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Chapitre 9 Développer le capital marque La stratégie de marque constitue l’une des priorités actuelles des politiques marketing et même financières. Les entrepri- ses cherchent à créer, développer et protéger leurs marques. Des marques telles que Coca-Cola, Microsoft, IBM, Nokia, Sony ou Nike permettent aux entreprises d’adopter des prix plus élevés pour leurs produits, de favoriser la fidélité des clients et de se différencier des concurrents. La construction de marques fortes exige une planification marketing soignée, associée à des investissements sur le long terme. Au cœur d’une stratégie réussie, on trouve un excel- lent produit ou service, accompagné d’un marketing créatif. GOOGLE. Fondé en 1998 par deux étudiants en doctorat de Stan- ford, ce moteur de recherche représente aujourd’hui 56 % des requêtes sur Internet et 200 millions de recherches quotidiennes. En 2004, il a doublé son chiffre d’affaires pour atteindre 3,2 milliards de dollars, et quadruplé ses bénéfices pour parvenir à 342 millions de dollars. Résultat : un an seulement après son introduction en bourse, son cours avait déjà triplé et sa capitalisation boursière représentait près de 80 milliards de dollars. La politique marketing de l’entreprise s’appuie sur un moteur de recherche fondé sur le texte lui-même et un algorithme sophistiqué, sur un service rapide et fiable, ainsi que sur l’absence de publicité sur le site. Les bénéfi- ces de Google reposent sur la vente de listings utilisables pour une recherche, et sur celle de la licence de sa technologie à des entrepri- ses comme AOL et le Washington Post. Google a également diversi- fié ses logiciels en permettant désormais d’identifier un itinéraire avec Google Maps, d’afficher la photo satellite de n’importe quelle région du monde avec Google Earth, de comparer les prix avec Froogle… L’entreprise n’a jamais dépensé d’argent en communica- tion et s’est développée grâce au bouche-à-oreille. En 2005, Google a été classée 38 e marque mondiale par Interbrand, avec une valori- sation de 8,5 milliards de dollars pour la marque. Elle est l’une des marques les plus récentes parmi les cent premières mondiales 1 . Dans ce chapitre, nous examinerons les questions suivantes : Qu’est-ce qu’une marque ? Qu’est-ce que le capital marque ? Comment peut-on le construire, le mesurer et le gérer ? Quelles décisions doit-on prendre lorsque l’on définit une stratégie de marque ?

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Chapitre 9Développer le capital marqueLa stratégie de marque constitue l’une des priorités actuellesdes politiques marketing et même financières. Les entrepri-ses cherchent à créer, développer et protéger leurs marques.Des marques telles que Coca-Cola, Microsoft, IBM, Nokia,Sony ou Nike permettent aux entreprises d’adopter des prixplus élevés pour leurs produits, de favoriser la fidélité desclients et de se différencier des concurrents.La construction de marques fortes exige une planificationmarketing soignée, associée à des investissements sur le longterme. Au cœur d’une stratégie réussie, on trouve un excel-lent produit ou service, accompagné d’un marketing créatif.

GOOGLE. Fondé en 1998 par deux étudiants en doctorat de Stan-ford, ce moteur de recherche représente aujourd’hui 56 % desrequêtes sur Internet et 200 millions de recherches quotidiennes. En2004, il a doublé son chiffre d’affaires pour atteindre 3,2 milliardsde dollars, et quadruplé ses bénéfices pour parvenir à 342 millionsde dollars. Résultat : un an seulement après son introduction enbourse, son cours avait déjà triplé et sa capitalisation boursièrereprésentait près de 80 milliards de dollars. La politique marketingde l’entreprise s’appuie sur un moteur de recherche fondé sur letexte lui-même et un algorithme sophistiqué, sur un service rapideet fiable, ainsi que sur l’absence de publicité sur le site. Les bénéfi-ces de Google reposent sur la vente de listings utilisables pour unerecherche, et sur celle de la licence de sa technologie à des entrepri-ses comme AOL et le Washington Post. Google a également diversi-fié ses logiciels en permettant désormais d’identifier un itinéraireavec Google Maps, d’afficher la photo satellite de n’importe quellerégion du monde avec Google Earth, de comparer les prix avecFroogle… L’entreprise n’a jamais dépensé d’argent en communica-tion et s’est développée grâce au bouche-à-oreille. En 2005, Googlea été classée 38e marque mondiale par Interbrand, avec une valori-sation de 8,5 milliards de dollars pour la marque. Elle est l’une desmarques les plus récentes parmi les cent premières mondiales1.

Dans ce chapitre, nous examinerons les questions suivantes :■ Qu’est-ce qu’une marque ?

■ Qu’est-ce que le capital marque ?

■ Comment peut-on le construire, le mesurer et le gérer ?

■ Quelles décisions doit-on prendre lorsque l’on définit une stratégie de marque ?

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314 QUATRIÈME PARTIE • Construire des marques fortes

La prise de conscience de la valeur des marques par les responsables d’entre-prise date des années 1980 sous l’effet conjugué de plusieurs phénomènes :l’arrivée à maturité de nombreux marchés de grande consommation, provo-quant une intensification de la concurrence ; le nombre très élevé de marquesencombrant les linéaires et l’esprit des consommateurs ; l’augmentation descoûts de publicité et donc des dépenses nécessaires pour construire la notoriétéet l’image des marques2.

En réaction, les entreprises ont été amenées à investir fortement dans leursmarques, quitte à en limiter le nombre. Cette volonté s’est traduite par de nom-breuses fusions-acquisitions dans l’objectif d’acquérir des marques leaders. Ainsi,Pernod Ricard a acheté les marques Chivas, Martell et Glen Grant, tandis queUnilever a acquis Slim Fast, Tetley, Amora et Maille. En parallèle, certaines entre-prises (Danone, Nestlé, Philip Morris, par exemple) se sont séparées de nombreu-ses marques afin de concentrer leurs budgets marketing sur celles qui leurparaissaient avoir le plus fort potentiel. Procter & Gamble a ainsi réduit son por-tefeuille à 300 marques et concentre ses efforts sur 16 d’entre elles, qui valent plusd’un milliard de dollars.

Aujourd’hui, toutes les entreprises analysent avec soin leur portefeuille demarques afin de déterminer sur lesquelles investir et lesquelles supprimer. Ellesconsidèrent leurs marques comme un actif immatériel, valorisé comme tel par lesmarchés financiers et à développer en conséquence.

Pour étudier cette composante essentielle de la politique marketing, nous ana-lysons le rôle de la marque et le contenu du capital marque, avant d’étudier com-ment le construire et le développer. Puis, nous nous intéressons à la gestion desmarques existantes et à la conception des stratégies de marque.

1. Qu’est-ce que la marque et le capital marque ?Avant d’examiner les différents problèmes liés à la marque, une définitions’impose :Une marque est « un nom, un terme, un signe, un symbole, un dessin ou toute combinaisonde ces éléments servant à identifier les biens ou services d’un vendeur ou d’un groupe devendeurs et à les différencier des concurrents »3.

La marque est un élément-clé de la stratégie d’une entreprise. Elle ajoute desdimensions au bien ou au service, et le différencie des autres offres répondant aumême besoin. Les différences peuvent être fonctionnelles et rationnelles, c’est-à-dire liées à la performance du produit, ou encore symboliques et émotionnelles,c’est-à-dire fondées sur ce que la marque représente.

1.1. Le rôle de la marqueLa marque joue un rôle essentiel auprès des clients et des entreprises : pour lespremiers, elle sert de repère et d’identificateur ; pour les entreprises, elle consti-tue un outil stratégique.

a) Le rôle de la marque auprès des clientsLa marque permet aux consommateurs d’identifier le fournisseur d’un produitou d’un service. Elle est une garantie, une source de confiance, car elle représenteun engagement public de qualité associé à un certain niveau de performance.

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La marque influence également la manière dont le produit est perçu parcequ’elle permet aux clients d’identifier l’entreprise qui le commercialise, de faire lelien avec les opérations marketing dont elle fait l’objet et avec des expériences deconsommation antérieures avec d’autres produits signés de la même marque.

Lorsqu’elle est associée à des valeurs et à un imaginaire, la présence de la mar-que peut également influer sur la manière dont les clients perçoivent la perfor-mance des produits. La marque peut alors conduire les clients à mieux évaluerles caractéristiques intrinsèques du produit (la voiture est jugée plus puissante,plus rapide, mieux aménagée) et à lui associer une valeur symbolique liée àl’identité de la marque et non au produit lui-même (cette voiture apparaîtcomme un signe de réussite sociale ou semble mieux adaptée au mode de viedu client).

Les consommateurs déterminent quelles marques sont susceptibles de répon-dre à leurs besoins, et celles qui sont moins pertinentes pour eux. La marque leurpermet de simplifier leur processus d’achat et de réduire le risque perçu4.

Enfin, la marque joue un rôle d’identification pour ses clients, qui expriment cequ’ils sont à travers les marques qu’ils achètent. Les femmes qui achètent du Diorse reconnaissent comme à la pointe de la mode, tandis que les jeunes qui appré-cient Quicksilver se trouvent « cools » et décontractés. De même, les possesseursd’équipements hi-fi Bose se considèrent comme de véritables amateurs férus detechnologie.

BOSE. Cette entreprise, créée par le Dr Amar Bose, alors professeur en génie électrique auMIT, exprime ses valeurs, et donc celles de ses clients, dans sa communication : « Bose aforgé sa réputation grâce à la très haute qualité de ses systèmes audio, tant dans l'universde la maison, avec ses systèmes hi-fi et home cinéma, que dans les domaines profession-nels. Partout où le son revêt une importance majeure, Bose est là. […] La recherche nourritla technologie. Or une technologie supérieure entraîne des performances supérieures.Chez Bose, nous finançons la recherche en réinvestissant 100 % de nos bénéfices dans notreentreprise5. »

Source illustration : www.bose.co.uk.

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b) Le rôle de la marque pour les entreprisesPour les entreprises, la marque présente de nombreux avantages6. D’abord, ellefacilite le suivi du produit et les opérations logistiques. Ensuite, elle offre uneprotection légale pour éviter la copie du produit et de certaines de ses caractéris-tiques techniques ou perceptuelles7. Ainsi, les noms des marques sont déposéspar zones géographiques et catégories de produits, empêchant d’autres entrepri-ses du même secteur de réutiliser des noms existants. Les logos et les emballagessont également protégés. Les processus de fabrication peuvent faire l’objet debrevets. Ces différents éléments relèvent du droit de la propriété intellectuelle etpermettent à l’entreprise d’investir dans sa marque et d’en faire un actif sanscraindre la copie par les concurrents.

En outre, les marques constituent un signal de qualité à l’attention desconsommateurs8. La fidélité à la marque varie considérablement selon les sec-teurs, mais dans la plupart des catégories de produits, elle garantit un certainniveau de demande et constitue une barrière à l’entrée pour les nouvelles entre-prises susceptibles de commercialiser des produits de la même catégorie.

CÔTE D’OR. Née en Belgique en 1883, la marque appartient depuis 1987 au groupe KraftFoods, numéro deux mondial de l’agroalimentaire qui détient également les marquesMilka, Toblerone et Suchard. Mais l’identité de Côte d’Or est spécifique. Elle évoque unchocolat au goût intense, une grande qualité fondée sur un savoir-faire plus que centenaireet un cacao soigneusement sélectionné. Même si la gamme est large et couvre l’ensemblede la catégorie, depuis les tablettes familiales jusqu’aux carrés de chocolat, du chocolat aulait aux chocolats noirs et parfumés, l’identité s’inscrit d’abord dans l’univers de la dégus-tation avec des plaquettes fines et des mignonnettes aux parfums originaux comme noirorange, noir framboise ou truffé intense10.

La fidélité à la marque permet également de proposer des prix supérieurs auxconcurrents, parfois de l’ordre de 20 à 25 %9. Même si ces derniers peuvent copierles processus de fabrication et imiter le design des produits, il leur est difficile derécupérer à leur compte les perceptions des clients et leur expérience antérieure,accumulée au cours des années, avec les produits de la marque. En ce sens, lesstratégies de marque contribuent à la constitution d’un avantage concurrentiel,qui se renforce avec le temps.

Aujourd’hui, la notion de marque recouvre des activités extrêmement hétéro-gènes, depuis les biens tangibles (shampooings Mixa, voitures Renault, yoghourtsDanone), les services (Air France, Société Générale), les magasins (Carrefour, Réso-nance), jusqu’aux lieux (le Gers, l’Australie) ou encore les organisations (l’Unicefou Médecins sans Frontières). Même les magazines sont aujourd’hui des marques(voir encadré 9.1). Pour analyser leur portée auprès du marché, on peut se poserune série de questions à rassembler dans un tableau de bord des marques (voirencadré 9.2).

1.2. La marque, outil essentiel de différenciationParce qu’elle permet l’identification du produit, la marque constitue un outil fon-damental de différenciation. La stratégie de marque vise à conférer une identitéparticulière aux produits qu’elle porte. Toute entreprise doit donc élaborer unepromesse de marque, qui correspond à ce qu’elle doit être et à ce qu’elle doit per-mettre à ses clients. La réussite de la stratégie repose ensuite sur la capacité del’entreprise à faire percevoir cette promesse aux clients, puis à la tenir. Au final, la

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valeur de la marque dépend de ce que les clients perçoi-vent et croient à propos de la marque, en fonction de sapolitique marketing et de leur expérience avec les pro-duits.

La marque repose sur un nom, des attributs et des valeursqui seront transférés aux produits. Il s’agit de créer desassociations mentales afin d’aider les clients à organiserleurs connaissances et leurs perceptions des produits. Onpeut, en fait, articuler le concept de marque autour de sixpôles :

1. Un ensemble d’attributs. Une marque évoque descaractéristiques qui lui sont attachées. Mercedes, c’estsolide, cher, durable, etc.

2. Un ensemble d’avantages ou bénéfices clients. Au-delà des attributs, une marquecommunique les avantages, fonctionnels ou émotionnels, qui lui sont associés.Ainsi, la durabilité signifie : « Je n’aurai pas besoin d’acheter une autre voitureavant des années » ; la solidité : « Je suis en sécurité en cas d’accident ».

3. Un ensemble de valeurs. La marque exprime la culture de l’entreprise qui en està l’origine. Mercedes, c’est aussi la performance, le prestige, la tradition.

4. Une culture. La marque traduit en même temps une affiliation culturelle. Mer-cedes est allemande tout comme Fiat est italienne et Renault française.

5. Une personnalité. La marque projette une certaine personnalité11. Que serait-ellesi elle était une personne ? un animal ? un objet ? Mercedes serait peut-être unpatron, un lion ou un palais austère. Certains chercheurs ont appliqué aux mar-ques des échelles de personnalité humaine. Par exemple, Jean-Marc Ferrandi etPierre Valette-Florence ont appliqué l’échelle de Saucier centrée sur cinq dimen-sions : introverti, aimable, consciencieux, neurotique et ouvert12. Ils ont ainsiobservé que, dans l’esprit des consommateurs, la marque Nescafé était conscien-cieuse et aimable, tandis que Perrier était ouverte et extravertie, BMW introver-tie et non ouverte. Les deux chercheurs considèrent que les marques attirent desconsommateurs ayant des personnalités proches des leurs.

Source illustration : Australian Tourist Commission.

Source illustration : Unicef.

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6. Un profil d’utilisateur. Enfin, la marque évoque un profil d’utilisateur type, parexemple un homme d’affaires d’une cinquantaine d’années pour Mercedes.

Une marque a donc un contenu symbolique complexe qui va bien au-delà de sonnom13. Gérer une marque implique d’analyser et de faire évoluer ces significations

9.1 Cas d’entreprise

Quand les magazines deviennent des marquesL’exemple le plus emblématique est probablement lemagazine Elle, qui décline sa marque sur des chaussu-res, des vêtements, mais aussi… des magazines, commeElle à Table et Elle à Paris. Cette stratégie a démarré en1982 : « La marque était forte au Japon. Nous avons étécontactés par des industriels japonais qui souhaitaientexploiter la licence Elle pour une gamme de vête-ments », raconte Fabrice Plaquevent, directeur généralde Hachette Filipacchi Médias. En 1995, une véritablestratégie d’exploitation de la marque est mise en placeet la griffe est déclinée sur une gamme de vêtements etd’accessoires (lunettes, sacs, chaussures, chapeaux…)pour femmes et enfants dans une trentaine de pays.Une charte graphique est aujourd’hui définie à l’usagedes licenciés afin de véhiculer une image unique etcohérente. « Nous avons aujourd’hui une centaine deboutiques Elle dans le monde et 130 licenciés qui réali-sent globalement un chiffre d’affaires de 500 millions dedollars », explique M. Plaquevent. 80 % des ventes sontréalisées en Asie, notamment au Japon et en Corée duSud.

Selon la même approche, la marque Géo a été décli-née en livres, guides de voyages, ouvrages de photos,CD-Rom, cassettes vidéo et autres disques, soit 146 pro-duits en trois ans, pour un chiffre d’affaires cumulé de28 millions d’euros. « Le kiosque n’est pas un écrin idéalpour un magazine haut de gamme comme Géo. Luidonner une présence dans les rayons disques et livresest valorisante », explique Dominique Fleurmont, direc-trice du département développement des produits demarque du groupe Prisma Presse.

De nombreux grands titres de la presse magazine utili-sent désormais cette approche pour accroître leur activité.Ainsi, on peut désormais acheter des fiches cuisine Femmeactuelle, des voyages Notre Temps, une collection de DVDGala sur « les couples légendaires du siècle » et une ency-clopédie du mieux-être Psychologies Magazine…

Sources : Laurence Girard et Bénédicte Mathieu, « Du titre de presseà la marque, source de profits », et Laurence Girard « Une fois connumondialement, « Elle » devient griffe de mode », articles parus dansLe Monde, 16 janvier 2004, p. 21.

