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    Resum

    La science des grands mdecins de lIslam fut pendant tout le Moyen Age, la Renaissance,lpoque classique et jusquau XVIIe sicle en Orient comme en Occident, la sciencemdicale la plus avance, la plus riche en propositions thoriques et en analyses rationnelles.Ce systme holistique de soins envisage lindividu dans sa globalit et dans sa spcificitpropre, physique et psychique, dans son interaction avec son environnement et accorde uneplace primordiale lhygine de vie (dittique, exercices physiques, hygine corporelle,bien-trepsychique). La mdecine arabe sest labore partir des traditions bdouine,indienne, persane et grecque qui vont tre synthtises et ordonnes dans un ensemblecohrent, ensemble qui va ensuite senrichir doeuvres originales et innovantes. Ces oeuvres,accompagnes de travaux philosophiques, astronomiques, mathmatiques et alchimiquesarabes vont ensuite, travers les traductions latines de celles-ci, venir irriguer les universitseuropennes naissantes, o elles vont trouver un terrain intellectuel fertile qui va prparer la

    rvolution scientifique de la Renaissance. Des courants philosophico-mdicaux issus de laRenaissance (iatrochimisme, iatromcanisme et vitalisme) vont avoir une importance dans laconstitution de la philosophie de lostopathie.

    1-RAPPELS HISTORIQUES

    1.1-INTRODUCTION

    Dans lhistoire intellectuelle de lOccident, le Moyen Age reste une nigme.LEurope, alors livre aux barbares , tourne le dos la pense antique. Les traditionsscientifiques et philosophiques grecques sont perdues. Puis, aprs une amnsie de sept sicles,comme par miracle, ces traditions rapparaissent et irriguent nouveau les grands dbatsintellectuels europens. Comment cette rsurrection a-t-elle t possible ? Les trsors de la

    pense antique nont-ils pas t entre temps, recueillis et dvelopps ailleurs ?

    Les activits scientifiques des sicles qui furent les plus fastes de la civilisation arabo-islamique, cest--dire du IXe eu XVe sicle, sont mal connues de la plupart des lecteursfrancophones. Dcries, voire nies par la plupart des auteurs et historiens du XIXe et dudbut du XXe, tels Ernest Renan, Pierre Duhem, etc., elles napparaissent que subrepticementdans les histoires gnrales des civilisations et, dans le meilleur des cas, comme une simpletransmission de connaissances entre la Grce et lEurope de la Renaissance.Nous verrons cependant que nombre des concepts ostopathiques (comme le principe dauto-gurison, ou le concept dune mdecine holistique par exemple) vont semble-t-il, soit treformuls cette poque, soit tre synthtiss partir de sources multiples et antrieures maisen tout cas transfrs lOccident en grande partie par le biais des sources arabes.

    Cette contribution ne se rduit pas aux apports de quelques savants prestigieux et reprsentedans lhistoire de la science non pas un piphnomne, mais bien un chanon spcifique dansun long processus volutif. Hritire de presque toutes les traditions scien tifiques qui lont

    prcde (et pas uniquement celle de la Grce), passage oblig vers les sciences ultrieures,

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    elle constitue une des phases importantes de lHomme dans sa qute de la vrit, qute qui admarr lentement dans la nuit des temps et qui sest poursuivie travers les traditions

    prestigieuses de la Chine, de lInde, de la Msopotamie, de lEgypte, de la Grce et hbraque(pour ne parler que de celles qui ont un lien attest avec la tradition scientifique arabe).

    Du VIIIe au XIIIe sicle aprs J.C., la civilisation de lIslam (ou civilisation arabo-musulmane) domina le bassin mditerranen. Issues dune Arabie en grande partie dsertiquene possdant que quelques rares villes commerantes (La Mecque, Yathrib), des troupesarabes, formes au dpart de tribus guerrires nomades conquirent en un sicle (632-732) unimmense empire. Ds le haut Moyen Age (VIIIe-IXe sicle) cet empire stendait de lIndus lAtlantique,englobant lIran oriental, la Perse, lancienne Msopotamie (Irak, Syrie,Palestine), lEgypte, la Libye, les pays du Maghreb et lEspagne. Sur de si grandes tendues,les conqurants arabes ne purent maintenir leur domination que grce deux ciments culturelstrs efficients1 :

    une religion nouvelle, lIslam, prche par le prophte Muhammad (Mahomet) ;une langue commune, larabe littraire du Coran, qui devint partir du Xe sicle la langue

    savante des rudits (thologiens, lettrs, philosophes, juristes et savants).

    La civilisation arabe est une et plurielle. Ses crateurs furent et sont des Arabes, des arabiss(dont la langue usuelle est l'arabe ou indiffremment le turc, le persan, le berbre) et desmusulmans.Cette civilisation nat de contacts, d'emprunts, d'apports : elle gre et invente un hritage ol'Islam occupe une part intime non seulement parce qu'il se veut message universel mais aussiparce qu'il vient sacraliser certains traits de culture, en rformer d'autres et souvent s'inscriredans une continuit de civilisations antrieures.1MAZLIAK,P.AVICENNE ET AVERROES,MEDECINE ET BIOLOGIE DANS LA CIVILISATION DE LISLAM :3.

    A ce titre, Hrodote relate, entre autres tmoignages de ses voyages, que 1000 ans avantl'Islam, les prtres gyptiens se rasaient le corps, faisaient quatre ablutions par jour et que tousavaient horreur du porc et pratiquaient la circoncision. Il ajoute seuls [] les Colchidiens,les gyptiens et les thiopiens pratiquent la circoncision depuis l'origine. Les Phniciens etles Syriens de Palestine reconnaissent eux-mmes qu'ils ont appris cet usage des gyptiens. Du VIIIe au XIIIe sicle, le monde musulman devint un pont, lintermdiaire oblig entrelOrient et lOccident. Pendant que les empires chrtiens, cantonns sur la rive septentrionalede la Mditerrane ( Rome, Byzance, etc.), affrontaient les invasions barbares et devenaienten proie de profondes divisions internes, les pays islamiss drainaient vers eux lesfabuleuses richesses de lExtrme-Orient : richesses matrielles comme la soie, les pices oules mtaux prcieux, technologiques comme par exemple la fabrication du papier oulimprimerie mais aussi richesse des savoirs. Des taxes importantes accompagnaient lestransactions commerciales et ceci permit lapparition de mtropoles rgionales riches etpeuples comme Bagdad, Samarcande, Ispahan, Damas, Marrakech, Cordoue, Sville ouKairouan. Ces capitales devinrent de grands centres culturels et se couvrirent de palais, demosques, de bibliothques, duniversits ( les maisons de la sagesse ou bayt el hikma), dobservatoiresastronomiques et dhpitaux qui furent autant de monuments splendides.

    Cest au sein de cette civilisation trs prospre que se forma ds le Ixe sicle la mdecinearabe. Ce systme mdical sest dvelopp en plusieurs pointsde lempire musulman. Lors du

    premier ge dor de la civilisation musulmane(aux X~XIe sicles), cest lest de lempire,

    en Iran principalement quapparaissent les premiers grands mdecins : Al-Razi (le Rhazslatin), Al-Majusi (Haly Abbas), Ibn Sina (Avicenne) pour ne citer que les plus importants.

