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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 1 CHAPITRE 11 ANESTHESIE ET VALVULOPATHIES Mise à jour: Décembre 2011 Précis d’Anesthésie Cardiaque PAC PAC

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 1

CHAPITRE 11

ANESTHESIE ET

VALVULOPATHIES

Mise à jour: Décembre 2011

Précis d’Anesthésie Cardiaque

PACPAC •

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Table des matières Introduction 3 Rappel physiopathologique 5 Anatomie fonctionnelle 5 Restriction versus surcharge 16

Fonction ventriculaire 19 Adaptation aux valvulopathies 23 Hypertension pulmonaire 26 Représentations graphiques 28 Rappel échocardiographique 32 Images des valves normales 32 Echocardiographie Doppler 37 Calculs hémodynamiques 41 Place de l'ETO peropératoire 44 Situations particulières 48 Apparition des symptômes 48 Epreuve d’effort 48 Insuffisance aiguë 50 Chirurgie non-cardiaque 52 Valvulopathie et grossesse 56 Prophylaxie de l'endocardite 58 Chirurgie valvulaire 61 Indications opératoires 61

Prothèses valvulaires 62 Plasties valvulaires 79 Plastie mitrale 79 Autres plasties valvulaires 88

Endoprothèses valvulaires 92 Invasivité minimale 95 Insuffisance mitrale 99 Etiologie 99

Physiopathologie 107 Manifestations cliniques 114 Indications et résultats opératoires 115 Principes pour l’anesthésie 118 CEC et post-CEC 120 Prolapsus mitral 122 IM ischémique 124 IM sur défaillance du VG 128 Sténose mitrale 132 Physiopathologie 135 Manifestations cliniques 138

Examens hémodynamiques 140 Indications et résultats opératoires 144 Principes pour l’anesthésie 146 CEC et post-CEC 149 Maladie mitrale 151 Sténose aortique 152 Physiopathologie 157 Manifestations cliniques 163 Examens hémodynamiques 165 Indications et résultats opératoires 172 Principes pour l’anesthésie CCV 176 CEC et post-CEC 179 Sténose sous-aortique dynamique 183 Anesthésie et chirurgie non-cardiaque 185 Insuffisance aortique 188 Physiopathologie 190 Manifestations cliniques 194 Examens hémodynamiques 195 Indications et résultats opératoires 201 Principes pour l’anesthésie 202 CEC et post-CEC 205 Maladie aortique 210 Pathologie tricuspidienne 212 Insuffisance tricuspidienne 213 Indications et résultats opératoires 219 Principes pour l’anesthésie de l’IT 221 Sténose tricuspidienne 225 Pathologie de la valve pulmonaire 227 Insuffisance pulmonaire 227 Sténose pulmonaire 229 Polyvalvulopathies 231 Insuffisance + sténose même valve 231 Insuffisances aortique et mitrale 232 Insuffisance aortique et sténose mitrale 232 Sténoses aortique et mitrale 233 Sténose aortique et insuffisance mitrale 234 Valvulopathie gauche et IT 234 Corrections valvulaires multiples 235 Conclusions 237 Bibliographie 238 Auteurs 249

Un résumé des recommandations pour la prise en charge de chaque valvulopathie, particulièrement en chirurgie non-cardiaque, existe dans un document à part (Annexe C). Le Tableau 11.16 (sténoses valvulaires, page 234) et le Tableau 11.17 (insuffisances valvulaires, page 235) en font une synthèse.

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Introduction La prévalence des maladies valvulaires dans la population générale voisine 2.5% en Europe [235]. Or les valvulopathies sont un facteur majeur de mortalité périopératoire. En chirurgie cardiaque, la mortalité moyenne d’un remplacement valvulaire (2% en cas de sténose aortique et 4% en cas d’insuffisance mitrale) est deux à trois fois supérieure à celle de pontages aorto-coronariens (0.5-2%) [301]. En chirurgie non-cardiaque, la présence d’une sténose aortique modérée multiplie le risque opératoire par trois ; celle d’une sténose sévère le multiplie cinq à sept fois, quelle que soit la catégorie de risque du patient ou le nombre de facteurs de risque associés [108,166]. Bien que les sténoses et les insuffisances ne se rencontrent pas toujours à l'état pur en clinique - il s'agit souvent de maladies valvulaires à prédominance de l'une ou de l'autre – leur description séparée permet de mieux comprendre la physiopathologie de chaque entité, ses mécanismes compensatoires et les signes qui traduisent sa décompensation. Ces notions sont capitales pour distinguer quelles sont les contraintes majeures au sein d’une hémodynamique complexe, car ces dernières vont déterminer le comportement du patient et les attitudes thérapeutiques du praticien qui doit hiérarchiser ses interventions en fonction des priorités. Les valvulopathies chroniques sont d'évolution lente: 10 à 30 ans s'écoulent en général jusqu'au tableau clinique complet et à la décompensation cardiaque, période pendant laquelle il n'y a pas de parallélisme entre la sévérité des symptômes et le degré d'atteinte fonctionnelle cardiaque. Les valvulopathies aiguës sont peu fréquentes (10 % des cas). Ce sont en général des insuffisances brutales compromettant l'hémodynamique de manière soudaine et grave : rupture ischémique de pilier mitral, rupture de cordages (maladie de Barlow), ou destruction infectieuse de valvules aortiques ou mitrales. La survenue d’arythmie telle une fibrillation auriculaire (FA) paroxystique peut provoquer une décompensation clinique par défaut de remplissage télédiastolique et accélération exagérée du rythme de base. Bien que leur évolution puisse rester stationnaire, les valvulopathies ne guérissent jamais spontanément; seule la chirurgie offre une possibilité de guérison. Et encore ! En fait, on échange la maladie valvulaire contre une autre situation pathologique: avec une plastie, la valve est réparée mais anormale; avec une prothèse, elle dépend de l'anticoagulation et de la durée de vie limitée du matériel implanté. Au repos, le flux sanguin est physiologiquement laminaire dans les cavités cardiaques, donc silencieux. Toute présence de tourbillon indique une accélération pathologique : sténose valvulaire, régurgitation d'une cavité à haute pression dans une cavité à basse pression, turbulence localisée au voisinage d’une sclérose, ou simple éréthisme cardiaque. Les vortex de ces tourbillons induisent des souffles audibles au sthétoscope et des perturbations visibles à l’échocardiographie Doppler. Les valves cardiaques normales peuvent accommoder des débits 5 à 7 fois supérieurs au débit de base ; une sténose doit donc être sévère pour devenir symptomatique au repos. Ces dix dernières années, la chirurgie valvulaire a évolué en suivant trois tendances distinctes.

Le vieillissement de la population a repoussé l’âge limite pour la réparation ou le remplacement valvulaire, particulièrement en position aortique.

L’amélioration des résultats chirurgicaux des plasties a conduit à poser l’indication opératoire plus tôt dans l’évolution de la maladie, donc à opérer des patients en meilleur état clinique.

Les techniques endovasculaires de remplacement ou de plastie sont passées au stade de l’application clinique et deviennent des options efficaces dans les cas à haut risque; elles offrent la possibilité d'appliquer des techniques d'anesthésie moins lourdes (fast-track).

Comme elle est l'imagerie de routine en salle d'opération, l'échocardiographie transoesophagienne (ETO) sera utilisée comme principale source d'illustration des pathologies valvulaires. L'examen échocardiographique des valves et de leur pathologie est décrit plus en détail dans le Chapitre 26 (ETO 2ème partie).

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La prise en charge anesthésique des malades souffrant d'une valvulopathie dépend étroitement de la physiopathologie de celle-ci. En chirurgie cardiaque, d'autre part, il est important de comprendre les indications et la technique chirurgicale pour s'adapter aux contraintes de la correction valvulaire. C'est les raisons pour lesquelles ce chapitre insiste particulièrement sur deux points:

La nosologie cardiologique et les mécanismes de chaque valvulopathie; Les données chirurgicales et les techniques opératoires.

Ces deux domaines mis au clair, le choix de la technique d'anesthésie coule de source. De plus, ses connaissances en cardiologie et en chirurgie associées à ses compétences en échocardiographie font de l'anesthésiste cardiaque un partenaire indispensable dans les décisions thérapeutiques prises en salle d'opération. Cette situation rend sont travail quotidien bien plus intéressant et bien plus gratifiant que celui d'un simple endormeur. Toutefois, trop d’informations tue l’information et paralyse les décisions. Pour faciliter la prise en charge des patients, particulièrement celle des malades de chirurgie non-cardiaque, un résumé a été ajouté dans un document à part (Annexe C) ; il décrit de manière simplifiée les recommandations pour l'anesthésie de chaque valvulopathie. Le Tableau 11.16 (sténoses valvulaires, page 234) et le Tableau 11.17 (insuffisances valvulaires, page 235) en font une synthèse à la fin de ce chapitre.

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Rappel physiopathologique général Les maladies valvulaires entraînent des modifications majeures de la précharge, de la postcharge, de la performance systolique et de la compliance diastolique. Elles induisent un remodelage des cavités cardiaques et des modifications neuro-humorales dont le but est adaptatif, mais qui dépassent progressivement les capacités de compensation du coeur. Les valvulopathies gauches ont un retentissement en amont sur la circulation pulmonaire où elles provoquent une hypertension postcapillaire. Anatomie fonctionnelle des valves Les quatre valves cardiaques sont situées au voisinage les unes des autres à la base du cœur (Figure 11.1). Elles sont maintenues par le squelette fibreux du cœur qui est constitué de plusieurs éléments :

L’anneau de la valve aortique ; Le trigone antérieur (ou gauche) situé entre la valve mitrale, la valve aortique et la valve

pulmonaire ; Le trigone postérieur (ou droit) situé entre la valve mitrale, la valve aortique et la valve

tricuspide ; La partie fibreuse reliant les deux trigones ; L’anneau mitral fibreux, qui devient plus mince dans sa partie postérieure en regard du feston

moyen du feuillet postérieur ; L’anneau tricuspidien, plus fin et interrompu dans sa partie postéro-latérale.

La valve pulmonaire, plus antérieure, ne possède pas d'anneau fibreux individualisé ; la chambre de chasse droite est entièrement musculaire.

VP

Ao CG

FS

NC

CD

P2

P1

FP

FAM

FA

P3

V pulmonaire V aortique V tricuspide V mitrale

Figure 11.1 : Schéma anatomique des 4 valves cardiaques vues des oreillettes. L’anneau mitral a la forme approximative d’une lettre "D" inversée (pointillé vert), dont la base fait un angle d’environ 60° avec l’horizontale. VP : valve pulmonaire. Ao : valve aortique. CG : cuspide coronarienne gauche. CD : cuspide coronarienne droite. NC : cuspide non-coronarienne. FAM : feuillet antérieur de la valve mitrale. P1 : feston antérieur du feuillet mitral postérieur. P2 : feston médian. P3 : feston postérieur. FS : feuillet septal de la valve tricuspide. FA : feuillet antérieur. FP : feuillet postérieur. Dans cette vue, on voit que la valve présente une rotation en sens antihoraire d’environ 60° par rapport aux plans orthogonaux de l’organisme.

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Valve mitrale Ce nom a été donné à la valve auriculo-ventriculaire gauche par Vésale en 1543, parce qu'elle ressemble à une mitre épiscopale. Mais la valve mitrale est un ensemble dynamique constitué de cinq éléments différents (Figure 11.2) [107,185]. Figure 11.2 : Vue d’ensemble de l’appareil mitral. A: la valve mitrale avec son anneau, les cordages, les muscles papillaires et la paroi ventriculaire. B: le feuillet antérieur est de forme “carrée” alors que le feuillet postérieur est en croissant de lune; les piliers sont situés à la verticale des commissures; à l’occlusion, la pression systolique intraventriculaire applique les bords libres des deux feuillets l'un contre l'autre le long de la zona rugosa; la hauteur de coaptation est de 0.6-1.0 cm [107]. C: vue intraventriculaire de l’appareil sous-valvulaire ancré sur les piliers; cette structure ressemble aux piliers et aux voûtes d’une cathédrale (D: Sagrada Familia, Antoni Gaudi, Barcelone) parce qu’ils ont la même fonction: soutenir une pression. AA: anneau antérieur (trigone fibreux). FA: feuillet antérieur. CA: commissure antérieure. CP: commissure postérieure. FP: feuillet postérieur. MPA: muscle papillaire antérieur. MPP: muscle papillaire posérieur.

Deux feuillets; le feuillet postérieur est arciforme et subdivisé en 3 festons anatomiquement bien différenciés (P1 en avant, P2 au milieu et P3 en arrière); son insertion représente les 2/3 de

MPA MPP

FP

CP FA AA

CA

A

D C

B

Feuillet antérieur

Feuillet postérieur Corps du

feuillet

Zone de coaptation

(zona rugosa)

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la circonférence de l'anneau. Le feuillet antérieur est plus homogène et de forme plus carrée; sa division en 3 portions A1, A2 et A3 ne correspond pas à des entités anatomiques distinctes. Malgré leurs formes différentes, les deux feuillets ont une surface équivalente (Figure 11.1 et Figure 11.3).

Figure 11.3 : Vues échocardiographiques transoesophagiennes de la valve mitrale. Ce sont les vues orthogonales de la valves. A: vue long-axe 120° du VG, avec la mesure de la hauteur du feuillet antérieur au niveau de A2. B: vue bi-commissurale 60°. C: vue court-axe transgastrique 0°. CC: chambre de chasse. MPA: muscle papillaire antérieur. MPP: muscle papillaire postérieur. C1: commissure antérieure. C2: commissure postérieure. Le diamètre de l’anneau mitral se mesure à 120-140° (A) et à 60° (B) [16].

Un anneau fibreux, dont l'allure vue depuis l'OG rappelle une lettre "D" inversée, la partie rectiligne étant antérieure, au niveau du trigone fibreux. La partie postérieure est plus fine. En

SC

VG

AAG

OG

FA

VD

FP

FA VD

FP C1

C2

C

60°

P3 A2

P1

MPP MPA

B

120°

A2 Ao

P2

CC

VD

VG

OG

Ao

VG

VD

A

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trois dimensions, l'anneau mitral affiche une forme en selle dont les points les plus élevés sont antérieur et postérieur; l'élévation totale est d'environ 1 cm (Figure 11.4) [280].

Figure 11.4 : Configuration de l’anneau mitral. A : l’insertion septale de la valve mitrale est plus proximale que celle de la valve tricuspide, qui est plus apicale ; le décalage est de 1 cm. B : Forme en selle de l’anneau mitral, dont les points les plus élevés sont antérieur (valve aortique) et postérieur. C : en vue 4-cavités, on coupe l’anneau dans ses parties les plus basses ; le point de coaptation (flèche blanche) de la mitrale apparaît au niveau du plan de l’anneau. D : en vue 2-cavités, on coupe l’anneau dans ses parties les plus élevées ; le point de coaptation de la mitrale apparaît en dessous du plan de l’anneau. Cette différence entre les deux vues est importante pour la définition du prolapsus mitral [16].

B

VG

VG

VD

Ant

Post

Ant

Post

D

C

© Chassot 2011

OG OD

VD VG

A

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En systole, cette forme en selle s'accentue, et la surface d'ouverture de l'anneau diminue de 25%

[331]. En vue ETO 4-cavités (0°), l’anneau est coupé dans sa portion basse, le point de coaptation apparaît au niveau du plan de l’anneau, alors qu’en vue long-axe (120°), il est coupé dans sa portion haute, et le point de coaptation est situé en dessous du plan de l’anneau [135]. Ces notions sont importantes pour la définition du prolapsus mitral qui doit être déterminé en vue long-axe (120-140°). Lorsque le VG se dilate, l’anneau mitral s’arrondit et devient circulaire ; il perd sa forme en selle et s’aplatit; la valve perd son étanchéité en systole [127].

25-30 cordages insérés sur la face ventriculaire des feuillets; les cordages de 1er ordre sont fixés à l'extrémité distale et ceux de 2ème ordre sur le corps des feuillets; les cordages de 3ème ordre sont attachés près de la base et maintiennent la géométrie du ventricule; les cordages mesurent en moyenne 1.5 cm de longueur.

Figure 11.5 : Contraction du VG. A : L’augmentation de la pression intra-ventriculaire en systole applique les deux feuillets de la valve mitrale l’un contre l’autre le long de leurs bords libres (flèches violettes) ; la contraction de la paroi et des muscles papillaires (MPA : muscles papillaire antérieur, MPP : muscle papillaire postérieur) tend les cordages et maintient la valve mitrale dans son plan d’occlusion (flèches vertes). L’équilibre de ces deux forces constitue le squelette interne du ventricule, qui permet au sang d’être expulsé dans la chambre de chasse du VG (CCVG) sans que le ventricule ne se torchonne sur lui-même. La contraction débute à l’apex et se termine dans la chambre de chasse. B : Si la course de la paroi postérieure et du MPP est trop longue ou si le ventricule est trop petit (hypovolémie, hypertrophie concentrique), la paroi postérieure se déplace vers l’avant (flèche verte) ; le point de coaptation de la valve mitrale est déplacé antérieurement vers l’aorte et se rapproche de la CCVG ; l’extrémité du feuillet postérieur est en contact avec le corps du feuillet antérieur. Le feuillet antérieur est alors repoussé vers la CCVG lorsque la pression intraventriculaire augmente pendant la systole (flèche violette). Traitillé blanc : angle mitro-aortique.

Deux muscles papillaires, l'un antéro-latéral et l'autre postéro-médian, situés à la verticale des commissures; le bouquet de cordages implanté sur chaque pilier se réparti sur les deux feuillets,

Aorte

OG

MPP

MPA

Point fixe

MPP

Ant Post

CCVG

ゥ Chassot 2010

A B

HVG

Aorte

Ant Post

© Chassot 2011

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soit sur leur partie antérieure (pilier antéro-latéral PAL), soit sur leur partie postérieure (pilier postéro-médian PPM). Le PAL est vascularisé par deux réseaux coronariens (IVA et CX), alors que le PPM n'est vascularisé que par la CD.

La paroi du VG sur laquelle est implanté chaque pilier; la contraction de cette paroi est essentielle pour assurer l'occlusion mitrale; en cas d'akinésie, le défaut de raccourcissement radiaire maintient une traction excessive sur les cordages correspondants et empêche les feuillets d'atteindre leur point de coaptation (voir Figure 11.49).

En diastole, la valve mitrale présente une surface d'ouverture de 4 – 6 cm2. Son gradient est ≤ 4 mmHg; il peut s'élever lorsque le volume systolique est très augmenté (insuffisance mitrale). En systole, l'étanchéité de la mitrale est assurée par le jeu de deux forces opposées (Figure 11.5).

Force d'occlusion: la pression intraventriculaire (100 – 150 mmHg) applique les bords libres des deux feuillets l'un contre l'autre le long de la zona rugosa; la hauteur de cette surface de coaptation est de 0.6 – 1.0 cm et représente 20-25% de la longueur totale des feuillets.

Force de traction: la contraction de la paroi ventriculaire et des muscles papillaires assure la tension des cordages qui maintient la valve sur son plan de coaptation et l'empêche de basculer dans l'OG.

Si l'occlusion des feuillets mitraux se fait bord-à-bord, la valve ne peut pas résister à la pression intraventriculaire; elle perd son étanchéité et devient insuffisante. Les dimensions normales de la valve mitrale sont rapportées dans le Tableau 11.1.

Tableau 11.1 Dimensions normales de la valve mitrale

Diamètre de l’anneau mitral (60° et 140°) : ≤ 4.0 cm (60°) et ≤ 3.5 cm (140°) (diastole) Surface d'ouverture: 4 – 6 cm2 Longueur feuillet antérieur (140°) : 2.5 – 3.0 cm Rapport feuillet antérieur / anneau (140°) : > 2/3 (> 0.65) Base du feuillet antérieur (60°) : 2.5 – 3.5 cm Distance intertrigonale (60°) : 2.0 – 3.0 cm Dimensions de l’OG : D < 4.5 cm, S ≤ 20 cm2, V ≤ 30 mL/m2 Diamètre télésystolique du VG (court-axe) Dts ≤ 2.5 cm/m2 Diamètre télédiastolique du VG (court-axe) Dtd ≤ 4.0 cm/m2 Gradient en diastole: ≤ 4 mmHg Vélocité du flux diastolique: E = 0.6 – 1.0 m/s, rapport E / A = 1 – 1.5

Les valeurs en degrés (°) indiquent les plans échocardiographiques transoesophagiens dans lesquels sont opérés les mesures. D’après références 238, 282. Valve aortique La valve aortique fait partie de la racine de l’aorte, qui comprend (Figure 11.6) :

Anneau aortique fibreux en forme de couronne à 3 branches verticales remontant aux commissures des cuspides.

Trois cuspides de forme semi-lunaire, définies par leur base implantée sur la paroi aortique (forme en "U") en regard de chaque sinus de Valsalva, leur corps et leur bord libre ; la base mesure 1.5 fois le bord libre ; les commissures sont suspendues au niveau de la jonction sino-tubulaire.

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Trois sinus de Valsalva, qui sont des renflements de la racine aortique en regarde des cuspides ; la coronaire droite part du sinus droit ; le tronc commun part du sinus gauche ; le sinus non-coronaire est le plus postérieur.

Jonction sino-tubulaire entre les sinus de Valsalva et l’aorte ascendante, au niveau de laquelle sont retenues les commissures de la valve.

Figure 11.6 : La valve aortique. A: valve aortique et ses connexions anatomiques. FAVM: feuillet antérieur de la valve mitrale. MPA: muscle papillaire antérieur. MPP: muscle papillaire postérieur. CCVG: chambre de chasse du ventricule gauche. B: représentation schématique des structures de la valve aortique; la base d’implantation des cuspides (en brun) présente une forme en "U"; l’anneau aortique (en jaune) visible en échocardiographie est légèrement plus étroit que la jonction anatomique entre la structure aortique et le VG; il est également légèrement plus étroit que la jonction sino-tubulaire (en vert) [335a]. La valve aortique est positionnée en avant de la mitrale, orientée de telle manière que le feuillet non-coronarien (NC) est postérieur, situé en face du septum interauriculaire; la cuspide coronaire droite (CD) est la plus antérieure (Figure 11.1 et 11.7). La hauteur de chaque feuillet est de 13-15 mm, mais leur surface est légèrement asymétrique: le feuillet NC est un peu plus grand que les feuillets coronarien droit et coronarien gauche. La partie centrale des bords libres présente un renforcement fibreux correspondant à leur point de coaptation (nodule d’Arantius) ; sur la face ventriculaire des cuspides, on peut trouver des dégénérescences fibreuses (excroissances de Lambl). La valve aortique surplombe la chambre de chasse gauche, dont les parois sont constituées par le feuillet antérieur de la valve mitrale, le septum interventriculaire et la paroi postérieure du VG. Les deux valves

Cuspide gauche

Cuspide non-coronaire

Sinus de Valsalva

Septum interventriculaire musculaire

FA VM Septum membraneux

CCVG

MPP

MPA VG

Nodule d’Arantzius

Aorte ascendante

Tronc commun Coronaire droite

Commissure

A

Jonction sino-tubulaire

Anneau aortique échocardiographique

Niveau de la jonction anatomique avec le VG

B

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gauches sont contiguës: la base du feuillet mitral antérieur est insérée sur le trigone fibreux en face des feuillets aortiques gauche et non-coronaire (Figure 11.1). Figure 11.7 : Vues ETO de la valve aortique. A : vue court-axe basale rétrocardiaque mi-oesophage à 40°. B : vue long-axe 120° de la racine aortique. NC : cuspide non-coronaire. CG : cuspide coronaire gauche. CD : cuspide coronaire droite. VP : valve pulmonaire. CCVD : chambre de chasse du VD. * : départ du tronc commun. ** : départ de la coronaire droite [16]. C : le diamètre de l’anneau aortique tel qu’on le mesure en vue long-axe 120° (Ø écho LA, en vert) à l’ETO est légèrement plus étroit que le diamètre anatomique (en bleu), parce qu’il ne passe pas par le centre de l’anneau. D : en vue transthoracique (ETT) parasternale long-axe, la différence est sensiblement plus marquée [335a].

120°

NC

CD

OG

Ao

APD

VD

CCVG ST

**

OG

OD

AP

VD

OG

Ao

VG

40°

NC CG

CD

OG

OD

CCVD

VP *

A

B

© Chassot 2011

NC

CG CD

Ø anatomique

Ø écho LA

NC

CG CD

Ø anatomique

Ø écho LA

C D

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En systole, la surface d'ouverture de la valve aortique est de 3 - 4 cm2, mais la forme de cette ouverture se modifie au cours de l'éjection (Figure 11.8) [67]:

Circulaire en protodiastole, pendant le pic du flux (vélocité maximale); Triangulaire pendant ≥ 70% de la durée d'éjection; En étoile à 3 branches en télésystole, lorsque le flux devient faible.

La position des cuspides ouvertes est pratiquement parallèle au flux sanguin pendant l'éjection; le flux reste laminaire (vélocité 1.0 – 1.5 m/s) et le gradient est < 10 mmHg, parce que le diamètre change très peu entre la chambre de chasse, l'anneau aortique, les cuspides et la racine de l'aorte ascendante. L'écartement du bord libre des cuspides est de 2.0 – 2.2 cm. Les sinus de Valsalva représentent un renflement de 2-3 mm par rapport à l'anneau aortique. Leur présence permet d'éviter l'accolement des cuspides à la paroi de l'aorte pendant la systole (Figure 11.9). Si elles adhéraient à la paroi en systole, les cuspides pourraient ne pas se refermer immédiatement en protodiastole; ce retard entraînerait constamment une fuite aortique. En diastole, la hauteur de coaptation des cuspides par leur bord libre est de 4-8 mm; c'est la pression diastolique aortique qui assure l'étanchéité en appuyant les cuspides l'une contre l'autre. Les dimensions normales de la valve et de la racine aortiques sont rapportées dans le Tableau 11.2 [94].

Tableau 11.2 Dimensions normales de la valve et de la racine aortiques

Diamètre de la chambre de chasse : 18 - 24 mm Diamètre de l’anneau aortique : 18 - 25 mm Hauteur des cuspides aortiques 13 - 15 mm Surface d'ouverture: 2 - 4 cm2 Diamètre des sinus de Valsalva : 21 - 39 mm Diamètre de la jonction sino-tubulaire : 20 - 34 mm Distance anneau– jonction sino-tubulaire : 20 - 25 mm Diamètre de l’aorte ascendante : 22 - 35 mm Gradient en systole: ≤ 10 mmHg

Les mesures échocardiographiques sont faites en systole, à l'exception de celle de l'aorte ascendante qui est faite en diastole à cause de la distensibilité systolique du vaisseau. D’après références 238, 282

Figure 11.8 : Ouverture de la valve aortique en systole. A : sa forme et sa surface changent au cours de l’éjection. B : dimensions de la valve aortique dans sa forme mésosystolique triangulaire isocèle ; les dimensions affichées sont les longueurs de chacun des côtés [67].

Protosystole Mésosystole Télésystole © Chassot 2011

A B

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Figure 11.9 : Dimensions de la valve aortique et de la racine de l’aorte. A : diamètres en long axe 120°. 1 : chambre de chasse du VG ; 2 : anneau aortique ; 3 : sinus de Valsalva ; 4 : écartement des feuillets en systole ; 5 : jonction sino-tubulaire ; ces diamètres se mesurent en systole (voir Tableau 11.2). Le diamètre de l’aorte ascendante se mesure en diastole au niveau du croisement de l’artère pulmonaire droite (non visible sur l’image). B : écartement des cuspides en systole ; elles ne sont pas collées à la paroi des sinus de Valsalva, mais distantes de 2-3 mm. Le conduit chambre de chasse – anneau aortique – cuspides – jonction sino-tubulaire – aorte ascendante est pratiquement un tube de diamètre constant ; le flux y est laminaire. C : en diastole, la hauteur de coaptation du bord libre des cuspides est de 4-8 mm ; c’est la pression diastolique de l’aorte qui les maintient occluses. D : bicuspidie aortique ; configuration en dôme (doming) systolique des feuillets ; comme le diamètre d’un cercle (position en diastole) est plus court que la moitié de sa circonférence (position en systole), les bords libres ne peuvent pas être alignés avec l’anneau aortique (voir aussi la Figure 11.79).

Ao asc

CCVG 2 1 3 4 5

A

2 cm 4-8 mm

Distance feuillet - sinus de Valsalva 2-3 mm

B C

© Chassot 2011

© Chassot 2011

Déformation en dôme des cuspides en systole

D

Occlusion en diastole

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Valve tricuspide La valve tricuspide est montée sur un anneau fibreux incomplet, en forme de fer-à-cheval centré sur le trigone droit et interrompu dans sa partie postéro-latérale. Au niveau septal, cet anneau est situé environ 1 cm plus apical que l'anneau mitral (Figure 11.10). Il a également une forme en selle; son diamètre anatomique est 3 – 4 cm ; en vue 4-cavités, le diamètre normal est 2.8 ± 0.5 cm [187]. La surface de l’anneau se rétrécit d’environ 30% en systole [273]. Comme son nom l'indique, la valve est constituée de trois feuillets, qui sont de taille inégale (Figure 11.11).

Feuillet antérieur, le plus grand et le plus mobile; Feuillet postérieur; Feuillet septal, le plus petit et le plus restrictif.

Trigone D

Anneau aortique

Valve pulmonaire

Trigone G

Feuillet mitral antérieur

Anneau mitral postérieur

Anneau tricuspidien

B

Cuspide antérieure

Cuspide droite

Cuspide gauche

Cuspide coronarienne droite

Cuspide

coronarienne gauche

Cuspide non-coronarienne

Valve

pulmonaire

Valve

aortique

Valve

mitrale

Feuillet antérieur Feuillet septal Feuillet postérieur

Anneau fibreux post

Anneau fibreux

Trigone fibreux gauche

Cône artériel

Trigone fibreux droit

Septum interventriculaire, partie membraneuse Septum auriculo-ventriculaire

Feuillet antérieur Feuillet postérieur

A

VTr

VM

Figure 11.10 : Valve tricuspide et squelette fibreux du cœur. A : valve tricuspide (VTr) en situation anatomique ; au niveau septal, on voit que l’anneau tricuspidien est situé environ 1 cm plus bas que l’anneau mitral. VM: valve mitrale. B : anneau mitral et anneau tricuspidien; ce dernier est interrompu dans sa partie postéro-latérale [Extrait de Savage RM, Aronson S, Shernan SK. Comprehensive textbook of perioperative transesophageal echocardiography, 2nd edition. Philadelphia: Wolters/Kluwer – Lippincott, Williams & Wilkins, 2011, Figure 30.6, p 492].

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Ces feuillets sont fins et arachnoïdes ; leurs commissures sont mal identifiables à l'échocardiographie. La valve est reliée à 3 piliers, dont un situé sur le septum ; le pilier antérieur, le plus important, est situé à l’origine de la bande modératrice du VD (travée musculaire qui relie le septum et la paroi antérieure du ventricule). La valve tricuspide fait partie d'un système à basse pression (la pression systolique du VD est six fois plus basse que celle du VG). De ce fait, il n'est pas nécessaire qu'elle soit rigoureusement étanche; une petite fuite tricuspidienne existe chez > 50% de la population normale. Les valeurs normales de la valve tricuspide sont résumées dans le Tableau 11.3.

Tableau 11.3 Dimensions normales de la valve tricuspide

Diamètre de l’anneau tricuspidien 2.8 cm/m2 (vue 4-cavités 0-20°) Surface d'ouverture: 5 - 8 cm2 Gradient en diastole: < 2 mmHg

D’après références 238, 282

Valve pulmonaire Alors qu'elle est fréquemment impliquée dans les pathologies congénitales, la valve pulmonaire est rarement concernée par les affections de l'adulte. Elle est positionnée en avant de la valve aortique, ne possède pas d'anneau fibreux (la chambre de chasse droite est entièrement musculaire) et compte trois feuillets: droit, gauche et antérieur (Figure 11.1). Sa surface normale est 2 cm2/m2. Elle présente une petite fuite chez > 50% de la population normale. Restriction versus surcharge Les valvulopathies évoluent dans deux directions différentes: la sténose ou l'insuffisance. D'une manière générale, les sténoses sont plus pénalisantes que les insuffisances, car elles imposent une restriction hémodynamique qui ne permet aucune adaptation du débit cardiaque. Le volume systolique devient fixe et bas, et dépend de la fréquence : la bradycardie diminue linéairement le débit cardiaque, et la tachycardie empêche un remplissage adéquat en cas de sténose mitrale ou une éjection satisfaisante en

Triangle de Koch Tendon de Todaro VCI

VD

VCS

NAV

AAD

Figure 11.11 : Valve tricuspide. Vue chirurgicale depuis une atriotomie de l’OD (accès latéral). Les 3 feuillets (A antérieur, P postérieur et S septal) sont de taille inégale : A > P > S. L’insertion septale est bordée par le triangle de Koch (noeud AV – tendon de Todaro – sinus coronaire), qui contient les faisceaux de conduction. NAV : noeud atrio-ventriculaire. CS : sinus coronaire. FO : fosse ovale. AAD : appendice auriculaire droit [273].

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cas de sténose aortique. Au contraire, les insuffisances sont moins contraignantes parce que les ventricules sont de bonnes pompes-volume et s'accommmodent bien d'un certain degré de régurgitation valvulaire: ils augmentent leur volume systolique pour compenser la composante qui fait un aller-retour entre la systole et la diastole. La fraction régurgitée maximale supportée chroniquement par le VG sans décompenser est de 30% en cas d'insuffisance aortique (IA) à 40% en cas d'insuffisance mitrale (IM). La présence d’une petite insuffisance valvulaire est banale et sans conséquence clinique ; une régurgitation tricuspidienne, mitrale ou aortique existe dans respectivement 65%, 48% et 11% de la population normale adulte [175]. Avec l'âge, les valves s'usent, se fibrosent, perdent de leur souplesse et commencent à fuir comme les vieux moteurs perdent de l'huile. Au niveau de la valve tricuspide ou de la valve pulmonaire, cela ne crée aucun problème particulier. Au niveau mitral, une insuffisance mineure à modérée est en général bien tolérée et n'augmente pas le risque opératoire; toutefois, elle élève chroniquement la pression dans l'OG et limite la tolérance à l'effort. Le pronostic dépend essentiellement du mécanisme en cause. Les IM sur lésions structurelles de la vieillesse sont en général stables, mais les IM fonctionnelles sont susceptibles de varier considérablement selon la performance ventriculaire gauche ou selon l'évolution de l'ischémie myocardique. Une insuffisance aortique autre que mineure est plus dangereuse qu'une IM, car la surcharge de volume a lieu sous un régime de pression plus élevé: la pression diastolique de l'aorte est plus haute que celle de l'OG. Le pronostic est fonction des dimensions ventriculaires puisque les ventricules compensent une insuffisance valvulaire par une hypertrophie dilatative et une augmentation de leur volume télédiastolique et de leur volume systolique. En cas de polyvalvulopathie, le comportement hémodynamique du malade est déterminé par la pathologie dominante. De manière simplifiée, on peut dire:

A gravité égale, une sténose prédomine par rapport à une insuffisance; La pathologie de la valve d'amont conditionne le fonctionnement de la valve d'aval; Si elle est sévère, la sténose mitrale est la pathologie la plus contraignante; Le degré et le type de remodelage des cavités cardiaques permettent d'évaluer la pathologie

dominante (Figure 11.12).

Sténose et insuffisance valvulaires La sténose est beaucoup plus contraignante que l'insuffisance. Une insuffisance mitrale est mieux tolérée qu'une insuffisance aortique. Avec l’âge, il est fréquent que les valves présentent une insuffisance mineure ou une sclérose limitant l’ouverture. Le comportement hémodynamique est déterminé par la pathologie dominante: - la sténose est plus contraignante que l'insuffisance - la pathologie d'amont commande le débit d'aval - la sténose mitrale est la pathologie la plus contraignante

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 18

Figure 11.12 : Lors de valvulopathie, la silhouette des chambres cardiaques indique le remodelage des cavités gauches en fonction des contraintes hémodynamiques et permet de déterminer quelle est la pathologie dominante. A : sténose aortique ; HVG concentrique et dilatation de l’OG. B : sténose mitrale ; petit VG et gigantesque OG. C : insuffisance aortique ; dilatation massive du VG, dilatation modérée de l’OG. D : insuffisance mitrale ; dilatation du VG et de l’OG.

A B

OG

VG

OG

VG

OG

VG

OG

VG

D C

© Chassot 2011

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 19

Fonction ventriculaire Fonction systolique La fraction d’éjection (FE = (Vtd – Vts) / Vtd) exprime l’équilibre dynamique entre la précharge, la postcharge, le volume systolique et la performance contractile. Elle mesure la réserve ventriculaire mais n'est pas un indice de contractilité (voir Chapitre 5, Fraction d'éjection). Bien qu’elle soit la mesure de fonction systolique la plus courante, elle perd sa validité en cas de valvulopathie et ne peut plus être utilisée pour quantifier la performance ventriculaire dans ce cas. En effet, plusieurs phénomènes altèrent la relation entre la contractilité et la FE [272].

Modifications de postcharge : la FE s’abaisse si la postcharge augmente (sténose aortique) et s’élève si elle diminue (insuffisance mitrale), même sans modification de la contractilité.

Modifications de précharge : la FE s’abaisse si le volume télédiastolique augmente (insuffisance aortique) et s’élève si elle diminue (sténose mitrale).

Taille du ventricule : un grand Vtd abaisse la FE parce que sa valeur est au dénominateur de la fraction; au contraire, lorsque le Vts tend vers zéro, la FE tend vers 1.0 (100%). Pourtant, un petit VG (sténose mitrale) a un volume systolique très limité, indépendamment de sa contractilité.

Remodelage ventriculaire : lorsqu'il se dilate, le ventricule devient sphérique; son rapport court-axe/long-axe (normal : 0.5) devient > 0.7 ; comme elles sont basées sur une morphologie ventriculaire normale, les formules échocardiographiques utilisées pour le calcul de la FE du VG ne sont plus valides lorsque celui-ci est déformé.

Stress de paroi: il est proportionnel à la pression et au rayon de la cavité ventriculaire, et inversément proportionnel à l'épaisseur de paroi; il varie donc avec l'hypertrophie et augmente avec la taille du ventricule sans que cela ne se traduise par une modification de la FE.

Ischémie ventriculaire: les zones akinétiques, cicatricielles ou anévrysmales ne sont pas prises en compte dans les approximations géométriques sur lesquelles est basé le calcul de la FE.

Dans ces circonstances, la performance ventriculaire est mieux évaluée par l’épaisseur et la taille du ventricule (diamètre D et surface S en court-axe) [30,238].

En cas d’insuffisance valvulaire, le meilleur critère est la dimension télésystolique (ts) ; o Diamètre (Dts) normal maximal du VG : 4 cm, ou 2.5 cm/ m2 ; o Surface (Sts) maximale en court-axe (ETO) : 6.5 cm2/m2.

En cas de sténose valvulaire, le critère le plus adéquat est la dimension télédiastolique (td) ; o Dtd normal maximal du VG : 7 cm, ou 4 cm/ m2 ; o Std maximale en court-axe (ETO) : 12 cm2/m2.

Degré d’hypertrophie du myocarde ; o Epaisseur normale du VG (paroi postérieure) : 0.8 - 1.2 cm.

Les indices isovolumétriques comme la pente ascentionnelle d’une insuffisance mitrale ou l’indice de Tei (voir Chapitre 25, Indices isovolumétriques) ont l’avantage d’être indépendants de la postcharge et de la géométrie ventriculaire, puisqu’ils sont mesurés avant l’ouverture de la valve aortique ou de la valve pulmonaire. Ils conservent leur pertinence lors de valvulopathie [16]. La mesure volumétrique de la FE à l'IRM est plus fiable que les mesures échocardiographiques. Précharge et compliance La précharge est la tension de paroi ventriculaire en télédiastole. Elle se mesure par la pression (Ptd) ou le volume (Vtd) télédiastoliques. Pression et volume sont liés entre eux par la compliance de la cavité cardiaque. La précharge agit à la fois sur la fonction systolique et sur la fonction diastolique, et prend d’autant plus d’importance que ces deux fonctions sont modifiées dans les valvulopathies.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 20

L’augmentation de la précharge venriculaire améliore la performance systolique en suivant la courbe de Frank-Starling (Figure 11.13A). La courbe s’aplatit à partir d’une certaine valeur (genou de la courbe), au-delà de laquelle la performance systolique n’augmente plus avec le remplissage. Chez les patients en insuffisance systolique, la courbe redescend au-delà du genou ; cette diminution de la performance systolique avec le remplissage correspond à la dilatation excessive du VG. Lorsque la fonction ventriculaire est normale, on remarque souvent une baisse de fonction identique à très haut remplissage ; elle est due à la bascule du septum interventriculaire dans le VG secondaire à la distension du ventricule droit (effet Bernheim) à cause de la surcharge de volume circulant ; cet empiètement est responsable d’une diminution du volume diastolique du VG et explique cette apparente diminution fonctionnelle (Figure 11.14A) [226]. La compliance exprime la relation pression/volume d’une cavité. La courbe de compliance des ventricules est curvilinéaire. Elle est presque horizontale à bas volume : les variations de remplissage ne se traduisent que par des variations de pression négligeables. A haut volume, par contre, les variations de volume sont associées à des variations de pression importantes parce que la courbe s'est redressée. Une diminution de compliance est typique de la dysfonction diastolique : la courbe est déplacée vers la gauche et vers le haut, au même volume correspond une pression plus élevée (Figure 11.13B) [149].

ΔVS

Volume télédiastolique

Insuff diastolique VG

© Chassot 2011

Dysfonction diastolique

ΔVtd

Débit cardiaque

Compliance normale

Pression

A

B

Insuff systolique VG

Normal

ΔVtd

ΔP

Figure 11.13 : Superposition de la courbe de Starling et de la courbe de compliance du VG. A : courbe de Franck-Starling: courbes normales (en bleu), insuffisance systolique (pointillé rouge), insuffisance diastolique (traitillé bleu foncé). L'éjection du ventricule dépend d’autant plus de sa précharge que la courbe de Starling est verticale (partie gauche); lorsque cette dernière est aplatie (partie droite, au-delà du genou de la courbe), la performance systolique ne bénéficie plus de l'augmentation de précharge. En cartouche, la variation respiratoire de la pression artérielle en IPPV traduit la dépendance (à gauche) ou l’indépendance (à droite) du débit par rapport à la précharge. B : La courbe de compliance normale est très plate à bas remplissage: une grande variation de volume se traduit par une très faible variation de pression. Elle se redresse lorsque le ventricule se remplit ou dans l’insuffisance diastolique. Les pressions de remplissage (PVC, PAPO) traduisent correctement la précharge en hypervolémie (partie redressée de la courbe) mais non en hypovolémie (partie plate de la courbe).

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 21

La superposition des courbes de compliance et de Frank-Starling montre que la précharge modifie significativement la performance systolique lorsque le volume ventriculaire est faible (partie gauche ascendante de la courbe de Starling), ce qui se traduit par une variation significative de la pression artérielle avec la ventilation mécanique, typique de l’hypovolémie. A remplissage élevé, par contre, les variations de précharge n’influencent plus l’éjection systolique, mais la courbe de compliance est très redressée : les variations de volume (Vtd) se traduisent par de fortes variations de pression diastolique (PVC et PAPO). Le mode d’évaluation de la volémie est donc différent selon le degré de remplissage.

En hypovolémie, les variations ventilatoires de l’éjection systolique (ΔPAsystolique, ΔVS) et du septum interauriculaire (ETO) sont les meilleurs indices ; PVC et PAPO sont peu influencées par les variations du remplissage.

En hypervolémie, les variations de la pression auriculaire droite (PVC) ou de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) sont très fiables pour évaluer le degré de remplissage.

Figure 11.14: Dilatation et insuffisance droites. A : bascule du septum interventriculaire dans le ventricule gauche lors de surcharge pulmonaire et/ou de défaillance ventriculaire droite (effet Bernheim). Le remplissage diastolique du VG est handicapé, et le volume systolique baisse. Le septum interauriculaire bombe dans l’oreillette gauche. B : retentissement d’une dysfonction du VG ou d’une valvulopathie gauche sur les cavités droites ; le VG et l’OG sont dilatés ; la stase gauche a entraîné une hypertension pulmonaire postcapillaire (élévation de la postcharge droite). En conséquence, le VD est hypertrophié, le VD et l’OD sont dilatés. La position du septum interauriculaire et du septum interventriculaire dépend du jeu des pressions droite et gauche en systole et en diastole. Les valvulopathies induisent des altérations hypertrophiques (sténoses) ou dilatatives (insuffisances) et modifient la relation de la fonction ventriculaire et de la précharge de deux manières.

La dysfonction systolique caractéristique de la dilatation se traduit par un aplatissement de la courbe de Starling ; la performance systolique devient peu sensible aux variations de précharge ; le remplissage n’améliore pas le débit cardiaque.

La dysfonction diastolique typique de l’hypertrophie ventriculaire (paroi épaisse et rigide) se caractérise par une relation pression-volume très verticale ; le volume systolique est très dépendant de la précharge et la pression de remplissage est augmentée pour le même volume ;

Apex

A

OD OG

VD

VG

VD ↑

OG ↑ OD ↑

© Chassot 2011

B

VG

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 22

la tolérance à l’hypovolémie est extrêmement limitée. Lorsque le ventricule est dilaté, il s’appuie contre le péricarde en diastole ; cette contrainte extérieure impose une restriction au remplissage de même type que celle de la tamponnade.

L’épaississement de la paroi ventriculaire dans le remodelage hypertrophique rend celle-ci rigide et peu compliante. La fonction diastolique est diminuée par défaut de relaxation active protodiastolique et par manque de distensibilité télédiastolique. Les pressions de remplissage sont élevées ; le patient peut être hypovolémique avec une PVC et PAPO normales. Le remplissage ventriculaire dépend d’autant plus de la contraction auriculaire que la relaxation protodiastolique est diminuée ; dans ce cas, le remplissage actif (onde A du flux mitral) contribue pour 40-50% au volume télédiastolique du VG. L'hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) concentrique augmente le risque ischémique (voir Adaptation aux valvulopathies). Fonction du VD La très grande majorité des maladies valvulaires concerne les valves du cœur gauche. Mais elles ne manquent pas d’affecter la fonction du ventricule droit et de la circulation pulmonaire. Deux mécanismes sont en jeu.

La même pathologie atteint les valves droites et gauches (RAA, endocardite, dégénérescence myxoïde, etc) ou les deux ventricules (cardiomyopathie infectieuse, toxique, dégénérative, etc) ;

La stase gauche (maladie mitrale, défaillance du VG) induit une hypertension pulmonaire postcapillaire, qui s’accompagne ultérieurement d’une hypertension pulmonaire précapillaire par vasoconstriction artérielle secondaire (voir Hypertension pulmonaire). L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) augmente la postcharge du VD qui se dilate, s’hypertrophie, puis défaille. L’importance de l’insuffisance tricuspidienne traduit le degré de dilatation de l’anneau tricuspidien.

La fonction du VD est déterminante pour le pronostic de la chirurgie valvulaire. La mortalité opératoire augmente de 4-5 fois en cas d’insuffisance ventriculaire droite, quelle que soit la pathologie gauche.

Fonction ventriculaire et valvulopathie Fonction systolique en cas de valvulopathie - FE non pertinente à cause du remodelage et de l’altération des conditions de charge - les dimensions télédiastolique (td) et télésystolique (ts) sont de meilleurs critères - dans les insuffisances: diamètre télésystolique du VG (normal maximal: 2.5 cm/cm2) - dans les sténoses: diamètre télédiastolique du VG (normal maximal: 4 cm/cm2) - HVG: épaisseur de paroi postérieure > 1.2 cm. Fonction diastolique - dysfonction sur hypertrophie et/ou dilatation ventriculaire - le débit cardiaque devient dépendant de la précharge et de la fréquence HVG concentrique

- fonction systolique préservée, mais dysfonction diastolique - risque d’ischémie myocardique

Toutes les valvulopathies ont une très faible tolérance à l’hypovolémie; la précharge doit donc rester préférentiellement élevée.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 23

Adaptation aux valvulopathies Lorsque la valvulopathie entraîne une baisse du débit systolique effectif, le coeur dispose de trois mécanismes compensatoires.

Augmentation de l'activité sympatho-adrénergique (catécholamines alpha et béta, angiotensine II, aldostérone, ADH) : la vasoconstriction artérielle et la tachycardie permettent de maintenir le débit cardiaque. Les valeurs de pression et de fréquence du patient au repos sont probablement le meilleur compromis hémodynamique possible dans sa situation.

Effet Frank-Starling : augmentation de la précharge et du volume circulant (rétention d'eau et de sel). La dilatation rend le ventricule plus sphérique, ce qui est pathologique mais présente un avantage mécanique momentané, parce que le raccourcissement circonférentiel des fibres pour éjecter le même volume est moindre. Ce mécanisme est surtout utilisé dans les lésions aiguës ou dans les régurgitations ; le retentissement en amont est une augmentation de la pression auriculaire et une stase (périphérique ou pulmonaire).

Hypertrophie : en amont d'une sténose valvulaire, la chambre cardiaque s'hypertrophie pour assurer la propulsion du sang malgré l'obstacle à l'éjection (hypertrophie concentrique du VG dans la sténose aortique); en aval, la cavité est de taille réduite (petit VG de la sténose mitrale). Une insuffisance valvulaire retentit également sur la dimension des deux chambres d'amont et d'aval : le ventricule doit accommoder un volume de sang augmenté à chaque battement (dilatation) et accroître son volume systolique pour maintenir le débit antérograde (hypertrophie excentrique) ; la chambre de réception de la régurgitation se dilate également (oreillette dilatée en cas d’IM ou d’IT).

L’anatomie fonctionnelle, telle que l’ETO la met en évidence dans une image des 4 cavités, est une excellente illustration des remodelages et des compensations mises en place par l’organisme pour maintenir son équilibre hémodynamique. Elle permet de se rendre compte des contraintes dominantes et de leurs conséquences. Ainsi, une surcharge de pression (sténose aortique) provoque une hypertrophie ventriculaire gauche concentrique qui se traduit par un VG épais dont la cavité est petite, alors qu’une surcharge de volume (insuffisance mitrale ou aortique) cause une dilatation de la cavité ventriculaire et de l’oreillette gauche. Une sténose mitrale se manifeste par un petit ventricule gauche et une énorme oreillette gauche (Figure 11.12). En cas d’hypertension pulmonaire, le ventricule droit s’hypertrophie et se dilate, et l’installation progressive d’une insuffisance tricuspidienne agrandit l’oreillette droite ; le septum bascule dans la gauche (voir Figure 11.14B). Hypertrophie ventriculaire Le nombre de myocytes myocardiques double pendant le premier mois de vie, puis reste stable. La durée de vie de ces cellules est donc la même que celle de l'individu, sauf pour celles qui dégénèrent et sont remplacées par des fibrocytes. L’hormone de croissance, l’insuline et l’angiotensine II sont les principaux facteurs anabolisants qui stimulent la transcription du mRNA et la synthèse protéique ; outre la croissance cellulaire, ces substances sont responsables de l’hypertrophie et de l’hyperplasie des cellules myocardiques (myocytes et fibroblastes) en réponse à une surcharge de pression ou de volume [60]. Dans l’hypertrophie, les cellules non-musculaires (vasculaires, intersititielles, etc) peuvent subir une hyperplasie concomitante [239], mais la densité de capillaires par unité de masse est abaissée [311]. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les antagonistes de l’angiotensine II ou de la rénine ont un effet freinateur sur ce remodelage ventriculaire. Une surcharge de pression (sténose valvulaire) induit une élévation du stress de paroi systolique et une hypertrophie de type concentrique avec rétrécissement de la cavité ventriculaire ; le mécanisme est une réplication en parallèle des myocytes. Une surcharge chronique de volume (insuffisance valvulaire) engendre une élévation du stress de paroi diastolique ; elle donne lieu à une hypertrophie excentrique avec dilatation de la cavité ventriculaire et réplication en série des myocytes.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 24

Figure 11.15 : Hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) et loi de Laplace. A : HVG concentrique (surcharge de pression). L’augmentation de pression (P) est compensée par une diminution du rayon (r) de la cavité et une augmentation de l’épaisseur (h) de la paroi ventriculaire. Le stress de paroi est stable. B : HVG excentrique ou dilatative (surcharge de volume). Le rayon augmente sans augmentation de pression, ce qui est compensé par une augmentation de l’épaisseur de paroi. C : Phase de décompensation. Pression et dimension du VG augmentent au-delà de ce que peuvent compenser les mécanismes physiologiques. Qu'il s'agisse de surcharge de pression (sténose aortique) ou de volume (insuffisance aortique ou mitrale), l'hypertrophie ventriculaire gauche évolue en trois stades que l’on peut analyser selon la loi de Laplace, qui définit la tension de paroi (σ) : σ = (P • r) / 2h (Figure 11.15) [211].

Le travail demandé excède les capacités normales du myocarde : la tension de paroi augmente par élévation de la pression P (résistance à l'éjection) ou du rayon r (dilatation).

L'hypertrophie (augmentation de l’épaisseur h) va normaliser la tension de paroi, car celle-ci s’épaissit ; la dimension de la cavité ventriculaire diminue (surcharge de pression) ou augmente (surcharge de volume). La limite critique pour la masse myocardique est 500 g, ou 300 g/m2 (poids normal du coeur : 250 g).

La décompensation : les mécanismes physiologiques sont dépassés, la tension de paroi augmente à nouveau par surcharge de pression (excès de P) ou de volume (augmentation de r). La symptomatologie prédominante est alors celle d'une insuffisance cardiaque congestive.

Lors d’une surcharge de pression, l’épaisseur de paroi et le travail interne de mise sous tension (contraction isométrique) sont plus importants que lors d’une surcharge de volume : le rapport entre le

P ↑ • r ↓ 2 h ↑

P • r ↑ 2 h ↑

Dilatation

B P ↑ • r ↑↑ 2 h ↑

A

C

© Chassot 2011

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 25

travail d’éjection et le travail total (pression + éjection) est plus faible, donc l’efficience du moteur ventriculaire a baissé : la mVO2 augmente pour fournir le même travail éjectionnel. Lors d’hypertrophie concentrique, la performance contractile globale du myocarde est augmentée, mais, calculée en travail fourni par rapport à la masse myocardique, elle est en-dessous de la norme [178]. D’autre part, la fonction diastolique de cette paroi épaissie est toujours altérée. Cet effet lusitrope négatif est très marqué en cas d’hypertrophie concentrique, mais existe aussi en cas d’hypertrophie dilatative, bien que le ventricule puisse accommoder de grands volumes de remplissage. Les indices de la relaxation et de la distensibilité diastoliques s’abaissent parallèlement à l'accroissement de la masse ventriculaire. La fibrose d'accompagnement, qui est irréversible, contribue à cette importante baisse de la compliance [326]. La dysfonction diastolique se traduit par :

Une dépendance marquée du débit par rapport au volume de précharge, à la pression de remplissage, et à la fréquence (durée de la diastole) ;

Une élévation progressive des pressions de remplissage dans l’oreillette, qui se dilate, et dans les veines d’amont (stase pulmonaire ou hépatique).

Adaptation aux valvulopathies Stimulation neuro-humorale (catécholamines, angiotensine II, aldostérone, ADH). Effet Frank-Starling (augmentation de la précharge). Hypertrophie ventriculaire concentrique : surcharge de pression (sténose) - fonction systolique conservée - dysfonction diastolique - dépendance accentuée de la précharge - dépendance de la fréquence et du rythme sinusal - risque d'ischémie myocardique augmenté Hypertrophie ventriculaire excentrique : surcharge de volume (insuffisance) - dilatation ventriculaire - dysfonction systolique L’hypertrophie concentrique (HVG) caractéristique de la sténose aortique est associée à une ischémie myocardique pour plusieurs raisons [22,24,121,148,203].

La sténose aortique dégénérative et calcifiée relève de la même maladie de base que la polyvasculopathie artérielle hypertensive et hypercholestérolémique ; de ce fait, l’arbre coronarien est souvent atteint, et l’ischémie myocardique est fréquemment associée.

L’HVG augmente le métabolisme basal et élève la mVO2 par augmentation de la masse myocardique; le muscle hypertrophié consomme jusqu'à 50 % de plus d'O2 pour développer le même travail externe.

L’augmentation du stress de paroi, qui survient lorsque l’épaisseur du muscle n’est plus en proportion avec le diamètre et la postcharge, est un des déterminants majeurs de la mVO2.

A pression diastolique aortique égale, l’augmentation de la pression intraventriculaire secondaire à l’élévation de postcharge et à la dysfonction diastolique diminue la valeur de la pression de perfusion coronarienne (PPC = PAdiastAo - PtdVG) ; en cas d’hypotension artérielle, la PPC s’effondre, car la PAdiast baisse dans l’aorte mais la Ptd ne change pas dans le VG (la sténose aortique est fixe).

L'hypertrophie et l'hyperplasie vasculaires sont en retard sur l'augmentation de la masse musculaire : la densité capillaire est diminuée de 20 - 30% dans une HVG concentrique.

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La région sous-endocardique est particulièrement à risque pour deux raisons : 1) les vaisseaux coronariens sont écrasés par la Ptd élevée du VG et 2) ils ont comprimés par la masse musculaire excessive sur leur trajet entre l’épicarde et l’endocarde, qui est plus long. Des épisodes ischémiques répétitifs conduisent à une fibrose sous-endocardique qui réduit encore la compliance du ventricule.

L’effet Venturi provoqué dans les sinus de Valsalva par la haute vélocité du jet systolique induit une dépression locale et un flux rétrograde dans les troncs coronariens pendant la systole.

Hypertension pulmonaire Les conditions de la circulation pulmonaire sont significativement modifiées par l’augmentation chronique de la pression auriculaire gauche au cours de l’évolution des valvulopathies mitrales et aortiques [270].

L’hypertension veineuse pulmonaire passive et l’augmentation chronique de la pression capillaire (Pcap) jusqu’à une valeur de 18-20 mmHg conduisent à une stase extravasculaire interstitielle avec altération des échanges gazeux et dyspnée. L’œdème intertitiel pulmonaire apparaît dès que la Pcap dépasse 20 mmHg, et l’œdème alvéolaire au-delà de 25 mmHg.

La pression veineuse pulmonaire chroniquement maintenue au-dessus de 20 mmHg (hypertension pulmonaire postcapillaire) induit une augmentation réactionnelle des résistances artérielles pulmonaires (RAP) de nature myogénique et neurovégétative. Avec le développement progressif d’une fibroélastose intimale, il s’installe une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) de type précapillaire qui est hors de proportion avec l’hypertension veineuse. Cette HTAP précapillaire est probablement adaptative : elle diminue le flux sanguin capillaire et limite le risque d’œdème pulmonaire.

Des lésions chroniques de fibrose interstitielle pulmonaire abaissent la compliance pulmonaire et augmentent le travail respiratoire, qui représente jusqu'à 25 % de la VO2 totale. Le volume courant et la capacité vitale diminuent. Les rapports V/Q sont altérés et la PaO2 baisse comme dans une pathologie de type restrictif. L’hypoxie et l’hypercapnie ayant un effet vasoconstricteur artériel pulmonaire, le système s’installe dans un cercle vicieux.

