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LA TRANSMISSION DE LENTREPRISE À TITRE GRATUIT ASPECTS CIVILS ET FISCAUX Christophe LENOIR Avocat au barreau de Namur Chargé d’enseignement aux FUCAM Rue Lelièvre, 9 5000 NAMUR Tel. : 081/22.21.81 Fax : 081/22.06.22 [email protected]

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LA TRANSMISSION DE L ’ENTREPRISE À TITRE GRATUIT – ASPECTS CIVILS ET FISCAUX

Christophe L ENOIR

Avocat au barreau de Namur Chargé d’enseignement aux FUCAM

Rue Lelièvre, 9

5000 NAMUR Tel. : 081/22.21.81 Fax : 081/22.06.22

[email protected]

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INTRODUCTION 1.- Il m’a été demandé d’examiner les différents aspects civils et fiscaux de la transmission de l’entreprise familiale. Nous examinerons successivement les points suivants :

� les aspects civils entourant une opération de transmission d’entreprise (1ère partie) ; � les régimes fiscaux favorables de transmission de l’entreprise familiale (2ème partie) ;

� les modifications légales prises récemment par la Région wallonne (3ème partie) ;

� le cas particulier de la transmission de la société immobilière (4ème partie)1.

1 Les trois premières parties de ce séminaire sont reproduites avec l’aimable autorisation des éditions Anthemis. Elles ont fait l’objet d’une publication dans le cadre d’un ouvrage collectif intitulé « La transmission d’entreprise dans un cadre familial ».

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PREMIÈRE PARTIE DONATIONS ET SUCCESSIONS

ASPECTS CIVILS2 2.- Il est difficilement concevable de parler de programmation successorale, notamment lors de la transmission d’une entreprise familiale, sans rappeler les principes de base des donations et successions. La recherche d’une solution fiscale optimale ne doit en effet pas faire perdre de vue les règles élémentaires du droit civil, dont la violation pourrait anéantir l’opération réalisée. Il convient ainsi de prêter une attention particulière aux règles gouvernant les donations, afin d’éviter que ces dernières soient déclarées nulles. De même, en matière de succession, il faut garder à l’esprit le fait qu’on ne peut disposer de ses biens à titre gratuit en toute liberté : certains héritiers ont droit à une part minimale et peuvent demander la réduction des donations ou legs qui porteraient atteinte à cette part minimale. Enfin, les régimes matrimoniaux seront brièvement passés en revue car, en cas de donation par une personne mariée, l’une des premières questions à se poser est de savoir qui donne : l’un des époux, ou les deux époux ? De même, en cas de décès de l’un des conjoints, le régime matrimonial choisi par le défunt s’avèrera très important pour déterminer les biens faisant partie de la succession.

2 Je remercie Me Claire ROMMELAERE, avocate au barreau de Namur et assistante en droit romain aux FUNDP à Namur, pour son aide dans la rédaction de ce chapitre.

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I. DONATIONS3

A. Qu’est-ce qu’une donation ? 3.- La donation est une libéralité entre vifs, c’est-à-dire un acte gratuit par lequel on dispose de (l’un de) ses biens de son vivant. Plus précisément, la donation est un acte de disposition à titre gratuit « par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte » (Code civil, article 894). En d’autres termes, il y a donation lorsqu’une personne, le donateur, se dépouille gratuitement d’un bien au profit d’une autre personne, le donataire. La donation est un contrat conclu entre le donateur, qui donne, et le donataire, qui accepte la donation. Il ne s’agit donc pas d’un acte unilatéral, qui existe par la seule volonté du donateur : l’acceptation du donataire est nécessaire.

B. Quelles sont les conditions de validité d’une do nation ?

1) Conditions de fond 4.- Par « conditions de fond », on entend les conditions touchant à la validité intrinsèque de la donation, à son existence même. Si les conditions suivantes ne sont pas réunies, il n’y a pas donation.

� Un élément matériel : l’appauvrissement du donateur et l’enrichissement collatéral du

donataire.

� Un élément intentionnel : la volonté du donateur d’enrichir le donataire sans recevoir de contrepartie.

� La rencontre des volontés du donateur (volonté de donner) et du donataire (volonté de recevoir). La donation est un contrat.

� Le dépouillement immédiat du donateur au profit du donataire. Cela ne signifie pas que le donateur doive remettre immédiatement la chose donnée au donataire, mais que le droit sur cette chose est instantanément transféré au donataire.

Par l’effet de la donation, le donateur perd immédiatement son droit sur la chose tandis que le donataire l’acquiert au même instant. Il y a donc bien dépouillement, appauvrissement immédiat du donateur et enrichissement collatéral du donataire.

3 Pour un examen plus approfondi de la matière des donations, voy. A.-Ch. VAN GYSEL (dir.), Précis du droit des successions et des libéralités, Bruxelles, Bruylant, 2008, pp. 231 à 303 ; P. DELNOY, Les libéralités et les successions – Précis de droit civil, Bruxelles, Larcier, 2004, pp. 11 à 79 ; J. RUYSSEVELDT, Décès et héritage, Zellik, Roularta Books, 2010, pp. 19 et ss. ; P. KENEL et K. GEVAERT, La donation de valeurs mobilières : outil de planification successorale, Bruxelles, Larcier, 2006, pp. 39 à 50.

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Illustration Je donne ma voiture à mon fils, qui l’accepte. La rencontre des consentements a pour effet de rendre mon fils immédiatement propriétaire de la voiture, bien que celle-ci soit encore en ma possession.

Attention néanmoins, pour que la donation soit valable, encore faut-il que les autres conditions soient remplies.

� L’irrévocabilité de la donation : le donateur ne peut revenir sur sa décision ni même

garder une certaine mainmise sur la chose donnée. « Donner et retenir ne vaut » : une donation ne peut exister que s’il y a dépouillement total et définitif de la chose donnée.

Illustration Si je donne des bijoux à ma nièce mais que je connais le code du coffre fort dans lequel elle les garde, la donation est nulle4. De même, si j’offre de l’argent à mon neveu mais que c’est moi qui gère son compte en banque, il n’y a pas donation5.

La loi prévoit certaines exceptions à l’irrévocabilité des donations. A titre exemplatif :

o la révocation de la donation peut être demandée pour cause d’ingratitude, entre

autres si le donataire a attenté à la vie du donateur ;

o les donations entre époux (hors ce qui est prévu dans le contrat de mariage) sont toujours révocables.

2) Conditions de forme 5.- La donation est un acte grave, car le donateur se dépouille d’une partie de son patrimoine ; il s’appauvrit. Le législateur a dès lors veillé à imposer certaines conditions de forme, dans le but de protéger le donateur en lui faisant prendre conscience de la gravité de son acte, afin qu’il n’agisse pas à la légère. Le Code civil précise plusieurs conditions de forme, dont la plus importante est l’exigence d’un acte authentique, d’un acte notarié. C’est en principe le notaire qui rédige l’acte de donation, selon les règles précisées dans le Code civil. 6.- La sanction de ces règles est la nullité. Du vivant du donateur, cette nullité est absolue, ce qui signifie qu’elle peut être invoquée par tous : le donateur, le donataire et même tout tiers intéressé ; le juge devant lequel le litige serait porté pourrait en outre soulever l’argument de la nullité, même si les parties ne s’en étaient pas aperçues ou ne souhaitaient pas l’invoquer.

4 Exemple emprunté à P. KENEL et K. GEVAERT, op. cit., p. 43. 5 Ibid.

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A la mort du donateur, la nullité devient relative. Seuls les héritiers du donateur ont désormais le droit de s’en prévaloir. Ils peuvent également couvrir cette nullité, en renonçant à l’invoquer ou en exécutant volontairement la donation. 7.- La jurisprudence et la doctrine admettent néanmoins que certaines donations échappent au formalisme imposé par le Code civil. Ainsi, à côté de la donation authentique sont admis les dons manuels, les donations indirectes et les donations déguisées6.

Le don manuel consiste à remettre la chose donnée de la main à la main, sans autre formalité que le transfert de possession. La validité de cette donation n’est donc pas subordonnée à la rédaction d’un acte authentique. Contrairement à l’acte de donation ordinaire, c’est ici le transfert de la main à la main qui fait naître le contrat de donation, non la simple volonté des parties. Bien sûr, ce type de donation n’est possible que pour les biens susceptibles d’être remis de la main à la main (argent, titres, œuvres d’art, bijoux, …).

Toutes les conditions de fond des donations doivent être respectées. Si un acte authentique n’est pas obligatoire, il est vivement recommandé de se ménager une preuve de la donation. Les parties peuvent ainsi rédiger un « pacte adjoint » à la donation manuelle, un écrit permettant de prouver, le cas échéant, le respect des conditions de fond et donc l’existence même de la donation.

La donation indirecte désigne une donation réalisée par un acte neutre, un acte dont on ne peut pas savoir a priori s’il a pour but de réaliser une donation ou une opération à titre onéreux.

Illustration Mon meilleur ami, Jules, me doit 1.000,00 €. Je lui signe une remise de dette. A priori, il peut s’agir d’une donation comme d’un acte à titre onéreux ; tout dépend des circonstances.

Si j’ai octroyé à Jules une remise de dette dans le but de lui venir en aide ou de lui être agréable, il s’agit d’une donation car il y a intention libérale.

Si hier Jules m’a avancé 1.000,00 € parce que mon compte à vue descendait sérieusement dans le rouge, la remise de dette n’a pour but que de le rembourser, en compensant les dettes réciproques. Dans ce cas, il n’y a clairement pas donation.

L’acte neutre qui réalise une donation n’est pas soumis aux conditions de forme des donations mais doit, pour être valable, respecter les conditions spécifiques au type d’acte utilisé (remise de dette, renonciation à une succession, etc.).

Il doit absolument rester neutre, c’est-à-dire ne pas révéler sa nature onéreuse ou gratuite. S’il révèle une nature onéreuse, il y aura éventuellement une donation déguisée (cf. ci-dessous). S’il révèle une nature gratuite, la donation sera nulle pour vice de forme, à défaut d’avoir été passée devant notaire.

Si l’acte neutre servant de support à la donation est annulé, la donation disparaît également.

6 E. DE WILDE D’ESTMAEL, Transférer son patrimoine dans le cadre d’une planification successorale, Bruxelles, Kluwer, 2005, p. 255.

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La donation déguisée consiste à donner à une donation l’apparence d’un acte à titre onéreux.

Illustration Je veux donner ma voiture à ma belle-fille mais souhaite éviter de devoir passer un acte authentique. Ma belle-fille et moi concluons donc un contrat de vente, mais convenons secrètement entre nous que le prix ne sera jamais versé.

En apparence, l’acte est un acte à titre onéreux mais en réalité il y a donation.

De nouveau, l’acte apparent doit respecter toutes les conditions qui lui sont propres : ainsi, un contrat de vente doit mentionner l’objet vendu, le prix, etc. En aucun cas l’acte apparent ne doit révéler la donation (par exemple, si le prix mentionné est dérisoire). Cette donation serait nulle, puisque les conditions de forme ne sont pas respectées. Enfin, si l’acte apparent est annulé, la donation disparaît également.

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II. SUCCESSIONS7

A. Qui hérite ?

1) Dévolution légale 8.- Si le défunt n’a rien prévu de son vivant, la loi définit des ordres de succession. Grosso modo, la hiérarchie entre les héritiers potentiels est la suivante :

� enfants ou enfants d’un enfant décédé ; � père, mère / frères, sœurs ; � neveux, nièces ; � autres ascendants que les père et mère (grand-père, arrière grand-mère,…) ; � oncles et tantes ; � cousins.

9.- Le conjoint survivant et le cohabitant légal survivant ont également des droits sur la succession. Le cohabitant légal a en effet récemment acquis le statut d’hériter légal : même si le cohabitant légal décédé n’a rien prévu, la loi octroie certains droits au cohabitant légal survivant, et ce depuis une loi du 28 mars 2007. La loi reste cependant moins protectrice du cohabitant légal survivant que du conjoint survivant, qui bénéficie d’une part d’héritage minimale, contrairement au cohabitant légal survivant (cf. ci-dessous, sur la réserve successorale).

2) Dévolution testamentaire 10.- Il est également possible d’organiser la répartition de ses biens après sa mort, en rédigeant un testament8. Les personnes à qui on décide de léguer certains biens sont des légataires. Un testament rédigé par la personne elle-même est parfaitement valable, pourvu qu’il soit écrit en entier, daté et signé de la main du testateur. Le Code civil parle d’un « testament olographe ». Le testament peut également être reçu par un notaire, en présence de témoins, ou par deux notaires. Il s’agit alors d’un « testament authentique ». Il existe une troisième sorte de testament, le « testament international » ou « testament mystique », moins fréquent. Un tel testament présente comme avantage de pouvoir être facilement exécuté dans tous les pays ayant adhéré à la convention adoptant cette forme internationale de testament (Convention signée à Washington le 26 octobre 1973).

7 Pour un examen plus approfondi de la matière des successions, voy. A.-Ch. VAN GYSEL (dir.), op. cit., pp. 13 à 92 ; P. DELNOY, Les libéralités et les successions – Précis de droit civil, op. cit., pp. 83 à 313 ; E. DE WILDE

D’ESTMAEL, op. cit., pp. 21 à 63 et 83 à 109 ; J. RUYSSEVELDT, op. cit., pp. 161 et ss. ; Ph. KENEL et K. GEVAERT, op. cit., pp. 19 à 38. 8 P. DELNOY, L’anticipation successorale par la voie testamentaire, Bruxelles, Bruylant, 2006, pp. 165 et ss.

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11.- Rédiger un testament peut s’avérer utile pour privilégier certains héritiers, ou pour gratifier des personnes qui autrement n’hériteraient pas, ou encore pour organiser la répartition des biens entre ses différents héritiers.

Illustration J’ai de nombreux biens et trois enfants. Je décide de rédiger un testament afin de composer des « lots » personnalisés : ma collection de voitures de sport pour mon fils, l’appartement à la mer pour ma fille aînée et le chalet ardennais pour la cadette. En outre, je précise que mes chevaux sont pour ma filleule. Précision utile puisqu’elle ne fait pas partie de mes héritiers légaux ; sans testament, elle ne recevrait donc rien.

12.- Le testateur dispose de ses biens à titre gratuit. Comme la donation, le testament est une libéralité. A la différence de la donation, il est un acte unilatéral qui ne sort ses effets qu’à la mort du testateur.

B. De quoi hérite-t-on ?

1) Dévolution légale

13.- Les héritiers légaux héritent chacun d’une quote-part du patrimoine du défunt, dans une proportion déterminée par le Code civil. Le conjoint survivant et le cohabitant légal survivant ont quant à eux des droits plus particuliers sur les biens du défunt :

� le conjoint survivant :

o recueille l’usufruit de tous les biens du défunt, si ce dernier laisse des descendants ;

o recueille la pleine propriété de la part du défunt dans le patrimoine commun (à supposer qu’il y en ait un, cf. infra sur les régimes matrimoniaux) et l’usufruit des biens propres du défunt si ce dernier laisse d’autres successibles (père, grand-mère, oncle, nièce…) ;

o recueille la pleine propriété de tous les biens du défunt si ce dernier ne laisse aucun successible.

� le cohabitant légal survivant recueille l’usufruit de l’immeuble affecté durant la vie commune à la résidence commune de la famille ainsi que des meubles qui le garnissent, quels que soient les héritiers avec lesquels il vient à la succession.

Cette règle ne s’applique pas si le cohabitant légal survivant est le descendant du cohabitant légal décédé.

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Le Code civil détermine également quels sont les droits de chacun en cas de « concours entre héritiers », par exemple s’il existe un conjoint survivant et des enfants, ou un père et des neveux, etc.

Illustration Jules décède à 75 ans d’une overdose de bière belge. Il laisse son épouse, Mariette, avec laquelle il a eu trois filles. L’aînée est déjà décédée depuis plusieurs années mais a laissé un fils, Paulot.

Jules Mariette

F1 F2 F3

Paulot

D’après les règles du Code civil, Mariette aura droit à l’usufruit de tous les biens de Jules, tandis que la nue-propriété de ces biens ira aux deux filles survivantes et à Paulot, qui reprend la place de sa mère dans la succession. Chacun aura droit à 1/3 de la succession en nue-propriété. A la mort de Mariette, Paulot et ses deux tantes récupéreront la pleine propriété de leur part dans la succession, ainsi qu’1/3 chacun des biens de Mariette. Si Paulot avait eu un frère, ils n’auraient pu prétendre chacun qu’à 1/6 des biens de Jules. Puisqu’ils représentent leur mère dans la succession de leur grand-père, ils ne peuvent recevoir plus que ce que leur mère aurait reçu, soit 1/3 des biens de Jules (et donc 1/6 chacun).

Les héritiers désignés par la loi sont des successeurs universels, au sens où ils ont vocation à recueillir le patrimoine du défunt dans sa totalité.

2) Dévolution testamentaire 14.- Le testateur peut instituer des légataires universels, à titre universel ou à titre particulier. Le legs universel est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l’universalité des biens qu’il laissera à son décès. Le legs à titre universel est celui par lequel le testateur lègue une quote-part de ses biens, telle qu’une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier.

Illustration J’ai deux enfants et je rédige un testament disant qu’un tiers de mes biens ira à chacun d’eux et que le tiers restant sera pour mon meilleur ami. Je prévois par testament que ma filleule aura droit, à ma mort, à 25 % de tous mes immeubles (maisons, appartements, terrains).

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Le legs à titre particulier est celui par lequel le testateur lègue toute autre chose que l’universalité de ses biens ou une quote-part de ses biens. Il peut porter sur un ou plusieurs biens déterminés. 15.- Seuls les légataires universels et à titre universel sont tenus aux dettes du défunt, en proportion de leurs droits sur les biens de celui-ci.

Illustration Jules, qui n’a pas de famille, lègue 50 % de ses biens à son filleul, Paul, et les 50 % restant à son amour de jeunesse, Juliette. Il précise cependant que son ami d’enfance, Albert, recevra sa vieille Mustang. Paul et Juliette sont légataires à titre universel, et seront chacun tenu de payer la moitié des dettes que Jules aura laissées. Albert est légataire à titre particulier et n’est donc pas tenu au passif de la succession.

C. Est-on obligé d’hériter ? 16.- Non. Le successeur doit prendre position : il peut accepter purement et simplement la succession, l’accepter sous bénéfice d’inventaire ou encore y renoncer. L’acceptation pure et simple de la succession entraîne la confusion du patrimoine du défunt avec celui du successeur. Les biens et les dettes du défunt sont désormais considérés comme ceux du successeur. L’acceptation sous bénéfice d’inventaire permet d’éviter la confusion des patrimoines, qui demeurent distincts. Le successeur ne sera tenu aux dettes du défunt qu’à concurrence des biens présents dans la succession. De cette façon, si les dettes étaient plus importantes que l’actif successoral, le successeur n’y « perdrait rien ». L’acceptation sous bénéfice d’inventaire est dès lors fortement recommandée lorsque le successeur n’est pas certain de la consistance du patrimoine du défunt. La renonciation consiste à refuser l’actif et le passif de la succession. Le successeur qui a renoncé devient étranger à la succession. Les droits des éventuels autres successeurs demeurent bien sûr intacts.

D. Limite commune aux deux types de libéralités : l a réserve successorale

17.- Pour rappel, une libéralité est un acte à titre gratuit. Ce terme vise donc aussi bien la donation, acte bilatéral conclu entre personnes vivantes, que le testament, acte unilatéral qui ne sort ses effets qu’à la mort du testateur. Le principe est que chacun dispose de son patrimoine comme il l’entend. La loi impose pourtant une limite très contraignante à la faculté de disposer de ses biens à titre gratuit : la réserve successorale.

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Particulièrement dans les cas de transmission d’une entreprise familiale, il convient de bien comprendre et de garder à l’esprit cette importante limite à la liberté d’action du donateur ou du testateur.

1) Qu’est-ce que le mécanisme de la réserve ? 18.- Le Code civil prévoit que certains héritiers ont droit à une part d’héritage minimale, ce sont les héritiers réservataires. Partant du principe de la solidarité minimale, le Code civil interdit que l’on déshérite ses proches, en donnant ou en léguant tous ses biens à des tiers. Il définit dès lors une quotité disponible (Q.D.), c’est-à-dire une fraction de biens dont on peut disposer à titre gratuit, par donation ou testament. Cette Q.D. varie en fonction de la composition familiale :

� Enfants ou descendants des enfants (si un enfant est décédé en laissant lui-même des enfants). 1 enfant Q.D. = 1/2 des biens Réserve = 1/2 2 enfants Q.D. = 1/3 des biens Réserve = 2/3 3 enfants ou + Q.D. = 1/4 des biens Réserve = 3/4 Si un enfant est décédé, les éventuels petits-enfants représentent leur père ou mère dans la succession, et sont donc héritiers réservataires à concurrence de la réserve de leur père ou de leur mère.

Illustration Je suis veuf et j’ai deux fils, Georges et Luc. Luc meurt avant moi, mais laisse trois enfants. A ma mort, mes héritiers sont au nombre de quatre : Georges et mes trois petits-enfants. La réserve de Georges est de 1/3, comme celle de Luc. Luc étant mort, mes petits-enfants le représentent et ont droit à la part de leur père, soit 1/3 (donc 1/9 chacun). Si Luc était mort sans enfants, la part réservataire de George aurait été de la moitié, ainsi que la quotité disponible.

� Pas de descendant mais il existe un ou des ascendants (père, mère, grand-mère…)

Ascendant(s) dans la ligne paternelle et dans la ligne maternelle

Q.D = 1/2 de mes biens Réserve = 1/2

Ascendant(s) uniquement dans une des deux lignes Q.D = 3/4 de mes biens Réserve = 1/4

Exception : les libéralités faites au conjoint ou au cohabitant légal survivant, et à lui seul, ne sont pas limitées, elles peuvent épuiser la totalité des biens présents dans le patrimoine du défunt (attention, uniquement si ce dernier n’a pas d’enfants !).

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� Conjoint survivant

La réserve du conjoint survivant se compose de l’usufruit de la moitié des biens du défunt, et au minimum de l’usufruit de la maison familiale et des meubles qui la garnissent. Dans certains cas, la réserve du conjoint survivant équivaut donc à bien plus que l’usufruit de la moitié des biens de la succession. Attention, il n’en va de même pour le cohabitant légal survivant. Celui-ci est aujourd’hui un héritier légal, mais non un héritier réservataire, ce qui signifie qu’il n’est en aucun cas protégé contre les libéralités consenties par son cohabitant légal.

Illustration

Jules décède à 75 ans d’une overdose de bière belge. Il laisse son épouse, Mariette, avec laquelle il a eu trois filles, Juliette, Rose et Eva.

Jules Mariette

Juliette Rose Eva

FNRS

Jules rédige un testament dans lequel il précise qu’il laisse un quart de ses biens au Fonds National pour la Recherche Scientifique. Il respecte ainsi la réserve de ses héritiers. Afin de privilégier ses enfants, il a également précisé que l’héritage de Mariette serait réduit à sa réserve légale. A sa mort, Juliette, Rose et Eva ont chacune droit à un quart des biens de leur père. La réserve de leur mère porte sur l’usufruit de la moitié de ces biens mais au minimum sur l’usufruit de la maison familiale et des meubles qui la garnissent. Jules étant très aisé, la valeur de la moitié de ses biens est largement supérieure à la valeur de la maison familiale. Comment concilier les droits des différents héritiers réservataires ? Le Code civil prévoit que, dans ce cas, la réserve du conjoint survivant s’impute proportionnellement sur la réserve des cohéritiers et sur la quotité disponible. En d’autres termes, chaque successeur va voir sa part « grignotée » par la réserve du conjoint survivant :

� Juliette : 1/4 1/8 en pleine propriété, 1/8 en nue-propriété � Rose : 1/4 1/8 en pleine propriété, 1/8 en nue-propriété � Eva : 1/4 1/8 en pleine propriété, 1/8 en nue-propriété � FNRS : 1/4 1/8 en pleine propriété, 1/8 en nue-propriété

Mariette : 1/2 (4*1/8) en usufruit

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A la mort de Mariette, les autres successeurs seront pleinement propriétaires de leur part d’héritage.

Cette règle ne s’applique cependant que si le conjoint survivant est réduit à sa réserve :

� Logiquement, si Jules n’avait pas réduit les droits de Mariette à sa réserve

légale, elle aurait eu droit – par effet des règles de dévolution légale – à l’usufruit de tous les biens de la succession. Les autres successeurs n’auraient dès lors recueilli, dans un premier temps, que la nue-propriété de leur part.

� Si Jules avait voulu avantager Mariette au maximum, il lui aurait légué la quotité

disponible (1/4 de ses biens en pleine propriété). La dévolution légale opérant, Mariette aurait en outre eu droit à l’usufruit de tous les autres biens. Ses filles n’auraient donc recueilli, dans un premier temps, que leur réserve en nue-propriété.

19.- Rappelons encore que le mécanisme de la réserve ne protège les héritiers que contre les actes à titre gratuit, non contre les actes à titre onéreux. S’il vous démange de déshériter votre ingrate progéniture, libre à vous de vous ruiner en splendides voyages et autres plaisirs éphémères.

2) Comment se calculent la réserve et la quotité di sponible ? 20.- La réserve et la quotité disponible se déterminent d’après une masse successorale fictive, calculée comme suit :

Masse successoral fictive

Biens existant au moment du décès +

Biens dont le défunt a disposé par donation entre vifs -

Dettes de la succession

Il est donc normalement tenu compte de toutes les donations consenties par le défunt de son vivant, qu’elles aient profité à des héritiers légaux ou à des tiers. Remarque : pour calculer la masse successorale fictive, la valeur des donations est déterminée en fonction de l’état des biens au moment de la donation et de leur valeur au moment du décès. Par simplicité, les exemples ne tiennent cependant pas compte de l’inflation.