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    Lors du second ge dor (aux XIIe~XIIIe sicles), cest louest, en Andalousie, quebrillrent des mdecins comme Ibn Rushd (Averros), Ibn Zuhr (Avenzoar) ou Mamonide.Dans sa monumentaleHistoire des Sciences (inacheve, en sept volumes), Georges Sartonconsacre chaque chapitre un demi-sicle de lhistoire delhumanit et lui donne pour titre lenom du savant le plus minent marquant le plus cette priode (sur le plan mondial). Ainsi par

    exemple, de 500 450 avant J.C., stend lre de Platon, puis viennent successivement lesres dAristote,dEuclide, dArchimde et ainsi de suite. Du VIIIe au XIe sicle, tous leschapitresportent le nom dun scientifique de la civilisation islamique. Cest seulement en1100 aprs J.C. que les premiers noms occidentaux commencent apparatre, partageantcependant les honneurs pendant encore 250 ans avec des scientifiques de terre dIslam.

    Priode historique Scientifiques les plus minents sur le plan

    mondial

    700-750 Bde le Vnrable (en Occident) et Jafar alSadiq

    750-800 Jabir ibn Hayyan

    800-850 Al-Kwarizmi et Al-Kindi850-900 Al-Razi et Hunayn ibn Ishq900-950 Al-Masudi

    950-1000 Ibn al-Haytham et Abu al-Wafa1000-1050 Al-Birni et Ibn Sina1050-1100 Omar Khayyam

    Tableau I - Quelques grands savants (traduit, daprs G.Sarton, Introduction

    to the history of sciences, 1975)

    Nous verrons tout dabord le contexte gographique et historique prislamique,lespremiers sicles et lexpansion de lIslam, puis lessor des sciences arabes et plusparticulirement celui de la mdecine et de la philosophie et son rle dans une chane detransmissions de savoirs.

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    1.2- Contexte gographique et historique pr-islamique

    Carte 1 : Empire romain en 44 av. JC (points) et en 284 (traits horizontaux)

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    Carte 2 : Invasions barbares du Ve sicle

    1.2.1- Les deux grands empires du Proche et du Moyen-Orient

    Tandis quau Ve siclelempire dOccident se morcelait en royaumesgermaniques, lempiredOrient persistait sous le nom dEmpire byzantin. Plus lest, de la Msopotamie aux portesde lInde, la dynastie perse des Sassanides avait, en 224, remplac la dynastie parthe desArsacides. Elle refit de lIran ungrand tat centralis : lEmpire sassanide. Les deux grandsempires taient entours au sud par les peuplades nomades des dserts : Arabes, Ethiopiens,Libyens, etc. Ces empires dominrent le Proche et le Moyen-Orient jusquaux conqutesarabes lexception de lArabie centrale qui reste la seule rgion indpendante des deux

    empires qui dominaient alors le Proche-Orient.Plus ou moins influence par la culture de ses grands voisins, lArabie abandonna au IIIesicle le monothisme de sa religion ancestrale abrahamique. Son souverain Amr benLuhayy, dcida de faire dun culte des idoles et des btyles1 la religion officielle du royaume.Fascin par le luxe des Hellnes, il rapporta dune cure thermale Mb en Transjordanie,une statue destine figurer Hubale, lantique divinit de la Mecque.1 Pierres sacres considres comme les demeures des divinits, voire des divinits elles-mmes.

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    Carte 3 : Les quatre grands empires aux V-VIe sicles

    Carte 4 : Frontires de lEmpire sassanide

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    1.2.2- LArabie pr-Islamique : une zone tampon

    LArabie centrale, (Arabie Saoudite actuelle) est toujours reste indpendante. Cette vastepresqule rectangulaire denviron trois millions de kilomtres carrs, est constitue de terres

    arides et granitiques, protges par des montagnes sauvages et dnudes telle une forteresse.La mer Rouge marque sa frontire avec lAfrique, alors quau sud stend locan Indien.

    Pour atteindre lArabie par le nord, il faut passer par les terrib les tendues du dsert de Syrie.Les profondes dpressions dsoles qui marquent de leurs entailles ses massifs montagneuxont la rputation dtre les lieux les plus inhospitaliers que lon puisse imaginer. Le nom de

    lun de ces dserts, leRob ol-Khli ( la demeure du vide ), en tmoigne de manireloquente.

    Ceux que l'Occident dsignait il y a peu encore du nom de Sarrasins (en grec Saraknoi, enlatin Saraceni) taient auparavant appels Arabes scnites, c'est-dire Arabes qui vivent sousla tente (en grec, Skn). Ils s'appelaient eux-mmes Arabes tout simplement.

    Les plus anciens tmoignages qui les concernent remontent environ trois mille ans. Ds leneuvime sicle avant J.-C., ils auraient influenc le dveloppement historique du Moyen-Orient par la position gographique du pays d'Aribi, situ entre Syrie et Msopotamie et leurrle dans la comptition pour le contrle des routes commerciales qui reliaient le golfe ditaujourd'hui arabopersique la Syrie, la Syrie l'gypte, l'gypte l'Arabie mridionale.Entre autres sources, Xnophon cite leur participation la conqute de la Babylonie auct de Cyrus Ier vers 539 avant J.-C. Le " Roi des Arabes " mentionn par Hrodote, auraitoccup le Hidjaz septentrional, entre 500 et 300 avant J.-C., c'est--dire la colonie desMinens qui eurent les Nabatens pour successeurs, qui fondrent la merveilleuse Ptra.

    Au cours des sicles, la dfinition des Arabes recouvre des ralits fluctuantes. Dj, l'poque pr-islamique, elle dsigne les populations de l'Arabie, distribues en tribus surtoutnomades dont certaines avaient commenc pntrer les steppes de Syrie et de Msopotamieet dont d'autres, sdentaires, sont issues des civilisations de Sa'ba, Ma'in, Qataban, Hadramut(c'est -- dire au sud, sur les terres de l'actuel Ymen).

    Les traces qui subsistent de cette culture attestent d'une grande matrise de l'architecture(palais plusieurs tages), de l'hydraulique (barrage de Ma'rib notamment) et de l'criture.Mais c'est sur l'usage d'une langue suppose une, l'poque comme encore aujourd'hui, ques'appuie principalement la dlimitation du monde des Arabes.

    Les territoires qui vont constituer lEmpire musulman, lArabie et sa priphrie immdiate,cest--dire la Msopotamie, la Palestine, lEgypte, la Perseet mme lAnatolie sont des

    peuples de trs vieilles civilisations. Cest l questne lcriture, de mme que lesmathmatiques, lastronomie, la mtallurgieTout cela aprs une longue priode qui a vu apparatre lagriculture, llevage et quelquesformes dartisanat (cramique, tissage). Certaines de ces civilisations se sont difies autourde fleuves puissants, aux crues priodiques (Nil, Tigre, Euphrate, Indus), ncessitant destechniques dirrigation perfectionnes.

    Certaines des tribus bdouines ont dbord la pninsule vers le nord, pour constituer deuxpetits royaumes : lun vassal de Byzance et lautre de la Perse. Ces deux royaumes ontlongtemps constitu des carrefours caravaniers prospres, permettant vaille que vaille la

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    poursuite du commerce entre les deux empires ennemis ; et au-del entre lAsie centrale et leNord de lEurope. Mais ds le Vie sicle, leffroyable guerre que se livraient les Byzantins etles Perses, finit par provoquer la dislocation des royaumes vassaux. Cest alors que le grandcommerce intercontinental se chercha une base dappui pargne par la guerre, plus au sud, lintrieur mme de la pninsule arabique. Ce fut La Mecque.

    La Mecque est depuis des sicles un lieu de plerinage, o de nombreuses tribus polythistesfont momentanment taire leurs querelles une fois par an, pour vnrer ensemble la pierrenoire. Cest un espace de paix, de ngociations, o les grandes caravanes trouvent le havreidal quelles cherchent. La Mecque connatra alors une brusque et considrable prosprit,qui fait vaciller les valeurs de solidarit tribale, en mme temps que les vieilles traditions

    polythistes. Cest surces entrefaites que Muhammad apparat.