Source illustration : www.geomagazine.fr.

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symboliques en suscitant certaines perceptions et certains sentiments chez lesconsommateurs. Les valeurs, la culture, la personnalité de la marque et le profil deses utilisateurs déterminent ces associations mentales. Elles expliquent qu’unconsommateur puisse souhaiter posséder une marque pour elle-même, indépen-damment, ou presque, des qualités techniques de ses produits (comme des chaus-sures Nike portées par des adolescents qui ne pratiquent aucun sport). Lessignifications symboliques permettent également d’utiliser la marque pour de nou-velles catégories de produits très éloignées de celles qu’elle a l’habitude de couvrir,mais cohérentes avec sa personnalité ou son profil d’utilisateur.

Le gestionnaire de la marque doit décider des dimensions qu’il souhaite employerpour construire l’identité. C’est certainement une erreur de se limiter aux attributs,qui sont facilement imitables par la concurrence et risquent de se dévaloriser avec letemps. Selon la marque et l’identité souhaitée, on mettra l’accent sur les bénéficesclients, sur les valeurs et la culture, ou sur la personnalité et le profil d’utilisateur.

1.3. Le capital marqueLe capital d’une marque est la valeur apportée par la marque aux produits et services qu’ellecouvre.

Cette valeur dépend des pensées, des sentiments et des actions des clients parrapport à la marque, ainsi que de ses prix, de sa part de marché et de sa rentabilité.

9.2 Pour approfondir

Le tableau de bord des marquesAfin d’étudier la valeur d’une marque sur le marché etson potentiel, on peut construire un tableau de bordautour des dix points suivants.

1. La capacité de la marque à fournir des bénéficesque les clients souhaitent réellement. La marquerépond-elle à des désirs réels chez les clients ? Cher-che-t-on à fournir aux clients les meilleures expé-riences possibles grâce aux produits et services ?

2. Sa pertinence. La marque est-elle en phase avec lesgoûts actuels des clients, les conditions de marchéet les tendances en cours ?

3. Une stratégie de prix fondée sur les perceptionsdes clients. A-t-on optimisé les prix, la structure decoûts et le niveau de qualité afin de fournir une offrecohérente, qui excède les attentes de clients ?

4. Un positionnement pertinent. La marque est-elleau moins au niveau des concurrents sur les pointsles plus importants ? Est-elle différenciée sur deséléments-clés aux yeux des clients ?

5. La cohérence de la marque. Est-on sûr que les acti-vités marketing de la marque ne véhiculent pas desmessages contradictoires ?

6. Un portefeuille de marques cohérent. A-t-on ana-lysé la pertinence de la stratégie de relation entre

les différentes marques de l’entreprise, qu’il existeou non une marque ombrelle qui les regroupe ? Lahiérarchie entre les marques est-elle pensée soi-gneusement et comprise par le marché ? Les dif-férentes marques sont-elles complémentaires ouexiste-t-il un risque de cannibalisation ?

7. Le recours à diverses activités marketing. Utilise-t-on de manière optimisée les différentes optionsde communication et les différents outils marketingpour construire une image de marque cohérente ?

8. Une analyse approfondie de ce que la marquereprésente pour les consommateurs. Sait-on ceque les clients aiment et n’aiment pas à propos de lamarque ? A-t-on une idée claire des clients ciblés ?

9. Un soutien cohérent pour la marque. Analyse-t-on en détail les raisons des succès ou des échecs desopérations marketing avant de les modifier ?

10. Un suivi des sources de valeur pour la marque.A-t-on défini une charte explicitant la significationde la marque et la manière de la présenter ? A-t-onattribué à quelqu’un en particulier le rôle de suivreet de développer le capital marque ?

Source : Kevin Keller, « The Brand Report Card », Harvard BusinessReview, janvier 2000, p. 147-157.

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Le capital marque est un actif intangible important qui confère une valeur psycho-logique et financière à l’entreprise.

Les responsables marketing et les chercheurs utilisent plusieurs approchespour évaluer le capital marque14. Les approches fondées sur les clients, auxquel-les nous nous intéressons plus spécifiquement ici, reposent sur l’idée que la por-tée d’une marque est déterminée par la manière dont les clients la perçoivent15.On définit le capital marque fondé sur le client comme la différence provoquée par la connais-sance de la marque dans la manière dont les consommateurs réagissent à son marketing16.

On considère qu’une marque a un capital positif lorsque les clients réagissentplus favorablement au produit et à son marketing lorsqu’ils ont identifié la mar-que. À l’inverse, ce capital est négatif si la réaction des consommateurs est moinsfavorable lorsqu’ils connaissent la marque. Cette définition intègre trois compo-santes.

♦ Premièrement, on analyse ici la différence de réaction des consommateurs. Sila connaissance de la marque ne provoque aucune différence, alors la marques’apparente à une version générique du produit et la concurrence est essentiel-lement fondée sur les prix.

♦ Deuxièmement, cette différence de réaction provient de la connaissance de lamarque par les consommateurs. On s’intéresse donc à l’ensemble des pensées,sentiments, images, expériences, croyances qui lui sont associés. Les marquesdoivent tenter de provoquer des associations mentales fortes, favorables etspécifiques dans l’esprit des clients. Par exemple, sur le marché des cosméti-ques vendus en grande surface, la dimension forte, spécifique et positive asso-ciée à la marque L’Oréal est l’innovation.

♦ Troisièmement, la différence de réaction des consommateurs se traduit dansleurs préférences et leurs comportements face à la marque.

Par conséquent, les responsables marketing qui tentent de construire des mar-ques fortes doivent s’assurer que leurs clients vivent des expériences positivesavec leurs produits et services, et que leurs opérations marketing créent les asso-ciations mentales souhaitées à propos de la marque.

Une marque forte présente en effet de nombreux intérêts (voir tableau 9.1) :elle permet de fidéliser les consommateurs ; elle résiste mieux aux actions de laconcurrence ; elle représente un outil privilégié pour conquérir de nouveaux mar-chés ; elle constitue un bon argument pour négocier le référencement des pro-duits avec les distributeurs. Dans le même temps, une marque est un capitalfragile dont l’image peut être durablement affectée par des incohérences de ges-tion, des rumeurs ou une crise sur les produits.

APPLE. Cette marque est aujourd’hui valorisée par les consommateurs de plusieurs géné-rations et de nombreux pays. L’entreprise a réussi à créer un attachement exceptionnel etune fidélité très élevée à sa marque en respectant l’engagement pris par le PDG, SteveJobs : « Créer des objets magnifiques qui changent la vie des gens. » De nombreux fans dela marque la promeuvent sur le web et ailleurs : ainsi, dans un club branché de New York,deux disc-jockeys organisent chaque mardi des « soirées DJ iPod open ». Mais l’entreprisene fonde pas tout son marketing sur les initiatives de ses clients : elle a consacré 293 mil-lions de dollars à l’ouverture de 73 magasins dédiés, afin de favoriser une identité de mar-que stimulante et de permettre aux clients de voir et de toucher les produits17.

Certaines sociétés considèrent qu’une marque bien gérée a une durée de vie illimi-tée, comme en témoigne la pérennité de noms tels que Gillette, Campbell Goodyear,

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Colgate ou Coca-Cola, déjà leaders sur leurs marchés respectifs il y a plus de 80 ans.Des sociétés comme Procter & Gamble, IBM, Sony ou Merrill Lynch ont su, au fil desannées, construire des marques particulièrement puissantes.

Certains analystes pensent que la marque constitue le capital suprême de l’entre-prise. Les marchés boursiers réagissent en général positivement aux annonces desentreprises à propos de leurs stratégies de marque, qu’il s’agisse de créations denouvelles marques, d’extensions de marque, de changements de nom et surtoutd’achats de marques existantes18. Cependant, il ne faut pas oublier que la marquene vaut que par ce qu’elle représente aux yeux des clients, et que la fidélité de com-portement représente le véritable enjeu. À terme, c’est donc le capital client qu’ilfaut privilégier, la marque n’étant qu’un moyen essentiel de le développer19.

a) L’évaluation du capital marqueSi l’on adopte la perspective du capital marque, tout argent consacré au produit ouservice constitue un investissement dans la marque. L’objectif réside dans sa noto-riété, la manière dont elle est perçue et/ou les intentions d’achat qu’elle génère.

La stratégie de marque doit définir des objectifs a priori selon ces trois critères,en précisant le type d’associations mentales souhaitées. Elle doit définir en consé-quence les investissements à réaliser. Les montants en jeu ne sont pas le seul cri-tère de succès. Au-delà d’un seuil minimal d’investissements, la qualité desefforts consentis et de la politique marketing devient déterminante.

A posteriori, on mesure le capital marque à partir des mêmes indicateurs. Deuxgrandes approches existent pour établir la valeur des marques20.

♦ L’approche individuelle s’intéresse directement à la manière dont les consomma-teurs voient la marque. Elle mesure le capital marque à travers leurs perceptionset l’impact que la connaissance de la marque a sur leurs comportements d’achat.La valeur de la marque est d’autant plus forte que (1) un nombre important deconsommateurs la connaissent (notoriété) et s’en souviennent au moment duchoix (attention à la marque), et que (2) ces consommateurs ont en mémoire desassociations mentales à la marque fortes, nombreuses, spécifiques et positives.Ces associations influenceront l’image de la marque, la manière dont les consom-mateurs réagiront à son marketing, et la performance perçue des produits21. Cetteapproche repose sur l’interrogation des clients concernant des éléments quan-titatifs (notoriété, attention, nombre d’associations mentales), mais aussi qualita-tifs (caractère plus ou moins positif des associations, spécificité par rapport aux

• Forte performance perçue des produits

• Forte fidélité des clients

• Faible vulnérabilité aux opérations marketing des concurrents

• Faible vulnérabilité en situation de crise

• Marges accrues

• Faible diminution de la demande en cas de hausse des prix

• Forte augmentation de la demande en cas de baisse des prix

• Coopération avec les distributeurs

• Forte efficacité de la communication

• Possibilité d’accorder des licences

• Opportunités d’extension de marque

TABLEAU 9.1Les avantages des marques fortes

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322 QUATRIÈME PARTIE • Construire des marques fortes

associations mentales à d’autres produits de la catégorie22). Elle constitue unmoyen de suivre la force de la marque auprès des clients. Elle est, par exemple,utilisée lorsque l’on réalise un audit de la marque (voir encadré 9.3). Elle est éga-lement à l’origine des modèles d’évaluation de la marque comme BAV, Brandzou celui de Aaker présentés plus loin.

♦ L’approche agrégée, quant à elle, repose sur une logique financière. On s’inté-resse ici à la valeur de la marque pour l’entreprise en considérant qu’il s’agitd’un actif financier. On peut utiliser des méthodes comptables d’évaluation(fondées sur les coûts de construction de la marque) ou des méthodes financiè-res (fondées sur la valeur boursière des entreprises ou sur la valeur actuellenette des flux financiers engendrés par la marque). On peut également recouriraux jugements des dirigeants ou d’experts23.

Ainsi, le cabinet Interbrand évalue chaque année la valeur des plus grandes mar-ques mondiales (voir tableau 9.2 et encadré 9.4) : en 2005, on trouve au premier rangCoca-Cola, dont la marque est valorisée à 67 milliards de dollars, devant Microsoft etIBM. La première marque européenne est Nokia (26 milliards), à la 6e placemondiale. Quant aux marques françaises, la première est Louis Vuitton (16 milliardsde dollars ; 16e place mondiale), devant L’Oréal (6 milliards ; 52e place), Chanel

9.3 Pour approfondir

Réaliser un audit de marque et mettre en place un baromètreUn audit de marque vise à analyser la perception de lamarque par les consommateurs et la cohérence entreles produits, la politique marketing et l’identité de mar-que souhaitée. L’audit cherche à identifier les sources devaleur associées à la marque pour les consommateurs etpour l’entreprise. Il repose sur deux étapes :

♦ L’analyse de la politique marketing. Il s’agit d’analysercomment les produits et services sont commerciali-sés. On décortique les différents éléments constitutifsde la marque ; on examine la cohérence des produitsqu’elle recouvre ; on étudie l’ensemble des opéra-tions marketing réalisées, leur cohérence et leur com-plémentarité. Afin d’avoir une vision complète, onétablit des comparaisons avec les stratégies demarque et les politiques marketing des principauxconcurrents.

♦ L’exploration des perceptions des clients. Des études demarché permettent de comprendre la manière dontles clients perçoivent la marque et la catégorie deproduits. Des entretiens en profondeur et des réu-nions de groupe permettent d’identifier les associa-tions mentales à la marque, leur force, leur spécificitépar rapport aux marques commercialisant le mêmetype de produit, et leur caractère positif ou négatif.On peut également avoir recours à l’ethnographie,

aux associations de mots, aux méthodes projectives,à la visualisation et à la personnification de la marqueévoquées dans le chapitre 4. En complément, uneenquête par questionnaire mesure la notoriété, la fré-quence de certaines associations à la marque et lesintentions d’achat.

Ces analyses peuvent également être complétéespar des études en interne afin de déterminer commentle personnel de l’entreprise perçoit l’image de la mar-que auprès de ses clients. Ce type d’études a une doublefonction : suggérer des idées pour l’avenir et mettre enévidence des incohérences entre les perceptions desdifférents acteurs de l’entreprise ou des écarts entre leurperception du marché et la réalité.

Une fois l’audit réalisé, l’entreprise peut mettre enplace un baromètre afin de suivre de manière régulière laperception de la marque. Ce baromètre repose sur unquestionnaire administré régulièrement et à l’identique,dans le but de déterminer comment la notoriété etl’image évoluent en fonction des opérations marketingréalisées. Il constitue un outil de diagnostic sur la politi-que marketing. Il permet de suivre l’évolution du capitalmarque et d’alerter les équipes lorsque des ajustementssont nécessaires. Mais il présente l’inconvénient de mesu-rer l’impact des opérations à court terme seulement.

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CHAPITRE 9 • Développer le capital marque 323

9.4 Pour approfondir

L’approche d’Interbrand pour calculer la valeur financière des marquesPour la société Interbrand, la valeur financière d’une mar-que correspond à la valeur actuelle des profits et cash flowsque la marque générera dans le futur. Pour calculer cettevaleur, il faut (1) identifier les gains qui peuvent strictementêtre attribués à la marque, et (2) les actualiser pour tenircompte de la date à laquelle ils surviendront.

Les gains de la marque.

Interbrand considère que la rentabilité des marquesn’est pas toujours liée à leur valeur. Cette rentabilitépeut être liée au système de distribution ou aux carac-téristiques du produit, indépendamment de la marquequ’il porte. Les gains de la marque sont calculés ensoustrayant du chiffre d’affaires un certain nombred’éléments : les coûts associés à la vente, les coûts mar-keting, les frais généraux, les coûts fixes et variables, larémunération du capital et les impôts. Parce que lavalorisation peut être fortement affectée par le niveaude rentabilité d’une année donnée, Interbrand tientcompte de la rentabilité des trois dernières années enl’actualisant.

La force de la marque.

Pour ajuster ces gains, Interbrand réalise une analyseapprofondie de la force de la marque en étudiant sonpositionnement, le marché sur lequel elle opère, laconcurrence, sa performance passée, ses plans de dévelop-pement et les risques qu’elle court. Interbrand administreun questionnaire détaillé aux dirigeants de l’entreprise et àses clients. Elle examine également le rapport annuel etd’autres documents écrits, et conduit des visites d’inspec-tion auprès des distributeurs et des détaillants.

La force de la marque provient des sept facteurs ci-dessous auxquels sont associés des poids distincts. Lerésultat, connu comme le score de force de la marque, estexprimé en pourcentage, puis converti en coefficientmultiplicateur des gains de la marque. Ces coefficientsmultiplicateurs sont comparés aux taux d’actualisationhabituellement utilisés en finance et aux taux d’intérêt.Ainsi, une marque que l’on pourrait considérer commeparfaite, avec un score de force de 100 aurait un tauxd’actualisation de 5 %, ce qui correspond classiquement àun retour sur investissement peu risqué ; une marque plusfaible avec un multiplicateur plus bas correspond à un tauxd’actualisation reflétant un risque plus élevé.

La formule de calcul de la force de la marque (poids).

1. Le leadership (25 %). Il s’agit de la capacité de la mar-que à influencer son marché et à le dominer à traversune forte part de marché. Elle peut alors contrôler ses

prix ainsi que sa distribution, et résister à des atta-ques concurrentielles. Une marque leader est plusstable et correspond à une valeur plus élevée.

2. La stabilité (15 %). Ce point concerne la capacité dela marque à survivre sur une longue période, enfonction de la fidélité de ses clients. On valorise iciles marques existant depuis longtemps et qui fontpartie du paysage économique.

3. Le marché (10 %). Cet élément fait référence à l’envi-ronnement : taux de croissance, marché potentiel,volatilité de la clientèle, et barrières à l’entrée. Lesmarques qui exercent leur activité dans des secteurscomme l’alimentaire, les boissons ou l’édition ontune valeur plus élevée que celles qui interviennentdans les hautes technologies ou l’habillement, quisont plus vulnérables aux évolutions de la technolo-gie ou de la mode.

4. La portée géographique (25 %). Il s’agit de la capacitéde la marque à traverser les frontières géogra-phiques et culturelles. Les marques internationalessont davantage valorisées que les marques natio-nales ou régionales, notamment à cause des écono-mies d’échelle.

