CHAPITRE III. ELABORATION ET CARACTERISATION DES ...

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Chapitre III. Elaboration et caractérisation des céramiques massives 67 CHAPITRE III. ELABORATION ET CARACTERISATION DES CERAMIQUES MASSIVES Ce chapitre décrit dans un premier temps le procédé de fabrication des céramiques. Il donne ensuite les résultats de l’étude radiocristallographique sur les PZT fluorés, en l’occurrence l’influence de la fluoration sur la symétrie du matériau. Un mécanisme de fluoration est proposé et discuté. Enfin, l’étude de la morphologie des céramiques PZT fluoré est présentée.

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Chapitre III . Elaboration et caractérisation des céramiques massives 67

CHAPITRE III.

ELABORATION ET CARACTERISATION DES CERAMIQUESMASSIVES

Ce chapitre décrit dans un premier temps le procédé de fabrication descéramiques. Il donne ensuite les résultats de l’étude radiocristallographique sur lesPZT fluorés, en l’occurrence l’influence de la fluoration sur la symétrie du matériau.

Un mécanisme de fluoration est proposé et discuté. Enfin, l’étude de lamorphologie des céramiques PZT fluoré est présentée.

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Chapitre III . Elaboration et caractérisation des céramiques massives 69

III.1. Elaboration des céramiques

III.1.1. Le frittage : définition et généralités

La céramique est la forme du matériau qui résulte du processus de frittage dela poudre obtenue après réaction. Le frittage peut être décrit comme étant laconsolidation par action de la chaleur d'un agglomérat granulaire plus ou moinscompact, avec ou sans fusion d'un ou plusieurs constituants [57]. On distinguecommunément trois étapes dans le frittage qui se produisent successivementpendant la montée en température et le palier de frittage :

- Réarrangement et collage des particules, quelque fois favorisés par laprésence d'une phase liquide,

- densification et élimination des porosités intergranulaires,- grossissement des grains et élimination progressive des porosités fermées.

III.1.2. Mise en forme de la poudre de PZT avant frittage

Avant sa mise en forme par compactage, la poudre de PZT est broyéemanuellement à l'aide d'un mortier puis tamisée (ouverture du tamis φ < 250 µm) demanière à éliminer les gros agglomérats.

Une solution aqueuse d'alcool polyvinylique (APV) à 10% en masse appeléeliant organique est ensuite ajoutée à la poudre (environ 15% en masse) pour faciliterle compactage. En effet, les grains sont alors enrobés d'une fine couche plastique,ce qui entraîne la formation d'agglomérats dits "mous" facilement déformables et quipeuvent glisser les uns sur les autres pendant le compactage. Pour cela, le mélangepoudre – APV doit conserver un certain taux d'humidité car la température detransition vitreuse du liant dépend de sa teneur en eau (Fig. III.1). Le mélange estdonc séché à 60°C pendant deux heures de façon à obtenir une poudre facilementmalléable. En effet, si la poudre est trop sèche, (évaporation d'eau trop importante), ilse forme des agglomérats durs nuisibles au compactage.

Après séchage contrôlé, le mélange poudre – APV est compacté par pressageuniaxial (1000 kg/cm2) à l'aide d'une matrice cylindrique en acier. Le diamètre de lamatrice dépend de celui de la céramique souhaitée. Classiquement, on utilise desmatrices de diamètre φ = 20 mm et φ = 8 mm dans lesquelles on introduitrespectivement 20 g et 5 g de poudre. Les bruts (ou céramiques "crues") obtenuesaprès compactage sont ensuite déliantés par chauffage à 600°C pendant quatreheures (rampe de température : 2°C/min). Cette étape de déliantage permetd'éliminer l'APV. En effet, l'emprisonnement dans la poudre de résidus carbonésissus de la calcination du liant pendant le frittage pourrait conduire à la formation delarges porosités et donc de céramiques peu denses et fragiles au moment dutraitement de polarisation.

