACDI finançait une vaste analyse desbesoins en matière de gestion des grands fleuves enAfrique de l’Ouest ; cette étude aura permis de ren-contrer plus de 200 gestionnaires de six pays appar-tenant aux bassins des fleuves Niger, Sénégal etGambie (Burton, 1996). En 1997, la prise en chargepar le projet de sept gestionnaires du Sud leur aurapermis de participer au Congrès mondial de l’eautenu à Montréal (Canada). Le bulletin RésEAUX étaitpublié et le répertoire des collaborateurs mis à jour.

En 1998-1999, les activités se sont limitées à lapublication du bulletin RésEAUX et au développe-ment d’un site Internet. Par contre, des demandes decollaboration et d’échange d’expertise sont venuesde l’Amérique latine: un atelier sur le Rio Colorado(Argentine) et un autre sur le lac Chapala (Mexique)ont permis de mettre en valeur les expériencesacquises dans la gestion des bassins fluviaux situésailleurs dans le monde.

La situation aura été similaire en 2000-2001; lapublication du bulletin RésEAUX s’est poursuivie, àla fois sur support papier et sur le site Internet, levingt-huitième numéro paraissant en octobre 2001.Une mission s’est déroulée au Viêtnam en collabora-tion avec l’Université de Montréal. En 2001, unedeuxième édition du manuel de formation, large-ment augmentée, était publiée par l’IEPF (Burton,2001).

La synthèse des acquis découlant de dix annéesd’activités du projet, aussi bien sur les approches degestion par bassin que sur le développement des capa-cités des gestionnaires, a été présentée à plusieursforums internationaux; chaque fois, les expériencesfrancophones ont suscité de l’intérêt parce qu’ellescorrespondent à une réalité largement partagée àl’échelle mondiale, quelle que soit la langue utiliséepar les gestionnaires, aussi bien dans le Nord quedans le Sud.

96Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 109: Colloque International Francophonie et développement durable

Principaux acteurs Le projet Gestion des grands fleuves et le Réseaufrancophone de gestionnaires d’écosystèmes fluviauxet lacustres cheminent en parallèle depuis 1991.L’opérateur du projet et la coordination du Réseau seretrouvent dans la même institution, le Centre Saint-Laurent. Si le financement provenait au départ exclu-sivement de fonds liés canadiens, le partenariat finan-cier s’est élargi à partir de 1995, avec des fondsmultilatéraux de la Francophonie et des participationsde la France et du Canada. Il faut aussi souligner lacontribution importante des 15 membres du Comitéd’orientation et de développement, notamment dansles phases de développement du Réseau; cependant,ce comité n’a pu être réuni depuis 1996, faute demoyens.

PRINCIPAUX CONSTATS Après plus de 10 années de travail international endéveloppement des capacités en gestion par bassin,certains axes d’intervention nous apparaissent prio-ritaires. D’ailleurs, ce diagnostic est largement partagéà l’échelle internationale, comme en témoignent cer-tains documents publiés dans le cadre du DeuxièmeForum mondial sur l’eau tenu à La Haye en mars 2000(Mostert, 1999; Pays Bas, 2000).

Le cadre institutionnel Oui, il faut un cadre institutionnel pour mettre enœuvre la gestion par bassin afin de rassembler l’en-semble des intervenants en vue d’actions concertées.Si l’approche institutionnelle lourde, notamment enmatière d’organisation régionale de bassin, n’a pastoujours donné les résultats attendus, ce n’est pasentièrement dû à la structure comme telle. Certes, plu-sieurs de ces organisations n’ont pas su se rendreindispensables, d’où le peu d’empressement des Étatsmembres à verser leur contribution, entraînant aussile retrait de financements internationaux. Cependant,le cadre politique et les principes de partage équitablede la ressource en eau sont incontournables ; il fau-drait plutôt revoir les fonctions de ces institutionsrégionales et ajuster les structures en conséquence. Lesuccès du cadre institutionnel de gestion par bassinrepose, entre autres, sur:

• une vision commune des enjeux et une ententesur des principes de partage équitable des res-sources communes;

• une structure de gestion, à l’échelle du bassin(qu’il soit international ou national), avec desmandats clairs et des moyens lui permettant de lesremplir ;

• un partage de l’information et de l’expertise entreles divers intervenants; c’est là un premier test surles intentions de collaboration;

• l’utilisation de formules souples de planificationet de gestion comme des groupes de travail tech-niques et des comités ad hoc;

• la participation de tous les niveaux d’intervention,incluant les collectivités locales et les usagers.

Le cadre juridique Pour ce qui est du cadre juridique, personne n’enremettra en question la nécessité. Cependant, lesconstats que nous avons pu faire, lors de nos travauxsur le terrain, sont à l’effet que les textes n’ont deportée réelle que si on peut les appliquer. Cela sup-pose une volonté politique et des moyens pour assurerla mise en œuvre des codes et des règlements d’ap-plication. Il faut aussi souligner que, comme la res-source en eau est utilisée par de multiples secteurs, lescodes touchant directement et indirectement l’eau semultiplient, tout comme d’ailleurs les institutionsqui gèrent ces activités (pêche, agriculture, hydrau-lique, énergie, transport, santé, tourisme, etc.) Dansle vaste domaine des juridictions associées à la gestionde l’eau, voici certains des défis à relever :

• la mise en application des codes et règlementsd’application existants ;

• la gestion de la superposition de juridictions;

• la mise en place d’un état de droit, dans uncontexte politique qui encourage l’initiative et laparticipation des acteurs, à tous les niveaux de lasociété ;

• la prise en compte de la question foncière et del’occupation du territoire qui sont intimementliées à la gestion de l’eau et de ses usages ;

97 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 110: Colloque International Francophonie et développement durable

• le contrôle des diverses formes de pollution quilimitent les usages de l’eau;

• la prise en compte des droits coutumiers et tra-ditionnels qui, en matière de ressources natu-relles (eau, sol, forêt, pêche, etc.) ont déjà faitleurs preuves.

Les capacités humaines Les besoins se font sentir aussi bien à l’échelle localequ’à celle du pays ou du bassin international. Dans uncontexte de décentralisation, les acteurs locaux sevoient confier des responsabilités nouvelles. Il leur fautdes outils de gestion bien adaptés à leurs besoins etune meilleure compréhension du fonctionnementdes systèmes naturels dans lesquels les activitéshumaines s’insèrent. De plus, il faut développer despasserelles entre l’État, les ONG et les autres organi-sations locales en matière de planification et d’inter-ventions sur les ressources naturelles. La gestion del’eau ne saurait être isolée de la gestion des autrescomposantes naturelles du bassin (sols, couvertvégétal, espèces fauniques, etc.) et encore moins de lagestion des activités humaines qui dépendent de l’ex-ploitation de ces ressources.

Les structures nationales (ministères) ont aussides besoins importants en matière de développementdes capacités. Ces structures sont trop souvent enfer-mées dans le cycle des projets internationaux où c’estle bailleur de fonds qui définit les orientations et lesapproches, ne laissant que peu de place à l’expressiond’une expertise nationale fournie en contrepartie.Comment, dans ce cadre, développer et motiver unefonction publique qui devra assumer de manièreautonome les rôles dont l’État ne peut se départir,notamment en matière de gestion durable des res-sources naturelles?

Les organisations régionales de bassin ont aussides besoins, dans un contexte où ces institutionspourraient prendre un virage plus technique, touten maintenant la plate-forme politique essentielle aupartage équitable des ressources en eau. La gestion del’information à des fins d’aide à la prise de décisionpourrait s’avérer une voie intéressante: par exemple,à partir de l’information fournie par les Étatsmembres, l’organisation régionale pourrait préparerdes scénarios de développement plus durable, à

l’échelle du bassin, en tenant compte à la fois deschoix identifiés par les États et des ressources limitéesde ce territoire.

La maîtrise des technologies et des outils de gestion On a jusqu’à maintenant utilisé une définition troprestrictive pour gérer les ressources en eau, en se limi-tant surtout aux aspects de quantité (gestion del’offre). Or, il n’est pas possible de gérer l’utilisationdurable de l’eau sans tenir compte de l’ensemble dusystème naturel dans lequel celle-ci s’inscrit. L’eauest, par définition, à la base même d’un ensemblecomplexe de phénomènes naturels et d’activitéshumaines et l’approche hydrologique réductionnistetraditionnelle ne suffit déjà plus. Il faut passer à desapproches plus intégrées, dans la foulée des actionsproposées par le Partenariat Mondial pour l’eau(GWP, 2000).

Un second commentaire porte sur ce que nousappelons « le mirage technologique» ; les systèmesinformatisés de traitement et de gestion de l’infor-mation (modèles, systèmes experts, SIG) n’ont desens que si les utilisateurs ultimes (gestionnaires) encomprennent bien les limites et la portée. Le «dum-ping technologique» est trop coûteux en ressourcesfinancières et humaines pour être encouragé dansl’avenir. L’accès aux nouvelles technologies est une desclés du développement des capacités, mais à la seulecondition que ces technologies soient bien adaptéesaux réalités du terrain.

Nous avons aussi constaté que l’information existedans la majorité des bassins, mais qu’elle est souventincomplète, périmée, à des échelles inadéquates, etsurtout, qu’elle ne circule pas. Par contre, il existeune base solide d’expertise constituée par un grandnombre d’intervenants, de sorte que les problèmessont généralement bien circonscrits. Il faudraitd’abord mettre en valeur les solutions qui, dévelop-pées localement, ont un haut potentiel de réplicabi-lité à l’échelle du pays ou du bassin, plutôt que deréinventer la roue à coups de projets sans lendemain.

L’intégration des dimensions économiques et sociales Pour les collectivités en développement, où l’eau estune des conditions essentielles à la vie et surtout, làoù les revenus sont insuffisants, l’eau prend une

98Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 111: Colloque International Francophonie et développement durable

grande valeur. De nouvelles approches de partenariatsont actuellement en développement dans plusieurspays. Les approches dites de «privatisation sociale»sont en harmonie avec des objectifs de mise encommun de l’expertise et de participation de tous lesniveaux d’intéressés à la gestion d’une ressource com-mune. Le respect de l’individu et la mise en valeur del’expertise sont des principes qui trouvent leur appli-cation dans ces nouvelles formes de partenariat (SIE,1999). Cependant, il ne faut pas oublier que les pro-jets d’adduction d’eau et d’assainissement en milieuxurbains et périurbains doivent aussi s’inscrire dansune approche de gestion par bassin, en harmonieavec les autres usages de l’eau (agriculture, énergie,transport, santé, conservation, etc.)

QUELQUES PISTES D’ACTION

La formation à la gestion intégrée des ressources en eau L’expérience acquise dans le cadre du projet démontreclairement que les gestionnaires ont, de manière géné-rale, une solide formation de base et une expertiseindéniable dans leur propre domaine de compétence.Nous avons cependant observé certaines carences entermes d’outils ou d’approches de gestion applicablesà des problématiques plurisectorielles. Les gestion-naires étant formés dans un domaine spécialisé etœuvrant quotidiennement dans des secteurs biencirconscrits sont souvent démunis face à la com-plexité des situations et à la multiplicité des interve-nants associées aux problèmes liés à l’eau.

Le manuel de formation, publié d’abord en 1991,vient d’être mis à jour grâce à l’IEPF. La démarche degestion par bassin proposée dans ce manuel a étéappliquée à plusieurs reprises dans plusieurs étudesde cas portant sur des bassins fluviaux et lacustres. Lemanuel présente aussi une synthèse des débats inter-nationaux récents sur la gestion par bassin dont lesrésultats ne sont publiés généralement qu’en anglais.Enfin, l’édition de 2001 comporte une toute nou-velle section sur l’organisation de séminaires, à l’in-tention de formateurs qui voudraient en organiser demanière autonome.

Autre considération importante: il faut pouvoirassurer un suivi aux actions de formation, sans quoiles résultats obtenus lors d’un séminaire se dissipent

rapidement. S’il n’y a pas de renforcement par lasuite, le gestionnaire, une fois revenu à son milieu detravail, aura beaucoup de difficultés à appliquer cequ’il vient d’apprendre. Le bilan final de l’investisse-ment en formation peut même résulter en une cer-taine démotivation. La formation devra donc se pré-occuper du contexte institutionnel dans lequel legestionnaire travaille au quotidien.

La gestion et la diffusion de l’information Un certain appui avait été apporté, au début du projet,à la revitalisation des centres de documentation del’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal(OMVS). Nous croyons encore à l’importance de cespoints de rassemblement de l’information, qu’ils soientnationaux ou régionaux. Cependant, ce type d’appuidoit, lui aussi, être soutenu pour être rentable.

Il faudra aussi développer le besoin d’utiliser l’in-formation, ainsi devenue accessible, chez les gestion-naires eux-mêmes. L’actuelle rareté de l’informationa fait en sorte que le gestionnaire s’est habitué à n’uti-liser qu’un volume restreint d’information et neconsacre que peu d’effort à la recherche de nouvellessources d’information.

Au-delà de la collecte et de l’accès à l’information,qui posent déjà des défis importants, la principaledifficulté réside dans l’absence quasi totale d’outils desynthèse de l’information ; le foisonnement desbanques de données et des supports cartographiquesne facilite pas la tâche des gestionnaires. Des approchesrobustes et bien adaptées (Plan directeur ou Évalua-tion des impacts sur l’environnement, Diagnostic,etc.) sont à adapter en mettant en commun l’exper-tise développée au cours des dernières années.

La mobilisation de l’expertise Nous croyons profondément à l’existence d’uneexpertise de haute qualité dans tous les bassins, aussibien dans les institutions nationales et régionalesqu’à l’échelle des collectivités locales. La premièredifficulté vient de l’identification des personnes clés,celles qui détiennent cette expertise qui devrait êtrepartagée. Un répertoire pourrait être constitué, bienque cet exercice ne soit pas sans difficultés : d’unepart, la liste sera nécessairement incomplète, d’autrepart, il ne peut s’agir d’une reconnaissance officielle

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de la compétence des inscrits. Enfin, la désignation dudomaine d’expertise constitue en elle-même un réeldéfi. La notion d’une liste ouverte de personnescontacts, gérée par un organisme indépendant del’allocation des contrats de services, pourrait servird’amorce à une valorisation plus grande de l’exper-tise disponible.

La seconde préoccupation relève de l’utilisation del’expertise. Une présence accrue de l’expertise natio-nale dans les projets à financements internationauxest à envisager; des réseaux pourraient être constitués,par secteur ou par région, pour offrir un bassin inté-ressant d’experts pouvant être mobilisés au momentde la planification et de la mise en œuvre de projets,aussi bien locaux que nationaux ou régionaux, encollaboration étroite avec l’expertise internationale.

Il faut enfin s’interroger sur le développement del’expertise. La formation traditionnelle dans les uni-versités du Nord a certainement encore sa place ;cependant, les commentaires reçus sur le terrain lais-sent à penser que de nouvelles formules sont à déve-lopper. À l’intérieur d’un bassin national ou régional,ou entre experts d’un même secteur, des rencontres detravail sur des thèmes bien circonscrits, avec des visitesde terrain accompagnées de personnes ressourcesreconnues, offrent des possibilités fort intéressantes.Le suivi et le renforcement de ces apprentissagesdemeureront cependant toujours aussi préoccupants;la force de ces échanges en réseau réside dans les pos-sibilités de maintenir des contacts réels et effectifs àmoyen terme.

RÉFÉRENCESAGENCE DE COOPÉRATION CULTURELLE ET TECH-

NIQUE (1995), Atelier sur la gestion intégrée des bas-sins fluviaux et lacustres: Compte rendu, Réseau fran-cophone de gestionnaires d’écosystèmes fluviaux etlacustres, 67 pages.

BURTON, J. (1995), Séminaires en gestion des écosys-tèmes fluviaux, Synthèse des cinq séminaires orga-nisés en 1992 et 1993, Agence de CoopérationCulturelle et Technique, 101 pages.

BURTON, J. (1996), Étude prospective portant sur la ges-tion intégrée des grands fleuves en Afrique de l’Ouest,Agence Canadienne de Développement International,54 pages.

BURTON, J. (2001), La gestion intégrée des ressources eneau par bassin : manuel de formation, Institut del’énergie et de l’environnement de la Francophonie,258 pages.

BURTON, J. et L. BOISVERT (1991), Séminaire en gestiondes écosystèmes fluviaux, Agence de CoopérationCulturelle et Technique, 115 pages.

GLOBAL WATER PARTNERSHIP (2000), La gestion inté-grée des ressources en eau, TAC Background Paperno 4, 76 pages.

MOSTERT, E. éd. (1999), Proceedings of the InternationalWorkshop on River bassin Management, The Hague,27-29 October 1999, IHP-V Technical Document inHydrology, 31, 273 pages.

PAYS-BAS (2000), Towards Sustainable River BasinManagement: Recommendations and Guidelines onBest Management Practices, Ministry of Housing,Spatial Planning and the Environment, Nieuwegein,23 pages.

RÉSEAU INTERNATIONAL DES ORGANISMES DEBASSIN (1996), Atelier d’administration comparéeTulcea (Roumanie) : Des schémas directeurs pourmieux gérer nos fleuves, sur Internet : http://www.oieau. org/france/tulcea.htm

RÉSEAU INTERNATIONAL DES ORGANISMES DEBASSIN (1998), Atelier RIOB: La participation desusagers à la gestion et au financement des organismesde bassin. Sur Internet : http://www.oieau.org/ciedd/fra/frames/etatsituation/riobetasit.htm.

Secrétariat International de l’eau (1999), La privatisationsociale de l’eau et de l’assainissement, Actes de l’ate-lier international, Montréal, 18 au 18 octobre 1999,63 pages.

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Ce papier retrace brièvement l’expérience de l’asso-ciation Chouala pour l’Éducation et la Culture dansle domaine de l’éducation environnementale relativeà l’eau et de la protection des ressources hydriques duMaroc. Comment une association militante créée en1975 pour défendre les droits des jeunes et des enfantsse retrouve-t-elle un quart de siècle plus tard impli-quée dans un vaste programme autour de l’eau ?Comment par la force des choses et de la volonté unvaste réseau mondial de partenariat s’est-il établiautour de cette thématique? Comment d’une étudesur les connaissances et comportement de la popu-lation marocaine relatifs à la thématique de l’eau,des projets et programmes concrets couvrant lesaspects les plus divers de la problématique de l’eau auMaroc émergent-ils?

Au Maroc, la situation de pénurie en eau com-mence à se sentir. Dans quelques années, le paysrisque de passer par une crise hydrique sans précé-dent. Dans ce contexte, il est important que lesMarocains prennent conscience de la gravité de lasituation et prennent des mesures dans leur vie quo-tidienne pour réduire le gaspillage et économisercette ressource rare. À cet égard, un sondage auprèsdes populations s’impose afin de mieux connaître ledegré de sensibilité et cerner les comportements. Cetétat des lieux a permis à l’association de développerdeux programmes complémentaires autour de l’eau;l’un éducatif, de prise de conscience et de formationorienté vers le grand public, et l’autre de partenariatet de lobbying orienté vers les institutions concernéespar la gestion de l’eau au Maroc.

Il est ressorti de l’étude deux constats générauximportants :

– Méconnaissance de la population marocaine dela thématique de l’eau;

– Rareté du matériel éducatif autour de la théma-tique de l’eau adapté au contexte marocain etaccessible à grande échelle.

Pour répondre à ce besoin, un dossier d’infor-mation sur le thème de l’eau au Maroc a été élaboréen collaboration avec ENDA Maghreb. Ce dossierd’information comprend en plus un dépliant, unposter et 6 fiches thématiques (des informationsgénérales sur l’eau, Ressources en eau du Maroc,Consommation élevée et gaspillage de l’eau douce,Pollution de l’eau douce, Eau et santé humaine,Activités et jeux éducatifs).

La première étude a été étayée par une étude ana-lytique de l’état des lieux sur l’éducation à l’environ-nement en enseignement général (thématique del’eau incluse).

Cette plate-forme a permis à l’Association dedévelopper son programme d’action dont les élé-ments importants sont: Le programme pilote de l’édu-cation à l’environnement sur l’eau douce et les zoneshumides au Maroc, qui est un projet de valorisationdes ressources en eau, par le biais d’actions pédago-giques et éducatives qui prennent pour objectifs lesélèves des écoles primaires et secondaires.

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L’éducation, la culture et la thématique de l’eau au Maroc. Expérience de l’association Chouala

Kamal ELMDARIAssociation Chouala

Maroc

ATELIER 2 – Études de cas

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Projet de formation d’acteurs locaux de développe-ment sur les zones humides (janvier 2002 à jan-vier 2004). L’objectif global de ce projet est d’augmen-ter le nombre d’actions amorcées par les associationslocales en matière de conservation et de préservationde la biodiversité dans les zones humides au Maroc(un minimum d’au moins 20 projets seront réaliséspar des associations locales).

Les activités de lobbying Les activités de lobbying auprès du ministère de l’Éducation Nationale au Maroc, entreprises en coor-dination avec une multitude d’acteurs locaux (ONGet autres) ont amené le Ministère à revoir sa politiqueen éducation relative à l’environnement. Ainsi, et pardécret ministériel, les activités en éducation à l’envi-ronnement représentent actuellement plus de 30% ducursus scolaire marocain primaire et secondaire. Desnotes ministérielles incitent les écoles à la création declubs d’environnement coordonnée par des associa-tions environnementales.

Les sociétés privées et les offices chargés de lagestion de l’eau entreprennent des programmes desensibilisation et financent des projets associatifsautour de l’eau. Mais ceci reste en dessous des besoinsréels et de l’ampleur du problème de l’eau au Maroc.Beaucoup de travail reste à faire. En tant que ONG devolontaires, nous continuerons de participer à l’effortnational et mondial et nous resterons ouverts à tousles partenaires désireux de nous appuyer.

Nous considérons que la thématique de l’eau estun thème fédérateur par excellence. Avant d’être unaspect de la problématique environnementale, l’eauest un droit et une responsabilité. Les solutions tech-niques seules ne résoudront que partiellement le pro-blème. L’ouverture sur la société civile, l’intégrationdes populations à tous les niveaux dans les pro-grammes d’aménagement, la lutte contre l’ignoranceet la pauvreté sont les voies réelles vers des solutionshonorables et durables.

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ATELIER 3 – ÉDUCATION ET SENSIBILISATION: CLÉ DE VOÛTE DE LA VOLONTÉ D’AGIR

AnimateurChristian DE LAETFondation de recherches transnationales Knowlton,Président de l’antenne au Canada de «Développer Autrement», Canada

Études de casRoland GÉRARDCollectif Français pour l’Éducation à l’Environnement, Planet’ERE(Éducation Relative à l’Environnement), FranceLes résultats du Forum Planet’ERE (novembre 2001)

Raphael NDIAYEENDA, EDDOC, SénégalUn espoir dans le désert

Fred CONSTANTRecteur de l’Université Senghor, Alexandrie, ÉgypteRolando MARIN Directeur du Département Gestion de l’environnement, Université SenghorL’Université Senghor

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Le propos ici est de contribuer à une vague de sensi-bilisation à la complexité d’un développementdurable et de suggérer à des décideurs qu’ils lui fas-sent une place viable. À défaut, les plaidoyers pour undéveloppement durable ne feront que rester lettremorte. Les forces d’inertie sont grandes et la nécessitéd’un changement effectif quelconque ne touche pasceux dont les intérêts en seraient menacés.

Sans dépasser le mandat donné, il est cependantnécessaire de situer l’auteur de cette note. Il a passé leplus clair de sa vie professionnelle à tenter de cadrerl’évolution de l’humanité au-delà d’un simple régimede survie. Qui dit survie sous-entend que l’échelles’élève ensuite vers subsistance, sécurité, surplus etsatisfaction (ce qui comprend beaucoup d’aspectsnon matériels).

Quant à l’horizon 2012 (une rançon au systèmedécimal sans doute), il nous permet de voir ce quiserait à une demi-génération d’ici, de dégager desidées-forces dans nos domaines respectifs et aussi dejeter des ponts et des passerelles qui aideront noscommettants à se positionner pour le Sommet deJohannesburg d’ici à moins de six mois.

C’est là que, sensément, comme le dirait l’acadé-micien français Michel Serres «L’Humanité devratrouver son humanité.» Il ne s’agit pas d’adopter laboutade par laquelle «on ne peut remettre au lende-main ce qu’on peut faire le surlendemain pour éviterd’être un jour en avance»: nous n’avons plus vraimentde surlendemain disponible.

CONSTAT L’homme EST son environnement, celui-ci désignantce que la nature est devenue, mais en mesurons-nousles enjeux? Le dilemme est que la nature, pour cequ’il en reste, est inévitablement et inextricablementnotre système porteur de vie, quoique nous dictentnos préférences institutionnelles, économiques oupolitiques. Si nous parlons vie, nous devons accepterque l’eau est un minéral impliqué dans chaque par-celle du vivant ; sans l’eau, la vie est inconcevable.Instinctivement, les gens tiendront à ce qui repré-sente les deux tiers de leur masse, s’ils le savent.

Vouloir privatiser l’eau fait penser à un autregenre de colonialisme, mais qui peut avoir des retom-bées pouvant, à la limite, tendre au suicidaire. L’édu-cation à la gestion durable de l’eau est donc unenécessité vitale, tout au cours de nos vies. (L’Officenational du film, au Canada, a approuvé le scénariod’un documentaire mondial dont le tournage seraconfié en grande partie à des jeunes par la réalisatriceSylvie Van Brabant.)

Sans autres ambages, on doit déclarer qu’un desenjeux clés est l’eau: celle-ci n’admet de dissimulationou d’hypocrisie qu’à notre propre péril. Dans sonaspect énergétique, elle implique que nous devrionstous et chacun tendre à la maîtrise de nos énergies.Nous devrions nous assurer que l’information à cessujets soit transparente: la raison d’État ne peut pasêtre invoquée pour laisser les populations mal infor-mées ou mal formées.

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Christian DE LAETFondation de recherches transnationales Knowlton

Président de l’antenne au Canada de «Développer Autrement»Canada

ATELIER 3 – Éducation et sensibilisation: clé de voûte de la volonté d’agirAnimateur

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LES QUATRE INCONTOURNABLES DU DNS POUR « THE NATURAL STEP » Il y a quatre conditions non négociables à la survie del’humain sur Terre; les deux premières sont basées surles lois physiques, les deux autres, sur le bon senssociodynamique.

• On ne peut pas extraire des produits du sous-solet en laisser s’accumuler les déchets, sans réin-sertion dans les processus naturels.

• Les substances produites par les activités hu-maines ne peuvent, non plus, donner lieu à desaccumulations inabsorbables.

• Les richesses naturelles et la biodiversité ne peu-vent être systématiquement réduites ni détériorées.

• Pour assurer le bien-être de l’ensemble de l’hu-manité, les processus de développement doiventse faire dans le partage, en toute équité et avec effi-cacité.

Ce qui nous mènerait à un avenir communautaireuniversel.

S’il est même convenu que la situation actuellepeut devenir intenable, vu les richesses naturelles endéclin, une démographie défensive, une pressionincontournable sur le fond même de l’espèce hu-maine, celle-ci pourrait sombrer en deçà de toutepossibilité de «développement», ou alors agir en auto-défense instinctive ou irréfléchie. Le bilan en est unenégation parfaite de tout espoir d’évolution. Lesmarées portent tous les bateaux, les petits comme lesgrands. Dans les pays industriellement développés, onrefuse de se conformer aux lois imprescriptibles del’écologie tel que tout «extrant» doit devenir «intrant»dans une autre partie du système, et pas de triche! Lestravaux du Det Naturliga Steget (DNS, une Démarcheplus conforme à la Nature) en Suède, en atteste(www.naturalstep.org).

De prime abord, il semble nécessaire d’insérer laquestion de l’éducation, qu’elle soit de base, sur le tasou continue, dans le contexte du développement. Nil’éducation, ni la sensibilisation, pas plus que la «pru-nelle des yeux», bien que d’une valeur inestimable,n’ont de système marchand avant d’être accouchés deson soi intérieur, renforcés par les exemples quotidiens

proches. On parle d’enthousiasme (de en-theos, ledieu intérieur), de feu sacré ou d’élan vital pour signi-fier des attributs clés de la personnalité. Il sembleopportun d’insister sur une logique générale parlaquelle un développement ne peut être durable pourl’humanité que si le système global permet aux véritéslocales d’y coexister. On doit reconnaître pourtant lecôté fragile d’un concept nouveau qui n’a donc pas lamême feuille de route que le système en place. Pourqu’il devienne monnaie courante, il faut le mettre àl’épreuve et avoir l’espace-temps d’y apporter les cor-rectifs voulus, ce que le système en place n’est pas tou-jours prêt à lui accorder. Les critères d’une éducationà recommander sont nécessairement différents de cequi est en place vu la différence de générations impli-quées. Laisser de la place pour que l’innovation fassejour demande de sensibiliser les décideurs pour qu’ilspermettent la sensibilisation des institutions et despersonnes dont ils ont la charge. Ils sont aidés enceci qu’ils sentent qu’un vent est en train de tournersans qu’ils en aient toute la maîtrise voulue. Le pro-blème est d’autant plus aggravant qu’on est plus hautdans la pyramide décisionnelle. Au niveau de com-munautés locales et d’individus éclairés sur le sujet,beaucoup d’innovations à un développement à com-posante humaine plutôt que strictement économiqueou politique sont en train de faire surface; certainesfoisonnent déjà grâce à des mémoires retrouvées ouà des nécessités culturelles et environnementaleslocales pressantes.

Les Conférences «+ 10 » ne sont, en grande partie,que des vagues qu’on s’apprête à passer sans s’attendreà ce qu’elles apportent grand changement au statuquo. Mais est-ce encore le cas, et cela le restera-t-il?…Si nous considérons la valeur capitale de ce que nousdilapidons par vision bornée, par négligence ou parmanque de concertation constructive, notre planète sedélite, la technologie nonobstant. Capital financier,capital moral, capital nature, capital environnement,capital humain, capital social, capital jeunesse: toutsemble s’effriter, victime d’entropie naturelle ou arti-ficielle, d’un laisser-aller qui convient à certains. Se féli-citer du moindre pire ne suffit plus à redresser les cli-mats, à assurer la bio et la socio-diversité, à nousmunir d’énergies renouvelables et non polluantes, àreverdir les déserts, à nous doter de monnaies et de

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systèmes d’échange plus équitables, plus transparents,plus socialement efficients.

Ainsi nous devons nous prémunir contre lescatastrophes et les implosions qui pointent à l’ho-rizon: Les changements globaux du climat avec leursretombés sur les systèmes vitaux de la planète, l’agro/sylvi/ aqua/ mari/ culture, l’alimentation et… la dis-ponibilité en eau de qualité utilisable.

• Les finances publiques, la fiscalité et le sens de lamonnaie.

• La démocratie qui se réduit souvent à la com-mandite de votes.

• La valeur des échanges inter- et même intra-États.

• Le traitement des moins nantis, en parlant d’éra-diquer la pauvreté.

Comme pour certaines langues, il faut les con-naître pour les manier convenablement, pas à saconvenance. Certaines langues du genre qu’on peutappeler Lingua Franca est souvent un sabir d’affairess’étendant comme virus de nécessité marchande oumilitaire : elles sont souvent pauvres. D’autres ontgardé dans leurs structures linguistiques le signifiantde leurs origines ; guidées, elles sont ainsi capablesd’évoluer au-delà du «ici et maintenant».

ÉDUCATION Nous sommes à l’image de la nature et des relationsque nous entretenons avec elle. Ce qui doit nousguider, c’est notre dotation corticale qui seule peutnous élever. L’éducation (se diriger hors de soi-même), l’écolage (se cultiver en s’élevant au-dessus desoi-même) ne sont pas que des rejets d’un latindésuet.

Toute négociation avec d’autres pour arriver àune entente collective en éducation exige en fait quenous nous soyons aguerris à ce qui cultive nos cer-veaux, ce qui veut dire aussi à des jeux d’esprit et desjeux de table, tels le Wari, le No, le Jeu de l’Oie etautres. Les nouvelles percées de la science modernepeuvent être enseignées en images et en métaphores:la taille, la densité, l’organisation du cerveau, ses com-munications, son langage, sa cohésion, sa syntalité, saperméabilité doivent servir de points de repère à

constituer une communauté humaine, et sans pro-thèse autre que notre plus récente dotation corticale:difficile à manier, on doit maintenant comprendre cequ’est une écologie de la connaissance.

Mais cet enseignement ne peut être fertile que s’ilest réalisé avec des précepteurs qu’on trouve plutôtdans une vie en groupe, évitant au mieux de sombrerdans des instincts et des émotions: nos cerveaux pri-maires ont encore trop tendance à se manifester dansles secteurs public et privé, aussi bien que dans letiers secteur non marchand. Le mal s’étend partout ettous en sont frappés.

Quand et où pourrons-nous sortir des ornièresdans lesquelles l’instruction publique a enchaîné lasociété contemporaine depuis plus de cent ans, peut-être une inévitable rançon d’un passé féodal. Nousdevons donc nous tourner vers les exemples fournispar les systèmes de connaissance traditionnelle et, àpartir de ce riche terreau, cultiver des pousses, soi-gneusement sélectionnées, issues du progrès tech-nique. La Francophonie elle-même a une structura-tion d’un rare potentiel à ce sujet, qu’elle partagesans doute avec le chinois ou l’arabe. De nouveauxpartenariats peuvent naître aussi parmi les languesromanes si nous surmontons nos méfiances cultu-relles en y retrouvant des liens historiques.

De longues expériences vécues hors des fron-tières du G28 (OCDE) ont tendance à prouver que lapauvreté n’existe que comme un référentiel externequi disparaît si on consent à être positif envers ceuxdont on croit qu’ils en sont affligés. Ainsi, si les plusriches industries dans les pays du G28 consentaient,ne fut-ce qu’un ou deux pour cent de leur chiffred’affaires, à contribuer à un partenariat d’égal à égalavec leurs répondants à l’étranger, nous pourrionsarriver plus rapidement à restaurer des équilibresessentiels à l’humanité, pour autant que nous res-pections la culture de chacun.

Il est possible que nous entrions dans des écono-mies nationales à deux vitesses : l’une desservantl’univers des communautés locales et l’autre, les entre-prises enchaînées au global multinational. Une fron-tière flexible et respectée entre les deux, avec leursdeux monnaies, permettrait d’éviter de nombreuxabus et excès qui se soldent automatiquement par

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une mainmise et une emprise totale où les méga-concurrents se livrent bataille chez ceux qui ne lesavaient pas invités. Cette optique est de nature à déve-lopper une entraide et une solidarité responsable, làoù la concurrence et la compétitivité ne sont qu’uneaberration destructive. Ce sont les communautéslocales qui sont les meilleurs défenseurs de leur envi-ronnement; ce sont elles qui peuvent y assurer unegouvernance stable qui inclut leur capacité de négo-cier à l’externe. Le modèle analogique est celui d’unefamille indivise (comme parmi certaines familles hin-doues) avec son conseil corporatif seul habileté àtransiger avec les institutions publiques plutôt qu’unfourmillement de contribuables et d’électeurs sansguides ni desseins et dont toutes les énergies sontainsi mal employées. En Asie du Sud-est, par exemple,beaucoup de jeunes délinquants de droit civil sont prisen charge par des institutions religieuses, bouddhistesen particulier, plutôt que par des prisons; l’éducation,ou la ré-éducation, ne s’en porte que mieux, puisqueleur contexte social est de nature à les sensibiliser.

L’apprentissage à l’institutionnel devient néces-saire, il ne va pas de soi.

SENSIBILISATION C’est avec hésitation qu’on s’engage dans l’atelierproposé. Nous savons tous, individuellement, quenos structures institutionnelles et politiques ne sontpas adaptées aux échéanciers auxquels nous devonsfaire face. Si les avantages vantés du dit développe-ment prennent, de toute évidence, au moins six géné-rations (150 ans?) avant de se faire sentir par uneamélioration des aménagements locaux de nos com-munautés, nous n’avons plus un espace-temps de cetordre pour redresser les carences du mal-dévelop-pement qui affligent la plupart de l’humanité.

Dans le domaine de l’eau, l’escalade du « malfait», de l’inertie, de l’aveuglement ou de l’ignorance,consciente ou non, fait en sorte que nous n’ayonspas vraiment plus qu’une seule génération pourchanger de cap. Il s’agit là de « développer autre-ment». Il y a une dizaine d’années, l’association fran-çaise 2100 (www.2100.org <http://www.2100.org>)a identifié une douzaine de créneaux majeurs de pré-occupations qui devaient être «remis à neuf» dans les

deux générations qui nous suivent, si l’humanité vou-lait passer relativement intacte le cap d’un nouveaucentenaire à l’an 2100.

Dans ce domaine comme dans d’autres, des pous-sées vers la mondialisation des modes de consom-mation et des technologies attenantes deviennentirrésistibles. Elles sont fortement ancrées dans desmodes de vie caractéristiques des nantis, encorecapables de fouetter à outrance les toupies inces-tueuses de la technologie et de ses sbires informatiquesdevenus universels. La tache d’huile des communi-cations renforce la perception des écarts, le jeu éco-nomique ne bénéficiant, malgré tout, qu’à une frac-tion des nations et à une fraction des populationsdans les pays dits économiquement développés,démocratiques ou non.

Le contexte dans lequel un développement doitêtre durable s’élargit donc, et il s’approfondit aussi. Iltouche maintenant la personne humaine en tantqu’individu affamé ou privé d’eau, privé aussi d’accèsà un sens compréhensible de la vie. Il ne croit plus àl’efficacité de la carotte et du bâton, ni aux ordon-nances de maîtres ou de patrons vivant ailleurs dansla mollesse ou la luxure de leurs lambris dorés. Ils’ensuit que ce sont toutes les couches de l’humanitéqui doivent s’ouvrir à un autre devenir.

Pour un avenir viable, il s’agit d’inventer uneentreprise universelle où il faudra retrouver notreentraide collective et où il faudra se replonger dans lefait associatif si clairement annoncé il y a plus de150 ans en Europe – et bien avant dans les systèmescoutumiers. Ce phénomène a été repris dans le sensde l’éducation décrit dans le cadre d’université mon-diale il y a 100 ans par l’Union des associations inter-nationales (www.uia.org).

S’il est une loi en sciences sociales, c’est qu’on nepeut satisfaire à un bien public qu’en réduisant lebien privé d’au moins quelques-uns. Qui mainte-nant est le public et qui est le quelqu’un? Si les gou-vernements se réclament de dispenser le bien public,qui s’occupe du bien commun et, plus encore, dubien d’aucun. Ici et maintenant, ce qui n’appartient,ni ne peut appartenir à personne en particulier,comme un beau paysage, devient la proie de tous.

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Le nombre des «quelqu’un» est devenu majori-taire, bien qu’il soit dispersé et disparate – à desseinsemble-t-il – pour éviter qu’il n’acquière cohésion etqu’il ne puisse faire levier. Mais maintenant quechacun est capable de mettre le feu aux poudres, ilsemble logique qu’on s’adresse au problème global detous ces universels ignorés.

L’État-nation a perdu beaucoup de son apanagede souveraineté, vu la perte de plusieurs types desfrontières qui le soutenaient: l’information, les com-munications, le transport contribuent à ce que desorganismes non étatiques le remplacent progressi-vement. Mais il existe des dangers graves dont ondoit être averti : dans le transnational, la possibilitéd’un super crash de l’Internet ne peut pas être exclue.Le monde est en pleine mutation et nous n’y sommespas institutionnellement sensibles ; à peine y a-t-ilune poignée d’esprits qui cherchent à se faire entendreen contrepartie, mais nous faisons la sourde oreille.Tout cela ne présage pas bien.

Development Alternatives, Nouvelle-Delhi. Cetorganisme s’est voué dès le départ à créer des entre-preneurs ruraux responsables. Le meilleur de lascience contemporaine, sévèrement filtré et remaniéavec les gens du lieu, était marié au système local deconnaissances traditionnelles pour en sortir desgrappes ascendantes de technologies performantes,gérables, réparables, enrichissantes du bien privé et dubien communautaire, porteuses d’un développementqu’on a appelé depuis « durable ». L’art était deconserver le capital environnemental et culturel de cespopulations tout en y édifiant un capital en maturitétechnique. Grâce à la maîtrise d’une technologie, unegrappe plus «avancée» la remplaçait par un systèmede prêt-bail, de franchise ou tout autre du genre. Laseule précaution était qu’elle ne tombât pas dans lesmains de ces mafieux qui abondent partout. Au cœurde l’opération se trouvait un transfert de connais-sances techniques modernes qui s’intégraient ausavoir traditionnel de l’endroit, soucieux de l’envi-ronnement des cultures locales, rurales au début,s’étendant à l’urbain ensuite. En somme, assurer lesmeilleures mises en place et pratiques possibles pourdes sociétés ouvertes à se créer des surplus au-delà dela survie. La tension créative intérieure rendue dis-ponible pour engendrer un développement plus ren-

table et le valoriser dans leur région et plus loin –créent un courant où tous ont quelque chose àapprendre et à enseigner. La confiance en soi conduità une autonomie qui rend les personnes moins faci-lement «piégeables». Qu’il s’agisse de papier arti-sanal, de presses à blocs de terre comprimée, de tuilesde toit, de cuisinières domestiques ou de métiers àtisser manuels à haute performance, le vent du chan-gement s’empare de la communauté et la transformeen une grande opération de Compagnonnage oùl’ouvrier, ses outils et ce qu’il en fait deviennent rapi-dement porteurs de la culture où leurs objets tech-niques ont été rêvés puis nés.

Rien dans le sens de modifications structurellesn’a été envisagé au cours des 30 ans qui nous séparentde Stockholm 1972. À Stockholm, on sentait déjà destiraillements qu’on a eu peine à déguiser. Nairobi1982 et Rio 1992 – et la commission Brundtland en1987 – n’ont pas allégé le fardeau. La règle d’or triom-phait: ceux qui ont l’or font la règle! Sans exagération,nous vivons dans une topologie factice, sur des bullesde savon dont la moindre chute de tension de surfacede l’une risque irrémédiablement d’entraîner la pertedes autres, petites et grandes. Un beau et souriant«bonhomme de neige» en hiver n’est plus qu’uneflaque sans nom au printemps. Et peu n’en chaut à lanature! Quant à nous, nos inepties et nos carencesnous forcent à être inquiets des conditions dans les-quelles nous en sortirons. Nos échelles de valeur ontété faussées par un pactole pour quelques pour centsde l’humanité, ceux-ci agitant l’oriflamme du progrèset de la consommation marchande… et par un pac-tole d’espérances déçues pour le reste.

Ainsi devons-nous opérer collectivement et indi-viduellement des revirements majeurs dans nosexpectatives et dans nos comportements. Pour toutdire, dès 1972 des rencontres et des convergencess’établirent dans l’esprit de plusieurs personnes etorganisations férues d’un nouveau devenir où lesponts et les passerelles à construire présageaient d’unlien de solidarité.

Ce n’est pas le lieu ni le moment ici d’en faireétat: leur succès répond plutôt à la maxime «Pourvivre heureux, vivons cachés.» C’est à ce moment,dans le suivi de Stockholm, que la conception d’unautre type d’ONG (Organisation Nécessaire à la

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Gouvernance, selon l’heureux propos de AJN Judge,secrétaire-général adjoint de l’UAI) se dessina, notam-ment Development Alternatives (DA), en Inde, quid’ailleurs ne vit effectivement le jour que 10 ans plustard (toujours dirigée par son président-fondateur,le Dr Ashok Khosla).

C’est un genre de sensibilisation et de commu-nication qui fait tache d’huile et qui contre les dériveshabituelles mal réfléchies vers un mal-développe-ment devenu endémique, un développement quiappauvrit la nature et paupérise nos communautés.Dans le schème de DA, l’hypertechnicité dominantede la culture euro-américaine ne doit plus avoir placede droit automatique et dominante au «banquet dela vie de l’humanité»: elle doit être filtrée localementgrâce à un discernement dans les prises de décisionqui permet de distinguer ce qui est de ce qui n’est pas.Les jeunes suivront s’ils bénéficient d’un enseigne-ment théorique et pratique qui a du sens; sinon, lerisque de décrochage de l’école est grand (et la dériveen spirale vers le chaos social aussi). Beaucoupd’adultes, désenchantés des promesses vaines descasinos «dot.com», se remettent en question: ils sonten avance d’au moins une génération sur leurs élitesau pouvoir. C’est mieux que six générations, mais cen’est pas assez parce que nous n’avons peut-être pasle temps d’effectuer le rattrapage voulu.

Les techniques et technologies d’information et decommunication soudoyées par les partisans d’unesociété de consommation ont bonne allure – UnaBella Figura – mais ne mènent pas à un développe-ment durable.

Pour contrevenir à une telle situation, il nousfaudrait remonter le courant qui semble prévaloir etêtre à l’affût de ces branchements que nous avionsdélaissés et qui risquent toujours de devenir caducs;d’autres, par contre, pourraient être revivifiés parceque la compétition les favorise, le prix du pétroleétant remonté (plus encore, les puces électroniques etcertains matériaux de synthèse peuvent les remettreen lice). Mais comment remonter au lieu de nais-sance de ces mutations techniques qui ont causé detels écarts d’équilibres. Contempler à distance ounourrir un cancer n’aide pas plus à s’en défaire. Il fautbeaucoup plus et c’est urgent! Mais les prothèses del’invention et de l’innovation existent aussi : qui s’en

occupera si leurs sympathisants sont écartés commedes boy-scouts, des rêveurs ou des insatisfaits?

Si tout est matériau, énergie et information (avecempaquetage commercial séduisant), comment noussensibiliser à un virage vers une préoccupation pourl’entièreté du vivant tout en restant conscient deshorizons-temps serrés qui se dessinent avec leurséchéances pressantes?

Sans entrer ici dans ce que la langue françaisepourrait apporter de précision indispensable à com-prendre et œuvrer dans le sens de l’Agenda 21, ilsemble tout aussi indispensable que nos institutionsde tous genres se fassent connaître à l’étranger dansleur langue à eux. Il n’y a pas de place pour maugréerdans l’immobilisme: toutes les occasions sont bonnespour que «les autres» nous entendent et reconnais-sent que le moment est venu de nous écouter. Nousavons déjà des alliés directs dans les pays-membres del’Agence qui sont aussi membres du Commonwealth:ils sont six dont le Canada, les autres sont des îles cequi devrait nous donner à penser comme labora-toire naturel.

D’autres avenues déjà évoquées permettraientd’essaimer «Éducation et Sensibilisation». De plus, lecolloque «Sociologie, Économie et Environnement»sous la direction de Corinne Gendron, Cecilla Claey-Mekdade et Jean-Guy Vaillancourt au 70e congrès del’ACFAS à l’Université Laval en mai de 2002, seraune autre occasion de faire le point. Plus près denous aujourd’hui, les deux études de cas prévuespourraient être reprises et rédigées dans des cahiersdisponibles à tout un chacun.

UNE SENSIBILISATION À L’ÉDUCATION Il est indispensable que nous soyons à l’écoute desjeunes et que nos textes de soutien, avec une imagerieà l’appui, soient rédigés pour être ressentis par eux.

L’Assemblée Mondiale de Citoyens qui s’est tenueà Lille en décembre dernier sous les auspices de laFondation pour le progrès de l’homme (Alliancepour un monde responsable, pluriel et solidaire)(www.alliance21.org) est un autre de ces réseaux glo-baux qui se trament beaucoup par la base. Une massecritique commence à faire surface et il ne tient qu’à

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nous de lui donner une vitesse de croisière qui per-mettra à la Francophonie de se décoller du mou danslequel des rapports de force contraires rompent leséquilibres et mènent à une suprématie factice.

De tels réseaux doivent devenir protecteurs d’ini-tiatives locales qui, à la limite, prennent leur envoldans la personne individuelle. Celle-ci doit êtreencouragée à s’ouvrir comme par la maïeutique deSocrate : nous devons nous accoucher de notre tré-fonds culturel. L’image et le son (et une iconographiede soutien) doivent s’accorder avec le verbe pourconstituer le Logos de demain. L’intangible et l’im-matériel du sacré doivent être orchestrés pour sou-tenir des rituels trop facilement écartés et oubliésdans leur individualité. Reconnaissons que le mondese dévoile à nous plus rapidement que nos rétro-actions inefficaces.

Notre Internet pourrait assurer le partage dessavoirs auprès des jeunes et des moins jeunes, parceque les «anciens» n’ont plus les capacités émotives etintellectuelles pour retrouver sensibilité humaine etgros bon sens. Même le ralentissement de l’effet de cesattributs délaissés développe des inerties préjudi-ciables. Même discuter de leurs influences et lesdéplorer peut faire sombrer un ressourcement essen-tiel. Faut-il contrer les parasites d’un développementdurable ou les dépasser? Quelles pro-actions pour-raient être envisagées prioritairement? en quoi? versoù? avec qui?

Nous devons collectivement ingérer et digérer lenouveau savoir qui émerge avant de prétendre vou-loir le gérer.

Nous devons connaître les carcans et les culs-de-sac qui nous bloquent avant de pouvoir remettre enlice la pensée autonome et censée. Peut-être insistersur le fait que s’il y a urgence, il ne faut pas concevoirdes solutions miracles trop vite (ex. OGM) sans seréférer au principe de précaution.

Nous sommes aidés dans cette tâche par les écoles«communales», les Écoles Nouvelles. Celles-ci sontparfois décriées mais elles sèment l’apprentissaged’une confiance personnelle, en se méfiant d’un «parcœur» qui fige la raison.

Elles aident à développer une curiosité construc-tive, un comportement responsable. C’est là qu’onpeut découvrir son «soi», en famille, en commu-nauté; on y est mieux préparé à assumer un rôle dansles grandes enceintes urbaines et aussi à édifier unematurité nécessaire pour cohabiter de manière équi-librée avec la nature. Nous sentons que nous ne pou-vons pas nous échapper de la nécessité de composeravec elle puisqu’elle nous offre aussi le cadre de vie quinous permet d’être humains.

Quel avenir devons-nous assurer aux jeunes d’au-jourd’hui? Comment éviter les décrochages de l’école,la sauvagerie urbaine, les bidonvilles, les méfiancesintergroupes, les culs-de-sac économiques, les éco-nomies à géométrie non réglable, les boucles récur-rentes de problèmes auto-aggravants (fort bien ana-lysées dans l’Encyclopédie de l’Union des associationsinternationales dans «2100, Odyssée de l’espèce» – del’association du même nom et plusieurs autres.

Il y a donc nombre d’exemples de gens et de com-munautés inspirantes, socialement équitables et sou-cieuses de leurs environnements et de la nature. Ilnous faut retrouver les communautés économique-ment hors circuits, souvent décriées et laissées pourcompte. Maintenant, leurs richesses culturelles nesont souvent reconnues que par le biais d’un tourismequi souvent les épuise et ne laisse que peu de retom-bées bénéfiques locales, alors que ces richesses envi-ronnementales ou culturelles donnent le sens mêmeà leur vie. Des écolages guidés sur le tas comme chezles Compagnons du devoir, symboles d’arts et demétiers, méritent d’être valorisés davantage. Au-delàde tout ce qui existe d’épars et de diffus, commentsensibiliser des formateurs à la nouvelle optique quele changement nous imposera. Comment concevoirce mélange de formation technique et de formationdu cœur et de l’esprit vers un mental supérieur ?Nous ne pouvons pas courir le risque de vivre dansnos cages à miroir et nos lambris dorés sans ramenerles oubliés, les non-nantis, les écartés, les marginaliséssinon ceux qui sont rejetés ou même criminalisés.Comment remettre en service d’urgence les maîtresrespectés, sacrés et profanes, qui nous restent ; com-ment les identifier, institutionnellement parlant ?Notre obligation est claire, à cet atelier, de donner auxparticipants de quoi se documenter sur l’une ou

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l’autre des positions qu’ils ou qu’elles devront négo-cier dans le cadre du suivi de l’Agenda 21, aux Assisesdu Sommet de la Terre en août de cette année.

Il semblait utile de présenter une toile de fondpour que chacun puisse alimenter sa propre pers-pective pratique, plutôt que de courir à hue et à diapour boucher les trous et les failles qui relèvent de nosentendements différents de ce que pourrait être undéveloppement durable. En effet, qu’est-ce que celaimplique dans la réalité de tous les jours pour lesnégociations qui s’amorcent et, aussi, pour les géné-rations présentes et à venir. Il est clair que des posi-tionnements institutionnels dans un forum mondialdoivent nécessairement être à une certaine distance dece que les participants peuvent ressentir en leur forintérieur.

Il est essentiel de garder cet écart en vue si le butest de viser à des accords durables dans la réalité,plutôt que de s’accorder sur les raisons pour les-quelles un accord de fond n’est pas possible.

Nous vivons dans un climat d’urgence où tousdevons militer et prendre des positions d’éclaireurssages mais pressés.

Où en sommes-nous?La Francophonie ne peut pas se contenter de n’êtrequ’à une écoute attentive de ce qui se dira àJohannesburg. Elle doit se forger rapidement desalliances vives avec des aires linguistiques autres pourque ses préoccupations pour n’importe quel sujet duForum participent à un effort commun d’impor-tance qui puisse équilibrer les rapports de force avecd’autres «blocs» de nations. Le résultat serait d’éleverles décisions à de nouveaux seuils de résolutionscaractérisés par l’à-propos, le moment décisif et lehaut de la vague. La langue que nous avons encommun est un outil potentiellement plus puissantque de trébucher en avant dans un pragmatismeopportuniste qui mène aux mirages.

Il n’en reste pas moins que des recommanda-tions visant à assurer le plein essor de collectivitéslocales «durables» répondent à un besoin universelqui touche toute l’humanité. Cet universel d’un Véculocal est une contrepartie utile à une tendance globalequi ne répondra pas seule à des critères de durabilité.