5. La tendance (10 %). On étudie ici la capacité del’entreprise à rester moderne et pertinente pour lesconsommateurs.

6. Le soutien marketing (10 %). Cela correspond aumontant des investissements en marketing etcommunication, ainsi qu’à la cohérence des actionsréalisées. Les marques qui ont fait l’objet d’investis-sements importants et cohérents sont ici valorisées.Le modèle ne tient pas seulement compte des mon-tants dépensés mais également de la qualité deschoix réalisés.

7. La protection (5 %). Cet élément fait référence aux titreslégaux dont la marque est propriétaire. Une marquedéposée est par définition en monopole sur son nom.Le modèle tient également compte d’autres protec-tions comme celle du logo ou des brevets.

Sources : Jean-Noël Kapferer, Les marques, capital de l’entreprise :créer et développer des marques fortes, 3e édition (Paris : Éditionsd’Organisation, 2001) ; Michael Birkin, « Assessing Brand Value »,Brand Power, éd. Paul Sobart (New York University Press, 1994) ;John Murphy, Brand Valuation (London : Hutchinson BusinessBooks, 1989) ; Noel Penrose et Martin Moorhouse, « The Valuation ofBrands », Trademark World, vol. 17, février 1989 ; Tom Blackett, « TheRole of Brand Valuation in Marketing Strategy », Marketing ResearchToday, vol. 17, n° 4, novembre 1989, p. 245-248.

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324 QUATRIÈME PARTIE • Construire des marques fortes

(4,8 milliards ; 65e place), Danone (4,5 milliards ; 67e place) et Hermès (3,5 milliards ;82e place)24. Pour ces entreprises, la valeur estimée de la marque représente sou-vent plus de la moitié de la valeur boursière totale.

b) Quelques modèles d’évaluation du capital marqueIl existe plusieurs modèles d’évaluation qui mettent l’accent sur différentsaspects du concept de capital marque. Nous présentons quatre d’entre eux, parmiles plus reconnus.

♦ Le modèle « Brand Asset Valuator » (BAV) de l’agence de publicité Young &Rubicam. À partir d’études de marché réalisées auprès de quelque 200 000consommateurs dans 40 pays, le modèle BAV propose des mesures compara-tives du capital marque sur plusieurs milliers de marques dans plusieurs cen-taines de catégories de produits. Cette mesure est fondée sur quatreéléments : (1) la différenciation évalue dans quelle mesure la marque est per-çue comme différente des autres ; (2) la pertinence mesure son degré d’attrac-tivité ; (3) l’estime établit si la marque est respectée et reconnue ; (4) laconnaissance évalue le degré de familiarité et d’intimité des consommateursavec elle. La différenciation et la pertinence déterminent la force de la mar-que, essentielle pour son potentiel de développement. L’estime et la connais-sance constituent la stature de la marque, qui reflète davantage saperformance passée. Ces deux dimensions, représentées dans la figure 9.1,permettent d’évaluer la force passée et le potentiel futur de la marque. Lesmarques naissantes sont faibles sur les quatre dimensions. Les marquesrécentes qui ont réussi à se développer sont souvent différenciées et pertinen-tes, tandis que l’estime et la connaissance se situent souvent à des niveaux fai-bles. Les marques leaders sont performantes sur les quatre axes. Enfin, lesmarques en déclin correspondent à un haut niveau de connaissance (unepreuve de leur performance passée), un niveau d’estime moyen et un niveaude pertinence et de différenciation faible.

♦ Le modèle de Aaker. Pour David Aaker, le capital marque résulte de cinq fac-teurs qui augmentent ou diminuent la valeur attribuée aux produits et servicespar l’entreprise et ses clients : (1) la fidélité à la marque, (2) la notoriété, (3) laqualité perçue, (4) les associations mentales à la marque, (5) d’autres actifs telsque les brevets et les relations avec la distribution25.

MarqueValeur de la marque en 2005 (milliards de dollars)

Évolution par rapport à 2004

1 Coca-Cola 67,5 0 %

2 Microsoft 59,9 – 2 %

3 IBM 43,4 – 1 %

4 General Electric 50,0 + 7 %

5 Intel 35,6 + 6 %

6 Nokia 26,5 + 10 %

7 Disney 26,4 – 2 %

8 McDonald’s 26,0 + 4 %

9 Toyota 24,8 + 10 %

10 Marlboro 21,2 – 4 %

TABLEAU 9.2Le classement Interbrand des marques mondiales en 2005

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CHAPITRE 9 • Développer le capital marque 325

Dans ce modèle, un élément essentiel de construction du capital marque estl’identité de la marque, c'est-à-dire l’ensemble des associations mentales qui cor-respondent à ce qu’elle représente dans l’esprit des clients. L’identité de la mar-que repose sur douze dimensions organisées autour de quatre grands axes :(1) la marque comme produit (fonctions remplies par le produit, attributs, rap-port qualité/prix, usages, utilisateurs, pays d’origine) ; (2) la marque commeorganisation (caractéristiques de l’organisation, dimension locale ou globale) ;(3) la marque comme personne (personnalité, relations entre la marque et lesclients) ; et (4) la marque comme symbole (imagerie visuelle, héritage).Au sein de l’identité de la marque, on distingue le noyau central et les élémentspériphériques26. Le noyau central est perçu comme indissociable de la marquepar une majorité de consommateurs. Il évolue de manière très lente, quelles quesoient les extensions de la marque dans de nouvelles catégories de produits etses implantations sur de nouveaux marchés géographiques. C’est pourquoilorsqu’une entreprise décide de procéder à une extension de marque, il estimportant qu’elle vérifie que les caractéristiques du nouveau produit sont cohé-rentes avec le noyau central, de manière à maintenir une logique dans son offre.Cette condition est nécessaire au succès de l’extension. À l’inverse, les élémentspériphériques de l’identité peuvent évoluer plus rapidement en fonction des nou-veaux produits et des nouveaux marchés couverts par la marque.

♦ Le modèle Brandz. Ce modèle, qui a été développé par des consultants enmarketing, s’appuie sur une pyramide décrivant la dynamique de la marque.La construction de la relation entre un consommateur et une marque reposesur plusieurs étapes séquentielles : la présence à l’esprit (Est-ce que je connaisla marque ?), la pertinence (A-t-elle quelque chose à m’offrir ?), la performance(Est-ce que je pense qu’elle est à la hauteur de ses promesses ?), l’avantage(Offre-t-elle quelque chose de mieux que les autres ?), le lien (Aucune autre

D P E C

D P E C

D P E C

D P E C

D P E C

Stature de la marque(Estime et Connaissance)

Forc

e d

e la

mar

que

(Diff

éren

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ion

et

Pert

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ce)

Marque récenteen développement

Marque leader

Nouvelle marque Marque en déclin

FIGURE 9.1La grille d’analyse BAV

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326 QUATRIÈME PARTIE • Construire des marques fortes

marque ne l’égale). Les clients qui ont établi un véritable lien avec la marque,en haut de la pyramide, dépensent davantage, sont réticents à changer de mar-que et se caractérisent par une fidélité élevée. Cependant le nombre de con-sommateurs en bas de la pyramide est évidemment plus élevé. Le rôle dumarketing est alors de développer des plans d’action incitant les clients à mon-ter dans cette pyramide.

♦ La résonance de la marque. Le modèle de résonance appréhende également laconstruction de la marque comme une série d’étapes séquentielles, de haut enbas : (1) s’assurer que la marque est identifiée par les consommateurs et asso-ciée à une catégorie de produits ou de besoins spécifiques ; (2) établir la signi-fication de la marque grâce à des associations tangibles et intangibles ;(3) obtenir des clients les réponses souhaitées en termes de jugements et desentiments à l’égard de la marque ; (4) transformer cette réponse en relationscommerciales effectives, à travers des comportements d’achat et de réachat.Ces quatre étapes reposent sur six éléments représentés dans la figure 9.2.Apparaît ici la dualité des marques entre la route rationnelle, représentée àgauche de la pyramide, et la route plus affective, à droite27.

MASTERCARD. Cette marque constitue un bon exemple de dualité puisque son identitémet à la fois l’accent sur les aspects rationnels, à travers son acceptation par un grand nom-bre de commerces dans le monde et la sécurité des transactions, ainsi que sur la dimensionaffective, à travers la campagne de publicité « priceless » : celle-ci montre des gens réali-sant des achats dans le cadre d’un objectif ou d’un sentiment essentiel (l’amour, le besoind’accomplissement…), avec le slogan « Il y a certaines choses qui ne s’achètent pas. Pourtout le reste, il y a Mastercard ».

4. Relation

3. Réponse

1. Identification

Performance Imaginaire

AffectJugement

Résonance

2. Signification

Fidélité intenseet active

Réactionspositives

Notoriétéet attention

fortes

Associationsmentales fortes,

favorableset spécifiques

Saillance

FIGURE 9.2La pyramide derésonance de la

marque

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CHAPITRE 9 • Développer le capital marque 327

La construction du capital marque est réussie lorsque les différentes compo-santes ont été mises en place. On peut l’évaluer à travers les outils suivants :

♦ La saillance de la marque correspond à la fréquence avec laquelle elle est évo-quée dans différentes situations d’achat ou de consommation.

♦ Sa performance évalue la manière dont les produits et services répondent auxbesoins fonctionnels des clients.

♦ L’imagerie relève des propriétés extrinsèques du produit et de la manière dontelle répond aux besoins psychologiques et sociaux des clients.

♦ Les jugements sur la marque sont les opinions et les évaluations faites par lesclients.

♦ L’affect correspond aux réactions affectives des clients à l’égard de la mar-que.

♦ Enfin, la résonance reflète la nature de la relation établie entre la marque etses clients, ainsi que la proximité qu’ils perçoivent avec elle. Parmi les mar-ques ayant réussi à développer une véritable résonance, on peut citer Harley-Davidson ou Apple, dont certains clients sont de véritables fans qui fontoffice d’ambassadeurs auprès du marché.

2. Construire le capital marqueLe capital marque se construit à partir de toutes les interactions entre la marqueet les clients, qu’elles soient ou non initiées par l’entreprise. Les responsablesmarketing, pour leur part, ont à leur disposition trois types d’outils : les compo-santes de la marque et son identité visuelle (noms, logos, symboles, personnages,slogans, emballages, etc.), les produits et les opérations marketing, ainsi que lesassociations de la marque avec d’autres entités. Par exemple, BMW a utilisé lesfilms de James Bond pour renforcer l’image de luxe et de performance associée àses produits.

2.1. Les composantes de la marqueUne marque correspond à un nom (Marie, par exemple), un logo (pour Marie,une écriture manuelle en noir avec un point rouge, soulignée de deux traitsrouges), des couleurs (variables pour Marie, vert pour Fructis), une signature(« Marie, contentez-vous d’être exigeants »), parfois un symbole (le personnagede Marie ou le lapin Quicky chez Nesquik).

TWININGS. Le nom complet, « Twinings of London », met en évidence l’origine britanni-que de cette marque de thé, numéro 2 en France avec une part de marché de 25 %. Ilaffirme le positionnement : Twinings, c’est le thé anglais par excellence. Le logo sobre évo-que la tradition et le classicisme. En 2006, la marque a célébré son 300e anniversaire etmodifié son logo pour rappeler son ancienneté et son statut de fournisseur de la courd’Angleterre.

Pour établir la pertinence des composantes de la marque, il convient de déter-miner la manière dont elles seraient perçues par les consommateurs s’ils nevoyaient qu’elles, sans connaître la marque. On peut, par exemple, les interrogersur les associations mentales avec le logo ou la signature afin de voir si elles cor-respondent à l’identité de marque souhaitée.

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328 QUATRIÈME PARTIE • Construire des marques fortes

Au-delà de la pertinence, le choix de ces composantes repose sur six critères :

– La facilité de mémorisation : cette composante est-elle facilement mémorisée etreconnue ? Ce critère met en avant les noms courts et simples comme Omo,Bic ou Kiri.

– La signification : que suggère cette composante sur les produits ? Est-elle crédibleet cohérente avec la catégorie de produits ? Par exemple : les noms Espace,Mr. Propre ou Pierrot Gourmand ; le swoosh de Nike évocateur de vitesse.

– L’attrait : la composante est-elle attrayante au plan esthétique ? Les consom-mateurs la jugeront-ils positivement ?

– La transférabilité : la composante sera-t-elle utilisable pour lancer ultérieure-ment de nouveaux produits dans d’autres catégories, auprès d’autres seg-ments de clientèle ou d’autres marchés géographiques ?

– La capacité d’adaptation : les composantes sont-elles intemporelles ? Pourra-t-on aisément les moderniser à l’avenir ? Par exemple, l’écureuil de la Caissed’Épargne a été stylisé et modernisé.

– La capacité de protection juridique : un dépôt est-il possible ? Un nom et un logosont déposés juridiquement et donc difficilement copiables ; un son estmoins protégé. Ainsi, Harley-Davidson a accusé certaines marques de motosjaponaises de copier le bruit de ses moteurs, et a cherché à déposer ce bruitpar un brevet.

Pour choisir un nom de marque, la plupart des entreprises commencent engénéral par établir une liste de noms possibles, avant de faire un premier tri. Puis,elles en testent quelques uns auprès des clients et font leur choix. Toutefois, ellesont de plus en plus recours à des sociétés spécialisées dans la recherche et le testde noms (voir encadré 9.5). Les méthodes les plus fréquemment utilisées pourévaluer les noms de marque envisagés sont les tests d’association (Quelles imagesviennent à l’esprit ?), les tests d’élocution (La prononciation est-elle aisée ?), lestests de mémorisation (Est-il facile de se souvenir du nom ?), et les tests de préférence(Quels noms sont préférés ?)28.

Source illustration : fructis-style.garnier.ca/fr/products.asp.

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CHAPITRE 9 • Développer le capital marque 329

Mais le nom de marque n’est pas le seul élément important. Le logo constituelui aussi un signe d’identification essentiel29.

REEBOK. À l’instar de Nike et de son « swoosh »,d’Adidas et de ses trois bandes, Reebok a opté en2003 pour un logo appelé la « gazelle » évoquantdeux bandes traversées par une flèche. Il apparaîtdésormais sur toutes les campagnes de publicité.

La signature est une petite phrase qui accompagne en permanence le nom.Pour Le Bon Marché, par exemple, la signature « Rive Gauche » affirme à lafois la localisation et le positionnement haut de gamme du magasin. Lessignatures peuvent ainsi jouer un rôle clé pour communiquer les valeurs de lamarque.

9.5 Pour approfondir

La création de nomsY a-t-il un point commun entre Kangoo, la voiture, Ola,le téléphone et Natexis, le groupe bancaire ? Oui, toutesces appellations ont été trouvées par des agences spé-cialisées en création de noms.

En France, l’INPI (Institut national de la propriétéindustrielle), qui recense tous les noms protégés, a vu lenombre de dépôts multipliés par neuf en quinze ans(75 000 noms aujourd’hui). Dans le monde, on estime lenombre de noms protégés à plus de huit millions.

De fait, quel que soit le secteur, le nom est désormaisconsidéré comme un atout stratégique. Les entreprisesde tous les secteurs font aujourd’hui appel à des agen-ces spécialisées dans la recherche de noms. Saunier-Duval, ELM Leblanc et Chaffoteaux & Maury, trois desleaders sur le marché des chaudières, ont ainsi baptisérespectivement leur gamme Opalia, Melia et Elexia. Demême, la Compagnie générale des eaux a été rebapti-sée Vivendi. Sélectionné par Nomen, l’une des grandesagences spécialisées (avec Insight, Gimca, Kaos...), parmi5 400 noms, le mot Vivendi a été choisi car il évoque,selon le président du groupe de l’époque, « l’espritd’ouverture » qui caractérise désormais l’entreprise, etest facile à prononcer de par le monde, exempt de toutpiège de traduction.

La recherche d’un nom, qui peut coûter de quelquesdizaines à quelques centaines de milliers d’euros, est unprocessus assez long, qui dure souvent plusieurs mois.Outre les contraintes imposées par l’élocution et lamémorisation internationales, il faut aussi vérifier que le

nom envisagé n’est pas déjà déposé ! Renault a ainsidécouvert qu’on ne pouvait pas utiliser le mot Clio auJapon et a dû rebaptiser sa voiture Lutecia. De même, labanque Natexis devait au départ s’appeler Natexa, maisl’existence en France d’une société Texa dans le mêmesecteur d’activité l’a obligée à changer la terminaison. Leprocessus de vérification est devenu d’autant plus arduque dans certains secteurs, pratiquement tous les nomsont déjà été déposés (par exemple, toutes les variantes dela racine « nutri » en cosmétique). Pour se protéger, certai-nes sociétés déposent à l’avance des centaines de nomsqu’elles pourront n’utiliser que bien plus tard (par exem-ple, Mégane, déposé par Renault dès 1987).

À la mode des noms courts et des sigles, a succédé lavague des noms symboliques, à fort contenu évocateur.Ainsi, selon l’agence Nomen, le recours à la lettre « x »(comme dans Dexia ou Natexis) évoque le sérieux et lasolidité, tandis que l’usage des « o » et des « a » (commedans Twingo, Kangoo ou le parfum Sotto Voce) suggèrerondeur et féminité.

Sources : « Profession : inventeurs de noms », L’Expansion, 5 mars1998, p. 82 ; « Pour exister sur des marchés mondiaux, chacun cher-che son nom », Le Monde, 3 mars 1998, p. 18 ; « Vivendi : un change-ment d’identité à 400 millions », La Tribune, 6 avril 1998, p. 12. Voiraussi Pierre et Muriel Bessis, Name Appeal : créez des noms qui mar-quent (Paris : Village Mondial, 2001) ; Marcel Botton et Jean-JackCégarra, Le nom de marque (McGraw-Hill, 1990) ; Scott Ward, LarryLight et Jonathan Goldstine, « What High-tech Managers Need toknow about Brands », Harvard Business Review, juillet-août 1999,p. 85-95.