70

80

70

60

50

40

30

20

10

05 10 150

Humidité (% massique)

Tem

péra

ture

de

tran

sitio

n vi

treu

se (

°C)

visqueux

rigide

Figure III.1. Evolution de la température de transition vitreuse de l'APV en fonction dela teneur en eau. D’après [58].

III.1.3. Conditions opératoires du frittage

Deux paramètres prépondérants interviennent pendant l'étape du frittage. Ils'agit du profil de température (cinétique et palier) et de l'atmosphère de frittage quiinfluent directement sur la densité, la taille des grains de la céramique, ainsi que surl'homogénéité en composition du matériau. L'idéal est d'obtenir des céramiquesdenses constituées de petits grains de l’ordre de 5 µm de diamètre avec unetempérature de frittage la plus basse possible.

Le frittage à environ 1230°C des poudres préparées par voie liquide conduit àdes céramiques PZT relativement denses [58]. Nous avons donc choisi cettetempérature de manière à évaluer l'influence de la composition du matériau et plusparticulièrement celle des différents dopants.

Le palier de frittage à 1230°C dépend de la quantité de brut à fritter; il seraprécisé ultérieurement. Toutefois, une température de frittage supérieure à 1200°Centraîne inévitablement une perte de plomb par volatilisation du PbO [48, 59]. Pouréviter ce départ de plomb qui rend le matériau non stoechiométrique, on maintientune atmosphère de PbO dans l'enceinte de frittage en introduisant une poudred'oxyde mixte à base de plomb comme PbZrO3, PbTiO3 ou même un PZT(Pb(Zr0.5Ti0.5)O3) [60, 61]. On préfère utiliser une poudre de PbZrO3 car son activitéde PbO est plus grande que celle de PbTiO3 et du PZT (Fig. III.2). La tension devapeur dans l'enceinte de frittage est alors plus importante.

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1

0.1

0.01

0.001

1160 980 830 730

Température (°C)

aPbO

P : PbO

PT : PbTiO3

PZ : PbZrO3

PZT : PbZr0.5Ti0.5O3

Figure III.2. Evolution de l'activité de PbO en fonction de la température pourdifférents mélanges de poudre . D’après [62].

Le brut à fritter et la poudre de PbZrO3 sont placés dans un creuset d'aluminefermé par un couvercle scellé par un mélange de PbO et de ZrO2 (2/3 – 1/3 enmasse) préalablement mouillé. Kingon et Clark [60] insistent sur la nécessité d’isolerle brut de la "poudre d'atmosphère" pour éviter la diffusion des ions titane du PZTvers PbZrO3. Cette séparation est réalisée en entourant le brut d'une poudre de MgOqui sert également de tampon thermique pendant le refroidissement naturel du four(Fig. III.3).

Afin d'étudier l'influence des différents dopants du PZT, on frittesimultanément dans le même creuset un brut de diamètre φ = 20 mm et cinq bruts dediamètre φ = 8 mm de chaque composition à 1230°C pendant 4 heures (cinétiquede chauffage: 2°C/min) . On utilise toujours le même four de frittage.

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Figure III.3. Configuration de frittage.

III.2. Caractérisation physico-chimique des céramiques PZT

III.2.1. Premières observations

Après frittage des différentes poudres de PZT pur et dopé, une simpleobservation visuelle des céramiques dopé avec du fluor permet de constater uneévolution de la couleur et de la forme des échantillons en fonction du taux de fluor.

Effectivement, avec 6 et 7% de fluor, les céramiques de compositionPb0.89(Ba, Sr)0.11(Zr0.52Ti0.48)O3 dopée avec 1% de Mg2+ sont rouge – orange ensurface et légèrement coniques, alors qu'avec des taux de fluor inférieurs, elles sonttoutes marron clair comme le PZT pur et ont conservé la forme de l'échantillon brutavant frittage. Cette première observation laisse à penser que la fluoration à des tauxélevés rend le matériau non stoechiométrique, ce qui se traduit par la présence dephases secondaires dans la céramique comme du PbO litharge, de couleur orange.