    1.3- Naissance et expansion de lIslam

    Il est impossible de comprendre la naissance et lemprise mondiale des sciences arabes etdonc de la mdecine arabe, sans connatre les circonstances qui ont amen cette nouvellereligion issue du dsert et ces bdouins au style de vie nomade devenir pour un temps lesdtenteurs de la civilisation.

    Ce qui caractrise justement la mdecine arabe, cest la profonde originalit de ses dbuts.

    Linitiation la science des Arabes ne sest pas faite selon les mmes lois habituelles du

    dveloppement et de lvolution des sciences. Dans la pninsule arabe, protg par la mer, ledsert et les montagnes, vivait un peuple de pasteurs et de commerants passionn pour lalibert, la guerre, lloquence et la posie ; peuple intelligent mais tout dintuition. Confiant la mmoire ses posies, ses grands jours et ses gnalogies, il ne connut que tardivementlusage de lcriture. Ses relations avec la Perse lui avaient procur quelques vagues notions de mdecine.

    Une rvolution soudaine dtourna le cours de sa destine et ouvrit de vastes champs sonactivit. Muhammad runit les tribus bdouines en restaurant le monothisme abrahamiquederrire une unit inconnue de ce peuple jusque l. Un sicle peine stait coul depuis la

    mort de Muhammad que lEmpire musulman stendait de lAtlantique lIndus.

    Quelles pouvaient tre les consquences de cette invasion dun peuple guerrier, aprs toutes

    les invasions barbares qui staient partag les dbris du monde romain et avaient refoul la

    lumire et la civilisation abrites encore, mais faiblement et maladives, dans Byzance ? Lechoc imminent de la ferveur des adeptes de la nouvelle religion et de la barbarie nallait-il pasproduire un cataclysme encore plus dsastreux que le prcdent ? Pouvait-on supposer que lascience tombe en dshrence, allait devenir lhritage de ces nouveaux convertis ? Le

    miracle devait se produire1.1 LECLERC, L. Histoire de la mdecine arabe, volume 1 : 2-3.

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    1.3.1- Le Prophte

    Muhammad, cest--dire le Digne de louanges , est encore trs jeune la mort de son pre,Abdallah, puis de sa mre. Il est alors recueilli par son oncle, Abu Talib. Pendant sa prime

    jeunesse, Muhammad est berger, lgal des autres enfants. Jeune homme, il accompagne son

    oncle paternel sur les pistes caravanires et laide dans son commerce o il passera dapprenti

    cogrant, avant de devenir lassoci dune veuve de 15 ans son ane, Khadija, quil

    pousera et dont il aura quatre filles.Les hommes de cette socit farouchement indpendante ne sont pas que des ngociants, maisaussi presque tous des guerriers. Son oncle Zoubar lui enseigne le maniement des armes etles rgles de la chevalerie fondes sur lgalit et la libert. Cette famille rgie par les sens de

    lhonneur est un exemple pour que Muhammad apprenne venir en aide tout opprim,indigne ou tranger. Mais la fortune et le prestige des siens dclinent.

    Lautorit de cette ancienne aristocratie guerrire seffrite sous la pression dune nouvelle

    classe sociale arrogante, avec la tribu des Quraysh (qui signifie requin ), dont laprodigieuse richesse provient des idoltres attirs par le luxe de La Mecque. Les riches y

    deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus dmunis ; les frustrations necessent de crotre dans cette cit.

    Lpoque est donc au mcontentement gnral. La famille de Muhammad est relgue ausecond plan par les parvenus du commerce et de liniquit2 lpoque o, accompagnant la

    caravane de son oncle, le jeune homme rencontre un de ces moines chrtiens solitaires, lescnobites, qui vivent en asctes dans les dserts de Syrie. Muhammad aime sinstruire auprsdeux des enseignements sacrs des juifs et des chrtiens.

    Muhammad aime aussi se retirer pour mditer dans la solitude de la caverne de Hra, sur lamontagne de la Lumire. Cest l quun jour, de 610 probablement, il entend une voix qui lui

    dit tre larchange Gabriel et lui ordonne : Lis au nom de ton Seigneur qui a cre, qui a crelHomme dune adhrence. Lis ! Ton Seigneur est le Trs noble qui a enseign par la plume[calame], a enseign lHomme ce quil ignorait1. Ainsi commence le prche deMuhammad.

    Au dbut, ces rvlations prononces dans une langue passionne, dnoncent les riches et lespuissants, ce qui lui vaut lhostilit immdiate des marchants mecquois. Le prophte enrleses premiers compagnons, les membres de sa famille et des gens de modeste condition, quivont former le noyau dur de ses partisans. Certains dentre eux, sous la pression, sexilent

    en Ethiopie. En 622, perscut, Muhammad quitte la Mecque pour Mdine avec quelquesdizaines de fidles. Cest lHgire (lmigration), qui marque le dbut du calendrier

    musulman. Cest l quil posera les fondements dune cit conforme la nouvelle religion.

    Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens et l'immensit des rsultats sont lestrois mesures du gnie de l'homme, qui osera comparer humainement un grand homme del'histoire moderne Mahomet ?1

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    Les conflits et les affrontements arms se succdent avec ses adversaires pendant huit annes.Enfin en 630, Muhammad rentre la Mecque, sans combattre o il amnistie ceux qui lavaient

    rejet.

    LIslam, que Muhammad vient de rvler, est un monothisme pur lextrme, sans clerg

    ni rituels compliqus. A un Dieu unique et tout puissant, le croyant sadresse sansintermdiaires et rend individuellement compte de ses actes.LIslam sadresse ainsi la conscience personnelle de chacun, pour en appeler par del les

    frontires familiales et tribales lunit du genre humain. Il va trs vite gagner les esprits,galvaniser les enthousiasmes.

    Berger, marchand, soldat, lgislateur et prophte-roicet orphelin fut nanmoins lev parune famille aimante, puis pendant de longues annes lpoux ador dune seule femme plus

    ge que lui, dont il eut des enfants qui lui furent enlevs. Puis il devint veuf, dut sexiler et,

    finalement, pousa plusieurs femmes beaucoup plus jeunes que lui. Dieu parlait travers lui,mais auparavant, instruit par les sages du dsert, Muhammad savait ce que signifiait restaurer

    la religion de toujours , celle autrefois rvle par Dieu Abraham, et aux autres grandsprophtes.

    Ainsi, sa mort Mdine, le 8 juin 632, Muhammad laissait un peuple et un pays unifi,pacifi, organis et anim dune fois intense en un seul Dieu.

    1 LAMARTINE Le Prophte Muhammad 2 FAHDT, T. Naissance de lIslam : 660.1 Coran, sourate 96, versets 1 5

    1.3.2- Conqutes fulgurantes et guerres de succession

    La priode qui suit la mort du Prophte, cest--dire de 632 661, se caractrise, pourlessentiel, par une lutte ouverte pour le pouvoir et par une premire phase de conqutes.

    Les principales tribus sont rconcilies entre elles par une foi qui soulve les montagnes, parun modle dorganisation souple et efficace. Elles prouvent un irrsistible besoin

    dexpansion territoriale ; pour faire rayonner leur nouvelle foi, mais aussi pour dployer

    lextrieur, lnergie et le dynamisme quelles nont plus le droit dexprimerles unes contreles autres. Grce lautodiscipline de leurs troupes, au commandement inspir de nombre de

    leurs chefs, au dclin dj avanc des empires auxquels elles sattaquent, leurs victoires sur

    tous les fronts sont foudroyantes.En 636, quatre ans aprs la mort du Prophte, les armes de lIslam remportent une victoiredcisive sur les troupes de Byzance, et, ds lanne suivante, en 637, infligent aux Perses

    sassanides, une dfaite dont ils ne se relveront pas. En 642, lEmpire perse scroule ouvrantla voie vers lInde. De son ct, Byzance perd la Syrie, la Palestine, lEgypte, ouvrant la voie

    lAfrique du Nord. En 649, Chypre est occupe, puis Rhodes.

