Charlie Hebdo

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Charlie Hebdo : les défis de l’école [Tribune] Professeur d’histoire-géo dans un collège de Seine-et-Marne, Jean-Riad Kechaou raconte ses premiers jours de cours après l’attentat contre Charlie Hebdo. On est jeudi 8 janvier, la veille, 12 personnes ont été tuées dans l’un des attentats les plus sanglants de notre histoire. La minute de silence qui doit être observée à midi risque d’être compliquée dans mon collège situé dans un quartier populaire à cheval sur la Seine-et-Marne et la Seine-Saint-Denis. Une journée de dialogue civique Les chefs d’établissement passent dans les classes en expliquant les raisons de cette minute de silence. C’est nécessaire et fait avec intelligence. À midi, la sonnerie du collège retentit. Elle sera observée sans trop de problèmes dans la plupart des 22 classes du collège. Dans ma classe de sixième, je vois de nombreux élèves les larmes aux yeux. Le collège est silencieux. Les cours reprennent. Aujourd’hui, évidemment, hors de question de faire un cours d’histoire. Le sujet est trop grave. Ce sera éducation civique toute la journée. Beaucoup d’élèves sont choqués par cette vidéo non censurée qui circule. On voit un policier à terre, Ahmed Merabet, se faire tirer dessus à bout portant par l’un des terroristes. D’autres au contraire sont comme fascinés par cette violence extrême leur rappelant leurs jeux vidéo préférés. Ce qui a choqué aussi, c’est le sang-froid des frères Kouachi. Globalement, c’est avec les quatrième et les troisième que c’est le plus compliqué, 13-14 ans, l’âge de la rébellion.

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Charlie Hebdo: les dfis de lcole[Tribune] Professeur dhistoire-go dans un collge de Seine-et-Marne, Jean-Riad Kechaou raconte ses premiers jours de cours aprs lattentat contre Charlie Hebdo. On est jeudi 8 janvier, la veille, 12 personnes ont t tues dans lun des attentats les plus sanglants de notre histoire. La minute de silence qui doit tre observe midi risque dtre complique dans mon collge situ dans un quartier populaire cheval sur la Seine-et-Marne et la Seine-Saint-Denis.Une journe de dialogue civiqueLes chefs dtablissement passent dans les classes en expliquant les raisons de cette minute de silence. Cest ncessaire et fait avec intelligence. midi, la sonnerie du collge retentit. Elle sera observe sans trop de problmes dans la plupart des 22 classes du collge. Dans ma classe de sixime, je vois de nombreux lves les larmes aux yeux. Le collge est silencieux.Les cours reprennent. Aujourdhui, videmment, hors de question de faire un cours dhistoire. Le sujet est trop grave. Ce sera ducation civique toute la journe. Beaucoup dlves sont choqus par cette vido non censure qui circule. On voit un policier terre, Ahmed Merabet, se faire tirer dessus bout portant par lun des terroristes. Dautres au contraire sont comme fascins par cette violence extrme leur rappelant leurs jeux vido prfrs. Ce qui a choqu aussi, cest le sang-froid des frres Kouachi.Globalement, cest avec les quatrime et les troisime que cest le plus compliqu, 13-14 ans, lge de la rbellion. Chez les plus jeunes, la violence des faits prend le dessus. Et tout sest bien pass, les lves condamnent presque unanimement. Un lve de troisime ose sortir:Ils lont un peu cherch quand mme!Jentends quelques timidescest vrai. La plupart de ceux qui acquiescent, pas tous, sont de confession musulmane. Dans mon collge, un bon tiers des lves est de confession musulmane.Ils ont sali notre prophte, en plus cest interdit dans notre religion de le reprsenter!Leur faire comprendre que ce journal a caricatur toutes les religions nest pas simple. Leur faire comprendre quen France, du fait que ltat ne reconnat aucune religion, le blasphme nest pas un dlit, est encore plus compliqu. Je leur explique les avantages de la libert dexpression, leur rappelant au passage que Charlie Hebdo tait