E. Le « rapport » 21.- La différence entre les donations consenties à des héritiers et celles consenties à des tiers est la suivante : les héritiers vont devoir rapporter à la succession les biens reçus, contrairement aux tiers. La raison est simple : le défunt est censé avoir voulu l’égalité entre ses héritiers légaux. Donc, sauf déclaration expresse qu’une donation a été consentie hors-part, les donations consenties aux héritiers sont considérées comme une avance sur leur part d’héritage. En

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imposant comme règle le rapport de ces donations à la succession, la loi favorise l’égalité entre héritiers. En d’autres termes, les donations consenties aux héritiers sont imputées sur leur part d’héritage, non sur la quotité disponible.

Illustration Jules est veuf et a deux enfants, Sam et Alex. Durant sa vie, Jules a aidé Sam à payer ses dettes en lui donnant 15.000,00 € et il a offert à Alex une caravane d’une valeur de 20.000,00 €, afin qu’il puisse emmener sa famille nombreuse et son frère en vacances. Il a également fait des dons à Vétérinaires sans frontières pour un total de 200,00 € et à la S.P.A. pour un total de 100,00 €. Il n’a pas rédigé de testament. Lorsque Jules meurs, son patrimoine se compose de biens divers, pour un total de 28.700,00 €. Il a 4.000,00 € de dettes. La masse successorale fictive se calcule comme suit :

Masse successoral fictive

Biens existant au moment du décès : 28.700,00 € +

Donations consenties : 35.300,00 € -

Dettes de la succession : 4.000,00 € =

60.000,00 €

D’emblée, on constate que la quotité disponible a été entamée à concurrence de 300,00 € (donations à des tiers). Il faut vérifier si ces donations n’ont pas entamé la réserve. Dans ce cas, les héritiers réservataires sont Sam et Alex. Ils ont impérativement droit chacun à 1/3 des biens de Jules tels que déterminés par la masse successorale fictive. Le minimum auquel peuvent prétendre Alex et Sam est dès lors 20.000,00 € chacun. La quotité disponible est de 20.000,00 € également et a été entamée à concurrence de 300,00 €. La réserve n’est donc pas atteinte, il n’y a pas lieu de réduire les donations consenties aux tiers (cf. ci-dessous, sur la réduction). Alex et Sam se partagent ce qu’il reste des biens de Jules, à savoir 59.700,00 €. Ils ont donc chacun droit à 29.850,00 €. Néanmoins, ils doivent rapporter les biens reçus, ce qui signifie que l’on tiendra compte du fait que Sam a déjà reçu 15.000,00 € et Alex 20.000,00 €. Sam peut donc prétendre à 14.850,00 € dans la succession de son père et Alex à 9.850,00 €. L’égalité entre héritiers est ainsi préservée.

Remarque : le calcul de la masse fictive a pour but de calculer la quotité disponible et la réserve, tandis que le rapport augmente la masse concrète des biens à partager entre les cohéritiers.

1) Qui est tenu au rapport ?

22.- Les héritiers légaux du défunt, c’est-à-dire les personnes qui sont appelées à la succession, selon les règles de la dévolution successorale (exposées au point A, 1) ci-dessus). L’héritier qui a été personnellement gratifié par le défunt doit rapporter à ses cohéritiers la libéralité dont il a bénéficié, afin de rétablir l’équilibre entre eux.

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16

Puisqu’il faut être héritier pour être tenu au rapport, celui qui renonce à la succession ne devra pas rapporter les libéralités dont il a bénéficié. La renonciation le prive en effet de sa qualité d’héritier.

De même, une libéralité consentie par le défunt à son petit-fils n’est pas rapportable à la succession, puisque le petit-fils n’est pas héritier, à moins que son père soit décédé avant son grand-père. Dans ce dernier cas, il représentera son père à la succession de son grand-père et devra, en tant qu’héritier, rapporter la libéralité octroyée. Notons que cette règle est d’application même si le petit-fils n’a pas recueilli la succession de son père. Remarque : ceux qui ne sont pas héritiers et ne sont donc pas tenus au rapport, peuvent néanmoins subir la réduction de la libéralité consentie par le défunt, si elle excède la quotité disponible (cf. point 4) ci-dessous).

2) Que faut-il rapporter ?

23.- Un héritier doit rapporter à ses cohéritiers toute libéralité – donation ou legs – dont il a bénéficié, à moins que le défunt ait stipulé qu’il s’agissait d’une libéralité consentie avec dispense de rapport.

La dispense de rapport peut être expresse ou tacite, pourvu qu’elle soit certaine. Elle est expresse lorsqu’elle ressort des termes de l’acte de donation ou du testament (« la présente donation/le présent legs est dispensé(e) de rapport »). Elle est tacite lorsqu’elle se déduit des circonstances entourant la libéralité9.

La loi prévoit également des cas de dispense. Ainsi, l’article 852 du Code civil précise que « les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaire d’équipement, ceux de noces et présents d’usage, ne doivent pas être rapportés ». Cette dispense de rapport est expliquée par le fait que ces frais n’ont généralement pas été engagés dans une intention libérale mais consistent plutôt en des dépenses ordinaires.

Ne doivent pas non plus être rapportés :

� un immeuble qui aurait péri par cas fortuit, sans faute de l’héritier donataire/légataire10;

� les fruits11 perçus entre la donation d’un bien et l’ouverture de la succession ne

doivent pas être rapportés12 ;

� etc13.

9 A.-Ch. VAN GYSEL (dir.), op. cit., p. 553 : cas d’un père ayant légué à son fils cadet la somme de 40.000 BEF/an à partir du 1er février 1965, pour compenser l’occupation gratuite de son immeuble par son fils aîné, en précisant que tous les autres biens devaient être partagés à parts égales entre ses deux fils. La Cour d’appel d’Anvers a estimé que le legs de 40.000 BEF/an à dater du 1er février 1965 devait être considéré comme non rapportable. 10 Article 855 du Code civil. 11 Fruit : chose produite régulièrement et dont la perception n’altère pas la substance de la chose fructifère. Fruits naturels (ex. : croît d’un troupeau), industriel (ex. : betterave) ou civils (ex. : intérêts, loyers). 12 Article 856 du Code civil. 13 Articles 858bis, 918, 1094 du Code civil.

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3) Quand s’effectue le rapport ?

24.- Le rapport n’est exigible qu’à l’ouverture de la succession.

En effet, les inégalités entre héritiers légaux ne seront aplanies que lors du décès du donateur/testateur. Chaque héritier peut alors demander ou/et subir le rapport. Le rapport peut être demandé aussi longtemps que durent les opérations de partage de la succession.

Les héritiers peuvent valablement renoncer à leur droit de réclamer le rapport, mais uniquement à compter du décès. En effet, une renonciation anticipée à ce droit apparaîtrait comme un pacte sur succession future prohibé par la loi, et serait par conséquent déclaré nul. Par contre, une fois le décès survenu, chaque héritier est libre de renoncer à ses droits sur la succession (renonciation au rapport, à la réduction ou à la succession entièrement).

4) Comment rapporter ?

25.- Le rapport s’effectue en moins prenant ou en nature14.

Comme son nom l’indique, le rapport en moins prenant (ou en valeur, par opposition à rapport en nature) signifie que l’héritier devant rapporter une libéralité verra sa part d’héritage diminuée de la valeur de la libéralité. Pour compenser ce qu’il a reçu en avance sur sa part d’héritage, il prendra moins que sa part dans la succession (cf. exemple chiffré ci-dessus). Il garde donc le bien reçu.

Le rapport a lieu en moins prenant lorsque la libéralité porte sur :

� un bien meuble, en tenant compte de sa valeur au moment de la donation15 ;

� un bien immeuble, par exception, lorsque16 :

o le bien a été aliéné avant l’ouverture de la succession17 ; o le rapport en nature est rendu impossible par le fait ou la faute de l’héritier

gratifié ; o l’héritier vient par représentation du donataire et n’a pas recueilli la succession de

ce dernier ; o le défunt a imposé le rapport en moins prenant ; o le défunt a laissé à son héritier le choix entre le rapport en nature ou en moins

prenant ; o il existe dans la succession des immeubles de même nature et valeur dont on

peut former des lots à peu près égaux pour les autres héritiers ; dans ce cas, il est tenu compte de la valeur de l’immeuble au moment de l’ouverture de la succession18.

14 P. DELNOY, Les libéralités et successions, op. cit., pp. 290-292. 15 Article 868 du Code civil. 16 D. CAES, Divorce et succession : la pratique de la liquidation et du partage, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2008, p. 163 ; I. DE STEFANI et Ph. DE PAGE, « La transmission successorale (ou à perspective successorale) du patrimoine immobilier », in Le patrimoine immobilier familial, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2009, pp. 207 à 209. 17 Article 860 du Code civil. 18 Article 859 du Code civil.

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Le rapport en moins prenant est facultatif dans les deux derniers cas et obligatoire dans les autres hypothèses visées. Lors du rapport d’un immeuble, il est tenu compte de sa valeur au moment du décès19.

Le rapport en nature signifie que l’objet de la libéralité est concrètement (ré)incorporé à la masse successorale, qui sera ensuite partagée entre tous les héritiers.

Contrairement à ce qui se passe lors d’un rapport en moins prenant, l’héritier est dépouillé du bien reçu, dont il ne peut qu’espérer être gratifié lors du partage. Sa situation, par rapport au bien ayant fait l’objet d’une libéralité en sa faveur, est finalement la même que celle des autres héritiers.

Le rapport a lieu en nature lorsque la libéralité porte sur un immeuble (en tenant compte de sa valeur au moment de l’ouverture de la succession), sous réserve des cas – cités ci-dessus – où il doit/peut avoir lieu en moins prenant.

Illustration Monsieur Dongénéreux a trois enfants, Delphine, Romain et Laura. De son vivant, il donne à Delphine et Laura sa maison de vacances en Bretagne, d’une valeur de 500.000,00 € et offre à Romain sa collection de voitures de sports, évaluée à 300.000,00 €. Il rédige un testament dans lequel il précise qu’une somme de 50.000,00 € doit être attribuée à Laura, avec dispense de rapport, car elle souffre d’un handicap moteur. Le testament prévoit que le reste de ses biens sera réparti équitablement entre ses trois enfants. Au décès de Monsieur Dongénéreux, son patrimoine se compose de son appartement, d’une valeur de 275.000,00 € et de liquidités pour un total de 175.000,00 €. Pour déterminer ce à quoi chaque enfant a impérativement droit, il convient de recomposer une masse successorale fictive : - appartement : 275.000,00 € - liquidités : 175.000,00 € - maison de vacances : 500.000,00 € - voitures de sport : 300.000,00 €

Total : 1.250.000,00 € Chaque enfant a donc droit à minimum 312.500,00 €, tandis que la quotité disponible est également de 312.500,00 €. Comment déterminer la masse concrète à partager ? Les héritiers doivent rapporter les libéralités dont ils ont bénéficié, sauf si le défunt a prévu que cette libéralité était consentie avec dispense de rapport. C’est le cas de Laura, qui reçoit par testament 50.000,00 € de plus que son frère et sa sœur, pour compenser certains frais dus à son handicap. Elle ne doit donc pas rapporter ce legs à la succession. Par contre, la maison de vacances donnée aux filles, et les voitures de sports données au fils doivent être rapportées. Une maison étant un immeuble, le rapport a lieu en nature : l’immeuble va concrètement venir grossir la masse à partager ; la maison de Bretagne pourrait donc potentiellement revenir à chacun des héritiers, en fonction du partage. Par contre, une collection de voitures de sports étant un bien meuble, le rapport a lieu en moins prenant : Romain garde ses voitures, mais prendra 300.000,00 € en moins dans la succession de son père. La masse concrète à partager sera dès lors composée de :

19 Article 860 du Code civil.

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- l’appartement : 275.000,00 € - liquidités : 125.000,00 € (175.000,00 € - les 50.000,00 € de Laura) - la maison de vacances : 500.000,00 € TOTAL : 900.000,00 € Romain prendra 300.000,00 € de moins que ses sœurs dans les biens à partager : Delphine et Laura prendront chacune 400.000,00 € et Romain 100.000,00 €. La volonté du défunt est respectée : ses biens sont partagés équitablement entre ses enfants, à l’exception d’une somme supplémentaire de 50.000,00 € pour Laura. Au final, Delphine et Romain auront en effet eu 400.000,00 € tandis que Laura aura reçu 450.000,00 €. Remarque : il s’agit ici d’un rapport en moins prenant par imputation. Il est également possible de procéder par prélèvement : les cohéritiers prélèvent avant le partage une somme correspondant à celle dont le « cohéritier rapporteur » a été gratifié. Dans ce cas, Delphine et Laura auraient toutes les deux prélevé 300.000,00 € avant de partager le reste (300.000,00 €) avec Romain.

Dans tous les cas, il est tenu compte des améliorations apportées ou des dégradations commises par le donataire, entre la donation et l’ouverture de la succession20.

F. Conséquences du non respect de la réserve succes sorale 26.- Reprenons un des exemples exposés ci-dessus et modifions-en légèrement les données :

Illustration Jules est veuf et a deux enfants, Sam et Alex. Durant sa vie, Jules a aidé Sam à payer ses dettes en lui donnant 15.000,00 € et il a offert à Alex une caravane d’une valeur de 20.000,00 €, afin qu’il puisse emmener sa famille nombreuse et son frère en vacances. Durant ses dernières années, pris d’un grand amour pour les animaux, Jules a fait un don de 10.000,00 € à Vétérinaires sans frontières en 1998 et un don de 15.000,00 € à la S.P.A. en 2002. Par testament, il lègue 5.000,00 € à Brigitte Bardot. Lorsque Jules meurt, son patrimoine se compose de biens divers, pour un total de 10.000,00 €. Il a 4.000,00 € de dettes. La masse successorale fictive se calcule comme suit :

Masse successoral fictive

Biens existant au moment du décès : 10.000,00 € +

Donations consenties : 60.000,00 € -

Dettes de la succession : 4.000,00 € =

66.000,00 €

La réserve est-elle atteinte ? Les héritiers réservataires, Sam et Alex ont impérativement droit à 22.000,00 € chacun. Tenant compte du rapport, Sam a impérativement droit à 7.000,00 € et Alex à 2.000,00 €.

20 Articles 861 à 864 du Code civil.

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Or, que reste-t-il en réalité ? Une fois les dettes payées et le legs honoré, il ne restera que 1.000,00 € (10.000,00 € – 4.000,00 € – 5.000,00 €). La réserve est atteinte.

27.- Si la réserve héréditaire est atteinte, les héritiers réservataires peuvent intenter une action en réduction, de manière à faire respecter leurs droits. Ils peuvent renoncer à cette action, mais seulement après le décès du donateur. La réduction s’opère en commençant par les libéralités les plus récentes, à savoir les legs (chaque legs est diminué proportionnellement, sauf si le défunt a prévu par testament que tel legs serait acquitté par préférence). Elle se poursuit ensuite sur les donations, à commencer par les plus récentes, jusqu’à avoir réduit les libéralités à la quotité disponible.

Illustration En l’occurrence, la quotité disponible était de 22.000,00 €. Or, les libéralités consenties aux tiers s’élèvent à 30.000,00 €.

Réduction

Total des libéralités consenties à des tiers : 30.000,00 € -

Legs : 5.000,00 € -

Partie de la donation consentie à la SPA : 3.000,00 € =

22.000,00 €

Brigitte Bardot ne bénéficiera donc pas du legs en sa faveur, tandis que la S.P.A. devra rembourser une partie de ce qu’elle a reçu en 2002. La succession retrouvera ainsi 8.000,00 € qui, ajoutés aux 1.000,00 € restants, permettront de donner à chaque héritier ce à quoi il a droit.

La réduction s’effectue en principe en nature. Pour les legs, cela ne pose aucun problème puisqu’ils n’ont pas encore été attribués. Si des donations doivent ensuite être réduites, les donataires devront restituer en nature l’objet de la donation. Il est néanmoins admis que la réduction s’opère en valeur lorsque le bien a péri par la faute du donataire. Cette valeur est déterminée en fonction de l’état du bien au moment de la donation et de sa valeur au moment du décès (article 922 du Code civil), sans qu’il existe une valeur entre les meubles et les immeubles. En outre, lorsque le donataire a aliéné le bien, la réduction s’opérera en valeur, à moins que le donataire soit insolvable ; dans ce cas, l’action en réduction peut être dirigée contre le tiers détenteur du bien, qui peut également offrir d’en restituer la contre-valeur. Ce n’est que s’il ne peut ou ne veut remettre aux réservataires une somme égale à la valeur du bien que ceux-ci pourront exiger de le récupérer. Il existe encore plusieurs exceptions qui aboutissent, en pratique, à ce que la réduction en valeur soit finalement la règle21.

21 Articles 866 et 924 du Code civil. La doctrine et la jurisprudence ont également tendance à considérer que les biens visés à l’article 918 du même Code sont réductibles en valeur (P. DE PAGE et I. DE STEPHANI, Liquidation et partage, Commentaire pratique, Leuven, Kluwer, pp. 104-108 ; I. DE STEFANI et Ph. DE PAGE, « La transmission successorale (ou à perspective successorale) du patrimoine immobilier », op. cit., pp. 206 et 207.

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G. Le rapport et la réduction ne risquent-ils pas d e causer préjudice à des

tiers qui auraient acquis des droits réels sur des biens, objets d’une libéralité rapportable ou réductible ?

28.- Nous ne visons ici que le rapport ou la réduction en nature car le rapport ou la réduction en valeur permet au détenteur du bien de le conserver.

1) Rapport 29.- Si le bien a été aliéné par le donataire, le rapport doit d’office avoir lieu en valeur (article 860 du Code civil). Le tiers acquéreur ne sera donc pas inquiété. Ensuite, l’article 865 du Code civil prévoit que lorsqu’un héritier rapporte un bien en nature, ce bien s’intègre à la succession « quitte et libre de toutes charges créées par le donataire », sans préjudice du droit des créanciers du donataire d’intervenir au partage pour s’opposer à ce que l’on agisse en fraude de leurs droits (voy. aussi à ce sujet l’article 882 du Code civil). Le risque d’atteinte aux droits des tiers est le suivant : puisque le bien rapporté fait partie de la masse à partager entre héritiers, rien ne garantit que ce bien sera attribué au donataire initial. Il pourrait très bien passer à l’un de ses cohéritiers, « quitte et libre de toutes charges créées par le donataire », et échapperait alors totalement aux créanciers du copartageant. Par contre, il ne sera pas porté atteinte aux droits des créanciers si le partage attribue le bien au donataire initial. Et comme les créanciers peuvent s’opposer à ce que le partage leur soit défavorable, ils refuseront que le bien soit remis à un autre héritier que le donataire initial.

Illustration Reprenons le deuxième exemple cité au point 3) ci-dessus. Delphine et Laura ont reçu la maison de Bretagne et, afin de la faire aménager à leur goût, elles ont contracté un prêt hypothécaire. Au décès de leur père, la maison est rapportée à la succession, avant partage. Le créancier hypothécaire pourra intervenir lors du partage et solliciter que les lots de Delphine et Laura comprennent la maison sur laquelle il a un droit hypothécaire (droit réel). Admettons qu’aucun prêt hypothécaire n’ait été contracté, mais que Delphine ait des dettes de jeu. L’article 882 du Code civil prévoit que « les créanciers d’un copartageant, pour éviter que le partage ne soit fait en fraude de leurs droits, peuvent s’opposer à ce qu’il y soit procédé hors leur présence : ils ont le droit d’y intervenir à leurs frais ; mais ils ne peuvent attaquer un partage consommé, à moins toutefois qu’il n’y ait été procédé sans eux et au préjudice d’une opposition qu’ils auraient formée ». La Cour de cassation a déclaré que « l'article 882 du Code civil ne vise pas seulement à ce que les créanciers puissent faire reconnaître leur dette par les copartageants mais tend aussi à ce qu'ils puissent influencer le partage afin d'empêcher que le gage de leur demande ne soit entaché frauduleusement ; cette règle s'applique aussi lorsque le partage ne concerne que des sommes d'argent ». Les créanciers de Delphine veilleront donc à intervenir au partage pour s’assurer que celui-ci ne mette pas leurs droits à mal.

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2) Réduction d’une donation

30.- Le contexte est tout différent : les libéralités ont excédé la quotité disponible au point qu’il faille réduire les donations consenties par le défunt de son vivant. La réduction des donations peut aussi bien s’appliquer à un donataire/légataire quelconque qu’à un héritier légal, qui a été trop avantagé par rapport à ses cohéritiers. Le rapport ne s’applique qu’aux héritiers, puisqu’il vise à assurer l’égalité entre ceux-ci. Lorsqu’il y a lieu à réduction, la donation est censée n’avoir jamais eu lieu. Dès lors, le principe veut que l’on puisse priver de ses droits le tiers qui aurait acquis le bien du donataire ou à qui ce dernier aurait consenti un droit réel sur le bien. L’action en réduction peut être exercée contre les tiers détenteurs des biens donnés comme contre les donataires eux-mêmes, c’est-à-dire en commençant par la plus récente. Il existe cependant une importante exception, exposée ci-dessus : si le donataire a aliéné le bien reçu et que la libéralité dont il a été gratifié doit être réduite, il devra rendre la valeur du bien ; s’il est insolvable, le tiers acquéreur pourra également offrir de payer la valeur du bien, pour éviter de se voir dépouiller. Mais s’il ne peut ou ne veut procéder de la sorte, le bien lui sera repris22. En conclusion, lorsqu’un bien donné est aliéné ou grevé de droits réels par le donataire, il existe un risque réel pour les tiers, dont ils ne peuvent pas se prémunir puisque ce n’est qu’au moment de l’ouverture de la succession que les droits des héritiers réservataires seront connus. Compte tenu de l’insécurité juridique des tiers détenteurs de droits réels sur des biens donnés, le législateur a tenté de tempérer les effets d’une réduction en nature à leur égard. Il n’existe cependant pas de moyen de garantir aux tiers acquéreurs qu’ils n’auront jamais à subir les conséquences d’une réduction. On ne peut que conseiller aux tiers qui craignent la réduction de garder suffisamment de liquidités en réserve pour éviter au moins une réduction en nature.

22 Article 930 du Code civil (P. DE PAGE et I. DE STEPHANI, Liquidation et partage, Commentaire pratique, op. cit., p. 105).

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III. BREF APERÇU DES RÉGIMES MATRIMONIAUX 23

A. Définition générale 31.- Ils peuvent être définis comme un « ensemble de dispositions légales ou résultant d’une volonté des époux – traduite alors dans un contrat de mariage – organisant les intérêts pécuniaires des époux »24. 32.- Il existe un régime matrimonial primaire et un régime matrimonial secondaire. Le régime primaire est prévu par la loi et s’impose à tous les époux : il s’agit des droits et devoirs respectifs des époux (logement commun, fidélité, secours, droit d’exercer une profession sans l’accord de l’autre, …). Sous l’angle des donations, il est important de savoir qu’un époux ne peut, sans l’accord de l’autre, donner l’immeuble qui sert au logement principal de la famille, ni les meubles qui le garnissent. Cette règle est également applicable aux cohabitants légaux. Le régime secondaire peut être légal ou volontaire, selon que les époux prévoient ou non un contrat de mariage. Ce régime détermine essentiellement le statut des biens et des dettes des époux ainsi que leur sort lors de la dissolution du mariage, par divorce ou décès. Sous l’angle des donations et successions, le statut des biens est important : le bien donné est-il un bien commun aux deux époux ? La succession de tel époux comprend-elle ce bien, ou fait-il partie du patrimoine propre de l’autre époux ? S’il y a donation d’un bien commun, l’accord des deux époux est nécessaire. En matière de successions, le régime matrimonial détermine la consistance de la succession d’un époux.

B. Description des principaux régimes secondaires 33.- Les futurs époux bénéficiant dans ce domaine d’une grande liberté, il est irréalisable de donner un aperçu exhaustif des régimes possibles. Nous nous contenterons donc d’exposer le régime légal et deux de ses variantes, à partir desquelles sont rédigés la grande majorité des contrats de mariage.

1) Le régime légal supplétif : la communauté 34.- Le régime légal est celui que le Code civil prévoit si les époux n’ont pas défini eux-mêmes leur régime secondaire. Ce régime s’applique dès lors en l’absence de contrat de mariage. Le régime légal de communauté connait trois patrimoines : le patrimoine de l’époux, le patrimoine de l’épouse et le patrimoine commun. A la dissolution du mariage, chacun reprend ses biens/dettes et la moitié du patrimoine commun. 23 Pour un examen plus approfondi de la matière des régimes matrimoniaux, voy. P. DE PAGE, Le régime matrimonial, Bruxelles, Bruylant, 2008 ; E. DE WILDE D’ESTMAEL, op. cit., pp. 65 à 82 ; Ph. KENEL et K. GEVAERT, op. cit., pp. 9 à 18. 24 P. DE PAGE, Le régime matrimonial, op. cit., p. 1.

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35.- Le Code civil détermine quels biens/dettes sont considérés comme propres à l’un des époux et lesquels sont communs :

� Biens propres :

o Biens propres par nature : biens ayant un caractère personnel Vêtements, objets personnels, droits intellectuels, droits attachés à la réparation d’un préjudice corporel ou moral, droits attachés aux actions ou parts nominatives de sociétés, droits aux pensions ou rentes viagères.

o Biens assimilés aux biens propres par nature Assurances-vie, droits du souscripteur et propriété des prestations. Outils et instruments professionnels.

o Biens propres par origine Biens possédés au jour du mariage. Biens acquis à titre gratuit, par donation ou succession, durant le mariage. Biens cédés à l’un des époux par l’un de ses ascendants, soit à charge de payer une dette due par l’ascendant à un tiers, soit pour éteindre une dette dont cet ascendant est débiteur à l’égard de l’époux. Part acquise par l’un des époux dans un bien dont il est déjà copropriétaire.

o Autres biens propres

Biens propres par subrogation, lorsque l’on remplace un bien propre directement par un autre bien propre. Biens acquis directement au moyen de fonds propres ou au moyen d’argent provenant de la vente d’un bien propre. Accessoires d’immeubles ou de droits immobiliers et les accessoires de valeurs mobilières propres.

� Biens communs :

o Revenus acquis durant le mariage Revenus professionnels Revenus de capitaux Revenus immobiliers

o Biens donnés ou légués conjointement aux deux époux

Même s’il s’agit de revenus provenant de biens propres !!!

