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Culture Coréenne 한국문화 N o 81 Automne / Hiver 2010 Dossier spécial 30 e anniversaire du Centre Culturel Coréen 81revue_22:Layout 1 11. 01. 03 05 55 Page 1

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CultureCoréenne

한국문화

No 81 Automne / Hiver 2010

Dossier spécial 30e anniversaire du Centre Culturel Coréen

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Sommaire No 81 Automne / Hiver 2010

Directeur de la publication : Choe Junho

Comité éditorial : Lee Seung-Yoo, Georges Arsenijevic,Jeong Eun-Jin, Park Jeong-yoon

Ont participé à ce numéro : Lydiane Claverie, Eic Bidet, Henri Lecomte,Mathilde Bellaigue et Jacques Battilliot.

Tous les anciens numéros de notre revue sont consultables surnotre nouveau site Internet www.culturecoreenne.fr

Conception et graphisme : H.V.COM

Culture Coréenne est une publication

du Centre Culturel Coréen

2, avenue d’Iéna-75116 ParisTél. 01 47 20 83 86 / 01 47 20 84 15

2 Éditorial

Dossier spécial3 Trente ans déjà !

- 30e anniversaire du Centre Culturel Coréen -

La Corée et les Coréens

10 Sur les chemins de Baekdusan14 « Pérégrinations coréennes »,

un passionnant petit livre à découvrir

L’actualité culturelle

18 Deux concerts d’exception à la Maison des Cultures du Monde

20 La céramique coréenne à l’honneur à Paris24 « Rêves d’enfants » 2010

le festival des minots en images

Interviews

26 Le taekkyon, un art martial qui « swingue »

29 Marc Orange ou l’élégance du don

Voyages, tourisme

31 A l’assaut des nombreux sentiers de randonnée de Corée.

Nouveautés

32 Livres et DVD à découvrir

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30 ans de manifestations culturellescoréennes en FranceDepuis sa création, en 1980, le Centre CulturelCoréen a organisé, directement ou en collabora-tion avec des partenaires français, de très nom-breuses manifestations culturelles. Il a égalementapporté son soutien et son expertise à une multi-tude d’événements présentant la culture coréenne,programmés par différents organisateurs : festi-vals, associations françaises ou coréennes, servicesculturels municipaux, universités, etc.

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Éditorial

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Cette fin d’année 2010 revêt pour notre Centre uneimportance toute particulière puisque celui-civient, comme vous le savez, de célébrer son 30e

anniversaire (il fut fondé le 16 décembre1980).

En cette occasion très exceptionnelle, nous avonsvoulu, dans notre dossier spécial, porter un re-gard rétrospectif sur les trente années d’activitésdu Centre et, d’une façon plus générale, sur lesgrands événements et échanges culturels mar-quants qui ont jalonné ces trois dernières décenniesau cours desquelles la connaissance de la culture co-réenne a, incontestablement, connu en France un dé-veloppement notable. Il s’agit donc, en quelque sorte,d’un dossier spécial évoquant l’histoire de la diffusionde la culture coréenne dans l’Hexagone, histoire quise confond d’ailleurs avec l’histoire de notre Centre.

Après ce dossier spécial, nous vous présenterons, dansla rubrique « la Corée et les Coréens » (à la fois dupoint de vue géographique et de son importance sym-bolique), le légendaire mont Baekdu, véritable em-blème national cher au cœur de tous noscompatriotes. Puis, toujours dans la même rubrique,nous vous ferons découvrir un intéressant petit livre,intitulé « Pérégrinations coréennes », donnant uneimage à la fois sensible et documentée de la société co-réenne contemporaine.

Nous nous intéresserons ensuite à « L’actualité cul-turelle », en commençant d’abord par les deux remar-quables concerts de musique traditionnelle coréennequi ont eu lieu, fin novembre, à la Maison des Cul-tures du Monde. Puis, suivra un article évoquant lesquatre belles expositions qui ont mis à l’honneur à

Paris, cet automne, la céramique co-réenne, un art majeur qui occupe ausein de notre patrimoine culturelune place de choix. Enfin, nousvous parlerons et donnerons à voirquelques instantanés du dernier fes-tival «Rêves d’enfants  »  (2010),

qui remporte chaque année de plusen plus de succès auprès des tout petits.

Dans notre rubrique «Interviews  »,nous partirons à la rencontre de Jean-Sé-

bastien Bressy, maître français de taekkyon, un artmartial coréen très ancien que les Français pourrontdésormais pratiquer dans la première salle d’entraîne-ment qui vient d’ouvrir ses portes à Bagnolet. Puisc’est notre ami Marc Orange, ancien chercheur, pro-fesseur et directeur de l’Institut d’études coréennes auCollège de France qui nous livrera son témoignage surson expérience de coréanologue et le développementdes études coréennes en France dont il a été l’acteuret le témoin depuis les années 1970.

Voilà donc un numéro plutôt varié et instructif quevous allez, chers lecteurs, découvrir en ce début d’an-née 2011 qui commence . Nouvelle année du lapinpour laquelle je vous adresse d’ailleurs tous mes vœuxles plus sincères, en espérant qu’elle sera, pour noustous, placée sous le signe de la bonne santé et de la lon-gévité. Placée aussi pour ce qui est des affaires dumonde - puisque nous entrons dans l’année du lapin -,sous le signe de l’intelligence !

Chers amis,

CHOE JunhoDirecteur de la publication

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-30e anniversaire du Centre Culturel Coréen-Par Georges ARSENIJEVIC

Conseiller technique au Centre Culturel Coréen, depuis 1986

Dossier spécial

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Trente ans déjà !

Nos événements du 30e anniversaireLe concert du groupe Mezcal Jazz Unit avecla joueuse de geomungo E’ Joung-ju, le 13 décembre au Théâtredu Ranelagh (photos en haut à gauche et en bas) et la soirée artistique et festive « 30 ans, ça se fête ! » quia eu lieu au Centre Culturel Coréen le 16 décembre 2010, jour de notre 30e anniversaire (photos en haut àdroite et au milieu).

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Lorsque le Centre Culturel Coréen a ouvert sesportes, le 16 décembre 1980, on peut vraimentdire que la culture coréenne était encore -pourreprendre une ancienne formule touristique -« le secret le mieux gardé d’Asie ». En effet, endehors d’un cercle d’universitaires, de cher-cheurs et d’initiés, relativement peu de genss’intéressaient, à l’époque, à la Corée et connais-saient la richesse et la singularité de sa culture.De fait, le pays demeurait plutôt méconnu etfaisait, en plus, trop souvent l’objet d’uneconfusion avec ses voisins chinois ou japonais.Dans ces années-là, ce qu’on savait de la Coréese limitait généralement au drame de la guerrefratricide qui avait déchiré la péninsule de1950 à 1953, à l’incroyable essor économiquequ’avait connu le pays à partir des années1960 (donnant l’exemple de l’une des crois-sances les plus rapides du monde) et aux mul-tiples manifestations de rue des étudiantscoréens qui réclamaient , à l’époque, la démo-cratie et affrontaient régulièrement les forcesde police. Les images de ces confrontationsultra-violentes étaient d’ailleurs souvent mon-trées sur les chaînes de télévision françaises etleur violence, frappant les esprits, occultaitlargement la culture et la civilisation d’unpays à l’histoire pourtant cinq fois millénaire.

C’est dans ce contexte qu’a ouvert ces portes,en 1980, le Centre Culturel Coréen, avecpour mission de mieux faire connaître auxFrançais la Corée et sa culture et de contri-buer au développement des échanges cultu-rels franco-coréens.

Les débuts du Centre n’étaient certes pas fa-ciles et nos premières manifestations cultu-relles furent souvent clairsemées. Mais nousavions, dès le début, la chance de pouvoir nousappuyer sur un noyau de fidèles amis de la pre-mière heure français et coréens issus du mondede l’enseignement et de la culture* et notreCentre s’est assez vite affirmé comme un lieude découverte et de rencontre franco coréenparticulièrement actif. Ainsi, au fil des années,on a pu y voir s’enchaîner nombre d’exposi-tions montrant aussi bien diverses facettes dela culture coréenne traditionnelle (artisanatd’art, calligraphie, imprimerie…)que des ar-tistes coréens contemporains de tous hori-zons  et de toutes disciplines : peintres,sculpteurs, photographes, dessinateurs, vi-déastes... se présentant dans le cadre d’exposi-tions individuelles ou de groupe. Au final, sion totalise toutes les expositions que le Centrea organisé dans ses murs depuis sa fondation,on en dénombre plus de 300. Il a accueillibeaucoup de grands peintres coréens vivant àParis (Han Mook, Paek Youngsu, Seund JaRhee (†), Bang Hai Ja, Oh Chun-Yong, KwunSun-Cheol, Lee Bae, Kwak Soo-Young…) ainsique de très nombreux jeunes plasticiens detous horizons, souvent reçu en tandem de ma-gnifiques artistes des deux pays (par exempleKim En Joong et Jean Messagier, en 1995),réuni de grandes figures de l’art coréen et degrands artistes du monde (exposition « Hom-mage à Bernard Anthonioz » en 1997, avecKim Tschang-Yeul, Zao Wou Ki, OlivierDebré…) et aussi présenté régulièrement lesexpositions de grandes associations de plasti-ciens coréens vivant en France telles « Sona-mou » ou l’AJAC, sans oublier les groupesd’artistes venant quelquefois de Corée même :association des femmes sculpteurs, associationdes aquarellistes coréens, etc.

Conférences et colloques (sur la littérature,les beaux-arts, les religions…), soirées de poé-sie, de rencontre avec de grands écrivains co-

réens, présentations de livres sur la Corée,concerts de jeunes musiciens talentueux pour-suivant leurs études en France, projections defilms, ont également été organisés en nombretout au long de ces trois décennies, donnantainsi à voir au public français de multiples fa-cettes de la culture coréenne. Pour ce qui estdu cinéma, dans un contexte plutôt déser-tique - il n’y avait, dans les années 1980, pasun seul film coréen distribué en France ! -, lesprojections au Centre ont été, avec quelquesfestivals pionniers comme celui des 3 Conti-nents de Nantes, précieuses pour tous les ci-néphiles ayant la curiosité de vouloirdécouvrir une cinématographie riche maisquasiment inconnue.

Le Centre culturel avait également ouvert unebibliothèque dont le fonds, qui s’est depuisbeaucoup enrichi, comprend aujourd’hui plusde 25 000 livres et publications (en coréen,français et anglais) et quelque 1500 CDet DVD.

Peu après l’ouverture, des cours gratuits delangue coréenne y furent aussi proposés auxFrançais. Ils comptaient au départ à peine unevingtaine d’élèves, mais leur nombre a connuau fil des années une progression régulière etnotable jusqu’à atteindre aujourd’hui quelque230 élèves répartis en 9 classes et 4 niveaux**.Il est à noter que cette croissance de l’intérêtdes Français pour la langue des Coréens a,sans nul doute, été le fruit de la multiplicationen France des contacts avec la culture co-réenne, notamment à travers le cinéma et lalittérature qui ont connu, à partir des années1990, un essor considérable. Evidemment,l’organisation de quelques grands événementsmondiaux très médiatisés, tels les Jeux olym-piques de Séoul (1988) ou la Coupe dumonde de football (2002), allant de pair avecla démocratisation du pays, a égalementcontribué (en mettant la Corée sous le feu desprojecteurs) a susciter la curiosité du publicfrançais.

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Les premières expositions d’artistes coréens organisées au Centre dans les années 1980

La Corée à la Foire internationale de Rouen (1987)

*On voyait souvent au Centre, à l’époque, Marc Orange, Françoise Chappuis, Alexandre Guillemoz, André Fabre, Patrice de la Perrière, René Percheron, Elisabeth Laffont,Roger Bouillot, Li Ogg, Lee Byoung-Jou (et quelques autres que nous ne pouvons malheureusement tous citer)...sans oublier les correspondants à Paris des grands journauxcoréens, qui étaient, dans ces années où la culture coréenne en France n’en était qu’à ses balbutiements, particulièrement motivés.

Les activités du Centre depuis les années 1980

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En plus des cours de langue, le Centre a ou-vert, en 1997, des ateliers d’art (égalementgratuits) permettant de s’initier à la pratiquede disciplines artistiques faisant partie del’héritage culturel coréen. Ainsi les ateliers« calligraphie », « peinture coréenne »,«  maedup » et «  vannerie de papier co-réen » (ouvert un peu plus tard) ont rapide-ment séduit le public. Et, avec le nouvelatelier « poterie et céramique », que nousvenons d’ouvrir tout récemment hors lesmurs (Ciel & Terre, 3 rue du Gril, 75005Paris), nous comptons actuellement, entout, plus d’une cinquantaine d’inscrits.Enfin, le Centre organise aussi une fois parmois, depuis octobre 2010, des séances dedémonstration autour de la cuisine coréennequi remportent un franc succès.

Outre toutes ces activités, il faut égalementciter parmi les réalisations du Centre, notreprogramme culturel trimestriel et, surtout,notre revue « Culture Coréenne ». Lancéeen 1981, la publication de ce périodique encouleurs (qui en est d’ailleurs, le hasard fai-sant bien les choses, à son N° 81 !) nous apermis de constituer un fonds particulière-ment riche, abordant des sujets extrême-ment variés et présentant au public françaisde multiples facettes de la culture coréenne :articles de fond sur l’histoire, la langue, lalittérature, les arts et traditions, articles liésà l’actualité (concerts, expositions, festivals,portraits d’artistes, parutions d’ouvrages,fêtes et célébrations…), articles touchant àcertains aspects de la culture avec une ap-proche philosophique, historique, sociolo-gique, ou linguistique, impressions et récitsde voyages, nouvelles, contes et légendes,etc. On peut dire que presque tous les uni-versitaires, coréanologues et autres spécia-listes s’intéressant à la Corée, ont un jour oul’autre publié dans nos colonnes, sans ou-

blier les journalistes français souvent re-nommés (critiques musicaux, critiques lit-téraires ou de beaux-arts…) et les directeursd’institutions culturelles et de grands festi-vals français. Ainsi, nous avons pu réunirprogressivement un fonds qui compte au-jourd’hui plus de 600 articles, très varié,permettant au public français de s’informersur nombre de questions concernant la cul-ture coréenne, aussi bien traditionnelle quecontemporaine (histoire, musique, littéra-ture, cuisine, us et coutumes, faits de so-ciété, etc.) et dans lequel peuvent désormaispuiser tous ceux qui s’intéressent à la Coréeet aux Coréens.L’existence, depuis 1981, de notre revue«  Culture Coréenne  » est pour toutel’équipe de notre Centre un objet de fierté,d’autant que nos amis français semblentapprécier la publication dont le tirage estpassé de 1000 à 5000 exemplaires et donton peut retrouver, depuis l’année dernière,tous les numéros en ligne sur le sitewww.culturecoreenne.fr

En dehors de nos publications et activitésproposées dans l’enceinte du Centre (évo-quées précédemment), il faut savoir que nosréalisations hors les murs, ont également ététrès nombreuses et variées au cours de cestrois dernières décennies. D’ailleurs, ces ma-nifestations organisées aux quatre coins del’Hexagone et mises en œuvre conjointe-ment avec des partenaires français (festivals,institutions, municipalités…), et parfoisavec des associations coréennes locales, ontsouvent beaucoup contribué à accroître l’in-térêt des Français pour tel où tel aspect dela culture coréenne.

Ainsi, dans le domaine du 7e art, on ne dirajamais assez à quel point fut importante la

“Dès leur création, l’un en 1980, l’autre quelques mois plus tard,le Centre Culturel Coréen et la Maison des Cultures du Mondeont engagé une collaboration qui ne s’est jamais distendue nidémentie. Une collaboration entre des instituions n’est possibleque lorsqu’il y a une collaboration entre les personnes en chargede ces institutions. Mes sept collègues qui se sont succédé à latête du CCC sont devenus des amis avec lesquels nous parta-gions le même objectif : faire connaître la culture coréenne enFrance. A l’époque, il y a trente ans, nous prêchions dans un dé-sert et la Maison des Cultures du Monde surprenait en 1981 enprogrammant une nuit entière de Pansori. Le parcours fut trèsdur au début, mais c’est grâce à notre foi commune que nousavons surmonté les obstacles et gagné la bataille. Merci à messept collègues coréens de m’avoir permis de me confirmer dansl’amour que je porte à la culture de leur pays et d’avoir permisau public français de partager cet amour.”

Chérif KHAZNADARPrésident de la Maison des Cultures du Monde

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Exposition coréenne à la maison de Radio France organisée à l’occasion des J.O. de Séoul (1988)

**A ce propos, il faut dire que, après avoir refusé pendant plusieurs années des inscriptions d’élèves supplémentairesque nous ne pouvions plus recevoir dans nos locaux, pour cause de manque de place, notre Centre a finalementouvert depuis septembre 2010 une 1re classe hors les murs au lycée Victor Duruy qui a eu l’amabilité de nousaccueillir . Et il est hautement probable que d’autres ouvertures de classes suivront en 2011.