    Cet Islam, lminent orientaliste Jacques Berque, le salue comme un systme, qui, un epoque de lassitude du monde, voulut lui rendre sa jeunesse .

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    La lutte pour le pouvoir intervient entre les proches compagnons du Prophte, ses partisans,ceux qui ont migr de La Mecque avec lui et, bien videmment, les diffrents clans de safamille. Les quatre premiers califes, Abu Bakr (632-634), Umar (634-644), Uthman (644-656) et Ali (656-661) - appels les bienguids - sont parmi les plus proches compagnonsdu Prophte, les deux derniers tant par ailleurs ses gendres. Il y a eu plus tard une sorte de

    consensus sur cette priode entre les diffrentes tendances de lIslam, tout au moins sur leplan thologique. Politiquement, il nen fut pas de mme. Les rivalits de clans et de

    personnes se sont poursuivies. Du reste, trois de ses successeurs (Umar, Uthman et Ali) ontt assassins. Une priode souvre, o lidalisme religieux soppose au ralisme politique,

    o les divergences doctrinales se mlent aux intrts claniques.

    Ces successeurs prennent le titre de calife, cest--dire lieutenant (sousentendu de Dieu).A limage du Prophte au cours de la priode mdinoise, le calife est la fois chef religieux,

    chef politique et chef des armes.

    Au dpart, les troupes de cette conqute ont t formes de quelques milliers de cavaliers

    arabes, dirigs par des chefs de guerre qui, Khalid Ibn al-Walid, avaient fait leurs preuves duvivant du Prophte. Puis, progressivement, au fur et mesure quelles progressaient, ces

    troupes ont t renforces par des contingents provenant des pays conquis. La facilit de cerecrutement et la rapidit relative de lavance des armes musulmanes (du moins jusquau

    Maghreb), sexpliquent en grande partie par laccueil favorable des populations ou, tout du

    moins de la neutralit bienveillante.Pourquoi cet accueil ? Dans le croissant fertile et dans les zones avoisinantes, existaient defortes communauts chrtiennes, de sensibilits et dcoles varies, mais toutes opposes lorthodoxie byzantine et combattant son monopole idologique. Cest le mme phnomneque lon observait en Egypte. Dans ce contexte, lIslam arrive avec un discours douverture.La nouvelle religion tolre toutes celles qui sapparentent elle, cest--dire les religionsmonothistes, avec leurs diffrentes sensibilits. Elle demande seulement quon laccepte elle-mme ; elle nimpose rien dans le domaine cultuel pourles non-musulmans. De fait, ds 650aprs J.-C., un vque nestorien crivait dj les lignes suivantes : Nec tamen religionem Christi impugnant sed potius fidem commandant sacerdotessanctosque domini honorant.1 ( Non seulement ils ne combattent pas la religion du Christmais encore ils protgent notre foi et honorent les prtres et les saints du Seigneur. )

    La Perse, o la crise tait profonde, sest effondre rapidement. LEmpire byzantin a mieux

    tenu, mme sil a perdu la plupart de ses possessions. Un grand nombre de personnes stant

    islamises dans lintervalle (soit par conviction, soit par intrt), les armes ont rapidement

    gonfl et leur composition a commenc diffrer notablement de celle du dbut. Lafulgurance de la conqute confortait videmment lide que Dieu soutenait cette avance, etne pouvait que favoriser le phnomne dexpansion.

    1 LECLERC, L. Brochure sur lincendie de la bibliothque dAlexandrie ,

    cit par AMMAR, S. Mdecins et Mdecine de lIslam : 53.

    La force nouvelle que lIslam insuffle aux Arabes, tient au contenu comme la forme du

    message prophtique. Par le lien original quil tablit entre la toute puissance divine et lamarge dinitiative humaine, lIslam incite le croyant laction. Il lui offre une destine

    possible sur la Terre. Par ailleurs, le message prophtique est formul dans une langue quisimpose tous par la puissance de son souffle, le jaillissement continu de son inspiration, la

    densit souveraine, envotante de son pouvoir dexpression.

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    Contrairement des ides reues, lattitude des troupes arabes qui ont particip la conqute

    na pas t de tout saccager sur leur passage (comme les Mongols lont fait ultrieurement).Des historiens des milieux intellectuels europens du XIXe sicle, avaient en effet affirm queles Arabes au cours de leurs avances avaient tout dtruit. Puis, quand ils se sont civiliss aucontact de peuples plus volus queux, ils ont fait acte de contrition et ont tent de rcuprer

    et de protger ce que leur fureur de conqurants navait pas limin. Il y a des citationsfameuses allant dans ce sens et attribuant tort la destruction de la clbre bibliothquedAlexandrie aux Arabes. Cest historiquement une contrevrit, dont le seul intrt est de

    nous renseigner non pas sur les Arabes mais sur ltat desprit de ceux qui en parlaient. Il

    suffit de lire ce sujet les premiers grands historiens franais des sciences, comme Montucla(1799) ou Chasles (m.1880).

    Il ne semble donc pas quil y ait eu de stratgie de destruction. Il semble mme quil y avait,

    de la part des musulmans, un certain respect lgard de ces pays de vieille civilisation dont

    ils faisaient la conqute. Leur force tait la nouvelle religion dont ils taient les porteurs, nonla science quils ne possdaient pas encore.

    Le mot conqute en arabe se dit dailleurs fath (pluriel :futuhat), cest-dire ouverture dans le sens douverture de lespace, douverture la lumire (de la nouvelle religion), de

    libration. On peut penser aussi que, au cours de la phase suivante, quand la majorit desarmes musulmanes sest trouve compose de gens des pays conquis, ceux-ci navaient pasintrt pratiquer une politique de destruction. Le fait que les conqurants aient aussircupr rapidement les techniques (notamment agricoles), la culture et la science des paysconquis plaide en ce sens.

    1.4- Les Omeyyades et la fin des conqutes

    Un nouvel pisode de la lutte pour le pouvoir commence. Le gouverneur de Syrie de lpoque,

    Muawiyya (m. 680), descendant dune riche famille mecquoise qui avait jadis combattu le

    Prophte, se rvolte contre le pouvoir central. Le calife rgnant, Ali, poux de Fatima, la fillede Muhammad, est battu et tu. Muawiyya se proclame calife et transfre la capitale, qui tait

    Mdine en Arabie Damas en Syrie. Quatorze califes de la famille des Omeyyades vont alors,en moins dun sicle, se succder sur le trne du califat. Premire consquence vidente :lArabie cesse dfinitivement dtre le centre politique de lIslam et du nouvel empire.

    La Mecque restera un lieu de plerinage et Mdine conservera un certain temps le leadershippour tout ce qui est relatif ltude et lexgse du corpus fondateur de lIslam.

    Mais si les musulmans connaissent leurs premiers conflits internes, les rapports quils

    entretiennent avec les autres communauts religieuses sont empreints dune tonnantebienveillance. Les Musulmans qui viennent doccuper une ville chrtienne o ils ne trouvent

    aucune mosque seront souvent enclins partager les glises existantes avec les Chrtiens.Ces derniers assistent une messe le dimanche, l mme o les Musulmans auront conduit laprire du vendredi.