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2) Le régime conventionnel de séparation de biens

36.- Les futurs époux peuvent déroger au régime légal en stipulant un autre régime, grâce à un contrat de mariage. Il s’agit d’un régime conventionnel : les futurs époux sont libres de prévoir des modalités particulières à leur situation. Le Code civil détermine néanmoins, de manière supplétive, les grandes lignes du régime de séparation de biens. 37.- Ce régime se caractérise par l’absence de patrimoine commun : chaque époux reste propriétaire des biens qu’il possédait avant le mariage et de tous ceux qu’il acquiert durant le mariage. Les biens que les époux acquerraient ensemble ou qui leurs seraient légués ou donnés constitueront un patrimoine indivis. Les époux sont alors de simples copropriétaires, la gestion ou liquidation du patrimoine indivis répondant aux règles de l’indivision.

3) Le régime conventionnel de communauté universell e 38.- Le Code civil l’envisage également, même si les futurs époux sont tout à fait libres de modifier les règles qu’il prévoit. Comme l’indique son nom, le régime de la communauté universelle implique que tous les biens des époux sont communs, y compris ceux qui sont considérés comme propres dans le régime légal, à l’exception :

� des biens à caractère personnel et des droits attachés à la personne ; � des biens qui remplacent ou complètent les premiers ; � des biens donnés ou légués dont il est précisé qu’ils resteront propres.

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DEUXIÈME PARTIE RÉGIMES FISCAUX FAVORABLES

INTRODUCTION

39.- A l’heure actuelle, l’entreprise familiale peut être transmise à titre gratuit via deux régimes fiscaux favorables différents :

- le régime de transmission de l’entreprise familiale (titres I. et II., ci-dessous) ;

- le régime de donation de biens meubles (titre III., ci-dessous). Ces régimes font partie d’un ensemble de trois régimes de transmission favorable, présents dans chacune des Régions du Royaume, le troisième étant la transmission de l’habitation familiale. Afin de permettre au lecteur d’avoir une vision globale de la matière, nous décrirons brièvement ce troisième régime (titres IV. et V., ci-dessous). Nous nous focaliserons sur les règles applicables en Région wallonne et en Région de Bruxelles-Capitale. 40.- Sachant que les trois Régions du pays connaissent des législations spécifiques en la matière, il est nécessaire d’exposer brièvement les critères de localisation qui servent à déterminer la législation applicable. Ces critères ont été introduits dans la Loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions25. 41.- Pour les transmissions entre vifs (donations), lorsque le donateur est un habitant du Royaume, la législation applicable est celle de l’endroit où le donateur a son domicile fiscal au moment de la donation. Lorsque le domicile fiscal du donateur était établi dans différentes Régions au cours de la période de cinq ans précédant la donation, le droit applicable est celui de l’endroit où son domicile fiscal a été établi le plus longtemps au cours de cette période de cinq ans26. Qu’en est-il lorsque le donateur réside à l’étranger ? Pour ce qui concerne les donations immobilières, le lieu de situation de l’immeuble déterminera la législation fiscale applicable27. Rien n’est prévu par contre pour les donations mobilières. L’administration considère dans ce cas qu’il convient de tenir compte du domicile du donataire lorsque celui-ci réside en

25 Loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, M.B., p. 850. 26 Art. 5, § 2, 8°, de la Loi spéciale du 16 janvier 1989. 27 Article 5, § 2, 8°, de la Loi spéciale du 16 janvier 1989.

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Belgique28. A défaut, il convient de voir dans quel bureau la donation a été présentée à la formalité de l’enregistrement29. 42.- Pour les transmissions consécutives à un décès, lorsque le défunt était un habitant du Royaume, la législation applicable est celle de l’endroit où le défunt avait son domicile fiscal au moment du décès. Lorsque le défunt a eu son domicile fiscal dans plus d’un endroit en Belgique au cours de la période de cinq ans précédant le décès, le droit applicable est celui de l’endroit où son domicile fiscal a été établi le plus longtemps pendant cette période de cinq ans30. Qu’en est-il si le défunt résidait à l’étranger ? On sait que dans ce cas, la Belgique n’impose que les biens immeubles du défunt situés sur le territoire belge. Ils sont soumis au droit de mutation par décès. La loi a prévu que dans ce cas, l’impôt est attribué à la région sur le territoire de laquelle les biens immeubles sont situés. S’ils sont situés dans plusieurs régions, le droit sera perçu par la région à laquelle appartient le bureau de perception dans le ressort duquel se trouve la partie des biens qui présente le revenu cadastral fédéral le plus élevé31. 43.- L’habitant du Royaume est celui qui a sa résidence fiscale en Belgique. Par « résidence fiscale », on entend le lieu de résidence effective, habituelle et continue. Il s’agit du lieu où est installée la famille du donateur ou du défunt, où est situé le centre de ses activités, d’où il gère sa fortune et ses affaires dans un sens large32.

28J. DEBLANDRE, « Donations entre vifs de biens meubles par un non-habitant du Royaume », R.G.E.N., 2005, pp. 269-271. 29 Circulaire n° 12/2005 du 20 octobre 2005, http://ccff02.minfin.fgov.be. La doctrine n’est pas de cet avis et considère que la donation doit alors être enregistrée au droit fixe général de 25 €,- (Ph. DE PAGE, « Commentaire des nouveaux décrets wallons », R.G.E.N., 2006, p. 38 ; Ph. DE PAGE, « Evolutions récentes en matière d’enregistrement et de droits fiscaux de succession », J.D.F., 2008, p. 78). 30 Art. 5, § 2, 4°, 1er tiret, de la Loi spéciale du 16 janvier 1989. 31 Art. 5, § 2, 4°, 2e tiret, de la Loi spéciale du 16 janvier 1989. 32 A. CULOT, « Les donations : principes généraux en droits d’enregistrement et de succession », in La fiscalité des donations et ses incidences civiles, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2005, p. 16.

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I. TRANSMISSION DE L ’ENTREPRISE FAMILIALE À TITRE GRATUIT ENTRE VIFS

Introduction 44.- Les différentes Régions ont souhaité mettre à la disposition du pater familias un régime lui permettant d’organiser la transmission de son entreprise de son vivant. Il s’agit d’un régime d’exonération totale en Région wallonne et d’un régime de taxation préférentielle, au taux de 3%, en Région de Bruxelles-Capitale. Le régime applicable en Région wallonne est totalement similaire à celui existant en matière de transmission d’entreprise à titre gratuit pour cause de mort. Il a été inséré par un décret du 15 décembre 200533. En Région de Bruxelles-Capitale, le régime applicable est toujours basé sur les dispositions fédérales.

A. Entreprises / Titres visés 45.- En Région wallonne, est exonérée la donation d’un droit réel (pleine propriété, nue propriété ou usufruit) sur des biens composant une universalité de biens, une branche d’activité ou un fonds de commerce34. Notons d’ores et déjà que le législateur wallon impose que l’activité soit exercée par le donateur lui-même au jour de la donation (éventuellement avec d’autres personnes). Dès lors, si le donateur a cessé son activité, le régime favorable n’est plus applicable. De même, est exonérée la donation d’un droit réel (pleine propriété, nue propriété ou usufruit35) sur des titres d’une société présentant au moins 10%36 des droits de vote à l’assemblée générale, société dont le siège est établi dans un Etat membre de l’Union européenne37. En Région de Bruxelles-Capitale, est susceptible de bénéficier des droits de donation, au taux de 3 %, la donation de la pleine propriété38 d’une universalité de biens ou d’une branche d’activité39, ainsi que la donation de titres représentant au moins 10%40 de droit de vote à l’assemblée générale d’une société ayant son siège de direction effectif dans un Etat membre de l’Union européenne41.

33 Décret du 15 décembre 2005 portant modifications au Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe, et au Code des droits de succession, M.B., p. 55537. Un certain nombre d’errata ont été publiés au Moniteur belge du 30 janvier 2006. 34 Art. 140bis, § 1er, 1°, CDE (W.). 35 Circulaire n° 18/2006 du 13 septembre 2006, http://ccff02.minfin.fgov.be, §. 26. 36 Art. 140bis, § 2, 2°, 1e tiret, CDE (W.). 37 Art. 140bis, § 1e, 2°, a), CDE (W.). 38 Circulaire n° 11 du 3 juin 1999, http://ccff02.minfin.fgov.be, §. 2. 39 Art. 140bis, 1E, CDE (B.). 40 Art. 140ter, 3°, 1e tiret, CDE (B.). 41 Art. 140bis, 2°, CDE (B.).

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46.- Tant en Région wallonne42 qu’en Région de Bruxelles-Capitale43, si les titres transmis représentent moins de 50% des droits de vote à l’assemblée générale, un pacte d’actionnariat représentant au moins 50% des droits de vote doit être signé afin d’assurer le respect des conditions de maintien du régime favorable. En Région wallonne, il est dorénavant précisé que ce pacte n’est pas nécessaire lorsque l’ensemble des droits de vote à l’assemblée générale détenus par le donateur et les membres de sa famille, tels qu’ils sont précisés par le Code, atteint au moins 50 % au jour de la donation. Les personnes de la famille du donateur sont :

� son conjoint ou cohabitant légal, � ses ascendants ou descendants ainsi que ceux de son conjoint ou cohabitant légal,

ainsi que leurs époux ou cohabitants légaux, � ses frères et sœurs ou ceux de son conjoint ou cohabitant légal, ainsi que leurs

époux ou cohabitants légaux, � les descendants des frères et sœurs du donateur et de son conjoint ou cohabitant

légal, ainsi que leurs époux ou cohabitants légaux44. 47.- En Région wallonne, les certificats se rapportant aux titres visés ci-dessus peuvent bénéficier du régime fiscal favorable pour autant qu’ils soient délivrés par une personne morale située dans l’Espace Economique Européen et que le certificateur, propriétaire des titres, ait l’obligation de transmettre les dividendes, les plus-values au porteur du certificat45. En Région de Bruxelles-Capitale, les certificats sont exclus du régime fiscal favorable. 48.- Enfin, en Région wallonne, les créances détenues par le donateur à l’encontre de la société peuvent également bénéficier du régime favorable à condition qu’elles résultent d’un prêt d’argent consenti par le donateur à la société, que ce prêt ait un lien direct avec les besoins de l’activité exercée par la société et/ou ses filiales et qu’elles n’excèdent pas la partie du capital social réellement libérée46. En Région de Bruxelles-Capitale, par contre, les créances sont exclues du régime de taxation favorable47.

B. Activité exercée par l’entreprise donnée / la so ciété dont les titres sont donnés

49.- En Région wallonne, le régime est offert aux entreprises et aux sociétés qui exercent, seules ou avec leurs filiales, à titre principal, sur une base consolidée, une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou forestière, une profession libérale, une charge ou un office.

42 Art. 140bis, § 2, 2°, 2e tiret, CDE (W.). 43 Art. 140ter, 3°, 2e tiret, CDE (B.). 44 Art. 140bis, § 1er, 2°, CDE (W.), tel que modifié par le Décret wallon du 10 décembre 2009, M.B., 23 décembre 2009. 45 Art. 140bis, § 3, b), CDE (W.). 46 Art. 140bis, § 4, CDE (W.). 47 B. GOFFAUX, Transmission des entreprises à titre gratuit, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 43.

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Pour les sociétés, cette activité doit être exercée durant l’exercice comptable en cours et les deux derniers exercices comptables clôturés au moment de la donation. En Région de Bruxelles-Capitale, le régime est offert aux entreprises et aux sociétés qui ont pour objet une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, une profession libérale, une charge ou un office. 50.- L’activité commerciale est celle qui consiste en l’exercice d’actes qualifiés de commerciaux par la loi. L’activité industrielle est une activité à caractère commercial. Elle peut être définie comme étant l’activité ayant pour objet « la transformation des matières premières grâce au travail d’autrui et aussi – le plus souvent – à l’emploi de machines »48. L’activité artisanale constitue une petite entreprise économique de production qui se distingue des entreprises plus importantes par le fait que son activité se confond généralement avec celle de l’entrepreneur lui-même, à savoir l’artisan qui se charge d’exécuter personnellement les commandes de ses clients (travaux de fabrication, de réparation, de préparation)49. L’activité agricole consiste en l’exploitation de la force productive de la terre : culture, élevage, exploitation des forêts. Rappelons qu’en général, l’activité d’exploitation agricole est considérée comme une activité civile, sauf si le travail de transformation porte sur des produits agricoles qui ont été achetés en dehors du cadre de l’entreprise50, auquel cas il s’agit d’une activité commerciale. L’activité forestière est celle qui a pour objet l’exploitation des forêts. Elle est généralement comprise parmi les activités agricoles. Une profession libérale peut être définie comme celle qui s’occupe de gérer les affaires d’autrui et dont l’exercice est incompatible avec l’organisation sur des bases commerciales, notamment en raison des règles déontologiques qui interdisent aux membres de ladite profession d’être inspirés par un souci exclusif de rendement. Les professions libérales sont celles qui sont exercées par les avocats, les experts-comptables, les comptables, les réviseurs d’entreprises, les médecins, les vétérinaires, les architectes, les ingénieurs-conseils, etc. Enfin, les titulaires d’une charge ou d’un office sont les notaires, les huissiers de justice, etc.

C. Conditions à respecter au moment de la donation 51.- En Région wallonne, pour pouvoir bénéficier du régime favorable, l’entreprise ou la société doit occuper dans l’Espace Economique Européen51 du personnel inscrit à l’ONSS. A défaut de disposer de main-d’œuvre, le ou les exploitants et leur conjoint, leur cohabitant légal, leurs parents et alliés peuvent bénéficier du régime favorable pour autant qu’ils constituent la

48 J. VAN RYN et J. HEENEN, Principes de droit commercial, t. I, 2ème éd., Bruxelles, Bruylant, 1957, p. 351. 49 Ibid., p.353. 50 Ibid., pp.362-363. 51 Art. 140bis, § 2, 1e, 1er tiret, CDE (W.), tel que modifié par l’article 64 du Décret wallon du 30 avril 2009, M.B., 1er juillet 2009.

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seule main d’œuvre de l’entreprise dans l’Espace Economique Européen52, qu’ils soient affiliés en tant qu’indépendants auprès d’une Caisse d’assurance sociale pour travailleurs indépendants et qu’ils soient en règle de cotisation53. En Région de Bruxelles-Capitale, aucune condition d’emploi n’est imposée au jour de la donation.

D. Conditions de maintien de l’exonération 52.- En Région wallonne, le régime d’exonération sera maintenu si les conditions suivantes sont respectées :

1. Une activité doit être poursuivie pendant cinq ans à compter de la donation ; Il est dorénavant précisé par la loi que l’activité doit être une des activités admises pour le bénéfice du tarif réduit (à savoir, une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou forestière, une profession libérale, une charge ou un office)54.

2. La main d’œuvre55 doit être maintenue à concurrence de 75 % pendant les cinq années qui suivent la donation ; Jusqu’il y a peu, la limite des 75 % devait être respectée durant chacune des cinq années. Depuis le Décret wallon du 30 avril 2009, cette condition est assouplie : la limite des 75 % ne doit plus être vérifiée pour chaque année de la période de référence mais bien « en moyenne pour les cinq premières années ». Si la moyenne annuelle des unités de temps plein n’est pas un nombre entier, elle est arrondie à l’unité inférieure ou supérieure selon que sa première décimale est ou non égale ou supérieure à cinq56.

3. Les avoirs investis dans l’entreprise ou le capital de la société dont les titres sont transmis ne peuvent diminuer à la suite de prélèvements ou de distributions au cours des cinq années qui suivent la donation57.

Si ces conditions ne sont pas maintenues pendant cinq ans à compter de la donation, le droit ordinaire de donation est dû, sauf pour le donataire à démontrer l’existence d’un cas de force majeure ; ce droit doit être majoré de l’intérêt légal à partir du moment où les conditions exposées ci-dessus ne sont plus remplies, sauf si le donataire a préalablement offert de payer le droit dû58. Il est clairement fait référence dans la loi au droit ordinaire de donation, « tel qu’il est prévu aux articles 131 à 140 du Code ». Cela signifie, selon nous, que le droit de donation est susceptible de s’appliquer aux taux de 3-5-7% sur les biens meubles59.

52 Art. 140bis, § 2, 1e, 2e tiret, CDE (W.), tel que modifié par l’article 64 du Décret wallon du 30 avril 2009, M.B., 1er juillet 2009. 53 Art. 140bis, § 2, 1° (W.). 54 Art. 140quinquies, §1er, alinéa 1er, 1°, CDE (W.), tel que modifié par l’article 65 du Décret wallon du 30 avril 2009, M.B., 1er juillet 2009. 55 Soit le total du nombre de travailleurs et de personnes indépendantes occupées dans l’entreprise. 56 Art. 140quinquies, § 1er, alinéa 1er, 2°, CDE (W.), tel que modifié par l’article 65 du Décret wallon du 30 avril 2009, M.B., 1er juillet 2009. 57 Art. 140quinquies, § 1er, alinéa 1er, 3°, CDE (W.). 58 Art. 140quinquies, § 2 et 140sexies, CDE (W.). Le droit ordinaire n’est cependant pas dû dans le cas où l’entreprise fait l’objet d’une transmission à titre gratuit en faveur du donateur initial avant l’expiration du délai de cinq ans (article 140septies, CDE (W.)). 59 Voy. l'exposé de ce régime ci-dessous (titre III.).

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Pour l’entreprise exercée en personne physique, le ou les immeubles transmis avec le bénéfice du tarif réduit ne peuvent être affectés partiellement ou totalement à l’habitation pendant une période ininterrompue de cinq ans. Si tel est le cas, le droit réduit est retiré dans la mesure de la valeur vénale de la partie de l’immeuble nouvellement affectée à l’habitation60. Jusqu’il y a peu, le siège de direction de la société ne pouvait être transféré, durant cette période de cinq ans, dans un Etat non membre de l’Union européenne. Cette condition a été supprimée par le Décret wallon du 30 avril 2009. En Région de Bruxelles-Capitale, le régime de taxation favorable, au taux de 3% sera maintenu si les conditions suivantes sont respectées :

1. En cas de donation d’une entreprise : a. le donataire s’engage à poursuivre l’activité pendant cinq ans ; b. le donataire s’engage à ne pas affecter totalement ou partiellement, pendant

une durée ininterrompue de cinq ans à compter de la donation, les biens immeubles transmis avec le bénéfice du tarif réduit61.

2. En cas de donation d’actions d’une société : a. Le donataire s’engage à garder la pleine propriété des actions ou parts faisant

l’objet de la donation pendant une durée ininterrompue de cinq ans à compter de la donation62 ;

b. Le siège de direction de la société ne peut être transféré, durant cette période de cinq ans, dans un Etat non membre de l’Union européenne63.

Si ces conditions ne sont pas maintenues pendant cinq ans à compter de la donation, le droit ordinaire de donation est dû, sauf pour le donataire à démontrer l’existence d’un cas de force majeure64. Tel est notamment le cas si le donataire n’a pas conservé la propriété des éléments composant l’entreprise ou les actions de la société familiale pendant cinq ans à compter de la donation ; le droit réduit à 3% sera tout de même maintenu :

- pour l’entreprise exercée en personne physique : lorsque la cession des actifs composant l’entreprise est justifiée par l’exercice de l’activité65 ou lorsque cette cession a lieu par succession ou par donation et que les ayants droit ou les donataires reprennent les engagements du défunt ou du donateur (donataire initial)66 ;

- pour les actions de la société familiale : lorsque la cession a lieu par succession, par donation ou par cession à titre onéreux à un autre membre du pacte d’actionnariat, et que les ayants droits, les donataires ou l’acquéreur reprennent les engagements souscrits par le défunt, le donateur ou le cédant67.

60 Art. 140quinquies, § 1er, alinéa 2, CDE (W.). 61 Art. 140ter, 2°, CDE (B.). 62 Art. 140ter, 3°, 3e tiret, a, CDE (B.). 63 Sauf si la cession est justifiée par l’exercice de l’activité ou si la cession a lieu par succession ou par donation et que les ayants droit ou les donataires reprennent les engagements souscrits par le défunt ou le donateur. 64 Art. 140quinquies, al. 1er, a, CDE (B.). Le droit ordinaire n’est cependant pas dû dans le cas où l’entreprise fait l’objet d’une transmission à titre gratuit en faveur du donateur initial avant l’expiration du délai de cinq ans (article 140septies, CDE (B.)). 65 Art. 140quinquies, al. 1er, b, CDE (B.). 66 Art. 140quinquies, al. 2, CDE (B.). 67 Art. 140quinquies, al. 3, CDE (B.).

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En cas de non-respect des conditions de maintien du régime favorable, il est clairement fait référence dans la loi au droit ordinaire de donation, « tel qu’il est prévu aux articles 131 à 140 du Code ». Cela signifie, que le droit de donation est susceptible de s’appliquer aux taux de 3-5-7% sur les biens meubles68.

E. Immeubles d’habitation 53.- En Région wallonne, il convient de distinguer selon qu’il s’agit d’une entreprise exercée en personne physique ou d’une société. Pour l’entreprise exercée en personne physique, le tarif réduit n’est pas accordé au bien immeuble partiellement affecté à l’habitation, dans la mesure de la valeur vénale de la partie de l’immeuble affectée à l’habitation69. Il n’y a donc pas de perte du tarif réduit sur les autres biens investis dans l’entreprise. Rien n’empêche au donateur de transmettre la partie de l’immeuble affectée à l’habitation dans le cadre du régime préférentielle de transmission de l’habitation familiale (cf. infra, titre IV.). Aucune restriction n’est par contre prévue lorsqu’on retrouve dans le patrimoine de la société des immeubles affectés partiellement ou totalement à l’habitation, ni au moment de la donation, ni dans les cinq ans qui suivent celle-ci70. Il en va de même en Région de Bruxelles-Capitale où il faut également faire la distinction entre l’entreprise exercée en personne physique et les titres d’une société. Lorsqu’il s’agit d’une entreprise exercée en personne physique, le tarif réduit est exclu pour la transmission de l’immeuble affecté partiellement à l’habitation71. Le tarif ordinaire sera appliqué à l’immeuble pour sa valeur vénale totale. Le régime fiscal n’est donc pas applicable à la partie de l’immeuble affectée à l’entreprise familiale.

F. Bénéficiaires 54.- Que ce soit en Région wallonne ou en Région de Bruxelles-Capitale, le régime est offert quel que soit le lien de parenté entre le donateur et le donataire72. Le donataire a même la faculté de céder les actions à une tierce personne pour autant que celle-ci s’engage à respecter les conditions imposées pour bénéficier du régime d’exonération ou de taxation au taux de 3 %73.

68 M. MUND, « Les aspects fiscaux de la transmission gratuite d’un fonds professionnel dans les Régions bruxelloise et flamande », in La transmission du patrimoine professionnel – Aspects civils et fiscaux, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2007, p. 274 ; Voy. l'exposé de ce régime ci-dessous (titre III.). 69 Art. 140bis, § 1e, 1°, al. 2, et 140quinquies, al. 2, CDE (W.). 70 Circulaire n° 18/2006 du 13 septembre 2006, www.ccff02.minfin.fgov.be, §§. 35 et 55. B. GOFFAUX, Transmission des entreprises à titre gratuit, op. cit., pp. 22-23. 71 Art. 140bis, 1°, alinéa 2, CDE (B.). 72 En Région wallonne, le bénéficiaire de la donation pourrait même être une personne morale (Circulaire n° 18/2006 du 13 septembre 2006, http://ccff02.minfin.fgov.be, §. 5 ; B. GOFFAUX, Transmission des entreprises à titre gratuit, op. cit., pp. 20 et 41). Par contre, en Région de Bruxelles-Capitale, seuls les donateurs personnes physiques peuvent profiter du tarif réduit (Circulaire n° 11 du 3 juin 1999, http://ccff02.minfin.fgov.be, §. 3). 73 En Région de Bruxelles-Capitale, le bénéfice du régime de taxation favorable n’est toutefois maintenu qu’à la condition que la cession ait lieu par donation ou par succession ou à titre onéreux au profit d’un autre membre du

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G. Influence de donations antérieures 55.- Le donateur pourrait être tenté de scinder une donation en plusieurs donations de moindre valeur, ceci afin de limiter la progressivité de l’impôt. En vue de contrer cette pratique, le législateur a prévu que pour déterminer le taux applicable à une donation soumise au tarif progressif, la base imposable de celle-ci serait ajoutée à la somme des bases imposables des donations déjà intervenues entre les mêmes parties durant les trois années précédentes74. Notons cependant que le législateur a exclu de cette règle la donation de l’entreprise familiale. Ainsi, il n’y a pas lieu d’ajouter à la base imposable de la donation à réaliser la valeur de l’entreprise transmise à titre gratuit, dans le cadre du régime fiscal favorable, dans les trois ans précédant cette nouvelle donation :

� en Région wallonne, on ne tient compte que des donations soumises au tarif ordinaire ou des donations de l’habitation familiale (cf. infra)75 ;

� en Région de Bruxelles-Capitale, cette règle n’est applicable que pour les

donations de biens immeubles76 ;

H. Modifications du Code civil 56.- Afin de combiner au mieux le régime fiscal favorable décrit ci-dessus avec les règles civiles gouvernant les successions, une référence au régime fiscal favorable de transmission de l’entrepris à titre gratuit a été insérée aux articles 922 et 826 du Code civil. 57.- L’article 922 du Code civil détermine la composition de la masse successorale fictive, destinée à calculer la part des héritiers réservataires (cf. première partie, point II, D ci-dessus) :

« La réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existants au décès du donateur ou testateur. On y réunit fictivement ceux dont il a été disposé par donations entre vifs, d'après leur état à l'époque des donations et leur valeur au temps du décès du donateur. On calcule sur tous ces biens, après en avoir déduit les dettes, quelle est, eu égard à la qualité des héritiers qu'il laisse, la quotité dont il a pu disposer. Par dérogation à l'alinéa précédent, la valeur au moment de la donation est prise en considération quand il s'agit de biens qui ont été donnés en application de l'article 140bis du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe».

pacte d’actionnariat ; le maintien du bénéfice du tarif réduit est également maintenu en cas de force majeure ou en cas d’application d’une clause de retour conventionnel (B. GOFFAUX, Transmission des entreprises à titre gratuit, op. cit., pp. 31, 34 et 48-51 ; circulaire n° 11 du 3 juin 1999, http://ccff02.minfin.fgov.be, §. 5). 74 Art. 137, al. 1e, CDE (W.) ; art. 137 CDE (B.). 75 Art. 137, al. 1e, CDE (W.). 76 Art. 137 CDE (B.).