Quelques mots de nos amis et partenaires

Cet anniversaire est l'occasion de saluer le remarquable travailaccompli au fil des années par le Centre culturel qui a su fairedécouvrir au public français les multiples facettes de la cultureet de l'art de vivre coréens, de la tradition à la modernité la pluscontemporaine, aussi bien dans ses murs qu'en essaimant à Pariset dans toute la France.Tous ceux qui s'intéressent à la Corée, à sa langue, à sa cultureet à son histoire ont plaisir à se retrouver lors des nombreusesmanifestations organisées par le Centre où ils sont toujourschaleureusement accueillis. Le professionnalisme, le dy-namisme et les qualités humaines des membres de l'équipe,français aussi bien que coréens, ont fait du Centre, pour lesFrançais comme pour les Coréens, un point de ralliement quia grandement contribué depuis 30 ans au développement dudialogue entre les deux cultures.Le Centre culturel coréen est ainsi devenu pour le Ministère dela Culture et de la communication un partenaire incontour-nable. Qu'il soit permis en ce trentième anniversaire de luisouhaiter une longue et belle vie.

Marie-Christine LORANGChargée des relations avec l'Asie et l'Océanie au Ministère de la Culture et de la Communication

Manifestations culturelles hors les murs

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1re grande rétrospective consacrée en Francepar le Centre Pompidou au cinéma coréen.En effet, cette coréalisation Centre Pompi-dou-Centre Culturel Coréen a permis au pu-blic français de découvrir durant quatre mois,du 20 octobre 1993 au 21 février 1994, 90films, pratiquement tous inédits et sous-titréspour l’occasion (grâce au financement denotre ministère de tutelle qui avait fait en lacirconstance un énorme effort), et de prendretout à coup conscience, dans un contexte oùles films de Corée étaient quasiment absentsdes écrans français, qu’il existait bel et bienune cinématographie coréenne et qu’elle étaiten plus d’une étonnante richesse. Il faut serappeler que cette rétrospective avait attiré àl’époque, à Paris, quelque 36 000 spectateurs,suscité l’intérêt des critiques et des distribu-teurs et incontestablement amorcé une dyna-mique qui s’est développée ensuite dans lesannées qui ont suivi. C’est d’ailleurs à l’issuede cette manifestation que, pour la 1re fois, undistributeur français, en l’occurrence « Lesgrands films classiques », avait acquis, d’uncoup, les droits d’une dizaine de films coréens(fait, jusque-là, sans précédent !).

On pourrait prendre comme autre exemplele domaine des arts de la scène, où notre col-

laboration avec la Maison des Cultures duMonde et le formidable esprit d’ouverture etle dynamisme de cette belle institution, ontbeaucoup contribué, depuis la fin des années1980, à faire connaître au public français laculture classique et traditionnelle coréenne,principalement dans le domaine de la mu-sique et de la danse mais aussi dans certainsaspects de la création théâtrale. De nom-breuses représentations ont ainsi pu être or-ganisées à Paris (près d’une trentaine à ce jour,dont un mois de la culture coréenne, en avril1993, avec nombre de spectacles variés auThéâtre du Rond Point), permettant au pu-blic français de découvrir, entre autres, lesgrands interprètes du pansori ou du gagok, lesmaîtres instrumentistes de la musique tradi-tionnelle coréenne, les danses masquées deBongsan, les danses et musiques boud-dhiques, les musiques de lettrés, les danseschamaniques, le théâtre contemporain co-réen, etc. Cette grande variété de concerts etspectacles, proposés par une institution re-nommée pour son exigence artistique, a vrai-ment joué en France un rôle initiatique etcontribué notablement à la découverte desarts de la scène coréens.

En plus de ce travail au long cours -tout à faitimportant-, il y a eu également quelques évé-nements plus ponctuels mais d’un très hautniveau artistique, dont on parle encore au-jourd’hui tant ils ont marqué les esprits . Cefut, par exemple, le cas du merveilleux spec-tacle « Les Coréennes », sorte de bibimbapde culture coréenne traditionnelle et mo-

derne, judicieusement conçu et présenté, en1998, par une cinquantaine d’artistes remarqua-bles au Festival d’Avignon ( 7 représentationsaffichant complet à la carrière Boulbon, qui ontbénéficié d’une excellente médiatisation). On ne peut bien sûr citer ici toutes les mani-festations et événements auxquels notre aCentre apporté sa contribution depuis qu’il aouvert ses portes. Ils ont été nombreux et mul-tiples et nous nous bornerons donc à n’en citerque quelques-uns parmi les plus importants.Tout d’abord, l’année 1986 a vu se déroulerla première grande célébration franco-co-réenne, à savoir le 100e anniversaire de l’éta-blissement des relations diplomatiques entrela Corée et la France. L’événement demeuraitcertes d’importance, mais les échanges franco-coréens étaient, à l’époque, moins nombreuxet la connaissance en France de la culture co-réenne encore peu développée. C’est sansdoute pour cela que cette célébration n’a paseu, en 1986, l’ampleur et la résonance quepourra avoir, vingt ans plus tard, la célébra-tion du 120e anniversaire de ces mêmes rela-tions(« Corée au Cœur »). Toutefois, troisévénements avaient quand même, en cetteannée 1986, enthousiasmé les Français parleur excellence. Ce furent la magnifique ex-position de maedup de Kim Hee-jin présen-tée à l’Espace Pierre Cardin, qui offrait unebelle vision de l’esthétique, du savoir-faire etdu raffinement coréens, le grand spectacle dela Compagnie Nationale de Danse et Mu-sique de Corée au Théâtre de Paris, et le re-marquable concert au Théâtre du RondPoint des Champs-Elysées, auquel partici-paient à la fois Kun Woo Paik, Dong-SukKang et le Trio Chung (respectivement enavril-mai, et le 4 et le 24 juin 1986).

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Vernissage au Centre de l’exposition “Hommage à Bernard Anthonioz”, en présencede M. Jacques Chirac et Mme Geneviève de Gaulle - Anthonioz (octobre 1997).

Rencontre entre écrivains coréens et français à laSociété des Gens de Lettres (décembre 1995).

Les grands événements marquants et le développe-ment des échanges culturels franco-coréens

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En 1987, en prélude aux Jeux Olympiquesde Séoul, la Corée sera l’invitée d’honneurde la Foire internationale de Rouen ; celle-cimettra à notre disposition un pavillon de2000 m2 qui accueillera, en plus des standscommerciaux, une grande exposition d’artainsi que de nombreux spectacles, démons-trations et animations culturelles, qui attire-ront en 10 jours quelque 120 000 visiteurs !Le succès public (démultiplié par la média-tisation des J.O. de 1988) sera tel qu’il en-traînera, au cours des années qui suivront,plusieurs autres invitations de foires fran-çaises importantes. Ainsi, la Corée sera miseà l’honneur successivement  à Nancy,Rennes, Caen, Albi, Valence…, toutes cesprésentations permettant à un large publicpopulaire français d’avoir un premier contactavec la culture coréenne.

Parmi les manifestations culturelles plus spé-cifiques particulièrement marquantes qu’ona pu voir en France, ces dernières années,dont la plupart ont été organisées, co-organi-sées ou soutenues par notre Centre et qui onteu, pour certaines, surtout dans le domainedes arts du spectacle, un bel écho internatio-nal, on peut aussi citer, chronologiquement,pour mémoire :

■ L’exposition «  La Corée, ses J.O. et sesjoyaux  », à la Maison de Radio France(1988), montrant dans le hall de RadioFrance nombre d’objets d’art et d’artisanatreprésentatifs de la culture coréenne.■ La 1re grande rétrospective du cinémacoréen - évoquée précédemment -, qui don-

nera aussi lieu à la publication fin 1993, parles éditions du Centre Pompidou, du 1er ou-vrage consacré à la cinématographie coréenne,intitulé « Le cinéma coréen ».■ Les « Belles Etrangères » Corée, qui ontpermis au public français de découvrir, ennovembre 1995, treize écrivains coréenscontemporains - renommés et pour la plu-part traduits en France - venus, à l’invitationdu ministère de la Culture français, partici-per à des rencontres, des signatures, des lec-tures et débats organisés aux quatre coins del’Hexagone.■ L’exposition « Hommage à Bernard An-thonioz », qui nous a permis, en 1997, d’ac-cueillir au Centre culturel une quinzained’artistes peintres coréens et étrangers, derenommée internationale, et qui fut, àl’époque, inaugurée par le président de la Ré-publique française M. Jacques Chirac.■ Le spectacle équestre de Bartabas,« Éclipse », intégrant musique tradition-nelle coréenne et pansori. Ce fut un énormesuccès à la fois en France (Festival d’Avignon1997, Aubervilliers) et à l’étranger (Alle-magne, Autriche, Suisse, Belgique, Etats-Unis). Le spectacle fera l’objet, de 1997 à1999, de 376 représentations permettant à432 000 spectateurs occidentaux de décou-vrir la musique coréenne.■ « Les Coréennes » de 1998 - évoquéesprécédemment - , fabuleuse mise en lumièreà Avignon des arts de la scène coréens, quireste encore dans toutes les mémoires (voirnotre article « Festival d’Avignon, les artistescoréens dans la cité des papes », Culture Co-réenne N°49, p. 2). Ce superbe spectacle, pré-senté à la fois au grand public et auxprofessionnels internationaux, aura joué, un

Festival d'Avignon 1998Parade de la troupe Samulnori Hanulim de KIM Duk-soo,sur le parvis du Palais des Papes

Bartabas dans une scène du spectacle équestre « Éclipse »auquel ont participé 6 musiciens traditionnels coréens etla chanteuse de pansori Chung Sung-Sook. Le spectacle aété présenté au Festival d’Avignon, en 1997, puis entournée mondiale jusqu’à fin 1999.

Je me souviens d’avoir assisté à l’inauguration du Centre Cultu-rel Coréen le 16 décembre 1980. Son premier directeur était, àl’époque, M. Yang Hai-Yup qui a ouvert grand les portes de l’éta-blissement pour accueillir à la fois les amis français et les ressor-tissants coréens en France. J’ai eu depuis, à plusieurs reprises, lachance de pouvoir contribuer aux activités très riches et diversi-fiées du Centre, en tant qu’ami, conférencier et consultant surla musique traditionnelle coréenne. Au fil des années, à traversde nombreux articles d’une grande valeur et grâce au travail ef-ficace de M. Georges Arsenijevic, la revue « Culture Co-réenne », publiée par le Centre, est devenue une mineintarissable de connaissances sur les traditions ancestrales et ledéveloppement des arts contemporains du Pays du MatinCalme. Des concerts, des spectacles, des expositions, des pro-jections de films divers, organisés par l’équipe du 2 avenued’Iéna, ont reçu un excellent accueil du public français et co-réen. Le Centre Culturel Coréen a donc vraiment joué un grandrôle dans la diffusion de la culture coréenne en France. Je tiensà lui souhaiter un très bon 30e anniversaire !

Durant ces trois décennies, le Centre culturel coréen a su peuà peu s’affirmer et faire ainsi passer la Corée de sujet d’étuderéservé à un petit nombre à l’état de pays à découvrir. Décou-verte largement réussie grâce aux initiatives aussi nombreusesque variées, destinées non seulement au public parisien maisdont la province a également largement profité. Le cinéma co-réen en est un excellent exemple. Puisse ce lieu convivial gardersa dynamique et continuer à nous faire aimer la Corée et lesaspects multiples de sa culture.

Le Centre Culturel Coréen était, les premières années, un lieutranquille et calme. Puis, au fil du temps, la fréquence et la qua-lité des expositions ont augmenté, les rayons de la bibliothèquese sont garnis, les publications, CD et DVD se sont multipliés.Les étudiants en langue coréenne, les jeunes Coréens et lesFrançais s’intéressant à la culture coréenne sont maintenant trèsnombreux à fréquenter le Centre qui est devenu beaucoup plusanimé. C’est aujourd’hui un lieu agréable et accueillant où onaime se rendre et qui contribue beaucoup à une meilleureconnaissance en France de la Corée et de sa culture. Je souhaiteun très bon 30e anniversaire au Centre et à toute sa sympathiqueéquipe avec laquelle c’est toujours un plaisir de travailler.

Marc ORANGECoréanologue

Dauphine SCALBERTCéramiste

TRAN Quang HaiEthnomusicologue du CNRS ( Centre National de la

Recherche Scientifique )

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peu comme la rétrospective du Centre Pom-pidou fin 1993 en matière de cinéma, un rôlerévélateur et déclencheur ; il suscitera, dansles années qui viendront un accroissementnotable de collaborations artistiques,d’échanges, et de représentations coréennesdevant le grand public à la fois en France etdans d’autres pays du monde. ■ « Tambours sur la digue », créé en septem-bre 1999 à Paris par Ariane Mnouchkine etqui remportera, jusqu’en 2002, un gros succèsà travers le monde (plusieurs centaines de re-présentations à Anvers, Montréal, Tokyo,Séoul, Sydney…) sera justement un modèle decollaboration franco-coréenne, entre les co-médiens du Théâtre du Soleil et les percus-sionnistes de la troupe de Kim Duk-soo venuspendant plusieurs mois en France, en amontde la création, pour leur enseigner l’art despercussions coréennes.■ La participation au Festival d’Automne àParis, en 2002, de plusieurs troupes de Corée,parmi lesquelles celle de l’Institut national co-réen de musique et de danse traditionnelles,la troupe Samulnori Hanullim de Kim Duk-soo et la compagnie Unyul Talchum (au total160 artistes du plus haut niveau), qui se sontproduites dans de grands théâtres de la capi-tale : Théâtre du Châtelet, Théâtre de la Ville,Théâtre des Bouffes du Nord…■ L’adaptation du «  Bourgeois Gentil-homme » dans une mise en scène d’Eric Vi-gner, avec comédiens, danseurs, chanteurs etmusiciens traditionnels du Théâtre Nationalde Corée, fut également un étonnant spectacle.Créé en 2004 à Séoul, puis également joué

cette même année au Théâtre de Lorient, il serarepris, en 2006 (dans le cadre du programme« Corée au Cœur » célébrant le 120e anniver-saire des relations diplomatiques entre la Coréeet la France), à Séoul, à l’Opéra Comique deParis (pour une quinzaine de représentations !)et à la Scène nationale Le Quarz de Brest. Cefut là un très bel exemple de coproductionfranco-coréenne entre le Centre DramatiqueNational de Bretagne – Théâtre de Lorient etle Théâtre National de Corée.■ La rétrospective « 50 ans de cinéma co-réen » présentant (en 2005) à travers 50 filmsla création cinématographique coréenne desannées 1960 à nos jours, manifestation pro-posée par la Cinémathèque française qui avaitdéjà rendu en 2001 un bel hommage en 18films à Im Kwon-taek.■ Tous les événements (plus d’une centaine,dont « Le bourgeois gentilhomme » précité)qui se sont déroulés, en 2006, dans le cadre dela célébration « Corée au Cœur » et en par-ticulier les concerts du maître du gayageumHwang Byung-ki à la Maison des Cultures duMonde (27 et 28 février), la féerique repré-sentation de danse « Korean Fantasy », don-née par la troupe du Théâtre national deCorée à l’Opéra royal du Château de Ver-sailles (8 juin), et le grand spectacle « Tradi-tions millénaires de Corée  », présenté enclôture Salle Pleyel par les artistes de l’Institutnational coréen de musique et de danse tradi-tionnelles (16 et 17 décembre).■ Le remarquable spectacle du danseur Yong-Bu Ha, accompagné par l’ensemble Baram-got, se produisant dans le cadre du Festivalde l’Imaginaire à l’Opéra Bastille (30 et 31mars 2009).■ Le festival « Bains numériques » dont laCorée fut l’invité d’honneur en juin 2010 etqui fut incontestablement, à ce jour, la plusimportante manifestation consacrée enFrance aux arts et artistes numériques coréens.La programmation du festival fut mise surpied en étroite collaboration avec notre Cen-tre et avec son soutien actif.

■ La manifestation « Escapade en Corée » auMusée du Quai Branly (du 23 septembre au2 octobre 2010), proposant, en plus des deuxspectacles phares « Banquet royal à la cour deCorée » et « Cérémonie chamanique de KimKeum-hwa, plusieurs conférences, ateliers etdémonstrations donnant un bel aperçu de laculture coréenne.

Bien sûr, il ne s’agit là que de quelques exem-ples marquants parmi une pléthore d’événe-ments et il nous est impossible d’inventorier,dans le cadre de cet article, toutes les manifes-tations culturelles, un peu partout en France,que nous avons directement organisées ouauxquelles nous avons participé et apporténotre soutien au long de ces années (au total,sûrement plusieurs milliers !).