Un développement durable ne peut se résoudre àune croissance matérielle sans bornes, avec des catas-trophes irrémédiables dans les systèmes qui en fontla promotion active. Les préoccupations esquissées icien larges traits font pendant à un modèle de crois-sance qui ne laisse pas de place à des investissementssociaux et environnementaux. Cui Prodest ?, à quicela profite-t-il, est une question qu’on ne peut pluséviter quant à la valeur de l’argent et ce qu’on en fait.

Festina lente dit un proverbe nous incitant à nousdépêcher lentement. Il ne s’agit pas autant de Rio+10que de Stockholm+30 qui nous entraîne vers un piedde paix renforcé. Plusieurs marches de l’escalier par-tant de la survie et devant mener vers la subsistance,la sécurité, le surplus et finalement vers l’évolution denotre espèce, ont déjà été montées. L’escalier, cepen-dant, devient rapidement plus raide.

L’autoéducation par le déclenchement des forcesvives de l’enfant et par la remise simultanée en ques-tion de l’adulte font une paire indivisible. Un kaléi-doscope de maïeutique, de volontariat, de compa-gnonnage, de partenariats d’égal à égal entre les fortset les faibles de la Francophonie semble être un genred’optique et de recettes dont l’éventail des pro-grammes et des activités ne doit pas peser lourdementsur le trésor public. Certains sont déjà en place maisne sont souvent pas suffisamment valorisés : ils fontsouvent plus de bien qu’ils ne s’en vantent. C’est ainsique devrait se reconfigurer la pauvreté, terme apportéqui n’est pas dans le vocabulaire endogène de ceuxqu’il est sensé affliger. C’est un mur de briques enpapier qui détourne l’attention de vrais problèmes.Les grands doivent faire de la place aux petits.

Nous voudrions remercier en particulier collabora-teurs et sympathisants qui nous ont appuyé dans cesnotes rédigées et révisées sans grand préavis : LucieDumoulin, José Furtado, Isabelle Grégoire, BenoitMartimort-Asso, Julie Rondeau, Marisha ShibuyaWojciechowska. Plus profondément, merci à tous ceuxet celles sur les épaules de qui nous avons pu voir un peuplus loin.

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113 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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HISTORIQUE Depuis 1996, impulsée par les Québécois, une dyna-mique concernant plus de soixante pays, se déve-loppe en langue française sur le thème de l’éducationà l’environnement.

Une première étape importante s’est déroulée àMontréal en novembre 1997; sept cents participantsvenus de trente-quatre pays se réunissaient pouréchanger entre eux et signifier aux différentes auto-rités publiques le bien-fondé qu’il y a à soutenir ceteffort de la société civile internationale en faveur dudéveloppement de l’éducation à l’environnement.

L’UNESCO et les institutions de la communautéfrancophone se sont tout de suite associées. À cetteoccasion, la délégation française riche de soixante-dixparticipants prenait l’engagement d’organiser unPlanet’ERE 2 en France en 2001. À noter que lesQuébécois ont mis sur pied dès 1996 un ComitéConsultatif International pour les aider à donner àleur entreprise un réel caractère international.

Au retour du Canada, en France s’est constitué leCollectif Français pour l’Éducation à l’Environ-nement. Il est aujourd’hui composé de près desoixante organisations nationales, associations (édu-cation à l’environnement, protection de la nature,éducation populaire, parents d’élèves, consomma-teurs…), de parcs et réserves, de syndicats ; c’est lasociété civile motivée pour l’éducation à l’environ-nement qui est mobilisée.

Il en est ainsi dans tous les pays concernés par leprojet. Ils ont chacun développé une action collectiveen faveur de l’éducation à l’environnement à leurmanière.

Les régions françaises se sont organisées en Col-lectif Régional pour l’Éducation à l’Environnement(CREE).

En 1999, une vingtaine de régions (sur vingt-deux) ont organisé leurs premières assises régionales,en vue d’apporter une contribution aux premièresAssises nationales de l’éducation à l’environnementen 2000.

Des premières Assises Nationales françaises del’éducation à l’environnement, qui ont mobilisé millecent personnes durant trois jours, sont nées :

– un Plan National d’Action pour le développe-ment de l’éducation à l’environnement reconnuaussi bien de la société civile que des autoritéspubliques,

– une forte dynamique nationale en vue de tenirPlanet’ERE 2.

Planet’ERE 2 en novembre 2001 a réuni plus demille cinq cents personnes venant de quarante-deuxpays, d’abord dans une phase de trois jours éclatéeentre onze régions, organisée par les CREE de façonautonome, puis neuf cent trente délégués à l’UNESCOà Paris durant trois jours.

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Les résultats du Forum Planet’ERE (novembre 2001)Roland GÉRARD

Collectif Français pour l’Éducation à l’EnvironnementPlanet’ERE (Éducation Relative à l’Environnement)

France

ATELIER 3 – Études de cas

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C’est sous le thème «Les acteurs de l’éducation àl’environnement se mobilisent pour un développe-ment durable dans un monde équitable, solidaire etresponsable» que se sont réunis tous ces acteurs.

Les travaux se sont déroulés selon quatre axes :

1. Bilan de la mobilisation des différents pays enmatière d’éducation à l’environnement. Vingt-neuf pays ont réalisé un bilan écrit.

2. Examen collectif de ce qu’est l’éducation à l’envi-ronnement, comment évolue le concept? Évolu-tion vers la citoyenneté, l’éducation à la santé, à lapaix… et l’éducation au développement durable.

3. Stratégie internationale commune aux acteursfrancophones, Johannesburg 2002… un appel dela Francophonie a été adopté.

4. Partenariats internationaux, qu’en est-il deséchanges entre acteurs de l’éducation à l’envi-ronnement des différents pays ? Comment lesdévelopper?

DE PLANET’ERE 2 IL RESSORT : – beaucoup de liens entre acteurs de quarante-deux

pays différents, la dimension de la fraternité esttrès présente. Deux cent trente projets de coopé-ration ont vu le jour lors de Planet’ERE 2,

– un appel de la Francophonie pour l’éducationà l’environnement en vue du Sommet deJohannesburg a vu le jour; il est notre point derepère commun (document joint en annexe),

– l’idée de partenariat entre société civile et auto-rités publiques a encore fait du chemin. La recon-naissance de l’un et de l’autre et l’écoute s’amé-liorent,

– l’idée d’éducation au développement durable s’estprécisée,

– les acteurs dans chaque pays se sont rapprochésles uns des autres. Ils se sont organisés en réseauet constituent une interface pour les correspon-dants des autres pays,

– la société civile a montré sa capacité à tenir unerencontre internationale importante.

DES ÉLÉMENTS POUR LA COMPRÉHENSIONDU PHÉNOMÈNE Cette expérience assez unique et répondant auxattentes des États (en outre, affirmées dans l’Agenda21) quant à l’engagement des communautés de base,les organisations engagées représentant des millionsde personnes, nous invite à réfléchir sur différentspoints.

INTÉRÊT DE L’ÉDUCATION DANS LA PROBLÉMATIQUE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE Il semble utile de dire ici que dans les rangs des édu-cateurs à l’environnement et dans ceux des éducateursau développement, le vocable de développementdurable n’est pas sans poser de problème. Beaucoupy voient un nouvel habillage pour continuer à déve-lopper en rond, faut-il poursuivre avec ce mot dedéveloppement qui après des années de pratique metaujourd’hui de nombreux pays dans l’impasse?

Je cite l’Agenda 21: «Education, sensibilisation dupublic et formation sont liées à pratiquement tous lesdomaines de l’Agenda 21.» Ce sont les premiers motsdu chapitre 36 de l’agenda 21 qui traite de l’éducation.

Cela semble normal, tant il apparaît de plus enplus à tous que rien ne changera sans une appro-priation du concept de développement durable par lespopulations.

L’éducation arrive comme un des éléments per-mettant de solutionner les problèmes d’environne-ment et de développement.

Les outils réglementaires et les mesures d’incita-tion économique favorables à l’environnement fonc-tionnent plus sur le mode de la crainte et de la répres-sion. Les résultats constatés aujourd’hui sont trèsinsuffisants. Nous devons davantage parier sur l’en-gagement volontaire des populations. Pour cela, ilest nécessaire de faire entrer le concept de dévelop-pement durable dans la culture.

Ainsi, on peut dire aujourd’hui que l’écologie,cette science des liens qui unissent les divers élémentsde la biosphère et qui a d’abord intéressé les scienti-fiques, est passée dans le champ politique, permettant

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au passage la constitution de nouveaux partis poli-tiques pour ensuite intéresser chacun d’entre nous.

Aujourd’hui, qu’on lui donne le nom d’écologie,d’environnement ou de développement durable, onvoit bien que c’est progressivement d’une nouvellephilosophie sociale qu’il s’agit. Il serait dangereuxd’écarter la question de l’environnement du conceptde développement durable.

Il est nécessaire de lever tout de suite une ambi-guïté, quand on dit «éducation», on ne dit pas uni-quement apprentissage de connaissances. Bienentendu, il est nécessaire d’acquérir des savoirsconceptuels et factuels pour comprendre le mondequi nous entoure et en tirer des conséquences. Maisil est tout aussi important d’acquérir des méthodes etdes comportements en relation directe avec le déve-loppement durable.

Ainsi, les savoir-être et savoir-faire viennentcomme les savoirs au premier plan des objectifs édu-catifs que se donnent les acteurs.

Dans ce sens, l’éducation à l’environnement pri-vilégie l’accueil des différences, l’écoute, la diversité,le contact avec la réalité, le terrain, la durée, la cohé-rence, la créativité, l’appropriation, l’alternance, lepartenariat, le mode de fonctionnement en réseau…

Il y a plus de dix ans, Norbert Riechel disait :« L’éducation à l’environnement c’est une chancepour l’environnement et un défi pour l’éducation.»

Quand on parle d’éducation au développementdurable, on pense à l’effet de l’éducation sur le déve-loppement durable et on ne se rend pas toujourscompte que la problématique de l’environnement etdu développement durable a apporté beaucoup àl’éducation.

Il y a un pan qui concerne notre attitude avec laTerre et le respect que nous devons à tous les élémentsde la biosphère et un pan qui concerne notre attitudeavec les humains, une nouvelle étape de la citoyenneté.

Ce qu’il y a probablement de plus révolution-naire dans ce qu’apporte le développement durable àl’éducation, c’est que maintenant, pour qu’un projetéducatif soit crédible, il doit s’évaluer selon trois

champs complémentaires et pas seulement sur lasimple personne:

– L’évaluation (Quand on dit évaluer, il faut revenirau sens du mot. Il s’agit de ce à quoi nous atta-chons de la valeur.) doit toujours se faire sur lapersonne : quel progrès a fait l’individu, a-t-il plusde connaissances, a-t-il progressé dans ses savoirs,ses savoir-être, ses savoir-faire, nous devons lemesurer.

– L’évaluation du terrain sur lequel se déroule laséquence éducative doit aussi se faire. Cet exercicehumain qui consiste à pratiquer l’éducation a-t-il été une nouvelle occasion de générer de la pol-lution à outrance, de vider le monde de ses res-sources un peu plus, ou a-t-il été l’occasion d’unecohérence entre ce qu’on dit et ce qu’on fait ?Favorisant l’usage des ampoules à basse consom-mation, le tri des déchets, l’usage de papier recyclé,des transports en commun, d’une nourritureissue de culture de proximité, pas trop carnée etrésultant de pratiques agricoles respectueuses del’environnement…

– Enfin, l’évaluation du groupe. Les éducateurs doi-vent se demander si leur pratique éducative aaugmenté l’individualisme ou au contraire si ellea créé un esprit communautaire, si elle a favoriséde nouvelles solidarités, en un mot, si elle a créédu corps social.

On le voit, l’éducation à l’environnementconstitue bien une chance pour l’environnement ;elle constitue en même temps un défi pour l’éduca-tion.

L’éducation doit changer.

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ANALYSE POLITIQUE ET PERSPECTIVES Cette dynamique sociale fonctionne sur une doublefonction:

1. fonction de réseau privilégiant l’échange entreacteurs et précisant le geste de l’éducation à l’en-vironnement. Il n’y a pas ici à se mettre d’accordsur un sens trop précis ; ce qui compte, c’est l’ac-cueil et le climat pour que chacun puisse s’ouvrirà loisir et progresser. La dimension laboratoire denotre expérience est indéniable. La diversité est iciun facteur de richesse.

2. fonction de collectif devant faire le poids et pou-vant entrer dans le rapport de force pour fairereconnaître le bien fondé de développer l’éduca-tion à l’environnement partout sur la planète.Ici, il faut s’entendre quant au sens sur des pointsprécis et poser des propositions consensuelles.Une certaine unité de vue est nécessaire.

Il y a une très forte motivation des acteurs pourfaire de l’échange de territoire à territoire sans forcé-ment attendre après les États.

Planet’ERE 2 a permis de confirmer qu’il y a bienune très forte motivation à travailler ensemble nonplus seulement entre pays et continents différentsmais entre lieux de vie entre territoires différents.C’est une culture de l’action, engagée et maîtriséepar les acteurs de terrain, qui émerge.

Ici, nous ne sommes pas dans la théorie et lesmodèles devant s’appliquer à tous ; nous sommesdans l’échange de pratiques à pratiques dans unegrande diversité de projet pour faire mieux ensemble.

Cette culture de l’échange part du principe (nou-veau peut-être) que les pays du Nord n’ont pas for-cément quelque chose à apporter aux pays du Sud etqu’en tout cas c’est une réciprocité que nous désironset qu’on trouve dans les projets que nous mettons enœuvre.

Les Africains, les Asiatiques, les Américains, lesEuropéens de l’Est, les Européens de l’Ouest, ceuxdes îles, tous dans des réalités très différentes, se chan-gent au contact les uns des autres, et c’est aussi ce quenous voulons.

À Planet’ERE 2, les jeunes ont joué le jeu à fond,ils ont travaillé avec enthousiasme et produit leurpropre déclaration.

Ils soulignent en outre qu’il faut passer «du bla blaà l’action» (document joint en annexe).

Par l’affluence des participants, à tous les échelonsde territoire, le nombre de responsables politiques, etau plus haut niveau, qui s’intéresse à cette dyna-mique, nous pouvons affirmer que nous assistons àune ré-appropriation du fait éducatif par les habitantsdes territoires. Motivées par les problématiques envi-ronnementales, des centaines de personnes se mobi-lisent pour prendre à bras le corps et débattre du faitéducatif.

L’exemple en France de l’éducation au tri desdéchets est très parlant. L’initiative vient toujours dela base, le système central reste figé et inefficace sur cetype d’action.

Ce mouvement, sans aucun doute, est amené à sedévelopper. Le lien doit être fait ici avec l’émergencede la démocratie participative.

Le geste précède la parole, mais la parole ne doitpas être ignorée, elle appartient à tous. Planet’ERE 2a montré que ceux qui « font » peuvent « dire » etqu’ils sont capables de travailler en toute intelligenceavec l’État.

Le fonctionnement social dans la complexité estpossible et il donne des fruits. La dynamique est par-tagée par beaucoup d’acteurs évoluant dans dessphères très différentes (associations, syndicats, minis-tères, parcs et réserves, collectivités locales, entre-prises, écoles, collèges, lycées, universités…). Le fonc-tionnement est complexe.

Ce sont de nouvelles pratiques sociales que noustrouvons sur d’autres terrains que celui de l’éduca-tion; on pense ici forcément à Porto Alegre et auforum social mondial.

117 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 130: Colloque International Francophonie et développement durable

LE SENS DE L’APPEL DE LA FRANCOPHONIE Nous constatons:

• que les problèmes d’environnement se sontaggravés depuis 1992, que les systèmes d’éduca-tion formels nationaux ont trop peu évolué etque très peu de moyens ont été mis à la réalisa-tion des objectifs de l’article 36 de l’Agenda 21,

• que l’éducation à l’environnement est très peudéveloppée et qu’elle ne tient très souvent qu’àl’engagement d’individus motivés,

• que des expériences encourageantes se sont déve-loppées et qu’elles peuvent être multipliées.

Nous proposons:

• de généraliser l’éducation à l’environnement pourtous et à tous les âges.

Nous nous engageons dans les quatre années à venir:

• à promouvoir et multiplier les pratiques éduca-tives pour l’environnement,

• à écrire notre charte des éducateurs à l’environ-nement francophones,

• à développer les échanges et les concertations ens’appuyant sur les nouvelles technologies de l’in-formation et de la communication (NTIC),

• à développer des projets de partenariat interna-tionaux.

Nous demandons aux participants du Sommet mon-dial du développement durable :

• de promouvoir l’éducation à l’environnement etle développement durable.

APPEL DE LA FRANCOPHONIEPour le sommet mondial du développement durablede Johannesburg

«Les acteurs de l’éducation à l’environnement semobilisent pour un monde solidaire, équitable et res-ponsable.»

Venus de 42 pays, ce sont 1500 participants, ensei-gnants, responsables d’associations, animateurs, syn-dicats, représentants de ministères et de collectivités…qui ont participé au forum Planet’ERE 2 du 18 au23 novembre 2001, dans les régions françaises et àl’UNESCO à Paris. Acteurs francophones de l’éducationà l’environnement, ils sont convaincus que celle-ciconstitue un levier indispensable pour un développe-ment durable et viable. Vigilants sur le respect des enga-gements qu’ils ont pris au premier forum Planet’ERE(Montréal, novembre 1997) comme de ceux pris par lesÉtats en particulier à Rio, ils entendent participer acti-vement au Sommet mondial du développement durablede Johannesburg en septembre 2002.

Cet appel adopté par l’ensemble des participants lorsdu forum Planet’ERE 2, comme l’est par ailleurs l’appelélaboré par les jeunes lors du même forum, est à cetégard une contribution importante.

Nous constatons, depuis la Conférence de Rio en1992:

• Que les problèmes d’environnement, loin d’avoirtrouvé la voie de leur résolution, se sont aucontraire aggravés,

• Que les déclarations et les projets de développe-ment issus des grandes conférences internatio-nales n’apportent aucune solution satisfaisante àla situation de pauvreté et de précarité (sanitaire,sociale, éducative et environnementale) des popu-lations les plus démunies dans les pays les pluspauvres comme dans les pays les plus riches,

• Que les systèmes d’éducation formelle nationauxont trop peu évolué depuis Rio et que les objec-tifs mis en avant dans le chapitre 36 de l’Agenda21 et repris dans le principe 26 de la Déclarationde Rio, n’ont pas bénéficié des moyens qu’ilsnécessitent pour être atteints.

118Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 131: Colloque International Francophonie et développement durable

Nous constatons hélas :

• Que l’éducation à l’environnement qui se déve-loppe reste encore trop souvent le seul fait d’in-dividus ou de petits groupes d’individus motivéset qu’elle se développe sur les territoires sans unsoutien politique suffisant eu égard aux enjeux,

• Qu’une grande disparité de moyens éducatifsexiste selon les territoires en particulier du Nordet du Sud de la planète et que les enfants commeles adultes, ne sont pas sur un pied d’égalité,

• Que les moyens financiers mis en œuvre pour ledéveloppement de l’éducation et en particulier del’éducation à l’environnement demeurent beau-coup trop faibles au regard des enjeux.

Mais nous constatons aussi :

• Qu’à partir d’initiatives de la société civile etd’ONG, des actions éducatives positives pourl’environnement ont pu se développer ponctuel-lement,

• Que des projets de territoire à territoire ont vu lejour, impliquant des communautés du Sud, duNord, de l’Est et de l’Ouest et que des élans de soli-darité entre populations très éloignées ont étéainsi créés,

• Que les expériences éducatives les plus réussiessont celles qui reposent sur des partenariats impli-quant à la fois la société civile et les autoritéspubliques,

• Que depuis 1992, les pratiques de démocratieparticipative se développent dans la définition etla conduite de politique des territoires,

• Que des réseaux se sont constitués, que deséchanges ont lieu entre éducateurs au-delà desfrontières, que des solidarités naissent,

• Que des programmes de formations se dévelop-pent, que des métiers apparaissent en particulierdans certains pays, que de nouveaux acteurs s’en-gagent : collectivités, entreprises, universités…,

• Que des territoires s’organisent pour définir desplans de développement de l’éducation à l’envi-ronnement, associant société civile et autoritéspubliques.

Nous proposons:

• De généraliser une éducation à l’environnementpour tous et à tous les âges

– construisant la responsabilisation, la dimen-sion citoyenne de la personne en aiguisantson sens critique et en l’amenant à s’impliquerdans le processus de décision collective,

– permettant de s’interroger sur les causes de lanon-durabilité du mode de développementdes pays riches et proposant des solutionspour les individus et les populations (usage del’eau, transports collectifs, tri de déchets, éco-nomie d’énergie, gestion de l’espace…),

– permettant de s’interroger sur les causes desdifficultés rencontrées par les pays pauvresdans la recherche des modes de développe-ment durable (santé, maîtrise de l’eau, auto-suffisance et sécurité alimentaire, gestion desdéchets, énergie renouvelable),

– prenant en compte les aspects sociaux et éco-nomiques en même temps que les aspectsécologiques pour étendre la réflexion et l’en-gagement pour le développement durable,

– créant des liens positifs entre les personnes,entre les personnes et la nature et débouchantsur la compréhension et le respect,

– favorisant l’épanouissement des personnesen sollicitant les dimensions intellectuellescognitives, mais aussi affectives, sensibles.

Nous nous engageons,dans les quatre années à venir,à:

• Valoriser, promouvoir et multiplier les pratiqueséducatives pour l’environnement en s’appuyantnotamment sur ceux qui les ont mises en place etleurs réseaux,

• Écrire collectivement la charte Planet’ERE recen-sant les valeurs et les finalités qui animent lesacteurs de l’éducation à l’environnement franco-phones,

• Multiplier les situations d’échange entre prati-ciens de divers continents et de diverses originesen assurant la permanence et l’animation d’unréseau francophone des acteurs de l’éducationrelative à l’environnement,

119 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 132: Colloque International Francophonie et développement durable

• Développer un dispositif d’échanges et de concer-tation décentralisé fondé en particulier sur lesNouvelles Technologies d’Information et deCommunication,

• Recenser, susciter, favoriser et développer les par-tenariats internationaux solidaires Sud Nord et EstOuest et élaborer un guide des bonnes pratiques,

• Généraliser l’association des jeunes aux processusde réflexion et de mise en œuvre,

• Nous investir dans une action internationaleconcertée des acteurs de l’éducation à l’environ-nement francophone avec les acteurs de l’éduca-tion non francophones et les autres acteurs de lasociété civile en vue du Sommet mondial dudéveloppement durable de Johannesburg,

• Organiser le troisième forum francophonePlanet’ERE 3 en Afrique en 2005.

Nous demandons aux participants du Sommet mon-dial du développement durable :

• Aux Chefs d’États et de Gouvernements :

– d’inscrire l’éducation et le droit à l’éducationcomme une des priorités pour le futur dans leprogramme international de travail qui seraélaboré lors du Sommet mondial du déve-loppement durable,

– de renforcer leurs efforts pour promouvoirl’éducation pour tous et d’assurer que l’édu-cation à l’environnement et au développe-ment durable y soit intégrée, en particuliercomme levier contre la pauvreté, pour lesdroits de l’Homme, la démocratie et la pré-servation de l’environnement,

– de favoriser le développement de l’éducationà l’environnement dans les politiques natio-nales et locales, tant dans le secteur de l’édu-cation formelle que non formelle,

– de favoriser la participation des populationsà la mise en œuvre de l’éducation à l’envi-ronnement, pour un monde solidaire, équi-table et responsable,

– de soutenir l’action concertée des acteurs dela société civile (ONG, syndicats, associations)

en faveur de l’éducation à l’environnement.

• Aux responsables d’organisations internationales:

– À l’Organisation Internationale de la Franco-phonie:

• De prendre acte des travaux de Planet’ERE 2, defaire de l’éducation une priorité dans le pro-gramme international de travail qui sera décidéau Sommet de Johannesburg en 2002,

• De soutenir avec des moyens financiers le suivi dePlanet’ERE 2 et en particulier les projets de par-tenariats qui sont nés du forum Planet’ERE.

– Aux Nations Unies :

• D’assurer que la voix de la Francophonie enmatière d’éducation, issue de Planet’ERE 2, soitprise en compte et intégrée activement dans ledialogue multipartenarial qui est prévu auxréunions préparatoires et au Sommet lui-même.

– À l’UNESCO:

• En tant que «maître d’œuvre» du chapitre 36 del’action 21 de continuer à donner son soutienaux suites de Planet’ERE 2 dans la Francophonieet de faire tout son possible pour assurer que cetappel de la Francophonie soit pris en compte lorsdu Sommet de Johannesburg et pendant sesréunions préparatoires.

• Aux ONG, syndicats, associations:

– de coopérer pour construire une force de pro-positions de la société civile en vue duSommet de Johannesburg en faveur de l’édu-cation pour tous, intégrant l’éducation à l’en-vironnement.

Les participants de Planet’ERE 2, sur la base decet appel, donnent mandat au Comité InternationalPlanet’ERE, pour assurer leur représentation auxévénements pendant le Sommet mondial du déve-loppement durable et ses réunions préparatoires.

À Paris, le 23 novembre 2001.

Rédaction: Comité Consultatif International Planet’ERE 2, coordon-

nateurs nationaux Planet’ERE 2, comité de pilotage du Collectif Français

pour l’Education à l’Environnement.

120Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 133: Colloque International Francophonie et développement durable

ANNEXES

PLANET’ERE 2(Forum francophone de l’éducation à l’environnement)

L’Appel des jeunespour un monde écologique, pacifique, solidaire etdémocratique

Lors du Forum Planet’ERE 1 à Montréal en 1997,l’Appel des jeunes a été rédigé et signé de par lemonde par des milliers de jeunes. À notre tour, nousles jeunes du second forum renouvelons cet Appel.

Nous souhaitons vivre dans un monde:– où l’être humain vit en harmonie avec la nature

et l’environnement en conservant la qualité del’eau, de l’air et du sol et en protégeant les ani-maux et les végétaux;

– où les activités humaines assurent la conservationdes ressources naturelles ;

– où la répartition des ressources est assurée équi-tablement grâce à l’entraide, la solidarité et lacoopération;

– où règnent la justice et la démocratie qui per-mettent à toutes et à tous de vivre libres et ensécurité ;

– où les peuples vivent en paix, sans armes des-tructrices ni outils de guerre;

– où les êtres humains vivent en harmonie entreeux, sans racisme et sans discrimination;

– où la répartition du travail est équitable.

Bref, un monde où toutes et tous, sur un mêmepied d’égalité et dans le respect de la nature, peuvent:

– se nourrir, se loger, vivre en santé et en sécurité;

ainsi que

– s’instruire, travailler et avoir des loisirs.

En vertu de quoi nous nous engageons:

– à respecter, à protéger et à restaurer la nature etl’environnement, en évitant de polluer et de nuireaux animaux et aux végétaux; en luttant contre leschangements environnementaux majeurs commela désertification et les effets de la sécheresse ;

– à réduire notre consommation en évitant le gas-pillage, en favorisant la réutilisation, la récupéra-tion et le recyclage et en consommant de façonresponsable ;

– à nous entraider en collaborant à des projetsvisant au partage équitable des ressources ;

– à nous informer et à informer les autres en veillantau sens des mots. (ex. : ne plus parler de pays envoie de développement ou pays sous-développés)

– à contrer le racisme, la discrimination et lesexisme en nous ouvrant aux autres dans unesprit de tolérance et de respect ;

– à montrer l’exemple;

– à faire preuve de civisme et de justice en prati-quant la démocratie ;

– à résoudre pacifiquement nos conflits en évitantla violence;

– à nous informer pour être en mesure de releverles défis de l’avenir ;

– à sensibiliser nos familles, nos amis, notre entou-rage à l’importance d’adapter nos comporte-ments pour un monde écologique, pacifique, soli-daire et démocratique;

– à être solidaire pour les générations futures.

Et nous demandons aux adultes et aux personnesinfluentes de ce monde:

– d’adhérer, à leur échelle, aux engagements quenous avons nous-mêmes pris ;

– de revoir l’organisation des sociétés et des activitéshumaines de façon à favoriser le développementdu monde que nous souhaitons et pour lequelnous nous engageons à travailler ;

121 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 134: Colloque International Francophonie et développement durable

– rendre accessible l’éducation et la formation àtous les jeunes;

– de mettre à notre disposition des moyens éduca-tifs, matériels et légaux, et des structures adaptéespermettant de réaliser ces engagements ;

– de donner l’exemple en s’investissant dans la pro-tection et la restauration de l’environnement,dans le développement humain, dans la promo-tion de la paix et dans le partage et l’échange descultures ;

– de donner des responsabilités aux jeunes et leurpermettre de participer aux prises de décision;

– de permettre aux jeunes d’être acteurs de leurengagement et de formaliser l’intégration desjeunes afin de leur permettre d’agir ;

– de favoriser l’utilisation et le partage des connais-sances et des pratiques traditionnelles des peuples;

– de transférer les connaissances entre générations;

– de favoriser la rencontre et les échanges entre lesjeunes du monde entier.

Et nous demandons aux adultes et aux personnesinfluentes de ce monde:

– d’adhérer, à leur échelle, aux engagements quenous avons nous-mêmes pris ;

– de revoir l’organisation des sociétés et des activitéshumaines de façon à favoriser le développementdu monde que nous souhaitons et pour lequelnous nous engageons à travailler ;

– rendre accessible l’éducation et la formation àtous les jeunes;

– de mettre à notre disposition des moyens éduca-tifs, matériels et légaux, et des structures adaptéespermettant de réaliser ces engagements ;

– de donner l’exemple en s’investissant dans la pro-tection et la restauration de l’environnement,dans le développement humain, dans la promo-tion de la paix et dans le partage et l’échange descultures ;

– de donner des responsabilités aux jeunes et leurpermettre de participer aux prises de décision;

– de permettre aux jeunes d’être acteurs de leurengagement et de formaliser l’intégration desjeunes afin de leur permettre d’agir ;

– de favoriser l’utilisation et le partage des connais-sances et des pratiques traditionnelles des peuples;

– de transférer les connaissances entre générations;

– de favoriser la rencontre et les échanges entre lesjeunes du monde entier.

Afin que toutes et tous nous puissions espérer vivredans un monde écologique, pacifique solidaire etdémocratique, ici et partout sur la planète!

DU BLA BLA BLA À L’ACTION

«Projet de charte»Face aux grands enjeux et changements planétaires,les jeunes présents(es) à Planet’ERE 2 parlent d’unemême voie et proposent des engagements suivant les4 axes de travail du forum.

Axe Mobilisation:

– Mettre en place un réseau international d’éduca-tion relative à l’environnement formé de jeunesrelié aux réseaux déjà existants.

– Créer des comités de jeunes, gérés par des jeunes.

– Intégrer de façon formelle la jeunesse dans lesdifférentes rencontres politiques locales, natio-nales et internationales et qu’elle participe auxprises de décisions.

Axe Partenariat :

– Développer des partenariats durables en partantdes besoins de base de la population en assurantun suivi continu et une évaluation des résultats dela mise en œuvre des objectifs.

– Développer les partenariats interculturels ; inter-générationnels et intégrant les diverses compé-tences ;

– Valoriser les connaissances et pratiques tradi-tionnelles des peuples.

122Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 135: Colloque International Francophonie et développement durable

Axe Quelle éducation à l’environnement:

– Appliquer une approche globale qui prend encompte les aspects de l’environnement, de lasanté, de la citoyenneté et de l’épanouissement desindividus, tant en milieu formel qu’informel.

– Intégrer et soutenir l’éducation à l’environne-ment dans le système éducatif avec une approchetransversale.

– Que cette éducation à l’environnement ne soit pasun enjeu politique ou économique et ne s’enlisepas dans un débat terminologique mais qu’elleprovoque, stimule l’engagement dans les actionsconcrètes de protection et de restauration de l’en-vironnement et de la nature.

Axe Stratégies Internationales :

– S’engager à diffuser l’Appel des jeunes et ce projetde charte via les réseaux locaux, nationaux etinternationaux dans le but de faire connaître nosrecommandations avant, pendant et après leSommet mondial du développement durable àJohannesburg.

– Que les États appliquent les engagements pris(Agenda 21, Protocole de Kyoto, etc.) et rendentcompte d’un suivi et d’une évaluation précise desrésultats.

123 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 136: Colloque International Francophonie et développement durable

L’éducation environnementale s’est développée auSénégal dans un contexte de sécheresse et de déserti-fication exacerbées, mais aussi dans un contexte deprise de conscience des gouvernements, des ONGactives au Sahel et des populations.

En 1986, le Ministère de l’Éducation nationale duSénégal et ENDA TM, à Mbour (localité située à82 km de Dakar) inaugurent le premier séminaire surla «Pédagogie pratique pour l’environnement». En1989, L’équipe EDEV (Éducation environnementale)d’ENDA élabore un projet d’éducation environne-mentale des enfants et des jeunes au Sahel. Sur finan-cement de Danida (Organisation gouvernementale duDanemark), par l’intermédiaire de la Croix-Rougedanoise, ce projet d’une durée de 8 ans (en deuxphases) et connu sous le nom d’Un espoir dans ledésert (EDD) est conjointement réalisé au Sénégalpar ENDA et la Croix-Rouge sénégalaise. Il est aussidéveloppé au Burkina Faso, au Soudan, au Mali.

Sos objectifs sont :

• Promouvoir l’éducation environnementale dansles écoles et les villages ainsi que le développementdes outils et méthodes didactiques.

• Permettre aux populations rurales de gérer lesressources naturelles de manière durable et, enparticulier, d’encourager l’autosuffisance ali-mentaire, de protéger le couvert végétal et desédentariser les populations rurales dans leurmilieu.

Au Sénégal, le projet EDD réalisé dans troisrégions comprend deux composantes: la composanteformelle développée dans 26 écoles élémentaires de la

région de Thiès et la composante non formelle dontles bénéficiaires sont les publics non scolarisés oudéscolarisés de 15 villages sédentaires de la région deSaint-Louis et de 37 campements de nomades etsemi-nomades du département de Linguère (Régionde Louga).

Avec ce projet, l’équipe EDEV a accompagné etappuyé les populations des localités bénéficiaires dansl’identification des problèmes prioritaires à résoudre,la recherche de solutions durables aux problèmes etl’expérimentation des solutions à travers les mini-projets intégrés de développement (première phase)et les projets intégrés de développement environne-mental (PIDE) (deuxième phase). C’est dire que ladémarche participative a constitué l’un des piliersqui ont fondé le projet EDD.

Les mini-projets et les PIDE qui, en fait sontconçus comme des laboratoires grandeur nature,comprennent divers volets dont l’agroforesterie, l’éle-vage (bovin, ovin), l’aviculture, la gestion de boîtes àpharmacie ou de jardins de plantes médicinales, desactivités socioculturelles (les camaraderies Croix-Rouge, le théâtre environnemental, la collecte desavoirs environnementaux locaux, les écoutes collec-tives d’enregistrements suivies de discussion, etc.), lagestion au niveau de chaque région d’un CICP (Centred’Initiation et de Communication Polyvalent).

La mise en œuvre des activités du projet a néces-sité la formation de personnels : inspecteurs de l’en-seignement et maîtres d’école pour la composante for-melle et animateurs villageois pour la composantenon formelle.

124Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Un espoir dans le désertRaphael NDIAYE

ENDA, EDDOCSénégal

ATELIER 3 – Études de cas

Page 137: Colloque International Francophonie et développement durable

Les résultats quantitatifs et surtout qualitatifs(mise au point de démarches méthodologiques pourdiverses cibles (nomades, sédentaires) sont appré-ciables. La transférabilité a été attestée par l’expéri-mentation de la démarche dans une zone hors projetet dans un contexte environnemental différent.L’application de la méthode a permis à des popula-tions de la région de Fatick de lutter efficacementcontre l’avancée des terres salées dans les zones de cul-ture et de récupérer des terres abandonnées depuisplus de 50 ans à des fins de riziculture, de reboisementet de pâturage.

125 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 138: Colloque International Francophonie et développement durable

C’est en juin 1992, avec la tenue à Rio de Janeiro duSommet de la Terre (la Conférence des Nations Unies

sur l’environnement et le développement), que ledéveloppement durable se voyait attribuer ses lettresde noblesse. Ce Sommet a été l’aboutissement d’unlong processus qui a établi les bases d’un vrai parte-nariat mondial entre les États, les secteurs sociaux etles peuples pour œuvrer ensemble en vue de l’adop-

tion d’accords internationaux visant à préserver l’in-tégrité de l’environnement et des systèmes de dévelop-

pement mondiaux durables.

Même si la notion d’un développement durableétait apparue vingt ans auparavant, à la Conférencede Stockholm sur l’environnement humain, orga-nisée en 1972 par les Nations Unies, le terme a évoluéà travers les décennies, les rapports et les rencontresinternationales jusqu’à devenir une déclaration (laDéclaration de Rio ou Action 21) à laquelle 170 paysont adhéré.

L’Agenda 21, appellation par laquelle est aussiconnue la Déclaration de Rio, énonce que le déve-loppement durable est centré sur le droit des êtreshumains à une vie saine et productive en harmonieavec la nature, et que le droit au développement doitêtre réalisé de façon à satisfaire équitablement lesbesoins relatifs au développement et à l’environne-ment des générations présentes et futures. Ainsi, envue de rendre ce concept opérationnel, un agenda aété défini à Rio pour la mise en œuvre du dévelop-pement durable, entraînant ainsi les pays de la planète

à intégrer les préoccupations relatives au développe-ment durable dans leur discours et dans leurs actions.Des stratégies, des agendas, des lois et toute une pano-plie de normes ont été adoptées en vue de promou-voir un développement «sage», capable en mêmetemps d’assurer le bien-être aux générations actuelles,de préserver l’équilibre entre l’être humain et sonenvironnement et de garantir aux futures généra-tions des conditions favorables à leur propre bien-être.

Au Sommet de Dakar, en 1989, les chefs d’État dela Francophonie ont décidé de créer l’UniversitéSenghor et, à la demande expresse du Premier Ministrecanadien M.Brian Mulroney, un Département enGestion de l’environnement. Ce département, ainsique les départements en administration-gestion et ennutrition-santé, ont reçu comme mandat de formerdes jeunes cadres aux méthodes professionnelles lesplus modernes et de perfectionner leurs aptitudes àl’exercice des responsabilités dans les domaines d’ac-tivité les plus nécessaires au développement des payset des peuples de l’ensemble de l’Afrique.

126Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

L’UNIVERSITÉ SENGHOR*Fred CONSTANT

Recteur de l’Université SenghorAlexandrie, Égypte

Rolando MARINDirecteur du Département Gestion de l’environnement, Université Senghor

ATELIER 3 – Études de cas

* Université internationale de langue française au service dudéveloppement africain, à Alexandrie, Égypte.Université privée de 3e cycle, reconnue d’utilité publiqueinternationale par les chefs d’État des Pays ayant en communl’usage du français lors du Sommet de Dakar de mai 1989.

Page 139: Colloque International Francophonie et développement durable

LE DÉPARTEMENT GESTION DE L’ENVIRONNEMENT Depuis sa création, et en tenant compte que l’un desenjeux principaux pour l’avenir de l’humanité est celuide trouver des nouvelles façons de parvenir au dévelop-pement sans détruire les équilibres de notre planète,l’Université Senghor a intégré à toute son offre deformation les valeurs inhérentes au «bon développe-ment». Cette aspiration, conçue comme un dévelop-pement qui trouverait un équilibre entre le dévelop-pement économique, la protection de l’environnementet l’équité sociale, a beaucoup influencé l’offre de for-mation de l’établissement, surtout au sein du Dépar-tement Gestion de l’environnement.

Ce département a été créé, précisément dans lebut de former de jeunes cadres qui vont diriger leursefforts vers le développement durable de l’Afriqueet des autres pays francophones. De cette façon, l’idéemaîtresse qui a guidé l’action du département a étécelle selon laquelle toute modification importante enmatière de comportements passe nécessairement parles attitudes des citoyens et, surtout, de ceux qui pren-nent des décisions.

Cette nouvelle vision du développement, définiecomme «le fait d’améliorer les conditions d’existencedes communautés humaines tout en restant dans lalimite des capacités de charge des écosystèmes »(Sauver la planète, Stratégie pour l’avenir de la vie,UICN, PNUE, WWF, 1991, p. 9), est en effet adosséeà tous les enseignements de 3e cycle dispensés dans lecadre de la formation offerte par le Département deGestion de l’Environnement (DGE).

Pour cette raison, et ce depuis sa création, ledépartement a eu comme mission de développer uneperception globale et systématique de l’environne-ment tout en renforçant des compétences de gestion.Son offre de formation est ainsi dirigée vers une concep-tion du développement qui intègre les préoccupationsenvironnementales pour l’ensemble des activités de lasociété dans le respect de l’organisation sociale afri-caine. Les diplômés du département deviennent ainsides intervenants «gestionnaires de l’environnement»de haut niveau et jouent un rôle important dans lesinstitutions publiques et privées chargées de l’envi-ronnement, tant au niveau national qu’au niveaurégional, notamment en Afrique.

Toute cette formation spécialisée s’adresse auxcadres professionnels diplômés dans différentsdomaines techniques et scientifiques tels la biologie,la physique, la chimie, la géologie, la géographie,l’agronomie, la foresterie, l’urbaniste, l’aménagementdu territoire et autres domaines équivalents. De plus,tout candidat à cette formation doit posséder uneexpérience pertinente confirmée, reliée à l’environ-nement et une expérience pratique d’au moins 3 ans.

L’offre de formation commence par une approchegénérale de la dynamique des écosystèmes, de leurfonctionnement et de leurs dysfonctionnements. Deplus, les enjeux environnementaux sectoriels tels quel’urbanisation, l’industrialisation, l’agriculture sontétudiés dans le cadre du programme.

L’ensemble des modules est accompagné depériodes de formation en méthodologies de gestionspécifiques aux domaines abordés, tels que les statis-tiques environnementales, la modélisation, la télé-détection et les systèmes d’information géographique.Ces enseignements sont complétés par des modulesplus spécifiques traitant des études d’impact envi-ronnemental, l’agroforesterie, la lutte contre la déser-tification, la conservation de la biodiversité, la pro-tection de l’environnement marin, la gestion deressources en eau et la maîtrise des potentialités desénergies renouvelables.

La formation est couronnée par plusieurs mo-dules de perfectionnement sur les sciences de la ges-tion afin que chaque nouveau gestionnaire de l’envi-ronnement puisse bien maîtriser les concepts et lesméthodes auxquelles il n’a pas été forcement préparépar sa formation antérieure. Les enseignements dansce domaine sont représentés par l’économie de l’en-vironnement, le droit de l’environnement, la gestionde projet en environnement et le métier de consultantinternational.

Cette offre de formation permet aux diplômésd’identifier et de comprendre la problématique envi-ronnementale afin d’appliquer les méthodologies etles techniques spécifiques les plus adéquates auxconditions du milieu africain. De plus, elle fait appelà une expertise multidisciplinaire apte à assurer la ges-tion d’un projet et à atteindre les objectifs fixés, tou-jours en gardant la perspective du développementdurable du continent.

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En parallèle à l’offre de formation en gestion del’environnement, le DGE contribue également aurayonnement de l’Université Senghor par le biais desactivités scientifiques (réalisation de colloques et sémi-naires) et par des conventions de coopération avec desorganismes et entreprises telles que Hydro-Québec,EDF-GDF, Ministère de l’Environnement du Québec,CIRAD à Montpellier, Université du Québec àMontréal, Fondation Charles-Léopold Mayer pour leProgrès de l’Homme, ONYX VIVENDI à Alexandrie,etc. Ces différents organismes et établissements colla-borent grandement à la recherche de stages pour lesauditeurs, fournissent des enseignements gratuits ainsique des séminaires de spécialisation. De plus, les liensavec ces différents partenaires permettent la coordi-nation d’activités scientifiques internationales sedéroulant très souvent au siège de l’Université àAlexandrie et traitant des problématiques environ-nementales propres au continent africain (colloques,rencontres et autres).

LES DIPLÔMÉS DE L’UNIVERSITÉ SENGHOREN GESTION DE L’ENVIRONNEMENT L’Université Senghor offre, à l’échelle des pays ayantle français en partage, une formation managérialepluridisciplinaire qui est couronnée par un Diplômeen Études Professionnelles Approfondies ou DEPA(diplôme de type Master in Business Administrationou MBA), avec les expertises scientifiques et profes-sionnelles du plus haut niveau.

À l’heure actuelle, le DGE est à sa huitième pro-motion et a déjà diplômé 147 gestionnaires en envi-ronnement.

Les promotions diplômées:

1re promotion (1990-1992) 15 auditeurs2e promotion (1991-1993) 19 auditeurs3e promotion (1992-1994) 27 auditeurs 4e promotion (1993-1995) 14 auditeurs5e promotion (1995 -1997) 21 auditeurs6e promotion (1997-1999) 26 auditeurs7e promotion (1999-2001) 25 auditeurs

La promotion en cours :

8e promotion (2001-2003) 16 auditeurs(13 nationalités)

LA CONTRIBUTION DE L’UNIVERSITÉSENGHOR ET DU DÉPARTEMENT DE GESTIONDE L’ENVIRONNEMENT DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE Les pays de l’Afrique et beaucoup d’autres apparte-nant à l’espace francophone font face aujourd’hui àune situation difficile, caractérisée par des crises auniveau environnemental et socio-économique. Parmid’autres, l’un des enjeux majeurs pour ces pays estcelui de la restauration et la gestion durable de l’envi-ronnement. En effet, l’environnement et les condi-tions de vie des populations qui vivent sur ce conti-nent continuent de se dégrader en dépit d’importantsinvestissements et d’innombrables plans d’action.

Tout en comprenant que le développement socio-économique de ces pays dépend en grande partie del’exploitation de leurs ressources naturelles, des nou-velles approches sont nécessaires au niveau d’unemeilleure gestion de l’environnement. Une nouvellevision sera donc nécessaire pour inscrire ce processusdans la perspective d’un développement viable quisuppose « …une volonté de mettre en œuvre despolitiques économiques et une gestion de l’économierationnelles, de conduire les affaires publiques defaçon efficace et prévisible, d’intégrer le souci de l’en-vironnement aux décisions et de progresser vers desrégimes démocratiques permettant la pleine partici-pation de toutes les parties concernées, eu égard auxconditions propres à chaque pays » (Agenda 21,PNUED, 1992).

Dans ce cadre, l’approche du développementdurable qui est inséré aux cursus de tous les dépar-tements de l’Université Senghor constitue un outild’envergure pouvant contribuer à un développementrespectueux de l’environnement dans les pays del’Afrique et de tout l’espace francophone. Cette visiondu développement, qui vise en même temps la sen-sibilisation des futurs diplômés, va les conduire àdevenir des instruments de changement pour l’im-plication des populations dans la conception et l’éla-boration des projets de développement.

Pour s’inscrire dans la durabilité, la notion durespect des limites des écosystèmes et de l’environ-nement en général doit entrer dans les mœurs et pratiques des décideurs (principaux promoteurs de

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projets), des populations et enfin au nom de l’ur-gence et de l’importance des problèmes environne-mentaux en Afrique. Pour y parvenir, l’UniversitéSenghor, en tant qu’opérateur direct de la Fran-cophonie, dispose d’une offre de formation quicontribue grandement – et peut davantage contri-buer – à assurer et instaurer dans le continent africaince processus de manière durable.

Ces éléments d’éducation, de sensibilisation et deformation sont liés à pratiquement tous les domainesd’action de l’Agenda 21 pour le développement durable,et encore plus étroitement à ceux qui ont trait au ren-forcement des capacités, aux données et informations,à la science et au rôle des principaux groupes. Dans cecadre, les actions de l’Université Senghor peuventêtre considérées comme un processus permettant àces diplômés et aux sociétés dont ils sont originairesde réaliser leur plein potentiel.

Cette approche de la formation a été essentiellepour susciter, chez ces diplômés, une conscience desquestions écologiques et éthiques, ainsi que desvaleurs et des attitudes, des compétences et un com-portement compatibles avec le développementdurable, ainsi que pour assurer une participationeffective de ces «Senghoriens» aux prises de déci-sions.

En partant de ces faits, le bilan de l’UniversitéSenghor, et tout particulièrement celui du Dépar-tement de Gestion de l’environnement, dans ledomaine du développement durable est le suivant :

• 535 diplômés de 3e cycle, dont 147 diplômés seu-lement pour le Département de Gestion de l’en-vironnement, lesquels venaient de 32 pays de l’espace francophone, surtout de l’Afrique. Touten sachant que la prise de conscience commencepar l’obtention d’information et la formation,tous ces diplômés ont eu, lors du Tronc communde formation, un module en développementdurable destiné à sensibiliser ces futurs gestion-naires et cadres africains aux questions relatives àla problématique environnementale mondiale et,plus spécifiquement, de leur continent. En paral-lèle à cette sensibilisation, les auditeurs ontobtenu, dans le cadre de la formation offerte partous les départements de l’université, les compé-

tences nécessaires à un développement africainéquilibré et adapté aux besoins criants del’Afrique.

• L’offre de formation du DGE se veut spécialiséeet adaptée à la gestion des défis environnemen-taux auxquels fait face le continent africain, tels lesenjeux de l’urbanisation, de l’industrialisation,de l’agriculture et de l’environnement en général.En conséquence, le programme inclut desmodules spécialisés qui fournissent des outilstechniques et stratégiques nécessaires à la bonnegestion environnementale. S’ajoutant à ces diffé-rents modules des connaissances pertinentes rela-tives aux sciences de la gestion.

• La formation au DGE, étant assurée par desexperts venant de l’Europe, des Amériques et del’Afrique, permet de donner une vision beau-coup plus large aux enseignements dispensés.

• La réalisation de stages pratiques de trois moisdans plusieurs pays appartenant à l’espace fran-cophone, surtout au Canada, au Québec et enFrance, permet de compléter, d’une façon pra-tique, les connaissances de pointe qui permet-tront de réfléchir, de comparer et de proposerdes choix éclairés par rapport aux probléma-tiques environnementales africaines.

• Les mémoires de fin d’études sont des documentsaxés sur les réponses possibles aux défis de laproblématique environnementale africaine. Dansce sens, ces documents véhiculent toute une pano-plie de propositions pratiques adossées à la notionmême du développement durable.

• Le DGE s’implique aussi dans l’organisation decolloques, séminaires et conférences qui sontdirigés vers l’analyse des problématiques envi-ronnementales africaines et les moyens pour agir.Des exemples de ces activités sont les séminairesqui sont offerts à chaque promotion en partena-riat avec des entreprises ou des organisationsinternationales. Tel est le cas du «Séminaire en ges-tion de projet en environnement » (Hydro-Québec), «Séminaire en Technologies propresdans le domaine des eaux usées» (Ministère del’Environnement du Québec), «Séminaire sur lesÉnergies renouvelables et l’environnement »

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(EDF-GDF). Également, en octobre 2000 le DGEa organisé dans les locaux de l’Université Senghorle colloque international sur les «Perspectives dela problématique de l’eau en Afrique à l’orée duXXIe siècle » conjointement avec la FondationCharles-Léopold Mayer pour le progrès del’Homme et l’Alliance pour un monde respon-sable et solidaire.

• Une insertion réussie des diplômés jouant un rôleimportant au sein de leur société respective. Leursdifférentes fonctions et le réseau qu’ils constituentcontribuent à asseoir les bases d’un développe-ment durable, autant au niveau national qu’in-ternational et, surtout, dans l’espace francophone.La mise en valeur de leur expertise est démontréepar les différentes fonctions que ces «Senghoriens»occupent actuellement.

• Les initiatives prises par nos diplômés, une foisrentrés dans leur pays d’origine, sont une autredes répercussions qui se dégagent de l’expériencede formation et du brassage culturel auquel lesauditeurs sont soumis lors de leur passage à l’uni-versité. En effet, beaucoup de «Senghoriens» sontà la base de la création d’associations et des ONGœuvrant dans le domaine environnemental et dudéveloppement durable. Parmi ces différentesinitiatives nous pouvons citer :

– Le Réseau Africain pour le DéveloppementLocal (RADEL), créé par les auditeurs de lapromotion 1997-1999.

– L’Organisation pour la Sauvegarde de laCulture et de l’Environnement (OSACE), auBénin.

– Le Réseau d’Appui pour la Sécurité Alimentaireet la Santé en Afrique (RASA SA), auCameroun.

– La Société d’Études et de Conseils pour leDéveloppement et l’Environnement (SEC-DE),au Togo.

– Le Réseau Sahélien d’Éducation Environ-nementale des Enfants et des Jeunes (RESEE),au Burkina.

– L’Association des Études d’Impacts Environ-nementaux au Burkina (AEIE/B).

QUELQUES VOIES D’ACTION EN VUE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE Toujours dans le cadre du développement durable, lacontribution que le DGE peut continuer à menerpeut se concevoir de la façon suivante:

• Former des intervenants «gestionnaires de l’en-vironnement» de haut niveau qui auront un rôleimportant à jouer dans les institutions publiqueset privées chargées de l’environnement, tant auniveau national qu’au niveau régional, notam-ment en Afrique.

• La formation des formateurs africains et/ou fran-cophones en gestion de l’environnement sensi-bilisés à la philosophie et à la pratique du déve-loppement durable.

• Formation de gestionnaires qui vont créer desdébouchés pour leur savoir-faire (bureauxd’études, cabinets conseils, ONG, etc.).

• Être un pivot pour le développement de réseauxnationaux et internationaux africains qui tra-vaillent sur des questions relatives aux problé-matiques environnementales et de développe-ment durable (ONG, bureaux de consultants enÉIE).

