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CHAPITRE 11 - MODULATION DU MESSAGE NERVEUX PAR DES MOLÉCULES EXOGÈNES EXEMPLE DE LA MORPHINE Introduction La transmission du message nociceptif peut‐être modulée par des molécules endogènes telles que les enképhalines et par des molécules exogènes telles que la morphine. Mais la morphine peut également avoir d’autres effets que cette action analgésique : elle procure du plaisir. Comment la morphine agit-elle su niveau du cerveau ? Que sont ces « circuits de ma récompense » ? 1-Origine de la morphine Le pavot est une plante sauvage originaire d'Europe. Cultivé dès le Néolithique pour faire de l'huile d'œillette à partir de ses graines, il passe via les échanges commerciaux vers l'est. Sous des climats très chauds, en Mésopotamie ou en Egypte, le pavot à opium (Papaver somniferum album) pousse abondamment, permettant l'exploitation de ses fruits, les capsules. C'est en incisant ces dernières que l'on obtient un latex blanc nommé opium. L'opium est un des plus anciens médicaments naturels connus. On le retrouve dans de nombreuses peintures et sculptures antiques (divinités portant des feuilles et des capsules de pavot sur leurs couronnes en Crète …). Sous l'empire romain l'opium va être de plus en plus répandu et utilisé pour lutter contre la douleur. C'est la base notamment de la fameuse thériaque, antalgique très employée à cette époque. Il sera repris par les pays arabes et l'Inde, aux 8e et 10e siècles. L'usage dévié que nous connaissons à l'opium (fumeries, …) n'arrivera qu'au milieu du 17e siècle en Chine.

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CHAPITRE 11 ­ MODULATION DU MESSAGE NERVEUX PAR DES MOLÉCULES EXOGÈNES EXEMPLE DE LA MORPHINE 

 Introduction  La transmission du message nociceptif peut‐être modulée par des molécules endogènes telles que les enképhalines et par des molécules exogènes telles que la morphine. Mais la morphine peut également avoir d’autres effets que cette action analgésique : elle procure du plaisir.  Comment la morphine agit­elle su niveau du cerveau ? Que sont ces « circuits de ma récompense » ?  1­Origine de la morphine   Le pavot est une plante sauvage originaire d'Europe. Cultivé dès le Néolithique pour faire de l'huile d'œillette à partir de ses graines, il passe via les échanges commerciaux vers l'est. Sous des climats très chauds, en Mésopotamie ou en Egypte, le pavot à opium (Papaver somniferum album) pousse abondamment, permettant  l'exploitation de ses fruits,  les capsules. C'est en incisant ces dernières que l'on obtient un latex blanc nommé opium. 

L'opium est un des plus anciens médicaments naturels connus. On le retrouve dans de nombreuses peintures et  sculptures antiques  (divinités portant des  feuilles et des capsules de pavot sur  leurs couronnes en Crète …). Sous l'empire romain l'opium va être de plus en plus répandu et utilisé pour lutter contre la douleur. C'est la base notamment de la fameuse thériaque, antalgique très employée à cette époque. Il sera repris par les pays arabes et l'Inde, aux 8e et 10e siècles. L'usage dévié que nous connaissons à l'opium (fumeries, …) n'arrivera qu'au milieu du 17e siècle en Chine. 

 

 

 

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En développant la chimie, Lavoisier donnera vers la fin du 18e siècle aux pharmaciens la possibilité d'extraire les principes actifs chimiquement définis issus des plantes. 

La première plante dont le principe actif sera extrait est le pavot à opium. Le pharmacien allemand Sertürner en isolera le principe actif en 1805 : la morphine.  La molécule conserve toutes les caractéristiques de l'opium, comme une réduction de la douleur. Et elle permettra de mieux doser les quantités données aux patients.  2­Mode d’action de la morphine  Suite à une stimulation électrique intense des fibres nociceptives pré‐synaptiques, on enregistre à l’aide d’électrodes le nombre de potentiel d’action qui parcourt les fibres nociceptives post‐synaptiques et ceci dans 3 cas différents :  Réponse témoin sans injection de morphine :  

  Réponse 5 minutes après injection de morphine :  

       

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 Réponse 15 minutes après injection de morphine :  

  Enképhalines et morphine ont des structures comparables et similaires au niveau de la portion qui se fixent sur les récepteurs opioïdes.  

   

2­1­ Action au niveau de la moelle épinière  La morphine en se fixant sur les récepteurs opioïdes localisés sur les neurones de la corne dorsale de la moelle épinière, est à l’origine d’une puissance activité analgésique qui n’entraine pas de dépendance.  Contrairement aux enképhalines, la morphine peut pratiquement bloquer l’émission des messages nerveux nociceptifs en direction du cerveau et par conséquent supprimer totalement la sensation de douleur.  Elle a une action plus durable car elle est moins rapidement détruite.  

  

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2­2­Action au niveau du cerveau  La morphine et ses dérivés de synthèse comme l’héroïne peuvent être à l’origine d’une sensation de plaisir. La genèse de cette sensation de plaisir résulte de la fixation de la morphine sur les récepteurs opioïdes du cerveau mimant l’action des morphines endogènes.  Il ya donc une levée durable de l’inhibition des neurones modulateurs sur les neurones dopaminergiques et une durable sécrétion de dopamine qui contribue à une intense sensation de plaisir.  Mais la morphine a un inconvénient majeur : elle a les mêmes caractéristique qu’une drogue (tolérance, dépendance psychique et dépendance physiologique). En effet, la morphine et l’alcoïde principal.   3­Les circuits de récompense  Il existe au niveau du cerveau des neurones qui secrètent un neurotransmetteur impliqué dans les « circuits de la récompense « : la dopamine.    