En outre, il faut aussi ajouter à l’actif de notreCentre de multiples médiations et mises enrelation visant à faciliter les contacts : entrefestivals ou institutions françaises et co-réennes, entre hautes personnalités du mondede la culture des deux pays, entre artistes plas-ticiens, entre éditeurs ou écrivains, entretroupes de musique de danse ou de théâtre…et, d’une façon plus générale, entre partenairesfrançais et coréens dans de nombreux do-maines de la vie culturelle.

Evidemment, il reste encore beaucoup à fairepour que la culture coréenne, encore tropsouvent confondue avec celles de ses voisinschinois et japonais, soit mieux connue enFrance. D’ailleurs, les Coréens qui fréquen-tent notre Centre - surtout les plus jeunes,qui n’étaient pas là dans les années 1980 -n’hésitent pas à nous le rappeler. Mais il fauttout de même reconnaître que nous avons,depuis toutes ces années, franchi bien duchemin et que la situation actuelle n’a rien àvoir avec celle d’il y a trente ans , où notre tra-vail était en plus rendu difficile par l’imageplutôt négative du régime politique coréenqu’avaient, à l’époque, nombre de journalistesfrançais.

Festival d’Automne 2002La troupe de l’Instititut national coréen de musique et dedanse traditionnelles s’est produite à Paris au Théâtre duChâtelet.

Festivals à la cinémathèque françaiseRétrospective consacrée à Im Kwon-taek (2001)et cycle « Cinquante ans de cinéma coréen » (2005)

Paris, 6 janvier - 26 février 2005

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Avancées et projets pour les années à venir

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Des progrès importants ont donc été accom-plis depuis, qu’il s’agisse, par exemple, de ci-néma (pratiquement pas un seul film coréendistribué en France avant les années 1990 etplus de 200 entre 1990 et aujourd’hui !), delittérature (apparition de collections co-réennes chez Picquier, Actes Sud ou Zulmaà peu près à la même époque et augmenta-tion notable, depuis, du nombre d’éditeurspubliant des auteurs coréens) ou d’arts de lascène (accroissement du nombre de specta-cles : musique, danse, théâtre...).

Sous l’impulsion de notre directeur actuel, M.Choe Junho, le 7e depuis l’ouverture du Cen-tre***, nous nous employons depuis 2007,pour ce qui est des événements hors les murs,à limiter les manifestations où nous sommesles seuls organisateurs et à initier le maximumde contacts afin de multiplier les partenariatsavec les institutions, festivals et salles françaises(scènes nationales, théâtres, cinémathèques…)susceptibles d’inclure des spectacles coréensdans leur programmation. Ainsi, intégrés dansune vraie saison culturelle, ces spectacles peu-vent bénéficier d’une médiatisation généralene pouvant que favoriser une meilleure diffu-sion. A ce propos, il faut d’ailleurs soulignerque les événements culturels coréens sont au-jourd’hui, et tout particulièrement depuis unedizaine d’années, beaucoup plus médiatisésqu’avant, le public français étant maintenant,d’une façon générale, bien mieux informé surla culture coréenne.

De même, en plus de l’accueil que nous ré-servons aux plasticiens coréens dans nosmurs, un effort tout particulier a été fait, cesdernières années, pour leur apporter uneaide concrète (soutien financier) lors decontacts avec des galeries françaises et autresétablissements culturels susceptibles d’expo-ser leurs œuvres. Les aides aux musiciens nesont pas en reste. En effet, notre Centre en-

courage les jeunes instrumentistes coréensprometteurs qu’il accueille souvent pour desconcerts - parfois avec des artistes françaisou d’autres nationalités - et apporte aussi,d’une façon plus générale, son soutien auxassociations musicales les aidant à se pro-duire en France

Par ailleurs, notre directeur actuel, M. ChoeJunho, a lancé, en 2008, un nouveau festival,« Rêves d’enfants », spécialement destinéau jeune public, qui se déroule chaque annéeen novembre, durant une semaine, et nousa déjà permis d’accueillir dans nos murs denombreuses classes d’écoles primaires pari-siennes. Ce festival très ludique et interactif,qui en est, cette année, à sa 3e édition, plaîtbeaucoup aux tout petits et remporte ungros succès (voir notre article p. 24, évoquantl’édition 2010).

Enfin, le développement de nos activités cul-turelles, nos cours et ateliers, ayant pris beau-coup d’ampleur et l’intérêt pour la culturecoréenne allant croissant, l’idée d’un nou-veau Centre Culturel Coréen à Paris, plusspacieux et plus fonctionnel, semble faire sonchemin et il est possible qu’elle puisse seconcrétiser dans les années à venir.

En attendant, heureux de fêter son 30e anni-versaire, notre Centre continuera à œuvrerpour que la richesse et la singularité de la cul-ture coréenne soient reconnues en Occidentet, en particulier, pour rendre celle-ci plusproche de nos amis français. Cela reste tou-jours pour toute notre équipe, en cette find’année festive, un très beau et stimulantchallenge à relever !

***Depuis qu’il a ouvert ses portes, en 1980, le Centre Cul-turel Coréen a été successivement dirigé par Messieurs :Yang Hai-yup (1980-1985), Chang Duk-sang (1985-1992), Cho Seong-chang (1992-1998), Ji Gon-gil (1998-2000), Sohn Woo-hyun (2000-2004), Mo Chul-min(2004-2007) et Choe Junho (2007 à aujourd’hui).

Représentation de danse « Korean Fantasy », donnée par la troupe du Théâtre national de Corée à l’Opéra royal duChâteau de Versailles (8 juin 2006).

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Le danseur Yong-Bu Ha et l’ensemble Baramgot àl’Opéra Bastille (Festival de l’Imaginaire, mars 2009).

« Déjà trente ans ! On a du mal à envisager que le temps passesi vite. Mais c’est sûrement parce qu’il s’agit là d’une très bonnecompagnie que ce Centre Culturel Coréen avec lequel nousavons organisé un bon nombre de soirées fort sympathiques etenrichissantes à présenter nos auteurs coréens traduits enfrançais tels que Lee Seung-U ou Hwang Sok-yong, pour neciter qu’eux. Et à découvrir maints aspects de la culturecoréenne, que ce soit le cinéma, la peinture, la langue ou la cui-sine! Et puis il y a “ Culture Coréenne ” qui soutient nos effortséditoriaux et ouvre ses colonnes à notre découverte de ce fasci-nant pays qu’est la Corée, comme lorsque j’y ai proposé, par ex-emple, mon « Carnet de Séoul ». Ce sont des souvenirs que l’onn’oublie pas. Et des expériences que nous avons envie de renou-veler en envisageant rencontres et anthologies. D’autres événe-ments à partager pour une meilleure connaissance réciproquede nos cultures, si riches, si proches.

30 ans de vie et déjà un nombre impressionnant d’événements, pe-tits et grands, toujours intéressants, organisés dans l’enceinte duCentre ou présentés dans les espaces les plus prestigieux de Pariset de la province. En trente années, c’est quasiment toute la culturecoréenne qui est passée “par les mains expertes” du Centre pouraller se glisser partout en France et marquer les cœurs de tous ceuxqui se trouvaient sur son chemin et qui, depuis, gardent une im-mense passion pour la Corée. Bravo pour le travail accompli ettrès bon anniversaire au Centre culturel coréen !

La Corée n’est pas loin. Elle est à cinq cent mètres du MuséeGuimet, et ce depuis l’ouverture du Centre Culturel Coréen àParis. Cette proximité n’est pas seulement géographique. Elleest aussi intellectuelle et institutionnelle, car elle ouvre une fe-nêtre sur le monde d’aujourd’hui qui ne va pas sans réflexion surl’histoire ou bien le patrimoine. Depuis trente ans, les routes sesont croisées pour mieux faire connaître au public parisien uneautre vision du monde, à l’autre bout de l’Eurasie, tout en rap-pelant l’ancienneté des liens entre France et Corée, puisque lespremières collections coréennes sont exposées au musée Gui-met dès 1893, presqu’un siècle avant l’ouverture du Centre Cul-turel Coréen. Trente ans est un bel âge, celui de la maturité, avecencore l’éclat de la jeunesse, et il ne me reste plus qu’à souhaitertout le succès possible aux développements futurs d’un Centredéjà très bien ancré dans le paysage de Paris, au Centre bien sûr,mais aussi et d’abord à toute son équipe à qui revient tout le mé-rite d’avoir su le faire vivre.

Pierre CAMBONConservateur en chef du patrimoine / Musée Guimet

Serge SAFRANEcrivain, directeur littéraire des éditions Zulma.

Martine PROSTDirectrice de l’Institut d’études coréennes / Collège de France

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Aéroport international d’Incheon-Séoul :sur les murs des couloirs qui mènent aucontrôle des passeports, des photos depaysages, des monuments et costumes tra-ditionnels coréens ; en haut d’un escalator,c’est une photo d’une montagne avec unlac en son centre. Son titre : le lac célestede Baekdusan.

Métro de Séoul, station «  Sicheong  »(Mairie de Séoul), sortie «  palais deDeoksugung» : la même photo du lac cé-leste de Baekdusan. Tard dans la nuit, fin des programmes té-lévisés, l’hymne national commence  :« Jusqu’à ce que s’assèche la mer de l’Est etque Baekdusan s’use… ».

Le lendemain à l’Office du tourisme natio-nal de Corée, Séoul  : « Je voudrais aller

à Baekdusan. » « Vous savez, pour allerà Baekdusan il faut se rendre en Chine.Vous devez d’abord vous adresser à uneagence de voyage ».

Quelle est donc cette montagne dontl’image parcourt la Corée entière mais quel’on ne peut visiter qu’en passant par laChine ?

La montagne à la tête enneigée

Baekdusan 백두산 , autrefois orthogra-phié Paektusan ou Baektusan (avant la ré-forme d’uniformisation de la transcriptiondu coréen en 2000) signifie «  la mon-tagne à la tête enneigée », elle est aussi ap-pelée Changbaishan 长白山 en chinois,ou Jangbaeksan 장백산 en coréen (trans-

cription phonétique des caractères chi-nois) qui signifie exactement la longuemontagne blanche.

Baekdusan se situe à la frontière entredeux pays, la Chine et la Corée du Nord.Le tracé de la frontière s’est fait officielle-ment en 1962 pour partager le lac en deuxparties. 60% de Baekdusan est en terri-toire nord-coréen, le reste en Chine. Lapartie chinoise de Baekdusan est situéedans le nord-est du pays, dans la région deJilin, à une centaine de kilomètres de lapréfecture autonome coréenne de Chine,Yanbian. La province du Jilin abrite laquasi totalité des 2 millions de Chinois dela minorité coréenne appelée Joseonjok조선족 en coréen, Chaoxian zu 朝鲜族en chinois.

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Sur les chemins de BaekdusanPar Lydiane CLAVERIE

Professeur de français langue étrangère*

Lydiane Claverie a été, durant deux ans, professeur de français dans un lycée de langues étrangères à Séoul. Elle a également enseigné le français à l’Alliance

Française de Pékin, puis y a ensuite travaillé, pendant deux années, comme expert linguistique pour la chaîne de télévision francophone CCTV-F. Elle a également

fait un master de recherches (« migrations internationales, espaces et société ») consacré à Baekdusan à l’Université de Poitiers.

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Plutôt qu’une montagne, Baekdusan estun volcan endormi dont la dernière érup-tion date de 1702 et constitue une chaînes’étendant sur près de 80 kilomètres. Lecratère est entouré de plusieurs pics, dontle plus haut culmine à 2749 mètres ; c’estJanggunbong (장군봉), situé en Coréedu Nord. Au centre de ce cratère se trouveun lac, le bien nommé lac céleste (Cheonji천지 en coréen, Tianchi 天 池 en chi-nois). Lorsque le brouillard légendaire deBaekdusan ne vient pas poser son voile surle paysage, il est vrai que le bleu turquoisedes eaux de ce lac, entouré de pics etéclairé de ces rayons nets et blancs carac-téristiques du soleil en haute altitude, aquelque chose de divin. Ce site naturelexceptionnel a plusieurs classements àson palmarès : inscrit dans le réseau mon-dial des réserves de biosphères parl’UNESCO en 1979, c’est aussi la plusgrande réserve naturelle chinoise consti-tuée dès 1960. Les sites touristiques enChine étant classés selon un nombre de A,Baekdusan en possède 5. Mais la beauté dusite de Baekdusan n’est pas l’unique argu-ment expliquant l’engouement que suscitecette montagne chinoise auprès du publicsud-coréen, et le fait qu’elle soit évoquéedans l’hymne national…

Jusqu’à ce que Baekdusan s’use… 

동해물과백두산이마르고닳도록

하느님이보우하사우리나라만세 !

« Jusqu’à ce que s’assèche la mer de l’Estet que Baekdusan s’use, le Ciel nous pro-tégera, vive notre pays! »

Ces premières lignes de l’hymne nationalcoréen en attestent : Baekdusan n’est pasune montagne comme une autre pour lepeuple coréen. Écrit en 1896, le chant estadopté en 1948 comme hymne nationalsud-coréen au moment de la séparationdes deux Corées. Pourquoi choisir unhymne national évoquant une montagne(Baekdusan) qui n’appartient plus au ter-ritoire national? La réponse est à chercherdans l’histoire de la Corée. En 1896 eneffet, la péninsule était sous dominationjaponaise, puisqu’en 1894 est signé untraité militaire entre les deux pays, et

quelques années plus tard, en 1910, leJapon annexe la péninsule coréenne. Cetteoccupation japonaise suscite des protesta-tions, des mouvements patriotiques quicherchent à affirmer ou réaffirmer l’iden-tité coréenne, entre autres à travers des slo-gans et des chansons. Notamment cellequi deviendra plus tard l’hymne nationalsud-coréen où se retrouve l’évocation de lapatrie comme territoire uni et menacé. Lesdeux premières lignes de l’hymne nationalcoréen montrent la forte valeur identitaired’un espace géographique qui sert d’outilde revendication face aux menaces de do-mination, et elles témoignent d’une repré-sentation collective du territoire qui esttoujours d’actualité en Corée du Sud, à sa-voir celle d’une Corée réunifiée.

Baekdusan est donc un véritable symbolenational, symbole qui puise ses origines etses justifications à la fois dans la géogra-phie traditionnelle coréenne, le mythefondateur de la Corée, l’histoire de la pé-ninsule et les conflits géopolitiques.

Représentations officielles de BaekdusanBaekdusan, armature du territoire coréen unifié 

La montagne Baekdusan figure depuistoujours sur les cartes des territoires co-réens et chinois.

Les cartes, quel qu’en soit leur degré d’ob-jectivité affiché, sont d’excellents témoi-gnages des représentations que se font leshommes de leur territoire au cours del’histoire. Depuis les années 1990, on as-siste à un regain d’intérêt en Corée du Sudpour la géographie traditionnelle, disci-pline que l’on pourrait rapprocher duFengshui chinois, appelé Pungsu encoréen ; d’après le Pungsu, l’espace estconçu selon l’agencement des élémentsnaturels, et en particulier en fonction desrivières et des montagnes. Cette concep-tion de l’organisation du monde et de lanature influencée par les croyances popu-laires et les cultes chamaniques restetrès ancrée dans la vie quotidienne desCoréens encore de nos jours. Le principal

élément fondateur du chamanisme coréen,hérité du chamanisme sibérien, est l’axe dumonde, axis mundi, qui relie le monde desêtres humains à celui des dieux. Cet axepeut être représenté par un arbre ou unpieu planté dans le sol, mais les montagnesconstituent l’axe du monde par excellence,là où naissent des êtres mi-hommes mi-dieux, où se réfugient les moines boud-dhistes ou les ermites taoïstes et où leschamanes pratiquent leur rituel : contrai-rement aux montagnes occidentales sou-vent habitées ou mises en pâturages, lesmontagnes coréennes (et asiatiques engénéral) ont toujours été réservées auxpratiques spirituelles et sont dotées d’uncaractère sacré. En les faisant figurer sur lescartes, les chaînes de montagnes consti-tuent donc la force interne du territoire,l’armature de la péninsule: la plus grande,souvent comparée à la moelle épinièrede la Corée, s’étend du nord (Baekdusan)au sud ( Jirisan), elle est appelée Baekdu-daegan (백두대간 ).

Sous l’occupation japonaise au début du20e siècle, les patriotes coréens se sont ap-puyés sur les anciennes cartes datant du16, 17 ou 18e siècles pour contester la vi-sion du colonisateur et se réapproprier

La Corée et les Coréens

Carte réalisée selon la conception traditionnelle du terri-toire coréen.En trait plus épais, la principale chaîne de montagne Baek-dudaegan. (D'après JIN Jeong-Hon, The role of symboliclandscape in the construction of national identity in modernKorea, University of California, 2004).