    La conqute se poursuit louest, avec cependant un temps de retard d la rsistance dune

    partie de la population du Maghreb. Alors que lEgypte est conquise en 642 et quil ne faut

    que quelques jours de marche pour atteindre lIfriqiya, larme musulmane sy implantera

    seulement vers 670. Lopposition principale viendra des tribus berbres, non des Byzantinsdont le pouvoir va seffondrer rapidement. Les rsistances vont dailleurs continuer puisque,

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    pendant une longue priode, larme musulmane ne contrle quune partie de la cte

    maghrbine. Mais elle finit par contourner ses opposants et par poursuivre sa conqute. En711, ses troupes, qui taient devenues entre-temps majoritairement berbres et mmes dirigespar un officier berbre (Tariq Ibn Ziyad, qui a donn son nom Gibraltar), dbarquent sur la

    pninsule Ibrique, mettent en droute larme des Wisigoths et entreprennent la conqute du

    territoire.

    A lest, la pousse au-del de lAsie centrale se poursuit galement jusquen 750. Le rgnedes Omeyyades verra cependant la fin des conqutes, puisque les armes musulmanes nedpasseront pas la rivire Talas quelles atteindront en 750.

    Sous les Omeyyades, les limites gographiques de ce qui sera lEmpire musulman

    classique tant atteintes (voir carte 5), les taches principales consisteront consolider lenouveau pouvoir et jeter les fondements de la nouvelle civilisation. Une composanteimportante de cette consolidation a concern, bien videmment, les structures de lEtat, ensinspirant des traditions perse et byzantine aux structures centralises et puissantes.

    Sur le plan conomique, outre le maintien des activits prexistantes, les Omeyyadesfavorisent le dveloppement du commerce. Mais la plus importante de la priode omeyyadeest incontestablement la rente provenant des richesses dont les musulmans staient

    empars au cours des diffrentes conqutes.

    Sur le plan culturel, lessor scientifique qui culminera la fin du XIe sicle, a commenc chez

    les Omeyyades 1 . Cette priode correspond la phase de maturation de cette civilisation. Cesont les Omeyyades qui, les premiers ont fait construire des bibliothques. Les premirestaient prives. Cest le cas de la bibliothque du prince Khalid Ibn Yazid (m. 705) et de celledu calife al-Walid Ier (705-715), qui aurait renferm les livres latins rcuprs par Tariq IbnZiyad lors de la conqute de lEspagne. Plus tard, elles seront publiques ou semi-publiques.

    Les traductions - de textes grecs, persans, syriaquesqui ont une importance capitale danslhistoire de la mdecine, nont pas commenc aprs lavnement des Abbassides, mais sous

    le rgne des Omeyyades. Ce sont des princes ou des califes de cette premire dynastie qui ontappoint les premiers traducteurs. Ce sont eux aussi qui ont encourag les premiresralisations artistiques. Ces initiatives dans les domaines scientifique et culturel ont bienvidemment bnfici des acquis encore conservs des civilisations antrieures. Elles ontaussi subi leurs influences.

    1 A la mme poque, la civilisation maya commence poindre en Amrique centrale et la cultureprenait un nouvel essor en Chine. Cest ainsi quau milieu du VIIIe sicle apparat en Chine lepremier journal en mme temps que Wang-Tao rdige son trait sur les traits mdicaux et quenEurope est cree la clbre cole de mdecine de Salerne.

    Une question cruciale pour le reste de lEmpire commence alors se poser. Un formidable

    pouvoir est chu en quelques dcennies laristocratie commerante arabe et sur des dizainesde peuples, dpositaires de cultures et de traditions millnaires dont certaines sont beaucoupplus savantes et raffines que celle des Arabes. Les Omeyyades vont-ils imposer tous ces

    peuples un statut dinfriorit permanente vis--vis des Arabes ; ou au contraire, leurpermettre par le biais de lislamisation et de larabisation de participer part entire cepouvoir ? Les Omeyyades voudront cote que cote rserver le monopole du pouvoir

    laristocratie commerante arabe. Ils verront se dresser contre eux une dynastie arabe rivale,celle des Abbassides, allie aux lments non arabes, revendiquant une galit de statut que le

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    Coran leur reconnat expressment. Or, le Coran, dsormais recopi des dizaines de milliersdexemplaires est entre toutes les mains, et chaque musulman est tenu de le lire, de ltudier,

    et de linterprter selon sa raison. Les jours de la dynastie omeyyade sont, ds lors, compts.

    Carte 5 : Extension du monde arabe la fin du VIIIe sicle.

    1.5- Splendeurs abbasides

    Les Omeyyades sont renverss en 750, sous le coup dun violent coup dEtat. La plupart des

    chefs du clan des Omeyyades sont tus. Un seul en rchappe, que nous retrouverons un peuplus tard au Maghreb puis en Espagne. Il sagit de Abd ar-Rahman (756-788), dit lImmigr , qui va fonder une nouvelle dynastie omeyyade lautre extrmit de lempire.

    Lavnement des Abbassides, lune des branches de la famille du Prophte (par son oncleAbbas Ibn Abd al-Muttalib), a des raisons politiques videntes, mais aussi des raisonsconomiques qui le sont moins. Sur le plan politique, il est la consquence des affrontementsentre les branches de la famille du Prophte, qui se sont poursuivis en sexacerbant aprs

    lassassinat de Ali, et lascension des Omeyyades au trne du califat, vcue par certains clans

    comme une usurpation du pouvoir. Mais cest aussi, et pour une part bien plus grande, une

    consquence de la monte des lites persanes et aramennes, la fois dans larme et dansladministration. Pour de multiples raisons, dont certaines sont conomiques et dautres

    politiques, la puissance du clan persan navait cess de crotre depuis plus dun sicle.

    De plus, aprs les grandes offensives victorieuses et rentables du VIIe sicle, cest lecommerce grande chelle qui allait devenir le moteur de la richesse. Cette nouvelle sourcedenrichissement ne reposait pas sur le commerce mditerranen, encore domin par les

    Byzantins, mais sur le contrle des routes asiatiques, aussi bien terrestres que maritimes. Or,pour ce contrle, llite persane est la mieux place.

    Ces activits marchandes vont drainer vers le centre de lEmpire musulman des richesses

    extraordinaires qui transiteront en grande partie par la Perse. Cela valait pour des produitsagricoles et artisanaux normalement changs avec dautres pays, mais aussi pour des

    marchandises de trs faible valeur marchande l o elles taient produites, et qui avaientdepuis longtemps une trs forte valeur dusage dans les rgions mditerranennes. Ctait le

    cas, par exemple, pour le poivre, la cannelle, le gingembre ou les clous de girofle, trsapprcis pour la cuisine et la ptisserie. Ctait aussi le cas pour lencens, une rsine

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    aromatique qui tait brle loccasion de crmonies religieuses, tant chrtiennes quemusulmanes, dailleurs. Ces produits qui venaient essentiellement de lInde, transitaient par

    les ports musulmans puis taient revendus aux marchands byzantins. Il arrivait dailleurs que

    lespace musulman ne serve que de zone de transit, aprs videmment un prlvementfinancier considrable sur des marchandises qui seront utilises ailleurs. Quoi quil en soit,

    lorsque des marchands finanaient une opration commerciale, en particulier laffrtementdun bateau, leurs investissements leur rapportaient le centuple et parfois mme davantage.

    Le pouvoir, dune oligarchie militaire arabe dominante, vivant pour une part du butin des

    conquteslagriculture restant par ailleurs trs traditionnelle (agriculture, artisanat,commerce local) - , va tre largement supplant par celui dun secteur en quelque sortefortement capitalistique. Le moteur principal de la vie conomique va progressivementreposer sur le contrle du commerce international, grand rayon daction, vers lAsie etlAfrique, mais aussi dans la Mditerrane entire, aprs llimination des Byzantins de sa

    partie orientale. Ce commerce concernera mme lEurope du Sud. Le passage dune dynastie

    lautre se traduit donc la fois par un bouleversement politique et par une importante

    volution conomique.