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Lorsqu’une entreprise a été transmise dans le cadre du régime favorable visé à l’article 140bis du CDE, il n’est tenu compte – pour reconstituer la masse successorale – que de leur valeur au moment de la donation. Il serait en effet injuste que les héritiers profitent de la plus-value due au travail personnel du donataire. A l’inverse, ce dernier fera seul les frais d’une diminution de valeur de l’entreprise reçue.

Illustration Jules transmet son entreprise à son fils Grégoire, dans le cadre du régime fiscal favorable. Au jour de la donation, les parts représentatives sont au nombre de 200 et valent chacune 250,00 €. La donation s’évalue donc à 50.000,00 €. Doué du sens des affaires, Grégoire développe l’entreprise paternelle qui, au jour du décès de son père, vaut 150.000,00 €. Néanmoins, au moment de reconstituer la masse successorale, seule une donation de 50.000,00 € sera prise en compte, afin de laisser à Grégoire le bénéfice de son savoir-faire et surtout pour éviter que la donation soit considérée comme excédant la quotité disponible et donc réductible, en nature.

Cette solution ne résout que partiellement le problème de la fluctuation de valeur d’une entreprise car l’article 922, alinéa 2 du Code civil neutralise désormais toute fluctuation, y compris celles qui ne résultent pas du fait du donataire. Par conséquent, le donataire bénéficie injustement d’une plus-value résultant de circonstances extérieures, tandis que les héritiers se trouvent anormalement avantagés lorsque l’entreprise a perdu de la valeur, indépendamment de la gestion du donataire77. 58.- L’article 826 du Code civil concerne le partage de la succession entre héritiers ; ceux-ci ont normalement droit au partage en nature des biens composant la masse successorale :

« Sans préjudice des droits reconnus au conjoint survivant par l'article 745quater, § 2, et du droit de préférence prévu à l'article 4 de la loi du 16 mai 1900, apportant des modifications au régime successoral des petits héritages et du droit de reprise prévu par la loi relative au régime successoral des exploitations agricoles en vue d'en promouvoir la continuité, chacun des cohéritiers peut demander sa part en nature des meubles et immeubles de la succession, à l'exception des biens visés à l'article 140bis du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe (…) ».

Les héritiers ne peuvent donc pas exiger que les titres de la société soient partagés entre eux, si ces titres venaient à réintégrer la masse successorale concrète (suite à une réduction en nature)78.

77 I. DE STEPHANI et P. DE PAGE, « Le statut des biens professionnels en droit des régimes matrimoniaux et en droit successoral civil », La transmission du patrimoine professionnel, Louvain-la-Neuve, Anthemis, p. 234. 78 Voy., à ce sujet, I. DE STEPHANI et P. DE PAGE, « Le statut des biens professionnels en droit des régimes matrimoniaux et en droit successoral civil », op. cit., p. 226.

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II. TRANSMISSION DE L ’ENTREPRISE FAMILIALE À TITRE GRATUIT POUR CAUSE DE MORT

Introduction 59.- Outre les régimes de transmission entre vifs, les différentes Régions ont toutes progressivement instauré un régime permettant au pater familias qui décède de transmettre son entreprise à la génération suivante à des tarifs réduits, voire en exonération d’impôts. Il s’agit d’un régime d’exonération totale en Région wallonne et de taxation préférentielle, au taux de 3%, en Région de Bruxelles-Capitale. Le régime wallon est totalement similaire à celui existant en matière de transmission d’entreprise entre vifs à titre gratuit. Il a été inséré par un décret du 15 décembre 200579, le régime bruxellois par une ordonnance du 29 octobre 199880.

A. Entreprise / Titres visés 60.- En Région wallonne, est exonérée la transmission d’un droit réel (pleine propriété, nue propriété ou usufruit) sur des biens composant une universalité de biens, une branche d’activité ou un fonds de commerce81. Pour que le régime soit applicable, le défunt, éventuellement avec d’autres personnes, devait exercer lui-même l’activité au jour de son décès. S’il avait donc cessé d’être actif dans l’entreprise, le régime favorable ne peut pas trouver à s’appliquer. De même, est exonérée la transmission d’un droit réel (pleine propriété, nue propriété ou usufruit) sur les titres d’une société représentant au moins 10%82 des droits de vote à l’assemblée générale, société dont le siège est établi dans un Etat membre de l’Espace Economique Européen83. En Région de Bruxelles-Capitale, est susceptible de bénéficier des droits de succession, au taux de 3 %, la transmission d’une petite ou moyenne entreprise qui comprend des biens composant une universalité de biens, une branche d’activité ou un fonds de commerce84. De même, est susceptible de bénéficier du tarif réduit de 3 % la transmission de la pleine propriété85 des titres représentant au moins 25%86 des droits de vote à l’assemblée générale

79 Décret du 15 décembre 2005 portant modifications au Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe, et au Code des droits de succession, M.B., p. 55537. Un certain nombre d’errata ont été publiés au Moniteur belge du 30 janvier 2006. 80 Ordonnance du 29 octobre 1998 instaurant un tarif réduit pour les droits de succession en cas de transmission de petites et moyennes entreprises, M.B., p. 39385. 81 Art. 60bis, § 1ebis, 1°, CDS (W.). 82 Art. 60bis, § 1ebis, 2°, 1e tiret, CDS (W.). 83 Art. 60bis, § 1e, 2°, CDS (W.), tel que modifié par l’ordonnance du 26 août 2010, M.B., 3 septembre 2010. Avant cette dernière modification, le régime ne visait que les entreprises établies dans l’Union européenne. 84 Art. 60bis, § 1er, al. 1e, 1°, CDS (W.).

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d’une société ayant son siège de direction effectif dans un Etat membre de l’Union européenne87. Le régime favorable ne s’applique, en Région de Bruxelles-Capitale, que pour les petites et moyennes sociétés qui respectent les conditions suivantes :

• disposer de moins de 250 employés ; • avoir un chiffre d’affaire annuel qui n’excède pas 40 millions € ou un bilan dont le total

n’excède pas 27 millions € ; • ne pas être détenue par une grande entreprise à hauteur de 25% du capital ou plus88.

61.- Tant en Région wallonne89 qu’en Région de Bruxelles-Capitale90, si les titres transmis représentent moins de 50% des droits de vote à l’assemblée générale, un pacte d’actionnariat représentant au moins 50% des droits de vote doit être signé afin d’assurer le respect des conditions de maintien du régime favorable. En Région wallonne, il est dorénavant précisé que ce pacte n’est pas nécessaire lorsque l’ensemble des droits de vote à l’assemblée générale détenus par le défunt et les membres de sa famille, tels qu’ils sont précisés par le Code, atteint au moins 50 % au jour du décès. Les personnes de la famille du défunt sont :

� son conjoint ou cohabitant légal, � ses ascendants ou descendants ainsi que ceux de son conjoint ou cohabitant légal,

ainsi que leurs époux ou cohabitants légaux, � ses frères et sœurs ou ceux de son conjoint ou cohabitant légal, ainsi que leurs

époux ou cohabitants légaux, � les descendants des frères et sœurs du défunt et de son conjoint ou cohabitant légal,

ainsi que leurs époux ou cohabitants légaux91. 62.- En Région wallonne, les certificats se rapportant aux titres visés ci-dessus peuvent également bénéficier du régime fiscal favorable pour autant qu’ils soient délivrés par une personne morale située dans l’Espace Economique Européen et que le certificateur, propriétaire des titres, ait l’obligation de transmettre les dividendes et plus-values au porteur du certificat92. Il en va de même en Région de Bruxelles-Capitale pour autant que chaque certificat corresponde à une action et que le certificateur ne puisse aliéner les actions sans l’autorisation du titulaire du certificat93. 63.- Enfin, en Région wallonne, les créances détenues par le de cujus à l’encontre de la société dont il possédait des titres peuvent également bénéficier du régime favorable, à condition 85 Est donc exclu le cas le plus fréquent où les descendants héritent de la nue-propriété et le conjoint de l’usufruit des actions (M. MUND, « La transmission de l’entreprise familiale et le maintien du contrôle », Rev. not., 2006, p. 574). 86 Art. 60bis, § 1e, al. 2, CDS (B.). 87 Art. 60bis, § 1e, al. 1°, 2°, CDS (B.). 88 Art. 60bis, § 2, CDS (B.). 89 Art. 60bis, § 1ebis, 2°, 2e tiret, CDS (W.). 90 Art. 60bis, § 1e, al. 3, CDS (B.). 91 Art. 60bis, § 1erbis, 2°, CDE (W.), tel que modifié par le Décret wallon du 10 décembre 2009, M.B., 23 décembre 2009. 92 Art. 60bis, § 1eter, b), CDS (W.). 93 Art. 60bis, § 4, 2e tiret, CDS (B.).

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qu’elles résultent d’un prêt d’argent consenti par le de cujus à la société, que ce prêt ait un lien direct avec les besoins de l’activité exercée par la société et/ou ses filiales et qu’elles n’excèdent pas la partie du capital social réellement libérée94. Par contre, les créances sont exclues du taux réduit applicable en Région de Bruxelles-Capitale95. 64.- La base imposable auquel il convient d’appliquer le tarif préférentiel est fixée en fonction de la part nette de l’entreprise comprise dans la succession. Ceci implique que soient déduites de la valeur brute de l’entreprise les dettes présentes dans la succession. Tant en Région wallonne96 qu’en Région de Bruxelles-Capitale97, il est prévu que les dettes de la succession doivent être prioritairement déduites de la part de l’entreprise bénéficiant du régime préférentiel98, ce qui peut en réduire sensiblement l’intérêt.

B. Activité exercée par l’entreprise transmise / la société dont les titres sont transmis

65.- En Région wallonne, le régime est offert aux entreprises et aux sociétés qui exercent, seule ou avec leurs filiales, à titre principal sur une base consolidée, une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou forestière, une profession libérale, une charge ou un office. Pour les sociétés, cette activité devait être exercée durant l’exercice comptable en cours et les deux derniers exercices comptables clôturés au moment du décès. En Région de Bruxelles-Capitale, le régime est offert aux entreprises et aux sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, une profession libérale, une charge ou un office. 66.- Pour une définition de ces activités, nous renvoyons au régime de transmission entre vifs (titre I., ci-dessus).

94 Art. 60bis, § 1equater, CDS (W.). 95 B. GOFFAUX, Transmission des entreprises à titre gratuit, op. cit., p. 96. 96 Art. 60bis, § 2, CDS (W.). 97 Art. 60quater, CDS (B.). 98 Avec quelques exceptions toutefois:

- en Région wallonne: o les dettes se rapportant spécialement à d’autres biens présents dans la succession peuvent être

déduites prioritairement de la valeur de ces biens ; o les dettes se rapportant à un bien immeuble partiellement transmis avec application du droit

réduit, au vu de son affectation partielle à l’habitation, ne seront déduites de la valeur de l’entreprise qu’en proportion de la valeur vénale de la partie de l’immeuble affectée à l’activité professionnelle par rapport à la valeur vénale totale dudit immeuble ;

- en Région de Bruxelles-Capitale : si l’héritier ou le légataire prouve que certaines dettes ont été spécialement contractées pour acquérir, améliorer ou conserver des biens présents dans la succession, ces dettes sont déduites prioritairement de la valeur de ces biens.

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C. Conditions à respecter au moment du décès 67.- En Région wallonne, pour pouvoir bénéficier du régime favorable, l’entreprise ou la société doit occuper dans l’Espace Economique Européen99 du personnel inscrit à l’ONSS. A défaut de disposer de main-d’œuvre, le ou les exploitants et leur conjoint, leur cohabitant légal, leurs parents au premier degré et alliés peuvent bénéficier du régime favorable pour autant qu’ils soient la seule main d’œuvre occupée dans l’entreprise dans l’Espace Economique Européen100, qu’ils soient affiliés en tant qu’indépendants auprès d’une caisse d’assurance sociale pour travailleurs indépendants et qu’ils soient en règle de cotisation. Par contre, aucune condition d’emploi n’est imposée en Région de Bruxelles-Capitale au jour de l’ouverture de la succession101.

D. Conditions de maintien de l’exonération 68.- En Région wallonne102, le régime d’exonération sera maintenu si les conditions suivantes sont respectées :

1. L’activité doit être poursuivie pendant cinq ans à compter du décès. Il est dorénavant précisé par la loi que l’activité doit être une des activités admises pour le bénéfice du tarif réduit (à savoir, une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou forestière, une profession libérale, une charge ou un office)103.

2. La main-d’œuvre104 doit être maintenue à concurrence de 75 % pendant les cinq années qui suivent le décès. Jusqu’il y a peu, la limite des 75 % devait être respectée durant chacune des cinq premières années. Depuis le Décret wallon du 30 avril 2009, cette condition est assouplie : la limite des 75 % ne doit plus être vérifiée pour chaque année de la période de référence mais bien « en moyenne pour les cinq premières années ». Si la moyenne annuelle des unités de temps plein n’est pas un nombre entier, elle est arrondie à l’unité inférieure ou supérieure selon que sa première décimale est ou non égale ou supérieure à cinq105.

3. Les avoirs investis dans l’entreprise ou le capital de la société dont les actions sont transmises ne peuvent diminuer à la suite de prélèvements ou de distributions au cours des cinq années qui suivent le décès.

Si ces conditions ne sont pas maintenues pendant cinq ans à compter du décès, le droit de succession est dû, sauf pour le continuateur à démontrer l’existence d’un cas de force majeure106.

99 Art. 60bis, §. 1bis, 1°, CDS (W.), tel que modifié par l’article 53 du Décret wallon du 30 avril 2009, M.B., 1er

juillet 2009. 100 Ibid. 101 Ce n’est que si la société emploie des travailleurs salariés au moment du décès qu’elle est tenue de conserver 75 % des emplois durant les cinq années suivantes. 102 Art. 60bis, § 3, CDS (W.). 103 Art. 60bis, § 3, 1°, CDS (W.), tel que modifié par l’article 53 du Décret wallon du 30 avril 2009, M.B., 1er juillet 2009. 104 Soit le total du nombre de travailleurs et de personnes indépendantes occupées dans l’entreprise. 105 Art. 60bis, § 3, 2°, CDS (W.), tel que modifié par l’article 53 du Décret wallon du 30 avril 2009, M.B., 1er juillet 2009.

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Pour l’entreprise exercée en personne physique, le ou les immeubles transmis avec le bénéfice du tarif réduit ne peuvent être affectés partiellement ou totalement à l’habitation pendant une période ininterrompue de cinq ans. Si tel est le cas, le droit réduit est retiré dans la mesure de la valeur vénale de la partie de l’immeuble nouvellement affectée à l’habitation107. Il n’y a donc pas de perte du tarif réduit sur les autres biens investis dans l’entreprise. En Région de Bruxelles-Capitale, des conditions similaires doivent être respectées pour bénéficier du régime de taxation au taux de 3%108 :

1. L’activité doit être poursuivie pendant cinq ans à compter du décès109. 2. Le nombre de travailleurs salariés dans l’entreprise, exprimé en unité temps plein,

doit être maintenu à concurrence de 75 % pendant les cinq années qui suivent le décès et ce, d’année en année.

3. Les avoirs investis dans l’entreprise ou le capital de la société dont les actions sont transmises ne peuvent diminuer à la suite de prélèvements ou de distributions au cours des cinq années qui suivent le décès.

E. Immeubles affectés à l’habitation 69.- En Région wallonne, il convient de distinguer selon qu’il s’agit d’une entreprise exercée en personne physique ou d’une société. Pour l’entreprise exercée en personne physique, le tarif réduit n’est pas accordé aux biens immeubles partiellement ou totalement affectés à l’habitation, dans la mesure de la valeur vénale de la partie de l’immeuble affectée à l’habitation110. Rien n’empêche de bénéficier, pour la partie de l’immeuble affectée à l’habitation, du tarif préférentiel applicable à l’habitation familiale (cf. infra, titre V.). Par contre, aucune restriction à l’application de l’exonération n’est prévue lorsqu’on retrouve dans le patrimoine de la société des immeubles affectés partiellement ou totalement à l’habitation, ni au moment du décès, ni dans les cinq années qui suivent111. Aucune règle ne gouverne la matière en Région de Bruxelles-Capitale. Les immeubles affectés ou destinés, partiellement ou totalement du régime dérogatoire, ne sont pas exclus du régime favorable112.

106 Art. 60bis, § 4, CDS (W.). 107 Art. 60bis, § 3, al. 4, CDS (W.). 108 Art. 60bis, § 5, CDS (B.). 109 Initialement, le législateur bruxellois imposait que l’activité soit maintenue en Belgique durant le moratoire de cinq ans. Cette condition de territorialité a été supprimée par une ordonnance du 26 août 2010, entrée en vigueur le 3 septembre 2010 (M.B., 3 septembre 2010). Voy. à ce sujet CB, « Droit de succession réduit et PME : assouplissement des conditions », le Fiscologue, 2010, liv. n° 1217, p. 5. 110 Article 60bis, § 1e, 1°, al. 2, et § 3, al. 3, CDS (W.) ; Circulaire n° 18/2006 du 13 septembre 2006, www.ccff02.minfin.fgov.be, §. 75. 111 B. GOFFAUX, Transmission des entreprises à titre gratuit, op. cit., pp. 73-75 et 89. 112 M. MUND, « Les aspects fiscaux de la transmission gratuite d’un fonds professionnel dans les Régions bruxelloise et flamande », op. cit., p. 284.

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F. Bénéficiaires

70.- Que ce soit en Région wallonne ou en Région de Bruxelles-Capitale, le régime est offert quel que soit le lien de parenté entre le défunt et le continuateur de l’entreprise113. L’héritier a même la faculté de céder les actions à une tierce personne pour autant que celle-ci s’engage à respecter les conditions imposées pour bénéficier du régime d’exonération ou de taxation au taux de 3 %114.

G. Influence de donations antérieures 71.- Les donations réalisées par le défunt peuvent avoir une influence sur la détermination des droits de succession. Nous distinguerons deux hypothèses, selon que la donation réalisée dans le passé a ou non été enregistrée :

� Si la donation n’a pas été enregistrée, elle sera considérée comme faisant partie de la succession du défunt et soumise aux droits de succession aux taux ordinaires, si elle a été réalisée dans les trois ans précédant le décès115 ;

� Si la donation a été enregistrée, elle sera également considérée comme faisant partie de la succession si elle a eu lieu dans les trois ans précédant le décès, mais uniquement en vue de déterminer le tarif des droits de succession116 ;

Il existe cependant des exceptions à cette règle :

o En Région wallonne, la règle de progressivité ne joue pas pour les

donations de biens meubles, soumises aux taux de 3-5-7% (cf. infra) ainsi qu’en cas de donation de l’entreprise familiale, dont question ci-dessus117 ;

o Par contre, en Région de Bruxelles-Capitale, seule la donation de

biens meubles, soumise aux taux de 3 ou 7 %, échappe à la réserve de progressivité118 ;

Elle joue donc pleinement en cas de donation de l’entreprise familiale.

113 Circulaire n° 18/2006 du 13 septembre 2006, http://cff02.minfin.fgov.be, §. 71 ; B. GOFFAUX, Transmission des entreprises à titre gratuit, op. cit., pp. 71 et 95. 114 M. MUND, « La transmission de l’entreprise familiale et le maintien du contrôle », op. cit., pp. 575 et 582. 115 Article 7 CDS (W.) ; article 7 CDS (B.). 116 Article 66bis, al. 1e, CDS (W.) ; article 66bis, al. 1e (B.). 117 Article 66bis, al. 2, CDS (W.). 118 Article 66bis, al. 2, CDS (B.).

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H. Réserve de progressivité

72.- Outre un régime d’exonération totale, le législateur wallon a pris la peine de préciser que la part que l’entreprise familiale représente dans la succession n’a pas d’influence sur le tarif progressif applicable aux autres biens soumis aux droits de succession. En effet, seule la maison d’habitation, transmise au tarif favorable de l’article 60ter, est ajoutée à la valeur imposable des autres biens119. 73.- Malheureusement, il n’en va pas de même en Région de Bruxelles-Capitale où la réserve s’applique tant pour la transmission de l’habitation familiale que pour l’entreprise familiale120.

119 Article 66ter CDS (W.). 120 Article 66ter CDS (B.).

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III. DONATIONS MOBILIÈRES Introduction 74.- Outre les régimes de transmission d’entreprise à titre gratuit, les différentes Régions ont instauré des règles qui tendent à privilégier la donation de biens meubles. Ces régimes peuvent également servir de fondement à la transmission d’une entreprise familiale lorsqu’elle a la forme sociétaire. Le régime bruxellois a été instauré par une ordonnance du 24 février 2005121. La Région wallonne en a fait de même par un décret du 15 décembre 2005122. Il s’agit d’un régime de taxation aux taux de 3, 5 et 7 % en Région wallonne, et aux taux de 3 et 7 % en Région de Bruxelles-Capitale.

A. Taux applicable

75.- En Région wallonne123, le tarif est le suivant :

• 3% pour les donations en ligne directe (ascendante et descendante, sans limitation de degré), entre époux et entre cohabitants légaux124 ;

• 5% pour les donations entre frère et sœur, ou entre oncle/tante et neveux/nièce ; • 7% pour les donations à d’autres personnes.

En Région de Bruxelles-Capitale125, il s’élève à :

• 3% pour les donations en ligne directe, entre époux et entre cohabitants ; • 7% pour les donations à d’autres personnes.

121 Ordonnance du 17 février 2005 portant réduction des droits d’enregistrement sur les donations de biens meubles, M.B., p. 9747 ; voy. également les errata publiés au M.B. du 15 mars 2005. Pour une description précise du régime applicable en Région de Bruxelles-Capitale, voy. C. PRÜM, « La donation de biens meubles en Région flamande et Région de Bruxelles-Capitale : aspects fiscaux comparés », in La fiscalité des donations et ses incidences civiles, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2005, pp. 41-64. 122 Décret du 15 décembre 2005 portant diverses modifications au Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe, et au Code des droits de succession, M.B., p. 55537. Pour une description précise du régime applicable en Région wallonne, voy. J.-.P BOURS et N. VANCRAYENBECK, « L’avant projet de décret wallon réduisant les droits d’enregistrement applicables aux donations mobilières : un progrès ? », in La fiscalité des donations et ses incidences civiles, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2005, pp. 65-79. 123 Art. 131bis, § 1e, CDE (W.). 124 Sont assimilées à des donations en ligne directe, moyennant justifications à fournir par l'intéressé :

� les donations entre une personne et un enfant du conjoint ou du cohabitant légal de cette personne; cette assimilation s'opère également lorsque cette donation a lieu après le décès de ce conjoint ou de ce cohabitant légal;

� les donations entre une personne et l'enfant qu'elle a élevé comme parent d'accueil, ou comme tuteur, subrogé tuteur ou tuteur officieux, à la condition que l'enfant, avant d'avoir atteint l'âge de vingt et un ans et pendant six années ininterrompues, ait reçu exclusivement ou principalement de cette personne, ou éventuellement de cette personne et de son conjoint ou de son cohabitant légal ensemble, les secours et les soins que les enfants reçoivent normalement de leurs parents (article 132/3, CDE (W.)).

125 Art. 131, § 2, CDE (B.).

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B. Biens visés

76.- En Région wallonne, le régime des donations mobilières s’applique à tous les biens meubles, sans qu’il soit nécessaire de distinguer entre les meubles corporels (meubles meublant, tableaux, etc.) ou incorporels (rentes, titres, etc.), pour autant qu’il s’agisse de biens présents126. Les actions d’une société familiale font partie de ces biens meubles et entrent en considération pour l’application du régime favorable. Mais il faut immédiatement noter que seuls les instruments financiers et les titres de société définis par la loi127 peuvent entrer en ligne de compte pour l’application du régime favorable. Pour les titres de société familiale, cela signifie que le régime n’est applicable que s’il s’agit de titres d’une société dont le siège est situé dans un Etat membre de l’Union européenne et qui exerce, elle-même ou elle-même et ses filiales, une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou forestière, une profession libérale ou une charge ou office, à titre principal, sur une base consolidée pour la société et ses filiales, pour l’exercice comptable en cours de la société et pour chacun des deux derniers exercices comptables de la société clôturés au moment de la donation. Le législateur wallon a manifestement souhaité éviter la donation de titres de société immobilière ou de patrimoine128. L’administration de l’enregistrement est d’ailleurs en mesure de solliciter la communication129 de l’objet social de la société familiale dont les titres sont donnés ainsi que celui de ses éventuelles filiales ; il peut également solliciter du donataire qu’il lui communique la

126 Circulaire n° 2/2006 du 8 février 2006, http://ccff02.minfin.fgov.be. 127 Art. 131bis, § 2, CDE (W.), tel que modifié par l’article 59 du Décret wallon du 30 avril 2009, M.B., 1er juillet 2009. Plus précisément, le législateur établit trois catégories d’instruments financiers, au sens de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, qui peuvent entrer en ligne de compte pour l’application du tarif réduit :

• Première catégorie : lorsque la donation porte sur des instruments financiers ou des titres de société, relatifs à une société dont le siège de direction effectif est situé dans un Etat membre de l’Union européenne et qui exerce (elle-même ou avec ses filiales), une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou forestière, une profession libérale ou une charge ou office, à titre principal, sur une base consolidée pour la société et ses filiales, pour l’exercice comptable en cours de la société et pour chacun des deux derniers exercices comptables de la société clôturés au moment de l’acte.

