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CHAPITRE 6 (HISTOIRE) Les nouveaux horizons géographiques et culturels des Européens à l’époque moderne

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CHAPITRE 6 (HISTOIRE)

Les nouveaux horizons géographiques et culturels

des Européens à l’époque moderne

I. L’ÉLARGISSEMENT DU MONDE

Lire attentivement les pages de cours du chapitre 7 du manuel (pages 138, 142 et 150).

Relever dans les documents qui suivent les informations qui montrent que la découverte, l’exploration et la colonisation du continent américain ont modifié la perception que les Européens ont :

1) du monde dans lequel ils vivent ;

2) de l’homme en général.

La conquête de l’Amérique vue par Théodore de Bry :

Théodore de Bry est né à Liège en Belgique en 1528. On ne connaît pas bien les raisons qui l’ont conduit à s’établir à Strasbourg. Peut-être a-t-il été banni de Liège (et ses biens ont-ils été confisqués) à cause de son adhésion au protestantisme, bien que les historiens aient moins tendance à l’affirmer de nos jours.

En ce temps-là en tout cas, Strasbourg est une ville prospère, acquise à la Réforme protestante, et qui va obtenir une importante renommée artistique en accueillant de nombreux artistes fuyant les persécutions religieuses. Ces émigrants ont fait de Strasbourg une ville florissante notamment dans les domaines de l’orfèvrerie et de la gravure.

La gravure de Théodore de Bry doit probablement être replacée dans le contexte des luttes religieuses de l’époque : le graveur semble vouloir exprimer et dénoncer la « catholisation forcée » des populations indigènes par les colons espagnols.

Source : https://webclasse.wordpress.com/tag/christophe-colomb/

Dans la seconde moitié du XVIe siècle paraissent de grandes collections de relations de voyages qui présentent l’effort des Européens depuis plus d’un siècle pour prendre possession du monde, matériellement et intellectuellement. Dans ce domaine, la collection des Grands et Petits Voyages publiés à Francfort de 1590 à 1634 par l’atelier de Théodore de Bry se distingue par l’importance et la qualité des illustrations gravées en taille douce et réalisées pour la plupart sur des modèles authentiques.

Source : http://international.loc.gov/intldl/fiahtml/fiatheme1d1.html#track2

"L’arrivée des Espagnols à San Salvador" est une gravure de Théodore de Bry datant de 1594.

Cette œuvre correspond à l’arrivée des espagnols en Amérique et leur rencontre avec les indiens, pour leurs

richesses, la volonté de les convertir au christianisme et le début de la colonisation espagnole.

Au premier plan, les conquistadors reçoivent les richesses qu’ils ont demandé aux indiens, qui leur en donnent

beaucoup (ils sont généreux). Les espagnols semblent hautains et ne leur donnent rien, mais les indiens ont des

visages bienveillants et paraissent accueillants (ils sont donc plus civilisés que les espagnols sur ce point). C’est ici

un choc des cultures ; on le remarque avec leurs vêtements (les espagnols sont richement vêtus mais les indiens

ne portent rien), les armes des espagnols (épées, lances) et leurs moyens de transport (les bateaux).

A l’arrière, des espagnols installent une croix chrétienne sur les terres des indiens : on voit leur volonté de

convertir les populations colonisées au christianisme, de force.

Au dernier plan, d’autres bateaux arrivent et les indiens paraissent effrayés : c’est le début de la colonisation.

Théodore de Bry montre ici le commencement de la colonisation espagnole, brutale, ne laissant pas aux indiens

les moyens de se défendre face aux espagnols armés, et les contrastes entre ces deux peuples. Source : http://lcomloth.over-blog.com/article-l-arrivee-des-espagnols-a-san-salvador-de-theodore-de-bry-maeva-le-brun-89270104.html

Supplice de Hatuey à Cuba (Las Casas, Destruction des Indes, 1598) - Th. de Bry

Source : http://sites.univ-provence.fr/pictura/GenerateurNotice.php?numnotice=A6076

Théodore de Bry illustre également la tentative de fondation d’une

colonie française en Floride :

Le deuxième volume des Grands Voyages [de Théodore de Bry], paru en 1591, est consacré à la Floride. Outre les récits de Jean Ribault et de René de Laudonnière, il comprend une série de 42 planches gravées d’après les dessins et aquarelles exécutés sur place par un peintre dieppois, Jacques Le Moyne de Morgues.