L’HVG et le défaut de compliance ventriculaire élèvent la pression dans l’OG, qui se dilate progressivement. Normalement, la contraction auriculaire élève momentanément la pression télédiastolique dans le VG pour mettre sous une tension optimale l’épaisse paroi ventriculaire sans que la pression moyenne de l’oreillette n’atteigne des valeurs qui seraient responsables d’une hypertension veineuse pulmonaire. En l’absence de rythme sinusal, la pression auriculaire moyenne nécessaire à remplir le VG est bien plus élevée, et l’effet protecteur sur la circulation pulmonaire est perdu. L'hypertension pulmonaire (PAPmoy > 25 mmHg au repos et > 30 mmHg à l'effort, RAP > 300 dynes•s•cm-5) augmente la postcharge du VD. En l’absence d’hypertrophie compensatrice, la pression systolique maximale que peut développer un VD normal est 50 mmHg. L’HTAP entraîne une cascade de conséquences : hypertrophie droite (HVD) et dilatation du VD, insuffisance tricuspidienne, dilatation de l’OD et stase veineuse systémique. Lorsqu’il s’hypertrophie, le VD ressemble de plus en plus au VG, et son débit devient dépendant de sa précharge. A son tour, la surcharge du VD retentit sur le remplissage du coeur gauche par plusieurs phénomènes : 1) le retour veineux à l’OG est diminué parce que le débit pulmonaire est limité, 2) le septum interventriculaire bombe dans la cavité gauche et limite son expansion diastolique (effet Bernheim), 3) l’insuffisance tricuspidienne due à la dilatation droite fait bomber le septum interauriculaire dans l’OG. La perfusion coronarienne du VD, qui est systolo-diastolique, est compromise lorsque sa pression intracavitaire systolique se rapproche de la pression moyenne aortique ; en cas de défaillance, elle doit être maintenue par une perfusion de vasoconstricteurs (nor-adrénaline), ou par une contre-pulsion intra-aortique. Même si l'hypertension pulmonaire est fixée, sa composante vasospastique réactionnelle est importante et réagit aux mesures vasodilatatrices pulmonaires habituelles : hyperventilation, alcalose, diminution

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 27

du stress sympathique et vasodilatateurs pulmonaires. Le traitement de l’hypertension pulmonaire est décrit dans le Tableau 12.10 (voir Chapitre 12: Hypertension pulmonaire, traitement). Au cours de la CEC, toute une série de substances vasoactives sont libérées dans la circulation: TNF, interleukines, complément C3a, etc. Elles provoquent une vasodilatation systémique et une vasoconstriction pulmonaire qui apparaissent au moment de la mise en charge du coeur, et qui sont facilement aggravées par l’administration de protamine. La plastie et le remplacement de la valve aortique ou de la valve mitrale abaissent immédiatement la pression veineuse pulmonaire (hypertension postcapillaire), mais ne corrigent pas complètement l’HTAP artérielle précapillaire, qui reste élevée pendant plusieurs semaines. La fibroélastose intimale persiste à long terme. Le pronostic clinique et le risque de défaillance hémodynamique peropératoire dépendent davantage de la fonction du VD que de la valeur absolue de la PAP (voir Figure 12.28). En effet, une PAP élevée signifie que le VD est capable de la générer, alors qu’une PAP modérée traduit des RAP modestement élevées ou une dysfonction du VD. Une poussée hypertensive pulmonaire peut conduire à une décompensation ventriculaire droite. Pour la prise en charge clinique, il importe de distinguer trois situations différentes qui peuvent conduire toutes trois à une défaillance du ventricule droit.

Infarctus ou défaillance primaire du VD : la priorité est au maintien d’une pression de perfusion coronarienne suffisante (vasoconstricteur systémique) et d’une optimalisation de la précharge (PVC 10-15 mmHg) pour obtenir le meilleur débit. L’infarctus droit est plus fréquent en cas d’HVD [169].

Excès de postcharge : défaillance aiguë sur embolie pulmonaire, par exemple, entraînant une insuffisance congestive du VD ; la priorité est de baisser la précharge droite (nitroglycérine, position en contre-Trendelenburg), de soutenir l’hémodynamique droite (dobutamine, milrinone ± adrénaline, nor-adrénaline) et d’éviter une aggravation des RAP.

Poussée d’hypertension pulmonaire en cas d’HTAP chronique avec hypertrophie ventriculaire droite ; la priorité est de baisser les RAP; la précharge doit rester élevée car le VD hypertrophié fonctionne sur une courbe de Starling analogue à celle du VG. Contrairement aux deux situations précédentes, la ventilation en pression positive est ici bien tolérée, la postcharge du VD étant déjà chroniquement élevée.

Le traitement spécifique de la décompensation droite est mentionné dans le Tableau 12.5.

Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) La stase gauche sur valvulopathie mitrale ou aortique entraîne une élévation chronique de la POG et de la pression veineuse pulmonaire (HTAP postcapillaire) avec œdème interstitiel et éventuellement alvéolaire. L'HTAP veineuse conduit à une augmentation réflexe des RAP et à une HTAP précapillaire. L'HTAP (PAPmoy > 25 mmHg au repos et > 30 mmHg à l'effort, RAP > 300 dynes•s•cm-5) provoque une dilatation et une hypertrophie du VD (HVD). Plus il s'hypertrophie, plus le VD fonctionne de manière analogue au VG (débit dépendant de la précharge, résistance à la postcharge). Le pronostic clinique dépend davantage de la fonction du VD que de la valeur absolue de la PAP.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 28

Représentations graphiques Deux systèmes graphiques sont particulièrement adaptés à la représentation des effets hémodynamiques des valvulopathies. Ce sont la boucle pression/volume et la synchronisation pressions – flux (diagramme de Wiggers). Figure 11.16 : Boucle pression – volume (PV) du VG. A : Boucle PV normale. 1 : point télédiastolique; 1 → 2 : contraction isovolumétrique; 2 : début de l’éjection; 2 → 3 : phase de l’éjection systolique; 3 : point télésystolique; 3 → 4 : relaxation isovolumétrique; 4 : début du remplissage; 4 → 1 : remplissage diastolique. VS: volume systolique (= Vtd – Vts). B : Construction de la pente d’élastance maximale Emax par l’alignement des points télésystoliques d’une famille de courbes obtenues à des précharges différentes chez le même individu. Valeur Emax normale: 4-5 mmHg/mL [9]. C: Boucle PV en cas de dysfonction du VG; la pente d’Emax est abaissée (dysfonction systolique) et la courbe de compliance est redressée (dysfonction diastolique); la surface de la bloucle est diminuée et le volume éjecté (VS volume systolique) est diminué. D : le produit Volume x Pression est l’équivalent hydrodynamique du travail mécanique (masse x distance); c’est aussi la définition de la surface (S) de la boucle PV; la SPV représente donc le travail éjectionnel (Téj). Le travail de pression (Tpr) est défini par la surface du triangle compris entre la courbe de compliance, la pente Emax et la boucle PV.

B

A

Emax

V0

Compliance

Pression

Volume

Pression

V0

Compliance

Volume

3

© Chassot 2011

1 4

2

Volume

Pression

Emax

V0

Compliance

D

Pression

V0

Compliance

Volume

C

Téj

Tpr

VS ↓

Emax

VS VS

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Boucle pression - volume Le diagramme pression – volume (PV) est très utile pour illustrer les conditions de travail dans les valvulopathies. Il décrit un cycle cardiaque par une boucle tournant en sens anti-horaire et définie par quatre points: les conditions en télédiastole, en protosystole, en télésystole et en protodiastole (Figure 11.16). Si l'on modifie la précharge (hypovolémie, dérivés nitrés, remplissage par des colloïdes), la boucle PV est déplacée vers la gauche en hypovolémie ou vers la droite en hypervolémie, mais les points télésystoliques restent alignés sur une quasi-droite appelée élastance maximale (Emax), dont la pente est proportionelle à la contractilité ventriculaire; sa valeur normale est 4-5 mmHg/mL [9]. Elle est indépendante de la précharge, de la forme et de la taille du ventricule, mais reste partiellement dépendante de la postcharge [303]. La pente Emax est un des indices de contractilité les plus fiables. Elle se redresse en cas de stimulation sympathique et s'abaisse en cas de défaillance ventriculaire. La surface de la boucle P/V est le produit du volume systolique et de la pression générée par le ventricule; c'est l'équivalent du travail éjectionnel. En effet, la définition physique du travail est : masse x distance. En hydrodynamique, le travail est : pression x volume, soit (gm/cm2) • cm3 = gm • cm. La surface du triangle compris entre l'Emax, la courbe de compliance et la boucle PV est l'équivalent du travail de pression du ventricule (mise sous tension du système artériel). Diagramme de Wiggers La synchronisation des événements d’un cycle cardiaque est illustrée par le diagramme de Wiggers (Figure 11.17). Cette image permet de définir un certain nombre de termes d’utilisation courante.

a: onde de pression due à la contraction auriculaire en fin de diastole. x: baisse de pression dans l’oreillette lors de sa diastole, qui survient pendant la systole

ventriculaire; cette baisse a lieu en deux temps, interrompue par le décrochement "c". Le premier temps "x’" correspond à la relaxation de l’oreillette. Le deuxième temps "x’’" est dû à la descente de l’anneau mitral pendant la contraction longitudinale du ventricule gauche ; ce mouvement agrandit l’oreillette, dont la pression y diminue.

c: deux phénomènes sont en cause dans cette petite augmentation de la POG ; 1) bombement de la valve auriculo-ventriculaire en protosystole; 2) remplissage continu par les veines centrales alors que la paroi auriculaire a fini de se relâcher.

v: comme le retour veineux continue pendant la systole ventriculaire, la pression monte progressivement dans l’oreillette jusqu’à ce que celle-ci se vidange dans le ventricule en début de diastole. L’onde "v" commence donc en télésystole et se continue en protodiastole; son pic correspond au dicrotisme de la pression artérielle et au pic de vélocité du flux mitral E.

y: baisse de pression dans l’oreillette lors de sa vidange dans le ventricule en diastole. S: composante systolique du flux veineux cave et veineux pulmonaire; il se décompose en

phases S1 (relaxation auriculaire) et S2 (descente de l’anneau mitral), correspondant aux descentes x’ et x’’. Le flux S est fonction de la différence de pression entre les grandes veines et l’oreillette (valve mitrale ou tricupide fermée).

D: composante diastolique du flux cave et veineux pulmonaire. Comme la valve auriculo-ventriculaire est ouverte à ce moment, ce flux est fonction de la différence de pression entre les grandes veines et le ventricule.

A: flux sanguin dû à la contraction auriculaire; il est antérograde à travers les valves tricuspide et mitrale. Comme il n’y a pas de valvules dans les veines caves ni dans les veines pulmonaires, la contraction auriculaire génère un flux rétrograde bref (Ar) dans les grandes veines centrales.

E: flux auriculo-ventriculaire passif en début de diastole; normalement, il représente 80% du remplissage ventriculaire. Sa vélocité est fonction de la pression auriculaire et de la dépression intraventriculaire en protodiastole (effet de succion); le pic de vélocité du flux mitral (Vmax 0.8 – 1.0 m/s) correspond au pic du – dP/dt intraventriculaire et au pic de l’onde "v" auriculaire.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 30

Figure 11.17 : Diagramme de Wiggers augmenté des flux de remplissage. Art : courbe artérielle systémique. VG : pression intraventriculaire gauche. OG : pression de l’oreillette gauche. VP : flux dans les veines pulmonaires. VM : flux à travers la valve mitrale. 1: contraction ventriculaire isovolumétrique. 2: phase d'éjection ventriculaire. 3: relaxation isovolumétrique. 4: remplissage rapide. 5: diastasis. 6: contraction auriculaire. OA: ouverture de la valve aortique. FA: fermeture de la valve aortique. OM: ouverture de la valve mitrale. FM: fermeture de la valve mitrale. DSp : durée de la systole physiologique correspondant aux phases consommatrices d’O2. DSm : durée de la systole mécanique dans la définition conventionnelle. La même synchronisation et les mêmes variations de pression et de flux se retrouvent dans les cavités droites, mais à des régimes de pression et de vélocités inférieurs.

OG

VM

1 2 3 4 5 6 FM OA FA OM FM

Ar Ar D S2 S1

a a

v c

x y

Art

VG

VP

© Chassot 2011

A A E

ECG

DSp

DSm

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 31

Les vélocités des flux enregistrés à l’échocardiographie Doppler sont commandées par le gradient de pression instantané entre la cavité d’amont et la cavité d’aval. Le pic de vélocité du flux sanguin correspond au gradient maximal. Par convention, on considère que la systole s’étend de la contraction isovolumétrique jusqu’à la fermeture de la valve aortique (phases 1-2), et la diastole depuis la relaxation isovolumétrique jusqu’à la fermeture de la mitrale (phases 3-4-5-6-7). Mais la phase de consommation d'O2 du cycle cardiaque correspondant à la systole myocardique s'étend en réalité de la contraction isovolumétrique jusqu'au pic de dépression intraventriculaire protodiastolique (pic de Vmax du flux mitral E, valeur maximale du –dP/dt). Physiologiquement, la systole s'étend donc jusqu'au pic du flux E, et la diastole commence à la décélération de ce flux, parce que la relaxation protodiastolique est un phénomène actif consommateur d'O2 correspondant à la persistance de la contraction des fibres obliques sous-épicardiques (voir Chapitre 5, Relaxation diastolique).

Représentations graphiques La boucle pression-volume représente l'évolution d'un cycle cardiaque; sa surface est équivalente au travail éjectionnel. L'élastance maximale (Emax) est une quasi-droite définie par les points télésystoliques du ventricule au cours de variations de précharge; sa pente est un excellent indice de contractilité. La synchronisation des flux et des pressions montre que le pic de flux correspond au pic de la pression d'amont et au nadir de la pression d'aval.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 32

Rappel échocardiographique Dans ce chapitre, l'échocardiographie transoesophagienne (ETO) peropératoire sera largement utilisée pour illustrer les pathologies valvulaires et les résultats chirurgicaux. Pour cette raison, il n'est pas inutile de procéder en premier lieu à un bref rappel de l'imagerie bidimensionnelle et de l'écho Doppler. L'ETO des valvulopathies est traitée plus en détail dans le Chapitre 26. Imagerie des valves normales Valve mitrale Le capteur ETO est idéalement placé pour l'examen de la valve mitrale, puisque celle-ci se trouve à seulement à 4 – 5 cm de l’œsophage et n'en est séparée que par l'OG. Les plans qui sont orthogonaux par rapport à l’axe du corps (0° et 90°) ne le sont pas pour la valve mitrale, dont les plans orthogonaux sont à 60° (vue bi-commissurale) et à 120-140° (vue long-axe du VG) (Figure 11.18) [185]. Pour évaluer la mitrale de manière cohérente, il est important de l'examiner dans tous les plans ETO à disposition. Figure 11.18 : Représentation schématique des plans de coupe de la valve mitrale dans une vue prise depuis l’OG. L’anneau mitral a la forme approximative d’une lettre "D" inversée, dont la base fait un angle d’environ 60° avec l’horizontale. Les plans orthogonaux du corps (0° et 90°, traits blancs) ne le sont pas pour la mitrale, dont les plans orthogonaux sont à 60° et 140° (traits bleus). Outre ces 4 plans de coupe, l’examen de la valve mitrale comprend encore les vues transgastriques à 0° (court-axe basal) et à 90° (long-axe du VG).

Vue 4-cavités (0-20°) (Figure 25.21A). Vue de A2 et P1 ou de A3 et P2 selon la profondeur de la sonde ; vue du pilier antérieur. En retirant la sonde de 0.5-1.0 cm en vue 5-cavités (Figure 25.21D), on voit la commissure antérieure (limite de A1 et P1) qui est perpendiculaire au plan

AAG

90°

60°

Post

Ant

Bi-commissural Long axe

2-cavités 140°

P3

P2

P1

A1

A2 A3

0° 4-cavités

5-cavités

20°

140°

90°

60°

© Chassot 2011

TG 0° TG 90°

Ao

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 33

de coupe. En enfonçant la sonde (2-3 cm), on arrive à la commissure postérieure (A3 – P3), mais le plan de coupe lui est parallèle et ne permet pas de l’individualiser.

Vue bi-commissurale (60°) (Figure 25.27). Axe orthogonal (verticale du "D") et grand diamètre D’ (3-3.5 cm en protodiastole) ; vue de P1, A2 et P3 ; piliers antérieur et postérieur. En pivotant légèrement la sonde vers la droite (sens horaire), on visualise la base du feuillet antérieur ; en la pivotant légèrement dans le sens anti-horaire, on visualise les 3 festons postérieurs. La distance intertrigonale est équivalente à environ 0.8 fois la largeur du feuillet antérieur à sa base ; on peut l’estimer par la distance entre les deux commissures (distance bicommissurale) mesurée lorsque la rotation horaire de la sonde fait juste disparaître les festons du feuillet postérieur.

Vue 2-cavités (90°) mi-oesophage (Figure 25.22). Vue de A1 et P3 ; pilier postérieur. Vue long-axe mi-oesophage (120-140°) (Figure 25.23). Axe orthogonal (horizontale du "D") et

diamètre D’’ (2.8-3.0 cm en protodiastole) ; vue de A2 et P2 ; utiliser cette vue pour mesurer la longueur du feuillet antérieur dans les plasties (en diastole) et pour la définition du recul du point de coaptation dans le prolapsus (en systole).

Vue transgastrique basale (0°): court-axe de la valve mitrale (Figure 25.26). Feuillet postérieur (le plus proche) et antérieur (le plus éloigné), mais vue inconstante ; on ne voit souvent que la partie distale des cordages et la zone commissurale des feuillets.

Vue transgastrique 2-cavités (100°) (Figure 25.25). Vue de A1 et P3, piliers postérieur (le plus proche) et antérieur (le plus éloigné), cordages. Meilleure vue pour évaluer l’appareil sous-valvulaire.

Figure 11.19 : La hauteur de la zone de coaptation (HC) se mesure directement à l’écran ou se calcule par la différence entre la longueur (L) totale du feuillet antérieur (FA) en diastole (D) et la longueur depuis l’anneau mitral jusqu’au point de coaptation (PC) en systole (S). Elle est normalement de 6-10 mm. Le rapport entre la hauteur de coaptation et le diamètre de l’anneau mitral est 0.2 – 0.25 [330]. Lorsqu’il est visible dans le plan de coupe, l’AAG est en regard de la commissure antérieure (A1 et P1) ; lorsqu’elle apparaît, la valve aortique est en regard de la base du feuillet antérieur (A2). En systole, les deux feuillets mitraux sont appliqués l'un contre l'autre sur une certaine hauteur (4-8 mm); cette

Diamètre

HC

L FA (D)

L FA PC

HC = L FA (D) - L FA PC HC > 8 mm

S

D

A B

: Point de coaptation

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 34

hauteur de coaptation se calcule en soustrayant la distance entre l'anneau mitral et le point de coaptation en systole de la longueur totale du feuillet antérieur mesurée en diastole (vue long-axe 120°) (Figure 11.19). L’examen est complété par l’imagerie Doppler couleur et spectrale, ainsi que par les calculs hémodynamiques (voir Echocardiographie Doppler et Mesures hémodynamiques). Valve aortique L’examen de la valve aortique se pratique dans quatre plans (Figure 11.20) [16]. Figure 11.20 : Plans de coupe de la valve aortique. A : Vue court-axe (40°) ; NC : cuspide non-coronaire ; CG : cuspide coronaire gauche ; CD : cuspide coronaire droite ; VP : valve pulmonaire ; CCVD : chambre de chasse du VD. B : Vue long-axe (120°) ; points de mesure des 3 diamètres : anneau aortique (trait jaune), jonction sino-tubulaire (trait rouge) et aorte ascendante (trait bleu, au niveau du croisement de l’artère pulmonaire droite APD). C : Vue long-axe transgastrique profonde (0°) ; vue des cuspides CD et CG. D : vue long axe transgastrique 120°. Ces deux vues TG 0° et 120° (C & D) présentent un bon alignement CCVG - valve aortique – aorte ascendante pour les mesures de flux Doppler ; elles sont en général mutuellement exclusives ; on obtient l’une ou l’autre selon la position et le remodelage du VG [16].

Vue court-axe mi-oesophage basal (40°). Vue des 3 cuspides et de leurs commissures ; la cuspide NC est située en regard du septum interauriculaire. Une petite surface triangulaire apparaît au centre en diastole en cas d’insuffisance modérée ou sévère ; départ du tronc commun dans le sinus de Valsalva CG (Figure 25.28).

Vue long-axe mi-oesophage (120°). Selon le degré d’enfoncement de la sonde, on voit la CCVG (sonde profonde) ou l’aorte ascendante (sonde retirée) ; vue des cuspides CD

FAM

VD VG

Ao OG

40°

NC CG

CD

OG

OD CCVD

VP

120°

NC

CD

OG

CCVG Ao

APD

VD

0° 120°

VG

Ao VD

FPM

FAM

A

D C

B

FPM

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 35

(antérieure, à côté de la CCVD) et NC (postérieure, à côté de l’OG) ; parfois cuspide CG au lieu de NC (postérieure, à côté de l’OG, avec départ du tronc commun) ; départ de la coronaire droite dans le sinus de Valsalva droit (Figure 25.29). Les mesures de diamètre de la racine aortique sont faites en systole, en ne prenant en compte que la plus grande valeur obtenue [238,282] :

• Diamètre de l’anneau aortique (18-25 mm) ; • Diamètre des sinus de Valsalva (21-35 mm) ; • Diamètre de la jonction sino-tubulaire (20-34 mm) ; • Distance anneau aortique – jonction sino-tubulaire (20-25 mm) ; • Diamètre de l’aorte ascendante au niveau de l’artère pulmonaire droite (22-35 mm) ;

cette mesure est faite en diastole à cause de la distension de l'aorte en systole. Vue long-axe transgastrique (120°). Vue des cuspides CD et CG ; alignement CCVG - valve

aortique – aorte ascendante pour les mesures de flux Doppler (Figure 25.30). Vue long-axe transgastrique profond (0°). Vue des cuspides CD et CG ; alignement CCVG -

valve aortique – aorte ascendante pour les mesures de flux Doppler. Ces deux vues TG 0° et 120°, parfois difficiles à obtenir, sont en général mutuellement exclusives ; on obtient l’une ou l’autre selon la position et le remodelage du VG (Figure 25.31).

La vue 5-cavités n’offre qu’une vue tronquée de la cuspide CG qui surplombe la CCVG. Valve tricuspide Plans d’examen de la valve tricuspide (Figure 11.21, Figure 25.45 et Figure 26.44) :

Vue 4-cavités mi-oesophage (0-20°). Vue du feuillet septal et du feuillet antérieur en position haute de la sonde oesophagienne, ou du feuillet septal et du feuillet postérieur lorsque la sonde est enfoncée en position basse ; pilier septal. Le feuillet septal est inséré environ 1 cm en dessous (direction apicale) du feuillet antérieur de la valve mitrale. Plus grand diamètre de l’anneau (28-35 mm mesuré en télésystole). Bon alignement du Doppler avec le jet d’insuffisance tricuspidienne, en général dirigé vers le septum interauriculaire.

Vue admission – chasse du VD (60°). Vue du feuillet postérieur et du feuillet antérieur. Bon alignement du Doppler avec le jet d’insuffisance tricuspidienne.

Vue bicave (100-120°) modifiée par une légère rotation antihoraire de la sonde ; feuillets postérieur et antérieur.

Vue TG admission VD à 100°. Vue du feuillet postérieur et du feuillet antérieur ; piliers postérieur et antérieur ; excellente vue sur l’appareil sous-valvulaire.

Vue TG admission VD à 30-50° (court axe de la valve tricuspide). Feuillet antérieur sur la gauche, feuillet septal sur la droite, feuillet postérieur le plus proximal ; cette vue est parfois irréalisable ; l’angle pour l’obtenir est très variable (voir Figure 26.44F).

A part la vue court-axe transgastrique, difficile à obtenir, la vue 4-cavités est la seule où l’on voit le feuillet septal (le plus petit des trois).

Valve pulmonaire La valve pulmonaire est fine, peu échogène et très antérieure ; elle est malaisée à visualiser en ETO parce qu’elle est située devant la valve aortique qui lui fait écran. Elle est située au même niveau que la valve aortique, mais dans un plan perpendiculaire : elle apparaît en court-axe dans le plan long-axe de la valve aortique et vive-versa. Plans d’examen de la valve pulmonaire (Figures 25.47 et 26.48) :

Vue court-axe de l’aorte ascendante (0°). Focalisation sur la valve pulmonaire en réglant la profondeur de la sonde. Valve pulmonaire en long axe, avec l’origine de l’artère pulmonaire

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 36

(AP) ; bon accès à la mesure du flux pulmonaire à condition de placer l’axe du Doppler bien au milieu de l’AP.

Figure 11.21 : Plans de coupe de la valve tricuspide. A : Vue 4-cavités. On voit le feuillet septal (FS) et le feuillet antérieur (FA). B : Vue 4-cavités profonde, obtenur en enfonçant la sonde de 2-3 cm par rapport à la coupe A. On voit le feuillet septal et le feuillet postérieur (FP). SC : sinus coronaire. SivP : septum interventriculaire postérieur. C : Vue admission-chasse du VD (60°). Présence du feuillet antérieur et du feuillet postérieur. VP : valve pulmonaire. D : Vue transgastrique admission du VD, avec le FA et le FP [16].

Vue admission – chasse du VD (60°). Vue long axe de la CCVD (diamètre 25-30 mm), de la valve pulmonaire et de la racine de l’AP ; feuillet antérieur (le plus éloigné) et droit ou gauche selon la rotation de la sonde.

Vue basale long axe de la valve aortique (120-140°). Légère rotation de la sonde vers la droite (sens horaire) ; seule vue court-axe de la valve pulmonaire ; vue des 3 feuillets : feuillet gauche à 2 heures, feuillet antérieur à 6 heures, et feuillet droit à 10 heures.

Vue long-axe TG du VD (30-60°). Modification de la vue TG admission VD (100°) en diminuant la rotation du transducteur à 30-60° (angle très variable) ; vue de la CCVD, de la valve pulmonaire et de la racine de l’AP ; bon axe Doppler pour mesurer le flux dans la CCVD (Doppler pulsé) et la valve pulmonaire (Doppler continu).

Vue court-axe de la crosse aortique (90°) ; la valve apparaît en bas à gauche de l’écran.

0-20° 0-20°

FP

FS

OG

VG

FS FA

A

60°

FA FP

VD

VP

OG

Ao

100°

OD VD

FA

FP

D C

B

SivP

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 37

Examen des valves

Valve mitrale

Tournée de 60° par rapport à l’axe du corps Axes orthogonaux : 60° et 120-140° Diamètres mesurés à 60° et 120-140°

Longueur des feuillets mesurée à 120-140° Valve aortique Cuspide non-coronaire en regard du septum Court-axe à 40° et long-axe à 120° Diamètre mesuré à 120° Valve tricuspide 4-cavités 0° : F septal + F antérieur ou

postérieur selon profondeur de coupe 60° et TG : F antérieur et F postérieur Valve pulmonaire Antérieure, long-axe 60°, court-axe 140° La vue 4-cavités (0-20°) est essentielle pour évaluer le remodelage engendré par la valvulopathie et pour déterminer quelles sont les contraintes hémodynamiques dominantes. Vue 4-cavités La vue 4-cavités (0-20°) est capitale pour évaluer le remodelage des chambres cardiaques engendré par la ou les valvulopathie(s) (Figure 11.12). La manière dont s'est restructuré le cœur en réaction aux nouvelles conditions hémodynamiques imposées par la pathologie permet de déterminer quelle est la lésion prédominante. Cette donnée est capitale pour l'anesthésiste, parce qu'elle lui permet d'anticiper le comportement hémodynamique de son patient. Il est judicieux de débuter l'examen par cette vue, car elle offre le cadre général dans lequel vont s'insérer les détails observés ultérieurement sur les valves. Echocardiographie Doppler Doppler couleur Le flux Doppler couleur est la manière la plus simple de visualiser une insuffisance valvulaire et de démontrer l'accélération à travers une sténose. Au repos, le flux sanguin est physiologiquement laminaire dans les cavités cardiaques, donc silencieux. Toute présence de tourbillon indique une accélération pathologique : sténose valvulaire, régurgitation d'une cavité à haute pression dans une cavité à basse pression, simple éréthisme cardiaque ou turbulence localisée au voisinage d’une sclérose. Les vortex de ces tourbillons induisent des perturbations visibles à l’échocardiographie Doppler. L'affichage du flux couleur permet une évaluation rapide et aisée du flux dans les valvulopathies, mais il présente des limites qu'il est capital de connaître pour éviter des interprétations erronées (Figure 11.22 et Figure 11.23).

L'image du flux couleur est une cartographie des vélocités mais non une représentation du volume sanguin réel. Or la vélocité d'un flux est l'expression du gradient de pression instantané entre la cavité d'amont et la cavité d'aval; par exemple, la Vmax d'une insuffisance mitrale (IM)

F ant V mitr

F post

VPulm

F post

F ant V tric

F sept

VAo

CNC

CD CG

Ant

Post

60°

140°

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 38

diminue si la fonction ventriculaire gauche est abaissée, la Vmax d'une insuffisance aortique (IA) augmente si les RAS sont élevées.

Figure 11.22 : Imagerie échocardiographique en mode Doppler. A : insuffisance mitrale en vue long-axe du VG ; le faisceau Doppler (traitillé) est bien dans l’axe du flux de l’IM représentée par le flux Doppler couleur. B : représentation schématique du faisceau Doppler à travers une sténose aortique par voie transgastrique ; pour analyser de manière cohérente le flux à travers la sénose, l’axe du Doppler doit traverser la zone d’accélération pré-sténotique (PISA), l’orifice rétréci avec la vena contracta (flux laminaire, flèche rouge) et la zone des turbulences dans la racine de l’aorte ; la Vmax est enregistrée au niveau la vena contracta.

Pour la même pression d'amont, la vélocité du flux est inversement proportionnelle à la dimension de l’orifice: elle diminue si l'orifice est très large.

L’imagerie bidimensionnelle réalise une tomographie et n’affiche la dimension du jet que dans un plan; alors que des jets centraux ont en général une symétrie circulaire, les jets excentriques qui butent contre une paroi ont une géométrie très variable qui n’apparaît pas dans le plan de coupe. Le jet couleur bidimensionnel donne une représentation fiable des premiers, mais tend à sous-estimer l'importance des seconds parce qu'il ne visualise par leur étendue dans l'espace.

Un jet d'IM centrale de haute vélocité (Vmax 5-6 m/s) recrute du volume sanguin déjà dans l'OG par effet Venturi, alors qu'un jet d'IM excentrique ralentit lorsqu'il se freine contre la paroi de l'OG et n'est pas amplifié par l'effet Venturi. Le jet couleur tend de nouveau à surestimer l'importance des premiers mais à sous-estimer celle des seconds [42].

L'effet Doppler est maximal lorsque le flux et l'axe d'interrogation ont la même direction. Le jet d'une IM présente un développement maximal en vues mi-oesophagiennes rétro-cardiaques parce que son flux est bien aligné avec l'axe du Doppler, alors que le jet d'une IA est le plus important en vues transgastriques où il est orienté en direction du capteur.

La mesure de vélocité maximale doit être faite à l'endroit le plus rétréci, c'est-à-dire entre les feuillets de la valve ou immédiatement en aval de celle-ci, mais non à distance; ceci est valable aussi bien pour le jet d'une une sténose que pour celui d'une insuffisance.

B

A

Aorte

CCVG

Vue 2-D

B

PISA

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 39

L'imagerie présuppose intuitivement que les orifices sont circulaires, mais ceux-ci se présentent souvent sous forme d'ovale, de fente ou de géométrie complexe; il est donc capital de toujours procéder à une évaluation dans au moins deux plans orthogonaux.

Dans une insuffisance, le volume régurgité dépend de la durée du flux; si celui-ci est bref, l'insuffisance est bien moins importante que s'il est pansystolique (IM) ou pandiastolique (IA).

L'échelle de mesure (limite de Nyquist) doit être adaptée à la vélocité du flux mesuré; si elle est trop basse, des tourbillons apparaissent dans tout le secteur, mais si elle est trop élevée, les flux lents ne sont plus représentés.

Le gain doit être réglé de manière à faire juste disparaître les petites taches colorées qui apparaissent en-dehors des cavités cardiaques et des vaisseaux lorsqu’il est excessif.

Figure 11.23 : Insuffisance mitrale (IM) en vue ETO 4-cavités (0°). A : IM concentrique, de symétrie circulaire ; ce type de régurgitation a la même apparence dans tous les plans. Comme l’IM (Vmax 5-6 m/s) recrute du sang déjà dans l’OG par effet Venturi et qu’elle est dirigée vers le capteur, l’étendue du jet couleur tend à surestimer l’importance du volume régurgité. Dans le cas présent, l’IM est de degré II/IV, car elle est fine à son origine et ne présente pas de zone d’accélération concentrique (PISA) sur le versant venriculaire. B : IM excentrique sur prolapsus du feuillet postérieur. Cette IM se freine lorsqu’elle bute contre la paroi de l’oreillette, n’a que peu d’effet Venturi et présente une image très différente selon les plans d’analyse ; en effet, elle s’étend sur une grande partie de la paroi de l’OG, mais l’image est toujours une tomographie et ne fait qu’une coupe de ce large jet. De ce fait, l’image couleur sous-estime l’importance de la régurgitation. Dans le cas présent, il s’agit d’une IM de degré IV/IV comme le prouvent la largeur de la vena contracta (flèche jaune) et la présence d’un important PISA (zone d’accélération concentrique sur le versant ventriculaire). Vena contracta Dans un rétrécissement, le flux sanguin est laminaire et le reste à sa sortie ; il ne devient turbulent que quelques millimètres au-delà. Son plus petit diamètre n’est pas dans l’orifice lui-même, mais juste après, à un endroit appelé en hydrodynamique vena contracta (Figure 11.24A) [316]. Comme le flux y est encore laminaire, la dimension de cette zone reproduit fidèlement la forme de l’orifice. La mesure du diamètre de la vena contracta est une excellente technique pour évaluer la dimension de l’orifice de régurgitation valvulaire, car elle est indépendante de la vitesse du flux et de la pression motrice. De ce fait, elle garde sa valeur dans les insuffisance aiguës, où l’absence de dilatation de la cavité d’aval conduit à une rapide égalisation des pressions et où la dysfonction ventriculaire diminue la vélocité du

OG

VG A B

PISA

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 40

jet, donc sa surface apparente. L'insuffisance est sévère (degré IV/IV) lorsque le diamètre de la vena contracta est > 0.7 cm dans le cas d’une IM ou d'une IT, et > 0.6 cm dans le cas d'une IA. Figure 11.24 : Zone d’accélération concentrique proximale (proxinal isovelocity surface area ou PISA) et vena contracta illustrées dans une insuffisance mitrale en vue mi-oesophagienne rétrocardiaque. A : représentation schématique ; le PISA est un hémisphère concentrique centré sur l’orifice et situé dans la chambre d’amont du flux ; la vena contracta est la zone la plus étroite du flux laminaire qui sort du rétrécissement. B : En accélérant progressivement en direction de l’orifice, le flux Doppler franchit la limite de Nyquist (aliasing) et change de couleur ; il passe de l’extrémité jaune de l’échelle de couleur à l’extrémité bleue (C). Plus le volume de sang à faire passer par l’orifice est élevé, plus la dimension du PISA est grande et plus la Vmax est haute. C : image d’une insuffisance mitrale sévère ; lorsque l’échelle de couleur est réglée à 35-50 cm/s (ici 41 cm/s), un rayon de 1er aliasing de 1 cm (flèche blanche) correspond à une surface de l’orifice de régurgitation de 0.5 cm2 (IM sévère, de degré IV/IV). PISA Lorsqu’elles doivent passer d’une cavité large à un orifice étroit, les molécules de fluide accélèrent en une zone concentrique en amont du rétrécissement, puisque les fluides sont incompressibles. Cette zone de convergence hémisphérique est d’autant plus grande que l’accélération est élevée, donc que la quantité de liquide qui doit transiter par l’orifice est importante. Cette zone est appelée proximal isovelocity surface area, ou PISA, parce que la vitesse du fluide est la même sur la toute la surface de chaque hémisphère concentrique successif (Figure 11.24B) (voir Chapitre 25, Zone d'accélération concentrique) [292]. Selon l’équation de continuité, le produit de la vélocité à la surface d’un hémisphère et de la surface de cet hémisphère est égal au produit de la vélocité maximale à travers l’orifice et de la surface de ce dernier : (S • V)hémisphère = (S • V)orifice . Il est facile de mesurer la surface de l’hémisphère concentrique en repérant la limite à laquelle a lieu l’inversion de couleur du flux. Cette inversion (aliasing) survient lorsque la Vmax du flux dépasse celle qui est lisible pour l’échelle couleur choisie. Pour une insuffisance mitrale:

S orifice de régurgitation = (Shémisph • Valiasing) / VmaxIM = (6.28 r2 • Valiasing) / VmaxIM

© Chassot 2011 Hémisphère de 1er aliasing

Vortex

VG

OG

C B

OG

Valve mitrale

VG

Vmax

41

Vena contracta

Zone de tourbillons

Zone d’accélération concentrique

A

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 41

Dans l’insuffisance mitrale, on peut simplifier le calcul : si l’échelle de couleur est réglée sur une vélocité d’aliasing de 50 cm/s, un rayon de 1 cm pour l’hémisphère de 1er aliasing équivaut à un orifice de régurgitation ≥ 0.5 cm2, ce qui correspond à une IM sévère (degré IV/IV) [206,263,277].

Doppler couleur L’extension du jet couleur d’une insuffisance valvulaire ne représente pas le volume régurgité ; elle est une cartographie des vélocités, qui est elle-même fonction de : - échelle de couleur (limite de Nyquist) et gain; - gradient de pression à travers la valve; - dimension de l’orifice. Le jet couleur surestime l’insuffisance en cas de : jet central, haute pression d’amont, petit orifice. Le jet couleur sous-estime l’insuffisance en cas de : jet excentrique, basse pression motrice, orifice très large.

Valvulopathies : recommandations pour l’analyse Doppler

Axe du Doppler bien dans l’axe de l’insuffisance ou de la sténose, au travers de l’orifice valvulaire. Bon déroulement anatomique de la cavité d’aval dans l’axe du Doppler. Analyse de la Vmax au niveau de la vena contracta. Mesure dans 2 plans orthogonaux. Cohérence des résultats avec les mesures 2D (orifice de régurgitation) et avec le remodelage des cavités. Calculs hémodynamiques Equation de continuité L’équation de continuité exprime la loi de conservation de l’énergie. Elle spécifie que le flux, produit de la surface et de la vélocité maximale (S • Vmax, en cm3/s), est identique tout au long d’un parcours:

S1 • V1 = S2 • V2 où S et V sont les surfaces et les vélocités à deux endroits différents (Figure 11.25A). Si l’on connaît S1, V1 et V2, il est possible de calculer S2 : S2 = ( S1 • V1 ) / V2 Si l’on recherche la surface d’une sténose aortique, par exemple, on peut la calculer à partir du flux dans la chambre de chasse du VG (CCVG) et de la Vmax du flux à travers la valve aortique : SAo = ( SCCVG • VCCVG ) / VAo

SCCVG: surface de la CCVG calculée par son diamètre mesuré en vue long axe rétrocardiaque à 120° (en moyenne 2.0-2.2 cm) ;

VCCVG: vélocité maximale de la CCVG mesuré au Doppler pulsé en vue long axe transgastrique à 0° ou 120° ; la fenêtre est positionnée 2-3 mm en amont de la valve aortique, au milieu du flux ;

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 42

VAo: vélocité maximale à travers la valve aortique mesuré au Doppler continu en vue long axe transgastrique à 0° ou 120°.

Figure 11.25 : A : L’équation de continuité exprime la loi de conservation de masse : le produit de la vélocité du flux (trait rouge) et de la surface du tube est constant. Dans la zone rétrécie, la vélocité augmente, mais la pression (trait jaune) baisse ; c’est le principe de la conservation de l’énergie cinétique ; la pression remonte dans la zone distale au rétrécissement (pressure recovery), avec une perte de charge due aux frottements (P ’’ < P’). L’échocardiographie mesure le gradient de pression à partir de la vélocité maximale : ΔP = 4 (V22 – V12), donc avant la récupération de pression [336]. B : Illustration des différents gradients de pression en cas de sténose aortique. 1 : Gradient instantané maximal (échocardiographie Doppler) ; il survient pendant la phase d’accélération protosystolique du flux. 2 : Gradient pic-à-pic (courbe de retrait au cathétérisme, ponction à l’aiguille en amont et en aval de la valve) ; ce gradient n’existe pas réellement, car il est mesuré entre des points qui ne sont pas simultanés 3 : Gradient moyen (moyenne de tous les gradients maximaux instantanés). Le gradient instantané maximal est plus élevé que le gradient pic-à-pic, mais le gradient moyen est à peu près identique quelle que soit la technique de mesure.

A

B

Ventricule gauche

1 2

Aorte

200

100

Pression (mmHg)

3

S1 S2 V1

V2 P’

Pressure recovery

S1 • V1 = S2 • V2 A

P’’

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Ce calcul peut se faire de la même manière à différents endroits du flux sanguin, mais toujours en prenant soin de placer l’axe Doppler au centre du flux pour éviter les variations de vélocités liées aux parois et aux courbures. La Vmax peut être remplacée dans le calcul par l'intégrale des vélocités (ITV). Equation de Bernoulli L’équation de Bernoulli permet la mesure du gradient instantané de pression (ΔP) à travers un orifice ou entre deux cavités. Comme on utilise la Vmax pour ce calcul, on mesure en fait le gradient maximal, qui a lieu pendant le pic de vélocité. Ce ΔPmax est toujours plus élevé que le gradient pic-à-pic mesuré par cathétérisme, car ce dernier ne correspond pas à des pressions simultanées (Figure 11.25B). Le gradient moyen, qui est la moyenne de tous les gradients instantanés, est identique lorsqu’on le mesure par échocardiographie ou par cathétérisme. Dans l’équation de Bernoulli, on néglige les facteurs liés à l’accélération locale, qui n’est significative que pour les longues sténoses, et à la friction, qui n’a d’importance que pour des hématocrites > 60%. On obtient une équation modifiée : ΔP = 4 • (V22 – V12) où V1 est la vélocité en amont de l’orifice et V2 la vélocité en aval. Si V1 est < 1.5 m/s, on peut négliger ce facteur, et l’équation simplifiée devient : ΔP = 4 • (Vmax) 2 L’abandon de V1 est très pratique pour le calcul, mais peut surestimer gravement le gradient si la vélocité d’amont est élevée. Ceci est particulièrement important en position aortique ; ne pas tenir compte de la vélocité dans la chambre de chasse conduit à une surestimation du gradient à travers la valve aortique de 9 à 30 mmHg (voir Figure 11.96). L’équation de Bernoulli simplifiée est très précise sauf dans trois circonstances :

Vmax d’amont (V1) > 1.5 m/s ; utiliser alors l’équation complète : ΔP = 4 • (V22 – V12) ; Présence de deux sténoses successives ; Longue sténose (effet tunnel) ou hématocrite élevé (Ht > 60%).

L’axe de mesure Doppler doit toujours être le plus voisin possible de celui du flux mesuré. Le calcul du gradient entre deux cavités permet de mesurer la pression dans l'une lorsqu'on connaît celle de l'autre. Par exemple, la Vmax d’une insuffisance tricuspidienne donne le gradient de pression entre le VD et l’OD en systole ; si l’on ajoute la POD à ce gradient, on obtient la pression systolique du VD, en principe équivalente à la PAP systolique (voir Figure 11.119) : PAPs = 4 • (Vmax IT) 2 + POD. Conditions hémodynamiques Les mesures faites à partir des flux Doppler sont évidemment influencées par l'état hémodynamique du patient. Pour la même surface d'ouverture, le gradient à travers une valve augmente si :

Le volume systolique/diastolique augmente; La pression d'amont s'élève; La pression d'aval s'abaisse.

Le gradient s'abaisse dans les conditions inverses. Lorsqu'on procède à des mesures quantitatives (surface d'une sténose ou orifice de régurgitation d'une insuffisance, par exemple), il est de la plus haute importance de rétablir des conditions hémodynamiques aussi proches que possible de la norme

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(normovolémie, normotension, contractilité satisfaisante), quitte à imposer momentanément un test d'effort au malade avec un vasoconstricteur et/ou un agent inotrope. D'autre part, il est toujours préférable de se baser sur les mesures les moins dépendantes de l'hémodynamique, comme la planimétrie bidimensionnelle (lorsqu'elle est faisable) ou le diamètre de la vena contracta. D'une manière générale, les valvulopathies causées par des lésions organiques sont moins dépendantes de l'hémodynamique que les insuffisances fonctionnelles. Mais en salle d'opération, le patient est dans une situation très différente de celle d'un cabinet de cardiologie. Il est endormi et ventilé en pression positive, son tonus sympathique est diminué (baisse des RAS et du débit cardiaque), le régime de pression à l'intérieur de sa cage thoracique est anormal. Dans ces conditions, une insuffisance mitrale peut diminuer de moitié [134].

Calculs hémodynamiques Gradient de pression entre 2 cavités (équation de Bernoulli)

ΔP = 4 • (V22 – V12) Si V1 < 1.5 m/s : ΔP = 4 • (Vmax) 2

Equation de continuité S1 • V1 = S2 • V2 d’où : S2 = (S1 • V1) / V2 Flux (dans un vaisseau ou à travers un orifice) F = S (cm2) • Vmax (cm/s) Volume systolique VS = S (cm2) • ITV (cm) (ITV : intégrale des vélocités mesurées par l’enveloppe du flux spectral au Doppler pulsé ou continu) Place de l'ETO peropératoire L’échocardiographie transoesophagienne (ETO) occupe une place privilégiée dans la chirurgie valvulaire, car elle y a un impact très important [51,216,217].

Elle oriente l’anesthésiste et l’opérateur sur la meilleure technique pour assurer l’équilibre hémodynamique et optimaliser l’intervention chirurgicale. En chirurgie valvulaire, le taux de modification du plan thérapeutique décidée sur la foi de l’ETO peropératoire est de 11-14%, alors qu'elle est en moyenne de 7% dans l'ensemble de la chirurgie cardiaque [54,77,216,221]. De plus, dans 6-8% des cas, l’ETO met en évidence une lésion cardiaque non suspectée à l’évaluation préopératoire et justifiant une correction supplémentaire non planifiée [87,305].

Avant la CEC, elle permet d’apprécier l’anatomie fonctionnelle du coeur, c’est-à-dire la manière dont les structures se sont adaptées à la valvulopathie et le degré de décompensation encouru par le myocarde (Figure 11.12). En cas de polyvalvulopathie, cet examen permet de juger des lésions prédominantes, et contribue à définir quelle est la pathologie primaire et quelles sont les lésions secondaires ou fonctionnelles.

Après la CEC, elle permet un contrôle immédiat de la qualité de la reconstruction valvulaire et du fonctionnement des prothèses ; elle met en évidence d’éventuels défauts résiduels. Elle justifie retour en CEC pour corriger une anomalie (fuite paravalvulaire, plastie inadéquate) dans 2-6% des cas [54,77,87,216]; cette reprise dans le même temps opératoire évite une réopération ultérieure dont la mortalité serait plus élevée.

Pour l’anesthésiste, l’ETO offre un monitorage inégalé de la volémie dans des situations où les pressions de remplissage sont de mauvais repères à cause de la dysfonction diastolique et de la valvulopathie. Elle permet une analyse très pointue de la fonction ventriculaire malgré le

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remodelage des cavités et malgré les variations de charge et de performance systolique en cours d’interventions. Elle permet de diagnostiquer des effets hémodynamiques comme une sténose dynamique de la chambre de chasse du VG, qui sont indiscernables par une autre méthode.

L’ETO fait intégralement partie de certaines interventions parce que cette imagerie est nécessaire au placement de canules ou de prothèses particulières et à la visualisation instantanée de l'acte chirurgical (implantation de prothèses stentless ou de prothèses endovasculaires, chirurgie minimalement invasive, plasties percutanées, etc).

L'ETO peropératoire est une recommandation formelle lors de plasties valvulaires, lors de mise en place de prothèse sans monture ou d'homogreffe, et en cas d'endocardite; elle est souhaitable, mais pas indispensable, pour la mise en place de prothèse mécanique ou de bioprothèse montée [23]. L’examen doit toujours être complet: morphologie et fonction des deux ventricules, anatomie des valves, flux couleur et Doppler spectral, calcul des gradients et des surfaces d'ouverture. Toute divergence entre les différents éléments doit trouver une explication. Les mesures de flux étant dynamiques, elles sont tributaires de l'état circulatoire du patient, qui est notablement modifié par l’anesthésie. Les insuffisances, par exemple, diminuent de 1 à 2 degrés sur une échelle de quatre du simple fait de l’anesthésie générale [134]. Toute quantification d’une régurgitation doit se faire après avoir rétabli une hémodynamique normale, au besoin par un vasopresseur artériel. Lorsque le malade est arythmique, les mesures doivent être effectuées sur des cycles cardiaques dont la durée de la diastole correspond à une fréquence d’environ 70 battements/minute; elles doivent être répétées et moyennées. Après une plastie valvulaire, l’ETO est essentielle pour juger de la reconstruction: étanchéité, prolapsus résiduel, restriction au flux antérograde, obstruction dynamique, etc. Une fuite résiduelle doit être testée dans des conditions hémodynamiques sévères (PAM 90-100 mmHg). Le contrôle immédiat d’une plastie mitrale a une excellente valeur prédictive à moyen terme, car il n’y a pas de changement évolutif significatif dans l’importance de la régurgitation entre la valeur trouvée en fin de CEC et celle diagnostiquée au sixième mois postopératoire [64,268]. Après la mise en place d’une prothèse valvulaire, l'ETO devra répondre à plusieurs questions:

Les fuites sont-elles quantitativement normales ? Existe-t-il une fuite paravalvulaire ? L'ouverture est-elle libre et la fermeture présente-t-elle une coaptation normale ? Les flux et les gradients sont-ils dans les normes pour le type de prothèse ? Quel est l'effet du remplacement d'une valve sur le fonctionnement des autres ? faut-il intervenir

sur d'autres valves ? Existe-t-il une obstruction dynamique de la chambre de chasse ? La fonction ventriculaire est-elle adéquate ? Est-il apparu des altérations de la cinétique segmentaire ?

Les corrections mitrales et aortiques impliquent l'ouverture des cavités gauches, cavités dans lesquelles l'air s'infiltre aisèment. Au cours de la mise en charge, il est expulsé avec le flux sanguin et donne lieu à des embolies artérielles, principalement dans les coronaires et dans la circulation cérébrale. Comme leur échogénicité est très élevée, les bulles d'air sont très bien visibles à l'échocardiographie (Figure 11.26). Ce sont de petites taches brillantes et oblongues, dont le long axe est perpendiculaire à celui des ultrasons. Elles dansent dans le flux et s'accumulent dans les régions supérieures des cavités, où elles forment des zones extrêmement échogènes accompagnées d'un important cône d'ombre. Les ultrasons sont très performants dans la détection de l'air, puisqu'ils voient des bulles de l'ordre de 20 à 50 µm de diamètre. Malheureusement, ils ne permettent pas une quantification précise, mais seulement une évaluation grossière de la quantité d'air en circulation. Ce phénomène est fréquent après chirurgie valvulaire, puisque de l'air est visible à l'ETO dans 73 - 100% des cas [310]. Les endroits préférentiels d'accumulation sont [240]:

Les veines pulmonaires supérieures droite et gauche; La partie haute du septum interauriculaire sur son versant gauche;

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L'angle mitro-aortique; Le septum apical du ventriculaire gauche (en position de Trendelenburg); Le sinus de Valsalva droit de l'aorte; Pour évaluer l'importance de l'embolisation systémique, on peut observer les bulles dans l'aorte

descendante et pivotant la sonde d'ETO vers l'arrière. Figure 11.26 : Accumulation d’air dans le cœur gauche en fin de CEC. A : l’air provient de la cardiotomie gauche et des veines pulmonaires droite (VPD) et gauches (VPG) ; il a tendance à s’accumuler aux endroits surélevés : angle entre le septum interauriculaire et le toit de l’OG, angle mitro-aortique, septum interventriculaire antéro-apical (en position de Trendelenburg). B : vue 4 cavités avec d’innonbrables bulles dans l’OG et le VG, ainsi que deux zones d’accumulation contre le septum interauriculaire et dans les trabéculations du septum interventriculaire antéro-apical. C : embolisation d’air dans le muscle papillaire postérieur (territoire de la coronaire droite). Un certain nombre de manoeuvres permettent de vidanger les poches d'air et d'empècher leur embolisation dans des vaisseaux critiques :

Maintien d'une aspiration continue par la canule de cardioplégie en place dans la racine de l'aorte ascendante ;

Secousses et manipulations du coeur; Roulis de la table d'opération; Position de Trendelendburg; Hyperinflation et compression pulmonaire; Stimulation inotrope; Vidange auriculaire par ponction directe à l'aiguille et aspiration; Vidange ventriculaire par ponction apicale ou transseptale.

A

© Chassot 2011

Aorte

Ant Post

OG

VPD VPG

VG

B

C

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Souvent, les dernières bulles se délogent lors des changements de position du patient, comme au moment de sa mise au lit. Elles peuvent être la source de perturbations hémodynamiques abruptes souvent mal interprétée: ischémie dans le territoire de la CD ou des pontages aorto-coronariens veineux, choc cardiogène. Quelle qu'en soit la quantité, l'air doit être éliminé dans toute la mesure du possible, car il peut être responsable d'une morbidité importante lorsqu'il embolise par voie systémique. Le premier site d'embolisation est la coronaire droite, qui émerge de l'aorte sur sa face antérieure droite. C'est pour cette raison anatomique qu'une ischémie inféro-postérieure est souvent diagnostiquée à l'ECG peu après la sortie de pompe (sus-décalage ST en DII). L'air s'introduit très facilement dans les pontages aorto-coronariens veineux, car ils sont implantés à la face antérieure de l'aorte ascendante. La plupart du temps, cette embolisation se résout spontanément en augmentant la pression de perfusion, mais elle peut conduire à un infarctus postérieur. Le troisième site d'embolisation est la carotide droite, qui se trouve dans l'axe de l'aorte ascendante. Toutefois, il n'existe pas de données dans la littérature actuelle qui établissent une corrélation directe entre la présence ou la quantité d'air dans le coeur gauche et les déficits neurologiques postopératoires. En cours de remplacement valvulaire aortique (RVA), des débris de valve ou d'athérome aortique peuvent aisément se fourvoyer dans les ostia coronariens, occasionnant une image d’ischémie tronculaire avec surélévation du segment ST à la sortie de CEC. Après chirurgie mitrale, on peut rencontrer une akinésie latérale étendue sur lésion de l'artère circonflexe occasionnée par des points de fixation implantés trop au large de l'anneau dans sa partie latérale.

Place de l'ETO en peropératoire Intérêt de l'ETO dans la chirurgie valvulaire: - évaluation de la volémie et de la fonction ventriculaire indépendante de la compliance et du remodelage; - modification de la stratégie chirurgicale sur la base de l'ETO pré-CEC dans 6-8% des cas; - contrôle immédiat de la reconstruction valvulaire ou du fonctionnement de la prothèse

(retour en CEC dans 2-6% des cas); - visualisation de l'acte chirurgical en temps réel dans les implantations valvulaires ou les

plasties percutanées; - débullage des cavités gauches;

- mise en évidence immédiate de complications liées à la chirurgie; - diagnostic d'une obstruction dynamique de la chambre de chasse.

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Situations particulières Apparition des symptômes La relation entre le flux et le gradient de pression à travers une sténose est exponentielle; en effet, la résistance au fluide dans un tube est fonction de la quatrième puissance de son rayon (loi de Poiseuille) (voir Figure 5.121). L'augmentation de la résistance au flux est négligeable lorsque le rétrécissement de surface est inférieur à 50%, et faible jusqu'à 70% ; elle ne devient significative qu'à 75% et au-delà; une sténose doit donc être sévère pour devenir symptomatique. Comme la résistance varie avec la puissance 3 de la surface et que le rétrécissement progresse à raison de 0.1 cm2 par an en moyenne, l'évolution clinique se précipite dès que la sténose est serrée. En cas de sténose aortique, par exemple, la survie est inférieure à 2 ans lorsque la dyspnée apparaît. Le gradient de pression à travers une sténose s'élève avec le carré de la vélocité (loi de Bernoulli); la résistance augmente donc de manière exponentielle avec l'accroissement du flux sanguin. C'est la raison pour laquelle une épreuve d'effort, qui acélère le flux, peut démasquer de manière objective l'apparition de symptômes chez un patient qui dit n'en pas ressentir. D’une manière générale, les symptômes surviennent avant la décompensation ventriculaire dans les sténoses valvulaires, alors que les insuffisances se caractérisent par une dégradation fonctionnelle du VG qui s’installe avant la survenue de la symptomatologie clinique. L'amélioration des résultats chirurgicaux ces vingt dernières années et la possibilité de réaliser des plasties plutôt que des remplacements valvulaires a poussé à intervenir plus tôt dans l'évolution de la maladie, alors que les patients sont encore paucisymptomatiques et que la fonction ventriculaire est peu modifiée. Epreuve d’effort En cas de sténose aortique, l'ergométrie ou l'écho de stress à la dobutamine permettent d'objectiver l'indication opératoire dans trois circonstances différentes [198,259]:

Hibernation myocardique ischémique; Valvulopathie paucisymptomatique; Sténose serrée mais faible gradient de pression (≤ 30 mmHg).

Dans le premier cas, l'hypokinésie ou l'akinésie sont réversibles et bénéficieront d'une revascularisation coronarienne. Dans le deuxième cas, la survenue de dyspnée, d'angor ou d'hypotension en cours d'effort pose l'indication au remplacement valvulaire. En effet, un test anormal (symptômes, modification ST, augmentation du gradient > 18 mmHg ou augmentation de la pression artérielle de < 20 mmHg) sont des facteurs indépendants de morbidité et de mortalité à 2 ans [186]. Dans le troisième cas, le problème est de déterminer laquelle des deux possibilités est présente:

Sténose aortique organique serrée accompagnée d'une défaillance ventriculaire gauche secondaire ou aggravée par l'excès de postcharge;

Sténose aortique fonctionnelle due à une incapacité du VG défaillant à ouvrir correctement une valve simplement sclérosée.

L'examen au repos, que ce soit une échocardiographie, un CT-scan ou une IRM, ne permet pas de différencier les deux situations, qui ont pourtant des sanctions thérapeutiques très différentes. En effet, le remplacement valvulaire aortique (RVA) est bénéfique dans le premier cas (survie à 5 ans 65%, versus 11% pour le traitement médical), mais non dans le second, où le traitement est celui de

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l'insuffisance ventriculaire [315]. La situation s’éclaircit en examinant le rapport entre la vélocité dans la chambre de chasse du VG (VCCVG) et celle à travers la valve aortique (VVAo) pendant un écho de stress à la dobutamine (perfusion 5-10 mcg/kg/min) (Figure 11.27) [130].

Si la sténose est organique et fixe, l’ouverture reste inchangée mais le gradient augmente à travers la CCVG et à travers la valve sous l’effet de la dobutamine. Le rapport VCCVG / VVAo reste inchangé (0.2) car la Vmax augmente de manière proportionnelle dans la CCVG (de 0.6 à 1.0 m/s) et dans la valve aortique calcifiée (de 3 à 5 m/s).