Source illustration : Reebok

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330 QUATRIÈME PARTIE • Construire des marques fortes

JET TOURS. Afin d’affirmer son haut niveau d’exigence et montrer qu’il comprend les pré-occupations des clients, le voyagiste adopte en 2001 la signature « Spécialiste en vacancesréussies ». La première campagne intégrant cette petite phrase explicite le message avec leslogan : « On peut tout rater mais pas ses vacances ». Par la suite, cet axe continue de cons-tituer le cœur de la promesse de la marque, avec le lancement en 2003 des « GarantiesVacances Réussies », une charte de onze engagements auprès des clients. En 2005, unenouvelle signature, « Vous avez choisi de réussir vos vacances », est adoptée et accompa-gnée de visuels évoquant le zen et la sérénité. Il s’agit de maintenir la promesse de la mar-que tout en la positionnant dans un univers plus haut de gamme. Le logo est alors changé :à la place du fanion rouge et jaune avec un soleil stylisé, apparaît un ruban, symbole ducadeau préparé avec soin et bien « fini »30.

Les composantes de la marque jouent plusieurs rôles. Elles sont le fondementde la notoriété et de la reconnaissance des produits. Dès que ceux-ci sont achetésen libre-service, les composantes permettent aux clients de les repérer à distance.Elles doivent également attirer l’œil et donner envie d’acheter. Lorsque les clientsse renseignent peu sur les produits et lisent peu leurs descriptifs, les composantesdoivent mettre en évidence leurs principaux attributs ainsi que la personnalité etles valeurs de la marque afin que le consommateur se fasse rapidement une idéede la promesse à laquelle elle est associée.

2.2. Les outils marketing permettant de construire le capital marqueOn croit souvent que la publicité constitue le levier d’action privilégié pour cons-truire et gérer les marques. C’est vrai, mais seulement dans une certaine mesure.Les clients ont de nombreuses occasions d’entrer en contact avec la marque : bou-che-à-oreille, rencontre avec le personnel de l’entreprise et ses distributeurs, articlesde presse, salons professionnels, Internet, etc. Toutes ces expériences peuvent êtrepositives ou négatives. L’entreprise doit les imaginer et les gérer avec autant desoin qu’elle le fait pour les publicités31.

Les stratégies et les tactiques employées en marketing ont profondémentchangé au cours des dernières années32. Les leviers d’action permettant de cons-truire une identité de marque se sont diversifiés et intègrent désormais les clubsde consommateurs, les salons, l’organisation d’événements, le parrainage, lesvisites d’usines, le marketing relationnel...

CHUPA CHUPS. Qui pense que les sucettes sont réservées aux enfants ? Pas la marque espa-gnole, dont la stratégie vise depuis trente ans à élargir la clientèle du produit ! Pour cela, elle amisé sur le placement des produits dans toutes sortes d’occasions, sur des idées marketingnovatrices et sur un réseau de boutiques exclusivement consacrées à la marque. Une task forceinterne appelée 4C (pour Chupa Chups Corporate Communications) est chargée d’accroître lanotoriété et la présence de la marque chez les jeunes et les adolescents s’intéressant à la mode.Lorsqu’elle a appris que l’entraîneur de l’équipe de football de Barcelone essayait d’arrêter defumer, l’équipe 4C lui a envoyé une boîte de Chupa Chups ; pendant le reste de la saison, on levit sur le banc de touche avec une sucette à la bouche. Les ventes en Catalogne ont doublé cetteannée-là ! Le leader mondial des sucettes est également présent dans toutes sortes d’événe-ments et de festivals, comme la Mostra de Venise. Elton John, Giorgio Armani, Magic Johnson,David Beckham et Naomi Campbell ont été vus en train de déguster une sucette. En 1995, lamarque a même expédié des produits dans l’espace avec les astronautes russes de la stationMir. Les adolescents sont également séduits par les vêtements, lunettes ou casques de moto àl’effigie de la marque. Cependant, depuis 2002, Chupa Chups s’est quelque peu recentrée sur la

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CHAPITRE 9 • Développer le capital marque 331

clientèle des enfants après une chute de ses ventes, des investissements de diversificationhasardeux et un succès mitigé sur les marchés émergents comme la Chine. Elle a lancé Cre-mosa, « première sucette crémeuse et sans sucre » de seulement 27 calories, afin de répondre àune attente de produits de confiserie peu caloriques pour enfants… et adultes33.

Quels que soient les outils ou les approches marketing employés, la construc-tion d’une identité de marque tourne en général autour de trois axes : la person-nalisation, l’intégration entre les différents leviers d’action, et la sensibilisationinterne sur les valeurs de la marque. Tous les outils évoqués dans cet ouvrage,qu’ils relèvent du marketing-mix ou d’autres éléments, contribuent à la construc-tion du capital marque.

a) La personnalisationLe rapide développement d’Internet a ouvert la voie au marketing personnalisé.Aujourd’hui, les entreprises abandonnent de plus en plus le marketing de masse,tel qu’il régnait dans les années 1950, 1960 et 1970, pour revenir à des pratiquesbeaucoup plus anciennes, lorsque les marchands connaissaient leurs clients parleurs noms. Afin de répondre au désir croissant des clients d’avoir une offre per-sonnalisée, les entreprises adoptent des concepts comme le marketing expérien-tiel ou le marketing « one to one ». Nous avons déjà évoqué ces évolutions dans lechapitre 5. Du point de vue des stratégies de marque, ces concepts aboutissent àla création d’une relation active et intense entre la marque et ses clients. Le mar-keting personnalisé vise donc à construire la marque la plus pertinente possiblepour ses clients, même s’ils sont différents les uns des autres.

b) L’intégration entre les différents leviers d’action marketingLe marketing intégré consiste à associer les différents leviers d’action afin de maximi-ser leurs effets individuels et conjoints. Ce souci d’intégration est particulièrementimportant en matière de communication. Tous les outils de communication envisa-geables (publicité, promotions, relations publiques, marketing direct, parrainage,

Source illustration : www.chupachupsgroup.com.

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332 QUATRIÈME PARTIE • Construire des marques fortes

organisation d’événements et communication interne) doivent être évalués en fonc-tion de leur capacité à nourrir le capital marque, c’est-à-dire de leur efficacité et deleur efficience pour construire et renforcer la notoriété et l’image de la marque.La notoriété de la marque mesure la tendance des clients à citer la marque dans différentesconditions, soit de manière spontanée lorsqu’on énonce la catégorie de produits (notoriétéspontanée), soit de manière assistée lorsqu’on leur demande s’ils connaissent le nom d’unemarque que l’on mentionne (notoriété assistée).

L’image de la marque est l’ensemble des perceptions et des croyances des consommateurs àpropos de la marque, telles qu’elles apparaissent dans les associations mentales stockées enmémoire.

Dans le chapitre 18, nous verrons que les divers moyens de communicationprésentent différents types d’avantages et permettent d’atteindre des objectifsdistincts. C’est pourquoi les responsables marketing doivent recourir à plusieursoutils complémentaires qui jouent un rôle différent dans la construction ou lemaintien du capital marque. L’objectif est que la combinaison de ces élémentsrenforce l’efficacité de l’ensemble au-delà de la simple somme des effets de cha-que opération : le tout doit excéder la somme des parties qui composent le plande communication et le plan marketing.

MICHELIN. Pour renforcer son capital marque, l’entreprise investit dans la R&D, fait de lapublicité et organise des opérations de promotion à l’attention des garagistes. Elle conçoitégalement des pneus utilisés sur les circuits de Formule 1 afin d’accroître sa crédibilitétechnique et d’associer son image aux valeurs de performance, de modernité et de sécurité.

c) La sensibilisation en internePour fournir une prestation à la hauteur de ses engagements, la marque doit éga-lement tenir compte de la sensibilisation à faire en interne. Parce que l’image dela marque dépend de l’expérience vécue par les clients dans chacun de leurscontacts avec elle, il faut que le personnel de l’entreprise comprenne et respecte lapromesse de la marque, de manière à éviter toute distorsion entre le discourspublicitaire et la réalité. L’ensemble du personnel doit adhérer aux valeurs de lamarque et chercher à les faire vivre lors des contacts avec les clients.

Trop d’entreprises négligent la dimension interne de construction de lamarque34. À l’inverse, quelques entreprises mettent en place des formations inter-nes sur l’identité de la marque et adoptent une organisation conforme à leurapproche du marché. Certaines ont développé des programmes b-to-e (business-to-employee) fondés sur des systèmes Intranet afin de favoriser un dialogue per-manent sur la marque avec le personnel. D’autres confient cette tâche à unepersonne chargée de suivre l’expérience des clients avec la marque.

HEWLETT-PACKARD. Un cadre dirigeant est en charge de l’expérience client au sein de cha-que division. Sous l’autorité directe du président de la division, il analyse, mesure et amé-liore la manière dont les clients utilisent les produits de la marque.

Cette dimension interne est encore plus importante dans les activités de ser-vice pour lesquelles les échanges entre les clients et le personnel en contact cons-tituent un élément-clé de l’offre. De manière plus générale, les méthodes deconstruction de la marque varient selon les secteurs d’activité, et l’on ne peutdonc pas appliquer dans toutes les entreprises les méthodes qui sont nées dans lagrande consommation (voir encadré 9.6).

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CHAPITRE 9 • Développer le capital marque 333

2.3. L’association avec d’autres entitésLe troisième et dernier moyen de construire le capital marque est de « l’emprun-ter ». Cela signifie que l’on associe la marque avec d’autres entités qui ont leurpropre image, afin de créer des associations mentales secondaires à la marque.Autrement dit, on construit l’identité de la marque en l’associant avec d’autresinformations présentes dans la mémoire des consommateurs (voir figure 9.3).

LAGERFELD CHEZ H&M. H&M a distribué une ligne de vêtements conçue par le couturierde Chanel, Karl Lagerfeld. Une telle opération renforce l’image mode de la chaîne de maga-sins, tout en attirant une clientèle plus snob que sa clientèle habituelle. Résultat : raz demarée le premier jour avec épuisement des stocks en quelques heures.

La marque peut être associée à plusieurs types d’entités : l’entreprise par lebiais des stratégies de marque (« Fjord de Danone » ou « iPod d’Apple », parexemple, soulignent l’appartenance à une marque ombrelle corporate) ; des paysou des régions à travers l’identification de l’origine du produit, comme « Twi-nings of London » évoqué plus haut ou Krisprolls qui fait figurer le drapeau sué-dois sur son paquet ; ou encore des réseaux de distribution. Lorsqu’une marquedistribuée en circuit sélectif étend son réseau à une nouvelle enseigne ou unenouvelle formule de vente, son image est modifiée sous l’influence de celle duréseau concerné (et réciproquement)35.

La marque peut également être associée à d’autres marques à travers le co-branding (voir chapitre 12), à des personnages grâce à des stratégies de licences

9.6 Pour approfondir

Construire une marque hors de la grande consommationLa théorie de la marque a été fortement inspirée par lesméthodes appliquées aux biens de grande consomma-tion : différencier le produit à partir d’attributs fonctionnelsou d’associations symboliques ; investir massivement enpublicité en espérant stimuler la notoriété, l’essai, l’adop-tion et la fidélité à la marque.

Heidi et Don Schultz suggèrent que ce modèle deconstruction de la marque est de moins en moins perti-nent, en particulier dans les activités high-tech et busi-ness-to-business, dans les secteurs financiers et lesservices. Ils proposent d’autres méthodes pour cons-truire des marques puissantes :♦ définir les valeurs de l’entreprise et construire une

marque corporate, correspondant au nom de l’entre-prise : des sociétés comme Sony, Hewlett-Packard etAmerican Express ont des marques corporate fortesqui transmettent à leurs produits et services uneimage de qualité et de valeur ;

♦ confier la stratégie de marque aux plus hauts niveauxhiérarchiques de l’entreprise et ne déléguer aux chefsde produit que les choix tactiques ;

♦ élaborer un plan complet de construction de la mar-que afin que le client vive une expérience positive àchaque moment de contact (téléphone, e-mail,contact en face-à-face) ;

♦ définir l’essence de la marque, à fournir quel que soitle lieu d’achat ;

♦ utiliser l’identité de marque comme vecteur de lastratégie de l’entreprise, des services offerts et dudéveloppement de nouveaux produits ;

♦ mesurer l’efficacité de la construction de la marque,non pas en recourant aux méthodes classiques demesure de l’efficacité publicitaire (notoriété, recon-naissance et attribution), mais en mettant en placedes indicateurs plus complets, tels que la valeur per-çue par le client, la satisfaction, la part dans le panierd’achat, le réachat et le bouche-à-oreille.

Source : Heidi et Don Schultz, « Why the Sock Puppet got Sacked »,Marketing Management, juillet-août 2001, p. 34-39.

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(personnages Disney sur des paquets de céréales), à des porte-parole ambassa-deurs de la marque (stars apparaissant dans la publicité ou dans des événements,comme Claudia Schiffer pour Citroën ou Pierce Brosnan pour les montresOmega), à des événements culturels et sportifs (à travers des opérations de par-rainage), etc. Une marque de sport comme Quicksilver peut ainsi faire évoluerson image en insistant sur son origine australienne, en ayant recours à un porte-parole champion de surf, en parrainant des championnats de surf locaux, oud’autres sports s’il souhaite modifier son image, en se faisant distribuer dans deschaînes indépendantes à l’image spécifique…

3. La gestion des marquesLa gestion des marques exige d’adopter une vision de long terme. Parce que laréaction des clients aux opérations marketing dépend de ce qu’ils savent sur lamarque, les actions marketing de court terme affectent le succès des actions futu-res. Il convient donc d’adopter des stratégies proactives qui permettront demieux faire face aux évolutions de l’environnement ainsi qu’aux changementsd’objectifs internes et de politiques marketing.

3.1. Renforcer une marqueLa marque doit être gérée avec soin pour éviter que son capital ne se déprécie. Denombreuses marques leaders il y a vingt ans le sont toujours aujourd’hui : Coca-Cola, Pampers, Danone, Sony… Cependant, cela suppose d’améliorer en perma-nence les produits, les services, et la politique marketing.

Pour maintenir la valeur d’une marque, il convient de suivre en permanencece qu’elle représente dans l’esprit des clients, quels bénéfices elle leur offre, quelsbesoins elle satisfait et en quoi sa présence modifie leur perception des produits.

Alliances

Ingrédients Entreprise

Extensions

Autresmarques

Employés Pays d'origine

LieuxMARQUEPersonnel

Portes-parole

Autres

Réseauxde distribution

CausesÉvénements

FIGURE 9.3Les sourcessecondaires

d’informationsur la marque

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CHAPITRE 9 • Développer le capital marque 335

Renforcer le capital marque exige de lancer régulièrement de nouveaux produitset de renouveler les programmes marketing. Il ne faut jamais s’endormir sur seslauriers, sous peine de voir son image vieillir. La marque Levi Strauss, par exemple,a perdu du terrain en ne renouvelant pas suffisamment sa vision du marché et sesproduits, jusqu’au début des années 2000 où elle a mis en place un suivi des mar-chés de la mode et développé la gamme LEJ s’adressant aux jeunes urbains et bran-chés.

Le renouvellement des opérations marketing ne signifie pas qu’il faut changerradicalement d’orientation. Les politiques marketing relatives à la marque doiventrester cohérentes au cours du temps et s’inscrire dans une stratégie de marquehomogène. S’il n’y a pas de changement majeur dans l’environnement marketing,il n’est pas nécessaire de s’écarter du positionnement et de l’identité de la marquetels qu’ils ont été définis en amont.

VOLVO. Afin d’élargir son audience, Volvo a modifié sa stratégie de marque au cours desannées 1990, abandonnant son positionnement historique autour de la sécurité pour mettreen avant le plaisir de conduire, la rapidité et la performance. Rachetée par Ford en 1999, lasociété a abandonné les campagnes publicitaires autour de la ReVOLVOlution pour reve-nir à ses racines. Cependant le positionnement fut modernisé autour de la « sécuritéactive » pour transcender l’image antérieure de sécurité passive. Les nouveaux véhiculescommercialisés intègrent de nombreux équipements de sécurité tout en se caractérisantpar un design moderne, une grande performance et un certain luxe36.

La gestion des marques suppose de faire un arbitrage entre les activités marke-ting qui renforcent la marque et la construisent pour l’avenir, et celles qui renta-bilisent les investissements passés37. Il peut arriver qu’une démarche continue derentabilisation diminue la notoriété et affaiblisse l’image.

3.2. Revitaliser une marqueQuel que soit le positionnement initial d’une marque, plusieurs facteurs peuventle remettre en cause comme : un concurrent qui a lancé avec succès une marquesemblable, destinée au même segment ; les préférences des consommateurs quiont évolué d’une façon défavorable à la marque ; ou encore une crise qui marqueles esprits (encadré 9.7)38. Cependant, de nombreuses marques en perte de vitesseont réussi à reconquérir le marché. Un exemple de repositionnement réussi est lastratégie adoptée par Mixa.

MIXA. Lancé au moment du baby-boom, le shampooing commença à connaître des diffi-cultés lorsque le rythme des naissances se ralentit. La marque fut alors repositionnéeauprès des mères en s’appuyant sur l’argument de la douceur, avec le slogan « Si c’est bonpour mon bébé, c’est aussi bon pour moi ». La promesse de douceur s’étant progressive-ment banalisée dans la catégorie des shampooings, la société L’Oréal décida de faire évo-luer la marque vers le marché des produits de soin pour le corps, en fort développement.Trois nouveaux produits Mixa Soin Intensif Peaux Sèches furent introduits : un stick pourles lèvres, une crème pour les mains et un lait pour le corps. Une grande campagne publi-promotionnelle mettait en scène Estelle Hallyday et un enfant, maintenant ainsi l’universd’origine de la marque. En un an, la marque obtint un grand succès, devenant même ladeuxième du marché derrière Nivea pour les laits corporels.