    Il est utile de signaler que cest prcisment partir de la Perse, o il tait gouverneur, que le

    fondateur de la nouvelle dynastie, as-Saffah (750-754), a lanc son offensive contre le pouvoirde Damas. Ds son installation, cest une administration et une arme forte composante

    persane qui vont laider asseoir son pouvoir.Est alors tabli, non plus un Empire arabe, mais un Empire musulman. Ds lors, le monde

    islamique pourra faire appel aux talents disponibles au sein de tous les peuples conquis,souvent dpositaires de cultures millnaires extrmement riches. Car comme le signale leCoran : si Nous avons fait de vous des peuples et des tribus, cest en vue de votre

    connaissance mutuelle.1 Ce monde islamique connatra une effervescence intellectuelle, qui,de proche en proche, gagnera tous les domaines de la connaissance. Alors, les savoirsantiques, qui avaient jusque l survcu dans la pnombre de conditions prcaires, apparatronten pleine lumire, pour donner un lan nouveau la pense universelle.1 Sourate 49, Verset 13Mais dabord, les nouveaux califes abbassides doivent marquer dans lespace leur nouvelle

    domination. Ils veulent dune capitale qui exprime leur parti pris multiethnique surunemplacement vierge, qui ne soit ni celui dune ville arabe, ni celui dune ville perse. Ils le

    trouvent prs dune bourgade situe entre le Tigre et lEuphrate au climat tempr, dans une

    plaine fertile, au carrefour de grandes routes caravanires : ce sera Bagdad.La ville ronde a t construite sous la direction de quatre architectes. Cent mille artisans y

    ont particip, venus de tous les coins de lEmpire pour exprimer la fois leur allgeance

    politique et lentrelacement harmonieux de leurs traditions et de leurs techniques. Cegigantesque chantier a t achev en trois ans.

    Bagdad comptera jusqu un million dhabitants, dorigines et de religions diverses. A la

    mme poque, Rome, la ville la plus peuple dOccident ne comptera que 30 000 habitants etParis gure plus de 5000.

    Un contemporain smerveille : Bagdad, centre du Monde, nombril de la Terre. Elle nest

    nulle autre comparable en dimension ou en grandeur, par la majest de ses btiments, parlabondance de ses eaux jaillissantes, par la puret de son air.

    Bagdad est ainsi devenue la capitale mythique desMille et une nuits. Mais Bagdad nest pas

    l que pour tonner ou sduire. Elle est l pour gouverner lEmpire. Ses califes vont instaurerdes bureaucraties, mettre en place des institutions, susciter des vocations. Ils vont sappuyer

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    sur deux corps de clercs : dune part les lettrs religieux dpositaires de la parole rvle, et

    dautre part, une lite sculaire compose de savants, de philosophes et de fonctionnaires,

    appels clairer la dcision des princes, prparer leurs choix, rpercuter leurs dcisions.Cette lite va trouver un formidable protecteur en la personne du calife al- Maamun. Cest

    al-Maamun qui a crit la page la plus brillante de lhistoire intellectuelle de lIslam. Devenu

    calife, il a offert son soutient et sa protection tous les esprits ouverts de son poque ;notamment les dfendant contre les thologiens traditionalistes.Pour gouverner un empire aussi vaste en assumant la diversit de ses populations et de ses

    cultures, il lui fallait la fois mobiliser tous les talents de son poque et faire appel tous lessavoirs acquis au cours des poques prcdentes.

    Al-Maamun dcide doffrir aux savants de son temps le privilge de disposer de tous lessavoirs antiques traduits en une seule langue, larabe. Il ordonne de rassembler les manuscrits

    existant sur les territoires de lEmpire et se procure les autres ailleurs : Byzance, en Inde, en

    Chine. Il mobilise les talents ncessaires pour transposer ce fond du grec, du syriaque, dupersan ou du sanskrit en une langue arabe adapte aux subtilits conceptuelles de laphilosophie, aux abstractions des mathmatiques, la mesure astronomique.

    Cet immense effort a pour centre, bayt el hikma , la maison de la sagesse , qui est enun sens le premier centre culturel de lhumanit. Cette maison de la sagesse marque la

    premire tape dun trs long voyage, le voyage que la philosophie et les sciences dune

    manire plus gnrale, vont effectuer dOrient en Occident. Les traductions senchanent etpar l, se reconstitue la philosophie grecque, presque complte, une poque o, par exempledans lOccident chrtien le savoir antique a entirement fait naufrage, o les livres sont

    devenus rares et o la culture suprieure a pratiquement entirement dsert lespace social,politique et religieux.

    Grce cette maison de la sagesse , qui ralise en quelques annes ce programme detraductions, le monde arabe sapproprie littralement la culture des Grecs, la poursuit, ladveloppe et entre vritablement dans lhistoire de la philosophie, qui nest pas une histoire

    europenne ou une histoire grecque. Cest une histoire plurielle. Et cette pluralit commence

    Bagdad.

    1.6- Une civilisation urbaine

    Le dcoupage en ordres observ en Europe occidentale la mme poque, na pas exist

    dans les pays sous dominance musulmane. Cest principalement une civilisation des villes, et

    ce que nous en connaissons met encore plus en lumire ce caractre, car les gens qui ont crittaient des citadins, et ne sintressant pas ou peu, ce qui se passait dans les campagnes.

    Lavnement et le dveloppement de cette civilisation conduisent lapparition de mtropoles

    rgionales parfois trs peuples, comme Damas en Syrie, Bagdad en Irak, Kairouan enTunisie ou Cordoue en Espagne. Curieusement, ce ne sont pas toujours de grandes citsanciennes (par exemple Alexandrie) qui ont gonfl dmesurment. Ce sont parfois des

    bourgades, des villes modestes, ou dautres encore tout fait nouvelles.Do vient cet accroissement de la population ? Sans ngliger leffet de la dmographie

    propre ces cits, lapport essentiel semble provenir des campagnes, par une sorte

    daspiration dont les causes sont la fois conomiques et sociales : dplacements conscutifs lexistence demplois dans les villes, attrait dune vie urbaine plus agrable, etc. Tout cela

    est classique dans lhistoire. Il y a aussi ce que lon pourrait appeler l effet capitale . Ces

    mtropoles rgionales ont attir les gens parce que les pouvoirs y rsidaient, ce qui favorisait

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    lclosion et le dveloppement dun certain nombre dactivits intressant les diffrentes lites

    de ces villes.Ce phnomne a t important car, ct de Bagdad, la capitale califale des Abbassides, il y

    avait une bonne douzaine de mtropoles rgionales qui staient constitues et qui

    fonctionnaient limage de Bagdad. En plus des villes qui viennent dtre cites, il faudrait

    ajouter Ispahan en Perse, Le Caire en Egypte et Samarcande en Asie centrale.

    La population de ces villes est trs bigarre, trs diverse, pas toujours structure ; ce quiposera parfois des problmes srieux aux dirigeants parce que, certaines poques, lesdangers potentiels dexplosion sociale seront levs. A ct de cela, existaient des couchesstables, parfois trs anciennes, comme celle des marchands, qui sest considrablement

    structure tout en se diffrenciant. Il y avait aussi des couches plus rcentes et souvent enexpansion : fonctionnaires de ladministration, de la justice ou des services financiers,enseignants, thologiens, hommes de lettre ou de religion, etc.

    A partir du IXe sicle se constitue une couche spcifique dintellectuels (ou de lettrs si lon

    prfre). On la connat relativement bien parce quelle a une consommation particulire, quiest celle des livres. Le nombre douvrages publis dans le cadre de la civilisation arabo

    musulmane a t important, compte tenu videmment des techniques de lpoque.