• Contribuer, par l’intermédiaire de ses diplômés,au renforcement des politiques nationales et desactions en matière de développement durable,surtout en association avec les populations, lesONG et les décideurs.

Par ailleurs, le DGE va travailler en partenariatavec l’Institut de l’énergie et de l’environnement dela Francophonie (IEPF) sur le projet de «Réseau desites pour le développement durable» (RESIDD),lequel est coordonné par le Réseau de Liaison et d’Échange de l’Information EnvironnementaleFrancophone (Projet RELIEF du IEPF). Ce projetvise à fédérer des initiatives prises dans le mondefrancophone sur des thèmes liés à l’environnement,au développement durable et aux NTIC. De tellesinitiatives vont dans le sens:

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• d’assurer la collecte, l’organisation et la diffusionde l’information sur le développement durable ens’appuyant sur des méthodologies communesd’organisation des données;

• d’œuvrer pour l’échange de connaissances entreles acteurs impliqués dans les sous-régionsconcernées ;

• de sensibiliser les acteurs sur les enjeux de l’in-formation pour le développement durable, etformer ceux-ci aux nouvelles technologies ;

• de jouer un rôle de liaison entre les actions etinitiatives internationales en matière de dévelop-pement durable et les différents acteurs des sous-régions (associations locales, ONG, centres deformation, gouvernements, entreprise privée,etc.) ;

• de développer dans une première étape un thèmemajeur de chaque sous-région, tel que la problé-matique de la ressource eau, la désertification,l’urbanisation, la gestion et conservation des éco-systèmes, la déforestation, l’agriculture durable,l’énergie etc., tout en échangeant sur d’autresthèmes avec les autres partenaires ;

• de constituer une communauté de travail dansl’ensemble des pays francophones utilisant deslogiciels (libres) et des systèmes d’organisation del’information communs, permettant des écono-mies d’échelle.

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ATELIER 4 – BIODIVERSITÉ, SOCIO-DIVERSITÉ: DIALOGUE DES CULTURESPOUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE

AnimateurOlivier GUILLITTEChargé de recherche aux laboratoires d’écologie de la Faculté universitairedes Sciences agronomiques de Gembloux et de l’Université de Liège (Belgique),Président des Réserves naturelles RNOB, Belgique

Études de casJean-Pierre REVERETProfesseur, Université du Québec à Montréal, CanadaApproche éco-socio-systémique de la question de la biodiversité dans une étuded’impact environnementale. Le cas d’un projet minier.* Le texte de cette communication est disponible sur le site: http://www.er.uqam.ca/nobel.oei/

Mai DINH YENProfesseur, Université des Sciences de Hanoi, ViêtnamProgramme de renforcement de capacités en gestion de la biodiversité au Viêtnam

Michel MONGEONAssociation des Premières nations du Québec-Labrador, CanadaApproche de la communauté Atikamekw de Wemotaci. Développement durable,biodiversité et développement de l’emploi

Patrice DALLAIREDirecteur adjoint, IEPFLa Déclaration de Cotonou sur la diversité culturelle

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La biodiversité est une des composantes fondamen-tales du pilier «environnement» du développementdurable. La Conférence de Rio a eu le mérite de sen-sibiliser davantage les politiciens et le grand public àces notions qu’appréhendaient depuis longtemps lesécologues. Elle a aussi précisé le champ d’actions quecouvrait la notion de biodiversité. Si la notion debase se rapporte bien à la diversité spécifique (lenombre d’espèces – sous-entendues indigènes – cou-vrant un territoire donné), elle s’étend à un niveauinfra spécifique, le gène (et donc les variétés d’unemême espèce) et à un niveau supra spécifique qui estcelui des écosystèmes (les habitats des espèces ettoutes leurs interactions). Paradoxalement depuisRio, alors que la sensibilisation en matière de biodi-versité s’est largement accrue, que les législationsinternationales et nationales ont été fortement ren-forcées et que la technologie du décodage de l’ADNs’est banalisée permettant des identifications de plusen plus poussées, la biodiversité a continué à s’éroder,les scientifiques naturalistes de terrain sont devenusrares et la connaissance traditionnelle de la nature s’estengagée sur la voie de la disparition la plus totale. End’autres termes, la distance qui sépare la nature àl’homme n’a fait que s’accroître. La nature est devenueobjet de curiosité, d’exotisme, une extériorité àl’homme que l’on identifie dans les fioles de labora-toires ou que l’on reconstitue par images de synthèsede plus en plus réalistes. La biotechnologie laissemême espérer dans un avenir de moins en moinsimprobable que pour autant qu’on conserve au moinsune cellule d’un individu en plus au moins bon état,il sera toujours possible de le reconstituer. Cultu-rellement, le rapport de l’homme à la nature estentrain de muter complètement. Cette évolution

s’inscrit d’une manière générale, dans l’uniformisa-tion et la mondialisation non seulement économiquemais aussi culturelle. La francophonie, culturemenacée parmi tant d’autres dans cette spirale, doitjouer un rôle moteur pour défendre avec vigueurque le développement durable ne peut être concevableque grâce au maintien de la diversité culturelle etforcément linguistique.

Le concept de biodiversité pourrait dans cet espritêtre élargi à la dimension culturelle. C’est dans cettelogique que nous examinerons les principes concer-nant la biodiversité à développer en vue de laConférence de Johannesburg.

POUR UNE BIODIVERSITÉ CULTURELLE OUUNE DIVERSITÉ CULTURELLE SOUTENANTENTRE AUTRES LA BIODIVERSITÉ Mon ex-patron au laboratoire d’écologie de la Facultéuniversitaire des Sciences agronomiques de Gembloux,François Malaisse, écrivait dans l’avant-propos de sonouvrage «Se nourrir en forêt claire africaine, uneapproche écologique et nutritionnelle»:

Dégager une philosophie et des principes de gestiondurable de l’environnement en pays en développementest une tâche ardue. Elle impose en premier lieu uneconnaissance des réalités du terrain, des écosystèmesdont l’homme fait partie intégrante, une démarchejadis trop rarement réalisée. En effet, trop peu de tempsa été consacré à l’écoute des villageois, trop peu d’effortsont été consentis pour prendre connaissance de leursavoir, pour assimiler leur perception de leur environ-nement, pour comprendre leurs comportements fré-quemment justifiés par une longue expérience et acquispar une transmission orale du savoir… Les connais-sances ancestrales de ces habitants forment un ensemble

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Olivier GUILLITTEChargé de recherche aux laboratoires d’écologie de la Faculté universitaire des Sciences agronomiques

de Gembloux et de l’Université de Liège (Belgique)Président des Réserves naturelles RNOB, Belgique

ATELIER 4 – Biodiversité, socio-diversité : dialogue des cultures pour un développement durable

Animateur

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sans doute disparate mais étonnant, constitué d’unefoule de données, d’accumulations d’observations, brefun savoir gigantesque permettant une meilleure com-préhension des écosystèmes et susceptibles de réflexionsplus profondes.

Cet ouvrage est une démonstration extraordi-naire que le maintien de la biodiversité passe par lanécessité absolue de comprendre les perceptions cul-turelles locales de cette nature et surtout de la per-pétuation des approches culturelles différenciées à lanature. Sans quoi, l’homme risque de se détacher deplus en plus de cette nature ou de se la réappropriersous forme de comportements exogènes non néces-sairement adaptés avec pour conséquence probable dela faire disparaître même contre sa volonté.

Les scientifiques se sont attachés avec rigueur etraison à identifier sur base de caractères stables lesespèces et à les nommer selon des règles taxono-miques bien établies sans nécessairement rechercherune fonction utilitaire pour l’homme. Malheureu-sement, une description aussi froide, à part pourquelques naturalistes passionnés, n’est pas encline àconduire à un attachement émotionnel ou utilita-riste de l’espèce décrite. Elle ne fait qu’agrandir unmusée virtuel de la connaissance. Or pour une défenseactive de la biodiversité, il faut une adhésion impor-tante du grand public au principe de conservation dela nature dans toutes ses composantes. Cette adhésiondoit passer par la conservation des liens fonction-nels et émotionnels entre l’homme et la nature.L’ethnoécologie est la branche de l’écologie qui étudieces liens. Il apparaît clairement que tout dans la naturepartout dans le monde, pris isolément ou dans saglobalité, exerce de nombreuses fonctions utilitairestraditionnelles directes pour l’homme, le mot utili-taire couvrant à la fois des besoins matériels (cons-truction, chauffage, outillage…), somatiques (nutri-tionnels et en pharmacopée), des besoins culturelsrelevant souvent de l’animisme ou immatérielscomme le simple besoin de contemplation, les mêmesobjets pouvant couvrir tous les aspects en mêmetemps d’ailleurs. Ces fonctions sont plus facilementreconnues et appréhendées par le public que desfonctions plus environnementales et plus globalescomme la régulation du régime hydrique et du climatou la conservation des sols. Et lorsqu’elles sont recon-

nues, c’est souvent quand un certain niveau d’irré-versibilité a été franchi et que les effets négatifs d’at-teinte à l’environnement finissent par se marquer demanière évidente ou gêner les activités de l’homme.

La langue est un outil extraordinaire pour appré-hender la biodiversité. Le même animal ou la mêmeplante (ou des espèces appartenant à des mêmesgenres ou familles) couvrant des territoires occupéspar des ethnies différentes) seront ou ne seront pasdénommés selon l’existence ou non d’un lien entre leshommes et ces espèces et s’ils sont dénommés, uncaractère prioritaire de perception (ou d’utilisation)servira souvent comme appui à la dénomination quipermet l’identification ultérieure de l’espèce (oud’usage). Le rassemblement des termes linguistiques(voire l’absence de nom qui est aussi très significatif)liés à la même espèce (ou au même biotope d’ailleurs)constitue non seulement une mine de renseigne-ments sur l’espèce en question mais surtout donne lesmoyens aux conservateurs de la biodiversité de conti-nuer de manière adaptée au contexte local à inté-resser ou réintéresser l’homme à cette espèce (oubiotope). Il suffit parfois d’ailleurs de conserver unattachement à quelques espèces emblématiques d’unbiotope pour que tout le biotope soit protégé enraison forcément de la nécessité absolue de main-tenir l’équilibre entre tous les compartiments et élé-ments de l’écosystème, seul garant de la survie à longterme de ces espèces. Il n’est donc pas nécessaire deretourner à la connaissance encyclopédique de cer-tains usagers traditionnels de la nature qui pouvaientreconnaître et consommer jusqu’à 1300 produits dif-férents issus localement de la nature.

Il est donc évident qu’une perte d’identité lin-guistique aura une triple conséquence désastreusepour la biodiversité :

– Une perte immédiate de connaissances acquisessur les caractéristiques des composantes de labiodiversité qui nécessitera de multiples analysesparfois avec des moyens technologiques coûteuxpour les réidentifier,

– Une perte sans doute irréversible d’une approcheculturelle différenciée de l’homme à la nature,

– Une perte d’un moyen d’attache de l’homme à lanature.

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Le désintérêt de l’homme à la nature n’est pas seu-lement lié à cette perte linguistique mais aussi parl’économie des marchés et l’intrusion de modes cul-turels exogènes. Sans nécessairement chercher à lescombattre, il est évident qu’il faut éviter leur supré-matie absolue. Il faut donc aussi mettre en place desmécanismes spécifiques pour les réguler.

Parmi ceux-ci, une exploitation économiqueciblée et bien appropriée de la biodiversité locale estun moyen non seulement de réactivation de l’éco-nomie locale mais aussi de retrouver des contactsfonctionnels avec la nature. La conservation de l’ap-proche traditionnelle et culturelle de la nature éven-tuellement adaptée aux nouvelles réalités écono-miques et sociales est bien un outil de développementdurable.

L’homme a marqué au cours des temps la plupartdes biotopes couvrant notre biosphère. Un mêmebiotope a souvent été façonné de manière diverse enfonction des besoins et de la culture des sociétés quiles occupaient et les occupent toujours. En plus de labiodiversité des écosystèmes s’est greffée la diversitédes occupations humaines, traduite dans la notion depaysage. Au même titre qu’il faille défendre le prin-cipe du maintien de la diversité culturelle des sociétéshumaines, celui de la diversité des paysages (culturels)doit aussi être prôné. L’élargissement de la notion debiodiversité aux paysages est déjà adopté par plu-sieurs scientifiques qui le justifient par la liaison évi-dente et forte qui existe et continuera à exister entreles caractéristiques naturelles des écosystèmes et lespaysages malgré l’avancement de la technologie quipermet de se défaire de plus en plus des contraintesde la nature.

La diversité culturelle non liée au territoire estmoins facile à inclure dans la notion de biodiversité.Mais l’homme est partie intégrante de la biodiversitéet faire croire que la biodiversité ne pourra se main-tenir qu’en des lieux-sanctuaires où l’interventionhumaine sera nulle ou minimale est une tromperie.Comme démontré plus haut ce sont des approchesculturelles variées qui permettront sans doute avecplus de chance de maintenir le mince espoir de redé-ployer la biodiversité. La diversité culturelle pourraitdonc être aussi incluse dans la notion de biodiversité.

Il y a toutefois le danger qu’au nom du principe dediversité culturelle, certaines pratiques culturelles,devenues inappropriées par exemple par un change-ment environnemental ou démographique impor-tant, soient maintenues et provoquent dès lors desdégâts importants sur la nature sauvage. L’installercomme un principe différent de celui de la biodiver-sité permettrait sans doute des arbitrages plus clairs.

D’une manière ou d’une autre, la Francophonie,qui est sans doute une des communautés culturellesdu monde les plus attentives actuellement à sauve-garder les cultures locales, doit défendre le principedu maintien de la diversité culturelle et en particulierdans l’approche de la conservation de la biodiversité.

Alors qu’au niveau citoyen ce sont des grandesONG anglophones qui dictent actuellement le com-portement à adopter pour sauver la nature, il seraittemps qu’à l’échelle francophone une fédérationd’ONG ou d’institutions publiques de défense de lanature se construise pour donner d’autres philoso-phies d’actions qui se basent notamment sur desapproches plus culturelles. L’exemple de l’associa-tion européenne des voies vertes en Europe va dansce sens. Elle prône la réutilisation des voies de com-munications désaffectées comme piste de déplace-ments non motorisés pour à la fois réduire les effetsnocifs pour l’environnement et valoriser le patri-moine culturel et naturel qui est associé à ces voies.Les trois langues officielles de l’association sont l’an-glais (par nécessité), le français et l’espagnol. De cettemanière, elle rend mérite aux porteurs et innova-teurs du projet qui étaient des francophones d’Europeet des Espagnols. Il s’agit bien d’une reconnaissanceculturelle d’une démarche environnementale àdimension culturelle.

En conclusion, la Francophonie doit défendre leprincipe de la diversité culturelle comme élémentindispensable au développement durable et en par-ticulier comme outil de maintien de la biodiversité,laquelle devrait au moins être élargie au concept depaysage. Au-delà de ces objectifs, la Francophoniedans sa dimension culturelle commune doit conti-nuer à se distinguer des modèles anglophones par uneapproche plus concertée et plus longuement mûriedes politiques environnementales et en particulierde conservation de la biodiversité.

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DES PARTICULARISMES DE LA FRANCOPHONIE EN MATIÈRE DE BIODIVERSITÉ En dehors de l’approche culturelle de la biodiversité,la Francophonie contrairement à d’autres blocs cul-turels (russe, chinois, germanophone, etc.) possèdeune grande majorité de territoires écologiques, soitinsulaires soit largement côtiers, répartis dans tous lescontinents et à toutes les latitudes. Ce particularismeoblige la Francophonie à s’inquiéter de trois phéno-mènes qui ont déjà mais qui auront surtout des consé-quences très graves sur les écosystèmes littoraux etcôtiers.

Il s’agit :

– du changement climatique lié au réchauffementde l’atmosphère qui risque d’accroître le niveaudes mers et modifier les circulations des courantsmarins;

– la pression touristique toujours croissante sur lescôtes et en particulier dans les îles des régionstropicales ;

– la pression exercée par la pêche en raison de ladémographie galopante mondiale.

Il mériterait aussi que la Francophonie devienneun leader en matière d’expertise sur ces conséquenceset développe des modèles prévisionnels efficientspour instaurer à temps des mesures de correctionslorsqu’elles sont encore possibles. Je me réjouis déjàqu’en Belgique, bien que la Wallonie ne soit pasbordée par la mer, l’expertise reconnue en ce domaineest bien francophone.

En ce qui concerne le premier aspect, on se réfé-rera à l’atelier «Énergie» en sachant que la gestion desressources énergétiques est un des moyens les plusefficaces pour lutter contre les émissions de CO2,principal responsable de l’effet de serre.

En ce qui concerne le deuxième aspect, le débatmérite d’être ouvert. En dehors de l’aspect expertise,la Francophonie devrait aussi se démarquer par sonapproche culturelle. Un écotourisme de masse venantconsommer de la nature sans s’imprégner de la culturelocale et sans retour équitable à la population devrait

être proscrit. Le maintien de la diversité culturellelocale non pas sous forme d’artefacts stéréotypés maisbien par le soutien d’une économie locale encorebasée sur la spécificité de certaines ressources naturellesconduisant à des productions de terroir devrait àterme avoir autant d’attrait pour le touriste que l’exo-tisme de la nature ou des plages de cocotiers qui l’at-tireront initialement. C’est un moyen aussi d’attirerplus à l’intérieur des terres le touriste ce qui a undouble effet bénéfique: une dilution de la pression tou-ristique et une meilleure redistribution des revenuspour les populations accueillantes.

En ce qui concerne le dernier aspect, le caractèreinternational des eaux de mers et les besoins croissanten ressources alimentaires limitent certainement lechamp d’actions de la Francophonie à l’expertise.Par contre, toujours dans le même esprit que ci-dessus le maintien d’une pêche artisanale bien enca-drée dans les zones littorales conscientise les popula-tions à conserver une qualité élevée de l’eau côtière etne peut qu’être bénéfique à la biodiversité.

Un deuxième particularisme de la Francophonieest l’importance aussi de ses couvertures forestièressous à peu près tous les climats où les arbres peuventpousser. Au risque de me répéter, plus que l’établis-sement de grande politique de conservation de lanature, c’est par le développement de ressourcesligneuses à valorisation locales que l’impact sur laqualité de la biodiversité sera le plus important. Lagénéralisation de l’écocertification du bois est aussi unmoyen à encourager, l’écoconsommation étant unbon levier pour changer les comportements. Mais làaussi des systèmes de certifications s’affrontent. LaFrancophonie aurait là aussi tendance à promouvoirdes systèmes plus concertés, plus globaux et forcémentplus originaux et innovateurs que les systèmes anglo-saxons, sans doute plus rigoureux mais moins soupleset finalement devenant inadaptés ou inapplicables.

Un troisième particularisme, la Francophonie estaussi un leader mondial en eau potable. Elle a doncune longue tradition de préservation des lieux de cap-tage contre la pollution. Par cette préservation, elleprotège souvent les écosystèmes associés. Il est remar-quable de voir que les systèmes qui fonctionnent lemieux sont des cogestions responsables des territoires

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concernés entre acteurs locaux et les producteurs quiautorisent malgré tout des activités économiques dansces zones et une garantie sociale d’emploi aux alen-tours.

CONCLUSIONLes trois particularismes mis ici en évidence montrentla possibilité et l’intérêt de la Francophonie à déve-lopper l’expertise dans ces domaines. Une revendi-cation à Johannesburg devrait être le soutien du déve-loppement de la capacité d’expertise des pays oucommunautés internationales qui peuvent justifierdes besoins de connaissances plus spécifiques auxcaractéristiques écologiques de leur territoire. Lemodèle d’approche d’une politique de conservationconcertée plutôt qu’imposée aux populations pour-rait être soutenu par la Francophonie.

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INTRODUCTIONLe Viêtnam a ratifié la Convention sur la DiversitéBiologique (CDB – 1994) et a été en mesure de mettreen œuvre un Plan d’Actions pour la Biodiversité(PAB) dès 1995.

Jusqu’à ce jour, en dépit de bons résultats obtenusen Conservation de la Biodiversité (CB) comme entémoignent les exemples suivants: établissement d’unsystème national des Parcs Nationaux (PN) et AiresProtégées (AP), l’arrêt du commerce de plantes etanimaux rares et en danger en vertu de la conventionCITES; d’autres secteurs d’activités tels que le défri-chement des forêts naturelles, l’augmentation de laproduction agricole et l’exploitation des ressourceshalieutiques, démontrent que le Viêtnam en est tou-jours à un développement non durable. La biodiver-sité continue de se dégrader dans les écosystèmes ter-restres, les eaux douces, les eaux côtières et les eauxmarines. En analysant les facteurs clés expliquant ladégradation, la plupart des autorités et des scienti-fiques s’accordent pour identifier deux origines :(i) l’insuffisance de compréhension de la part dugrand public et (ii) la faible qualité et le manque decadres responsables de la gestion de la biodiversité.

Le programme décrit ci-après, sous couvert del’Institut de l’Énergie et de l’Environnement de laFrancophonie (IEPF), constitue une action qui contri-buera à résoudre le problème de la CB au Viêtnam aucours des prochaines années.

LA BIODIVERSITÉ DU VIÊTNAM Situé au Sud-Est Asiatique, le Viêtnam a la formed’un S et est localisé entre les parallèles 8º 30’ et23º 30’ N et entre les méridiens 102º et 110º E. Sasuperficie totale est de 33 millions d’hectares et il estbordé en grande partie par la mer de l’Est et par deuxgolfes : le golfe du Tonkin et le golfe de la Thaïlande.Sa ligne côtière mesure 3260 km de longueur. Les troisquarts du territoire sont couverts de montagnes et lereste est constitué de deux deltas, celui du fleuveRouge et celui du Mekong.

Son climat est tropical et subtropical et estinfluencé par les moussons du Sud-Est asiatique. Lesprécipitations moyennes annuelles sont de 1500 à2000 mm. La saison des pluies s’échelonne de mai àoctobre.

Le Viêtnam a un système de drainage étendu,principalement constitué des bassins versants desdeux grands fleuves nommés plus haut. Le sol duViêtnam se compose de 14 types principaux. Le plusabondant est le ferrasol (16 millions d’hectares), vien-nent ensuite le sulphate (1,7 million d’hectares), lesaline (1,9 million d’hectares), le fluvisol (3 millionsd’hectares) et l’humus des montagnes (3,6 millionsd’hectares).

La population du Viêtnam est de 80 millionsd’habitants (2000) et le taux d’accroissement annuelde 1,7%. Une proportion de 75% de la populationdépend directement du milieu naturel pour senourrir. La population du Viêtnam est composée de54 groupes ethniques. Les deux principales religionssont le boudhisme et le catholicisme.

139 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Programme de renforcement de capacités en gestion de la biodiversité au Viêtnam

Mai DINH YENProfesseur, Université des Sciences de Hanoi

Viêtnam

ATELIER 4 – Études de cas

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La faune et la flore du Viêtnam sont très riches etdiversifiées et se retrouvent dans des écosystèmes ter-restres, aquatiques, côtiers et marins. On compte auViêtnam 26 types de végétation, 2 sous-régions bio-géographiques et 10 biorégions. La couverture végé-tale naturelle est de 9 millions d’hectares.

En termes de diversité d’espèces, on compte auViêtnam : des plantes vasculaires au nombre de12 000 espèces (parmi lesquelles on retrouve 800Orchidées, 400 Euphorbiacées, 400 Fabacées,300 Compositées et 300 Cyperacées). Chez les ani-maux, on trouve 300 espèces de Nématodes, 200 versannélidés, quelques milliers d’espèces chez les insectes,250 reptiles, 80 batraciens, 800 oiseaux et 250 mam-mifères.

On recense dans les eaux douces 1400 espèces demicroalgues, 750 d’invertébrés et 500 de poissons.

Dans les eaux côtières et marines on dénombre500 espèces de microalgues, 600 algues marines,15 herbacées marines, 450 espèces composant le zoo-plancton, 6000 espèces pour le zoobenthos, 50 Cépha-lopodes, 300 Coraux, 2000 poissons et 12 mammi-fères marins.

Le pourcentage des espèces endémiques est de 5à 10% selon le groupe taxonomique et l’habitat.

Le Viêtnam est considéré comme un pays possé-dant une biodiversité riche et diversifiée et se classeparmi les pays de mésodiversité (5).

L’ADHÉSION DU VIÊTNAM À LA CONVENTIONSUR LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE (CDB) Le Viêtnam est un pays peuplé, principalement àvocation agricole, avec un taux élevé d’accroissementde sa population. Le Viêtnam a subi une exploitationcoloniale qui s’est étendue sur un siècle, puis30 années de guerre ont conduit à l’indépendance etenfin à l’unification. Les forêts et les ressources bio-logiques terrestres et aquatiques ont été gravementaffectées. La superficie des forêts naturelles a étéréduite de 14 millions d’hectares en 1943 à 9 millionsd’hectares en 2000. Il y a au Viêtnam 12 millionsd’hectares de terres dénudées en raison d’une forteérosion du sol. On pratique la chasse et la pêche enmode de surexploitation et avec des moyens des-

tructifs. On compte maintenant au Viêtnam 359espèces animales et 356 espèces végétales enregis-trées dans les Livres Rouges.

Après la guerre, le développement économique dupays est passé par le défrichement de la terre pourplanter du riz, du café, du thé, du poivre, des noixd’acajou, du caoutchouc…

On a dû développer les villes, les centres indus-triels, intensifier la production agricole par l’appli-cation abusive d’engrais chimiques et de pesticides…Le Viêtnam est un important exportateur de den-rées alimentaires dans le monde entier ; il occupe le2e rang pour le riz, le 3e rang pour le café, et il exportepour 1,8 milliard de dollars US en produits halieu-tiques.

La pollution de l’environnement s’aggrave à unrythme accéléré. C’est donc l’intention de stopperl’état de dégradation des ressources naturelles qui aincité le Viêtnam à signer rapidement la Conventionsur la Diversité Biologique (CDB – 1994). Avec l’aidetechnique et financière des Organisations interna-tionales comme l’Union mondiale de la nature(IUCN), le Fonds mondial pour la nature (WWF), leProgramme des Nations Unies pour le développe-ment (PNUD) ; nous avons formulé le Plan d’Actionspour la Biodiversité (PAB) et nous avons commencéà le mettre en application en 1995 (Projet GEFVIE/91/G31).

LE PLAN D’ACTIONS POUR LA BIODIVERSITÉ(PAB) DU VIÊTNAM (5)

Le PAB du Viêtnam vise trois objectifs principaux:protéger les écosystèmes typiques et vulnérablesaffectés par les activités humaines ayant des impactsnégatifs ; protéger les espèces animales et végétalesqui subissent une surexploitation et une destructionde leurs d’habitats ; promouvoir et identifier lesvaleurs économiques et sociales de la biodiversitédans le contexte du développement socio-écono-mique des communautés locales.

Le PAB se réalise à travers cinq actions principales:enrichissement de l’éventail des politiques et deslégislations dans le domaine de la conservation et dela gestion de la biodiversité ; établissement et gestion

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des Parcs nationaux et des Aires protégées ; sensibili-sation du grand public à la CB; renforcement descapacités et formation des cadres ; recherches scien-tifiques.

Les actions du PAB se traduisent par une cin-quantaine de projets qui durent chacun de 3 à 5 ans.

Environ 200 millions de dollars US ont été investisde 1995 à 2000 et se répartissent comme suit :

Établissement des aires protégées : 5,8%

Conservation des espèces rares et en danger: 0,34%

Reboisement: 72%

Développement de zones tampons: 16,1%

Formulation des politiques de conservation: 1,78%

Éducation et formation: 2,04%

Recherches scientifiques : 2%

À partir de l’an 2000, le PAB se voit enrichi denouveaux projets en relation avec la Conservationde la Biodiversité agricole et des plantes médicinales,la Biotechnologie liée aux organismes génétiquementmodifiés (OGM), la sécurité biologique, le contrôledes espèces exotiques, la conservation des zoneshumides, côtières et marines, l’intégration de la CB etdes Plans de développement économique et la parti-cipation des communautés locales dans la CB.

ÉVALUATION DES RÉSULTATS DU PAB (5), (6) APRÈS CINQ ANNÉES DE MISE EN ŒUVRE Après cinq années de mise en œuvre du PAB, onobtient les résultats suivants : contrôle efficace descommerces illégaux des espèces sauvages rares et endanger ; arrêt de l’exploitation des bois des forêtsnaturelles ; établissement de 12 parcs nationaux etd’une centaine d’aires protégées. La superficie totaleest de 2 millions d’hectares (8% du territoire) ; for-mation d’environ 10% des contrôleurs forestiers ;établissement d’un système de données sur la biodi-versité nationale.

L’action reliée à la formation des cadres en gestionde la biodiversité a été évaluée la plus faible (ActionN4).

Suivant la conclusion de l’atelier en 1999 (6),l’action N4 doit se développer par la formation descadres nationaux et provinciaux en mettant en appli-cation des règles sur l’exploitation de la biodiversité,en développant des méthodologies en monitoring etinventaire, en évaluation des impacts sur la biodi-versité, en identification des plantes et animaux et engestion des Aires protégées.

Avec l’appui de l’IEPF un séminaire de formationdes formateurs en Asie-Pacifique a été organisé du 20au 29 août 2001 (1). Le séminaire visait en particu-lier les trois pays indochinois : le Cambodge, le Laoset le Viêtnam. Les deux responsables étaient leProfesseur Claude Hamel et le Dr Jean Lauriault del’Université du Québec à Montréal. Au total, 15 for-mateurs de 3 pays ont été sélectionnés pour participerà ce séminaire.

PROJET DE L’IEPF : RENFORCEMENT DE CAPACITÉ EN GESTION DE LA BIODIVERSITÉ AU VIÊTNAM (3)

Le but du Programme est de renforcer la capacité engestion de la biodiversité par le biais de l’organisationde séminaires de formation de formateurs à deuxniveaux: provincial (+ préfectural) et communal sousforme de projets pilotes.

Partant des contenus du séminaire de l’IEPF nousajoutons les nouveaux modules : Module 4 –Biodiversité du Viêtnam et Module 5 – Étude de labiodiversité sur le terrain. Nous invitons deux expertslocaux à donner deux présentations complémen-taires (i) connaissances actuelles de la biodiversitédu Viêtnam et (ii) le PAB du Viêtnam de 2000 à 2005.

Nous choisissons les trois provinces typiques quireprésentent les régions socioéconomico-écologiquesdu Viêtnam: Province Dong Thap – delta du Mekong,Province Thua thien Hue, région côtière du Centre,et Province Bac Can, région montagneuse du Nord.Les études sur le terrain sont effectuées au ParcNational Tram Chim (zone humide), dans l’Aire pro-tégée Tam Giang (lagune côtière) et au Parc NationalBa Be (montagnes calcaires et lac d’origine karstique).

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Les formateurs sont les participants qui étaientprésents lors du séminaire de l’IEPF. Les trois Facultésde biologie des trois universités : Hanoi, HoChiMinhVille et Hue sont responsables de la gestion des sémi-naires.

Les participants sont invités parmi les Cadres/Autorités qui travaillent dans les DépartementsProvinciaux et Préfecturaux, les corps enseignantsdes écoles secondaires et des collèges, les journalisteset les experts de TV et Radio locaux…

La durée de chaque séminaire est d’une semaine.

Les présentations sont préparées avec le logicielPower Point ou sur acétates. Au niveau communalnous réduisons la durée à trois jours et les présenta-tions sont le plus simple et le plus clair possible.

CONCLUSIONNous sommes désormais fin prêts à réaliser notreProgramme: présentations et travaux pratiques, for-mateurs, organisations responsables… Nous pen-sons que nous pouvons réaliser avec succès les sémi-naires.

Permettons-nous ici, au nom du pays d’offrir nossincères remerciements à l’IEPF, Espace Francophone,aux deux responsables, le Professeur Claude Hamelet le Dr Jean Lauriault.

RÉFÉRENCES1. HAMEL Claude et Jean LAURIAULT, 2001, Lectures

du séminaire de Formation en Biodiversité de l’Institutde l’Énergie et de l’Environnement de la Francophonie(IEPF) en Asie Francophone Hanoi, Viêtnam,60 pages.

2. GLOWKA LYLE ET AUTRES, 1994, A guide to theConvention on Biological Diversity, IUCN Publi-cations, 161 pages.

3. IEPF Projet, 2001, Développement de l’Éducation à laConservation de la Biodiversité du Viêtnam par l’or-ganisation des séminaires de formation des formateursà 2 niveaux: Provincial (+ Préfectural) et Communal,Québec, Canada, 6 pages.

4. IUCN, SEMA/Sida, 1998, A summary report – TheViêtnam biodiversity Action Plan – Three years ReviewWorkshop (1996-1998), October 22-23, Hanoi,34 pages.

5. VIÊTNAM GOVERNMENT, GEF/VIE/91/G31, 1995,Biodiversity Action Plan of Viêtnam, Hanoi, 206 pages.

6. VIÊTNAM MINISTRY OF SCIENCE, Technologyand Environment, 1999, Enhancing the implementa-tion of Viêtnam’s Biodiversity Action Plan-AnAssessment of priority issues and requirements,Hanoi, 31 pages.

142Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 155: Colloque International Francophonie et développement durable

Les Premières nations du Québec et du Labrador sesont donné une stratégie de développement durablequi veut répondre à ces enjeux prioritaires :

• La préservation de la qualité du territoire et de lapérennité des ressources ;

• La protection et la consolidation des cultures etdes langues autochtones;

• Le développement de la capacité locale ;

• La participation aux processus de décision;

• Le développement économique;

• La nécessité de conclure des partenariats.

Cependant, les Premières nations se retrouventdans une situation particulière afin de mettre enœuvre un plan d’action pouvant répondre à cesenjeux. D’une part, le concept même de développe-ment n’a pas la même connotation. Les valeurs fon-damentales des Premières nations veulent que laquestion territoriale soit au centre de leurs préoccu-pations. En ce sens, l’humain a un devoir prioritairede bien servir le territoire (Terre Mère) et non deprivilégier certains besoins des humains aux dépensde la qualité du territoire. Le partage équitable de ceque le territoire est en mesure de produire, tout engardant une marge de sécurité, est aussi un principesociétal dans le cadre des activités traditionnelles quidevraient guider le développement.

En ce qui regarde la préservation de la qualité duterritoire, la protection de la biodiversité doit êtreabordée en fonction de la productivité biologiquedisponible afin de répondre à toute une gamme desbesoins fournis par un ensemble d’écosystèmes que

recèle le territoire et dont l’intégrité est aussi pré-servée. L’usage des ressources et des écosystèmes étaitrégi par un corpus de connaissances naturelles quireposent sur des millénaires d’usages et d’adaptationau milieu. La perpétuation de ces connaissances et descodes de pratiques qui y sont associés ne peut per-durer qu’en fonction du maintien d’activités tradi-tionnelles aptes à perpétuer les valeurs et les systèmesde contrôle traditionnels qui en découlent.

Par ailleurs, le développement économique descommunautés autochtones est dépendant de l’accèsau territoire et aux ressources. La mise en valeur duterritoire et des ressources se doit d’être compatibleou du moins conciliable avec les valeurs et la visionqu’ont les Premières nations face à leur responsabi-lité de saine gestion de leur Terre. La préservation dela biodiversité, l’évaluation des possibilités de mise envaleur de chaque ressource disponible, la prudencedans la gestion ainsi qu’une approche de gestioncommunautaire sont des éléments qui s’inscriventdans la problématique visant à s’approcher des prin-cipes culturels.

Aujourd’hui, la responsabilité de l’aménagementdu territoire et des ressources, de même que l’enca-drement du développement, revient aux officiersgouvernementaux dont la culture professionnelle estpassablement différente d’une approche autochtone.Des efforts d’harmonisation sont donc requis pourassurer la compatibilité entre la vision des Premièresnations et celle du gouvernement afin d’ouvrir laporte aux possibilités de création d’emplois qui s’in-tègrent dans les valeurs fondamentales des Premièresnations.

143 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Approche de la communauté Atikamekw de WemotaciDéveloppement durable, biodiversité et développement de l’emploi

Michel MONGEONAssociation des Premières nations du Québec-Labrador, Canada

ATELIER 4 – Études de cas

Page 156: Colloque International Francophonie et développement durable

La communauté de Wemotaci a mis en place unesérie d’actions visant à répondre à chacun des enjeuxcités plus haut. La vision des caractéristiques socio-écologiques du territoire et le processus décisionnelquant à l’application de modalité d’aménagementdu milieu caractérisent bien l’approche autochtone.Ces modalités d’aménagement qui devraientrépondre en grande partie aux prémisses de préser-vation de la biodiversité et du maintien des possibi-lités d’usages traditionnels ont pour objectif de conci-lier la vision de deux cultures. D’une part, il importeque les Premières nations influencent la façon dontle développement se réalise et, d’autre part, d’ouvrirla porte à des possibilités de création d’emplois quis’inscriront dans la continuité culturelle des tra-vailleurs autochtones.

En suivant cette approche, la communauté ati-kamekw de Wemotaci pourra réaliser son projet descierie dont la récolte de bois sera soumise à ce pro-cessus d’aménagement. Ce type d’approche de déve-loppement pourra correspondre à la vision de lacommunauté et assurer une survie culturelle sur unterritoire de qualité. De plus, il sera possible dedégager des activités économiques viables quidevraient assurer un bon partage des retombées dudéveloppement et une autonomie à la collectivité.

144Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 157: Colloque International Francophonie et développement durable

D’entrée de jeu, le premier réflexe de certainsmembres de l’auditoire ou du public en général est dese demander ce que développement durable et diver-sité culturelle peuvent bien avoir en commun.

Je vous propose donc avant d’aborder laDéclaration de Cotonou comme telle de m’attarderun peu à cette interrogation légitime.

J’invite les auditeurs à prendre connaissance dutexte d’Olivier Guillitte, qui présente de façonconcrète, sous l’angle écologique, les liens entre bio-diversité culturelle et le soutien à la biodiversité et meten exergue les particularismes de la Francophonieen matière de biodiversité.

D’ABORD, LA BIODIVERSITÉ Suffit-il de rappeler que l’Homme est une espèce ani-male lui aussi? Qu’il est menacé par la dégradation del’écosystème? Que la surpopulation risque de mettreen péril sa capacité à assurer son développement?

Je rappelle aussi que la semaine dernière,l’UNESCO publiait un document où il était affirméque la diversité culturelle est aussi importante pourl’avenir du monde.

Une autre menace plus pernicieuse pointe à l’ho-rizon. Cette menace, je l’appellerais : « l’extinctionculturelle».

L’Homme est menacé, culturellement sur le plandes collectivités, dans la mesure où des langues etdes cultures disparaissent.

Certes, cela est arrivé à de nombreuses reprises, aucours des siècles et millénaires précédents, mais ledanger n’a jamais été aussi grand, aussi insidieux quemaintenant. Incidemment, il y a quelque temps, undirigeant du PNUE soulignait que géographique-ment, la carte des espèces animales en voie d’extinc-tion coïncide étrangement avec celle des langues envoie de disparition.

Ce danger a pris la forme d’une vision singulière,uniforme du monde. Cette vision prétend, à l’exclu-sion de toute autre, porter l’avenir du monde et despeuples. Devenue mot Busc, la mondialisation estprétexte à excès, abus et en incite plus d’un à baisserles bras face à une force qui, tel un rouleau compres-seur, avance inexorablement, nivelant tout sur sonpassage. Le résultat de son action: l’uniformisation desparamètres culturels à l’échelle planétaire.

La mondialisation débridée est l’incarnationd’une idée, voire d’une idéologie, qui ne fait pas deplace aux sentiments en matière de commercialisationdes produits culturels ou d’affirmation des diffé-rences nationales, de l’exception culturelle en fait.

Que cette vision et cette idéologie soient aussicelles qui animent et inspirent une puissance écono-mique en position hégémonique, voilà l’incarnationdu danger.

Qu’elles servent de justification à la dictature deslois du marché où triomphent les marchands d’uneculture de masse n’offrant qu’une représentationsommaire, univoque de la société humaine, où l’es-prit humain ne trouverait qu’une langue pour s’ex-primer, voilà la traduction du péril !

145 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

La Déclaration de Cotonou sur la diversité culturelle

Patrice DALLAIREDirecteur adjoint, IEPF

ATELIER 4 – Études de cas

Page 158: Colloque International Francophonie et développement durable

Après tout, n’en déplaise aux chantres de la mon-dialisation, on ne peut pas, au nom d’une vision étri-quée de l’évolution, effacer des pans entiers du géniehumain, lequel trouve des manifestations dans toutesles langues, dans toutes les cultures.

Cela, la Francophonie l’a compris ! Elle l’a com-pris dès sa fondation! En fait, elle n’aurait pu être sansavoir, instinctivement, accepté de postulat.

La préservation et la promotion de la diversité cul-turelle ne sont pas des notions nouvelles pour laFrancophonie. Le monde francophone vivait cetteréalité avant la lettre.

De la fondation de l’ACCT en 1970, à laDéclaration de Cotonou, l’an dernier en passant parla Charte de la Francophonie de 1991, ces notions ontinspiré l’action francophone.

Et, comme l’indique la Déclaration de Cotonou,la diversité culturelle sera au cœur de nos préoccu-pations au 21e siècle.

D’ailleurs, qu’est-ce que la Francophonie si cen’est la diversité culturelle? Dans sa composition:55 États, possédant des dizaines de langues natio-nales, où le français n’est la langue de la majoritéqu’à de rares exceptions.

Dans son action: V/A le dialogue des culturesqu’elle anime avec les mondes arabophone, hispno-phone et lusophone.

À Cotonou, il y a moins d’un an, les Ministres dela culture de la Francophonie sont convenus d’uneDéclaration d’un Plan d’action pour la promotion etla sauvegarde de la diversité culturelle. Ce plan d’ac-tion est le cadre de référence des opérations de l’OIFpour les prochains biennums. Ce plan comporte sixgrands axes et des dizaines de pistes d’action.

En voici les grandes lignes :

A. À soutenir, aux plans internes et international, ladiffusion et le dialogue des cultures en favorisantleur appropriation par les populations et en déve-loppant le savoir-faire des professionnels.

Il s’agit ici, pour l’AIF:

1. De soutenir les initiatives des États et gouverne-ments visant à articuler une vision cohérente,auprès des populations et des décideurs, de ladiversité culturelle et de ses enjeux, notammentvia les systèmes éducatifs et les programmes d’en-seignement;

2. D’offrir de la formation spécialisée dans desdomaines considérés comme stratégiques tels lagestion, la production et la diffusion des produitsculturels, ainsi que la protection des droits d’au-teur. On vise également à valoriser le patrimoineculturel et les cultures traditionnelles, ainsi que ladiffusion des savoirs scientifiques et techniques,notamment via les CLACs.

B. Faciliter la conception et la mise en œuvre de poli-tiques culturelles et linguistiques

Ici, l’AIF organisera diverses actions, en concer-tation avec les États et les gouvernements, ainsi quel’AUF; notamment, elle commandera des études fai-sant ressortir les mesures les plus significatives enmatière de culture, de politiques et d’aménagementslinguistiques et identifiera diverses mesures prisespar nos États et gouvernements dont il conviendraitde faire reconnaître la légitimité au plan mondial.

C. Consolider le rôle de la langue française et deslangues nationales partenaires en tant que vecteursd’expressions des créateurs, de développement,d’éducation, de formation, d’information et decommunication au sein du monde francophone

L’AIF et l’AUF viseront ici à promouvoir l’utili-sation et l’enseignement du français, son développe-ment (terminologique, et néologique), ainsi que sonrecours dans les organisations et réunions interna-tionales.

Parallèlement, cet axe concerne la promotion etle développement harmonieux des langues natio-nales et du français, en multipliant les partenariats lin-guistiques.

Cela implique la promotion du plurilinguismeainsi que la traduction et la production de matérieldidactique adapté.

146Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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D. Améliorer l’accès des créateurs, artistes, produc-teurs et éditeurs de la Francophonie aux marchésinternationaux et la protection de leurs droits

Ainsi, l’AIF poursuivra et accentuera ses effortsvisant à promouvoir la présence sur les marchés inter-nationaux, de ses créateurs, artistes et de leurs pro-duits.

E. Développer les industries culturelles, les technologiesde l’information et les médias audiovisuels

L’AIF cherchera à encourager les regroupementsindustriels régionaux (tant pour la production quepour la distribution et la capitalisation) de façon à sus-citer des économies d’échelle. En ce qui a trait auxtechnologies de l’information, l’Agence et les autresopérateurs de la Francophonie les mettront au servicedu développement durable.

F. Instaurer une concertation permanente élargie auxacteurs culturels de la société civile et du secteurprivé

Cette action parle d’elle-même et elle sera pilotéepar le secrétaire général de l’OIF qui a reçu le mandat,en s’appuyant sur l’AIF, de mettre en place un dis-positif permanent à cet effet. Ce mécanisme pourradonc alimenter, continuellement la réflexion des ins-tances francophones concernant les problématiquesculturelles.

CONCLUSION Très sommairement, nous avons vu que la diversitéculturelle comprend les modes de vie, la culture ausens large, les valeurs et le fonctionnement de nossociétés.

La pérennité de nos sociétés est forcément liée audéveloppement durable car l’épanouissement de nospopulations et la préservation de leurs modes de viesont tributaires d’un développement harmonieux,qui répond à toutes les aspirations et traduisent tousles espoirs, quelles que soient les communautés lin-guistiques impliquées.

Comme le disait si bien le secrétaire général del’Organisation Internationale de la Francophonie,Boutros Boutros GHALI, à l’ouverture de la confé-rence qui accoucha de la Déclaration de Cotonou: «Ladiversité culturelle contribue à créer les conditionsd’un développement durable, qui, fondé sur des prin-cipes démocratiques de justice, de transparence etd’équité garantissant la cohésion sociale, est suscep-tible de favoriser le respect des différences et l’ouver-ture aux autres… »

En terminant, voilà pourquoi il conviendrait, àmon avis de retenir la proposition faite par ChristianBrodhag, dans le cadre du présent colloque, à l’effetque la Francophonie, dans le contexte des travauxpréparatoires à la Conférence de Johannesburg,considère comme approche complémentaire à lanégociation, l’ajout de « la diversité culturelle et lin-guistique» dans les biens publics mondiaux.

Ainsi, au même titre que «la connaissance au ser-vice du développement», «la lutte contre les maladiescontagieuses» ou encore « la défense de l’environne-ment», la diversité culturelle deviendrait un prin-cipe fondamental, non seulement pour la Fran-cophonie mais en matière de relations internationales,pour toute la planète.

Nous y gagnerions tous!

147 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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ATELIER 5 – LES TRANSFERTS DE TECHNOLOGIE: RENOUVELER LA COOPÉRATION?

AnimateurBakary KANTEDirecteur, Division du Développement des Politiques et Droit de l’Environnement,Programme des Nations Unies pour l’EnvironnementTransferts de technologie dans le cadre du développement durable et à la veilledu Sommet de la Terre sur le développement durable : Défis et perspectives

Études de casYves SCHENKELDépartement Génie rural, CRA, Gembloux, BelgiqueLe programme COGEN: Transfert de technologie Nord-Suden biomasse-énergie industrielle

Paul VERMANDEProfesseur émérite à l’INSA, Lyon, FranceL’importance de la recherche technologique appliquée menée dans les pays du Sud,le cas de l’enseignement polytechnique de Yaoundé au Cameroun

Arthur RIEDACKERMission Interministérielle de l’effet de serre, Paris, FranceRéflexions sur les transferts de technologies dans le domaine du changement climatique

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Ma présentation sera axée autour de deux pointsprincipaux:

1. La pertinence des transferts de technologie dansle cadre du développement durable et la pro-blématique du transfert des technologies, en par-ticulier l’adaptation aux savoir-faire locaux, leproblème de la protection des brevets et droits depropriété intellectuelle et la maîtrise des techno-logies avancées telles que les technologies de l’information par les utilisateurs nationaux quipassera nécessairement par un plus grand renfor-cement des capacités techniques.

2. Le besoin d’étendre et de renforcer la coopérationentre les gouvernements, le secteur privé et les ser-vices de recherche-développement.

LA PERTINENCE DES TRANSFERTS DE TECHNOLOGIE DANS LE CADRE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET PROBLÉMATIQUE DU TRANSFERT DES TECHNOLOGIES À la veille du Sommet de la Terre sur le développe-ment durable qui se tiendra à Johannesburg, enAfrique du Sud, et dans le contexte de l’économiemondialisée, la question ayant trait à la pertinence,voire à la possibilité d’un véritable bond en avantqu’offrent les transferts de technologie aux pays endéveloppement se doit d’être posée et analysée.

Le transfert des techniques écologiquementrationnelles (les écotechniques voir chapitre 34,Action 21), des technologies énergétiques, biotech-niques etc. peut avoir un impact positif sur l’envi-ronnement avec par exemple moins de déchets contri-buant à la pollution, une utilisation des ressources defaçon plus durable et une contribution bénéfiqueaux besoins prioritaires du développement des paysles moins nantis si et seulement si une approche dis-criminatoire est adoptée.

Aborder le transfert de technologies sous cet angleprésuppose certaines conditions qui devront êtremises en place ou déjà existantes. En effet, les trans-ferts de technologie ne peuvent se faire tous azimutset un certain nombre de choix devront être faits.Comme le dit si bien Bruno Lanvin, coordonnateurmondial des pôles commerciaux, Nations Unies etprésident de Internet Society à Genève dans sonarticle L’Afrique qui gagne, «toute technologie n’est pasnécessairement bonne à prendre». La notion d’ap-propriation de technologies sans laquelle on ne peutguère vraiment parler de transfert véritable de tech-nologie, verra une approche qui se souciera de lanotion de savoir-faire au niveau local, des potentielsspécifiques existant au niveau des utilisateurs natio-naux, dans les procédures d’organisation et de gestion.Ces transferts de technologies devront aussi veiller àla mise en valeur des ressources humaines.

150Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Tranferts de technologie dans le cadre du développement durable et à la veille du Sommet de la Terre sur le développement durable :

Défis et perspectivesBakary KANTE

Directeur, Division du Développement des Politiques et Droit de l’Environnement Programme des Nations Unies pour l’Environnement

ATELIER 5 – Les transferts de technologie : renouveler la coopération ?Animateur

Page 163: Colloque International Francophonie et développement durable

Le renforcement des capacités devra nécessaire-ment passer par la diffusion à plus grande échelle(donc au-delà des centres de recherche et centresuniversitaires), la facilité d’accès et la transférabilitéde ces technologies.

D’autres éléments importants, qu’il convientd’examiner et qui sous-tendent cette problématiquede transfert de technologie, sont les droits de propriétéintellectuelle et la protection des brevets. En effet ceséléments ont une incidence directe sur ce qui est del’accès des pays en développement aux technologiesviables applicables au développement durable et àleur transfert. À ce niveau, un des moyens qu’il fau-drait explorer serait la possibilité de financer unmeilleur accès à ces techniques, tout en encourageantune plus grande coopération entre les gouverne-ments, le secteur privé et les centres de recherche etdéveloppement afin de favoriser la réduction du coûtde ces technologies et une application et une gestionplus efficaces et plus appropriées de ces technologiesqui contribueront à un développement durable, à laprotection de l’environnement et à l’atténuation dela pauvreté.

LE BESOIN D’ÉTENDRE ET DE RENFORCER LA COOPÉRATION ENTRE LESGOUVERNEMENTS, LE SECTEUR PRIVÉ ET LES SERVICES DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT La maîtrise des outils que représentent les technolo-gies avancées devra au-delà de leur impact sur l’en-vironnement contribuer à la réduction de la pau-vreté et apporter aux acteurs concernés des pays endéveloppement, des bénéfices visibles et mesurables.

Les bénéfices économiques qui pourront être tirésdu transfert et à l’adaptation de ces technologies auxsavoir-faire locaux et aux utilisateurs nationauxdépendront directement du niveau de coopérationentre les gouvernements, le secteur privé et les servicesde recherche-développement. Cette question decoopération qui représente un des éléments sur les-quels cet atelier devra se pencher, est au centre dudébat sur le transfert de technologie et le développe-ment durable.

La mise en place des capacités économiques, tech-niques et de gestion est un des moyens clés pour par-venir à une utilisation efficace et au perfectionnementdes techniques transférées. Des actions communesd’entreprises, de gouvernements et des services derecherche et développement devront nécessairementêtre mises en place.

Un processus interactif à long terme devra êtremis en place entre les gouvernements, les acteurs éco-nomiques et les pourvoyeurs de technologie pourune formation continue, une mise en place de capa-cités à tous les niveaux et la promotion du dévelop-pement durable.

Finalement, il faudra mettre en place des incita-tifs spécifiques (d’ordre financier ou autre) pour letransfert de techniques bénéfiques au développementdurable, ceci après examen par les gouvernements etautres organisations compétentes, dans un cadre inté-grant le développement et l’environnement.

151 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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Avec Ludovic LACROSSE et Jean-François VANBELLE Quand on parle «Énergie renouvelables» dansles pays en développement, les expériences venantrapidement à l’esprit sont : la mise en place de boise-ment pour la production de charbon de bois, la miseau point de foyers améliorés, l’électrification villa-geoise par panneaux solaires ou hydraulienne, etc. Lamajorité de ces projets sont souvent subventionnés enquasi-totalité car ils s’insèrent dans un environnementpeu solvable. Ceci fragilise en outre leur longévitéquand vient l’heure des entretiens et de la mainte-nance. D’où la difficulté de mettre en place et surtoutde pérenniser des installations faisant appel à l’éco-nomie de marché dans un milieu structuré diffé-remment.

