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1 Colonel Hre Jean CLOSSET (article rédigé par A. Bernier) Le Colonel Jean CLOSSET est né le 19 septembre 1916. En ce début avril 2016, je l’ai rencontré dans son appartement de la Résidence-services Sainte-Anne à Dinant. Toujours alerte mentalement (beaucoup) et physiquement (un peu moins) il me reçoit avec beaucoup d’enthousiasme, un peu à l’image de sa vie qui a été (et est encore) très active non seulement dans sa carrière militaire mais aussi dans le domaine familial et enfin dans ses nombreux hobbies dont l’histoire locale et la philatélie. Une bonne partie de la documentation rassemblée par Jean au cours de sa vie se trouve dans le coin de son appartement où, devant de nombreuses étagères remplies de classeurs alignés au cordeau, se trouve son bureau sur lequel trône un ordinateur dernier cri qu’il manipule avec la plus grande aisance. Impressionnant ! La famille de Jean est originaire d’Anhée où il a toujours sa maison (avec le reste de ses souvenirs) dans laquelle est accueillie régulièrement sa grande famille. Jean CLOSSET est issu de l’Ecole Royale Militaire avec la 82 ième Promotion Infanterie-Cavalerie. A sa demande, Il est affecté au 4 ième Régiment de Ligne (4Li) – Régiment néerlandophone - qui à la mobilisation se trouvera sur le canal Albert après avoir d’août 39 à janvier 40 occupé le Secteur Schilde dans la zone des Forts d’Anvers. En janvier 1940 Jean est muté au 54 ième Régiment de Ligne (54Li), Régiment d’Instruction et de Renfort, créé par dédoublement du 4Li. Militaires du 54Li pendant la mobilisation. 1 Avec ses recrues à l’instruction, le 13 mai 1940 le Slt CLOSSET (au sein de 3/I/54Li) garde les installations de Belradio à Ruislede près de Gand. (Photo ci-contre) 2 . Le reste du Régiment est envoyé pour la défense de Bruxelles. A partir du 15 mai, le 54Li et d’autres unités à l’instruction, se dirigent vers le sud-ouest de la France (qu’ils n’atteindront pas tous) pour finalement, en ce qui concerne le 54Li, 1 https://18daagseveldtocht.wikispaces.com/54e+Linie 2 Idem. Belradio est un service de la RTT. Cette installation importante, opérationnelle en 1927, assure, grâce à ses émetteurs / récepteurs puissants, les liaisons télégraphique avec l’Amérique du Nord, le Congo et les capitales importantes européennes. L’installation est exploitée par du personnel de la RTT qui, au sein du Corps Spécial des Chemins de Fer, Télégraphe et Téléphone, est placé sous régime militaire.

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Colonel Hre Jean CLOSSET (article rédigé par A. Bernier)

Le Colonel Jean CLOSSET est né le 19 septembre 1916. En ce début avril 2016, je l’ai rencontré dans son appartement de la Résidence-services Sainte-Anne à Dinant. Toujours alerte mentalement (beaucoup) et physiquement (un peu moins) il me reçoit avec beaucoup d’enthousiasme, un peu à l’image de sa vie qui a été (et est encore) très active non seulement dans sa carrière militaire mais aussi dans le domaine familial et enfin dans ses nombreux hobbies dont l’histoire locale et la philatélie. Une bonne partie de la documentation rassemblée par Jean au cours de sa vie se trouve dans le coin de son appartement où, devant de nombreuses étagères remplies de classeurs alignés au cordeau, se trouve son bureau sur lequel trône un ordinateur dernier cri qu’il manipule avec la plus grande aisance. Impressionnant ! La famille de Jean est originaire d’Anhée où il a toujours sa maison (avec le

reste de ses souvenirs) dans laquelle est accueillie régulièrement sa grande famille. Jean CLOSSET est issu de l’Ecole Royale Militaire avec la 82ième Promotion Infanterie-Cavalerie.