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leur territoire : en effet, des études menéespar le géologue japonais Kotô, se basantsur la constitution géologique de la pénin-sule, scindaient la Corée en deux et nefaisaient plus paraître la continuité de lachaîne de montagne du nord au sud. Tou-tefois, avec l’ouverture de la Corée duSud au monde et à la géographie occiden-tale, ces conceptions géographiques tradi-tionnelles avaient quelque peu disparu,jusqu’à réapparaître dans les années 1980et 1990. De nos jours, les chercheurscoréens expliquent le regain d’intérêt pourcette représentation du territoire (avec laréapparition sur les cartes de Baekdudae-gan et des chemins de randonnées suivantle tracé de cette chaîne de montagne) parune revendication identitaire. Mais c’estaussi concevoir le territoire coréen commeun tout allant de Baekdusan -dans son en-semble ou partagé- à Jirisan : les slogansd’après guerre utilisaient déjà le nom desmontagnes de la péninsule pour transmet-tre leur message en faveur de la réunifica-tion de la Corée: «  de Baekdusan àHallasan 1!».

Baekdusan, terre des origines 

Bien avant d’être dessinée sur les cartes,la montagne Baekdusan occupait uneplace importante dans la tradition orale :elle était connue pour être le lieu de nais-sance de Dangun (단군) qui serait le pre-mier empereur de Corée, fondateur du

royaume Joseon. Sa naissance surnaturellefait de lui un demi-dieu, puisqu’il est né,dit-on, en 2333 avant J.-C. sur Baekdusan,d’une ourse transformée en femme et duDieu Hwanung. Cette légende est utiliséeau Nord comme au Sud et de manière of-ficielle : la naissance du leader nord-co-réen Kim Il-sung est aussi localisée surBaekdusan, si bien que son portrait, ainsique celui de son successeur Kim Jong-il,ont tous deux comme décor la montagnesacrée.

Baekdusan est donc à la fois un lieu de mé-moire qui fait appel à l’histoire modernede la Corée et au souvenir douloureux dela séparation des deux Corées, et un hautlieu sacré, légendaire, qui fonde l’identitécoréenne.

Baekdusan au cœur des litiges fronta-liers : le territoire de Gando

Le fait que Baekdusan soit un symbole na-tional sud-coréen et qu’elle soit partagéeentre la Chine et la Corée du Nord peutapparaître comme une contradiction… etcomme un objet de tension entre les dif-férents pays impliqués. Si Baekdusan estreconnue comme territoire coréen dans lamémoire collective, les frontières recon-nues internationalement, quant à elles,diffèrent. Deux conceptions s’affrontent :celle de la Corée qui, en cherchant dansson histoire du 18e et même au-delà, tentede prouver le bien-fondé de ses revendica-

tions, et celle de la Chine qui se fonde surun traité signé en 1962 avec la Corée duNord spécifiant clairement le tracé desfrontières.

Pour comprendre ce qui attise ces litigesfrontaliers, il faut parler du territoire deGando (en coréen, Jiandao en chinois). Si-tuées à l’extrême sud de la Mandchourie,dans les régions chinoises où se concentrela plus grande partie de la minorité co-réenne chinoise, ces terres étaient culti-vées par une population d’originecoréenne issue des vagues de migrationsqui débutèrent au 18e siècle, encouragéepar le royaume chinois et sa politique depeuplement, ou bien déjà sur place du faitde l’histoire de cette région (les limites del’ancien royaume coréen de Goguryeos’étendaient en effet jusqu’au nord de laChine, près de l’actuelle région du He-longjiang). Assez vite, cette populationdevint un enjeu pour les deux royaumes,coréen et chinois, si bien que, en 1712, leroyaume Qing chinois ordonne de dresserune stèle au sud du cratère de Baekdusan,afin de signifier les limites du royaume co-réen et prévenir toute revendication terri-toriale éventuelle. Cette stèle n’a jamaisété reconnue par la Corée, et son interpré-tation même ne fait pas l’unanimité : seloncertains chercheurs coréens, les inscrip-tions sur la stèle indiqueraient que Baek-dusan dans son ensemble appartiendraitau territoire coréen. Plus tard, la dynastiemandchoue proposa aux habitants deGando leur naturalisation, en échange deterres et de réductions fiscales. En fin decompte, jusqu’en 1905, les différendsfrontaliers ne furent jamais réglés entre laChine et la Corée, et ce malgré plusieursnégociations. Le premier accord effectiffut signé en 1909 par la Chine et le Japon,qui occupait à l’époque la Corée: ce fut letraité de Gando. Les frontières furentalors fixées au fleuve Duman(Tumen), ausud de Baekdusan. Pour la Corée, ce traitésignifiait la fin des espoirs d’une recon-quête territoriale… La Mandchourie co-réenne,  ou Gando, que les Coréensconsidéraient comme un des berceaux deleur nation, semble en tout cas un terri-toire (à jamais ?) perdu.

Illustration extraite de l’ouvrage du poète Ko Un “ Mille ans de tristesse d’amour ”.

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En 1962, la Corée du Nord cède une par-tie de Baekdusan à la Chine, pour com-penser, dit-elle, les pertes humaines subiespar l’armée chinoise de Mao lors duconflit entre les deux Corées.

Ainsi s’explique le regain d’intérêt pour lagéographie traditionnelle dont nous avonsparlé précédemment  : redécouvrir lescartes, remonter dans l’histoire, c’est enquelque sorte espérer la réunification, nonseulement avec la Corée du Nord, maisaussi avec le territoire perdu de Gando.

Baekdusan, montagne sacrée du peuple coréenSi l’importance de Baekdusan est avéréedans l’histoire mythique, ancienne etcontemporaine de la Corée duSud et qu’elle reste un enjeugéopolitique, quelle est laplace de la montagne sacréedans l’esprit et le cœur desSud-coréens ? Que représente-t-elle pour eux? Si les représen-tations officielles sont faciles àcerner, via les médias ou lesdiscours des hommes poli-tiques par exemple, lorsquel’on s’intéresse à des représen-tations plus personnelles et af-fectives, les outils nous manquent.Toutefois, d’après les enquêtes que nousavons pu mener à ce sujet au printemps20102, l’image que les Sud-coréens, tousâges confondus, ont de Baekdusan estcelle qu’on leur a enseignée à l’école dèsl’enfance. Ainsi, dans les manuels de géo-graphie, Baekdusan est présentée comme«  la montagne la plus élevée de notrepays ». Cette simple formulation, a priorid’ordre géographique, a en fait une portéepolitique et culturelle importantepuisqu’elle sous-entend que «  notrepays  » est le territoire coréen réunifié.Sans faire de déductions abusives, nousvoyons bien que Baekdusan est, dès le plusjeune âge, présentée et considérée par lesCoréens comme le symbole de la réunifi-cation. C’est aussi le symbole du retour àune unité territoriale et aux origines my-thiques de la nation.

Dans les années 1990, les Sud-coréens re-présentaient 90% des visiteurs du site deBaekdusan en Chine. Depuis quelques an-nées, ce chiffre est descendu à 30%, nonpas par baisse du nombre de visiteurs sud-coréens, mais du fait de l’arrivée de tou-ristes d’autres nationalités, en particulierdes Chinois, attirés par la publicité mas-sive faite autour de cette montagne.Chaque année, au moment de la périodetouristique qui s’étend de juin à fin sep-tembre, ce sont des milliers de Sud-co-réens qui se rendent donc à Baekdusan enpassant par la Chine, partant seuls ou enfamille. Ils viennent par l’intermédiaired’agences de voyage ou de clubs de ran-donneurs, faisant souvent plus de 10heures de transport, prenant tour à tour

l’avion, le bus, le taxi, le train… Certes,Baekdusan est une montagne qui culmineà plus de 2000m d’altitude, et les Sud-co-réens, très nombreux à partir régulière-ment en randonnée, sont avides d’ajouterà la liste des sommets escaladés le nom decette fameuse montagne. Mais ce n’est pasla seule raison. En effet, bien que les Sud-coréens que l’on croise à Baekdusan onttout l’aspect de randonneurs, ou bien detouristes en visite sur un site célèbre deChine, aller à Baekdusan est bien plusqu’une simple randonnée ou un voyagetouristique dans un pays étranger. Le sensque donnent ces «  touristes  » sud-co-réens à la visite, l’émotion qu’elle leur pro-cure, les larmes qu’elle fait couler, lesappels que lancent les visiteurs en direc-tion de la Corée du Nord, de l’autre côtédu lac, montrent que Baekdusan repré-sente à elle seule le passé, le présent et le

futur de la Corée, la souffrance d’un peu-ple séparé et l’espoir d’être réuni. Cette vi-site de Baekdusan est un pèlerinage, elleen a le sacré et les rituels : il y a ce lac « cé-leste », cette eau pure et claire que l’on ré-colte dans des bouteilles pour la porter àsa famille ou ses amis restés en Corée duSud; il y a ce brouillard et ce temps capri-cieux, si bien que le lac ne se montre qu’àceux qui ont de la chance, qui le méritent,qui savent être patients ou bien qui ontprié; il y a ce trajet difficile pour, enfin,voir le lac. C’est une montagne où toutCoréen se doit d’être allé au moins unefois dans sa vie, une sorte de retour sur laterre des ancêtres, pour retrouver ses ra-cines, pour capter l’énergie de Baekdusan.Un tel voyage, qui fait l’objet d’une moti-

vation à la fois culturelle, iden-titaire et spirituelle, et quidemande du temps et de l’ar-gent, ne concerne pas tous lesCoréens. Mais bien plus qu’uncritère social, c’est une questionde génération. Le temps, l’ar-gent, l’intérêt pour les mythesfondateurs sont souvent deséléments qui font défaut à lanouvelle génération, sanscompter qu’il y a bien d’autresendroits dans le monde que les

jeunes Sud-coréens sont pressés de décou-vrir. Toutefois, Baekdusan, même si elle nefigure pas à la première place, se trouvetoujours sur la liste des endroits à visiter.

Même si, pour beaucoup de Sud-coréens(mais pas pour tous), la partie chinoise deBaekdusan est à jamais territoire chinois,l’espoir est quand même grand de pouvoirun jour y accéder en passant par la Coréedu Nord.

Notes

1 Hallasan est un volcan situé sur l’île deJejudo, à l’extrême-sud de la Corée.

2 Dans le cadre de notre mémoire de masterde recherches effectué à l’université dePoitiers, année 2009-2010 : Baekdusan, unemontagne coréenne en Chine  : représenta-tions et rapport à l’espace.

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« Les montagnes importantes de notre pays », Baekdusan, Hallasan,Jirisan, Seoraksan, Geumgangsan(source : livre pour enfant).

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Eric Bidet a enseigné à Séoul pendant une douzaine d’années et publié quelques livres etplusieurs dizaines d’articles relatifs à la Corée, dont certains sont d’ailleurs parus, ces dernièresannées, dans notre revue. C’est un fin connaisseur du pays et ses écrits concernant la Coréeet les Coréens sont toujours pertinents et d’une grande subtilité.

Son dernier ouvrage, « Pérégrinations coréennes », est le fruit de son long séjour en Corée, deses nombreuses balades, de ses observations, de ses réflexions et des contacts qu’il a pu nouersur place. A ces observations personnelles et anecdotes vécues, l’auteur ajoute aussi son regardde chercheur, parsemant son récit d’informations factuelles et de témoignages de voyageurssur la Corée. Cela donne un livre qui nous présente une image à la fois sensible et documentéede la société coréenne contemporaine et de ses habitants. L’auteur nous aide à mieuxcomprendre leur mode de fonctionnement et fait montre, ce faisant, d’un réel talentd’observateur au regard quelquefois critique, souvent attendri.

La lecture de ce petit livre, rehaussé de dessins originaux de Nicoby, nous paraît devoir êtrerecommandée à toute personne s’intéressant à la Corée et aux Coréens. C’est pourquoi, afin devous mettre en appétit, nous avons exceptionnellement décidé de publier dans son intégralitéle 2e chapitre, qui est à la fois intéressant et représentatif de l’ouvrage. Nous espérons que cettelecture vous donnera envie d’en savoir davantage sur ces « Pérégrinations coréennes ».

« Pérégrinations coréennes »,un passionnant petit livre à découvrir

PrécipitationMon chauffeur de taxi, comme beau-coup d’autres ici, ne semble guère enclinà cette « mélancolie existentielle et bla-sée » que Montalban associe à la pro-fession. Il lui semble pénible en effet dedevoir s’arrêter au feu rouge et attendretranquillement que celui-ci passe au vertou même de laisser une autre voiture ledépasser au gré des aléas de la circulation.J’ai envie de lui dire que je ne suis pas àcinq minutes près, mais quels mots utili-ser pour ne pas l’énerver davantage...

« La lenteur ne signifie pas l’incapacitéd’adopter une cadence plus rapide. Ellese reconnaît à la volonté de ne pas brus-quer le temps, de ne pas se laisser bous-culer par lui » souligne Pierre Sansot,dont les livres, récemment traduits en

coréen, rencontrent ici un succès rassu-rant, peut-être justement en raison deleur « exotisme ». La lenteur n’estdonc pas le résultat d’une contrainteimposée, par exemple par une incapa-cité physique ou des éléments exté-rieurs, mais un rythme assumé résultantd’un choix personnel. Dans la sociétécoréenne, il est difficile de percevoircette idée de lenteur positive, qui seraitun art de vivre ou un rythme nécessaireà faire bien les choses. On considèreplutôt cela comme une sorte defaiblesse, d’insuffisance, voire uneforme de paresse, à la rigueur le privilègedésuet de quelques professions spiri-tuelles ou artistiques, qui s’évertuent àne pas se soucier d’une quelconqueproductivité alors que la mondialisa-tion nous répète chaque jour qu’il n’estplus temps de prendre son temps. La

modération, variante de la lenteurqu’évoque également Sansot, revêt elleaussi rarement la connotation positivede modestie, mais presque toujourscelle, négative, de pingrerie, signe d’uneinsuffisance de moyens ou d’une ab-sence de générosité. Pour échapper à detels soupçons infâmants et ne pas ris-quer ainsi de perdre la face, on tombedonc fréquemment dans l’excès inverse,la surenchère, l’abondance de biens, cequi se solde souvent par du gaspillage.En somme, mieux vaut en faire beau-coup trop que de risquer de ne pas enfaire assez. « Manger beaucoup est unhonneur en Corée », écrivait déjàBaudens en 1884, « de peur de perdreune bouchée, à peine parle-t-onpendant les repas ». « À consommeravec modération » ne semble donc pasfaire partie du bréviaire coréen, qu’il

G.A.

Par Eric BIDET, sociologue, spécialiste de la Corée

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La Corée et les Coréens

s’agisse de l’alcool, de l’eau pour la toi-lette ou la vaisselle, de l’énergie pour lechauffage ou la climatisation, de lanourriture pour le repas, etc. « Avecles tonnes de nourriture jetées chaquejour en Corée du Sud, on pourraitnourrir le peuple nord-coréen »ironise l’écrivain Hwang Seok-young.

Les premiers témoignages occidentauxsur la Corée s’étonnent pourtant de lanonchalance des autochtones. ChrisMarker la nomme plus poétique-ment « indolence » et la considèrecomme un élément d’une « dou-ceur de vivre. » Angus Hamiltons’émerveille d’un « art de ne rienfaire » : « Les habitants duRoyaume Ermite sont particulière-ment versés dans l’art de ne rien faireen y mettant de la grâce. Il y a enconséquence un charme et une va-riété infinis dans la vie quotidienneen Corée. Les gens du pays prennentleurs plaisirs passivement, et leur in-capacité de constitution leur donnel’apparence d’avoir peu de choses àfaire, si ce n’est de se promener lente-ment au soleil, ou de s’asseoir, lesjambes croisées, à l’ombre de leursmaisons ». Georges Ducrocq re-marque aussi « la foule noncha-lante » qui remplit les rues deSéoul ajoutant que « si un hommesoucieux et pressé traverse cette foulenonchalante, on le laisse passer avecun sourire de dédain : c’est un fonction-naire, un malheureux qui travaille. »Henri Michaux est en 1933 un des pre-miers à percevoir ce qui est devenuaujourd’hui un des traits caractéris-tiques majeurs de la Corée en évoquant« ce singulier emportement qui carac-térise, entre toutes les races jaunes, leCoréen ». Quarante ans plus tard, Ni-colas Bouvier affine un peu le juge-ment : « à moins d’être sage ou trèsvieux, le Coréen met à tout une brus-querie superflue ». Si l’accélération desrythmes sociaux découle incontestable-ment du cours du progrès technique,

de l’urbanisation et de la croissanceéconomique, il semble que la Corée n’apas attendu si longtemps pour adopterun rythme trépidant.