Si la sténose est fonctionnelle, l’ouverture valvulaire devient plus grande mais le gradient transvalvulaire ne se modifie pas. L’augmentation de contractilité du VG se traduit par une élévation de la Vmax dans la CCVG (de 0.6 à 1.0 m/s) mais non à travers la valve aortique (3 m/s), car celle-ci s’ouvre davantage sous l’effet du plus grand volume systolique sans que son gradient s’élève ; le rapport VCCVG / VVAo va donc augmenter (0.33).

Le test, qui peut être réalisé en salle d’opération, permet également d’évaluer la réserve contractile du VG ; le pronostic est amélioré si le volume systolique augmente de > 20%.

Figure 11.27: Rapport des vélocités entre la chambre de chasse du VG et la valve aortique (VCCVG/VAo). Le volume qui traverse la CCVG à chaque systole est le même que celui qui traverse la valve aortique; le rétrécissement de la valve impose une acélération au flux; le produit de la surface (S) et de la vélocité (V) reste constant. La vélocité du flux augmente donc proportionnellement au degré de rétrécissement. Dans une sténose aortique serrée, le rapport VCCVG/VAo est < 0.25, comme on le voit dans l’enregistrement Doppler continu à droite; dans ce cas, la VCCVG est 0.8 m/s et la VAo est 5.1 m/s; le rapport est 0.16, signant une sténose très serrée. Dans le cas d’une prothèse aortique, dont la surface est légèrement restrictive, le rapport doit rester > 0.4, sans quoi la valve est trop petite pour accomoder le volume systolique sans développer un gradient excessif. Dans une sténose mitrale, l'épreuve de stress à la dobutamine différencie les patients dont le gradient transvalvulaire dépasse 15 mmHg ou dont la PAP augmente au-delà de 60 mmHg, même s'ils sont encore asymptomatiques au repos [24,259]. Ces cas sont de bons candidats pour un remplacement valvulaire mitral (RVM).

CCVG S1 x V1

VAo S2 x V2

VCCVG/VVAo

CCVG

VAo

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Lors d'insuffisance mitrale (IM) sévère asymptomatique, ou lors d'IM modérée peu symptomatique au repos, une échocardiographie de stress permet de distinguer les patients dont la PAP dépasse 60 mmHg à l'effort, car ils bénéficient d'une plastie mitrale précoce [24,189]. Dans l'IM ischémique, la pathologie est située dans le ventricule; le pronostic est nettement moins favorable que dans les maladies valvulaires proprement dites, aussi bien pour la reconstruction chirurgicale et la revascularisation que pour le traitement médical. L'écho de stress est utile pour définir la ligne thérapeutique dans essentiellement trois circonstances [260]:

Dyspnée d'effort hors de proportion avec l'importance de l'IM au repos; Episodes d'OAP sans cause évidente; IM modérée avant revascularisation chirurgicale.

Epreuve d'effort Dans le cadre des valvulopathies, l'écho de stress à la dobutamine est très utile pour poser l'indication opératoire dans 3 circonstances: - patient paucisymptomatique; - sténose serrée mais faible gradient transvalvulaire;

- hibernation myocardique. L'indication opératoire est confirmée lorsque le test d'effort révèle que: - la PAP systolique augmente à > 60 mmHg dans la sténose ou l'insuffisance mitrale; le gradient augmente à > 15 mmHg dans la sténose mitrale; - le gradient augmente à travers la valve aortique; si la sténose est fonctionnelle, le ventricule gauche ouvre davantage la valve sous dobutamine et le gradient reste inchangé; - l'hypokinésie/akinésie est réversible sous dobutamine. Insuffisance valvulaire aiguë Une insuffisance valvulaire aiguë présente deux caractéristiques qui la rendent particulièrement redoutable pour la prise en charge au bloc opératoire:

Aucune adaptation n'a eu le temps de se développer (hypertrophie, dilatation, etc); L'intervention chirurgicale est le plus souvent urgente.

La fuite valvulaire massive et brutale entraîne une cascade de complications: dilatation ventriculaire, défaillance du VG, tachycardie, hypotension, choc cardiogène et œdème pulmonaire. Les causes habituelles sont multiples [300]:

Valve aortique o Endocardite; o Dissection A; o Traumatisme;

Valve mitrale o Rupture de cordage ou de pilier; o Endocardite; o Décompensation du VG, ischémie aiguë , moycardite (IM fonctionnelle);

Prothèse valvulaire o Ailette bloquée (valve mécanique);

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o Déchirure (bioprothèse); o Fuite paravalvulaire (déhiscence, endocardite, lâchage de suture).

Le tableau clinique est celui d'un choc cardiogène, accompagné de douleurs thoraciques dans le cas de la dissection ou de fièvre dans celui de l'endocardite. Le patient est tachycarde, hypotendu, dyspnéique et tachypnéique. Les critères échocardiographiques de sévérité s'appliquent mal à ces situations très instables où le volume régurgité se modifie facilement en fonction des RAS, de la précharge ou de la contractilité. Comme le régime de pression est bas et l'orifice de régurgitation est grand, la Vmax du jet de l'insuffisance est très diminuée; l'étendue du jet couleur sous-estime l'importance du volume régurgité. Toutefois, la largeur du jet à son origine (vena contracta) reste un critère fiable pour quantifier la lésion. Le CT-scan ou l'IRM peuvent fournir des images plus précises lorsque l'échocardiographie est incomplète. Le cathétérisme n'est pas utile; seule la coronarographie peut être nécessaire lorsque le patient souffre d'une IM ischémique et qu'il présente des symptômes coronariens. Le traitement est avant tout chirurgical, le traitement médical (vasodilatateurs, inotropes, IPPV) n'étant qu'une phase de stabilisation. La contre-pulsion intra-aortique (CPIA) est très utile en cas d'IM mais contre-indiquée en cas d'IA. Insuffisance mitrale aiguë Bien que compliante, l'OG ne peut pas accommoder l'augmentation de volume que produit l'IM parce qu'elle n'est pas dilatée; sa pression augmente, une onde "v" de ≥ 30 mmHg est visible sur la courbe de PAPO, et l'œdème pulmonaire se développe rapidement. Le ventricule gauche subit une surcharge de volume majeure, puisqu'une partie du volume systolique ne fait que des allers-retours entre le VG et l'OG. La présence d'une IM sévère lors d'un épisode d'ischémie coronarienne aiguë est un facteur aggravant majeur pour la mortalité, quel que soit le traitement; si une revascularisation chirurgicale est indiquée, la correction simultanée de l'IM améliore le pronostic [200]. Lorsqu'elle est possible, une plastie mitrale est toujours préférable à un remplacement valvulaire, sauf en cas de pathologie complexe rallongeant excessivement le temps opératoire [300].

Insuffisance valvulaire aiguë Etiologies: - IA: endocardite, dissection A, traumatisme; - IM: rupture de pilier/cordage, endocardite, décompensation VG (IM fonctionnelle), akinésie aiguë (IM ischémique); - Prothèse: ailette bloquée, déchirure, fuite paravalvulaire. Par rapport à une insuffisance qui s'est établie sur des années, l'insuffisance aiguë est caractérisées par: - absence d'adaptation et de remodelage; - défaillance ventriculaire grave; - opération en urgence. Les critères échocardiographiques de la régurgitation chronique sont mal applicables. A cause du choc cardiogène et de l'hypotension artérielle, l'étendue du jet couleur et sa Vmax sont très diminuées.

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Insuffisance aortique aiguë Le ventricule gauche subit également une surcharge de volume massive, mais sous une pression bien plus élevée puisqu'il est rempli à chaque diastole par la pression aortique. Le choc cardiogène baisse la pression systolique, si bien que la pression différentielle n'est pas un critère de sévérité dans l'insuffisance aortique aiguë. L'élévation brutale de la pression diastolique du VG occasionne une fermeture prématurée de la valve mitrale; l'OG se vide mal dans le VG, et la PAPO sous-estime la pression télédiastolique réelle du VG. L'ischémie myocardique est fréquente, parce que la pression de perfusion coronarienne est très diminuée: d'une part, la pression aortique diastolique est basse, d'autre part, la pression intraventriculaire gauche est élevée. Valvulopathies et chirurgie non-cardiaque Lors de l'évaluation préopératoire, il n'est pas rare de découvrir une valvulopathie chez des malades de chirurgie générale [114]. Cette situation pose la question d'un éventuel remplacement valvulaire avant de procéder à l'intervention (voir Annexe C). Sténose aortique Environ 5% des patients de > 65 ans souffrent d’une sténose aortique [235]. Or les valvulopathies sténosantes imposent une restriction hémodynamique qui ne permet aucune adaptation du débit cardiaque. Le volume systolique devient fixe, et dépend de la fréquence : la bradycardie diminue linéairement le débit, et la tachycardie freine le remplissage en raccourcissant la diastole (sténose mitrale) ou limite l'éjection en raccourcissement la systole (sténose aortique). Comme le débit est fixe, la pression artérielle dépend étroitement des résistances périphériques. Les critères de sévérité de la sténose aortique sont [24] :

Sténose serrée : surface < 0.6 cm2/m2, gradient moyen > 50 mmHg, gradient maximal > 100 mmHg ;

Sténose modérée : surface 0.6 – 1.0 cm2/m2, gradient moyen 25 - 50 mmHg. La présence d’une sténose aortique modérée multiplie le risque opératoire par trois; lorsqu'elle est sévère, elle le multiplie par cinq, quelle que soit la catégorie de risque du patient ou le nombre de facteurs de risque associés [166,269]. Le risque opératoire est lié à 5 facteurs :

La sévérité de la sténose ; La tolérance à l’effort du patient ; La fonction ventriculaire gauche ; La présence de coronaropathie associée ; La gravité de l’opération chirurgicale planifiée.

Lorsqu’elle est symptomatique (angor, syncope et/ou dyspnée), une sténose aortique serrée découverte dans le préopératoire de chirurgie générale doit être corrigée avant de procéder à l’intervention non-cardiaque quelle qu'elle soit [108,318]; il est préférable d'utiliser une bioprothèse afin d'éviter les problèmes d'anticoagulation. Lorsqu'elle est asymptomatique, il existe deux cas de figure (Figure 11.28) [39,53,318].

L'intervention prévue est majeure (chirurgie de l’aorte abdominale, chirurgie hépato-pancréatique, etc); dans ce cas, il est prudent de prévoir un remplacement valvulaire aortique (RVA) avant la chirurgie non-cardiaque; si le VG est dilaté et sa fonction déjà diminuée, le RVA préopératoire est également conseillé, même si le patient est asymptomatique.

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La chirurgie prévue est de type intermédiaire ou mineur: le RVA ne se justifie pas; même si elle est de 15-25%, la morbidité cardiaque est la même que chez les patients qui présentent une sténose mineure-à-modérée. Toutefois, plus la sténose est serrée, plus le risque d'hypotension peropératoire est élevé et plus le contrôle hémodynamique doit être rigoureux.

Figure 11.28 : Algorithme de prise en charge du malade porteur d’une sténose aortique (modifié d’après références 23 et 53). Lorsqu’elle est symptomatique (angor, syncope et/ou dyspnée), une sténose aortique serrée découverte dans le préopératoire de chirurgie générale doit être opérée (remplacement valvulaire) avant de procéder à l’intervention non-cardiaque. Lorsque le patient doit subir une intervention élective majeure (chirurgie de l’aorte abdominale, chirurgie hépato-pancréatique), il est prudent de prévoir un remplacement valvulaire aortique (RVA) en cas de sténose serrée même asymptomatique ; par contre, une chirurgie intermédiaire ou mineure ne justifie pas un RVA préopératoire chez un patient asymptomatique. Dans les cas à haut risque (mortalité prévisible > 20%), le RVA en CEC peut être remplacé par l’implantation percutanée ou transapicale d’une prothèse valvulaire montée dans un stent. La présence d’une dysfonction du VG aggrave le pronostic et renforce l’indication à un RVA préopératoire. En cas de coronaropathie associée, on procède à des PAC simultanément au RVA ; s’il n’y a pas d’indication au RVA et que l’intervention est vitale ou urgente, on procède à la chirurgie générale sous cardioprotection d’aspirine et de β-bloqueur. Une opération vitale ou urgente est possible en cas de sténose aortique serrée asymptomatique, bien que le risque opératoire soit augmenté par un facteur de cinq. Si la sténose est symptomatique, il est prudent d’au moins dilater la sténose (valvuloplastie percutanée) en préopératoire, si la lésion s’y prête. Une opération urgente ou vitale est possible en cas de sténose aortique serrée asymptomatique, bien que le risque opératoire soit augmenté par un facteur de cinq (odds ratio 5.2) [166]. La présence d’une dysfonction du VG aggrave le pronostic et renforce l’indication à un RVA préopératoire, mais cette

Risque élevé : Implantation

percut/transapicale RVA + PAC

Opération + β-bloqueur

Opération sans préparation

RVA

Opération vitale/urgente: ad op chir non-cardiaque

(évent. valvuloplastie percut)

Sténose aortique serrée S < 1.0 cm2 (< 0.6 cm2/m2)

Gradient moyen > 50 mmHg

Sténose aortique modérée S 1.0-1.5 cm2 (0.6-1 cm2/m2) Gradient moyen < 45 mmHg

Coronaropathie associée

Asymptomatique Symptomatique

Chirurgie majeure

& vasculaire

Asymptomatique

Dysfonction du VG

© Chassot 2011

Chirurgie intermédiaire

& mineure

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indication est essentiellement basée sur le bénéfice à long terme du malade, car le RVA lui-même affiche une mortalité de 2% en-dessous de 70 ans et de 5% au dessus de 75 ans [23,24]. Si la sténose est symptomatique, il est éventuellement possible de dilater la valve en préopératoire (valvuloplastie percutanée), pour autant qu’elle ne soit pas calcifiée ni accompagnée d’une insuffisance. Dans les cas à haut risque pour la chirurgie cardiaque (mortalité prévisible > 20%), le RVA en CEC peut être remplacé par l’implantation percutanée ou transapicale d’une prothèse valvulaire montée dans un stent (TAVI) (voir Endoprothèses valvulaires et Chapitre 10, Implantation valvulaire aortique). Sténose mitrale L’attitude générale est identique pour une sténose mitrale. Une sténose serrée (S < 0.6 cm2/m2) accompagnée d’une hypertension pulmonaire (PAP systolique > 50 mmHg) et/ou de symptômes cliniques commande un remplacement valvulaire ou une valvuloplastie percutanée en préopératoire. Une sténose serrée asymptomatique avec une PAPsyst < 50 mmHg permet la chirurgie non-cardiaque; toutefois, il est préférable de procéder à un RVM avant une chirurgie majeure [318]. Le contrôle de la fréquence cardiaque est primordial ; en cas de FA et/ou de dilatation massive de l’OG, l’anticoagulation est requise à cause de la stagnation sanguine dans l’oreillette et du risque de thrombus. Insuffisance valvulaire La chirurgie générale n’est pas contre-indiquée en cas d’insuffisance valvulaire mitrale (IM), aortique (IA) ou tricuspidienne (IT), même majeure, pour autant qu’elle n’entraîne pas de décompensation ventriculaire ni de symptômes cliniques au repos. Chez les patients symptomatiques avec dysfonction ventriculaire (FE < 0.30), seule la chirurgie vitale est possible [318]. L’adéquation hémodynamique est maintenue par une postcharge basse et un soutien inotrope positif. La découverte d'une insuffisance valvulaire doit générer deux questions chez l'anesthésiste:

Quelle est l'importance de la régurgitation ? Seule une insuffisance sévère présente des risques significatifs, par ordre croissant: IT < IM < IA;

Quel est son mécanisme ? Une IM fonctionnelle traduit une pathologie ventriculaire sous-jacente potentiellement dangereuse, alors qu'une IM organique (prolapsus, RAA) est une affection stable.

La fraction régurgitée maximale supportée chroniquement par le VG sans décompenser est de 40% pour l'IM et de 30% pour l'IA. Cette dernière est l'insuffisance la plus dangereuse, car la pression de remplissage du ventricule est bien plus élevée que dans l’IM ou l’IT, puisqu'il s'agit de la pression artérielle diastolique. En chirurgie générale, les malades souffrant d'IA modérée-à-sévère présentent une morbi-mortalité cardiaque trois fois plus élevée que la population standard [183]. Prothèse valvulaire La présence d'une prothèse valvulaire soulève deux problèmes: la gestion de l'anticoagulation et la prophylaxie de l'endocardite. Après pose de prothèse mécanique, une anticoagulation complète est requise à vie, alors qu’après une prothèse biologique, l’anticoagulation n’est nécessaire que pendant 3 mois (voir Tableau 11.4). L’aspirine est maintenue de manière définitive et ne doit pas être interrompue. De nombreuses interventions peuvent se dérouler en maintenant l'anticoagulation prescrite, mais d'autres nécessitent son interruption. La manière de gérer cet arrêt varie selon les prothèses [23,258,318].

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Prothèse mécanique bi-ailette aortique, pas de facteurs de risque: arrêt des dicoumarines 48-72 heures préopératoires de manière à ce que l'INR descende à 1.5, et reprise à 24 heures postopératoires.

Prothèse mécanique mitrale, prothèse mécanique aortique avec facteurs de risque: arrêt des dicoumarines 72 heures préopératoires, remplacement par une perfusion d'héparine non fractionnée (HNF, 15'000 U/12 heures) pour un INR à 2.0 – 2.5; interruption de la perfusion 4-6 heures préopératoires et reprise dès que possible en postopératoire. Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM, 100 U/kg/12 heures) à doses thérapeutiques peuvent être une solution de remplacement, mais les recommandations actuelles donnent la préférence à l'HNF.

Prothèse biologique: maintenir l'aspirine; pendant les 3 premiers mois après implantation: comme dans le premier cas.

Tableau 11.4 Thérapeutique antithrombotique après remplacement valvulaire

Dicoumarine

INR 2.0 – 3.0 Dicoumarine INR 3.0 – 3.5

Aspirine 75-100 mg/j

Prothèses mécaniques - < 3 mois après remplacement valvulaire - > 3 mois après RVA, thrombogénicité basse - > 3 mois après RVA, thrombogénicité élevée - RVA avec facteurs de risque - RVM

+

+

+ + +

+

(±) + + +

Prothèses biologiques RVA - < 3 mois après RVA simple - < 3 mois après RVA avec facteurs de risque - > 3 mois après RVA simple - > 3 mois après RVA avec facteurs de risque RVM - < 3 mois après RVM simple - < 3 mois après RVM avec facteurs de risque - > 3 mois après RVM simple - > 3 mois après RVM avec facteurs de risque

(±) +

+

+ +

+

+ +

(±) +

+ +

(±) +

Prothèses à basse thrombogénicité: St Jude Medical, MCRI On-X, Carbomedics, Medtronic Hall. Prothèses à thrombogénicité élevée: Starr-Edwards. Facteurs de risque: fibrillation auriculaire, dysfonction ventriculaire (FE < 0.35), hypercoagulabilité, thrombo-embolie anamnestique, contraste spontané à l'échocardiographie, rétrécissement mitral. Quel que soit le type de prothèse, le risque est plus élevé en position mitrale ou tricuspide qu'en position aortique. Aspirine: les recommandations européennes [318] sont plus restrictives que les recommandations américaines [23]; elles ne prévoient l'aspirine que s'il y en a d'autres indications (stents, maladie vasculaire, etc) ou si l'anticoagulation est insuffisante pour prévenir la thrombose. RVA: remplacement valvulaire aortique. RVM: remplacement valvulaire mitral. Sources: références 258, 318. Lorsqu'elle est prescrite, l'aspirine est maintenue en périopératoire. La perfusion de vitamine K peut induire un renversement vers un état d'hypercoagulabilité très dangereux. De ce fait, il est préférable d'utiliser du plasma frais décongelé pour améliorer la coagulation. La prophylaxie de l'endocardite est nécessaire chez tout patient porteur de matériel prosthétique lorsqu'une bactériémie est probable (voir Prophylaxie de l'endocardite).

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Chirurgie non-cardiaque et valvulopathie

Sténose aortique serrée (S < 0.6 cm2/m2) symptomatique: RVA préopératoire. Sténose aortique serrée asymptomatique: - chirurgie majeure élective: RVA préopératoire préférable; - chirurgie mineure & intermédiaire: opération sans correction valvulaire. Sténose modérée: opération sans correction valvulaire. Sténose mitrale serrée (S < 0.6 cm2/m2) symptomatique: RVM préopératoire. Sténose mitrale serrée/modérée asymptomatique: opération sans correction valvulaire. Insuffisance aortique, mitrale ou tricuspidienne sévère : opération sans correction valvulaire, sauf si décompensation ventriculaire ou symptômes au repos. Degré de risque : IA > IM > IT. Insuffisance valvulaire modérée : opération sans correction valvulaire. Chez les porteurs de prothèse valvulaire, remplacer les dicoumarines par une perfusion d'héparine. Prophylaxie antibiotique nécessaire chez tout patient porteur de matériel prosthétique lorsqu'une bactériémie est probable. Valvulopathies et grossesse Idéalement, la valvulopathie devrait être diagnostiquée et traitée avant le début de la grossesse: même asymptomatiques, la sténose mitrale et la sténose aortique serrées doivent être opérées au préalable chez les femmes qui désirent enfanter [23,267a,318]. En effet, la grossesse se caractérise par une augmentation de 30-50% du débit cardiaque dès le 5ème mois, par une hypervolémie, par une baisse des RAS, par une tachycardie et par une hypercoagulabilité. Les complications des valvulopathies surviennent en général pendant le troisième trimestre de la grossesse. Elles se caractérisent par une péjoration de l'état clinique (passage à une classe fonctionnelle III-IV), des arythmies, et un oedème pulmonaire [11]. Les pathologies les plus fréquemment rencontrées chez la jeune femme sont la sténose mitrale, la bicuspidie aortique, l'IM ou l'IA avec décompensation gauche et le syndrome de Marfan avec IA et anévrysme de l'aorte ascendante. Pour plus de précision sur le sujet, voir Chapitre 22 (Grossesse et chirurgie cardiaque). Sténose mitrale La sténose mitrale est la cardiopathie rhumatismale la plus fréquemment rencontrée chez la femme enceinte. Elle impose une quasi-fixité au débit cardiaque. Elle est très mal tolérée pendant la grossesse dès que la surface mitrale est < 1.5 cm2, même si la patiente est préalablement asymptomatique [318]. Comme le gradient à travers la valve est proportionnel au débit cardiaque et que ce dernier augmente pendant la deuxième moitié de la grossesse, il s'élève d'environ 25%, et la pression augmente dans l'oreillette gauche; ce phénomène conduit à la stase et à l'oedème pulmonaires. L'OAP est associé à un risque élevé de fausse-couche [76]. D'autre part, la tachycardie qui accompagne l'augmentation du débit raccourcit dangereusement la diastole, et le débit antérograde chute. La mortalité maternelle augmente avec la péjoration de l'état clinique. De 1% lorsque la mère est en classe I-II, elle s'élève à 5% en classe III et à 14-17% en classe IV, surtout en cas de fibrillation auriculaire [143]. Les enfants nés de mères souffrant de sténose mitrale ont un poids de naissance inférieur à la moyenne.

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La césarienne est souvent préférée car elle évite les difficultés d'un long travail, mais la délivrance par voie basse est éventuellement possible [118]. La péridurale ne modifie pas significativement l'hémodynamique si l'installation du bloc est très progressive. Si une intervention de sauvetage est nécessaire pendant la grossesse parce que le traitement médical est insuffisant et que la surface mitrale est inférieure à 1 cm2, il est préférable de procéder à une commissurotomie percutanée par ballon; cette intervention est possible si la valve n'est pas calcifiée. On évite autant que possible de devoir procéder à un remplacement valvulaire en CEC pendant la grossesse, car les risques sont élevés pour le fœtus (mortalité fœtale 20-30%) [7]. Insuffisance mitrale Deuxième par ordre de fréquence, l'insuffisance mitrale est en général mieux tolérée, surtout pendant la grossesse où la vasodilatation modérée et la tachycardie améliorent la situation hémodynamique. Par contre, la stimulation sympathique du travail peut augmenter les résistances périphériques et accroître la régurgitation. Seuls 5% des cas se compliquent d'OAP et 4% de tachyarythmie auriculaire [8]. Le prolapsus mitral est en général bien supporté. L'accouchement par voie basse sous péridurale est parfaitement réalisable. Sténose aortique La fixité du débit cardiaque imposé par la sténose aortique est la cause d'une détérioration hémodynamique chez 20% des mères souffrant de la maladie, le plus souvent secondaire à une bicuspidie. Lorsque le gradient moyen est > 50 mmHg, la mortalité par insuffisance gauche peut s'élever jusqu'à 11%, avec un pic dans la période du péripartum [294]. La tachycardie est mal supportée. L'hypovolémie est plus à craindre que l'OAP. Comme il est absolument nécessaire de maintenir la précharge et les résistances périphériques, la rachi-anesthésie est contre-indiquée pour l'accouchement. La péridurale est possible, en veillant à une installation très progressive du bloc et en maintenant les résistances périphériques avec un vasoconstricteur [8,11]. Insuffisance aortique Encore davantage que pour l'IM, la vasodilatation modérée et la tachycardie de la grossesse améliorent la situation hémodynamique dans une IA, mais la situation peut se péjorer lors des stimulations sympathiques du travail et de l'accouchement. Le risque est fonction du degré de symptomatologie de la parturiente. La péridurale est le meilleur choix, sauf en cas de syndrome de Marfan où la césarienne sous AG est plus sûre pour prévenir les poussées hypertensives liées au travail par voie basse (risque de dissection aiguë). Prothèses valvulaires La mortalité maternelle oscille entre 1% et 4%, principalement à cause des problèmes thrombo-emboliques [271,318]. Les anti-vitamine K font courir des risques d'abortus, de prématurité et d'embryopathie lorsqu'ils sont administrés entre la 6ème et la 12ème semaine, et d'hémorragie cérébrale foetale pendant le travail. Ils doivent être remplacés par de l'héparine non-fractionnée qui est sûre pour le fœtus [146]. Traitement Le traitement des valvulopathies en cours de grossesse a pour but de diminuer la symptomatologie et de permettre le développement du bébé jusqu'à l'accouchement; il ne vise aucunement l'avenir à long terme

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de la mère [267a,318]. Les sténoses serrées symptomatiques malgré le traitement médical peuvent être dilatées par voie percutanée; les insuffisances peuvent en général être contrôlées par vasodilatateurs et diurétiques. Un remplacement valvulaire en CEC pendant la grossesse n'est justifiable que si la vie de la mère est en danger et que la technique percutanée est contre-indiquée [318]; la mortalité fœtale en CEC est de 20-30% [7]. L'interruption de la grossesse est justifiée en cas de [267a]:

Dilatation et dysfonction du VG en aggravation (FE < 35%); Syndrome de Marfan avec IA et dilatation de l'aorte ascendante > 4.5 cm; Sténose aortique ou mitrale serrée symptomatique, non dilatable par voie percutanée.

Si les conditions hémodynamiques sont stables, l'accouchement par voie basse est en général possible; la péridurale diminue les conséquences hémodynamiques du travail, mais le bloc doit être installé lentement pour éviter les modifications de précharge et de postcharge. La césarienne sous AG est indiquée principalement en cas de syndrome de Marfan avec IA et dilatation sévère de l'aorte, en cas d'instabilité hémodynamique sur sténose aortique, ou en cas de maintien de l'anticoagulation [318].

Grossesse et valvulopathie Corriger la valvulopathie avant la grossesse; même asymptomatique, la sténose serrée est une indication au RVA ou au RVM. En cas de décompensation en cours de grossesse, privilégier les interventions percutanées, car la mortalité fœtale voisine 30% en CEC. Avec un traitement médical adéquat, l'IM et l'IA sont en général tolérées pendant la grossesse et l'accouchement. L'interruption de grossesse est indiquée en cas de décompensation ventriculaire progressive, de syndrome de Marfan (IA + dilatation de l'aorte ascendante) et de sténose aortique ou mitrale serrée symptomatique non dilatable. Prophylaxie de l'endocardite Les jets de haute vélocité et la présence de matériel prosthétique sont une cause de lésions endothéliales occasionnant le dépôt de plaquettes et de fibrine; lors d'une bactérémie, des organismes peuvent facilement coloniser ces lésions et développer un foyer d'endocardite [233]. Ce phénomène concerne quatre situations pathologiques réclamant une prophylaxie antibiotique en cas d'intervention chirurgicale pouvant entraîner une bactériémie.

Présence de matériel prosthétique; le risque d’endocardite est le plus élevé avec les prothèses mécaniques et les constituants étrangers (anneaux, tubes, patch, matériel implanté) ; il est moindre avec les bioprothèses ; il est le plus faible avec les homogreffes;

Valvulopathies à haut stress mécanique ou accompagnées de dégénérescence et de lésions tissulaires (RAA) ;

Cardiopathies congénitales cyanogènes ou avec lésion à haute vélocité (CIV); Anamnèse d'endocardite.

Les cardiopathies non-cyanogènes à basse vélocité (CIA, FOP, coarctation) et les valvulopathie à faible stress mécanique (maladie de Barlow, IM ischémique ou fonctionnelle, obstruction sous-aortique dynamique) sont des lésions à bas risque ne nécessitant pas de prophylaxie hormis les cas où l'acte chirurgical le justifie [232].

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Bien qu'une prophylaxie antibiotique soit nécessaire dans les cas à haut risque, les recommandations récentes [232,233,318] penchent pour une attitude plus équilibrée entre les risques liés aux antibiotiques, qui sont importants, et les bénéfices de la prophylaxie, qui sont peu significatifs. Cette dernière n'est donc plus systématiquement recommandée pour toute opération, à moins qu'elle ne fasse partie de la procédure chirurgicale elle-même. Quelques remarques s'imposent [23,233].

Lors de procédures dentaires, la prophylaxie antibiotique n'est justifiée que dans les situations où il y a effraction de la gencive, perforation de la muqueuse, chirurgie péri-apicale, ou abcès dentaire.

Les interventions endoscopiques génito-urinaires ou digestives (cystoscopie, gastroscopie, ETO, colonoscopie, etc) ne nécessitent pas de prophylaxie en l'absence d'infection active.

A l'exception de la résection amygdalienne, la prophylaxie n'est plus recommandée pour les interventions sur l'arbre respiratoire en l'absence d'infection active.

La prophylaxie n'est plus recommandée en cas sténose aortique, de sténose mitrale, de bicuspidie aortique sans conséquence hémodynamique, de coarctation de l'aorte, de prolapsus mitral, d'insuffisance fonctionnelle ou de cardiomyopathie obstructive, sauf si elle est justifiée par l'intervention chirurgicale elle-même.

L'antibiothérapie est dirigée contre l'organisme causal, qui est dans 80% des cas un streptocoque ou un staphylocoque; un entérocoque est en général associé aux néoplasies et aux manipulations du tube digestif ou de l'appareil génito-urinaire [23]. L'Haemophilus et les Candida sont des causes importantes chez les patients porteurs de prothèses immunodéprimés ou contaminés par voie intraveineuse. L'antibiothérapie recommandée est résumée dans le Tableau 11.5 [15,227].

Tableau 11.5 Prophylaxie antibiotique

Chirurgie "propre" (CCV, OTR) céphalosporine 1ère ou 2ème génération Neurochirurgie cefuroxime Chirurgie ORL céphalosporine 1ère ou 2ème generation Dentisterie amoxicillin, ampicilline ou cefazoline Urologie ciproflaxine Chirurgie pulmonaire céphalosporine 1ère ou 2ème génération Chirurgie oesophagienne céphalosporine 1ère ou 2ème génération Chirurgie gastro-duodénale céphalosporine 1ère ou 2ème génération Chirurgie des voies biliaires céphalosporine 1ère ou 2ème génération,

ou amoxicilline – acide clavulanique (Augmentin) Chirurgie colo-rectale céphalosporine 1ère ou 2ème génération + metronidazole,

ou cefoxitine (Mefoxitin) ou amoxicilline – acide clavulanique (Augmentin) ou néomycine + erythromycine

Appendicectomie céphalosporine 1ère ou 2ème génération + metronidazole, ou cefoxitine (Mefoxitin) ou amoxicilline – acide clavulanique (Augmentin)

Chirurgie gynécologique céphalosporine 1ère ou 2ème génération ou cefoxitine (Mefoxitin) ou amoxicilline – acide clavulanique (Augmentin)

Césarienne céphalosporine 1ère ou 2ème génération Interruption de grossesse

1er trimestre Pénicilline ou Doxycycline 2ème trimestre céphalosporine 1ère ou 2ème génération

ou amoxicilline – acide clavulanique (Augmentin) D'après références 15, 227, 233.

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Lors d'endocardite d'une une valve native traitée médicalement, certaines complications sont une indication à une intervention chirurgicale:

Présence d'une défaillance ventriculaire congestive, le plus souvent sur IM ou IA aiguë; Présence de bloc AV, d'abcès aortique ou de lésions destructrices (fistule, perforation); Résistance de la lésion à l'antibiothérapie (non-régression); Embolisation récurrente sur des végétations > 10 mm.

Une plastie valvulaire est toujours préférable à la mise en place d'une prothèse dans ce contexte; si une reconstruction aortique est requise, on utilise de préférence une homogreffe. Lorsque l'endocardite se développe sur une prothèse valvulaire, d'autres indications s'ajoutent à celles mentionnées ci-dessus: déhiscence de la prothèse, fuite paravalvulaire, blocage des ailettes, bactérémie persistante malgré une antibiothérapie adéquate.

Prophylaxie de l'endocardite Indications: - présence de matériel prosthétique; - valvulopathies à haut stress mécanique ou accompagnée de dégénérescence tissulaire; - cardiopathies congénitales cyanogènes ou à haute vélocité; - anamnèse d'endocardite. La prophylaxie n'est plus recommandée en cas de sténose aortique ou mitrale simple, de bicuspidie aortique sans conséquence hémodynamique, de prolapsus mitral, d'insuffisance fonctionnelle ou de cardiomyopathie obstructive, sauf si elle est justifiée par l'intervention chirurgicale elle-même. Indications à la chirurgie valvulaire (en plus du traitement médical en cours): - défaillance ventriculaire sur IM ou IA; - bloc AV, abcès aortique, fistule, perforation; - non-régression des lésions; - embolisation de végétations > 10 mm. Indications chirurgicales particulières en cas d'endocardite sur prothèse: - déhiscence; - fuite paravalvulaire; - blocage; - bactériémie persistante.

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Chirurgie valvulaire Indications opératoires La sévérité des symptômes cliniques est un bon critère de l’inadéquation hémodynamique imposée par la valvulopathie, mais elle est mal corrélée avec l’importance anatomique de la lésion telle qu’on la découvre à l’échocardiographie, à l'IRM ou au cathétérisme; cette divergence empêche de poser des indications opératoires sur le seul aspect des examens paracliniques. D’une manière générale, les symptômes apparaissent avant la décompensation ventriculaire dans les sténoses valvulaires, alors que les insuffisances se caractérisent par une dégradation fonctionnelle du VG qui s’installe avant la survenue de la symptomatologie clinique [22]. De ce fait, l’indication opératoire est plus facile à poser dans les sténoses que dans les insuffisances. Les maladies valvulaires évoluent en trois stades successifs, qu’elles franchissent à un rythme variable selon les lésions [239]:

Stade où la compensation est adéquate: le patient est asymptomatique ; Stade où les symptômes sont discrets et n’apparaissant qu’à l’effort, car les mécanismes de

compensation sont encore adéquats pour les conditions de base ; Stade de décompensation: les symptômes sont sévères, apparaissent au repos, et les lésions sont

irréversibles. Si l’indication opératoire est facile à poser lorsque les malades sont symptomatiques ou qu’ils répondent aux critères de valvulopathie sévère (voir les définitions pour chaque valve), il est plus difficile de décider d’une opération chez un patient asymptomatique ou paucisymptomatique. Dans ces conditions, plusieurs critères interviennent.

Le suivi échocardiographique permet de repérer le moment où les dimensions du ventricule ou de l’oreillette se modifient significativement. Au-delà des limites supérieures normales (DtsVG > 2.5 cm/m2, DtdVG > 4.0 cm/m2, DOG > 5.0 cm), il est recommandé de procéder à une correction valvulaire, même chez les malades paucisymptomatiques [23]. Toutefois, ces critères se sont avérés inadaptés aux femmes souffrant d’insuffisance valvulaire, car elles sont symptomatiques avant d’atteindre ces degrés de dilatation [177].

Une diminution de la performance systolique ou l’apparition d’arythmies (FA) déterminent également le moment d’intervenir [23,24,159].

Les tests d'effort permettent de débusquer les patients asymptomatiques à cause d'une limitation spontanée de leur activité mais dans l'impossibilité d'accomplir un exercice sans augmentation excessive du gradient de pression ou de la PAP systolique [259,260].

Bien qu’il soit un facteur de risque indépendant en chirurgie valvulaire, l’âge (> 75 ans) n’est plus guère une contre-indication à la chirurgie, en particulier pour la sténose aortique [288].

La tendance à procéder à des plasties plutôt qu'à des remplacements valvulaires et l’amélioration des résultats chirurgicaux de ces reconstructions ont conduit à poser l’indication opératoire plus tôt dans l’évolution de la maladie, donc à opérer des patients en meilleur état clinique.

D’une manière générale, l’échocardiographie est devenue suffisamment performante pour apporter toutes les données nécessaires à l’indication opératoire. L’épreuve d’effort permet de stratifier le risque individuel chez les patients asymptomatiques, dont la réduction d’activité physique masque la réalité de la maladie (voir Epreuve d'effort). Un cathétérisme n’est pratiqué plus que dans les cas douteux (< 5%); une coronarographie est faite en cas de symptomatologie ischémique ou au-delà de 45 ans si un remplacement valvulaire en CEC est prévu. Toute insuffisance aortique, si minime soit-elle, fait courir un risque de dilatation ventriculaire au cours de la cardioplégie par la racine aortique au début de la CEC, parce que le coeur cesse de battre

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efficacement et n'éjecte plus le volume qu'il reçoit (Figure 11.29). Il faut attentivement surveiller la taille de la cavité ventriculaire à l'ETO, et, si la pression est basse, éviter de céder à la tentation d’injecter des vasoconstricteurs qui accentueraient la fuite aortique. Toute augmentation de la taille du VG impose de le masser et de le drainer pour le vider. Prothèses valvulaires Types de prothèses valvulaires Les différents types de prothèses valvulaires sont classés en valves mécaniques et en valves biologiques. Les prothèses mécaniques comprennent essentiellement trois modèles.

Valve à bille (Starr-Edwards), constituée d’une bille en Silastic™ oscillant à l’intérieur d’une cage faite de deux arcs fixés sur un anneau (acier) recouvert de Teflon™ ; à l’ouverture, le flux passe autour de la bille ; la valve est étanche lorsqu’elle fermée (Figure 11.30); la surface efficace d'ouverture est faible et l'encombrement considérable. Cette prothèse n'est plus implantée, mais on croise encore quelques patients qui en sont porteurs.

Valve à disque oscillant (Medtronic-Hall™, Bjork-Shiley™) : un disque en pyrolocarbone oscille autour d’un pivot excentré à l’intérieur d’un anneau, laissant le passage par deux orifices de taille inégale ; lorsqu’elle fermée, la valve a des petites fuites sur ses bords ou sur le pivot

© Chassot 2011

V Ao

VG

OG

Aorte 1

3

2 Figure 11.29 : Schéma illustrant le risque de dilatation du VG en cas d’IA lors du début de CEC et lors de la cardioplégie. En début de CEC, la canule artérielle (1) débite dans l’aorte ascendante ; comme le VG cesse progressivement d’éjecter, il risque de se remplir par l’IA tant que le clamp aortique (2) n’a pas bloqué le flux vers la valve qui fuit. La solution de cardioplégie (3) est administrée dans la racine de l’aorte pour perfuser les coronaires ; en cas d’IA, une partie de la solution fuit dans le VG et risque de le dilater puisqu’il ne se contracte plus.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 63

central (Figure 11.31). Ces prothèses ne sont plus guère utilisées sauf dans certains cœurs artificiels, mais on peut en rencontrer occasionnellement.

Figure 11.30 : Valve de Starr-Edwards. Hémodynamiquement, elle présente 2 orifices différents : l’anneau (large orifice circulaire) et la périphérie de la bille (orifice annulaire entre la bille et la paroi aortique ou ventriculaire, de surface effective plus restreinte) [Extrait de: Zipes DP et al, eds. Braunwald's Heart disease, 7th ed. Philadelphia:Elsevier Saunders, 2005. Figure 57.47]. Figure 11.31 : Valve à disque oscillant (Medtronic-Hall™, Bjork-Shiley™). A l’ouverture, la valve présente un grand et un petit orifice. L’angle du disque est de 70° par rapport à l’axe du flux, ce qui crée une résistance dans le grand orifice et des tourbillons dans le petit. A la fermeture, des fuites apparaissent dans les bords et, pour certains modèles, sur l’axe du pivot au centre du disque [Extrait de: Zipes DP et al, eds. Braunwald's Heart disease, 7th ed. Philadelphia:Elsevier Saunders, 2005. Figure 57.47].

Valve à double ailette (St.Jude Medical™, Carbomedics™, ATS™, On-X™) en titane et pyrolocarbone : lorsqu’elles ont ouvertes, les ailettes forment un angle de 85° avec le flux, qui passe par 2 orifices en demi-lune de chaque côté et par un petit orifice central de section rectangulaire où le gradient est plus important. En position fermée, les ailettes font un angle de 25° avec le plan de l’anneau et présentent de petites fuites sur les bords (jonction ailette – anneau) et au niveau des pivots (Figure 11.32). La prothèse On-X™, faite en pyrolocarbone

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sans alliage, se fixe en position supra-annulaire, ce qui permet de gagner une taille, soit 2 mm de diamètre. Le flux et le gradient se mesurent dans les deux orifices latéraux et non dans le petit orifice central, où le gradient est jusqu’à 40-50% plus élevé [319,336]. Ces prothèses ont une durée de vie d’au-moins 25 ans.

Figure 11.32 : Valve à double ailette (St.Jude Medical™, Carbomedics™, ATS™). A : valve mécanique bi-ailette (Extrait de: Zipes DP et al, eds. Braunwald's Heart disease, 7th ed. Philadelphia:Elsevier Saunders, 2005. Figure 57.47). B : schéma et image ETO d’une valve bi-ailette ouverte en position mitrale. Lorsqu’elles ont ouvertes, les ailettes forment un angle de 85° avec le flux, qui passe par 2 orifices en demi-lune de chaque côté et par un petit orifice central de section rectangulaire où le gradient est plus important. C : schéma et image ETO d’une valve bi-ailette fermée en position mitrale. En position fermée, les ailettes font un angle de 25° avec le plan de l’anneau et présentent des fuites d’autolavage sur les bords et au niveau des pivots. La prothèse est mise en place avec ses ailettes en position anti-anatomique par rapport aux feuillets de la valve mitrale, raison pour laquelle le profil dans lequel on voit les deux ailettes est situé entre 30° et 80° à l’ETO. Les anneaux sont recouverts de Dacron™ ou de Teflon™ tressé permettant l’ancrage des sutures. Les valves à double ailette sont les plus couramment utilisées, car elles offrent le meilleur profil hémodynamique. Les prothèses mécaniques ont normalement des fuites d’autolavage dont le but est de prévenir le dépôt de fibrine et de plaquettes sur le bord libre des ailettes et sur la partie interne de l’anneau, car cela pourrait bloquer le mouvement ou empêcher l’étanchéité. Ces fuites représentent une fraction de régurgitation ≤ 5%. Les prothèses mécaniques nécessitent une anticoagulation à vie en visant un INR 3.0 – 3.5 pour les RVM et 2.0 – 3.0 pour les RVA, avec addition d'aspirine (75-250 mg/j) s'il n'y a pas de contre-indication (Tableau 11.4) [23,318].

A

B

C

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Les valves biologiques sont faites en tissu valvulaire de porc ou en péricarde bovin; cette catégorie comprend aussi les homogreffes (tissu humain) et les hétérogreffes (tissu animal). Le tissu est préparé dans un bain de glutaraldéhyde qui en réduit l’antigénicité mais en altère les propriétés mécaniques ; les valvules deviennent moins souples, se calcifient et dégénèrent à long terme. Leur durée de vie fonctionnelle est de 10 à 15 ans; elle est inversement proportionnelle à l'âge du patient, étant plus prolongée chez les personnes âgées. Les bioprothèses ont un taux d'attrition plus élevé en position mitrale qu'en position aortique. Elles peuvent être montées ou non sur une armature. Elles ne réclament une anticoagulation que pendant 3 mois (INR 2.5), après quoi l’endothélialisation est complète [23]. L'administration d'aspirine à long terme est discutable dans les bioprothèses, à moins qu'il y en ait d'autres raisons (coronaropathie, stent, artériopathie, etc) [318], mais elle est le plus souvent prescrite de routine [23] (Tableau 11.4).

Bioprothèses montées classiques ; valve aortique porcine (Carpentier-Edwards™, Hancock™), ou valvules en péricarde bovin (Carpentier-Edwards Perimount™) montées sur un anneau métallique et suspendues par leurs commissures à 3 picots verticaux (Figure 11.33). Les valvules ont une certaine inertie à l’ouverture à cause de leur relative rigidité. A taille égale, les orifices effectifs de ces valves sont plus petits que ceux des autres types ; leurs gradients sont plus élevés. Lorsqu’elles sont fermées, ces valves sont étanches, ou présentent de petites fuites en général centrales mais parfois aux commissures. A taille égale, les valves en péricarde bovin ont de meilleures performances que les valves porcines et un taux d’attrition inférieur [324]: à 15 ans, 75% des valves en péricarde bovin sont fonctionnelles contre < 50% des valves porcines [253].

Figure 11.33 : Prothèse valvulaire biologique (Extrait de: Zipes DP et al, eds. Braunwald's Heart disease, 7th ed. Philadelphia:Elsevier Saunders, 2005. Figure 57.49). A : bioprothèse de Carpentier-Edwards. B : prothèse fermée en position aortique ; les 3 feuillets sont dans la même position que ceux de la valve native. C : prothèse ouverte en position aortique ; l’ouverture est pratiquement circulaire et facilement mesurable par planimétrie

A

B C

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Bioprothèses montées de nouvelle génération; un anneau plus fin (Carpentier-Edwards Perimount Magna™, en péricarde bovin) permet d'augmenter le diamètre interne de 2 mm pour le même diamètre externe; sa configuration particulière autorise une fixation supra-annulaire qui permet de gagner une taille par rapport à une prothèse standard. Une réduction de la taille des picots (St.Jude Biocor™, valve porcine) et un traitement particulier de la valve porcine (Medtronic Mosaic™) donnent un avantage mécanique, réduisent le risque de calcification et augmentent la durée de vie (70% à 20 ans) [83].

Bioprothèses sans monture (stentless) (Freestyle™, Toronto SPV™, CryoLife™, Freedom Solo™, à base de valve porcine avec couverture externe en tissu de polyester) : à diamètre égal, elles ont un orifice plus grand et un gradient plus faible que les autres valves. Leur configuration et leur absence d’anneau ne permettent une utilisation qu’en position aortique ; le diamètre de l’anneau aortique du patient et celui de sa jonction sino-tubulaire ne doivent pas différer de > 10% pour que la prothèse soit correctement suspendue à ses commissures (Figure 11.34A). Ces valves sont techniquement plus difficiles à implanter car les points de fixation doivent être rigoureusement équidistants sur la prothèse et sur l’anneau aortique du patient, mais leur taux d’endocardite et de thrombose est très bas. Elles sont en principe indiquées chez les malades de > 60 ans qui ont de petits anneaux aortiques.

Figure 11.34 : Bioprothèses. A : bioprothèse sans monture (Toronto SPV™ stentless bioprosthesis) en position aortique. La base de la valve est fixée à l’anneau aortique ; les commissures sont suspendues à la jonction sino-tubulaire ; le diamètre de cette dernière ne doit pas différer de > 10% de celui de l’anneau aortique, sans quoi la coaptation des cuspides ne se fait plus normalement. Un espace libre peut se voir à l’échocardiographie entre la valve et la paroi des sinus de Valsalva (Extrait de: Savage RM, Aronson S. Comprehensive textbook of intraoperative transesophageal echocardiography. Philadelphia:Lippincott, Willliams & Wilkins, 2005. Figure 30.19). B : conduit valvé en jugulaire de bœuf (Contegra™) en position pulmonaire ; on distingue clairement les valvules et la paroi très échogène de l’hétérogreffe (flèches vertes).

Homogreffes : valve mitrale ou valve aortique (avec manchon d’aorte ascendante) prélevées sur des cadavres humains et conservées dans l’azote liquide (- 196°C). Bien qu’elles aient un taux d’attrition accéléré, elles sont résistantes aux infections et sont particulièrement indiquées en cas

Suture distale

Suture proximale

A B

AP

Valvule

CCVD

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de remplacement valvulaire pour endocardite [164]. Leur problème est leur faible disponibilité et leur risque de malposition à l’implantation, qui est plus difficile que celle d’une valve montée.

Hétérogreffes : la jugulaire de boeuf est un conduit valvé qui, préparé au glutaraldéhyde et cryopréservé (Contegra™), peut remplacer la voie d’éjection droite (CCVD, valve pulmonaire et tronc de l’AP) (Figure 11.34B).

Autogreffe : l’opération de Ross consiste à substituer la valve aortique par la valve pulmonaire du patient ; cette dernière est remplacée par une hétérogreffe ou une homogreffe (voir Chirurgie de la valve aortique, CEC et post-CEC et Figure 11.111). Le principal intérêt de la technique est de permettre la croissance, car la néo-valve aortique se développe en même temps que l'enfant.

Conduit valvé VG – aorte descendante : en cas de réopérations multiples, il est possible de court-circuiter la racine aortique au moyen d’un tube en Dacron muni d’une prothèse valvulaire, qui est implanté dans l’apex du VG et anastomosé en termino-latéral sur l’aorte descendante ; l’opération se pratique par thoracotomie gauche sans CEC [62,237a].

Hémodynamique Chaque type de prothèse a des caractéristiques hémodynamiques qui lui sont propres. Toutefois, la surface d’ouverture d’une prothèse valvulaire est plus petite que la surface normale de la valve native ; elle varie de 1.2 cm2 (bioprothèse aortique 21) à 3.5 cm2 (valve mécanique mitrale 33). De ce fait, le gradient de pression est significatif ; le gradient moyen varie de 4 mmHg (St.Jude mitrale) à 15 mmHg (bioprothèse aortique) (Tableaux 11.6, 11.7 et 11.8) [16,238,258,318]. A taille égale, les gradients vont par ordre croissant : homogreffes < bioprothèses non-montées (stentless) < valves mécaniques < bioprothèses montées (stented). Le gradient maximal est considéré comme anormal lorsqu'il est > 35 mmHg au niveau aortique et > 10 mmHg au niveau mitral.

Tableau 11.6 Hémodynamique des prothèses valvulaires (I)

Comparaison entre valve mécanique, bioprothèse et hétérogreffe

Vélocité maximale Gradient maximal Gradient moyen Surface effective Prothèses aortiques - St Jude HP - Carpentier-Edwards - Medtronic Hall - Hétéro/homogreffe

2.2 m/s 2.6 m/s 2.4 m/s 1.9 m/s

15 mmHg

20-30 mmHg 23 mmHg 15 mmHg

8-10 mmHg 13-15 mmHg

13 mmHg 8 mmHg

1.5 - 3 cm2

1.2 - 2 cm2

1.3 cm2 > 2.5 cm2

Prothèses mitrales - St Jude Medical - Carpentier-Edwards - Homogreffe

1.5 m/s

1.6 m/sec 1.6 m/sec

4-6 mmHg

5-10 mmHg 4-5 mmHg

3-5 mmHg 4-6 mmHg 3-4 mmHg

3.0 cm2

2.3 - 3 cm2

2.3 - 3 cm2 Les valeurs dépendent de la taille de la valve; il s’agit ici d’ordres de grandeur. La surface efficace des valves mécaniques est supérieure à celle des valves biologiques. Sources: références 238, 282.

Le gradient de pression est une donnée très dépendante des conditions hémodynamiques. A l'échocardiographie peropératoire, on peut facilement surestimer le gradient d’une prothèse, donc sous-estimer sa surface, à cause de plusieurs phénomènes [37,219,335].

La géométrie des prothèses induit un phénomène de récupération de pression (pressure recovery) : la loi de la conservation d'énergie fait que la pression baisse lorsque la vélocité augmente dans la zone rétrécie, mais l'énergie cinétique est retransformée en pression dès que le flux ralenti au-delà du rétrécissement [297]. Or le Doppler calcule le ΔP à partir de la Vmax, qui

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correspond au point le plus rétréci du flux; cette zone est en général très courte (1-3 mm) et la pression ré-augmente rapidement dans la chambre d'aval (voir Figure 11.25 et Figure 11.91). Ce phénomène est plus important dans les prothèses que dans les valves natives; il augmente avec la taille de la valve, parce que les turbulences créées par les petites prothèses font perdre de l'énergie cinétique. Pour ces raisons, le gradient moyen est un meilleur critère que le gradient maximal [336].

La récupération de pression est d'autant plus faible que la discordance entre la prothèse et la chambre de réception est plus importante, parce que l'énergie est gaspillée en turbulences; ainsi une aorte de grande taille diminue la pression d'aval parce que la perte d'énergie occasionnée par les turbulences y est majeure. Le gradient excessif mesuré au Doppler tend donc à sous-estimer la surface d'ouverture réelle dans les petites prothèses et dans les grandes aortes [336].

En position aortique, la vélocité dans la chambre de chasse du VG est fréquemment supérieure à 1.5 m/s après remplacement de la valve en cas de sténose et d’HVG. Il est alors impératif d’utiliser l’équation modifiée de Bernoulli ΔP = 4 • (V22 – V12) et non sa version simplifiée (ΔP = 4 • V2). Omettre la soustraction de la Vmax dans la CCVG conduit à une surestimation du gradient de 9 à 30 mmHg (voir Figure 11.96).

Les calculs de surface comme le temps de demi-pression ou l'équation de continuité (voir Chapitre 25, Temps de demi-pression, Equation de continuité) supposent que les orifices sont circulaires, ce qu'ils ne sont pas dans les prothèses mécaniques. D'autre part, la mesure du diamètre de la CCVG est délicate à cause de la brillance et des ombres de la prothèse.

Le gradient est augmenté de 40% dans la partie centrale des valves à double ailette; il doit donc être mesuré avec l’axe du Doppler dans l’un des deux larges orifices latéraux; dans les prothèses biologiques, il est mesuré au milieu de la valve.

En sortant de CEC, le flux est accéléré à cause de la stimulation catécholaminergique et de l’augmentation momentanée du volume systolique (transfusion, haut débit, extrasystolie); la vélocité artificiellement accélérée à travers la prothèse tend à sous-estimer la surface réelle.

Une basse pression dans la racine de l’aorte (vasoplégie, contre-pulsion intra-aortique, anévrysme de l’aorte ascendante) augmente le gradient d’une prothèse aortique par diminution de la pression d’aval. Avec la CPIA, cette différence est de l’ordre de 30 mmHg.

Tableau 11.7 Hémodynamique des prothèses valvulaires (II)

Surface effective des prothèses aortiques (en cm2) Taille de la prothèse (mm) 19 21 23 25 27 29 Prothèses mécaniques - St Jude Medical Standard - St Jude Medical Regent - Carbomedics - Medtronic Advantage - Medtronic-Hall - Sorin Bicarbon

1.0 1.6 1.0

1.2

1.4 2.0 1.5 1.7 1.3 1.7

1.5 2.2 1.7 2.2

2.0

2.1 2.5 2.0 2.8

2.7 3.6 2.4 3.3

3.2 4.4 2.6 3.9

Bioprothèses montées - Mitroflow - Carpentier Edwards - Carpentier Edwards Magna - Medtronic Mosaic - Hancock II

1.1 1.1 1.3 1.2

1.3 1.3 1.7 1.2 1.2

1.5 1.5 2.1 1.4 1.3

1.8 1.8 2.3 1.6 1.5

2.1

1.8 1.55

2.2

2.0 1.6

Bioprothèses sans monture - Medtronic Freestyle - St Jude Medical Toronto SPV - Prima Edwards

1.2

0.8

1.4 1.3 1.1

1.5 1.5 1.5

2.0 1.7 1.8

2.3 2.0 2.3

2.5 2.8

Défaut d'appariement patient – prothèse: S < 0.9 cm2/m2. Source: référence 258.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 69

Au niveau aortique, la manière la plus adéquate d'évaluer le rétrécissement opéré par la prothèse est d’utiliser le rapport entre la vélocité maximale (Vmax) dans la CCVG et celle mesurée à travers la valve ; on peut aussi utiliser l’intégrale des vélocités (ITV) au lieu de la Vmax :

Indice de perméabilité = VmaxCCVG / VmaxVAo = ITVCCVG / ITVVAo

Ce rapport, aussi appelé indice de perméabilité, quantifie l'accélération du flux au niveau de la prothèse où le diamètre est plus étroit (voir Figure 11.27). Normalement, il voisine 0.5 – 0.7; il doit rester supérieur à 0.4, sans quoi la prothèse est sténosante [336]. Il permet également de différentier une élévation du gradient due à un grand volume systolique (hypervolémie, haut débit, sepsis, anémie, IA) de celle due à une sténose, car il reste normal dans le premier cas; en effet, l'augmentation de la vélocité est identique dans la CCVG et à travers la prothèse.

Tableau 11.8 Hémodynamique des prothèses valvulaires (III) Surface effective des prothèses mitrales (en cm2)

Taille de la prothèse (mm) 25 27 29 31 33 Prothèses mécaniques - St Jude Medical Standard - MCRI On-X

1.5 2.2

1.7 2.2

1.8 2.2

2.0 2.2

2.0

Bioprothèses montées - Medtronic Mosaic - Carpentier Edwards Perimount - Hancock II

1.5 1.6 1.5

1.7 1.8 1.8

1.9 2.1 1.9

1.9

2.6

2.6

Défaut d'appariement patient – prothèse: S < 1.2 cm2/m2. Source: référence 258. D’une manière générale, le gradient moyen a une valeur plus pertinente que le gradient maximal parce qu’il dépend moins des conditions hémodynamiques instantanées [104]. De plus, le gradient moyen calculé à l’échocardiographie a une bonne corrélation avec le gradient moyen angiographique, alors que le gradient Doppler maximum instantané est en général supérieur au gradient maximum pic-à-pic du cathétérisme (voir Figure 11.25) [297]. La variabilité individuelle de ces données rend l’évaluation peropératoire immédiate très utile pour le suivi ultérieur des patients. La découverte d'un gradient excessif à travers une prothèse (ΔP moyen > 15-20 mmHg en position aortique, ΔP moyen > 5-7 mmHg en position mitrale) ne signifie par que celle-ci dysfonctionne. Pour éclaircir la situation, il faut procéder à des investigations échocardiographiques supplémentaires.

Relever le ΔP à différents endroits de la prothèse; ceci est particulièrement important avec les valve à double ailette, car la vélocité est plus élevée à travers la fente centrale qu'à travers les 2 grands orifices latéraux;

En position aortique, mesurer la Vmax dans la CCVG et faire le rapport VCCVG /VVAo; s'il est > 0.4, le fonctionnement valvulaire est normal;

Calculer la surface effective de la prothèse par rapport à la surface corporelle; si elle est < 0.85 cm2/m2 en position aortique ou < 1.2 cm2/m2 en position mitrale, la taille de la valve est insuffisante pour le débit cardiaque du patient (voir ci-dessous Discordance patient-prothèse);

Evaluer l'importance d'une éventuelle insuffisance valvulaire qui augmente le volume systolique ou diastolique;

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 70

Confronter les mesures échocardiographiques avec les mesures hémodynamiques: existe-t-il une hypotension artérielle aortique (CPIA), un volume systolique élevé (Swan-Ganz, PiCCO), un excès de catécholamines β (débit cardiaque) ?