A sa demande, Il est affecté au 4ième Régiment de Ligne (4Li) – Régiment néerlandophone - qui à la mobilisation se trouvera sur le canal Albert après avoir d’août 39 à janvier 40 occupé le Secteur Schilde dans la zone des Forts d’Anvers. En janvier 1940 Jean est muté au 54ième Régiment de Ligne (54Li), Régiment d’Instruction et de Renfort, créé par dédoublement du 4Li. Militaires du 54Li pendant la mobilisation. 1 Avec ses recrues à l’instruction, le 13 mai 1940 le Slt CLOSSET (au sein de 3/I/54Li) garde les installations de Belradio à Ruislede près de Gand. (Photo ci-contre)2. Le reste du Régiment est envoyé pour la défense de Bruxelles. A partir du 15 mai, le 54Li et d’autres unités à l’instruction, se dirigent vers le sud-ouest de la France (qu’ils n’atteindront pas tous) pour finalement, en ce qui concerne le 54Li,

1 https://18daagseveldtocht.wikispaces.com/54e+Linie 2 Idem. Belradio est un service de la RTT. Cette installation importante, opérationnelle en 1927, assure, grâce à ses émetteurs / récepteurs puissants, les liaisons télégraphique avec l’Amérique du Nord, le Congo et les capitales importantes européennes. L’installation est exploitée par du personnel de la RTT qui, au sein du Corps Spécial des Chemins de Fer, Télégraphe et Téléphone, est placé sous régime militaire.

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être incorporé dans la 7ième Division d’Infanterie Belge. Cette Division, suite à l’assaut frontal sur le canal Albert, est en voie de reconstruction en Bretagne, où elle est équipée de matériel français. Cet épisode est très chahuté et très compliqué à résumer car les Allemands étaient sur leurs talons et beaucoup finiront par être encerclés et faits prisonniers. Des détails de ces événements peuvent être consultés d’une part sur le site https://18daagseveldtocht.wikispaces.com/54e+Linie et d’autre part sur le site https://18daagseveldtocht.wikispaces.com/18e+Linie#54Li car, à partir du 8 juin, ce qui restait du 54Li fut incorporé au 18Li et donc le 54Li disparut en tant que tel.

Pour Jean la captivité commence via les camps de WEILBURG (sur la Lahn, près de WETZLAR et GIESSEN dont les anciens des FBA doivent se souvenir), TIBOR, NEUBRANDENBURG (Camp d’attente, OFLAG II E Neubrandenburg à environ 50km au nord-ouest de PRENZLAU) et ensuite PRENZLAU3 (comme Jacques BAUCHAU qu’il ne rencontrera cependant pas car des milliers d’officiers se retrouveront dans ce camp).

Tous les renseignements sur ce camp et les conditions vécues par les prisonniers

peuvent être consultés sur :

http://users.skynet.be/bertinj/Oflags.blog/archives/2008/11/entry_48.html

Dans la liste des prisonniers, nous retrouvons le SLt Jean CLOSSET qui aurait occupé la chambre D308. Jean m’a cependant expliqué que le camp de PRENZLAU n’était pas totalement équipé au moment de l’arrivée des officiers belges. C’est pourquoi une part importante de ceux-ci, les plus jeunes, furent dirigés vers le camp de Neubrandenburg, jusqu’à ce que le camp de PRENZLAU fût prêt pour les recevoir. Dès leur arrivée à PRENZLAU, ces officiers furent logés dans d’immenses hangars en béton pourvus de hautes portes métalliques qui ne protégeaient pas du froid. De petits poêles étaient prévus pour éviter le gel en hiver mais n’apportaient aucun confort aux occupants. Après un an de ce régime, il y avait une permutation, les occupants des garages regagnant des blocs logement un peu plus appropriés et vice-versa.