    Lutilisation du papier, selon une technique importe de Chine, a facilit les choses. Lesboutiques de libraires ouvertes tout public se multiplient.

    Ds le IXe sicle, on sest mis produire plusieurs sortes de livres : manuels pour

    lenseignement tirage assez lev, oeuvres littraires, oeuvres potiques, livres religieux detoute sorte (copie du Coran et du Hadith, exgses, ouvrages thologiques), livres

    scientifiques. Pour prendre lexemple des publications scientifiques de lpoque, on constate

    quil y en avait de toute sorte : manuels de base, ouvrages consacrs une discipline,ouvrages thoriques, commentaires, manuels dapplication.

    On sait que des corporations ont exist, avec des ouvriers, des matres artisans, des chefs decorporation, des associations plus ou moins secrtes Le compagnonnage a sans doute existaussi. Mais on ne connat pas trs bien le fonctionnement conomique et social global de cettesocit. La littrature la plus abondante est probablement celle des historiens, des gographeset des hommes de voyage . Certains, comme les historiens, nous fournissent desconnaissances livresques ou des tmoignages de contemporains. Dautres sont des sortes de

    grands reporters . Ayant acquis une solide formation de base, ils voyagent pendant un certaintemps et ils racontent ensuite ce quils ont vu, mais en ayant toujours lesprit leur lectorat,

    qui est constitu dun public cultiv, intress lire des histoires merveilleuses ou des

    tmoignages sur tout ce qui est exceptionnel, insolite ou extraordinaire. Ils rapportentgalement des informations gographiques (distances entre les villes, aspects conomiques),culturelles ou architecturales. Mais ils voquent rarement le quotidien des cits et des contresvisites, parce que cela nintressait pas leurs lecteurs potentiels dans la mesure o cela leurrenvoyait des images et des modes de vie connus par eux.

    Lun des plus typiques de ces hommes de voyages est incontestablement Ibn Battuta (m.

    1369) : parti de Tanger en 1325, lge de vingt et un an, il y revient en 1349, soit presquevingt-cinq ans plus tard. Entre ces deux dates, il parcourt plus de cent vingt mille kilomtres,visite toutes les rgions de lespace musulman de lpoque et mme des contres non

    musulmanes (Russie, Inde, Chine), accomplit six fois le plerinage La Mecque, se marieavec plusieurs femmes, chappe quelques naufrages, ctoie des brigands et des princes, et

    devient mme grand juge aux les Maldives. De retour Tanger, il dicte de mmoire le

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    contenu de son fameux livre intitul Prsent ceux qui rflchissent sur lescuriosits desvilles et sur les merveilles des voyages.

    2- LES SCIENCES EN PAYS DISLAM

    Jusqu quel point et dans quelle mesure la pense philosophique a-t-elle un dveloppementsuffisamment autonome pour faire lobjet dune histoire distincte de celle des autres

    disciplines intellectuelles ? Nest-elle pas trop intimement lie aux sciences, lart, lareligion, la vie politique, pour que lon puisse faire des doctrines philosophiques lobjet

    dune recherche spare ?1 Cette civilisation, dont nous voulons tudier la mdecine et sonimportance dans la constitution des mouvements du XIXe sicle issus de la Renaissance, a tconditionne et domine par cette troisime religion monothiste rvle quest lIslam. Il estdonc ncessaire de nous pencher sur les caractristiques de cette religion et sur les rapportsquelle a entretenus avec la mdecine et les activits scientifiques.

    2.1-CORPUS ISLAMIQUECe corpus est constitu, en premier lieu, du Coran (qui signifie Rcitation ), le Livre

    sacr des musulmans, compos de cent quatorze chapitres, diviss en soixante sections dont lenombre de versets varie de trois deux cent quatre-vingt-six. Si lon tient compte de lachronologie de la rvlation de ces versets, on peut les classer en deux grandes catgories : lesversets rvls durant le sjour du Prophte la Mecque, et ceux qui lont t Mdine,

    partir de 622. Cest dans cette seconde catgorie quelon trouve les lments fondamentauxconcernant la gestion de la future cit islamique.

    Le second texte est le Hadith (Propos). Il est constitu par lensemble des paroles, des actes

    et des comportements attribus Muhammad. Lorsque les juristes et les thologiens auront

    rsoudre certains problmes de la cit qui nont pas leur solution dans le Coran, ils setourneront naturellement vers le Hadith et procderont par analogie pour trouver la solutionqui leur paratra la plus conforme leur comprhension des principes de lIslam.

    1 BREHIER, E. Histoire de la philosophie : 2.A lorigine, le Coran tait rcit. Quand il avait la rvlation du message divin, le Prophte

    le rcitait ses proches compagnons, lesquels le mmorisaient et parfois lcrivaient sur des

    supports rudimentaires (le papier nexistait pas encore). Certains de ses compagnons se sontdailleurs ultrieurement spcialiss dans cette mmorisation et dans sa restitution.

    La retranscription a donc t trs rapide, tout du moins oralement. Les compagnons

    rcitaient au Prophte les versets entendus de sa bouche et il pouvait de nouveau intervenirpour rtablir la version originale quil avait dicte. Cela tant, les compagnons concernstaient relativement nombreux. La langue utilise- larabe- tait surtout parle. Son criture existait mais elle tait assez peu utilise.Les auditeurs du Prophte pouvaient comprendre diffremment ses paroles et, plus tard, lesrciter avec des diffrences plus ou moins importantes. Do des problmes dauthentification

    du Coran lui-mme, particulirement dcisifs dans le contexte de la propagation fulgurante delIslam et de la lutte pour le pouvoir qui a suivi la mort de Muhammad. Les mmes questions

    vont se poser pour le Hadith.

    Do lapparition dune activit nouvelle, consistant authentifier les lments du corpus de

    base de lIslam. Cette pratique va se dvelopper, partir de la deuxime moiti du VIIe sicle,selon des critres de plus en plus rigoureux. On va ainsi comparer les relations orales,

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    procder par induction, par analogie, faire rfrence aux faits reconnus, rechercher lesventuelles contradictions internes, recouper les tmoignages, etc. Bref, une dmarche tout fait rationnelle dans son principe, assez semblable celle que peuvent utiliser les historiensactuels pour authentifier des textes.

    On peut considrer, et je pense, sans risque de se tromper, que ces dbats, ces travaux, en

    particulier ceux qui ont t mens autour de la validation du message du Prophte, ont, du faitde leur dimension critique et du souci de la recherche de critre de vrification qui les acaractriss, contribu crer un tat desprit scientifique. Ils ont galement fond tout un

    corpus intellectuel rationnel qui a prlud lessor ultrieur de la science arabe.

    Cest l, semble-t-il, le vritable point de dpart de la tradition scientifique arabe, et ce bienavant le mouvement de traduction des oeuvres grecques et indiennes, mouvement que lon

    considre souvent tort comme lunique origine de cette tradition scientifique.Le troisime calife, Uthman, a jug, une vingtaine dannes aprs la mort du Prophte,

    quil tait ncessaire de trancher et de fixer dfinitivement le texte du Coran. Il a donc runi

    une sorte de commission qui a retenu sept lectures acceptes du texte. Finalement, une version

    fut garde et authentifie, la vulgate.Le Coran une fois stabilis, les intellectuels arabes ont persist dans lanalyse critique des

    textes et le dbat a continu propos du Hadith. Au-del du choix du calife Uthman relatifaux sept lectures du Coran, la recherche sur le contenu du Hadith a donc continu, avec lamme mthodologie et les mmes critres. Les sujets tant moins sacrs que le contenu duCoran lui-mme, les autorits religieuses et politiques nont pas entrav le dbat.