En dernier recours, mesurer le gradient pic-à-pic à l'aiguille entre le VG et l'aorte ascendante en cas de RVA, ou entre le VG et l'OG en cas de RVM.

Mortalité opératoire La mortalité moyenne du remplacement valvulaire reste élevée, toutes catégories de patients confondues (Tableau 11.9) [157,267,301]:

RVA 2.7 - 5.7% RVM 3.5 - 7.7% RVT 10.7% Racine aorte 11.1%

Tableau 11.9

Mortalité opératoire de la chirurgie valvulaire

Mortalité opératoire (%)

Taux de complications à 10 ans (%)

Références

PVA* 1.0 – 2.0 12-15 2, 220 RVA 1.5 – 3.7 Bioprothèse: 20

Prothèse méc: 3, anticoagul: 7 13, 144, 157, 264,

267, 301, 318 TAVI 3 - 7 25 à 1 an, inconnu à 10 ans 95, 195, 295 RVA + PAC 2.3 – 6.3 30-45 157, 267, 301 PVA + racine aortique 3.4 33 2, 69 RVA + racine aortique 3 – 12 40 82, 267 PVM* 0.8 – 2.8 5 74, 123, 157, 223, 301 RVM 1.7 – 5.8 Bioprothèse: 30

Proth méc: 7-10, anticoagul: 7 82, 157, 267, 301, 318

CPC-VM 0.5 – 2.0 25-50 55, 249 PVM / RVM + PAC 7 – 10 30 / 65 103, 132, 157, 161,

184 301 RVA + RVM 5 - 12 60 172 Opération de Ross 3 VAo: 10, Vpulm: 20-30 68, 306 PVT** Simultanée: 1-2

Isolée: 4-7 10-20 273, 293, 307

RVT 11 50-70 267, 293 Ces résultats s’entendent sans dysfonction ventriculaire majeure ni comorbidités particulières. *: Taux d’échec immédiat des plasties: PVA 14%, PVM 6%. **: la plastie tricuspidienne au cours d’une intervention cardiaque sur d’autres valves augmente la mortalité opératoire de 1-2%. PVA: plastie valvulaire aortique. RVA: remplacement valvulaire aortique. TAVI: transcatheter aortic valve implantation (implantation percutanée ou transapicale de bioprothèse aortique). PAC: pontage aorto-coronarien. PVM: plastie valvulaire mitrale. RVM: remplacement valvulaire mitral. CPC-VM: commissurotomie percutanée de la valve mitrale. PVT: plastie valvulaire tricuspidienne. RVT: remplacement valvulaire tricuspidien. Dans les cas électifs sans risque particulier, la mortalité du RVA est de 2%, celle du RVM de 3-6% et celle de la plastie mitrale de 1-2% (Society of Thoracic Surgeons 2002). Les patients qui subissent un remplacement valvulaire entre 60 et 70 ans ont une probabilité de survie à 15 ans de 31% après RVA et de 16% après RVM [264]. Les variables indépendantes associées à une aggravation de la mortalité sont par ordre d'importance décroissante (OR : odds ratio) [267]:

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 71

Opération en urgence OR 2.11 Age > 70 ans OR 1.88 Réopération OR 1.61 Endocardite OR 1.59 Coronaropathie associée OR 1.58

D'une manière générale, les plasties valvulaires sont associées à une mortalité inférieure de moitié à celle des remplacements. La prothèse elle-même n'est responsable que de 40-50% de la mortalité à long terme; l'hémorragie est la cause de 25% des décès pour les valves mécaniques et de 12% pour les bioprothèses [145]. Critères de choix et devenir Les valves mécaniques ont une longue durée de vie (> 20 ans sans lésion mécanique) mais réclament une anticoagulation permanente (INR 2.0-3.5), alors que les bioprothèses ne nécessitent plus d’anticoagulation dès que l’endothélialisation est complète (> 3 mois). Par contre, la dégradation structurelle (calcifications, fibrose, déchirures) des valves biologiques fait que 30% d’entre elles ne sont plus fonctionnelles au-delà de 10 ans [13,264]. Le taux monte à 50% à 15 ans, ce qui impose une réopération dont la mortalité est élevée (4-15%) [278]. Les bioprothèses Carpentier-Edwards Perimount™ ont un taux de dégénérescence sensiblement inférieur aux autres modèles [264]. Par contre, le taux d'embolie, de thrombose, d'endocardite et de mortalité à long terme est pratiquement similaire avec les valves mécaniques et avec les bioprothèses. Le choix repose donc entre deux alternatives.

Prothèses mécaniques: risques liés à l'anticoagulation, mais très longue survie de la prothèse; Bioprothèse: survie de la valve limitée à 10-12 ans, mais pas d'anticoagulation.

Les valves biologiques sont indiquées chez les patients à haut risque hémorragique, âgés de plus de 65 ans, ou peu compliants avec la discipline d’un traitement à long terme ; elles sont également indiquées chez les femmes jeunes qui désirent des grossesses, étant entendu qu'une réopération s'imposera après une douzaine d'années. Les critères en faveur des prothèses mécaniques sont une espérance de vie supérieure à 20 ans (âge < 65 ans), l'absence de contre-indication à l'anticogulation, l'anticoagulation déjà prescrite pour d'autres raisons (FA, par exemple) et des risques élevés de dégénéréscence accélérée de la prothèse (hypercalcémie, insuffisance rénale, jeune âge) [23,258,318]. Parmi les bioprothèses, le choix se porte en premier lieu sur les prothèses montées. Les prothèses sans monture (stentless) sont en principe réservées aux personnes âgées avec des anneaux aortiques de petite taille et une anatomie appropriée [264]. Le taux de détérioration des homogreffes est identique à celui des bioprothèses, mais leur résistance aux infections en font une bonne solution en cas d'endocardite. Chez les enfants, l'opération de Ross (autogreffe de la valve aortique au moyen de la valve pulmonaire du patient et remplacement de cette dernière par une homo/hétérogreffe, voir Figure 11.111) permet la croissance de la valve aortique, mais sa mortalité opératoire est plus élevée que celle d'un RVA simple (3-4%), et le taux de réopération au-delà de 12 ans est de 10% pour la valve aortique et de 20-30% pour l'homogreffe pulmonaire [68,306]. A 10 ans, l’incidence des problèmes liés à une prothèse mécanique est globalement de 3%, et celle liée à l’anticoagulation de 7% [144]; mais 30% des bioprothèses ne sont plus fonctionnelles à cause de leur dégradation structurelle [13,264]. Après 20 ans, la comparaison de malades porteurs de valves mécaniques et de valves biologiques n’affiche pas de différence de mortalité, mais la survie sans événement majeur et sans changement de valve est bien plus élevée chez les porteurs de valves mécaniques [248].

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 72

Les prothèses sont le plus souvent implantées en position aortique ou mitrale, plus rarement en position tricuspidienne. Les RVM sont réalisés de préférences avec des valves mécaniques, car les bioprothèses ont trois inconvénients particuliers en position mitrale.

Les bioprothèses montées tendent à obstruer partiellement la chambre de chasse avec un de leurs trois picots ;

Les prothèses sans monture (stentless) ne sont pas utilisables car il n’existe pas de structure anatomique tubulaire pour pouvoir les y monter ;

Le taux d’attrition des bioprothèses en position mitrale est supérieur à celui des mêmes prothèses en position aortique.

L’appareil sous-valvulaire mitral constitue le squelette interne du VG. S’il est totalement réséqué pour implanter la prothèse, le VG va progressivement se dilater et devenir sphérique ; sa fonction systolique diminue alors considérablement. C’est la raison pour laquelle on préserve autant que possible les feuillets, les cordages et les piliers en fixant la prothèse (Figure 11.35). Ceci est aisé pour autant qu’ils ne soient pas trop racornis, fibrosés et restrictifs. Dans ce cas, on conserve au moins les cordages de 3ème ordre. Figure 11.35 : Préservation des feuillets et de l’appareil sous-valvulaire en cours de RVM. Les fils de fixation de la prothèse sont passés sous les feuillets et les cordages (ou ce qu’il en subsiste après résection) et implantés dans l’anneau mitral sur des pledgets, petits rectangles de téflon assurant la tenue du fil sur le versant auriculaire de l’anneau. En position tricuspidienne où le régime de pression est bas, les prothèses mécaniques ont une inertie plus faible que les bioprothèses, mais ont un risque de thrombose de 1%/an [187]. La survie à long terme des bioprothèses est meilleure qu’en position mitrale ou aortique parce que le stress mécanique est plus faible. On évite toutefois les prothèses à base de péricarde, à cause de la rigidité de leurs feuillets. Quel qu’en soit le type, l’armature de la valve ne correspond pas à la courbure du VD enroulé autour du VG et gène le mouvement péristaltique longitudinal du VD. Après remplacement valvulaire

Ecarteur

OG

Fils de fixation

Feuillet postérieur

Feuillet antérieur

Pledgets

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 73

tricuspidien, le taux d’insuffisance cardiaque droite est de 28% (9% après valvuloplastie) et la mortalité de 11% [293].

Prothèses valvulaires (I) Les prothèses mécaniques ont une longue durée de vie (> 25 ans) mais nécessitent une anticoagulation permanente (INR 2.0-3.0 après RVA et 3.0-3.5 après RVM). Les modèles actuels sont à double ailette (St.Jude Medical, Carbomedics, ATS). Les prothèses biologiques ne réclament une anticoagulation que pendant 3 mois, mais ont une durée de vie limitée à cause de leur dégradation structurelle; leur taux d'attrition est de 30% à 10 ans et 50% à 15 ans. Indications préférentielles des prothèses mécaniques: - espérance de vie > 20 ans, patient jeune et actif; - absence de contre-indication à l'anticoagulation ou anticoagulation déjà prescrite; - risque de dégénérescence accélérée de bioprothèse (hypercalcémie, insuffisance rénale). Indications préférentielles des bioprothèses: - âge > 65 ans; - contre-indication à l'anticoagulation (risque hémorragique élevé, faible compliance au traitement, grossesse). La surface effective des prothèses est plus petite que celle de la valve native. De ce fait, leur gradient de pression est plus élevé. Il varie selon les modèles, par ordre croissant: homogreffes < bioprothèses non-montées (stentless) < valves mécaniques < bioprothèses montées (stented). Le gradient maximal est considéré comme anormal lorsqu'il est > 35 mmHg au niveau aortique et > 10 mmHg au niveau mitral. En sortant de CEC, le gradient est souvent surestimé pour plusieurs raisons: - volume systolique élevé, haut débit cardiaque, stimulation sympathique (transfusions, perfusions, catécholamines); - pression aortique basse (vasoplégie, CPIA); - calcul échocardiographique par la Vmax, influencée par la géométrie de la prothèse;

- après RVA: ignorance de la Vmax de la CCVG: ΔP = 4 • (VVAo2 – VCCVG

2). Après RVA, le rapport VCCVG /VVao doit être > 0.4; une valeur plus basse indique une sténose. Dans les cas électifs sans risque particulier, la mortalité opératoire du RVA est de 2%, celle du RVM de 3-6% et celle de la plastie mitrale de 1-2%. Discordance patient-prothèse La surface utile de la prothèse est trop petite par rapport à la taille du patient lorsqu'elle est < 0.85 cm2/m2 au niveau aortique ou < 1.2 cm2/m2 au niveau mitral. Ce défaut d’appariement (patient-prosthesis mismatch) donne lieu à un gradient transvalvulaire excessif et pénalise le devenir du malade. Lorsqu'il est sévère, il entraîne une persistance du remodelage ventriculaire ou de l'hypertension pulmonaire, une aggravation de la dysfonction ventriculaire à long terme et une augmentation de la mortalité à 5 ans jusqu'à 15% [20,264]. La discordance peut être [258] :

Modérée: S aortique 0.65 - 0.85 cm2/m2, S mitrale 0.9 – 1.2 cm2/m2 (10-30% des cas); Sévère: S aortique < 0.65 cm2/m2, S mitrale < 0.9 cm2/m2 (2-5% des cas).

L'incidence de la discordance patient-prothèse est de 20-35% [21]. Son impact clinique est important chez l'individu jeune dont le débit cardiaque est élevé, mais moins marqué chez l’individu âgé de > 70

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 74

ans [98]. Une augmentation dispproportionnée du gradient au test d’effort (> 20 mmHg pour une prothèse aortique et > 12 mmHg pour une prothèse mitrale) signale un rétrécissement significatif [259]. Alors que la forme sévère altère considérablement la qualité de vie et la mortalité, l'impact d'une discordance modeste est sujet à controverse. La surface d'une prothèse doit donc être > 0.85 cm2/m2 en position aortique et > 1.2 cm2/m2 en position mitrale. Dans le choix de la taille d'une valve, il est important de prendre en compte la surface utile (voir Tableau 11.7 et Tableau 11.8) et non la surface nominale fournie par le fabricant [258]. D'autre part, la performance hémodynamique varie selon les modèles: elle est supérieure pour les valves mécaniques comparée aux bioprothèses montées, pour les bioprothèses sans monture comparée aux bioprothèses montées et pour les prothèses supra-annulaires comparée aux prothèses intra-annulaires. La mesure ETO de la dimension de l’anneau aortique avant la CEC est capitale pour déterminer la taille de la prothèse et décider du modèle à choisir ou d’un éventuel agrandissement de l’anneau aortique pour éviter l’implantation d’une valve trop petite. Le calcul de la taille minimale de la prothèse est simple :

En position aortique: S corporelle x 0.85 cm2; S pour un adulte normal: > 1.5 cm2; En position mitrale: S corporelle x 1.2 cm2; S pour un adulte normal: > 2.0 cm2.

Fuites sur les prothèses Pour éviter un blocage accidentel et assurer un autolavage, les valves à ailettes et à disque ne sont volontairement pas étanches et présentent toujours plusieurs petits jets de régurgitation dont la configuration est particulière à chaque modèle, mais qui sont toujours situés à l'intérieur de l'anneau. Ils correspondent à une fraction de régurgitation inférieure ou égale à 5% (insuffisance de degré < I sur IV) et sont sans signification hémodynamique (Figure 11.36). Les bioprothèses présentent une fuite de configuration variable, en général centrale et très modeste. Les prothèses stentless, qui sont souples et plus délicates à mettre en place, peuvent présenter des fuites significatives si l’implantation n’est pas parfaite. Figure 11.36 : Fuites intravalvulaires d’autolavage. Ce type de fuite situé à l’intérieur de l’anneau de la prothèse est normal. Il varie selon les types de valves mécaniques, à la fois en nombre et en importance, mais l’insuffisance est toujours minime (fraction de régurgitation < 5%). Dans les valves bi-ailette, les jets périphériques sont légèrement concentriques, alors que les jets situés sur les pivots sont en bouquet. Ils sont toujours fins et ne présentent jamais de zone d’accélération concentrique sur le versant ventriculaire (image ETO 2-cavités à 90° d’une valve St.Jude en position mitrale). Les valves à ailettes présentent une certaine inertie à l'occlusion, et, lorsqu'elles se ferment, poussent en arrière la masse sanguine située à l'intérieur de leur anneau. Ce reflux peut être visible à

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 75

l'échocardiographie Doppler couleur (closure backflow), mais ne constitue pas une fuite proprement dite. La valve aortique et la valve mitrale sont insérées côte-à-côte sur le trigone fibreux. De ce fait, les points de fixation d'une prothèse aortique ou mitrale peuvent opérer une traction sur la valve oppposée et entraîner une nouvelle insuffisance ou aggraver une régurgitation pré-existante. Au niveau mitral, cette insuffisance est due à une rétraction du feuillet antérieur ou à une déchirure à la base du feuillet; au niveau aortique, elle est secondaire à une rétraction des cuspides aortiques gauche et/ou non-coronaire (voir Figure 11.1). Figure 11.37 : Fuite paravalvulaire (FPV). A : schéma montrant que la fuite paravalvulaire est située entre l’anneau de la prothèse et l’anneau anatomique de la valve (*), alors que les fuites d’autolavage (FAL) sont à l’intérieur de la valve. Lorsqu’elle est importante, la FPV présente une zone d’accélération concentrique (PISA) sur le versant ventriculaire. B : image ETO d’une FPV antérieure modérée sur une prothèse mitrale St Jude (vue 2-cavités 85°) ; la flèche verte montre l’emplacement de l’anneau de la prothèse ; PM : prothèse mitrale. C : orifice de régurgitation para-annulaire à l’extérieur d’un anneau de Carpentier après plastie mitrale (vue ETO 3D depuis l’OG). D : occlusion d’une fuite paravalvulaire par un dispositif utilisé pour la fermeture de CIA. Deux dispositifs sont en place (occluders), l’un étant encore suspendu à son guide (vue ETO 3D depuis l’OG). Les fuites extérieures à l’anneau prothétique sont des fuites paravalvulaires (FPV), qui sont toujours pathologiques (Figure 11.37). Leur apparition est plus fréquente chez le patient âgé, dans les anneaux calcifiés, dans les reconstructions annulaires, dans les réopérations et après endocardite. Leur impact varie selon leur importance (voir Chapitre 26, Prothèses valvulaires examen préop).

FPV

FAL

PISA * * A

Orifice para-annulaire

Anneau prosthétique C

V mitrale

D

Guide

Occluders

B

OG

VG

PM FPV

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 76

Le taux moyen de fuites paravalvulaires est de 12% [324a]. Les petites fuites (degré ≤ I) sont

fréquentes (6-18% après RVA, 22-32% après RVM) mais ne sont pas significatives [156] ; au niveau aortique, elles disparaissent rapidement avec la protamine ou en quelques jours avec le dépôt de fibrine et l’endothélialisation ; au niveau mitral, la moitié persiste à une année sans que cela n’influence la mortalité ni les complications cardiovasculaires [324a].

Des fuites peu importantes sont inévitables lorsque l’anneau valvulaire est très calcifié et que la congruence avec l’anneau prothétique est impossible.

Au niveau tricuspidien, il arrive que le chirurgien ne fixe pas la prothèse du côté septal pour éviter de léser le faisceau de His, ce qui laisse un orifice extra-annulaire.

Les fuites fuites modérées-à-sévères (50% des cas) doivent être corrigées immédiatement pour autant que cela soit faisable, car elles tendent à s’aggraver avec le temps (déhiscence) ; parfois, les conditions techniques de la mise en place de la prothèse sont telles que toute tentative d’amélioration est vouée à l’échec. La correction chirurgicale de la fuite échoue dans 10-20% des cas [119].

La tolérance vis-à-vis des FPV est plus grande pour les fuites aortiques que pour les fuites mitrales, car leur vélocité est moins élevée et le risque d’hémolyse moins grand. La tolérance est très élevée pour les FPV tricuspidiennes dont la vélocité est basse.

Indications opératoires des FPV chroniques: régurgitation entraînant une symptomatologie clinique et/ou une décompensation ventriculaire, endocardite, hémolyse avec anémie nécessitant des transfusions répétées.

Immédiatement après la mise en place d'une prothèse, la décision de retourner en CEC pour occlure l’orifice paravalvulaire n’est pas fondée que sur l’image ETO, mais sur une série de contingences : valve incriminée, état de l’anneau, faisabilité chirurgicale de la réparation, risque clinique d’une 2ème CEC, etc. Si la chirurgie est trop risquée, il est possible de réduire une fuite paravalvulaire au moyen d’un dispositif d’occlusion utilisé pour fermer les CIA (occluder type Amplatzer™) (Figure 11.37D). Le taux de succès varie de 60 à 90% des cas ; souvent, la fuite est diminuée mais non totalement exclue ; l’effet sur l’hémolyse est inconstant [116]. Obstruction dynamique de la CCVG ("effet CMO") L’obstruction dynamique de la CCVG, ou effet cardiomyopathie obstructive (effet CMO), survient facilement lorsqu’on a levé l’obstacle de la sténose aortique chez un malade dont le VG souffre d’hypertrophie concentrique. Plusieurs éléments entrent en ligne de compte.

Dans l’HVG concentrique, la musculature de la CCVG est anormalement épaisse ; il est d’usage d’y pratiquer une myotomie pour agrandir le passage en systole ;

La postcharge est soudainement abaissée par le remplacement de la valve aortique sténosée au moyen d'une prothèse de basse résistance ;

La fonction ventriculaire gauche est bonne, souvent exagérée par une stimulation β-adrénergique ;

L’hypovolémie accentue le phénomène en réduisant le volume de la cavité ventriculaire ; L’hypotension artérielle (vasoplégie, CPIA) augmente le gradient à travers la valve aortique.

Ces phénomènes conduisent à une vélocité exagérée dans la chambre de chasse (Vmax > 2.5 m/s). Si la cavité du VG hypertrophique se rétrécit (hypovolémie) et que la course systolique de la paroi postérieure amène celle-ci plus en avant (stimulation β), le point de coaptation de la valve mitrale avance en direction de la CCVG, l’occlusion n’a plus lieu sur le bord distal du feuillet antérieur mais sur son corps, et la pression intaventriculaire le repousse antérieurement en direction de la chambre de chasse (voir Figure 11.5B). Par effet Venturi, il est ensuite aspiré dans la CCVG et l’occlut plus ou moins complètement. C’est le SAM (systolic anterior motion), qui survient en méso-télésystole (voir Figure 5.41). Le flux baisse dans l’aorte et la réouverture de la valve mitrale en cours de systole induit une IM méso-télésystolique.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 77

La sténose sous-aortique dynamique est définie par une Vmax dans la CCVG > 2.5 m/s. Dans ces circonstances, il est essentiel de calculer le gradient trans-aortique avec l’équation de Bernoulli prenant en compte la vélocité dans la chambre de chasse : ΔP = 4 • (Vtotale

2 – VCCVG2), car celle-ci (VCCVG) est

largement au dessus de 1.5 m/s ; à elle seule, elle induit un ΔPmax > 25 mmHg qu’il faut soustraire du gradient total de la voie d’éjection (Vtotale) pour mesurer le gradient propre à la prothèse (voir Figure 11.96). Le rapport entre la vélocité dans la CCVG et celle à travers la valve (VCCVG / VVAo) est utile pour apprécier le degré d’accélération généré par la prothèse; normalement, ce rapport doit être > 0.4 [336]. Après remplacement mitral avec une bioprothèse montée, on peut rencontrer un effet CMO induit par un des 3 picots de la prothèse qui obstrue partiellement la CCVG. Après une plastie mitrale restrictive, la zone de coaptation mitrale se rapproche de la CCVG, car le point fixe de l’anneau mitral est au niveau de la jonction mitro-aortique (trigone fibreux), alors que la partie postérieure est fine et n’est soutenue que par la musculature ventriculaire ; c’est donc elle qui va se déplacer vers l’avant. Un déplacement antérieur excessif est possible pour quatre raisons différentes.

L’anneau de valvuloplastie est trop restrictif ; La longueur du feuillet postérieur est excessive (excès de tissu) ; La cavité ventriculaire est trop petite : hypovolémie, HVG concentrique ; La course radiaire de la paroi postérieure en systole est trop grande : sur-stimulation β,

vasoplégie. Les deux premiers points sont liés à l’intervention chirurgicale ; ils surviennent dans 5% des plasties mitrales [123]. Les deux autres points sont beaucoup plus fréquents mais ne réclament pas une reprise chirurgicale; ils sont liés à l’hémodynamique et se corrigent par le traitement de l'obstruction dynamique de la CCVG:

Augmentation de la précharge (remplissage); Augmentation de la postcharge par des vascoconstricteurs (néosynéphrine, nor-adrénaline); Baisse de la contractilité (arrêt des catécholamines, β-blocage à l’esmolol).

Autres complications Au sortir de CEC après chirurgie mitrale, il est possible que la paroi latérale du VG ne se contracte plus. Cette akinésie est secondaire à une lésion de l’artère circonflexe par les points de fixation de la prothèse ou de l'anneau. En effet, le trajet de la CX dans le sillon auriculo-ventriculaire gauche est à quelques millimètres de l'anneau mitral et les points de fixation latéraux peuvent aisément empiéter sur le vaisseau et l'occlure. La pire complication chirurgicale qui puisse survenir après chirurgie mitrale est une déchirure de l'anneau et de la base du VG, le plus souvent au cours d'une réopération. La reconstruction en est extrêmement hasardeuse et la mortalité très élevée. Immédiatement après un remplacement valvulaire aortique (RVA), deux complications sont classiques.

Bloc AV complet par lésion du faisceau de His dans sa portion jouxtant le septum membraneux en dessous de la cuspide non-coronaire;

CIV sous-aortique par myectomie excessive de la CCVG lors de sténose aortique accompagnée d'une hypertrophie concentrique majeure.

A long terme, les prothèse mécaniques présentent un risque substantiel de thrombose et de thrombo-embolie; elles requièrent une anticoagulation à vie, qui est elle-même source de complications hémorragiques. Les bioprothèses, au contraire, ne nécessitent pas d'anticoagulation, mais leur durée de vie est limitée par une dégénérescence et une calcification progressives. Un certain nombre de complications sont communes aux différents types de valves [23,145,258,278,322].

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 78

Thrombo-embolie: incidence de 1-2% patient/année; la thrombose se rencontre essentiellement dans les prothèses mécaniques en cas d'anticoagulation inefficace, alors que le développement d'un pannus fibreux peut survenir dans n'importe quel type de prothèse [41]. Si l'amélioration de l'anticoagulation (augmentation de l'INR, addition d'aspirine) ne suffit pas à régler le problème thrombo-embolique ou que le thrombus est grand (≥ 10 mm) et mobile, une ablation chirurgicale est nécessaire; si celle-ci est trop risquée (mortalité 4-15%), on peut envisager une thrombolyse de sauvetage. Dans le coeur droit, on privilégie la thrombolyse.

Saignements: le risque d'événement hémorragique grave chez les patients anticoagulés est de 1% patient/année.

Détérioration structurelle: le taux de dégradation des bioprothèses est de 10-30% à 10 ans et de 20-50% à 15 ans; les facteurs qui l'accélèrent sont le jeune âge (< 40 ans), la position mitrale, l'insuffisance rénale, l'hyperparathyroïdisme. Le traitement des tissus au gluaraldéhyde favorise la calcification ultérieure, mais une partie du phénomène est lié à des processus actifs tels que l'athéromatose et les réactions immunes (le tissu n'est pas totalement inerte).

Endocardite: incidence 0.5% patient/année, malgré une prophylaxie adéquate, mortalité 30-50%. La chirurgie est indiquée en cas d'échec du traitement médical, de régurgitation majeure, de végétation > 10 mm, de fistule, ou de défaillance progressive du ventricule.

Fuite paravalvulaire: les fuites sévères sont rares (1-2%); la correction chirurgicale s'impose lorsqu'elles sont symptomatiques et/ou entraînent une défaillance ventriculaire ou une hémolyse importante.

Hémolyse: la majorité des patients porteurs de prothèses mécaniques présente un faible degré d'hémolyse, mais seuls ceux qui deviennent anémiques réclament un traitement de la cause, le plus souvent une fuite paravalvulaire. L'hémolyse est due à la collision, au cisaillement et à la fragmentation d’un jet de régurgitation avec une surface étrangère rigide, par exemple l’anneau de la valve [333].

Les accidents mécaniques (rupture, blocage) sont extrèmement rares. En cas de doute sur le fonctionnement d’une prothèse valvulaire, seule la cinéangiographie permet de visualiser avec certitude le mouvement des ailettes.

Prothèses valvulaires (II): complications Discordance patient-prothèse: la surface effective de la prothèse est trop petite pour le débit cardiaque du patient lorsqu'elle est < 0.85 cm2/m2 au niveau aortique ou < 1.2 cm2/m2 au niveau mitral. Les prothèses ne sont pas totalement étanches et présentent de petites fuites. Les valves mécaniques maintiennent une minime régurgitation lorsqu'elles sont fermées pour éviter le dépôt de fibrine et de thrombus (fuite d'autolavage). Toutes ces fuites sont situées à l'intérieur de l'anneau prosthétique. Les fuites paravalvulaires sont situées à l'extérieur de cet anneau et sont toujours pathologiques. Lorsqu'elles sont faibles (< II/IV), elles peuvent être ignorées; la plupart disparaissent spontanément. Lorsqu'elles sont importantes, elles nécessitent un retour immédiat en CEC ou une réopération ultérieure si la réparation est faisable et le risque pas trop élevé. Indications opératoires: fuite majeure, défaillance ventriculaire, hémolyse, endocardite. Une obstruction dynamique de la CCVG par déplacement en avant du feuillet mitral antérieur survient fréquemment lorsque certaines circonstances sont réunies: - levée de l'obstacle d'une sténose aortique ou plastie mitrale restrictive; - diminution de la cavité du VG (hypovolémie, HVG concentrique sévère); - baisse de postcharge (vasoplégie, CPIA); - excès de stimulation catécholaminergique β.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 79

Prothèses valvulaires (III): complications Le taux de complication moyen des prothèses est de 3%/an. Les complications les plus fréquentes des remplacements valvulaires sont: - thrombo-embolie (0.6 – 2.3% patient/année); - hémorragie sur anticoagulation (1% patient/année); - dégradation structurelle des bioprothèses (10-30% à 10 ans et de 20-50% à 15 ans); - endocardite (0.5% patient/année); - fuite paravalvulaire (1-2%); - hémolyse. Plasties valvulaires Une valvuloplastie, qui est faisable dans au moins 60% des insuffisances valvulaires, est toujours préférable à un remplacement, parce qu'elle rétablit l'anatomie normale au lieu d'échanger la pathologie de la valve native contre celle de la prothèse. Une plastie présente plusieurs avantages par rapport à une prothèse :

Absence d’anticoagulation ; Préservation de la fonction ventriculaire (la géométrie du ventricule et l’intégrité de l’appareil

sous-valvulaire sont préservées après plastie mitrale ou tricuspidienne) ; Risques thrombo-emboliques et infectieux (endocardite) très faibles ; Risque de détérioration structurelle quasi inexistant ; Possibilité de croissance de la valve chez l’enfant et l’adolescent ; Morbi-mortalité 2-4 fois plus basse.

La faible mortalité (1-2%) et le succès à long terme (taux de reprise à 10 ans: 6-14%) pousse à intervenir plus tôt dans l'évolution de la maladie [74]. On trouvera d’autres détails sur les plasties dans les chapitres correspondant à chacune des valves. Plastie mitrale La technique de plastie de la valve mitrale (PVM) est adaptée en fonction du type de lésion (Figures 11.38 et 11.39). Parmi les nombreuses techniques possibles, les plus fréquemment utilisées sont les suivantes.

Résection quadrangulaire du/des feston(s) du feuillet postérieur (P2 dans 65% des cas) et résection des cordages rompus ; suture du feuillet postérieur, éventuelle désinsertion et coulissage (sliding valvuloplasty) de P1 et P3 pour réduire la hauteur du feuillet à < 1.5 cm et diminuer le risque de SAM en cas de résection étendue et de très grand feuillet postérieur (voir ci-après "Effet CMO" après PVM).

Annulopastie avec un anneau souple ou rigide (de type Carpentier-Edwards™, Duran™, ETlogics™, GeoForm™) ; la taille de l’anneau est fonction de la distance intertrigonale que l’on veut obtenir après plastie (distance intertrigonale = 0.8 • longueur de la base du feuillet antérieur en vue bicommissurale 60° avec rotation horaire de la sonde) (voir Figure 11.58A). Cet anneau est indispensable pour empêcher une dilatation secondaire et pour assurer un succès

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 80

à long terme. Il a quatre fonctions : restaurer la géométrie de l’anneau mitral, prévenir la dilatation, diminuer la tension sur les sutures, et augmenter la surface de coaptation.

Figure 11.38 : Plastie mitrale pour prolapsus de P2 et anneaux prosthétiques. A : résection quadrangulaire de P2. B : désinsertion, coulissage et suture du feuillet postérieur au niveau de P1 et P3. C : suture du feuillet postérieur. D : pose d’un anneau de valvuloplastie de type Carpentier-Edwards Classic. Les 2 astérisques (*) marquent la distance intertrigonale à laquelle correspond l’anneau (Doty DB. Cardiac surgery : operative technique. St Louis :Mosby-Year Book, 1997). E : anneau de Carpentier-Edwards Physio ring. F : anneau de Cosgrove-Edwards [48].

Résection triangulaire du feuillet antérieur, résection des cordages rompus, suture bord à bord ; transfert de cordages secondaires sur le bord libre. En cas de résection importante : transfert d’un feston du feuillet postérieur et de ses cordages. Les résultats de la plastie du feuillet antérieur, qui est plus difficile, ne sont pas aussi bons que ceux de la plastie du feuillet postérieur.

Transfert, raccourcissement, réinsertion ou remplacement de cordages (Gore-Tex™ Chord) ; les cordages sont fixés au feuillet sur des patchs et enfouis au sein du muscle papillaire ; la longueur exacte des néocordages est souvent difficile à évaluer.

Décalcification de l’anneau mitral ; le calcium se dépose dans la fibrose réactionnelle de la partie postérieure de l’anneau lors de prolapsus de longue durée ou de maladie calcifiante. Le

* *

E F

Résection du feuillet postérieur

Anneau de valvuloplastie Suture du feuillet postérieur

Désinsertion/coulissage du feuillet post Feuillet

antérieur

Feuillet postérieur

Anneau

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 81

feuillet postérieur est désinséré, l’anneau décalcifié en bloc, et la jonction atrio-ventriculaire reconstruite en ramenant la paroi auriculaire sur la musculature ventriculaire et en complétant au besoin avec un patch de péricarde.

Résection de cordages du 2ème ordre du feuillet antérieur lors d’IM ischémique avec déplacement externe du pilier (voir Figure 11.59B) [215].

Plastie selon Alfieri : suture bord à bord de la partie médiane des feuillets (A2 et P2), réservée aux cas à très haut risque avec IM fonctionnelle et fuite centrale; en diastole, la valve présente 2 hémi-orifices de dimensions rétrécies (voir Figure 11.47).

Fermeture d’un orifice (endocardite) ou d’un cleft par un patch de péricarde. Remplacement partiel des feuillets ou allongement du feuillet antérieur par du péricarde

autologue ou par une homogreffe. L’examen ETO pratiqué avant la CEC offre une vision dynamique de la valve et permet de juger si une plastie est faisable dans des conditions satisfaisantes. On recherche en particulier :

Mécanisme de l’IM : restriction, prolapsus, rupture de cordage, dilatation ; Localisation exacte de l’origine du/des jet(s) d’IM ; Etat des 2 commissures ;

A

B C

Figure 11.39 : Plastie mitrale. A : transposition de cordages pour prolapsus du feuillet antérieur. B : technique de raccourcissement de cordages. C : réparation de cordage rompu avec translation d’un cordage secondaire sur le bord libre [Extrait de: Edmunds LH. Cardiac surgery in the adult. New-York :McGraw-Hill, 1997].

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 82

Etat de l’anneau (calcifications) et de l’appareil sous-valvulaire ; Flux mitral et veineux pulmonaire ; Fonction et taille du VG ; taille de l’OG ; Mesures spécifiques (vois ci-dessous) : diamètres de l’anneau, distance intercommissurale,

longueur du feuillet antérieur. Certains critères échocardiographiques permettent de prédire une bonne faisabilité et un bon résultat de la plastie (voir Figure 11.3, Figure 11.58 et Figure 11.59) [38,191,330] :

Diamètre de l’anneau < 5.0 cm (mesures en vues mi-oesophagiennes bicommissurale 60° et long axe 140°) ;

Rapport longueur feuillet antérieur / diamètre de l’anneau > 0.65 (mesures en diastole et en vue long axe 120-140°) ;

Lésion de < 3 festons, commissures stables ; Degré d’IM < IV (massive) ; Jet unique ; Appareil sous-valvulaire satisfaisant ; Absence de calcification de l’anneau ; Distance plan de l’anneau – point de coaptation (tenting height) < 1.1 cm ; Surface entre le plan de l’anneau et les feuillets (tenting area) < 2.5 cm2 ; Angle de fermeture du feuillet antérieur < 25°; Index de sphéricité du VG ≥ 1.5 (pas de dilatation majeure).

L’imagerie tridimensionnelle permet de se rendre compte avec une plus grande précision de l’anatomie et des mouvements de la valve mitrale. Elle permet notamment de déterminer la taille de l’anneau mitral à implanter d’après les mesures de la distance intercommissurale, de la hauteur du feuillet antérieur et des diamètres de l’anneau (voir Figure 11.58A) [88,135,182,302]. Contrôle ETO après CEC Après la CEC, les critères échocardiographiques de réussite d’une plastie mitrale (Figure 11.40) sont définis pour une postcharge (pression artérielle), une précharge (volémie) et une fonction ventriculaire normales. L’examen doit être accompagné d’un test de postcharge (PAM > 80 mmHg, PAsyst > 120 mmHg) et d’une stimulation de la contractilité, pour être certain que les résultats obtenus correspondent aux situations de la vie réelle. La plastie est considérée comme réussie lorsque les conditions suivantes sont réunies [107].

IM résiduelle de degré ≤ I/IV ; IM résiduelle protosystolique et brêve ; Si résection du feuillet postérieur : abutement du feuillet antérieur sous le feuillet postérieur et

la partie postérieure de l’anneau ; Si affrontement des 2 feuillets : auteur de coaptation > 5 mm ; cette hauteur se calcule en

soustrayant la distance entre l'anneau mitral et le point de coaptation en systole de la longueur totale du feuillet antérieur mesurée en diastole (vue long-axe 120°) (voir Figure 11.19) ;

Rapport hauteur de coaptation / longueur feuillet antérieur > 0.2; Rapport longueur feuillet postérieur / feuillet antérieur < 0.4 ; Gradient antérograde : ΔPmax ≤ 4 mmHg, ΔPmoy ≤ 2 mmHg ; Vmax ≤ 1.5 m/s dans la CCVG, pas de SAM (voir ci-dessous "Effet CMO" après PVM).

Les indications échocardiographiques à retourner en pompe pour compléter la plastie ou, à défaut, remplacer la valve sont les suivantes:

Défaut structurel qui ne peut pas s’améliorer : perforation, déhiscence, bascule de feuillet, fuite para-annulaire ≥ II/IV;

IM de degré ≥ II/IV

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 83

• Non-coaptation des feuillets en image 2D ou 3D ; • Jet d’IM important et pansystolique ; • Présence d'un PISA côté ventriculaire; • Vena contracta > 0.3 cm ; • Orifice de régurgitation > 0.25 cm2 ; • Volume de régurgitation > 25 mL ;

Sténose restrictive : S < 2 cm2, ΔPmax ≥ 7 mmHg, ΔPmoy ≥ 4 mmHg ; SAM réfractaire au traitement médical (voir ci-dessous) ; La décision est prise en fonction du contexte clinique et non de la seule image ETO.

Figure 11.40 : Plastie mitrale. A : après résection large de P2 et plastie du feuillet postérieur, toute l’occlusion est assurée par le feuillet antérieur ; sa longueur doit dépasser le diamètre de l’anneau (flèches) et permettre un affrontement sous le feuillet postérieur pour que la valve soit occlusive. B : occlusion satisfaisante du feuillet antérieur en butée sous le feuillet postérieur et l’anneau en systole. C : la coaptation des feuillets doit se faire sur une hauteur d’au moins 4 mm (flèche jaune) pour assurer l’étanchéité, ce qui est le cas ici après une plastie et résection du feuillet antérieur. D : fuite résiduelle après plastie mitrale ; si elle est pansystolique, cette fuite est excessive car le jet présente une largeur significative au passage de la valve. Dans ces conditions, il est essentiel de diagnostiquer le mécanisme de l'insuffisance résiduelle pour que le chirurgien puisse réaliser une correction adéquate [107].

IM de type I (jet central dans l'OG): anneau trop grand, perforation iatrogène, cleft résiduel;

D

B A

C

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IM de type II (jet excentrique dirigé à l'opposé du feuillet prolabant): prolapsus résiduel, dont la localisation est à définir précisément;

IM de type III (jet excentrique dans la direction du feuillet restrictif): résection excessive, malposition de l'anneau, raccourcissement trop important de cordages, dilatation ventriculaire;

IM due au SAM: jet méso-systolique, feuillet postérieur trop long, excès de tissu valvulaire, anneau trop petit.

Lors de pose d’un anneau de valvuloplastie, il est important de contrôler trois éléments après la mise en charge.

Contractilité de la paroi latérale ; l’artère circonflexe (CX) peut être lésée par les points de fixation latéraux ;

Etanchéité de la valve aortique ; les points au niveau de la base du feuillet antérieur peuvent exercer une traction sur la cuspide gauche ou la cuspide non coronaire de la valve aortique et provoquer une IA ;

Intégrité de la paroi-basale du VG ; la décalcification de l’anneau peut entraîner des lésions au niveau du sillon auriculo-ventriculaire ; la présence continue d’air dans le VG et l’akinésie basale sont des signes avant-coureurs de la rupture ventriculaire.

Plastie valvulaire mitrale (PVM)

Une valvuloplastie, faisable dans 60-80% des insuffisances mitrales, est toujours préférable à un remplacement parce qu'elle rétablit l'anatomie normale. Avantages par rapport à une prothèse: - Absence d’anticoagulation; - Préservation de la géométrie et de la fonction ventriculaire; - Très faibles risques mécaniques et infectieux; - Mortalité opératoire trois fois plus basse (1-2%) ; reprise à 10 ans : 6-10%. La PVM consiste en résection du feston prolabant (en général P2), résection de cordages rompus, raccourcissement ou transfert de cordages, et implantation d’un anneau (nécessaire à empêcher une dilatation secondaire). Critères de faisabilité d’une plastie mitrale : - dilatation modérée du VG et de l’OG (diamètre de l’anneau mitral < 5 cm) ; - peu de restriction sur les feuillets (distance plan de l’anneau – point de coaptation < 1 cm) ; - anneau souple et non calcifié ; - IM non massive, commissures stables, jet unique ; - rapport longueur feuillet antérieur / diamètre de l’anneau > 0.65 ; - appareil sous-valvulaire satisfaisant. Critères de réussite d’une plastie mitrale (examen post-CEC, taux d’échec moyen 6%) : - IM résiduelle nulle ou mineure (PAM > 80 mmHg, fonction VG satisfaisante) ;

- affrontement adéquat des feuillets (hauteur de coaptation > 5 mm), pas de prolapsus ; - gradient antérograde moyen ≤ 2-3 mmHg ; - absence de SAM, Vmax CCVG < 1.5 m/s. "Effet CMO" après PVM Une subobstruction dynamique de la chambre de chasse par le feuillet mitral antérieur (effet de cardiomyopathie obstructive, ou effet CMO) survient dans 5-15% des plasties mitrales pour

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 85

dégénérescence myxoïde (IM type II) (Figure 11.41) [123,205]. Elle est secondaire au déplacement antérieur de la zone de coaptation mitrale par un anneau restrictif chez un malade qui souffre d'une abondance de tissu valvulaire; ce déplacement la rapproche excessivement de la CCVG. En effet, le point fixe de l’anneau mitral est au niveau de la jonction mitro-aortique (trigone fibreux), alors que la partie postérieure est fine et n’est soutenue que par la musculature ventriculaire ; c’est donc elle qui va se déplacer vers l’avant. Ce déplacement a lieu pour quatre raisons différentes.

L’anneau de valvuloplastie est trop restrictif ; La longueur du feuillet postérieur est excessive (excès de tissu typique de la maladie de

Barlow); La cavité ventriculaire est trop petite : hypovolémie, HVG concentrique ; La course radiaire de la paroi postérieure en systole est trop grande : sur-stimulation β,

vasoplégie. Les deux premiers points sont liés à l’intervention chirurgicale ; ils surviennent dans 5% des plasties mitrales [123]. Les deux autres points sont liés à l’hémodynamique et se corrigent par remplissage, vascoconstriction systémique et β-blocage ; ils sont beaucoup plus fréquents mais ne réclament pas une reprise chirurgicale. Figure 11.41 : Obstruction dynamique de la CCVG après plastie mitrale. A : un anneau restrictif et/ou une trop grande hauteur du feuillet postérieur (FP) (rapport feuillet antérieur / feuillet postérieur < 1.3) avance la paroi postérieure et projette le point de coaptation vers la CCVG. En protosystole, la coaptation a lieu sur le corps du feuillet antérieur (FA) dont la partie distale se retrouve dans le VG et non en application contre le FP. B : en mésosystole, la pression intraventriculaire pousse le FA en direction de la CCVG ; en cours d’éjection, celui-ci est aspiré par effet Venturi et vient bloquer la CCVG. Le débit aortique baisse soudainement, et la réouverture de la valve mitrale provoque une insuffisance méso-télésystolique. C : La paroi postérieure avance (flèche rouge) parce que la base du feuillet antérieur est accolée au trigone fibreux qui est un point fixe puisqu’il est le squelette et le centre mécanique du cœur. Lorsque le point de coaptation de la valve mitrale avance en direction de la CCVG, l’occlusion n’a plus lieu sur le bord distal du feuillet antérieur mais sur son corps, et la pression intaventriculaire le repousse antérieurement en direction de la chambre de chasse en protosystole. Par effet Venturi, il est ensuite

Aorte

MPP Ant Post

Point fixe

Trigone fibreux

Ao

V tr VM

AP

A C

Aorte

MPP Ant Post

B

IM

© Chassot 2011

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 86

aspiré dans la CCVG et l’occlut plus ou moins complètement. C’est le SAM (systolic anterior motion), qui survient en méso-télésystole. Le flux baisse dans l’aorte, et la réouverture de la valve mitrale en cours de systole induit une IM méso-télésystolique. Ce phénomène est bien visible en 4 cavité ou en long axe du VG mi-œsophage. Certains signes échocardiographiques sont des prédicteurs du SAM post-plastie (Figure 11.42) [205] :

Distance entre le point de coaptation mitral et le septum (C-sept) < 2.6 cm ; Hauteur du feuillet postérieur > 1.5 cm (mesurée en diastole dans le plan de sa plus grande

dimension) ; Rapport entre la hauteur du feuillet antérieur et du feuillet postérieur ≤ 1.3 ; Distance entre le point de coaptation et le plan de l'anneau mitral > 0.6 cm; Angle mitro-aortique refermé (< 140°).

Après plastie mitrale, deux signes échocardiographiques donnent l'alerte sur la présence d'une possible obstruction dynamique de la CCVG :

IM importante mais non holo-systolique; Inflexion du feuillet antérieur dans la chambre de chasse en cours de systole (SAM).

Figure 11.42 : SAM (systolic anterior motion) du feuillet antérieur en postopératoire de plastie mitrale. A : mesures préopératoires prédictives de SAM. a : rapport hauteur du feuillet antérieur / hauteur du feuillet postérieur < 1.3. b : distance entre le point de coaptation et le septum < 2.6 cm. c : hauteur du feuillet postérieur déployé en diastole > 1.5 cm. d : angle mitro-aortique refermé (< 140°) [205]. B : image ETO de SAM en vue 4-cavités ; les deux flèches blanches indiquent l’emplacement de l’anneau prothétique ; la flèche jaune pointe le déplacement de la partie distale du feuillet antérieur dans la chambre de chasse du VG (CCVG). FP : plastie du feuillet postérieur. Le diagnostic est confirmé par trois éléments (Figure 11.43):

Vmax dans la CCVG > 2.5 m/s (en vue transgastrique profonde 0° ou long-axe du VG 120°);

Aorte

MPP Ant

Post

a

b d c d

OG

CCVG

Ao OD

VG

A B

© Chassot 2011

FP

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 87

Collapsus mésosystolique des cuspides aortiques en mode TM de la valve aortique (court-axe 40° ou long-axe 120°);

Aspect "en dague" (dagger-shape) du flux aortique au Doppler continu. Figure 11.43 : Effet “CMO”. A : image de Systolic anterior motion (SAM) en vue ETO 4-cavités mi-oesophage. B : la chute du débit systolique en cours de systole ne permet plus à la valve aortique de rester ouverte ; en mode TM en court axe basal de la valve aortique (40°), on voit collaber les feuillets en cours de systole. C : après traitement (vasoconstricteur et béta-bloqueur), la valve aortique reste ouverte pendant toute la systole, le SAM a disparu. D : aspect en dague du flux aortique; la flèche indique la vélocité à laquelle survient le SAM et la restriction du flux éjectionnel. Lorsqu'apparaît un effet CMO, il est capital de déterminer si la plastie doit être reconstruite ou si la correction de l'hémodynamique suffit à faire disparaître l'obstruction. Pour ce faire, on peut procéder de deux manières différentes [61,202].

Test thérapeutique: si la correction de l'hémodynamique fait disparaître l'effet CMO, une reprise chirurgicale n'est pas nécessaire;

o Optimalisation de la précharge (remplissage); o Augmentation de la postcharge (bolus répété de 100 mcg de phényléphrine, perfusion

de noradrénaline); o Baisse de la contractilité (arrêt des catécholamines β, bolus répété de 10 mg d'esmolol).

Test provocatif: il permet de déterminer si l'aggravation des conditions hémodynamiques est tolérée (maintien du débit cardiaque) ou si elle entraîne immédiatement un choc cardiogène;

o Baisse de la précharge: perfusion de nitroglycérine; o Augmentation de la contractilité: perfusion de dobutamine (5-10 mcg/kg/min).

La résistance au test provocatif assure une bonne marge de sécurité hémodynamique pour le postopératoire. Toutefois, le test doit être pratiqué avant décanulation, de manière à pouvoir soutenir le débit par la CEC en cas de collapsus circulatoire. Il n'est indiqué que dans les cas douteux.

Pour être réussi, le test thérapeutique doit remplir quatre conditions:

Disparition du SAM; Réduction de la Vmax dans la CCVG à ≤ 1.5 m/s; Disparition ou réduction de l'IM à une trace (degré ≤ I/IV); Disparition du collapsus mésosystolique des cuspides aortiques.

D

C

B

VG

OG

VD

SAM

A

© Chassot 2011

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 88

Dans > 95% des cas, l'effet CMO est du à une inadéquation hémodynamique momentanée et n'a pas de sanction chirurgicale. Une réfection de la plastie du feuillet postérieur n’est nécessaire que dans 2-3% des cas ; elle a pour but de reculer le point de coaptation afin de l’éloigner de la CCVG. A long terme, le devenir des patients n’est pas influencé par l’épisode de CMO [35].

Effet CMO post PVM Sténose sous-aortique dynamique post-plastie (5-15% des cas) : - subocclusion mésosystolique de la CCVG par le feuillet antérieur, VmaxCCVG > 1.5 m/s ; - cause : anneau restrictif, excès de tissu valvulaire, hypovolémie, vasoplégie, stimulation β ; - traitement : vasopresseur, volume, stop amines β, β-bloqueurs, correction chirurgicale (5% des cas). Autres plasties valvulaires Plastie aortique La plastie est une option qui est de plus en plus pratiquée dans les centres spécialisés lors d’insuffisance aortique due au prolapsus d’une cuspide ou à la dilatation de l’anneau par une maladie de la racine de l’aorte. Le but est de restaurer l’anatomie et la fonction de tous les composants de la racine aortique. L’examen ETO avant CEC doit évaluer la faisabilité de la plastie et le mécanisme de l’incompétence valvulaire. Par analogie à la classification des IM, on décrit 3 types d’IA qui définissent le type de reconstruction possible (voir Figure 11.98) [27,84,320].

Type I : mouvement des cuspides normaux, dilatation de la racine aortique ; jet central. o Type IA : dilatation de la jonction sino-tubulaire ; o Type IB : dilatation des sinus de Valsalva, effacement de la jonction sino-tubulaire,

écartement des commissures empêchant la coaptation des cuspides ; o Type IC : dilatation de l’anneau aortique ; o Type ID : perforation de cuspide (jet variable).

Type II : excès de tissu et de mouvement d’une ou des cuspides, prolapsus ; jet excentrique. Type III : mouvement restrictif des cuspides, rétraction, fibrose, calcifications ; jet variable.

Dans le Type I, le type de plastie diffère selon le niveau de l’atteinte anatomique.

Type IA : remplacement de l’aorte ascendante par un tube de Dacron et remodelage de la jonction sino-tubulaire qui resuspend les commissures ;

Type IB : remplacement des sinus de Valsalva en épargnant la valve, qui est réimplantée dans la prothèse, réimplantation des coronaires ;

Type IC : annuloplastie sous-commissurale (sutures ou bande de Teflon) ; Type ID : patch de la perforation avec du péricarde.

Lorsque la dilatation de l’aorte ascendante provoque une fuite centrale mais que les cuspides sont saines et l’anneau aortique de taille normale (Type IA), il est possible de resuspendre ces dernières au moyen de la prothèse tubulaire utilisée pour le remplacement aortique ascendant (voir Figure 11.109).

Opération de Yacoub : resuspension des cuspides aortiques par le découpage en trèfle à trois feuilles de la prothèse aortique ascendante en Dacron et réimplantation coronaire ; le diamètre de la racine aortique doit mesurer < 3 cm.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 89

Opération de Tirone David : resuspension et suture de la valve aortique et de l’anneau à l’intérieur de la prothèse tubulaire, avec réimplantation des coronaires ; le risque de dilatation secondaire esr moindre.

Dans le Type II, la partie prolabante des cuspides est réséquée et suturée ou plicaturée, les bords libres sont resuspendus par une suture au niveau de chaque commissure; l’intervention est en général accompagnée d’une annuloplastie au niveau de l’anneau et/ou de la jonction sino-tubulaire (Figure 11.44) [58,320]. Le Type III, plus difficile, demande une décalcification et une reconstruction des cuspides avec un patch de péricarde ou de valve homologue. Figure 11.44 : Plastie aortique. A : schéma des conditions d’une plastie réussie ; pas de prolapsus, coaptation en aval du plan de l’anneau aortique (1), hauteur de coaptation > 4 mm (2, flèche rouge), hauteur des cuspides > 8 mm (3, flèche bleue), IA résiduelle < I/IV (4). B : résection triangulaire d’un prolapsus uni-cuspidien et suture de la cuspide. C : resuspension d’une commissure (43a). D : annuloplastie aortique [Braunwald’s Heart Disease, 7th ed, Philadelphia:Elsevier 2005, 1601]. Le taux d’échec de la plastie aortique est supérieur à celui de la plastie mitrale (14% versus 6%) [139,209], et le risque de complications de 12% à 10 ans [2]. Mais la mortalité opératoire est inférieure à celle du remplacement valvulaire : 1% pour la plastie isolée d’une cuspide et 3.4% pour la plastie de la racine aortique [2]. La plastie n’est pas plus difficile dans les bicuspidies, sauf lorsque les cuspides sont fibrosées, calcifiées ou épaissies aux commissures [230] ; mais l’indication est importante parce que les patients sont plus jeunes. Après correction, l’examen ETO permet de décider si la plastie est un succès ou si une intervention complémentaire est nécessaire. Un bon résultat est caractérisé par (Figure 11.44A) [196] :

B

C D

A

© Chassot 2011

Anneau aortique Jonction sino-tubulaire

4 3

2

1

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Coaptation des cuspides sur le plan de l’anneau aortique ou distalement en vue long-axe 120° ;

absence de prolapsus dans la CCVG ; Hauteur de la zone de coaptation > 0.4 cm ; Hauteur des cuspides > 0.8 cm (distance entre le point le plus haut de la coaptation et le point

d’implantation des cuspides sur l’anneau) ; idéalement, le point le plus haut se situe à mi-hauteur des sinus de Valsalva ;

Mouvement libre des cuspides en systole, parallèles au flux ; Insuffisance aortique ≤ I ; ΔPmax en systole < 20 mmHg, ΔPmoy ≤ 10 mmHg.

Les éléments suivants sont considérés comme un échec de la plastie et commandent un retour en pompe pour la perfectionner ou pour changer la valve [196].

IA résiduelle > degré I (mineure) ; Niveau de coaptation des cuspides en dessous du plan de l’anneau aortique ; Hauteur de coaptation du bord libre des cuspides de ≤ 0.4 cm ; Gradient excessif : ΔPmax > 30 mmHg, ΔPmoy > 15 mmHg.

Lors de réimplantation des coronaires, il est important de contrôler la présence d’un flux dans la racine des deux troncs au Doppler couleur, et de rechercher une éventuelle altération de la cinétique segmentaire signant une ischémie tronculaire.

Plastie valvulaire aortique (PVA) Une valvuloplastie, faisable dans 60% des insuffisances aortiques, est toujours préférable à un remplacement parce qu'elle rétablit l'anatomie normale. Avantages par rapport à une prothèse: - Absence d’anticoagulation; - Très faibles risques mécaniques et infectieux; - Mortalité opératoire trois fois plus basse (1-2%) ; si plastie de la racine de l’aorte : 3-4% ; reprise à 10 ans : 12%. La PVA consiste en réfection de la racine de l’aorte, annuloplastie externe, résection et resuspension des cuspides. Critère de faisabilité d’une plastie aortique : - dilatation de l’anneau aortique ou de la racine de l’aorte mais cuspides normales ; - prolapsus d’une ou plusieurs cuspides ; - pas de restriction ni de calcifications ; - la bicuspidie n’est pas une contre-indication. Critères de réussite d’une plastie aortique (examen post-CEC, taux d’échec moyen 14%) : - IA résiduelle nulle ou mineure (PAM > 80 mmHg, fonction VG satisfaisante) ;

- affrontement adéquat des feuillets en aval de l’anneau (hauteur de coaptation > 4 mm), pas de prolapsus, hauteur des cuspides > 8 mm ;

- gradient antérograde moyen ≤ 10 mmHg.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 91

Plastie tricuspidienne La présence d’une IT résiduelle modérée à sévère péjore le pronostic de toute intervention cardiaque et tend à s’aggraver ultérieurement malgré la correction des valvulopathies gauches [231,293]. De ce fait, les indications à la plastie tricuspidienne sont larges et souvent posées en fonction de l’examen ETO peropératoire [36,81,273].

IT modérée-à-sévère si intervention sur les valves gauches ; IT modérée-à-sévère si dilatation des cavités droites (même en l’absence de symptômes) ; IT modérée-à-sévère si symptômes d’insuffisance droite ; IT sévère avec dilatation de l’anneau (D > 2.8 cm en vue 4-cavités) ; IT traumatique sévère avec rupture de cordage, même si asymptomatique (non en urgence).

La plastie consiste la plupart du temps en points de rétrécissement annulaires selon De Vega ou en mise en place d’un anneau (rigide ou souple) (Figure 11.45). Cet anneau est interrompu au niveau septal pour éviter les lésions du noeud auriculo-ventriculaire et du faisceau de His. Les résultats fonctionnels sont meilleurs et la survie à 15 ans doublée avec un anneau souple par rapport à une plastie selon De Vega [307]. On peut aussi procéder à une bicuspidisation de la valve. Les conditions d’une réussite sont [181,307] :

IT résiduelle mineure (degré ≤ II/IV) ; ΔPmoy < 4 mmHg ; Vena contracta < 0.3 cm ; Absence de PISA et de reflux systolique dans la VCI et les veines sus-hépatiques.

Figure 11.45 : Plastie tricuspidienne vue par une atriotomie de l’OD comme elle se présente dans le champ opératoire. A : plastie selon De Vega ; des points coulissants sont disposés sur l’anneau, de la commissure antéro-septale à la commissure postéro-septale ; ils permettent de le rétrécir à volonté en le calibrant avec une jauge 27 [273]. B : anneau prothétique tricuspidien ; il est interrompu au niveau du septum pour éviter de léser les voies de conduction lors de sa mise en place [Savage RM, ed. Intraoperative transesophageal echocardiography. Philadelphia : Lippincott Williams & Wilkins, 2005, 440].