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336 QUATRIÈME PARTIE • Construire des marques fortes

La revitalisation d’une marque passe souvent par un « retour à ses racines ».Dans le cas de Mixa, par exemple, cette revitalisation est fondée sur la notion dedouceur, essentielle pour l’identité de la marque, et sur la mise en scène d’unemère avec son enfant.

La première étape d’une stratégie de revitalisation consiste à comprendre leséléments fondamentaux de l’identité de la marque et les raisons du déclin ducapital marque. Les associations positives à la marque ont-elles perdu de leurforce ou de leur spécificité par rapport aux concurrents ? De nouvelles associa-tions négatives sont-elles apparues ? Il faut ensuite décider si l’on maintient lepositionnement actuel ou si l’on en change. Parfois, le positionnement reste perti-nent et c’est seulement le programme d’actions marketing qu’il faut revoir parcequ’il ne parvient pas à tenir la promesse de la marque. Dans ce cas, une stratégiede retour aux fondamentaux peut être pertinente.

HARLEY-DAVIDSON. Fondée en 1903 à Milwaukee, Harley-Davidson est passé deux fois aubord de la faillite. Elle est aujourd’hui l’une des marques de motos les plus célèbres et lesplus rentables. Dans les années 1980, ses difficultés financières l’incitèrent à multiplier deslicences hasardeuses pour des articles aussi divers que les cigarettes et les produits pourmaintenir le vin au frais. Les ventes de motos étaient pénalisées par des problèmes dequalité. La revitalisation de la marque commença par une amélioration des processus de

9.7 Pour approfondir

Quand la marque traverse une criseEn février 1994, Perrier se voyait contraint d’arrêter saproduction et de rappeler toutes les bouteilles disponi-bles aux États-Unis après la découverte de traces de ben-zène, un produit cancérigène, dans certaines bouteilles.Au cours des semaines qui suivirent, plusieurs raisonsfurent mises en avant pour expliquer comment la conta-mination avait eu lieu, mais elles créèrent surtout de laconfusion et un certain scepticisme. De manière peut-être plus grave, le produit lui-même resta indisponiblejusqu’en mai 1994. Malgré un relancement massif assortid’une campagne publicitaire et de multiples promotions,la marque éprouva des difficultés à reconquérir la part demarché perdue, et un an plus tard, les ventes américainesde Perrier restaient inférieures à la moitié du chiffreatteint un an plus tôt. Pendant la période d’indisponibilitédu produit, les consommateurs et les détaillants avaienttrouvé des produits de substitution satisfaisants. Parceque l’association à la notion de pureté – qui était au cœurde l’identité de la marque – avait disparu, la marque nedisposait plus de points de différence majeurs par rap-port à ses concurrents.

Ce type de crise peut arriver à toutes les marques. Engénéral, plus le capital marque et plus l’image del’entreprise sont bien établis, notamment en termes decrédibilité et de confiance, plus on est en mesure derésister à l’orage. Une préparation soignée et une bonne

gestion de crise sont également essentielles. Lorsque laMercedes Classe A est sortie de route lors de tests réali-sés par des journalistes, l’entreprise a immédiatementréagi en retirant toutes les voitures des concessions, enmodifiant le système de frein et de pneu, et en commu-niquant soigneusement sur la sécurité retrouvée duvéhicule. Quelques mois plus tard, l’incident était oubliéet les ventes de la classe A décollaient.

La rapidité apparaît également comme un élémentessentiel. Plus l’entreprise prend de temps pour réagir àune crise, plus il est probable que les consommateursauront une impression défavorable qui pourra se diffu-ser à travers un bouche-à-oreille négatif. Peut-être plusgrave encore, les consommateurs risquent de découvrirqu’ils ne sont pas si attachés à la marque, optant demanière définitive pour des alternatives.

Au-delà de la rapidité, les actions réalisées doiventêtre sincères. Elles doivent traduire l’engagement publicde l’entreprise à résoudre le problème identifié, quelsque soient le coût et les conséquences des mesures àprendre. De cette manière, les consommateurs peuventrétablir leur confiance dans la marque.

Sources : Norman Klein et Stephen Greyser, « The Perrier Recall : ASource of Trouble », Cas Harvard Business School ; n° 9-590-104 et« The Perrier Relaunch », Cas Harvard Business School, n° 9-590-130.

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CHAPITRE 9 • Développer le capital marque 337

fabrication et l’introduction de nouveaux moteurs plus performants. Puis, l’entreprise cher-cha à faire évoluer son image pour sortir de la caricature du gros motard barbu et tatoué.Elle entreprit de séduire les femmes (9 % des acheteurs actuels, contre 2 % il y a vingt ans),puis les jeunes à travers un partenariat avec la marque de motos Buell, rachetée depuis parHarley. Elle créa une communauté de marque, le Harley Owners Group (HOG), qui ras-semble aujourd’hui plus de 900 000 membres. Les concessionnaires organisent pour eux dessorties, des soirées privées et des barbecues. Un magazine, des guides, des produits d’assu-rance, des discounts hôteliers et des programmes de location leur sont également proposés.Aujourd’hui, des stars comme George Clooney ou Johnny Depp s’affichent au volant d’uneHarley. L’entreprise réalise plus de 4 milliards de chiffre d’affaires, dont 21 % sur les pro-duits dérivés comme les casques, les blousons et même les parfums39.

Les stratégies de revitalisation sont extrêmement diverses entre les deux extrê-mes que constituent le retour aux sources de la marque et sa réinvention complète.Dans tous les cas, il faut agir à deux niveaux : (1) sur la notoriété de la marque àrenforcer pour favoriser sa reconnaissance dans les contextes d’achat, et (2) sur sonimage en améliorant la force, le caractère positif et la spécificité des associationsmentales des consommateurs. Pour la réintroduction de Findus, par exemple, lagamme a été complètement revue en s’appuyant sur la notoriété (encadré 9.8).

3.3. Faire face aux marques de distributeursDans les activités de grande consommation, un enjeu majeur pour les marquesest de résister à la croissance des marques de distributeurs (MDD). Dans les eauxminérales, elles représentent aujourd’hui plus de 16 % du marché (en volume),dans les surgelés sucrés 39 %, dans les plats cuisinés surgelés 47 %. Selon Seco-dip, les marques de distributeurs représentaient en 2005 27 % des ventes en

Source illustration : www.harley-davidson.com.

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338 QUATRIÈME PARTIE • Construire des marques fortes

grandes surfaces, contre 18 % en 199640. 48 % des clients de la grande distribu-tion déclarent acheter régulièrement des MDD, et 35 % disent choisir systémati-quement les marques premiers prix. Cette problématique s’étend également àd’autres secteurs, puisque des enseignes comme Décathlon, Mr. Bricolage ouSephora ont développé leurs propres marques.

SEPHORA dispose de plusieurs marques qui s’adressent à des cibles distinctes : Sephorapour les femmes, Sephora Girls pour les filles de 3 à 10 ans, Sephoramen pour les hommes,Sephora Piiink pour les lolitas, Sephora Express, Sephora Professionnel… Avec un packa-ging sobre et soigné, on pourrait les prendre pour des marques de fabricants. Elles repré-sentent 7 à 10 % des ventes selon les estimations des experts indépendants, car l’enseignene communique pas de chiffres41.

Dans l’affrontement qui oppose les fabricants aux distributeurs, ces derniersdisposent de nombreux atouts. Le linéaire est limité, et de nombreux produc-teurs, surtout s’ils sont nouveaux ou petits, éprouvent des difficultés à distribuerlargement leurs produits. Les distributeurs s’attachent aussi à maintenir la qua-lité des produits vendus sous leur marque, suscitant ainsi la confiance du con-sommateur, tout en adoptant un prix inférieur aux marques de fabricant. En

9.8 Cas d’entreprise

Le retour de Findus dans les plats surgelésLorsqu’en 1999, Nestlé vend la marque Findus au fondsd’investissement Equity, une clause de non-concur-rence prévoit que la marque ne pourra plus vendre deplats cuisinés surgelés pendant quatre ans en France eten Espagne. Le groupe Nestlé peut ainsi disposer d’uneplus grande marge de manœuvre pour renforcer lesmarques qu’il a gardées, et en particulier Maggi. Findusest alors cantonnée dans les légumes, les pommes deterre et le poisson pané. Les deux tiers de son ancienchiffre d’affaires disparaissent d’un seul coup.

Findus se développe, pendant ces quatre années,dans ses catégories de produits à travers une stratégied’innovation : elle lance, par exemple, le poisson panépréalablement enduit de matière grasse ou le mélangede légumes Wok. La marque voit ainsi sa part de marchépasser de 4,3 % à 5,7 % entre 2001 et 2003, et se retrouven° 2 du marché… derrière Maggi.

Cependant, Findus a une notoriété et une identitépérennes : en 2002, 41 % des consommateurs continuentde la citer spontanément comme marque de plats cuisi-nés, 25 % croient même l’avoir achetée au cours du moisprécédent ! Cela constitue un atout précieux pour prépa-rer le retour de la marque dans son ancienne activitéreine en 2004. Le secteur est pourtant en crise : le marchéest stable, voire décroissant, et la concurrence est rudeentre Maggi, Marie, Knorr, Petit Navire, etc.

Pour son retour, Findus se concentre sur les quinzerecettes traditionnelles qui représentent près de la moi-tié des ventes : hachis, lasagnes, paella, moussaka… Ellese différencie de ses concurrents en ne proposant quedes formats familiaux et en travaillant sur la qualité desingrédients. Des études ethnographiques auprès declients révèlent le rôle prépondérant du micro-ondesdans la préparation des plats surgelés ; Findus aban-donne donc les barquettes en aluminium. Enfin, elleinvestit 20 millions d’euros dans une campagne publici-taire qui reprend le slogan musical d’autrefois (« Heu-reusement il y a Findus »).

Au début, les distributeurs rechignent à référencerles plats surgelés de la marque, et les ventes de platspréparés plafonnent à une part de marché de 3 %. Puis,la stratégie redevient payante. Findus devient leader surle marché des surgelés en 2005, atteignant 7 % de partde marché et 57 % de notoriété spontanée.

Sources : Bruno Declairieux, « Findus ou comment on ressuscite unemarque », Capital, juin 2004, p. 144-145 ; Christiène Brancier,« Nestlé Grand Froid ne craint pas le retour de Findus », LSA, 23 sep-tembre 2004, p. 38 ; Rita Mazzoli, « L’intuition doit aussi dicter le tra-vail du marketeur », Marketing Magazine, interview de MatthieuLambeaux, directeur marketing de Findus, janvier-février 2005,p. 32-35 ; « Findus numéro 1 des plats cuisinés », L’Usine nouvelle,16 février 2005.

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CHAPITRE 9 • Développer le capital marque 339

2005, Leclerc a communiqué sur ce thème autour du slogan « La qualité équiva-lente à 30 % moins cher ». Les produits vendus sous MDD sont fabriqués par dessous-traitants à partir d’un cahier des charges précis. Quant à la commercialisa-tion des produits, les distributeurs mettent leurs marques dans les meilleursemplacements et s’assurent d’avoir des stocks en quantité suffisante.

Mais il faut en réalité distinguer deuxtypes de marques de distributeurs : (1) lesMDD proprement dites qui cherchent deplus en plus à se différencier sur d’autresaxes que le prix, et (2) les marques premierprix, de moins bonne qualité et nettementmoins chères, comme Éco+ chez Leclerc ouBien vu ! chez Système U. Ainsi, chez Car-refour, on peut trouver au rayon céréalespour petit déjeuner le muesli Kellogg’s auprix de 3,93 euros, un produit Carrefour (àgauche de la photo) au prix de 2,51 euros (soit 36 % de moins) et un produit premierprix (ici, à droite) vendu 1,12 euro (71 % moins cher que la marque Kellogg’s)42.

Les fabricants tentent depuis quelques années d’enrayer ce phénomène, à tra-vers plusieurs stratégies.

1. Leur première réaction est souvent d’investir davantage en publicité et en promo-tion, de façon à maintenir une forte préférence pour la marque. Mais leurs prixdoivent alors être relevés afin de couvrir ces dépenses. Parallèlement, les distri-buteurs exercent une forte pression sur les fabricants afin qu’ils dépensentdavantage en promotion réseau ; ils en font même une condition d’octroi delinéaire. Si les producteurs acceptent ces conditions, il leur reste moins d’argentà dépenser en promotion consommateur, et leurs ventes s’effritent. C’est ce quel’on appelle le « cercle vicieux des marques ».

2. Les fabricants réagissent également en consacrant davantage de moyens à la R&Det en multipliant les nouveaux produits43. Ainsi, Danone consacre chaque année àla recherche 130 millions d’euros, et a développé un yoghourt anticholestérol.Mais cette approche s’apparente à une course en avant, car les distributeursimitent les nouveaux produits sous un délai de quelques mois, dès lors qu’ilsrencontrent un certain succès sur le marché.

3. Certaines grandes entreprises tentent de sortir d’une logique d’affrontementavec les distributeurs en développant une réflexion conjointe sur les comporte-ments des consommateurs et sur l’aménagement des rayons (ce que l’onappelle le category management).

4. Quelques-unes, enfin, choisissent de commercialiser une partie de leur productionsous marque de distributeur, afin d’être moins affectées par la hausse des MDD,d’accroître les volumes fabriqués et de réaliser des économies d’échelle. Ellesrestent cependant peu nombreuses à avoir fait ce choix puisque 63 % des four-nisseurs de marques de distributeurs sont des PME44.

La donne évolue car, après les marques de distributeurs, ce sont aujourd’hui lesproduits de hard-discount qui rencontrent une forte croissance. Les hypermarchéset les supermarchés voient leurs ventes s’effriter au profit d’Aldi et autres Lidl. Fin2005, le hard-discount représentait une part de marché de 20 % en volume. LesMDD développent en conséquence une véritable politique de marque fondée sur laconstruction d’une identité spécifique et d’un véritable capital marque (voir enca-dré 9.9). Certains experts prédisent que les MDD vont donc devenir plus agressi-ves, ce qui risque d’affaiblir davantage les grandes marques45.

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340 QUATRIÈME PARTIE • Construire des marques fortes

4. Concevoir une stratégie de marqueLa stratégie de marque d’une entreprise reflète le nombre et la nature des marquesapposées aux différents produits qu’elle commercialise. Autrement dit, concevoirune stratégie de marque consiste à décider si l’on crée de nouvelles marques ou sil’on utilise les marques existantes. En matière de nouveaux produits, la question estcritique. Une entreprise a en effet le choix entre trois stratégies : créer une nouvellemarque pour le nouveau produit, utiliser une marque existante, ou recourir à unecombinaison des marques existantes et d’une nouvelle marque.Lorsque l’entreprise utilise une marque existante pour commercialiser un nouveau produit,on parle d’extension de gamme si le nouveau produit s’inscrit dans une catégorie déjà cou-verte par la marque, et d’extension de marque si le nouveau produit correspond à une nou-velle catégorie de produits, que la marque ne couvrait pas jusque-là.

Par exemple, lorsque Clarins a développé des produits cosmétiques pour hom-mes sous la marque Clarins Men, il s’agissait d’une extension de gamme. En revan-che, lorsque Kenzo a commercialisé sous sa marque des produits cosmétiques alorsqu’elle était jusque-là absente de cet univers, il s’agissait d’une extension de marque.

9.9 Pour approfondir

Les stratégies de marque des distributeursQuels avantages les détaillants trouvent-ils à déve-lopper leurs marques sachant qu’il leur faut rechercherdes approvisionnements réguliers, maintenir la qualité,gérer des stocks et investir en communication ?

D’abord, le distributeur réalise souvent une marge plusélevée avec ses produits qu’avec les grandes marques defabricants. Il achète ses produits à des prix inférieurs et nesupporte pas les mêmes dépenses en publicité, promo-tion, recherche et développement. Même s’il répercuteune partie de ces économies auprès du consommateur, ilpeut garder une marge bénéficiaire confortable.

Ensuite, le fait de disposer de sa marque donne audistributeur un plus grand contrôle sur ses prix et unecertaine emprise sur le producteur, qu’il peut menacerd’abandonner.

Enfin, les marques de distributeurs permettent àl’enseigne de se différencier de ses concurrents. Audépart, elles étaient fondées sur la copie des grandes mar-ques. C’est de moins en moins le cas. Face à la montée duhard-discount et afin d’accroître leur part de marché, laplupart des distributeurs (mais à des degrés divers) posi-tionnent leurs marques de manière de plus en plus quali-tative. Leur nouvelle philosophie est d’offrir au moins laqualité du produit leader et des avantages dans le choixdes ingrédients : plus de vitamines, plus de lait, plus decacao, plus de fer, etc. En outre, les marques de distribu-teurs sont de plus en plus innovantes, tels Intermarché,Leader Price, et ED qui ont mis sur le marché les premières

lessives liquides en doses (avant les grandes marques dusecteur), ou Casino qui, le premier, a inclus du bitrex dansses produits d’entretien afin de leur donner un goût désa-gréable et obliger les enfants qui en auraient absorbé à lerecracher. Aujourd’hui, 120 personnes (vétérinaires, biolo-gistes, ingénieurs qualité, responsables marketing, desi-gners) développent les produits chez Auchan, 40 chezCora, plus d’une centaine chez Carrefour.