• Deuxième catégorie : lorsque la donation porte sur des instruments financiers admis aux négociations sur un marché organisé belge qui est reconnu en qualité de marché réglementé, ou sur un marché d’instruments financiers qui est organisé par une entreprise de marché qui est reconnue par l’Etat d’établissement de ce marché. On vise ici les instruments cotés sur un marché réglementé, que ce marché se situe dans l’Union européenne ou à l’extérieur de celle-ci (Circulaire n° 2/2006 du 8 février 2006, http://ccff02.minfin.fgov.be, §. 48).

• Troisième catégorie : lorsque la donation porte sur des instruments financiers ou des titres de sociétés qui sont émis par un organisme de placement collectif, ou qui ont fait l’objet ou font l’objet d’une offre publique – soit entres autres, les effets cotés sur le marché non réglementé, les parts de sicav, etc (Circulaire n° 2/2006 du 8 février 2006, http://ccff02.minfin.fgov.be, §. 49).

128 Circulaire n° 2/2006 du 8 février 2006, http://ccff02.minfin.fgov.be, §. 47 ; Ph. DE PAGE, « Commentaire des nouveaux décrets wallons », op. cit., p. 40 ; Ph. DE PAGE, « Evolutions récentes en matière d’enregistrement et de droits fiscaux de succession », op. cit., pp. 84-85 ; J.-.P BOURS et N. VANCRAYENBECK, op. cit., pp. 76-77. 129 Sans déplacement du contribuable.

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ventilation du chiffre d’affaires de la société familiale ou de ses filiales, selon le cas, en vue de vérifier que l’activité principale de la société permet bien l’application du taux réduit130.

77.- En Région de Bruxelles-Capitale, le régime vise tous les biens meubles : biens meubles corporels, incorporels, valeurs mobilières, parts et actions de société, créances en compte bancaire131. Les actions d’une société familiale peuvent donc faire l’objet d’une donation de biens meubles, dans le cadre de ces régimes préférentiels. Il n’existe aucune restriction pour les instruments financiers et les titres de société de telle sorte qu’il est aujourd’hui considéré comme le régime ordinaire applicable aux donations mobilières132.

C. Droits visés

78.- En Région wallonne, seule la donation de la pleine propriété des biens meubles est admise133, sauf pour ce qui concerne les instruments financiers et les titres de société. Pour ceux-ci, la donation peut porter exclusivement sur la nue-propriété ou sur l’usufruit134. Il est donc également possible d’envisager, dans le cadre de ce régime, la donation de l’usufruit ou de la nue-propriété des titres de la société familiale. A noter que depuis quelques semaines, il est également possible de faire enregistrer à 3-5-7% une clause d’accroissement et la réversion du droit d’usufruit auprès d’un tiers bénéficiaire.

Illustration Le pater familias donne à son fils la nue-propriété des titres de la société familiale, en se réservant l’usufruit à son profit. Il souhaite protéger son épouse en prévoyant qu’à son décès, cet usufruit passera à celle-ci. Il souhaite soumettre la donation résultant de la réversion du droit d’usufruit au tarif préférentiel wallon pour prévenir toute difficulté à son décès.

Jusqu’il y a peu, cette donation était soumise au droit progressif car la donation était affectée d’une condition suspensive (dans l’illustration mentionnée ci-dessus, le décès du pater familias). Lors de l’instauration du régime préférentiel en 2005, le législateur wallon avait

130 Art. 131bis, § 2, 1°, alinéa 3, CDE (W.). 131 Ph. DE PAGE, « Commentaire des nouveaux décrets wallons », op. cit., p. 40 ; C. PRÜM, op. cit., p. 48 ; J.-P. NEMERY DE BELLEVAUX , « Successions et donations », in L’optimalisation fiscale du patrimoine immobilier, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2007, p. 156 ; M. PETIT, « La donation de biens en Région de Bruxelles-Capitale, en Région flamande et en Région wallonne », R.G.E.N., 2006, p. 205. 132 M. MUND, « Les aspects fiscaux de la transmission gratuite d’un fonds professionnel dans les Régions bruxelloise et flamande », op. cit., p. 274. 133 Cette exclusion n’empêche nullement une donation avec charge. Il en va ainsi des donations de valeurs mobilières accompagnées d'un pacte adjoint ou réalisées sous la forme d'un acte prévoyant le versement au donateur des intérêts produits, ou encore des donations de titres mis sur un compte-titre au nom du donataire mais dont les intérêts sont automatiquement prélevés par la banque au profit du compte bancaire du donateur (Circulaire n° 2/2006 du 8 février 2006, §. 29). 134 Art. 131bis, § 3, CDE (W.).

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voulu privilégier le dessaisissement immédiat par le donateur du bien meuble donné, raison pour laquelle toute donation affectée d’une condition suspensive était exclue du régime favorable (sauf si au moment de l’enregistrement de la donation, la condition s’était réalisée). Conscient des difficultés que pouvait entraîner cette règle (trop) générale, le législateur wallon a instauré une exception en vue d’inclure la donation résultant de la réversion d’un droit viager (usufruit ou rente)135. On ne peut que s’en réjouir. 79.- En Région de Bruxelles-Capitale, il n’existe aucune restriction de la sorte. La donation peut porter sur la nue-propriété ou sur l’usufruit, quel que soit le bien meuble donné136.

D. Influence de donations antérieures 80.- Le donateur pourrait être tenté de scinder une donation en plusieurs donations de moindre valeur, ceci afin de limiter la progressivité de l’impôt. En vue de contrer cette pratique, le législateur a prévu que pour déterminer le taux applicable à une donation soumise au tarif progressif, la base imposable de celle-ci serait ajoutée à la somme des bases imposables des donations déjà intervenues entre les mêmes parties durant les trois années précédentes137. Notons cependant que le législateur a exclu de cette règle la donation de biens meubles. Ainsi, il n’y a pas lieu d’ajouter à la base imposable de la donation à réaliser la valeur du bien meuble donné (les titres de l’entreprise familiale en l’occurrence) dans les trois ans précédant cette nouvelle donation :

� en Région wallonne, on ne tient compte que des donations soumises au tarif ordinaire ou des donations de l’habitation familiale (cf. infra)138 ;

� en Région de Bruxelles-Capitale, cette règle n’est applicable que pour les

donations de biens immeubles139 ;

135 Art. 131bis, § 3, 2°, CDE (W.), tel que modifié par le Décret-programme du 22 juillet 2010 portant des mesures diverses en matière de bonne gouvernance, de simplification administrative, d’énergie, de logement, de fiscalité, d’emploi, de politique aéroportuaire, d’économie, d’environnement, d’aménagement du territoire, de pouvoirs locaux, d’agriculture et de travaux publics, M.B., 20 août 2010 (3ème éd.), p. 54.397. La nouvelle mesure est entrée en vigueur le 30 août 2010. 136 C. PRÜM, op. cit., p. 45. 137 Art. 137, al. 1e, CDE (W.) ; art. 137 CDE (B.). 138 Art. 137, al. 1e, CDE (W.). 139 Art. 137 CDE (B.).

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IV. TRANSMISSION DE L ’HABITATION FAMILIALE ENTRE VIFS 81.- En Région wallonne, il est possible de donner la maison d’habitation familiale en bénéficiant d’un régime fiscal attrayant140. Cette donation doit être réalisée dans les conditions suivantes :

� il doit s’agir d’une donation en ligne directe, entre époux ou entre cohabitants légaux ; � la donation doit porter sur la pleine propriété de la part du donateur dans un

immeuble ;

o une donation avec réserve d’usufruit n’est donc pas envisageable ; o la donation ne doit pas impérativement porter sur la totalité de l’immeuble ; si le

donateur n’est propriétaire que d’une quote-part de l’immeuble, il peut également bénéficier du régime fiscal favorable ;

� l’immeuble doit être destiné en tout ou en partie à l’habitation ;

La donation peut être réalisée dans le cadre du régime fiscal favorable même si seule une partie de l’immeuble est destinée à l’habitation.

� l'immeuble doit être situé en Région wallonne ; � le donateur doit avoir eu sa résidence principale dans l’immeuble donné durant les

cinq années qui précèdent la donation.

La preuve de la résidence principale sera en principe apportée par la remise d’un extrait du registre de la population.

La loi précise que le bénéfice du taux réduit est maintenu même lorsque le donateur n’a pu conserver sa résidence principale dans l’immeuble pour cause de force majeure ou de raison impérieuse de nature médicale, familiale, professionnelle ou sociale. Par raison impérieuse de nature médicale, on entend notamment un état de besoin dans le chef du donateur, de son conjoint, de son cohabitant légal, de ses enfants ou des enfants de son conjoint ou cohabitant légal, apparu après l’achat de l’habitation, qui a placé le donateur dans l’impossibilité de rester dans l’habitation, même avec l’aide de sa famille ou d’une organisation d’aide familiale.

140 Article 131ter, CDE (W.).

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Voici le tarif préférentiel applicable.

Tableau relatif au tarif préférentiel pour les donations d’habitations Tranche de la donation De à… inclus EUR EUR p.c. EUR 0,01 25.000,00 1 - 25.000,01 50.000,00 2 250 50.000,01 175.000,00 5 750 175.000,01 250.000,00 12 7.000 250.000,01 500.000,00 24 16.000

Au-delà de 500.000,00 30 76.000 83.- Les droits de donation sont en principe calculés sur la base de la valeur vénale des biens donnés, sans distraction de charges141. On ajoutera toutefois les précisions suivantes :

� les frais générés par les devoirs d’investigation sur les terrains pollués ou potentiellement pollués et d’assainissement du sol sont déductibles de la valeur vénale de l’immeuble142 ;

� si une partie de l’immeuble est affectée à l’entreprise familiale et que celle-ci est

donnée dans le cadre du régime de transmission favorable à titre gratuit (droits de donation au taux de 0 %), cette partie sera déduite de la part nette à prendre en compte.

84.- Le régime applicable en Région de Bruxelles-Capitale diffère sensiblement du régime wallon143. On relèvera principalement les différences suivantes :

� l'immeuble doit être situé en Région de Bruxelles-Capitale ;

� il n’est pas exigé que le donateur ait eu sa résidence principale dans l’immeuble donné durant les cinq années qui précèdent la donation ;

� par contre, il est exigé qu’au moins un des donataires établisse sa résidence principale à l’adresse de l’habitation donnée, dans les deux ans qui suivent la date de l’enregistrement du document qui rend le droit de donation exigible ;

En outre, ce donataire devra maintenir sa résidence principale dans la Région de Bruxelles-Capitale durant une durée minimale de cinq ans à compter de la date d’établissement de sa résidence principale dans le bien donné.

� l’application du tarif préférentiel ne peut être demandé par un donataire qui, à la date

de la donation, possède déjà la totalité en pleine propriété d’un autre immeuble destiné en tout ou en partie à l’habitation.

Voici le tarif préférentiel applicable.

141 Article 133 du CDE(W.). 142 Article 133 du CDE(W.), depuis sa modification par un décret du 30 avril 2009 « portant des dispositions modifiant le code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe », M.B., 19 mai 2009. 143 Art. 131bis du CDE (B.).

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Tableau relatif au tarif préférentiel pour les donations d’habitations Tranche de la donation de à… inclus EUR EUR p.c. EUR 0,01 50.000,00 2 - 50.000,00 100.000,00 5,3 1.000 100.000,00 175.000,00 6 3.650 175.000,00 250.000,00 12 8.150 250.000,01 500.000,00 24 17.150

Au-delà de 500.000,00 30 77.150

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V. TRANSMISSION DE L ’HABITATION FAMILIALE POUR CAUSE DE MORT

85.- Un régime identique existe en Région wallonne en matière de droits de succession144 :

� l’immeuble doit être recueilli par un héritier, un légataire ou un donataire en ligne directe, par le conjoint ou le cohabitant légal du défunt ;

� la succession doit comprendre la pleine propriété d’une part du défunt dans

l’immeuble d’habitation ;

o si seule la nue-propriété est comprise dans la succession, le tarif favorable n’est pas applicable ;

o la succession ne doit pas impérativement comprendre la totalité de l’immeuble ; si le défunt n’était propriétaire que d’une quote-part dans l’immeuble, la succession peut également bénéficier du régime fiscal favorable ;

� l’immeuble doit être destiné en tout ou en partie à l’habitation ;

La succession peut bénéficier du régime fiscal favorable même si seule une partie de l’immeuble est destinée à l’habitation.

� l'immeuble doit être situé en Région wallonne ; � le défunt doit avoir eu sa résidence principale dans l’immeuble durant les cinq années

qui précèdent son décès ;

La preuve de la résidence principale sera en principe apportée par la remise d’un extrait du registre de la population.

La loi précise que le bénéfice du taux réduit est maintenu même lorsque le défunt n’a pu conserver sa résidence principale dans l’immeuble pour cause de force majeure ou de raison impérieuse de nature médicale, familiale, professionnelle ou sociale. Par raison impérieuse de nature médicale, on entend notamment un état de besoin dans le chef du défunt, de son conjoint, de son cohabitant légal, de ses enfants ou des enfants de son conjoint ou cohabitant légal, apparu après l’achat de l’habitation, qui a placé le défunt dans l’impossibilité de rester dans l’habitation, même avec l’aide de sa famille ou d’une organisation d’aide familiale.

144 Art. 60ter du CDS (W.).

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Voici le tarif préférentiel applicable.

Tableau relatif au tarif préférentiel pour les parts nettes dans des habitations Tranche de la part nette de à… inclus EUR EUR p.c. EUR 0,01 25.000,00 1 - 25.000,01 50.000,00 2 250 50.000,01 175.000,00 5 750 175.000,01 250.000,00 12 7.000 250.000,01 500.000,00 24 16.000

Au-delà de 500.000,00 30 76.000 La part supérieure à 500.000,00 € est taxée dans les tranches supérieures ordinaires. La part nette de l’immeuble est ajoutée aux autres biens composant la masse taxable. 87.- Les droits de succession sont calculés sur la part nette du défunt dans l’habitation. De la valeur « brute » de l’habitation, il convient donc de déduire les éléments suivants :

� de la valeur de l’habitation seront déduits les dettes de la succession et les frais funéraires (ou plutôt, le solde de ces dettes et frais car ils sont prioritairement déduits de la valeur de l’entreprise familiale qui serait transmise au taux favorable de 0%).

Par contre, les dettes qui se rattachent spécialement à d’autres biens de la succession seront uniquement déduites de la valeur de ces biens.

� si une partie de l’immeuble est affectée à l’entreprise familiale et que celle-ci est

transmise dans le cadre du régime de transmission favorable pour cause de mort (droits de succession au taux de 0 %), cette partie sera déduite de la part nette à prendre en compte.

Enfin, on signalera qu’est exempt du droit de succession ce qui est recueilli par un héritier en ligne directe appelé légalement à la succession, ou entre époux, ou entre cohabitants légaux :

� à concurrence d’un montant de 12.500,00 € ; � à concurrence d’un montant supplémentaire de 12.500,00 €, lorsque la part nette

recueillie par le bénéficiaire en question n’excède pas 125.000,00 €. Le Code des droits de succession a prévu que ces déductions devaient être opérées prioritairement sur l’immeuble d’habitation bénéficiant du tarif réduit. 88.- Le régime applicable en Région de Bruxelles-Capitale est relativement similaire à celui applicable en Région wallonne145. On relèvera les caractéristiques suivantes :

� l'immeuble doit être situé en Région de Bruxelles-Capitale ;

� comme en Région wallonne, le défunt doit avoir eu sa résidence principale dans l’immeuble durant les cinq années qui précèdent son décès ;

145 Art. 60ter du CDS (B.).

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Le législateur bruxellois a également précisé que le bénéfice du taux réduit est maintenu même lorsque le défunt n’a pu conserver sa résidence principale dans l’immeuble pour cause de force majeure. Cependant, contrairement au régime wallon, le cas de force majeure devra toujours être examiné dans le chef du défunt, alors qu’en Wallonie, une raison impérieuse de nature médicale dans le chef du conjoint du défunt, de son cohabitant légal, de ses enfants ou des enfants de son conjoint ou cohabitant légal, pourrait également justifier l’application du tarif réduit.

Voici le tarif préférentiel applicable.

Tableau relatif au tarif préférentiel pour les parts nettes dans des habitations Tranche de la part nette de à… inclus EUR EUR p.c. EUR 0,01 50.000,00 2 - 50.000,00 100.000,00 5,3 1.000 100.000,00 175.000,00 6 3.650 175.000,00 250.000,00 12 8.150 La part supérieure à 250.000,00 € est taxée dans les tranches supérieures ordinaires. La part nette de l’immeuble est ajoutée aux autres biens composant la masse taxable.

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TROISIÈME PARTIE NOUVEAUTÉS LÉGALES

89.- Dans cette partie, nous examinerons deux modifications apportées dans le courant de l’année 2009 par le législateur wallon, modifications qui peuvent avoir un impact sur la transmission de l’entreprise familiale. 90.- Un certain nombre de modifications ont déjà été abordées dans la partie II, ci-dessus. Pour rappel, il s’agissait essentiellement des points suivants :

� en ce qui concerne la transmission de l’entreprise familiale à 0% : o la suppression de la production d’un pacte d’actionnaires, lorsqu’au moins

50% de l’actionnariat est d’origine familiale ; o la suppression de la condition d’emploi en Région wallonne (l’emploi doit

dorénavant être assuré au sein de l’Espace Economique Européen) ; o la nécessité de poursuivre une activité admise pour le bénéfice du taux

réduit (activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou forestière, une profession libérale, une charge ou un office) ;

o le maintien de l’emploi pendant cinq ans et le calcul de la règle des 75% (moyenne sur les cinq ans au lieu du calcul annuel) ;

� en ce qui concerne les donations mobilières : o la redéfinition des biens mobiliers entrant dans le champ d’application des

tarifs réduits à 3,5 ou 7 % ; o la possibilité de soumettre au tarif favorable la donation résultant de la

réversion d’un droit viager (usufruit ou rente). Nous y renvoyons le lecteur. 91.- Dans cette partie, nous examinerons successivement les modifications suivantes :

� la modification de la définition du cohabitant légal ; � la transmission d’une entreprise agricole.

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I. MODIFICATION DE LA DÉFINITION DU « COHABITANT LÉGAL »

92.- Nous avons vu ci-dessus que le cohabitant peut bénéficier, à l’instar de l’époux, de certains régimes fiscaux favorables :

� tel est le cas pour la transmission de la maison d’habitation (entre vifs ou pour cause de mort) ;

� tel est le cas pour la donation de biens meubles, au taux de 3 %.

Encore faut-il s’accorder sur ce qu’on entend par « cohabitant », sachant que chacune des régions du pays applique des règles différentes à cet égard. 93.- En Région de Bruxelles-Capitale, il est prévu qu’on entend par « cohabitant » la personne qui se trouve en situation de cohabitation légale au sens du titre Vbis du livre III du Code civil146. Seul donc le cohabitant légal peut bénéficier des tarifs fiscaux favorables, que ce soit pour les transmissions entre vifs ou pour cause de mort. Les cohabitants de fait – soit les personnes qui résident ensemble, sans avoir déposé de déclaration de cohabitation auprès de l’officier d’état civil de la commune dans laquelle elles résident – sont considérés comme des tiers entre eux et ne peuvent bénéficier des régimes fiscaux exposés ci-dessus. 94.- En Région wallonne, jusqu’il y a peu, seuls les cohabitants légaux pouvaient également bénéficier des régimes de transmission favorables, sachant que la cohabitation légale devait avoir été reçue plus d’un an (six mois147) avant la donation ou l’ouverture de la succession148. Ce régime a été remis en question par la Cour constitutionnelle. Dans un arrêt du 26 novembre 2009, la Cour a considéré que le législateur wallon ne pouvait justifier, au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, la différence de traitement entre les personnes mariés et les cohabitants149. La Région wallonne avait tenté de justifier la nécessité d’une cohabitation de plus d’un an (six mois) par le souci d’éviter des unions factices dans le seul but de bénéficier des tarifs fiscaux favorables. Or, comme le relève la Cour, le risque de fraude se rencontre également dans le cadre du mariage. La différence de traitement ne se justifiait dès lors pas.

146 Art. 131, § 1er, al. 3, CDE (B.) ; art. 48 in fine, CDS (B.). 147 Le délai d’un an a été réduit à six mois par un Décret wallon du 19 juin 2008, M.B., 25 juin 2008. Ce délai a également supprimé une exception qui prévoyait que les cohabitants frères et/ou sœurs, oncles et neveux ou nièces, tantes et neveux ou nièces, ne pouvaient bénéficier des régimes de transmission favorables. 148 Art. 131, al. 3, CDE (W.) ; art. 48 in fine, CDS (W.). 149 C.C., 26 novembre 2009, arrêt n° 187/2009, à consulter sur www.const-court.be.

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Suite à cet arrêt, le législateur wallon a décidé de revoir le régime applicable aux cohabitants. Dorénavant, le « cohabitant légal » est défini comme il suit :

� pour les transmissions entre vifs : la personne qui, au moment de la donation, était domiciliée avec le donateur et était avec lui dans une relation de cohabitation légale conformément aux dispositions du Livre III, titre Vbis, du Code civil, ainsi que la personne qui, au moment de la donation, était domiciliée ou avait sa résidence habituelle avec le donateur, au sens de l’article 4 du Code de droit international privé, et était avec lui dans une relation de vie commune conformément au Chapitre IV du même Code150 ;

� pour les transmissions pour cause de mort, la personne qui, au moment de

l’ouverture de la succession, était domiciliée avec le défunt et était avec lui dans une relation de cohabitation légale conformément aux dispositions du Livre III, titre Vbis, du Code civil, ainsi que la personne qui, au moment de l’ouverture de la succession, était domiciliée ou avait sa résidence habituelle avec le défunt, au sens de l’article 4 du Code de droit international privé, et était avec lui dans une relation de vie commune conformément au chapitre IV du même Code.

La référence au Code de droit international privé est nouvelle :

� l’article 4 du Code définit la notion de « résidence habituelle » comme suit : « le lieu où une personne physique s'est établie à titre principal, même en l'absence de tout enregistrement et indépendamment d'une autorisation de séjourner ou de s'établir; pour déterminer ce lieu, il est tenu compte, en particulier, de circonstances de nature personnelle ou professionnelle qui révèlent des liens durables avec ce lieu ou la volonté de nouer de tels liens »151.

� quant au chapitre IV du Code, il débute par l’article 58 qui définit la notion de

« relation de vie commune » : « Au sens de la présente loi, les termes "relation de vie commune" visent une situation de vie commune donnant lieu à enregistrement par une autorité publique et ne créant pas entre les cohabitants de lien équivalent au mariage »152.

De cette référence conjointe aux articles 4 et 58 du Code de droit international privé, nous en déduisons que :

� la cohabitation de fait n’est toujours pas visée par le législateur wallon ;

La référence à l’enregistrement de la situation de vie commune par une autorité publique ne laisse guère de doute à ce sujet.

� par contre, toute relation juridique de vie commune semble visée en l’espèce ; il

n’est donc pas nécessaire que les cohabitants aient opté pour le régime belge de la cohabitation ; des personnes unies par un régime étranger, s’apparentant au régime belge de la cohabitation légale, pourraient également, à l’avenir bénéficier des régimes de transmission favorables.

150 Art. 131, al. 3, CDE (W.), tel que modifié par l’article 44 du Décret du 10 décembre 2009 d’équité fiscale et d’efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives (1), M.B., 23 décembre 2009, p. 80.553. 151 Art. 4, § 2, 1°, du Code de droit international privé. 152 L’article 48 in fine, CDS(W.) a été abrogé. Il convient dorénavant de se référer à l’article 4 CDS (W.), tel que modifié par l’article 45 du Décret du 10 décembre 2009 d’équité fiscale et d’efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives (1), M.B., 23 décembre 2009, p. 80.553.

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Enfin, on signalera que le législateur a supprimé, dans le cadre du régime belge de la cohabitation légale, toute référence à une période de vie commune antérieure à la donation ou au décès.

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II. TRANSMISSION D’UNE ENTREPRISE AGRICOLE 95.- Une entreprise agricole peut être transmise dans le cadre du régime de transmission de l’entreprise familiale entre vifs ou pour cause de mort. Un problème particulier se pose dans l’hypothèse où le donataire/héritier est déjà propriétaire de l’exploitation sans cependant disposer des terres agricoles. Jusqu’il y a peu, la transmission ultérieure des terres ne pouvait être considérée comme une transmission de l’entreprise familiale, ce qui rendait impossible l’application du taux réduit. Par un décret du 10 décembre 2009, le législateur wallon est intervenu pour mettre fin à cette difficulté. Dorénavant, les terres agricoles sont assimilées à une entreprise pour permettre l’application des taux réduits. Voici les textes de loi modifiés. On regrettera leur libellé peu clair :

� l'article 140bis, § 1er, 1°, du Code wallon des droits d’enregistrement es t complété comme suit : « En cas de transmission de terres agricoles à l'exploitant ou au co-exploitant de l'activité agricole qui y est exercée, ainsi qu'en ligne directe, entre époux et cohabitants légaux, indépendamment de la transmission de toute quotité de l'activité agricole qui y est exercée, ces terres sont néanmoins considérées comme des biens composant une universalité de biens, une branche d'activité ou un fonds de commerce au moyen desquels le donateur, seul ou avec d'autres personnes, exerce, au jour de la donation, une activité agricole, à la condition que ces terres fassent l'objet, à la date de la donation, d'un bail à ferme conformément à la Section 3 du Livre III, Titre VIII, Chapitre II, du Code civil. Dans ce cas, l'entreprise, au sens des conditions du § 2, 1°, et de l'article 140quinquies, § 1er, 1°, 2° et 3°, est l'entreprise agricole du donataire, exploitant effectif de l'activité agricole qui est exercée sur ces terres, en considérant cette entreprise dans son entièreté et dans sa situation après transfert des terres » 153.