A P

S

NAV

SC

A

Voies de conduction SC

B

A

S P

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La plastie est préférable au remplacement valvulaire, dont les résultats sont très inférieurs : taux d’insuffisance droite postopératoire plus élevé (28% versus 9%), mortalité augmentée (11% versus 5%), anticoagulation permanente, risque de thrombose (1%/an) [293].

Plastie valvulaire tricuspidienne (PVT) En cas d’IT secondaire, la PVA consiste en sutures espacées restrictives de l’anneau (De Vega) ou en pose d’un anneau prosthétique. En cas d’IT primaire : résection selon besoin, pose d’un anneau. Indications à la PVT : - IT sévère ou symptomatique (insuffisance droite) ; - IT modérée-à-sévère si secondaire à une valvulopathie gauche corrigée chirurgicalement ; - IT modérée-à-sévère si dilatation de l’anneau (> 2.8 cm en vue 4-cavités) ; - IT traumatique sévère, même si asymptomatique (pas en urgence). Endoprothèses valvulaires Transcatheter aortic valve implantation (TAVI) L’implantation d'une bioprothèse aortique montée dans un stent vasculaire peut se réaliser par voie fémorale (percutanée) ou par voie transapicale (mini-thoracotomie antérieure gauche) (voir Chapitre 10, Implantation valvulaire aortique). Elle est réservée aux malades âgés et à haut risque, souffrant de sténose aortique serrée, dont la mortalité probable au cours d’un remplacement valvulaire aortique en CEC serait > 20%. Il existe deux types de valves montées sur cathéter : Medtronic CoreValve™ et Edwards Sapien™; une troisième arrive sur le marché européen: Symetis Acurate TA™ (Figure 11.46). L’intervention nécessite deux brefs épisodes au cours desquels on déploie un ballon transvalvulaire : la dilatation de la valve native (10 secondes) et l’expansion de la prothèse (15-20 secondes). Pour diminuer le flux pendant ces deux périodes, on procède à un pacing ventriculaire rapide (180-220 batt/minute), qui baisse momentanément le volume systolique et la pression artérielle (PAsyst ≤ 60 mmHg) [286]. Le positionnement de la prothèse est contrôlé par visualisation radiologique et échocardiographique; l’utilisation de l’ETO seule diminue le taux d’insuffisance rénale postopératoire, puisqu'elle évite de devoir injecter un produit de contraste [105]. Les complications peropératoires de l'implantation sont la fuite paravalvulaire, le déplacement de la prothèse, l'obstruction coronarienne, l'embolisation athéromateuse, la fuite mitrale, et l'hémorragie (déchirure ventriculaire, tamponnade). Les deux principales complications postopératoires sont l'AVC (incidence 5%) et les lésions vasculaires (16% par la voie fémorale) [195]. La mortalité hospitalière est 5-7%; la survie à 1 an est de 70-80% [95,195]. Comparé au RVA chirurgical chez des patients à haut risque, le TAVI présente une mortalité immédiate abaissée (3.4% versus 6.5%) mais pas différente à 1 an (25%) [295]. Le taux moyen de complications cardiovasculaires est identique (26,5% versus 28%), mais leur répartition est différente: le TAVI induit davantage d'AVC (3.8% versus 2.1%) mais moins d'hémorragie (9.3% versus 19.5%) et moins de FA (8.6% versus 16%). L'incidence d'insuffisance aortique résiduelle est plus importante avec la voie non-invasive (12% versus 1%) [295]. Le gradient moyen résiduel est de 10 à 12 mmHg. La technique d’anesthésie est celle d’un patient à haut risque, mais l’ntervention est peu invasive et de courte durée ; les suites opératoires sont simples et le patient peut être extubé rapidement en fin d’intervention si son homéothermie a été correctement préservée [174]. La sédation-analgésie est concevable pour la voie fémorale, mais elle ne permet pas l’utilisation de l’ETO. L’anesthésie générale

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est recommandée pour plusieurs raisons : douleur de la thoracotomie (voie transapicale), immobilisation du patient, utilisation de l’ETO, confort lors du pacing rapide et du traitement des complications (hypotension artérielle consécutive au pacing, défibrillation, réparation vasculaire, etc). Le choix des agents d’anesthésie importe moins que la manière dont ils sont administrés, qui doit être très précautionneuse chez ces malade débilités : doses réduites, induction lente, correction immédiate de toute déviation circulatoire. Un maintien rigoureux de la normothermie est de règle. On vise une extubation rapide (< 2 heures) [96,97,174]. L'aspirine et le clopidogrel sont commencés dès que possible dans le postopératoire. L'engouement pour le RVA transcathéter et les améliorations technologiques constantes font que, à ce jour, plus de 30'000 patients ont été opérés de cette manière. La preuve que le TAVI fait jeu égal avec le RVA conventionnel apportée par la cohorte B de l'étude PARTNER [295] va élargir les indications aux populations moins malades et plus jeunes. Seul bémol: on ne dispose pas encore de données sur le long terme pour connaître l'avenir réel des patients au-delà de 2 ans. Plastie percutanée pour insuffisance mitrale Plusieurs techniques différentes permettent de réaliser une plastie mitrale par voie percutanée sans thoracotomie et sans CEC; deux d'entre elles sont appliquées en clinique (Figure 11.47) [100].

Introduction d'un arceau dans le sinus coronaire (dispositifs Carillon™, Monarc™, PTMA™), qui s'ancre dans le vaisseau et enserre l'anneau mitral sur les 2/3 de sa circonférence. Le stress de torsion exercé sur la structure est tel que les fractures du matériel ne sont pas rares; d'autre part, le système peut comprimer l'artère circonflexe qui chemine à côté du sinus. Le taux de succès global est de 60%; la réduction du volume régurgité est de l'ordre de 30% [285].

Suture de l'extrémité médiane des deux feuillets par un clip (MitraClip™); en diastole, l'ouverture est transformée en deux hémi-orifices de taille limitée. Cette technique, basée sur la plastie selon Alfieri, est indiquée si le jet de la régurgitation est central et si la surface d'ouverture de la valve est d'au moins 4 cm2. Le taux de succès immédiat est de l'ordre de 80%,

A

B

© Medtronics™

© Edwards™

C © Symetis™

Figure 11.46 : Valves aortiques implantables (transcatheter aortic valve implantation ou TAVI). A: Corevalve™ (Medtronic, Minneapolis, MN, USA); la valve biologique est montée dans un stent auto-expensif en nitinol. B: Sapien™ (Edwards Lifesciences, Irvine, CA, USA); la valve, fixée dans un stent en acier inoxydable souple, est dilatée au moyen d’un ballon. C: Valve Acurate TA™ (Symetis SA, Lausanne, Suisse), montée dans un stent auto-expansif en nitinol et utilisée par voie transapicale; elle peut être repositionnée en cours d'intervention et laisse les ostia coronariens accessibles.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 94

mais le taux de réintervention sur la valve pour IM résiduelle est dix fois plus élevé qu'après correction chirurgicale (20% versus 2.2%) [101].

Ces techniques n'offrent pas la même qualité de correction que la chirurgie à ciel ouvert, mais elles permettent une réduction de l'IM de l'ordre de 1 à 2 degrés (sur 4) avec un faible risque opératoire, chez des malades lourdement compromis dont la mortalité chirurgicale serait > 20% [335a]. Elles sont donc particulièrement indiquées chez les patients à haut risque souffrant d'IM fonctionnelle symptomatique sur dilatation du VG (voir Chapitre 10, Plastie mitrale percutanée) [100]. Comme l'ETO est indispensable au cours de la procédure, une anesthésie générale s'impose. Malgré le peu d'invasivité de la technique, le risque hémodynamique est sévère et l'équipement doit être identique à celui de la chirurgie à ciel ouvert. La technique d'anesthésie doit remplir deux conditions essentielles:

Assurer la stabilité hémodynamique en cours d'intervention; Permettre un réveil et une extubation rapides.

L'anesthésie et l'analgésie n'ont guère besoin d'être profondes, car la stimulation douloureuse est inexistante hormis celle d'une éventuelle réanimation.

Endoprothèses valvulaires (I) Différentes techniques percutanées non-invasives se sont développées pour les réparations valvulaires, dans l'idée d'offrir une possibilité thérapeutique à des malades trop compromis pour supporter la chirurgie en CEC sans une mortalité opératoire rédhibitoire.

A B Mise en place du MitraClip™ par

cathétérisme droit

Suture médiane bout-à-bout des feuillets mitraux

Diastole

Systole

Figure 11.47 : Techniques de plastie mitrale percutanée. A : arceau dans le sinus coronaire (dispositifs Carillon™) avec son système d’ancrage qui se déploie proximalement et distalement lorsque la courbure est réalisée [100]. B : Suture de l'extrémité médiane des deux feuillets par un clip (MitraClip™); en diastole, l'ouverture est transformée en deux hémi-orifices de taille limitée [101].

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 95

Endoprothèses valvulaires (II) L'implantation d'une prothèse aortique par voie fémorale ou transapicale (Transcatheter aortic valve implantation ou TAVI) fait pratiquement jeu égal avec la chirurgie à ciel ouvert (mortalité à 1 an: 25%). L’intervention nécessite deux brefs épisodes de bas débit cardiaque au cours desquels on déploie un ballon transvalvulaire pour dilater la valve native et expandre la prothèse. Pour diminuer le flux pendant ces deux périodes, on procède à un pacing ventriculaire rapide (180-220 batt/minute), qui baisse momentanément le volume systolique et la pression artérielle (PA systolique ≤ 60 mmHg). Le positionnement de la prothèse est contrôlé par visualisation radiologique et échocardiographique. La plastie mitrale pour insuffisance fonctionnelle est possible au moyen de deux techniques: - mise en place dans le sinus coronaire d'un arceau resserrant l'anneau mitral; - suture l'une à l'autre de l'extrémité médiane des deux feuillets par un clip. Ces techniques sont destinées à des patients à haut risque souffrant d'IM fonctionnelle sur dilatation du VG; elles permettent une réduction de l'IM, non une correction totale comme la chirurgie, mais leur morbi-mortalité opératoire est beaucoup plus faible. Même si une sédation-anaélgésie est concevable pour les abords fémoraux, l'anesthésie générale est requise pour les mini-thoracotomies et pour l'utilisation de l'ETO. Le choix des agents d'anesthésie importe moins que la manière dont ils sont administrés, qui doit être très précautionneuse chez ces malade débilités : doses réduites (la stimulation douloureuse est faible), induction lente, correction immédiate de toute déviation circulatoire. Un maintien rigoureux de la normothermie est de règle. On vise une extubation rapide (< 2 heures). Chirurgie minimalement invasive Depuis une quinzaine d'années, toute une série de techniques s'est développée dans le but d'éviter la sternotomie médiane complète et de réduire le traumatisme chirurgical en diminuant la taille de l'incision. Citons pour exemple:

Variations de la sternotomie selon l'accès recherché: incision parasternale, mini-sternotomie en L ou en L inversé, etc.

Mini-sternotomie haute pour le RVA. Mini-thoracotomie droite (4ème espace) pour la chirurgie mitrale. Mini-thoracotomie gauche pour l'implantation de la valve aortique. Système vidéo-assisté Port access, HeartPort™ (peu utilisé). Système robotique (AESOP 3000™, Da Vinci™, Zeus™); ce système permet des

manipulations très fines, comme la plastie mitrale, mais il est problématique pour couler les nœuds et ne fournit aucune sensation tactile à l’opérateur ; il reste très onéreux (appareillage 1.5 millions US $, assistance 150'000 US $ / an, disposables 2'000-5’000 US $ / cas) [267b].

Capnothorax ; l’insuflation de CO2 dans la cavité thoracique en cas d’instrumentation robotique thoracoscopique réduit considérablement la présence d’air dans les cavités gauches, qu’il est difficile de débuller sans accès direct au cœur en fin de CEC. La pression du gaz ne doit pas dépasser 10 mmHg (débit du CO2 < 2-3 L/min) pour éviter de gêner le retour veineux. La présence d’un gaz dans le thorax est un isolant électrique qui empêche de défibriller par les patches externes ; il faut impérativement reventiler le malade sur les deux poumons et exsuffler le thorax en cas de défibrillation ou de cardioversion.

On y a ajouté la télémanipulation, la robotique et la vidéo-assistance. Les séries comparatives montrent que, passée la courbe d'apprentissage, les résultats sont aussi bons qu'avec la technique conventionnelle [284].

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 96

Mortalité identique à court et à long terme. Incidence de FA identique. Taux d'infection de plaie thoracique inférieur à celui de la sternotomie, mais, le cas échéant,

complications de l'incision inguinale. Avantage particulier: meilleure esthétique, mobilisation rapide, réhabilitation précoce, séjour

hospitalier plus court, réduction des transfusions et des infections de plaie. Désavantage: la canulation fémorale impose un flux rétrograde dans l'aorte; elle fait courir le

risque de dissection aortique et d'une infection de la plaie inguinale; ces inconvénients sont supprimés avec une canulation sous-clavière droite. Les durées opératoires sont prolongées.

Technique de CEC Lorsqu'elles utilisent une CEC, ces techniques se basent sur des modifications de la canulation, du clampage aortique et du mode de cardioplégie [267b].

Canulation veineuse fémorale ; une canule multi-orifice (21F-28F) est introduite jusque dans l’OD puis avancée 3-5 cm dans la veine cave supérieure. L’ETO permet de s’assurer que le guide sur lequel est montée la canule ne se fourvoie pas dans l’appendice auriculaire (risque de perforation), ni dans l’OG en traversant accidentellement un foramen ovale perméable.

Drainage pulmonaire ; on peut décomprimer le retour au VG en drainant l’artère pulmonaire par une aspiration de CEC. A cette effet, on place par voie jugulaire interne droite (introducteur 11F) un cathéter multi-orifice muni d’un ballon permettant de le flotter jusque dans le tronc de l’AP (Endovent™ Edwards) ; sa position entre la valve et la bifurcation pulmonaires est contrôlée par ETO.

Canulation artérielle fémorale (17F-21F) ; l’extrémité de la canule se trouve dans l’iliaque primitive ou dans l’aorte distale. Alternative en cas d’athéromatose empêchant le placement de la canule : canulation sous-clavière droite.

Clampage aortique par voie transthoracique au moyen d’un clamp spécial, ou par voie endovasculaire au moyen d’un ballon introduit par une artère fémorale (EndoClamp™ Edwards) ; dans ce dernier cas, l’ETO doit surveiller en continu la position du ballon parce que celui-ci peut facilement migrer proximalement et s’impacter dans la valve aortique, ou reculer distalement et bloquer le tronc brachio-céphalique. La première situation provoque une IA sévère, la deuxième une ischémie cérébrale majeure.

Cardioplégie antérograde au moyen d’une canule classique implantée dans l’aorte ascendante en amont du clamp ; l’accès se fait par voie transthoracique. La vue ETO long-axe de l’aorte ascendante (Doppler couleur) permet de contrôler que la solution de cardioplégie perfuse bien la racine de l’aorte.

Cardioplégie rétrograde par canulation endoveineuse du sinus coronaire ; le cathéter est introduit par la jugulaire interne droite et dirigé dans le sinus coronaire depuis l’OD avec l’aide de l’ETO. Lorsqu’on en gonfle le ballon, la pression enregistrée par le cathéter ressemble à celle du VD ; la pression de perfusion mesurée à l’extrémité du cathéter doit rester < 30 mmHg pendant l’administration de la cardioplégie.

Anesthésie La chirurgie valvulaire minimalement invasive impose un certain nombre de contingences à l'anesthésiste.

Choix d'une technique permettant de répondre à trois contraintes: o Hémodynamique instable, compromise par la valvulopathie et l'éventuelle dysfonction

ventriculaire.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 97

o Stimulation douloureuse variable selon les techniques; la thoracotomie est plus douloureuse que la sternotomie, mais les incisions de thoracoscopie lors de chirurgie robotique sont peu algiques.

o Réveil rapide et extubation précoce. Monitorage identique à celui requis pour la chirurgie conventionnelle;

o Canulation artérielle radiale gauche de préférence ; la radiale droite est utile pour monitorer le flux dans le tronc brachiocéphalique. Les fémorales sont laissées libres pour les canulations de CEC ;

o Cathéter veineux central 2-3 lumières (jugulaire interne ou sous-clavière) ; o Introducteur 11F en jugulaire interne droite (pour cardioplégie rétrograde et/ou drainage

pulmonaire) ; o Nécessité impérative d'une surveillance échocardiographique continue.

Ventilation monopulmonaire en cas de thoracotomie droite (tube endotrachéal à double-lumière), parce que le poumon droit s'interpose entre l'incision et le coeur; ceci n'est en général pas requis pour la thoracotomie gauche antérieure parce que l'accès au péricarde est direct. Le tube 2L peut être maintenu en place jusqu’au réveil si celui-ci a lieu moins d’une heure après la fin de l’intervention, sinon une transtubation est nécessaire. L’utilisation d’un tube à bloqueur bronchique permet d’éviter la transtubation. La ventilation monopulmonaire après CEC réduit considérablement le rapport PaO2/FiO2 à cause de l’effet shunt dans le poumon non-ventilé ; en cas de désaturation artérielle ou de défibrillation, il faut momentanément reventiler les deux poumons.

Installation rigoureuse: o Hémithorax droit ou gauche soulevé par un coussin longitudinal sous l'omoplate; le

thorax fait un angle de 25-30° avec le plan de la table ; le bras du côté surélevé reste sur la table le long du corps de manière à dégager l’hémithorax ;

o Pli inguinal ipsilatéral laissé libre pour l'accès à une canulation fémorale, soit parce qu'elle est utilisée, soit en cas de nécessité;

o Plaques de défibrillateur externe collées au malade, parce que l'accès restreint au cœur ne permet pas d'y glisser des palettes épicardiques.

Dans les techniques sans CEC, l'anesthésie combinée est une solution élégante parce que l'analgésie péridurale favorise un réveil précoce et une mobilisation rapide; d'autre part, la thoracotomie est une voie d'accès plus douloureuse que la sternotomie dans le postopératoire. Alternative en cas de CEC : blocs intercostaux ou paravertébraux.

Chirurgie minimalement invasive Des voies d'abord restreintes, des canulations périphériques et des techniques robotiques ou vidéo-assistées permettent de limiter la taille de l'incision thoracique. Passée la courbe d'apprentissage, les résultats sont superposables à ceux de la voie conventionnelle. Avantages: meilleure esthétique, mobilisation et réhabilitation plus rapides. Implications pour l'anesthésie: - hémodynamique instable; - stimulation douloureuse variable; - réveil et extubation rapides; - monitorage identique à celui de la chirurgie conventionnelle; élément additionnel selon la technique : canulation du sinus coronaire ; - surveillance ETO rigoureuse ; - ventilation monopulmonaire en cas de thoracotomie droite.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 98

L'ETO est un besoin impératif dans cette chirurgie qui n'a pas accès à une vision directe de nombreuses manœuvres.

Evaluation de la volémie et de la fonction bi-ventriculaire en l'absence d'une vue directe du cœur;

Evaluation préopératoire de l'aorte thoracique en cas de canulation fémorale; Aide au placement des mandrins et des canules; Surveillance du ballon d'occlusion aortique et d'une éventuelle fuite aortique en cas de clampage

endovasculaire; Surveillance du VG à cause du risque de dilatation; Débullage en fin de CEC.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 99

Insuffisance mitrale Etiologie de l’insuffisance mitrale L’insuffisance mitrale (IM) a une prévalence globale de 1.7% en Europe, mais elle augmente avec l’âge (9.3% au-delà de 75 ans) [235]. Elle relève de plusieurs affections et de plusieurs mécanismes différents, que l'on peut toutefois regrouper en deux entités:

IM organique; la structure des feuillets et de l'anneau mitral est pathologique, comme dans la dégénérescence myxoïde ou le rhumatisme articulaire aigu (RAA);

IM fonctionnelle; l'appareil valvulaire mitral est normal, mais le VG est malade, comme dans la dilatation ventriculaire ou l’altération ischémique de la cinétique pariétale.

L'importance d'une IM est dépendante des conditions circulatoires. D'une manière générale, cette dépendance est plus marquée dans les IM fonctionnelles que dans les IM organiques. D'autre part, la variabilité de l'IM en fonction de l'hémodynamique n'est pas identique dans les deux groupes (voir Figure 11.54). L'étiologie et le fonctionnement de l'IM sont donc importants à connaître pour l'anesthésiste qui doit assurer la stabilité circulatoire du patient. De plus, il est capital que l’anesthésiste-échocardiographeur soit capable d'élucider le mécanisme de l'IM, car la prise en charge et le traitement chirurgical sont très différents selon le type de pathologies. L'étiopathogénie de l'IM est variée ; en Europe et en Amérique du Nord, elle se répartit de la manière suivante [19,102,110,187,243].

Maladie dégénérative (45% des cas) ; Cardiomyopathie ischémique ou dilatative (27% des cas, en augmentation) ; Endocardite bactérienne (13% des cas); Rhumatisme articulaire aigu (12% des cas, en diminution); Affections congénitales (3% des cas).

Maladie dégénérative La maladie dégénérative est l'affection la plus fréquente; sa prévalence en Europe est de 2% de la population [110]. Elle représente les deux tiers des cas opérés. Il en existe deux formes anatomo-pathologiques [22,320].

Dégénérescence myxoïde, constituée de dépôts étendus de mucopolysaccharides dans la matrix (maladie de Barlow); les feuillets et les cordages sont épaissis. Les lésions peuvent toucher les autres valves : tricuspide (30%), aortique (10%) ou pulmonaire (2%).

Dégénérescence fibro-élastique, caractéristique de la vieillesse, qui se présente comme une lésion plus localisée.

La maladie de Barlow (voir Cas particulier: maladie de Barlow) est un ensemble assez vaste, allant d’un syndrome bénin à prédominance féminine jusqu’à une maladie structurelle grave de la valve mitrale accompagnée d’une insuffisance majeure [32]. En Occident, la maladie de Barlow est très fréquente, puisqu’elle touche 1.7-2.4% de la population adulte [113]. Cependant, elle n’est accompagnée d’une IM significative que dans 10-15% des cas. Une insuffisance majeure se développe le plus souvent chez les hommes, et en général à partir de 50 ans; elle ne conduit à la réparation chirurgicale que 5% des malades [10,327]. Les lésions de la valve consistent en feuillets redondants et épaissis, dans lesquels le collagène est partiellement remplacé par des dépôts de mucopolysaccharide, conduisant à une dégénérescence myxoïde qui paraît jaunâtre dans le champ opératoire. La valve devient insuffisante, un ou les deux feuillets prolabent. Les cordages, dont le collagène est lui aussi atteint, s’allongent sous la traction excessive exercée sur eux et certains finissent par se rompre. On peut

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 100

aussi rencontrer une rupture de cordage isolée. Dans 65% des cas, la lésion est située sur le feston moyen du feuillet postérieur (P2). L'échocardiographie démontre que la maladie dégénérative peut prendre plusieurs aspects (Figure 11.48).

Ballonnisation d'un feuillet; une partie du corps d'un feuillet fait protrusion dans l'OG, mais le point de coaptation est en position normale, du côté ventriculaire du plan de l'anneau mitral;

Flottement et excès de tissu (floppy valve) ; Prolapsus; le point de coaptation est reculé de > 2 mm en arrière du plan de l'anneau mitral (en

vue long-axe du VG 120°) ; Bascule d'un feuillet (flail leaflet), lié à un allongement ou à une rupture de cordage ; Combinaison des éléments ci-dessus.

Figure 11.48 : Images ETO d’insuffisance mitrale sur dégénérescence tissulaire. A : excès de tissu avec ballonnisation, épaissisement localisé et prolapsus des deux feuillets ; la flèche indique le déplacement de l’extrémité des feuillets en arrière du plan de l’anneau mitral (trait pointillé). B : prolapsus isolé de P2. C : prolapsus de P2 avec rupture de cordage (indiqué par la flèche). D : rupture complète de muscle papillaire avec fragment de pilier attaché à l’extrémité du feuillet antérieur.

B

D

A

OG

VG

C

VG

OG

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 101

Insuffisance mitrale ischémique Une insuffisance mitrale est présente chez 10-30% des coronariens opérés [22]. Elle péjore significativement le pronostic, puisque la mortalité de la revascularisation coronarienne combinée à une réparation mitrale est de 7-10% alors que celle de la revascularisation simple est en moyenne de 2% [86,103]. Elle relève de plusieurs mécanismes (Figure 11.49). Figure 11.49 : Insuffisance mitrale ischémique. L’IM peut être de type IIIb restrictif (A, B et C), de type II prolapsus (D et E) ou de type I fonctionnel (F) (voir Physiopathologie). A : akinésie ou dyskinésie segmentaire entraînant le pilier vers l’extérieur et vers l’apex en systole ; le feuillet correspondant est restrictif ; l’IM est excentrique. B : akinésie ou dyskinésie segmentaire entraînant le pilier vers l’extérieur avec une traction excessive sur les codages de 2ème ordre ; ceci se traduit par une image en aile de mouette du feuillet antérieur. < FA : angle du feuillet antérieur à son extrémité avec le plan de l’anneau en systole. C : cardiomyopathie ischémique avec dilatation homogène du VG ; l’IM restrictive est centrale. D : la rupture complète d’un pilier provoque un bascule total de la commissure dans l’OG en systole ; on voit un morceau du pilier rompu oscillant au bout des cordages. E : ischémie d’un pilier occasionnant un prolapsus de la commissure correspondante parce que le pilier s’allonge au lieu de se contracter en systole. F : ischémie basale causant une dilatation postérieure de l’anneau mitral.

A

E © Chassot 2011

AL PL FA

FP

F D

C B

< FA

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 102

Akinésie ou dyskinésie de la paroi ventriculaire entraînant un déplacement extérieur et/ou apical d'un muscle papillaire en systole; la traction opérée sur les cordages correspondants empèche le feuillet de rejoindre son point de coaptation en systole (restriction au mouvement systolique).

Akinésie de la paroi basale: la non-contraction de l'anneau mitral en systole ne permet plus aux feuillets de coapter par une surface suffisante pour que la valve soit étanche; l'IM survient par dilatation annulaire. Cette dilatation porte essentiellement sur sa partie postérieure, car la partie antérieure est fixée au trigone fibreux.

Ischémie papillaire: la non-contraction d'un muscle papillaire en systole donne trop de longueur aux cordages; le point de coaptation des feuillets est alors éversé dans l'OG. Lorsqu'elle est surimposée à une akinésie pariétale, l'ischémie papillaire corrige partiellement la rétraction systolique du feuillet mitral [214].

Rupture de pilier; une rupture partielle entraîne un bascule de la commissure correspondante dans l'OG en systole. La rupture totale du pilier cause une IM si massive et un état de choc cardiogène si profond que 50-75% des malades décèdent avant d'atteindre la salle d'opération. La rupture concerne le pilier postérieur dans les trois quarts des cas parce que sa vascularisation uniquement par la CD est plus fragile que celle du pilier antérieur, vascularisé par l'IVA et la CX.

Les deux premières catégories représentent 76% des cas; elles sont une bonne indication à une plastie par mise en place d'un anneau mitral, alors que l'ischémie et la rupture papillaires sont le plus souvent une indication au remplacement valvulaire [124]. Dans tous ces cas, les feuillets de la valve sont normaux; la pathologie est située dans le ventricule sous-jacent. Rhumatisme articulaire aigu Le rhumatisme articulaire aigu (RAA) est devenu une cause rare dans les pays industrialisés (12% des IM) mais est encore largement répandu dans le tiers-monde et dans les pays émergents [110]. L’IM peut survenir pendant la phase aiguë du RAA en association avec une myocardite ou une pancardite; dans ce cas, elle est due à une dilatation annulaire. Par la suite, l’évolution de la maladie conduit à un épaississement et à une rétraction importante des feuillets; ils deviennent rigides et leur mobilité est faible; les cordages sont fibrosés, épaissis et raccourcis. La fusion commissurale entraîne une maladie mitrale dans laquelle la sténose est en général prédominante par rapport à l’insuffisance. Endocardite L’endocardite bactérienne atteint une valve anormale, même si la pathologie est bénigne. Elle donne naissance à des végétations, des perforations, des déchirures de feuillets ou des abcès (Figure 11.50) [19,281]. Les végétations sont toujours implantées sur la face d’amont (auriculaire) des feuillets. L'endocardite mitrale est plus rare que l'endocardite aortique, à laquelle elle peut être associée. Autres étiologies Avec l’âge, la valve mitrale perd de son étanchéité sans qu’elle soit anormale; il est fréquent de trouver de petites régurgitations sans signification pathologique ni hémodynamique à partir de 60 ans. D’autre part, une IM modérée-à-sévère est présente chez 6% des malades de 65-75 ans et chez 9% de ceux de > 75 ans [235]. On rencontre encore d'autres étiologies de l'IM.

L’insuffisance du VG s’accompagne d’une IM secondaire à la dilatation ventriculaire ; cette IM est due à la traction excessive sur les cordages en systole et à la dilatation de l’anneau mitral ; elle suit les variations de la taille du VG selon les conditions hémodynamiques ; son suivi est une excellent marqueur du degré de dysfonction ventriculaire.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 103

La calcification de l’anneau mitral (MAC: mitral annular calcification) consiste en dépôts calcifiés qui empêchent l’anneau de se contracter en systole (normalement, la surface de l’anneau diminue de 20-25% en systole). Elle est fréquente chez les personnes âgées, les insuffisants rénaux hémodialysés, les hypertendus, les polyvasculaires et les porteurs de sténose aortique calcifiée. Elle survient le plus souvent sur l'arc postérieur et peut envahir progressivement tout le feuillet postérieur qui devient immobile. Elle prédomine chez les femmes [49].

Maladies dégénératives tissulaires rares: syndrome d'Ehler-Danlos, syndrome de Marfan. Affection congénitale: valve mitrale en parachute, cleft du canal atrio-ventriculaire commun.

Figure 11.50 : Images ETO d’endocardite mitrale. A : végétations allongées et de grande taille ; comme toutes les végétations, elle sont implantées sur la face d’aval des feuillets (versant auriculaire). B : végétation massive envahissant tout le feuillet postérieur (flèche violette) surmontée de petites végétations filiformes (flèche jaune). Echocardiographie L’IM est habituellement quantifiée en trois degrés (mineure, modérée ou sévère) selon différents critères fondés sur l'imagerie bidimensionnelle, le Doppler spectral et le Doppler couleur (Tableau 11.10). La classification en 4 degrés basés seulement sur l’étendue du jet tourbillonnaire dans l’OG introduit une fausse précision, car la dimension du jet est hautement dépendante des conditions hémodynamiques et inversément proportionnelle à la dimension de l’orifice de régurgitation. D'une manière générale, un jet central dans l'OG suggère la présence d'une IM fonctionnelle, alors qu'un jet oblique et excentrique traduit une IM organique liée à une pathologie des feuillets (Figure 11.51). L’insuffisance mitrale sévère est caractérisée par les critères suivants (Figure 11.52) [110,187,238]:

Dilatation du VG (diamètre télédiastolique en court-axe > 4 cm/m2); Dilatation de l’OG (diamètre > 5 cm); Non-coaptation des feuillets ou bascule d’un feuillet en systole; Jet de régurgitation traversant toute l’OG (Doppler couleur); Diamètre du jet de régurgitation à son origine (vena contracta) ≥ 0.7 cm; Large zone de convergence de flux intraventriculaire (PISA) : rayon de 1er aliasing > 1.0 cm

(échelle de couleur 40-50 cm/s); Orifice de régurgitation > 0.4 cm2;

A B OG

VD

VG

Ao

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 104

Fraction de régurgitation > 50%; Volume régurgité ≥ 60 ml; Reflux systolique dans les veines pulmonaires (inconstant) ; PAPsyst > 60 mmHg à l'effort.

Tableau 11.10 Critères de quantification de l’insuffisance mitrale

IM mineure IM modérée IM sévère

Paramètres structuraux Taille de l’OG normale normale/peu dilatée dilatée* Taille du VG normale normale/peu dilatée dilatée* Feuillets mitraux peu déformés remaniés non-coaptation, prolapsus

rupture de cordage/MP Distance de coaptation feuillets au contact non contact partiel > 0.7 cm Critères spécifiques Etendue du jet couleur** < 20% de l’OG 20-40% de l’OG > 40% de l’OG Vena contracta < 0.3 cm 0.3 – 0.6 cm > 0.7 cm PISA (rayon de 1er aliasing) absent faible dimension > 1 cm Reflux systolique VP absent absent présent*** Orifice de régurgitation < 0.2 cm2 0.2 – 0.4 cm2 > 0.4 cm2 Volume régurgité < 30 mL 30-55 mL > 60 mL Fraction de régurgitation < 30% 30-40% > 45% IM ischémique Vena contracta > 0.4 cm Orifice de régurgitation ≥ 0.3 cm2 Volume régurgité ≥ 30 mL Fraction de régurgitation ≥ 30% Critères d’appoint Doppler continu trace incomplète ou peu dense trace dense Doppler pulsé E/A normal E > 1.2 m/s, A < E * Absence de dilatation dans l’IM aiguë ** Seulement en cas d’IM centrale et d’hémodynamique normale *** Absent si OG très compliante, même en cas d’IM sévère MP: muscle papillaire. VP: veines pulmonaires Sources: références 23, 187, 318 et 338. Les critères de sévérité sont plus restrictifs pour l'insuffisance d'origine ischémique, parce que celle-ci traduit une pathologie ventriculaire grave (Tableau 11.10). Dans les insuffisances aiguës (voir Physiopathologie), la morphologie de l'OG et du VG n'est pas modifiée; le remodelage est absent, sauf si l'IM aiguë est un accident évolutif d'une lésion chronique. Le diagnostic et la quantification de l'IM se base sur un faisceau de données convergentes et non sur un seul élément qui pourrait être trompeur. Les critères les plus fiables sont ceux qui dépendent le moins des conditions hémodynamiques, tels l'imagerie 2D et 3D [302], le diamètre de la vena contracta, la taille de la zone d'accélération (PISA) et la surface de l'orifice de régurgitation [126].

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 105

Etiologie de l’insuffisance mitrale (IM)

IM organique : atteinte structurelle des feuillets et des cordages de la valve ;

- dégénérescence myxoïde (maladie de Barlow) ou fibro-élastique (vieillesse), - calcifications de l’anneau et des feuillets, - RAA, - endocardite.

IM fonctionnelle : valve normale, mais atteinte ventriculaire ; - ischémie (traction excessive asymétrique sur les cordages par l’akinésie des segments jouxtant un pilier, bascule de feuillet par ischémie ou rupture de pilier), - dilatation du VG (traction excessive mais symétrique sur les cordages en systole).

Définition de l’IM sévère (chronique) : - signe d’appel : large jet couleur de régurgitation, traversant toute l’OG, - dilatation du VG (Dts > 4 cm/m2) et de l’OG (> 5 cm), - non-coaptation des feuillets ou bascule d’un feuillet dans l’OG, - diamètre du jet de régurgitation à son origine > 0.7 cm, - orifice de régurgitation ≥ 0.4 cm2, - volume régurgité ≥ 60 mL, - PAPsyst à l’effort > 60 mmHg. En cas d’IM aiguë, les cavités gauches ne sont pas dilatées. Les critères de sévérité sont plus restrictifs pour l’IM ischémique.

OG

VG

A B

C OG

VG

D

Figure 11.51 : Images ETO d’insuffisance mitrale au Doppler couleur. A : IM mineure. B : IM modérée. C : IM sévère. D : IM sévère excentrique.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 106

Figure 11.52 : Définition ETO de l'insuffisance mitrale sévère. A: silhouette des cavités cardiaques; le VG et l'OG sont dilatés, les feuillets de la valve mitrale ne coaptent pas ou un feuillet bascule dans l'OG, le septum interauriculaire bombe en systole dans l’OD. B : schéma des signes échocardiographiques Doppler couleur d’une IM sévère : large zone d'accélération intraventriculaire (PISA : Proximal isovelocity surface area), vena contracta (zone de flux laminaire immédiatement distale à l’orifice de régurgitation) de > 0.6 cm de diamètre, vaste zone tourbillonnaire intra-auriculaire. C: le PISA (flèche) est bien visible sous forme d'hémisphères concentriques; sa dimension est une traduction directe de l’importance de l’IM. D: flux Doppler spectral; la Vmax est 5-6 m/s, la trace est compacte et l’enveloppe bien définie. E: le flux mitral démarre dès que la PVG dépasse 5-8 mmHg, bien avant l’ouverture de la valve aortique au moment de laquelle débute le flux systémique; il n’y a donc pas de vraie phase isovolumétrique.

OG

VG

A

Zone de tourbillons

Zone d’accélération concentrique (PISA)

Vena contracta

B

D C

IM

Ao

E

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Physiopathologie L’insuffisance mitrale est habituellement classée en trois types selon le déplacement du bord libre des feuillets par rapport au plan de l'anneau (Figure 11.53) [47].

Type I: le mouvement des feuillets et leur structure sont normaux; Type II: le mouvement des feuillets est excessif (bascule dans l’OG); Type III: le mouvement des feuillets est restrictif (rétention dans le VG).

Insuffisance fonctionnelle (type I) La régurgitation fonctionnelle est due à une dilatation de l’anneau, ou à des calcifications (MAC: mitral annular calcification) qui empêchent la contraction systolique de celui-ci; le mouvement des feuillets est normal. L’IM sur cleft du feuillet septal dans le canal atrio-ventriculaire ou l’IM sur perforation

Type IIIa IM restrictive

systolo-diastolique © Chassot 2011

Type II Prolapsus

Type II Bascule

Type IIIb IM

restrictive systolique symétrique

Type IIIb IM restrictive

systolique asymétrique

Type I IM fonctionnelle

fonctionnelle

A B

D E F

C

Figure 11.53 : Classification des mécanismes de l’insuffisance mitrale et morphologie du jet d’IM. A : Type I, les feuillets sont normaux. B : Type II, excès de tissu valvulaire avec bascule d’un feuillet (± rupture de cordage). C : Type II, excès de tissu valvulaire avec recul du point de coaptation > 2 mm en arrière du plan de l’anneau (vue long-axe 120-140°). D : Type III, restriction systolo-diastolique des feuillets dans le RAA. E : Type III, restriction systolique symétrique des feuillets dans la dilatation du VG. F : Type III, restriction systolique asymétrique d’un feuillet lors d’ischémie du VG avec akinésie/ dyskinésie segmentaire.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 108

endocarditique sont classées dans cette catégorie. La dilatation de l'anneau mitral est elle-même due à plusieurs phénomènes [187].

Dilatation chronique du VG sur dysfonction et défaillance ventriculaire, ou sur remodelage; Dilatation aiguë du VG à cause d'une surcharge de volume ou de pression; d’importance

variable, l'IM peut n’être que transitoire; Akinésie basale.

La dilatation de l'anneau porte essentiellement sur la partie postéro-latérale, là où il est le plus mince; dans sa partie antérieure, l'anneau est fixé au trigone fibreux et à la valve aortique, et ne peut pas changer de forme (voir Figure 11.1) [127]. A l'échocardiographie, ce type d'IM se caractérise par un jet de régurgitation central dans l'OG, de symétrie circulaire, traversant plus ou moins largement la cavité auriculaire (Figure 11.23A). L'importance de l'IM fonctionnelle est un excellent marqueur du degré de dysfonction contractile du VG. En sortant de CEC, par exemple, elle est un indice très sensible d'une défaillance systolique momentanée (soutien catécholaminergique insuffisant), d'une surcharge de volume (mise en charge trop rapide), de résistances artérielles trop élevées (excès de vasoconstricteur) ou d'ischémie aiguë (pontage inopérant). Prolapsus mitral (type II) Dans le prolapsus mitral, l'amplitude du mouvement d'un ou des deux feuillets est augmentée, et la valve souffre d'un excès de tissu. Comme on l'a déjà mentionné, l'affection prend plusieurs aspects.

Ballonnisation d'un feuillet; une partie du corps d'un feuillet fait protrusion dans l'OG, mais le point de coaptation est en position normale, du côté ventriculaire du plan de l'anneau mitral;

Recul du point de coaptation de > 2 mm en arrière du plan de l'anneau mitral (défini en vue long-axe du VG 120°, voir Figure 11.4) ;

Flottement d'un feuillet dans l'OG (floppy valve); Bascule d'un feuillet (flail leaflet), lié à un allongement ou à une rupture de cordage ; Combinaison des éléments ci-dessus.

L'échocardiographie transoesophagienne est l'examen de premier choix pour mettre en évidence ces différentes lésions (voir Figure 11.48 et Figure 11.51). L'aspect du jet intra-auriculaire donne une clef sur le mécanisme en jeu [298].

Central dans le cas d'un simple recul du point de coaptation ; Excentrique et oblique dans l'OG dans le cas d'un bascule ou d'une rupture de cordage; le jet est

orienté en direction opposée au feuillet atteint: en direction du septum interauriculaire en cas de prolapsus du feuillet postérieur et direction de la paroi postéro-latérale en cas de prolapsus du feuillet antérieur.

Insuffisance restrictive (type III) Dans l’insuffisance mitrale restrictive, la course valvulaire est limitée et la fermeture insuffisante car les feuillets sont retenus en dessous du plan de l’anneau mitral pendant la systole par différents mécanismes (Figure 11.53).

Type IIIa (systolo-diastolique): l'appareil valvulaire et l'appareil sous-valvulaire sont fibrosés et rétractés; l'ouverture et la fermeture incomplètes de la valve sont typiques des valvulopathies rhumatismales.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 109

Type IIIb symétrique: la dilatation ventriculaire écarte les piliers, tire sur les cordages et maintient les feuillets dans la cavité ventriculaire pendant la systole. La dysfonction et la sphéricisation du VG étant homogènes, la traction sur les feuillets est symétrique; l'IM est centrale dans l'OG.

Type IIIb asymétrique: bien qu'opérant par le même mécanisme de traction systolique, une dyskinésie ischémique segmentaire ne concerne qu'une partie de la paroi ventriculaire et ne rétracte qu'une portion des feuillets. L'IM est asymétrique et son jet oblique dans l'OG.

Lors d’insuffisance ventriculaire gauche, l'IM restrictive (IIIb symétrique) est un excellent marqueur du degré de dysfonction ventriculaire parce qu'elle traduit le degré de dilatation du VG; son augmentation à l’effort est un bon prédicteur de mortalité [334]. Insuffisance aiguë L’insuffisance aiguë est déclenchée par une rupture de cordage (maladie de Barlow) ou de pilier (nécrose ischémique), par une endocardite (perforation, destruction tissulaire) et par une défaillance aiguë du VG (sortie de CEC). Le remodelage des cavités est absent dans l’insuffisance aiguë, sauf si elle survient en cours d'évolution d'une affection chronique. Comme l’OG n’est pas dilatée, le reflux systolique dans les veines pulmonaires est important (disparition ou inversion de la composante systolique du flux veineux pulmoanire) et l’onde "v" est massive sur la courbe de PAPO. La stase gauche conduit à l'œdème pulmonaire, qui peut parfois être unilatéral si le jet de l'IM est dirigé très obliquement à travers l'OG. Le traitement médical ne vise qu'à la stabilisation du malade jusqu'à l'opération: vasodilatateurs (nitroprussiate), agent inotrope (dobutamine, milrinone ± adrénaline), ventilation en pression positive et contre-pulsion intra-aortique. Remodelage L'insuffisance mitrale induit une surcharge de volume puisqu’une partie du volume éjecté part dans l’OG et revient dans le VG à la diastole suivante. Elle s'accompagne d'une dilatation de l'OG, d'une augmentation du volume télédiastolique (Vtd) ventriculaire et d'une hypertrophie excentrique du VG, proportionnelles à l'importance et à la durée de la maladie (Figure 11.52A). Comme le VG travaille dans des conditions favorables (postcharge basse et précharge élevée), la fraction d'éjection est normale ou élevée, et masque la dysfonction qui s'installe progressivement. Lorsque le patient devient symptomatique, la fonction ventriculaire est déjà altérée de manière très significative, contrairement aux sténoses où les symptômes apparaissent avant la dysfonction du VG. Plus l'OG est dilatée, plus le risque de fibrillation auriculaire (FA) est grand. Le prolapsus avec IM significative présente un taux de FA, de défaillance ventriculaire et de décès cardiaque de 51% à 5 ans [138]. Laissée à elle-même, cette IM a une mortalité de 90% à 10 ans (7-8%/an) [199]. Dans l’insuffisance mitrale, la stase pulmonaire et l’HTAP sont moins fréquentes qu’en cas de sténose. Cela tient à deux raisons.

La dilatation auriculaire augmente la compliance de l’OG, donc freine l’à-coup de pression représenté par la régurgitation ;

L’IM est systolique ; l’augmentation de pression est brêve et ne dure pas pendant tout le cycle cardiaque ; la POG moyenne est très inférieure à la pression du pic de l’onde "v" ; elle est plus basse que celle qui règne dans l’OG en cas de sténose mitrale.

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IM et hémodynamique Même si l’on rencontre souvent des situations où les trois types d'insuffisance mitrale se combinent, cette classification est importante pour la clinique, car le comportement hémodynamique diffère d’une catégorie à l’autre (Figure 11.54):

Types I et III: la régurgitation est diminuée par la réduction du volume ventriculaire en systole, qui permet aux feuillets de retrouver une coaptation normale; ceci se produit grâce à une baisse de postcharge, une amélioration de la fonction systolique, ou une diminution du remplissage [296];

Type II (prolapsus avec recul du point de coaptation): la régurgitation est diminuée par un agrandissement de la taille du ventricule en systole, qui tend les cordages et ramène le feuillet prolabant vers le plan de coaptation; ceci est réalisé par une augmentation de précharge et par une baisse de contractilité (voir Maladie de Barlow). Ce phénomène est significatif dans la maladie de Barlow accompagnée d'une IM modérée; il ne s'applique pas aux IM sévères sur lésions organiques graves (bascule de feuillet, rupture de cordage).

Figure 11.54 : Comportement différent de la régurgitation mitrale avec les variations de volémie selon le type d’IM. A et B: hypervolémie; le ventricule se dilate, son volume télésystolique (Vts) augmente; l'IM diminue dans le prolapsus (A) car les cordages sont tirés vers le bas, mais augmente dans les types I et III (B), car la restriction des feuillets mitraux s'accroît. C et D: hypovolémie; le ventricule se rappetisse, son volume télésystolique diminue; l'IM augmente dans le type II (C) car les cordages ont davantage de course, mais diminue dans les types I et III (D), car la restriction diminue et les feuillets arrivent presque à coapter.

Hypervolémie, Vts↑

A B

C D

Hypovolémie, Vts ↓

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Quel qu’en soit le mécanisme, la régurgitation mitrale crée une surcharge de volume pour le coeur gauche, puisqu’une partie du volume systolique ne fait que des allers et retours entre l’oreillette et le ventricule. Le VG est hypertrophié et dilaté, l’OG est agrandie ; la géométrie du VG se modifie: il prend une forme plus arrondie, car la sphère offre le maximum de volume par unité de périmètre. La surcharge de volume est illustrée par l’agrandissement et le déplacement vers la droite de la boucle pression-volume (voir Figure 11.16 et Figure 11.55). La fuite dans l’OG maintient une postcharge constamment basse, et la phase de contraction isovolumétrique est pratiquement supprimée parce que la régurgitation commence dès la mise sous tension du VG, bien avant l'ouverture de la valve aortique. Etant une bonne pompe-volume, le ventricule gauche tolère une fraction régurgitée de 40% et ne se détériore que lorsque cette fraction dépasse 50% [238]. La boucle P/V démontre aussi la répartition du travail ventriculaire entre le travail interne de pression (Tpr) et le travail externe d’éjection (Téj) (voir Figure 11.16D). En cas d’IM, la majeure partie de l’énergie est consacrée au travail externe d’éjection ; le travail de pression est réduit puisque l’insuffisance agit comme une soupape qui maintient la postcharge basse. L’efficience énergétique (rapport Tpr/Téj) est très bonne, et la consommation d’O2 est modestement augmentée, bien moins que dans une surcharge de pression. Par rapport à l’insuffisance aortique, la postcharge est plus basse et la surcharge de volume se fait à une pression inférieure (POG au lieu de PAdiast) [237]. Toutefois, la diminution de postcharge chronique, bien que favorisant l'éjection ventriculaire, réduit aussi le stress de paroi à long terme et diminue la performance contractile des fibres myocardiques, qui involuent progressivement [46]. Le risque ischémique n’existe que s’il survient une maladie coronarienne concomitante. Figure 11.55 : Boucle pression - volume en cas d’insuffisance mitrale chronique (IM). La pente Emax et la courbe de compliance sont normales, mais le volume éjecté (VS, rouge) est très augmenté par rapport à la normale (double flèche jaune). Comme la valve mitrale fuit dès que la pression monte dans le VG, la phase de contraction isovolumétrique est quasi-inexistante et le VG régurgite dans l’OG avant même d’éjecter dans l’aorte ; c’est la raison de la pente oblique de cette phase (flèches blanches). Le travail de pression (triangle pointillé bleu clair) est abaissé par rapport à la normale. L’IM représente une surcharge de volume à postcharge basse, situation énergétiquement très favorable pour le VG. Dans l’IM aiguë, la dilatation ventriculaire n’existe pas, le volume est à la limite supérieure de la normale, mais la pression télédiastolique est très élevée.

V0

Pression

Volume

Emax

VS

Boucle PV normale Insuffisance

mitrale

Compliance

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Le volume régurgité dépend de la taille de l’orifice mitral en systole (> 0.4 cm2 en cas d’IM sévère) et du gradient de pression entre le VG et l’OG. Ces deux données ne sont pas des valeurs fixes: leur variabilité est déterminée par plusieurs phénomènes hémodynamiques.

La postcharge du ventricule gauche: celui-ci fonctionne comme s'il avait deux issues, l'aorte et l'oreillette gauche. L'impédance à l'éjection est évidemment plus basse dans l'OG que dans le système artériel; les variations des résistances artérielles périphériques vont donc conditionner la répartition des deux flux systoliques. Le volume de l’IM diminue si les résistances systémiques baissent. L’IM est extrêmement sensible à la postcharge systémique, particulièrement en cas d’IM fonctionnelle.

La précharge est haute puisqu’une partie du volume systolique revient dans le ventricule à la diastole suivante; le débit antérograde à travers la mitrale est élevé. L’hypervolémie dilate le ventricule et augmente l’importance de l’IM. Cependant, l'inverse n'est pas vrai: l’hypovolémie est mal tolérée, quand bien même elle diminue le volume ventriculaire. En effet, la fraction régurgitée augmente si le volume systolique global baisse, parce que l’impédance de l’OG reste plus basse que celle de l’aorte, surtout lorsque l’hypovolémie s’accompagne d’une vasoconstriction artérielle. La fuite mitrale opère un phénomène de vol, et le débit systémique baisse.

La fonction ventriculaire est le principal déterminant du gradient de pression entre le VG et l'OG. Si la contractilité est basse, le flux de l'IM est artificiellement diminué. La fraction d'éjection est un piètre reflet de la fonction systolique, car l’éjection a lieu pour une bonne part dans le système à basse pression de l’OG; le VG fonctionne dans un mode à précharge élevée et à postcharge basse, artificiellement très favorable, et masquant son éventuelle baisse de contractilité.

La compliance de la cavité de réception modifie l’importance d’une régurgitation. Celle de l'OG dépend de son volume et du tonus de sa paroi. Dans les IM chroniques, l'oreillette se dilate et devient très mince, ce qui favorise la régurgitation et tamponne l’à-coup de pression. La compliance auriculaire est, avec la fonction ventriculaire, le principal déterminant de l'onde "v" générée par l'IM sur la courbe de PAPO. L'amplitude de cette onde de pression ne traduit pas l'importance de l'insuffisance mitrale, mais la résistance opposée par l’OG au flux sanguin régurgité en systole; elle est très prononcée dans les IM aiguës, car l’oreillette est de taille et de compliance normales, mais modérée ou normale dans les IM de longue durée où l’OG est distendue et très compliante (diamètre OG > 5.5 cm) [262].

La pression moyenne de l’OG: le déclenchement de l’IM est retardé si cette pression s’élève. La ventilation en pression positive augmente le retour par les veines pulmonaires et freine l'IM; de plus, l'augmentation de la pression endothoracique diminue la pression transmurale des cavités gauches et la postcharge effective du VG. Les patients souffrant d’IM tolèrent donc bien la ventilation en pression positive.

La pression veineuse pulmonaire s’élève peu à peu au cours de la maladie et la stase interstitielle pulmonaire s’installe. A cette élévation de la pression pulmonaire postcapillaire s’ajoute une augmentation réactionnelle des RAP précapillaires qui contribue à l’hypertension pulmonaire. Toutefois, la dilatation et la décompensation du coeur droit sont moins fréquents dans l’insuffisance que dans la sténose mitrale.

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Physiopathologie de l’insuffisance mitrale IM de type I : insuffisance fonctionnelle, mouvement et structure des feuillets normaux ; - dilatation de l’anneau (dilatation du VG), - non-contraction de l’anneau (calcifications, ischémie basale). IM de type II : mouvement excessif des feuillets, basculés dans l’OG en systole ; - prolapsus (recul du point de coaptation > 2 mm en arrière du plan de l’anneau en vue long-

axe du VG 120°), - ballonnisation, excès de tissu et flottement des feuillets dans l’OG, - bascule d’un feuillet, rupture de cordage ou de pilier. IM de type III : feuillets retenus du côté ventriculaire par traction excessive sur les cordages ; - IIIa (restriction systolo-diastolique) : rétraction des feuillets et des cordages (RAA), - IIIb symétrique (systolique) : traction sur les cordages par déplacement apical et latéral des muscles papillaires (dilatation du VG), - IIIb asymétrique (systolique) : akinésie/dyskinésie de segments contigus à un pilier (ischémie). Conditions hémodynamiques en cas d’IM : - postcharge basse (la fuite dans l’OD débute pendant la contraction isovolumétrique), - précharge élevée (le volume régurgité revient dans le VG à la diastole suivante), - fonction systolique du VG facilitée malgré une baisse de contractilité (FE non discriminante), - dysfonction ventriculaire déjà présente lorsque le patient devient symptomatique, - compliance de l’OG élevée si OG dilatée (amortissement de pression, onde "v" modérée), - P OG (élevée, elle retarde le déclenchement de l’IM et diminue le ΔP VG - OG). L’importance de l’IM dépend des conditions hémodynamiques : - IM ↑ si : RAS ↑, Vts VG ↑, - IM ↓ si : RAS ↓, Vts VG ↓, contractilité ↑, - IM type II : l’IM peut ↑ si Vts VG ↓.

Caractéristiques hémodynamiques de l'insuffisance mitrale

Précharge élevée (surcharge de volume du VG) Postcharge basse (l’IM fuit dès que PVG > POG)

Dilatation du VG (diamètre télédiastolique > 7 cm ou > 4 cm/m2) Fonction systolique altérée malgré une FE conservée

Critère de dysfonction du VG: diamètre télésystolique > 4 cm (> 2.5 cm/m2) L’IM augmente si : RAS ↑, Vtd ↑, contractilité ↓

DC systémique dépend de RAS basses Intolérance à l’hypovolémie

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Manifestations cliniques De nombreuses années s’écoulent sans symtômes pendant que l’IM entraîne un agrandissement du VG, un affaiblissement de sa contractilité, et une surcharge de volume dans l’OG, qui se dilate progressivement [22]. Lorsqu’elles apparaissent, les manifestations cliniques sont gouvernées par l’importance du volume régurgité et par la fonction ventriculaire gauche: dyspnée due à la surcharge de pression dans les veines pulmonaires (backward failure), fatigabilité due à la baisse du débit systémique efficace (forward failure). Si l’oreillette est très dilatée et très compliante, elle protège les poumons des effets de l’IM et la stase est peu marquée; le patient manifeste surtout une faiblesse systémique. Mais la dilatation de l'OG augmente le risque d'arythmies et de FA, perceptibles cliniquement sous forme de palpitations. Si l’IM évolue rapidement (rupture de cordage, par exemple), l’OG doit accomoder le volume régurgité sans avoir eu le temps de s’agrandir; la pression s’y élève et la stase est importante, conduisant souvent à l'œdème pulmonaire; la dyspnée domine le tableau clinique. Il arrive que des régurgitations très asymétriques, dirigée vers les veines pulmonaires d’un seul côté, puissent occasionner un œdème pulmonaire unilatéral. L’auscultation laisse entendre un souffle pansystolique apical de tonalité élevée et constante, qui irradie selon la direction du jet de l'IM, en général vers la région axillaire gauche (Figure 11.56). Dans les prolapsus et les ruptures de pilier, l’irradiation peut être différente selon l’orientation de l’IM. Il n’y a que peu de corrélation entre l’intensité du souffle et la sévérité de l’insuffisance [34]. Comme le volume régurgité revient en diastole dans le ventricule, le flux mitral antérograde est augmenté et accéléré, ce qui se traduit souvent par un murmure diastolique de haut débit. Le pouls est vif et hyperdynamique. A l’ECG, on note des signes d’hypertrophie ventriculaire gauche et des ondes P larges en DII, bifides en V1. La thérapeutique médicale est limitée dans les IM organiques; les vasodilatateurs ne sont bénéfiques que dans les IM fonctionnelles ou ischémiques; la présence d'une FA commande une anticoagulation systémique (dicoumarine pour INR 2-3) [23]. Examen fonctionnel La contractilité s’altère progressivement à l’abri des conditions de charge très favorables: la fraction d’éjection (FE), dont la mesure est particulièrement dépendante de la postcharge, est inopérante comme élément prédicteur de la fonction postopératoire [207]. Une FE de 0.6 ne garantit nullement une fonction conservée, et une valeur de 0.5 signe déjà une atteinte significative de la performance

B1 B2 B3 B1

Figure 11.56 : Ausculatation d’insuffisance mitrale. Le souffle est pansystolique, doux, régulier, et irradie vers la région axillaire.