un journal satirique qui aimait provoquer. Beaucoup de Franais ne laimaient pas, le trouvaient trop violent et que, par consquent, ils ne lachetaient pas, tout simplement. Ces quelques lves, minoritaires heureusement, me font de la peine, car ils sont perdus, perdus entre leur humanisme qui condamne cette violence et leur vision de leur religion trs approximative.Je maventure sur leur terrain.Le prophte Mohamed na-t-il pas t insult, violent sali de son temps par des Mecquois polythistes sans pour autant se venger?La remarque fait mouche. Beaucoup ny connaissent rien sur lislam ou alors quelques sourates apprises par cur sans mme les comprendre.Enseigner le fait religieux dans une optique de tolranceOn a un problme en France avec lenseignement du fait religieux. Cest vident. Selon les inspecteurs pdagogiques en histoire, qui sont nos suprieurs hirarchiques, il faudrait que la prsentation du fait religieux reste limite sa dimension civilisationnelle. En clair, ne pas sterniser sur lhistoire des prophtes et des croyances inhrentes aux religions. Cela pourrait sapparenter du catchisme. Et a, cest pch dans la France laque Mais alors, comment comprendre les croisades ou le jihad sans faire la vie de Jsus ou de Mohamed? Comment comprendre la cration dIsral sans tudier la notion de terre promise dans lAncien Testament? Pourquoi ne peut-on pas galement insister davantage sur la filiation entre les trois religions monothistes dans un but de tolrance? On le fait dj un peu mais timidement, comme si on fautait.Nos lves musulmans et chrtiens dcouvrent leur religion au catchisme et dans des coles coraniques avec une approche strictement confessionnelle. On ne forme pas les citoyens dans une glise ou une mosque. La plupart des lves dcouvrent par exemple avec nous que Jsus est un prophte important de lislam car ils ne connaissent que son nom arabe (Issa) et quon ne leur a jamais dit quil sagissait de Jsus. Idem pour Abraham ou Mose (Ibrahim et Moussa). On finit ainsi par entendre des remarques du genre:Mais Jsus, cest le prophte des Franais, des chrtiens!Idem pour les lves chrtiens qui considrent que Dieu et Allah sont deux dieux bien distincts. Et que Jsus est le seul prophte de leur religion oubliant tous ceux de lAncien Testament. Il sagit donc denseigner le fait religieux dans une optique de tolrance afin de saccepter en comprenant mieux les croyances, ou non-croyances de chacun.Je demande:Ces terroristes ont-ils veng le prophte Mohamed alors?Non, ils ont sali lislam, me dit une fille visiblement mue. Pour rebondir sur cette remarque, je leur montre le dessin dun Brsilien, Carlos Latuff. On y voit les deux terroristes tirer sur limmeuble de Charlie Hebdo. Du sang ruisselle et, derrire, une mosque est crible des balles qui ont transperces limmeuble. []Lislam point du doigt pour certainsOn sent une grande colre chez quelques lves musulmans, minoritaires, faut-il le rappeler, mais plus vindicatifs que les autres. Cest toujours la faute des musulmans de toute faon monsieur! On veut salir lislam de toute faon! Qui cest ce on? Et dans quel but? Ben, attaquer lislam comme en Palestine, en Irak dans tous les pays musulmans quoi!Trop de confusions dans leur tte. Je tente de dmonter toutes les invraisemblances des thses conspirationnistes dans un premier temps. De la carte didentit oublie, signature dun homme qui aurait pu se faire exploser, au tir certainement loup qui na pas empch ce malheureux policier de mourir des suites des autres balles notamment celle qui lui a perfor lartre fmorale. Puis, on leur rappelle quils peuvent pratiquer tranquillement leur religion en France et que ltat assure le libre exercice des cultes pour ceux qui le souhaitent.Cette victimisation, il faut lavouer est en partie justifie. La lacit franaise est rigide. Cest laboutissement dun long combat men contre la religion chrtienne. Elle nest pas adapte pour des croyants appartenant une religion plus