Résultat : selon une enquête réalisée auprès deconsommateurs pour le magazine LSA, sur huit critèresd’image, les MDD arriveraient cinq fois devant les mar-ques nationales. Pour les prix, bien sûr, mais égalementpour le plaisir et la « qualité gustative »…

Cependant, les MDD ont encore du mal à se différen-cier les unes des autres : « D’abord au niveau prix, il y aconfusion entre plusieurs types de marques de distribu-teurs, celles qui sont au cœur de la gamme et les pre-miers prix, explique Philippe Breton, consultant. Ensuite,les marques de distributeurs se banalisent. Entre lesmarques Casino, Carrefour et Auchan, les consomma-teurs ne font pas la différence. Ils achètent des marquesde distributeurs « génériques ». Et certaines gammesthématiques manquent encore de notoriété. »

Sources : Philippe Breton, Les marques de distributeurs (Paris : Dunod,2004) ; « MDD : combattre les idées reçues », LSA, 16 mai 2002, p. 48-53 ; « Marques de distributeurs : la fin du me-too ? », LSA, 25 mai1995, p. 32-35.

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CHAPITRE 9 • Développer le capital marque 341

Lorsqu’une nouvelle marque est associée à une marque existante, on parle desous-marque, comme la création de Centrino d’Intel. La marque existante est alorsdésignée sous le nom de marque mère (Intel, dans notre exemple).

Si la marque mère a déjà été associée à de nombreux produits de catégories dif-férentes, on parle même parfois de marque famille. Enfin :Un produit sous licence est un produit dont le nom de marque a fait l’objet d’une licenceaccordée à des fabricants extérieurs à l’entreprise.

Aujourd’hui, les entreprises accordent des licences dans de très nombreusescatégories de produits, depuis le livre jusqu’aux chaussures.

Ces différentes définitions montrent la diversité des décisions à prendre pourconcevoir une stratégie de marque. D’abord, faut-il apposer une marque sur sesproduits ? Ensuite, faut-il procéder à des extensions de marque en diversifiant lescatégories de produits qu’elle couvre ? Enfin, faut-il avoir un nombre élevé demarques ou opter pour un portefeuille de marques réduit ? Nous examinons suc-cessivement ces différentes questions. L’extension de la gamme, quant à elle, seraétudiée dans le chapitre suivant.

4.1. Produits avec ou sans marquePendant longtemps, les produits banalisés, tels que le sucre, le vin, le jambon, ontété vendus sans marque : le producteur expédiait sa marchandise au distributeur,qui la revendait directement sans qu’elle porte ni sa marque ni celle du fabricant.Seuls les produits artistiques, tels que les pièces de théâtre, les peintures ou lessculptures, étaient signés de leurs auteurs.

Source illustration : Intel Corporation.

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C’est à partir de la fin du XIXe siècle qu’une évolution commença à se faire joursous l’effet du développement des grandes entreprises et des médias publicitai-res. Le succès des marques a été tel qu’aujourd’hui, en France, il y a peu de pro-duits qui en soient dépourvus. Le sel est emballé dans des paquets spécifiquesaux fabricants, les oranges sont marquées, les boulons et les écrous les plus ordi-naires sont vendus dans des sachets en plastique portant le nom du distributeur,et dans l’automobile les pièces détachées, comme les bougies, les pneus, les fil-tres, portent des noms de marque visibles et différents de ceux de la voiture. Aufil des années, certaines marques de composants (comme Intel) arrivent même àrejoindre, en notoriété, les marques des produits finis (IBM, Compaq). Parmi lesproduits qui restent non marqués, certains portent une marque collective – unlabel – qui constitue une garantie de qualité (voir encadré 9.10).

9.10 Pour approfondir

Une marque collective : le labelL’affaire de la vache folle a indubitablement sensibiliséles Français à la mise à disposition d’informations objec-tives sur la qualité des produits alimentaires et sur leurorigine. Certaines entreprises ont réagi en développantde nouvelles marques (comme la viande Valtero deSocopa) et en lançant des innovations (barquettesindividuelles sécables). D’autres se sont positionnéesautour des valeurs d’authenticité, de tradition et denaturel. On a ainsi vu fleurir dans les hypermarchés plé-thore de produits du terroir ou artisanaux, arborantmédailles de qualité et références régionales diverses.La multiplicité des labels est souvent source de confu-sion pour les consommateurs qui, du coup, ne fondentpas leurs décisions d’achat sur ces éléments.

Dans cette « jungle des labels », il convient cepen-dant de distinguer trois catégories :

♦ Les labels expérientiels apportent de l’information surla qualité de l’expérience de consommation (parexemple, une médaille d’or au concours général pourles produits alimentaires ou le label UGC pour lesfilms).

♦ Les labels techniques donnent des garanties sur lescaractéristiques techniques de la production (commele label AB pour l’agriculture biologique ou NF pourles produits non alimentaires).

♦ Les labels expérientiels et techniques associent les deuxdimensions, comme Label Rouge ou l’AOC.

Parmi les différents labels, quatre sont particulière-ment connus.

♦ L’AOC (appellation d’origine contrôlée) est délivréepar l’Institut national des appellations d’origine(INAO) depuis 1935. L’AOC identifie un produit typi-que par son origine. Elle a conquis ses lettres denoblesse dans le vin, avant de s’appliquer aux froma-

ges, puis à tous les produits (par exemple, le taureaude Camargue ou le miel corse). Les syndicats profes-sionnels se chargent des tests de consommation, réa-lisés par prélèvements à l’aveugle, et l’INAO effectuedes contrôles sur les conditions de production.

♦ Le Label Rouge a été mis en place par le ministère del’Agriculture. Il distingue dans une catégorie de pro-duits donnée les références de meilleure qualité,obéissant à un cahier des charges précis. Par exemple,pour être Label Rouge, le saumon fumé doit ne jamaisavoir été congelé, être fumé à la sciure de bois, êtreprétranché manuellement, etc. En général, les pro-duits Label Rouge sont vendus de 15 à 30 % plus cherque la moyenne des autres produits.

♦ Le logo AB identifie les produits issus de l’agriculturebiologique, c’est-à-dire une agriculture excluant l’uti-lisation de produits chimiques de synthèse et res-pectant le bien-être animal. Un aliment « bio » doitcomprendre plus de 95 % de matières premières agri-coles. Là encore, un différentiel de prix se constatedans les points de vente.

♦ Le certificat de conformité enfin, apparu en 1990,garantie l’existence de caractéristiques précisesportant sur l’origine, la fabrication ou le conditionne-ment du produit. Auchan, Leclerc ou Carrefour l’utili-sent pour certaines filières comme la viande.

Sources : Fabrice Larceneux, « Segmentation des signes de qualité :labels expérientiels et labels techniques », Décisions Marketing,n° 29, janvier-mars 2003, p. 35-46 ; François Courvoisier et FabienneCourvoisier, « La jungle des labels de qualité et d’origine sur les pro-duits alimentaires : analyse de la situation en Suisse francophone »,Cahier de recherche de la Haute École de gestion de Neuchâtel ; « Lesefforts marketing paient », Point de vente, 4 mars 2002, p. 54-62 ;« Labels, terroir AOC... le grand capharnaüm », Les Echos, 16 avril1998, p. I-58-59.

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CHAPITRE 9 • Développer le capital marque 343

Les fabricants ou distributeurs qui choisissent de vendre leur production sousune marque doivent décider s’ils veulent utiliser un ou plusieurs noms. On peutdistinguer au moins quatre stratégies.

1. Des noms de marque individuels. Cette poli-tique est choisie par certaines sociétés, tel-les que Lever (Puget, Timotei, Signal, Cif,Boursin, Carte d’Or, etc.) et Procter &Gamble (Ariel, Pampers, Lénor, Bonux,Mr. Propre). Un des avantages essentielsde cette approche est que la société ne liepas sa réputation au destin du produit.S’il échoue, la réputation de l’entreprisen’en souffre pas. Un fabricant de montreshaut de gamme ou de produits alimen-taires réputés peut ainsi lancer des pro-duits de moindre qualité sans grandrisque. Parmi les autres avantages : lapossibilité de choisir le nom optimal pourchaque nouveau produit, de conférer uneimage distincte à chaque produit avec desassociations mentales spécifiquementadaptées à la catégorie, et d’obtenir plusde linéaire en magasins. Cependant, cetteapproche augmente les coûts de commu-nication puisqu’il n’existe pas de syner-gies d’image et de notoriété entre lesmarques46.

2. Une seule marque couvrant tous les pro-duits. Moulinex, Peugeot, Hermès ouCanon préfèrent cette approche. Lors-que les produits appartiennent à descatégories différentes, on parle de mar-que ombrelle. Cette politique réduit lescoûts de lancement car il n’est pasnécessaire de procéder à une recherchede nom ni de dépenser beaucoup enpublicité. De plus, les ventes sont éle-vées si la réputation de l’entreprise estbonne. Ainsi, la société Géant Vert, lea-der du maïs en boîte, a lancé d’autreslégumes (comme les asperges) sous samarque en obtenant une réaction immé-diate du marché. Cette approche pré-sente donc l’avantage de conférer de lavisibilité et de la crédibilité à la marque,donc à ses produits, tout en démulti-pliant l’efficacité de la communication.

3. Des marques distinctes pour chaque gammede produits. Cette politique est par exem-ple suivie par le groupe Uniq avec lamarque Marie pour les plats préparés

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(frais et surgelés), Paul Bocuse pour les plats préparés haut de gamme aurayon frais, Luang pour les spécialités exotiques, et Saint-Hubert pour lescorps gras. Elle est pertinente lorsqu’une entreprise fabrique ou vend des pro-duits très différents. Ainsi, Nestlé, qui commercialise en France du lait pourbébés et des aliments pour chiens et chats (Friskies) utilise des marques dis-tinctes.

4. Le nom de l’entreprise combiné ou juxtaposé avec des noms de marque individuels.Danone a souvent adopté cette solution : Danette, Dan’up, Velouté de Danone,Fjord de Danone.... Dans ce cas le nom de l’entreprise est la marque mère ; elleauthentifie le produit et sert de caution. Le nom individuel correspond à lamarque fille : elle permet de différencier le produit et de lui donner une imagespécifique.

Dans un même secteur, différents fabricants peuvent adopter des stratégiesde marque opposées. Dans la catégorie du dentifrice, par exemple, Procter &Gamble préfère utiliser des noms de marque individuels (Crest, Fixodent), tandisque Colgate-Palmolive fait appel à la marque générique Colgate.

Parfois, certaines sociétés choisissent de faire coexister toutes ces stratégies.Ainsi, le groupe L’Oréal utilise des noms spécifiques pour certains produits(Dop, Narta), développe certaines marques ombrelles rassemblant plusieurs caté-gories de produits (Garnier, Lancôme, Vichy), et utilise la caution L’Oréal en lajuxtaposant à d’autres marques (Elsève de L’Oréal, Elnett de L’Oréal).

4.2. Les extensions de marqueComme nous l’avons déjà indiqué, une stratégie d’extension de marque con-siste à utiliser une marque qui a fait ses preuves pour lancer un produit appar-tenant à une nouvelle catégorie. Il est courant, dans l’industrie du luxe,d’utiliser sa griffe dans de multiples secteurs d’activité. Ainsi, la marque Her-mes couvre à la fois des produits de maroquinerie, des vêtements, des accessoi-res, des parfums…

LA LAITIÈRE. Cette marque du groupe Nestlé a construit sa notoriété dans les produitsfrais, avec les yoghourts au lait entier. À partir de 1999, elle a procédé à plusieurs exten-sions de marque : au rayon épicerie d’abord avec toute une gamme de desserts en boîte(gâteau de riz, riz au lait, semoule au lait, etc.) ; au rayon surgelé en 2002 avec unegamme de glaces qui a remporté un succès spectaculaire sur le marché ; puis au rayonconfiserie en 2003 avec des tablettes de chocolat au lait47.

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a) Les avantages de l’extension de marqueUne stratégie d’extension de marque offre de nombreux avantages, à la fois pourle nouveau produit lancé et pour la marque concernée48.

Pour le nouveau produit, d’abord. Celui-ci est accompagné d’un nom bénéfi-ciant d’une forte notoriété et d’une image affirmée. Les associations à la marque luisont immédiatement transférées. Ainsi, lorsque Sony a commercialisé son premierordinateur, Vaio, les clients ont été d’autant plus enclins à anticiper un niveau deperformance élevé qu’ils connaissaient la marque Sony et la performance de sesautres produits. Dans de telles situations, l’entreprise peut moins investir en com-munication et bénéficier d’un taux d’essai souvent plus élevé en comparaisond’une marque nouvellement créée. De même, les distributeurs sont plus disposés àréférencer le produit car ils savent que les consommateurs l’essaieront plus volon-tiers. Les produits lancés au moyen d’une extension de marque obtiennent souventdes parts de marché élevées et ont de meilleures chances de survie49.

Pour la marque, ensuite. Les extensions peuvent contribuer à clarifier la signi-fication de la marque et les valeurs auxquelles elle est associée. Elles peuvent éga-lement préciser ou faire évoluer les perceptions des consommateurs. Parfois, ellespeuvent favoriser leur fidélité en multipliant les occasions de contact et d’achatde la marque. Elles accroissent alors sa visibilité et sa notoriété, à l’instar des platssurgelés Weight Watchers qui ont mieux fait connaître la marque50.

b) Les risques associés à l’extension de marqueDans le même temps, une telle stratégie n’est pas sans risque51. Le nouveau pro-duit peut être défavorisé par la marque, si celle-ci véhicule des associations peucohérentes avec la catégorie de produits concernée.

BIC. Le lancement des parfums Bic constitue un exemple célèbre d’extension ratée. Cettemarque avait réussi à commercialiser diverses catégories de produits peu coûteux et jeta-bles : les stylos-billes non rechargeables à la fin des années 1950, les briquets jetables au débutdes années 1970, les rasoirs jetables au début des années 1980. En 1989, elle commercialisa,avec la même approche, des parfums. Le marketing-mix reposait sur un jus de grande qua-lité olfactive, de petits flacons spray qui ressemblaient à de gros briquets, un prix de vente de4 euros et le réseau de distribution habituel de Bic, largement fondé sur les débits de tabac. Àl’époque, le porte-parole de Bic présenta le projet comme une extension de l’héritage Bic :« Une grande qualité à un prix abordable, facile à acheter et à utiliser. » L’entreprise consacra15 millions d’euros à la campagne de lancement en Europe et aux États-Unis. Pourtant,l’image populaire de la marque et son manque de cachet apparurent comme des obstaclesinsurmontables pour commercialiser cette catégorie de produits. Le réseau de distributionétait également un handicap, notamment du fait que les débits de tabac étaient peu adaptésà un produit olfactif. L’extension fut un échec cuisant, qui fait aujourd’hui office de casd’école en marketing52.

Plus grave encore, le nouveau produit peut décevoir et jeter le discrédit sur lamarque. Si l’extension concerne une activité éloignée, elle peut, en outre, créerune confusion dans l’esprit du consommateur et brouiller son image, qui ne seraplus associée avec aucun produit53.La dilution d’image intervient lorsque les consommateurs n’associent plus la marque avec unproduit ou un ensemble de produits spécifiques et qu’elle génère moins d’associations dansleur esprit.

Le pire scénario intervient lorsque l’extension remet en cause l’image anté-rieure de la marque. Certaines marques de prestige ont ainsi vu leur image se

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dégrader du fait de la multiplication des extensions réalisées. Heureusement, cetype de situation reste rare.

c) Les critères de succès d’une extension de marqueUne extension est dommageable si elle cannibalise les anciens produits de la mar-que parce qu’elle leur est trop proche. Elle est modérément réussie si elle favorisele nouveau produit sans affecter les anciens. Elle est véritablement réussie si ellesert les ventes des anciens et du nouveau produit, tout en faisant évoluer favorable-ment le capital de la marque. Une extension peut même permettre à la marque deréaliser, par la suite, d’autres extensions parce qu’elle a fait évoluer son identité.

Pour prendre la décision adéquate, les sociétés tentées par une extension deleur marque doivent précisément analyser l’impact de la marque sur le nouveauproduit en lancement, et l’effet de celui-ci sur la notoriété et l’image de lamarque54. La question-clé est celle de la cohérence entre l’extension et la marque,ce que l’on appelle le fit. Cette cohérence repose sur deux dimensions de lamarque55 : d’une part, sa composante « produits », c’est-à-dire la catégorie deproduits à laquelle elle est associée dans l’esprit des consommateurs, ce quidonne lieu à une analyse de la typicalité de la marque ; d’autre part, sa compo-sante « image », c’est-à-dire les associations mentales.

Les travaux académiques ont mis en évidence plusieurs phénomènes autourde l’extension de marque56 :

– Les extensions réussies reposent sur des marques générant des associationsmentales positives et pour lesquelles les consommateurs perçoivent uneforte cohérence entre la marque et le produit d’extension. Cette cohérencepeut être fondée sur de nombreux aspects : les attributs physiques du pro-duit, les contextes de consommation et leur complémentarité avec lescontextes habituels de la marque, les valeurs associées à la marque, ouencore les types de consommateurs.

– Lorsqu’une marque est étroitement associée à une catégorie de produits, ilest plus difficile de réaliser des extensions.

– Les associations mentales de la marque avec des attributs concrets du pro-duit sont plus difficiles à étendre que les associations fondées sur des bénéfi-ces clients plus abstraits.

– Il peut arriver que des associations positives dans le contexte d’origine de lamarque deviennent négatives dans le contexte de l’extension.

– L’attitude des consommateurs envers une extension de marque est d’autantplus favorable que l’attitude envers cette marque est bonne57.