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systolique [91,309]. Une FE de 0.4 traduit une dysfonction grave qui a peu de chance d’être significativement améliorée par une correction chirurgicale [79,207]. Les dimensions télésystoliques du VG offrent la meilleure corrélation avec la fonction et la survie postchirurgicale [109]. Un volume télésystolique normal (diamètre du VG < 2.5 cm/m2, ou < 4 cm) correspond à une bonne contractilité et à un bon pronostic postopératoire (mortalité 1%), alors qu’un diamètre > 3.0 cm/m2 signe une dysfonction ventriculaire importante et n'assure plus une récupération fonctionnelle après correction chirurgicale (mortalité opératoire 5-6%) [109,110,207]. Après plastie mitrale, par exemple, l’incidence de dysfonction ventriculaire gauche est de 9% lorsque le diamètre télésystolique du VG est < 3.7 cm mais de 33% lorsqu’il est > 3.7 cm [315a]. En résumé, les caractéristiques cliniques de l’insuffisance mitrale sont:

Caractéristiques de l'insuffisance mitrale

Précharge élevée (surcharge de volume du VG) Postcharge basse (l’IM fuit dès que PVG > POG)

Dilatation du VG (diamètre télédiastolique > 7 cm ou > 4 cm/m2) Fonction systolique altérée malgré une FE conservée

Critère de dysfonction du VG: diamètre télésystolique > 4 cm (> 2.5 cm/m2) L’IM augmente si : RAS ↑, Vtd ↑, contractilité ↓

DC systémique dépend de RAS basses Intolérance à l’hypovolémie

Indications et résultats opératoires Le perfectionnement des techniques de valvuloplasties et de prothèses implantables a permis plus d’agressivité dans l’indication opératoire, y compris chez le malade âgé ou en état avancé. Bien que toute IM sévère ou symptomatique soit une indication opératoire, la pertinence de l'intervention est déterminée par le rapport entre le risque encouru et le bénéfice attendu. L'idéal est de pouvoir corriger l'IM avant que la situation ne se détériore, en réalisant une valvuloplastie dans un centre qui en a une assez vaste expérience pour avoir une mortalité opératoire ≤ 1% et un taux de reprise ≤ 6% à 10 ans. Plastie valvulaire mitrale (PVM) Si les conditions anatomiques le permettent (feuillets valvulaires souples, longs et peu déformés, appareil sous-valvulaire compétent, absence de calcifications), on procède à une valvuloplastie avec annuloplastie plutôt qu'à un remplacement d'emblée par une valve prosthétique; cela est possible dans 50% à 90% des cas, toutes pathologies confondues (voir Plastie mitrale) [33]. Bien que techniquement plus exigeante, la plastie est préférable pour plusieurs raisons [192]:

La préservation de l’appareil sous-valvulaire maintient la géométrie du VG et assure une meilleure fonction ventriculaire gauche postopératoire;

La mortalité est plus basse (1-2% contre 4%); Les risques thrombo-emboliques et infectieux sont minimes; Les risques de détérioration structurelle sont quasi inexistants ; L'anticoagulation n'est pas requise à long-terme, mais seulement pendant les 3 premiers mois

(délai nécessaire à l'endothélialisation de l'anneau prosthétique); seule l'aspirine (75-250 mg/j) est prescrite à vie ;

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Chez l’enfant et l’adolescent, la valve peut croître avec la taille du patient. Le prolapsus et la rupture de cordage peuvent en général être réparés avec succès, mais les lésions rhumatismales et les calcifications réduisent les chances de plastie, même entre des mains expérimentées [23,321]. Les plasties du feuillet postérieur donnent en général de meilleurs résultats que celles du feuillet antérieur. Si l'OG est normale, si la fonction du VG est bonne et si le patient n'a jamais présenté de FA, l'aspirine (dose de charge 250 mg/j, entretien 75-250 mg/j) peut suffire [321]. Dans les autres cas, on prescrit une anticoagulation pendant 3 mois en visant un INR de 2.0-2.5, suivie par l'aspirine à vie. Le taux de réopération après plastie est le même qu'après remplacement par une prothèse mécanique; il est de 7-10% à 10 ans, pour un tiers dû à la progression de la maladie de base et pour deux tiers secondaire à des problèmes techniques [123,223]. Cette incidence est inférieure au taux d'attrition d'une bioprothèse. La mortalité est de 1-2% lorsque l'opération a lieu avant que le VG ne dilate, et de 5-6% en cas de dysfonction ventriculaire [110,321]. La valvuloplastie mitrale percutanée est une nouvelle technique non-invasive encore au banc d’essai. Pour l’instant, deux modalités différentes sont utilisées en clinique (voir Endoprothèses valvulaires et Figure 11.47).

La technique bord-à-bord consiste à clipper la partie centrale des deux feuillets pour former un double orifice et réduire la surface de régurgitation (plastie selon Alfieri) [56].

L’introduction d’un anneau prosthétique par le sinus coronaire permet de ceinturer la valve mitrale ; cet anneau fonctionne comme une annuloplastie chirurgicale [325].

Ces techniques sont réservées aux malades en mauvais état général dont la mortalité opératoire serait prohibitive. On ne dispose pas encore de résultats à long terme pour juger de la valeur de ces techniques dont la mortalité est faible mais dont le taux de récidive est élevé. Remplacement valvulaire mitral (RVM) Si la valvuloplastie est impossible, une valve prosthétique est mise en place. Autant que faire se peut, on conserve une grande partie des feuillets et on évite de réséquer l'appareil sous-valvulaire (voir Figure 11.35), car le maintien des seuls cordages de 3ème ordre ne suffit pas à empêcher une certaine sphéricisation du VG et une altération de sa fonction systolique à long terme [261]. Lors de maladie rhumatismale, l'appareil sous-valvulaire est raccorni et restrictif et ne peut pas être conservé; dans ce cas, la fonction ventriculaire se détériore progressivement malgré la compétence de la prothèse, à cause de la perte du squelette interne dynamique que représentaient les piliers et les cordages. Epargner le tissu mitral et les cordages peut conduire parfois à une obstrcution dynamique de la CCVG par les restes du feuillet antérieur. Les bioprothèses peuvent obstruer partiellement la CCVG par le montant situé le plus antérieurement. Le RVM demande une anticoagulation; celle-ci ne dure que 3 mois avec une bioprothèse, mais est permanente lorsqu'on implante une prothèse mécanique (voir Prothèses valvulaires). Comme le risque thrombo-embolique est plus grand en position mitrale qu'en position aortique, on recherche un INR de 3.0-3.5 indéfiniment [23]. Avec les bioprothèses, le risque de dégradation structurelle est plus rapide en position mitrale qu'en position aortique; le taux de réopération à 15 ans est respectivement de 50% et de 29% [145]. Les résultats de la chirurgie du remplacement valvulaire mitral restent assez lourds: la mortalité opératoire est de 2-6% [82]. La survie à 10 ans des malades symptomatiques est de 61% (> 85% après plastie) [89]. Elle est de 76% chez les malades opérés lorsqu’ils sont encore aymptomatiques [313]. Pour les lésions post-RAA, la survie est de 70% à 5 ans [267]. Comparativement, la survie à 5 ans sans opération oscille entre 20% et 30% [153]. Le devenir des patients à qui on implante une prothèse pour

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 117

une IM pure symptomatique est moins bon que celle des malades qui souffrent d’une sténose pure ou d’une maladie mitrale mixte, probablement parce que leur fonction ventriculaire est déjà plus gravement atteinte lorsqu’ils deviennent symptomatiques [193]. Indications opératoires Il est primordial d'opérer le patient souffrant d'une IM sévère avant que ne survienne une détérioration fonctionnelle qui empèche une récupération satisfaisante après l'intervention et qui en triple la mortalité. Avec une mortalité de 90% à 10 ans sans intervention [199], l'opération est quasiment inévitable, mais le problème est de bien choisir le moment auquel intervenir. Ceci est délicat pour plusieurs raisons.

Le patient reste longtemps asymptomatique; La fonction ventriculaire se détériore silencieusement; Les indices habituels de la fonction contractile ne sont pas pertinents; La fonction peut se détériorer en postopératoire; Il est difficile de prédire si la valvuloplastie sera un succès; La mortalité opératoire est significative; elle est de 1-2% pour la plastie et de 2-6% pour le

remplacement par une prothèse [301]; pour justifier une intervention précoce, la mortalité doit être dans la fourchette inférieure de ces valeurs.

Les recommandations actuelles sont de considérer les éléments suivants comme des indications opératoires à une IM sévère d'origine organique [23,90,159,318].

Patient cliniquement symptomatique; Apparition ou présence d'un dysfonction ventriculaire (diamètre télésystolique du VG > 4 cm ou

> 2.5 cm/m2, FE < 0.6, PAPsyst > 60 mmHg à l’effort), quels que soient les symptômes; Fibrillation auriculaire, particulièrement si elle est d'installation récente; Détérioration du remodelage au suivi échocardiographique (diamètre de l'OG > 5 cm, diamètre

télésystolique du VG > 4 cm ou 2.5 cm/m2), même si le patient reste asymptomatique; Patient asymptomatique avec fonction ventriculaire conservée si l'orifice de régurgitation est >

0.4 cm2 et si si la probabilité de réussite d'une plastie est > 90%; ceci est justifié à cause du risque élevé de complications dans les 5 ans [90,275]. A 7 ans, le taux de survie est de 98% après plastie et de 85% avec un traitement médical [162].

Indications opératoires de l’insuffisance mitrale Indications opératoires pour une IM organique sévère (orifice de régurgitation > 0.4 cm2) : - patient symptomatique, - dysfonction ventriculaire (Dts VG > 2.5 cm/m2), - fibrillation auriculaire, - détérioration au suivi échocardiographique d’un patient encore asymptomatique, - patient asymptomatique si probabilité de plastie > 90%. Lorsqu’elle est faisable (50-90% des cas), la plastie mitrale (PVM) est toujours préférable au remplacement valvulaire (RVM) parce que : - la mortalité est plus basse (1-2% versus 4%), - la fonction du VG est mieux conservée, - l’anticoagulation n’est pas nécessaire > 3 mois (INR 3-3.5 à vie après prothèse mécanique), - le risque thrombo-embolique et infectieux est minime, - le taux de reprise (7-10% à 10 ans) est le même que pour une prothèse mécanique ; il est inférieur au taux d’attrition d’une bioprothèse.

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Dans les insuffisances aiguës ou subaiguës, l’opération est indiquée aussi rapidement que possible si l’hypertension veineuse pulmonaire ne peut pas être jugulée par le traitement médical: OAP persistant, dyspnée paroxystique nocturne, bas débit systémique, élévation de la créatinine, PAP systolique > 50 mmHg au repos. Les indications particulières des IM ischémiques et des IM secondaires à une cardiomyopathie dilatative sont présentées plus loin (voir Cas particulier II, IM ischémique et Cas particulier III, IM sur défaillance du VG). La personne âgée (> 65 ans) récupère beaucoup moins bien de la chirurgie mitrale que de la chirurgie pour sténose aortique, parce que le VG est immédiatement soulagé de la postcharge excessive dans le deuxième cas, alors qu’il échange une surcharge de volume bien tolérée contre une surcharge de pression mal tolérée dans le premier cas. Comme la mortalité opératoire excède 14% chez ces patients, seule une IM sévère avec symptômes de décompensation est justifiable d'une intervention chirurgicale [23,236]. Principes pour l’anesthésie Les différents mécanismes de l’IM déterminent la prise en charge hémodynamique. Dans le prolapsus mitral mineur-à-modéré (IM type II), la régurgitation diminue si le ventricule s’agrandit (voir Prolapsus mitral), alors que dans les IM de types I (fonctionnelles) et III (restrictives), elle diminue si le ventricule se rétrécit (Figure 11.54). Lorsqu’il arrive au stade chirurgical toutefois, le prolapsus engendre une IM massive, et le mécanisme du type II est débordé par l’importance de la régurgitation, qui ne diminue que si le VG est moins dilaté. On peut donc dire que le risque d’une aggravation de l’IM par la distension du VG pilote la prise en charge anesthésique de la chirurgie mitrale.

Précharge: la volémie totale est augmentée pour maintenir un débit systémique efficace, vu la perte de volume dans le va-et-vient entre le VG et l'OG. L’hypovolémie diminue proportionnellement davantage le débit systémique que la fraction régurgitée, puisque la fuite auriculaire "vole" en permanence du volume dans le système à basse pression de l’OG. La tolérance à l’hypovolémie est faible, et la précharge doit être maintenue normale-à-élevée.

Postcharge: le VG fonctionnant comme une cavité à deux sorties, le volume régurgité est fonction directe de la résistance à l'éjection; les RAS doivent donc être impérativement basses. Une vasodilatation artérielle est nécessaire (isoflurane, nitroprussiate, phentolamine).

Contractilité: elle doit être maintenue élevée pour assurer le débit systolique antérograde. Dans les IM chroniques, la postcharge basse et la précharge élevée masquent la contractilité réelle du VG, dont les indices de fonction habituels traduisent mal la diminution. Il faut donc suspecter la fonction systolique d’être abaissée, et n’utiliser que des agents inotropes dépourvus d’effet alpha (dobutamine, isoprénaline, amrinone, milrinone). En cas de difficulté, la contre-pulsion intra-aortique est très efficace pour soulager le VG, diminuer l’IM et améliorer la perfusion coronarienne.

Fréquence: elle doit rester soutenue parce que la bradycardie augmente le temps de remplissage et le volume ventriculaire, donc fait courir le risque de dilatation aiguë du VG. L’IM ayant lieu en systole, la variation de la fréquence modifie peu sa durée. Le maintien du rythme sinusal est important pour autant que l’OG ne soit pas très dilatée ; dans ce cas, sa contractilité est faible et le volume propulsé par sa contraction est négligeable.

Résistances pulmonaires: l'hypertension pulmonaires est fréquente mais en général modérée ; la musculature vasculaire pulmonaire est hyperréactive; éviter toute vasoconstriction pulmonaire (hypoxie, hypercarbie, acidose, N2O), et maintenir une hyperventilation pour un pH de 7.5 et une PaCO2 de 32-35 mmHg.

Ventilation en pression positive: elle améliore le débit gauche dans la mesure où le retour veineux au coeur droit reste bien assuré. La vidange des poumons vers l’OG est accélérée, le flux mitral antérograde est augmenté et la pression transmurale de l’oreillette diminue ; la postcharge effective du VG s’abaisse (voir Figure 11.73 et Chapitre 5 Interactions cardiorespiratoires, Ventilation en pression positive). L’IPPV tend donc à diminuer l’IM ; ses effets sont transmis par le biais de la pression moyenne intrathoracique.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 119

L’échocardiographie transooesophagienne peropératoire est capitale pour élucider les mécanismes de l’IM et planifier la stratégie de prise en charge [216]. Toutefois, l’évaluation d’une IM est modifiée par l’anesthésie, qui tend à en diminuer l’importance parce qu’elle baisse la pression artérielle et le remplissage. Ainsi l’IM s’abaisse de 1-2 degrés sur une échelle de quatre chez la moitié des patients du simple fait d’être endormis [134]. Toute quantification de l’IM doit se faire après avoir rétabli une hémodynamique normale (PAM ≥ 80 mmHg), au besoin par des vasopresseurs. Le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz est très utile pour toute la chirurgie mitrale afin de régler l’administration liquidienne, de surveiller l’évolution des pressions dans l’OG et de pouvoir évaluer le volume systolique antérograde (VS obtenu par la thermodilution pulmonaire) ; la SvO2 permet de juger l’adéquation du débit systémique aux besoins de l’organisme. Sur la courbe de PAPO, l’importance de l’onde "v" n’est pas directement proportionnelle à celle de l’IM car elle dépend de la compliance de l’oreillette ; lorsqu’elle est dilatée, l’OG absorbe l’à-coup de pression et tamponne l’onde "v". Les mesures de débit peuvent être biaisées en présence d’une insuffisance tricuspidienne secondaire importante. Après la CEC, la correction de la fuite mitrale impose des conditions difficiles au VG : augmentation de postcharge, baisse de précharge. Dans ces conditions, le cathéter de Swan-Ganz est nécessaire pour gérer le soutien hémodynamique.

Hémodynamique recherchée en cas d'insuffisance mitrale

Volémie normale à élevée Vasodilatation systémique

Stimulation inotrope sans effet alpha (amines β, inodilatateurs) Fréquence normale - haute

Vasodilatation pulmonaire selon HTAP Ventilation en pression positive bénéfique

Plein - Tonique - Ouvert

Technique d’anesthésie pour la chirurgie mitrale en cas d’IM

L’induction peut être réalisée au moyen de plusieurs agents selon le degré de dysfonction ventriculaire gauche et d’hypertension pulmonaire :

o Etomidate : agent le plus sûr, dénué d’effets hémodynamiques ; o Midazolam : baisse bénéfique du tonus sympathique, mais induction lente ; o Propofol : baisse de précharge et, à un moinde degré, de postcharge ; adéquat à dosage

réduit dans les cas non-décompensés ; o Adjonction de fentanyl ou de sufentanil pour diminuer la réponse sympathique ; o Eviter une poussée hypertensive à l’intubation avec une anesthésie topique du larynx et

de la trachée ; o Thiopental, kétamine : déconseillés à cause de l’effet inotrope négatif (thiopental,

kétamine) et de la stimulation sympathique avec hausse des RAS (kétamine). o L’hypertension est plus dangereuse que l’hypotension

Maintien de l’anesthésie : o Préférence à l’isoflurane (↓ RAS) ; sevoflurane adéquat ; o Perfusion de propofol ou de midazolam ; o Desflurane : déconseillé (↑ RAS et RAP). ; o IPPV + PEEP bénéfiques.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 120

Maintenir les RAS basses, éviter l’hypertension artérielle (douleur, éveil). Maintenir le volume circulant (perfusions) et éviter la baisse de précharge (prévenir

l’hypovolémie). Maintenir la contractilité (la détérioration de la fonction systolique est masquée par l’IM) :

o Préférence à la dobutamine ; dopamine adéquate si dosage < 5 mcg/kg/min ; o Milrinone (± adrénaline) si HTAP, dilatation ou défaillance chronique du VG ;

Eviter la bradycardie (risque de dilatation du VG) ; la tachycardie n’est pas dangereuse. En cas de défaillance gauche, la CPIA est très efficace pour diminuer l’IM. Monitorage ETO :

o Mécanismes et variations de l’IM ; o Taille et fonction du VG, fonction du VD ; o Evaluation de la volémie ; o Post CEC : évaluation de la plastie, diagnostic du SAM, fonction du VG.

Cathéter artériel pulmonaire : plus utile après la CEC qu’avant à cause de la dysfonction postopératoire du VG. Lors du positionnement en Pcap, superposer la courbe de PAP à celle de la PA systémique de manière à différencier la PAPsyst et l’onde "v" géante par leur synchronisation avec le pic de la PA systémique, car leur valeur peut être très voisine ; la PAPsyst est synchrone avec le pic de PAsyst, alors que l’onde "v" est synchrone avec le dicrotisme artériel (voir Figure 6.21B).

o PAP en cas d’HTAP ; o PAPO (ajustement des perfusions) ; o Mesure du VS antérograde (VS effectif) et de la SvO2 (adéquation du DC aux besoins

métaboliques) ; o VS et DC en post-CEC ; mesure des RAS ;

ScO2 : évaluation de la perfusion périphérique effective. CEC et post-CEC La baisse de contractilité intrinsèque du VG devient apparente après la correction chirurgicale de la valve, lorsque le ventricule est dans des conditions de charge normales. Il doit alors éjecter contre l’impédance systémique sans la soupape de pression de l’IM; le stress de paroi augmente, et sa fraction d’éjection diminue par inadéquation à la nouvelle postcharge (afterload mismatch) [329]. En réalité, le VG fait une mauvaise affaire : il échange une surcharge de volume bien tolérée contre une surcharge de pression qu’il supporte mal. Sur le diagramme pression-volume (Figure 11.57), la pente ascensionnelle de la pression intraventriculaire est maintenant verticale au lieu d’être oblique, et la phase de contraction isovolumétrique est rétablie. Par rapport à la situation avant la CEC, le travail de pression a augmenté, alors que le travail d’éjection a diminué ; pour le VG, le rendement énergétique est donc moins bon. De plus, la pente de l’élastance maximale (Emax) est abaissée par plusieurs phénomènes : problèmes mécaniques liés à la prothèse, perte de l’appareil sous-valvulaire, altérations de la contraction des segments de la base, présence d’une cardiomyopathie inflammatoire (RAA), diminution de la contractilité après une CEC [276]. Comme elle interfère moins avec les structures fonctionnelles, la plastie est mieux tolérée que le remplacement valvulaire. Un soutien inotrope est presque toujours nécessaire pour la sortie de CEC [120]. Celui-ci doit se faire au moyen d'amines sans effet alpha ou d’inodilatateurs: dobutamine, milrinone. L'addition d'un vasodilatateur artériel peut être occasionnnellement nécessaire lorsque les RAS sont trop hautes. Les cavités cardiaques agrandies nécessitent des volumes de remplissage importants et une précharge maintenue, surtout lors de rythme non-sinusal. La présence d’une hypertension pulmonaire crée un risque de décompensation ventriculaire droite à la sortie de CEC. Comme elle diminue la postcharge effective du VG, la ventilation en pression positive est bénéfique. Son sevrage peut être un moment particulièrement délicat qui ne doit pas être envisagé trop tôt, mais seulement lorsque la fonction gauche s’est stabilisée. La gestion de l’hémodynamique après correction d’une IM demande donc :

Une précharge haute,

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 121

Une postcharge basse, Une contractilité élevée.

Dans ce contexte, il faut éviter de traiter une hypotension artérielle exclusivement par des vasopresseurs, car on ne fait qu’augmenter les difficultés du VG. Les agents alpha qui relèvent les RAS ne sont indiqués que pour assurer la pression de perfusion coronarienne, cérébrale et rénale lorsque celle-ci est compromise. Dans ces conditions, le plus judicieux est d’installer une contre-pulsion intra-aortique (CPIA), de manière à soulager le VG de l’augmentation de postcharge tout en assurant une pression de perfusion optimale. Figure 11.57 : Boucle P/V d’un patient en insuffisance mitrale avant (IM, rouge) et après remplacement valvulaire mitral (post-RVM, jaune et vert). La compétence de la prothèse impose une phase de contraction isovolumétrique inconnue avant l’éjection (ascension verticale au lieu d’oblique de la pente de pression systolique). Même si le volume télédiastolique est agrandi, le volume systolique et la fraction d’éjection diminuent, comme l’illustre la surface diminuée de la boucle P/V. La pente de l’élastance maximale (Emax) est abaissée après CEC (E’max) parce que la contractilité est diminuée. Par rapport à la situation avant CEC, le travail de pression (surface du triangle pointillé Tpr) a augmenté, alors que le travail d’éjection (surface du quadrilatère vert-jaune) a diminué. Pour le VG, le rendement énergétique est donc moins bon et la situation très difficile : au handicap fonctionnel de la CEC s’ajoute l’échange d’une surcharge de volume (bien tolérée) par une surcharge de pression (mal tolérée) [d’après réf 276].

Chirurgie de l’IM: post-CEC La correction de la fuite mitrale supprime la soupape de pression du VG. Celui-ci échange une surcharge de volume à résistance basse (bien tolérée) contre une surcharge de pression (RAS sans soupape) à volume normal (mal tolérée). La contraction isovolumétrique est rétablie (augmentation du travail de pression). Pour le VG, la situation est donc plus difficile après la CEC qu’avant la correction.

Compliance

V0

Pression

Volume

Emax

VS

IM

© Chassot 2011

E’max

Tpr

VS’

PostRVM

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 122

Chirurgie de l’IM: post-CEC Prise en charge :

- soutien inotrope sans effet alpha (dobutamine, milrinone ± adrénaline), - vasodilatation systémique (isoflurane, éventuellement vasodilatateur), - CPIA (très performante dans le cadre d’une IM), - ventilation en pression positive (pas d’extubation trop précoce), - ne pas gérer l’hypotension artérielle exclusivement avec des vasopresseurs.

La plastie est fonctionnellement mieux tolérée que le remplacement par une prothèse. Cas particulier I: IM sur maladie de Barlow Comme déjà mentionné plus haut, la maladie de Barlow est un ensemble assez vaste, allant d’un syndrome bénin à prédominance féminine caractérisé par des symptômes cardiaques vagues jusqu’à une maladie structurelle grave de la valve mitrale accompagnée d’une insuffisance majeure [32]. En Occident, la maladie de Barlow est très fréquente, puisqu’elle touche 1.7-2.4% de la population adulte [113]. Cependant, elle n’est accompagnée d’une IM significative que dans 10-15% des cas. Cette insuffisance se développe le plus souvent chez les hommes, et en général à partir de 50 ans; elle ne conduit à la réparation chirurgicale que 5% des malades [10,327]. Son incidence est plus élevée dans certaines affections comme le syndrome de Marfan, la maladie de von Willebrand, le pectus excavatum, ou la CIA ostium secundum [23]. La maladie de Barlow peut être à l’origine d’embolie artérielle due à des dépôts de fibrine, ou de troubles du rythme paroxystiques: FA, ESSV, tachyarythmie ventriculaire ou supraventriculaire, bloc A-V. Le taux de mort subite est de 1%/an [32,339]. L’incidence d’endocardite n’est augmentée que s’il existe des lésions anatomiques graves de la valve, mais non si les feuillets sont seulement ballonnisés ou déplacés dans l’OG. L’antibiothérapie prophylactique n’est indiquée qu’en cas de lésions tissulaires sévères [232,233]. Les manifestations du syndrome sont protéiformes: fatigabilité, dyspnée, angoisse, pseudo-angor et palpitations. Lorsque l’insuffisance s’installe, les symptômes de l’IM dominent le tableau clinique. A l’auscultation, accentuée par les manoeuvres qui diminuent la précharge, on entend un clic mésosystolique à l'apex et un souffle télésystolique discret. Le clic est déclenché par la tension soudaine exercée sur les cordages lorsque le prolapsus bascule dans l'OG [23]. L’ECG n’est pas spécifique. Le prolapsus de la maladie de Barlow est une insuffisance mitrale de type II. Le recul du point de coaptation dans l’oreillette est d’autant plus prononcé que le volume télésystolique (Vts) du ventricule est réduit, car la course des cordages s’allonge (Figure 11.54). Contrairement aux autres types d’IM, la régurgitation du prolapsus s’aggrave si la précharge baisse et si la contractilité augmente. L’effet de la postcharge est ambivalent: il est bénéfique dans la mesure où elle augmente le volume ventriculaire télésystolique, mais néfaste si elle est assez élevée pour augmenter la régurgitation. Classiquement, l’auscultation du Barlow augmente si le patient respire du nitrite d’amyle et se lève brusquement (Vts diminué). Toutefois, rappelons que le prolapsus arrivé au stade chirurgical engendre une IM massive. Dans ce cas, le mécanisme du type II est débordé par les dimensions importantes de l’orifice de régurgitation. L’IM devient alors directement dépendante d’une augmentation des RAS.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 123

Le traitement du syndrome de Barlow consiste essentiellement en β-bloqueur en cas d'arythmies et en aspirine (75-250 mg/j) en cas de symptômes neurologiques transitoires. L'anticoagulation est recommandée en cas d'AVC ou de thrombus auriculaire, ou s'il s'installe une FA [23]. Principes pour l’anesthésie Les recommandations ci-après concernent exclusivement les malades souffrant de maladie de Barlow avec une IM de degré mineur ou modéré, et opérés pour une intervention de chirurgie non-cardiaque. Pour contrecarrer la régurgitation de la maldie de Barlow simple, il faut maintenir le ventricule relativement dilaté. Pour ce faire, on vise les points suivants:

Précharge: elle doit être élevée pour maintenir les volumes télédiastolique et télésystolique agrandis: perfusions généreuses, PVC > 10 mmHg, PAPO > 12 mmHg.

Postcharge: elle doit être maintenue normale, au moyen de vasoconstricteurs si nécessaire. Contractilité: elle doit être abaissée; on a recours à une anesthésie profonde, éventuellement à

un β-bloqueur (esmolol) ; le traitement β-bloqueur en cours n’est pas interrompu. Fréquence: un ralentissement du rythme favorise le remplissage et dilate le ventricule; à

contractilité égale, le volume télésystolique est plus grand. En chirurgie cardiaque comme en chirurgie non-cardiaque, l’ETO est le seul moyen peropératoire efficace pour juger l’adéquation de la volémie, la fonction ventriculaire et l’évolution de la régurgitation chez les malades souffrant de Barlow. Le traitement pharmacologique (β-bloqueur, aspirine) est maintenue en périopératoire.

Hémodynamique recherchée en cas de maladie de Barlow (IM type II mineure-à-modérée)

Volémie normale à élevée

Contractilité diminuée Postcharge élevée Fréquence lente

Plein – Mou – Fermé

Technique d’anesthésie

L’induction peut être réalisée au moyen de propofol, de midazolam ou de thiopental. o Le midazolam abaisse le tonus sympathique ; il est adéquat mais de longue durée ; o Le propofol abaisse la précharge ; il faut compenser avec des perfusions ; o Le thiopental n’est indiqué que si la fonction ventriculaire est normale (FE ≥ 0.6) ; o L’étomidate n’est recommandé que si la fonction ventriculaire est très diminuée.

Pour le maintien de l’anesthésie, le sevoflurane ou le propofol sont bien adaptés ; s’il est disponible, l’halothane est l’agent idéal car il agit comme un β-bloqueur, mais il est retiré du marché dans la plupart des pays.

Maintenir les résistances artérielles sytémiques (RAS) avec un vasoconstricteur, éviter toute hypotension artérielle (pas d’isoflurane).

Maintenir le volume circulant (perfusions) et éviter toute baisse de précharge (prévenir l’hypovolémie).

Freiner la contractilité (esmolol).

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Cas particulier II: IM ischémique Dans l'insuffisance mitrale ischémique, les feuillets de la valve sont normaux ; la régurgitation est la traduction d'un problème sous-jacent dans le ventricule. Cette IM relève de plusieurs mécanismes (voir Figure 11.49) [247].

Restriction asymétrique de la course systolique des feuillets (IM restritive type IIIb) sur akinésie ou dyskinésie segmentaire de la paroi ventriculaire, entraînant un déplacement latéral et/ou apical d'un muscle papillaire.

Restriction symétrique sur cardiomyopathie dilatative d'origine ischémique (IM restritive type IIIb).

Dilatation et aplatissement de l'anneau mitral sur akinésie de la paroi basale (IM type I); la dilatation annulaire est asymétrique; elle porte essentiellement sur la partie postérieure de l'anneau car la partie antérieure est fixée au trigone fibreux.

Bascule d'un ou des feuillets sur ischémie ou rupture papillaire: la non-contraction d'un muscle papillaire en systole donne trop de longueur aux cordages; le point de coaptation des feuillets est alors éversé dans l'OG (IM type II). La rupture d’un pilier entraîne un bascule de la commissure correspondante dans l'OG en systole (IM type II).

Les deux premières catégories représentent 76% des cas; elles sont une bonne indication à une plastie par mise en place d'un anneau prosthétique pour diminuer la taille de la valve et permettre l'affrontement des feuillets; il en est de même pour la dilatation de l'anneau sur akinésie basale [124]. L'ischémie et la rupture papillaires font l'objet de réinsertions de cordages ou de plastie de pilier, mais sont le plus souvent une indication au remplacement valvulaire. L'IM ischémique n'est pas rare: elle est présente chez 10-30% des coronariens opérés [22]. Mais comme elle est la signature d'une lésion grave du VG, elle péjore significativement le pronostic: la mortalité de la revascularisation coronarienne combinée à une réparation mitrale est de 7-12% alors que celle de la revascularisation simple est en moyenne de 2% [103,124]. En effet, la réparation mitrale est une réponse valvulaire à un problème ventriculaire ! La découverte par l’anesthésiste d'une IM modérée-à-sévère en cours de pontages aorto-coronariens pose un difficile problème d'indication opératoire, parce que l'intervention valvulaire augmente de 3 à 6 fois la mortalité des PAC, qui peut alors s'élever jusqu'à 25% dans les mauvais cas [23,136,201]. L'indication dépend essentiellement du mécanisme de l'IM.

L'IM sévère liée à un infarctus est une indication à une annuloplastie de restriction si l'anatomie le permet, parce que la persistence d’une IM après revascularisation est associée à une augmentation de mortalité.

L'IM sévère liée à une cardiomyopathie ischémique (FE < 0.4) est également une indication à la correction par annuloplastie; dans ce cas, le mécanisme prédominant est la dysfonction ventriculaire, non l'ischémie.

La rupture d'un muscle papillaire avec IM sévère est une indication à une réparation en urgence (plastie ou le plus souvent remplacement).

L'indication est beaucoup plus restreinte lorsqu'une annuloplastie n'est pas réalisable et que la situation anatomique impose un remplacement valvulaire.

Si l'IM est organique (prolapsus, rupture de cordage, dégénérescence fibro-élastique), l'indication opératoire est celle liée à l'affection mitrale de base (voir Indications et résultats opératoires), sachant que la combinaison PAC + RVM a une mortalité opératoire équivalente ou supérieure à la somme de celle de chacune des deux opérations.

La situation la plus équivoque est la combinaison d'une ischémie coronarienne et d'une IM modérée. La revascularisation coronarienne seule peut diminuer l'IM si celle-ci est liée à une ischémie aiguë elle-même guérie par les PAC. Toutefois, dans 60% des cas, les PAC ne modifient pas l'IM. Dans ce cas, la viabilité du myocarde adjacent aux piliers et l'absence de désynchronisation entre les muscles papillaires pourraient être des critères fiables pour prédire une réduction de l'IM par les pontages seuls, sans plastie

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 125

associée [254]. En préopératoire, la viabilité est déterminée par échocardiographie de stress, PET-scan ou IRM; la désynchronisation des muscles papillaires est évaluée au Doppler tissulaire. Si le segment myocardique correspondant aux piliers n'est pas viable et si la contraction des muscles papillaires est désynchronisée, la revascularisation seule est insuffisante, et une plastie mitrale est nécessaire. Pour avoir tout son sens, celle-ci ne devrait pas occasionner une mortalité opératoire globale > 5% [29]. La détermination du degré d'IM ischémique en peropératoire doit tenir compte de trois facteurs importants.

L'IM ischémique est un phénomène très dynamique qui se modifie en fonction de la postcharge, de la taille et de la contractilité du VG.

L'anesthésie et la ventilation en pression positive altèrent les conditions de charge et diminuent l'importance de l'IM; il faut rétablir une hémodynamique normale (PAM ≥ 80 mmHg), au besoin avec des vasopresseurs, avant de porter un jugement quantitatif.

L'échelle de quantification de l'IM ischémique est plus restrictive que celle de l'IM organique (Tableau 11.10); l'IM ischémique est considérée comme sévère si le diamètre de la vena contracta est ≥ 40 mm (au lieu de 70 mm pour l'IM organique), si la surface de l'orifice de régurgitation est ≥ 20 mm2 (au lieu de 40 mm2) et si le volume régurgité est ≥ 30 mL (au lieu de 60 mL) [337].

Figure 11.58 : Mesures ETO de faisabilité d’une plastie mitrale. A : en vue 3D, mesure de la distance intercommissurale. B : éléments échocardiographiques déterminant la gravité d’une IM ischémique et ses probabilités de plastie. La zone ischémique déplace le pilier vers l’extérieur et vers l’apex, ce qui maintient les feuillets dans la cavité ventriculaire en systole. Le degré de remodelage induit est fonction de l’ischémie et de l’éventuelle dysfonction ventriculaire associée ; plus ce remodelage est important, moins bons sont les résultats. Mesures de rempdelage : dilatation de l'anneau mitral > 3.7 cm, distance de tente entre le point de coaptation et le plan de l'anneau mitral (tenting distance) > 1.3 cm, surface de tente (tenting area) > 2.5 cm2, angle du feuillet postérieur avec le plan de l’anneau mitral > 25°. La correction d’une IM ischémique se fait par annuloplastie (anneau rigide standard Carpentier-Edwards™ ou anneaux ETlogics™ et GeoForm™ spécifiques pour l'IM ischémique), complétée de plusieurs possibilités: réinsertion de cordages, plastie de pilier, résection de cordages du 2ème ordre, ou éventuellement RVM. Ces interventions tendent à améliorer la situation fonctionnelle postopératoire,

© Chassot 2011

Distance de tente Surface de tente

Angle du FP

FA

FP

A B

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 126

mais ne modifient guère le devenir à long terme des patients; elles n’assurent qu’une survie de 70-85% à 5 ans [161,184]. La persistance d'une IM après l'opération, que ce soit par non-correction ou par échec de la plastie (15% des plasties), péjore sérieusement le pronostic parce qu'elle aggrave le remodelage ventriculaire proportionnellement à son importance [122]. La survie à 5 ans avec une IM ischémique est de 61% lorsqu'elle est mineure et de 29% lorsqu'elle est sévère [137]. Certaines données échocardiographiques prédisent la persistence ou la récidive d'une fuite mitrale malgré l'annuloplastie (Figure 11.58 et Figure 11.59) [122,201].

IM massive ou jets multiples; Dilatation de l'anneau mitral (diamètre > 3.7 cm); Distance entre le point de coaptation et le plan de l'anneau > 1 cm; Surface de tente entre le plan de l’anneau et les feuillets mitraux (tenting area) > 2.5 cm2; Angle du feuillet postérieur avec le plan de l’anneau mitral > 45°; Index de sphéricité du VG (diamètre court axe / diamètre long axe) > 0.7 ; Volume télédiastolique du VG > 145 mL, diamètre télédiastolique > 4 cm/m2.

Dans ces conditions, il est préférable de procéder à un remplacement par une prothèse en épargnant l'appareil sous-valvulaire de manière à maintenir un maximum du squelette interne du VG et à prévenir le remodelage sphérique ultérieur (voir Figure 11.35). Figure 11.59 : Angle de fermeture du feuillet antérieur (FA) de la valve mitrale mesuré entre l’extrémité du FA et le plan de l’anneau mitral en systole. A : l’ischémie du pilier surajoutée à celle de la paroi donne davantage de course aux cordages et permet aux feuillets de se rapprocher de leur point de coaptation ; l’angle systolique se referme et l’IM diminue. B : akinésie pariétale postérieure et déplacement externe du pilier postérieur ; la traction prédomine sur les cordages de 2ème ordre parce qu’elle est désaxée vers l’extérieur ; le feuillet antérieur est angulé en son centre et déformé en aile de mouette (flèche verte). C : akinésie pariétale antérieure et déplacement apical du pilier antérieur ; la traction prédomine dans le sens longitudinal et tire de manière homogène sur les cordages ; l’angle de fermeture systolique est maximal. Le pronostic est d’autant plus mauvais que l’angle est plus grand.

Déplacement extérieur du MPP

Déplacement apical

du MPA

Ischémie du MP surajoutée à

l’akinésie

A B C

Angle FA

© Chassot 2011

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 127

Principes pour l’anesthésie Il s’agit de combiner les contraintes d’une ischémie coronarienne avec celles d’une IM majeure. Tant que la fonction du VG est préservée, ce sont les premières qui dominent le tableau ; en cas de cardiomyopathie ischémique (FE < 0.4), l’insuffisance ventriculaire est l’élément déterminant (voir Cas particulier III).

Précharge: elle doit rester normale-basse ; l’hypovolémie est mal tolérée à cause de l’IM, mais l’hypervolémie augmente le Vts (augmentation de l’IM) et le Vtd (élévation de la tension de paroi diastolique et baisse de la pression de perfusion coronarienne).

Postcharge: elle conditionne la taille de l’IM ; on recherche des RAS basses pour diminuer le Vts du VG tout en maintenant une PAM > 75 mmHg pour assurer une pression de perfusion coronarienne (PPC) adéquate ; lorsqu’on dispose d’un cathéter pulmonaire, cette dernière peut se calculer par la formule : PPC = PAM – PAPO (mmHg). L’adéquation de la perfusion coronarienne peut être évaluée par les éléments suivants :

o PPC ≥ 60 mmHg, o Absence de modifications à l’ECG, o Pas de nouvelles altérations de la cinétique segmentaire à l’ETO, o IM stable.

Contractilité: elle doit être maintenue à l’équilibre entre la baisse de la mVO2 favorable à l’ischémie et l’inotropisme nécessaire à diminuer la taille du VG en télésystole. La contrepulsion intra-aortique est la meilleure solution en cas de défaillance du ventricule, car elle baisse la postcharge du VG, diminue l’IM, et augmente la perfusion coronaire.

Fréquence: un léger ralentissement (55-60 batt/min) diminue la mVO2 et allonge la diastole sans augmenter l’IM, qui a lieu en systole ; la limite est l’augmentation de taille du VG par excès de volume télédiastolique (contrôle ETO).

Ventilation en pression positive : elle est bénéfique pour l’IM, mais son retentissement hémodynamique varie de cas en cas selon la fonction systolique et diastolique.

IM ischémique

L’IM ischémique relève de plusieurs étiologies. - akinésie ou dyskinésie de segments jouxtant un muscle papillaire (type restrictif IIIb), - ischémie ou rupture d’un pilier (type II), - akinésie basale (type fonctionnel I), - cardiomyopathie ischémique dilatative (type restrictif IIIb symétrique). L’IM ischémique est très dépendante des conditions hémodynamiques. Les critères de sévéritè de l'IM ischémique sont plus restrictifs que ceux de l’IM organique.

- diamètre de la vena contracta ≥ 40 mm (au lieu de 70 mm), - surface de l'orifice de régurgitation est ≥ 20 mm2 (au lieu de 40 mm2), - volume régurgité ≥ 30 mL (au lieu de 60 mL).

Indications à une réparation mitrale simultanément à une revascularisation coronarienne (mortalité de PAC + PVM/RVM : 7 – 12%) : - IM sévère sur ischémie segmentaire (infarctus) ou cardiomyopathie ischémique dilatative ; - IM sévère sur rupture de pilier (partielle ou totale), - IM sévère organique, - IM modérée : seulement si une annuloplastie est faisable et si le myocarde concerné est infarci

(non récupération après revascularisation).

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Hémodynamique recherchée en cas d'IM ischémique

Compromis entre les contraintes d’une ischémie coronarienne et celles d’une IM majeure Volémie normale-basse

RAS basses mais maintien de PAM > 75 mmHg Contractilité diminuée pour autant que le Vts du VG n’augmente pas

Fréquence 60 batt/min

Technique d’anesthésie

Induction : étomidate ou midazolam. Pour le maintien de l’anesthésie, profiter du préconditionnement anti-ischémique offert par les

halogénés : o L’isoflurane est le plus logique (préconditionnement et baisse des RAS) ; o Sevoflurane adéquat (préconditionnement et RAS stables) ; o Perfusion de propofol : perte de l’avantage du préconditionnement.

Maintenir les RAS basses mais éviter toute hypotension artérielle (PAM > 75 mmHg) ; équilibrer la PAM avec nor-adrénaline, nitroglycérine, isoflurane ;

Maintenir la volémie normale-basse ; Monitorage particulier :

o ETO (variations de l’IM, taille du VG, cinétique segmentaire), o Cathéter artériel pulmonaire (PAPO, PPC, volume systolique antérograde, SvO2), o ScO2 (adéquation de la perfusion périphérique), o Taux de lactate dans le sinus coronaire (si canulé).

Cas particulier III: IM sur défaillance du VG Comme dans l'ischémie, la présence d'une IM restrictive (Type IIIb symétrique) en cas de défaillance du VG est la traduction d'une maladie ventriculaire et non valvulaire:

Traction sur les cordages prévenant l'occlusion mitrale en systole à cause de la dilatation et de la sphéricité du VG;

Désynchronisation de la contraction papillaire; Fibrose et perte de compliance du VG.

L'IM survient dans 40-60% des cas d'insuffisance ventriculaire gauche, et signe une aggravation du pronostic [212]. Tant qu'elle n'est pas sévère, le traitement de cette IM est premièrement celui de l'insuffisance gauche (voir Chapitre 12 Traitement insuffisance ventriculaire gauche chronique).

Frein au remodelage: IEC, antagonistes de l'aldostérone, bétabloqueurs; Diminution du volume télédiastolique du VG par vasodilatation: IEC, nitroglycérine; en phase

aiguë: nitroprussiate; Resynchronisation par pace-maker triple chambre: réduire la désynchronisation dans la

contraction des muscles papillaires diminue l'IM jusqu'à 50% [163]. La correction de l'IM dans la cardiomyopathie dilatative n'est indiquée que si le patient reste symptomatique et que l'IM progresse malgré un traitement maximal. Elle n'a de sens que s'il existe une certaine probabilité de renverser le remodelage ventriculaire. Si le remodelage ou l'hypertension pulmonaire sont irréversibles, supprimer l'IM ne modifie pas le pronostic, bien que cela réduise la

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 129

surcharge de volume du VG [79,212]. Les résultats sont donc d'autant meilleurs que les patients sont moins avancés dans l'évolution de la maladie. Les résultats cliniques d'études récentes permettent de résumer la situation [79].

Dans les centres qui en ont une large expérience, la plastie mitrale par un anneau restrictif présente une mortalité opératoire de 1.6-5%; la capacité fonctionnelle et la qualité de vie des patients sont améliorées, mais le taux de survie est peu modifié: 70% à 2 ans, 55% à 5 ans [204,274].

Le taux de récidive de 20-30% est élevé parce que l'évolution de la maladie primaire n'est pas interrompue par l'opération; certains éléments échocardiographiques sont des prédicteurs de la récidive (Figure 11.60) [191].

o Angle de fermeture du feuillet antérieur avec le plan de l’anneau mitral > 25°; o Distance entre le point de coaptation et le plan de l'anneau mitral 1.3 > mm; o Surface de tente entre les feuillets et le plan de l’anneau mitral > 2.5 cm2; o EF < 0.25; o Vtd du VG > 250 mL.

Le risque opératoire du RVM (6-10%) est plus élevé que celui de la plastie, mais le taux d'échec est beaucoup plus bas; le RVM doit respecter l'appareil sous-valvulaire (Figure 11.35), car la perte du squelette interne du VG dans le cadre d'une défaillance ventriculaire conduit à une dilatation massive.

La survie est meilleure (85% à 2 ans) lorsque la plastie mitrale est associée à une contention ventriculaire comme avec le système CorCap™ (Figure 11.61) [1] ou à une résection et plastie de la zone dyskinétique (opération de V. Dor).

Figure 11.60 : IM restrictive (Type IIIb) sur dilatation du VG. Le degré de restriction est défini par la distance du point de coaptation au plan de l’anneau mitral (tenting distance), la surface triangulaire comprise entre les feuillets et le plan de l’anneau (tenting area), et l’angle de fermeture du feuillet antérieur mesuré entre le plan de l’anneau et l’extrémité du feuillet [279]. Le rapport des diamètres du VG en long axe et en court axe définit le degré de sphéricisation de celui-ci (rapport normal long-axe / court-axe : > 1.5). Une plastie percutanée par clippage de l'extrémité de chaque feuillet (plastie selon Alfieri) permet de réduire l'IM avec une mortalité plus faible que celle de la chirurgie, mais avec un taux de récidive 3 fois plus élevé et un taux de réopération 10 fois supérieur (voir Endoprothèses valvulaires) [100].

Angle systolique du feuillet antérieur Tenting distance Tenting area

© Chassot 2011

Plan de l’anneau

Point de coaptation

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 130

Figure 11.61 : Exemple de système de contention du VG accompagnant une plastie mitrale dans les cas de cardiomyopathie dilatative terminale du ventricule gauche (CorCap® de Acorn™). L'IM fonctionnelle de la cardiomyopathie dilatative varie considérablement selon les conditions hémodynamiques. L'IPPV fonctionne comme une prothèse pour le VG, et la vasodilatation systémique améliore son éjection. Sous AG, la régurgitation tend donc à diminuer. Lorsque son évaluation a une implication thérapeutique immédiate (mise en place non prévue d'une anneau de contention, par exemple), il est de la plus haute importance de respecter deux conditions pour mesurer l'IM:

Quantification par des techniques peu dépendantes de l'hémodynamique, comme le diamètre de la vena contracta, le PISA, le calcul de l'orifice de régurgitation ou la planimètrie tridimensionnelle [135];

Rétablissement des conditions de base: RAS normales (bolus de phényléphrine pour PAM ≥ 80 mmHg), DC satisfaisant (perfusion de dobutamine), précharge acceptable (PAPO ≥ 15 mmHg), apnée du ventilateur, pas de PEEP/CPAP.

Principe pour l'anesthésie L’éjection du VG défaillant et l’IM sont tous deux diminués par la vasodilatation systémique et la stimulation inotrope positive. Les patients sont en général sous un traitement maximal.

Frein au remodelage: IEC, bétabloqueurs; Diminution du Vtd du VG par des vasodilatateurs : IEC, nitroprussiate, nitroglycérine; Stimulation inotrope: dobutamine, milrinone, adrénaline; Resynchronisation par pace-maker: la diminution de la désynchronisation dans la contraction

des piliers réduit l'IM jusqu'à 50% [163]; En situation aiguë: contre-pulsion intra-aortique; la CPIA est particulièrement efficace pour

diminuer l’IM; Le traitement préopératoire est maintenu jusqu’à l’intervention et continué en peropératoire (catécholamines, CPIA). Autant que possible, il faut maintenir en fonction le pace-maker de resynchronisation, car l’IM s’aggrave immédiatement dès son interruption [163]: utiliser une coagulation bipolaire. Le choix des inotropes se porte de préférence sur agents inodilatateurs (dobutamine, milrinone, levosimendan) et stimulant les récepteurs myocardiques β1, β2 et α

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 131

(adrénaline), à cause des modifications dans la population des récepteurs typique de l’insuffisance ventriculaire (baisse des β1, augmentation des α).

Précharge: l’hypervolémie est la règle à cause de la défaillance gauche et de la stase pulmonaire ; il faut donc restreindre les perfusions et les apports hydro-salins puisque les malades souffrent de rétention d’eau et de sel, et éventuellement ajouter la nitroglycérine.

Postcharge: elle doit rester basse ; RAS diminuée par nitroprussiate, nitroglycérine, isoflurane. Contractilité: elle doit être épaulée par des agents inotropes positifs souvent à doses

importantes (dobutamine, milrinone + adrénaline, lévosimendan); la CPIA est très efficace pour diminuer l’IM.

Fréquence: maintenir 70-80 batt/min car le débit est très dépendant de la fréquence vu la fixité du volume systolique.

Pression artérielle pulmonaire : abaisser les RAP par hyperventilation si HTAP. Ventilation en pression positive : bénéfique pour la fonction du VG et la réduction de l’IM.

Insuffisance mitrale sur défailllance du VG Dans la cardiomyopathie dilatative, l’IM est restrictive de type IIIb symétrique sur dilatation du VG (40-60% des insuffisance gauche). La correction d’une IM est indiquée si : - IM sévère dans des conditions hémodynamiques normales,

- persistance des symptômes et progression de l’IM malgré un traitement maximal, - remodelage et HTAP potentiellement réversibles, - annuloplastie restrictive dans un centre où la mortalité dans l’insuffisance gauche est ≤ 5%. Le taux de récidive est élevé et la survie à long terme peu modifiée.

Hémodynamique recherchée en cas d'IM ischémique

Abaisser la précharge (hypervolémie de stase) RAS basses

Contractilité augmentée Fréquence 70-80 batt/min

IPPV bénéfique CPIA efficace pour diminuer l’IM

Technique d’anesthésie

Induction avec étomidate. Maintien avec isoflurane et fentanyl; autre possibilité: perfusion de midazolam. Restriction dans l’apport hydro-salin; en cas d’hypotension, préférence à des agents vaso-

constricteurs et inotropes positifs. IPPV selon les besoins, pas d’extubation trop précoce après CEC. Monitorage particulier :

o ETO (variations de l’IM, taille et fonction du VG), o Cathéter artériel pulmonaire (PAP, PAPO, volume systolique antérograde, SvO2), o ScO2 (perfusion périphérique).

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Sténose mitrale La sténose mitrale de l’adulte, dont la prévalence est de 0.1-0.2%, est causée par le rhumatisme articulaire aigu (RAA) dans 77% des cas [235,332]. Les autres étiologies sont rares : maladie calcifiante, endocardite, affection congénitale (valve parachute), substances toxiques (méthysergide), myxome auriculaire [34]. Au cours de la maladie rhumatismale, les remaniements subis par les structures sont tels que la sténose pure est peu fréquente (25% des cas) et qu’elle est le plus souvent accompagnée d’un certain degré d’insuffisance. Bien que la mitrale soit la valve la plus fréquemment touchée, le RAA peut aussi atteindre la valve aortique. Anatomiquement, la sténose mitrale du RAA est caractérisée par une fusion commissurale et un épaississement de la partie distale des deux feuillets; la partie centrale du feuillet antérieur garde en général une certaine souplesse. Des calcifications secondaires sont fréquentes chez les patients les plus âgés. Typiquement, l’appareil sous-valvulaire est aussi touché par la maladie: les cordages sont épaissis, fusionnés et raccourcis. Il arrive que la fibrose et les calcifications envahissent la partie basale du myocarde ventriculaire et y altèrent la cinétique segmentaire. Les femmes sont atteintes trois fois plus fréquemment que les hommes [22]. La silhouette cardiaque de la sténose mitrale pure est typique ; à elle seule, elle résume toute la pathologie (Figure 11.62). Figure 11.62 : Silhouette des chambres cardiaques dans la sténose mitrale. A : le VG est petit et l’OG est dilatée, les feuillets de la valve et l’appareil sous-valvulaires sont épaissis et rétractés. B : la stase d’amont a induit une hypertension pulmonaire postcapillaire qui est responsable d’une dilatation du VD ; une insuffisance tricuspidienne (IT) secondaire est presque toujours présente. Le septum interventriculaire bombe dans le VG (flèche) et en diminue encore le remplissage diastolique. Ce déplacement du septum survient à un moindre degré en l’absence d’hypertension pulmonaire, parce que le remplissage du VG est plus rapide que celui du VD. En cas d’insuffisance mitrale ou aortique associée, le VG conserve une taille plus proche de la norme, voire subit une certaine dilatation.

© Chassot 2011

B

VD

OD OG

VG

OG

VG

A

IT

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 133

L’oreillette gauche est très dilatée: sa paroi est mince, l’appendice auriculaire est distendu ; le septum interauriculaire bombe dans l’OD ; le débit très lent augmente le risque de thrombus.

Le ventricule gauche est petit : de configuration et de fonction le plus souvent normales, la masse myocardique est diminuée ; le volume télédiastolique est bas.

La valve mitrale est épaissie, rétractée, peu mobile, plus ou moins calcifiée ; l’appareil sous-valvulaire est restrictif, certains cordages sont fusionnés.

La taille des cavités droites est fonction du degré d’hypertension pulmonaire : hypertrophie et dilatation du VD, insuffisance tricuspidienne et dilatation de l’OD ; le septum interventriculaire bombe dans le VG en diastole et représente une gêne supplémentaire au remplissage de ce dernier.

L’échocardiographie démontre cette silhouette particulière de petit VG et grande OG. La fusion commissurale immobilise les bords libres de la valve et rétrécit son ouverture (Figure 11.63) ; cette déformation prend l’allure d’un cône plongeant dans le VG (Figure 11.64). Comme la rigidité de la valve l’empêche de se refermer normalement, l’insuffisance est fréquente. En cas d’IM significative, le VG conserve une taille plus normale, ce qui est un avantage fonctionnel. Figure 11.63 : Sténose mitrale (SM) lors de RAA (images ETO). A : vue 4-cavités ; l’OG est gigantesque, le VG est petit ; la fusion commissurale retient les feuillets en diastole et l’ouverture (flèche) est minime. B : fusion commissurale très serrée des deux feuillets. C : le corps du feuillet antérieur, resté souple dans le RAA, bombe dans l’OG en systole. D : le corps du feuillet antérieur bombe dans le VG en diastole (déformation en canne de hockey).

D C

A B

OG

VG

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 134

Figure 11.64 : Images échocardiographiques 3D de sténose mitrale. A : vue depuis l’OG ; l’ouverture est au fond d’un cône à cause de la fusion des commissures (flèche simple), en dessous du plan de l’anneau (double flèche). B : vue depuis le VG ; la valve est déformée en cône, l’ouverture n’est plus qu’une fente. La surface mitrale normale est de 4 à 6 cm2, et son gradient est minime (≤ 4 mmHg). Le rétrécissement est divisé en trois degrés (Tableau 11.11):

Tableau 11.11 Critères de quantification de la sténose mitrale

SM mineure SM modérée SM sévère

Paramètres structuraux Taille de l’OG normale dilatée très dilatée contraste spontané* Taille du VG normale normale/faible petite** Feuillets mitraux peu déformés remaniés/rétrécis restrictifs

fusion commissurale fusion commissurale mobilité minime Appareil sous-valvulaire déformé rétrécis/épaissis restrictif/calcifié Critères spécifiques Gradient moyen < 5 mmHg 6-11 mmHg > 12 mmHg Temps de demi-pression < 150 150 - 210 > 250 Surface 1.6 – 2.0 cm2 1.0 – 1.5 cm2 < 1.0 cm2 < 0.6 cm2/m2 Critères d’appoint Doppler continu trace incomplète ou peu dense trace dense Doppler pulsé E/A normal E > 1.2 m/s, A < E PAP systolique < 30 mmHg 30-50 mmHg > 50 mmHg * Sauf si IM importante ** En l’absence de dysfonction sévère du VG ou d’insuffisance associée Sources: références 23, 318.

AoV

A B A

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 135

Sténose mineure: surface de 1.6 - 2.0 cm2, le patient est asymptomatique. Sténose modérée: surface de 1.0 - 1.5 cm2, gradient moyen de 5-11 mmHg, PAPsyst 30-50

mmHg ; la symptomatologie n’apparaît qu’à l’effort. Sténose sévère: surface < 1.0 cm2 (< 0.6 cm2/m2), gradient moyen ≥ 12 mmHg, PAPsyst > 50

mmHg au repos ; la POG nécessaire à maintenir le débit cardiaque au repos est ≥ 20 mmHg ; en général, la symptomatologie est présente au moinde effort ou au repos.

Une surface mitrale inférieure à 0.4 cm2 n'est pas compatible avec la survie.

Sténose mitrale

Définition des degrés de la sténose mitrale : - sténose mineure surface 1.6 – 2.0 cm2 ΔPmoy < 5 mmHg

- sténose modérée surface 1.0 – 1.5 cm2 ΔPmoy 6-11 mmHg - sténose serrée surface < 1 cm2 (0.6 cm2/m2) ΔPmoy > 12 mmHg Etiologie : essentiellement RAA, caractérisé par : - fusion commissurale, épaississement distal des feuillets, calcifications secondaires, - fusion et restriction de l’appareil sous-valvulaire, - dilatation majeure de l’OG, VG de taille petite ou normale. Physiopathologie Lorsque la surface mitrale diminue, la POG augmente progressivement, ce qui dilate l’oreillette ; cette dilatation permet de freiner l’élévation de pression par augmentation de la compliance auriculaire. La formule de Gorlin utilisée en cathétérisme montre que le débit et le gradient de pression à travers un orifice sont liés de manière géométrique [128,142]: SVM (cm2) = K • DC / √ΔPm où: DC = débit cardiaque (L/min)

ΔPm = gradient de pression moyen (mmHg) K = constante

On en déduit que le gradient de pression transvalvulaire est fonction du carré de la vitesse du flux (ΔP ≈ V2), quelle que soit la surface de la valve. C’est ce que démontre également l’équation de Bernoulli : ΔP = 4 (Vmax)2. Doubler le débit cardiaque quadruple donc le gradient de pression, et augmente d’autant la POG. Une sténose mitrale asymptomatique au repos devient ainsi rapidement limitante à l’effort. L’exercice, le stress, l’hypervolémie, la grossesse ou l’hyperthyroïdisme sont responsables d’une ascension brutale de la POG, qui induit une fuite liquidienne intersticielle pulmonaire, d’où dyspnée aiguë et risque d’œdème pulmonaire. Comme la tachycardie raccourcit la diastole davantage que la systole, l’accélération du rythme cardiaque diminue le temps à disposition pour faire passer le volume de chaque cycle cardiaque à travers la valve mitrale dont le débit est très restreint; le flux doit accélérer, donc le gradient augmente géométriquement. Il s’ensuit une hypertension dans l’oreillette gauche, qui retentit sur les veines pulmonaires et induit une stase pulmonaire. D’autre part, le faible remplissage et la petite taille du VG limitent le volume systolique, qui ne peut guère augmenter lorsque la fréquence ralentit. Le débit cardiaque est ainsi doublement limité par rapport à la fréquence :

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 136

La tachycardie diminue le remplissage diastolique, qui est très lent ; La bradycardie diminue le débit, parce que le volume systolique est fixe.