Le programme COGEN instauré en 1991 par leCRA et financé par la Commission Européenne estparti de ces constatations pour répondre à la questionsuivante: quel est le meilleur moyen de promouvoirla production d’énergie propre et renouvelable demanière significative, rapide et durable dans les paysen développement? Il faut pour cela qu’il y ait une res-source facilement mobilisable, une technologie detransformation de fiabilité prouvée, un besoin enénergie ainsi qu’une volonté des acteurs économiqueslocaux.

Sur la base de ces constatations et dans le cadre dela coopération économique entre l’Union Européenneet l’ASEAN (Association des Nations d’Asie du Sud-Est – Indonésie, Philippines, Malaisie, Singapour,Brunei, Thaïlande et depuis 1997, Viêtnam, Laos etCambodge), le programme COGEN s’est fixé pourbut de transférer les technologies européennes éprou-vées de production de chaleur et/ou d’électricité àpartir de biomasse dans les secteurs de l’agro-indus-trie (riz, sucre, palme, coco) et de l’industrie du boispar la création de partenariats entre les entreprisesasiatiques et européennes.

Par le programme COGEN, la démonstration aété faite qu’une coopération tout à la fois privé-publicet inter-régions était possible et bénéfique pour ledéveloppement des projets en biomasse-énergie.Grâce aux actions du programme, des investisse-ments de plus de 100 millions d’euros ont été générésen Asie du Sud-Est en cogénération biomasse, parti-cipant à la fois au développement économique et à unmeilleur environnement.

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Le programme COGEN : Transfert de technologie Nord-Sud en biomasse-énergie industrielle

Yves SCHENKELDépartement Génie rural, CRA

Gembloux, Belgique

ATELIER 5 – Études de cas

Page 165: Colloque International Francophonie et développement durable

Je voudrais vous faire part de l’expérience que nousavons menée avec des enseignants-chercheurs came-rounais et français à l’École Nationale SupérieurePolytechnique de Yaoundé (ENSPY)

REPÈRES, LIMITES, ENJEUX Je parlerai essentiellement des activités de rechercheappliquée et des relations mises en place avec plusieurssecteurs socio-économiques, dont les entreprises. Ilfaut être conscients que la formation technique est lapremière étape d’un transfert technologique. Monanalyse sur les principaux enjeux en 1990 révèle lespoints suivants: l’ENSPY doit être en prise directe surles réalités du pays, il faut générer des revenus pourl’établissement et les personnels parce que leurssalaires sont inférieurs à ceux du secteur privé. Enfin,il faut également intégrer les enseignants et les étu-diants, futurs diplômés, dans des partenariats inter-nationaux où ils apporteront des résultats suscep-tibles de les valoriser.

Les questions d’environnement, quoique tout à faitprésentes, n’étaient pas une préoccupation majeure aucours des années qui ont précédé ou suivi Rio.

LES DIVERSES EXPÉRIMENTATIONS MENÉESEN RECHERCHE 1. La première à avoir pris une certaine ampleur a

été l’utilisation de la télédétection-radar pour lasurveillance des forêts et de divers écosystèmes duCameroun.

2. La présence et l’exploitation massive des bois tro-picaux ont conduit plusieurs chercheurs à se spé-cialiser dans ce domaine et notamment dansl’étude des propriétés mécaniques des essencessecondaires, peu commercialisées, délaissées parles grandes sociétés d’exploitation forestière.

3. L’aménagement et l’environnement urbains ontété au centre de nombreuses études de terrainmenées en concertation avec le Ministère del’Urbanisme, les communautés urbaines deYaoundé et de Douala, les mairies d’arrondisse-ment, des sociétés, des ONG œuvrant auprès despopulations.

4. Le Laboratoire d’Énergétique de l’ENSPY estintervenu sur deux grands thèmes: la climatisa-tion et la thermique des bâtiments en vue notam-ment de parvenir à des économies d’énergie, leséchage solaire des bois tropicaux et des produitsagro-alimentaires.

5. Le laboratoire de mécanique des solides s’est inté-ressé d’abord à la fatigue des matériaux métal-liques, puis à la déformation plastique et aux pro-cédés de mise en forme, spécialement pour lespièces en aluminium, ceci pour valoriser au mieuxla production de l’usine ALUCAM.

6. Les laboratoires du département d’Informatiqueont développé des logiciels d’EnseignementAssisté par Ordinateur, l’utilisation du multi-média et des méthodes d’enseignement à dis-tance, la mise en œuvre des réseaux et des sys-tèmes des logiciels d’études statistiques.

153 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

L’importance de la recherche technologique appliquée menée dans les paysdu Sud, le cas de l’enseignement polytechnique de Yaoundé au Cameroun

Paul VERMANDEProfesseur émérite à l’INSA, Lyon

France

ATELIER 5 – Études de cas

Page 166: Colloque International Francophonie et développement durable

7. Le Laboratoire de géotechnique et matériaux tra-vaille sur la modélisation des sols et des géo-structures, la prospection sismique, élabore desproduits céramiques, des matériaux composites,des liants minéraux et des bétons spéciaux, carac-térise des matériaux granulaires utilisés enconstruction.

Parallèlement à ces recherches, une pépinièred’entreprises a été mise en place en 1991pour que lesjeunes diplômés puissent créer leur entreprise, tout enutilisant les compétences et les résultats des labora-toires de l’École.

PÉRENNITÉ ET CONTINUITÉ DES ACTIONS DE RECHERCHE-DÉVELOPPEMENT La plupart des équipes qui ont eu une activité derecherche importante, se sont insérées dans desréseaux thématiques qui leur ont apporté la qualitéd’un débat scientifique international avec toutes lesexigences afférentes (publications et colloques,réponses aux appels d’offre ) mais leur ont aussi pro-curé des financements (programmes, bourses, mis-sions…).

La pérennité des actions de recherche et leurdéveloppement sont aussi liés à la présence de per-sonnes capables de diriger les équipes et de pour-suivre les orientations, notamment les contacts avecles différents partenaires socio-économiques.

QUELLES PRIORITÉS… POUR L’HORIZON 2012 ? La démarche de recherche appliquée, confrontée auxréalités et aux besoins des acteurs socio-économiqueslocaux, est essentielle pour arriver à des résultats cer-tains de développement durable d’un pays ou d’unerégion. Cette démarche me semble aussi très impor-tante pour sortir d’un système permanent de dépen-dance, pour faire apparaître et maintenir des pôles decompétence dans les pays du Sud. Des incitationsdiverses peuvent être mises en place dès que la volontépolitique se sera faite jour aussi bien dans le paysque chez les bailleurs de fonds.

CONCLUSION Cette expérience de l’ENSPY est peu connue, maisheureusement l’établissement commence à prendreune dimension régionale: il accueille des boursiers deplusieurs pays d’Afrique Centrale aussi bien pour laformation d’ingénieurs que pour celle des chercheurs.Il me semble important de dupliquer cette expériencedans d’autres pays africains qui auraient la capacitéde mettre en place de telles structures susceptiblesd’accueillir et de stimuler de bons scientifiques et debons technologues du pays ou de la région. Le départà l’étranger ne serait plus alors le premier réflexe deces ingénieurs et de ces techniciens dont la formationa coûté très cher à l’État concerné. De plus les coopé-rations bi ou multilatérales se feraient alors entre despartenaires plus à même de dialoguer.

154Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 167: Colloque International Francophonie et développement durable

Les pays développés et en développement, signatairesde la Convention-cadre sur le climat, ont l’obligationde préserver le système climatique dans l’intérêt desgénérations présentes et futures, sur la base de l’équité,en fonction de leurs responsabilités communes maisdifférenciées et de leurs capacités respectives. Ce quiimplique des approches nouvelles du développementprenant en compte, outre les besoins traditionnels dudéveloppement (choix de solutions optimisées pourles utilisateurs et les pays, compte tenu notammentdes contraintes financières respectives à court et àlong terme etc.), une contrainte supplémentaire quiest d’orienter le développement en tenant compte del’objectif ultime de la convention; une moindre aug-mentation (ou une diminution dans le cas des paysindustrialisés) des émissions de gaz à effet de serre etl’adaptation aux changements climatiques afin que,conformément à l’objectif ultime de cette convention,la production alimentaire ne soit pas menacée et que ledéveloppement économique puisse se poursuivre demanière durable.

Cela implique le renforcement des capacités pourdécider des investissements et des changements depratiques à encourager ou à éviter, c’est-à-dire le ren-forcement des capacités sur les transferts de techno-logies. Au sens défini par le GIEC (GroupeIntergouvernemental sur l’Évolution du Climat) le«transfert» comprend la diffusion de technologies etla coopération technologique entre pays et dans le pays.Il englobe le processus de transfert de technologies entrepays. Et il englobe aussi le processus qui consiste à com-prendre comment il faut apprendre, utiliser et reproduirela technologie, y compris la capacité de la choisir et de

l’adapter aux conditions locales, ainsi que de l’intégreraux technologies autochtones. Selon l’article 4.5 de laConvention doivent être prises «toutes les mesurespossibles en vue d’encourager, de faciliter et de financer,selon les besoins, le transfert ou l’accès de technologieset de savoir-faire écologiquement rationnels aux autresparties. Dans ce processus (les pays développés) «sou-tiennent le développement et le renforcement des capa-cités et technologies propres (…)».

À cette fin, les accords de Marrakech de no-vembre 2001 ont abouti à plusieurs décisions sus-ceptibles de favoriser les transferts de technologies; lelancement du Mécanisme de Développement Propre(limité à la mitigation, aux domaines éligibles et éco-nomiquement attractifs pour des investisseursprivés) ; la mise en place de nouveaux fonds à côté duFEM, mais gérés par ce dernier (le Fonds Spécial dela Convention et le Fonds pour les PMA placés sousla Convention et le Fonds d’adaptation sous leProtocole) ; la mise en place d’un groupe d’experts surles transferts de technologies pour la mitigation,comme pour l’adaptation; la mise en place d’un clea-ring house ; très prochainement, l’organisation d’unnouvel atelier sur les transferts de technologies; le ren-forcement des capacités. Il s’agit maintenant de s’or-ganiser pour tirer le meilleur parti de ces différentsinstruments, dont les règles d’utilisation restentencore souvent à préciser, afin de promouvoir desdéveloppements durables intégrant bien les préoc-cupations climatiques.

155 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Réflexions sur les transferts de technologies dans le domaine du changement climatique

Arthur RIEDACKERMission Interministérielle de l’effet de serre, Paris

France

ATELIER 5 – Études de cas

Page 168: Colloque International Francophonie et développement durable

Compte tenu à la fois de la diversité des domaineset secteurs concernés par les changements clima-tiques (habitat, gestion des déchets, transport, appro-visionnement énergétique, industrie, agriculture,agroforesterie et foresterie, santé humaine, zonescôtières, les villes et les zones rurales etc.), et des dif-ficultés inhérentes à toute action d’innovation visantà changer des technologies ou des pratiques, il nousparaît indispensable d’être attentif à un certainnombre d’aspects. Nous souhaiterions que les parti-cipants, sur la base de leurs expériences, exprimentleurs points de vue et recommandations sur cettequestion. Pour ce qui nous concerne, et pour aller au-delà des vœux pieux, il nous paraîtrait essentiel depouvoir identifier dans chaque pays (ou groupe depays), et pour les secteurs les plus importants, des per-sonnes maîtrisant bien leur domaine technique,conscientes des contraintes économiques et clima-tiques, intéressées par la question, susceptibles detravailler avec et pour les décideurs, et de travailler enréseau tant au niveau national qu’au niveau interna-tional. À cet égard les agences pour l’énergie, les éta-blissements d’enseignement, certains centres derecherches mais aussi des ONG et des bureauxd’études spécialisés disposant d’une capacité d’ana-lyse et si possible de recherche dans le domaine,paraissent les plus à recommander. Ils sont souvent lesplus à même d’évaluer l’intérêt des transferts envisa-geables, à comparer ces technologies aux solutionslocales ou d’autres pays à conditions similaires,d’identifier les difficultés à résoudre (maintenance,adaptation etc.).

Ils seront aussi à même de dialoguer et de poser lesbonnes questions aux promoteurs des transferts ouaux pays qui détiennent les technologies. À cause deleur pérennité, ils seront sans doute aussi les plus àmême d’accumuler les connaissances et de les redif-fuser, comme le montre par ailleurs Paul Vermandedans le cas de l’École Polytechnique de Yaoundé. Au-delà de leurs moyens de fonctionnement habituels, quigénéralement méritent de rester préservés, ces insti-tutions et leurs spécialistes devraient être rémunérésspécifiquement quand leurs travaux sont à la fois dequalité, pilotés par la demande (utilisateurs privés oudécideurs publics en charge de la question du climat)et publiés (par exemple dans le Bulletin AfricainÉnergie Bioressources pour le Développement etl’Environnement ou dans des fiches par secteurs d’uti-lisation). Cela éviterait des pertes d’expériences et larépétition inutile de certains travaux. Sur la base d’ins-titutions et de personnes motivées, on pourrait ensuiteconstruire ou consolider des réseaux techniques spé-cialisés, travailler sur la prospective et organiser, sousla convention climat, des ateliers sectoriels et sous-régionaux pour des spécialistes. La réunion de Dakarpourrait aussi être l’occasion de faire émerger 1) lesdomaines à considérer prioritairement, 2) les parte-nariats à construire ou à consolider au cours des pro-chaines années et 3) des recommandations sur lamanière de construire ces derniers.

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ATELIER 6 – L’ADAPTATION AUX CHANGEMENTSDE L’ENVIRONNEMENT PLANÉTAIRE: LES DÉFIS ET LES MOYENS

AnimateurChristian BRODHAGDirecteur de recherche, École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne, France

Études de casFerdinand BONNProfesseur, titulaire de la Chaire de Recherche du Canada en Observation de la Terre (CARTEL), Université de Sherbrooke, Québec, CanadaTélédétection et suivi des changements des vocations des terres

Ali AGOUMIProfesseur de l’École Hassania des Travaux publics, Maroc Projet PNUD/FEM maghrébin sur les changements climatiques, MarocLe Maghreb face aux changements climatiques

Stéphane DOUMBÉ-BILLÉProfesseur à l’Université Jean-Moulin – Lyon 3, FranceRéseau «Droit de l’environnement» de l’AUFLe droit de l’environnement et l’adaptation aux changements planétaires

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RÉSUMÉAprès avoir brossé un rapide état des lieux, le texte pose21 questions qui portent sur les moyens de relever lesenjeux des changements planétaires. Les questions bud-gétaires qui pourraient en découler ne sont pas directe-ment envisagées à ce niveau du débat et pourraientdécouler des priorités issues de l’atelier. Sur ces 21 ques-tions :

• 4 sont liées à la participation francophone au débatinternational (1 à 4)

• 7 sont liées à la mise en œuvre du développementdurable (5 à 11)

• 6 sont liées au diagnostic et à la sensibilisation(12 à 17)

• 2 sont liées à la diffusion des pratiques de dévelop-pement durable (18 et 19)

• 2 sont liées aux systèmes d’information pour ladécision (20 et 21)

PARTICIPER AU DÉBAT MONDIAL Pour éviter que le succès apparent du concept dedéveloppement durable ne conduise à le vider de sonsens, il doit être replacé dans un contexte historiqueet mondial. Historique, car entre le début des années1970 qui voyait se dérouler le débat sur la croissanceavec les travaux du Club de Rome ou la Conférencedes Nations Unies sur l’homme et l’environnement deStockholm en 1972, et les années 1980 qui aboutirontau Rapport Brundtland en 1987 et à la Conférence deRio en 1992, la vision de l’environnement et des solu-tions a profondément évolué. Comme les approches

sectorielles, de traitement en bout du tuyau, devien-nent trop coûteuses dans les pays du Nord, il devientnécessaire d’intégrer l’environnement dès la concep-tion des procédés, au cœur même des choix de déve-loppement économique. Sur le plan mondial, les paysdu Sud s’inquiètent de voir des contraintes environ-nementales, en matière de climat et de biodiversiténotamment, les empêcher de se développer. D’où leconcept négocié de développement durable qui pré-tend réconcilier ce qui était jusque-là opposé: le déve-loppement et l’environnement, dans un contexte oùl’équité prend une part importante. Selon cetteconception, le développement dépend de l’environ-nement où il puise ses ressources et qu’il peut mettreen péril par ses pollutions.

C’est pourquoi il faut rappeler, dans sa versioncomplète, la définition du développement durableproposée par la Commission Brundtland: «Le déve-loppement soutenable est un développement qui répondaux besoins du présent sans compromettre la capacitédes générations futures à répondre aux leurs. Deuxconcepts sont inhérents à cette notion: le concept de«besoin», et plus particulièrement des besoins essentielsdes plus démunis, à qui il convient d’accorder la plusgrande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nostechniques et de notre organisation sociale imposentsur la capacité de l’environnement à répondre auxbesoins actuels et à venir.» [Brundtland, 1987]

Ce concept a été inscrit dans la politique interna-tionale lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992 avecl’adoption des principes de la Déclaration de Rio et leprogramme Action 21 (ou Agenda 21) [CNUED,1992]. Dix ans après, la Conférence Mondiale sur ledéveloppement durable de Johannesburg portera sur

159 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Christian BRODHAGDirecteur de recherche, École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne

France

ATELIER 6 – L’adaptation aux changements de l’environnementplanétaire : les défis et les moyens

Animateur

Page 172: Colloque International Francophonie et développement durable

les régulations environnementales et sociales dans lecontexte de la libéralisation économique menée parl’OMC. Le débat portera sur les institutions (uneOrganisation mondiale de l’environnement) et surles principes qui fondent les relations internationalesavec des approches complémentaires selon l’impor-tance donnée aux mécanismes juridiques ou écono-miques:

• Certains posent le problème en termes de l’éta-blissement de nouveaux droits : comme le droit àl’eau, à l’alimentation, au logement ou à l’infor-mation [Limoges, 2001] [Aarhus, 1998].

• D’autres sous l’angle de la gestion de biens publicsmondiaux: avec la lutte contre les maladies conta-gieuses, la défense de l’environnement, la stabilitéfinancière et la connaissance au service du déve-loppement selon la liste proposée en préalableau débat de Monterrey [CIFD, 2002], liste àlaquelle la Francophonie devrait rajouter la diver-sité linguistique et culturelle.

Ce sont des débats qui interpellent profondé-ment les valeurs et les approches culturelles.

QUESTIONS LIÉES À LA PARTICIPATIONFRANCOPHONE AU DÉBAT INTERNATIONAL 1. La notion de développement durable est-elle bien

comprise dans la Francophonie dans l’ensemblede ses dimensions, où reste-t-elle limitée àl’unique aspect environnemental?

2. Les débats du développement durable imprè-gnent-ils assez le plus haut niveau politique desinstitutions francophones, comme le Sommet deschefs d’État, et les priorités des organes de l’OIF?

3. Inversement, comment la communauté franco-phone peut-elle faire un apport original au débatmondial sur le développement durable, notam-ment sur le périmètre des droits nouveaux, desbiens publics et des institutions?

4. Comment organiser l’accès à l’information etfaciliter la participation des pays francophonesaux débats internationaux compte tenu de ladomination de la langue anglaise?

COMMENT METTRE EN ŒUVRE LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ? Il y a maintenant un large consensus pour fairereposer le développement durable sur quatre piliers :économie, social, environnement et gouvernance.Alors que les politiques et les programmes sont engénéral sectoriels, le développement durable impliqueune intégration de ces champs en amont de toutedécision. Pour mettre en œuvre ce principe, lesNations Unies ont proposé différentes orienta-tions tant au niveau national que local.

• Les gouvernements devraient adopter une stra-tégie nationale de développement durable, réunis-sant dans un ensemble cohérent les différentsplans et politiques sectoriels. Élaborée avec laparticipation la plus large possible, elle devraits’appuyer sur une évaluation détaillée de la situa-tion et des tendances actuelles (Agenda 21 §8.1)[CNUED, 1992].

• Les collectivités locales devraient mettre en placedes Agendas 21 locaux, mécanismes de consulta-tion de la population pour parvenir à un con-sensus sur un programme Action 21 à l’échelon dela collectivité et la communauté internationaledevrait développer la coopération technique entreles collectivités locales (Agenda 21 §28.2).

• Les États membres, devraient employer des indi-cateurs de développement durable dans leurs pro-cessus de prise de décisions et leurs programmesde planification, fondés sur une comptabilité éco-logique et économique intégrée, reposant sur unecollecte des données écologiques, économiques etsociales (Agenda 21 §8.44). Mais les États ne sontpas les seuls concernés, au §40.4 l’Agenda 21recommande en effet d’élaborer des indicateursdu développement durable afin qu’ils constituentune base utile pour la prise de décisions à tous lesniveaux et contribuent à la durabilité autorégu-latrice des systèmes intégrés de l’environnementet du développement.

• Il faut encourager la mise en place de mécanismesd’établissement de réseaux et de coordination entreles nombreuses parties prenantes pour le partagede données d’expérience et d’information sur les

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projets de développement durable (Agenda 21§40.24).

Depuis la rédaction de l’Agenda 21 il y a dix ans,ces différentes propositions ont été précisées et misesen œuvre avec plus ou moins de succès. Il est tempsd’évaluer les réalisations, d’identifier les expériencesexemplaires et les obstacles rencontrés, et de consi-dérer pour cela l’apport de la coopération franco-phone.

Des «profils pays» ont été élaborés par les NationsUnies en s’appuyant sur les questionnaires remplis parles pays pour chaque session annuelle de laCommission du développement durable des NationsUnies. Une synthèse est menée actuellement pourservir d’illustration de la contribution des pays fran-cophones au développement durable1.

Différents réseaux de villes se sont mobilisés pourles échanges d’expériences sur la mise en œuvre desAgendas 21 locaux, d’autres se sont constitués spéci-fiquement. L’objectif de la réalisation de ces Agendas21 locaux en 1996 est loin d’être atteint car les villesayant adopté un Agenda 21 local qui intègre réelle-ment les stratégies économiques, sociales et environ-nementales ont rencontré des obstacles forts : la dif-ficulté de positionner l’environnement au niveaustratégique dans les décisions, la difficulté pour les éluset les administrations de mettre en place des pro-cessus réellement concertatifs et enfin la difficultéd’intégrer l’information, notamment les indicateursde développement durable, dans le processus de déci-sion. Une difficulté spécifique a été rencontrée dufait de l’usage quasi exclusif de la langue anglaisedans ces réseaux internationaux.

Après un premier exercice qui avait permis detester la première batterie d’indicateurs du dévelop-pement durable2, en 2000 les Nations Unies ont fina-lement retenu 58 indicateurs de développementdurable : 19 dans le domaine social (équité, santé,éducation, logement, sécurité, population) ; 19 pourl’environnement (atmosphère, terre, océan, mers etzones côtières, eau douce, biodiversité) ; 6 pour les ins-titutions (structure et capacité institutionnelle) et 14pour l’économie (structure économique, modes deproduction et de consommation) [UNDSD, 2000].Ces indicateurs semblent rarement utilisés pour la

mise en œuvre des stratégies nationales de dévelop-pement durable ou des Agendas 21 locaux.

QUESTIONS LIÉES À LA MISE EN ŒUVRE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE 5. Comment fonder le développement durable: des

principes éthiques, de nouveaux droits, de nou-veaux mécanismes financiers, de nouvelles insti-tutions?

6. Quels sont les obstacles rencontrés et les expé-riences exemplaires menées par les pays franco-phones pour l’élaboration des stratégies natio-nales?

7. Comment aider à la mise en place des procé-dures d’Agendas 21 locaux? Quels mécanismes,quels processus et quels systèmes d’information?

8. Quel est l’usage des indicateurs de développe-ment durable dans les pays francophones et quelssont les obstacles à leur application?

9. Quels sont les problèmes rencontrés dans la col-lecte de l’information de base, sa maintenance etle statut de bien public de cette information debase?

10. Une fois renseignés, comment utiliser les indica-teurs dans la prise de décision: leur présentationet mise en forme?

11. Comment développer les coopérations franco-phones sur ces thèmes, aux niveaux multilatéral,bilatéral mais aussi de la coopération décentra-lisée?

Mais la multiplication du nombre des indica-teurs et la complexité des procédures risquent decacher l’enjeu fondamental du développementdurable : tenir compte de la capacité de charge de laplanète pour réorienter le développement, les tech-nologies et l’organisation sociale. La mise en œuvredu développement durable repose sur une volontépartagée, c’est-à-dire un diagnostic et une combi-naison de connaissances et de choix éthiques.

161 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

1. Contact : Aissatou Thioubou <[email protected]>2. Exercice pour lequel notamment la France et la Tunisie ont

coopéré.

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LA CONTRIBUTION DE LA CONNAISSANCEPOUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLELa capacité de l’environnement à supporter le déve-loppement est limitée; le développement doit tenircompte de la capacité de charge des milieux. La hau-teur de l’exigence est souvent oubliée au profit dediscours se limitant au niveau des bonnes intentions.

Bert Bolin le premier président du GIEC3 [YPER-SELE, 1998] recommandait la stabilisation le plustôt possible de la concentration des gaz à effet deserre dans l’atmosphère. Pour cela, il faudrait réduirede moitié les émissions actuelles, soit passer de1 tonne de carbone rejeté par habitant à 500 kg.L’Amérique latine et la Chine sont à peu près à ceniveau, le reste de l’Asie et l’Afrique sont à la moitiémais les Européens à 4 fois ce niveau et les Américainsdu Nord à 11 fois. Le Protocole de Kyoto qui ne pré-voyait qu’une diminution de 5 % apparaît déjàcomme inaccessible, tant du fait du retrait des États-Unis que de la difficulté des pays, notamment lespays développés, à intégrer réellement cette contraintedans leurs stratégies de développement, et pour lesautres à trouver les financements dans les domainesdes technologies et du renforcement de capacités.

On a calculé la surface terrestre ou marine bio-logiquement productive nécessaire pour produire lesressources consommées et pour absorber les déchetsrésultant de cette consommation. Cet indicateur,appelé empreinte écologique, croit à un rythme de2,5 % dans un monde dont la surface est, bienentendu, limitée. Cette croissance se fait au détri-ment des espaces naturels qui assurent la reproduc-tion de la vie et les équilibres naturels, ce qui expliquel’érosion de la biodiversité de 1% par an. Selon cer-tains experts, le seuil tolérable, voisin de 2,1 ha parpersonne, aurait été dépassé dès les années 1970. Or,un américain moyen consomme 6 fois cette surface,un européen 3 fois et la moitié des peuples de la pla-nète sont en dessous de ce seuil [WWF, 2000].

Le développement durable doit donc être moinstributaire des ressources limitées de la planète et plusen harmonie avec sa capacité de charge (Agenda 21§4.11). Ce sont ces considérations qui ont conduit laCommission du développement durable des NationsUnies à considérer qu’il faudrait diminuer, dans les

pays développés, les émissions de polluants et lesconsommations d’énergie d’un facteur 4 dans les20 prochaines années et d’un facteur 10 à horizon de50 ans [AG ONU 1997]. Cet objectif ne peut êtreatteint que par une évolution profonde des techno-logies et de l’organisation sociale.

Cette problématique implique un diagnosticscientifique correct, le transfert de ce diagnostic à lasociété et aux décideurs et enfin le financement et lamise en œuvre de solutions : processus politiquescomme les Agendas 21 locaux ou techniques (énergie,eau…). Certaines questions font l’objet de conven-tions internationales et d’autres non, mais l’ensembledes problématiques est lié. La gestion des puits de car-bone dans le cadre de la convention sur les change-ments climatiques a une interaction forte avec la bio-diversité, voire la lutte contre la désertification. Cetteintégration pose autant des problèmes scientifiquesqu’institutionnels (relations entre les conventionsinternationales).

Il est en effet difficile d’établir des diagnosticscroisés sur des questions qui appartiennent à des dis-ciplines différentes. La figure 1 illustre cette diffi-culté. Au niveau global, les problèmes perçus sontceux des conventions (biodiversité, climat et déserti-fication) mais au niveau local on perçoit ces pro-blèmes sous l’angle de la gestion des ressources : ter-ritoire et gestion des terres, énergie, eau… Cesproblèmes sont inévitablement aujourd’hui à l’ordredu jour international, notamment les problèmesd’énergie et d’eau, qui sont imparfaitement couvertspar les institutions et les mécanismes de finance-ments. Pour une problématique comme l’eau, quiest essentielle pour la majorité des populations de laplanète et doit faire l’objet de politiques plus locales,certains proposent la mise en place d’une convention.Est-ce la seule solution? Et surtout comment appro-cher ces problèmes de façon intégrée?

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3. Groupe Interministériel des Experts sur les ChangementsClimatiques (IPCC en anglais).

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Figure 1Liens entre les problématiques

La gestion de ces problématiques pose à la fois desproblèmes scientifiques, pour élaborer les diagnostics,et institutionnels depuis le niveau mondial avec lesconventions, jusqu’aux stratégies intégrées locale-ment. Cette coordination est nécessaire dans undomaine comme l’information. L’obligation faite auxpays de collecter des informations pour chacune desconventions internationales pourrait avec intérêt ren-forcer les systèmes d’observation et d’informationlocaux. Cette information traitée et mise en formedoit être intégrée dans le système de décision auxniveaux nationaux et locaux et largement diffuséeaux populations à travers la sensibilisation et l’édu-cation. Elle devrait être encadrée dans un systèmeconventionnel qui garantisse l’accès à l’information[Aarhus, 1998].

Sur le plan de la sensibilisation, un réseau fran-cophone d’éducation à l’environnement est en pleindéveloppement (PlanetERE). Il convient sans doutede mieux le coordonner avec les stratégies de déve-loppement durable internationales et nationales etaux activités scientifiques.

QUESTIONS LIÉES AU DIAGNOSTIC ET À LA SENSIBILISATION 12. Le développement de la capacité sur l’identifica-

tion des facteurs critiques et les relations entre lesproblèmes, doivent reposer sur des réseaux scien-tifiques. Les pays francophones sont-ils suffi-samment intégrés dans ces réseaux qui travaillentprincipalement en langue anglaise?

13. Comment développer des observatoires assurantdiagnostic et transfert de l’information, commel’initiative française d’observatoire des change-ments climatiques qui devrait affiner le diagnosticet permettre l’observation des premiers change-ments (zones insulaires, zones arides)?

14. Quels sont les cadres les plus souhaitables pourréguler les problèmes qui ne font pas encorel’objet de conventions comme l’énergie et l’eau?

15. Comment organiser les relations entre les conven-tions pour qu’elles aboutissent à une synergieentre les politiques menées sur le terrain?

16. Comment faire en sorte que les informations col-lectées pour les conventions, et grâce aux sys-tèmes d’observation globaux (satellites), s’intè-grent dans les systèmes d’information utilisésdans les processus de décision?

17. Comment mieux articuler le réseau francophoned’éducation à l’environnement en amont avec lacommunauté scientifique et ses diagnostics, eten aval avec la mise en œuvre des politiques (cul-ture scientifique et technique, mise en œuvre desAgendas 21 locaux) ?

Les changements du climat, l’augmentation desrisques de catastrophes, la fragilisation des espacesporteurs de biodiversité nous obligent à nous inter-roger sur l’adaptation de nos stratégies de dévelop-pement. Quels exemples apparaissent les plus porteurspour favoriser cette adaptation? La mise en œuvre etla diffusion des technologies ou la prise en compte dudiagnostic dans la prise de décision nécessitent denouvelles approches. Ce champ ne se limite pas à latechnologie, mais considère aussi l’ingénierie sociale,le «génie des procédures» au même niveau que le géniedes procédés, et le génie écologique. Les solutionsdoivent s’appuyer sur une combinaison de différentesdisciplines scientifiques.

On considère souvent les bonnes pratiquescomme un moyen de faire progresser par l’exemplevers le développement durable. Par bonnes pratiques,on entend un ensemble de conditions de mise enœuvre de projets pour lesquels on optimise les enjeuxpatrimoniaux, sociaux et économiques, leur compa-tibilité, leurs poids respectifs et leur pérennité. Il est

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territoire

énergie eau

forêt

biodiversité

climat

problématiqueset conventionsglobales

problématiquesrégionaleset locales

désertification

irrigation

ripisylve

zones humidesbo

is de

feubo

is de

feu

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indispensable de partir de projets concrets qui seréclament du développement durable pour en ana-lyser les enjeux et les objectifs environnementaux,économiques et sociaux, et de décrire la cohérence duprojet par rapport au contexte sociopolitique.

Il existe de nombreuses bases de données d’étudesde cas, dont l’accumulation n’en fait pas la qualité. Ilconvient de les évaluer selon différents critères :

• de l’opération avec les enjeux stratégiques du ter-ritoire ou de l’organisation, et prise en compte defaçon intégrée des trois pôles, économique, socialet environnemental ;

• Gouvernance: processus de concertation, d’im-plication de parties intéressées et d’évaluation;

• Transférabilité: l’expérience est susceptible d’êtretransférée et à quelles conditions;

• Viabilité de long terme: par rapport au passé ouestimée dans le futur;

• Prise en compte de facteurs critiques: liés à unpatrimoine naturel ou culturel critique, au prin-cipe de précaution, ou autres critères d’excep-tion.

Une collecte de bonnes pratiques est en cours ausein de la Francophonie4.

Il convient aussi de penser l’organisation du trans-fert des bonnes pratiques, notamment à travers descentres de ressources permettant l’accompagnementdes initiatives sur le terrain.

QUESTIONS LIÉES À LA DIFFUSION DES PRATIQUES DE DÉVELOPPEMENTDURABLE 18. Comment mettre en place des réseaux transdis-

ciplinaires capables d’accompagner les projets(recherche action) ?

19. Comment maintenir des bases de données debonnes pratiques ainsi que les conditions de leurdiffusion et transfert à travers des centres de res-sources proches des utilisateurs?

Sur toutes ces questions, l’information est un élé-ment essentiel. Différents projets visent à développerdes réseaux (RESIDD, liste de diffusion Médiaterre),donner accès aux débats internationaux (Bulletin desNégociations de la Terre, Objectif Terre), mettre enplace des sites Internet (RESIDD)…

QUESTIONS LIÉES AUX SYSTÈMESD’INFORMATION POUR LA DÉCISION 20. Comment les systèmes actuels d’information en

langue française notamment sur Internet sont-ilsappréciés, utilisés ? Quelles améliorations sontnécessaires notamment pour assurer une cou-verture géographique et thématique plus com-plète?

21. Comment assurer le fonctionnement et le finan-cement pérenne de systèmes d’information auservice de l’ensemble de la communauté delangue française : administration et pouvoirspublics, scientifiques, associations et secteur éco-nomique?

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4. Pour faciliter la présentation sur le site http://www.sommetjohannesburg.org/ ainsi que la rédaction des cas quiseront ensuite publiés, un plan de fiche type est proposé etdisponible à l’adresse : http://www.sommetjohannesburg.org/initiatives/frame-bp.html. Il se rapproche du format desdocuments publiés par les Nations Unies. Les contributionspeuvent être spontanées ou par l’intermédiaire d’organismesou d’associations qui en assurent l’évaluation. Responsablede la collecte : Melle Aissatou THIOUBOU : [email protected].

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165 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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INTRODUCTION ET CONTEXTE Depuis longtemps, l’observation de la Terre fait partiede la démarche de l’Humanité et de son effort desurvie et d’adaptation dans un environnement qui nelui est pas toujours favorable. Elle a d’abord été uti-lisée comme un outil stratégique pour acquérir uneinformation réservée à des militaires ou à une élite aupouvoir. Ses méthodes et ses actions ont suivi le déve-loppement technologique de nos sociétés et si de nosjours elle se fait à l’aide de satellites et d’ordinateurs,elle s’appuie toujours sur la connaissance et laconscience que les humains peuvent avoir de leurmilieu. Des premières photographies aériennes prisesdepuis des montgolfières durant le siège de Paris en1870 et utilisées pour organiser la défense, jusqu’auxsatellites actuels dont les données alimentent lesmodèles de changements climatiques et de compor-tement des écosystèmes, l’observation de la Terre,appelée aussi télédétection, est devenue une scienceen soi, mais dont la nature est remarquablementinterdisciplinaire.

Elle se situe à la convergence des sciences spatiales(physique, opto-électronique, satellites), de l’infor-matique (traitement d’images, géomatique) et del’environnement (sciences de la Terre et de l’atmo-sphère, biosphère, écosystèmes). Elle constitue undes outils principaux pour l’étude et la compréhen-sion des changements climatiques et environnemen-taux qui affectent notre Planète. Elle permet aussid’évaluer l’impact des activités humaines sur l’envi-ronnement et de définir des scénarios de correctionou de modification de ces effets sous la forme d’ou-tils d’aide à la décision. Par opposition au télescope,destiné à voir l’infiniment grand et au microscope,

destiné à l’infiniment petit, on peut, à la manière deJoël de Rosnay (1975), définir la télédétection commeun «macroscope», un outil pour observer et com-prendre l’infiniment complexe (Bonn et Rochon,1992). Les changements climatiques, la crise annoncéede l’eau potable, la dégradation des sols, l’expansionurbaine, la déforestation tropicale, la désertification,la pollution littorale et l’apparition de nouvelles mala-dies liées à l’environnement sont autant de champsd’actions dans lesquels l’observation de la Terre peutapporter des solutions.

L’observation systématique de la Terre par lessatellites remonte à une trentaine d’années. C’est eneffet en 1972 que le satellite ERTS-1, rebaptiséLANDSAT par la suite, a été mis en orbite par lesÉtats-Unis. Depuis ce temps, plusieurs satellites d’ob-servation de la Terre se sont succédé, avec des missionsde plus en plus ciblées et des capteurs de plus en plusperformants. La multiplication des satellites de télé-détection a favorisé l’émergence des grands pro-grammes internationaux de recherche sur les chan-gements qui affectent notre planète. Mentionnonsentre autres : International Geosphere-BiosphereProgram (IGBP), Land Use land Cover Change(LUCC), Global Monitoring of Environment andSecurity (GMES), Committee on Earth Observationsatellites (CEOS), Protocole de Kyoto, etc. Ces pro-grammes visent à nous aider à mieux comprendre lessystèmes complexes qui régissent le fonctionnementde notre planète.

L’accessibilité des données, la transformation deces données en une information utile pour les ges-tionnaires du milieu et l’aptitude des utilisateurs à seservir de cette information sont donc des éléments

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Télédétection et suivi des changements des vocations des terresFerdinand BONN

Professeur, titulaire de la Chaire de Recherche du Canada en Observation de la Terre (CARTEL) Université de Sherbrooke, Québec, Canada

ATELIER 6 – Études de cas

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clés pour une gestion intelligente des ressources natu-relles. En effet, si les prises de conscience des pro-blèmes des changements environnementaux se situentau niveau global, les actions requises pour corriger cestendances se situent nécessairement au niveau local,là où l’intervention sur le milieu est humainementpossible. Dans le contexte des relations entre paysdu Nord et du Sud, l’accès aux données d’observationde la Terre jusqu’au niveau des communautés les plusisolées est souhaitable, mais pas toujours possible.

Une partie de ces difficultés provient des poli-tiques commerciales qui gouvernent l’accès aux don-nées satellitaires (prix, réseaux de distribution,connexions Internet) et qui sont souvent dictées parles pays du Nord. Au courant des années 1980, dansla ligne des courants du néo-libéralisme des gouver-nements occidentaux conservateurs (Thatcher,Reagan, Mulroney) on a cherché à privatiser aumaximum la distribution des données, ce qui aentraîné une hausse considérable des prix des images,jusqu’à 1 $/km2 avec SPOT. Les principaux utilisateursétant des gouvernements, on finit donc par payerdeux fois les mêmes données puisque ce sont cesmêmes gouvernements qui ont absorbé les coûtsreliés à la fabrication et au lancement des satellites.Comme les études de changement des vocations desterres requièrent des séries chronologiques d’images,les coûts liés à l’acquisition des données devenaientprohibitifs. Heureusement, cette tendance a changérécemment, avec des satellites comme LANDSAT-7dont les données à 15 m de résolution se vendent àmoins de 0,02 $/km2 et peuvent être reproduites sansdroits, et les nombreux satellites scientifiques dont lesdonnées sont gratuites. Par contre, les données dessatellites commerciaux à très haute résolution spatialede l’ordre du mètre continuent à se vendre à des prixqui se rapprochent de ceux des photographiesaériennes, aux environs de 30 $/km2.

Mais les pays du Sud eux-mêmes mettent desbarrières pour l’accès à l’information, par un contrôlegouvernemental sur des données spatiales qui sontperçues comme «stratégiques», qu’il s’agisse de cartestopographiques, de photographies aériennes oud’images spatiales, souvent gérées par des centresnationaux sous contrôle militaire. À cela il fautrajouter le fait que dans plusieurs pays du Sud, l’accès

à cette information est perçu comme une source depouvoir ou de prestige au niveau national, et qu’ilouvre la porte à des contacts privilégiés avec des orga-nismes internationaux générateurs de voyages poten-tiels et de per diems intéressants. Les pays du Nordsont souvent complices de cet état de fait, qui s’est tra-duit dans plusieurs cas par la mise en place de «dino-saures technologiques» vite dépassés parce que troplourds, peu flexibles et réservés à une élite (Bonn,1994). Mais parmi les effets positifs du développementde l’observation de la Terre au niveau international,il y a le fait que les utilisateurs sont de mieux enmieux formés, qu’ils savent manipuler ces informa-tions numériques et qu’ils commettent de moins enmoins d’erreurs grossières dans leurs interprétationsdes changements.

En 2002, on ne voit presque plus d’utilisateurs quiinterprètent des modifications qui sont dues auxvariations de la transparence de l’atmosphère aumoment de l’acquisition des images, comme une ten-dance à la désertification ou a une modification debiomasse, alors que cela était fréquent il y a unedizaine d’années. Nous avons donc de nos jours touteune classe d’experts en observation de la Terre et engéomatique qui a été mise en place à travers le mondeet en particulier dans les pays du Sud. Ce développe-ment des ressources humaines est sans doute unedes conséquences les plus positives de tous les effortsinternationaux dans ce domaine, et ces gens serontcapables d’apporter aux décideurs de demain lesinformations utiles pour assurer une meilleure gou-vernance.

PRÉVISION DES CONSÉQUENCES DESCHANGEMENTS DES VOCATIONS DES TERRESET AIDE À LA DÉCISION EN ENVIRONNEMENT Les changements des vocations des terres sont parmiles informations les plus utiles pour pourvoir analyserles tendances d’évolution de l’environnement à l’ho-rizon 2012. Ils affectent l’albédo de la surface, la capa-cité de rétention en eau, la séquestration du carbone,la résistance des sols à l’érosion et les risques d’inon-dations et de sécheresses. Mais cette analyse doit sefaire d’une manière rigoureuse, systématique etvalidée pour éviter des fausses interprétations. Il y a

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donc encore de la recherche à faire pour que les don-nées issues des satellites soient transformées en uneinformation intelligente, utilisable pour la prévisionet la gestion de l’environnement. C’est au niveau del’extraction de l’information, de son étalonnage, de savalidation et de son intégration aux systèmes géo-matiques d’aide à la décision que se situent les besoinsprincipaux de recherche en observation de la Terre.Cela constitue un défi scientifique majeur pour lacommunauté scientifique, mais les résultats robustessont de plus en plus présents et l’on peut les mettreen relation avec les politiques de gestion du milieu etles enjeux de dimension planétaire aussi bien querégionale et locale. Pour illustrer ce fait, nous pré-senterons ici deux exemples: la déforestation accéléréesur les plateaux centraux du Viêtnam et l’augmenta-tion des inondations catastrophiques dans les régionsagricoles en Europe.

La zone des plateaux centraux du Viêtnam a étéidentifiée par plusieurs projets internationaux(TREES, 1996) comme étant un des points chauds dela déforestation dans le monde. Dans la province deLam Dong, par exemple, la couverture forestière adiminué de 40% entre 1960 et 1996 (De Koninck,1998).

L’analyse diachronique des images satellitairespermet de localiser les secteurs où cette déforestationest la plus rapide. Si on combine cette identificationavec une analyse spatiale des distances de transportrequises pour sortir le bois de la forêt et du cadreréglementaire national, on peut se rendre compteque, dans cette région, la déforestation a ralenti depuis1996, quand le gouvernement a mis en place une loide protection des forêts primitives et des gardes pourla faire appliquer. Mais on constate aussi que celacorrespond à une baisse mondiale des cours du café(Pham, 2001).

En combinant toutes ces informations dans unsystème d’information géographique, on peut déve-lopper des scénarios pour le futur et identifier lessecteurs qui seront le plus probablement affectés parla déforestation future sous la forme d’une carte derisque. Cette carte, présentée aux gestionnaires régio-naux, leur permettra de prendre des décisions pluséclairées et de cibler leurs mesures de priorité enmatière de protection de la forêt. L’observation de la

Terre par les satellites ne se substitue pas aux méca-nismes habituels de décision, elle vient leur apporterdes outils plus objectifs et géographiquement localisés.

Le deuxième exemple est celui de la prévisiondes risques d’inondation en Europe à partir des satel-lites d’observation de la Terre dans le domaineoptique et dans le domaine du radar. Dans le cadre du4e programme-cadre européen de recherche, la ques-tion du ruissellement excessif sur les territoires agri-coles a été abordée par le projet FLOODGEN (King,2000). Ce projet a utilisé la télédétection spatiale pourchercher à expliquer pourquoi les inondations catas-trophiques avaient augmenté au cours des 20 der-nières années dans le Nord-Ouest de l’Europe alorsque les précipitations étaient restées relativementconstantes.

Les agronomes soupçonnaient déjà le rôle deschangements récents de l’utilisation du sol. Dans desrégions comme la Haute-Normandie, le remembre-ment des terres, la suppression des haies et le rem-placement des pâturages par des grandes culturescéréalières et fourragères a modifié considérablementle comportement hydrologique des terres agricoles, enfavorisant le ruissellement excessif au détriment del’infiltration. Ce ruissellement vient par la suite aug-menter le volume et la brutalité des crues, ce qui setraduit par des inondations accrues en aval et uneaugmentation notable des déclarations de sinistres aucours des dernières années.

Les satellites radars comme le satellite canadienRADARSAT-1 permettent de voir le terrain à traversles nuages, de jour comme de nuit. Sur les sols nus, fré-quents dans ces régions en hiver, RADARSAT permetde mesurer la rugosité de la surface du sol et sonhumidité. Cette information est ensuite fournie auxhydrologues qui la traduisent en paramètres que leursmodèles de prévision des crues peuvent assimiler etcela leur permet donc d’avoir une meilleure prévisiondes inondations à partir d’une meilleure connais-sance des états de surface des bassins versants.

168Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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CONCLUSIONLes méthodes d’observation de la Terre depuis l’espaceont fait des progrès considérables au cours des der-nières années. Elles ont gagné en précision, en fiabi-lité, elles font bien plus que de produire des bellesimages. Bien utilisées, calibrées, validées et intégréesà la géomatique, elles permettent de fournir uneinformation aussi objective que possible sur les chan-gements de l’utilisation du sol. Mais de plus elles per-mettent de développer des scénarios et des cartes derisques pour le futur. Dans le cadre de la préparationau Sommet de Johannesburg, les pays francophonesdu Sud devraient exiger une meilleure accessibilité auxdonnées d’observation de la Terre. Très souvent, cesdonnées existent, stockées et parfois inutilisées dansdes services ou des entreprises des pays du Nord.Près de 90% des images de télédétection acquisesdepuis 1972 n’ont jamais été utilisées. Mais ellesconstituent une archive de premier plan pourobserver et comprendre les changements qui affectentnotre planète à tous les niveaux. Maintenant que l’onsait les utiliser de manière plus efficace et plus fiable,que les outils d’analyse tournent sur des micro-ordi-nateurs ordinaires, ces images ont encore tout unavenir devant elles et leur utilisation pourrait atteindrele niveau local. C’est là que, au-delà des discours surle changement planétaire, il est possible de mettreen action les principes du développement durable.

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169 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 182: Colloque International Francophonie et développement durable

Maroc

Le Maghreb est caractérisé par son aridité et parla limite de ses ressources naturelles et leur dégrada-tion croissante. La démographie de la région estimportante. L’urbanisation est rapide et parfois anar-chique.

Le développement socio-économique des troispays de la région s’est fait sur des choix économiqueset des secteurs de production différents : l’Algériedéveloppe son secteur industriel, le Maroc le secteurde l’agriculture et de la pêche et la Tunisie centre sesefforts sur le secteur tertiaire.

Les émissions de gaz à effet de serre sont faibles :moins de 3 TECO2 par habitant et par an.

Les ressources en eau sont rares et parfois demauvaise qualité. L’utilisation principale est l’agri-culture (80%). Les trois pays sont considérés «à stresshydrique». Le niveau des nappes est en forte baisse eton remarque une salinisation de certaines nappescôtières.

La région est également marquée par une forte

érosion et une désertification accélérée, particulière-ment au sud de la région. L’environnement urbain estfortement dégradé: habitats insalubres, assainisse-ment peu performant et qualité de l’air critique. Le lit-toral est surexploité notamment les ressources halieu-tiques. Des rejets divers polluent les eaux côtières.

ÉVOLUTION DU CLIMAT Le climat s’est réchauffé d’un degré durant le20e siècle. Ce réchauffement est particulièrement per-ceptible depuis les années 1960 au Maroc et dansl’Ouest de l’Algérie. On remarque également uneforte baisse des précipitations et un accroissementde la fréquence des sécheresses.

Le conférencier passe en revue les impacts d’autreschangements climatiques prévisibles. Il met l’accentsur les nécessaires stratégies d’adaptation qu’il faudraprévoir ; l’eau, l’agriculture et le littoral font l’objetd’une présentation approfondie.

170Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Le Maghreb face aux changements climatiques Ali AGOUMI

Professeur à l’École Hassania des Travaux publics, MarocProjet PNUD/FEM maghrébin sur les changements climatiques

ATELIER 6 – Études de cas

* Résumé de l’intervention de Monsieur AGOUMI réalisé àpartir de ses diapositives.

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Trente ans environ de droit international de l’envi-ronnement, depuis la tenue de la Conférence deStockholm en 1972, semblaient avoir façonné dura-blement le champ de la protection de l’environne-ment mondial. Articulée autour du concept de «pré-servation de l’environnement », l’ère écologiquemoderne, qui date de la fin des années 1960, introduitune nouvelle thématique dans l’ordre internationalsous la forme d’une nouvelle valeur sociale interna-tionale. Dans le même temps, elle inscrit cette nouvelleexigence dans une démarche conservationniste. Ils’agit ainsi de s’opposer à la logique naturelle imposéepar l’internationalisation: celle du libre accès. Plusexactement, le droit international de l’environnementreposait sur une internationalisation négative qui pro-hibait l’action des mécanismes internationaux surcertains biens et activités. D’où le développement deconventions dites de 1re génération: zones humidesd’importance internationale, patrimoine mondial cul-turel et naturel et Cités dont l’objectif est d’abord depréserver l’environnement de l’homme.

La complexité des questions environnementalesentraîne une première évolution de ce schéma, enimposant, face aux limites inhérentes à la dimensionsectorielle classique, une perspective transversale.L’intérêt de cette dernière est de mettre en lumièrel’unité profonde qui existe entre les divers secteurslaquelle repose par ailleurs sur toute une série d’in-teractions, parfois invisibles, dont la modification,notamment du fait de la dégradation, a pour effet demodifier l’intégrité de l’environnement global.Toutefois, la perspective transversale, que l’on peutqualifier de transition, demeure marquée par le pointde vue des secteurs environnementaux qu’elle permet

de superposer les uns par rapport aux autres en vuede faire ressortir la solidarité qui leur est inhérente.

La problématique du développement durable aprofondément modifié ce schéma. En établissant unlien entre environnement et développement, elle nepermet pas seulement le dépassement de l’alternative«environnement ou survie»; elle donne un coup devieux à l’ancien droit en l’invitant à créer de nouvellesrègles, plus conformes à l’évolution en cours. Il s’agitlà d’une véritable révolution juridique qui sembletoutefois difficile à envisager. Tout d’abord, elle porteen germe, paradoxalement, la disparition du droitde l’environnement, du moins sa dilution dans undroit du développement durable dont on ne voitpourtant guère les éléments constitutifs, au-delà de lasimple invocation litanique des «piliers» du déve-loppement durable. Ensuite, elle introduit les ques-tions environnementales au cœur de la constructiond’un nouvel ordre de puissance international, éco-nomique et stratégique dont elles deviennent l’enjeucentral et que, précisément leur planétarisation acontribué à favoriser. Il en est ainsi de la recherched’une nouvelle domination des mers en 1982 (parl’emprise territoriale et la liberté d’exploitation de la«Zone» et des eaux surjacentes). Il en est de même desenjeux économiques de la disparition des substancesappauvrissantes de la couche d’ozone dans le cadre dusystème de Vienne/Montréal ou de la lutte contre lesmouvements transfrontières de déchets dangereuxpar la convention de Bâle de 1989. Il en est enfin demême des enjeux économiques des trois dynamiquesglobales de Rio 92: biodiversité, changements clima-tiques et enjeux socio-économiques de la désertifi-cation.