L'observation d'un disque taillé au cœur de l'échantillon dopé avec 7% de fluorpermet de vérifier cette hypothèse (Fig. III.4). En effet, le disque apparaît bicolore : lazone intérieure est blanche et la région extérieure est rouge. Chiang [61] constate lemême phénomène dans des céramiques PZT issues de poudres contenant un excèsde PbO (2 à 5% en masse). Cet excès de PbO sert en fait d'adjuvant de frittage carpendant celui-ci, il se forme une phase liquide d'oxyde de plomb qui contribuenormalement à la densification de la céramique à des températures relativementbasses. Le gradient de couleur du disque est tout d'abord dû au gradient de densitéqui se crée pendant le compactage. Les régions du brut adjacentes à la surface sontmieux densifiées et forment une cage rigide pendant le frittage qui retarde ladensification de la région intérieure. Cette situation affecte la distribution de PbO àl'intérieur de la céramique que l'on retrouve en plus grande quantité dans la zonepériphérique d'où sa couleur rouge. L'étude diffractométrique des céramiques devraitpouvoir confirmer la présence de PbO libre à la surface des bruts.

Chapitre III . Elaboration et caractérisation des céramiques massives 73

Sauf indication contraire, toutes les compositions PZT étudiées par la suitecontiennent 11% de (Ba2+, Sr2+) et le rapport Zr/Ti choisi avant la synthèse despoudres est égal à 52/48.

(a)(b)

Figure III.4. Céramique PZT dopé avec 1% de Mg2+ et fluoré à 7%. (a) : surface del’échantillon ; (b) : cœur de l’échantillon.

III.2.2. Analyse radiocristallographique

L'analyse aux rayons X est réalisée sur la poudre obtenue par broyage aumortier de la céramique. Comme ceux des poudres avant frittage, les diagrammesde DRX des céramiques PZT dopé avec 1% de Mg2+ et fluorés jusqu'à 7% nerévèlent pas de phase minoritaire (Fig. III.5). Par contre, on détecte bien la raieprincipale de PbO litharge dans le diagramme de DRX de la surface – rouge-orange– de la céramique PZT dopé avec 7% de fluor (Fig.III.6). La phase PZT s'est doncformée avec un déficit de plomb. On peut toutefois noter qu'aucune phase fluoréen'est observée.

74

Inte

nsité

35 40 45 50 55 60 65 70

2θ (degrés)

(1)

Inte

nsité

35 40 45 50 55 60 65 70

2θ (degrés)

(2)

Figure III.5. Diagrammes de DRX de céramiques PZT. (1) : non dopé en site B etnon fluoré; (2) : dopé avec 1% de Mg2+ et fluoré à 7%.

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33 35 37 39 33 35 37 39

2θ (degrés)

PbO

Inte

nsité

PZTPZT (1) (2)

Figure III.6. Diagrammes de DRX de la céramique PZT dopé avec 1% de Mg2+ etfluoré à 7%. (a) : cœur de l’échantillon ; (b) : surface de la céramique.

III.2.2.1. Evolution du taux de phase rhomboédrique avec le taux de fluor

L'analyse radiocristallographique des céramiques PZT dopé avec 1% de Mg2+

permet également de constater une évolution du profil du triplet de raies (200)Q,(002)Q et (200)R – et donc du rapport de phases quadratique/ rhomboédrique – enfonction du taux de fluor. Grâce à une méthode mise au point au Laboratoire [63], ilest possible d'évaluer le taux de phase rhomboédrique du PZT (TR). Cette méthodeconsiste à mesurer les surfaces (assimilées à des triangles isocèles) des pics dutriplet (013)Q, (310)Q et (310)R vers 2θ = 88°. On préfère utiliser ce groupe de raiesplutôt que les raies (h00) et (00l) car la mesure est plus précise aux grands angles(Fig. III.7). L'incertitude de mesure sur TR est de l'ordre de 5%.