Ce dernier accompagne Laudonnière en Floride en 1564 et échappe au massacre des colons français par une armada espagnole l’année suivante. Ses gravures sont le seul témoignage visuel sur une nation indienne aujourd’hui disparue : les Timucuans de Floride dont les Français recherchèrent l’alliance lors de leur tentative d’implantation. Une dizaine de planches est consacrée aux contrées explorées par les colons français, une deuxième série concerne la pratique de la guerre et ses rites chez les Timucuans, et la dernière présente les mœurs et l’organisation de cette société. Accompagnés de petits textes explicatifs, ces gravures sont d’exceptionnels documents ethnographiques sur un peuple du Nouveau Monde.

Source : http://international.loc.gov/intldl/fiahtml/fiatheme1d1.html#track2

Timucua Indians worship the pillar and coat of arms set up by French settlers at Fort Caroline

(Athore, son of the Timucuan king Saturiwa, showing Laudonnière the monument placed by

Ribault), de Bry, Theodor, 1591 (possibly based on drawings by Jacques le Moyne)

Source : http://www.nps.gov/casa/learn/historyculture/timucua.htm

La tentative de fondation d’une colonie en Floride par les Français dans les années 1560 : récit.

Coligny, profitant de la paix d’Amboise (15 mars 1563) qui mettait fin à la première guerre de Religion, gardait l’espoir d’édifier une colonie en Floride et, avec le soutien de Catherine de Médicis, il fit affréter trois navires dans lesquels prirent place 300 soldats et gens de métier – il n’y avait qu’une seule femme – placés sous le commandement de Laudonnière. Parmi les compagnons du capitaine breton se trouvait aussi le peintre dieppois Jacques Le Moyne de Morgues dont les dessins et les aquarelles, effectuées en Floride, servirent de modèles aux quarante-deux planches en couleur du deuxième volume de la collection des Grands et Petits Voyages, chronique illustrée de la « découverte » de l’Amérique publiée à Francfort à partir de 1590 par le graveur-éditeur protestant Théodore de Bry. L’aventure huguenote en Floride fut ainsi à l’origine d’une des plus célèbres séries iconographiques consacrées aux Indiens d’Amérique (en l’occurrence les Timucuans) jusqu’aux peintures de George Catlin dans les années 1830.

Partie du Havre le 22 avril 1564, l’expédition atteignit la « nouvelle France » deux mois plus tard. Laudonnière ne s’installa pas à Charlesfort – que les Espagnols avaient rasé quinze jours auparavant – mais sur la Rivière de Mai, où fut renouée l’alliance avec Saturiwa et où, le 30 juin, fut édifié le fort Caroline. […]

Au cours du printemps, la colonie fut accablée par la disette. Les Indiens, lassés par la politique de Laudonnière et par la brutalité occasionnelle de ses hommes, répugnaient de plus en plus à secourir le fort Caroline. […]

Le 27 août 1565, alors que les Français se préparaient au départ, une flotte de sept navires se présenta : elle était commandée par Jean Ribault, à qui Coligny avait demandé d’enraciner la colonie. Cette fois, il n’y avait pas moins de 600 colons, parmi lesquels se côtoyaient des artisans, des laboureurs, tous accompagnés de leur femme et de leurs enfants, mais aussi quatre compagnies d’arquebusiers. « La Floride promettoit le suffisant contentement de tout ce que l’homme pourroit désirer en la terre », écrivait, enthousiaste, le charpentier dieppois Nicolas Le Challeux, prêt à élire domicile dans le nouveau monde. A la volonté de colonisation se joignait pour Coligny l’espoir de faire vaciller la puissance espagnole dans l’espace antillais.