3­1­Princie de fonctionnement d’un circuit  de récompense  Sous l’influence de message nerveux divers, les neurones à dopamines sont activés et libèrent massivement leur neurotransmetteur dans différentes régions du cerveau qui participent au contrôle des émotions, de la motricité, etc … : cette dopamine va alors activer différents types de neurones et déclencher la sensation de plaisir.   L’individu ressent cela comme une sorte de récompense.  

3­2­Intervention de substances exogènes sur les neurones à dopamine.      3­2­1­Les conditions physiologiques de fonctionnement  Des neurones inhibiteurs sont en contact synaptique avec les neurones à dopamine : ils secrètent un neurotransmetteur à action inhibitrice, le GABA, et freinent la libération de dopamine.  Ces neurones inhibiteurs possèdent au niveau de leur membrane des récepteurs opioïdes spécifiques des enképhalines et des molécules dérivées de l’opium (récepteurs également présent a niveau de la moelle épinière) : la fixation d’enképhalines au niveau de ces récepteurs freine l’action inhibitrice de ces neurones, ce qui a pour but de freiner la libération de GABA et d’augmenter la libération de dopamine ; cela procure une sensation de plaisir. 

            

 

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Fonctionnement basal du système de récompense            

          

Activation du système de récompense              

  

  

        Est­il possible d’augmenter cette sensation de plaisir ?     

Neurone activateur du neurone à dopamine 

 

Pas de libération de dopamine par la 

synapse 

Interneurone inhibiteur à GABA 

 

Neurone à  Enképhalines situé dans le cerveau  

Récepteurs opioïdes 

 

Zones du cerveau Impliquées dans les sensations de plaisir 

En absence de stimulus agréable :  - Aucun message nerveux ne parcoure le neurone 

activateur du neurone à dopamine. - De  nombreux  messages  nerveux  parcourent 

l’interneurone  inhibiteur  à  GABA,  du  système de  récompense.  La  libération  du neurotransmetteur  GABA  inhibe  l’activité  du neurone à dopamine. 

- Aucun message nerveux ne parcoure l’axone du neurone à dopamine :  il n’y a pas de  libération de  dopamine  dans  les  zones  du  cerveau impliquées dans le plaisir. 

- Pas de plaisir ressenti = pas de « récompense ». 

Messages nerveux 

Neurone à  Dopamine inhibé 

Neurone activateur du neurone à dopamine  

Libération de dopamine par la 

synapse 

Inhibition de l’interneurone 

inhibiteur à GABA 

Neurone à  enképhalines situé dans le cerveau  

Récepteurs opioïdes 

 Zones du cerveau Impliquées dans les sensations de plaisir 

En présence d’un stimulus agréable :  - De  nombreux  messages  nerveux  parcourent  les 

axones  du  neurone  activateur  du  neurone  à dopamine et du neurone à enképhaline. 

- La  libération  d’enképhalines  inhibe  l’activité  du neurone  inhibiteur  (à  GABA)  du  neurone  à dopamine. 

- De  nombreux  messages  nerveux  parcourent  alors l’axone du neurone à dopamine : il y a libération de dopamine  dans  les  zones  du  cerveau  impliquées dans le plaisir = récompense. 

Stimulus agréable : active le neurone à enképhalines et le neurone activateur du  

neurone à dopamine 

 

Libération d’enképhalines par la synapse 

Sensation de plaisir

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    3­2­2­Action de substances exogènes  Plusieurs substances contribuent à détourner ces circuits de récompenses et à reproduire artificiellement cette sensation de plaisir.  

La morphine : elle est capable de se fixer sur ces récepteurs opioïdes et avoir le même effet que les enképhalines naturelles, mais elle va augmenter considérablement cette sensation de plaisir. 

  L’héroïne : c’est un dérivé de la morphine (héroïne = diacétyl‐morphine) qui pénètre plus 

rapidement que la morphine dans le cerveau où elle est transformée en morphine. Elle se fixe au niveau des récepteurs opioïdes, freine la libération de GABA et augmente la libération de dopamine déclenchant une important sensation de plaisir. 

  Alcool et nicotine : contrairement aux molécules dérivées de l’opium, ils ne lèvent pas 

l’inhibition des neurones à dopamine en agissant sur des neurones inhibiteurs, mais agissent directement sur les neurones à dopamine qu’ils stimulent. 

  Cocaïne, ecstasy et amphétamines : ils agissent de différents façons, soit en stimulant la 

libération de dopamine, soit en freinant sa dégradation au niveau de la fente synaptique.  Toutes ces substances sont capables de modifier considérablement l’humeur de la personne qui les absorbe : elles sont qualifiées de psychotropes.  

Bilan :  

Ce sont des expériences menées initialement chez le rat qui ont permis de mette en évidence ces circuits de la récompense. Présents au niveau du cerveau, ils mettent en jeu des neurones à dopamine dont l’activité peut être modifiées : des neurones inhibiteurs freinent la libération de dopamine par le biais du GABA.  Enképhalines, opiacés, amphétamines, alcool, nicotine, ecstasy agissent au niveau de ces circuits de la récompense de différentes façons et permettent d’augmenter la libération de la dopamine : ils ont des effets psychotropes importants.