76

(310)Q

(013)Q

(310)Q

(310)R

(013)Q

Figure III.7. Profil du groupe de raies (013)Q, (310)Q et (310)R. (a) : PZT purementquadratique Pb0.89(Ba, Sr)0.11 (Zr0.48Ti0.52)O3; (b) : PZT dopé avec 1% de Mg2+

Pb0.89(Ba, Sr)0.11[(Zr0.52Ti0.48)0.99Mg0.01]O2.99 0.01.

On prend comme référence une composition purement quadratique

Pb0.89(Ba, Sr)0.11 (Zr0.48Ti0.52)O3 et on calcule le rapport des surfaces réfQ)(

Q)(

SS

310

013.

On mesure alors les surfaces des pics de l'échantillon PZT considéré et on calcule lerapport :

α = échR)(Q)(Q)(

Q)(

SSSS

++ 310310013

013.

Le taux de phase rhomboédrique du PZT est donné par :

TR = 1 - α

+

réfQ)(

Q)(

SS

310

013

11 (III.1)

La figure III.8 montre la variation du taux de phase rhomboédrique à latempérature ambiante dans les matériaux PZT dopé avec 0.4 et 1% de Mg2+ enfonction du pourcentage molaire de fluor. On peut remarquer que toutes les

Chapitre III . Elaboration et caractérisation des céramiques massives 77

compositions étudiées appartiennent à la frontière de phase morphotropique et sontmajoritairement quadratiques en raison de leur rapport Zr/Ti égal à 52/48 et desfaibles quantités de dopants. Les deux séries de PZT fluorés présentent la mêmeévolution : le taux de phase rhomboédrique TR passe par un minimum pour un tauxde fluor qui augmente avec la quantité de magnésium introduite. Cette tendancesemble prouver qu'il existe un taux de fluor critique pour le matériau et que celui-cidépend du taux de Mg2+ en site B.

0 1 2 3 4 5 6 70

5

10

15

20

25

30

35

40

45

50

Taux de fluor (% molaire)

Tau

x de

pha

se r

hom

boéd

rique

(%

)

0% Mg2+, 0%F-

T = 25°C

Figure III.8. Evolution du taux de phase rhomboédrique en fonction du taux defluor. (ο) : PZT dopé avec 0.4% de Mg2+; (x) : PZT dopé avec 1% de Mg2+.

En effet, dans un premier temps la substitution progressive (à des tauxcroissants) de l'oxygène par le fluor dans le réseau cristallin modifie la symétrie desPZT car elle entraîne une diminution de TR. Cette variation peut être reliée auchangement des distortions de la maille perovskite ABO3 au niveau des octaèdresBO6 et des plans AO3 en supposant que le rapport Zr/Ti reste constant dans lematériau tant que le taux de fluor est inférieur au taux critique.

Dans le cas des PZT dopés avec Mg2+, le sous-réseau anionique contient deslacunes d'oxygène qui tendent à contracter la maille et donc font varier les distancesA — O et O — O causant ainsi des distortions rhomboédriques [64]. Ce n'est pas lecas des PZT fluorés dans lesquels le taux de lacunes est plus faible ou même nul.

La composition théorique non stoechiométrique d'un PZT fluoré peut s'écrire:

Pb0.89(Ba, Sr)0.11[(Zr0.52Ti0.48)1-xMgx]O3-x-y x-yF2y.

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Le taux de lacunes d'oxygène diminue donc progressivement au fur et àmesure que le taux de fluor augmente, c'est-à-dire jusqu'au PZT fluoréstoechiométrique qui présente un taux de phase rhomboédrique minimum et prochede celui du PZT non dopé en site B et en site anionique.

Le taux de fluor correspondant à la stoechiométrie devrait être égal à deux foiscelui du magnésium ; or les minima de TR des PZT dopés avec 0.4 et 1% de Mg2+

sont respectivement atteints pour environ 2 et 4% de fluor.