Le remplissage du VG est moins dépendant de la contraction auriculaire que lors d’un défaut de compliance ventriculaire [213]. C’est l’accélération du rythme ventriculaire global qui décompense l’hémodynamique lors du passage en fibrillation auriculaire. Même s’il est un avantage électrique, le rythme sinusal n’est pas forcément efficace. En effet, l’immense oreillette de la sténose mitrale, dont la paroi dilatée est fine, n’est pas capable de générer une pression susceptible de franchir l’obstacle de la valve. Cette dissociation éléctro-mécanique peut s’objectiver à l’écho Doppler: malgré le rythme sinusal, on ne voit aucun flux A de contraction auriculaire en télédiastole à travers la mitrale. Dans la cavité de l’OG, qui peut atteindre 350 ml, le flux est extrêmement lent. A l’échocardiographie, on voit en général un lent tournoiement de la masse sanguine ressemblant à des volutes de fumée (contraste spontané). Le risque de thrombus mural est élevé, particulièrement dans l’appendice auriculaire (AAG) où la stase est marquée (Figure 11.65) ; l’anticoagulation est recommandée (INR 2-3), car le risque d’embolisation artérielle est élevé. Figure 11.65 : Stase auriculaire gauche dans la sténose mitrale. A : contraste spontané dans l’appendice auriculaire gauche (état préthrombotique). B : présence d’un thrombus dans l’appendice auriculaire gauche. C : flux Doppler pulsé dans l’appendice auriculaire gauche ; à gauche, le flux normal consiste en un aller-retour rapide pendant la contraction et la relaxation auricuaire (Vmax 0.5 m/s) ; en fibrillation auriculaire (à droite), le flux est anarchique et de basse vélocité (Vmax 0.1-0.2 m/s). D : exemple de flux en cas de FA enregistré dans le corps de l’appendice auriculaire gauche (même cas que la Figure B).

A

D

© Chassot 2011

C

B

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 137

Le VG est en général de petites dimensions en cas de sténose mitrale pure, mais sa fonction systolique est conservée ; la FE est normale dans 75% des patients [52]. La masse ventriculaire est normale ou réduite. Des altérations de la cinétique segmentaire apparaissent fréquemment à la base du VG, parce que la rigidité de la valve mitrale empêche une contraction normale des segments sous-jacents [242]. La fonction peut être réduite par une myocardite d’accompagnement propre au RAA, qui est présente dans 20% des cas. L’hypertension pulmonaire (HTAP) est habituelle dans la sténose mitrale parce que la pression moyenne de l’OG reste élevée pendant tout le cycle cardiaque, alors qu’elle n’est élevée que pendant la systole en cas d’IM. Cette élévation chronique de la POG retentit sur les veines pulmonaires et induit une hypertension veineuse pulmonaire par stase (hypertension postcapillaire). L’accumulation de liquide interstitiel altère les échanges gazeux, ce qui occasionne une dyspnée. Le travail ventilatoire est augmenté. Ultérieurement se développe une augmentation réactionnelle des RAP, qui devient fixée à long terme (hypertension précapillaire). C’est elle qui est la principale responsable de l’accroissement de postcharge pour le VD, car elle est hors de proportion par rapport à la pression auriculaire gauche [270]. Elle représente un phénomène adaptatif qui restreint le débit vers le cœur gauche, diminue l’accumulation de sang dans l’OG et limite le risque d’œdème pulmonaire [23]. Il s’ensuit une cascade de dysfonctionnements à droite: hypertrophie et dilatation du VD, insuffisance tricuspidienne, dilatation de l’OD, et stase veineuse systémique (voir Figure 11.62). Lorsque la PAP systolique dépasse 50 mmHg au repos (PAPmoy ≥ 35 mmHg), les limites fonctionnelles du VD ne permettent plus l’effort, car la PAP augmente alors de manière disproportionnelle. D’une manière générale, la sténose mitrale est caractérisée par une dysfonction du VD mais par une fonction préservée du VG. Malgré une fonction contractile conservée, le ventricule gauche ne peut guère modifier son débit car son remplissage est limité. Il fonctionne à volume diastolique bas et fixe, et se trouve dans l’impossibilité d’augmenter sa fréquence : s’il accélère, le remplissage diastolique devient insuffisant. Il ne dispose d’aucune réserve de précharge pour modifier sa position sur la courbe de Starling et améliorer sa performance systolique à l’effort : le volume systolique reste lui aussi bas et fixe. Le VG ne peut pas non plus compenser une vasodilatation artérielle ou une hypovolémie par une tachycardie. La boucle P/V (Figure 11.66) illustre la situation hémodynamique typique: pressions intraventriculaires normales, volume systolique limité (< 50 mL), fraction d'éjection normale (FE 0.5 - 0.6) ; le travail d’éjection est réduit, mais le travail de pression est normal. Le volume systolique est limité par le débit à travers la sténose et par la durée de la systole. La pression artérielle systémique, qui correspond au produit du débit cardiaque et des résistances artérielles systémiques (PA = DC x RAS), dépend essentiellement des RAS, qui doivent rester élevées.

Caractéristiques hémodynamiques de la sténose mitrale

Défaut de remplissage du VG : volume systolique fixe et bas Remplissage diastolique du VG ralenti : intolérance à la tachycardie

Intolérance à l’hypovolémie Augmentation massive de la POG à l’effort (tachycardie) ou à l’hypervolémie

Dilatation de l’OG : risque de FA et de thrombus Fonction systolique du VG conservée

Stase et hypertension pulmonaire : HTAP veineuse (postcapillaire) et artérielle (précapillaire) Surcharge de pression du VD : dilatation, HVD, dysfonction, insuffisance tricuspidienne

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 138

Figure 11.66 : Boucle pression-volume en cas de sténose mitrale. La restriction au remplissage ventriculaire conduit à un tout petit volume ventriculaire placé sur des valeurs d’Emax et de compliance encore normales. Cela n’est cependant pas toujours le cas : lors de myocardite rhumatismale, par exemple, le VG est dysfonctionnel, la pente Emax est diminuée et la courbe de compliance est redressée. Le volume systolique (VS) et le travail éjectionnel sont réduits, mais le travail de pression est normal. Manifestations cliniques La sténose est une maladie d’évolution très lente. Les symptômes se manifestent 20 à 40 ans après l’atteinte initiale du RAA, et il faut encore une dizaine d’années pour qu’ils deviennent gênants. Ils se manifestent sous forme de dyspnée, apparue souvent de manière brusque à l’occasion d’un effort, d’une grossesse, ou de toute condition nécessitant une augmentation du débit et/ou de la fréquence cardiaques, telles la thyréotoxicose, l’anémie ou le passage en FA. Par la suite, la fatigabilité, l’orthopnée et l’hémoptysie traduisent le bas débit et la stase gauche. Ces manifestations de l’insuffisance gauche sont progressivement complétées par celles d’une stase droite (oedèmes périphériques, ascite) au fur et à mesure que l’hypertension pulmonaire induit une dilatation droite et une insuffisance tricuspidienne secondaire. La présentation est alors typique: faciès mitral, extrémités oedèmatiées, froides et cyanosées, jugulaires dilatées et pulsatiles, ascite, pouls artériel pincé et irrégulier. La dilatation et la fibrillation auriculaires peuvent survenir chez des malades par ailleurs asymptomatiques et occasionner des thrombo-embolies dans 14% des cas [266]. Sans traitement, la survie à 10 ans est de > 80% en l’absence de symptômes, et de 50-60% chez les patients symptomatiques. Mais lorsque l’effort n’est plus possible (classe NYHA III-IV), elle n’est plus que de 0-15% [23,287]. Dans le tiers-monde, les conditions économiques et sociales accélèrent l’évolution de la maladie. Dans les pays industrialisés, la maladie n’atteint que rarement des degrés extrêmes; par contre l’incidence de coronaropathie est significative, puisque 23% des patients présentent une ischémie plus ou moins silencieuse [208]. Cette donnée pose le problème de la coronarographie au cours des investigations préopératoires. La tendance actuelle est d’être d’autant plus invasif que l’association d’une

Emax

Compliance

V0

Pression

Volume

Boucle PV normale

Sténose mitrale

VS

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 139

coronaropathie aggrave considérablement le pronostic de la maladie mitrale. Cependant, la combinaison de revascularisation coronarienne et d’un remplacement mitral (RVM) a une mortalité significativement plus élevée que celle du RVM seul : 7-12% au lieu de 3-5% [109,124]. A l’auscultation, B1 est accentué, suivi d’un claquement d’ouverture de la mitrale et d’un roulement diastolique avec un crescendo présystolique (Figure 11.67) [34]. L’ECG montre un axe vertical, des ondes P larges et bifides en I et II (> 0.12 sec), biphasiques en V1 et V2, des signes d’hypertrophie ventriculaire droite en cas d’hypertension pulmonaire, et une fibrillation auriculaire dans 40% des cas. La radiographie du thorax met en évidence la dilatation parfois gigantesque de l’OG. Il n’y a aucun traitement curatif en-dehors d’une levée mécanique de l’obstruction au flux mitral. Le traitement médical se résume à trois éléments [23,159,318].

Ralentissement du rythme (β-bloqueur, anti-calcique) et diminution de la stase pulmonaire (restriction hydro-saline, diurétique, dérivés nitrés) ;

Traitement de la FA : cardioversion électrique, amiodarone, ralentissement de la réponse ventriculaire (β-bloqueur, digoxine) ;

Anticoagulation (INR 2-3) en cas de FA, d’anamnèse d’AVC, de thrombus auriculaire ou de dilatation de l’OG avec fort constraste spontané.

Clinique de la sténose mitrale

Longue évolution asymptomatique depuis l’atteinte du RAA (20-40 ans), mais survie très limitée dès que les symptômes apparaissent : dyspnée, fatigabilité, arythmie (FA). Les manifestations apparaissent souvent à l’occasion d’une augmentation du débit cardiaque : sport, grossesse, thyréotoxicose, etc. Traitement médical (non curatif) : - ralentissement du rythme ventriculaire et diminution de la stase, - traitement de la FA, - anticoagulation en cas de FA, d’AVC ou de risque thrombo-embolique.

B1 B2 B1

Figure 11.67 : Souffle de sténose mitrale: roulement decrescendo à renforcement présystolique, éclat de B1 à l'apex, claquement d'ouverture après B2.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 140

Examens hémodynamiques Echocardiographie L’échocardiographie transthoracique établit le diagnostic et fourni la plupart des renseignements nécessaires à l’intervention, mais la voie transoesophagienne (ETO) apporte incontestablement une meilleure définition des lésions et de l’hémodynamique mitrale. Cet examen va fournir les données les plus importantes (voir Figure 11.72) [216].

Images bidimensionnelles classiques: o Dilatation de l’OG, présence de contraste spontané (bas débit) et de thrombus dans

l’AAG ou dans le corps de l’OG (plus rare) ; o Dimension réduite du VG, fonction conservée ; o Fusion commissurale de la valve mitrale, mouvements limités des feuillets,

épaississement et rétraction de l’appareil sous-valvulaire ; mesure planimétrique de la surface d’ouverture ;

o Dilatation et dysfonction du VD, HVD, taille de l’OD, insuffisance tricuspidienne. Images Doppler couleur: accélération du flux diastolique à travers la valve mitrale (Figure

11.68) : zone d’accélération concentrique du côté auriculaire (PISA : proximal isovelocity surface area), flux rapide à travers la valve (Vmax 1.5 – 2.5 m/s), turbulences côté ventriculaire.

Présence d’une éventuelle IM associée ; Recherche d’une maladie aortique (atteinte rhumatismale polyvalvulaire) et d’une insuffisance

tricuspidienne (en général due à la surcharge droite et à l’hypertension pulmonaire). Gradient de pression Comme la valve est située en face du transducteur ETO, l’axe du Doppler est bien aligné avec le flux mitral et permet de calculer de manière précise les gradients de pression transvalvulaires en diastole (Figure 11.69).

La vélocité maximale du flux (Vmax) permet de calculer le gradient maximal par l’équation de Bernouilli simplifiée ΔP = 4 (Vmax)2 ; il est ≥ 20 mmHg dans la sténose serrée.

Le dessin du pourtour du flux mitral au Doppler spectral permet de calculer le gradient moyen (ΔPmoy), qui est la moyenne des gradients instantanés enregistrés pendant la durée du flux ; il

OG

VG

α

Zone de convergence auriculaire

Zone de turbulence α

Figure 11.68 : Flux Doppler couleur dans la sténose mitrale. On voit une zone d’accélération concentrique diastolique sur le versant auriculaire de la valve et un flux tourbillonnaire entre les feuillets. Le cône formé par les feuillets fusionnés est défini par son angle α. La zone d’accélération concentrique, ou zone de convergence auriculaire, est appelée PISA (proximal isovelocity surface area).

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 141

est ≥ 12 mmHg dans la sténose serrée. Comme il est moins dépendant des conditions hémodynamiques que le ΔPmax, le ΔPmoy est un critère plus fiable du degré de sténose.

Comme la surface valvulaire ne se modifie pas, une augmentation du débit cardiaque (effort physique, grossesse) ou du volume diastolique (hypervolémie, transfusions, IM associée) accroît le gradient de pression de manière géométrique. Figure 11.69 : Illustration du flux mitral à l’échocardiographie Doppler transoesophagienne. A : flux normal. L’onde E correspond au flux protodiastolique passif, l’onde A au flux de la contraction auriculaire. B : flux en cas de sténose mitrale. La vélocité maximale du flux (Vmax) est élevée, mais la pente de décélération du flux est très faible parce que la vidange de l’oreillette dans le ventricule est très lente ; le gradient de pression se modifie lentement et reste élevé tout au long de la diastole. La valeur de la pente de décélération du flux E permet de calculer la surface mitrale puisqu’elle est d’autant plus faible que la surface est rétrécie. En fibrillation auriculaire, l’onde A disparaît. Surface d’ouverture La surface d’ouverture de la valve mitrale en diastole peut se mesurer par la pente de décélération du flux E, par l’équation de continuité ou par planimétrie (voir Chapitre 26 Quantification de la SM). Comme le débit à travers la valve mitrale est très lent, la POG reste élevée pendant la diastole, et le gradient de pression entre l’OG et le VG diminue très lentement. De ce fait, la décélération du flux

Vmax

E

E

A

E A

A

E

B

A

Pente de décélération

Flux normal Sténose mitrale

© Chassot 2011

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 142

mitral passif (flux E) est très progressive; sa pente est inversement proportionnelle à la surface d’ouverture de la valve. Cette pente permet de calculer le temps de demi-pression (Pt1/2, ou pressure half-time PHT), qui est le temps nécessaire à la pression pour diminuer de moitié (Dt), ou à la Vmax pour diminuer à une vélocité égale au pic de vélocité divisé par √2 (= 1.4), soit à 0.71 Vmax. En effet, puisque P est proportionnel à V2, le Pt1/2 est égal à 0.29 Dt (Figure 11.70). Dans une sténose mitrale, un Pt1/2 de 220 ms correspond à une surface d’ouverture de 1 cm2 ; une valeur plus élevée correspond à une surface < 1 cm2. La surface d’une sténose mitrale (Sm) est égale à 220 divisé par le Pt1/2 mesuré : Sm = 220 / Pt1/2 (cm2). Le résultat n’est pas valide en cas d’insuffisance aortique à cause du remplissage simultané du VG par l’IA. Figure 11.70 : Quantification de la sténose mitrale. A : flux mitral diastolique au Doppler continu chez un malade en FA (absence du flux A de la contraction auriculaire) ; la Vmax est 2 m/s ; la pente de décélération du flux E est très ralentie, car le ΔP entre l’OG et le VG diminue très progressivement à cause de l’étroitesse de l’orifice mitral. B : calcul du temps de demi-pression (Pt1/2) de la pente de décélération du flux E ; c’est le temps requis pour que la pression diminue de moitié, ou pour que la Vmax baisse d’un facteur de 0.7 (la pression est fonction du carré de la vélocité). La planimétrie présente l’avantage de ne pas dépendre de l’hémodynamique comme le Pt1/2. Elle est toutefois difficile en imagerie bidimensionnelle (Figure 11.71).

Vue court-axe basal transgastrique 0-30° : cette vue n’est pas réalisable chez tous les malades ; de plus, elle est inutilisable si la valve est très clacifiée. Comme la valve a une forme conique, il n’est jamais sûr que la coupe bidimensionnelle mesure effectivement l’endroit le plus étroit ; elle peut se trouver au milieu du cône et surestimer la dimension de la valve.

Reconstruction tridimensionnelle (full volume) : l’imagerie 3D évite ce piège puisqu’elle reconstruit l’ensemble des feuillets et permet de faire la mesure à l’endroit exact qui est le plus étroit. La reconstruction 3D est actuellement considérée comme la mesure-étalon de la surface d’ouverture de la valve lors de sténose mitrale.

Les caractéristiques de la sténose mitrale serrée sont synthétisées dans le schéma illustré à la Figure 11.72. Il est important de fonder le diagnostic sur un faisceau de preuves concordantes et non sur une seule donnée isolée.

0.7 Vmax

Vmax

Pente de décélération

Pt1/2

B 100

0

100

200

A

E

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 143

Figure 11.71 : Planimétrie de la surface d’ouverture d’une sténose mitrale serrée. A : en vue bidimensionnelle court-axe transgastrique 0° ; la surface mesurée est de 0.976 cm2. B : en vue tridimensionnelle depuis le ventricule gauche. Comme la valve a une forme conique, il n’est jamais sûr que la coupe bidimensionnelle mesure effectivement l’endroit le plus étroit ; elle peut se trouver au milieu du cône et surestimer la dimension de la valve. L’imagerie 3D évite ce piège puisqu’elle reconstruit l’ensemble des feuillets et permet de faire la mesure à l’endroit exact qui est le plus étroit. La reconstruction 3D est actuellement considérée comme la mesure étalon de la surface d’ouverture de la valve lors de sténose mitrale. Cathétérisme Le cathétérisme n’est indiqué que si les conclusions de l’échocardiographie sont douteuses ou que ses résultats sont discordants [23]. Il est inutile si l’échocardiographie est claire et concordante avec la symptomatologie clinique. L’angiographie coronarienne est indiquée si l’on suspecte une maladie coronarienne ; elle est recommandée au-delà de 45 ans chez l’homme et de 50 ans chez la femme lorsqu’on envisage une intervention en CEC [22,34]. Le cathétérisme droit peut être nécessaire en présence de BPCO sévère ou d’hypertension pulmonaire.

Echocardiographie en cas de sténose mitrale sévère Silhouette bidimensionnelle caractéristique :

- immense OG avec contraste spontané, petit VG, - appendice auriculaire gauche (AAG) dilaté, abritant fréquemment un thrombus en cas de FA, - feuillets mitraux déformés et restrictifs avec fusion commissurale, - appareils sous-valvulaire restrictif, épaissi et raccourci.

Au Doppler couleur : - zone d’accélération concentrique côté auriculaire (PISA) en diastole, - flux transmitral accéléré (Vmax 2 m/s), - zone tourbillonnaire intraventriculaire,

Gradient moyen élevé (≥ 12 mmHg), Temps de demi-pression (Pt1/2) > 250 ms.

A B

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 144

Figure 11.72 : Résumé schématique des caractéristiques échocardiographiques de la sténose mitrale sévère. La silhouette est caractéristique : immense OG avec contraste spontané, appendice auriculaire gauche (AAG) dilaté, abritant fréquemment un thrombus en cas de FA, petit VG, feuillets mitraux déformés et restrictifs avec fusion commissurale, appareils sous-valvulaire restrictif, épaissi et raccourci. Au Doppler, zone d’accélération concentrique côté auriculaire (PISA) en diastole, flux transmitral accéléré (Vmax 2 m/s) et zone tourbillonnaire intraventriculaire, gradient moyen élevé (≥ 12 mmHg), temps de demi-pression (Pt1/2) > 250 ms. Indications et résultats opératoires Trois techniques sont possibles pour lever la sténose: valvuloplastie percutanée, commissurotomie chirurgicale, ou remplacement valvulaire par une prothèse. Commissurotomie Si l’anatomie la permet, la commissurotomie percutanée est l'opération de premier choix. Les indications reconnues sont les situations suivantes [23,318].

Patient symptomatique (classe NYHA II, III et IV) avec une sténose modérée (1.0-1.5 cm2) ou sévère (< 1 cm2) ;

Patients asymptomatique avec une sténose modérée ou sévère et une hypertension pulmonaire (PAPsyst > 50 mmHg au repos ou > 60 mmHg à l’effort) ;

Morphologie favorable : feuillets souples, pas de calcifications aux commissures ni sur le corps des feuillets, pas de fusion de cordages, appareil sous-valvulaire minimalement restrictif ;

OG + contraste spontané PISA

Flux accéléré + turbulences

Fusion commissurale

ΔPm

Pt1/2

Vmax (ΔPmax)

VG

Restriction sous-valvulaire

AAG dilaté + thrombus

© Chassot 2011

OG très dilatée

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 145

Absence d’IM, ou IM mineure (IM modérée-à-sévère : contre-indication) ; Absence de thrombus auriculaire.

L’indication est posée en fonction d’un score (score de Wilkins ou de Cormier) basé sur l’épaisseur des feuillets, leur mobilité, le degré de calcification, l’état de l’appareil sous-valvulaire et la présence d’une IM [328]. L’intervention se pratique par cathétérisme avec contrôle radiologique et échocardiographique transoesophagien. Un cathéter muni d’un ballon est introduit dans les cavités gauches par voie transseptale; un ballon en forme de sablier ou, plus récemment, de verre de montre (ballon d’Inoue) est placé à cheval sur la mitrale, qu’il déchire au moment où il se gonfle. Pour une mortalité de 0.5-2%, le gradient est abaissé en moyenne de 10-12 mmHg et la surface utile est doublée : elle passe de 1 à 2 cm2 [250]. Le taux de succès immédiat est de 85-98% (S > 1.5 cm2, POG < 18 mmHg) [55]. Le taux d’insuffisance mitrale résiduelle est de 2-10%. Le taux de resténose est de 15% à 5 ans et de 25% à 10 ans [55,249]. Les complications (3%) sont l’embolisation artérielle, la CIA résiduelle, la perforation cardiaque et la régurgitation aiguë [40]. Par contre, le taux d’échec est prohibitif lorsque la valve est très calcifiée, l’appareil sous-valvulaire très restrictif ou en présence d’une insuffisance significative (IM ≥ II). Dans les centres peu expérimentés avec la technique de commissurotomie percutanée, il est préférable de procéder à une commissurotomie chirurgicale par thoracotomie gauche en CEC. La valve mitrale est décalcifiée sous contrôle de la vue, les commissures sont incisées, et les cordages fusionnées sont séparés ; un complément de plastie est possible en cas de régurgitation. L’appendice auriculaire gauche est réséqué ou ligaturé, et d’éventuels thrombi auriculaires sont enlevés. La mortalité opératoire est de 1-3% [93], et la survie à 15 ans sans complications de 90% [4,140]. Ces interventions retardent de plusieurs années la mise en place d'une prothèse chez les jeunes adultes et évitent l'anticoagulation, mais elles restent des opérations strictement palliatives, car la pathologie subsiste et le flux n’est pas normalisé. Elles sont réservées aux valves peu calcifiées et sans insuffisance. Remplacement valvulaire (RVM) Si la valve et l'appareil sous-valvulaire sont calcifiés ou déformés, s’il existe un thrombus auriculaire ou si le patient souffre d'une composante de régurgitation significative, la mise en place d'une prothèse s'impose [23]. Le RVM chirurgical est également indiqué chez les patient nécessitant simultanément des pontages aorto-coronariens ou le remplacement d’une autre valve. Le remplacement valvulaire chirurgical permet en outre de réduire le volume de l’OG, de réséquer ou ligaturer l’appendice auriculaire, et de réaliser éventuellement une opération de Maze pour réduire la fibrillation auriculaire. Dans le RVM pour sténose, il est plus difficile, voir impossible, de conserver l’appareil sous-valvulaire pour assurer le squelette interne du VG et freiner la dysfonction à long terme comme on le fait dans le RVM pour insufffisance. En position mitrale, la préférence va aux prothèses mécaniques, parce qu’elles ont moins de gradient que les bioprothèses pour le même diamètre et parce qu’elles dégagent mieux la chambre de chasse. D’autre part, le taux d’attrition des bioprothèses est plus élevé en position mitrale qu’en position aortique. La mortalité opératoire est de 3-5% chez l’adulte sans hypertension pulmonaire, mais s’élève jusqu’à 10-20% chez la personne âgée ou en cas d’HTAP [18]. La survie est de 80 % à 5 ans [170]. Après RVM, l'anticoagulation est nécessaire à vie pour les valves mécaniques, mais pour 3 mois avec les valves biologiques. Indications opératoires Sans intervention, la survie à 5 ans et à 10 ans est respectivement de 40% et de 10% avec une sténose mitrale symptomatique [153,287]. L’indication doit être posée avant que la symptomatologie ne soit

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 146

sévère, ou dès que la surface est égale ou inférieure à 1 cm2/m2, et, si possible, pendant que le patient est encore en rythme sinusal. Les indications à la correction mitrale [23,24,159,318].

Patient symptomatique avec une sténose modérée (S = 1.0-1.5 cm2) ou sévère (S < 1.0 cm2) ; Patient symptomatique avec une sténose modérée ou sévère qui développe une hypertension

pulmonaire à l’effort (PAPsyst > 60 mmHg, PAPmoy > 35 mmHg) ; Patient asymptomatique avec une sténose modérée ou sévère qui présente une situation à haut

risque thrombo-embolique : anamnèse d’AVC, dilatation auriculaire gauche (diamètre > 5.0 cm) avec fort contraste spontané, FA paroxystique récente ;

Patient asymptomatique avec une sténose sévère qui désire une grossesse ou qui doit subir une intervention chirurgicale élective majeure.

Chez les patients dont le status est favorable, la commissurotomie percutanée est proposée comme premier choix. Il n’existe pas de preuve que la commissurotonie ou le RVM soit bénéfique pour les patients non symptomatiques porteurs de sténose modérée et ne présentant pas de facteurs de risque.

Indications opératoires de la sténose mitrale

Indications opératoires en cas de sténose sévère (S < 0.6 cm2/m2) : - patient symptomatique, - hypertension pulmonaire à l’effort (PAPsyst > 60 mmHg), - patient asymptomatique si risque thrombo-embolique élevé, - patients asymptomatique si grossesse désirée ou opération majeure élective. Conditions pour une commissurotomie percutanée (mortalité 0.5 – 2%) : - feuillets souples, pas de calcifications, pas de fusion ni de restriction des cordages, - absence d’IM (ou IM mineure), - absence de thrombus auriculaire. Indications au RVM (mortalité 3-5%, jusqu’à 10-20% si haut risque) : - commissurotomie non réalisable, - opération de Maze simultanée (réduction de la FA), - PAC ou autre intervention valvulaire simultanée. Principes pour l’anesthésie Que ce soit pour un RVM ou pour de la chirurgie non-cardiaque, la prise en charge d’un patient porteur d’une sténose mitrale serrée est un défi pour l’anesthésiste, car la situation est quasi bloquée. La sténose mitrale est la valvulopathie qui impose les contraintes maximales, parce qu’elle limite le remplissage du VG sans qu’il soit possible de le modifier. En effet, le seul moyen d’augmenter le flux à travers une sténose est d’augmenter la pression d’amont. Ceci est réalisable dans la sténose aortique grâce à une hypertrophie du VG, mais est impossible dans la sténose mitrale car augmenter la POG conduit à l’oedème pulmonaire. L’équilibre n’est concevable qu’en maintenant le débit cardiaque (DC) au minimum compatible avec les besoins métaboliques normaux, car plus le débit et le volume sont élevés, plus le gradient transmitral augmente, et la stase pulmonaire avec lui.

Précharge: elle est obligatoirement élevée pour assurer un gradient suffisant à travers la valve mitrale, mais le lit vasculaire pulmonaire est peu compliant et déjà surchargé chroniquement. En cas d’hypervolémie ou de retour veineux augmenté (position de Trendelenburg), le risque est un

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 147

OAP floride. L’hypovolémie est très mal tolérée car le débit transmitral baisse en relation géométrique avec la chute de la POG et ne peut pas être compensé par la tachycardie.

Postcharge: les RAS doivent être maintenues élevées pour compenser le petit volume systolique ; la fonction éjectionnelle du VG, en général bien conservée, supporte cette augmentation de postcharge. Eviter toute vasodilatation artérielle. Un vasoconstriceur alpha est le meilleur moyen de maintenir la pression systémique en peropératoire.

Contractilité: la fonction du VG est conservée, mais ce dernier ne dispose d’aucune réserve de précharge; le volume systolique est bas et fixe. Les béta-catécholamines ne sont utilisées qu’en rapport avec une baisse excessive du DC (baisse de la SvO2), car elles ne sont pas bénéfiques au VG pour deux raisons : 1) la tachycardie diminue le remplissage du VG, et 2) l’augmentation du DC élève le gradient mitral et la POG. Le VD est dilaté et hypertrophié en fonction du degré d’hypertension pulmonaire; il est insuffisant en cas d’HTAP sévère ; c’est le VD qui bénéficie le plus de la stimulation inotrope.

Fréquence: elle doit impérativement rester basse pour permettre le remplissage ventriculaire qui est très lent; la tachycardie implique d'augmenter le flux transmitral pour maintenir le débit systolique, ce qui conduit à une augmentation géométrique de la POG et à une stase pulmonaire. Si un pacing est nécessaire, prévoir un intervalle P-Q long (0.15-0.20 sec).

Pression artérielle pulmonaire : l’hypertension pulmonaire est précapillaire (vasoconstriction artérielle) et postcapillaire (hypertension veineuse). Le risque de vasoconstriction artérielle est accru en cas d'hypoxie, d'hypercarbie, d'acidose ou de N2O ; une hyperventilation normobarique (PetCO2 30 mmHg) est souhaitable, en évitant les hautes pressions de ventilation pour ne pas augmenter la postcharge du VD. Les vasodilatateurs pulmonaires sont indiqués en fonction d’une défaillance du VD.

Ventilation en pression positive : elle est très bénéfique pour le débit gauche dans la mesure où le retour veineux au coeur droit reste bien assuré et où le VD n’est pas défaillant. Comprimant les poumons comme une éponge, la ventilation en pression positive augmente le retour à l’OG, diminue la pression transmurale de l’oreillette et améliore le flux transmitral en diminuant la stase (Figure 11.73). Les effets de l’IPPV sont transmis par le biais de la pression moyenne intrathoracique.

Hémodynamique recherchée dans la sténose mitrale

Précharge normale et stable Vasoconstriction systémique

Fréquence cardiaque lente Vasodilatation pulmonaire (+ soutien inotrope du VD)

Ventilation en pression positive bénéfique

Normovolémique – Lent - Fermé Technique d’anesthésie pour la chirurgie mitrale en cas de SM

La prémédication doit rester légère pour éviter le risque d’hypoventilation et d’hypercapnie en cas d’hypertension pulmonaire (HTAP). Si un anticholinergique est nécessaire, il faut éviter l’atropine, trop tachycardisante.

L’induction doit être lente et modifier aussi peu que possible les conditions de base : o Etomidate : seul agent dépourvu d’effets hémodynamiques ; o Midazolam : la baisse du tonus sympathique central entraîne une légère baisse du

DC ;

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 148

o Propofol : il baisse la précharge et le flux mitral antérograde ; possible seulement à dosage réduit chez des malades stables ;

o Fentanils : bénéfiques (bradycardie) ; o Thiopental, kétamine : exclus à cause de leur tachycardie. o Eviter une poussée tachycardisante à l’intubation avec une anesthésie topique du

larynx et de la trachée. Maintien de l’anesthésie : éviter la baisse des RAS et l’augmentation des RAP, limiter l’apport

hydro-salin. o Sevoflurane : agent de choix ; o Perfusion de propofol ou de midazolam : adapter les dosages pour que

l’hémodynamique reste stable ; o Isoflurane : déconseillé (↓ RAS et tachycardie) ; o Desflurane : déconseillé (↑ fréquence et ↑ RAP) ; o IPPV + PEEP bénéfiques ; l’hyperventilation diminue les RAP ; o Hypotension systémique : ↑ RAS avec un vasopresseur alpha (phényléphrine, nor-

adrénaline), éviter la surcharge liquidienne. Toute tachycardie est à proscrire :

o Le thiopental, la kétamine et le pancuronium sont contre-indiqués ; o Pas d’éphédrine ; en cas d’hypotension : phényléphrine, nor-adrénaline ; o Pas d’atropine en cas de bradycardie excessive (réponse imprévisible) ; o Pas de phentolamine en cas de poussée hypertensive ; préférer la nitroglycérine ; o Après RVM, la tachycardie n’est plus dangereuse.

Gérer l’hypertension pulmonaire : hypocapnie, alcalose, prostacycline, NO•. Eviter : kétamine, desflurane, N2O, stress, douleur, acidose, hypoxémie, hypercapnie.

Eviter l’hypervolémie ; le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz est indispensable pour gérer l’administration liquidienne (surveillance constante de la PAPO).

Maintenir la contractilité si nécessaire (la détérioration de la fonction systolique peut être masquée par la faible précharge) ; en post-CEC, la tachycardie n’est plus à craindre.

o Préférence à la dobutamine ; dopamine adéquate si dosage < 5 mcg/kg/min ; o Milrinone (± adrénaline) si HTAP.

Monitorage ETO : o Degré de calcification, état de l’appareil sous-valvulaire (mal visible par le

chirurgien), présence de thrombus dans l’OG (AAG) ; o Taille et fonction du VG, fonction du VD, signes d’HTAP ; o Evaluation de la volémie ; o Post-CEC : résultat de la commissurotomie, fonctionnement de la prothèse, fuite

paravalvulaire, adaptation du VG aux nouvelles conditions de précharge. Cathéter artériel pulmonaire : utile dans tous les cas.

o Mesure de la PAP (HTAP) ; o PAPO : ajustement des perfusions ; elle traduit la pression capillaire pulmonaire et

la POG mais non la pression télédiastolique du VG ; o Mesure du VS, du DC et de la SvO2 (adéquation du DC aux besoins métaboliques) ;

ScO2 : évaluation de la perfusion périphérique. Commissurotomie percutanée L'intervention se déroule le plus souvent en salle de cathétérisme ou en salle hybride. Le confort du patient est meilleur sous anesthésie générale pour deux raisons:

Instabilité hémodynamique et risque de réanimation, Présence de la sonde d'échocardiographie transoesophagienne.

Hormis l'intubation et la sonde d'ETO, la stimulation est peu importante; la durée est de 1-2 heures. Pendant la dilatation proprement dite, le ballon gonflé dans la lumière mitrale obstrue le flux: le débit

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 149

cardiaque est momantanément nul. L'extubation a lieu en fin d'intervention. Les contraintes hémodynamiques sont les mêmes que celles de l'intervention chirurgicale. Figure 11.73 : Interactions cardio-respiratoires de la ventilation en pression positive (IPPV) en cas de valvulopathie mitrale. Représentation schématique des effets de l’augmentation de la pression intrathoracique (Pit) par l’inspirium de l’IPPV et la PEEP. L’élévation de la Pit et de la pression intrapulmonaire (flèches violettes) augmente la postcharge du VD, le remplissage de l’OG et la précharge du VG, comprime les cavités cardiaques, freine le retour veineux de la veine cave inférieure (VCI) et facilite l’éjection du VG puisque sa postcharge ne se modifie pas (elle est à l’extérieur de la cage thoracique). Tant que le débit du cœur droit est compensé, la situation est améliorée par rapport à la ventilation spontanée parce que le flux antérograde à travers la valve mitrale est facilité et la stase pulmonaire diminuée. CEC et post-CEC La surface habituelle des valves prosthétiques est de 1.5 – 2.6 cm2 et leur gradient moyen de 2-6 mmHg. La mesure du flux par ETO peropératoire peut afficher des gradients momentanément élevés après la CEC, parce que le débit cardiaque est trop élevé (effet inotrope excessif) ou parce que la retransfusion du volume de CEC est trop rapide. Le changement de valve rétablit un remplissage diastolique normal du ventricule gauche, qui est petit ; cela représente un volume télédiastolique élevé pour lui. Au sortir de CEC, il présente donc une insuffisance fonctionnelle de type congestif (Figure 11.74). Un support inotrope est souvent nécessaire. La tachycardie est maintenant bénéfique, car elle permet de diminuer le Vtd par le raccourcissement de la diastole. Si la fonction du VG est satisfaisante, l’hypotension est traitée par un vasopresseur alpha.

OD

VG

OG

VD

VCI

VCS

Patm

Pit +

Ao

V⇑

P pulm +

Inspirium IPPV

P⇑

© Chassot 2011

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 150

Le rythme sinusal est avantageux pendant les premières heures et doit être maintenu autant que possible, même chez les patients qui étaient en FA en préopératoire; ceux-ci repassent le plus souvent en FA dans les 48 heures postopératoires. Une ablation chirurgicale des circuits de réentrée par voie endo-auriculaire (opération de Maze) permet de rétablir un rythme sinusal ; associée à une plastie de réduction de l’OG, elle a un taux de succès de 80% dans le postopératoire [229]. Même si l’hémodynamique est améliorée par un rythme auriculaire stable, le rétablissement du rythme sinusal ne signifie pas forcément que la contraction auriculaire soit mécaniquement performante et contribue significativement au remplissage du ventricule ; à l’échocardiographie, on ne voit souvent pas de flux A correspondant à la propulsion télédiastolique par l’oreillette. Les résistances et les pressions pulmonaires diminuent pendant les premières 24-48 heures parce que la composante postcapillaire est supprimée; toutefois, la PAP ne se normalise pas dans le postopératoire, parce que la composante précapillaire ne se réduit que lentement. Une non-réponse de l'hémodynamique pulmonaire indique une HTAP fixe et irréversible, de mauvais pronostic; elle est prévisible par la réponse à un test au NO• lors du cathétérisme préopératoire. Si nécessaire, une vasodilatation pulmonaire active doit être instituée (voir Tableau 12.5 et Tableau 12.10).

Chirurgie de la sténose mitrale : post-CEC

La levée de l’obstacle mitral provoque une surcharge relative de volume pour le VG, qui est de petite dimension. La composante postcapillaire de l’hypertension pulmonaire diminue, mais la composante précapillaire persiste dans le postopératoire. Prise en charge : - restriction du remplissage,

- soutien inotrope (dobutamine), tachycardie bénéfique, - vasodilatation pulmonaire et traitement de l’insuffisance droite selon besoins.

Emax

V0

Pression

Volume

E’max

SM

PostRVM

© Chassot 2011 VS

Figure 11.74 : Boucle pression/volume lors de sténose mitrale avant (SM, en rouge) et après CEC (vert et jaune, post RVM). Le volume systolique est augmenté mais déplacé vers la partie redressée de la courbe de compliance, donc vers des pressions de remplissage élevées ; un Vtd normal est l’équivalent d’une surcharge de volume pour un VG de sténose mitrale.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 151

Maladie mitrale Il n’est pas rare que la sténose mitrale soit accompagnée d’un certain degré d’insuffisance. Pour l’anesthésiste et le réanimateur, il importe de déterminer quelle est l’affection prédominante, parce que celle-ci détermine le comportement hémodynamique du patient. D’une manière générale, la sténose est plus contraignante que l’insuffisance parce que la marge d’adaptation est plus faible ; si elle est significative, c’est elle qui domine le tableau clinique [23]. Outre les mesures quantitatives spécifiques, la silhouette des 4 cavités montre le remodelage subi par le coeur et permet de définir la composante majeure (Figure 11.75).

Si la sténose prédomine, l’OG est gigantesque et le ventricule disproportionnellement petit ; le contraste spontané est souvent absent à cause du brassage réalisé dans l’OG par l’IM ; le septum interauriculaire bombe dans l’OD en permanence.

Si l’insuffisance prédomine, le VG est dilaté et hypertrophié ; l’OG est moins volumineuse, le septum interauriculaire bombe dans l’OD en systole seulement.

Le volume régurgité en systole augmente d’autant le volume qui doit passer à travers la valve en diastole. Cet excédent augmente le gradient et conduit à une surestimation du degré de sténose par le temps de demi-pression. Par contre, la combinaison d’une IM et d’une SM maintient les dimensions du VG dans des valeurs intermédiaires et limite le remodelage ventriculaire ; la présence de l’IM diminue le risque d’hypotrophie du VG, et celle de la SM diminue le risque de dilatation. Ceci est particulièrement bénéfique en sortant de CEC.

Hémodynamique recherchée en cas de maladie mitrale

Précharge élevée RAS ↑ si prédominance de sténose, RAS ↓ si prédominance d’insuffisance

Fréquence normale, rythme sinusal maintenu Soutien inotrope si dysfonction ventriculaire (Dts > 2.5 cm/m2, Dtd > 4 cm/m2)

Vasodilatation pulmonaire (RAP ↓) Ventilation en pression positive bien tolérée

A © Chassot 2011

OG très dilatée

+ contraste spontané

OG dilatée

Jet IM

Petit VG

HVG dilatative

B

Figure 11.75 : Silhouettes comparatives d’une insuffisance (A) et d’une sténose mitrale (B). Dans la combinaison des deux pathologies caractéristique d’une maladie mitrale, l’affection prédominante est clairement identifiable d’après l’allure générale des cavités gauches.

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Sténose aortique La sténose valvulaire aortique est la valvulopathie la plus courante de l'adulte ; sa prévalence est de 2-7% à partir de 65 ans [66,111,157,235]. Elle relève de plusieurs étiologies.

La cause la plus fréquente est la dégénérescence calcifiante d'une valve normale à trois cuspides, rencontrée en général chez le patient de plus de 65 ans (Figure 11.76 et Figure 11.77). Des dépôts calcifiés en forme d’excroissances nodulaires sans fusion commissurale rigidifient les valvules et les bloquent en position semi-fermée. Cette calcification valvulaire est fréquemment associée à une calcification de l’anneau mitral et à une athéromatose artérielle systémique, chez des malades qui présentent une hypercholestérolémie, une hypertension artérielle, un diabète et un tabagisme ; la présence de processus inflammatoire dans les lésions calcifiantes traduit la parenté entre la sténose aortique et l’athérosclérose [252].

Figure 11.76 : Images anatomo-pathologiques de sténose aortique acquise de valves tricuspides. A : dégénérescence calcifiée de la personne âgée ; les calcifications sont situées dans le corps des feuillets. B : sténose après RAA ; les calcifications sont moins importantes et sont situées dans les commissures qui sont fusionnées [Extrait de : Braunwald E. Valvular heart disease. In: Braunwald E. ed. Heart disease. Philadelphia, WB Saunders Co, 1997, 1007-76]. Figure 11.77 : Aspect anatomopathologique des calcifications dans la sténose aortique. Les calcifications sont situées dans le corps des cuspides lors de dégénérescence, sur le raphé (Ra) et aux commissures dans la bicuspidie, et aux 3 commissures dans le RAA.

A B

Calcifications dégénératives

Bicuspidie Rhumatisme articulaire aigu

Ra

© Chassot 2011

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La bicuspidie aortique congénitale (prévalence : 1-2% de la population, dont 2% développe une sténose) [157] est identifiée par une ouverture ellipsoïde et par deux cuspides de tailles inégales, dont la plus grande contient souvent un raphé médian (Figure 11.78). Ne pouvant pas s’ouvrir pleinement en systole pour être parallèles au flux (voir Figure 11.9D et Figure 11.79), les bords libres des deux feuillets sont soumis aux vibrations du flux rendu turbulent par le léger rétrécissement de la surface aortique ; ce stress conduit à une fibrose et à une calcification dystrophique qui survient entre 30 et 60 ans (60% des cas de bicuspidie). Les calcifications ont un aspect en chou-fleur envahissant les cuspides et le raphé médian. L’ouverture résiduelle prend la forme d’une fente. La bicuspidie peut être associée à une coarctation et à un anévrysme de l’aorte thoracique.

Figure 11.78 : Bicuspidie aortique. A: Image échocardiographique transoesophagienne en systole; l'ouverture de la valve est une ellipse; les feuillets coronariens droit (CD) et gauche (CG) sont fusionnés. B: image en diastole; on aperçoit le départ du tronc commun (→) et de la coronaire droite (↑↑); NC: feuillet non coronarien. C: la flèche indique la présence d'un raphé à l'emplacement de la fusion entre le feuillet coronarien droit et le feuillet non-coronarien; l'ouverture qui subsite est elliptique, en forme de banane (verticale sur l'image en court-axe de la valve). D: pièce opératoire du cas illustré en C.

La lésion secondaire au RAA est plus rare actuellement dans les pays industrialisés (< 10 % des cas). Caractérisée par une fusion commissurale, une fibrose et une néovascularisation des cuspides, elle présente un épaississement faiblement calcifié des feuillets qui prédomine au niveau des commissures (voir Figure 11.76B); elle est fréquemment associée à une maladie mitrale de même origine.

D

A

CD

CG

B

NC

C

CD

CG NC

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 154

La sclérose aortique est un épaississement irrégulier des feuillets sans sténose ni augmentation du gradient de pression ; elle est présente chez 25% des personnes âgées de > 65 ans ; elle est associée à l’hypertension artérielle, à l’hypercholestérolémie, au diabète, au tabagisme et à un risque accru d’infarctus myocardique [245].

En-dessous de 65 ans, la répartition des étiologies est : bicuspidie 50%, RAA 25% et dégénérescence 18%. Au-delà de 70 ans, cette répartition se modifie : dégénérescence 48%, bicuspidie 27%, RAA 23% [111]. La sténose sur bicuspidie devient cliniquement symptomatique environ 20 ans plus tôt que la sténose sur une valve tricupside. Au sens anatomo-pathologique du terme, on distingue deux formes de bicuspidie (Figure 11.79).

Bicuspidie vraie : il n’existe que 2 bourgeons embryonnaires de cuspides ; les deux feuillets de la valve sont de taille et de proportion variables, en général légèrement inégaux ; la fente d’ouverture est ovale et son orientation est variable.

Bicuspidie acquise : comme il existe primitivement 3 bourgeons dont deux fusionnent ultérieurement, on retrouve 3 commissures dans leur position normale, mais une cuspide est le double de la taille de l’autre ; elle présente en général un raphé fibreux en son milieu, qui marque la position de la commissure fusionnée ; l’ouverture est en forme de banane. La bicuspidie acquise sur calcifications secondaires fait partie de cette catégorie.

Bicuspidie vraie

Bicuspidie acquise

Valve tricuspide

© Chassot 2011

Ra

En systole, l’ouverture est incomplète. Le bord libre vibre dans le flux (souffle éjectionnel)

Figure 11.79 : Formes de bicuspidie. Dans la bicuspidie vraie, il n’existe embryologiquement que deux bourgeons de valvules et deux commissures ; la position de ces dernières est variable, de même que la taille respective de chaque cuspide. Dans la bicuspidie acquise, la valve a demarré dans l’embryon avec trois feuillets et trois commissures, positionnées à équidistance en triangle équilatéral ; secondairement, deux de ces feuillets ont fusionné, ne laissant qu’une trace de l’ancienne commissure sous la forme d’un raphé (Ra). Comme le diamètre d’un cercle est plus petit que la moitié de sa circonférence, les bords libres des cuspides ne peuvent pas être correctement alignés parallèlement au flux lorsque la valve est ouverte en systole ; ils opèrent une relative sténose et vibrent dans le flux, ce qui crée un souffle systolique sans relation avec une sténose car leur surface d’ouverture est encore normale.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 155

Bien qu'anatomiquement bien distinctes les unes des autres, les différentes étiologies de la sténose aortique sont souvent difficiles à différencier à un stade avancé de la maladie. Il n’est pas rare que les déformations anatomiques décrites empèchent la valve d’être étanche en diastole; une insuffisance aortique (IA) d’accompagnement est fréquente (degré I-II sur IV), mais hémodynamiquement peu significative. Parmi les cas congénitaux, on peut également rencontrer des valves unicuspides et des sténoses membranaires sus- ou sous-valvulaires. L’obstruction peut parfois se situer en-dessous de la valve, dans la chambre de chasse du VG (CCVG). Cette sténose sous-aortique comprend deux catégories.

Sténose fixe : membrane fibro-musculaire sous-aortique qui obstrue partiellement la CCVG ; lésion congénitale qui s’accompagne d’une hypotrophie de la valve aortique (Figure 11.80) ;

Sténose musculaire dynamique : occasionnée par une cardiomyopathie obstructive (CMO) ou par une hypertrophie concentrique dans une constellation particulière d’hypovolémie, d’excès inotrope et de basse postcharge (voir Sténose sous-aortique dynamique).

La surface valvulaire aortique normale est de 2.5 – 4.0 cm2 (index: 2 cm2/m2). La sténose est quantifiée en trois degrés (Tableau 11.12) [23,318].

Sténose mineure : surface 1.5 cm2, ΔPmoy < 25 mmHg, Vmax < 3 m/s ; Sténose modérée : surface 1.0 - 1.5 cm2, ΔPmoy 25-40 mmHg, Vmax 3 – 4 m/s ; Sténose sévère : surface < 1.0 cm2, ΔPmoy > 45 mmHg, Vmax > 4 m/s ;

surface indexée : ≤ 0.6 cm2/m2 Ces valeurs s’entendent pour une fonction normale du VG et un alignement correct de l’axe Doppler avec le flux systolique. Le débit ventriculaire gauche est généralement maintenu jusqu'à une obstruction critique déterminée par une surface valvulaire < 0.4 cm2/m2. En moyenne, la surface valvulaire aortique diminue de 0.05 - 0.1 cm2 par an, et le gradient moyen augmente de 7 mmHg par an [244]. La sténose sévère est définie par les critères suivants [238] :

Surface aortique < 1.0 cm2 (< 0.6 cm2/m2) ; Gradient de pression (ΔP) moyen > 50 mmHg (ΔPmax > 100 mmHg) ; Vélocité du flux aortique > 4.0 m/s ; Rapport Vmax CCVG / Vmax VAo < 0.25 ;

VAo

OG

CCVD

VG

Figure 11.80 : Sténose sous-aortique congénitale. Une membrane circulaire (flèches) rétrécit la chambre de chasse en amont de la valve aortique ; elle est fixée au septum interventriculaire, au feuillet antérieur de la valve mitrale et à la paroi postérieure du VG. La valve aortique (VAo) est souvent hypotrophique en aval de la sténose infundibulaire. CCVD : chambre de chasse droite.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 156

Hypertrophie concentrique du VG (épaisseur paroi postérieure en diastole > 1.2 cm), cavité du VG diminuée de taille ;

Fonction systolique conservée ; Dysfonction diastolique avec agrandissement de l’OG.

La morphologie globale du coeur est modifiée: le long axe du coeur s’horizontalise sur le diaphragme (morphologie "en sabot") et l’aorte ascendante, qui est sensiblement dilatée, est déroulée vers la droite.

Sténose de la valve aortique

Trois étiologies : dégénérescence calcifiée (la plus fréquente > 65 ans), bicuspidie (la moitié des cas < 60 ans), RAA (plus rare). Définition des degrés de sténose (fonction VG conservée) : - sténose mineure surface 1.5 cm2 ΔPmoy < 25 mmHg - sténose modérée surface 1.0 – 1.5 cm2 ΔPmoy 25 – 40 mmHg - sténose serrée surface < 1.0 cm2 (0.6 cm2/m2) ΔPmoy > 45 mmHg La sténose serrée est en outre caractérisée par : - Vmax flux aortique > 4 m/s - Intégrale des vélocités aortique (ITVVAo) > 100 cm - Rapport ITVCCVG / ITVVAo < 0.25 - HVG concentrique (fonction systolique conservée mais dyfonction diastolique)

Tableau 11.12 Critères de quantification de la sténose aortique

SA mineure SA modérée SA sévère

Paramètres structuraux Taille de l’OG normale normale dilatée Taille du VG normale HVG HVG, cavité petite* Cuspides aortiques fibrosées ouverture diminuée ouverture minime mobilité restreinte mobilité minime/nulle Critères spécifiques Vmax** 2.5 m/s 3.0 – 4.0 m/s > 4.0 m/s ITV 30 – 40 cm 50 cm > 100 cm Gradient moyen*** < 20 mmHg 25 - 45 mmHg > 50 mmHg Rapport CCVG/VAo 0.3 – 0.5 0.3 < 0.25 Surface 1.5 – 2.9 cm2 1.0 – 1.5 cm2 < 1.0 cm2 < 0.6 cm2/m2 Critères d’appoint Doppler continu aortique trace incomplète trace peu dense trace dense Doppler pulsé mitral E/A normal E < 0.8 m/s, A > E relax isovol > 100 ms décélér E > 250 ms E/E’ > 12 Aorte ascendante dilatation * En l’absence de dysfonction sévère du VG ou d’insuffisance associée ** Si alignement correct du Doppler et fonction VG normale *** Si fonction VG normale. Sources: références 23, 318.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 157

Physiopathologie L'augmentation des résistances à l'éjection entraîne une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) progressive de type concentrique qui, en accord avec la loi de Laplace, permet de maintenir le stress de paroi dans les limites de la norme (voir Adaptation aux valvulopathies, et Figure 11.15). Celle-ci s’accompagne d’un épaississement pariétal (l'épaisseur moyenne de la paroi du VG en diastole est supérieure à 1.2 cm), d’une augmentation de la masse ventriculaire gauche et d’un rétrécissement de la cavité ventriculaire (Figure 11.81). L’HVG est caractérisée par une dysfonction diastolique, par une préservation de la fonction systolique et par un risque ischémique aggravé. Dysfonction diastolique Un ventricule épais et hypertrophié est peu compliant. L’effet de succion protodiastolique de la phase de relaxation active est déficient. A l’analyse du flux mitral, l'onde E du remplissage passif est de plus basse vélocité que l'onde A du remplissage actif de la contraction auriculaire (rapport E/A < 1); la phase de relaxation isovolumétrique (tRI) est prolongée; la décélération de l'onde E (tDE) est raccourcie (Figure 11.82). Le VG, très épais, réclame une pression télédiastolique élevée pour atteindre son volume de remplissage. La POG augmente et l’oreillette se dilate. Comme la relaxation active protodiastolique est insuffisante, la contribution de la contraction auriculaire au remplissage ventriculaire devient de plus en plus importante (30-50% du volume télédiastolique) et permet l'augmentation de la pression télédiastolique ventriculaire sans augmentation de la pression auriculaire moyenne ni de la pression veineuse pulmonaire. Ceci nécessite un intervalle PR d'au moins 0.1 - 0.15 seconde pour être efficace. Sur la courbe du cathéter pulmonaire de Swan-Ganz, l'onde "a" de la PAPO devient proéminente. La perte du rythme sinusal (rythme nodal peropératoire, passage en fibrillation auriculaire) effondre le débit cardiaque parce que le VG perd soudainement 40-50% de son remplissage.

VD

VG

OG

Septum

OD

A

B

VG

VD

Septum

Figure 11.81 : Images anatomo-pathologiques d'hypertrophie ventriculaire gauche concentrique sur sténose aortique serrée. A: coupe longiitudinale du VG; on aperçoit une hypertrophie massive du septum inteventriculaire; la pincette soulève le feuillet antérieur de la valve mitrale, et la flèche souligne l’étroitesse de la chambre de chasse. B: coupe transverse (court-axe) du VG.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 158

Fonction systolique La valeur de la fraction d'éjection (FE) est normale ou même supranormale (FE > 0.7), parce que le volume télésystolique est très petit. Toutefois, la performance systolique par unité de masse myocardique n’est pas augmentée ; elle peut même être diminuée. La durée de l’éjection est prolongée (téj > 250 msec) à cause du rétrécissement à la sortie du VG, ce qui diminue la puissance nominale du ventricule. Les critères habituels d’évaluation de la fonction systolique étant dépendants des conditions de charge, il est difficile de quantifier la contractilité réelle du ventricule lorsque les pressions de remplissage sont élevées à cause de la dysfonction diastolique, et que la postcharge est très augmentée par la résistance à l’éjection. Les dimensions ventriculaires sont un meilleur critère fonctionnel : un diamètre télédiastolique du VG en court-axe supérieur à 4 cm/m2 signe une décompensation. A un stade encore asymptomatique, le Doppler tissulaire met en évidence des modifications subtiles de la contraction : réduction de la contraction longitudinale sous-endocardique, exagération de la torsion systolique, diminution de la succion protodiastolique [125]. Le volume systolique est limité par le débit à travers la sténose et par la durée de la systole. Il est relativement fixe, car la réserve contractile est nulle. La pression artérielle systémique, qui correspond au produit du débit cardiaque et des résistances artérielles systémiques (PA = DC x RAS), dépend essentiellement des RAS, qui doivent rester élevées. Lorsqu’il est compensé, un VG de sténose aortique présente une HVG concentrique avec une cavité ventriculaire de petite taille et une FE élevée. Il génère un gradient trasnvalvulaire élevé :

ΔPmoy > 50 mmHg ; ΔPmax > 100 mmHg ;

Figure 11.82 : Modification du flux mitral en cas d’hypertrophie ventriculaire concentrique. Flux mitral enregistré à l’ETO Doppler. A gauche (A), image du flux normal; à droite (B), image du flux en cas d’HVG: le flux A est plus important que le flux E, ce qui illustre la dépendance du remplisssage ventriculaire par rapport à la contraction auriculaire. Le temps de relaxation isovolumétrique (tRi) augmente, car la mitrale s’ouvre tardivement en début de diastole par défaut de relaxation ventriculaire; le temps de décélération du flux E est raccourci.

E

© Chassot 2011

tRi

A

E

A

E A

E

A

A

B

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 159

Vélocité du flux aortique > 4.0 m/s ; Intégrale des vélocités (ITVVAo) > 100 cm.

Le rétrécissement au niveau de la valve aortique est responsable d’une accélération du flux sanguin. Lorsque la sténose est serrée, la Vmax y est au moins quadruplée par rapport à celle de la chambre de chasse : le rapport entre la vélocité dans la CCVG (VCCVG) et la vélocité à travers la valve aortique (VVAo) est < 0.25, alors qu’il est de > 0.4 dans une sténose mineure et > 0.8 lorsque la valve est normale [23]. On utilise le plus souvent l’intégrale des vélocité (ITV) de préférence à la Vmax, parce que la mesure est plus fiable et moins dépendante de l’hémodynamique.

Sténose aortique serrée : ITVCCVG / ITVVAo < 0.25 Lorsque la fonction systolique du VG diminue ou que le volume systolique est plus petit (hypovolémie), le gradient transvalvulaire est plus faible pour le même degré de sténose. Toutefois, le rapport ITVCCVG / ITVVAo reste une évaluation fiable de la sténose car les variations de débit affectent de la même manière les deux termes de l’équation ; le rapport ne se modifie que si la surface valvulaire fonctionnelle varie [238]. Si le débit aortique systolique augmente, comme c’est le cas lorsqu’une insuffisance valvulaire est associée, le gradient sera artificiellement élevé pour le même degré de sténose parce que le volume éjecté est plus important, mais le rapport ITVCCVG / ITVVAo restera stable. Risque ischémique Plusieurs phénomènes entrent ligne de compte pour expliquer l’augmentation du risque d’ischémie myocardique lors de sténose aortique (Figure 11.83) [44,129].