– Les extensions peuvent être plus lointaines pour les marques associées à uneimage de qualité.

– Une extension ratée affecte la marque seulement s’il existe une forte cohé-rence entre elle et l’activité d’extension.

– Une extension ratée n’empêche pas la marque de revenir en arrière et de réa-liser par la suite des extensions plus similaires à son activité d’origine.

Pour anticiper les conséquences d’une extension, le responsable marketingdoit d’abord analyser l’identité de la marque en distinguant le noyau central deséléments périphériques. Il convient alors de s’assurer que les caractéristiques dunouveau produit sont cohérentes avec le noyau central de manière à maintenirune logique dans les activités de la marque. Si ce n’est pas le cas, il est préférablede renoncer à l’extension. On analyse ensuite les incohérences entre l’activité

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d’extension et les éléments périphériques de l’identité de marque qui, non rédhi-bitoires, peuvent au contraire faire évoluer l’image de la marque sans altérer sasignification. Une erreur classique lorsque l’on évalue les avantages d’une exten-sion de marque est de ne pas prendre en compte toutes les structures mentalesassociées à la marque dans les perceptions des consommateurs. Les responsablesmarketing se focalisent sur certains aspects et négligent d’autres associations.

4.3. Le portefeuille de marquesLa plupart des entreprises choisissent d’avoir plusieurs marques en parallèle afinde toucher des segments de marché distincts. Plusieurs arguments plaident enfaveur d’un portefeuille de marques multiples. D’abord, la bataille est sévèrepour le linéaire en supermarchés et hypermarchés. En introduisant plusieursmarques, un fabricant bénéficie d’un linéaire plus important, au détriment de laconcurrence. Ensuite, peu de consommateurs sont fidèles à une marque au pointde ne jamais en essayer une autre. L’entreprise n’est alors pas pénalisée par larecherche de variété. Troisièmement, le lancement de nouvelles marques est unfacteur d’enthousiasme et d’efficacité chez le fabricant. Des sociétés telles queGeneral Motors et P&G voient leurs marques individuelles se livrer, par l’inter-médiaire de leurs responsables, une véritable guerre qui permet de maintenir ledynamisme de tous. Enfin, une stratégie multimarques permet de tirer profit del’existence de segments au sein du marché. Les consommateurs de chaque seg-ment répondent à des axes publicitaires spécifiques, et même des différencesmarginales entre les marques peuvent avoir une grande importance.Le portefeuille de marques est l’ensemble des marques qu’une entreprise donnée commercia-lise dans une catégorie de produits.

Lorsqu’une société investit une nouvelle catégorie de produit ou auprès d’unnouveau segment, elle peut estimer qu’aucune de ses marques actuelles n’estadaptée. Ainsi, lorsque Toyota ou Nissan ont voulu pénétrer le marché des voitu-res de luxe, elles l’ont fait à travers de nouvelles marques (respectivement Lexuset Infiniti)58.

GAP. Fondée en 1969 à partir de l’expression « generation gap » (fossé de générations enanglais), la chaîne de distribution s’est développée en commercialisant sous sa marque desvêtements décontractés, pratiques, simples et stylés. Puis, elle a multiplié ses marques, soiten les créant, soit en les rachetant : GapKids a été créée en 1986 à destination des enfants ;Banana Republic, marque de vêtements plus haut de gamme fondant son identité sur lethème du voyage et des safaris, a été rachetée en 1983, puis a évolué vers une image plusurbaine ; Old Navy a été créée en 1994 pour commercialiser des vêtements à bas prix.

Un portefeuille de marques doit être évalué en fonction de sa capacité à maximi-ser le capital de chacune d’elles sans empiéter sur les autres. Le responsable marke-ting doit alors faire des arbitrages entre la couverture du marché le plus largepossible et la construction d’une identité de marque cohérente et spécifique, avecdes considérations de coûts, d’économies d’échelle et de rentabilité. Il faut veiller àéviter, dans la mesure du possible, toute cannibalisation entre les marques d’unemême entreprise59. Si la rentabilité peut être améliorée en abandonnant certainesmarques, c’est que le portefeuille est trop large et qu’il faut le restreindre ; si la ren-tabilité peut être renforcée en ajoutant des marques, c’est que le portefeuille est tropétroit et qu’il faut le compléter. Depuis plusieurs années, les marques de grandeconsommation ont tendance à rétrécir leur portefeuille de marques (encadré 9.11).

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ELECTROLUX. En 1996, le fabricant de produits d’équipement électroménager alimentaireavait un large portefeuille de 15 marques en Europe occidentale, dont une seule (Zanussi)était commercialisée dans plus d’un pays. En passant d’une structure de l’offre par niveaude prix – faible, moyen, élevé – à une approche par besoin des clients – depuis les solutionsde base jusqu’aux produits de prestige à destination des gourmets –, Electrolux put réduireson portefeuille à quatre marques européennes. Les économies d’échelle qui en résultèrent,l’aidèrent à retrouver une rentabilité positive en 2001.

Au sein d’un portefeuille, certaines marques remplissent des rôles particuliers.Les marques d’attaque sont positionnées en fonction des marques concurrentes afinque les marques phares de l’entreprise puissent maintenir leur propre position-nement. Les vaches à lait sont appréciées par un grand nombre de clients fidèles etsont extrêmement rentables, malgré des ventes stables ou en déclin. Ces marquesdoivent être rentabilisées au maximum en limitant les investissements marketingdont elles font l’objet afin de s’appuyer sur le capital marque existant. Les mar-ques d’appel, à bas prix, ont pour but de faire venir à l’entreprise de nouveauxclients. Les distributeurs apprécient ce type de marques génératrices de trafic,espérant que les clients ainsi conquis monteront ensuite en gamme si l’entreprisefait le lien avec les marques plus haut de gamme de son portefeuille, par exempleà travers une marque mère commune. Les marques de prestige, enfin, commeLexus chez Toyota ou Velsatis chez Renault, ajoutent du prestige et confèrent dela crédibilité au portefeuille de marques dans son ensemble.

9.11 Pour approfondir

La tendance à l’élagage du portefeuille de marquesLe 21 septembre 1999, la société Unilever annonçaitqu’elle allait réduire le nombre de ses marques de 1 600à 400. Quelque temps plus tôt, Danone avait supprimédes marques aussi connues que l’Alsacienne. Lafuma aégalement éliminé six de ses neuf marques...

La réduction d’un portefeuille de marques permet àl’évidence de bénéficier d’économies d’échelle. Danoneestime ainsi que la suppression de l’Alsacienne au profitde Belin lui a fait gagner 12 millions d’euros par an (pac-kaging, frais de référencement, coûts commerciaux). Deplus, les marques restantes, qui de ce fait s’étendent,bénéficient d’un budget plus important. « En divisantpar deux notre portefeuille de marques, explique le pré-sident des produits capillaires Eugène Perma, nousavons fait bénéficier chaque marque d’un budget publi-citaire de 7 millions d’euros contre 1 million aupara-vant. » Enfin, jouir d’un nom puissant permet de mieuxnégocier avec la distribution.

Parallèlement, il y a quelques risques à réduire lenombre de marques. D’abord, on n’est jamais certain de

retrouver la part de marché d’origine. Ainsi, lorsqueArthur Martin et Electrolux ont été fusionnées, la part demarché de l’ensemble est restée inférieure à la sommedes deux parts séparées. Par ailleurs, un grand nombrede marques permet de « verrouiller » le marché. Procter& Gamble détient ainsi 30 % du marché des lessives aveccinq marques (Ariel, Gama, Dash, Vizir et Bonux). Unnombre limité de marques réduit les possibilités depositionnement distinct. Une solution intermédiaireconsiste alors à utiliser une marque « caution » qui enchapeaute plusieurs autres. Par exemple, les biscuitsPrince, Taillefine et Petit Écolier vivent tous sousl’ombrelle de Lu.

Sources : adapté de « Vous faut-il une ou plusieurs marques ? La ten-dance est à en diminuer le nombre... », Management, novem-bre 1999, p. 78-99. Voir également Georges Lewi, La marque, (Paris :Vuibert, 1999) ; George S. Low et Ronald A. Fullerton, « Brands,Brand Management and the Brand Manager System : A Critical-His-torical Evaluation », Journal of Marketing Research, mai 1994, p. 173-190.

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CHAPITRE 9 • Développer le capital marque 349

Résumé1. La marque est un nom, un terme, un signe, un symbole, un dessin ou toute

combinaison de ces éléments servant à identifier les biens ou services d’un ven-deur ou d’un groupe de vendeurs, et à les différencier des concurrents.

2. La marque joue plusieurs rôles auprès des clients et des entreprises. Elle cons-titue un outil essentiel de différenciation. Il s’agit d’un actif intangible qui doitêtre géré avec soin.

3. Le capital marque est la valeur apportée par la marque aux produits et servicesqu’elle porte. D’un point de vue marketing, il s’agit de la différence provoquéepar la connaissance de la marque dans la manière dont les consommateurs réa-gissent à son marketing. L’évaluation du capital marque peut se faire de plu-sieurs manières. Une approche centrée sur les consommateurs analyse leurconnaissance de la marque, les associations mentales auxquelles elle est asso-ciée et son impact sur les comportements d’achat. Cette analyse peut être réali-sée au niveau individuel ou agrégé.

4. La construction du capital marque repose sur trois types d’outils : (1) le choixdes composantes de la marque et de leur identité visuelle ; (2) les programmesmarketing et la manière dont ils intègrent la marque ; (3) l’association avecd’autres entités (une entreprise, un pays, un réseau de distribution, une autremarque) dont l’identité sera en partie transférée à la marque. Des audits demarque permettent d’analyser sa perception par les consommateurs et sa cohé-rence avec les produits, la politique marketing et l’identité souhaitée.

5. La gestion des marques exige d’adopter une vision de long terme et d’opérerun arbitrage entre la nécessité d’investir dans la durée pour construire et ren-forcer le capital marque et la volonté de rentabiliser ces investissements. Gérerles marques suppose de renforcer régulièrement celles qui bénéficient d’uneidentité favorable, d’en revitaliser certaines, de construire une stratégie cohé-rente face aux marques de distributeurs.

6. La stratégie de marque d’une entreprise reflète le nombre et la nature des mar-ques détenues par l’entreprise. Une stratégie d’extension consiste à utiliser unemarque qui a fait ses preuves afin de lancer un produit dans une nouvelle caté-gorie. Une telle stratégie est associée à des avantages et des risques, à la foispour l’activité d’extension et pour la marque elle-même. C’est pourquoi ce typede décision exige une analyse préalable soignée de l’identité de la marque etdes enjeux associés à l’extension.

7. Le portefeuille de marques est l’ensemble des marques qu’une entreprise com-mercialise dans une catégorie de produits. Certaines sociétés optent pour desmarques multiples afin de toucher différents segments de marché. D’autresrétrécissent leur portefeuille pour concentrer leurs investissements sur quel-ques marques.

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Notes1. Stéphane Barge, « Google, le nouveau maître du monde »,

Capital, octobre 2005, p. 36-42 ; www.interbrand.com2. Sophie Changeur, « Le capital marque : concepts et

méthodes », Cahier de recherche, IAE d’Aix en Provence,n° 648, 2002.

3. Définition de l’American Marketing Association. Sur lamarque et les stratégies de marque, voir GéraldineMichel, Au cœur de la marque (Paris : Dunod, 2004).

4. Jacob Jacoby, Jerry Olson et Rafael Haddock, « Price,Brand name, and Product Composition Characteristicsand Determinants of Perceived Quality », Journal of Con-sumer Research, vol. 3, n° 4, 1971, p. 209-216 ; JacobJacoby, George Syzbillo, et Jacqueline Busato-Sehach,« Information Acquisition Behavior in Brand ChoiceSituations », Journal of Marketing Research, 1977, p. 63-69.

5. www.bose.com6. Leslie de Chernatony et Gil McWilliam, « The Varying

Nature of Brands and Assets », International Journal ofAdvertising, vol. 8, n° 4, 1989, p. 339-349.

7. Constance Bagley, Managers and the Legal Environment :Strategies for the 21st Century, 2e edition (Cincinnati :West Publishing, 1995).

8. Tulin Erdem, « Brand Equity as a Signaling Phenome-nom », Journal of Consumer Psychology, vol. 7, n° 2, 1998,p. 131-157.

9. Scott Davis, Brand Asset Management (San Francisco : Jos-sey-Bass, 2000) ; D. Bello et M. Holbrook, « Does anAbsence of Brand Equity Generalize Across ProductClasses ? », Journal of Business Research, vol. 34, 1996,p. 125-31 ; Mary Sullivan, « How Brand Names Affectthe Demand for Twin Automobiles », Journal of Marke-ting Research, vol. 35, 1998, p. 154-65 ; Adrian Slywotzkyet Benson Shapiro, « Leveraging to Beat the Odds : TheNew Marketing Mindset », Harvard Business Review, sep-tembre-octobre 1993, p. 97-107.

10. Charles Lepeu (éd.), Le livre des grandes marques (Paris,2005), p. 36-37.

11. Jean-Marc Ferrandi, Dwight Merunka et Pierre Valette-Florence, « La personnalité de la marque : bilan et pers-pectives », Revue Française de Gestion, 2003, p. 145-161 ;Jennifer Aaker, « Dimensions of Brand Personality », Jour-nal of Marketing Research, vol. 34, n° 3, 1997, p. 347-356.

12. Jean-Marc Ferrandi et Pierre Valette-Florence, « Premiertest et validation de la transposition d’une échelle depersonnalité humaine aux marques », Recherche et Appli-cations en Marketing, vol. 17, n° 3, 2002, p. 21-40.

13. Georges Lewi, Les marques, Mythologie du quotidien(Paris : Village Mondial, 2003). Sur la relation entre mar-que et consommateur, voir Benoît Heilbrunn, Modalitéet enjeux de la relation consommateur-marque, RevueFrançaise de Gestion, vol.29, n° 145, 2003, p. 131-143.

14. D’autres approches sont fondées sur la théorie économiquedu signal (voir Tulin Erdem, « Brand Equity as a SignalingPhenomenon », Journal of Consumer Psychology, vol. 7, n° 2,1998, p. 131-157) ou sur une perspective plus sociologique,anthropologique, ou même biologique (par exemple, GrantMcCracken, « Culture and Consumption : A TheoreticalAccount of the Structure and Movement of the CulturalMeaning of Consumer Goods », Journal of ConsumerResearch, vol. 13, 1986, p. 71-83 ou Susan Fournier, « Consu-mers and Their Brands : Developing Relationship Theoryin Consumer Research », Journal of Consumer Research, 1998,vol. 24, n° 3, p. 343-373).

15. Jean-Noel Kapferer, Les marques, capital de l’entreprise :créer et développer des marques fortes, 3e édition (Paris :Éditions d’organisation, 2001) ; David Aaker et JacquesLendrevie, Le capital marque (Paris : Dalloz, 1994) ; DavidAaker et Erich Joachimsthaler, Brand Leadership (NewYork : Free Press, 2000) ; Kevin Keller, Strategic BrandManagement, 2e éd. (Upper Saddle River : Prentice-Hall,2003) ; Scott Davis, Brand Asset Management : DrivingProfitable Growth Through Your Brands (San Francisco :Jossey-Bass, 2000). Pour une analyse de la recherche surla marque, voir le numéro spécial de la Revue Française deGestion coordonné par Jean-Noël Kapferer en 2003, ainsique Kevin Keller, « Branding and Brand Equity », inHandbook of Marketing, éds., Bart Weitz and Robin Wens-ley (Sage Publications, 2002, p. 151-178).

16. Kevin Keller, op. cit.17. « Apple Transcends as Lifestyle Brand », Advertising

Age, 15 juin 2003, p. S2 et S6.18. Sophie Changeur, « Stratégies de marque et richesse des

actionnaires : une approche financière du capital mar-que », Recherche et Applications en Marketing, vol. 19, n° 4,décembre 2004, p. 23-38.

19. Voir Bernard Dubois et Patrick Duquesne, « Valeurimaginaire de la marque, valeur fonctionnelle des pro-duits : les scénarios de l’échange », Séminaire IREP« Marque et innovation », 26 juin 1996.

20. Voir Sophie Changeur, « Le capital marque : concepts etméthodes », Cahier de recherche, IAE d’Aix en Provencen° 648, 2002 ; Sandor Czellar et Jean-Émile Denis, « Unmodèle intégrateur du capital-client de la marque : uneperspective psycho-cognitive », Recherche et Applicationsen Marketing, vol. 17, janvier 2002, p. 43-56 ; PhilippeJourdan, « Le capital marque : proposition d’une mesureindividuelle et essai de validation », Recherche et Applica-tions en Marketing, vol. 16, avril 2001, p. 3-24 ; voir égale-ment le numéro spécial de l’International Journal ofResearch in Marketing, automne 1993, ainsi queP. Barwise et al., Accounting for brands (London : Instituteof Chartered Accountants in England and Wales, 1990).

21. Voir par exemple Sandor Czellar et Jean-Émile Denis,« Un modèle intégrateur du capital-client de la marque :une perspective psycho-cognitive », Recherche et Applica-tions en Marketing, vol. 17, n° 1, 2002, p. 43-56.

22. H. Krishnan, « Characteristics of memory associations :A consumer-based brand equity perspective », Interna-tional Journal of Research in Marketing, octobre 1996,vol. 13, n° 4, p389-405.

23. Des modèles agrégés d’inspiration plus marketing exis-tent également. Ainsi, certaines approches fondées surdes données de panel permettent d’évaluer un indica-teur de la valeur de la marque pour chaque enseigne dedistribution. Voir Anne-Sophie Bayle-Tourtoulou etMichel Dietsch, « Indicateur de la valeur de marque etvariables d’offre : analyse empirique sur données depanel de magasin », Recherche et Applications en Marke-ting, vol. 17, n° 3, 2002.