De ce séjour, Jean a conservé beaucoup de souvenirs dont ces deux photos : (dans la suite de cet article, les déclarations de Jean CLOSSET sont en caractères Gras-Italiques)

« Celle où il y a le moins de monde représente les anciens de la 82 I C alors à Prenzlau. Lors des regroupements de camps, il en est venu d’autres. Je suis le 4e de la rangée supérieure à partir de la gauche. »

« L’autre photo montre ceux ayant fait le CEPSLI début 1939 dont ceux de la 82 I C, je suis le 10e à partir de la gauche à la rangée supérieure. »

3 https://fr.wikipedia.org/wiki/Prenzlau

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Les officiers ont été libérés par les Russes et Jean est rentré en Belgique le 5 juin 1945, après moult péripéties qu’il raconte avec beaucoup de détails.

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« En avril 45 les Russes occupent l’Oder à environ 100 km à l’Est de PRENZLAU. Notre camp était toujours illuminé et un avion russe le prenant sans doute pour une usine l’a bombardé, endommageant un bâtiment et provoquant quelques victimes. Un matin, vers le 15 avril, les bâtiments se mettent à trembler et une sourde canonnade se fait entendre dans le lointain. C’est le bombardement intensif des positions allemandes sur l’Oder qui sera franchi rapidement par les Russes.

Vers le 20 avril, le commandant (allemand) du camp nous a distribué quelques rations et a donné l’ordre d’évacuer vers l’ouest puis a disparu avec tout son cadre et tout le personnel allemand du camp. Nous avons marché 3 jours et nous nous sommes réfugiés dans une de ces grandes fermes allemandes. Nous étions donc pris entre deux feux. Le soir était tombé quand nous entendons du brouhaha dans la cour. Curieux, un collègue sort de notre étable et je le suis sans rien emporter (mon sac avec les vivres et mon équipement dont mon bonnet de police étaient restés à l’intérieur). Je me retrouve devant un soldat russe qui aussitôt me confisque ma montre après l’avoir désignée en criant « Uhr ! Uhr ! un des rares mots allemands qu’il connaissait ! Il me pousse vers le centre de la cour où les Belges se regroupent sans pouvoir récupérer quoi que ce soit de leurs effets abandonnés.

Les Russes nous renvoient vers PRENZLAU ! Je n’avais toujours rien à manger et le long de la route des chars russes étaient arrêtés. Rassemblant mes quelques mots de russe parmi la liste des mots essentiels pour un prisonnier de guerre rentrant chez lui, je demande du pain au « chariste » qui se penche dans son habitacle et me tend une poignée de croûtes desséchées. Je les ai bien entendu acceptées mais heureusement un peu plus tard des copains ont partagé leurs rations et j’ai pu manger un peu mieux. Nous nous arrêtions dans les villages qui malheureusement avaient été complètement et sauvagement pillés par les Russes.

Vers le 1er mai nous nous retrouvons à PRENZLAU où nous sommes restés encore un mois. Grâce aux expéditions dans les fermes et moulins environnants ainsi qu’au peu de ravitaillement reçu des Russes, nous avons pu survivre plus décemment. Une des tâches du commandement belge fut de donner une sépulture aux nombreux Allemands qui, à l’approche des Russes, s’étaient suicidés en se jetant dans le lac. Un commando s’est chargé de cette funèbre besogne. Le 8 mai, à la capitulation allemande, les Russes nous ont rassemblés dans la cour et nous avons eu droit à un beau discours sur la victoire du communisme sur le nazisme.

Un beau jour des colonnes de camions nous ont amenés dans la zone anglaise où nous avons poussé un grand ouf de soulagement ! La plupart d’entre nous sont rentrés au foyer par le train mais moi j’ai pu prendre un avion anglais qui nous ramena à Evere après quelques heures de vol. Depuis août 44 nous n’avions plus eu de contact avec la Belgique et à mon arrivée à Bruxelles où un oncle m’accueillit, j’ai pu rassurer ma famille. Le lendemain je pris le train pour Yvoir, où j’ai dû traverser la Meuse en barque (le pont était en reconstruction) pour rejoindre Anhée. Là, j’ai découvert avec horreur les destructions opérées par les SS en septembre 19444.