171 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Le droit de l’environnement et l’adaptation aux changements planétairesStéphane DOUMBÉ-BILLÉ

Professeur à l’Université Jean Moulin – Lyon 3Réseau «Droit de l’environnement» de l’AUF

ATELIER 6 – Études de cas

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Cette révolution pose également le problème dela prise en charge constitutionnelle des questionsglobales face à un ordre traditionnel marqué par laspécialité des fonctions et l’autonomie des décisions.La révolution juridique aura cependant lieu carl’adaptation aux changements globaux a fait ressortirdeux séries de priorités juridiques : priorité de ladimension juridique du développement durable quiimpose que le droit de l’environnement classiquedevienne lui-même plus global ou plus exactementqu’il devienne plus sensible aux questions globales ;qu’à cet égard, il intègre les diverses questions éco-nomique, sociale et même culturelle qui constituentdésormais ce qu’il est convenu, dans la tentativeactuelle de systématisation politique du concept, dequalifier de «piliers du développement durable». Ledroit de la protection se transformerait ainsi en undroit de gestion invité à garantir de l’intérieur, à partirde ses propres préoccupations, l’exploitation et l’uti-lisation durables des ressources environnementales.Droit essentiellement de l’action étatique, le droit del’environnement doit par ailleurs se démocratiser etdevenir un droit de participation des citoyens à la ges-tion de leur environnement, avec comme pendant unrenforcement des procédures devant permettre lajusticiabilité des atteintes à l’environnement par unmeilleur accès à la justice.

Priorité ensuite de la réforme juridique qui doitpermettre au droit de se doter à la fois de règles adap-tées à la gestion des questions environnementales etd’institutions susceptibles de favoriser un nouvelencadrement de cette gestion, qu’il est convenu dedésigner sous le vocable mal choisi mais désormais envigueur de «gouvernance environnementale».

C’est autour de cette double problématique ques’articule aujourd’hui la réflexion sur l’évolution dudroit de l’environnement face à l’adaptation nécessaireaux changements planétaires. Ceux-ci imposent indis-cutablement des révolutions du droit qui constituenten soi, comme l’on dit souvent, une véritable révo-lution juridique dont il faut saisir les enjeux. Sonimportance n’est guère contestable, ne serait-ce du faitdes priorités juridiques qu’elle fait naître, lesquellespermettent en retour, par le biais d’une réforme juri-dique appropriée, une adaptation du droit de l’envi-ronnement aux changements planétaires.

LES ENJEUX D’UNE RÉVOLUTION JURIDIQUENÉCESSAIRE Que le droit international de l’environnement doives’adapter aux changements planétaires ne souffreguère l’évidence. Ceux-ci, ainsi qu’il est largementdémontré dans le rapport général de M. ChristianBrodhag, imposent le poids et le rythme de la néces-sité et font peser sur l’environnement mondial l’hy-pothèque d’une irréversibilité des dégradations quel’on ne saurait ignorer sans prendre le risque demettre en cause l’intégrité de la planète et la vie de seshabitants. C’est dire que le droit international, expres-sion formalisée des règles issues de la coopérationinternationale, ne peut à son tour échapper à l’obli-gation de fournir une réponse adaptée, de caractèrenormatif et institutionnel. Celle-ci n’est pourtant passimple ni même évidente à concevoir.

C’est qu’en effet, celle-ci découle d’enjeux com-plexes qui conditionnent en définitive son contenuconcret de manière à la fois négative et positive. Cesenjeux sont en effet de deux ordres. Le premier, quiapparaît essentiellement comme une contrainte, estlié au classicisme du droit international de l’envi-ronnement considéré historiquement comme uneréponse à des problèmes sectoriels. Quant au second,plutôt tourné vers l’avenir et porteur à ce titre d’es-poir, il tient à l’exigence d’une conception globaledu droit confronté à la pression des changementsplanétaires.

Le droit international de l’environnement classique:une réponse à des problèmes sectoriels Il n’est pas besoin d’être particulièrement long pourrendre compte d’une phase désormais historique dudéveloppement de la protection juridique interna-tionale de l’environnement. Celle-ci continue du restede jouer un rôle non négligeable dans la compré-hension, notamment politique, des données de cetteprotection désormais confrontée à une nouvelledimension, de caractère mondiale, des problèmesenvironnementaux. Celle-ci correspond à ce qu’unauteur particulièrement autorisé a qualifié de «débutsde l’ère écologique moderne1 ».

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Il s’agit sous cette expression de désigner le «1er âge» de la protection, ce moment de jaillisse-ment d’une évolution souterraine de près d’un siècle,exactement depuis l’adoption le 19 mars 1902 de laConvention de Paris sur la protection des oiseauxutiles à l’agriculture, où un certain nombre d’États sesont alors engagés dans la protection de l’environne-ment agricole. Certes, ce qui prévaut à l’époque, c’estessentiellement la protection de l’activité agricolecontre ses nuisibles. Toutefois, l’identification de cesderniers contribue fortement à l’émergence desaspects intrinsèquement écologiques de la protec-tion et ce n’est pas sans paradoxe que l’on relèveraaujourd’hui le classement de la plupart de ces nui-sibles dans des catégories d’espèces protégées.

C’est précisément, à travers cette émergence, laprimauté désormais accordée aux préoccupationsspécifiquement écologiques sur les autres aspects éco-nomiques, sociaux et culturels, qui favorise le déve-loppement de conventions internationales dites de«1re génération», celles qui forment historiquementle «1er cercle» de la protection internationale2 : zoneshumides, patrimoine mondial, culturel et naturel,commerce international des espèces sauvages mena-cées d’extinction, espèces migratrices, etc. Commel’a remarquablement montré le regretté Cyril deKlemm, l’objectif fondamental de ces conventionsest d’abord d’assurer la préservation de l’environne-ment3. On pourrait aisément ajouter que la luttecontre les «pollutions et nuisances», selon l’expressionalors consacrée, conforte cette finalité. L’on se sur-prend du reste à penser, lorsqu’on réfléchit sur uneévolution, certes importante mais désormais datée,que ce qui importe alors, c’est de combler les «casesvides» en dotant les secteurs non encore régis d’uneprotection appropriée.

Cette stratégie des «maillons» de la protection, ilfaut le répéter, est nécessaire. Elle constitue alors laréponse la plus adaptée à l’exigence d’une protec-tion internationale digne de ce que, en dépit d’une dif-ficile définition de contenu, l’on désigne sous levocable d’environnement. Il est d’ailleurs sympto-matique que les définitions tentées dans divers ins-truments internationaux, déclaratoires ou conven-tionnels de l’époque, procèdent nécessairement parénumération des secteurs de l’environnement. C’est

ce que fait la Déclaration de Stockholm en 1972 ouencore, dix ans plus tard, la Charte mondiale de lanature. Telle est également la perspective, à l’exemplede la Convention de Berne de 1979 sur la protectiondu milieu sauvage de l’Europe, des conventionsmodernes initiales. Très vite pourtant, cette stratégiea montré des limites qui tiennent pour l’essentiel à lacomplexité des problèmes environnementaux. Celle-ci tient – c’est là l’une des rares certitudes en cedomaine – au caractère transversal des processusenvironnementaux de toutes sortes, naturels ouindustriels, unis entre eux, qu’ils soient visibles ounon, par une étroite solidarité dont l’effet inattenduest de restituer à l’analyse une conception moinséclatée de l’environnement que celle plus contrastéeque livrait jusque-là son observation. Le temps d’unenouvelle étape était venu : celle d’un changementjuridique qualitatif imposait le caractère lui-mêmeglobal des phénomènes.

Changements planétaires et exigence de globalisationdu droit international de l’environnementSur ce qui constitue les changements planétaires et lesconséquences qu’ils induisent, notamment du pointde vue de l’intégrité de l’environnement mondial,l’on ne dira rien ici, nous bornant à renvoyer à l’ex-posé systématique de Christian Brodhag et aux ana-lyses d’exemples types retenus dans ce séminaire enmatière de changements climatiques et de lutte contrela désertification. Il importe toutefois, pour la clartéde la présentation de cette exigence de globalisationque les changements globaux imposent au droit, desouligner deux choses. D’une part, au sens du droit,ces changements planétaires ne sont que l’expressionde la mondialisation des problèmes d’environne-ment. D’autre part, l’exigence de globalisation

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1. Voir A. Kiss: Droit international de l’environnement, Pedone,2e éd. (en collaboration avec J.P. Beurier), 2001; v. sur cetteexpression, S. Doumbé-Billé: la genèse de l’ère écologique inJ. Fromageau et M. Cornu (eds.) : La genèse du droit de l’en-vironnement, L’Harmattan, 2001.

2. Voir S. Doumbé-Billé : La contribution du droit interna-tional à la protection de la nature, in «20 ans de protectionde la nature», en l’honneur du Professeur M. Despax, PULIM,1997.

3. Voir C. de Klemm : Voyage à l’intérieur des conventionsinternationales de protection de la nature, in «Les Hommeset l’environnement», en hommage à A. Kiss, Frison-Roche,1998.

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constitue pour le droit un nouvel enjeu, porteurd’avenir, du fait d’un changement de fond qu’elleassigne à la réglementation en imposant à celle-ciune véritable révolution – un tour complet autourd’elle-même pour en restituer par-delà son aspectfractionné une globalité à la mesure du caractèreglobal des problèmes dont elle est appelée à faciliterla résolution. C’est ce retournement complet de laréglementation internationale pour renaître à elle-même et au défi de la protection qu’elle constituedepuis sa genèse qui déterminera la capacité du droitinternational à répondre valablement à la nouvelledonne. Il s’opère sur un double plan qui traduit enréalité une double révolution.

L’exigence de la globalisation environnementaleconduit d’abord le droit international de l’environ-nement à surplomber la diversité kaléidoscopiquedes réglementations sectorielles et à se transformer enun droit de la transversalité environnementale,capable à ce titre d’encadrer valablement la com-plexité inhérente aux processus environnementaux –notamment les processus destructeurs. C’est mêmecette première démarche qui est caractéristique de ceque l’on appelle parfois la révolution environne-mentale, pour souligner que le thème de sa protectionest au carrefour de multiples dynamiques d’ordreéconomique, social et culturel et qu’à ce titre, le droitqui régit la coopération internationale environne-mentale a vocation d’être un droit de telle nature:droit-carrefour, au croisement de ces diverses dyna-miques qu’il ambitionne désormais de traduire dansla réalité juridique en tenant compte des contraintesinhérentes aux mécanismes internationaux. La géné-ralisation de la technique des traités-cadre qui carac-térise désormais l’ensemble du droit internationalconventionnel dans le domaine de l’environnementest une conséquence directe de cette «globalisationinterne» à la matière. Il s’agit désormais, dans tous lesdomaines, de déterminer par voie de conventionsinternationales des principes généraux assez faciles àfaire accepter à tous, notamment en recourant àl’adoption par consensus, quitte à procéder ensuite àune définition plus stricte d’engagements pluscontraignants progressivement souscrits par les Étatsen fonction de leur capacité à le faire. Parallèlementà cette évolution, le droit souple (soft law), construitsur des principes au départ à faible teneur juridique,

qui proviennent précisément des divers aspects trans-versaux, multiplie ses « sortilèges » (P.M. Dupuy),renforçant ainsi la dimension normative de la pro-tection par des principes politiques, économiques etsociaux qui lui sont indispensables.

L’exigence de globalisation environnementaleimpose cependant une seconde phase à la globalisa-tion dans le domaine du droit de l’environnement,d’autant plus nécessaire que celle-ci saisit l’ensembledu phénomène juridique qui se trouve désormais etsemble-t-il de manière durable confronté dans sesmultiples aspects à la mondialisation. C’est précisé-ment ici qu’intervient la thématique du développe-ment durable, dans l’articulation qu’elle fait des poli-tiques d’environnement et de développement au senslarge du terme, c’est-à-dire de développement socio-économique. Chacun connaît la définition du déve-loppement durable telle qu’elle est donnée par le rap-port Brundtland et, comme l’ont dit les détracteursdu concept, l’absence du mot «environnement» danscelle-ci organise de fait la subsidiarisation de sa pro-tection face à la logique implacable de l’économie, dela finance et du commerce. De là cette ambiguïté quel’auteur des présentes lignes a pu lui-même relever4

et qu’on lui reproche, y compris chez les juristes envi-ronnementalistes, alors que c’est le propre même denotions comme celles-là d’être ambiguës.

C’est vrai que le développement durable aurait pudevenir le cimetière des préoccupations de protectionde l’environnement, apparemment sacrifiées à l’autelde la libéralisation économique et commerciale quifavorise la libre circulation des biens environnemen-taux considérés, du point de vue du droit de l’OMC,comme des marchandises comme les autres. La pers-pective économique simplement corrigée par soncaractère durable a pour effet premier d’inscrire laprotection de l’environnement dans une perspectiveplus large qui la dépasse et dont elle n’est qu’une desnombreuses composantes. Et c’est là tout le problèmedans la mesure où tous les efforts en vue de donnerune positivité au droit de l’environnement pouvaient

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4. Voir S. Doumbé-Billé: Droit international et développementdurable, in «Les Hommes et l’environnement», en l’honneurd’A. Kiss, op. cit.

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être perdus au bénéfice d’un retour inattendu aux pré-occupations d’équité. Mais c’est précisément en celaque changements planétaires constitue un enjeu pourle système juridique environnemental auquel ilsimposent une exigence parallèle de globalisationcertes, mais une globalisation imposée à l’environ-nement, au cœur de laquelle se trouve en mêmetemps l’environnement, pour que précisémentl’équité intergénérationnelle soit assurée quant à l’uti-lisation des ressources de la planète. C’est ce quiexplique le recours désormais systématique aux méca-nismes para-réglementaires et aux instruments demarché.

L’exercice imposé à l’environnement et son droitest-il cependant à même de porter ses fruits ? Laréponse à cette question dépend de la capacité dudroit à répondre à ces enjeux en fournissant à la pro-tection de l’environnement considérée dans la pers-pective plus large du développement durable d’au-thentiques moyens de la réforme juridique.

LES MOYENS DE LA RÉFORME JURIDIQUEAPPROPRIÉE Les deux terrains classiques sur lesquels on mesurel’efficacité des règles juridiques sont l’institutionnelet le normatif. Les changements planétaires ne modi-fient pas substantiellement la nature de cette évalua-tion. Ils accentuent néanmoins les modalités, au pointtoutefois de transformer les conditions mêmes del’évaluation.

La réforme institutionnelle L’avènement d’une politique nouvelle trouble tou-jours, d’un point de vue de science administrative, lesschémas classiques d’organisation institutionnelle dela mise en œuvre des politiques publiques. La poli-tique d’environnement n’a naturellement pas échappéà cette situation, tant au plan national qu’interna-tional. Elle est cependant plus particulièrement mar-quée par les effets néfastes des difficultés institution-nelles en raison de sa dimension transversale quiimpose, non seulement de définir un champ institu-tionnel propre à la compétence environnementale –ce qui n’est guère aisé du point de vue de la détermi-nation d’un objet environnemental spécifique – maiségalement de redéfinir les contours des champs tra-

ditionnels, pour certains tels que les eaux et forêts, àforte assise historique au point de se servir de cettelégitimité pour faire échec à un quelconque réamé-nagement du champ institutionnel.

À ce point de l’analyse, ce sont d’abord les obs-tacles institutionnels qui caractérisent le vieux droit.Certes, on connaît les réponses que la sociologieadministrative appliquée a largement contribué àimposer : restructuration du schéma institutionnelpour une meilleure articulation des organes interve-nants; coordination des fonctions pour une meilleurecohérence des actions à mener. Cela ne suffit paspour autant dans la mesure où la thématique dudéveloppement durable est venue compliquer l’en-cadrement institutionnel de l’environnement, déjàconfronté à la concurrence des institutions tech-niques traditionnelles. C’est alors le thème d’unevéritable rénovation institutionnelle qui tend à s’im-poser et Agenda 21, le plan d’action de Rio 92, for-mule, notamment aux chapitres 38 et 39, des propo-sitions d’une telle portée qu’elles ont pu apparaîtreutopiques face à la rigidité des structures existantes.L’écho de ce thème de la rénovation est d’autant plusgrand que se mêlent dans la contestation institu-tionnelle deux discours apparemment contradic-toires: celui d’abord d’un trop-plein institutionnel dufait du pullulement d’institutions environnementalesde tous ordres qu’un engouement pour l’environne-ment, fortement appuyé à un moment donné parune mobilisation active de fonds, a permis de multi-plier; celui ensuite d’une insuffisance institutionnellequi s’explique par la nécessité de continuer à doter lechamp environnemental d’institutions appropriées,particulièrement de mise en œuvre et de suivi, lui per-mettant de relever le défi du développement durable.Ces deux démarches ont prospéré ensemble, contri-buant à faire de la «machinerie environnementale»une sorte de bateau ivre et à la dérive, tant elle appa-raît impuissante à faire cesser les dégradations pourlesquelles ces diverses institutions ont été créées.

Il faut bien entendu se garder de tout excès et nepas oublier que, si les constats négatifs dont certainsse délectent actuellement ne sont pas plus pessimistes,c’est en raison de l’action efficace bien que difficilepour diverses raisons d’un certain nombre d’institu-tions. La thématique dite de la «bonne gouvernance»

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est précisément apparue au bon moment pour« remettre de l’ordre » dans la maison environne-mentale. Elle contribue à faire de la réforme institu-tionnelle une réforme de gouvernance, c’est-à-dire, dusystème d’encadrement de l’élaboration et de la miseen œuvre des politiques environnementales dans lecontexte du développement durable. Elle recèle cepen-dant une ambiguïté fondamentale liée à l’ambiva-lence que contient la notion de gouvernance. Au senslarge, celle-ci apparaît surtout comme une notionpolitique qui renvoie à un véritable «gouvernement»de la compétence environnementale. Elle mêle alorsdeux dimensions: l’une, d’ordre stratégique qui viseun système de commandement politique de l’envi-ronnement et du développement durable et quiconduit, au niveau des Nations Unies, à lier la réformeinstitutionnelle recherchée au serpent de mer queconstitue la question de la réforme du système desNations Unies lui-même; l’autre, plus technique, quiconsiste plus modestement à rechercher une restruc-turation de la myriade d’institutions dont les néces-sités de création n’ont pas toujours été évidentescependant que la portée de l’action apparaissait limitéed’un côté par la seule volonté, liée souvent à des com-promis politiques entre les États, de maintenir une ins-titution dans laquelle une représentation étatique doitêtre maintenue et de l’autre par une insuffisantecoopération inter-agences susceptible de clarifierl’exercice respectif des compétences environne-mentales directes ou indirectes.

Tout l’enjeu des discussions actuelles sur la «gou-vernance environnementale» est là. Il est d’ailleursintéressant de voir le type de questions qui sontactuellement en débat: faut-il supprimer le PNUE ouà tout le moins le transformer en une véritable orga-nisation internationale consacrée à l’environnement?Faut-il au contraire créer une haute autorité envi-ronnementale sous forme d’un Haut-Commissariatà l’instar de modèles connus (réfugiés, droits del’homme) ? Faut-il renouveler le mandat de laCommission du développement durable ou aucontraire la transformer en un organe d’experts indé-pendants doté d’un droit de pétition des individus etdes organisations? Sans préjuger des réponses quiseront apportées au sommet de Johannesburg, il estpermis de penser qu’elles ne devraient pas fonda-mentalement remettre en cause les solutions de la

Conférence de Rio. C’est dans ce contexte que le tra-vail fait depuis trente ans par le PNUE devrait fairel’objet d’un examen attentif. Et, en définitive, c’estautour de la question d’une plus grande articulationentre les principales institutions en vue de donner uneréponse plus coordonnée aux questions globales tellesque le commerce et l’environnement qu’un consensusdevrait être recherché.

La réforme normative La révolution juridique, que le droit de l’environne-ment doit opérer, vise à faciliter son adaptation aunouveau contexte de la globalisation. À cet égard, lesnouvelles logiques du marché mondial imposent auxnormes environnementales un saut qualitatif qui doitleur permettre de ne plus être seulement des normesde stricte protection mais de se transformer en d’au-thentiques normes de gestion. Une telle évolutionest elle-même imposée par le fait que les ressourcesenvironnementales sont désormais perçues, au nomde la thématique du développement durable accen-tuée ici par la logique commerciale, comme des bienséconomiques soumis à l’échange commercial.

Cette évolution n’est pourtant pas simple car ellecontient un double aspect qu’il convient de ne pasconfondre si l’on veut éviter des querelles stériles surla subordination du système juridique environne-mental qui pourrait à terme être sacrifié à l’autel duréalisme économique. Le premier aspect est certai-nement le plus controversé car il soulève la questionde la nature des nouvelles règles, face à la primautéaffirmée de la logique commerciale. On peut alors sedemander si les règles de protection n’ont pas désor-mais la vocation de devenir un simple aspect, déro-gatoire, du système normatif de l’OMC. Il estd’ailleurs significatif que c’est pour l’instant au seinde cette institution qu’est assurée, à partir de la seuleréférence aux mesures environnementales des accordscommerciaux, la compatibilité des normes environ-nementales. C’est précisément cette situation quiconduit à «crier au loup» et qui pousse à réclamer lacréation, en face de l’OMC, d’une organisation mon-diale d’environnement, susceptible de «faire échecau roi».

Le second aspect est plus technique car il concernel’évolution normative interne du droit international

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de l’environnement. Il est relatif au phénomène de lamondialisation des problèmes d’environnement etconcerne les trois principales conventions dites deRio: Biodiversité, Changements climatiques et Luttecontre la désertification. Dans les trois cas, laconstruction juridique retenue a révélé, malgré desdifficultés parfois persistantes liées à la réticence pos-térieure des États développés à concrétiser des enga-gements auxquels ils ont pourtant applaudi aumoment de l’adoption, une originalité certaine. Sansdoute le fait que ce soient des traités-cadre a néan-moins facilité la formulation, très générale, des enga-gements. Ceux-ci sont toutefois dotés désormais, àl’exception de la Convention sur la lutte contre ladésertification, d’un protocole additionnel dans lequels’esquissent timidement mais fermement les nou-velles réponses normatives.

L’exemple du Protocole de Kyoto est significatif decette novation, en dépit des tractations auxquels leplan d’action de Buenos Aires a donné lieu et quiont failli, après le retrait américain, «tuer dans l’œuf»le nouvel instrument. Aujourd’hui, alors que l’ons’attend à une entrée en vigueur du protocole lors duSommet de Johannesburg, le mécanisme de l’obser-vance apparaît, d’un strict point de vue juridique,comme le degré achevé d’un mécanisme de contrôleamorcé dans le cadre du Protocole de Montréal relatifaux substances qui appauvrissent la couche d’ozone.Ce système de la «non-conformité» approfondie estmarqué plus par une stratégie d’appui à l’Étatdéfaillant que par celle d’une éventuelle mise en causede sa responsabilité internationale, difficile à envisagerdans un domaine où elle concerne des activités quepar principe le droit international n’interdit pas et quidoit seulement faire l’objet d’approches de précautionafin de réduire les conséquences néfastes.

Le système retenu dans le cadre de la Conventionde Paris de 1994 sur la lutte contre la désertificationdevrait également retenir l’attention par l’approcheretenue, qui n’était plus guère en usage dans le droitdes gens. Son originalité est d’autant plus grande quela Convention ne bénéficie pas des instruments tra-ditionnels d’accompagnement les plus importantstels que le système des fonds. La mobilisation deceux-ci n’a dès lors quelque chance de marcher quesi la mise en œuvre par les pays touchés par des enga-

gements conventionnels est réelle. L’approche par«programmes d’action» nationaux, sous-régionauxet régionaux a pour but de faciliter la réalisation del’objectif de la convention. L’implication des acteursconcernés est facilitée à travers la construction departenariats divers qui bouleversent l’ordre tradi-tionnel des valeurs en retenant un processus du basvers le haut, soutenue par une incitation à la synergiedes efforts nécessaires par une économie des moyensdisponibles qui vise à éviter leur déperdition.

Ces exemples de solution juridique sont destinésà se développer et à se généraliser. L’enjeu du Sommetde Johannesburg est également de donner un «coupde pouce» politique dans les domaines où la réformejuridique doit encore affirmer ses prétentions. Ceux-ci sont parfaitement connus car ils concernent desquestions pour lesquelles le cadre de la Commissiondu développement durable, qui en est formellementchargée, a montré d’incontestables faiblesses. Il s’agitd’une part de la mise en œuvre du nouveau droit etd’autre part du suivi de celle-ci. Dans les deux cas,c’est l’avenir même du droit international de l’envi-ronnement qui se joue, dans sa capacité à répondreaux enjeux auxquels les changements planétaires leconfrontent.

Que de cette confrontation le droit de l’environ-nement sorte raffermi, l’on en est assuré car ce quicaractérise fondamentalement le droit, en tant quetechnique particulière, c’est précisément, sous peinede mourir, son adaptation nécessaire même avecretard, aux conditions nouvelles qu’il est appelé àrégir. Droit planétaire, le droit de l’environnement l’estnécessairement devenu en raison de la nature elle-même planétaire des problèmes d’environnement. Ily a d’ailleurs fort à parier que cette «planétarisation»serve à nouveau de laboratoire d’expérimentationpour le développement d’autres champs du droit.De cela, on ne saurait que se réjouir.

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ATELIER 7 – REPENSER LES MODES DE CONSOMMATION POUR LE MIEUX-ÊTREDES GÉNÉRATIONS FUTURES

AnimatriceClaire SABOURINUniversité du Québec à Montréal, Québec, CanadaDes modes de consommation repensés : pour repenser les modes de consommation

Études de casLaure WARIDELCofondatrice d’Équiterre, Québec, CanadaLe commerce équitable pour humaniser l’économie

Mamadou DIANKASecrétaire Technique GQQ/RPTES, SénégalUsage efficace des énergies traditionnelles pour le bien-être des générations futures

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Nous abordons un de ces rares moments de l’histoireoù le libre-arbitre peut réellement entrer en jeu. Danscette longue transition, deux vastes camps s’opposeront:ceux qui veulent conserver, même sous une autre forme,les privilèges attachés au système inégalitaire actuel ; etceux qui veulent voir naître un nouveau système sub-stantiellement plus démocratique et égalitaire…

L’issue dépendra de la capacité de mobilisation dechaque camp, mais aussi, dans une large mesure, de lacapacité à produire de meilleure analyse des événe-ments comme des solutions de rechange. Nous noustrouvons à un carrefour où il importe d’unifier connais-sances, imagination et praxis si nous ne voulons pasconstater, d’ici un siècle, que plus ça change, plus c’estla même chose. L’issue est intrinsèquement incertaine etdonc ouverte à l’intervention et à la créativité humaine.

Immanuel Wallerstein, «De Bandoung à Seattle ‘C’étaitquoi, le tiers-monde ?’ », Le Monde diplomatique,août 2000, p. 19.

In this book, we want to show not only that a lookat the world from a subsistence perspective is necessary– necessary from ecological, economic, feminist, anti-colonial point of view – but also that such a new orien-tation has already begun in manifold ways in differentparts of the world…such a perspective will eventuallylead to a change of all basic social relations: those bet-ween women and men, between generations, betweenrural and urban areas, between different classes, bet-ween peoples and above all, between humans andnature. If the central concern of all economic and socialactivity is not the accumulation of dead money butthe creation and maintenance of life on the planet,nothing can remain at it is now.

Mia Mies et Veronika Bennholdt-Thomsen (1999), TheSubsistence Perspective Beyond the Globalised Economy.

The battle over alternatives to corporate globali-zation is indeed a crucial one, but it will not be foughtwith money or guns or political machines. Instead, itwill be fought with ideas beliefs and community work.We ignore this fact at our own peril. The multinationalcompanies certainly do not ignore. Before land andlabour can be enclosed in the interest of profit, people’sminds and beliefs need to be enclosed.

Veronika Bennholdt-Thomsen, Nicholas Faraclas, ClaudiaVon Werlhof (2001), There is an Alternative Subsistenceand Worldwide Resistance to Corporate Globalization,Spinifex Press and Zed Books, p. 68.

Ce texte cherche à distinguer trois espaces deréflexion et d’intervention, parallèles et entrecroisés,qui ont contribué de façon différente et surtoutinégale à reconfigurer le contexte économique desannées 1990. Le bilan final de cette décennie n’estpas celui auquel aspirait le Sommet de Rio en 1992,au niveau de l’évolution des modes de consommation.

La première dynamique s’est construite à l’occa-sion des multiples rencontres convoquées par lesagences des Nations Unies. La seconde, certainementplus puissante dans ses effets, est née d’une redéfini-tion du cadre légal du commerce mondial et des ins-titutions financières ainsi que de la mise en place del’OMC, cadre qui remodèle les capacités d’interven-tion des entreprises au détriment de celles des pou-voirs publics. Finalement, la troisième dynamiqueémerge de la mouvance citoyenne marquée par desmoments de grande convergence dont les rencontresde Porto Alegre ne sont qu’un des lieux, peut-être leplus visible, de sa manifestation. Cette mouvancecitoyenne se construit, plus encore, dans les luttes etengagements quotidiens, et ce, à travers la planèteen grande partie au sein de communautés de base

180Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Des modes de consommation repensés : pour repenser les modes de consommation

Claire SABOURINUniversité du Québec à Montréal

Canada

ATELIER 7 – Repenser les modes de consommation pour le mieux-être des générations futures

Animateur

Page 193: Colloque International Francophonie et développement durable

dont certaines veulent préserver leur milieu de viealors que d’autres, depuis longtemps asservies à lalogique industrielle, essayent de le reconstruire sur desbases plus humaines et respectueuses de l’environ-nement1.

La distinction entre ces dynamiques permetd’identifier les forces en présence ainsi que les diffé-rences dans la façon de concevoir le développementet, en l’occurrence, la consommation durable. Malgréles différences de perspectives proposées dans lesdeux premiers espaces de réflexion, les analyses repo-sent sur la vision néo-libérale de l’économie et latransformation du monde en un grand marché. Laréflexion issue de la mouvance citoyenne, que certainsappellent « société civile», quoique non uniformedans ses analyses, repose en général sur une remise enquestion, plus ou moins radicale, de cette vision néo-libérale allant jusqu’au refus de se soumettre à lalogique «économiciste».

Aujourd’hui, à la veille de Rio+10, on doit s’in-terroger sur ce que chacune de ces dynamiques aoffert jusqu’à présent et sur les perspectives de chan-gements qu’elles ouvrent pour la décennie à venir. Ondoit se demander comment peuvent être modifiésles modes de consommation et de production nondurables si nous continuons d’utiliser les mêmes réfé-rents et analyses théoriques, si nous abordons l’aveniravec le même esprit qui a engendré notre présent.

Le présent texte questionne la possibilité derepenser les modes de consommation et de satisfaireles besoins élémentaires à l’échelle de la planète qu’enformulant de nouvelles règles techniques ou qu’enn’introduisant des technologies dites plus vertes et ce,en conservant le niveau de vie des pays industria-lisés comme le dit le rapport de 2002 des NationsUnies. Il questionne la pertinence des outils écono-miques développés au cours de la décennie, outilsqui restent tributaires du cadre économique néo-libéral et de ses valeurs.

Comme le disait Rio+5 et comme le disent aussiles auteurs des documents préparatoires de Rio+10,un changement dans les valeurs est devenu impé-ratif pour que se développent de nouveaux modes deconsommation durables. Quels sont ces nouveauxmodes de consommation que soutiendraient de nou-

velles valeurs? Quelles sont ces nouvelles valeurs quin’affecteraient aucunement les impératifs écono-miques dominants? Ne faudrait-il pas questionner lesvaleurs véhiculées par ces impératifs économiquesqui ont donné naissance aux modes actuels deconsommation. Ne faudrait-il pas aussi questionnerles valeurs de notre civilisation qui ont permis ques’autonomisent et que prédominent les valeurs éco-nomiques actuelles.

Un réel changement des modes de consommationexige un engagement non seulement individuel maiscollectif ; il exige une révision des assises des systèmeséconomique et politique enracinés dans la «civilisa-tion» occidentale où prédomine une logique écono-mique bien spécifique.

La nécessité de développer de nouveaux modes deconsommation et de production devrait nous amenerà saisir l’urgence de définir un nouvel équilibre entreces trois espaces, ce qui devrait amener à revoir lesrègles actuelles du commerce mondial. Cette réflexiondevrait aussi prendre plus sérieusement en compte lamouvance citoyenne et les valeurs qui y sont véhicu-lées afin que cet espace ne reste pas confiné auxmarges du processus de globalisation en cours,confiné à être « l’économie sociale» dans un systèmemarchand dominant régi par les règles de l’OMC.

181 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

1. Parmi les ouvrages écrits sur ce sujet, il est possible deconsulter les deux ouvrages suivants donnant une vision deces luttes qui se passent au Sud : Mia Mies et VeronikaBennholdt-Thomsen (1999), The Subsistence PerspectiveBeyond the Globalised Economy, Spinifex Press and Zed Bookset Veronika bennholdt-Thomsen, Nicholas Faraclas, ClaudiaVon Werlhof (2001), There is an Alternative Subsistence andWorldwide Resistance to Corporate Globalization, SpinifexPress and Zed Books. Ces ouvrages ouvrent aussi sur uneréflexion qu’on ne peut manquer de faire quand on abordela question de la mouvance citoyenne ou ce que plusieursappellent la «société civile». Ce monde complexe est partagépar des organismes variés, ONG, universitaires, « BigInternational Non-Governmental Organizations (BINGO)«dont le rôle est souvent ambigu, apparaissant même commede véritables entreprises de récupération pour d’autres…Malgré tout, cet espace est le lieu d’innovations et de créati-vité porteur d’espoir pour des populations entières. Il est unlieu de réflexion et d’expérience dont nous avons le défi detirer le plein potentiel pour assurer un niveau de vie non seu-lement décent actuel mais respectueux des personnes. Lesmodes de consommation du Nord quand ils dépassent leminimum requis n’assurent pas pour autant le respect desindividus et des collectivités.

Page 194: Colloque International Francophonie et développement durable

Ce texte, trop court pour traiter de cette questionavec la profondeur qu’elle mériterait, ne sera quel’occasion de soulever quelques questions, de pré-senter quelques exemples et de fournir quelques pistesavec l’intention d’ébranler ce qui trop souvent estprésenté comme des évidences, autant de façons depenser et de faire qui ne peuvent être changées.

BILAN OFFICIEL 1992-2002 : DU CONSTAT ETDES ESPOIRS DU SOMMET DE RIO AU BILANPRÉPARATOIRE DE RIO+10, CONSTAT D’ÉCHECMALGRÉ LE TRAVAIL RÉALISÉ Le chapitre 4 de l’Agenda 212 ouvrait deux grandesthématiques programmatiques en vue de réaliser unchangement des modes de consommation nondurables à savoir d’identifier les modes de consom-mation non durables et préciser des politiques natio-nales susceptibles de les changer. On déplorait alorsle manque de compréhension du lien existant entrele processus de croissance économique, la croissancedémographique et les modes de consommation nondurables. Sur cette base était formulé un certainnombre d’objectifs qui pouvaient susciter des espoirsà la veille d’un nouveau millénaire (voir tableau 1).

Après avoir reconnu la responsabilité première despays industrialisés dans le déséquilibre global, humainet environnemental, il a été admis qu’il revenait à cesderniers d’assumer un leadership dans le processus detransformation. Ces derniers avaient la responsabilitéde mettre au point des politiques, au niveau national,susceptibles d’encourager des modes de consomma-tion plus durables tout en prenant en compte lesbesoins en développement des pays les plus pauvres.Ces besoins élémentaires dans les pays pauvresdevaient être satisfaits en évitant le recours aux modesde consommation non durables des pays industria-lisés. Des moyens plus spécifiques étaient mentionnés,maintes fois répétés depuis. (voir tableau 1)

Sans nier les progrès réalisés dans la mise au pointde nouveaux outils conceptuels et d’indicateurs dedéveloppement durable ou par la réalisation de pro-jets concrets, les participants de la rencontre Rio+5faisaient le constat que l’augmentation générale duvolume de production avait exercé une pressionaccrue sur les ressources naturelles et causé une aug-mentation de la pollution dont la plus grave étaitl’augmentation des émissions de CO2.

Un appel était lancé pour que soient mis au pointdes outils et des politiques prenant en compte lescoûts environnementaux avec pour effet de les réduireet de responsabiliser les producteurs. Toutefois, Rio+5affirmait que des changements plus profonds, denature culturelle devaient se produire, exigeant lamise en place de programmes d’éducation soutenuspar les gouvernements et les organismes non gou-vernementaux, dont les organismes de consomma-teurs3.

En janvier 2002, à la veille de la rencontre deJohannesburg, le Conseil économique et social4 recon-duit le constat de Rio +5 à savoir que les progrèsenregistrés au niveau de l’éco-efficacité ont été contre-balancés par l’augmentation de la consommation etde la pollution, mettant en péril « the natural life

182Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

2. Voir Agenda 21, chap. 4 – Changing consumption patterns,programme des Nations Unies pour l’environnement,http://www.unep.org/Documents/

3. Les organisations de consommateurs se voyaient d’ailleursattribuer un rôle de veille quant à l’application des recom-mandations, rôle qui reflétait la prédominance de la catégorieéconomique «consommateur» comme interlocuteur privi-légié. D’ailleurs, une charte améliorée des droits des consom-mateurs a été précisée, charte qui étend au niveau interna-tional la logique de protection du consommateur en yajoutant certains aspects qui relèvent du développementdurable. L’espace manque pour élaborer une critique de cetype de charte (Consumer Charter for Global Businesshttp://www.consumersinternational.org/campaigns/trade/charter_en.html) et surtout la logique sous-jacente qui enfermela question de la consommation dans la logique écono-mique ce que montrent les principales recommandations dela rencontre de l’organisation Consumer international Theway foward for LDCs: Empowering consumers for pro-poordevelopment en avril 2001, insistant sur l’information accruedes consommateurs et le meilleur fonctionnement dumarché reflétant les réalités de la globalisation des marchés.(http://www.consumersinternational.org/ldcposition.html)

4. Commission on sustainable development (2002)Implementing Agenda 2, Preparatory committee for theWorld Summit on Sustainable Development Second pre-paratory session, 28 january – 8 february http://www.un.org/documents/ecosoc/cn17/1998/background/

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183 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Tableau 1Le Sommet de la Terre et ses suites

Objectifs

• Promouvoir des modes de consommation et de productionqui réduisent le stress environnemental et répondent auxbesoins élémentaires de l’humanité

• Élaborer une meilleure compréhension du rôle de la consom-mation afin de développer des modes plus durables

• Développer de nouveaux concepts de richesse, de croissanceéconomique durable et de prospérité permettant de nou-veaux standards plus élevés mais en harmonie avec les capa-cités de la planète. En parallèle, devaient être développés denouveaux indicateurs de développement durable.

• Assurer le développement des pays en développement sur labase d’une consommation durable qui assurerait la satisfac-tion des besoins élémentaires, tout en évitant les modes deconsommation des pays industrialisés

• Mettre au point des outils visant à internaliser les coûts envi-ronnementaux et responsabiliser les producteurs

• Mettre au point des politiques visant les mêmes objectifs• Promouvoir des changements culturels soutenus par des pro-

cessus éducatifs

• Augmenter par un facteur de dix l’efficacité énergétique• Accroître la responsabilité des entreprises dans le cadre du

Global Compact et du Global Reporting Initiative ou l’usagede certains outils qui prennent en compte l’environnementdans leurs modes de gestion

• Développer des programmes d’assistance pour améliorer laproductivité et la compétitivité des pays en développementsurtout dans les secteurs dont le potentiel d’emploi et l’impactenvironnemental sont importants

• Soutenir les petites et moyennes entreprises dans les pays endéveloppement

• Fournir des incitatifs aux entreprises, aux centres de recherchesafin de développer des technologies propres en partenariat

• Encourager les entreprises à démarrer volontairement desprojets de certification comme ISO14000

• Élever le niveau de conscience reliée à la consommation et pro-duction durable

Moyens proposés

• Encourager le recyclage• Réduire les emballages • Développer des produits écologiques • Assister les individus et, plus spécialement les femmes, dans

leurs décisions d’achat pour les rendre conscients des effets deleurs choix

• Développer des critères et des outils méthodologiques afind’évaluer les effets

• Fixer les prix qui prennent en compte la charge écologique• Développer les instruments économiques ayant pour objectif

d’influencer le comportement des consommateurs • Renforcer ces nouveaux comportements par l’éducation et la

publicité

• Développement de labels écologiques• Réforme du système de taxation

• Promouvoir la consommation durable par des politiquesgouvernementales

• Promouvoir l’éco-design, les labels écologiques et d’autresinstruments d’information à l’intention des consommateurs

• Réformer le système de taxation en faveur de la conservationdes ressources :– systèmes de permis de pollution négociables– de permis d’utilisation de l’eau – des droits de pêche et de développement des territoires

• Développer un système des comptes nationaux verts• Développer des systèmes de consignation et de recyclage • Élaboration de codes de conduites volontaires développés

par un certain nombre d’entreprises

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support». De plus, on constate que, depuis 1992, lecontexte global s’est profondément transformé sousl’impact des nouvelles technologies de communica-tion et d’information et par l’ampleur des rupturessociales vécues dans plusieurs parties du monde. Onpasse toutefois sous silence les transformationsmajeures introduites sur le plan économique, en par-ticulier sur le plan commercial par la mise en place del’OMC et la négociation de grands accords commer-ciaux régionaux.

Le projet de 1992 visant à mieux équilibrer ledéveloppement économique et les besoins sociauxavec la capacité des écosystèmes à long terme faitface à des difficultés majeures quant à sa mise enapplication. Il est plus que jamais impératif de modi-fier les modes de consommation. Quatre niveaux dedifficultés sont alors mentionnés:

• L’approche reste fragmentaire alors que la notionmême de développement durable reflète la néces-sité de développer cette connexion inextricableentre des considérations économiques, sociales etenvironnementales qui demandent une intégra-tion étroite des décisions.

• Les domaines de la finance, du commerce, desinvestissements et des technologies ne sont pasintégrés au développement durable par des poli-tiques cohérentes plus que jamais nécessaires dansun monde globalisé. Les décisions sont le plussouvent axées sur les objectifs et les considérationsà court terme.

• Les systèmes de valeur qui constituent les forcesmotrices des modes de consommation doiventêtre impérieusement modifiés pour contrer lepéril qui menace les systèmes vivants.

• La mise en application de l’Agenda 21 et le trans-fert des technologies essentielles sont entravéspar l’absence des ressources financières. Le servicede la dette des pays pauvres est une entrave réelleau développement ce qui rend les pays plus vul-nérables encore à la volatilité des investissementsprivés orientés vers un nombre restreint de sec-teurs et de pays.

Si on ne peut que convenir du bien-fondé desquatre constats faits à la veille de Johannesburg, on nepeut que déplorer l’ambiguïté que ce libellé entraîne,cachant les divergences fondamentales que leurconcrétisation ne peut que faire naître. Ces objectifssont présentés en même temps que des moyens pourles réaliser comme si le passage de l’un à l’autre rele-vait d’un constat d’évidence.

Alors que les analyses reconnaissent la gravitédes problèmes et l’urgence d’agir, elles ne fournissentaucune analyse permettant d’identifier les racinesdes problèmes, le rôle des structures institutionnellesen place et du cadre de référence théorique qui nepeuvent qu’être parties prenantes aux problèmes aux-quels nous sommes confrontés aujourd’hui devant leconstat d’échec formulé pour une troisième fois.

Ces analyses soulignent le rôle «positif» joué parla mondialisation de l’économie de marché, et ce,grâce aux investissements étrangers directs et auxtransferts de technologie qu’elle permet. Elles recon-naissent, qu’au-delà des effets «positifs» sur l’élar-gissement des choix de consommation, la mondiali-sation et la compétition généralisée font l’objet decritique quant à leurs effets sur l’environnement et lesconditions sociales sans toutefois pousser plus loin laréflexion sur leur contenu et leur pertinence.

Du même souffle, les analyses soulignent que lespays en développement bénéficient de l’évolution dela conscience écologique et sociale qui permet ledéveloppement de nouveaux marchés d’exportation,respectueux des conditions sociales de productionet de la préservation de l’environnement comme ceuxdu commerce équitable5. De même, on se félicite des«success stories6» référant à de multiples expériencesbasées, dans plusieurs cas, sur des manières de fairesouvent «alternatives» misant sur la participation

184Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

5. Economic and Social Council (2001), Changing Con-sumption Patterns. Report of the Secretary-General(E/CN.17/2001/PC/8.

6. http://www.un.org/esa/susdev/suddess/FT-1.htm.

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des groupes de base mais dont le contexte et les fina-lités restent souvent ambiguës7.

Pourtant, au terme de l’analyse, les mêmes forcesqui ont prévalu au cours des années antérieures, àsavoir la logique économique qui soutient le pro-cessus de «globalisation», les investissements directsprivés et les transferts de technologie sont proposéscomme les outils essentiels pour transformer lesmodes de consommation «…moyennant l’incitationque peuvent apporter certains programmes et poli-tiques gouvernementales à condition, bien sûr, que cesmêmes politiques ne contreviennent pas aux règles decommerce définies par l’OMC, «à condition qu’ellesne soient pas des entraves au commerce». Les moyensproposés sont, en fait, très clairs quant à la portée queles programmes et les politiques gouvernementalesdevront avoir.

Aucune mention n’est faite des aspects cruciauxde la société de consommation dont les corporationstransnationales sont les principales artisanes, sociétéoù tous les gestes du quotidien sont transformés engestes de consommation, voire en pulsion de consom-mation où encore, comme le dit François Brune8, en« prêt-à-consommer », où les événements les plusdramatiques de la vie quotidienne nous sont offertspour « une lecture consommatrice du monde ».Aucune analyse n’est proposée pour identifier quellien unit la frénésie consommatrice et gaspilleuse duNord, les modes de production qui la supportent,l’appropriation de ces derniers au sein de quelquesgrandes firmes transnationales du Nord et l’accroisse-ment de la pauvreté dans les pays du Sud? Aucuneréflexion ne permet de comprendre le lien qui existeentre le plein épanouissement de la société gaspilleuseet la polarisation des richesses au niveau de la planèteet dans chacun des pays, au nord comme au sud.Aucune analyse, non plus, permettant de voir le lienexistant entre le stress environnemental qu’on ditassocié à la pauvreté dans les pays en développementet le type de développement économique que les com-pagnies transnationales ont imposé à ces derniers.Aucune analyse ne permet de saisir les effets des dépla-cements de productions au sud, les politiques publici-taires des entreprises sur les modes de consommationtant au nord qu’au sud et l’impact de l’un et l’autre surla transformation des modes de consommation, au

sud. L’esprit même de ces recommandations occultel’histoire des relations Nord-Sud laissant présager del’orientation qui sera donnée à ce leadership aumoment même où les programmes de la Banque mon-diale avaient déjà profondément transformé les capa-cités des pays pauvres à choisir leur développement.

En fait, l’absence d’analyse n’en est pas une, lestextes reconduisent l’analyse trop bien connue quisoutient les politiques néo-libérales. Cette société deconsommation au nord s’est construite en mêmetemps qu’était pillé ce qu’on a appelé le tiers-mondedurant les siècles de colonisation, ce que les luttes delibération n’ont pas réussi à changer. Il faut rappelerces chapitres de l’histoire de notre présent qui se pro-longent sous les habits de la mondialisation et lalogique du libre-échange, logique construite sur unemultiplication de règles de droit qui définissent unecharte des droits et des libertés des entreprises. Peut-on penser changer les modes de consommation sansapprofondir quelques-unes de ces questions?

Il y a eu toutefois un indéniable progrès au coursde la décennie qui s’est terminée; progrès dans l’éla-boration et surtout l’acceptation d’un type d’outilséconomiques mis au point pour répondre aux objec-tifs de développement durable. Ces outils sont ceuxqui relèvent essentiellement de la logique de marché,outils développés principalement par les éco-

185 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

7. À cet effet «The WB/IMF is not responding to criticism,however, it is recuperating it and utilizing it to co-opt andbuy off its critics. Over the past few years, the WB/IMF hasactually come to dominate debates on corporate globaliza-tion, not merely by defending the corporate globalist posi-tion, but by actively intervening in the construction of argu-ments on « both sides » of the question. While theInternational Monetary Fund still boldly advocates corpo-rate globalization in its pure «unmanaged» form, the WorldBank is putting forward a set of alternatives» which amountto nothing more than «managed» versions of corporateglobalization… », Nicholas G. Faraclas « Melanesia, theBanks, and the BINGOs: Real Alternatives are everywhere(except in the Consultants’ briefcases)» p. 73, tire de VeronikaBennholdt-Thomsen, Nicholas Faraclas, Claudia VonWerlhof (2001), There is an Alternative Subsistence andWorldwide Resistance to Corporate Globalization, SpinifexPress and Zed Books

8. François Brune (2001), «De la soumission dans les têtes»,Manière de voir 59 Peurs et menaces nouvelles, Le Mondediplomatique, septembre-octobre, p. 82-85.

Page 198: Colloque International Francophonie et développement durable

économistes9 états-uniens qui confinent les richessesde la planète et les milieux de vie à être emprisonnésdans une logique de «capital naturel». Ces outils sontaussi les normes mises au point par les grandes entre-prises privées, normes répondant à leurs prioritéstout en intégrant certaines dimensions environne-mentales. Ce sont ces codes de conduite dits volon-taires, déterminés et négociés par les entreprises elles-mêmes, auxquelles rien ne peut être imposé.

Il est indéniable que ces règles vont avoir un effetpositif mais on est en droit de se demander si, ce fai-sant, le développement durable ne se prend pas aupiège de la logique économique? Ne sommes-nouspas en train « d’économiciser » l’écologie au lieu«d’écologiser» l’économie? Alors que le Sommet deRio reconnaissait que les modes de consommationdes pays industrialisés laissaient une forte empreinteécologique, le système économique actuel, de plusen plus enfermé dans sa logique marchande, n’est-ilpas à rendre non durables tous les modes de consom-mation, non seulement des pays du Nord mais aussidu Sud? Jusqu’à quel point ces mesures vont-ellesassurer une «efficacité environnementale»? Mais sur-tout, dans quelle mesure, cette démarche va-t-elleempêcher une réflexion plus approfondie prenanten compte la diversité culturelle et les multiplesmanières d’être en relation avec notre milieu10 ?

LA DÉCENNIE 90 : TRANSFORMATION DES INSTITUTIONS ÉCONOMIQUES ET COMMERCIALES NATIONALES ETINTERNATIONALES, TRAVAIL ACCOMPLI La décennie 90 a été témoin de modificationsmajeures affectant le rôle et le pouvoir des institutionséconomiques internationales et, surtout, des firmestransnationales. Ces transformations sont le résultatde la généralisation des pratiques néo-libérales qui sesont accompagnées de dérégulations et de privatisa-tions au niveau national et la création au niveau inter-national d’organismes de contrôle des activités nonseulement de commerce mais d’investissement et deproduction dont l’Organisation mondiale du com-merce (OMC).

Bien avant les années 1990 et la création del’OMC en 1995, l’implantation du programme d’ajus-tement structurel de la Banque mondiale a été unpuissant instrument de remodelage des conditions deconsommation et de production de centaines de mil-lions de personnes et de leurs milieux de vie. «Bythe early 1990’s, the neo-liberal advisers fromWashington could be said to have seized effectiveeconomic and administrative control over nearlyevery nation of Asia, Africa, Latin America, the Pacificand Eastern Europe11.»

L’espace manque pour expliciter les mécanismesqui ont opéré ces transformations12. Malgré les exi-gences de démocratisation qui ont souvent été for-mulées par les institutions internationales respon-sables de l’application de ce programme, leurintervention s’est traduite par une véritable prise decontrôle des gouvernements des États «aidés» et parl’intégration de ces pays et de leur population dans unmarché mondial. Ces programmes ont été maintesfois analysés dans leur impact dévastateur alors qu’ilsont prôné et continuent d’imposer des règles quisont celles de l’OMC.

186Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

9. Pour une présentation succincte des trois grandes tendancesen économie de l’environnement, on peut lire «Les éco-économistes» de Jean Laplame dans Recto Verso, no 295,mars/avril 2002, p. 42-43. Le premier paragraphe les résumeainsi : «Les éco-économistes états-uniens s’appuient sur leslois du marché pour orienter le système économique versune régénération du capital naturel. C’est l’école dite du«natural capitalism». Les Européens, eux, mettent l’accentsur la régulation par les autorités publiques. Enfin, dans leTiers-Monde, on pousse dans une direction surprenante: laprise en charge de leur économie par les collectivités locales,la reconnaissance d’autres modes de propriété que la pro-priété privée et un système juridique qui protège la propriétécollective.» On peut se questionner pourquoi l’auteur de cesquelques lignes trouve la troisième voie «surprenante».

10. Cette réflexion rejoint la critique formulée par Lucie Sauvéet Tom Benyman à l’encontre d’un modèle unique et unila-téral d’éducation à l’environnement qui ne prend pas encompte «des situations et des acteurs locaux, une pédago-diversité» plutôt que l’imposition d’un modèle pédagogiqueunique.» L’éducation à l’environnement, bref compte rendudu Forum international sur l’éducation à l’environnementtenu à Paris en novembre 2001, à l’instigation de l’UNESCO,p. 13, L’Écologiste, vol. 2, no 4, hiver 2001.

11. Veronika Bennholdt-Thomsen, Nicholas Faraclas, ClaudiaVon Werlhof (2001), There is an Alternative Subsistence andWorldwide Resistance to Corporate Globalization, SpinifexPress and Zed Books, p. 70.

12. À ce sujet, consulter Michel Chossudovky (1997) La mon-dialisation de la pauvreté, les Éditions Écosociété, Montréal.