Aujourd’hui, l’impression qui domineest effectivement souvent celle d’untohu-bohu, d’un capharnaüm, d’unempressement, d’une exubérance pastoujours bien contenue, d’une précipi-tation rarement maîtrisée. On constatesouvent une incapacité à prendre letemps, à se dégager de la contrainte de

l’emploi du temps, si bien qu’en maintescirconstances la patience s’efface devantl’empressement, l’urgence, l’impatience.Impression manifeste lorsqu’on faitl’expérience de quelques lieux publicstels que poste, banque ou gare où,presque inévitablement, le client sui-vant vient sans aucune gêne apparentes’installer au comptoir comme s’il vou-lait participer à la discussion qu’on aavec l’employé ou, tendant ses papiers,comme s’il voulait tout simplementqu’on s’occupe de lui dans l’instant.Chris Marker avait choisi de soulignerle bon côté de ce qu’il percevait davan-

tage comme une forme de spontanéité,une manière d’expressivité qui contre-disait ce qu’il appelait la « FameuseImpassibilité Asiatique », stéréotypelongtemps véhiculé par l’imaginairecollectif occidental. Aujourd’hui, on estcertes encore tenté de moquer cetteprétendue patience orientale, mais pasforcément de manière aussi positive queMarker...

Composante de l’identité nationale de-puis qu’elle symbolise le développement

économique ultra-rapide du pays, laculture du ppalli ppalli (culture de laprécipitation) est devenue une sortede marque de fabrique de la Coréemoderne, rapprochant la société co-réenne actuelle de cette « sociétéde consumation » que décrit Ba-taille : société affairée - comme lemot convient bien - société en mou-vement perpétuel, comme cher-chant sans cesse à se débarrasser d’unexcédent, de cette fameuse « partmaudite », ce trop plein de res-sources qu’il faut brûler. Les ramifi-cations de cette culture du ppallippalli se prolongent parfois jusquedans des petits détails de la vie quo-tidienne. On a parlé des guichets etdes taxis, le fonctionnement des as-censeurs offre un autre exempleanecdotique de cette impatience. EnFrance, la plupart des ascenseurs nesont équipés que d’un seul boutonpour le contrôle des portes : celui

destiné à empêcher la fermeture auto-matique pour le cas où l’on doit atten-dre quelqu’un. Dans un souci de ne pasperdre la moindre seconde, les ascen-seurs coréens sont systématiquementpourvus aussi d’un deuxième boutonpour faire se refermer la porte de ma-nière à ne pas avoir à supporter l’attenteinterminable de la fermeture automa-tique. Sitôt monté dans l’ascenseur, lejeu consiste à manier avec dextérité lesdeux boutons de fermeture et d’ouver-ture des portes de sorte que la cabine nereste immobilisée que le temps qu’on

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juge nécessaire aux mouvements d’en-trée et de sortie, ce qui entraîne parfoisla fermeture des portes au nez de l’unou l’autre usager. Paul Morand l’avaitbien dit en 1927 : « C’en est fini dela patience asiatique. » Une autrefacette, moins anecdotique, de cetteculture du ppalli ppalli est la surcon-sommation et le changement perpétuel.Rompre le pacte d’amitié que nousavons avec un objet, pour reprendre lestermes de Sansot, ne semble pas poserun problème majeur en Corée, où l’idéed’attachement, de relation affective àl’objet ancien, familier est balayée parl’attrait pour la nouveauté. Tout, oupresque, se jette et se renouvelle à unrythme soutenu et sans cesse accélérépar les publicitaires et vendeurs detoutes sortes. Catalogues de vente parcorrespondance sont envoyés gratuite-ment et tous les mois à domicile et leschaînes de télé-achat encombrent lescanaux de la télévision câblée dans lebut de créer des besoins et de les satis-faire le plus aisément possible. La crisede 1998 a momentanément enrayéce phénomène, allongeant le cycle derotation des objets et redonnant goût àdes produits anciens qui avaient dis-paru, notamment ces sucreries autrefoispopulaires : beignets de pâte de haricotrouge en forme de poisson, galettes decéréales garnies de sucre brun caramé-lisé, sucettes de soda et de caramel.

Une telle frénésie de consommationpose des problèmes très concretsd’élimination des déchets, du trop-plein, mais également un problème plusphilosophique d’identité. La sociétécoréenne est une société de la nou-veauté, du dernier cri à tel point que lesobjets ou meubles traditionnels ontdisparu de beaucoup de foyers. Cettefascination pour la nouveauté est parti-culièrement marquée pour les produitsissus des nouvelles technologies, ordi-nateur, caméra vidéo ou téléphone por-table notamment, mais elle concerneaussi les voitures, qui sont pour la plu-part rutilantes et presque neuves, ou leslogements, dont la durée de vie n’excède

guère vingt ou trente ans. Cela se tra-duit également par une volonté de toutvoir et tout avoir tout de suite, par ungoût prononcé pour le condensé, lesaccadé, le « tout-en-un » forcémentsuperficiel, par exemple les « toursd’Europe » en dix jours, où on courtde capitale en capitale, de muséefameux en monument célèbre. Autreeffet du phénomène : ces jeunes couplestrop gâtés qui trouvent désormais sinaturel d’être entretenus par leursparents jusqu’à un âge avancé puis derecevoir, sitôt mariés, un appartementtout équipé et la voiture qui va avec.On peut y voir l’expression d’une formede solidarité familiale, mais cela s’appa-rente aussi à une forme de dérobade faceaux réalités de la vie et une incapacité àpatienter, à acquérir les choses petit àpetit. Fascination également pour labourse, la nouvelle économie, la spécu-lation immobilière, les réseaux pyrami-daux de vente à domicile, si florissantsen Corée, apparition des commerces lesplus variés dont le taux de rotation estétourdissant, etc.

L’expression de la culture de la précipi-tation trouve une illustration exem-plaire dans les mœurs routières :incapables d’attendre tranquillementque le feu passe au vert, la plupart desvéhicules progressent centimètre parcentimètre empiétant sans vergognesur les passages pour piétons, quandils n’ignorent pas tout simplementla signalisation, comme le font beau-coup de bus et taxis. « Conducteursindisciplinés et dangereux » résumaitlapidairement la fiche Corée de laCaisse de sécurité sociale des Françaisde l’Etranger il y a quelques années.Pour un étranger, la première traverséed’une artère fréquentée est en généralune expérience déroutante : après avoirété en général contraint d’attendre delongues minutes que le feu passe aurouge, il constate avec stupeur aprèsavoir fait quelques pas que le voyantpour les piétons commence déjà àclignoter, indiquant son changement decouleur prochain. Il reste pourtant

quelques dizaines de mètres à franchirpour atteindre le trottoir d’en face.Anxieux à l’idée de devoir rester plantéau milieu de la chaussée, coincé entre lesflux incessants de véhicules, il pressealors le pas dans un effort désespérépour atteindre à temps l’autre côté de larue. Se retrouver à Paris, Tokyo, Bang-kok ou Pékin, est une délivrance pourle marcheur urbain. On est presquedécontenancé de voir le feu y rester aurouge si longtemps, alors que les artèresy sont pourtant trois fois moins largesqu’à Séoul. Cet étrange timing des feuxde signalisation offre aux carrefoursdes ballets étonnants ponctués dechevauchées désespérées de femmes entailleur et talons aiguille ou d’hommesen costume trois pièces et attaché-casecourant avec toute la vélocité que leurpermet leur accoutrement. À l’inverse,chose qui ne cesse de m’étonner, malgrél’absence de tout véhicule, le piétoncoréen respecte rigoureusement les feuxet attendra le temps qu’il faudra pourtraverser la voie. C’est à vrai dire une desseules circonstances où la culture dupalli palli semble tout d’un coupoubliée, reléguée derrière une logiquesupérieure, celle du respect de l’ordreétabli... ou de l’instinct de survie. Celadonne finalement la curieuse impres-sion que le code de la route est avanttout destiné aux piétons, tant il est éton-nant de voir à quel point ceux-ci lerespectent scrupuleusement, alors qu’ilsl’interprètent avec beaucoup plus deliberté une fois devenus eux-mêmesconducteurs...

S’il est certain que la lenteur occupeune place plus grande dans dessociétés plus traditionnelles, moinsdéveloppées économiquement, et dansdes environnements moins urbanisés,le niveau de développement économique,d’urbanisation et de modernité n’ex-plique pas, à lui seul, l’omniprésencede la culture de la précipitation dansla société coréenne. Qu’on regardeen effet du côté du Japon et on yconstate que la lenteur et la modérationy occupent encore une place de choix,

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y compris dans des centres urbains im-portants, où le vélo et la marche à piedont encore une place centrale. « Lemarcheur est celui qui prend son tempset ne laisse pas le temps le prendre »écrit David Le Breton. La place déme-surée qu’occupe l’automobile dansla société coréenne, conséquence à lafois de choix politico-économiques(servir les intérêts des constructeursautomobiles) et d’éléments culturels(fascination pour le mode de vieaméricain) fournit sans doute l’une desexplications les plus solides à l’impor-tance qu’a pris la culture de laprécipitation en Corée. Le rythmeinhérent à l’utilisation de la voiture estincontestablement l’un des principauxfacteurs de destruction de la lenteur, àla fois comme moyen de transport sesubstituant à ces moyens « lents »que sont le vélo et la marche à pied,mais également par l’environnementhostile à la marche qui en découle. L’in-frastructure urbaine (passages piétonssouterrains ou aériens, immenses par-kings, artères de largeur démesurée, ruesétroites dépourvues de trottoirs pourassurer une bonne circulation desvéhicules) et la pollution élevée quiaccompagnent la circulation automo-bile contribuent à rendre peu agréables,à rendre même dangereux le déplace-ment à pied et la flânerie. Le nombre dejeunes enfants renversés par des voituresou des motocyclistes qui utilisent impu-nément les trottoirs est particulière-ment élevé à Séoul et dans les grandesvilles coréennes.

Le système social propre à la Coréeconstitue un autre élément d’explicationdu succès de cette culture de la précipi-tation. « La flânerie, que nos sociétésne tolèrent pas plus que le silence, s’op-pose alors aux puissantes contraintes derendement, d’urgence, de disponibilitéabsolue au travail et aux autres »,souligne Le Breton. Dans une sociétécoréenne tout entière tournée vers laproductivité, la rentabilité et, surtout,la disponibilité, dans une société régen-tée avant tout par le dévouement indi-

viduel aux exigences du travail et par lestrict respect de règles imposant desobligations sociales incontournables, laflânerie, le temps pour soi, la lenteur nepeuvent nécessairement avoir qu’uneplace congrue. Qu’on se souvienne à cetégard que la durée du temps de travailavoisine encore, dans beaucoupd’entreprises coréennes, les cinquanteheures hebdomadaires, à quoi s’ajoutela pratique encore très répandue dudîner entre collègues. La fascination desCoréens pour les nouvelles technolo-gies de la communication, téléphoneportable et internet, a encore accrucette disponibilité quasi-permanente àl’égard des autres, rendant encore plusimprobable la possibilité de solitude in-térieure, de repli sur soi. Il n’y a plusguère finalement que le bain public quioffre aujourd’hui un véritable espace detranquillité, d’isolement, d’échappe-ment au monde et aux autres, même sicertains trouvent encore le moyen d’ylaisser leur téléphone portable au gui-chet pour rester joignables.

« L’agitation des grandes villes, l’adop-tion des horaires internationaux, lagénéralisation de l’air conditionné,la suprématie de l’idéologie du travailet de l’argent, rejettent la sieste dansles pratiques ancestrales, villageoises,traditionnelles, improductives » noteThierry Paquot. Autant d’éléments quisont effectivement au cœur de la culturecoréenne du ppalli ppalli. Celle-ci,pourtant, génère aussi des momentsd’inaction totale, des assoupissementsirrésistibles, des siestes improvisées maisla sieste coréenne n’est pas la siesteoccidentale, souvent méridienne. Ici, ons’assoupit à toutes heures en fonctiondes circonstances. Dans les bureaux,surtout en début d’après-midi, justeaprès le déjeuner. Dans les petites bou-tiques de quartier, il n’est pas rare d’avoirà réveiller les commerçants pour pou-voir payer ce que l’on doit. Et le métrooffre souvent le spectacle de rangéesentières assoupies, chacun la tête surl’épaule de son voisin, dans une sorte dejeu de dominos humain. Au bain

public, une salle avec des matelas parterre est même consacrée à la sieste, aurepos. Un jour où j’avais deux fois uneheure à passer dans le train, j’avaisapporté avec moi ce petit essai queThierry Paquot a consacré à l’art de lasieste. La lecture du journal du jourexpédiée, j’attrapai l’essai, autrementplus captivant que les derniers rebondis-sements de l’affaire Daewoo ou lesnouvelles estimations de taux de crois-sance de l’économie coréenne, quiseraient de toute façon probablementrévisées dans quelques semaines. Auretour, je poursuivis ma lecture et,contagion ou mimétisme, plongeaibientôt dans une petite sieste sous l’effetconjoint du roulis du train et de la cha-leur étouffante régnant dans le wagon.C’est en effet situation fréquente enCorée que de se trouver dans une atmo-sphère surchauffée, que ce soit dans lestransports, au bureau, au restaurant, ausupermarché, à la maison. Pays qui im-porte la majeure partie de son énergie,la Corée dépense paradoxalement l’éner-gie sans compter, sans grand souci d’éco-nomiser. Mais revenons à cette sieste.

Elle fut interrompue par une ajumatentant d’attraper ses deux lourds sacs àdos disposés au-dessus de ma tête. À cemoment-là, plus aucune fatigue pour re-prendre la lecture du texte que j’achevailorsque le train entrait en gare de Séoul.

Les titres de l’Atelier des Cahiers sontdisponibles dans les librairies spécial-isées sur l’Asie (Phénix, Han-Seine,Opiomane, You-Feng, etc.) et virtuelle-ment dans toute librairie en France etdans le Bénélux (en cas d’absence, nepas hésiter de demander à votrelibraire de les commander). En ligne, sur www.amazon.fr, et surwww.atelierdescahiers.com.

NDLR : Faute de place, nous n’avons mal-heureusement pas pu reproduire les jolisdessins de Nicoby illustrant ce chapitre. Lelecteur pourra donc les découvrir en lisant l’ou-vrage dont les illustrations sont, sans nul doute,un atout supplémentaire.

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La musique coréenne a été particulière-ment à l’honneur en France cette année,puisque après les deux semaines du fes-tival qui proposait à Strasbourg, en juindernier, des expressions tant contempo-raines que traditionnelles, et après lessix jours de septembre où le Musée duQuai Branly accueillait musique de ban-quet, conférence sur le pansori et rituelchamanique, le public parisien a pu as-sister à deux remarquables concerts.Ceux-ci se sont déroulés à la Maison desCultures du Monde, les 25 et 26 novem-bre 2010. Organisés en collaborationavec la radio coréenne Gugak FM, ilsprésentaient deux artistes traditionnelsde premier plan.

Madame PARK Hyun-sook est une desplus grandes spécialistes de la citharegayageum, qu’elle nous a présentée, ac-

compagnée par LEE Tae-baek au tam-bour en sablier janggu. Le gayageum estpeut-être l’instrument le plus embléma-tique de la musique coréenne. On lui

prête des origines très anciennes. Eneffet, le Samguk sagi (Histoire des TroisRoyaumes), ouvrage datant du XIIe siè-

cle, rapporte une légende selon laquellel’instrument aurait été créé sur les direc-tives de Kashil, le roi de Kaya, fédérationtribale du sud de la péninsule, absorbéepar Shilla au VIe siècle. Le gayageum estla cithare la plus répandue en Corée, quiest le seul pays d’Asie orientale à avoirconservé systématiquement des cordesde soie pour ce type d’instruments. Lepublic a donc pu apprécier à sa justevaleur tout l’art des timbres raffinésque cette grande interprète sait tirer deson instrument.

Les spectateurs ont eu, en outre, la trèsagréable surprise d’entendre un sanjo,dans sa forme longue. En effet, l’assis-tance a pu apprécier avec fascinationune interprétation d’une heure d’uneseule pièce, alors que tous les concertsdonnés en France auparavant présen-taient des interprétations atteignant auplus un quart d’heure. La musicienne aainsi longuement développé le début dumorceau sur un rythme libre, en faisant

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Deux concerts d’exception

Par Henri LECOMTE

à la Maison des Cultures du MondeChercheur associé à l’Institut National desLangues et Civilisations Orientales (CRREA),membre associé du Groupe de recherches enethnomusicologie de Paris-Sorbonne (Paris IV).

Chung Jae-kook, au piri, et Yi Ji-young, à la cithare yanggeum, ont enthousiasmé le public par leur in-terprétation du Yeongsanhoesang.

Le grand maître du piri Chung Jae-kook.