jeune qui na pas non plus les structures du christianisme du fait de son implantation rcente. Les musulmans peroivent ainsi cette lacit comme de lislamophobie. Ils ont souvent tort, parfois raison. Une fille voile diplme peut-elle travailler en France dans le secteur priv? La question mrite dtre pose. Pendant combien de temps les mres dlves nont-elles pas pu accompagner leurs enfants en sortie scolaire? Combien de maires freinent des quatre fers pour la construction dune mosque digne de ce nom dans leur ville? Pourquoi ltat a-t-il lch lenseignement lac de la langue arabe dans les collges et lyces? Il y avait dans mon collge deux professeurs de langue arabe plein temps. Ils enseignaient larabe littraire en langue vivante 2. Plus rien aujourdhui, pourquoi? Beaucoup apprennent aujourdhui cette langue dans des mosques sans aucun contrle de ltat. Les polmiques sur la viande halal, sur les prires, tout a contribue bien videmment renforcer ce sentiment de victimisation dans cette communaut.Des lves sensibiliss par cette tragdieLa majorit des lves navaient pas besoin de a, quils soient musulmans ou non dailleurs. Beaucoup ont compris ds le dpart la barbarie de cet acte, tuer pour un dessin, aussi offensant soit-il, quoi de plus bte Le cours se finit par une dernire caricature. Un dessinateur mort, tendu par terre crayon la main. Face lui, un terroriste avec sa kalachnikov qui justifie son acte comme de la lgitime dfense:Il a dessin en premier.Rires chez les lves. La sance se termine.Le lundi suivant, avec du recul, je refais un point avec lensemble de mes classes. Quelques-uns sont alls la marche rpublicaine. Dautres voquent ce slogan:Je suis Charlie. Ils comprennent bien quil sagit de dfendre la libert dexpression et non le journal en lui-mme. Certains affichent des rticences et ils ont parfaitement le droit. Je leur dis que de nombreux Franais aperus la manifestation dimanche avaient dautres slogans, moins clivants. Je leur projette une vido de la place de la Rpublique. On y voit des gamins comme eux chantantla Marseillaise. Ils sont de toutes les origines et de toutes les confessions. Ils samusent voir les drapeaux de leurs pays dorigine. Une lve se met mme chanter lhymne, plutt bien. Le climat dans la classe est apais par rapport jeudi. Vendredi prochain, le journal du collge fera une dition spciale. Un numro pour appuyer le travail de toute la communaut ducative, qui depuis jeudi dernier fait un excellent boulot en dialoguant avec les lves et en leur rappelant les principes essentiels de notre Rpublique.Les professeurs ont un rle important jouer dans notre pays. Dommage que leur statut soit aussi dvaloris et les moyens limits. Lducation nationale a du travail, beaucoup de travail si elle veut russir son objectif: faire de nos jeunes de futurs citoyens responsables et insrs dans la communaut nationale. Notamment nos lves musulmans. Pour ce faire, il va falloir regarder lislam diffremment, pas comme une menace mais comme une partie intgrante de la nation. Ce nest pas avec de simples livrets sur la lacit et un enseignement moral et civique dans les classes que les problmes vont disparatre.Cest un pansement sur une plaie immense.ParJean-Riad Kechaou-15 janvier 2015

Prova de proficincia em Lngua Francesa HumanasCom base no texto Charlie Hebdo: les dfis de l`cole, responda s questes de 1 a 5.Questo 01Segundo o autor, qual foi a reao dos estudantes de uma escola de Seine-et-Marne, diante dos atentados contra o Charlie Hebdo? Questo 02Segundo o autor, qual a orientao dos inspetores pedaggicos em histria, sobre o ensino religioso nas escolas?Questo 03De acordo com o texto, como os muulmanos percebem a laicidade da Frana? Questo 04Segundo o texto, qual o significado do slogan:je suis Charlie durante a manifestao na Praa da Repblica, aps os atentados?Questo 05De acordo com o texto, qual a imagem do professor e qual o seu papel frente a educao? Quais os objetivos da educao?