Or le roi des Espagnes Philippe II était de son côté déterminé à déloger les

Français de la Floride. Ses motifs étaient géopolitiques, mais également religieux. Les Espagnols s’indignaient en effet de la présence de protestants sur le sol américain : il fallait se débarrasser des ces hérétiques qui refusaient les croix et les images saintes ! Pedro Menéndez de Avilés, un militaire et officier de marine expérimenté, fut chargé de cette mission. Parti de Cadix à la tête d’une armada de dix navires, il atteignit la côte floridienne le 28 août 1565, à environ 70 kilomètres au sud du fort Caroline, où il jeta les bases de l’établissement de San Augustin. Ribault prit l’initiative de l’attaquer mais sa flotte fut rejetée sur la côte par une tempête tropicale (peut-être un ouragan). Dans la nuit du 20 au 21 septembre, Menéndez, après avoir marché par les terres, s’empara par surprise du fort Caroline : si certains Français, dont Laudonnière, Le Moyne de Morgues, Le Challeux et Jacques Ribault, le fils de Jean, parvinrent à s’enfuir – puis à regagner l’Europe –, 132 hommes furent passés au fil de l’épée. La campagne espagnole se solda par deux autres massacres, perpétrés sur deux petites îles situées à proximité de San Augustin. Le 28 septembre, 200 Français qui avaient survécu au naufrage de leur navire furent méthodiquement poignardés – à l’exception des quelques catholiques de la troupe – ; le 12 octobre une centaine d’autres protestants, dont Ribault, furent à leur tour exécutés, en dépit des promesses équivoques de Menéndez de leur laisser la vie sauve.

Avec cette « Saint-Barthélemy américaine » s’achevait l’aventure coloniale des huguenots de Floride. […]

Quand la nouvelle de ces massacres se répandit en France en 1566, la Cour resta indifférente. Seuls les milieux réformés manifestèrent leur indignation. »

Source : Histoire de l’Amérique française, de Gilles Havard et Cécile Vidal, Champs histoire, rééd 2014.

Que sait-on de la relation entre les Français et les Indiens ?

De façon plus générale, les Français essaient d’acquérir une bonne connaissance des cultures autochtones. Cela s’explique d’abord par une certaine curiosité et un goût prononcé pour l’exotisme. Le thème du bon sauvage sert ainsi d’arme rhétorique pour contester la civilisation occidentale. Il apparaît dans les écrits de certains missionnaires et, avec le plus d’éclat, chez le baron de Lahontan.

Mais plus fondamentalement, il s’agit de connaître l’autre pour mieux s’adapter à lui et, à terme, pour mieux le transformer. Les Français ont besoin des autochtones pour explorer le territoire, pour apprendre à se déplacer, pour se nourrir, pour survivre dans un milieu souvent hostile, ou pour commercer. Gagner leur confiance implique de savoir se comporter selon leurs normes : communiquer, sceller une alliance, régler un problème de meurtre, lever ou arrêter un parti de guerre, s’assurer de la fidélité d’un chef, participer aux conseils et aux rituels du groupe, tout cela nécessite une grande expérience.

L’ambition coloniale, surtout au XVIIe siècle, est de « civiliser » les autochtones et de les convertir à la « vraie foi ». D es jésuites et des récollets français, mais aussi des officiers militaires, se rendent au-devant des Indiens pour vivre parmi eux : ils apprennent leurs langues, s’initient à leurs mœurs, et amassent un matériau ethnographique considérable. Cet esprit d’ouverture à l’autre, s’il a pour fondement le désir de le transformer, a certainement contribué au bon fonctionnement de l’alliance franco-indienne.

Source : http://international.loc.gov/intldl/fiahtml/fiatheme1d.html#track2

REPRÉSENTATIONS CARTOGRAPHIQUES DU MONDE

En 1490, Heinrich Hammer, un cartographe allemand, a créé une carte qui était

remarquablement similaire au globe terrestre produit plus tard par Martin Behaim en 1492,

l'Erdapfel. Tous deux montrent de fortes influences de Ptolémée.

Cette carte du début du 16ème siècle par Martin Waldseemüller (1470-1521) est le seul exemplaire connu de cette

carte du monde particulière, et elle contient une première mention du nom "America". La carte est généralement

connue sous le nom de "Carte de l'Amiral", car elle fut considérée pendant un temps comme l'œuvre de Colomb, auquel

il est souvent fait référence comme "l'Amiral". Waldseemüller était un érudit et cartographe allemand qui en 1507,

publia Cosmographiaie Introductio (Introduction à la cosmographie) dans laquelle il suggérait que le Nouveau monde

soit nommé “America.” La même année, Waldseemüller et ses collègues de Saint Dié en France, compilèrent la

première carte du monde montrant l'hémisphère occidental comme un continent distinct et lui attribuant le nom

America. Cette carte fut réalisée peu de temps après 1507.