� l’article 60bis, § 1er, 1°, du Code wallon des droits de succession est c omplété

comme suit : « En cas de transmission successorale de terres agricoles à l'exploitant ou au co-exploitant de l'activité agricole qui y est exercée, ainsi qu'en ligne directe, entre époux et cohabitants légaux, indépendamment de la transmission de toute quotité de l'activité agricole qui y est exercée, ces terres sont néanmoins considérées comme des biens composant une universalité de biens, une branche d'activité ou un fonds de commerce au moyen desquels le de cujus, seul ou avec d'autres personnes, exerçait, au jour du décès, une activité agricole, à la condition que ces terres fassent l'objet, à la date du décès, d'un bail à ferme conformément à la Section 3 du Livre III, Titre VIII, Chapitre II, du Code civil. Dans ce cas, l'entreprise, au sens des conditions du § 1erbis, 1°, et du § 3, 1°, 2° et 3°, est l'entreprise agricole de l'héritier, légataire ou donataire, exploitant effectif de l'activité agricole qui est exercée sur ces terres, en considérant cette entreprise dans son entièreté et dans sa situation après transfert des terres » 154.

Suite à ces modifications légales, peut-on considérer que la transmission préalable de l’exploitation – sans les terres agricoles – peut être réalisée avec le bénéfice du tarif réduit ?

153 Art. 140bis, §1er, 1°, al. 3, CDE (W.), tel que modifié par l’article 38 du Décret du 10 décembre 2009 d’équité fiscale et d’efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives (1), M.B., 23 décembre 2009, pp. 80.551 et 80.552. 154 Art. 60bis, §1er, 1°, CDS (W.), tel que modifié par l’article 41 du Décret du 10 décembre 2009 d’équité fiscale et d’efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives (1), M.B., 23 décembre 2009, p. 80.552.

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Jusqu’à présent, la doctrine estimait que non. En effet, pour rappel, le régime de transmission favorable ne s’applique qu’en cas de transmission d’un droit réel sur des biens composant une universalité de biens, une branche d’activité ou un fonds de commerce155 : « Ainsi, il ne pourrait être question pour Monsieur et Madame Dupont de ne céder, par exemple, que le matériel agricole et le cheptel, et de conserver les immeubles afin de les donner en location à leur fils. Dans une telle hypothèse, les biens cédés ne constitueraient pas, au jour de la donation, un ensemble autonome capable, d’un point de vue technique, de fonctionner par ses propres moyens »156. A lire pourtant un communiqué de presse du Ministre Antoine, il semble que tel est bien le cas. Nous reproduisons ce communiqué ci-dessous :

«Afin de soutenir les agriculteurs wallons, en difficulté depuis plusieurs mois suite à la baisse des prix de leurs produits, le Ministre André Antoine a introduit une nouvelle mesure fiscale au bénéfice de tous les agriculteurs permettant de promouvoir et de faciliter la transmission d’entreprises. Dans le cadre des mesures arrêtées lors de la confection du budget 2010 de la Région wallonne, André Antoine a donc apporté une attention toute particulière aux entreprises agricoles afin de faciliter leur transmission, en supprimant le coût fiscal de cette transmission. Les terres agricoles cédées par donation ou succession à l’exploitant seront désormais considérées en elles-mêmes comme formant une entreprise pour permettre l’application des taux réduits. Ainsi, les terres agricoles, tout comme c’était déjà le cas pour les infrastructures157, pourront être transmises à l’exploitant avec application du taux réduit de 0% des droits de succession ou des droits de donation. Exemple: Michel exploite, avec son fils et son épouse, 50 hectares de terres agricoles. A l’approche de l’âge de la retraite, il décide de faire la donation de l’exploitation agricole à son fils (bâtiments, outillages, bêtes,…), tout en gardant la propriété des terres. Le fils devient donc le seul exploitant. Michel décède en 2009. Actuellement, les terres agricoles non cédées en 2006 feront toujours partie de la succession de Michel, sans pour autant constituer juridiquement en elles-mêmes une exploitation. Par conséquent, le droit de succession s’applique actuellement au taux normal aux terres agricoles transmises au fils exploitant. Demain, les terres agricoles transmises à leur exploitant effectif, par donation ou par succession, seront réputées constituer en elles-mêmes une exploitation et ce, malgré qu’elles ne génèrent plus de revenus professionnels dans le chef du défunt ou du donateur. Il en résulte une application pour ces terres, du taux réduit de 0% des droits de succession en cas de transmission d’entreprise »158.

La pratique des dossiers devrait nous éclairer. Cette modification législative, passée relativement inaperçue dans la doctrine, est pourtant d’une grande importance dans le monde agricole où on constate souvent une transmission de l’exploitation en deux étapes, le pater familias conservant dans un premier temps la propriété des terres.

155 Art. 140bis, § 1er, 1°, CDE (W.). 156 B. GOFFAUX, « Région wallonne : Pays de cocagne pour les transmissions d’entreprises ? », in La transmission du patrimoine professionnel – Aspects civils et fiscaux, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2009, p. 257. 157 C’est nous qui soulignons. 158 Communiqué de presse du Ministre Antoine du 19/10/2009, à consulter sur www.min-antoine.be.

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Nous exprimons un regret tout de même : seules les terres détenues en personne physique peuvent être transmises dans le cadre du régime favorable. Rien n’est prévu par contre pour les terres détenues en société. Or, comme les sociétés de nature patrimoniale sont exclues des deux régimes favorables décrits ci-dessus, la transmission des titres de la société ne pourra être réalisée que via les techniques « classiques » du don manuel, de la donation indirecte ou déguisée, voire via un acte authentique passé à l’étranger. L’article 7 du Code des droits de succession est donc susceptible de s’appliquer : la donation des terres agricoles sera soumise au droit de succession si le donateur décède dans les trois ans suivant la réalisation de la donation.

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QUATRIÈME PARTIE LA TRANSMISSION

D’UNE SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE

INTRODUCTION159 96.- La société immobilière est depuis longtemps reconnue comme un instrument de programmation successorale. Elle permet de transmettre, d’une génération à l’autre, des biens immeubles tout en évitant d’être soumis au droit de donation progressif160. Les parts de la société immobilière peuvent faire l’objet d’une donation non obligatoirement enregistrable en Belgique161, le risque étant alors que le donateur décède dans les trois ans qui suivent la donation, auquel cas les biens donnés sont considérés comme faisant partie de la succession du défunt162. L’intérêt de la société immobilière, en tant qu’outil de programmation successorale, s’est encore accru lorsque les différentes Régions du pays ont instauré des régimes de transmission fiscalement avantageux : d’une part, les régimes relatifs à la transmission d’entreprise entre vifs ou pour cause de mort et, d’autre part, les régimes de donation de biens meubles. Dans cette contribution, après avoir défini la notion de « société immobilière » (point I., ci-dessous), nous examinerons dans quelle mesure la transmission d’une société immobilière peut se réaliser via l’un de ces régimes fiscaux favorables, tels qu’ils sont prévus en Région wallonne et en Région de Bruxelles-Capitale (points II. à IV, ci-dessous). 97.- Nous pouvons d’ores et déjà limiter le champ d’application de cette étude aux sociétés immobilières dotées de la personnalité juridique. En effet, si les titres de sociétés dotées de la personnalité juridique sont indéniablement des biens meubles, il n’en va pas de même pour les droits des associés dans des sociétés sans personnalité juridique (la société de droit commun, la société momentanée et la société interne, visées à l’article 2, § 1e, du Code des sociétés). La société sans personnalité juridique n’a pas de patrimoine propre163 et la nature du droit des associés dépend de la

159 Le présent texte est inspiré d’une contribution réalisée par nos soins dans la revue Jurimpratique (Ch. LENOIR, « La société immobilière, instrument de programmation successorale – Questions particulières », Jurimpratique, 2009, liv. n° 1, pp. 43 et ss.). 160 Article 131 CDE. 161 M. MUND, « La transmission de l’entreprise familiale et le maintien du contrôle », op. cit., p. 555. 162 Article 7 CDS ; Ph. DE PAGE, « Evolutions récentes en matière d’enregistrement et de droits fiscaux de succession », op. cit., p. 68. 163 Cass., 30 mars 1962, Pas., 1962, I, p. 842 ; J. MALHERBE, G. SENY et G. DE PIERPONT, « La constitution de sociétés ou de fondations à des fins de programmation patrimoniale », in Aspects actuels de la programmation patrimoniale dans la famille, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 215 ; A. CULOT, B. HUTS, « La société de droit

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nature mobilière ou immobilière de la chose sur laquelle leurs droits s’exercent. Pour de telles sociétés, le bien donné par un associé ne sera donc jamais qu’une part dans le bien sur lequel son droit s’exerce164. Pour le cas qui nous occupe, les régimes de transmission favorables ne peuvent être envisagés si la société n’a pas la personnalité juridique puisque dans ce cas, chaque associé est censé être propriétaire d’une part indivise dans le patrimoine immobilier. La donation de parts d’une société immobilière sans personnalité juridique sera soumise aux règles qui gouvernent la transmission d’un immeuble165.

commun », in Planification successorale et structures sociétaires – Comment choisir, optimaliser, gérer et… liquider ? », Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2009, p. 244. 164 Circulaire n° 18/2006 du 13 septembre 2006, www.ccff02.minfin.fgov.be, §. 13 ; Circulaire n° 2/2006 du 8 février 2006, http://ccff02.minfin.fgov.be, §. 17. 165 Ph. DE PAGE, « La transmission immobilière successorale », in Opérations immobilières et fiscalité, séminaire Vanham & Vanham du 20 avril 2006, pp. 21-22 ; Ph. DE PAGE et I. DE STEFANI, « La transmission immobilière successorale, ou à perspective successorale, en ce compris ses aspects de droit international privé », in Actualités civiles et fiscales en droit successoral, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2006, pp. 196-197 ; voy. également sur le sujet : Ph. DE PAGE, « La qualification de certains biens – Les titres et parts de s.c.i. », in La déclaration de succession – Quelques aspects civils et fiscaux, 15e vesprée du 24 juin 2004, pp. 47-49.

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I. LA NOTION DE « SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE » 98.- Avant de passer brièvement en revue les différents régimes existants, nous nous sommes attachés à définir la notion de « société immobilière » car elle est susceptible de recouvrir des réalités diverses. La société immobilière est généralement envisagée comme une société de patrimoine qui a pour objet la gestion d’un patrimoine immobilier. Mais qu’en est-il si cette société envisage l’achat et la vente d’immeubles ? S’agit-il toujours d’une société immobilière ? Et quid de la société constituée par les actionnaires d’une autre société – la société d’exploitation ou société professionnelle – de manière à permettre à cette seconde société d’exercer son activité tout en mettant le patrimoine immobilier à l’abri des créanciers ? La société immobilière a donc de multiples facettes. Pour nous permettre de les appréhender, nous sommes partis de critères généralement retenus en droit des sociétés pour classer les différents types (formes) de sociétés.

A. Sociétés commerciales – Sociétés civiles – Socié tés mixtes 99.- En droit des sociétés, on distingue les sociétés commerciales des sociétés civiles. Une société est commerciale si elle a pour objet d’accomplir des actes de commerce au sens des articles 2 et 3 du Code de commerce166. Inversement, une société est civile si elle a pour objet la réalisation d’actes qui ne répondent pas aux critères définis par le Code de commerce167. 100.- Nous ne nous attacherons pas ici à répertorier les différentes catégories d’actes de commerce168. On retiendra, pour le sujet qui nous occupe, que le législateur a considéré que les entreprises immobilières ont une nature commerciale lorsqu’elles s’attachent à des opérations d’achat et de vente d’immeubles169. Par contre, il faut considérer que l’acquisition d’immeubles dans le but de les louer demeure une activité civile. Une société qui aurait donc pour objet de gérer un patrimoine immobilier, en le mettant en location, n’a pas d’activité commerciale170 et ce, quelle que soit la nature des biens loués171.

166 J.-P. BOURS et P. HERMANT, « Les principes généraux du droit des sociétés », in Traité pratique de droit commercial, Bruxelles, Kluwer, 1998, p. 8. 167 M. COIPEL, « Introduction au droit des sociétés et autres groupements », in Guide juridique de l’entreprise, 2e éd., livre 11.1., Bruxelles, Kluwer, 2002, pp. 79 et ss. 168 Il est même difficile de trouver une certaine logique dans l’exposé légal des actes de commerce. Pour un classement rationnel de ceux-ci, nous renvoyons à la doctrine autorisée sur le sujet (J. VAN RYN et J. HEENEN, Principes de droit commercial, t. Ier, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 1976, pp. 347 et ss.). 169 Article 2, alinéa 8 du Code de commerce. Cette nouvelle catégorie d’actes commerciaux a été instaurée par une loi du 3 juillet 1956 qui avait essentiellement pour but d’étendre « l’application du droit commercial à de larges catégories d’actes ou d’entreprises qui, d’un point de vue économique, s’apparentent au domaine commercial » (E. BOTTIN, « La loi du 3 juillet 1956 étendant le champ d’application du Code de commerce à de nouvelles catégories de personnes ou d’entreprises », J.T., 1956, p.709). Lors des discussions parlementaires, certains avaient manifesté le souhait d’englober, parmi les actes de commerce, « toute entreprise ayant pour objet l’achat, la vente, la location, la construction ou la réparation d’immeubles », soit, à peu de choses près, toutes les activités qu’aurait pu exercer une société immobilière. Il n’en fut finalement rien, seules les opérations d’achats/ventes d’immeubles ayant été retenues à titre d’actes de commerce. 170 Comm. Bruxelles, 8 novembre 1960, J.C.B., 1961, p.84. 171 Civ. Liège, 30 mars 1976, J.L., 1977-1978, p.83 ; Cass., 16 juin 1983, Pas., 1983, I, p.1163. Il semblerait que telle n’ait pas été l’intention du législateur qui, en 1956, avait voulu inclure, parmi les actes de commerce, tout

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101.- Qu’en est-il de la personne qui acquiert des terrains en vue de permettre à un promoteur d’y faire construire des bâtiments ? La jurisprudence est d’avis qu’il s’agit également d’une activité de nature commerciale dès le moment où le terrain est cédé avec les constructions de manière concomitante172. 102.- Il peut arriver qu’une société réalise à la fois des opérations à caractère commercial et à caractère civil. Sauf le cas où l’une des catégories d’opérations serait l’accessoire de l’autre, on parle de « société mixte »173. Il n’est pas toujours aisé de déterminer le droit – civil ou commercial – qui doit trouver à s’appliquer à la société mixte. Certains auteurs sont d’avis qu’il convient de soumettre la société au droit civil ou au droit commercial selon l’opération qu’elle réalise174. Mais la majorité de la doctrine considère dans ce cas que seules les règles du droit commercial doivent trouver à s’appliquer à la société mixte, sans qu’il soit nécessaire de distinguer entre les opérations à caractère civil ou commercial. La doctrine justifie cette approche par plusieurs raisons175. Tout d’abord, certaines règles indivisibles imposent d’être appliquées à l’ensemble des activités de la société. Tel est le cas des dispositions régissant le concordat ou la faillite. En outre, il sera parfois impossible de distinguer les opérations à caractère civil ou commercial lorsque les deux exploitations sont étroitement liées l’une à l’autre : « Ainsi, si une société exploite une ferme (objet civil) et une confiserie (objet commercial), qu’un même camion transporte le produit des deux activités et verse dans un fossé, les gâtant irrémédiablement, faut-il appliquer au litige qui surgit avec le transporteur les règles du droit civil ou commercial, ou les deux, pour déterminer la compétence des tribunaux ou les règles de preuve ? »176. Enfin, la doctrine rappelle que l’exercice d’une activité commerciale à titre d’appoint suffit à conférer la qualité de commerçant de telle sorte qu’une société qui a un objet mixte qui comprend l’exploitation d’une entreprise commerciale indépendante « revêt un caractère commercial, sans qu’il soit nécessaire ou même opportun d’opérer de distinction entre les actes qui relèvent de l’objet civil ou commercial »177. Par rapport au sujet qui nous occupe, il faut donc considérer qu’une société qui a à la fois pour objet l’achat et la vente d’immeubles, d’une part, et la mise en location d’immeubles, d’autre part, est une société mixte. Compte tenu de son activité d’achat et de vente d’immeubles, elle revêt un caractère commercial qui la soumet à l’ensemble des règles du droit commercial.

acte ayant pour objet l’achat, la vente, la location, la construction ou la réparation d’immeubles. Il n’en est rien finalement. 172 Trib. Arr., Bruxelles, 27 juin 1975, J.C.B., 1977, p.634. 173 Liège, 27 mai 1999, R.P.S., 1999, p.355, R.R.D., 1999, p.304 ; Liège, 2 février 1996, J.L.M.B., 1996, p.87. 174 X. DIEUX et Y. DE CORDT, « Examen de jurisprudence (1991-2005) – Les sociétés commerciales », R.C.J.B., 2008, p.415, citant J. VAN RYN et J. HEENEN, Principes de droit commercial, T. Ier, 2ème éd., 1957-1988, Bruxelles, Bruylant, n°355. 175 On se réfèrera à l’exposé des Professeurs TILQUIN et SIMONART dont on appréciera le bon sens et la clarté, ainsi qu’aux références citées par ceux-ci (T. TILQUIN et V. SIMONART, Traité des sociétés, t. Ier, Bruxelles, Kluwer, 1996, pp. 255-256). 176 Ibid. 177 Ibid.

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B. Objet statutaire – Objet réel

103.- Il ressort de la jurisprudence récente de la Cour de cassation qu’il faut d’abord avoir égard à l’objet statutaire d’une société pour déterminer la nature – civile ou commerciale – de son activité178. Ce n’est que si les statuts de la société sont ambigus ou si l’activité réelle de celle-ci est à ce point contraire à l’objet statutaire qu’il convient de se référer à l’activité réellement exercée par la société179. Tel est l’enseignement d’un arrêt de la Cour de cassation du 4 octobre 2001 dans lequel la Cour a considéré que « lorsqu’il ressort de la volonté des fondateurs d’une société civile constituée sous forme de société commerciale que l’objet réel de la société revêt un caractère commercial et que les fondateurs ont mentionné un objet à caractère civil dans les statuts dans un seul esprit de simulation et dans la seule intention d’éluder une loi d’ordre public, la société acquiert la qualité de commerçant et est susceptible d’être déclarée en état de faillite »180. 104.- Cette règle impose aux notaires d’être particulièrement attentifs dans la description de l’objet social, lors de la rédaction des statuts d’une société. On pense particulièrement au cas de la société mixte. Prenons l’exemple d’une société qui aurait pour objet l’activité d’agent immobilier et qui détiendrait également un patrimoine immobilier, pour son propre compte, mis en location. Il s’agit là de deux activités indépendantes qui devront être mentionnées explicitement dans les statuts de la société. Elle sera considérée comme une société commerciale pour le tout puisque la qualité de commerçant est aujourd’hui reconnue à l’agent immobilier181. 105.- Signalons enfin que l’objet statutaire doit correspondre à tout moment à la réalité des activités réellement exercées par la société. Il ne suffit pas que la concordance entre l’objet statutaire et l’objet réel soit établie au jour de la constitution de la société. Si, dès lors, la nature de son activité venait à être modifiée, l’objet social devrait l’être également.

C. Société professionnelle – Société de gestion – S ociété de moyens – Société patrimoniale

106.- Cette dernière distinction ne figure dans aucun texte de loi. Elle a été établie par la doctrine afin de tenir compte des différents rôles qu’une société peut jouer dans la vie des affaires182. Ce faisant, on distingue généralement la société professionnelle de la société de moyens, de la société de gestion (également appelée « société de management ») et de la société de patrimoine.

178 T. TILQUIN et V. SIMONART, op. cit., p. 240. 179 M. COIPEL, op. cit., p. 82 ; J.-P. BOURS et P. HERMANT, « Les principes généraux du droit des sociétés », op. cit., p 6. 180 Cass., 4 octobre 2001, R.P.S., 2002, p.22, note T. DELVAUX , J.D.S.C., 2003, p.4, note M. COIPEL, Pas., 2001, p.1576. 181 L. COLLON, Le statut juridique de l’agent immobilier, Bruxelles, Larcier, 2004, p.87. 182 J.-P. BOURS et P. HERMANT, « Les principes généraux du droit des sociétés », op. cit., pp. 8-9.

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Toutes les sociétés peuvent détenir un ou plusieurs immeubles mais le régime qui sera applicable à chacune d’entre elles, dans le cadre d’une opération de programmation successorale, pourra varier en fonction de son activité réelle. 107.- La société professionnelle est celle qui a pour objet l’exercice en commun d’une activité déterminée. Comme nous l’avons vu ci-dessus, si cette activité a un caractère commercial, il s’agit d’une société commerciale, sinon, d’une société civile. 108.- La société de gestion a, comme la société professionnelle, pour but de réaliser l’exercice d’une activité professionnelle. A cette différence près que l’exercice de l’activité sera mené au nom et pour compte d’une autre société – la société professionnelle. 109.- La société de moyens n’a pas pour but l’exercice en commun d’une activité professionnelle mais de mettre à la disposition d’une tierce personne les moyens nécessaires à l’exercice de cette activité. Elle constitue la mise en commun ou l’affectation de moyens nécessaires à l’exercice d’une activité professionnelle par un tiers (personne physique ou morale). 110.- Enfin, la société de patrimoine a exclusivement pour objet de détenir un patrimoine pour le gérer. S’il s’agit d’un patrimoine immobilier, on parle généralement de « société immobilière »183. A la différence de la société de moyens, la société de patrimoine n’a pas pour objet de réunir les moyens nécessaires à l’exercice d’une activité mais uniquement de gérer pour son propre compte les biens dont elle est propriétaire. 111.- Comme nous l’avons vu ci-dessus, le caractère civil ou commercial de ces sociétés dépendra de leur objet statutaire, voire de leur activité réelle. Pour ce qui concerne la société immobilière « pure », telle qu’elle a été définie ci-dessus (c’est-à-dire la société dont le but exclusif est de gérer un patrimoine immobilier), nous croyons pouvoir affirmer que cette société n’aura jamais un caractère commercial puisque le Code de commerce considère que l’activité de mise en location d’immeubles constitue une opération de nature civile. En ira-t-il différemment si la société immobilière procède également à l’achat et à la vente d’immeubles ? Tout dépendra du but recherché. Si la société souhaite simplement maintenir un patrimoine immobilier de qualité en remplaçant certains immeubles par d’autres dont elle espère tirer un rendement plus important, il faut considérer que l’activité d’achat et de vente d’immeubles constitue un accessoire à l’activité principale consistant en la gestion du patrimoine immobilier existant. On ne peut parler dans ce cas de société commerciale. Le Code de commerce vise d’ailleurs uniquement, parmi les actes de commerce, l’achat d’immeubles en vue de leur revente. Il en ira différemment dans l’hypothèse où, en plus de l’activité de gestion d’un patrimoine immobilier, la société s’attache à exercer une activité de « marchand de biens ». Dans ce cas, il faut considérer qu’il s’agit d’une société mixte à qui la qualité de commerçant doit être reconnue. Mais sans doute alors ne peut-on plus réellement parler de « société de patrimoine immobilier », au sens strict du terme.

183 Ch. JASSOGNE (dir.), Traité pratique de droit commercial, t. IV, Bruxelles, Story Scientia, 1998, p.17.

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II. TRANSMISSION DE LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DANS LE CADRE DU RÉGIME DE TRANSMISSION DE L ’ENTREPRISE FAMILIALE POUR CAUSE DE MORT

112.- Une première considération générale s’impose. Les régimes de transmission d’entreprises pour cause de mort connaissent un succès très mitigé dans les différentes Régions du pays. Cela s’explique sans doute par les conditions très lourdes imposées par les Régions pour le maintien du régime de taxation favorable durant la période de cinq ans qui suit le décès. La doctrine plaide d’ailleurs pour un allègement des régimes mis en place184. Les considérations mentionnées ci-dessous risquent donc bien d’être purement théoriques. Car il faut être réaliste. Si le régime s’avère difficilement applicable pour des sociétés commerciales, il le sera tout autant pour les sociétés immobilières pures. C’est donc surtout pour les cas plus « limite », tel celui de la société mixte, qu’elles trouveront un certain intérêt. 113.- D’une manière générale, les sociétés patrimoniales pures sont exclues des régimes de transmission de l’entreprise pour cause de mort et ce, tant en Région wallonne qu’en Région de Bruxelles-Capitale185. Ceci s’explique par la nature des activités qui sont autorisées : activités commerciales, industrielles, artisanales, agricoles (et forestières en Région wallonne), professions libérales, titulaires d’une charge ou d’un office. Par conséquent, les sociétés holding et patrimoniales sont exclues du régime d’exonération en Région wallonne et du régime de taxation à 3% en Région de Bruxelles-Capitale. 114.- Il en ira différemment si la société patrimoniale (immobilière) n’a pas exclusivement pour activité la mise en location d’immeubles dont elle est propriétaire. En effet, nous avons vu plus haut que le législateur a considéré que cette activité ne relevait pas des actes commerciaux au sens de l’article 2 du Code de commerce. Par contre, une société immobilière qui aurait pour activité l’achat et la vente d’immeubles doit être considérée comme une société commerciale et ce, même si elle exerce une activité de nature civile à titre accessoire (telle la location immobilière). De ce fait, elle entre dans le cadre du régime de taxation favorable tant en Région wallonne qu’en Région de Bruxelles-Capitale. Telle est la position adoptée par l’administration : « l'exigence d'une activité précise (commerciale, artisanale,…) empêche les sociétés immobilières ("pures" ou principales) et les sociétés patrimoniales ("pures" ou principales) de bénéficier du taux réduit. La situation est différente si ces sociétés exercent de manière accessoire une de ces activités prévues. En effet, le taux réduit actuel n'exige pas que la société se livre exclusivement à une telle exploitation, pas plus qu'il ne prévoit de ventilation entre deux activités distinctes ou d'exclusion pour l'activité immobilière ou patrimoniale, du moment qu'elle soit accessoire. Dans le cas d'une activité économique admise exercée à titre principal, la valeur de

184 Voy. à ce sujet les réflexions très opportunes de M. GOFFAUX et de Mme MUND (B. GOFFAUX, « Région wallonne : pays de cocagne pour les transmissions d’entreprises ? », pp. 253-272 et M. MUND, « Les aspects fiscaux de la transmission gratuite d’un fonds professionnel dans les Régions bruxelloise et flamande », pp. 273-290, tous deux in La transmission du patrimoine professionnel – Aspects civils et fiscaux, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2007). 185 M. MUND, « La transmission de l’entreprise familiale et le maintien du contrôle », op. cit., pp. 574 et 581.