Cela peut signifier qu'il existe une certaine concentration de cations sous-valencés intrinsèques au matériau – autres que le dopant magnésium – qui permetd'assurer la stoechiométrie et l'électroneutralité du PZT dopé avec un taux de fluorsupérieur au taux théorique. Il peut s'agir des ions Ti3+ dont la présence dans leréseau cristallin du PZT pur ou dopé avec du manganèse a été démontrée parWarren [65, 66] et Bykov [67] par Résonance Paramagnétique Electronique (RPE).Toutefois, on ne sait pas si la concentration de Ti3+ est constante quel que soit lePZT ou si elle dépend de la concentration de dopants.

Dans le cas d'un PZT fluoré stoechiométrique dopé avec x% de Mg2+ et 2y%de fluor, elle serait théoriquement égale à (2y-2x)%, soit avec (x = 0.4, 2y = 2) et (x =1, 2y = 4), on obtient respectivement 1.2 et 2% de Ti3+.

Le TR d'un PZT non dopé en site B (x = 0) passe également par un minimum(Fig. III.9) et ce pour un taux de fluor égal à 2%, ce qui signifie que ce PZTcontiendrait 2% de Ti3+.

De même, le TR d'un PZT dopé avec 0.75% de Mg2+ présente un minimum à3% de fluor. Il est donc difficile de dire si le taux de Ti3+ dépend de celui de Mg2+

et/ou de fluor. On pourrait s'attendre à ce que la présence de Mg2+ en site B inciteTi3+ à passer en Ti4+ par effet de compensation de charge mais ce n'est pas le cas,peut-être à cause du fluor qui stabilise Ti3+, toujours par effet de compensation.

Quoiqu'il en soit , si on tient compte des ions Ti3+ alors la compositionthéorique stoechiométrique d'un PZT fluoré devient :

11.089.0 (Ba, Sr)Pb ( )[ ]xx13z

4z48.052.0 MgTiTiZr −

++−

+−2

z)x1(x23

O

−+

2z)x1(

x2F

Chapitre III . Elaboration et caractérisation des céramiques massives 79

0 1 2 30

5

10

15

20

25

30

Taux de fluor (% molaire)

Tau

x de

pha

se r

hom

boéd

rique

(%

)

Figure III.9. Evolution du taux de phase rhomboédrique d'un PZT non dopé ensite B en fonction du taux de fluor.

Dans un second temps, la fluoration entraîne une augmentation du TR. Celle-cipeut avoir trois origines possibles : une augmentation du rapport Zr/Ti pendant lefrittage, la présence de lacunes de plomb dans le PZT qui, comme les lacunesd'oxygène augmentent la rhomboédricité du matériau [68] ou bien les deuxphénomènes simultanément.

On peut penser que le PZT est lacunaire en plomb puisque du PbO libre estdétecté dans la céramique PZT dopé avec 1% de Mg2+ et fluoré à 7%. Toutefois,cette céramique est inhomogène en composition car l'analyse par DRX d'un disqued'épaisseur 0.5 mm coupé à partir de la surface (rouge-orange) révèle un PZTpurement rhomboédrique alors que le taux de phase rhomboédrique global (i.e. detoute la céramique) est d'environ 40%.

Cette fluctuation de composition semble confirmer qu'il y a bien variationlocale du rapport Zr/Ti dans les régions adjacentes à la surface. Mais cetteaugmentation est certainement induite par la dissolution de TiO2 dans PbO liquide aucours du frittage, la solubilité de TiO2 étant beaucoup plus grande que celle de ZrO2

[51, 60].

L'augmentation de TR avec le taux de fluor est donc vraisemblablement due àla présence de lacunes de plomb qui assurent l'électroneutralité du PZT si onconsidère que la substitution de l'oxygène par du fluor est encore possible.

Schématiquement, un PbF2 remplace deux PbO, ce qui entraîne un départd’oxyde de plomb.