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Comme le mentionne Michel Chossudovsky13,cette «chirurgie» économique appliquée par le FMIet la Banque mondiale a abouti à la compression desrevenus réels et au renforcement d’un système expor-tateur reposant sur une main-d’œuvre bon marché;elle se traduit par un effondrement des niveaux de vie.Par un mélange d’austérité budgétaire, d’ouverturedes frontières et de privatisations appliquées à des paysendettés, les économies ont été intégrées de force aumarché globalisé de la production et de la consom-mation. Ce sont, en quelque sorte, des intrants dansle processus d’internationalisation de la production«Le PAS14 joue un rôle primordial dans la «décom-position» de l’économie nationale d’un pays endettéainsi que dans la «recomposition» d’un «nouveaurapport» à l’économie mondiale15.»

pollution qui contamine la nappe phréatique, cequi est en train de provoquer une crise majeuredans l’alimentation d’eau potable des commu-nautés villageoises des côtes. Les bassins de cre-vettes sont les principaux responsables de larégression des mangroves au cours de dernièresdécennies au Sri Lanka, au Viêtnam, en Équa-teur, en Thaïlande. Pour la suite et pour plusieursautres expériences concrètes, on peut consulter :

Vandana, Shiva (2001), Le terrorisme alimentaire. Commentles multinationales affament le tiers-monde, Fayard, p. 73.

187 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

13. Ibid.14. Programme d’ajustement structurel.15. Michel Chossudovky, op. cit., p. 67.16. Vandana Shiva, p. 15.

L’intervention de la Banque mondiale :un exemple

La Banque mondiale soutient l’aquaculturedepuis les années 1970. Elle avait noté que la pro-duction de crevettes en Inde, le plus gros pro-ducteur et exportateur mondial reposait sur lessystèmes d’élevage traditionnels, dans lesquels lesbassins étaient fréquemment utilisés pour la cul-ture du riz durant les saisons de pluie, tandis qu’ilsétaient convertis en milieux d’élevage pour lescrevettes et les poissons le reste de l’année. Selonla Banque, il s’ensuivait que les rendements étaientbas. La Banque a soutenu que les élevages semi-intensifs des crevettes pourraient permettre àl’Inde d’accroître sa production et de se procurerdes revenus par l’exportation.

Les élevages de crevettes exigent 4 à 6 tonnesde farine, boulettes et miettes alimentaires à l’hec-tare. Seuls 17% de ces aliments sont convertis enbiomasse de crevettes. Le reste devient des déchets,donnant des eaux sales, lourdement contaminéespar les pesticides et les antibiotiques, qui sontévacuées directement dans la mer, dans la man-grove ou dans les terres agricoles avoisinantes.Ensuite, on remplit de nouveau les bassins à cre-vettes avec de l’eau fraîche. Ce déversement directdes effluents dans les canaux d’irrigation agricoleet dans la mer a pour résultat un niveau élevé de

Ce programme, toujours en vigueur, a été etcontinue d’être un puissant moteur de transformationdes modes de production et de consommation dansles pays en développement. « …les monoculturesremplacent les polycultures fondées sur la diversité.L’agriculture dont le rôle était de produire des ali-ments nutritifs et variés devient un marché pour lessemences génétiquement modifiées, les herbicides etles pesticides. Tandis que les paysans cessent d’être desproducteurs, ils deviennent de simples consomma-teurs de produits à usages agronomiques brevetéspar les firmes, tandis que les marchés locaux et natio-naux sont détruits au profit du marché national, lemythe du libre-échange et de l’économie mondialiséedevient les moyens pour les riches de dépouiller lespauvres et de leur droit à l’alimentation et même deleur droit à la vie16.» La logique mise en place génèredes pénuries et sacrifie une auto-suffisance alimen-taire (production locale destinée à une consommationlocale, réseaux de proximité, etc…) à une prétendueindépendance monétaire, résultat des cultures d’ex-portation. Cette situation s’est davantage détérioréeavec la mise en force des droits de propriété intellec-tuelle, appliqués au monde entier par l’intermédiairede l’OMC. Des savoirs accumulés sur les semences et

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les semences elles-mêmes sont appropriés et trans-formés en biens privés au bénéfice de quelques mono-poles. Au nom du libre-échange, une nouvelle raretéest créée là où existaient une certaine abondance etune diversité certaine.

Certains pays en développement ont réussi àtrouver une place, pour un temps à tout le moins,dans cette logique consolidée par le programme de laBanque mondiale, logique où plusieurs pays, déjà enposition de faiblesse, ont été mis en concurrence lesuns avec les autres pour vendre leur production des-tinée le plus souvent à une population fortunée desmarchés du nord. La surproduction des biens qui arésulté de l’imposition de cette politique et des mono-cultures qu’elles favorisent s’est traduite par une baissedes prix et un transfert de richesses vers le nord. S’estalors consolidée l’économie de rente dans laquelledes oligopoles, en jouant le rôle d’intermédiaires,détournent vers les grands distributeurs et les firmestransnationales le revenu qui devrait revenir aux pro-ducteurs directs. En conséquence, la production maté-rielle réalisée dans les pays du sud n’apporte pas lacroissance ni l’amélioration du niveau de vie despopulations qui devraient leur revenir.

Cette économie de rente s’est aussi renforcée parle développement de l’économie des services sup-portée par les nouvelles technologies de communi-cation. La nouvelle division du travail qu’elle génèreconcentre au nord la production immatérielle quideviendra une condition de production, au sud. Lesinnovations technologiques et les savoirs protégés, uti-lisés au sud, génèrent des droits et redevances quis’ajoutent aux recettes déjà accaparées que permettentles productions à faible coût.

Qu’apporte la création de l’Organisation Mon-diale du commerce (OMC)? La création de l’OMCfait prévaloir pour l’ensemble des pays des objectifsinternationaux de commerce sur des considérationsnationales. Cette organisation intègre dans la négo-ciation des règles dit de commerce les conditionsmêmes de production et, surtout, il étend la logiquecommerciale à tous les domaines de la société et dela vie. L’objectif est non seulement l’élimination desbarrières tarifaires, comme dans les négociationsantérieures mais aussi et surtout des obstacles nontarifaires (BNT), «la notion de BNT englobe toutes

les formes et les variantes possibles et imaginablesd’interventions et d’entraves imposées par les pou-voirs publics et leurs agences à tous les niveaux de laproduction, de la circulation et de la distribution desproduits et des services; il ne pouvait être question detoutes les barrières non tarifaires, mais de certainesd’entre elles et, en particulier, des barrières non tari-faires à l’exportation et non pas, par exemple, de cesbarrières non tarifaires à la production qu’on appelleencore des subventions aux entreprises. Or, lesmesures économiques sanctionnées par les gouver-nements aux prises avec des économies plus faiblesont principalement pris pour cible les flux d’expor-tations et d’importations de manière à en accroître lesretombées, pour les besoins de la croissance de l’éco-nomie domestique. Ainsi en ouvrant les négociationssur les BNT à l’exportation, les négociateurs améri-cains faisaient une pierre deux coups: ils remettaienten cause la stratégie de substitution aux importa-tions, stratégie à l’ombre de laquelle les gouverne-ments fédéral et provinciaux avaient pu faciliter l’in-dustrialisation au pays et, du coup s’assuraient d’unapprovisionnement sécuritaire en richesses naturellespour l’avenir17… » Cette analyse des effets de l’accordde l’ALENA vaut pour le commerce en général tel querégit par l’OMC.

L’OMC se construit sur un certain nombre deprincipes, avantages comparatifs18, rentabilité mar-chande, clause de la nation la plus favorisée19 et clausedu traitement national20, autant de principes dontpeuvent se prévaloir les grandes entreprises transna-tionales les plaçant en position de force face aux gou-vernements nationaux.

188Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

17. Dorval Brunelle, Démocratie et privatisation dans lesAmériques : de l’ALENA à la ZLEA, en passant par ACI,Mémoire du groupe de recherche sur l’intégration conti-nentale (GRIC Université du Québec à Montréal) à laCommission sur les institutions de l’Assemblée nationale duQuébec, le 22 août 2000, p. 10-11.

18. Théorie économique selon laquelle un pays a avantage à sespécialiser dans la production du bien pour lequel il détientun avantage comparatif au niveau des facteurs de produc-tion.

19. La clause de la nation la plus favorisée oblige d’étendre à toutmembre de l’OMC et de façon inconditionnelle un avantageaccordé à tout autre membre.

20. Selon cette règle, les biens importés par un pays ne doiventpas être traités moins favorablement que les biens produitsà l’intérieur des frontières.

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189 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Tableau 2

Quelques accords négociés dans le cadre de l’OMC21

Accords

Accord sur les obstaclestechniques au com-merce est un régimeinternational

Objectifs

Harmoniser les normes au niveauinternational comme celle de l’en-vironnement en plaçant unelimite supérieure sans toutefoisprévoir de limite inférieure.

Effets

En vertu de ce régime, un pays doit être prêt à démontrer, si besoin est,que ces normes en matière d’environnement et de sécurité sont à la fois«nécessaires» et constituent la façon «la moins restrictive» d’atteindreles buts souhaités dans les domaines de la conservation, de la sécurité ali-mentaire ou de la santé. Ceci signifie qu’un pays est tenu de prouverquelque chose qui n’est pas – c’est-à-dire que nulle autre mesureconforme à l’OMC n’est raisonnablement disponible pour apporter laprotection nécessaire en matière d’environnement. L’Accord sur les obs-tacles techniques au commerce impose également un ensemble de règlesprocédurales très lourd pour l’élaboration de nouvelles lois et de nou-veaux règlements ; si lourd qu’un pays peut difficilement s’y conformer.

Accord sur l’applica-tion des mesures sani-taires et phytosanitaires(Accord MSP)

«fixe les contraintes sur les poli-tiques gouvernementales relativesà la salubrité des aliments, à lasanté des animaux et des plantes,à partir des pesticides jusqu’à l’ins-pection des aliments, en passantpar les contaminants biologiques,l’étiquetage des produits et les ali-ments modifiés génétiquement…

Retire aux gouvernements nationaux le pouvoir de décision concernantla santé, les aliments et la sécurité et à le confier à des organismes inter-nationaux de normalisation.

Accord sur les droits depropriété intellectuellequi touche le com-merce (ADPIC)

Il établit les règles mondiales exé-cutoires sur les brevets, les droitsd’auteur et les marques de com-merce, incluant toutes les formesde plantes et d’animaux, de mêmeque les graines.

Il promeut les droits privés de sociétés au détriment des communautéset de leur héritage génétique et des médecines traditionnelles22.

Accord sur les subven-tions, les lois anti-dumping et les droitscompensateurs

Il impose des limites sur ce que lesgouvernements peuvent ou nepeuvent subventionner.

Cet accord met à l’abri de ces mesures les dépenses qui relèvent de l’in-dustrie militaire et des industries liées à la sécurité, dépenses qui relèventprincipalement de quelques pays industrialisés leur donnant ainsi unavantage concurrentiel.

21. Maude Barlow, idem.22. Ibid., p. 15.

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Au sein de l’OMC se poursuit une négociation surle commerce des services (GATS) à savoir les servicesde santé, d’éducation, les services sociaux, le domainedu livre, de la récréation et de la culture ainsi que desservices d’utilité publique comme l’eau, la construc-tion et les services d’ingénierie. Ces services publicssont assumés par les municipalités et les gouverne-ments locaux ne pourront plus, à l’avenir, se soustraireà la concurrence et à l’emprise des entreprises privées,même étrangères, sous prétexte de porter atteinte à laliberté de commerce23. Il s’agit donc d’une autre étapevers la dissolution des instances de vie démocratiquesous prétexte d’assurer une efficacité productiveexempte de toute entrave au commerce.

Il serait indispensable de s’attarder sur le rôlecomplémentaire joué par les accords régionaux dontcelui de l’ALENA24 et de la ZLÉA25 en cours de négo-ciation qui étend à l’ensemble des pays d’Amérique,sauf Cuba, ce nouvel équilibre des forces et complètela grande toile qui se tisse au bénéfice des grandes cor-porations.

quence, la politique sociale également. La voievers la libéralisation des services publics transitepar leur commercialisation qui étendra bientôtson empire à l’ensemble de la politique sociale, dela politique d’éducation, et le reste. Dans le cha-pitre 11 sur l’investissement, toute l’insistance estplacée sur les droits des investisseurs, avec lerésultat que les gouvernements et les entreprisespubliques sont, quant à eux et à elles, placés dansune situation subordonnée et désavantagées parrapport aux premiers, une stratégie qui contribueévidemment à brider les pouvoirs publics et leursentreprises.» (p. 17)

«En effet, si la ZLEA a peu d’effets au niveausubstantiel pour nous ici*, elle en a au niveaustratégique, tout simplement parce que l’extensiondes normes et principes de l’ALENA à la grandeurdes Amériques contribuerait à renforcer encoredavantage l’implantation des mesures de libérali-sation des marchés intérieurs et rendrait encoreplus difficile le maintien ou la sauvegarde des pré-rogatives des pouvoirs publics en matière dedéfense des droits économiques et sociaux, parexemple.» (p. 8-9)

Source: Dorval Brunelle, Démocratie et privatisation dans lesAmériques : de l’ALENA à la ZLEA, en passant par ACI,Mémoire du groupe de recherche sur l’intégration conti-nentale (GRIC Université du Québec à Montréal) à laCommission sur les institutions de l’Assemblée nationale duQuébec, le 22 août 2000.

* Pour le Québec, étant donné que déjà nous vivons sousl’empire de l’ALENA.

190Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

23. Il est à noter que, sous les pressions de la Banque mon-diale, le domaine des services est déjà largement privatisédans les pays du Sud.

24. Accord de libre-échange nord-américain en vigueur depuis1989 entre le Canada, le Mexique et les États-Unis.

25. Zone de libre-échange des Amériques.

Sur l’ALENA et la ZLEA: un constat

«La libéralisation désigne essentiellement leprocessus par lequel des nouveaux marchés sontsoustraits aux entraves imposées au cours des anspar les pouvoirs publics et autres instancespubliques de production, de contrôle, de protec-tion, de distribution des biens, des richesses natu-relles, des services, voire des programmes d’édu-cation et de santé.» (p. 7)

«Un constat central s’établit désormais claire-ment : pour une première fois, la quantité dedomaines ouverts par l’ALENA engage une exten-sion insoupçonnée du champ du commerce inter-national, avec le résultat que ce seront désormaisles normes commerciales elles-mêmes qui impo-seront leurs contraintes à la définition des normesde la politique économique domestique ou, pourdire les choses d’une manière plus polémique, ceseront désormais les principes applicables en droitcommercial qui serviront à définir la politiqueéconomique domestique et, par voie de consé-

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Comment l’ALENA protège les transnationales : un exemple

La Cour suprême de la Colombie-Britanniquea maintenu la conclusion à laquelle en était arrivéun tribunal de l’ALENA, qui avait statué qu’unedécision gouvernementale d’interdire l’exploita-tion d’un lieu d’élimination des déchets en vertud’un décret écologique équivalait à une expro-priation c’est-à-dire que les profits sont plusimportants que l’environnement, qu’ils sont plusimportants que la santé et la sécurité des citoyens.

La municipalité de Guadalcazar au Mexiqueavait refusé d’accorder un permis de constructionpour le projet de Metalclad, dont le prédécesseuravait répandu des tonnes de déchets toxiques surle site, ce qui avait indigné la population. En aoûtdernier, le tribunal de l’ALENA a décidé que ladécision d’empêcher la construction de l’usined’élimination des déchets sur le site que Metalcladavait acheté d’une entreprise mexicaine enfrei-gnait le chapitre 11 de l’ALENA. Le Mexique doitmaintenant payer à Metalclad la plus grandepartie de la somme accordée par sentence arbi-trale, soit 16,9 millions$ US.

Tiré de Un jugement favorise les affaires plutôt que l’envi-ronnement, McDonough, Presse canadienne, OTTAWA(http://www.cyberpresse.ca/reseau/politique/xp/pol_p1053979.html)

living while reducing resource consumption and envi-ronmental damage»26. En effet, le Rapport 2000 pourles pays les moins développés de l’UNCTAD27 entre-voit, comme solutions aux difficultés actuelles, l’in-tégration des pays les plus pauvres dans le systèmecommercial multilatéral, le développement de leurscapacités productives par une intensification desinvestissements étrangers et la réussite des ajuste-ments structurels. Ce à quoi répond la déclarationfinale de la rencontre de l’OMC à Doha qui est àl’effet de favoriser l’entrée desdits pays les moinsdéveloppés au sein même de l’OMC28. Mais l’OMCn’a pas réussi à introduire les notions de développe-ment durable et de protection de l’environnementdans ses principes fondamentaux!

La question se pose de savoir si de véritables chan-gements de consommation peuvent se produire si lalogique du développement et de la croissance éco-nomique continue de répondre aux impératifs définispar l’OMC et les institutions financières internatio-nales? Quelles politiques et quels programmes, res-pectant les règles de l’OMC propre à l’extension duditlibre marché vont permettre d’infléchir des modes deproduction et de consommation pour répondre auxpriorités du développement durable?

Le discours du libre-échange repose sur une visionde l’individu comme s’il n’était que cette catégorieéconomique, cet «homo-eoconomicus», dont la façond’agir n’est rationnelle que dans la mesure où ne sontpris en compte que ses intérêts financiers. Il s’adresseà l’individu isolé qui ne pense qu’à payer moins cherdes objets ou des services qu’il finit pas croire indis-pensables alors qu’il en ignorait l’existence avant

191 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Les analyses des documents préparatoires à laConférence de Johannesburg tout comme les docu-ments d’autres rencontres internationales touchant ledéveloppement et l’environnement non seulements’articulent autour de ces règles mais les présententcomme étant les conditions mêmes du développe-ment durable des modes de consommations durables.«Globalisation and the new information and com-munication technologies provide opportunities toshift to more sustainable consumption and produc-tion patterns, but this will not be automatically.Policies and programmes must be developped toensure that the new technologies held shift consump-tion and production patterns to improve standard of

26. Economic and Social Council (2001), Changing Con-sumption Patterns. Report of the Secretary-General(E/CN.17/2001/PC/8.

27. Voir http://unctad.org/fr/pub/ps11dc00.fr.htm.28. Cette intention est reprise dans le document préparatoire de

la rencontre de Monterrey «Draft text of the MonterreyConsensus» qui doit se tenir au Mexique les 21 et 22 mars2002. Il s’agit d’un élément d’une stratégie qui dit-on«…have resolved to address the challenges of financing fordevelopment around the world, particularly in developingcountries. Our goal is to eradicate poverty, achieved sus-tained economic growth and promote sustainable develop-ment as we advance to a fully inclusive and equitable globaleconomic system.»

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d’être soumis au travail insidieux de la publicité.Qu’en est-il des personnes soucieuses de la santé deleur société et de celle d’autres peuples29 ? La penséeéconomique dans sa forme actuelle non seulementconsidère que ces questions ne relèvent pas de sonchamp d’expertise pour ne pas dire de son imaginairemais elle contribue à construire une société où laquestion ne peut plus être posée, si ce n’est sous lemode de la charité privée ou de l’industrie du secourshumanitaire qui prolifère en même temps que l’éco-nomie marchande néo-libérale. En prenant encompte les externalités, en essayant de développerune comptabilité verte ou encore en pensant réduirela pauvreté par le déploiement de la logique mar-chande, ne sommes-nous pas en train de construireune prison économique plus forte encore? Serons-nous face à un nouveau constat d’échec en 2012?

UNE DÉCENNIE D’INITIATIVES ET DE CRÉATIVITÉ DANS LA MOUVANCECITOYENNE Une autre décennie de transformations a été marquéepar la rencontre de Rio en 1992. Le Sommet de laTerre a été l’occasion de réunir un grand nombred’ONG et de groupes alternatifs ou critiques quin’ont pas manqué de se retrouver lors de rencontressubséquentes. Le travail réalisé par ces groupes aucours des années 1990 a permis non seulement unemeilleure compréhension des situations particulièresconcrètes, le développement d’une réflexion critiquemais a contribué à développer des projets concretsporteurs d’espoir. D’ailleurs, les rapports des NationsUnies ne manquent pas de rappeler le rôle essentielassumé par des organisations citoyennes dans le déve-loppement d’une conscience non seulement écolo-gique mais sociale et citoyenne. Toutefois, comme ila été mentionné au début, des luttes se poursuiventau sein de communautés, des projets concrets seconstruisent aux mains d’individus, souvent desfemmes qui n’ont pas nécessairement accès à ces ren-contres internationales mais contribuent à construiredans leurs communautés des conditions de produc-tion et de consommation nouvelles durables. Cettemouvance citoyenne se présente partout sous de mul-tiples visages.

Même si ces organisations sont porteuses d’unepluralité d’analyses, elles se rejoignent toutes sur laremise en cause du modèle «économiciste» et plusprécisément néo-libéral, référence théorique de basedes documents tant des Nations Unies que de l’OMC.

Ces organisations citoyennes interpellent l’hu-main non seulement comme consommateur maiscomme citoyen soucieux de la cohésion de son mondeet de sa société, conscient de sa responsabilité à l’égarddes autres, ce qui est absent des modèles et des pré-occupations économiques néo-libérales. La mou-vance des organisations citoyennes amène un chan-gement de perspective qui transforme non seulementla façon d’aborder les problèmes mais le cadre oùs’insèrent les solutions.

Se développe une diversité d’organisations et deperspectives dont seront mentionnés quelques casen fournissant, à titre indicatif, quelques références.Ces projets sont souvent une réaffirmation, versionnouvelle, de principes qui structuraient les sociétéstraditionnelles. Il ne s’agit pas d’un retour en arrièremais d’une résurgence de principes qui puisent leurforce dans les aspirations humaines bafouées par lalogique économique mais qui ne sont pas disparuespour autant.

Mouvement de simplicité volontaire30 – Ce mou-vement né aux États-Unis au cœur de la société deconsommation est basé sur la prise de conscienceque la vie et la qualité de vie ne peuvent se résumerà des actes de consommation de biens matériels ouimmatériels. Ce mouvement contribue à faire prendreconscience de l’emprise très souvent insidieuse desmessages obsessifs de consommation en retrouvantou développant des manières de vivre « simples»,plus près de la nature, de la terre et de soi-même.Ouvrant non seulement sur des changements dans lesmodes de consommation, elle entraîne une baisse deconsommation du moins tel que le définit la logiquedu marché. Cette démarche constitue en quelquesorte une sortie de la logique du marché.

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29. Le Monde diplomatique, mai 1993, p. 6.30. http://www.amysystems.com/simplicitevolonaire/

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Préservation des espaces naturels et des terres agri-coles – Certaines organisations visent à préserver,voire à restaurer des espaces communs à l’instar destrusts américains ou des groupes de servitude deconservation des terres agricoles31. Le but est d’assurerla pérennité d’espaces naturels et de ses fruits de qua-lité. En Inde, une initiative paysanne, le Satyagraha,en collaboration avec le Third World Network32 tra-vaille à l’élaboration d’un nouveau cadre de recon-naissance de la «propriété intellectuelle collective» descommunautés traditionnelles, alternative à l’accord del’OMC sur les droits de propriété intellectuelle quilégalise la «désappropriation» des fruits du travailséculaire de milliers de paysans.

Mouvements d’agriculture biologique soutenue parla communauté – Au sein de ces organisations s’éta-blit un nouveau type de liens entre les producteursagricoles et les individus bénéficiant de ces produc-tions. Ces derniers cessent d’être de simples consom-mateurs pour devenir des partenaires dans la pro-duction et incidemment dans le partage de risquecomme du travail. Ce faisant, de nouveaux liens sestructurent entre la campagne et la ville33.

Tourisme éthique – Ces projets se construisentsur une vision où les moments de loisir et de vacancesne se résument pas à une suite de gestes de consom-mation qui alimentent l’insatiabilité et génère l’en-dettement en même temps que la destruction desmilieux visités. Ils cherchent aussi à mettre en valeurles particularités culturelles locales en tentant de lesrespecter dans leur intégrité.

Mouvement citoyen à visée politique plus large –À titre d’exemple, l’Union paysanne34 au Québec viseà redonner aux citoyens un pouvoir de décision quantà l’orientation du développement agricole en rela-tion avec les divers intervenants dans le processus deproduction. Structurée en syndicat citoyen et ouvertà tous les individus concernés par une agriculture etune alimentation de qualité, cette organisation vise àmettre un frein à la transformation de la campagne enune vaste usine à profit pour l’industrie agro-alimentaire au détriment des communautés rurales età favoriser le maintien et le développement des usagesmultiples des milieux naturels. Par une telle action, ilne s’agit pas seulement de défendre les droits des pro-ducteurs ou des consommateurs mais de donner à des

individus citoyens une voix dans la construction d’unmonde dans lequel ils veulent vivre.

Commerce équitable35 – Ces projets s’adressentplus spécifiquement à l’individu en tant que consom-mateur mais en transformant l’acte d’achat et deconsommation en un geste civique et social. Ils cher-chent à permettre aux producteurs du sud d’avoir unretour sur leur travail plus adéquat leur permettantd’utiliser le surplus dégagé au développement endo-gène de leur communauté.

Transport responsable et éthique – D’autres trou-vent des solutions aux problèmes du transport par lesformules de covoiturage, d’utilisation partagée devoitures, le développement de pistes cyclables, la valo-risation du transport en commun, etc.36

Plusieurs autres projets existent tentant de déve-lopper des technologies alternatives, de promouvoirune éducation environnementale37, l’économied’énergie38 ou encore de développement d’uneéthique d’investissements ou la création de monnaiessociales. Ce ne sont que quelques projets qui tententde se développer à partir d’un cadre de pensée qui sortde la logique consommatrice étroite pour favoriserl’émergence d’espaces citoyens où s’opèrent, indivi-duellement et collectivement, des choix de vie prenantleurs assises dans les particularités des cultures.

Un même type de réflexion s’amorce aussi auniveau international à l’instar de René Passet39 quipropose une alternative aux principes économiquesde l’OMC basés sur la tyrannie privée et l’individua-lisme et la seule recherche de gains financiers. Ainsi

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31. www.chez.com/fermecadetrousel32. http://www.twnside.org.sg/33. http://www.equiterre.qc.ca/asc/index.html34. Voir www.unionpaysanne.com35. Voir http://www.caferico.qc.ca/mnpr/index.htm,

http://www.equiterre.qc.ca/36. http://www.equiterre.qc.ca/transport/index.html37. http://www.equiterre.qc.ca Équiterre a collaboré à la pro-

duction du document suivant L’ABC DE LA CONSOM-MATION RESPONSABLE Document de référence de l’opé-ration d’un COMMERCE AGRÉABLE ET ÉQUITABLE,2001, avec la collaboration de la CSQ, d’Oxfam-Québec,d’Équiterre et du Club 2/3.

38. http://www.equiterre.qc.ca/accueil/index.html39. René Passet, « Manifeste pour une économie à finalité

humaine», Le Monde diplomatique, février 2001, p. 14-15.

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propose-t-il ces quelques principes basés sur unenécessaire solidarité et une mutuelle reconnaissance.

• Au lieu de vouloir tirer parti des avantages com-paratifs, les règles économiques pourraient sedonner pour principe de corriger les inégalitésnaturelles des conditions de production par untraitement économique plus favorable aux plusdéfavorisés.

• Au lieu de faire primer la rentabilité marchandeabstraite, on pourrait reconnaître la primautédes droits fondamentaux, de l’utilité sociale denotre décision et l’intérêt général construit ausein des relations de proximité et de la vie asso-ciative ou citoyenne.

• Au lieu d’obliger les pays à adopter la clause de lanation la plus favorisée, reconnaître le droit dechaque peuple à s’organiser librement en vastescommunautés de nations solidaires, travaillantdans des pratiques de résolutions de conflits lesvelléités de domination, reconnaître le droit de seprotéger par des barrières de préférences com-munautaires, à se protéger des flux de capitauxvolatiles.

• Au lieu de forcer les pays à adopter la clause dutraitement national, les accords internationauxpourraient reconnaître au pays le droit de pro-téger leurs activités vitales, de mettre en valeurleur territoire et de préserver leur autosuffisancealimentaire.

Ces quelques idées ont pour principale fonctiond’ouvrir l’univers des possibles. Un des grands enjeuxde la prochaine décennie, en général mais aussi enmatière de consommation, n’est-il pas de trouver lemoyen pour que ces expériences inspirent une trans-formation des grands rouages économiques afinqu’elles ne restent pas comme un troisième voie auxmarges du système? Comment faire pour que l’autreregard posé sur le monde soit entendu afin qu’unjour on voit naître une OMDS, une organisationmondiale du développement sociale qui vient donnerune perspective aux règles de l’économie pourreprendre l’image de René Passet. Les perspectivespour 2012 ne devraient-elles pas s’inscrire dans un telhorizon?

194Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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Il est commun d’entendre dire que «l’argent mène lemonde», que l’économie est maîtresse de la poli-tique. Pour les États, la «nécessité» d’être compétitifsur les marchés internationaux sert à justifier leurnon-intervention à protéger l’environnement et lebien commun. «La croissance avant tout», répèteGeorges W. Bush.

S’il est vrai que les échanges commerciaux contri-buent à la croissance économique, encore faudrait-ilparvenir à en calculer les véritables coûts. Les coûtsenvironnementaux et sociaux ne sont en effet pascomptabilisés dans le PIB des États, pas plus quedéduit du chiffre d’affaires des entreprises. Cetteexternalisation des coûts encourage des modes deproduction et de consommation souvent irrespon-sables d’un point de vue social et environnemental.Jusqu’à présent, les grands gagnants de cet ordre éco-nomique néo-libéral ont été les entreprises multina-tionales. D’ailleurs, le chiffre d’affaires de plusieursd’entre elles surpasse désormais le PIB de paysentiers2. À titre d’exemples, Wal-Mart a des revenussupérieurs au PIB de 163 pays. Le chiffre d’affaires deMitsubishi surpasse le PIB de l’Indonésie et Fordcelui de l’Afrique du Sud3.

Depuis quelques années, exaspérés par des accordsde libre-échange qui se traduisent souvent en libreexploitation humaine et environnementale, descitoyens de tous horizons se rassemblent au seind’une panoplie d’organismes de la société civile. Auxrencontres économiques de Seattle, de Gênes et deQuébec, ils étaient nombreux dans les rues à scander«Fair trade, not free trade» (Commerce équitable,non libre commerce).

Au quotidien, des citoyens s’expriment égalementpar le biais de leurs choix de consommation. Ils achè-tent des produits de commerce équitable et des ali-ments biologiques. Ils font des pressions sur les entre-prises afin qu’elles modifient leurs pratiques. Ilsinvestissent dans des fonds éthiques, etc.

L’HISTOIRE DU COMMERCE ÉQUITABLE Le commerce équitable a connu ses premiers balbu-tiements après la Deuxième Guerre mondiale.Initialement connu sous le nom de commerce alter-natif, son but n’était alors pas tant de réformer les pra-tiques du commerce conventionnel que de créer unsystème de commercialisation parallèle équitable.

En 1946, l’Agence de développement interna-tional des Mennonites aux États-Unis donna nais-sance à un projet d’achat direct à des artisans défa-vorisés d’Amérique latine. Leur premier magasin,alors appelé Self Help (aujourd’hui rebaptisé TenThousand Villages/Dix mille villages) a été ouvert pardes bénévoles qui souhaitaient contribuer à l’établis-sement de rapports économiques plus justes tout ensensibilisant leur communauté aux inégalités engen-drées par le commerce international.

195 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Le commerce équitable pour humaniser l’économieLaure WARIDEL

Cofondatrice d’Équiterre1

Québec, Canada

ATELIER 7 – Études de cas

1. Laure Waridel est cofondatrice d’Équiterre, une organisationquébécoise sans but lucratif vouée à la promotion de choixécologiques et équitables. Elle est auteure des livres L’EnVertde l’assiette (1998) et Coffee with Pleasure : Just Java andWorld Trade (2002). Elle tient également la chronique Acheterc’est voter à l’émission Indicatif Présent à la radio de Radio-Canada.

2. Barlow, Maude et Tony Clark, 2001, Global Showdown.Stoddart, 238 p.

3. Waridel, Laure, op.cit.

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Au début des années 1960 en Europe, une initia-tive similaire fut entreprise par un groupe de jeunesmilitants néerlandais. Ils importèrent directementd’Haïti des statuettes de bois, ce qui permit à desartisans d’atteindre une plus grande autonomie éco-nomique. Quelques années plus tard, Oxfam Grande-Bretagne se mit à vendre de l’artisanat chinois. Ainside suite, un projet en suivit un autre, au point dedevenir peu à peu un courant, surtout en Europe oùles forces se canalisèrent plus rapidement qu’enAmérique du Nord.

En 1964, réunis à Genève à la Conférence desNations Unies sur le commerce et le développement(CNUCED), des pays du Sud adoptèrent le slogan«Trade not Aid» (Du commerce pas de l’aide). Ilsdénonçaient les comportements hypocrites des paysindustrialisés qui d’une main s’appropriaient les res-sources des pays du Sud et de l’autre prétendaient fairede l’aide internationale. Ils réclamaient des rapportsde justice plutôt que de la charité. Cette conjoncturesouffla un vent nouveau dans les voiles du commerceéquitable qui s’élargit à de nouveaux produits.

« CERTIFIÉ ÉQUITABLE » À la fin des années 1980, le mouvement du com-merce équitable réunit ses efforts pour offrir les pro-duits dans les lieux fréquentés par la majorité de lapopulation. On cherchait à augmenter le volume desventes afin de soutenir un plus grand nombre deproducteurs. Cette tendance donna naissance, auxPays-Bas, à la première initiative de certification équi-table baptisée Max Havelaar. Le café fut le premierproduit certifié équitable à être distribué à travers leréseau de distribution conventionnel. On le vit ainsiapparaître dans les grandes épiceries, les cafés et lesrestaurants. Un logo de certification garantissait auxconsommateurs qu’un organisme indépendant avaitvérifié si le produit répondait adéquatement auxprincipes du commerce équitable.

La Fondation Max Havelaar inspira la mise enplace d’initiatives similaires appuyées par des ONG etdes syndicats au-delà des Pays-Bas. On assista à lacréation de nouveaux organismes de certificationnationaux dont les organismes TransFair enAllemagne, au Canada et aux États-Unis et FairTrade

en Grande-Bretagne. En 1997, quinze différentes ini-tiatives de certification équitable se regroupèrent ausein du FairTrade Labelling Organisations (FLO) quimaintenant coordonne et tente d’uniformiser le pro-cessus de certification à l’échelle internationale.

À la demande d’associations de producteurs, d’or-ganismes de développement international et d’asso-ciations de consommateurs, la certification équitables’est étendue à de nouveaux produits. Dans plusieurspays européens, il est facile de se procurer du thé, ducacao, du chocolat, du sucre, du miel, du jus d’orange,du riz et des bananes certifiés équitables à l’épiceriedu coin. Grâce à l’implication de commerçantsconventionnels et aux différentes boutiques de pro-duits équitables, on compte aujourd’hui plus de800000 familles de paysans et d’artisans bénéficiantde ce type d’échanges. Elles sont réparties dans 45 paysd’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie et représententenviron cinq millions de personnes4. En Europe, desproduits équitables sont distribués à travers plus de64800 points de vente5. Certains produits ont atteintun fort niveau de pénétration des marchés conven-tionnels. En Suisse par exemple, les ventes de bananeséquitables occupent 15 % du marché total de ce produit

UN EXEMPLE DE COOPÉRATIVE Dans les montagnes d’Oaxaca, au sud du Mexique, lesautochtones de l’Unión de Comunidades Indigenas dela Región del Istmo (UCIRI) se sont regroupés encoopérative et exportent directement leur café cer-tifié biologique et équitable en Europe et en Amériquedu Nord. Ensemble, ils ont mis un frein au monopoleet à l’exploitation des intermédiaires locaux desquelsils étaient dépendants non seulement pour la vente deleur café, mais aussi pour l’emprunt d’argent et le

196Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

4. Waridel, Laure, ibid.5. European Fair Trade Association (EFTA), décembre 2001,

Fair Trade Yearbook : Challenges of Fair Trade 2001-2003,EFTA. 199 p.

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transport de marchandises. Le soutien d’organismesde commerce équitable a aidé les paysans à acquérirles connaissances et à développer les infrastructuresnécessaires à l’exportation de leur café. À ses débuts,en 1983, UCIRI regroupait une centaine de famillesdans quelques communautés de la région. Aujour-d’hui, elles sont plus de 2 000 dans 53 villages.

Les gens d’UCIRI ont bâti plusieurs projets. Ils onten outre mis sur pied un centre de santé à base com-munautaire, une école d’agriculture biologique, descoopératives d’alimentation, ainsi que divers autresprojets appropriés aux besoins des gens et aux valeursqui les animent. Une des forces du commerce équi-table est justement de soutenir l’auto-développe-ment, c’est-à-dire de faciliter la prise en charge d’unecommunauté pour son propre déploiement. Enanglais, on parlerait d’empowerment, d’une prise depouvoir sur leur vie.

L’ASCENSION DU COMMERCE ÉQUITABLE AU CANADA Au Canada, pour l’instant, le port du sceau de certi-fication équitable de Transfair se limite au café et authé. Des développements sont en cours pour la cer-tification du chocolat équitable. Transfair Canadaexiste seulement depuis 1994 et vit avec très peu demoyens comparativement à ses semblables européenset à Transfair USA. Il partage tout de même avec euxles mêmes critères de certification qui dans le cas ducafé se résument ainsi :

1. Le café doit provenir de l’une des 363 coopérativesinscrites sur le Registre des producteurs de café deFLO. Ces organisations regroupent des familles depetits producteurs organisées de manière démo-cratique et pratiquant une agriculture durabledans 22 pays. Le café est généralement biologiqueet cultivé à l’ombre dans la forêt, ce qui contribueà la préservation d’écosystèmes diversifiés et à laréduction de l’utilisation de produits agrochi-miques.

2. Le café est payé un prix qui tient compte à la foisdes besoins des producteurs et de la réalité desmarchés du Nord. Le prix minimum est établi està 1,26 $US la livre (arabica non biologique).

3. Les coopératives qui le désirent peuvent bénéficierd’un paiement à l’avance afin d’éviter les tauxd’intérêt élevés des institutions financières locales.

4. Les acheteurs prennent des engagements à longterme, ce qui, pour les coopératives, facilite laplanification et les investissements nécessairesaux pratiques d’une agriculture durable.

À l’heure actuelle au Canada, 73 importateurs ettorréfacteurs ont signé une licence de certificationéquitable. De 1998 à 2000, les ventes de café équitableont augmenté de 700% au Canada. En l’an 2000,160 tonnes de café certifié équitable y ont été vendues.Au Québec seulement, le café équitable est distribuédans plus de 500 épiceries et cafés d’un bout à l’autrede la province. En 1996, on y comptait seulementdeux points de vente!

DES CAMPAGNES DE SENSIBILISATION ETD’ACTION POUR LE COMMERCE ÉQUITABLEAU QUÉBEC Ces nouvelles tendances n’émergent pas de la seulebonne volonté des grandes entreprises. Elles sontpoussées par la force grandissante d’une société civilede mieux en mieux organisée pour demander unrenouvellement des pratiques commerciales entrepays du Nord et du Sud. Ces organisations de basevont au-delà de la simple dénonciation des problèmeséconomiques, sociaux et environnementaux. Ellesproposent des solutions concrètes, des gestes alterna-tifs à poser quotidiennement afin de prendre part àl’édification d’une économie plus responsable. Faisantappel à la «citoyenneté» de chaque individu, ces orga-nismes rappellent à la population que nos choix deconsommation sont aussi des gestes politiques.Acheter, c’est un peu comme voter, mais au quotidien.

Au Québec, Équiterre et Oxfam-Québec ont jouéun rôle important dans le développement du com-merce équitable grâce à une campagne d’éducation etd’action efficace. Plutôt que d’encourager des cam-pagnes de «boycott» de produits non éthiques, ilsproposent plutôt le «buycutt» comme moyen d’in-fluencer les entreprises et de faire appel à leur res-ponsabilité corporative. Ils font connaître le com-merce équitable grâce à diverses activités de

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sensibilisation dans les réseaux institutionnels et com-munautaires, par le biais des médias et grâce à des cen-taines de bénévoles qui organisent des activités locales.Ils s’adressent directement à des entreprises, de l’épi-cerie du coin à la grande maison de torréfaction. Bref,ils encouragent l’achat de café équitable par tous lesmoyens.

RECOMMANDATIONS Afin que le commerce équitable se développe et quede manière plus générale les modes de production etde consommation respectueux de l’environnement etdes travailleurs deviennent la norme dans l’économiemondiale, diverses stratégies méritent d’être consi-dérées.

Tenir compte des vrais coûts Les coûts environnementaux et sociaux n’étant pascomptabilisés dans le prix payé par les consomma-teurs, les produits équitables et écologiques sont géné-ralement plus chers pour les consommateurs, ce quien réduit l’attrait. L’exploitation de l’environnementet des travailleurs constitue souvent un avantage com-paratif. Pour remédier à cette situation, les produitsdu commerce équitable pourraient bénéficier deréduction de taxes et de droits de douane préférentiels,comme le stipule un texte du Parlement européen6.De manière plus globale, les réglementations inter-nationales devraient êtres assez sévères pour interdireles pratiques commerciales les plus dommageablespour l’environnement ainsi que les conditions detravail qui ne respectent pas la Charte des droits de lapersonne et normes de l’Organisation Internationaledu Travail (OIT).

Sceller des alliances stratégiques La formation de coalitions regroupant des ONG, dessyndicats, des entreprises privées et des institutionsgouvernementales et para-gouvernementales pour-raient donner de nouvelles forces au commerce équi-table. L’établissement de politiques d’achat privilégiantles produits issus d’un commerce responsable permet-trait d’importants développements puisque les réseauxinstitutionnels constituent de grands marchés.

Renforcer les campagnes de sensibilisation du public La sensibilisation du public est essentielle au déve-loppement du commerce équitable et de la consom-mation responsable. L’ignorance est un obstaclemajeur à la responsabilisation des individus et desentreprises quant à leurs actions. Les institutions sco-laires et les médias jouent un rôle important dans cedessein.

Assurer un étiquetage adéquat Il est difficile pour les consommateurs de connaîtreles impacts environnementaux et sociaux de ce qu’ilsachètent. Mis à part la recherche de certains sceaux decertification tels ceux qui sont sur les produits bio-logiques et équitables, il n’est pas évident de pratiquerune consommation responsable. La multiplicationdes «étiquettes vertes» dont les critères ne sont pastoujours garantis par des organismes indépendantsaccroît la confusion des consommateurs et pourraitnuire à la crédibilité des alternatives sérieuses. Denombreuses lacunes persistent dans les systèmes d’éti-quetage et de certification aux échelles locales, natio-nales et internationales.

Tant que le commerce équitable n’aura pas percéle marché conventionnel, ses bénéfices demeurerontmarginaux comparativement à l’ensemble des pro-blèmes environnementaux et sociaux engendrés parla libéralisation des marchés. La mobilisation d’acteursgouvernementaux et non gouvernementaux est essen-tielle au développement d’une économie responsable.

198Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

6. Leroy, Milène, 2002, Le guide du consommateur responsable,Marabout. 95 p.

Page 211: Colloque International Francophonie et développement durable

POUR EN SAVOIR PLUSClean Clothes : www.cleanclothes.org

Commission for Environmental Cooperation:www.cec.org

Corporate Watch: www.corpwatch.org

Ethical Consumerism: www.arq.co.uk/ethicalbusiness/uksif/consumer.htm

Ethical Trading Initiative (ETI): www.tradecraft.co.uk

Équiterre : www.equiterre.qc.ca

International Federation for Alternative Trade (IFAT):www.ifat.org

Oxfam-Québec: www.oxfam.qc.ca

Ten Thousand Villages : www.villages.ca

Transfair Canada: www.transfair.ca/

United Nations Development Programme (UNDP):www.undp.org

RÉFÉRENCESBARLOW, Maude et Tony CLARK, 2001, Global Show-

down, Stoddart, 238 p.

DECORNOY, Jacques, novembre 1996, Les voies et lesmoyens du commerce équitable : Manière de voir,Le Monde diplomatique, no 32, p. 80.

EUROPEAN FAIR TRADE ASSOCIATION (EFTA),décembre 2001, Fair Trade Yearbook: Challenges ofFair Trade 2001-2003, EFTA, 199 p.

EUROPEAN FAIR TRADE ASSOCIATION (EFTA),février 1998, Fair trade in Europe: Facts and figures onthe fair-trade sector in 16 European countries, 57 p.

EUROPEAN FAIR TRADE MARKING MOVEMENT,Davison, rapporteur, 24 novembre 1995, DraftOpinion of the Section for External Relations, Tradeand Development Policy on the European «fair trade»marking movement (to The Members of the Sectionfor External Relations), Brussels : Trade andDevelopment Policy, European Fair Trade MarkingMovement, 17 p.

FLO-INTERNATIONAL, juin 1995, Les conditions pourl’achat de café Max Havelaar/TransFair/Fair-Trade,6 p.

LEROY, Milène, 2002, Le guide du consommateur res-ponsable, Marabout, 95 p.

MANDER, Jerry et Edward GOLDSMITH, editors, 1996,The Case Against the Global Economy and for a turntoward the local. Sierra Club Books, 549 p.

RICE, Paul D. et Jennifer MCLEAN, octobre 1999,Sustainable Coffee at the Crossroads, A white paperprepared for the Consumer’s Choice Council, 184 p.

WARIDEL, Laure, 2002, Coffee with Pleasure: Just Java andWorld Trade, Black Rose Books, 175 p.

WARIDEL, Laure et Sara TEITELBAUM, 1999, Commerceéquitable: Une poussée pour des échanges plus justesaux Pays-Bas, en Belgique, en Suisse et en France,Équiterre, 51 p.

199 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 212: Colloque International Francophonie et développement durable

PROBLÉMATIQUE En Afrique subsaharienne et en particulier dans lespays du Sahel, la fourniture d’une énergie fiable pourla satisfaction des besoins de cuisson est un problèmequi se pose avec acuité. Au troisième millénaireencore, plus de deux milliards de personnes à traversle monde sont obligés de couper les arbres pour cuireleurs aliments. Dans les pays où les ressources fores-tières sont très limitées, c’est le cas au Sahel, les consé-quences sur l’environnement et de surcroît sur l’éco-nomie tout entière sont désastreuses.

Malgré les efforts entrepris par les pouvoirspublics au Sahel depuis l’alerte à la crise du bois de feuau début des années 1970, les populations continuenttoujours d’opérer des prélèvements sur la ressourceforestière à la recherche de bois énergie, aggravantsans cesse la déforestation. Les énergies tradition-nelles pèsent plus de 60% dans les bilans énergé-tiques nationaux et représentent jusqu’à 90% de laconsommation énergétique des ménages. La crois-sance démographique élevée (>3 %), l’urbanisationtrop rapide, non maîtrisée et l’état de la pauvretélatente sont des facteurs exogènes qui n’améliorent pasla situation.

Pour tenter de résoudre ce problème, la plupartdes États aidés en cela par les partenaires au déve-loppement dans le cadre de projets de coopération ontentrepris des actions importantes pour une meilleuregestion des approvisionnements en combustiblesdomestiques. En amont comme en aval, des pro-grammes de gestion de l’offre et de la demande sontsimultanément menés, mais le résultat sur le terrainne donne pas forcément satisfaction. Un usage effi-

cace des énergies traditionnelles s’impose a fortioripour préserver l’environnement et assurer le bien-être des générations présentes et futures.

LES LEÇONS TIRÉES DU PASSÉ Après plusieurs décennies d’actions visant à amé-liorer la gestion des approvisionnements en combus-tibles domestiques, le bilan s’avère aujourd’hui assezmitigé. Les interventions ont porté principalementsur des programmes de rationalisation de l’exploita-tion forestière (plantations avec des espèces à crois-sance rapide, agroforesterie, aménagements partici-patifs), de recherche & développement pour accroîtrela performance des technologies (foyers améliorés,réchauds, etc.) et enfin de diversification des sourcesde combustibles (gaz butane, kérosène, etc.).

De ces expériences, on peut tirer les leçons sui-vantes :

1. Un cadre institutionnel adéquat et une parfaitecoordination entre l’offre et la demande sontnécessaires pour arriver à une bonne gestion dusous-secteur des combustibles domestiques.L’expérience RPTES a été d’un grand apport de cepoint de vue. Des équipes pluridisciplinaires,constituées d’énergéticiens, forestiers et écono-mistes travaillent ensemble et en parfaite har-monie. Ce qui est très bénéfique en termes d’ef-ficacité car une telle approche permet de replacer

200Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Usage efficace des énergies traditionnelles pour le bien-être des générations futures

Mamadou DIANKASecrétaire Technique GAA/ RPTES*

Sénégal

ATELIER 7 – Études de cas

* Groupe Africain d’Appui au programme RPTES/Banquemondiale, Regional Program for the Traditional EnergySector. Le GAA est un Groupe de réflexion et d’échanges,composé d’experts africains dans le domaine de l’énergie.

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les problèmes énergétiques au sein des autresquestions qui intéressent le développement dansson ensemble. La finalité étant, bien entendu,l’amélioration du cadre de vie social.

2. Les politiques tarifaires ne sont pas assez dissua-sives pour décourager la consommation irra-tionnelle des combustibles ligneux et encouragerl’utilisation des énergies alternatives. La véritédes prix n’est pas appliquée et le prix du boisénergie est en deçà de son prix économique, quiinternaliserait les coûts environnementaux. Ladiffusion des technologies plus efficaces (alter-natives ou pas) demeure faible en dépit de leur fia-bilité. Pourtant, une subvention directe sur leséquipements permettrait d’atteindre dans undélai record des résultats significatifs au sein d’unepopulation où une bonne frange dispose d’unpouvoir d’achat très faible.

La vitesse de dégradation des forêts est supérieureà leur capacité de régénération. Au Sénégal parexemple, on estime en moyenne que 80000 ha deforêt disparaissent par an dont 30000 ha sont liées àl’activité bois énergie. Paradoxalement, l’accent a étémis le plus souvent sur les programmes de reforesta-tion très coûteux si on les compare aux actions desubstitution. Certes, il est important de reboiser, oude prôner des exploitations rationnelles mais tantque la demande ne sera pas maîtrisée, aucune prise deconscience ne sera possible et le pillage de la forêt sepoursuivra pour la satisfaction d’un besoin de survie,qui est celui de cuire les aliments ou simplement dese chauffer, quitte à détruire l’environnement augrand dam des générations présentes et futures.

CONTRIBUTION DU SOUS-SECTEUR AU DÉVELOPPEMENT DURABLE Le développement durable suppose d’avoir des poli-tiques et stratégies énergétiques économiquementviables, acceptables du point de vue de la préservationde l’environnement et socialement équitable. Danscette dynamique, les énergies traditionnelles ont unrôle majeur à jouer compte tenu de leur dimensionà la fois économique, sociale et environnementale.

Sur le plan social, l’accès à un approvisionne-ment énergétique durable favorise la satisfaction desbesoins fondamentaux des communautés villageoiseset le développement d’entreprises rurales. Il peutcontribuer dans une large mesure au développementdes secteurs sociaux de base, tels que l’éducation, lasanté, l’approvisionnement en eau potable, l’intensi-fication agricole, etc. On l’a vu dans certains pays,grâce à une gestion responsable de l’exploitationforestière, les communautés villageoises ont puconstruire des écoles et améliorer les infrastructuressanitaires. L’utilisation du bois énergie expose souventles femmes et les enfants aux pollutions occasionnéespar les fumées issues d’une combustion incomplète.Ces rejets de gaz nocifs provoquent chez eux desinfections pulmonaires, asphyxie et attaques car-diaques.

Les tâches domestiques occupent une bonnepartie du temps de ces femmes (du lever au coucherdu soleil) ne leur laissant pas la moindre chance des’adonner à des activités génératrices de revenus.C’est pourquoi, dans le cadre des programmes éner-gies traditionnelles, on encourage beaucoup lesfemmes à des activités économiques à travers ce qu’onappelle les mesures d’accompagnement.

Elles bénéficient d’un encadrement pour parti-ciper activement à la commercialisation du bois, pourfaire du maraîchage et le petit commerce. Dans cecontexte, l’utilisation des combustibles plus moderneset commodes en termes de gain de temps est un atoutqui contribue en quelque sorte à l’équité genre.

Sur le plan économique, le sous-secteur des éner-gies traditionnelles peut aider au développement éco-nomique du monde rural. En effet, la filière boisénergie représente plus de 1 milliard de dollars US, surles 6 milliards que génère l’activité bois1. Des milliersde familles vivent de cette activité, même si les revenussont inégalement répartis entre les principaux acteurs.Mais, la situation est en état d’être rééquilibrée enfaveur des populations riveraines des massifs forestiersdans le cadre des politiques de décentralisation

201 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

1. Le rôle de l’énergie ligneuse en Afrique, FAO/ WETT, juillet1999.

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administrative avec une plus grande responsabilisa-tion des collectivités locales. L’existence d’une massefinancière locale a forcément un effet d’entraînementsur tous les autres secteurs de l’économie locale. Parailleurs, une telle politique permet de lutter contrel’exode rural en fixant les populations dans les terroirsoù elles trouvent ce qu’elles vont généralement cher-cher en ville. L’urbanisation s’en trouve mieux géréeet la ville mieux assainie et sécurisée.

Sur le plan environnemental, les programmesbiomasse énergie, aussi bien dans le cadre des reboi-sements que de la diversification participent profon-dément à une gestion durable des ressources natu-relles. La biomasse représente un enjeu importanten ce sens qu’elle a un rôle à jouer dans la lutte contrele changement climatique. Elle peut aider à la réduc-tion des émissions de gaz à effet de serre et au déve-loppement des puits de séquestration de carbone.Les forêts tropicales constituent en outre un formi-dable réservoir de diversité biologique et nombre demédicaments sont fabriqués à partir de ces plantes. Laprotection des forêts permet ainsi d’éviter l’extinctionde certaines espèces végétales ou animales qui parti-cipent à l’équilibre global de la nature.