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entendre une riche palette de sonoritéset d’ornements, notamment dans la par-tie d’introduction, le daseureum, sur lesdouze cordes de soie de sa cithare. Peu àpeu, le rythme s’accélérait, un peu à lamanière d’un râga de l’Inde du Nord, lesdeux genres faisant largement appel àl’improvisation. Le sanjo a cependantune toute autre origine, puisqu’il dé-coule sans doute de la forme vocale dupansori, ainsi que des rituels chama-niques du sud-ouest de la péninsule. Lepercussionniste relançait d’ailleurs la so-liste par des interjections, comme il au-rait pu le faire pour un chanteur ou unechanteuse de pansori.

Le concert du lendemain était consacréà Monsieur CHUNG Jae-kook, trèsgrand maître coréen du piri, petit haut-bois cylindrique, dont la pratique lui avalu d’être reconnu en Corée commeTrésor national pour le piri jeongak,une des formes de la musique de cour. La première pièce, interprétée en solo,nous a permis d’entrer dans l’univers ma-

gique de cette musique cérémonielle,surnommée «  musique juste »  ou« musique élégante ». Venait ensuite cequi est resté peut-être pour une grandepartie des spectateurs la pièce maîtressedu concert, le Yeongsanhoesang, accom-pagné par Madame YI Ji-young à la ci-thare yanggeum, instrument au parcourscompliqué, puisqu’il est arrivé en Coréepar la Chine, qui le tenait elle-même desJésuites d’une Europe qui avait reçu cetinstrument de la Perse… Comme tou-jours, les musiciens coréens ont adaptécet apport extérieur à leur culture et lacithare est jouée avec une seule baguette,dans un style extrêmement lent et ma-jestueux, le hautbois, lui, jouant avecune infinie délicatesse des phrases silongues et si ornées que l’on a peine par-fois à croire que l’instrumentiste n’utilisepas la technique du souffle continu.

Venait ensuite une pièce interprétée augayageum par Madame PARK Hyun-sook, accompagnée par le janggu, quis’exprimait cette fois dans un style popu-

laire, dont la richesse n’avait rien à envierà celle de musiques considérées commeplus savantes.

C’est par un duo du piri avec le tam-bour janggu, dans une pièce raffinéeinspirée par le bouddhisme, puis parune nouvelle pièce en solo, versioninstrumentale du genre vocal gagok,que devait se terminer le concert.L’enthousiasme du public a cepen-dant amené Monsieur CHUNG Jae-kook à revenir sur scène avec unpot-pourri de classiques du minyo, ausein duquel figurait, bien évidem-ment, le fameux Arirang, dont ilexiste une pléthore de versions dansl’ensemble de la Corée. Comme tou-jours en Corée, il n’y a pas de diffé-rence aussi tranchée qu’en Occidententre musique savante et musique po-pulaire, et cette dernière pièce aconclu avec brio deux concerts d’unetrès grande qualité, qui ont reçu lemeilleur accueil d’un public parisienconquis.

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à la Maison des Cultures du Monde

Gayageum sanjo, interprété par Park Hyun-sook et Lee Tae-baek.

L’actualité culturelle

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Par Mathilde BELLAIGUE, muséologue

La Corée possède, dans l’art de la céramique, une très longue et riche tradition et cet art occupe,au sein de son héritage culturel, une place de choix. Cependant, les occasions de voir des œuvresexposées en France -qu’elles soient anciennes ou contemporaines- ne sont pas fréquentes. Il est donctout à fait exceptionnel de voir se dérouler à Paris, durant un seul et même automne, quatreexpositions mettant à l’honneur, directement ou indirectement, la céramique coréenne. L’événe-ment était suffisamment rare pour être souligné et pour que nous demandions à Madame MathildeBellaigue, muséologue et spécialiste en la matière, de faire pour les lecteurs de « Culture Coréenne »un tour d’horizon de ces quatre expositions, très différentes mais possédant chacune un intérêtartistique particulier.

La céramique coréenne

Vernissage de l’exposition « Céramiques de DauphineScalbert et Yang Seungho » qui s’est déroulée au CentreCulturel Coréen du 8 septembre au 6 octobre 2010.

à  l’honneur à  Paris

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C’est à l’occasion de la 44e Assemblée gé-nérale de l’Académie internationale de cé-ramique (AIC), qui s’est tenue àl’UNESCO en septembre dernier, qu’ontété présentées à Paris, dans le cadre desCircuits céramiques, quatre expositionsautour de la céramique coréenne.

La Korea Ceramic Foundation réunissaità  l’Espace Commines, sous le titre« Croisements vers la communication »(du 12 au 19 septembre 2010), une ving-taine de céramistes coréens contempo-rains témoignant de la vitalité de cet arten Corée. A l’Etoile, c’est l’Espace desArts Mitsukoshi qui proposait ( du 5 oc-tobre au 11 décembre 2010) une exposi-tion intitulée «  CHIN, 4 siècles decéramique, de la Corée au Japon, uneodyssée familiale », celle de quinze géné-rations de la famille coréenne Chin Jukaninstallée au Japon depuis le XVIe siècle.Tandis qu’au Centre culturel coréen, l’ex-position de deux remarquables potiers ac-tuels, la Française Dauphine Scalbert etle Coréen Yang Seungho (du 8 septembreau 6 octobre 2010), était parfaitement re-présentative de l’esprit et des caractères es-sentiels de la tradition coréenne, toujoursvivants dans l’époque et le monde modernes.

Enfin, sous le titre « Jeunes potiers tournésvers la Corée», c’est le travail de quelquesdisciples de ces deux artistes confirmés quele Centre a présenté du 21 décembre 2010au 7 janvier 2011 ; eux aussi témoignent del’influence et de l’heureuse séductionqu’exerce toujours la Corée dans l’art de lacéramique.

Ainsi, tout au long du mois de septem-bre 2010, la céramique coréenne fut-elle à l’honneur à Paris, comme elle l’ararement été. Les trois premières expo-sitions, citées précédemment, démon-traient à la fois la longévité de satradition et sa formidable capacité à s’in-tégrer dans la modernité sans rien perdrede ses caractères essentiels : vitalité, sim-plicité, pureté de la poterie coréenne àtravers les siècles.

Parmi les plus anciens matériaux utiliséspar l’homme, l’argile est celui dont on re-trouve des vestiges - dès le 6e millénaireavant notre ère  - sous forme de simplestessons de terre à peine cuite, à peine dé-corée, parfois d’idoles, parfois de réci-pients... Dès le Xe siècle, en Chine sous ladynastie Song, et en Corée sous la dynas-tie Goryeo, la composition des pâtes, lescouvertes, la cuisson des pièces sont deplus en plus  élaborées ; ces deux paysseront les premiers à affinerla céramique jusqu’à la pu-reté de la porcelaine.

L’histoire de la céramiquecoréenne est si longue, si riche,qu’elle ne saurait être retracéedans le cadre de cet article. Ils’agit seulement, à travers cesquatre manifestations que lesParisiens ont pu découvrirrécemment, de tenter icid’en souligner quelquestemps forts et la perma-nence des caractères.

A la fin du XVIe

siècle au Japon,durant l’époqueMomoyama, lestroupes du généraljaponais ToyotomiHideyoshi envahissentle sud de la Corée àdeux reprises (1592,

1598). Les seigneurs japonais ramènentalors sur leurs bateaux leurs prisonniersde guerre, à savoir les meilleurs artisanscoréens, et cela dans tous les métiers. Ungrand nombre d’entre eux débarquent à

Kagoshima, au sud de l’île de Kyu-shu(sur la plage un monument en témoigned’ailleurs toujours). Parmi eux, une fa-mille de potiers, celle de Shim Chan (queles Japonais orthographieront Chin San )va œuvrer sur place pendant plus de 400ans, et continue aujourd’hui encore en lapersonne de Chin Yukan, 15e descendantdu nom. Dans son fief de Satsuma, le sei-gneur Shimazu installe alors quatre-vingts potiers coréens. Ils sont autorisés à

garder leurs noms, leur langue,leurs costumes et leur culture. Ilfaut savoir que seule la céramiqueblanche est, à l’époque, admise

chez ce seigneur. Ces potiers pro-duisent alors des grès à couverteblanche (« satsuma blanc ») : ob-jets usuels, divinités, céramiques

animalières décoratives de grandetaille, tandis que, dans les

couches populaires, circulentdes objets de grès noir

(« satsuma noir »). Bien-tôt, l’engouement de

l’aristocratie japonaisepour la cérémoniedu thé suscite la réa-lisation des bols lesplus précieux, ceuxpour lesquels l’argileblanche est importée

de Corée, tandis quefaçonnage et cuisson

se font à Satsuma. Ce-pendant, la vogue de-

meure encore à la sobriété,à la simplicité de l’esthétique

zen du wabi-sabi1. En 1624,on découvre toutefois sur place

des argiles blanches, en particulier sur ledomaine de Satsuma, puis le kaolin àArita (toujours dans l’île de Kyu-shu).Cela va entraîner la production d’émauxpolychromes sur couverte et de dorure.En 1868, avec l’ère Meiji, le Japon s’ouvre :d’innombrables commandes affluent del’aristocratie, de clients prestigieux dumonde entier, comme le tsar de Russie,Nicolas II. Le japonisme se développe à

Par Mathilde BELLAIGUE, muséologue

L’actualité culturelle

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CHIN Toju, 2e du nom, bouteille àsaké. Grès à couverte brune, décorau doigt à l'argile blanche. Premièremoitié du XVIIe siècle.Espace des Arts Mitsukoshi-Etoile,5 octobre-12 décembre 2010

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Dauphine SCALBERT,Pot avec couvercle, buncheong

HWANG Kap-sunVases. Porcelaine, techniques de coupe et polissage modernes.Espace Commines 12-19 septembre 2010

la faveur des expositionsuniverselles, et la céramique

devient de plus en plus sophisti-quée ; chaque pièce, généralement

en grès - plus plastique que la porce-laine -  est un tour de force technique :

ajourage, motifs rapportés en relief, formescomplexes, foisonnement de couleurs et d’or,

le fameux « brocart d’or » qui deviendra unatout de la future Manufacture Chin Yukan.

La belle simplicité coréenne disparaît alors. L’es-prit originel du wabi-sabi s’est perdu.

Aujourd’hui la Manufacture Chin Yukancherche à se diversifier, en produisant à la foisde l’utilitaire et de l’ornemental.

A l’Espace Commines l’exposition de la jeunecéramique coréenne se déclinait en trois thèmes- tradition vivante, études de formes, matériauxexpressifs - et parvenait très naturellement àconjoindre tradition et modernité. On y re-trouvait les critères de la céramique coréenne :simplicité, «  honnêteté  » des matériaux,tranquillité appelant la contemplation.L’histoire du blanc est ancienne en Corée :aux premiers siècles de notre ère, le peuple

Puyo, habitant le Nord, était appelé « lepeuple en blanc » à cause de ses vête-

ments. Or, c’est d’abord la blancheurqui accueillait le visiteur de l’expo-

sition de l’Espace Commines,avec la grande « Moon-Jar »

sphérique de Park Sung-wook, tout à fait dans la

tradition des tal-han-gari des ateliers duBunweon aux XVIIe-XVIIIe siècles. Cetteblancheur était ponc-tuée de vases en grèsbrun de grande taille,avec leur panse aux

larges facettes, leursurface que les cendres

déposées par une longuecuisson avait rendue ru-

gueuse (Lee In-Chin), etdes jarres de grès sombre au

sel, dit puré, de Jang Yeong-pil, rappelant les jarres onggi.

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Le blanc encore avec les objets de porce-laine Joseon, plus petits, plus délicats : us-tensiles de calligraphie sobres et parfaitsde Lee Young-ho, boîtes au design très purde Moon Byung-sik. Le céladon était re-présenté par les assemblages de grands pé-tales s’arrondissant en forme de vases deLee Eun-bum. La diversification desformes et des couleurs apparaissait dansles panneaux muraux de Han Young-sook, les plaques aux reliefs colorés de YuSang-duk. Pour ses vases cylindriques,Hwang Kap-sun combinait avec dextérité

les porcelainesblanches (de Joseon)et la technique indus-trielle permettant de lesinciser d’un trait bleu, deles couper et les polir. Quelquesinstallations : colonnes, miroirs en-serrés dans la terre et capturant le ciel(Lee Eunmee), objets minuscules commecoraux et brindilles de porcelaine blanchesans émail (Chung Jin-won) ... terminaientce parcours. Sans pouvoir énumérer tousles vingt artistes qui y participaient, il estbon de souligner que l’on pouvait observer,dans cette exposition, la tradition impré-gner la modernité sans jamais la contrain-dre, toutes deux se rejoignant dans lasobriété propre à l’art coréen.

Dauphine Scalbert et Yang Seungho, ar-tistes de grand talent, réussissaient eux àtransposer poétiquement les critères co-réens dans leur œuvre. Dauphine Scalbert,parce qu’elle a étudié et travaillé pendantcinq années en Corée, qu’elle reste mar-

quée par sa culture -  particulièrement lesgrès et les porcelaines de la dynastie Yi –par ses paysages, les modes de vie des po-tiers à la campagne, leurs matériaux, leurssavoir-faire. Les terres de la Puisaye (oùelle vit et travaille) non tamisées, lesformes pleines, l’engobe blanc, les cou-vertes aux cendres et les couleurs natu-relles donnent à ses pièces ce caractère queYanagi Soetsu, le philosophe japonaisamoureux de la poterie coréenne, appelaitshibusa2. Quant au second artiste YangSeungho, qui est coréen, il puise ses

sources au royaume de Silla(576-935). Yang est un

homme de la na-ture, du boud-

dhisme, du feu qui le passionne ; il aconstruit de nombreux fours et cuit dansun four tonggama. Ses formes s’apparen-tent aux melons, aux calebasses, auxpousses de bambou... et ses pièces intè-grent souvent une branche ou une brin-dille ; leurs couleurs sont naturellementcelles de la terre et du feu, et leur surfaceest entièrement craquelée, crevassée même,comme par quelque dévastation ignée outellurique.

C’est pour la sensibilité  à la céramique co-réenne que leur ont communiquée leursaînés Dauphine Scalbert et Yang Seung-ho, que sept jeunes potiers ont égalementexposé dans leur sillage3, en décembre, auCentre culturel coréen. Le public parisiena ainsi pu découvrir également le travail de

jeunes artistes très prometteurs qui se sontlaissé influencer avec bonheur par le carac-tère coréen du travail de l’argile. Leur ex-position nous a donné à voir des formessimples et naturelles, des couleurs sobreset pures, attraits de la céramique coréennequi a acquis, aujourd’hui une belle renom-mée internationale.

S’il est une autre qualité qu’il faudrait re-connaître à la céramique coréenne, c’estqu’à ce jour, elle est entrée dans la moder-nité sans recherche forcée de l’originalité,sans recourir à des abus de couleurs, touten préservant son identité faite de simpli-cité et de clarté. Elle a, en fait, su conservercette qualité primordiale que les grandsmaîtres d’antan appelaient la «  bien-séance ». Cela peut paraître trop discret,trop silencieux. Surtout dans un mondequi, aujourd’hui, favorise davantage l’éclat,

le spectaculaire, où parfois une espèce defolie semble s’emparer des formes de la

sculpture céramique, de ses couleurs,au moment où - à bon droit - elle neveut plus être considérée comme

« un artisanat » au seul service del’usuel, mais revendique - à juste titre -

le nom d’art.

L’ensemble de ces intéressantes mani-festations qui se sont déroulées derniè-

rement à Paris aura servi, justement, ànous prouver qu’au «  pays du matincalme » vit toujours ce grand art, avectoute la force que lui donnent son passémais aussi sa capacité à innover.

1 Concept esthétique dérivé du bouddhisme zen etcomportant l'idée de simplicité, de nature, de soli-tude ainsi que d'altération du temps.

2 « … c'est l'humilité qu'on peut décrire commeatténuée, austère et réservée, c'est la pauvretéclaire, simple et sereine... ».Yanagi Soetsu, Artisan et Inconnu, p. 73. Paris,L'Asiathèque, 1992 (traduction Mathilde Bel-laigue).

3 Yohan Grosset, Marie Lautrou, Florent Paroutaud,Robin Samson, Olivier Six, Lise Soubrane, SylvainThirouin - Exposition du 21 décembre 2010 au 7janvier 2011 -.

Notes

YANG Seungho, « Chant of life », 1998

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La 3e édition du festival « Rêves d’enfants », qui s’est déroulée au Centre Culturel Coréen du 15 au 19novembre 2010, a remporté, cette année encore, un beau succès. Les enfants des écoles primaires pari-siennes, accompagnés de leurs professeurs, ont pu découvrir dans le cadre du festival deux nouveaux ate-liers, « Calligraphie » et « Taekkyon », ainsi qu’un très joli spectacle poétique, créé pour la circonstanceet intitulé « Cosmogonies », évoquant des mythes sur la création du monde etdes astres. Avec un « concert pédagogique » permettant de goûter auxpercussions coréennes et une « représentation de contes populaires »(qui avaient déjà suscité beaucoup d’enthousiasme les années pré-cédentes), le programme du festival a vraiment séduit les enfants.Ce fut, pour la plupart d’entre eux - à travers des activités ludiqueset stimulantes -, un premier contact avec la culture coréenne. Et,vu les sourires radieux et la joie des enfants, on peut indiscutable-ment dire que ce premier contact a été excellent !