Il est toutefois probable qu'au delà du taux de fluor critique, le PZT soitdéficitaire en zirconium. En effet, nous avons vu au chapitre précédent (cf § II.3.1.)

80

que l'incorporation complète de 4% de fluor dans le PZT pur n'est pas possiblependant la réaction. Il subsiste certainement du PbF2 et du ZrO2 dans la poudre dePZT.

Pendant le frittage, la substitution F – O se poursuit et finalement on obtient unPZT fluoré lacunaire en plomb présentant des fluctuations de composition et desphases secondaires comme PbO, ZrO2 et TiO2 qui proviennent respectivement : dela fluoration elle même, de la réaction incomplète avant frittage et de la dissolutiondans PbO liquide au voisinage de la surface.

On pourrait penser que la phase PZT est lacunaire en site B à cause dudéfaut de zirconium dans un premier temps et de TiO2 dans un deuxième tempsmais Jaffe [11] et Kingon [60] considèrent qu'un tel type de défaut n'est pas possibledans la structure perovskite. En tout cas, il est très difficile de donner une formulationthéorique des PZT fluorés au delà du taux de fluor critique.

III.2.2.2. Evolution du taux de phase rhomboédrique en fonction du rapportZr/Ti

La Figure III.10 donne l'évolution de TR du PZT non dopé en site B et dopéavec 1% de Mg2+ et fluoré à 4% en fonction du rapport Zr/Ti.

On peut remarquer que pour les deux matériaux TR évolue de la même façonet pour un Zr/Ti donné , les valeurs de TR des deux PZT sont très proches.

La fluoration à un taux correspondant à celui du PZT fluoré stoechiométriquene modifie donc pas le rapport de phases quadratique/ rhomboédrique du PZT nondopé en site B et non fluoré, bien que celui-ci soit faiblement lacunaire en oxygèneen raison des ions Ti3+ dans le sous-réseau cationique.

En d'autres termes, la largeur en composition de la Frontière de PhaseMorphotropique (FPM) à la température ambiante n'est pas changée par unefluoration au taux de fluor critique. On peut noter que le taux de zirconium dans lescompositions appartenant à la FPM est compris entre 51 et 57% molaire.

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49 50 51 52 53 54 550

10

20

30

40

50

60

% de Zr4+ (molaire)

Tau

x de

pha

se r

hom

boéd

rique

(%

)

Figure III.10. Evolution du taux de phase rhomboédrique en fonction du rapport Zr/Ti.(ο) : PZT non dopé en site B et non fluoré; (∆) : PZT dopé avec 1% de Mg2+ et fluoré

à 4%.

III.2.2.3. Evolution du volume de maille des PZT en phase cubique enfonction du taux de fluor

Le volume de maille des PZT dopés avec 1% de Mg2+ en phase cubique estévalué à partir des diagrammes de DRX des poudres de céramiques chauffées à450°C (Fig. III.11). Cette température est donc supérieure au point de Curie desdifférents PZT étudiés. L'incertitude de mesure sur le volume est estimée à 0.01 Å3.

On constate que le volume de maille augmente brutalement jusqu'à environ3% de fluor et ensuite diminue progressivement. La variation du volume de mailleavec le taux de fluor est à corréler avec celle de TR.

En effet, comme nous l'avons suggéré précédemment, s'il y a insertion defluor dans la phase perovskite alors le taux de lacunes d'oxygène qui contractent lamaille diminue, ce qui entraîne simultanément une diminution de TR et uneaugmentation du volume de maille. Cette augmentation de volume confirmeégalement qu'il ne se produit pas de décalage en Zr/Ti – dû à un défaut de zirconium- à cause d'une réaction incomplète; si c'était le cas, le volume diminuerait, le rayonionique de Zr4+ étant plus grand que celui de Ti4+.

On peut toutefois noter que le volume maximum n'est pas atteint au taux defluor critique qui est d'environ 4% pour la série de PZT considérée, alors que le PZT

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fluoré stoechiométrique devrait théoriquement présenter le plus grand volume. Celapeut être dû à la faible précision des mesures.