Après un congé de 3 mois, nous rejoignons l’Armée Belge et l’intendance nous distribue Battle-dress et capote présentant souvent des traces d’usure, fournis par l’Armée Britannique. Désigné pour le

4 http://residencesainte-anne2.skynetblogs.be/dorette-sovet-hommage/ Cet hommage a été rédigé par Jean CLOSSET. Dorette SOVET était son épouse et a œuvré comme infirmière bénévole du centre CROIX-ROUGE à ANHEE pendant toute la guerre.

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27ième Bataillon de Fusiliers, je me retrouve en Allemagne – Zone anglaise dans les environs de MINDEN (Westphalie, près de Hanovre). Chef de peloton puis Commandant de compagnie, je reste un an supplémentaire loin de ma famille jusqu’au 8 mai 1946 date de mon retour en Belgique.

Là, je passe à la Logistique que l’on appelait alors RASC (pour Royal Army Services Corps) dans le cadre de la nouvelle Armée Belge organisée « à l’anglaise ». Mon parcours jusqu’à ma pension a été dans les grandes lignes le suivant :

- Chef de Peloton au Centre d’Instruction de la RASC à Louvain - Participation à la création de L’Ecole des SOffr de la RASC - En 1950 mutation à la Cie RASC à NAMUR - En 1953 je deviens instructeur à l’Ecole des COR de la QMT à Heverlee - En 1956, après mon examen de Major, je passe à la Direction QMT de l’EM Général - En 1960 je passe au 70 Bn Tpt à ETTERBEEK en qualité de commandant en 2d puis de Chef de

Corps. - En 1964, je passe à l’Etat-major du 7Gpt de Tpt - En 1968, je rejoins la Direction QMT de l’EM Général jusqu’à ma pension en 1971. »

En 1960, le LtCol Jean CLOSSET défile à la tête du 70BnTpt dans la caserne d’ETTERBEEK.

Jean avait donc épousé Dorette avant la guerre. Ils auront deux fils dont un est maintenant décédé. Quatre petits-enfants et neuf arrière-petits-enfants complètent cette belle famille. Dorette est malheureusement décédée en 2012.

Aujourd’hui, Jean CLOSSET attend sereinement son centième anniversaire dans son coquet appartement. Comme indiqué dans l’introduction de cet article, il est toujours très actif intellectuellement et particulièrement attentif à la tenue à jour du site de sa famille. C’est ainsi qu’en réponse à mon message de prise de contact, il m’écrivait : « A mon sujet, en lisant ‘’historien local’’, vous vous êtes approché un peu de la vérité. Pendant plus de 10 ans, avec mon épouse, nous avons fréquenté assidument les Archives de l’Etat à Namur. Notre désir était de découvrir le passé de la région proche d’Anhée du plus loin qui se puisse. Les monographies tirées de nos recherches sont en cours de mise en ligne sur le net. Ce n’est pas complet car ce qui concerne les forges

anciennes ne s’y trouve pas encore. Vous pouvez avoir une idée de nos travaux en suivant le lien suivant : http://remyclosset.magix.net/index.htm

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Je vous demanderai de lire au moins, le récit de la journée du 4 septembre 1944, pour découvrir l’action de mon épouse ce jour-là. »

C’est avec une grande émotion que j’ai consulté ce site et que j’y fais référence. De même un autre site intitulé « INVISIBLE ART » a été créé par son fils Rémy, architecte retraité qui, en France, anime une association pour malvoyants Jean nous dit « Rémy s’est assigné une mission : rendre accessibles aux malvoyants les peintures de maîtres et les mosaïques romaines en créant, par l’électronique, des tablettes en relief. Il aimerait que son site soit connu. Lien : http://www.invisibleart.eu/ »

Voilà qui est fait à notre niveau SRORN.

Cette rencontre avec notre ancien restera gravée dans ma mémoire comme un événement marquant. Le Colonel Jean CLOSSET est un de ces hommes dont on regrette ne pas l’avoir rencontré plus tôt. Maintenant que les liens avec notre cercle sont (r)établis nous lui souhaitons encore longue vie et attendons avec impatience son centième anniversaire que nous fêterons avec le plus grand plaisir.

Freddy Bernier, ir Colonel du Génie e.r.

07.04.2016