« Rêves d’enfants » 2010le festival des minots en images

Notre directeur M. Choe Junho, saluantles enfants à la sortie du Centre

« Magie des percussions coréennes »par l’ensemble «Les sonneurs demondes». Les enfants ont décou-vert, à travers un conte coréen, lesprincipaux instruments à percus-sion et leur langage.

Grâce à la passion et àl’énergie communicativede la pétillante Noëlla Kim,les enfants ont été vraiment

captivés par les contes coréens.

G.A

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L’actualité culturelle

Fabrication d’objetsscéniques, création d’effets sonores,

manipulations de marionnettes artistementréalisées, étaient les atouts du très poétique specta-cle « Cosmogonies » créé par la compagnie Unikaji.

L’atelier de calligraphie animé par Choe Joo-young  : un exercice ludique de patience,

d’application et de concentration.

L’atelier de Taekkyon,animé par les maîtres

Jean-Sébastien Bressy etGuillaume Pinot (sur la

photo), a permis aux enfantsde découvrir un art martial

coréen très ancien. Ils ont étéconquis par la présentation

ludique du Taekkyon, in-cluant des jeux traditionnels

d’agilité et d’équilibre particu-lièrement stimulants.

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Le taekkyonun art martial qui « swingue »

Vous avez entendu parler, bien sûr, du taekwondo, ce sport national coréen. Mais connais-sez-vous le taekkyon ? Un art martial quasiment « non violent », qui plonge ses racinesdans le passé de la Corée ? Une discipline que l’on peut pratiquer à tout âge ? Non ? Alorslisez cette interview de Jean-Sébastien Bressy, président et secrétaire général du Centre Fran-çais du Taekkyon, enseignant et maître 4e dan de ce sport de combat original et ludique,que Culture Coréenne a rencontré pour vous à l’occasion de l’ouverture à Bagnolet, en sep-tembre dernier, d’une première salle d’entraînement.

- Culture Coréenne : A quelle époque letaekkyon est-il apparu en Corée ?

-Jean-Sébastien Bressy : On ne sait pasexactement quand. Le mot apparaît aumilieu du XVIIe siècle dans un texte quidit que des enfants vont dans la mon-tagne faire des sauts, du « taekkyon » etdu « ssireum », la lutte traditionnelle co-réenne. Au siècle suivant, l’ouvrage inti-tulé Jaemulbo affirme que le taekkyon,est ce qu’on appelait auparavant lesubak, dont l’histoire remonte au moinsau Xe siècle. En ce qui concerne les tech-niques du subak (aussi appelé subakhui)on ne sait rien si ce n’est que su veut direla/les main(s), bak veut dire frapper ethui jeu. Ce pourrait donc être « le jeu oùl’on frappe avec les mains ». Il est pro-bable qu’on retrouve dans le taekkyoncertaines techniques du subak(hui). Onsait que le roi le pratiquait et qu’il yavait des compétitions de subak(hui)destinées à sélectionner les soldats lesplus forts, appelés à former la garde pri-vée du roi. Par la suite, cette disciplines’est diffusée dans le peuple qui appré-ciait son côté ludique, en particulier sousla dynastie Joseon, lors des fêtes saison-nières de Dano et Chuseok qui faisaients’affronter des groupes venus de villagesvoisins. Sous Joseon encore, les noblesont perdu leur intérêt pour cet art mar-tial et se sont plutôt tournés vers les let-tres, probablement du fait de l’influencenéo-confucianiste. Pendant la colonisa-Maître Jean-Sébastien Bressy.

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tion japonaise, cette discipline a été in-terdite, d’où son déclin. Il faut attendreles années 1970 pour que Song Dok-ki(1893-1987), le dernier expert de taek-kyon, en ressuscite en quelque sorte lapratique. Shin Han-seung (1928-1987),son élève, s’est efforcé de faire reconnaî-tre cet art martial par les autorités, ce quis’est fait de manière éclatante quand letaekkyon a été élevé au titre de « trésorculturel intangible » N° 76 en 1983.Enfin, Lee Yong-bok, élève de ces deuxmaîtres, a œuvré et œuvre aujourd’huiencore pour que le taekkyon puisse êtrepratiqué par le plus grand nombre en ré-organisant notamment les compétitionssaisonnières « gyeoryeon taekkyon » dès1985.

-C. C. : Quelles sont les spécificités dutaekkyon par rapport aux autres artsmartiaux ?

-J.-S. B. :On utilise beaucoup les pieds,pour faucher l’adversaire ou le pousser,par exemple. Mais les techniques visentà ne pas le blesser. On ne cherche pas àlui faire mal, mais à le faire tomber, unpeu comme au judo. L’esprit de cette dis-cipline est avant tout ludique. Onpousse, on tire l’adversaire, on tente dele déséquilibrer. Celui qui est amené àposer par terre une partie autre que lespieds a perdu. Une deuxième manière degagner est de frapper à la tête avec uncoup de pied, mais là encore, il ne fautpas assommer l’adversaire. Un coup par-ticulier est le coup de pied-gifle : onfrappe le visage avec le plat du pied. Letaekkyon comporte aussi des techniquesdestinées à blesser: mettre les doigts dansles yeux, assommer en frappant latempe, frapper à la glotte. Il y a mêmeune technique pour déboîter la mâ-choire! Song Dok-ki disait que son pro-pre maître ne savait pas de quand ellesdataient et qu’elles étaient regroupéessous le nom de yetbeop, « anciennes mé-thodes », probablement utilisées par lesmilitaires, mais interdites en compéti-tion. On les enseigne encore en Corée àpartir du 2e dan, soit après au moinsdeux ans de pratique assidue. Cepen-dant, le taekkyon est avant tout un sportde modération. Au taekwondo, parexemple, il faut porter des protectionsparce que les coups sont donnés à pleine

puissance. Au taekkyon, on n’en portepas, on est donc obligé de constammentcontrôler son niveau de violence.

-C. C. : Vous avez parlé de 2e dan. Est-ce qu’il y a dans ce sport un système degrades, comme la couleur des ceinturesdans le judo ou le karaté ?

-J.-S. B. : La différenciation des grades sefait non par des ceintures, mais par lacouleur du vêtement: le cheollik, qui estune sorte de manteau court. Il existeneuf niveaux de pum, à savoir l’appren-tissage des mouvements de base, et en-suite, il y a neuf dan. Pour les neufniveaux de pum, tout le monde porte lamême tenue blanche - la couleur de base

des vêtements traditionnels du peuplecoréen- avec une ceinture noire. Pour le1er et le 2e dan, o n porte un cheollik noiravec des manches blanches et une cein-ture orange vif. Pour les niveaux 3e et 4e

dan, on est en vert foncé; aux 5e et 6e

dan, en bleu foncé; aux 7e et 8e dan, enrouge Bordeaux. Ces cheollik se portentavec une ceinture dorée. Au 9e dan, onest en noir, avec une ceinture argentée. Ilfaut préciser qu’à la différence du judo,il est interdit de saisir l’adversaire parson vêtement.

-C. C. : La chose qui surprend le plusquand on assiste pour la première fois àune démonstration de taekkyon, c’est unbalancement d’avant en arrière qui lui

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Le taekkyonInterviews

Maître Jean-Sébastien Bressy animant l'atelier de taekkyon, lors dufestival "Rêves d'enfants" organisé au Centre Culturel Coréen du15 au 19 novembre 2010. A gauche sur les deux photos : le maîtreGuillaume Pinot.

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donne un aspect un peu dansant. Quelleest la fonction de ce mouvement assezdéconcertant ?

-J.-S. B. : Ces mouvements fluides etcontinus appelés pumbalgi sont uneautre caractéristique du taekkyon.L’idée, c’est de poser un pied vers l’ad-versaire pour l’inviter à attaquer. On ap-pelle ça le daejeop, qui se traduit aussipar hospitalité ou accueil. Mais ce dépla-cement permet aussi d’éviter les attaquesavec agilité et rapidité! Par rapport autaekwondo, on s’efforce de rester prochede l’adversaire et plus de face, en étantplus ouvert.

-C.C. : Le taekkyon est-il encore trèspratiqué en Corée ?

-J.-S. B. : La Fédération Coréenne deTaekkyon compte environ 10 000 adhé-rents pratiquants aujourd’hui. La re-po-pularisation de cet art martial s’estaccomplie dans les années 1980-90; cettediscipline a donc perdu un peu de ce ca-ractère de nouveauté qu’apprécient tantles Coréens. Les jeunes trouvent amu-sants ces mouvements dansants, maiscomme partout, ils aiment apprendre cequi vient d’ailleurs. Quand on est jeune,on est attiré par l’exotique, il me semble!

-C. C. : Comment avez-vous personnel-lement découvert le taekkyon ?

-J.-S. B. : Très jeune, j’ai rêvé de me ren-dre en Asie, d’y trouver un maître quim’apprendrait la sagesse. Ma mère, unecomédienne qui était très ouverte auxcultures étrangères, me lisait des contes

qui parlaient de Lao Zi, de dragons etd’empereurs célestes. J’ai rêvé de parlerune langue asiatique tout jeune et puisj’ai commencé à apprendre le coréen enautodidacte. J’ai aussi suivi des cours auCentre Culturel Coréen et, en 2004, jeme suis décidé à franchir le pas, je suisparti, un peu en touriste. Comme au dé-part je suis comédien, j’espérais exercermon métier dans des productions ciné-matographiques locales. Je voulais aussipratiquer un art martial authentique. J’aicommencé par le sabre coréen, puis j’aifait du taekwondo, mais je ne me sentaispas très à l’aise dans ces disciplines.Enfin, j’ai découvert le taekkyon et ça aété le coup de cœur. Assez rapidement,mon maître, Moon Yong-cheol, m’a pro-posé de suivre une formation pour deve-nir enseignant, car personne ne donnaitde cours de taekkyon en France. Inté-ressé par l’enseignement, je me suis ditque c’était une occasion unique à saisiret de fait, enseigner le taekkyon, c’estune aventure extraordinaire ! J’ai doncsuivi une formation intensive validée parun examen en coréen.

-C. C. : Avez-vous trouvé dans cette dis-cipline la dimension spirituelle que vousrecherchiez ?

-J.-S. B. : Je crois oui, mais je ne m’atten-dais pas à ça! Je cherchais en fait unvieillard qui m’enseignerait des secretsmystiques et j’ai trouvé un jeune maîtreà peine plus âgé que moi, mais qui pra-tiquait un art imprégné de sagesse et dece que les Coréens appellent « co-pros-périté »: une entente mutuelle pour laprogression de chacun.

-C. C. : Combien d’adhérents avez-vousactuellement en France ?

-J.- S. B. : En France, le taekkyon n’enest encore qu’à ses débuts. Je suis revenude Corée avec maître Guillaume Pinot auprintemps 2010. Nous avons commencéles cours a la rentrée de septembre. Nousavons actuellement quinze élèves, qui ap-partiennent à toutes les tranches d’âge.Les enfants peuvent être inscrits à partirde 6 ans. Une autre particularité de noscours est que nous avons voulu fairecomme en Corée et les ouvrir aux fa-milles. Il existe un forfait famille avec le-quel, pour le montant d’une seulecotisation, on peut venir au Chonsug-wan (salle d’entraînement) s’entraîneravec son conjoint et ses enfants au mêmetarif.

-C. C. : Pouvez-vous nous résumer enquelques mots tout l’intérêt pour le corpset pour l’esprit que représente la pratiquedu taekkyon ?

- J.-S. B. : D’abord, on peut commencerà n’importe quel âge. Par exemple enCorée, il n’est pas rare de voir des sexa-génaires s’amuser à le pratiquer et fairede la compétition. C’est une pratique oùon peut progresser en douceur. Pour lesenfants c’est magnifique : ils sont en gé-néral plus agiles et plus acrobatiques queleurs aînés et commencent déjà à déve-lopper leurs propres tactiques. Et sur-tout, c’est un art martial avec desmouvements très fluides, naturels danslequel toutes les parties du corps sontsollicitées. Enfin, l’état d’esprit qui estcultivé dans la pratique est assez fasci-nant: on ne cherche pas à détruire l’au-tre, c’est presque non-violent avec uncôté festif et amusant unique.

Pour tout renseignement concernant lescours de taekkyon et les inscriptionscontacter le Chonsugwan de Bagnolet“La Maison du Taiji”.57 rue Jules Ferry 93170 BagnoletCourriel: [email protected]él: 06 13 73 32 40

Propos recueillis par Jacques BATILLIOT

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Les maîtres et élèves du Chonsugwan de Bagnolet, premier lieu de pratique dutaekkyon en France, qui a ouvert ses portes en septembre 2010.

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- Culture Coréenne : Vous avez obtenu toutau long des années 1960 une licence en droit,un diplôme de chinois, un diplôme de coréen,un DES de droit public, une licence ès lettres(chinois), puis un doctorat du 3e cycle en lit-térature coréenne. Quelle vocation de départvous a-t-elle amené à suivre ce cursus ?

- Marc Orange : J’avais pensé, en cas d’échecau baccalauréat, m’inscrire à une école dephoto. C’est une passion qui m’est restée ;j’ai même une collection de 650 appareilsde photo. Mais j’ai eu le bac. Ce que j’auraisaimé alors, c’est être chirurgien ; mais j’étaispupille de la nation et je ne voulais pas melancer dans des études longues. Je me suisdécidé pour le droit, suivant le vieil adagequi dit que le droit mène à tout  ! J’aid’abord choisi l’option économie politique,que j’ai abandonnée au bout de deux ansparce que je me suis rendu compte quec’étaient de belles théories, mais que dansla pratique, ça ne menait pas à grand-chose,et je suis passé au droit pur. Je me suis ditqu’il fallait que je fasse quelque chose àcôté, une langue un peu « originale » parexemple. J’ai fini par opter pour le chinois.Mais je n’avais toujours pas de projet decarrière.

- C. C. : Dans quelles circonstances êtes vouspassé à l’apprentissage du coréen ?

- M. O. : Alors que j’étais en 2e année dechinois, un copain m’a dit : « Si tu trouvesqu’il y a trop de monde en chinois, va encoréen, il n’y a personne ! ». J’y suis allé eten effet, il n’y avait que trois étudiants.C’est comme ça que je me suis lancé danscette langue. Et comme j’aime bien finir ceque j’ai commencé, j’ai mené de front mesétudes de droit, de chinois et de coréen.

-C. C. : Que saviez-vous de la Corée avantd’étudier à l’Ecole nationale des languesorientales vivantes, les « Langues’O »?

-M. O. : Il n’y avait pas d’antécédents coréensdans mon entourage, aucun oncle qui aitparticipé à la guerre de Corée. Au début desannées 1950, j’étais en pension. Je me sou-viens qu’un matin, le directeur est venu nousdire : « Une nouvelle guerre s’est déclarée enCorée. Espérons que ce ne sera qu’un épisodecourt et ayons une pensée pour ces gens quise battent. ». C’est comme ça que j’ai en-tendu parler de la Corée pour la premièrefois, même si ça n’a rien à voir avec le fait quej’ai appris le coréen.

- C.C. : Comment la vocation d’enseignantvous est-elle venue?

- M. O. : Un peu par hasard. J’ai essayé d’en-trer à l’EFEO, l’Ecole française d’Extrême-Orient, grâce à mon diplôme de chinois.

Mais on m’a dit qu’il aurait été préférableque j’aie une licence en lettres. J’ai donc re-pris mes études en ce sens. Puis, commej’étais marié, je me suis dit qu’il fallait queje trouve un emploi. J’ai d’abord fait unedemande au CNRS, en Droit comparé.On m’a dit qu’il n’y avait pas de place. J’aià nouveau déposé une demande, en languecette fois, et j’ai été accepté pour le coréenen 1965.

- C. C.  : Avez-vous été recruté du fait devotre profil personnel, ou bien y avait-il à cemoment-là un besoin dans cette discipline ?

-M. O. : D’une part, j’étais le premier ; il n’yavait jamais eu de postulant pour cettelangue. D’autre part, j’avais peut-être effec-tivement un profil original. J’ai été stagiairedeux ans et ensuite attaché de recherche.Entre-temps, j’avais terminé ma thèse de 3e

cycle. Au bout de dix ans, j’ai été « bas-culé »  dans le corps des ingénieurs - c’est-à-dire un groupe où l’on met des personnesà qui l’on reconnaît une certaine valeur,mais que, pour des raisons très variables, onn’a pas pu intégrer comme chercheurs.

-C. C. : Dans quelles circonstances vous êtes-vous rendu pour la première fois en Corée ?