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l'entièreté des titres sera soumise au taux réduit, même si une partie de cette valeur correspond à un actif lié à une activité patrimoniale accessoire de la société » 186. 115.- Il en va de même pour la société mixte, à savoir la société dont une partie des activités (exercées à titre principal) a un caractère commercial, tandis que l’autre (également exercée à titre principal) est de nature civile. Tel est le cas par exemple d’une société qui aurait pour activité la location d’immeubles, d’une part, et l’achat et la vente d’immeubles, d’autre part. Dans la mesure où la société doit être considérée comme une société commerciale « pour le tout », le taux réduit doit être appliqué à l’ensemble du patrimoine de la société, sans qu’il soit nécessaire de distinguer entre le patrimoine affecté à l’activité commerciale et celui qui est destiné à la réalisation de l’activité civile. 116.- Ce raisonnement ne vaut que si les deux activités sont indépendantes l’une de l’autre. Si l’activité de nature commerciale est accessoire à l’activité principale de la société, de nature civile, dans ce cas, la société ne peut être considérée comme une société à caractère commercial. Elle ne peut donc bénéficier des régimes de transmission des entreprises pour cause de mort. Ainsi, une société qui aurait pour objet la mise à fruit d’un patrimoine immobilier et qui, pour rentabiliser au maximum ce patrimoine, vendrait certains immeubles pour les remplacer par d’autres (toujours dans le but de les louer), ne pourrait être considérée comme une société à caractère commercial car l’achat et la vente d’immeubles ne seraient que l’accessoire à l’activité civile, exercée à titre principal par la société. Cette situation pourrait causer des difficultés dans le cas où le patrimoine immobilier d’une société d’exploitation (société professionnelle) aurait été isolé dans une autre structure sociétaire (société de moyens) pour être placé à l’abri des créanciers de la société professionnelle. La société de moyens n’exerce pas, en tant que telle, d’activité commerciale. Alors qu’il ne fait pas de doute que la société immobilière (société de moyens) forme un tout économique avec la société professionnelle, il faut considérer que le patrimoine immobilier ne peut pas être transféré dans le cadre des régimes fiscaux décrits ci-dessus, alors qu’il aurait pu l’être s’il avait fait partie du patrimoine de la société professionnelle. Nous ne voyons pas ce qui peut juridiquement justifier cette différence de traitement. En Région wallonne, il est possible de contourner cette difficulté en faisant apport des titres de la société de moyens et de la société opérationnelle à une troisième structure sociétaire qui jouerait ainsi le rôle de société « holding ». En effet, le régime wallon est offert aux sociétés qui exercent, seules ou avec leurs filiales, une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou forestière, une profession libérale, une charge ou un office. Ce faisant, les titres de la société holding peuvent être transmis dans le cadre du régime d’exonération puisqu’on peut considérer qu’elle et ses filiales exercent bien, à titre principal, une activité visée par le régime légal applicable en Wallonie187. Malheureusement, il n’en va pas de même en Région de Bruxelles-Capitale où le régime est exclusivement réservé aux sociétés d’exploitation, les holdings pures étant pour leur part exclues188. Mais nous verrons ci-dessous que le problème pourra être réglé dans ce cas via le régime bruxellois de donation mobilière.

186 Circulaire n° 18/2006 du 13 septembre 2006, http://ccff02.minfin.fgov.be, §. 29. 187 J. MALHERBE, D. DE LAVELEYE, « La holding belge, utilisation par les résidents et les non-résidents », in Planification successorale et structures sociétaires – Comment choisir, optimaliser, gérer et… liquider ? », Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2009, p. 56. 188 Ibid., p. 55.

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117.- Il arrive que la mise en location d’un immeuble ne soit que l’une des composantes d’une activité plus complexe. On vise l’hypothèse où la société exploite une seule activité dont la réalisation implique l’accomplissement d’actes civils et commerciaux189. Tel est le cas, par exemple, de l’organisateur d’une exposition qui concède à une autre personne le droit d’exploiter une activité professionnelle dans l’enceinte de l’exposition. L’essentiel de l’accord entre l’organisateur et l’exploitant n’est pas la mise à disposition de l’immeuble mais de permettre à l’exploitant d’exercer son activité professionnelle dans l’enceinte de l’exposition. Tel est le cas également du contrat de brasserie. Ce contrat s’analyse comme étant un accord d’approvisionnement exclusif en bière et/ou autres boissons, « en vertu duquel un revendeur (en général un exploitant de débit de boissons et/ou de nourriture) s’engage vis-à-vis d’un fournisseur (en général une brasserie, un dépositaire,…) à s’approvisionner exclusivement auprès de lui en bières et/ou autres boissons pendant une certaine durée. Un tel engagement est généralement assorti d’une obligation d’achat d’une quantité minimale des produits concernés. Les contreparties à un tel engagement sont diverses, et vont de la mise à disposition de matériel de débit à des prêts ou crédits importants ou à la location d’un débit de boissons »190. Le contrat de brasserie comporte généralement les éléments suivants :

• la mise à disposition d’un immeuble et du matériel de débit ; • l’octroi d’un prêt à des conditions avantageuses ; • l’obligation de l’exploitant de se fournir en boissons auprès de la brasserie191.

L’objectif principal du brasseur n’est pas de retirer des recettes de la location immobilière ou du crédit, mais bien de la vente de boissons. Il faut donc considérer que l’objet principal du contrat est la vente de boissons. La société qui exercerait cette activité doit être qualifiée comme une société commerciale, malgré le fait qu’elle procède à la location de biens immeubles car la location n’est que l’accessoire de l’activité principale, à savoir la vente de boissons. Dans la mesure où il s’agit de sociétés à caractère commercial, celles-ci sont susceptibles de bénéficier des régimes favorables de transmission. 118.- Peut-on imaginer faire apport à une société professionnelle d’un bien immeuble détenu par l’actionnaire personne physique alors qu’il n’est pas nécessaire à l’exercice de l’activité de la société opérationnelle et ce, pour pouvoir bénéficier du régime de transmission favorable ? Rien ne s’y oppose selon nous. En effet, il n’existe pas d’exclusion pour ce qui concerne les immeubles faisant partie du patrimoine de la société dont les actions sont transmises, même si ces immeubles sont affectés totalement ou partiellement à l’habitation. Il en va ainsi dans les deux régions, avec un tempérament toutefois pour la Région de Bruxelles-Capitale, pour ce qui concerne les transmissions à cause de mort. En effet, dans ce cas, il est prévu que les avoirs investis durant les trois années qui précèdent le décès n’entrent pas en ligne de compte pour l’octroi du tarif réduit, sauf si cet investissement répond à des besoins légitimes, financiers ou économiques192. En d’autres termes, dans

189 T. TILQUIN et V. SIMONART, op. cit., p. 253. 190 D. JAMSE, La réglementation des contrats de brasserie, Bruxelles, Kluwer, 1995, p.1. 191 J. BUBLOT, La T.V.A. sur la livraison, la location et le leasing d’immeubles, Bruxelles, Larcier, 2004, p.121. 192 Art. 60bis, § 5, al. 3, CDS (B.) ; B. GOFFAUX, Transmission des entreprises à titre gratuit, op. cit., p.196.

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l’hypothèse que nous envisageons, le bénéfice de la réduction des droits de succession ne sera pas accordé pour les avoirs incorporés dans le patrimoine de la société au cours des trois années qui précèdent le décès. L’administration a confirmé ce point, dans une circulaire du 13 septembre 2006, en précisant toutefois que l’activité qui était menée par la société dans les cinq ans qui suivent le décès devait être une activité autorisée par le décret : « L'essentiel est qu'une activité soit exercée par le continuateur : il n'est donc pas nécessaire que ce dernier exerce exactement la même activité. L'activité économique du continuateur peut être différente - voire à l'opposé - de celle exercée par le donateur au moment de la donation. Encore faut-il néanmoins que le continuateur maintienne l'emploi (…) et qu'il s'agisse d'une activité visée par le présent taux réduit »193. Il faut bien sûr que le continuateur veille à respecter les autres conditions au maintien du régime d’exonération, notamment la condition relative au maintien de l’emploi ce qui, rappelons-le, rend la réflexion très théorique.

193 Circulaire n° 18/2006 du 13 septembre 2006, http://ccff02.minfin.fgov.be, §. 44.

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III. TRANSMISSION DE LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DANS LE CADRE DU RÉGIME DE TRANSMISSION DE L ’ENTREPRISE FAMILIALE ENTRE VIFS

119.- Tout comme pour ce qui concerne les régimes de transmission pour cause de mort, il faut commencer par un constat : les régimes de donation d’entreprise n’ont pas la cote. Peu de chefs d’entreprise s’y aventurent, la faute sans doute à des conditions de maintien trop strictes durant le moratoire de cinq ans qui suit la donation. Les considérations qui suivent risquent donc d’être tout aussi théoriques que pour ce qui concerne les transmissions d’entreprise par voie de succession. En effet, si le régime s’avère peu attractif pour les sociétés professionnelles, il le sera tout autant pour les sociétés immobilières. En outre, d’autres éléments, qui touchent sans doute plus à la politique fiscale voulue par les Régions, ne jouent pas en faveur de la donation d’entreprise :

• d’une part, le fait que les taux de transmission entre vifs soient identiques à ceux qui s’appliquent pour cause de mort ; qu’est-ce qui devrait inciter une personne à organiser la transmission de son entreprise de son vivant alors qu’elle peut en conserver la pleine propriété sa vie durant, tout en étant assurée que ses héritiers bénéficieront des mêmes conditions fiscales à son décès (particulièrement en Région wallonne où les règles sont totalement identiques, que la transmission ait lieu par voie de donation ou de succession) ?

• d’autre part, le fait que la donation des titres de la société professionnelle (et, a

fortiori, d’une société immobilière) puisse avoir lieu à un taux identique (en Région de Bruxelles-Capitale) voire à peine plus élevé (en Région wallonne) via le régime de donation de biens meubles, sans devoir respecter les conditions strictes imposées durant les cinq ans qui suivent la transmission.

Ici aussi, nous pensons que les considérations suivantes auront surtout un certain intérêt dans le cas d’une société mixte qui ne se limite pas à des opérations de gestion d’un patrimoine immobilier. 120.- En Région wallonne comme en Région de Bruxelles-Capitale, les sociétés immobilières pures sont exclues du régime d’exonération194. Tel n’est pas le cas des sociétés qui ne gèrent un patrimoine immobilier qu’à titre accessoire. Dans ce cas, les titres transmis bénéficieront du régime d’exonération pour l’intégralité de leur valeur195. Telle est d’ailleurs la position adoptée par l’administration, dans la circulaire qu’elle a édictée au sujet du régime applicable en Région wallonne : « l'exigence d'une activité précise (commerciale, artisanale,…) empêche les sociétés immobilières ("pures" ou principales) et les sociétés patrimoniales ("pures" ou principales) de bénéficier du taux réduit. La situation est différente si ces sociétés exercent de manière accessoire une de ces activités prévues. En effet, le taux réduit actuel n'exige pas que la société se livre exclusivement à une telle exploitation, pas plus qu'il ne prévoit de ventilation entre deux activités distinctes ou d'exclusion pour l'activité immobilière ou patrimoniale, du moment qu'elle est accessoire.

194 M. MUND, « La transmission de l’entreprise familiale et le maintien du contrôle », op. cit., pp. 560 et 565. 195 B. GOFFAUX, Transmission des entreprises à titre gratuit, op. cit., pp. 23 et 42.

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Dans le cas d'une activité économique admise exercée à titre principal, la valeur de l'entièreté des titres sera soumise au taux réduit, même si une partie de cette valeur correspond à un actif lié à une activité patrimoniale accessoire de la société » 196. 121.- Il en va de même, selon nous, de la société mixte qui exerce à la fois une activité commerciale et une activité civile, toutes deux à titre principal. Puisque pareille société est considérée comme étant une société commerciale, elle entre dans le champ d’application des régimes de transmission entre vifs. Les mêmes difficultés que celles exposées en matière de transmission d’entreprise pour cause de mort se présenteront dans l’hypothèse où le patrimoine immobilier d’une société professionnelle aura été isolé dans une autre société (de moyens) pour le mettre à l’abri des créanciers. La société de moyens n’ayant par elle-même qu’une activité de nature civile, elle ne peut bénéficier du régime d’exonération ou du taux réduit. La solution passera, en Région wallonne, par la constitution d’une société holding à qui seront apportés les titres de la société professionnelle et de la société de moyens, de manière à permettre au chef d’entreprise de transmettre les titres de la holding qui, ensemble avec ses filiales, entre alors dans le champ d’application du régime d’exonération (à condition bien évidemment que la société professionnelle exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou forestière, une profession libérale, une charge ou un office). La solution n’est pas envisageable en Région de Bruxelles-Capitale puisqu’une holding pure n’est pas susceptible de bénéfice du taux réduit. Mais c’est un faux problème au regard du régime bruxellois de donation de meubles exposé au point suivant. 122.- Lorsque la location d’immeubles exercée par une société – activité de nature civile – n’est que l’accessoire d’une activité plus complexe, le régime de donation est susceptible de s’appliquer dans les deux Régions, pour autant que l’activité principale soit une activité permettant l’application de l’exonération ou du taux réduit. Nous renvoyons aux exemples cités ci-dessus (organisateur d’une exposition, contrat de brasserie, etc.). 123.- Tout comme en cas de transmission pour cause de mort, il est envisageable de faire un apport d’immeubles à la société avant la donation des titres, même si ces immeubles ne sont pas destinés ou affectés à l’activité de la société. Cette possibilité s’avère d’autant intéressante qu’en Région wallonne, il n’est pas nécessaire que l’activité poursuivie par le continuateur, à travers la société, soit la même que celle de la société avant la donation des titres197. L’administration a confirmé ce point, dans sa circulaire du 13 septembre 2006, en précisant toutefois que l’activité qui était menée par la société dans les cinq ans qui suivent la donation devait être une activité autorisée par le décret : « L'essentiel est qu'une activité soit exercée par le continuateur : il n'est donc pas nécessaire que ce dernier exerce exactement la même activité. L'activité économique du continuateur peut être différente - voire à l'opposé - de celle exercée par le donateur au moment de la

196 Circulaire n° 18/2006 du 13 septembre 2006, http://ccff02.minfin.fgov.be, §. 29. 197 B. GOFFAUX, Transmission des entreprises à titre gratuit, op. cit., pp. 30 et 31 ; M. MUND, « La transmission de l’entreprise familiale et le maintien du contrôle », op. cit., p. 567.

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donation. Encore faut-il néanmoins que le continuateur maintienne l'emploi (voir condition suivante) et qu'il s'agisse d'une activité visée par le présent taux réduit »198. Attention toutefois au respect des autres conditions imposées pour bénéficier du maintien du régime d’exonération ou de taxation au taux réduit, notamment en ce qui concerne l’emploi, ce qui risque, reconnaissons-le, de rendre la réflexion assez théorique.

198 Circulaire n° 18/2006 du 13 septembre 2006, http://ccff02.minfin.fgov.be, §. 44.

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IV. TRANSMISSION DE LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DANS LE CADRE DU RÉGIME DE DONATIONS MOBILIÈRES

124.- Il convient d’examiner dans quelle mesure les titres d’une société immobilière peuvent être intégrés dans le cadre d’une donation de biens meubles, plutôt que via le régime de donation des titres d’une entreprise familiale. En effet, les deux régimes de transmission couvrent pour partie le même champ d’application et l’un n’exclut pas l’autre199. 125.- Pour le sujet qui nous occupe, le régime applicable en Région de Bruxelles-Capitale s’avère intéressant puisque la donation des titres d’une société immobilière, fût-ce une société patrimoniale pure, est susceptible de bénéficier des taux réduits200. Il sera même possible pour le donateur de conserver l’usufruit des actions de sorte qu’il puisse conserver le contrôle de la société201 et les revenus produits par celle-ci. La question s’est posée de savoir si l’opération risquait de tomber, dans ce cas, dans le champ d’application de l’article 9 du Code des droits de succession qui prévoit que « les titres au porteur ou nominatifs qui ont été immatriculés au nom du défunt pour l’usufruit et au nom d’un tiers pour la nue-propriété sont considérés (…) comme se trouvant en pleine propriété dans la succession de celui-ci et comme recueillis à titre de legs par le tiers »202. La doctrine la plus autorisée sur le sujet considère que cette disposition ne peut trouver à s’appliquer dans les hypothèses suivantes : soit lorsque l’immatriculation n’est que le résultat d’une opération ou d’un acte juridique antérieur203 (telle une donation avec réserve d’usufruit), soit lorsque l’usufruit est constitué après la donation de la pleine propriété des actions (la constitution de l’usufruit s’analysant alors comme une charge à la donation préalable)204. Le choix se portera d’autant plus vite sur la donation de biens meubles, en Région de Bruxelles-Capitale, que le taux d’imposition, en ligne directe, est identique à celui applicable à la transmission de l’entreprise entre vifs ou pour cause de mort (3%).

199 Circulaire n° 18/2006 du 13 septembre 2006, http://ccff02.minfin.fgov.be, §. 7 ; M. MUND, « La transmission de l’entreprise familiale et le maintien du contrôle », op. cit., p. 558. 200 Ph. DE PAGE, « La transmission immobilière successorale », op. cit., p. 11 ; Ph. DE PAGE, I. DE STEFANI, « La transmission immobilière successorale ou à perspective successorale, en ce compris ses aspects de droit international privé », op. cit., pp. 166-167. 201 Il faudra éventuellement modifier les statuts de la société pour s’assurer que le droit de vote aux assemblées de la société soit attribué à l’usufruitier. 202 Pour un exposé d’ensemble de cette disposition, voy. J. LARDINOIS, Ch. GAIONI et J. DEBLANDRE, « Les fictions légales contenues dans les articles 4, 5, 7 et 9 à 12 du Code des droits de succession », in Actualités civiles et fiscales en droit successoral, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2006, pp. 26-36. 203 Ph. DE PAGE, « Evolutions récentes en matière d’enregistrement et de droits fiscaux de succession », op. cit., pp. 74-76. 204 Ph. DE PAGE, « La transmission immobilière successorale », op. cit., p. 11 ; Ph. DE PAGE, I. DE STEFANI, « La transmission immobilière successorale ou à perspective successorale, en ce compris ses aspects de droit international privé », op. cit., p. 167 ; E. DE WILDE D’ESTMAEL, « Article 9 du Code des droits de succession : quand doit-on ouvrir le compte démembré en usufruit/nue-propriété destiné à recevoir les valeurs données par acte notarié ? », R.G.E.N., 2008, p. 165.

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Pour ce qui concerne la Région wallonne, par contre, la donation de biens meubles n’est pas plus efficace que la transmission d’entreprise. Le donateur ou l’héritier sera toujours confronté à la difficulté liée à la nature des activités de la société immobilière. Si la société est une société mixte, elle pourra profiter de ce régime. Elle sera toutefois imposée à un taux forcément plus élevé que celui applicable en cas de transmission d’entreprise puisqu’il s’agit là d’un régime d’exonération. Mais le donateur ou les héritiers préféreront peut-être cette solution afin de ne pas être confrontés aux conditions de maintien de l’exonération applicables en cas de transmission d’entreprise. L’administration a confirmé, dans une circulaire du 8 février 2006, qu’une société immobilière pouvait profiter de la mesure dès le moment où son activité principale ne se limitait pas à la gestion immobilière : « Si le texte du décret exige une activité d’une certaine mesure, c’est pour éviter la donation des titres d’une société immobilière ou patrimoniale. Par conséquent, dans ce premier cas, sont notamment exclues les « sociétés patrimoniales », c’est-à-dire les sociétés dont l’objet principal est uniquement la détention et la gestion d’actifs immobiliers ou mobiliers sans exercer une activité économique »205. 127.- On rappellera qu’il convient en principe de se fonder sur les statuts de la société pour déterminer la nature de son activité. Si toutefois les statuts s’avèrent ambigus ou si l’activité réelle de la société ne correspond pas à celle mentionnée dans l’objet statutaire, il faut alors se baser sur l’activité réelle pour examiner si la donation des titres est susceptible de bénéficier des taux réduits. L’administration en fait également état dans la circulaire du 8 février 2006 : « Selon le commentaire de cette disposition (tel qu’il figure dans) le projet de décret (…), il faut (avoir égard à) l'activité qui est mentionnée dans les statuts de la société et qui est prépondérante, réellement et habituellement exercée (..) ; cette activité prépondérante doit donc consister en une activité susmentionnée, et non dans une autre activité par exemple de simple gestion de patrimoine. A cet égard, il convient de remarquer les précisions suivantes :

• le chiffre d'affaires de la société n'est pas nécessairement le critère principal de cette distinction, mais il n'est qu'un des critères, parmi d'autres, selon le cas d'espèce, permettant d'identifier l'activité prépondérante réellement et habituellement exercée par la société ;

• l'objet social principal peut être contrôlé par l'administration compétente, par exemple par référence aux mentions figurant dans la Banque carrefour des entreprises ou par la demande au donataire de la ventilation du chiffre d'affaires de la société entre ses différentes activités »206.

205 Circulaire n° 2/2006 du 8 février 2006, http://ccff02.minfin.fgov.be, §. 47. 206 Circulaire n° 2/2006 du 8 février 2006, http://ccff02.minfin.fgov.be, §. 47.

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CONCLUSION

128.- A la question : « Dans quelle mesure la transmission d’une société immobilière peut-elle se réaliser via l’un des régimes fiscaux favorables, tels qu’ils sont prévus en Région wallonne et en Région de Bruxelles-Capitale ? », nous croyons pouvoir répondre ce qui suit. 129.- En Région de Bruxelles-Capitale, les titres de la société immobilière peuvent être donnés via une donation enregistrée et soumise au droit de donation au taux de 3 ou 7 %. Le régime est avantageux à plusieurs égards :

• Les tarifs d’imposition sont particulièrement faibles ; • Le donateur peut se réserver l’usufruit des titres donnés, ce qui lui permet de

s’assurer le contrôle de la société ainsi que les revenus qu’elle produit ; • Aucune condition particulière n’est imposée, ni au moment de la donation, ni dans les

années qui suivent, contrairement au régime de transmission d’entreprise entre vifs ou pour cause de mort ;

• La donation ayant été assujettie au droit de donation, elle n’est plus susceptible d’être soumise aux droits de succession, en cas de décès du donateur dans les trois ans qui suivent la donation.

130.- En Région wallonne, la situation est plus compliquée. La transmission ne pourra avoir lieu dans le cadre de l’un des deux régimes examinés ci-dessus puisque les sociétés patrimoniales pures sont exclues en raison de la nature (civile) de leur activité. Seules dès lors les sociétés mixtes sont susceptibles de bénéficier des tarifs réduits. Cette situation est regrettable au regard de la discrimination qu’elle crée selon que le donateur/défunt ait (eu) sa (dernière) résidence en Région wallonne plutôt qu’en Région de Bruxelles-Capitale. Voici quelques solutions alternatives qui s’offrent aux personnes confrontées à cette difficulté :

• Procéder à une donation non taxée (don manuel, donation par virement, donation déguisée, donation passée devant un notaire étranger et donc enregistrée à l’étranger) ; Il faut tenir compte du risque de décès du donateur dans les trois ans qui suivent la donation. Ce risque est aujourd’hui couvert par certaines compagnies d’assurance qui assurent un montant équivalent aux droits de succession qui seraient dus en cas de décès durant la période de trois ans suivant la donation.

• Donner de l’argent (aux taux de 3, 5 ou 7 %) aux personnes à qui doivent revenir les titres de la société immobilière afin de leur permettre d’acquérir ces titres.

La contrepartie de la vente des actions, revenue dans le patrimoine du vendeur, pourra même ensuite faire l’objet d’une seconde donation aux taux de 3, 5 ou 7 %. On évitera toutefois de réaliser la succession des opérations à trop court terme, sous peine de courir le risque de voir l’administration invoquer la simulation.

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• Déplacer le domicile fiscal du donateur en Région de Bruxelles-Capitale.

En effet, nous avons vu ci-dessus que lorsque le domicile fiscal du donateur était établi dans différentes Régions au cours de la période de cinq ans précédant la donation, le droit applicable est celui de l’endroit où son domicile fiscal a été établi le plus longtemps au cours de cette période de cinq ans207.

Dès le moment où le donateur aura résidé plus de deux ans et six mois en Région de Bruxelles-Capitale, c’est la législation de cette Région qui trouvera à s’appliquer. La donation des titres de la société mobilière pourra alors se réaliser aux taux réduits de 3 ou 7 %.

• Déplacer le domicile fiscal du pater familias à l’étranger. Ci-dessous, nous prendrons

l’exemple du Grand-Duché de Luxembourg.

Lorsque la transmission pour cause de mort s’opère au bénéfice du conjoint survivant et/ou des enfants, dans la limite de leur part légale, chacun pour une fraction égale, elle est totalement exonérée d’impôt au Grand-Duché de Luxembourg208. Certes, la Belgique a prévu un droit de mutation par décès sur la valeur des biens immeubles situés en Belgique et recueillis dans la succession d’un non-habitant du Royaume209. Mais ce droit ne s’applique que si le bien immobilier est détenu par le défunt lui-même. Or, dans le présent cas, la succession comprend les titres d’une société immobilière, non le patrimoine immobilier210. Aucun droit de succession n’est donc dû en Belgique dans ce cas.

*

207 Art. 5, § 1e, 8°, de la Loi spéciale du 16 janvier 1989. 208 A. STEICHEN, Manuel de droit fiscal, t. II, Luxembourg, éd. Saint-Paul, 2006, pp. 1505-1506 ; J. SCHAFFNER, Dossiers internationaux Francis Lefebvre – Luxembourg, Levallois (France), éd. Francis Lefebvre, 2005, p. 245. 209 Art. 1e, al. 1°, 2°, CDS (W.). 210 Fr. DERÈME, Cl. MEDERNACH et E. DELLOYE, Le droit patrimonial luxembourgeois – Aspects civils et fiscaux, Bruxelles, Kluwer, 2007, p. 205.