    Ltude de ce corpus quil nous faut bien qualifier de scientifique du fait de samthodologiea permis cette civilisation dinaugurer de nouvelles activits de rechercheavant mme le dbut des traductions. Cest ce qui nous autorise parler, la suite des

    bibliographes arabes, de science de lexgse du Coran et de science de Hadith , mmesi cela parat quelque peu incongru aux lecteurs habitus rserver le mot science certaines activits intellectuelles.2.2-LES TEXTES SACRES ET LA SCIENCE

    Dans les textes fondamentaux et dans le Coran lui-mme, il existe de nombreux passagesfavorables la science et des incitations la recherche. Il faut savoir, par exemple, que le mot science et les mots ou expressions qui en dcoulent (comme savant, etc) interviennentplus de 400 fois dans le Coran. Parmi les versets qui sont explicitement en faveur de lascience, il y a celui-ci : Dieu placera sur des degrs levs ceux dentre vous qui croient etceux qui auront reu la science1 ; ou celui-ci : Seigneur, accorde moi plus de science 2 .

    On attribue galement au Prophte des propos sans ambigut en faveur des sciences et dessavants. Parmi les plus cits : Cherchez la science mme en Chine , La qute de la

    science est un devoir pour tout musulman , Les anges poseront leurs ailes sur celui quirecherche la science en signe de satisfaction pour ce quil fait ou Le savant surpasse le

    dvot comme la Lune, au moment de la pleine Lune, surpasse les autres astres .Slevant contre le traditionalisme aveugle en matire de croyance et de savoir, lIslam,

    religion tendue vers la preuve et la dmonstration, devient alors de ce fait et ce titre, religionde certitude.

    Le Prophte disait aussi : Une heure accomplie par un savant allong sur son lit et rvisantson savoir est meilleure que les prires dun dvot durant soixante ans et dans le mme

    ordre dides, Peu de savoir vaut mieux que beaucoup de culte , ou encore La science est

    plus mritoire que la prire et enfin Un seul homme de science a plus demprise sur ledmon quun millier de dvots . Do la dfrence du Prophte lgard des savants, comme

    en tmoignent encore ces Propos :

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    La frquentation des savants est un acte de pit , Les meilleures des cratures vivantessont les savants , Traiter avec gards et reconnaissance la Science et les Savants, cest

    vnrer Dieu , et enfin Les savants sont les hritiers des prophtes dont le seul patrimoinelgu au monde est prcisment la Science .

    1 Sourate 58, verset 112 Sourate 20, verset 114

    Il est facile de saisir dans ces conditions comment et pourquoi linstruction et la recherche de la

    connaissance sont devenues une obligation fondamentale pour tout musulman.Le Prophte librait ses prisonniers de guerre sans ranon, sils apprenaient lire et crire

    dix musulmans. Il aimait rpter aussi que : Assister au cours dun savant vaut mieux que se

    prosterner mille fois dans les prires ou assister mille funrailles . Et la question : Est-ceprfrable la lecture du Coran ? , il rpondra, le Coran, profite-t-il sans la science ? .Enfin : Lencre du savant est plus sacre que le sang du martyr .

    2.3INCITATIONS A LA PRATIQUE DES SCIENCES

    Des demandes concrtes, issues de la pratique religieuse, avaient t faites aux savants,notamment en mathmatiques et en astronomie.

    Pour les mathmatiques, cela concerne surtout au dpart des problmes relatifs larpartition des hritages. Cela tant, on savait partager les hritages bien avant lavnement delIslam. Les techniques de calcul taient fondes essentiellement sur la manipulation des

    fractions et, accessoirement, sur lutilisation de quelques algorithmes. Les mthodes des

    Egyptiens et surtout des Babyloniens taient du mme type. Dans la socit arabo-musulmaneva apparatre de surcrot une sophistication des problmes aboutissant des quations dusecond degr. On a constat que les mathmatiques facilitaient les calculs relatifs auxrpartitions des hritages. Leur enseignement apparaissait donc utile la socit, do

    lencouragement de son enseignement.

    Il en est de mme pour lastronomie. Il fallait connatre la direction de La Mecque pour

    prier, et cela en tout lieu. Si lon veut une direction rigoureusement exacte, le problmemathmatique et astronomique pos est trs compliqu dans sa rsolution. Lastronomie a t

    utilise aussi pour dterminer la date des ftes et du mois de jene du ramadan partir ducalendrier lunaire.

    Un fait important signaler est que les grands savants des pays dIslam ne se sont pas

    rfrs au Coran dans leurs travaux scientifiques. Prenons lexemple dIbn al-Haytham(m.1039), le grand spcialiste de loptique. Dans ses crits, il voque lobservation, la

    recherche par induction et lexprimentation pour tablir un fait scientifique et ensuite lethoriser. Il na jamais voqu le Coran propos des ides et des mthodes quil a exposes

    dans ses oeuvres. On peut dire la mme chose pour les autres grands savants. Si certainsvoquent Dieu, cest pour le glorifier au dbut de leurs ouvrages, ou pour rappeler ses paroles

    et celles du Prophte en faveur des sciences.

    Un autre fait important signaler est quil ne semble pas y avoir eu de p rises de positiondautorits religieuses de lIslam comparables celles de lEglise catholique ou protestante.

    LIslam, son origine et dans son corpus, na pas prvu de clerg puisque les fidles nont pas

    besoin dintermdiaire pour sadresser Dieu.Mais il y a ce que lon peut appeler une direction technique , cest--dire les prposs la conduite de la prire. Il y a enfin unedirection politique, dans la mesure o lIslam est concern par la gestion de la cit. Ausommet, cette direction politique est incarne, depuis 632, par le calife. Une Eglise implique

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    lexistence dintermdiaires - les prtres - entre les fidles et Dieu, ainsi que lexistence destructures hirarchises regroupant ces intermdiaires. Cette autorit a comptence pour direce qui est conforme la doctrine religieuse, etc. Rien de tout cela ne figure dans le corpusmusulman.

    CONCLUSION

    Nous avons trait de lapport de la dmarche critique exerce lgard du corpus religieux,

    ainsi que du travail relatif la langue arabe. Ce sont deux des composantes de la constructionde la rationalit. Il en existe dautres. Cela amne voquer les hritages reus par cette

    civilisation, en insistant plus particulirement cet gard sur lapport grec.Les sciences persane, babylonienne et gyptienne ont malheureusement laiss peu dcrits.

    Mais, ceux qui ont t retrouvs prouvent quil sagissait surtout de sciences utilitaires. Ces

    sciences comportaient un savoir, essentiellement empirique, et davantage encore de savoir-

    faire.La socit grecque, telle quelle sest labore lpoque classique (Ve sicle av. JC), etdans lcole dAlexandrie, a une tout autre dimension. Elle implique un savoir, bien plus

    dailleurs quun savoir-faire, mais aussi toute une conception de la science, toute uneidologie, qui sont parties intgrantes du corpus. Elle intgre une dimension thorique (quinexistait pas auparavant), tout au moins dans certaines disciplines, qui prend place dans ce

    discours sur la science. Il sagit l dune dimension cruciale de cette conception de larationalit, presque au sens moderne du concept.

    Lhritage que la civilisation arabo-musulmane reoit de lAntiquit grecque comporte doncun corpus scientifique important, mais aussi et surtout, le discours sur la science, qui estloeuvre des philosophes. Il nexistait ni dans la science babylonienne, ni dans celle de

    lEgypte antique, ni dailleurs dans celle de la Perse et de lInde. Cette composantepistmologique, reprise par les savants arabes, a pour une large part forg le comportementde ces derniers. Finalement, les peuples les plus grecs dans leur attitude intellectuelle,aprs les Grecs, ont t ceux de lEmpire musulman