Le Theatrum Orbis Terrarum ou "Théâtre du monde" est considéré comme le premier véritable atlas

moderne, écrit par Abraham Ortelius et imprimé le 20 mai 1570 à Anvers.

LA PERCEPTION DES INDIENS

La controverse de Valladolid (en 1550)

Étude d’un extrait du téléfilm réalisé par Jean-

Daniel Verhaeghe en 1992, adapté du roman écrit

par Jean-Claude carrière.

Une analyse du téléfilm (diapositives suivantes :

http://www.cinehig.clionautes.org/spip.php?articl

e485#.VoLc90-znZU)

La controverse de Valladolid : du film…

Au XVIe siècle, soixante ans après la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, règne sur l’Espagne Charles Quint qui convoque une assemblée sous l’égide du légat du Pape, afin de débattre de la question fondamentale : les indigènes indiens, dont elle a colonisé les territoires en Amérique, ont-ils une âme (sont-ils des hommes) ? De la réponse doit découler l’arrêt ou non de l’esclavage dont ils sont alors les victimes. La controverse verra s’affronter le point de vue conservateur du chanoine Juan Ginés de Sepúlveda et celui humaniste du dominicain Bartolomé de Las Casas. Un des grands intérêts du film est de montrer comment des hommes a priori honnêtes et sincères peuvent arriver à une conclusion qui paraît, au niveau de l’élévation morale alléguée du XXe siècle, parfaitement abjecte. Le verdict mêle la faiblesse de la conscience morale du XVIe siècle et les enjeux économiques. L’Église acceptera l’accession des indiens au statut d’être humain, mais l’issue de cette controverse en forme de procès sera marquée par un coup de théâtre qui aura des conséquences sur des millions d’hommes : il légitimera l’esclavage des noirs.

L’auteur du roman dont s’inspire ce téléfilm précise en note préliminaire que le livre est une interprétation romancée de faits historiques. le débat a été essentiellement épistolaire. Surtout, le débat n’a pas porté sur l’humanité des indiens (cela avait déjà été tranché par le Pape Paul III), mais sur le mode d’évangélisation qu’il était nécessaire de mettre en place. L’humanité des Indiens, l’existence de leur âme donc, n’a en réalité jamais été l’objet du débat puisque sans cela, Sepúlveda n’aurait jamais parlé du devoir de les évangéliser et ne se serait jamais autant étendu sur leur « péché d’idolâtrie ». Las Casas comme Juan Ginés de Sepúlveda s’accordèrent sur le devoir de conversion des Indiens qui incombe aux Espagnols mais diffèrent sur le moyen d’y parvenir : colonisation pacifique et vie exemplaire pour le premier et colonisation institutionnelle où la force est légitimée par le réalisme et la nature même des civilisations précolombiennes, pour le second.

… à la réalité historique

La controverse de Valladolid est un débat qui opposa essentiellement le dominicain Bartolomé de Las Casas et le théologien Juan Ginés de Sepúlveda en deux séances d’un mois chacune (l’une en 1550 et l’autre en 1551) au collège San Gregorio de Valladolid. Il réunissait théologiens, juristes et administrateurs du royaume, afin que, selon le souhait de Charles Quint, il se traite et parle de la manière dont devaient se faire les conquêtes dans le Nouveau Monde, suspendues par lui, pour qu’elles se fassent avec justice et en sécurité de conscience 1.

La question était de savoir si les Espagnols pouvaient coloniser le Nouveau Monde et dominer les indigènes, les Amérindiens, par droit de conquête, avec la justification morale pouvant permettre de mettre fin à des modes de vie observés dans les civilisations précolombiennes, notamment la pratique institutionnelle du sacrifice humain, ou si les sociétés amérindiennes étaient légitimes malgré de tels éléments et que seul le bon exemple devait être promu via une colonisation-émigration.

Ce débat eut lieu sous les pontificats des papes Paul III

puis Jules III. Las Casas est favorable à l’application de la philosophie de saint Thomas d’Aquin selon laquelle : une société est une donnée de la nature ; toutes les sociétés sont d’égale dignité : une société de païens n’est pas moins légitime qu’une société chrétienne ; on n’a pas le droit de convertir de force, la propagation de la foi doit se faire de manière évangélique, par l’exemple.