24. Anne Lavaud, « Ce club prisé des 23 milliardaires », CBNews, 30 mai 2005, p. 13 et www.interbrand.com

25. David Aaker, Building Strong Brands (New York : TheFree Press, 1996).

26. Géraldine Michel, « Évolution des marques : approchepar la théorie du noyau central », Recherche et Applica-tions en Marketing, vol. 14, n° 4, 1999, p33-53.

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27. Kevin Keller, « Building Customer-Based Brand Equity »,Marketing Management, vol. 10, juillet-août 2001, p. 15-19.

28. Voir Marcel Botton et Jean-Jack Cégarra, Le nom demarque (Paris : McGraw-Hill, 1990) ; Kim Robertson,« Strategically Desirable Brand Name Characteristics »,Journal of Consumer Marketing, automne 1989, p. 61-70 ;C. Kohli et D. La Bahn, « Creating Effective BrandNames : A Study of the Naming Process », Journal ofAdvertising Research, janvier-février 1997, p. 67-75.

29. Benoît Heilbrunn, Le Logo (Paris : PUF, « Que sais-je »,2001).

30. Le livre des grandes marques, op. cit., p. 48-49.31. Mohanbir Sawhney, « Don’t Harmonize, Synchronize »,

Harvard Business Review, juillet-août 2001, p. 101-108.32. David Court, John Forsyth, Greg Kelly et Mark Loch,

« The New Rules of Branding : Building Strong BrandsFaster », McKinsey Marketing Practice 13 ; Scott Bedbury,A New Brand World (Viking Press, 2002).

33. Christophe David, « Chupa Chups victime de sa gour-mandise », Capital, octobre 2003, p. 45-46 ; et Ian Wylie,« These Lollies are About to Go Pop », Fast Company,décembre 2002, p. 52-54.

34. Scott Davis et Michael Dunn, Building the Brand DrivenBusiness (John Wiley & Sons, 2002) ; Colin Mitchell,« Selling the Brand Inside », Harvard Business Review,janvier 2002, p. 99-105 ; Donald Tosti et Roger Stotz,« Building Your Brand from the inside out », MarketingManagement, juillet-août 2001 et P. Berthon, JM Hulbert,L. Pitt, « Brand Management Prognostications », SloanManagement Review, hiver 1999, p. 53-65.

35. Lydiane Huvé-Nabec, « L’extension du circuit de distri-bution sélectif d’une marque : quelles répercussions surl’image de la marque et celle de l’enseigne ? », DécisionsMarketing, n° 35, juillet-septembre 2004, p. 49-60.

36. David Kiley, « To Boost Sales, Volvo Returns to itsRoots : Safety », USA Today, 26 août 2002, p. 6B.

37. Nathalie Mizik et Robert Jacobson, « Trading OffBetween Value Creation and Value Appropriation : TheFinancial Implication of Shifts in Strategic Emphasis »,Journal of Marketing, vol. 67, janvier 2003, p. 63-67.

38. Jean-Marie Lehu, « Personnages emblématiques : lavieillesse peut être un naufrage », La Revue des Marques,juillet 1998, p. 6-21.

39. Capital, « Harley-Davidson, c’est reparti comme au bonvieux temps ! » de C. Piétralunga, août 2003, pp. 30-32.

40. Jean Botella, « Les grandes marques valent-elles leurprix ? », Capital, mars 2005, p. 50-52 ; Céline Astruc,« Surgelés : les marques nationales en péril », LSA, 2 juin2005, p. 60-62.

41. « MDD non alimentaires : le prix n’est pas leur seule cléd’entrée », LSA, 24 novembre 2005, p. 66-67.

42. Recueil de prix réalisé en mars 2004 au CarrefourBercy 2.

43. Voir « Quelle stratégie face aux marques de distribu-teurs ? », L’Essentiel du management, 23 février 1996,no 102-108. Voir aussi Price Auchenthaler, « Les mar-ques, un rôle catalyseur dans l’innovation », Les Echos,15 septembre 1998, p. 47 ; et « Marketing : innover pourséduire », Entreprendre, 1er avril 1998, p. 86-87.

44. « MDD : combattre les idées reçues », LSA, 16 mai 2002,p. 48-53.

45. Jean-Noël Kapferer, « Les marques face au hard-dis-count : quelle marge de manœuvre ? », Revue Françaisede Gestion, vol. 30, n° 150, mai-juin 2004.

46. David Aaker et Erich Joachimsthaler, Brand Leadership(New York : Free Press, 2000), p. 120.

47. « Nestlé veut faire passer La Laitière du frais au sec sanspublicité », CB News, 25 janvier 1999, p. 8.

48. Pour une analyse approfondie des enjeux et des risquesassociés aux extensions de marque, voir Géraldine Michel,Au cœur de la marque (Paris : Dunod, 2004), chapitre 4.

49. Géraldine Michel, La stratégie d’extension de marque (Paris :Vuibert, 2000) ; Byung-Do Kim et Mary Sullivan, « TheEffect of Parent Brand Experience on Line Extension Trialand Repeat Purchase », Marketing Letters, n° 9, avril 1998,p. 181-193 ; Kevin Keller et David Aaker, « The Effects ofSequential Introduction of Brand Extensions », Journal ofMarketing Research, vol. 29, février 1992, p. 35-50 ; JohnMilewicz et Paul Herbig, « Evaluating the Brand Exten-sion Decision Using a Model of Reputation Building »,Journal of Product & Brand Management, 3, 1, 1994, p. 39-47.

50. Subramanian Balachander et Sanjoy Ghose, « ReciprocalSpillover Effects : A Strategic Benefit of Brand Exten-sions », Journal of Marketing, vol. 67, n° 1, janvier 2003.

51. Barbara Loken et Deborah Roedder-John, « DilutingBrand Beliefs : When Do Brand Extensions Have a Nega-tive Impact ? », Journal of Marketing, juillet 1993, p. 71-84 ;voir également le numéro spécial de mai 1994 du Journalof Marketing Research, entièrement consacré aux marques ;Peter S. Fader et Bruce S.G. Hardie, « Le produit au-delàde la marque », L’art du marketing, (Paris : Village Mon-dial, 1999), p. 111-116 ; M. Tauber, « Brand FranchiseExtension : New Product Benefit from Existing BrandNames », Business Horizons, 24/2 (1981), p. 36-41.

52. Henri Joannis, Cas Bic, groupe HEC ; Andrea Rothman,« France's Bic Bets U.S. Consumers Will Go for Perfumeon the Cheap », Wall Street Journal, 12 janvier 1989, p. B6.

53. John Quelch et David Kenny, « Extend Profits, Not Pro-duct Lines », Harvard Business Review, septembre-octobre1994, p. 153-60 ; Bruce Hardle, Leonard Lodish, JamesKilmer, David Beatty et al., « The Logic of Product-LineExtensions », Harvard Business Review, novembre-décem-bre 1994, p. 53-62 ; J. Andrews et G. Low, « New But NotImproved : Factors That Affect the Development of Mea-ningful Line Extensions », Working Paper Report, n° 98-124, Cambridge, MA : Marketing Science Institute,novembre 1998 ; Maureen Morrin, « The Impact ofBrand Extensions on Parent Brand Memory Structuresand Retrieval Processes », Journal of Marketing Research,vol. 36, n° 4, p. 517-525.

54. Barbara Loken et Deborah Roedder John, « DilutingBrand Beliefs : When Do Brand Extensions Have a Nega-tive Impact ? », Journal of Marketing, juillet 1993, p. 71-84 ; Deborah Roedder John, Barbara Loken, et Christo-pher Joiner, « The Negative Impact of Extensions : CanFlagship Products Be Diluted », Journal of Marketing, jan-vier 1998, p. 19-32 ; Susan Broniarcyzk et Joseph Alba,« The Importance of the Brand in Brand Extension »,Journal of Marketing Research, mai 1994, p. 214-28. Voirégalement R. Ahluwalia et Z. Gürhan-Canli, « TheEffects of Extensions on the Family Brand Name : AnAccessibility-Diagnosticity Perspective », Journal of Con-sumer Research, vol. 27, décembre 2000, p. 371-81 ;Z. Gürhan-Canli et M. Durairaj, « The Effects of Exten-sions on Brand Name Dilution and Enhancement », Jour-nal of Marketing Research, vol. 35, 1998, p. 464-73 ; S. J.Milberg, C. W. Park, et M. S. McCarthy, « ManagingNegative Feedback Effects Associated with Brand Exten-

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sions : The Impact of Alternative Branding Strategies »,Journal of Consumer Psychology, vol. 6, 1997, p. 119-40.

55. Voir Mehdi Seltene, « Processus d’évaluation de l’exten-sion de marque par le consommateur : conception etvalidation d’un modèle de décomposition », Recherche etApplications en Marketing, vol. 19, n° 1, 2004, p. 1-24.

56. Kevin Keller, op. cit., 2003.57. Sophie Changeur et Jean-Louis Chandon, « Le territoire-

produit : étude des frontières cognitives de la marque »,

Recherche et Applications en Marketing, 1995, vol. 10, n° 2,p. 31-52 ; Chantal Lai, « Les déterminants de l’attitudeenvers les extensions de marques », Recherche et Applica-tions en Marketing, 2001, vol. 17, n° 1, p. 21-42.

58. « Pour tout changer, les constructeurs automobiles lan-cent de nouvelles marques », Le Monde, 6 mai 1998, p. 20.

59. Voir Mark B. Taylor, « Cannibalisation in MultiBrandFirms », Journal of Business Strategy, printemps 1986, p. 69-75.

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CHAPITRE 9 • Développer le capital marque 353

Activités

Question de réflexionPour ou contre un portefeuille de marques élargi ?Certains spécialistes marketing soulignent l’utilité de disposer de multiples mar-ques dans une même catégorie pour toucher des segments de marché différents etpour fidéliser, à leur insu, des clients qui aiment changer de marque. D’autresdénoncent le coût de telles politiques et la dispersion des investissements qui enrésultent, insistant sur la force des marques sur lesquelles les efforts sont concen-trés. Qu’en pensez-vous ? Est-il préférable d’avoir une seule marque ou plusieurs ?

ExerciceAnalysez les points communs et les différences entre les modèles d’évaluation ducapital marque présentées dans ce chapitre. Lequel vous paraît le plus pertinent ?Pourquoi ?

Étude de casMr. PropreProcter & Gamble crée, aux États-Unis en 1959, la marque Mr. Clean, et l’intro-duit en France sous le nom Mr. Propre en 1966. Très rapidement, elle est incar-née par un personnage : un marin musclé et chauve, qui porte un tee-shirt blancimmaculé et met ses muscles au service du nettoyage. Son crâne est aussi netqu’un lavabo bien propre. Le positionnement, centré sur l’efficacité, est soutenupar la présence de l’ammoniaque dans le détergent. Comme l’odeur de ce com-posant est un peu forte, l’entreprise lance en 1972 un parfum au citron – c’est lepremier nettoyant ménager parfumé –, puis dans les années 1990, les parfumsfraîcheur cascade, lavande, fraîcheurs du monde et senteur des bois.

La marque fait très tôt l’objet de campagnes publicitaires, d’abord dans lesmagazines féminins, puis, dès 1969, à la télévision. En un clin d’œil et en claquantdes doigts, Mr. Propre nettoie tout du sol au plafond. Le clin d’œil et le claque-ment de doigts entrent d’ailleurs dans les composantes de la marque et restentprésents campagne après campagne. La promesse intègre progressivement labrillance en plus de l’efficacité. Le slogan « Mr. Propre rend tout si propre quel’on peut se voir dedans » apparaît dans les années 1970. Les films publicitairestournent autour d’un scénario commun : une ménagère ignorante découvreMr. Propre grâce à une amie ; celle-ci n’a d’ailleurs aucun mal à prouver la perti-nence de son conseil puisqu’après application du produit, la ménagère initiéevoit son propre reflet dans le sol !

Dans les années 1990, la personnalité de la marque évolue pour tenir comptedes évolutions sociologiques. Mr. Propre apparaît comme un bon génie qui aideles femmes pour leur permettre de faire autre chose que le ménage. Il rend égale-ment service aux hommes qui prennent en charge certaines tâches ménagères.Progressivement, la communication met moins en avant le produit et davantagela marque et son personnage.

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À la fin des années 1990, Mr. Propre devient un personnage à la mode. Il com-munique de façon humoristique autour de l’actualité. Lors de la coupe du mondede football en 1998, une campagne fait remarquer que les meilleurs joueurs sontchauves. Lors de la création du PACS, Mr. Propre indique qu’il n’a pas attendu« pour se mettre en ménage ». Lors de la Saint-Valentin, on découvre une affichede Mr. Propre serrant contre lui une éponge avec pour déclaration : « Son seulamour, c’est votre intérieur ». En 2001, « Rien de tel qu'un homme qui vous offreson corps » pour la Journée des femmes, ou « Besoin de faire le ménage dans lasélection ? » au moment du festival de Cannes. Des tee-shirts à l’effigie du per-sonnage sont vendus dans le commerce. La marque bénéficie en 2004 d’un tauxde notoriété assistée de 92 % en France, et d’une image très positive, à la fois sym-pathique, conviviale et efficace. Mr. Propre vend un flacon toutes les secondesdans plus de cinquante pays du monde.

Au début des années 2000, la marque fait l’objet de plusieurs extensions : leslingettes détergentes en 1999 remportent un grand succès ; des balais et des gantsde ménage sont proposés sous licence Mr. Propre à partir de 2002.

La lessive Mr. Propre est lancée en Allemagne, en Autriche et en Suisse en2002, en France en novembre 2004. Cette extension de marque apparaît commeun événement dans un secteur qui n’avait pas vu apparaître de nouvelle marquedepuis vingt ans et qui connaît une décroissance (– 5 % en valeur en 2004). Lemarché est atomisé avec 19 marques distinctes, en plus des marques distributeursqui représentent 28 % de part de marché. Le leader, Ariel, du même groupe Proc-ter & Gamble, détient de 21 % du marché devant Skip, de la société Unilever(14 %), positionné autour du plaisir et de la practicité.

Le paquet de lessive Mr. Propre présente le personnage emblématique de lamarque plutôt que les visuels habituels des lessives évoquant les machines à

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laver. Toutefois, ses bras musclés ne sont pas visibles afin de ne pas évoquer unecorvée à faire à la main et de ne pas laisser penser que la lessive est agressivepour le linge. Le prix de vente varie selon les pays : il se situe en milieu de gammeen Allemagne, Autriche et Suisse ; il est plus élevé en France (2,40 euros le litrepour une bouteille de 3 litres, par exemple, là où Skip et Ariel, les deux marqueshaut de gamme du marché, coûtent respectivement 2,42 euros et 2,65 euros)*. Cechoix vise probablement à bénéficier de l’image haut de gamme de la marque enFrance, ainsi qu’à attaquer le challenger Skip. Le référencement du produit estrapide et atteint 80 % de grandes surfaces en deux mois. La communication estfondée sur plusieurs outils : des publicités radio, par affichage et bien sûr télévi-sées, mais pour une part plus réduite qu’habituellement dans ce secteur (34 % dubudget, contre souvent 80 %) ; Internet avec un jeu-concours et des forums dediscussion autour de la question « Pourquoi le tee-shirt de Mr. Propre est-il sipropre ? » ; des promotions sur le lieu de vente avec de nombreuses têtes de gon-dole et animations (Mr. Propre tournant dans le hublot d’une fausse machine àlaver). En complément, la presse, notamment économique, évoque largementl’événement.

En 2005, la marque obtient une part de marché en valeur de 0,9 % en France ;globalement, Procter & Gamble perd cette année-là 0,8 % du marché avec unscore multimarque de 36,2 % en valeur. « Compte tenu des baisses de prix et depromotions pratiquées en 2005, nous n’avons pas pu soutenir Mr. Propre commenous le souhaitions », reconnaît Jérôme Dubois, responsable du trade marketingsoins du linge chez Procter & Gamble, qui souligne également que le score globalde l’entreprise a augmenté sur les derniers mois de l’année. Plus généralement, le

* Prix relevés sur le site auchandirect.fr en mars 2005.

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marché des lessives continue à décroître (– 4,9 % en valeur et – 2,2 % en volumeen 2005). Le hard-discount représente 11 % des ventes (+ 1,7 point). Dans cecontexte, il est décidé, début 2006, de retirer progressivement la marque Mr. Pro-pre du rayon lessive, à l’exception de la lessive liquide.

Sources : François Bernheim, Guide de la publicité et de la communication (Paris : Larousse : 2004),p. 18-19 et 282 ; C. Riste, « Procter & Gamble fait le ménage dans ses lessives », LSA, 5 janvier2006, p. 32 ; C. Riste, « Entretien : la situation devient critique », LSA, 9 juin 2005, p. 51-54 ;A. Rosencher, « Au secours, Mr. Propre débarque au rayon lessive ! », Capital, février 2005, 84-86 ; Jean-Watin Augouard, « Mr. Propre ne ménage pas ses tours de magie », La Revue des mar-ques, n° 49, janvier 2005, p. 27-33.

Questions1. Faites une analyse du capital marque de Mr. Propre en étudiant notamment

les associations mentales qui lui sont associées.

2. Réalisez une analyse rétrospective de l’extension de la marque Mr. Propre aux lessives, en identifiant les conséquences positives et négatives pour la marque et pour l’activité d’extension. Expliquez les résultats obtenus.

3. Quelles recommandations formuleriez-vous à l’attention de Mr. Propre concernant sa stratégie de marque à venir ?

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