Cet état de fait semble être mieux compris aujour-d’hui par les responsables africains en charge du sec-teur énergétique qui de plus en plus élaborent des pro-jets biomasse énergie pour prétendre les nombreusesopportunités de financement qu’offrent les conven-tions internationales sur l’environnement. C’est pour-quoi, au cours de ces dernières années, le sous-secteurde la biomasse a enregistré une forte croissance dansmaints programmes d’aide bilatérale. Cependant lesmécanismes d’accès à ces financements ne sont pastoujours bien cernés par la plupart des techniciensafricains chargés de ces questions.

AGIR POUR LES GÉNÉRATIONS FUTURES ! Un grand espoir est né du Sommet de la Terre de Rio,qui fut un moment d’alerte et de conscientisationsur la nécessité d’agir collectivement pour préservernotre chère Terre pour les générations futures, de lamême manière que les anciens l’ont fait pour notregénération. Nos ascendants nous ont légué un mondevivable que l’action anthropique, notamment la

course au développement industriel risque de rendreinvivable. Chaque jour compromet davantage l’équi-libre global de ce monde et qui est apparu subitementcomme un village planétaire, du fait que l’atmosphèreest un et inséparable et que les politiques énergé-tiques mises en œuvre induisent des changementsclimatiques, qui n’ont pas de frontière, et affectent sur-tout les pays du Sud, lesquels sont les plus vulné-rables.

Le temps de l’action est arrivé. Pour agir effica-cement, il faut absolument repenser les politiques dedéveloppement. Quand on sait que l’énergie est lemoteur même du développement économique, il estfondamental de définir et de mettre en œuvre despolitiques et stratégies énergétiques viables qui, touten favorisant le progrès économique et social, pré-servent notre environnement. Les énergies tradi-tionnelles, compte tenu de ce qu’elles représententdans les pays africains, du point de vue des bilansénergétiques et de leur caractère multidimensionneldoivent faire l’objet d’une attention particulière de lapart des pouvoirs publics et de la communauté inter-nationale. Cette réflexion pour un développementdurable doit forcément se faire à travers une visionholistique et nous amener à remettre en cause nosmodes de consommation actuels et, pourquoi pas,rompre tout simplement avec ce fameux scénario dubois pour toujours.

202Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 215: Colloque International Francophonie et développement durable

ATELIER 8 – L’ÉRADICATION DE LA PAUVRETÉ: MISSION POSSIBLE?

AnimateursYouba SOKONA et Jacques BUGNICOURTENDA-TM, Sénégal

Études de casMoussa KONATEDirecteur SUCO, MaliResponsabilisation des communautés en vue d’un autodéveloppementdémocratique et durable

Djénéba KAMARA et Yvonne Issié GUEYE, Association «20 000 femmes pour une banque»Expérience de création d’une Banque de femmes

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Page 217: Colloque International Francophonie et développement durable

QUELQUES INTERROGATIONSINTRODUCTIVES La pauvreté est le problème majeur de notre tempsainsi que les menaces environnementales qui pèsentsur notre planète et sur l’avenir de l’humanité.Cependant, le terme pauvreté, longtemps réduit à devagues ambiguïtés, se lit maintenant partout. Nonseulement le FMI et la Banque mondiale l’inscriventen tête de leur programme, mais de nombreux pro-jets et initiatives l’incluent, désormais, dans leurs intitulés.

Pour éviter les multiples entrées possibles dans leproblème, et des débats sans fin, pouvons-nous nousen tenir à quelques aspects?

1. Beaucoup d’efforts actuels contre la pauvretéconsidèrent celle-ci de manière statistique, ouencore statique, comme photographie à unmoment donné. Peut-on éviter de s’interroger,sommairement, sur les mécanismes qui fabri-quent la pauvreté?

Les explications d’ensemble ne manquentpas, la plupart présentent de l’intérêt. Ici, on souhai-terait non pas mettre l’accent sur les causes essentielleset initiales – bien connues d’ailleurs, mais, dans untemps second de l’analyse, mettre en évidence – agis-sant à l’intérieur des pays – des raisons de l’aggrava-tion et de l’élargissement de la pauvreté.

À ce niveau de réflexion, et en refusant d’allerplus avant dans le détail, quels sont les principauxdomaines de lutte contre les mécanismes, toujours enplace, qui font qu’empirent les situations vécuesactuellement par des millions d’enfants, de femmeset d’hommes essentiellement dans le Sud?

2. Comment mener la réflexion face à la pauvreté?Comment ceux qui la subissent l’expriment-ils?Comment ceux qui décident la perçoivent-ils ?Quel est l’intérêt d’une analyse «fine» des élé-ments de la pauvreté et de mise en évidence, parexemple, de la précarité – en termes de sol urbainet de bidonville, en termes d’alimentation et desanté, en termes de « vécu » des règles etcontraintes administratives, en possibilité, pour lesplus démunis, de se faire entendre et de s’orga-niser? Comment les droits humains se réalisent-ilsdans les milieux les plus pauvres?

Ne devient-il pas difficile, dans l’analyse aussibien que dans l’action, de distinguer ce qui s’inscritsous la rubrique pauvreté, violence, entrave à la paix,de ce qui concerne la mise en œuvre des droitshumains? Chaque fois que ces différentes perspectivesse conjuguent, dans un environnement «naturel»,économique, social, culturel… donné, n’a-t-on pas denouveaux éclairages et de nouvelles orientations poli-tiques à dégager?

3. En prenant la question par le biais économique,n’est-on pas amené à une mise en cause draco-nienne de la thèse : croissance plus augmenta-tion, des revenus de quelques-uns égale recul dela pauvreté d’ensemble? Comment parvient-on,alors, à la notion d’économie populaire – à la fois

205 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Youba SOKONA et Jacques BUGNICOURTENDA-TM

ATELIER 8 – L’éradication de la pauvreté: mission possible?Animateurs

Page 218: Colloque International Francophonie et développement durable

206Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Quelques mécanismes de fabrication de la pauvreté : hypothèse

1. MÉCANISMES GÉNÉRÉS DE L’EXTÉRIEUR

ÉCONOMIQUES

CULTURELS

2. MÉCANISMES DE DÉGRADATION DESCAMPAGNES ET DE TRANSFERT DE LA PAUVRETÉ À LA VILLE

• modèle économique • termes de l’échange • crise • ajustement structurel

• dévaluation

• mimétisme • « opiumisation »

–�loterie – vitrines –�médias

• aveuglement aux valeurs et potentielslocaux

3. MÉCANISMES SOCIO-ÉCONOMIQUESLOCAUX « PRÉDATEURS »

PRÉDATION

DIRECTE

PRÉDATION

INDIRECTE

MÉCANISMES

DE REJET

• pression contre l’économie populaire urbaine

• spéculation foncière et immobilière

• corruption • hijack des politiques sociales

• manipulation des lois et règlements

• fraude fiscale

• déchets, prisons, cimetières • déguerpissements

• désencombrements humains

4. MÉCANISMES DÉTÉRIORANT

L’ENVIRONNEMENT URBAIN • pour une part, morbidité

disparités socio-environnementales, etc.

5. VIOLENCES ET GUERRES

N.B. Les flèches partant de la gauche suggèrent quelques réactions à mettre en place, quelques activités à mener dans une stratégie de lutte contre la pauvreté.

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économique, sociale et culturelle? Que vaut lathèse selon laquelle la croissance de l’économiepopulaire – qui est de l’ordre de 7% l’an dans lesgrandes métropoles africaines – constituerait l’unedes composantes du développement, alors que denombreux experts voient la seule issue dans lamodernisation la plus rapide et l’immersion dansle marché mondial?

Quelles relations s’établissent entre les différentsaspects de la pauvreté et le «modèle occidental»ou, en tout cas, un mimétisme, décliné sous demultiples formes, par rapport à l’Europe ou auxÉtats-Unis?

4. Il s’avère ainsi que des mécanismes externes secombinent avec ceux qu’on pourrait appeler« internes ». Il est vrai qu’entrent en jeu, à ceniveau, des facteurs d’origine complexe commeles prix des matières premières, la désertification,ou certains aspects démographiques. Commentl’absence de politique, ou les politiques actuelle-ment menées sur place, aggravent-elles ou limi-tent, l’extension de la pauvreté? Comment lesmigrations vers les villes ou vers l’extérieur s’ana-lysent-elles par rapport à la pauvreté? Quel rôlejouent des mécanismes comme l’opposition belleville/environnement infra-urbain – ou bien toutela série des disparités à l’intérieur des cités, ouentre celles-ci et la campagne? À une autre échelle,comment la pauvreté fabrique-t-elle les bidon-villes, et sous quels aspects y est-elle vécue par eux,et, dans certains cas, dépassée?

5. Comment l’aide extérieure, de même qu’unemeilleure prise en compte des ressources locales,peuvent-elles être appréciées en termes de luttecontre la pauvreté ? Comment les populationspauvres réagissent-elles par rapport à des envi-ronnements souvent défavorables, ou en des-truction, à une évolution négative des liens devoisinage et de famille, à l’amertume croissantedes jeunes et la violence qui s’accroît rapidement?Quels sont les facteurs aggravant ces phénomèneset ceux, au contraire, limitant leur gravité?

6. Quelles sont les «réflexions scientifiques» et lesidées courantes au Nord et au Sud, sur les voiesde sorties possibles de la pauvreté pour le grandnombre? Quel poids a dans les décisions du Nordpar rapport au Sud, et au niveau des différentspays du Sud, la prise en compte du risque d’ac-croissement de la pauvreté ou, au contraire, desperspectives d’un développement du citoyen etd’un affermissement de la paix? Peut-on identi-fier, à différents niveaux, les décideurs de la pau-vreté? Comment se forment leurs décisions? Enquoi sont-elles influencées et influençables?

7. Existe-t-il des connexions ou des points critiquesen termes de pauvreté du Sud (cours de certainesmatières premières, conséquences de mouve-ments de capitaux ou de décisions des instancesmonétaires dominées par le Nord, aggravationdes facteurs climatiques, impact croissant dedivers fléaux: sida par exemple, exacerbation desparticularismes – entraînant conflits armés outerrorisme)?

8. Dans les mécanismes à combattre, et dans la situa-tion actuelle de chaque zone ou groupe humainpauvres, où et comment attaquer le problème?Comment, par exemple, la Francophonie pour-rait-elle contribuer à la réflexion, à la mise enœuvre d’expérience – limitées peut-être, maissignificatives? Comment introduire dans le débatun autre vocabulaire, d’autres perspectives,d’autres approches? Par exemple, existent-ils despoints de décision ou de formation des politiquesà l’échelle des aides ou de celle de pays, de régions,de quantum où des efforts de tous se verraientdémultipliés?

Puisqu’il n’est pas question, devant l’ampleur desmécanismes et les perspectives pessimistes que nousproposent notamment les prochaines décennies, de«baisser les bras», comment, en fonction de leursconvictions et de leurs moyens, les diverses compo-santes de l’espace francophone groupées d’une part,ou agissant seules, peuvent-elles consacrer une partutile de leurs actions à ce combat de l’immédiat et dulong terme?

207 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 220: Colloque International Francophonie et développement durable

OBJECTIF Amener les populations répondant aux critères desélection à une prise en charge du développement deleurs villages suite à une autocritique de leurs modesd’organisation faite dans le respect de leur culture etde leurs valeurs.

DÉMARCHE Participation de toute la population à des ateliers-causeries qui s’échelonnent sur une période de 9 à15 mois. Ces ateliers sont animés par les agentsSUCO-MALI qui reçoivent une formation spécifique.Un financement, remis à la fin de la formation seu-lement, permet la mise en œuvre d’une activité éco-nomique choisie par la population à laquelle onfournit un support technique.

Le développement d’un pays, c’est le développe-ment de sa population. Le développement passe parles personnes. C’est donc dire qu’il ne peut y avoir dedéveloppement sans démocratie. Pour favoriser laprise en charge démocratiquement du développe-ment par les populations concernées, SUCO privilégiel’approche du développement local : le développe-ment de tous les secteurs d’activités par l’ensemble descomposantes de la collectivité. On parle donc d’uneconception globale du développement

FORMATION À L’APPROCHE DE DÉVELOPPEMENT LOCAL Développement de l’ensemble des secteurs d’acti-vités par l’ensemble des composantes de la collecti-vité, ce qui implique le développement des différentesressources du milieu, instruments de la prise encharge démocratiquement du développement.

PRÉSENTATION DES QUATRE AXES D’INTERVENTION

Appui organisationnel Mise en place et/ou renforcement d’une structureorganisationnelle représentative et dynamique,capable d’assurer le leadership au niveau du déve-loppement de la collectivité et la coordination desactions.

Formation Le développement des ressources humaines, moteurde la prise en charge de la collectivité. Formationgénérale (alphabétisation, démocratisation, fonc-tionnement du collectif, etc.) et formation technique(gestion financière, centrée sur les activités spéci-fiques).

Appui aux activités à caractère économique Le développement des ressources humaines et l’émer-gence d’une dynamique économique contrôlée par lacollectivité constituent les outils incontournables dela prise en charge du développement.

208Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Responsabilisation des communautés en vue d’un autodéveloppement démocratique et durable

Moussa KONATEDirecteur SUCO

Mali

ATELIER 8 – Études de cas

Page 221: Colloque International Francophonie et développement durable

Communication Pour s’assurer du caractère démocratique de ladémarche, la collectivité doit se doter de stratégies decommunication favorisant la circulation de l’infor-mation et une large participation au processus. Cesstratégies de communication peuvent s’appuyer surles micro-circuits de communication (circuits tradi-tionnels) ou sur des modes plus modernes (comités,assemblées, radio communautaire, etc.) Brève pré-sentation des dix étapes qui sous-tendent le processus dedéveloppement de SUCO-Mali

DIFFICULTÉS RENCONTRÉES L’analphabétisme, la marginalisation séculaire desfemmes, la gérontocratie et la difficile cohabitationentre différents organismes dans une même zone.

ACQUIS Outre l’implication de la majorité de la populationdans les débats publics, on remarque:

1. Un impact économique : l’émergence de micro-entreprises dans les villages ;

2. Un impact financier : taux de capitalisation danschacun des villages, ce qui facilite le développe-ment agricole ;

3. Un impact social: prise en charge de l’implantationde centres de santé et d’école, etc.

Rayonnement

Cinquante-trois (53) villages répartis entre lesrégions de Koulikoro, Ségou, Mopti et Gao plus deux(2) quartiers urbains (Médinacoura dans la ville deMopti et le quartier Château dans la ville de Gao).

209 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 222: Colloque International Francophonie et développement durable

Malgré les indépendances et les politiques intensivesde scolarisation, 6 à 7 femmes sur 10, voire 9 sur 10en zones rurales sont illettrées. En outre, la crise éco-nomique qui sévit en Afrique depuis les années 1980,les différents programmes d’ajustement structurel etles divers conflits ont aggravé la pauvreté des pays afri-cains dont les principales victimes sont les femmes.la Côte d’Ivoire n’est pas en reste et la conséquenterareté des ressources a rendu encore plus difficilel’accès des femmes à faibles revenus financiers aucrédit en général, achevant ainsi de l’installer dans unepauvreté chronique.

Malgré cette situation, les femmes africaines etivoiriennes en particulier, font preuve d’un granddynamisme et d’ingéniosité pour s’activer dans despetits commerces de tout genre sur les marchés etdans les quartiers. Elles sont aussi organisées encoopératives constituées de grossistes, de demi-gros-sistes et détaillants de produits de consommation etde biens (vivriers, pagnes, bijoux, etc.). Pour lever lecapital nécessaire à ses activités, l’accès étant difficiletant pour insuffisance de fonds, inéligibilité admi-nistrative que pour méconnaissance des procédures,elles se sont constituées en en associations infor-melles (sans base juridique), en cercle de tontinesdiverses (pagne, casseroles, espèces) ou coopérativesde quartier ou village.

Se fondant sur l’importance et les potentialités dusecteur informel ainsi constitué, afin de sortir lemaximum de femmes de leur pauvreté et leur per-mettre de participer pleinement au développement,les femmes de Côte d’Ivoire, profitant des change-ments majeurs intervenus dans l’environnement poli-tique et socio-économique, ont décidé de s’organiser

en une association pour créer la première banquedes Femmes de Côte d’Ivoire. L’idée étant de forma-liser, coordonner, capitaliser et optimiser les effortsd’épargnes réaliser dans les tontines et autres cerclesde femmes et permettre ainsi l’accès du plus grandnombre au microcrédit grâce à une structure créer parelles mêmes donc plus acquise à leur cause.

APPROCHE MÉTHOLOGIQUE

Création de l’associationUn comité ad hoc a préparé des projets de statuts etrèglement à l’intérieur de l’association.

Une réunion d’information a été organisée poursensibiliser et informer de la mise en place de l’asso-ciation. Les femmes ont été contactées par cooptationet par voie de presse (radio et journaux).

Après quelques réunions avec des groupes de plusen plus élargis, des commissions ont été créées pourdiscuter et finaliser les projets de statuts.

Ensuite, une Assemblée générale constitutive del’association a eu lieu.

Au cours de l’assemblée générale constitutive,une présidente de l’association a été élue avec pourmandat principal, la conduite de l’association et lamobilisation des femmes et de leur épargne pour lacréation d’une banque. La présidente est assistée d’unbureau de vingt membres avec des commissions per-manentes pour étudier les questions émergentes. Lesconditions de qualité de membre, la valeur nomi-nale de l’action, le mode paiement, le type d’instru-ment financier et son capital ont été adoptés en plé-nière lors de l’assemblée générale constitutive.

210Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Expérience de création d’une Banque de femmesDjénéba KAMARA et Yvonne Issié GUEYE

Association «20 000 femmes pour une banque»

ATELIER 8 – Études de cas

Page 223: Colloque International Francophonie et développement durable

Mobilisation de l’épargneLors des assemblées, les moyens de mobilisation desépargnes ont été discutés et adoptés.

Les cibles retenues sont : les groupes de tontinesdans les marchés et les quartiers, les coopératives defemmes dans les zones rurales, les associations socio-professionnelles femmes, les coopératives de femmesdans les marchés urbains, les femmes professionnelles.

Mobilisation et sensibilisation des femmesPour atteindre les femmes cibles, les moyens utiliséssont: les spots télévisés, la presse écrite et radiodiffusée,les réunions hebdomadaires pour expliquer et recueillirles adhésions. Les réunions dans les quartiers avec orga-nisations de sections pour chaque groupe de 50 femmes,les campagnes d’informations, de sensibilisation et d’or-ganisation en sections à l’intérieur du pays.

LANCEMENT DE LA BANQUELa banque a été lancée le 25 mai 2001 en présence deshautes autorités administratives et financières del’État de Côte d’Ivoire.

À ce jour, l’épargne est de 100 millions de francsCFA et l’on retrouve 2 200 adhérentes.

Toutefois, cette épargne ne remplit pas les condi-tionnalités de constitution d’une banque au regarddes textes de l’UMOEA en vigueur.

Le partenaire technique a suggéré de créer unestructure intermédiaire (une mutuelle) dont le prin-cipe a été adopté en assemblée générale extraordi-naire, par les membres de l’association.

La valeur nominative des parts a été revue à labaisse et les délais de souscription ont été repoussésen mai 2002.

Le Crédit Populaire des Femmes de Côte d’Ivoire(structure financière intermédiaire) est en attentedes agréments pour sa constitution. Les statuts ont étéadoptés lors de la dernière assemblée générale du12 février 2002.

CONCLUSIONLes femmes de Côte d’Ivoire, afin de lutter contre lapauvreté croissante, ont décidé de changer de para-digme en se prenant financièrement en charge par lacréation d’une banque de femmes.

Cette brave initiative ne va pas sans difficultésliées au contexte social et à la paupérisation.

C’est le lieu de lancer un appel aux capitaux exté-rieurs et aux institutions internationales pour touteassistance technique ou financière pour le succès del’opération.

211 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 224: Colloque International Francophonie et développement durable
Page 225: Colloque International Francophonie et développement durable

ATELIER 9 – GOUVERNANCE MONDIALE: QUEL RÔLE POUR LA FRANCOPHONIE?

AnimateurPhilippe LE PRESTREDirecteur, Observatoire de l’écopolitique internationale, ISE/UQAM, Montréal, CanadaLe débat sur la réforme de la gouvernance de l’environnement et du développement durable :La Francophonie peut-elle développer une approche distincte?

Études de casStéphane GUENEAUSOLAGRAL, Collectif français «Jo’burg 2002», FranceInteractions entre le processus de régulation commerciale et le développement durable :un enjeu pour les pays africains au Sommet de Johannesburg»

Bienvenu RAJAONSONSpécialiste de l’environnement, Banque mondiale, MadagascarLe Plan d’Action Environnementale (PAE)

Page 226: Colloque International Francophonie et développement durable

Cette présentation vise à faire état du progrès desdiscussions dans le domaine de la réforme de la gou-vernance institutionnelle de l’environnement, d’iden-tifier certaines questions très générales d’importancepour la Francophonie et de cerner certaines directionsd’action.

La Francophonie doit jouer un rôle actif dans lesdiscussions internationales notamment en:

• s’engageant résolument dans la poursuite du dia-logue international sur la gouvernance aprèsJohannesburg;

• privilégiant un mode de gouvernance décentralisé;

• développant une infrastructure « maillée » derecueil de données et de recherche appliquée;

• concentrant ses ressources sur le développementde « Partenariats francophones » sur quelquesquestions clés ;

• renforçant les ministères nationaux de l’envi-ronnement;

• accroissant la cohérence dans le processus dedécision nationale relatif à des questions traitéessimultanément dans plusieurs forums (ex. forêts;rôle des populations locales)

LA QUESTION DE LA GOUVERNANCEINSTITUTIONNELLE INTERNATIONALEDE L’ENVIRONNEMENT

Pourquoi se pose-t-elle?• difficultés récurrentes du PNUE (rôle, finance-

ment, mandat)

• importance du commerce et des relations entreAME et OMC

• sentiment que les progrès ne sont pas assezrapides

• sentiment d’incohérence entre les AME

• difficultés des pays à suivre le rythme des réunions

• stimuler le passage à la mise en œuvre

– en général : diagnostic fondé sur des impres-sions

– solutions en quête de problèmes

Évolution de la question depuis 2000• Trois mouvements principaux:

– OME (UE, AfS, indiv., ONG)

– Conseil de tutelle des biens publics mondiaux(PNUD, ONG)

– Renforcement du PNUE (Positions nationales,ONG

• Lui donner les moyens de sa mission ?(G77, CDN)

• Élargir sa mission et ses responsabilités?(PNUE)

• Le transformer en proto-OME? (UE)

• Chronologie du processus

• Suspicions du G77 => cadre de discussion:

– Un processus évolutif non révolutionnaire

– Préférences de l’UE pour une OME aban-donnée; CT non abordé; renforcement desarrangements existants

214Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Le débat sur la réforme de la gouvernance de l’environnementet du développement durable : La Francophonie peut-elle

développer une approche distincte ?Philippe Le Prestre

Directeur, Observatoire de l’écopolitique internationale, ISE/UQAM, Montréal, Canada

ATELIER 9 – Gouvernance mondiale : Quel rôle pour la Francophonie?Animateur

Page 227: Colloque International Francophonie et développement durable

– Gouvernance du DD gouvernance de l’envi-ronnement

Où en est le débat après Cartagena?• Document du Président (UNEP/IGM/5/2) rejeté

• Les réformes envisagées sont de portée modesteet portent sur 5 thèmes:

– Rôle et structure du FGME/GMEF (DécisionUNEP/SS.VII/1)

• Affirmation de son rôle d’organe de coor-dination et de direction politique de hautniveau au sein du système des NU maisdans le cadre du mandat du PNUE: iden-tification des problèmes en émergence ;suggestions de pistes de coordination, pro-motion de la coopération internationale,promotion de la participation de la sociétécivile) => pas un organe suprême

• Pour une participation et non une compo-sition (membership) universelle

• Pas de discussion des rapports avec laCDD et le FGME ne doit pas empiéter surl’autonomie des AME

– Renforcement du PNUE (rôle, mandat, finan-cement) :

• rien sur son rôle et son autorité au-delà dela Déclaration de Nairobi1, mais lui donnerles moyens de sa mission actuelle (alorsque le document du Président était plusconcret)

• Financement: développement d’«indica-teurs» pour les contributions nationales+ contributions volontaires; décidés parK. Töpfer mais pas liés à l’échelle descontributions de l’ONU ; => les Étatsdemeureront libres de contribuer commeil leur semble mais ce système est senséaméliorer la prévisibilité des contributions.

– Coordination et cohérence entre les AME :

• Affirmation de l’autonomie des AME

• Mise de côté des « grappes » (clusters)d’AME: encourager les AME à collaborersur des questions communes (ex. rapports,évaluations scientifiques, calendrier, etc.)

• PNUE: on souhaite qu’il facilite la coor-dination sans la contraindre

– Coordination au sein du système des NU: rôledu GGE/EMG

• GGE/EMG: renforcer son rôle de coordi-nation au sein des NU, mais formulationvague

– Renforcement des capacités, transferts de tech-nologie, coordinations nationales

• Relations particulières PNUE-FEM reje-tées

• Réaffirmation de la priorité au renforce-ment des capacités institutionnelles =>développer un plan stratégique intergou-vernemental pour le renforcement descapacités et le soutien technologique

• quelle relation entre la gouvernance del’environnement et du développementdurable?

– Initiation d’un processus de discussion parallèle

– Relations avec OMC, BM non abordées

LES QUESTIONS IMPORTANTESPOUR UNE RÉFLEXION FRANCOPHONE

Sur le plan international• Quels problèmes particuliers les pays de la

Francophonie éprouvent-ils?

– Suivre les négociations en cours

– Influencer l’ordre du jour

– Faire valoir leur expérience, concepts,recherches, etc. ; dépasser les cadres d’analysedominants

– Préparer les réunions internationales sur labase d’une définition nationale des intérêtsnationaux

215 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

1. «Leading global environmental authority that sets the globalenvironmental agenda, promotes the coherent implementa-tion of the environmental dimension of sustainable deve-lopment and serves as an authoritative advocate for theglobal environment.»

Page 228: Colloque International Francophonie et développement durable

– Participer activement aux réunions interna-tionales

– Multiplier les synergies entre les mises enœuvre des conventions

– Encourager le renforcement mutuel du DD etde la protection de l’environnement

• Dans quelle mesure les réformes projetées favo-riseront-elles la participation des pays franco-phones, en particulier en développement?

– Pas de changements sauf si la Francophoniejoue un rôle actif au sein du FGME/GMEF

• Dans quelle mesure les réformes projetées oud’autres à définir permettront-elles de faire faceaux défis de coordination nationale?

– Pas d’impact évident

• Comment accroître la capacité de la Franco-phonie de contribuer à l’ordre du jour interna-tional et de participer activement au processus denégociation?

• Comment accroître la capacité de la Franco-phonie d’identifier et de diffuser des solutionsnovatrices, ou des analyses distinctes, sur les pro-blèmes ou les solutions envisagés par la commu-nauté internationale?

• Comment intégrer les préoccupations de certainsAME dans les activités d’autres AME (ex. CDB =>Protocole de Kyoto)

• Comment la Francophonie peut-elle contribuerà la mise en place d’une structure internationalefacilitant la mise en œuvre des engagementsinternationaux? Sur le plan

– de la surveillance

– de la conformité

• Comment la Francophonie peut-elle encouragercertains de ses membres à jouer un rôle de chefde file dans certains forums? (pour une divisiondu travail francophone)

Sur le plan national• Quelles priorités doit-on adopter pour le renfor-

cement des capacités

– dans le domaine de la mise en œuvre desaccords internationaux?

– dans l’appropriation des outils internationauxpour la réalisation d’objectifs nationaux (ex.évaluation d’impacts ; centres d’échange)?

• Comment faciliter l’intégration des préoccupa-tions d’environnement et de DD dans les sec-teurs de la politique industrielle, du commerce etdes transports?

• Comment construire et faciliter des partenariatsentre les gouvernements, le secteur privé et lasociété civile? par ex., pour la réduction des pol-lutions locales ou autres? (ex. 2000 global com-pact) ;

• Comment concrétiser la notion de « soutienmutuel» entre les régimes traitant à la fois ducommerce et de l’environnement, que l’onretrouve dans plusieurs textes (Protocole deCartagena, Traité international sur les ressourcesphytogénétiques)?

UN AGENDA POUR LA FRANCOPHONIE

Sur le plan international 1. Instituer une Francophonie capable de renforcer

les conditions d’une bonne gouvernance interna-tionale du développement durable, c’est-à-direcapable :

– d’identifier les problèmes émergents dans ledomaine de l’environnement et du DD; (iden-tification)

– de mobiliser les acteurs nationaux et interna-tionaux pertinents et de rassembler leurs pers-pectives et expérience; (inclusion)

– de développer des procédures permettant(i) de réconcilier les attentes des accords inter-nationaux régime et les demandes et besoinslocaux, (ii) d’harmoniser les politiques,normes et fonctions inhérentes à plusieursrégimes; (intégration)

– de façonner une définition consensuelle duproblème et l’identification d’un ensemble demoyens pour les atteindre; (consensus)

216Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 229: Colloque International Francophonie et développement durable

– de promouvoir des solutions novatrices auxproblèmes de coopération et d’identifier etgérer les arbitrages inévitables entre les solu-tions existantes (ingéniosité) ;

– d’encourager la transparence et le renforce-ment des capacités nationales de prendre partaux discussions internationales (démocratie) ;

– de renforcer les capacités d’adaptation des ins-titutions internationales existantes (appren-tissage).

2. Donc: Privilégier un modèle décentralisé centrésur le renforcement des AME/ADD et la coordi-nation de leurs activités. Ce modèle est mieuxadapté à la promotion des conditions d’effica-cité des régimes car loin d’être le produit d’unegouvernance chaotique, les systèmes de gouver-nance des conventions sont des réponses adap-tatives et novatrices à la complexité des défis dudéveloppement durable et à l’évolution des rela-tions internationales. En particulier, ils présententdes caractéristiques qui en font des instrumentsde gouvernance attrayants, telles que:

– administrations de mission

– au centre de réseaux d’information et d’action

– souples

– légitimes

3. Instituer des procédures de concertation desministres francophones de l’environnement dehaut niveau;

– Ex. pour jouer un rôle actif au sein duFGME/GMEF

4. Concentrer ses ressources sur le développement de«Partenariats francophones» sur quelques ques-tions clés (comme le font certains pays)

– Préparer pour Prep-comm 4 pour lancementofficiel à Johannesburg (dans le cadre des«Partenariats» issus du Sommet) une série de«Partenariats francophones pour le dévelop-pement durable», c’est-à-dire des «initiatives»concertées, sélectionnées sur la base des actionsidentifiées ci-dessus et/ou de celles identifiéesà la Prep-Comm 2 (dans le document sur les

partenariats ou dans celui du Président) ;Exemples:

• développement et diffusion de techniquesde production propres ;

• création d’un réseau scientifique et tech-nique;

• relier et développer les capacités en matièred’utilisation des NTI;

• développement et mise en réseau (à traversdes projets concrets) de centres d’excel-lence régionaux;

• promotion de l’utilisation de sourcesd’énergie propres ;

• partenariat public/privé pour le dévelop-pement et la diffusion de techniques d’as-sainissement des eaux et de traitement desdéchets ;

• amélioration de l’accès à des sourcesd’énergie diversifiées pour l’Afrique d’icià 2005;

• Élimination du «fossé digital» et margi-nalisation de l’Afrique d’ici à 2005, etc.

5. Améliorer l’accès à l’information et la transpa-rence des discussions internationales

6. Développer une infrastructure «maillée» de recueilde données et de recherche appliquée: la Franco-phonie doit se doter d’institutions («think tanks»)capables de faire contrepoids aux institutionsanglo-saxonnes existantes qui dominent la défi-nition des problèmes et des solutions dans ledomaine

– Ex. renforcer les initiatives et institutions exis-tantes (ONG, agences para-gouvernementales,universités) sur une base de spécialisation (pardomaine, par discipline (droit, économie, poli-tique, science) et de maillage?

7. Encourager la coordination régionale (coopéra-tion diplomatique, mise en œuvre, recueil etéchanges d’informations, analyses, formation,etc.) (cf. Décision UNEP/SS.VII/1) et la mise enœuvre du volet environnement du NouveauPartenariat pour le Développement de l’Afrique

217 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 230: Colloque International Francophonie et développement durable

Sur le plan national8. Coordonner et simplifier les obligations nationales

vis-à-vis des multiples instruments existants (ex.rapports)

9. Accroître la cohérence dans le processus de décisionrelatif à des questions traitées simultanémentdans plusieurs forums (ex.: forêts; rôle des popu-lations locales)2.

10. Renforcer les Ministères de l’Environnement(Décision UNEP/SS.VII/1)

11. Renforcer les pré-conditions nationales à la mise enœuvre des accords internationaux:

– Capacités d’apprentissage institutionnel

– Transparence

• la transparence et la responsabilité sontles clés de la participation => importancedes traductions. = problème important.Ex. Les points focaux nationaux du Codexalimentarius ne fournissent de l’informa-tion qu’en anglais. Les traductions dans leslangues locales coûtent cher, mais leurabsence peut réduire à néant les efforts detransparence3 ;

– Réseaux et coordination entre parties pre-nantes

– Accès aux ressources (intellectuelles, finan-cières, politiques, médiatiques, etc.)

12. Se concentrer sur des activités ponctuelles précises :

– Ex.: renforcer les capacités de l’application del’accord préalable en connaissance de causepour les questions qui touchent à la fois aucommerce et au développement.

CONCLUSIONS• La Francophonie se doit :

– d’être présente activement en offrant desvisions et des solutions différentes et complé-mentaires et non en se cantonnant dans unrôle de soutien aux problématiques domi-nantes; elle doit être un lieu d’expérimentation;

– de concentrer ses actions sur des initiativesprécises ;

– de remettre en question les idées reçues du jour.

• Mobiliser la Francophonie comme source d’inspi-ration intellectuelle, de connaissances pratiques etd’actions qui renforcent et influencent les prioritéset les actions de la communauté internationale.

218Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

2. Voir Décision UNEP/SS.VII/1: «Priority should be given tosynergies at the country level, including the provision ofmeans of implementation.»

3. CGS report on Governance, Vancouver Mtg 2001.

Page 231: Colloque International Francophonie et développement durable

LA REMISE EN CAUSE DE LA MONDIALISATION LIBÉRALELe processus de régulation mondiale du commerce aémergé après la Seconde Guerre mondiale, à traversla création de l’Accord général sur le commerce et lestarifs douaniers, le GATT. Cet accord a été rattaché àune puissante institution entrée en vigueur en 1995,l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

Le GATT a été institué à un moment où la pré-occupation des États était la reconstruction écono-mique du monde. La doctrine que les États signa-taires entendaient défendre avec cet Accord était quela libéralisation des échanges commerciaux contri-buerait, d’une part, à accroître l’économie donc lebien-être mondial et, d’autre part, à contribuer àconsolider la paix dans le monde, le commerce étantvecteur d’échanges pacifiques entre les peuples. Lelibéralisme a donc été institué comme bien publicglobal. Pour bon nombre d’États et d’organisationsinternationales, la croissance économique découlantde la libéralisation des économies et des échanges per-mettrait de dégager suffisamment de ressources pourprotéger l’environnement, assurer l’éducation, la santé,etc.

Mais progressivement, le processus de mondiali-sation libérale a essuyé des critiques de plus en plusvives. Peu de temps après sa création, l’OMC a ren-contré l’opposition croissante d’une grande partiede la société civile.

Pourquoi une telle opposition?

Les négociations de l’OMC sont-elles ouvertes,démocratiques et transparentes?

• Non, répondent les pays en développement. LesAccords de l’OMC sont avant tout le résultat d’unpré-accord euro-américain que les autres pays, enparticulier les pays en développement (PED), ontvalidé en 1994 sans pouvoir en mesurer concrète-ment les enjeux. Depuis Seattle, les PED entendentbien participer plus activement aux négociations,

Les pays en développement s’insurgent contredes règles destinées à conforter le contrôle dusystème commercial multilatéral par les pays duNord et soulignent la difficulté qu’ils ont à faireface aux obligations que les règles du systèmecommercial multilatéral font peser sur eux.

• Exemple 1: l’Accord sur les droits de propriété intel-lectuelle liés au commerce (ADPIC)

Il est vu comme un moyen d’assurer, par le biaisdes brevets, la mainmise des pays du Nord sur lesressources naturelles (y compris « vivantes »comme le laisse entendre l’article 27.3 de l’AccordADPIC qui n’interdit pas le brevetage desmicroorganismes, ni des processus microbiolo-giques) et les connaissances traditionnelles despays du Sud. Cette mainmise est durable, la duréede protection accordée par les brevets étant devingt ans.

219 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Interactions entre le processus de régulation commerciale et le développementdurable: un enjeu pour les pays africains au Sommet de Johannesburg

Stéphane GuéneauSOLAGRAL, Collectif français «Jo’burg 2002»

France

ATELIER 9 – Étude de cas

Page 232: Colloque International Francophonie et développement durable

• Exemple 2: l’Accord général sur le commerce des ser-vices (AGCS)

En libéralisant le secteur des services, cet accordmet à l’encan de nombreux secteurs, souventpublics, des économies du Sud (services finan-ciers, télécommunications, énergie, transport,tourisme, etc.) au profit des plus puissantes mul-tinationales du Nord. Les PED craignent unepression générale à la dénationalisation qui auraitdes effets déstabilisateurs sur leurs économies.

• Exemple 3: les mesures de soutien des agriculturesnégociées dans l’Accord agricole

L’Accord sur l’Agriculture de l’OMC impose unemodification des soutiens internes dans les paysdu Nord, sans exiger leur élimination. On estpassé d’une logique de soutien à la production àune logique d’aide aux revenus. L’UnionEuropéenne (UE) et les États-Unis continuentainsi de pouvoir exporter sur les marchés inter-nationaux à des prix inférieurs aux coûts de pro-duction. Les petits producteurs du Sud, quant àeux, n’ont pas les moyens d’avoir recours auxformes autorisées de soutien interne, en raison deleurs ressources budgétaires limitées. Ainsi, ilsont de plus en plus de mal à survivre avec des prixde marché internes décroissants.

• Non, répondent également les ONG et mouve-ments sociaux, qui dénoncent l’opacité des modesdécisionnels de l’OMC. La dernière Conférenceministérielle de l’OMC s’est déroulée à Dohadans un climat quasi secret du fait du choix mêmedu lieu dans la conférence, à savoir un pays où lesdroits de l’Homme et la démocratie ne consti-tuent pas une référence. Or le développementdurable met en avant les processus de gouver-nance, c’est-à-dire de participation des acteursconcernés par les décisions politiques dans leprocessus d’élaboration des politiques, ce qui estloin d’être le cas à l’OMC.

Les négociations de l’OMC conduisent-elles à l’amé-lioration du bien-être global?Non, répondent les mêmes acteurs. D’une part,PED et ONG mettent en avant le résultat extrê-mement décevant du cycle d’Uruguay, qui s’estconclu par la création de l’OMC: les disparités

économiques entre le Nord et le Sud se sontaccentuées. La pauvreté s’est accrue ces dernièresannées. Entre le début des années 1970 et la fin desannées 1990, la part des exportations africaines demarchandises est passée de 8,6 à 2,6% des expor-tations mondiales.

Les ONG dénoncent la prépondérance des valeursmarchandes dans le système commercial au détri-ment des valeurs plus « humaines » (droitssociaux, protection de l’environnement et de lasanté publique, promotion du développementpour un monde plus égalitaire…). Elles signalentaussi que les règles et accords de l’OMC menacentles biens publics globaux (environnement, santé,éducation…). Les négociations de l’OMC se sonten effet élargies à de nombreux domaines quisortent de la stricte régulation du commerce ettouchent à de nombreux domaines de la viepublique: santé (médicaments), environnement,services (l’éducation, etc.), le social (à travers,par exemple, la dimension sociale de l’agriculturepaysanne…). Le débat porte sur ce qui doit et nedoit pas faire l’objet d’une régulation marchandeet sur qui devrait en décider.

Malgré ces nombreuses critiques, les négocia-tions se poursuivent avec une logique univoque derégulation libérale – l’organisation commerciale dumonde. L’exemple récent de la crise en Argentine,pays parmi les plus libéraux, est assez significatif del’impasse des politiques libérales appliquées dans uncontexte Nord-Sud extrêmement déséquilibré. Fort dece constat, de nombreuses ONG demandent une éva-luation, avec la pleine participation des associationscitoyennes, du bilan, ainsi que des règles et pratiquesde l’OMC, depuis sa création.

Par ailleurs, les nombreux domaines non com-merciaux sur lesquels l’OMC produit du droit, posentla question de la gouvernance mondiale, i.e. de l’arti-culation entre les règles de l’OMC et les autres sys-tèmes de droit. Les conditions de mise en œuvred’une architecture internationale plus équilibrée doi-vent être repensées. Faire reposer le bien-être col-lectif sur le seul principe d’une participation accrueau commerce est un leurre. En matière d’environne-ment par exemple, la libéralisation des échanges aengendré des incidences négatives difficilement

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contestables. L’action multilatérale ne pourra doncretrouver sa légitimité que si les conventions multi-latérales non commerciales (droit de l’environne-ment, mais aussi droit du travail, droits de l’Homme,etc.) ne sont pas subordonnées aux accords de l’OMC.

QUELS ENJEUX POUR LES PAYSEN DÉVELOPPEMENTLors des dernières négociations commerciales multi-latérales à Doha, l’OMC s’est saisie formellement duthème «commerce et environnement». La Déclarationde Doha comporte d’ailleurs plusieurs articles relatifsà ce thème, dont certains enjoignent les gouverne-ments à engager des négociations spécifiques. LesPED, en particulier les pays africains, ont largementintérêt à se saisir de cette ouverture pour apporter uncertain nombre de propositions conformes à leurspropres intérêts. Pour quelles raisons?

– Les pays africains signataires des principauxAccords multilatéraux sur l’environnement(AME), sont davantage affectés par les grandsproblèmes d’environnement que leurs partenairesdes pays développés (désertification, impacts duréchauffement climatique, perte de biodiversité).Ils doivent donc veiller à ce que les accords com-merciaux n’entravent pas la bonne mise en œuvredes AME. A contrario, des dispositifs et instru-ments commerciaux permettant de renforcer lamise en œuvre de ces AME devraient être plei-nement pris en compte par l’OMC, dans le cadrede ses propres règles et accords: l’OMC devraitreconnaître formellement l’ensemble des dispo-sitions des AME et des mesures de sanction com-merciales devraient pouvoir être légitimées encas de non-respect des dispositions des AMEreprésentatifs de l’intérêt collectif global. Cetintérêt devrait prévaloir sur l’objectif de libérali-sation des échanges, en s’appuyant sur un prin-cipe de primauté du droit à l’environnement surle droit commercial. Tout compromis passédevrait faire l’objet d’une évaluation au regard dece principe de primauté du «bien public globalenvironnement ». Hélas, le contenu de laDéclaration de Doha apparaît bien peu encoura-geant à ce titre. En effet, s’il y est dit que le pro-chain cycle de négociation devra se pencher sur

la question de l’articulation entre les AccordsMultilatéraux d’Environnement (AME) et lesrègles de l’OMC (sous-entendu, en cas de conflitentre une mesure environnementale d’un AME etles règles de l’OMC, qui primera), il y est aussi sti-pulé que les résultats de cette négociation ne s’ap-pliqueront pas aux pays qui n’ont pas ratifié lesAME. Cette décision peut être interprétée commeune incitation à la non-ratification des AME,notamment pour les PED qui voient en la pro-tection de l’environnement, l’émergence decontraintes potentielles d’accès aux marchés. Parexemple, en cas d’instauration d’une Conventionmultilatérale sur les forêts, les pays tropicauxforestiers auront-ils intérêt à la ratifier ? Pourrééquilibrer la hiérarchie des régulations inter-nationales, il apparaît donc nécessaire de doter lesAccords Multilatéraux sur l’Environnement dedispositifs juridiques contraignants équivalents enforce à celui de l’OMC.

– À la suite des crises alimentaires récentes (vachefolle) et à la crainte croissante des consomma-teurs, les normes sanitaires et environnementalesdes pays développés se renforcent, alors même queleurs mesures de protection tarifaires sont encorelargement supérieures à celles des pays en déve-loppement. L’accès aux marchés des pays déve-loppés est donc de plus en plus complexe et res-treint. Une récente étude conduite en France parle CEPII a par exemple montré que 40 % desexportations des pays les moins avancés sont tou-chées par des barrières environnementales. Sansmoyens spécifiques (accès à l’information, for-mation, etc.), les normes seront de plus en plusinaccessibles pour les pays africains. Les prioritésinternationales en matière d’environnement etplus généralement de développement durabledevraient être définies de façon concertée. Lesorganismes internationaux qui servent de réfé-rence à l’OMC, (Codex Alimentarius, ISO)devront effectuer les réformes nécessaires pourque les difficultés spécifiques d’accès aux normesdes pays en développement puissent être sur-montées. Le traitement spécial et différenciédevrait prévoir, outre les dispositions spécifiquesd’ordre commercial, des mesures d’accompa-gnement d’ordre financier et technique prenant

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en compte les contraintes des pays en dévelop-pement. La communauté internationale devraitassumer une partie des coûts de la mise auxnormes environnementales des systèmes de pro-duction du Sud.

– Inversement, les pays en développement ne dis-posent que de moyens très limités pour contrôlerl’accès à leurs propres marchés. De nombreuxproduits nocifs pour la santé et l’environnementpeuvent y entrer presque librement. Le risque estgrand de voir qu’au mouvement de surprotectionsanitaire et environnementale d’une partie dumonde, une évolution parallèle inverse conduit lemonde en développement à servir de plus en plusde dépotoir. Par exemple, lorsque la crise de lafièvre aphteuse et celle de la vache folle ont for-tement secoué les producteurs de viande euro-péens, on a aisément pu constater l’augmentationdes exportations de viande européenne vers cer-tains pays africains comme le Nigeria. Qu’en sera-t-il si un jour, on découvre que les cultures OGMprésentent des incidences sanitaires ou de pollu-tion génétique néfastes ? Il s’avère donc essentielde renforcer les dispositifs d’encadrement juri-dique et de contrôle aux frontières des produitspotentiellement nuisibles pour l’environnementet la santé des pays en développement. Des AMEintégrant des dispositifs ayant une incidence surle commerce (interdictions d’importation,consentement préalable informé, principe de pré-caution) devraient être créés ou renforcés. La tra-çabilité directe et l’étiquetage devraient être obli-gatoires au niveau international pour les produitspotentiellement à risque. Le coût de ces mesuresdevrait être supporté par les fournisseurs de pro-duits potentiellement à risque.

– Les pays africains sont moins préparés à la mise enplace d’une stratégie de normalisation et de cer-tification de produits « écologiquement préfé-rables » que leurs concurrents, à l’heure où lademande pour ce type de produit croît fortementsur les marchés mondiaux. Or de nombreux Étatsou acteurs privés ont amorcé des programmes decertification et d’étiquetage dont les critères sontdifficilement accessibles, donc fortement discri-minatoires pour les pays en développement. Lesinitiatives unilatérales et privées de certification et

de labellisation devraient être proscrites. Il appa-raît essentiel de créer et d’appuyer les programmesmultilatéraux indépendants de certification et delabellisation de produits écologiquement préfé-rables. La participation des pays en développe-ment aux comités techniques de l’ISO devrait êtreune condition à l’élaboration des normes inter-nationales. Des programmes de normalisationenvironnementale ISO 14000 devraient êtreappuyés par la communauté internationale dansles pays en développement.

– Les pratiques agricoles des pays en développe-ment ont un bilan écologique global souvent plusperformant que celui des pays développés (faibleutilisation d’intrants chimiques, etc.), sans pourautant bénéficier d’une quelconque préférencedans les échanges internationaux. Paradoxale-ment, les pratiques agricoles écologiquementnéfastes des pays développés sont largement sub-ventionnées. Un bilan environnemental des sou-tiens à la production et aux exportations devraitêtre mené et les subventions dont les effets sontécologiquement négatifs devraient être éliminées.En outre, à l’heure où le débat sur la multifonc-tionalité de l’agriculture fait rage au niveau inter-national, les pays africains pourraient arguer desmeilleures performances écologiques de leurs sys-tèmes de production agricole pour négocier despréférences ou des exceptions, au sein de l’OMC,qui récompenseraient leurs efforts d’engagementvers un développement durable.

LE SOMMET DE JOHANNESBURGPEUT-IL ÊTRE PORTEUR D’UNE AUTREMONDIALISATION ?Le système de mondialisation libérale régit par l’OMC,qui aggrave les inégalités et les exclusions, peutentraîner des replis nationalistes dangereux. En dépitde l’activisme des mouvements citoyens, l’autre mon-dialisation, celle des droits civils et politiques de laDéclaration universelle des droits de l’Homme, desdroits économiques, sociaux et culturels des NationsUnies, du droit du travail de l’OIT, des droits envi-ronnementaux des quelque 200 accords multilatérauxsur l’environnement, peine à se réaliser. Seul le droit desaffaires est véritablement contraignant et les engage-

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ments pris par la communauté internationale enmatière de développement durable, de réduction de lapauvreté ou de la malnutrition restent lettre morte.

La crise de légitimité profonde de l’OMC montrepourtant le besoin de renforcement d’autres formesde régulation qui devraient faire l’objet d’uneréflexion soutenue, et interpelle les acteurs non gou-vernementaux et gouvernementaux sur ces processusde gouvernance. Le développement rapide d’un mou-vement contestataire mondial, qui lutte pour cette« autre mondialisation », peut offrir des solutionsalternatives à la mondialisation libérale, à travers uneconception du commerce international basée sur lasolidarité, la coopération, l’équité. Ces alternativesdoivent trouver un espace dans le système de négo-ciation multilatéral.

Les pays en développement auront aussi un rôlemajeur à jouer pour que le Sommet mondial dudéveloppement durable de Johannesburg devienne cetespace, en plaidant oui à un cycle global de réformes,oui à refonte de la gouvernance internationale.

Dans ce contexte, de nombreux chantiers doi-vent s’ouvrir rapidement en préparation du Sommetde Johannesburg, afin de fournir des analyses et despropositions autour de plusieurs questions centrales,notamment:

– L’évaluation de l’impact des accords commer-ciaux, notamment en matière sociale, environ-nementale et sanitaire.

– La mise en œuvre d’un véritable traitement spécialet différencié à l’attention des PED en ce quiconcerne les accords commerciaux existants.

– La révision des accords dont les incidences sontparticulièrement négatives pour les pays en déve-loppement.

– La réforme institutionnelle de l’OMC afin degarantir la pleine participation des pays du Sud,d’assurer la transparence des procédures, d’établirun contrôle démocratique dans les processus denégociation comme dans ceux de règlement desconflits.

– L’articulation du droit commercial avec les autresdroits et la clarification de la place de l’OMC dansle système des Nations Unies.

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INTRODUCTION ET CONTEXTEMadagascar, sur le plan écologique, est considéré parla communauté internationale comme l’un des paysles plus riches de la planète et où le patrimoine dediversité biologique est le plus en danger. C’est enmême temps, sur le plan économique, l’un des pluspauvres.

Le coût annuel dû à la dégradation de l’environ-nement se situerait entre 100 et 290 millions de dol-lars US à Madagascar, c’est-à-dire entre 5 et 15% duPNB1, selon une estimation approximative faite lorsde la préparation du PAE. Environ 75% de ce coûtproviendrait de la déforestation, 15% de la diminu-tion de la productivité des terres agricoles et pastoralesdue à l’érosion, et environ 10% de l’augmentation descoûts opérationnels et de la diminution de la duréede vie des infrastructures.

GENÈSE ET MISE EN ŒUVREConscient de l’état de dégradation intense présentéauparavant, le Gouvernement malgache a établi, avecl’appui d’un consortium de bailleurs de fonds, un Pland’Action Environnementale (PAE) sur 15 ans destinéà résoudre les problèmes environnementaux pressantsqui menacent le patrimoine de la biodiversité deMadagascar et ses perspectives de «développement

durable». Le PAE a été conçu pour aider au dévelop-pement général de Madagascar. Axé sur un environ-nement durable, le PAE complète les programmesdans les secteurs agricoles et d’infrastructure conçuspour augmenter la productivité nationale, et complèteégalement les programmes d’ajustement structurel etles programmes sociaux qui visent respectivement àintroduire des réformes économiques destinées à cor-riger les distorsions structurelles et à développer desactions d’urgence en faveur des groupes les plus défa-vorisés et vulnérables de Madagascar.

La Charte de l’environnement fixe le cadre générald’exécution de la politique environnementale mal-gache Loi 90.033 du 21 décembre 1990 et modifiée parla Loi 97.012 du 6 juin 1997. C’est une loi, et elleconstitue la base juridique du Plan d’actions environ-nemental. Le PAE est la mise en œuvre de la politiquedéfinie dans la charte. La charte prévoit que le PAEcontienne trois phases, pour une durée totale de 15 ans.

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Le Plan d’Action Environnementale (PAE)Bienvenu Rajaonson

Spécialiste de l’environnement, Banque mondiale, Madagascar

ATELIER 9 – Étude de cas

1. Dans les pays de l’OCDE, le coût annuel de la dégradation sesituerait entre 4 et 5% du produit national brut selon lesétudes réalisées par l’OCDE. Ce coût provient cependantbeaucoup plus de la pollution que de la dégradation des res-sources naturelles.