Quoiqu'il en soit la diminution de volume après 3% de fluor et l'augmentationde TR après 4% ont certainement la même origine à savoir les lacunes de plombdans le PZT et éventuellement une diminution du rapport Zr/Ti à cause du ZrO2 libreaprès réaction.

0 1 2 3 4 5 6 767.71

67.72

67.73

67.74

67.75

67.76

67.77

volu

me

de la

mai

lle (c

)

taux de fluor (% molaire)

0% Mg2+, 0% F-

Figure III.11. Evolution du volume de maille des PZT dopés avec 1% de Mg2+ enfonction du taux de fluor.

III.2.3. Etude de la morphologie des céramiques PZT

III.2.3.1. Densité des céramiques

Les mesures de densité sont réalisées à partir des mesures géométriques surdes échantillons de dimension précise après rectification des bruts de frittage. Il s'agitpour chaque composition de trois disques de diamètre φ = 16 mm et d'épaisseur e =2 mm et de cinq cylindres de diamètre φ = 6.35 mm et de longueur l = 15 mm. On faitalors la moyenne des densités de chaque type de pièce.

La densité de PZT dopés avec trois taux de magnésium différents est donnéeFigure III.12. Les trois séries présentent globalement la même évolution : la densitédiminue lorsque le taux de fluor augmente mais la chute est d'autant moins brutale

Chapitre III . Elaboration et caractérisation des céramiques massives 83

que le taux de magnésium est grand. Pour des taux de fluor inférieurs au tauxcritique, la diminution de densité peut être dûe à la disparition progressive deslacunes d'oxygène. Il est en effet admis que l'oxygène limite la diffusion en volumeau cours du frittage et que la création de lacunes anioniques par un dopant sous-valencé facilitera la densification. La substitution F – O entraînera donc l'effetcontraire. La variation de la densité après fluoration au delà du taux critique peut êtreattribuée à la présence de PbO liquide pendant le frittage. PbO liquide est considérécomme un adjuvant de frittage et doit aider à la densification mais c'est souvent l'effetcontraire qui se produit pour les raisons déjà citées au paragraphe III.2.1 (densitéplus faible dans le cœur de la céramique). La méthode de frittage dite en phaseliquide conduit à des céramiques denses et homogènes en composition si elle estassociée à une contrainte mécanique externe (frittage sous charge) [61].

0 1 2 3 4 5 6 77

7.1

7.2

7.3

7.4

7.5

7.6

7.7

7.8

Taux de fluor (% molaire)

dens

ité (

g/cm

3 )

0.4% de Mg2+

0.75% de Mg2+

1% de Mg2+

Figure III.12. Evolution de la densité des céramiques PZT en fonction du taux defluor. (ο) : PZT dopés avec 0.4% de Mg2+, (∆) : PZT dopés avec 0.75% de Mg2+ et

(x) : PZT dopés avec 1% de Mg2+.

III.2.3.2. Taille des grains des céramiques

La taille moyenne des grains des céramiques PZT est estimée par la méthodedes segments à l'aide d'un Microscope Optique (MO) et d'un MicroscopeElectronique à Balayage (MEB).

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• Observations au Microscope Optique :

L'appareil utilisé est un Olympus BH. Les observations sont réalisées au cœurdes échantillons frittés après polissage à l'aide de pâtes de diamant. La surface poliesubit ensuite une attaque chimique à l'acide fluosilicique de façon à révéler les jointsde grains.