- M. O. : C’était après ma thèse de 3e cyclesur la littérature classique. Je n’y étais ja-

Marc Orange ou l’élégance du donAncien ingénieur de recherche au C.N.R.S., chargé de coursen coréen aux universités Paris 7 (1970-2002) et Paris 10 (1971-1983), directeur de l’Institut d’études coréennes du Collègede France de 1992 à 2002, Marc Orange, éminent coréano-logue, « honnête homme » dans le sens que l’on donnait àcette expression au 17e siècle*, s’est toujours intéressé auxlangues - chinois, coréen, mongol, thaï - et aux cultures asia-tiques. Il a aussi toujours pratiqué sans compter le don de soi-même, au grand bénéfice de ses étudiants. Rencontre avecun homme de cœur, d’intelligence et d’esprit.

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Photo Jacques BATILLIOT

Interviews

* N.D.L.R .: homme "agréable et distingué par les manières comme par l'esprit, les connaissances" (Le Petit Robert).

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mais allé, si bien que j’étais plus à l’aise surdes textes du 18e siècle, avec beaucoup decaractères chinois, que sur un article dejournal coréen ! J’ai été le premier boursierfrançais du gouvernement coréen. Je suisparti au début des années 1970, en prin-cipe pour deux ans, mais j’ai dû repartir aubout d’un an pour des raisons familiales.J’ai suivi des cours pour étrangers à l’uni-versité de Séoul. A cette occasion, j’ai vrai-ment découvert cette ville: les cours ayantlieu le matin, j’avais décidé de visiter à piedet de façon systématique un dong - unquartier- par semaine, et j’ai respecté ceprogramme.

- C. C. : Quel était le profil de vos premiersétudiants en coréen ?

- M. O. : J’ai donné des cours de langue,puis de littérature et ensuite sur l’étude desdictionnaires. J’ai aussi travaillé à la Sor-bonne. Comme on m’avait dit de faire mo-derne, une année, j’ai travaillé sur la BD.Résultat : je devais avoir un étudiant ! Leprofil de ceux qui étudiaient le coréen ?Des jeunes gens qui avaient une petite amiecoréenne, la mère d’un missionnaire, etc.C’était très hétéroclite. A l’époque, auxLangues’ O, les enseignements étaient di-visés en « grandes langues » et « petiteslangues ». Certains choisissaient le coréenparce qu’ils pensaient qu’une petite langue,c’était plus facile … jusqu’à ce qu’ils décou-vrent sa grammaire ! De façon générale,ceux qui étudiaient le coréen (peu nom-breux par ailleurs) n’avaient pas vraimentde vocation. Beaucoup ne savaient mêmepas trop où était la Corée, qu’ils confon-daient sur une carte muette avec l’Indo-chine, une autre péninsule!

- C. C. : Vous avez la réputation d’avoir, defaçon désintéressée, aidé beaucoup d’étu-diants coréens dans leurs études.

- M. O. : C’est vrai que j’ai passé pas mald’heures à corriger des thèses, sur le fondou sur la forme. Je n’ai pas su appliquer àmoi-même le principe de Montaigne : « Ilfaut se prêter aux autres et se donner à soi-même », mais c’était un choix. Et puis, celaen valait la peine, car il y souvent eu à la clé,

pour ceux que j’ai aidés, des mentions trèshonorable. Un jour, je me retrouve enavion assis à côté d’un étudiant qui se ren-dait en Corée et qui me dit : « Je ne suispas sûr que ma thèse soit au point. Est-ceque vous pourriez me la relire ? ». Commeà l’époque le voyage durait 18 heures et queje ne dors pas en avion, j’ai passé montemps de vol à relire -et à largement corri-ger- son texte.

- C. C. : Pouvez-vous me dresser un rapidetableau de l’évolution de la coréanologie enFrance ? Est-ce qu’on peut prendre commepoint de départ l’œuvre de Maurice Courant,qui a vécu de 1865 à 1935 ?

- M. O. : C’est vrai que les choses ont com-mencé avec lui. Il était sinologue. En se fai-sant aider par des gens compétents, il apublié sa Bibliographie coréenne en quatrevolumes, le premier en 1894. Quand on litla préface, on a vraiment l’impression dequelqu’un qui s’est immergé dans la culturecoréenne, qui appréciait sa littérature. Il aété ensuite affecté à une chaire de sinologieà Lyon et il s’est moins intéressé à la coréa-nologie . Puis la Corée est devenue japo-naise et il y a eu un hiatus conséquent. Onpeut considérer que c’est Charles Hague-nauer qui a relancé ce chantier. C’est lui quia créé un premier Centre d’études co-réennes, rattaché à la Sorbonne. C’est luiaussi qui a lancé le certificat d’études co-réennes et qui a été au départ de l’enseigne-ment du coréen en France au début desannées 1960. C’est encore lui qui a faitvenir de Séoul Li Ogg, le premier ensei-gnant de coréen en France - et de ce faitmon professeur - , qui était un historien dela Corée ancienne. Quand j’ai commencéà étudier cette langue, nous étions quatreétudiants et à la fin du cursus, nous restionsdeux. Cela s’est étoffé peu à peu, mais audébut, c’était assez confidentiel -et sympa-thique. De temps à autre, on arrêtait lecours avant la fin et on allait prendre unpot avec Li Ogg. C’est comme ça que j’aiappris beaucoup de choses sur la Corée, caron pouvait l’interroger sur n’importe quelsujet. Puis Li Ogg est parti à Paris 7 etAndré Fabre l’a remplacé aux Langues’ O.Enfin, la réforme universitaire consécutive

aux événements de mai 68 a conduit à latransformation de l’ancien certificatd’études coréennes à la Sorbonne en une li-cence de coréen à Paris 7.

- C. C. : Vous êtes membre du jury du Prixculturel France-Corée, instauré par l’ambas-sade de la république de Corée en France, etvous avez par ailleurs toujours fréquenté as-sidûment, depuis sa création, le Centre Cul-turel Coréen qui fête cette année ses trenteans d’existence. Que pouvez-vous dire del’évolution de la diffusion de la culture co-réenne en France ?

- M. O. : Je connaissais relativement bienle premier directeur, un ancien journalisteami de Li Ogg, qui avait travaillé au servicede presse de l’ambassade. Par ailleurs, m’in-téressant à la Corée, je me suis toujours ef-forcé d’assister aux manifestationsculturelles concernant ce pays. A l’époque,c’étaient surtout des expositions de pein-ture, assez peu de conférences, pratique-ment pas de cinéma, à peine un film detemps en temps. L’approche culturelle està présent beaucoup plus diversifiée. LeCentre Culturel Coréen a, par exemple,largement contribué à faire connaître le ci-néma coréen en France. Chaque fois quequelqu’un organise un festival d’art coréen,il fait appel au Centre Culturel qui va lesoutenir et qui effectue donc un remarqua-ble travail dans la diffusion de la culturecoréenne, avec un succès de plus en plusévident.

-C. C. : Pour conclure, quel regard MarcOrange jette-t-il sur la carrière bien rempliede Marc Orange ?

-M. O. : Je n’exclus pas que certains aientparfois pu me considérer comme un peutrop « décontracté », disons. Mais c’estavec le plus grand sérieux que j’ai toujoursaccompli les tâches qui m’étaient confiées,quelles qu’elles aient pu être - même si j’aiparfois essayé de le faire avec humour.

Propos recueillis par Jacques BATILLIOT

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A l’assaut des nombreux sentiers de randonnée de Corée.

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Voyages, tourisme

La Corée du Sud est l’une des régions les plus montagneuses du monde; 70% de son territoire sont couverts de mon-tagnes, offrant aux Sud-coréens et aux touristes étrangers de nombreuses et belles balades.

Parmi les nombreuses possibilités de randonnée en Corée, les sentiers Jeju Olle, sur l’île de Jeju, sont parmi les plusbeaux. Cette région est bordée par l’océan et possède d’épaisses forêts de pins. On y trouve également la plus hautemontagne de Corée, le Mont Halla, un volcan éteint qui culmine à 1950 m. Jeju Olle est un endroit unique pours’échapper de la ville et se balader au sein d’une nature resplendissante. Certains sentiers cheminent à travers la forêt,d’autres le long de la plage, d’autres encore passent par un village ou les trois à la fois. En tout,ce sont 216 km de sentiersqui serpentent à travers l’île et permettent de découvrir la variété de sa végétation.

Outre Jeju Olle, il existe en Corée un autre parc national très vaste et possédant de nombreux sentiers de randonnée.C’est le mont Jiri (Jirisan), la deuxième plus haute montagne de Corée. Il est célèbre pour ses 300 km de sentiers situéssur les flancs et tout autour de la montagne. Ces sentiers permettent de profiter de la nature mais aussi de découvrirl’histoire et les traditions des villages traversés en chemin. Là, les seuls bruits que peuvent entendre les promeneurs sontceux de la nature et c’est pour ceux-ci, loin des bruits de la ville, une véritable coupure avec la vie quotidienne. C’estpourquoi de nombreux visiteurs viennent se ressourcer régulièrement à Jirisan.

Pour plus de renseignements sur les parcs nationaux en Corée, visitez www.visitkorea.or.kr.

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Livres

Parmi les « jeunes gens en colère » qui ont ré-volutionné le théâtre coréen à partir des années70, Yi Hyòn-Hwa occupe une place singulièrepar sa brutalité provocante. Il empoigne le spec-tateur en l’obligeant à s’interroger sur ses lâchetéset en le confrontant à son voyeurisme jusqu’aumalaise (Yi Hyòn-Hwa a connu de nombreuxdémêlés avec la censure). C’est un poète à lalangue travaillée, creusée, souvent mise en bou-cles obsédantes, assumant le double héritage desrituels coréens et d’un théâtre de la cruauté ins-piré d’Antonin Artaud. Il offre un théâtre depièces brèves et cinglantes qui ont marqué leurépoque par leur modernité, et continuent au-jourd’hui à séduire la jeune génération.

-Ed. Imago-

Poèmes inspirés par un voyage au Groenland etimprégnés par le souffle profond des glaciers…« Un jour, où le monde avait l’air triste sous unechaleur indigne du mois d’avril, j’ai quitté Parispour franchir le cercle polaire. Au moment del’atterrissage à Tromso, Norvège, il neigeait àgros flocons. Au-delà du cercle polaire, je scru-tais le chemin qui mène au pôle Nord. Et là-bas,m’appelait le Groenland…J’ai refait mes valisespour me trouver à Ilulissat. Ma rencontre a eulieu, avec les icebergs et les baleines déjà arrivéesdu sud avant moi. Et je continuais à monter etmonter vers le nord… »Moun Young-Houn est né en 1956. Arrivé en Franceen 1987 pour ses études sur André Malraux, il a déjàpublié trois recueils en français aux éditions Racine.« Poèmes Arctiques » est son 4e recueil.

-Ed. Arichi-

Récit saisissant de la vie d’un médecin pendant laguerre de Corée, Monsieur Han est une œuvrecharnière dans la littérature coréenne contempo-raine. Séparé de sa famille, brutalement plongé dansun univers de corruption et de suspicion, M. Hanest confronté aux effets pervers de sa nouvelle si-tuation. À travers ses tribulations, Hwang Sok-yongdresse le portrait d’un monde divisé entre Nord etSud, en pleine tourmente idéologique, entre sou-mission et trahison, lucidité parfois cruelle et puridéalisme. D’où la beauté pathétique de son person-nage, pris malgré lui dans l’engrenage de l’histoire.Hwang Sok-yong , né en 1943, fait partie des plusgrands écrivains asiatiques de sa génération. Il a produitune œuvre qui reflète les tourments traversés par la Corée.Son engagement lui a valu l’exil et la prison. La plupartde ses romans ont été récompensés par de prestigieux prixlittéraires, et sont lus dans le monde entier.

-Ed. Zulma-

En 1778, le soleil de la prospérité brille sur Joseon.Mais une série de meurtres plonge la capitaledans l’angoisse. Au chevet de chaque victime, aété déposé un livre du romancier le plus popu-laire de l’époque… L’impétueux dosa Yi de laHaute Cour de Justice est chargé de l’enquête…Commence pour lui la période la plus déroutantede son existence, celle où il va se frotter aux com-plots, trahisons et guet-apens, frôler la mort etnouer une amitié qui va changer sa vie… Né en 1968 en Corée du Sud, Kim Tak-hwan apublié plusieurs romans fantastiques et historiques,dont « L’immortel Yi Sun-sin », série historiqueen 8 volumes adaptée et diffusée par la KBS. Il estactuellement professeur de littérature à l’Universitéde Hanam.

-Ed. Philippe Picquier-Titres récemment parus chez Picquier Jeunesse  :« Les petits pains de la pleine lune » de Gu Byeong-mo et « Si j’étais Fifi Brindacier » de Yoo Eun-sil etMarianne Nicolas.

Lee Byoung-Jou, professeur émérite de l’Université Paris VII et spécialiste de la poésie coréenne, a sélectionné danscette remarquable anthologie cent quarante et un poèmes de soixante-trois auteurs différents. Ceux-ci sont particuliè-rement caractéristiques d’une époque qui a suivi l’invention de l’alphabet coréen hangeul sous l’impulsion du roi Sejong(au 15e siècle), et qui fut marquée, en Corée par une plus grande accessibilité à l’écriture et un grand foisonnement lit-téraire. Célébration de la beauté de la nature, joie de vivre, fidélité au souverain, amour, amitié, allégories concernantdes sujets politiques… tels sont, entre autres, les thèmes abordés dans ce passionnant ouvrage offrant la quintessencede la création poétique d’un siècle où commence à se généraliser une langue purement nationale.Un bel ouvrage à ne pas manquer témoignant de l’importance de la poésie dans la culture coréenne.

- Ed. Mémoire Vivante -

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« Thirst », de Park Chan-wookPrix du jury au Festival de CannesA la suite d’une transfusion sanguine d’ori-gine inconnue, un jeune prêtre devientvampire. Peu après sa transformation, il re-trouve un ami d’enfance qui vit avec samère et son épouse. Il succombe alors à laviolente attirance qu’il éprouve pour lajeune femme…« Thirst » remet sur la scène le grand filmde vampires, noir et passionnel. Desimages magnifiques, une mise en scèneflamboyante…

-Wild Side video-

DVD

Nouveautés

Bien sûr, cette sélection ne peut être exhaustive. Pour toute information complémentaire sur les publications coréennes en France, merci de contacter notre bibliothèque au 01 47 20 84 96

Au temps lointain de cette histoire, un roi aime passionnémentla chasse aux papillons. Il offre à son épouse les spécimens lesplus rares. Une nuit, en songe, la reine entend le murmure d’unpapillon prodigieux. Toute la vie du royaume va se trouverbouleversée…

-Ed. Flammarion/Chan-ok-Autres titres récemment parus chez le même éditeur : « Le chariot dessaisons » de Kang Hye-sook, « Le sculpteur de rêves » de Claude Clé-ment et Kim Sejung, « Volubilis » de Clotilde Bernos et Choi Jung-in,« Princesse Prout » de Shin Se-jung, « Mes petites choses » de ParkHyun-jung et « Jinju » de Lim Yeong-hee et Amélie Graux.

Un jour, Mimi voit le jour sur une table à dessin. Frois-sée et roulée en boule, elle demande à chacun qui l’ajetée ? Chacun avoue. Seul le dessinateur n’a rien à sereprocher, lui n’a jeté qu’un dessin raté. Dans ce livre àcachettes et en accordéon, il faut détacher de petiteslanguettes pour découvrir les aveux farfelus de tous lespersonnages. L’adaptation des livres de Gyong-SookGoh, publiés par Jaimimage en Corée, permet de faireconnaître l’une des très grandes artistes coréennes dulivre pour enfants.

-Ed. MeMo-

Il était une fois une pauvre femme qui vivait dans lamontagne avec ses deux enfants, Petit Frère et PetiteSœur. Un jour, elle croisa le chemin du tigre et celui-ci avait faim, très faim…Conte des origines de la lune et du soleil, conte cé-lébrant le courage et l’espièglerie de deux enfants,conte d’avertissement, « Frère Lune et Sœur So-leil » est extrêmement populaire en Corée. Certainsde ses motifs ne sont pas sans évoquer des histoiresde chez nous telles « Le petit chaperon rouge » ou« Le loup et les sept chevreaux ».

-Ed. Le Sorbier-

« No Regret », de Leesong Hee-ilPour financer ses études, Su-min jongle entredeux jobs, jusqu’au jour où il se fait licencierde l’un de ses emplois. Pour subvenir à ses be-soins, il finit par se prostituer dans un bar gay.Là, il retrouve Jae-min, le fils de son ancienpatron…Avec une esthétique amèrement charnellemêlant sensualité et violence, ce film nous en-traîne dans une histoire d’amour impossible etrenverse les clichés du mélodrame coréen…

-Optimale-

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