En 1532, Francisco de Vitoria avait explicitement appliqué au Nouveau Monde, les principes de saint Thomas d’Aquin de destination universelle des biens terrestres (ils sont pour tous et le droit de propriété est conditionné par le Bien Commun) et le droit de connaître la Vérité que tout homme possède sui generis : ceux qui vont aux Amériques n’ont donc pas un titre de propriété mais un devoir de mission ; personne n’a le droit d’occupation de ces territoires mais chacun doit jouir de « la liberté de passer par les mers ».

L’ensemble de la thèse Sepúlveda englobe des arguments de raison et de droit naturel avec des arguments théologiques. Juan Ginés de Sepúlveda considère les cas de sacrifices humains, d’anthropophagie, d’inceste royal, pratiqués dans les sociétés précolombiennes et suit des arguments aristotéliciens et humanistes en proposant quatre « justes titres » qui justifient la conquête :

- pour leur propre bien, les Indiens doivent être mis sous tutelle par les Espagnols puisque lorsqu’ils se gouvernent eux-mêmes, ils violent les règles de la morale naturelle (thèse aristotélicienne de la servitude naturelle) ;

- la nécessité d’empêcher, même par la force, le cannibalisme et d’autres conduites antinaturelles que les Indiens pratiquent. l’obligation de sauver les futures victimes des sacrifices humains ;

- l’ordre d’évangéliser que Christ a donné aux apôtres et le Pape aux Rois Catholiques (Pape qui jouit de l’autorité universelle).

Las Casas réplique en démontrant :

- la rationalité des indigènes au travers de leurs

civilisations (l’architecture des Aztèques) ;

- qu’il ne trouve pas dans les coutumes des

Indiens de plus grande cruauté que celle qui

pouvait se trouver dans les civilisations du Vieux

Monde (la civilisation romaine n’en a pas moins

organisé les combats de gladiateurs) ou dans le

passé de l’Espagne ;

- l’évangélisation et le fait de sauver les victimes

des sacrifices humains n’est pas tant un devoir

des Espagnols qu’un droit des Indiens.

Des cannibales.

« Nous les pouvons donc bien appeler barbares, eu égard aux règles de la raison, mais non pas eu égard à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie. Leur guerre est toute noble et généreuse, et a autant d'excuse et de beauté que cette maladie humaine peut en recevoir ; elle n'a autre fondement parmi eux que la seule jalousie de la vertu. Ils ne sont pas en débat de la conquête de nouvelles terres, car ils jouissent encore de cette liberté naturelle qui les fournit sans travail et sans peine de toutes choses nécessaires, en telle abondance qu'ils n'ont que faire d'agrandir leurs limites. Ils sont encore en cet heureux point, de ne désirer qu'autant que leurs nécessités naturelles leur ordonnent ; tout ce qui est au-delà est superflu pour eux, ils s'entr'appellent généralement, ceux de même âge, frères ; enfants, ceux qui sont au-dessous ; et les vieillards sont pères à tous les autres. Ceux-ci laissent à leurs héritiers en commun cette possession de biens indivis, sans autre titre que celui tout pur que nature donne à ses créatures, les produisant au monde. Si leurs voisins passent les montagnes pour les venir assaillir, et qu'ils emportent la victoire sur eux, l'acquêt du victorieux, c'est la gloire, et l'avantage d'être demeuré maître en valeur et en vertu ; car autrement ils n'ont que faire des biens des vaincus, et s'en retournent à leur pays, où ils n'ont faute d'aucune chose nécessaire, ni faute encore de cette grande partie, de savoir heureusement jouir de leur condition et s'en contenter. Autant en font ceux-ci à leur tour. Ils ne demandent à leurs prisonniers autre rançon que la confession et reconnaissance d'être vaincus ; mais il ne s'en trouve pas un, en tout un siècle, qui n'aime mieux la mort que de relâcher, ni par contenance, ni de parole un seul point d'une grandeur de courage invincible ; il ne s'en voit aucun qui n'aime mieux être tué et mangé, que de requérir seulement de ne l'être pas. »

Source : Michel de Montaigne, Essais, Livre premier, chapitre XXXI, 1580.

TRAVAIL SUR UN SUJET DE COMPOSITION

Sujet

La découverte, l’exploration et la colonisation du

continent américain par les Européens : une

nouvelle perception du monde et de l’homme.

Analyse du sujet.

Formulation d’une problématique et construction

d’un plan pour le développement.

Rédaction de l’introduction et d’une partie du

développement au choix.