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Objectifs

PAE

Protéger et améliorer l’envi-ronnement tout en œuvrantpour un développementdurable. Ses quatre objectifsspécifiques visent à : a) con-server et à gérer le patrimoinede la diversité biologique ;b) promouvoir le développe-ment durable par une meil-leure gestion des ressourcesnaturelles ; c) améliorer lesconditions de vie dans leszones rurales et urbaines; etd) développer les ressourceshumaines et la capacité insti-tutionnelle

PE1

Les objectifs du Programmeont été (i) d’établir de solidesfondations institutionnellespour la mise en œuvre del’ensemble du PAE, et (ii) detraiter des problèmes envi-ronnementaux les plusurgents a savoir la préserva-tion du patrimoine de biodi-versité dans les parcs etdiverses réserves et forêts clas-sées parallèlement au déve-loppement des communautésavoisinantes et la lutte contrele déboisement et l’érosiondans les bassins versants prio-ritaires où l’impact écono-mique est significatif.

PE2

Les objectifs sont (i) de ren-verser la tendance à la dégra-dation de l’environnement et(ii) de promouvoir une utili-sation durable des ressourcesnaturelles telles que les sols,l’eau, le couvert forestier et labiodiversité. Il s’agira aussi decréer (iii) les conditions pourque la dimension environne-mentale fasse partie intégrantede la gestion macro-écono-mique et sectorielle du pays.

PE3

Objectifs : Assurer que l’im-portance et la qualité des res-sources naturelles sontconservées et valorisées pourpermettre une croissancedurable et une meilleure qua-lité de vie

Objectifs stratégiques:

1. Des modes de gestiondurable des ressourcesnaturelles renouvelableset de conservation de labiodiversité sont appro-priés par les populationsdes zones prioritairesd’intervention

2. La pérennisation de lagestion des ressourcesnaturelles et environne-mentales au niveaunational est initiée

LE FINANCEMENT DES TROIS PHASESLe PE1 a été financé pour 85.5 USD et le PE2 pour150 millions de USD et la prévision de financementdu PE3 est de 150 millions d’USD.

Le financement de la Banque mondiale dans sadeuxième phase a été considéré comme celui de der-nier recours dans la deuxième phase, c’est-à-dire qu’ilprend en charge les rubriques et/ou composantesque les autres bailleurs ne financent pas.

Les bailleurs ayant financé la première phase: LaBanque mondiale, l’USAID, le WWF, la CoopérationFrançaise, Conservation International, la CoopérationAllemande, le PNUD, la Coopération Norvégienne,le Gouvernement malgache.

Les bailleurs ayant financé la deuxième phase: laBanque mondiale, l’USAID, le WWF, la CoopérationFrançaise, Conservation International, la Coopérationallemande, l’Union Européenne, le FIDA, leGEF/PNUD, le Gouvernement malgache.

225 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Tableau 1

Les objectifs globaux du PAE et les objectifs spécifiques par phase de mise en œuvre

Page 238: Colloque International Francophonie et développement durable

226Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Sources de financement

Fonds bilatéraux

Fonds multilatéraux

Fonds gouvernementaux

Fonds autogénérés

Points forts

Souple (mobilisation, révision,allocation, procédure)

Appuis techniques souvent pertinents

Résultats tangibles

Mécanisme facilitant le contrôleet la fluidité de l’argent

Relève de l’emprunteur(responsabilité, opportunité, etc.)

Facturation toutes taxes comprises

Flexible et large frange de dépenseséligibles

Financements gérés par les structures

Usage en fonction des besoins

Grande flexibilité dans la couverturedes charges et des opérations

Modalités d’utilisation souple

Mesure le degré d’appropriationdu Gouvernement

Constitue un excellent financementd’appui

Constitue un facteur de crédibilitéindéniable

Durabilité

Stabilité

Estimée, perçue et géréepar la gestion des Aires Protégées

Allocation d’une partie pourle financement des micro-projetsde développement pour les populationsriveraines de Aires Protégées.

Mêmes avantages que les fondsmultilatéraux

Crédit-relais en cas de nécessité

Points faibles

Coût de l’assistance techniqueet de l’overhead élevé

Transparence de gestion

En général, financements ponctuels

Financement n’entre que rarementen jeu pour les frais de structure,donc peu pertinent par rapportaux objectifs de pérennisation

Financement d’activités spécifiques

Financements non gérés parles structures nationales

Données financières rarementdisponibles

Systèmes des caisses d’avances limitatifs

Documents à remplird’accompagnement volumineux

Lourdeurs des procédures dministratives

Insuffisance du niveau du dépôt initialdes comptes spéciaux(fonds de roulement)

Importance du seuil de mobilisationpar opération de tirages directs.

Non disponibilité à temps

Enveloppe allouée non régulière(montant)

Existence d’une certaine lourdeurdes procédures administratives

Problèmes de rythme de déblocagede contrepartie

Non encore substantiels pour couvrirune partie importante des dépenses

Dépenses éligibles non encore clarifiées

Tableau 2

Analyse des points forts et points faibles pour les catégories de sources de financement

Page 239: Colloque International Francophonie et développement durable

Les contraintes générales constatées dans la ges-tion financière sont :

1. Le dépôt initial pour les fonds de la Banque étaitinsuffisant (couvrant seulement un mois dedépenses) et a entraîné des ruptures fréquentes detrésorerie ;

2. Les informations financières concernant les fondsbilatéraux n’étaient pas souvent disponibles ;

3. Le décalage entre l’élaboration du Programmed’Investissement Public national (septembre), lapériode de budgétisation du programme envi-ronnement (décembre) et les calendriers budgé-taires de certains bailleurs (généralement juillet)fait que les inscriptions dans les lois de financesne sont pas toujours conformes au besoin (res-sources propres, taxes diverses) ;

4. La disparité de la capacité de gestion financièredes agences d’exécution et de la capacité d’ab-sorption a eu un impact sur le rythme d’appro-visionnement des comptes.

Quelques commentaires sur les conditionnalitéslors de la mise en œuvre du programmeElles sont propres à chaque bailleur lors des négo-ciations pendant tout le cycle de préparation du projetet durant la mise en œuvre. Les thèmes couverts sontdivers et portent notamment sur la sortie de textesréglementaires, l’élaboration d’une politique du sec-teur en objet, la création d’une structure de gestiondu projet, l’utilisation des moyens, la gestion desfonds, une allocation préliminaire avant la mise envigueur en guise d’engagement du Gouvernement, lacompétence des ressources humaines. Elles peuventapparaître à tout moment en cours d’exercice surtoutlors des missions de supervision ou de revue à mi-par-cours. Le cas extrême consiste à suspendre tempo-rairement le financement. Cependant on n’a jamaisvu la suspension de l’ensemble du portefeuille d’unbailleur donné en cours d’exercice en cas de constatd’irrégularités sauf si dans le cas des Bilatéraux lors-qu’il y a un impact sur les relations diplomatiques. Engénéral, on constate que les conditionnalités sonttoujours remplies mais souvent c’est toujours à ladernière minute.

Dans le cadre du Programme Environnement, ily a eu les catégories classiques de conditionnalitésdécrites auparavant selon chaque bailleur. Mais lecas de la gouvernance forestière a été un peu parti-culier car elle a mobilisé l’ensemble des bailleurs et aété portée même dans le cadre des conditionnalités duprocessus d’effacement des dettes dont Madagascarpourrait bénéficier.

Quelques commentaires sur la gouvernance durantla mise en œuvre du programmeLa gouvernance a surtout concerné le secteur fores-tier et porte sur la délivrance de permis d’exploitationforestière, de coupe d’usage et d’autorisation de défri-chement, de permis d’exportation de produits de labiodiversité à travers CITES ainsi que le recouvrementet la gestion des fonds générés par les recettes diverses(Fonds Forestier National).

Les permis sont en quelque sorte délivrés surtable et ils ne sont pas confrontés avec le cadastrefoncier et entraînent en conséquence des litiges etempiètements divers sur les propriétés privées, lesforêts classées… L’aspect financier en termes derecette et fonctionnement du service forestier en estaussi réellement affecté. Sur 4 millions $ de prévisionil y a juste 17% de recettes et cela sans compter lessous-estimations des redevances.

Concernant les produits CITES, il a été constatéun dépassement à la fin de l’année 2000 du quotaCITES convenu pour Madagascar par l’organe degestion malgache pour plusieurs espèces de reptiles,notamment de lézards et tortues terrestres.

QUELQUES COMMENTAIRES SUR LA COORDINATION DES BAILLEURS DE FONDSDurant le PE1, un Secrétariat des Bailleurs de Fonds(SBF) a été mis en place sur financement USAID etBM. Il a été composé d’un Expatrié et d’un consul-tant local. Ses Termes de Référence ont été limités àl’Environnement uniquement. Dans le cadre du PE2,le Secrétariat MultiBailleurs (SMB) a été restitué et aété financé par la Coopération Française, l’U.E, laBanque mondiale, l’USAID, le WWF, ConservationInternational, la Coopération Allemande, le FIDA,

227 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

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le PNUD. Un expatrié et cadre local composent leSecrétariat. Ses termes de référence ont été étendusaux thèmes Environnement, Sécurité alimentaire etDéveloppement rural.

DES COMMENTAIRES GÉNÉRAUX SUR LA MISEEN ŒUVRE DES DEUX PHASES DU PAELa première phase a fonctionné essentiellementcomme un ensemble de projets coordonnés maisindépendants. Dans la deuxième phase, l’intégrations’est faite grâce à la consolidation et au renforcementdu processus annuel de programmation et de bud-gétisation et à la consolidation du système de suivi.Toutefois, on n’a pas cherché à consolider les procé-dures de décaissement et de passation des marchés desDonateurs.

La revue à mi-parcours du PE2 en juin 2000 a exa-miné les résultats d’une série d’analyses préalablespour arriver à une appréciation des impacts cumu-latifs depuis le début du PAE à savoir une évaluationpar les bénéficiaires, une évaluation externe et uneévaluation interne. Malgré des résultats importantsenregistrés sur les Composantes Aires Protégées etConservation des sols, force est de constater que lePE1 et le PE2 n’ont touché qu’un pourcentage faiblede la population et que le pays se trouve encore loindes objectifs inscrits dans la Chartre de l’Environ-nement de 1990. On constate donc que les forêts, lesrécifs coralliens, les zones humides et la biodiversitéendémique qu’ils renferment font l’objet d’unemenace de dégradation inquiétante.

Parmi les acquis du programme environnementalfigure le transfert de gestion des ressources naturellesaux communautés de base qui en font la demande.Un texte supporte et détaille la procédure de transfert.Les évaluations sommaires qui ont été effectuéesrécemment ont montré que les forêts qui ont faitl’objet de transfert de gestion sont mieux conservées.Si pour le moment leur motivation réside à la conser-vation de la ressource, nous pensons que cela pour-rait être plus important quand il y aura un plan devalorisation économique durable.

Quelques principales leçons liées à la gestionfinancière et à la gouvernance tirées lorsde la mise en œuvre du PEI et du PEII Leçon no 1. Pour assurer la protection de l’environ-nement, il faut avant toutes choses, que le Gouver-nement exprime une volonté politique claire et adopteune stratégie qui permette à toutes les parties pre-nantes de travailler en concertation à la réalisationd’objectifs clairement définis.

Leçon no 2. Un cadre macro-économique peu per-formant et un manque de stabilité politique sont desfacteurs majeurs pouvant affecter de manière déter-minante le degré de performance de la mise en œuvred’un programme environnement.

Leçon no 3. La stabilité des institutions concernées parle programme permet de mieux capitaliser les acquiset assurer une continuité des actions à entreprendrepour le long terme.

Leçon no 4. Compte tenu du caractère transversal duthème environnement et si deux ou plusieurs autresthèmes sont financés plus ou moins par les mêmesbailleurs, il faudrait étendre la coordination de leursinterventions à ces nouvelles thématiques. Cette coor-dination est essentielle pour avoir un impact de com-plémentarité, géographique, thématique, financière.Une certaine uniformisation de l’approche, du contratavec les communautés et du suivi-évaluation estnécessaire même si la consolidation des procédures dedécaissement et de passation des marchés desDonateurs est impossible.

Leçon no 5. La mise en place de la comptabilité ana-lytique est nécessaire pour disposer des liens entre lesdonnées financières et techniques. Il faut simplementassurer que lors des négociations les données venantdes Bailleurs Bilatéraux puissent y être intégrées.

Leçon no 6. Il est difficile d’exiger d’une structureadministrative / étatique des impératifs de rentabilitéou d’efficacité. En effet, il y a amalgame entre le rôled’agence d’exécution et les rôles régaliens de la struc-ture étatique.

Leçon no 7. Le passage à l’échelle est difficile même siles solutions proposées sont celles qui sont techni-quement et financièrement les plus appropriées, sansune conviction et un engagement des entités concer-

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nées dans le processus d’identification des problé-matiques et de la mise en œuvre des solutions cor-respondantes.

Leçon no 8. Lorsque la dégradation des écosystèmesforestiers que constituent les corridors se situantentre deux ou plusieurs Aires protégées est critique,l’approche écorégionale devrait être appliquée etmérite d’être soutenue par des dispositions légales. Eneffet, la garantie de protection de ces corridors fores-tiers est aléatoire.

Leçon no 9. Le transfert de gestion des ressources auxcommunautés de base est une base solide de la ges-tion durable des ressources naturelles y compris labonne gouvernance. Il permet d’asseoir, divers modesde conservation (paiements pour concessions, etc.),d’usage et de valorisation (tourisme local).

Leçon no 10. La capacité locale d’absorption est unensemble de points allant de l’inscription du budgetnécessaire au Programme d’Investissement Public enpassant par les procédures de gestion jusqu’à l’ap-provisionnement du compte du projet.

Leçon no 11. L’intégration des mesures d’atténuationdes impacts sur l’environnement dans les activitésdes divers secteurs favorise une conscientisation àgrande échelle sur l’importance de la place de l’envi-ronnement dans le développement du secteur.

CAS DE MISE EN PLACE DU SYSTÈME DEFINANCEMENT DURABLE DE L’ASSOCIATIONNATIONALE POUR LA GESTIONDES AIRES PROTÉGÉES (ANGAP)Les expériences vécues depuis le PE1, illustrent plusque jamais l’importance du processus en cours cher-chant une voie pour la mise en place d’un système depérennisation financière.

En effet, un certain nombre de contraintes liées auplan de financement a été observé à ce jour, et ilsemble que la minimisation de leur impact sera plusque nécessaire en vue d’améliorer l’efficacité de l’ins-titution dans l’exécution de sa mission.

Les commentaires suivants peuvent être ainsi formulésLe décalage considérable entre le budget planifié

et le budget réellement disponible est dû (i) à des pro-

blèmes de planification; (ii) aux procédures internespropres à chaque Bailleur; (iii) à la non-transmissiondes données de réalisation financière de la part dubailleur même dans le cas où l’activité prévue a étéréellement effectuée.

Les conséquences peuvent être, selon le cas, lasuppression des activités prévues correspondantes. Lerecours au fonds propre DEAP (Droit d’Entrée dansles Aires Protégées) qui est inscrit chaque année est faitpour financer les activités prioritaires prévues et quine le sont pas en cours d’exercice et/ou pour servir definancement tampon lors d’un retard d’approvi-sionnement des comptes du programme. Concernantla Banque mondiale, on voit une grande différencedans le décaissement des fonds FEM et ITF alorsqu’ils sont gérés avec les mêmes procédures.Concernant les fonds de contrepartie provenant duGouvernement, on constate que cela ne suit pas ce quia été prévu.

Par ailleurs, il y a eu d’autres contraintes et pointsforts d’ordre général :

Contraintes endogènes: insuffisance du niveau deprofessionnalisation au niveau des structures crées.

Contraintes exogènes: dépendance vis-à-vis desbailleurs ; dépendance vis-à-vis de la conjoncturepolitique et du changement des institutions de rat-tachement ; intervention des bailleurs déterminéeselon des zones géographiques ou par des théma-tiques prédéfinies par le bailleur.

Points forts : le Secrétariat Multi-Bailleurs ouSMB a joué un rôle significatif dans la coordinationdes interventions des bailleurs notamment pour cequi est de la mise en œuvre des activités de suivi.

MISE EN PLACE D’UN PROGRAMMEDE FINANCEMENT DURABLE

Le contexte stratégiqueLa pérennité du Réseau National requiert une stabi-lité institutionnelle, une vision claire des objectifs duRéseau ainsi que des ressources adéquates. Cependant,le défi est clair : les entités en charge de la gestion desaires protégées font face à une concurrence au niveauinternational qui ne cesse de se durcir pour s’assurer

229 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 242: Colloque International Francophonie et développement durable

la disponibilité de ressources humaines compétenteset financières suffisantes. Il s’avère donc que lesagences de coopération tout comme les décideursgouvernementaux conditionnent de plus en plus leursappuis à des garanties solides en termes de qualité degestion et de crédibilité institutionnelle, ce qui laisseune marge d’erreur tout à fait minime dans la gestionde l’organisation.

Dans cette perspective, l’approche des ParcsNationaux de Madagascar serait de gérer le RéseauNational des Aires Protégées en s’inspirant des pra-tiques d’une entreprise privée, tout en évitant demettre en péril sa mission et son rôle dans le main-tien d’un héritage naturel précieux.

Les documents de base de la stratégieLes quatre piliers sur lesquels l’ANGAP fonde sa stra-tégie de financement durable sont :

• La mise en place du cadre juridique applicable àla gestion des aires protégées, ou COAP (Code desAires Protégées) en tant qu’ instrument pour fairereconnaître l’autorité et le mandat de l’ANGAP.

• La définition d’orientations et d’objectifs straté-giques clairs et solidement justifiés dans le Plan deGestion du Réseau National des Aires Protégées(Plan GRAP) conformément à la mosaïqued’Aires représentatives de la biodiversité par zoneécologique.

• L’Audit organisationnel proposera au besoin desmodifications à apporter et les capacités à ren-forcer pour optimiser l’efficacité et la rentabilitéde Parcs Nationaux Madagascar.

• L’élaboration d’un Plan de Pérennisation basé surles trois éléments qui précèdent et qui inclura unPlan de Marketing et de Communication. Il défi-nira une vision sur 10 ans au moins, avec unemise à jour périodique tous les 2 ans et complè-tera les stratégies à mettre en œuvre afin de pré-parer à l’avance l’après PE3.

Le tableau suivant propose les principales sourcespotentielles de revenus.

Commentaires sur le tableau:

• Des études approfondies sont en cours et don-neront d’autres alternatives comme le «CarbonFund» ou encore l’argent contre la conservation.

• Plusieurs institutions financières ont manifestéleur intention de contribuer au financement duTrust Fund et à l’appui direct de l’ANGAP.

• La source Écotourisme englobe toutes les recettespropres de l’ANGAP et comprend de ce fait lesfonds DEAP, les recettes de concessions écotou-ristiques, etc.

• Sur les Ressources de l’État, l’IPPTE (Initiativepour les Pays Pauvres Très Endettés): Madagascarfait partie des pays qui vont bénéficier de l’allè-gement de ses dettes extérieures. L’épargne ainsi

230Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Tableau 3

Identification des revenus potentielspar catégorie de sources de financement

Écotourisme DEAP (Droits d’Entrée aux Aires Protégées)

Concessions d’Écotourisme

Ventes des produits(cartes, t-shirts, artisanal, etc.)

Matériel à louer

Services de Guide

État IPPTE (effacement de dettes)

Taxes Vertes

Fonds propres de l’État

Échanges de dettes

Bailleurs divers Bailleurs multilatéraux

Bailleurs Unilatéraux

Fondations Internationales

Fondations Nationales

Partenaires ONG Environnementale internationale

ONG Environnementale Nationale

ONG Développement International

Partenaires Gouvernementaux

Recherche – Science

Trust Fund Création d’une Fondation

Page 243: Colloque International Francophonie et développement durable

effectuée sera réaffectée aux programmes d’in-vestissement public annuel. Selon le DocumentStratégique pour la Réduction de la Pauvreté(DSRP), l’environnement figure parmi les sec-teurs cibles qui bénéficieront de ces fonds addi-tionnels.

• Les Taxes Vertes seraient aussi proposées pourappuyer l’ANGAP. Il existe déjà une taxe verte surle pétrole à Madagascar dont les revenus issus sontprévus être utilisés pour les actions contre la pol-lution. La perception de la taxe verte pour les APse ferait (i) à partir des entrées des touristes àMadagascar ou sur les clients des hôtels; (ii) partype et utilisation de ressource naturelle inclusedans l’Aire Protégée (ex. eau à usage domestique,production: électricité, agriculture…) dont la pro-tection et la maintenance bénéficient de la mise enœuvre du plan de gestion de l’Aire Protégée.

• Les échanges dette/nature sont maintenant cou-ramment utilisés dans les pays en développementafin de réduire leur dette extérieure tout en géné-rant des fonds additionnels destinés aux actionsde conservation. Madagascar a déjà un passé his-torique des échanges de dettes pour la conserva-tion de la nature.

Quelques leçons apprises :

1. Le partenariat avec le ou les secteurs publics res-ponsables, les opérateurs et les bailleurs en termesd’assistance technique et financière demeureimportant ;

2. La pertinence de la mise en place et en œuvre desoutils de gestion et de suivi et évaluation finan-cier et technique accompagnée par le renforce-ment des capacités au niveau des unités opéra-tionnelles ;

3. La non-pertinence de la gestion systématique enrégie directe de toutes les activités qui impliquentla nécessité de confier certaines activités à desorganismes spécialisés ;

4. La collaboration avec les autorités et servicespublics locaux et la population riveraine favorisele dialogue pour une gestion participative etsynergique;

5. La gestion des Aires Protégées devra être mise enœuvre dans un cadre de problématique plusélargie qui est l’approche écorégionale ;

6. L’engagement de l’État devrait être permanent;

7. Les fonds qui supportent des charges fonction-nement ont toujours un niveau de décaissementélevé. Ainsi, les retards dans la mise en œuvre desactivités entraînent toujours un report de la datede clôture du ou des financements ;

8. La mise en place d’un mécanisme de finance-ment durable est toujours ambitieuse vu lenombre des Aires Protégées à gérer mais sa réus-site dépendra entre autres de la force du planmarketing.

231 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 244: Colloque International Francophonie et développement durable

Secrétariat de la Convention de Lutte contre la Désertification

DIALLO Hama ArbaSecrétaire Exécutif de la Convention des Nations Uniessur la Lutte contre la Désertification (CCD)ONU– Haus Carstanjen 6 Martin-Luther-King Str. 8Tél. (49 228) 815 28 03/Fax (49 228) 815 28 98/99courriel : [email protected]

Programme des Nations Unies sur l’Environnement (PNUE)

KANTE BakaryDirecteur Division des Politiqueset du Droitde l’EnvironnementPNUE NairobiTél.: (254) 2 623 835 – Fax: (254) 22 26 895/26 24 006/2 62 4324courriel : [email protected]

Agence Universitaire de la Francophonie

BOULKROUNE KhalefChef de projetsAUF4, Place de la Sorbonne75 005 Paris (Tél. : 331) 44 41 18 18courriel : [email protected]

DA SILVA Diaw Assistante administrativeAUF – Bureau Afrique de l’Ouest de l’Agence universitaire dela FrancophonieB.P. 10017 – LibertéDakarSénégalTéléphone : (221) 824 29 27Télécopie : (221) 825 34 58Courriel : [email protected] Web : http://www.sn.refer.org

232Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Liste des participants au colloque

DOUMBE-BILLE StéphaneMembre du Réseau francophoneDroit de l’EnvironnementProfesseur de Droit public à l’Université Lyon 315, Quai Claude Bernard69007 LyonTél. : 04 78 78 74 92 ou 74 93courriel : [email protected]

GANTY Jacques-Philippe AdministrateurAUF – Bureau Afrique de l’Ouest de l’Agence universitaire dela FrancophonieB.P. 10017 - LibertéDakarSénégalTéléphone : (221) 824 29 27Télécopie : (221) 825 34 58Courriel : [email protected] Web : http://www.sn.refer.org

MVÉ ONDO BonaventureDirecteurAUF – Bureau Afrique de l’Ouest de l’Agence universitaire dela FrancophonieB.P. 10017 – LibertéDakarSénégalTéléphone : (221) 824 29 27Télécopie : (221) 825 34 58Courriel : [email protected] Web : http://www.sn.refer.org

VERMANDE PaulProfesseur émérite INSA Lyon12, rue des Remparts69 480 AnseTél. : (33-4) 74 76 16 82 – Fax 62 23 51 70courriel : [email protected]

Page 245: Colloque International Francophonie et développement durable

Université de Senghor

CONSTANT FredRecteurUniversité Senghor1, Place Ahmed Orabi El MancheyaB.P. 415AlexandrieÉGYPTETél. : (203) 48 43 504 – Fax: (203) 48 43 479courriel : [email protected]

Bénin

ASSE SéverinSecrétaire Permanent de la Commission Nationaledu Développement Durable (SP-CNDD)Recette principaleTél. : 229) 31 34 24/Fax (229) 31 34 24courriel : [email protected]

BADOU Jérôme A.Journaliste – 01 B.P. 3018 Recette principaleTél. : (229) 31 318 27/Fax (229) 31 18 29courriel : [email protected]

BAGLO Ayité MarcelDirecteur Général de l’Agence Béninoisepour l’Environnement03 B.P. 1831 CotonouTél. : 229) 30 45 56/30 22 43) Fax (229) 30 45 43courriel : [email protected]

Burkina-Faso

BADO HortensePrésidente du Conseil d’AdministrationCOPROD/Convention pour la Promotiond’un développement durable06 B.P. 9284Ouagadougou 06Tél. : (226) 60 15 41/31 24 64 – Fax (226) 33 24 75courriel : [email protected]

COULIBALY SambouChef de Division des politiques, Accords et Conventionsen matière d’environnementSP/CONAGESE01 B.P. 6486 Ouagadougou 01Tél. : (226) 31 31 66/ Fax (226) 31 64 91courriel : [email protected]

233 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Burundi

KARIMUMURYANGO JérômeMinistère de l’Aménagement du Territoire,de l’Environnement et du TourismeB.P. 631 – BujumburaTél. : (257) 40 26 25/ Fax: 40 30 42courriel : [email protected] / [email protected]

Cambodge

UNG SENGDirecteur du Cabinet du Ministre de l’Environnement48, Preah Sihanouk av. Toulé Barac Chamkar-Mon Phnom PenhTél. : (855 23 21 39 08) Fax (855) 23 21 59 25/23 21 25 40courriel : [email protected]

Cameroun

EFENDENE BlaiseChef de brigade des enquêtes et inspections environnementalesMinistère de l’Environnement des ForêtsYaoundéTél. : (237) 222 69 09/998 53 51/222 94 83Fax: (237) 222 12 25/222 94 89courriel : [email protected][email protected]

TANAWA EmileEnseignant-chercheurGroupe Environnement Recherche ActionYaoundéTél. : 237) 22 6060 – (237) 22 60 60courriel : [email protected]

TASSE EtienneJournalisteJADE Cameroun Syfia internationalB.P. 3053Douala

TCHAHA Zita-LaureB.P. 24 197DoualaTél. : (237) 343 39 69 – Fax 347 32 50courriel : [email protected]

NJOMGANG ClaudeProfesseurFaculté des Sciences économiques et de GestionUniversité de Yaoundé IIB.P. 13716 Yaoundé IITél. : (237) 223 44 67 ou 223 65 52

Page 246: Colloque International Francophonie et développement durable

Canada

HEBERT PatrickAmbassade du Canada à Paris35, avenue Montaigne75008 ParisTél. : (33 1) 44 43 22 53 – Fax: (33 1) 44 43 29 95courriel : [email protected]

BURTON JeanDirection de la Conservation de l’EnvironnementCentre St-Laurent105, rue McGill, 2e étageMontréal (Québec)Tél. : (1-514) 283 99 30/ Fax: (1-514) 283 17 19courriel : [email protected]

Canada-Québec

BOILEAU CarlConseiller en relations internationalesMinistère des Relations Internationales525, boul. René-Lévesque Est, 3e étageQuébec (Québec) G1R 5R9 Québec (Québec)Tél. : (1-418) 649 23 44 – Fax: (1-418) 649 24 14

BONN Ferdinand J.Université de Sherbrooke2500, boul. de l’UniversitéSherbrooke (Québec) J1K 2R1Tél. : (1-819) 821 7180/821 8000, poste 2964Fax: (1-819)821 79 44courriel : [email protected]

DE LAET ChristianPrésidentFondation de Recherche transnationale KnowltonC.P. 40, station VictoriaMontréal (Québec)H3Z 2V4Tél. : (1-514) 487 9154 – Fax: (1-514) 481 0180courriel : [email protected]

DUFOUR JacquesConseiller à la Direction des Affaires intergouvernementalesMinistère des Affaires municipales et Métropole,Environnement et EauÉdifice Marie-Guyart, 6785, boul. René-Lévesque est, 6e étageQuébec (Québec) G1R 5V7Tél. : (1-418) 521 3828 poste 4108 – Fax: 644 45 98courriel : [email protected]

LACHANCE Jean-GuyDirection des Politiques, des Études et de la Recherche –Secteur ÉnergieMinistère des Ressources naturelles, Régions, Nord Québécois5700, 4e Avenue ouestCharlesbourg (Québec) G1H 6R1Tél. : (418) 627 6380 poste 8116 – Fax: (418) 643 8337courriel : [email protected]

234Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

LE PRESTRE PhilippeProfesseur titulaire de science politiqueInstitut des sciences de l’environnement (ISE)Université du Québec à Montréal (UQAM)C.P. 888 Succursale centre-villeMontréal (Québec) H3C 3P8Tél. : (1-514) 987 30 00 poste 7909 – Fax: (1-450) 458 8041courriel : leprestre.philippe@uqam

REVERET Jean-PierreProfesseurUniversité du Québec à Montréal (UQAM)C.P. 888 Succursale centre-villeMontréal (Québec) H3C 3P8Tél. : (1-514) 987 30 00 poste 6663 – Fax: (1-450) 458 8041courriel : [email protected]

RICHARD François1679, ColetteChicoutimi (Québec) G7J 4K7Tél. : (418) 543-4582courriel : [email protected]

SABOURIN ClaireÉconomisteUniversité du Québec à Montréal (UQAM)C.P. 888 Succursale centre-villeMontréal (Québec) H3C 3P8Tél. (1-514) 987 30 00 poste 3492 – Fax : (1-450) 458 8041courriel : [email protected]

VILLENEUVE ClaudeResponsable des programmes Éco-ConseilProfesseurUniversité du Québec à Chicoutimi (UQAC)555, boulevard de l’UniversitéChicoutimi (Québec) G7H 2B1Tél. : (1-418) 545 5011 poste 5059 – Fax: (1-418) courriel : [email protected]

WARIDEL LaureÉquiterre2177, Masson, suite 317Montréal (Québec) H2H 1B1Tél. : (1-514) 522 2000 – Fax: (1-514) 522 1227courriel : [email protected]

Page 247: Colloque International Francophonie et développement durable

Cap-Vert

ANDRADE Fernando Jorge LealDireçao de CooperaçäoMinistério de Agricultura e PescasPraiaFax: (238) 616 906

Centrafrique

RANDAH PierreChef du Service EnvironnementCommunauté économique et monétairede l’Afrique centrale – CEMACB.P. 96.9BanguiTél. : (236) 50 44 18 – Fax: (236) 61 21 36courriel : [email protected]

Communauté française de Belgique (Wallonie-Bruxelles)

FORET MichelMinistre de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanismeet de l’EnvironnementPlace des Célestines, 1B-5000 NamurTél. : (32) 82 234 111 – Fax: (32) 81 234 122courriel : [email protected]

DECHAMPS AnneDirectrice de la FrancophonieDirection Générale des Relations extérieuresMinistère de la Région Wallonne2, Place Sinctelette1180 BruxellesTél. : (32-2) 42 18 642 – Fax: (32-2) 42 18 769courriel : [email protected]

DYKMANS IsabelleAttachée à la politique de l’eau au Cabinet du MinistreFORET Ministère de l’Aménagement du Territoire,de l’Urbanisme et de l’EnvironnementPlace des Célestines, 1B-5000 NamurTél. : (32) 81 234 111 – Fax: (32) 81 234 122courriel : [email protected]

GUILLITTE OlivierPrésident des Réserves naturelles RNOB – FUSALaboratoire d’écologiePassage des Déportés 2B-5030 GemblouxTél. : (32) 81 62 24 58 – Fax: (32) 81 61 45 44courriel : [email protected] ou [email protected]

235 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

MACHIELS OlivierAvenue de la Pairelle, 78/3B-5000 NamurTél. : (32) 81 23 00 53 – Fax: (32) 81 23 00 53 6courriel : [email protected]

NEMCOVA MarieStation expérimentale de VivilleRue de la FollmillenB-6700 VivilleTél. : (32) 63 24 58 24 – Fax: (32) 63 24 58 28courriel : [email protected]

RADOUX Michel Responsable de la StationStation expérimentale de VivilleB-6700 VivilleTél. : (32) 63 24 58 20 – Fax: 63 24 58 28courriel : [email protected] ou [email protected]

SALIEZ Jean-YvesAttaché, Cabinet du Ministre de l’ÉnergieMinistère du Transport, de la Mobilité et de l’Énergie4, rue des Brigades d’IrlandeTél. : (32) 81 323 425 – Fax: (32) 323 489courriel : [email protected]

SCHENKEL YvesChef du Département de Génie ruralCentre de Recherches Agronomiques de GemblouxMinistère des Classes moyennes et de l’AgricultureChaussée de Namur, 146GemblouxTél. : (32) 81 61 25 01 – Fax: (32) 81 61 58 47courriel : [email protected]

SCHMIDT AnneAttachée à la politique des déchetsCabinet du Ministre FORETMinistère de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanismeet de l’EnvironnementPlace des Célestines, 1 B-5000 NamurTél. : (32) 81 234 111 – Fax: (32) 81 234 122courriel : [email protected]

SIKIVIE AgnèsCabinet du Ministre José DARASMinistère des Transports, de la Mobilité et de l´Énergie 4, rue des brigades, d’IrlandeTél. : (32) 81 323 425 – Fax: (32) 81 323 489courriel : [email protected]

SWITTEN SergeMinistère de la Région WalloneDirection générale des Technologies, de la Recherche et del’Énergie Avenue Prince de Liège, 7 – Local 225Tél. : (32) 81 33 50 50 – Fax: (32) 81 33 66 00courriel : [email protected]

Page 248: Colloque International Francophonie et développement durable

Comores

OUMOURI Mohamed YoussoufConseiller technique du MinistreMinistère de la Protection et de l’EnvironnementB.P. 41MoroniTél. : (269) 74 46 30 – Fax: (269) 74 46 32

Congo

KOMBO GermainConseiller à l’Environnement et aux ForêtsMinistère de l’Industrie minière et de l’Environnement40, rue Lanoe – Plateaui des 15 ansBrazzavilleTél. : (242) 81 02 91 – Fax 81 02 91courriel : [email protected]

ONKAGUI JulienChargé de la Pêche et des Ressources halieutiquesMinistère de l’Economie ForestièreChargé de la Pêche et des Ressources halieutiquesB.P. 98 – BrazzavilleTél. : (242) 68 75 27 – Fax: 81-41-34/36courriel : [email protected]

Côte-d’Ivoire

BAMBA AbouCoordinateur du REDDA/BADAv. Joseph Anoma, guichet annexe BAD24 B.P. 95 – 01 AbidjanTél : (225) 20 20 40 88 - Fax: (225) 20 20 59 22courriel : [email protected]

BELLA AiméeEnvironnementalisteDocteur en Génie industriel et des systèmes01 B.P. 1387Abidjan 01Tél. : (225) 20 20 49 53 – Fax: 20 20 50 33 courriel : [email protected]

BRANCART René-YvonPCF CARBONA ONGCocody les 23 plateauxRue K 113B.P. 452Abidjan 01Tél. : (225) 22 41 22 63 – Fax: (225) 22 41 07 88courriel : [email protected]

236Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

KOUYATE DjénébaCommissaire aux comptesAssociation 20000 femmes pour 1 banque11 B.P. 1238Abidjan 11Tél. : (225) 21 23 35 05courriel : [email protected]

MIAN PhilippeConseiller technique du MinistreMinistère de l’Environnement et du Cadre de vie20 B.P. 650AbidjanTél. (225) 20 22 61 35/20 22 20 50 – Fax (225) 20 22 20 50

Djibouti

DOUALE WAISSAboubakerS. G. du Ministère de l’EnvironnementB.P. 11DjiboutiFax (253) 35 16 18

France

BONNEAU LaurentChef de BureauMinistère des Affaires Étrangères20, rue MonsieurTél. : (33 1) 53 69 30 00 – Fax: (33-1) 53 69 33 35courriel : [email protected]

BOUCHER OlivierMinistère des Affaires Etrangères20, rue Monsieur, Paris (tél. : 33 1) 53 69 34 63Tél. : (33 1) 53 69 30 00 – Fax: (33-1) 53 69 33 35courriel : [email protected]

BRODHAG ChristianDirecteur de RechercheÉcole Nationale des Mines de Saint-Étienne158, Cours FaurielSaint-Étienne cédex 242 023 FranceTél. : (33-4) 77 42 01 23 – Fax: (33-4) 77 42 66 66courriel : [email protected]

CANALE CécileEco-Conseillère4, rue Albert Lacroix82 000 MontaubanTél. : (33) 5 63 92 94 87courriel : [email protected]

Page 249: Colloque International Francophonie et développement durable

DESSUS Benjamin17 ter rue du Val92 190 MeudonTél. : (33 1) 46 26 31 57courriel : [email protected]

di CASTRI FrancescoDirecteur de RechercheCEFE/CNRS34 000 MontpellierTél. : (33) 4 67 61 33 07 ou 32 01 – Fax: (33) 4 67 41 21 38courriel : [email protected]

DIAO TahirouPrésident de SAHEL DEFIS253, chemin de Fontanières69 350 La MulatièreTél. : 33 478 51 48 88 – Fax: 78 51 48 58courriel : [email protected]

GERARD RolandCoordinateur du Collectif français pour l’éducationà l’environnement et de Planet’Ere16, rue Ferdinand Fabre34 090 MontpellierTél. : (33) 4 67 02 25 70courriel: [email protected] ou [email protected]

GUENEAU StéphaneSOLAGRALParc scientifique Agropolis, Bat. 1434 397 MontpellierTél. : (33-4) 99 23 22 86/80 – Fax: (33-4) 99 23 24 60courriel : [email protected]

KLEIN BernardPrésidentSYNERDEV14, rue des Meuniers75 012 ParisTél. : (33-1) 44 21 81 58 – Fax: (33 1) 44 21 81 60courriel : [email protected]

LARIVIERE JeanCoordonnateur réseau UICN36, rue Geoffroy – Saint-Hilaire75 005 ParisTél. : (33-1) 47 07 78 58 – Fax: 47 07 71 78courriel : [email protected]

LIU YazhongDirecteur de Projet internationalInternational Conseil Energie (ICE)46, rue de Provcence75 009 ParisTél. : (33 1) 48 74 59 73 – Fax: 42 81 39 58courriel : [email protected]

237 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

RENAULT CyrilChargé de mission ÉnergieADEME27, rue Louis Vicat75 737 Paris cédexTél. : (33 1) 47 65 20 00 – Fax: 47 65 22 29courriel : [email protected]

RIEDACKER Arthur Chargé de MissionMission Interministérielle de l’effet de serre35, rue Saint-Dominique75 007 ParisTél. : (33-1) 42 75 77 70 – Fax: (33-1) 47 53 76 34courriel : [email protected]

THIOUBOU AïssatouStagiaire Post-docAgora 21158, Cours Sauviel42023 Saint-EtienneTél. : 33 47 74 200 17 – Fax: 477 42 66 33courriel : www.agora21.org ou [email protected]

VERMANDE GuyPsychologue12, Rue des Remparts69 480 Ansecourriel : [email protected]

Gabon

LASSENI DUBOZE SergeConseiller du MinistreMinistère des FinancesB.P. 13 268 LibrevillePrésident C.O. IEPFB.P. 13 268Tél : (241) 76 06 75 ou 24 50 42 – Fax: (241) 76 18 00courriel : [email protected]

LAWSON AntoineJournaliste BERPB.P. 8483Librevillecourriel : [email protected]

Guinée

DIARI DIALLO AbdoulayeJournaliste Radio Télévision GuinéenneB.P. 391ConakryTél. : (224) 011 29 48 34 – Fax: (224) 41 18 19courriel : [email protected]

Page 250: Colloque International Francophonie et développement durable

DOUMBOUYA Mohamed LamineDirecteur National Adjoint de l’EnvironnementMinistère des Mines, de La Géologie et de l’EnvironnementB.P. 295ConakryTél. : (224) 45 15 89 – Fax: (224) 45 15 89

Guinée Bissau

DA SILVA Alziro AdrianoDirecteur Général de l’EnvironnementB.P. 225Tél. : (245) 22 19 25/22 35 78 - Fax: (245) 22 10 19courriel : [email protected]

Haïti

NAU FritzMembre du CabinetMinistère de l’Environnement181, Haut Turgeau, Av. Jean Paul IIB.P. 19260Port-au-PrinceTél. : (509) 245 75 72 – Fax: 245 73 60courriel : [email protected]

TOUSSAINT RonaldPoint focal national CDBCoordonnateur de l’UMO-PAE181, Haut de TurgeauPort-au-PrinceTél. : (509) 245 05 04 – Fax: (509) 245 73 60courriel : [email protected]

Luxembourg

ORIGER ClaudeAttaché de Gouvernement 1er en rangMinistère de l’Environnement18, montée de la PétrusseL-2918 LuxembourgTél. : (35 2) 478 68 26 – Fax (35 2) 478 68 35courriel : [email protected]

Liban

HADDAD JosephConseiller technique du MinistreMinistère de l’EnvironnementB.P. 70 1091 AnteliasTél. : (961) 4 52 22 22 – Fax: (961) 4 524 555

238Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Macédoine

PAVLOVSKA DanicaChef de secteur de l’Aménagement du TerritoireMinistère de l’Environnement et de l’Aménagement du territoirecourriel : [email protected]

Madagascar

RAJAONSON BienvenuSenior environnemental specialist chargé de projet W.B.Banque MondialeLot II K 21 B Soavimasoandizo101 AntananarivoB.P. 4140Tél. : (261) 20 22 560 00 – Fax: 20 22 333 38courriel : [email protected]

RANDRIAMASIMANAN DésiréTechnicien auprès du Service de Documentationet d’InformationMinistère de l’EnvironnementB.P. 571 AmpandrianombyAntananarivoTél. : (261) 20 22 409 08 – Fax: (261) 20 22 419 10courriel : [email protected]

Mali

DIARRA SoumaïlaAnimateur Conseiller en environnementENDA MaliB.P. 3123BamakoTél. : (223) 22 55 64 – Fax: (223) 21 41 31courriel : [email protected]

KANOUTE SalifSecrétaire permanent du Cadre de l’EnvironnementSTP/CIGQEMinistère de l’Équipement, de l’Aménagement du territoire,de l’Environnement et de l’UrbanismeB.P. 2357BamakoTél. : (223) 23 10 74 – Fax: (223) 23 58 67courriel : [email protected]

KONATE MoussaDirecteurONG Suco-MaliB.P. 415Bamakocourriel : [email protected]

Page 251: Colloque International Francophonie et développement durable

Maroc

AGOUMI AliProfesseurÉcole Hassania des Travaux PublicsB.P. 8108 CasablancaTél. : (212) 614 23 34 – 23 19 68courriel : [email protected]

BENJELLOUN TOUIMI MounyaCadre du Service CNEMinistère chargé de l’Aménagement du Territoire,de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Environnement36, Avenue El AbtalAgdal-RabatTél. : (212) 37 77 26 34 – 376 810 18 - Fax: 37 77 27 56courriel : [email protected]@caramail.com

ELMDARI KamalAssociation Choualacourriel : [email protected]

KHAMLICHI SamiraCadre du Projet PNUD-PEM sur le climatau MaghrebMinistère chargé de l’Aménagement du Territoire, del’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Environnement36, Avenue El AbtalAgdal-RabatTél. : (212) 37 68 19 34courriel : [email protected]

SAIDI AbdesslemInstitut agronomique vétérinaire Hassan II (IAV)B.P. 6202RabatTél. : (212) 37 68 17 05 - Fax: (212) 37 77 58 01courriel : [email protected]

TAZI SADEQ HouriaPrésidenteAlliance Maghreb Machrek pour l’EauRésidence Anafé 36 B, Bd d’AnfaCasablancaTél. : (212) 22 49 15 73 – Fax: (212) 22 22 33 97courriel : [email protected]

Maurice

CUNDASAMY RamonConseillerMinistère de l’Environnement10 th Floor, Ken Lee Tower Line Barracks StreetPort LouisTél. : (230) 210 07 36 – Fax: (230) 21 28 324courriel : [email protected]

239 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Mauritanie

ABDELLAHI SELME M. A.ResponsableBureau national OzoneDirection de l’EnvironnementMinistère du Développement rural et de l’EnvironnementB.P. 170 – NouakchottTél. : (222) 529 0115courriel : [email protected]

CHEIGUER Sidi El MoctarJournaliste à l’ESSORB.P. 5310NouakchottTél. : 222) 529 19 83 – Fax: 525 04 07courriel : [email protected]

DIOP BoubacarIngénieur forestier, chargé du suivi du Sommet Rio+10Direction de l’Environnement et Aménagement ruralB.P. 170NouakchottTél. : (222) 643 60 51/529 35 85 – Fax: (222) 525 12 66courriel : [email protected]

Monaco

FROISSART JérômeChargé de la Coopération au développementVilla Girasole 16, boul. de SuisseMC-9800 MonacoTél. : (377) 93 15 83 33 – Fax: (377) 93 50 95 91courriel : [email protected]/[email protected]

Niger

SALEY HassaneSecrétaire exécutifConseil national de l’environnement pour un dévleoppementdurableB.P. 10 193NiameyTél. : (227) 72 25 59/72 42 64 – Fax: (237) 73 58 59courriel : [email protected]

Roumanie

BADRUS GheorgheConseiller du MinistreMinistère des Eaux et de la Protection de l’environnementDd. Libertatii.B.P. 12, sector 5BucarestTél. : (401) 410 21 84 – Fax: (401) 312 42 27courriel : [email protected]

Page 252: Colloque International Francophonie et développement durable

MIHAI StefanInstitut national de recherche économique – INREAcadémie roumaineCasa academiei, calea 13-septembre n. 13, sectpr 576117 BucarestTél. : (401) 410 33 55 – Fax: (40-1) 411 49 16 ou 411 54 86courriel : [email protected]

Rwanda

BIZIMANA InnocentPoint focal national de Rio + 10 au RwandaMinistère des Terres, de la réinstallation et de la protectionde l’environnementKigaliTél. : (250) 8 26 28 – Fax: (250) 8 26 27courriel : [email protected]

Sénégal

BADIANE N’FallyEnda Tiers MondeB.P. 21394DakarTél. : (221) 822 09 / 647 33 04 – Fax: (221) 821 41 66courriel : [email protected]

BADIANE Reine Marie ColyMembre Commission Développement DurablePoint Focal OzoneDirection EnvironnementMinistère de la Jeunesse, de l’Environnementet de l’Hygiène publique106, rue Carnot DakarBP 6557 Dakar EtoileTél. : (221) 822 62 11/821 07 25 – Fax: (221) 822 62 12courriel : [email protected]

DIALLO AbabacarProgramme Associatif d’Éducation et de Culture43, HLM Patte d’OieB.P. 13046DakarTél. : (221) 827 41 33 (221) 645 23 58courriel : [email protected]

DIA TOURE FatimaDirectrice de l’Environnement et des Établissements classésMinistère de la Jeunesse, de l’Environnement et de l’Hygiènepublique106, rue Carnot DakarB.P. 6557 Dakar ÉtoileTél. : (221) 822 62 11 – Fax: (221) 823 66 72courriel : [email protected]

DIONE ERNESTChef de Division Direction EnvironnementMinistère de la Jeunesse, de l’Environnementet de l’Hygiène publique106, rue Carnot DakarB.P. 6557 Dakar ÉtoileTél. : (221) 822 38 48 – Fax: (221) 822 62 12courriel : [email protected]

DIOP MaguetteVolontaire Direction EnvironnementMinistère de la Jeunesse, de l’Environnementet de l’Hygiène publique106, rue Carnot DakarB.P. 6557 Dakar ÉtoileTél. : (221) 661 96 67courriel : [email protected]

DIANKA MamadouSecrétaire Technique du GAARegional Program for the Traditional Energy Sector (RPTES)104, rue CarnotBP 4021DakarTél. : (221) 821 15 71 – Fax: (221) 821 15 68courriel : [email protected] ou [email protected]

FALL AliounePrésident Commission de Régulation du Secteur de l’ÉlectricitéEx Camp Lat DiorBP 11701DakarTél. : (221) 849 04 59 – Fax: (221) 849 04 64courriel : [email protected]

GUEYE Fatim Secrétaire générale de la Commission nationale pour laFrancophonie et Correspondante nationale auprès del’Agence de la FrancophonieCNF du Sénégal - Commission nationale pour laFrancophonieBuilding administratif – 2e étageB.P. 6341Dakar – EtoileSénégalTéléphone : (221) 821 12 69Télécopie : (221) 821 40 87Courriel : [email protected] Web : http://www.primature.sn/cnf

HAZARD ÉricB.P. 7329DakarTél : (221) 823 53 47 / 655 41 82 - Fax : (221) 823 67 13

240Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 253: Colloque International Francophonie et développement durable

KANE AbdoulayeUnion Mondiale pour la Nature (UICN)Rue Maurveney 28B.P. 3215Tél. : (221) 824 05 45 – Fax: (221) 824 92 46courriel : [email protected] ou [email protected] ou [email protected]

KANE IbrahimaAssistantDirection EnvironnementBureau OzoneB.P. 6557DakarTél. : (221) 822 62 11 – Fax: (221) 822 62 12courriel : [email protected]

MBACKE BocarJournaliste Consultant : DEECTél. : (221) 555 98 48

NDIAYE Papa GoraENDAB.P. 7329 SoumbédiouneTél. : (221) 823 53 47 – Fax: (221) 823 67 13courriel : [email protected] ou [email protected]

NDIAYE Raphael ENDA54, rue CarnotB.P. 3370 DakarTél.: (221) 822 59 83, 822 24 96 – Fax: (221) 8 21 75 95, 823 51 57courriel : [email protected]

NIANG El hadji SidyPrésident de la CNDDMinistère des Affaires EtrangèresB.P. 4044 DakarTél. : 823 62 71courriel : [email protected]

SECK LouisChef Division Energies RenouvelablesDirection ÉnergieMinistère des Mines, de l’Énergie et de l’Hydraulique104 rue Carnot B.P. 4021 DakarTél. : (221) 823 18 32 – Fax: (221) 822 04 30courriel : [email protected]

SECK MadiengJournaliste – JADE SENEGAL/SYFIAB.P. 17130DakarTél. : (221) 825 69 08 – Fax: (221) 825 69 08courriel : [email protected]

SOKONA YoubaSecrétaire ExécutifEnda Tiers Monde54, rue CarnotB.P. 3370DakarTél. : (221) 822 24 96 – Fax: (221) 821 75 95courriel : [email protected]

SY Mohamed Journaliste le TémoinB.P. 16229 6Tél. : 534 14 78

THIAM Mody Alpha YayaCoordonnateur PADEC(Programme Associatif d’Éducation de Culture)B.P. 13046 Grand YoffDakarTél. : 835 54 42courriel : [email protected]

THIAKANE Emilie HélèneVolontaireDirection Environnement26 Gueule TapéeTél. : 631 83 26courriel : [email protected]

Togo

TODZRO MensahDirecteur exécutif «Les Amis de la Terre» Togo63, rue AmoussiméB.P. 20190Tél. : (228) 222 17 31 – Fax: (228) 222 17 32courriel : [email protected]

Tunisie

GUEHISS ZeinebDirectrice de l’information et de la Documentationdu Centre International des Technologies de l’Environnementde Tunisie (CITET)Boulevard de l’Environnement1080 TunisTél. : (216) 71 809 029 – Fax: (216) 71 773 016Courriel : [email protected]

MEDDEB SamirDirecteur de l’Observatoire Tunisien de l’Environnementpour le développement durable (OTED)12, Rue du Cambroun – 1080 Tunis 6Tél. : (216) 71 950 780 – Fax: (216) 71 702 431courriel : [email protected]

241 Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002

Page 254: Colloque International Francophonie et développement durable

Tunisie

Viêtnam

THI BICH Lê JournalisteDirectrice adjointe du département de l’Économie33, rue le Thanh tongHanoiTél.:(84-49) 33 45 87 – Fax: (84-49) 33 45 87/(84-48) 25 83 68courriel : [email protected] [email protected] DINH YENProfesseur d’Écologie à la Faculté de BiologieUniversité des Sciences de HanoiTél. : (84-4) 9330 586 – Fax: (84-4) 8582 069courriel : [email protected]

TO Le HoangDirectrice de SolarlabCentre national de sciences et technologie (CNRS)1 Rue Mac Dinh ChiHô Chi Minh VilleTél. : (84) 8 822 20 28 – Fax: (84) 8 829 59 05courriel : [email protected]

Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie (IEPF)

BENESSAHRAOUI El HabibDirecteur Exécutif IEPF56, rue Saint-Pierre, 3e étageTél. : (1 418) 692 57 27 – Fax: 692 56 44courriel : [email protected]

BONFILS SibiDirecteur adjointcourriel : [email protected]

CHOUINARD NicoleAgente de secrétariatcourriel : [email protected]

DALLAIRE PatriceDirecteur adjointcourriel : [email protected]

242Actes du Colloque International Francophonie et développement durableDakar, Sénégal 11, 12 et 13 mars 2002