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CONCLUSION 131.- Planifier la succession d’un chef d’entreprise est passionnant mais nécessite énormément de patience. Rien n’est simple : il faut songer aux mécanismes juridiques les plus appropriés au cas d’espèce mais aussi ménager les divers intérêts en cause et les susceptibilités familiales. La construction fiscale optimale n’est dès lors pas toujours celle qui s’impose a priori. En voici un exemple, emprunté à un cas réel.

I. EXPOSÉ DE LA SITUATION

1) Données économiques

132.- Monsieur Ferrari a travaillé toute sa vie à développer sa société, la S.A Supercars, dont il est actionnaire majoritaire et administrateur délégué. Cette société est elle-même l’actionnaire majoritaire d’une autre société, la S.A. Génialauto. L’actionnariat du « groupe Supercars» se détaille comme suit :

- Monsieur Ferrari détient 80,00 % du capital de la S.A. Supercars, soit 200 des 250 actions de la société ;

- son épouse, Madame Bugatti, détient 50 actions de la SA Supercars, soit 20,00 % du capital de la société ;

- la S.A. Supercars détient 98,00 % du capital de la S.A. Génialauto, soit 1.960 actions sur 2.000 actions ;

- les 40 dernières actions sont détenues par Monsieur Ferrari qui, avec la S.A.

Supercars, détient dès lors 100 % du capital de la S.A. Génialauto.

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133.- Le schéma du « groupe Supercars » est donc le suivant.

2) Données humaines 134.- Monsieur Ferrari a des ennuis de santé importants et s’inquiète de la continuité des activités de son entreprise. Il est marié et a deux enfants. Sa fille aînée, Barbara, est âgée de 27 ans. Elle est institutrice maternelle. Elle n’est pas active dans l’entreprise et ne le sera sans doute jamais.

Son fils, Idesbald, est âgé de 26 ans. Il est actif dans l’entreprise depuis le 1er août 2006 mais n’est pas encore chargé de la gestion de la S.A. Supercars ou de la S.A. Génialauto.

3) Autres éléments à prendre en compte en planifian t la succession de M. Ferrari

135.- Monsieur Ferrari veut assurer la pérennité de l’entreprise. Sous cet angle, il juge imprudent qu’à son décès, sa femme et ses enfants héritent directement des actions de Supercars. Ils pourraient alors être tentés de céder rapidement la société à un tiers. En outre, bien qu’Idesbald soit susceptible de prendre un jour la direction de l’entreprise familiale, son jeune âge et son manque d’expérience excluent de procéder dès à présent à la transmission de l’entreprise familiale, dans le cadre d’une opération de programmation successorale. Ayant des ennuis de santé, Monsieur Ferrari veut également envisager l’hypothèse où il ne serait plus apte à diriger l’entreprise. Il faut prévoir un système de relève afin que, s’il venait à décéder ou était dans l’incapacité d’exercer ses fonctions, Idesbald soit entouré et

Supercars S.A.

Génialauto S.A.

M. Ferrari

80,00 %

98,00 %

2,00 %

Mme. Bugatti

20,00 %

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conseillé. Dans un premier temps en effet, il vaut mieux qu’Idesbald ne doive pas prendre seul les décisions. S’il s’avère qu’Idesbald est apte à gérer l’entreprise, il faudra à un moment lui laisser les mains libres. A l’inverse, il faut pouvoir céder l’entreprise à un tiers si Idesbald ne peut en assurer la gestion. L’attention porte beaucoup sur Idesbald, vu sa possible capacité à succéder à son père, mais il ne faut oublier ni Madame Bugatti, ni Barbara. Pour éviter les tensions à plus ou moins long terme, il faut que Barbara retire un bénéfice de l’entreprise : pour elle, hériter d’actions qui ne lui rapporteraient rien ne présenterait aucun intérêt et serait source de tensions familiales. Quant à Mme Bugatti, qui s’est toujours investie dans Supercars, l’opération envisagée doit également lui assurer un bénéfice.

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II. SOLUTION ENVISAGÉE

1) Une société holding… 136.- Une partie de la solution envisagée est de constituer une société holding (ci-dessous, la « s.p.r.l H. »), qui détiendra les actions de la S.A. Supercars et de la S.A. Génialauto. Monsieur Ferrari serait gérant statutaire de la s.p.r.l H. et resterait par ce biais aux commandes de la S.A. Supercars. En cas de décès de Monsieur Ferrari ou si son état de santé ne lui permettait plus de remplir sa mission, l’opération poursuit un double objectif :

- protéger ses enfants d’un point de vue financier ;

- assurer la pérennité de l’entreprise qu’il a créée et développée durant toute sa vie. 137.- Les statuts de la s.p.r.l. H. contiendront les précisions suivantes :

- Ils stipuleront qu’en cas de décès du gérant statutaire (Monsieur Ferrari), ou si l’état de santé de celui-ci ne lui permet plus de remplir sa mission, il sera remplacé par un conseil de gérance composé de membres de confiance.

� Un conseil de gérance dont les membres sont désignés par les statuts ne serait pas possible au sein d’une S.A. : ce type de société ne permet pas la présence de gérants statutaires (révocation ad nutum…). La structure envisagée ici permet à Monsieur Ferrari de prévoir qui exactement prendra la relève à son décès ou s’il est un jour dans l’incapacité d’exercer ses fonctions : les statuts désignent donc nommément cinq personnes de confiance comme gérants suppléants, de même que cinq autres qui feront partie du conseil de gérance si l’un des membres désignés prioritairement ne veut ou ne peut assurer cette fonction.

- Ils préciseront la mission du conseil de gérance suppléant, qui sera essentiellement :

o d’assurer la poursuite de l’activité de la S.A. Supercars dans l’attente d’un repreneur ou de la certitude qu’Idesbald Ferrari a les capacités d’assurer la continuité de l’activité ;

o de céder les actions de la S.A. Supercars à un tiers si le Conseil se rend compte qu’Idesbald Ferrari n’a pas les capacités d’assurer la continuité de l’activité ;

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o de protéger les enfants, contre leur gré s’il le faut, en évitant que ceux-ci ne cèdent de manière inconsidérée les actions de la société opérationnelle (Supercars) ;

o de s’assurer éventuellement que les conditions imposées au continuateur, dans le cadre du régime de transmission favorable de l’entreprise pour cause de mort (telles qu’elles sont imposées à l’article 60bis du Code des droits de succession) sont bien remplies durant le délai de cinq ans imposé par le Code.

- Ils prévoiront une clause d’agrément au profit du conseil de gérance suppléant, de telle sorte que toute cession des actions sera soumise à l’autorisation du Conseil. De cette manière, le conseil pourra prémunir l’entreprise de toute cession inconsidérée des actions de la S.A. Supercars par les enfants, en cas de décès de Monsieur Ferrari.

Remarque : Pourquoi ne pas simplement modifier les statuts de la S.A. Supercars ?

En quoi la constitution d’une société holding est-e lle nécessaire ?

Les objectifs poursuivis par la constitution de la s.p.r.l H. ne peuvent être atteints via une simple modification des statuts de la S.A. Supercars car dans ce cas, le conseil de gérance suppléant ne pourra empêcher la cession éventuelle des actions de la S.A. Supercars. par les enfants. En créant la nouvelle société (la structure holding), les enfants de M. Ferrari hériteront, à son décès, des actions de la holding et non des actions de la S.A. Supercars. En mettant en place un conseil de gérance suppléant statutaire, au sein de la holding, on peut empêcher la cession des actions de la S.A. Supercars. On protège ainsi les enfants, « contre leur gré » s’il le faut, afin d’éviter qu’au décès de M. Ferrari, ils vendent les actions de la S.A. Supercars à vil prix. En outre, sans la structure holding, il n’est pas possible pour le conseil de gérance suppléant de céder les actions de la S.A. Supercars dans l’hypothèse où il devrait arriver à la conclusion qu’Idesbald Ferrari n’a pas les capacités d’assurer la continuité de l’activité.

2) … et une fondation !

138.- La structure mise en place comprendra également une fondation privée de droit belge.

� Les fondations sont régies par la loi du 27 juin 1921 sur les asbl et fondations. D’après l’article 27 de cette loi, « la création d’une fondation est le résultat d’un acte juridique émanant d’une ou de plusieurs personnes physiques ou morales consistant à affecter un patrimoine à la réalisation d’un but désintéressé déterminé. La fondation ne peut procurer un gain matériel ni aux fondateurs, ni aux administrateurs ni

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à toute autre personne sauf, dans ce dernier cas, s’il s’agit de la réalisation du but désintéressé». En l’espèce, la fondation serait créée par Madame Bugatti et Monsieur Ferrari, qui affecteraient chacun au patrimoine de cette fondation deux actions de la S.A. Supercars. Le but désintéressé poursuivi par la fondation est d’assurer la pérennité de l’entreprise Supercars et la paix familiale. La gestion d’une fondation est assurée par un conseil d’administration comprenant au moins trois membres. Dans le cas d’espèce, les statuts de la fondation désigneront ces membres qui, pour la plupart, seront les mêmes que ceux du conseil de gérance suppléant de la s.p.r.l H.

La fondation aura, pour principale mission, de détenir quelques parts de la SA Supercars et de les apporter à la future s.p.r.l H. à constituer. La s.p.r.l H sera donc constituée par Monsieur Ferrari et par la fondation. En échange de cet apport, la fondation sera titulaire de quelques parts de la s.p.r.l H. Pourquoi passer par une fondation? 139.- La détention de parts de la s.p.r.l H. par ladite fondation poursuit un triple objectif :

1) Tout d’abord, elle permet de « boulonner » la gérance de la holding, exercée par le conseil de gérance suppléant.

En effet, le gérant statutaire d’une s.p.r.l est révocable par décision unanime des associés ou pour motif grave. En faisant détenir quelques parts de la « holding » par la fondation, on évite qu’au décès de Monsieur Ferrari, ses enfants ne puissent révoquer le conseil de gérance suppléant. Sans la fondation, les enfants de Monsieur Ferrari seraient effectivement les seuls associés, par héritage. Ils pourraient alors être tentés de se libérer de la tutelle du conseil de gérance suppléant.

2) Ensuite, elle permet à Monsieur Ferrari de s’assurer qu’à terme, son fils Idesbald sera propriétaire de la majorité des parts de la s.p.r.l H. et sera donc à la tête de l’entreprise familiale.

Comment ? Il sera prévu que lorsque le conseil de gérance devra s’effacer au profit d’Idesbald Ferrari à la tête de la s.p.r.l H., le conseil d’administration de la fondation proposera simultanément à ce dernier de lui remettre les actions qu’elle détient dans la holding, de telle manière à ce qu’il dispose de la majorité des actions.

3) Enfin, elle permet à Monsieur Ferrari de s’assurer que sa fille percevra un certain

rendement lié à sa participation dans la holding.

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Comment ? La fondation n’acceptera de remettre les actions qu’elle détient dans la s.p.r.l H. à Idesbald Ferrari qu’à la condition que celui-ci présente une convention d’actionnaires qu’il aura signée avec sa sœur et qui garantira à cette dernière un certain rendement, proportionnel à la participation qu’elle détiendra dans la holding.

� Ces deux derniers points ne portent pas atteinte à la condition – imposée à toute fondation – de poursuivre un but désintéressé. Comme signalé ci-dessus, le but désintéressé poursuivi par la fondation est d’assurer la pérennité de l’entreprise Supercars et la paix familiale. Remettre les parts de la s.p.r.l H. à Idesbald Ferrari (lorsque le conseil de gérance s’effacera au profit de ce dernier) en vérifiant l’existence d’une convention d’actionnaires signée avec sa sœur, ne sont que les moyens d’atteindre ce but désintéressé. Quand bien même la fondation procurerait un gain matériel aux enfants de Monsieur Ferrari, il serait possible de soutenir qu’il s’agit là de réaliser le but désintéressé (cf. article 27 de la loi du 27 juin 1921, cité ci-dessus) : la paix familiale est assurée, car chaque enfant retire un avantage de sa qualité d’associé, mais d’une façon qui tient compte de leurs rôles très différents au sein de l’entreprise.

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III. ENCHAÎNEMENT DES OPÉRATIONS 140.- Compte tenu de l’ensemble des éléments repris ci-dessus, voici comment les différentes opérations devraient s’enchaîner :

- Constitution de la fondation par Monsieur Ferrari et son épouse, Madame Bugatti.

Lors de la constitution, chacun d’eux affectera au patrimoine de la fondation deux actions qu’ils détiennent dans la SA Supercars.

- Constitution de la s.p.r.l H. par Monsieur Ferrar i et par la fondation ; la

valorisation de l’apport se fera sur la base d’un rapport établi par un membre de l’Institut des Réviseurs d’entreprises.

- Acquisition par la holding du reste des actions d e la SA Supercars détenues

par Madame Bugatti. Voici, sur cette base, le schéma de la structure envisagée.

M. Ferrari

� Gérant statutaire : M. Ferrari

� En cas de décès : mise en place d’un

conseil de gérance statutaire

S.p.r.l H.

79,20 %

2,00 % 100,00 %

Supercars S.A.

98,00 %

Génialauto S.A.

Fondation

1,60 %

Mme Bugatti

19,20 %

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Cette solution impose un certain changement dans l’actionnariat, mais il demeure marginal : Monsieur Ferrari reste actionnaire majoritaire de la s.p.r.l H., comme il l’était de la S.A. Supercars ; la nouveauté vient de ce que la Fondation sera l’autre actionnaire, et non plus Madame Bugatti, qui aura apporté deux de ses actions Supercars à cette Fondation et aura cédé les quarante-huit autres à la s.p.r.l H.

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IV. SERVICE DES DÉCISIONS ANTICIPÉES 141.- Les opérations réalisées dans le cadre de ce montage génèrent des plus-values. Pour éviter toute « mauvaise surprise » au niveau fiscal, il a été décidé de se présenter devant le Service des décisions anticipées. Le dossier est actuellement en cours.

1) Questions posées

1. La plus-value générée par l’apport des actions de la S.A. Supercars à la s.p.r.l. H. est-elle taxable sur la base de l’article 90,1°, et /ou 9°, C.I.R./1992 ?

2. La plus-value générée par la vente des actions de Madame Bugatti à la s.p.r.l. H. est-elle taxable sur la base de l’article 90, 1°, et/ou 9°, C.I.R./1992 ?

2) Notre avis sur les questions posées

En ce qui concerne l’apport des actions de la S.A. Supercars à la s.p.r.l. H. (première question posée)

142.- Nous pensons qu’il n’y aura pas de taxation de la plus-value. En effet, le Service des décisions anticipées a, ces dernières années, accueilli favorablement ce type d’opérations, pour autant que certaines conditions soient respectées. En outre, après avoir rendu bon nombre de décisions favorables au contribuable, le Service des décisions anticipées a publié un avis sur la question, dont voici l’essentiel : « 11. Engagements qui peuvent être repris lors d’un « apport classique » 11.1. Aucune réduction de capital n’est effectuée par la société holding pendant une

période de trois ans à compter de l’apport ;

11.2. aucune réduction de capital n’est effectuée par la société opérationnelle pendant une période de trois ans à compter de l’apport, sauf si ces moyens sont utilisés par la société holding dans le cadre par exemple de nouveaux investissements ou du financement d’autres sociétés du groupe ou d’entreprises liées, sans que ces flux financiers puissent bénéficier aux actionnaires personnes physiques ;

11.3. pendant une période de trois ans à compter de l’apport, la distribution de dividendes par la société opérationnelle n’est pas modifiée par rapport à précédemment (à savoir avant l’apport à la société holding). Des dividendes plus élevés peuvent toutefois être distribués s’il est démontré que ces dividendes sont utilisés dans le cadre par exemple de nouveaux investissements ou du financement d’autres sociétés du groupe ou d’entreprises liées. Les dividendes supplémentaires ne peuvent cependant être distribués aux actionnaires personnes physiques. Les dividendes supplémentaires peuvent également être utilisés pour le paiement d’actionnaires qui souhaitent se retirer pour autant que les distributions de dividendes soient utilisées pour le remboursement d’un prêt ou l’apurement d’un compte-courant qui a été

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contracté pour racheter les parts de certains actionnaires. Le remboursement du prêt ou l’apurement du compte-courant doit toutefois être étalé sur une période suffisamment longue (au minimum 5 à 7 années) ;

11.4. pendant une période de trois ans à compter de l’apport, les management-fees, rémunérations de dirigeants d’entreprise, etc. payés par la société opérationnelle, correspondent aux rémunérations antérieures de dirigeants d’entreprise. Les flux financiers de la société opérationnelle vers la société holding peuvent être supérieurs aux rémunérations antérieures de dirigeants d’entreprise s’il apparaît qu’ils rémunèrent des prestations effectives (par exemple comptabilité, personnel,…) qui étaient effectuées auparavant au niveau de la société opérationnelle et qui sont dorénavant effectuées par la holding (éventuellement avec transfert du personnel concerné) et qui sont évaluées conformément au marché » (avis disponible sur le site internet du Service des décisions anticipées).

La position de l’administration fiscale semble donc bien établie à ce sujet et, dans la mesure où Monsieur Ferrari s’engage à respecter les conditions précisées ci-dessus, rien ne devrait s’opposer à une réponse favorable du Service de décisions anticipées.

En ce qui concerne la vente des actions de Madame B ugatti à la s.p.r.l. H. (deuxième question posée)

143.- L’absence de taxation de la plus-value de cession devrait être confirmée, eu égard aux modalités de la cession :

- les actions seront cédées à un prix qui doit encore être déterminé mais qui, en tout état de cause, ne sera pas supérieur à la valeur réelle des actions, telle que définie dans le cadre de l’apport des actions de la SA Supercars à la s.p.r.l H. ;

- le prix ne sera payé qu’au terme du moratoire de trois ans que la s.p.r.l H. s’engage à respecter et ce, afin d’éviter une augmentation des distributions de dividendes ;

- le prix sera remboursé au moyen d’un emprunt contracté par la s.p.r.l H., dont la

durée ne sera pas inférieure à cinq ans à compter de la réalisation de l’opération d’apport (de telle manière à respecter la condition de durée du prêt, imposée dans l’avis du Service des décisions anticipées) ;

- le prix de cession sera comptabilisé en compte courant et produira un intérêt

correspondant à la moyenne des indices de référence mensuels E (obligation linéaire de 5 ans) pour les années de référence publiés mensuellement par le fond des rentes, majoré de 1 % (cf. décision du Service des décisions anticipées n° 700.171 du 12/02/2008).

3) Décision du Service des décisions anticipées 144.- Le Service des décisions anticipées a rendu une décision positive, il y a moins d’un mois. Après avoir motivé sa décision en reprenant substantiellement notre avis sur la question posée, tel qu’exposé ci-dessus, le Collège du Service des décisions anticipées déclare ce qui suit :

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« L’opération envisagée par le demandeur ne constitue pas une opération spéculative au sens de l’article 90, 1° du CIR 92. Eu égard, notamment, aux engagements pris par le demandeur211, l’apport de titres peut être considéré comme une opération de gestion normale d’un patrimoine privé de sorte que les plus-values qui en découlent ne sont pas soumises à la taxation sur base de l’article 90, 9°, 1er tiret du CIR 92. L’opération de vente envisagée par la demanderesse n’est pas spéculative et l’article 90, 1° du CIR/92 ne sera pas appliqué. L’opération de vente envisagée par la demanderesse rentre dans le cadre de la gestion normale d’un patrimoine privé et la plus-value qui en découle ne sera pas soumise à taxation sur base de l’article 90, 9°, 1er tiret du CIR 92. La décision est soumise à l’envoi par les demandeurs à leur contrôle des contributions directes compétent d’une copie du rapport du réviseur d’entreprises indépendant confirmant la valeur des titres au moment de l’apport et de la vente ».

* * *

145.- En conclusion, un dossier de planification successorale suscite bien plus que des considérations d’optimalisation fiscale. Dans le cas pratique présenté, les structures sociétaires et le droit des fondations ont fait l’objet de moult recherches et réunions. En outre, en matière de planification successorale, attendez-vous dès le départ à devoir gérer une situation de crise familiale. Ce type de dossier est en effet particulièrement propice à l’expression de frustrations et craintes refoulées, d’autant plus que les proches de la personne concernée – et même parfois cette personne – ne comprennent pas nécessairement la structure mise en place et ont donc plus facilement l’impression d’être oubliés ou floués. Un homme averti en vaut deux : une fois une solution trouvée, veillez à convoquer votre client accompagné de ses proches (épouse, enfants,…) et à leur expliquer la façon concrète dont les choses se passeront. Mettez-les à l’aise et surtout ne vous fiez pas à quelques timides hochements de tête : suscitez leurs questions, quel que soit le temps que cela prendra. Il est impératif que votre client et ses proches se sentent en confiance et osent exprimer leurs craintes et leurs incompréhensions. A défaut, bombe à retardement garantie ! Christophe LENOIR Octobre 2010

211 Cf. point 2) ci-dessus, Engagements qui peuvent être repris lors d’un « apport classique »

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PLAN INTRODUCTION ............................................................................ page 2 PREMIÈRE PARTIE – Donations et succession – Aspects civils .................................... ........................................... page 3 I. Donations ........................................................................................................ page 4

A. Qu’est-ce qu’une donation ? .......................................................................... page 4 B. Quelles sont les conditions de validité d’une donation ................................... page 4

1) Conditions de fond ............................................................................................ page 4 2) Conditions de forme.......................................................................................... page 5

II. Successions ................................................................................................... page 8 A. Qui hérite ? .................................................................................................... page 8

1) Dévolution légale .............................................................................................. page 8 2) Dévolution testamentaire .................................................................................. page 8

B. De quoi hérite-t-on ? ...................................................................................... page 9 1) Dévolution légale .............................................................................................. page 9 2) Dévolution testamentaire ................................................................................ page 10

C. Est-on obligé d’hériter ? ............................................................................... page 11 D. Limite commune aux deux types de libéralités : la réserve successorale ..... page 11

1) Qu’est-ce que le mécanisme de la réserve ? ................................................. page 12 2) Comment se calculent la réserve et la quotité disponible ? ........................... page 14

E. Le « rapport » .............................................................................................................. page 14 1) Qui est tenu au rapport ? ................................................................................ page 15 2) Que faut-il rapporter ? .................................................................................... page 16 3) Quand s’effectue le rapport ? ......................................................................... page 17 4) Comment rapporter ?...................................................................................... page 17

F. Conséquences du non respect de la réserve successorale ........................................ page 19 G. Le rapport et la réduction et les droits des tiers .......................................................... page 21

1) Rapport ........................................................................................................... page 21 2) Réduction d’une donation ............................................................................... page 22

III. Bref aperçu des régimes matrimoniaux ....................................................... page 23 A. Définition générale ....................................................................................... page 23 B. Description des principaux régimes secondaires ......................................... page 23

1) Le régime légal supplétif : la communauté ..................................................... page 23 2) Le régime conventionnel de séparation de biens ........................................... page 25 3) Le régime conventionnel de communauté universelle ................................... page 25

DEUXIÈME PARTIE – Régimes fiscaux favorables ...... ............ page 26 Introduction ....................................................................................................... page 26 I. Transmission de l’entreprise familiale à titre gratuit entre vifs ....................... page 28

Introduction ...................................................................................................... page 28 A. Entreprise / Titres visés ............................................................................... page 28 B. Activité exercée par l’entreprise transmise ................................................... page 29 C. Conditions à respecter au moment de la donation ....................................... page 30 D. Conditions de maintien de l’exonération ...................................................... page 31 E. Immeubles affectés à l’habitation ................................................................. page 33

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F. Bénéficiaires ................................................................................................ page 33 G. Influence de donations antérieures .............................................................. page 34 H. Modifications du Code civil .......................................................................... page 34

II. Transmission de l’entreprise familiale à titre gratuit pour cause de mort ...... page 36 Introduction ...................................................................................................... page 36 A. Entreprise / Titres visés ............................................................................... page 36 B. Activité exercée par l’entreprise transmise ................................................... page 38 C. Conditions à respecter au moment du décès ............................................... page 39 D. Conditions de maintien de l’exonération ...................................................... page 39 E. Immeubles affectés à l’habitation ................................................................. page 40 F. Bénéficiaires ................................................................................................ page 41 G. Influence de donations antérieures .............................................................. page 41 H. Réserve de progressivité ............................................................................. page 42

III. Donations mobilières ................................................................................... page 43 Introduction ...................................................................................................... page 43 A. Taux applicable ........................................................................................... page 43 B. Biens visés .................................................................................................. page 44 C. Droits visés .................................................................................................. page 45 D. Influence de donations antérieures .............................................................. page 46

IV. Transmission de l’habitation familiale entre vifs .......................................... page 47 V. Transmission de l’habitation familiale pour cause de mort ........................... page 50 TROISIÈME PARTIE – Nouveautés légales ............. ................. page 53 I. Modification de la définition du « cohabitant légal » ...................................... page 54 II. Transmission d’une entreprise agricole ........................................................ page 57 QUATRIÈME PARTIE – La transmission d’une société immobilière ....................................... .......................................... page 60 Introduction ....................................................................................................... page 60 I. La notion de « société immobilière » ............................................................. page 62

A. Sociétés commerciales – Sociétés civiles – Sociétés mixtes ....................... page 62 B. Objet statutaire – Objet réel ......................................................................... page 64 C. Société professionnelle – Société de gestion – Société de moyens – Société patrimoniale......................................................................................... page 64

II. Transmission de la société immobilière dans le cadre du régime de transmission de l’entreprise familiale pour cause de mort ............................ page 66 III. Transmission de la société immobilière dans le cadre du régime de transmission de l’entreprise familiale entre vifs ............................................ page 70 IV. Transmission de la société immobilière dans le cadre du régime de donations mobilières .................................................................................... page 73 Conclusion ........................................................................................................ page 75 CONCLUSION ............................................................................. page 77

*