Pour les trois séries de PZT dopés avec du magnésium (0.4, 0.75 et 1%),l'évolution de la taille moyenne des grains en fonction du taux de fluor est la même.Elle se situe entre 1 et 3 µm pour des taux de fluor compris entre 0 et le taux critiquede chaque série à savoir 2, 3 et 4% et elle augmente progressivement avec le tauxde fluor jusqu'à 8 - 10 µm pour un PZT fluoré à 4% (pour 0.4% de Mg2+) et 7% (pour1% de Mg2+). De plus, une observation au bord de la céramique PZT dopé avec 1%de Mg2+ et fluoré à 7% (zone rouge-orange) révèle des grains dont la taille estcomprise entre 12 et 15 µm. PbO liquide a favorisé la croissance granulaire dans lesrégions adjacentes à la surface. Les clichés des différentes céramiques ne sont pasprésentés en raison de leur définition médiocre.

• Observations au Microscope Electronique à Balayage :

L'appareil utilisé est celui qui a servi à l'étude de la morphologie des poudresde PZT (cf § II.3.2.3). Les observations sont faites au cœur d'échantillons polis puisattaqués thermiquement (10°C/min jusqu'à 1150°C) pour révéler les joints de grainset au cœur de céramiques fracturées. La figure III.13. montre les clichés de MEB dequatre céramiques PZT dopés avec 1% de Mg2+ non fluoré et fluorés à 4, 6 et 7%.On constate une évolution identique à celle observée au MO, à savoir uneaugmentation de la taille des grains avec le taux de fluor surtout à partir du tauxcritique. La céramique PZT stoechiométrique (4% de fluor) présente des grainslégèrement plus gros que la céramique PZT non fluoré dont certains grains ont unetaille inférieure au micron. En effet, les céramiques PZT dur lacunaire en oxygènesont typiquement constituées de petits grains. On peut enfin remarquer que lamauvaise définition des clichés des céramiques PZT fluorés à 6 et 7% n’est pas dueà une mauvaise mise au point mais certainement à une gangue vitreuse qui ségrègeen surface de l’échantillon. Cette phase vitreuse est l’oxyde de plomb liquide pendantle frittage.

Chapitre III . Elaboration et caractérisation des céramiques massives 85

0005 20KV X 5,000 1µm WD39

PZT dopé avec 1% de Mg2+ et non fluoré.

0045 20KV X 5,000 1µm WD16

PZT dopé avec 1% de Mg2+ et fluoré à 4%.

Figure III.13. Clichés de MEB de céramiques PZT dopé avec 1% de Mg2+ et fluoré.

86

0046 20KV X 5,000 1µm WD21

PZT dopé avec 1% de Mg2+ et fluoré à 6%

0093 20KV X 5,000 1µm WD11

PZT dopé avec 1% de Mg2+ et fluoré à 7%

Figure III.13. Clichés de MEB de céramiques PZT dopé avec 1% de Mg2+ et fluoré.

Chapitre III . Elaboration et caractérisation des céramiques massives 87

III.3. Conclusion

Comme nous le pressentions après l’analyse aux RX des poudres de PZT, ilest possible de fluorer de façon continue une solution solide PZT.

Il existe néanmoins un taux de fluor critique qui dépend du taux demagnésium et qui semble correspondre au PZT fluoré stoechiométrique.

En deçà de ce taux, la fluoration entraîne une diminution de la rhomboédricitéet une augmentation du volume de maille cubique du matériau. De plus, le PZTfluoré est lacunaire en oxygène.

Au delà, l’insertion de fluor n’est pas complète pendant la réaction mais sepoursuit vraisemblablement pendant le frittage. La substitution F – O provoque alorsla formation de lacunes de plomb qui augmentent la rhomboédricité et diminuent levolume de maille cubique du PZT.

Celui-ci subit également des changements de composition à cause du ZrO2

qui n’a pas réagi et des fluctuations de composition à cause de TiO2 qui se dissoutdans PbO liquide à la surface des céramiques.

La fluoration au taux critique associée à un dopage avec Mg2+ ne modifie pasà température ambiante le rapport de phase quadratique/ rhomboédrique du PZTnon dopé en site B et non fluoré.

Enfin, la taille moyenne des grains des céramiques PZT augmente avec letaux de fluor introduit contrairement à la densité qui diminue.