© Chassot 2011

Ptd VG

1: Plaque athéromateuse

4: Jet systolique

2: Sous- endocarde

Sinus de Valsalva

3: PA diast aort

PPC = PAM - PtdVG

Figure 11.83 : Mécanismes de l'ischémie dans la sténose aortique. 1: plaque athéromateuse. 2: ischémie sous-endocardique liée à l'épaisseur du muscle à perfuser, à la compression des vaisseaux intramyocardiques et à la pression intracavitaire télédiastolique élevée du VG (PtdVG). 3: une baisse de la PA diastolique au niveau de l'aorte (hypotension systémique) ne s'accompagne pas d'une baisse de la pression intracavitaire du VG puisque la sténose aortique est fixe ; la pression de perfusion coronarienne (PPC) chute. 4: En systole, le jet éjectionnel de haute vélocité (Vmax > 4 m/s) abaisse la pression dans les sinus de Valsalva par effet Venturi, et aspire le sang qui se trouve dans les troncs coronariens; ainsi la perfusion systolique est supprimée (perte importante pour le VD), et la perfusion diastolique doit commencer par remplir les troncs épicardiques, ce qui diminue d'autant la perfusion intramyocardique distale. 5: La diastole est raccourcie par rapport au temps d’éjection qui est prolongé; de plus, le petit volume systolique implique une fréquence minimale pour maintenir le débit cardiaque.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 160

Une maladie coronarienne coexistante diminue l’apport d’oxygène à cause de sténoses cliniquement significatives ; l’association de coronaropathie et de sténose aortique calcifiée est fréquente puisque les deux affections partagent le même terreau étiopathogénique.

Une baisse de pression artérielle ne s'accompagnant pas d'une baisse de pression intraventriculaire parce que la sténose aortique est fixe ; la pression de perfusion coronarienne (PPC) chute sans compensation lorsque la PA diastolique aortique diminue, puisque PPC = PAM - PtdVG.

L’augmentation de la masse ventriculaire ne s’accompagne pas d’une augmentation équivalente du réseau coronarien ; il existe un défaut relatif de réseau capillaire intramyocardique, et la réserve coronarienne est très limitée.

L’hypertrophie ventriculaire concentrique est défavorable à la perfusion coronarienne sous-endocardique parce que la paroi est épaisse, donc longue à traverser, et parce que le muscle comprime le réseau coronarien.

Le ralentissement de l’éjection (300-350 msec) à travers la sténose prolonge la systole et raccourcit la durée de la diastole ; le rapport temps systolique / temps diastolique se rapproche de 1:1. D’autre part, le petit volume systolique éjectable implique une fréquence minimale assez haute pour maintenir le débit cardiaque.

L’augmentation massive du travail de pression élève la consommation d’oxygène myocardique (mVO2) pour fournir le même travail externe d’éjection (voir Figure 11.85). Avec un ΔPmax de 100 mmHg, la pression systolique intraventriculaire doit être 200-250 mmHg pour maintenir la pression de perfusion systémique.

Les vortex créés à la sortie du rétrécissement valvulaire au niveau des sinus de Valsalva se forment en regard des orifices coronariens droit et gauche. Comme ils sont des zones de dépression, ces vortex aspirent le sang dans leur tourbillon par effet Venturi ; il peut ainsi arriver que le flux dans les troncs coronariens s’inverse pendant la systole.

Adaptations cliniques Pour garantir une éjection adéquate face à l’obstacle aortique, le VG utilise pleinement sa réserve de précharge en se déplaçant vers le haut et vers la droite de la courbe de Starling ; lors de dysfonction diastolique, cette dernière est très redressée, ce qui signifie que de petites variations de précharge se traduisent par d’importantes variations du volume éjecté. Cliniquement, cela implique que le VG dépend étroitement des pressions de remplissage et n’a aucune tolérance à l’hypovolémie. La baisse de retour veineux associée à l’induction d’une anesthésie ou à l’installation d’un bloc rachidien entraîne des chutes considérables du débit cardiaque, ce qui se traduit en pratique par des épisodes d’hypotension sévère. Les possibilités d'adaptation aux demandes périphériques en variant le débit cardiaque sont faibles parce que le volume systolique est relativement fixe, et parce que la tachycardie est limitée par le ralentissement de la phase d’éjection et la durée obligatoire de la diastole pour assurer le remplissage. La pression artérielle dépend donc étroitement des résistances périphériques (RAS) La silhouette cardiaque est caractérisée par un ventricule gauche à la paroi très épaisse dont la cavité est de petite taille, et par une oreillette gauche modérément dilatée à cause de l’augmentation de la PtdVG (figure 11.84). La boucle pression-volume lors de sténose aortique pure illustre bien ces modifications caractéristiques (Figure 11.85).

L’augmentation de postcharge déplace la boucle PV vers le haut et vers la droite. La pente de l’élastance maximale (Emax) est inchangée, mais la boucle devient plus étroite pour conserver la même surface (travail externe inchangé). De ce fait, le volume systolique (VS) est plus petit.

La pente ascentionnelle systolique (contraction isovolumétrique) est droite, indiquant une fonction éjectionnelle conservée; lorsque le myocarde atteint ses limites fonctionnelles (pour une pression télésystolique de 250-300 mm Hg), cette pente s’incline, la fraction éjectée baisse et le volume systolique est encore réduit.

La courbe de compliance diastolique est surélevée et plus inclinée; pour le même volume diastolique, la pression de remplissage est plus élevée. La lecture de la PAPO induit donc en

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 161

erreur et sous-estime le remplissage réel du VG; un patient peut être hypovolémique avec une PAPO normale. L’échocardiographie est un meilleur critère pour juger de la volémie, car elle visualise directement le volume des cavités cardiaques.

La surface du triangle compris entre la pente Emax, la courbe de compliance et la boucle P/V représente le travail de pression (Tpr) ; cette surface est très agrandie, représentant une augmentation massive de la mVO2, alors que le volume éjecté est diminué ; l’efficience du myocarde (Téj/Tpr) est très faible.

Lorsque la surface valvulaire devient de plus en plus petite, l’hypertrophie ventriculaire et l’épaisseur de paroi augmentent moins que la postcharge: la situation est dite d’afterload mismatch [278]. Comme les possibilités de compensation sont dépassées, la fonction systolique diminue. Ceci se traduit par une baisse des indices fonctionnels et par une progressive dilatation de la cavité ventriculaire gauche. Lorsqu'une insuffisance aortique (IA) est associée à la sténose, une charge différente est imposée au ventricule. L'IA est à l'origine d'une surcharge de volume, qui tend à dilater le ventricule. Par l'analyse morphologique du ventricule à l'ETO, l'anesthésiste possède le meilleur moyen de déterminer l'atteinte valvulaire dominante:

Lorsque la sténose domine, la cavité ventriculaire est petite, le myocarde est très épaissi; la dysfonction diastolique est importante, la fraction d'éjection est élevée (FE > 0.6).

Lorsque l'insuffisance est prédominante, le ventricule gauche est dilaté et sphérique, moins épaissi, la fonction diastolique est moins altérée, la fraction d'éjection est abaissée (FE: 0.5) à cause de la dilatation. L’agrandissement de la cavité est défavorable au rendement énergétique, car il contraint le VG à travailler sur un grand rayon de courbure; selon la loi de Laplace, le stress de paroi augmente pour développer la même pression.

La présence d’une insuffisance mitrale (IM) d’accompagnement mineure-à-modérée est fréquente [222]. Elle est liée à trois phénomènes.

A B © Chassot 2011

HVG

V Ao

OG OG

VG VG

V Ao

Figure 11.84 : Représentation schématique du remodelage des cavités gauches lors d'une sténose aortique serrée. A : cœur normal. B : sténose aortique ; l'oreillette gauche est modérément dilatée, le VG subit une hypertrophie concentrique, sa paroi est très épaissie mais sa cavité est petite.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 162

L’augmentation de la postcharge induit des pressions systoliques intraventriculaires auxquelles la mitrale ne peut plus être étanche ; cette composante disparaît avec la correction de la sténose aortique.

La dilatation ventriculaire qui survient lorsque le VG est défaillant distend l’anneau mitral et écarte les piliers; les feuillets mitraux ne peuvent plus se joindre en systole; cette IM signe la décompensation ventriculaire. Elle régresse progressivement lorsque l’obstacle à l’éjection est levé.

La valve mitrale peut souffrir d’une pathologie propre (dégénérescence fibro-élastique, prolapsus), ou la maladie calcifiante aortique peut s’étendre au feuillet antérieur et à l’anneau de la valve mitrale, qui ne se contracte plus en systole ; ces éléments perturbent les mécanismes d’occlusion. Cette composante organique ne se modifie pas avec le remplacement de la valve aortique.

Caractéristiques hémodynamiques de la sténose aortique

HVG concentrique, fonction systolique conservée Dysfonction diastolique du VG

Volume systolique très dépendant de la précharge Volume systolique fixe (PA systémique dépend des RAS)

Débit cardiaque très dépendant de la fréquence et du rythme sinusal Risque ischémique élevé

Critère de dysfonction du VG : diamètre télédiastolique > 4 cm/m2

V0

Emax

Compliance

Pression

Volume

Boucle PV normale

Sténose aortique

VS

Figure 11.85 : Boucle pression-volume en cas de sténose aortique. L’augmentation de postcharge déplace la boucle PV vers le haut et vers la droite. La pente de l’élastance maximale (Emax) est inchangée, mais la courbe de compliance est anormale. A surface équivalente (travail externe inchangé), la boucle est plus étroite, donc le volume éjecté est plus petit (VS : volume systolique). Alors que la performance éjectionnelle diminue, le travail de pression est très augmenté, comme le montre l’augmentation de la surface du triangle contenu entre l’Emax, la compliance et la boucle PV (pointillé bleu pâle). L’efficience dynamique est très diminuée, même si la pression développée est plus haute.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 163

Manifestations cliniques La valve diminue de surface pendant une dizaine d’années avant que ne survienne la triade classique des symptômes de la sténose aortique : angor, syncope et dyspnée. L’angor, qui est présent dans plus de 60% des cas, survient sur coronopathie, sur hypotension diastolique ou sur inadéquation du rapport DO2/VO2 [133]. La syncope est précipitée par la vasodilatation survenant à l’effort alors que le débit cardiaque reste fixe; elle est aussi imputée à une dysfonction des barorécepteurs [43]. La dyspnée est la traduction de l’hypertension veineuse pulmonaire secondaire à la dysfonction diastolique. Chez la plupart des malades, on trouve une dysfonction plaquettaire et un taux abaissé de facteur von Willebrand ; cette anomalie se corrige avec le remplacement valvulaire [323]. Les symptômes cliniques apparaissent lorsque la réserve de précharge est épuisée, mais non parce que la fonction contractile est défaillante. Ceci est à l’opposé de ce que l’on rencontre dans les surcharges de volume, telles l’insuffisance mitrale ou aortique, au cours desquelles la défaillance ventriculaire peut s’installer avant l’apparition des signes cliniques. Curieusement, l’importance des symptômes n’est pas directement liée à la sévérité de la sténose, car il n’est pas rare de rencontrer des patients en bonne forme malgré un gradient transvalvulaire de 150 mmHg. Mais l'importance du gradient a une valeur pronostique: le taux d'accidents cardiaques dans les 2 ans est de 16% lorsque le gradient maxinal est inférieur à 40 mmHg, et de 79% lorsqu'il est supérieur à 64 mmHg [244]. La maladie peut rester longtemps asymptomatique, mais la survenue des symptômes modifie significativement le pronostic: l’espérance de vie n’est que de 5 ans dès l’apparition de l’angor, 3 ans après celle des syncopes, et moins de 2 ans après celle de dyspnée (Figure 11.86) [112]. L'incidence de mort subite représente 20% des décès, mais est extrêmement rare chez les patients asymptomatiques (< 1%/an) [70]; elle fait probablement suite à des arythmies ventriculaires. L’auscultation est typique: souffle éjectionnel râpeux crescendo-decrescendo avec thrill systolique, maximum au deuxième espace intercostal droit, irradiant en direction des vaisseaux du cou, et affaiblissement ou disparition de B2, qui est spécifique de l’immobilité de la valve aortique (Figure

Angor Syncope Dyspnée

Début des

symptômes

Survie (%)

100

80

60

40

20

40 50 60 70 80

Années

2 4 6 Années

Figure 11.86 : Dans la sténose aortique, laa survenue des symptômes modifie significativement le pronostic: l’espérance de vie n’est que de 5 ans dès l’apparition de l’angor, 3 ans après celle des syncopes, et moins de 2 ans après celle de dyspnée [112].

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 164

11.87) [34]. Toutefois, ce souffle n’est pas proportionnel au degré de sténose, mais à l’intensité des turbulences générées à la sortie de la valve aortique; ces vortex sont fonction du gradient de pression, de la capacité vibratoire des cuspides aortiques et de la résonnance de la racine de l’aorte. Si la fonction ventriculaire s’altère, le souffle diminue d’intensité. Bien que la sténose puisse n’être que modérée, un ventricule performant et une aorte scléreuse induisent un souffle d’intensité maximale [34]. La courbe artérielle est peu ample, et l’ascension systolique est lente (pulsus parvus et tardus) ; elle ressemble à une courbe amortie ou à celle d’une insuffisance ventriculaire gauche (voir Figure 11.112A). L’ECG est dominé par les signes d’hypertrophie ventriculaire gauche: voltage élevé, orientation gauche de l’axe du QRS, index de Sokolow > 3.5 mV, dépolarisation prolongée, décalage progressif du segment ST et de l’onde T dans une direction opposée au QRS; un bloc de branche gauche peut être associé. Une morphologie voisine de celle de l’ischémie peut apparaître sous forme d’anomalies du segment ST et d’une inversion du T en V5-V6 (strain pattern) et rendre le diagnostic différentiel difficile. La radiographie du thorax montre un cœur habituellement de taille normale mais dont l’apex est arrondi. Une dilatation post-sténotique de l’aorte, plus marquée dans les bicuspidies, déroule le bord droit de la silhouette aortique. On voit parfois les calcifications de la valve.

Clinique de la sténose aortique

Longue latence avant les symptômes, mais leur apparition diminue la survie à 5 ans pour l’angor, 3 ans pour les syncopes et < 2 ans pour la dyspnée. Les symptômes apparaissent souvent avant la dysfonction du VG. Critère de dysfonction : diamètre télédiastolique du VG > 4 cm/m2. Auscultation : souffle éjectionnel râpeux avec thrill systolique, B2 unique.

B1 B2 B1

Figure 11.87 : Auscultation en cas de sténose aortique. Souffle éjectionnel râpeux irradiant vers les vaisseaux du cou, affaiblissement ou disparition de B2 (spécifique de l’immobilité de la valve aortique).

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 165

Caractéristiques de la sténose aortique

HVG concentrique, fonction systolique conservée

Dysfonction diastolique du VG Volume systolique très dépendant de la précharge

Volume systolique fixe (PA systémique dépend des RAS) Débit cardiaque très dépendant de la fréquence et du rythme sinusal

Risque ischémique élevé Critère de dysfonction du VG : diamètre télédiastolique > 4 cm/m2

Examens hémodynamiques Comme l’importance des symptômes n’est pas directement liée à la sévérité de la sténose, les valeurs obtenues au cours des différents examens cardiologiques doivent toujours être interprêtées dans leur contexte clinique. L’échocardioghraphie transthoracique est la technique de premier choix, car elle permet de mesurer la surface et le gradient de la valve aortique de manière non-invasive, d’apprécier la fonction ventriculaire et d’explorer d’éventuelles valvulopathies associées. S'il n'y a pas lieu d'investiguer les coronaires, on ne pratique pas de cathétérisme: les données échocardiographiques sont suffisantes dans 85% des cas [218]. Cependant, la coronarographie reste indiquée en cas de symptômes ischémiques ou de dysfonction ventriculaire gauche sévère, et chez les malades de plus de 45 ans chez qui on prévoit un remplacement valvulaire aortique (RVA) en CEC. Par cathétérisme, la surface de la valve aortique est calculée selon une formule de Gorlin simplifiée [128]:

SVAo (cm2) ≅ DC / √ΔPm où: DC = débit cardiaque ΔPm = gradient de pression moyen Cette relation démontre que le gradient de pression varie avec le carré du débit cardiaque. Cela signifie que le gradient est fonction de la performance systolique du VG (pression générée et vélocité de contraction) et du volume systolique, et doit toujours être interprété en fonction de ces derniers. Lorsque la fonction est conservée, une sténose aortique sévère crée un gradient transvalvulaire moyen supérieur à 50 mmHg, mais lorsque la fonction ventriculaire baisse, le gradient s’abaisse, quel que soit le degré de rétrécissement de la valve. De même, une hypovolémie diminue le gradient à travers la sténose. Au contraire, une hypervolémie ou une hyperstimulation adrénergique augmentent le gradient, ce qui tend à surestimer l’importance de la sténose. Echocardiographie En échocardiographie, la surface de la valve aortique (SVAo) est calculée par planimétrie ou par l'équation de continuité. En ETO, la surface d’ouverture de la valve aortique est mesurée en court-axe à 40° (Figure 11.88). Cette vue offre une appréciation immédiate du degré de mobilité des feuillets et présente l’avantage d’être indépendante des conditions hémodynamiques, mais elle a trois défauts majeurs [151].

Les calcifications importantes créent des échos très forts qui saturent l’image et des zones d’ombre qui obscurcissent les structures plus éloignées ; le pourtour de l’ouverture peut être très difficile à dessiner avec précision.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 166

La valve peut être très déformée, au point que le court-axe échocardiographique n’est pas perpendiculaire à l’axe du chenal tortueux entre les calcifications.

La valve prend la forme d’un cône qui plonge dans la racine aortique ; le plan de coupe adéquat passe à travers l’endroit le plus rétréci, qui est en général le plus distal ; mais on n’a aucune possibilité d’exclure que le plan de coupe ne soit pas plus en amont et surestime considérablement la taille de l’ouverture (Figure 11.88D). La reconstruction 3D offre davantage de précision et montre que la planimétrie en 2D tend à surestimer la surface d’ouverture réelle [73].

Figure 11.88 : Images ETO bidimensionnelles de sténose aortique serrée et planimétrie de la surface d’ouverture en court-axe 40° ; cette mesure est indépendante de l’hémodynamique, mais elle peut être difficile et imprécise lorsque les calcifications sont très importantes. A : Planimétrie de la surface d’ouverture en court-axe 40° ; la surface mesurée est 0.86 cm2. B : Planimétrie en court-axe 40° ; la surface mesurée est 1.02 cm2. C : Planimétrie d’une sténose sur bicuspidie ; la surface est 0.78 cm2. D : schéma illustrant le problème majeur de la planimétrie dans la sténose aortique. La valve sténosée est déformée en cône ; il est impossible de savoir à quel niveau exact de ce cône passe le plan de coupe 2D. Selon le niveau, la surface varie du simple au double. Coupe 1 : plan de coupe correct à l’endroit le plus rétréci. Coupe 2 : plan de coupe surestimant la surface d’ouverture de la valve. FAM : feuillet antérieur de la valve mitrale. Se : septum interventriculaire. CCVG : chambre de chasse du VG. Le flux à travers la sténose se mesure à l’examen Doppler par voie transgastrique, seule manière d’être dans l’axe de la valve aortique à l’ETO (Figure 11.89) [299]. Pour que la valeur soit correcte, l’axe d’interrogation du Doppler doit être identique à celui du flux aortique là où il est le plus rapide, c’est-à-

OG

CCVD

OD

B

C CCVD

OG

OG

CCVD

OD

A

CCVG

Ao

Coupe 2

Coupe 1

FAM

Se

© Chassot 2011

D

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 167

dire juste en aval de la sténose (vena contracta). Ceci peut être difficile par voie transgastrique, parce que les positions du transducteur sont limitées par la mécanique de la sonde et parce que le faisceau Doppler doit traverser la valve pour échantillonner le flux à sa sortie dans la racine de l’aorte [150]. Or la valve est très déformée et son axe peut être dévié. Lorsque l’alignement est correct, le flux couleur présente un PISA en amont de la valve, un flux rétréci à travers l’orifice, une vena contracta juste en aval et une zone tourbillonnaire dans l’aorte ascendante (Figure 11.90). Plus l’axe du Doppler est discordant de celui du flux, plus la vélocité mesurée est basse et plus le gradient est sous-estimé. Figure 11.89 : Flux aortique. A : positionnement de l’axe Doppler continu en vue transgastrique long axe 120°. B : positionnement en vue transgastrique profonde 0° [16]. C : aspect spectral du flux Doppler pulsé dans la chambre de chasse, 3-5 mm en amont de la valve aortique (Vmax 140 cm/s) ; le capteur doit être au milieu du flux. D : aspect spectral du Doppler continu dans une sténose aortique ; la Vmax (5 m/s) représente la vélocité à travers la valve (flèche jaune) ; l’image superposée à environ 0.8 m/s est la vélocité à travers la chambre de chasse du VG (flèche verte). L’équation de continuité stipule que l’énergie cinétique reste constante tout au long d’un système vasculaire continu. Le flux par unité de temps à travers une zone large S1 est égal à celui qui traverse une zone étroite S2, mais la vélocité (V) augmente lorsque la surface (S) diminue (Figure 11.91).

Equation de continuité : S1 • V1 = S2 • V2 ou S1 • ITV1 = S2 • ITV2

120°

Ao

Ao

CCVG

D

VG

OG

VG

cm/s

A B

C

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 168

Figure 11.90 : Flux dans la sténose aortique serrée. A : le flux couleur doit présenter un PISA en amont de la valve, un flux rétréci à travers l’orifice, une vena contracta juste en aval et une zone tourbillonnaire dans l’aorte ascendante. L’axe du Doppler, qui vient depuis le VG, doit s’aligner à l’intérieur du chenal de la sténose pour capter la Vmax à la vena contracta ; ceci n’est pas toujours réalisable. B : Image du flux spectral ; la Vmax (5.1 m/s) permet de calculer le gradient maximal (103.6 mmHg) ; l’intégrale des vélocités (ITV 129.5 cm) permet de calculer le gradient moyen (63.7 mmHg). Les deux courbes superposées à la base de la trace représentent la vélocité dans la chambre de chasse (aspect en dôme) et la vélocité à l’intérieur de la cavité ventriculaire (accélération télésystolique). Pour davantage de précision, il est préférable d’utiliser l’intégrale des vélocités plutôt que la vélocité maximale, car elle est moins tributaire des conditions hémodynamiques momentanées. L’intégrale des vélocités (ITV) est la dérivée première de la vitesse par rapport au temps ; c’est la distance (D en cm) parcourue pendant le temps de la mesure par un échantillon de sang correspondant à un cylindre parfait de surface S et de longueur D. Pour la valve aortique, on obtient: SVAo • ITVVAo = SCCVG • ITVCCVG SVAo (cm2) = SCCVG • ( ITVCCVG / ITVVAo ) SVAo (cm2) = d2 • 0.785 • ( ITVCCVG / ITVVAo ) où: d2 = diamètre de la chambre de chasse du VG ITV = intégrale des vélocités (flux à l’écho Doppler) CCVG = chambre de chasse du VG L'échocardiographie permet également de mesurer le gradient de pression de manière non-invasive par une simplification de l'équation de Bernoulli: ΔP = 4 • (V22 – V12) où V2 = VmaxVAo et V1 = VmaxCCVG

ΔP = 4 • (Vmax)2 si V1 < 1.5 m/s La vélocité (Vmax) normale à travers la valve aortique est de 1.0 - 1.5 m/s; le gradient physiologique est inférieur à 7 mmHg. Le gradient est une notion dynamique qui dépend de la pression motrice et du volume systolique. Il varie avec le carré de la vélocité (équation de Bernoulli) ou du débit cardiaque

PISA

Axe US CCVG

Ao

Vena contracta (Vmax)

Turbulences

Septum

Feuillet antérieur valve mitrale

B A

Flux intra- ventriculaire

Flux CCVG

Flux sténose

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(formule de Gorlin). Lors de sténose, il est augmenté non seulement par l'élévation de la pression intraventriculaire (stimulation sympathique), mais encore par l’augmentation du volume systolique (transfusions) et par la baisse de la pression en aval [99]; celle-ci peut provenir d’une baisse des résistances systémiques (vasoplégie, choc septique) ou d’une baisse de pression dans l’aorte ascendante due à une contre-pulsion intra-aortique (CPIA). Il arrive fréquemment que la Vmax de la CCVG dépasse 1.5 m/s, notamment après remplacement de la valve aortique en cas d’HVG importante. Dans ces conditions, il est capital d’utiliser l’équation de Bernoulli complète ΔP = 4 • (V22 – V12), sans quoi on surestime grossièrement la Vmax et le gradient de la prothèse (voir Figure 11.96). Figure 11.91 : Illustration de l’équation de continuité. A : l’équation de continuité exprime la loi de la conservation de l’énergie cinétique ; lorsque la vitesse accélère, la pression baisse, et inversement. La Vmax est atteinte juste distalement au rétrécissement (appelé vena contracta) ; c’est là que la pression est la plus basse. La pression est récupérée distalement (pressure recovery, pr) au fur et à mesure que la vélocité baisse parce que le conduit s’élargit ; la récupération n’est pas totale à cause de la perte de charge provoquée par les forces de friction et par la formation de tourbillons (vortex) [336]. B : L’image spectrale du Doppler continu à travers la valve aortique en cas de sténose serrée montre une double enveloppe ; superposée à la base de la Vmax (4.7 m/s, flèche jaune) à travers la valve apparaît l’image du flux dans la chambre de chasse (1.2 m/s, flèche verte). Ces deux vélocités sont l’équivalent de V1 (chambre de chasse) et V2 (valve aortique) dans l’équation de continuité. La lecture des rapports de cardiologie montre souvent des disparités dans les gradients calculés; il existe en effet trois gradients différents (Figure 11.25B).

Gradient pic-à-pic (cathétérisme): différence entre les pressions maximales ventriculaire et aortique; ces deux pressions ne sont pas simultanées; ce gradient n’existe pas réellement dans la nature.

Gradient maximal (écho): différence de pression calculée lors de la plus grande vélocité transvalvulaire, qui a lieu pendant l’accélération du flux en début de systole (gradient instantané maximal).

Gradient moyen (écho): moyenne de la somme des gradients instantanés; le gradient moyen est une meilleure estimation du degré d’obstruction parce qu’il est moins dépendant des conditions hémodynamiques et moins sujet à une surestimation de la sténose.

Pression

Vélocité

S1 • V1 = S2 • V2

V1

S1

V2 S2

Vena contracta

© Chassot 2011

A B

pr

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Les indices habituels de fonction systolique, telle la fraction d’éjection, sont très sensibles à la postcharge; ils sont donc peu pertinents dans le cadre de la sténose aortique. Comme la cavité ventriculaire est de petite taille dans l’HVG concentrique, il est mathématiquement normal que la FE soit élevée, puisqu’elle tend vers 1 (ou 100%) lorsque le volume télésystolique tend vers zéro. La vélocité circonférentiel de raccourcissement (Vcf), par contre, est abaissée, car la vitesse d’éjection est réduite puisque la postcharge du VG est excessive et qu’il faut du temps pour faire passer le volume systolique à travers la sténose : Vcf = (CTD - CTS) / CTD • téj Où : CTD : circonférence télédiastolique du VG en court-axe CTS : circonférence télésystolique du VG en court-axe Téj : durée de l’éjection (n = 220-280 msec) L’introduction du temps dans la formule, qui est la même pour la circonférence que la fraction d’éjection pour le volume, donne un résultat équivalent à une puissance (travail / temps). Le temps d’éjection en cas de sténose aortique serrée est de 300-350 msec. Le critère le plus fiable de dysfonction ventriculaire est le diamètre télédiastolique du VG en court-axe ; s’il est > 4 cm2/m2, le VG est en insuffisance systolique. Quelle que soit la fonction inotrope, la fonction diastolique est toujours compromise à cause de l’hypertrophie ventriculaire qui rend la cavité très peu compliante.

Echocardiographie de la sténose aortique

Caractéristiques bidimensionnelles de la SA sévère : - faible mobilité des cuspides - surface d’ouverture planimétrique ≤ 0.6 cm2/m2 (difficulté à mesurer l’orifice minimal) - HVG concentrique (épaisseur du septum sous-aortique) - dilatation de l’OG (dysfonction diastolique) La planimétrie de la surface d’ouverture est indépendante de l’hémodynamique, mais souvent imprécise (calcifications). Doppler couleur (sténose serrée) : - PISA en amont (côté CCVG) - flux rétréci à travers la valve - flux tourbillonnaire en aval, avec jet central dans la racine de l’aorte - fréquente IM d’accompagnement Vmax et gradient augmentent si : ↓ orifice systolique , ↑ contractilité VG, ↑ volume systolique, ↓ pression aortique (vasoplégie, CPIA). Equation de continuité : S = (SCCVG • ITVCCVG) / ITVVAo Gradient de pression : ΔP = 4 • (V2

VAo - V2CCVG)

Sténose aortique sévère - S ≤ 0.6 cm2/m2

- Vmax > 4 m/s, ITV ≥ 100 cm, rapport VCCVG / VVAo ≤ 0.25 - ΔPmoy ≥ 50 mmHg Sténose serrée et gradient faible Une défaillance ventriculaire (FE < 0.25) peut abaisser le gradient moyen à < 30 mmHg alors que la surface valvulaire est inférieure à 1.0 cm2. Mais il se peut aussi que la faible éjection ventriculaire ne

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 171

puisse pas ouvrir correctement une valve aortique simplement sclérosée, ce qui donne l’impression que l’ouverture est plus faible qu’elle ne l’est en réalité (pseudosténose). Un écho de stress à la dobutamine (5-10 mcg/kg/min) permet de différencier ces deux situations (Figure 11.92). Lors de sténose aortique serrée, le gradient de pression augmente sous dobutamine (> 18 mmHg) mais non la surface valvulaire qui reste fixe à cause des calcifications. En cas de cardiomyopathie, au contraire, la surface valvulaire mesurée augmente parce que l’amélioration fonctionnelle du VG permet d’augmenter le volume systolique et d’ouvrir davantage la valve, mais le gradient ne se modifie pas [190,224,260]. Le rapport entre la vélocité dans la CCVG (ITVCCVG) et la vélocité à travers la valve aortique (ITVVAo) est < 0.25 dans la sténose aortique serrée (normal : > 0.8). Sous dobutamine, ce rapport se creuse encore dans la sténose serrée parce que la VTIAo augmente davantage que la VTICCVG. En cas de cardiomyopathie et de sténose fonctionnelle, au contraire, le rapport augmente parce que l’accélération est bien plus importante dans la CCVG qu’à travers la valve ; en effet, cette dernière augmente son ouverture et s’adapte à l’augmentation de volume systolique sans modifier son gradient [71]. Figure 11.92 : Echo de stress à la dobutamine pour différencier une sténose aortique fixe (en-haut) d’une sténose fonctionnelle (en-bas) en cas de dysfonction ventriculaire et de faible gradient. A : le gradient transvalvulaire est bas malgré une sténose serrée très calcifiée en planimétrie. B : lors de sténose aortique serrée, le gradient de pression augmente de > 18 mmHg sous dobutamine, mais non la surface valvulaire qui reste fixe à cause des calcifications. C : le gradient transvalvulaire est bas malgré une sténose serrée en planimétrie, mais la valve est simplement sclérosée et le VG incapable de l’ouvrir correctement. D : cas de cardiomyopathie, la surface valvulaire mesurée augmente parce que l’amélioration fonctionnelle du VG permet d’augmenter le volume systolique et d’ouvrir davantage la valve ; la Vmax ne se modifie pas. Dans les deux cas, la surface de la CCVG ne se modifie pas, mais sa vélocité augmente. CCVG : chambre de chasse du VG.

FA

Se

Ao

CC

CCVG: S1 idem, V1 ↑

CCVG: S1 x V1

VAo: S2 x V2

A

C D

B

VAo: S2 idem, V2 ↑

CCVG: S1 x V1

VAo: S2 x V2

CCVG: S1 idem, V1 ↑

VAo: S2 ↑, V2 idem

© Chassot 2011

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Une augmentation de pression de < 20 mmHg et de volume éjecté de < 20% pendant le test à la dobutamine sont de mauvais pronostic [3]. Cette réponse inotrope insuffisante stigmatise une défaillance ventriculaire irréversible qui élève à > 20% la mortalité d’une intervention chirurgicale [186]. L’écho de stress est utile pour démasquer les symptômes chez les porteurs de sténose serrée qui sont asymptomatiques ou qui se dissimulent la réalité en restreignant leur activité. Par contre, il est contre-indiqué chez les malades symptomatiques [318].

Sténose serrée et gradient faible La sténose aortique serrée avec faible gradient de pression sur dysfonction du VG est une indication à une épreuve de stress à la dobutamine :

- sténose fixe : Vmax ↑ dans CCVG et ↑ dans VAo, surface d’ouverture inchangée ; ad RVA. - sténose fonctionnelle : Vmax ↑ dans CCVG, surface d’ouverture ↑, Vmax VAo inchangée ; pas d’indication opératoire.

Indications et résultats opératoires L'indication à un remplacement valvulaire est fonction de l'évolution clinique: tant que l'hypertrophie du VG est compensée et que le patient est asymptomatique, une surveillance échocardiographique régulière est suffisante. L’analyse des données actuelles semble indiquer que la mort subite soit très rare chez les malades asymptomatiques ; son risque est inférieur à la mortalité du remplacement valvulaire chirurgical (1-2%). Chez les patients symptomatiques, au contraire, le risque opératoire est inférieur à celui de mort subite [173,251]. Les statines et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), qui abaissent les lipides et freinent le remodelage de l’HVG, devraient retarder l’évolution de la sténose aortique calcifiante [289], mais les études randomisées avec l’atorvastatine n’ont pas confirmé cette hypothèse [59,78]. Comme la surface valvulaire décroît en moyenne de 0.1 cm2/an, et le gradient moyen augmente de 7 mmHg/an [244], aucun traitement médical ne permet d’éviter la chirurgie. Dès que le VG amorce une dilatation, ou que le patient devient symptomatique, l'indication est posée. Il n’y a toutefois pas de place pour un remplacement prophylactique de la valve chez un patient asymptomatique avec une bonne fonction ventriculaire [24,159,318]. Remplacement valvulaire aortique (RVA) Le remplacement chirurgical de la valve, seul traitement efficace de la sténose aortique chez l’adulte quel que soit son âge, est la deuxième opération cardiaque par ordre de fréquence, après les PAC. Il abaisse immédiatement le stress de paroi du VG. Il est indiqué dans les situations suivantes [23,159,318].

Sténose serrée symptomatique dont la surface est < 0.6 cm2/m2, le gradient moyen > 50 mmHg et le gradient maximal > 90 mmHg ;

Sténose serrée et dysfonction ventriculaire (FE < 0.5), quels que soient les symptômes ; Sténose serrée chez les patients opérés en CEC pour des pontages aorto-coronariens ou une

autre valvulopathie. Chez les patients asymptomatiques dont la surface valvulaire est < 0.6 cm2/m2, le RVA est raisonnable lorsque la réponse au test d'effort est anormale, lorsque le VG présente une dilatation progressive, lorsque la Vmax augmente de > 0.3 m/s par an, ou lorsque la valve est très calcifiée, parce que la survenue de symptômes chez ces malades pénalise lourdement leur pronostic [65,318]. Mais les risques

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de l’opération surpassent ses bénéfices chez les patients asymptomatiques avec une fonction ventriculaire normale à l’effort [23]. La mortalité opératoire est de 1-3% pour les cas simples, et de 3-6% pour les interventions complexes (pontages aorto-coronariens associés, opération de Bentall, etc) [82,171]. Bien qu’elle ne soit pas une contre-indication à l'intervention, la défaillance ventriculaire est le principal facteur de risque: la mortalité s'élève en effet jusqu'à 25% en cas d'insuffisance ventriculaire gauche. Le meilleur critère pour juger de la fonction réelle du VG est la valeur des dimensions télédiastoliques ; la dysfonction est caractérisée par un diamètre en court-axe du VG > 4 cm/m2. Chez les personnes âgées, les résultats actuels démontrent qu’il n’est jamais trop tard pour intervenir chez des patients symptomatiques, car leur récupération fonctionnelle est remarquable, même si la mortalité opératoire est de 9% chez les octogénaires (Figure 11.93) [31,158,257,318]. D’autre part, la progression de la sténose est deux fois plus rapide après 80 ans que chez les patients plus jeunes [179]. Bien que la survie à 5 ans des octogénaires (66%) soit plus faible que celle des malades de < 70 ans (86%), elle est superposable à l’espérance de vie d’individus sains du même âge [106] (voir Chapitre 21 Chirurgie cardiaque chez le patient âgé). En cas de dysfonction du VG (FE < 0.25), le gradient peut être trompeusement faible : la différence entre une sténose serrée (indication au RVA) et une cardiomyopathie avec simple fibrose valvulaire (sans indication opératoire) ne peut se faire qu’au test d’effort (dobutamine). Lorsque le test révèle une certaine réserve contractile, la mortalité du RVA est de 5-7% ; mais lorsque la réserve est inexistante, la mortalité est de 22% [315]. Toutefois, même dans ce dernier cas, l’opération offre une bien meilleure survie à long terme que le traitement médical (65% versus 11% à 5 ans) [315]. Le RVA peut être indiqué en urgence dans les cas de décompensation gauche aiguë, si la sténose aortique est le facteur déterminant. Comme la mortalité opératoire est élevée dans ce cas (> 20%), une perfusion de nitroprussiate peut être une solution moins dangereuse dans le court terme pour rééquilibrer le patient et permettre sa survie jusqu’à une intervention dans de bonnes conditions [167].

Population normale appariée

< 70 ans 100

80

60

40

20

0 1 2 3 4 5 6 7

Survie (%)

Suivi (années)

p < 0.001

> 80 ans

Figure 11.93: Survie à long terme des patients octogénaires opérés de remplacement valvulaire aortique pour sténose serrée [106]. Bien que la survie à 5 ans soit plus faible que celle des malades de < 70 ans, elle est superposable à l’espérance de vie d’individus sains du même âge. Le RVA est donc justifié chez les vieillards symptomatiques dont l’espérance de vie est de plusieurs années, puisqu’il assure une survie normale pour l’âge.

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Les décès sont essentiellement dus à une insuffisance cardiaque ou à un infarctus. La mortalité directement liée à la prothèse valvulaire ne représente que 20% des cas: thrombo-embolie, endocardite, dégénérescence de bioprothèse, dysfonction mécanique ou fuite paravalvulaire [171]. La présence d’une coronopathie significative aggrave le pronostic postopératoire d’un remplacement valvulaire aortique (RVA) isolé, mais l’addition d’un RVA et à des pontages aorto-coronariens (PAC) n’aggrave pas la mortalité périopératoire en cas de maladie ischémique; il y a donc tout lieu d’être agressif dans l’indication opératoire. La survie globale est de 90% à 10 ans [173]. Les suites opératoires sont étonnamment simples s'il n'y a pas de facteurs de risque associés: la levée de l’obstacle est un soulagement instantané pour le VG. Dans la mesure où la taille de la prothèse est adéquate par rapport à celle du malade (> 0.85 cm2/m2, voir Prothèses valvulaires, discordance patient-prothèse), la baisse de la postcharge après correction chirurgicale permet une amélioration clinique immédiate et une récupération ultérieure importante (Figure 11.94) ; la majorité des patients se retrouve dans la catégorie NYHA I-II. Les patients en insuffisance congestive avant l’intervention sont subjectivement améliorés, même si leurs indices de fonction systolique (fraction d’éjection) et la morphologie de leur ventricule (hypertrophie et dilatation) ne sont guère modifiés [154]. La compliance et la distensibilité ventriculaires ont tendance à s’améliorer à long terme après le remplacement valvulaire, dans la mesure où l’hypertrophie régresse pendant les 3 premiers mois [323a]. La récupération anatomique dépend de l’étendue des modifications dégénératives déjà installées avant l’intervention. Si la pression télédiastolique gauche est encore normale au moment de l’opération, l’hypertrophie ventriculaire régresse considérablement jusqu’à une année après l’opération [225]; par contre, si la PtdVG était élevée ou la contractilité diminuée en préopératoire, la réduction de la masse ventriculaire n’est que partielle. Il est donc indiqué d’intervenir préférentiellement avant la phase de décompensation, mais l’indication opératoire reste très large, même lorsque le patient est en insuffisance congestive, puisque l’amélioration clinique est toujours possible.

Emax

V0

Compliance

Pression

Volume

SA

Post CEC

Pré- CEC

VS

Tpr

Figure 11.94 : Représentation schématique de l’effet de la levée de la sténose éjectionnelle lors de RVA au moyen de la boucle pression/volume (P/V). La surface de la boucle avant et après la CEC est identique. Pour le même travail d’éjection, représenté par la surface de la boucle P/V, le VG éjecte un volume systolique supérieur (VS), à un régime de pression inférieur. Le travail de pression, représenté par la surface du triangle Tpr, est beaucoup plus petit qu’avant le remplacement valvulaire. Pour le VG, l’amélioration est immédiate.

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Un bloc AV complet peut survenir à cause du voisinage de l’anneau aortique avec le faisceau de His au niveau du septum interventriculaire : des points de fixation de la prothèse peuvent endommager les structures conductrices. Comme le RVA est souvent pratiqué chez des patients âgés dont la valve et les vaisseaux sont très calcifiés, le taux d’AVC postopératoire est de 3-6%, soit 2-3 fois plus élevé que la moyenne. Valvulotomie percutanée Dans les cas où la valve n’est ni calcifiée ni insuffisante (biscuspidie ou monocuspidie serrée chez l’enfant ou l’adolescent), il est possible de procéder à une valvulotomie dilatative percutanée au moyen d’un ballon guidé par cathétérisme, manière peu invasive qui évite l’implantation de prothèse [85]. La technique donne de bons résultats chez l’enfant et l’adolescent lorsque le gradient est > 60 mmHg et qu’il n’y a pas d’insuffisance : 50% des cas n’ont pas de récidive à 8 ans [210] ; une bonne indication est la sténose serrée non calcifiée avant une grossesse. Chez l’adulte plus âgé, par contre, la technique a un intérêt limité à cause des calcifications et du risque embolique au moment du craquage de la valve ; les résultats à long terme sont décevants : 50% de resténose à 6 mois [115,246]. La valvulotomie peut toutefois être indiquée chez des malades à haut risque opératoire nécessitant une intervention d’urgence ou une palliation: choc cardiogène sur sténose décompensée, sténose critique en cours de grossesse ou lors d’intervention non-cardiaque urgente [228,318]. La technique permet d’augmenter la surface utile de la valve de 0.5 cm2 et d’en diminuer significativement le gradient (réduction du ΔPmoy de 25 mmHg), mais les risques sont élevés (20% des cas): embolie de particules calcifiées avec déficits neurologiques, insuffisance aortique sévère, infarctus myocardique [152]. La valvulotomie percutanée n’est en aucun cas un substitut au remplacement valvulaire chirurgical. Chez l’adulte, elle est progressivement supplantée par l’implantation percutanée d’endoprothèse. RVA par prothèse endovasculaire Une technique plus prometteuse est celle de l’implantation de prothèse biologique sans CEC, qui a été décrite précédemment (voir Endoprothèses valvulaires). Deux types de valve aortique sont en utilisation clinique (Corevalve™ et Cribier-Edwards™) et d’autres en essai (Figure 11.46). Il s’agit de valves biologiques insérées dans une endoprothèse auto-expansive ou dilatée par le gonflement d’un ballon ; elles sont placées par voie fémorale ou transapicale (mini-thoracotomie gauche). Leur surface utile est d’environ 1.7 cm2 et leur gradient de 10-12 mmHg [286]. L’indication principale est les situations où la mortalité du RVA chirurgical est prohibitive (> 20%), particulièrement chez les personnes âgées. Les deux principales complications postopératoires sont l'AVC (incidence 5%) et les lésions vasculaires (16% par la voie fémorale) [195]. La mortalité hospitalière est 5-7%; la survie à 1 an est de 70-80% [95,195]. L'engouement pour le RVA transcathéter et les améliorations technologiques constantes font que, à ce jour, plus de 30'000 patients ont été opérés de cette manière. La preuve que le TAVI fait jeu égal avec le RVA conventionnel apportée par l'étude PARTNER [295] va élargir les indications aux populations moins malades et plus jeunes. Malheureusement, on ne dispose pas encore de données sur le long terme pour connaître l'avenir réel des patients au-delà de 2 ans. RVA et PAC Le pontage aorto-coronarien (PAC) et le remplacement valvulaire aortique (RVA) étant les deux opérations les plus fréquentes en chirurgie cardiaque, il n’est pas rare qu’elles se combinent. L’association des deux interventions a une mortalité opératoire de 5% à 15% selon l’âge [23]. Mais ne pas compléter un RVA par des PAC chez un malade ischémique ou laisser en place une sténose aortique chez un coronarien opéré confèrent un pronostic postopératoire bien pire [318]. Même si la sténose n’est que modérée (S = 1.0-1.5 cm2), il est judicieux de remplacer la valve aortique au cours des PAC, car la

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mortalité opératoire d’un RVA ultérieur représente un risque opératoire additionnel qui est supérieur à celui de l’opération combinée [255].

Indications et résultats opératoires

Lever l’obstacle aortique améliore immédiatement et définitivement le fonctionnement du VG ; les excellents résultats du remplacement valvulaire aortique (RVA) poussent à des indications larges, quel que soit l’âge. Indications opératoires pour un RVA : - sténose serrée (surface < 0.6 cm2/m2) chez un patient symptomatique, - sténose serrée et dysfonction ventriculaire (FE < 0.5), - sténose serrée si autre opération en CEC (PAC, RVM, PVM, aorte), - patient asymptomatique : seulement si test d’effort anormal, valve très calcifiée ou dilatation progressive du VG (Dtd VG > 4.0 cm/m2) sur une sténose serrée. Sténose mineure ou modérée : pas d’indications. Mortalité du RVA : 1-3% pour les cas simples, 4-7% pour les interventions complexes. Survie à 10 ans : 85-90%. Chez patients > 80 ans : 66% (= espérance de vie sans pathologie). Indications à la valvulotomie percutanée (taux de récidive : 50% à 6 mois chez l’adulte) :

- patient avec valve non calcifiée ni insuffisante, trop jeune pour un RVA, - sténose décompensée pendant la grossesse, - sauvetage lors de choc cardiogène ou en préopératoire de chirurgie non-cardiaque vitale.

Indications à l’implantation de bioprothèse (TAVI) :

- patient à très haut risque (mortalité de RVA > 20%). Mortalité opératoire : 5-7% ; survie à 1 an : 70-80%. Principes pour l’anesthésie en chirurgie cardiaque La sténose aortique impose une limitation très contraignante au débit cardiaque car le volume systolique éjecté dépend de la durée de la systole et de la puissance du VG ; celui-ci s’hypertrophie, mais sa force contractile par unité de masse n’augmente pas ; à long terme, il finit par défaillir face à l’excès de postcharge. De ces données physiopathologiques, on peut extraire quelques règles simples pour l’anesthésie.

Précharge: la compliance du VG étant altérée par l’hypertrophie concentrique, la pression télédiastolique est élevée. Le volume systolique est très dépendant du remplissage car la courbe de Starling est redressée; l'hypovolémie provoque une hypotension profonde, d’autant plus que la tachycardie compensatrice est limitée par la lenteur du débit à travers la sténose. La curarisation et le démarrage de la ventilation contrôlée sont l’occasion de chutes de pression considérables liées à la restriction du retour veineux systémique. La PVC ou la PAPO sous-estiment le remplissage à cause de la dysfonction diastolique : à volume télédiastolique égal, la Ptd est plus élevée ; un malade peut être hypovolémique avec une PAPO normale. La précharge doit être maintenue par une volémie suffisante.

Postcharge: l’élévation des RAS ne modifie guère le travail du VG, car l'obstacle représenté en amont par la sténose est plus important, et il est fixe. Par contre, une hypotension artérielle (RAS basses) diminue la perfusion coronarienne et augmente le gradient de pression transvalvulaire. Comme le débit cardiaque est relativement fixe, la pression artérielle dépend

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 177

exclusivement des RAS. Les vasoconstricteurs alpha (phényléphrine, nor-adrénaline) sont le premier choix en cas d’hypotension.

Contractilité: en général conservée, elle n’est diminuée que dans la phase de décompensation myocardique et d’insuffisance congestive. Elle doit alors être maintenue dans les limites imposées par l'apport d'O2 (ischémie associée) avec un agent inotrope.

Fréquence: les temps d'éjection et de remplissage sont ralentis par nécessité pour assurer le volume systolique; la tachycardie abaisse le débit, et augmente simultanément la mVO2. Cependant, la bradycardie ne peut pas être compensée par une augmentation du volume systolique, car la cavité ventriculaire est trop petite (HVG concentrique) ou le myocarde insuffisant (phase de dilatation et de décompensation). La perte du rythme sinusal par tachyarythmie auriculaire et/ou jonctionnelle baisse le débit de 40 à 50% ; ce risque existe avec les agents halogénés qui dépriment la fonction du nœud du sinus. Les ESV risquent de dégénérer rapidement en TV et en fibrillation ventriculaire.

Risque ischémique: non seulement l’association avec une coronaropathie est fréquente, mais encore la perfusion coronarienne à vaisseaux sains est limitée par les hautes pressions intramyocardique et intracavitaire. La pression diastolique aortique, représentée par la pression artérielle moyenne (PAM), doit être strictement maintenue au-dessus de 80 mmHg. La pression de perfusion coronaire (PPC) est la différence entre la PAM et la PtdVG; toute diminution de PAM abaisse la PPC de manière équivalente parce que la PtdVG est liée à l’obstacle fixe de la sténose aortique.

Ventilation en pression positive : la curarisation et la mise en route de l’IPPV diminuent le retour veineux et la précharge ; elles sont responsables d’une chute du volume systolique et d’une hypotension artérielle importantes. L’équilibration se fait en augmentant la précharge (élévation des membres inférieurs, 500 mL de perfusat) et les RAS (phényléphrine, nor-adrénaline) ; l’éphédrine est un mauvais choix car elle est tachycardisante.

En fonction de ces données, le choix de la technique est guidé par des considérations cliniques, car ni surface de la valve ni son gradient de pression ne sont des déterminants majeurs de la gravité du cas, vu qu’on n’opère que des sténoses serrées en chirurgie cardiaque.

Un patient de moins de 65 ans en bon état général dont les coronaires sont saines et la fonction ventriculaire conservée est candidat à une prise en charge simple et à un circuit rapide (fast-track): doses modérées d’opiacé, équipement avec cathéter artériel, voie veineuse centrale et ETO, et extubation rapide.

L’âge avancé de certains malades (> 75 ans) en fait des patients à haut risque, que des pathologies associées soient présentes ou non. Mais la phase opératoire une fois franchie, leur pronostic est excellent.

L’association d’une coronopathie étendue présente toujours un risque majeur; l’intervention combinée RVA + PAC est grevée d’une mortalité trois fois plus élevée que le RVA simple. Toutefois, on peut considérer deux cas de figure.

o Sténose aortique serrée au cours des investigations de laquelle on découvre une sténose coronarienne significative, asymptomatique et isolée ; le RVA + PAC simple reste un intervention à risque faible qui peut suivre un circuit rapide ;

o Maladie coronarienne tritronculaire symptomatique et sténose aortique symptomatique ou non. La priorité est ici dominée par la maladie ischémique, dont la prévention est prioritaire. L’association multi-PAC + RVA fait de ces patients des cas "lourds" qui réclament une prise en charge invasive; la prévention de l’ischémie et la stabilité hémodynamique peropératoire priment, le délai de réveil est secondaire.

La présence d’une insuffisance cardiaque congestive impose un monitorage invasif (cathéter pulmonaire de Swan-Ganz) et une technique adaptée à une dysfonction systolique. Le meilleur critère préopératoire pour juger de l’adéquation du VG est la dimension de sa cavité: lors d’HVG concentrique, elle doit être petite; un VG de dimensions normales ou agrandies (Dtd en court-axe > 4 cm/m2) signe une dysfonction sévère et/ou une surcharge de volume associée (insuffisance aortique ou mitrale).

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 178

En cas de passage accidentel en tachycardie (TV) ou en fibrillation ventriculaire, une réanimation par massage cardiaque externe est illusoire; seule une défibrillation peut rétablir le débit cardiaque. Lors de la pose d’un cathéter de Swan-Ganz, le risque de bloc complet est significatif s’il existe un bloc de branche gauche préalable. Les recommandations pour l’anesthésie peuvent se résumer simplement:

Hémodynamique recherchée en cas de sténose aortique

Précharge élevée Vasoconstriction systémique (PAM ≥ 80 mmHg)

Fréquence normale, rythme sinusal Soutien inotrope si dysfonction ventriculaire (Dtd > 4 cm/m2)

L’hypotension est plus dangereuse que l’hypertension Ventilation en pression positive : Pit basse

Plein – Régulier – Fermé

Technique d’anesthésie pour le RVA en cas de sténose aortique

Comme le risque d’arythmie est élevé, il faut être préparé à défibriller ou cardioverser le malade très rapidement. Vu l’impossibilité d’assurer un débit cardiaque à travers la sténose en cas de réanimation, le chirurgien et le perfusionniste doivent être présents dans le bloc opératoire dès l’induction. La technique d’induction dépend du risque ischémique et de la fonction ventriculaire.

o Etomidate : seul agent n’altérant ni la précharge, ni la postcharge, ni la contractilité, il est recommandé dans tous les cas à haut risque ou en cas de dysfonction du VG ;

o Midazolam : adéquat, mais la baisse du tonus sympathique central entraîne une hypotension par baisse de précharge et de postcharge ;

o Propofol : il baisse la précharge davantage que la postcharge ; possible à dosage adapté et lent chez les malades stables, en compensant par du volume et un vasoconstricteur ;

o Fentanils : bénéfiques (bradycardie) ; o Thiopental, kétamine : déconseillés à cause de leur tachycardie ; le thiopental a un

effet inotrope négatif important. o Eviter une poussée tachycardisante ou une arythmie à l’intubation avec une

anesthésie topique du larynx et de la trachée. o L’hypotension est beaucoup plus dangereuse que l’hypertension ; administrer un

vasopresseur alpha (phényléphrine) de manière proactive, dès que la PA baisse de quelques mmHg, pour éviter une période d’hypoperfusion coronarienne. L’induction lors de sténose aortique se fait avec la seringue de phényléphrine dans la main !

o En cas d’arrêt ou de dissociation électro-mécanique, le massage cardiaque est illusoire ; la seule solution est de se précipiter en CEC aussi vite que possible.

Maintien de l’anesthésie : éviter la baisse des RAS et l’augmentation de la mVO2. o Sevoflurane : agent de choix ; o Perfusion de propofol ou de midazolam : adapter les dosages pour que

l’hémodynamique reste stable ; o Isoflurane : déconseillé (↓ RAS et tachycardie) ; o Desflurane : déconseillé (↑ fréquence) ;

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 179

o IPPV ± PEEP (< 8 cm H2O) : tolérée une fois que l’hémodynamique s’est adaptée par une augmentation de précharge et de RAS ; maintenir la pression ventilatoire moyenne (Pit moy) aussi basse que possible.

o Hypotension systémique : ↑ RAS avec un vasopresseur alpha (phényléphrine, nor-adrénaline), maintenir la volémie.

Eviter la tachycardie et la perte du rythme sinusal : o Le thiopental, la kétamine et le pancuronium sont contre-indiqués ; o Pas d’éphédrine ; en cas d’hypotension : néosynéphrine (FC ↓), nor-adrénaline ; o Pas d’atropine en cas de bradycardie excessive (réponse imprévisible) ; o Après le RVA, la tachycardie n’est plus aussi dangereuse.

Maintenir la contractilité si nécessaire ; o Dopamine adéquate si dosage < 5 mcg/kg/min ; o Si besoin plus élevés : dobutamine + nor-adrénaline.

Monitorage ETO : o Taille et fonction du VG, degré d’HVG, fonction du VD ; o Evaluation de la volémie ; o Valve aortique : calcifications, athéromes dans l’aorte, mesures de l’anneau et de

l’aorte, éventuelle IA ; o Mesure de la CCVG : éperon septal, Vmax ; o Si IM : mécanisme; o Post-CEC : fonctionnement de la prothèse, fuite paravalvulaire, IM, effet CMO.

Cathéter artériel pulmonaire : o Mesure de la PAP si HTAP ou défaillance droite ; o PAPO : elle traduit la pression capillaire pulmonaire et la pression diastolique du

VG ; utile pour évaluer la PPC en cas d’ischémie (PPC = PAM – PAPO) mais trompeuse en cas d’hypovolémie ;

o Mesure du VS, du DC et de la SvO2 (adéquation aux besoins métaboliques) ; o Le risque d’arythmies graves est élevé au moment du passage à travers le VD

(tachycardie ventriculaire, bloc complet si BBG déjà présent) ; il est prudent de laisser la Swan-Ganz en OD (housse de protection déroulée) jusqu’à l’ouverture du péricarde ; elle est positionnée lorsque le chirurgien est prêt à poser les canules, de manière à pouvoir partir en pompe en cas d’arythmie incontrôlable.

ScO2 : évaluation de la perfusion périphérique. CEC et post-CEC Une insuffisance aortique est souvent associée à la sténose, car la valve calcifiée ne peut plus coapter de manière étanche. Même si elle n’a aucune signification hémodynamique tant que le coeur bat, l’IA peut suffire à remplir et à dilater le VG lors de la cardioplégie en début de CEC. Le ventricule doit donc toujours être surveillé attentivement. L'hypertrophie ventriculaire rend difficile une préservation adéquate par la cardioplégie, notamment en cas de coronopathie associée. La technique habituelle par perfusion de la racine de l’aorte peut être complétée par une cardioplégie rétrograde via le sinus coronaire, ou remplacée par une canulation directe des ostia coronariens (canules de Spencer) après ouverture de l’aorte. A cause de ces difficultés de préservation, le VG peut se révéler défaillant à la sortie de pompe, même si sa fonction préopératoire était satisfaisante. Au moment de la mise en charge, un coeur hypertrophié ischémique peut devenir contracturé et dysfonctionnel en cas d'administration de calcium (stone heart). L’importance et la portée de ce phénomène restent largement débattues. Si la cardioplégie a été satisfaisante et le temps de clampage aortique assez court, la performance myocardique s'améliore considérablement dès la levée de l'obstacle à l'éjection, parce que le stress de paroi se normalise quasi-instantanément. Le gradient transvalvulaire est diminué, puisque la surface utile des prothèses valvulaires est de l’ordre de 1.3 - 2.5 cm2. Pour le même travail d’éjection qu’avant

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 180

le RVA, le VG éjecte un volume systolique supérieur, à un régime de pression inférieur (Figure 11.94). Le travail de pression, principal consommateur d’énergie, est beaucoup plus faible qu’avant le remplacement valvulaire. Le rapport entre le travail de pression et le travail d’éjection (Tpr/Téj) s’améliore considérablement, et l’efficience mécanique du ventricule est augmentée : il consomme moins d’O2 pour la même performance systolique. Cette amélioration immédiate est la raison pour laquelle on peut être très large dans les indications au RVA en cas de sténose, même chez la personne âgée ou en mauvais état général. Tout gradient moyen entre le VG et l’aorte supérieur à 20 mmHg doit faire suspecter une dysfonction de la prothèse ou un défaut d’appariement entre la prothèse et le patient.

Ailette bloquée : elle reste immobile, le plus souvent en position intermédiaire, le flux couleur ne passe que par un seul orifice ;

Taille de la prothèse trop petite par rapport à celle du patient : S < 0.85 cm2/m2 (voir Prothèses valvulaires, discordance patient-prothèse).

Toutefois, plusieurs phénomènes peuvent induire un gradient trans-prosthétique faussement élevé [265].

Episode momentané de haut volume systolique : hypervolémie, transfusion trop rapide depuis la machine de CEC.

Sténose sous-aortique dynamique (effet CMO) : la levée de l’obstacle à l’éjection peut amener un ventricule hypertrophié à collaber sur lui-même en systole, car sa cavité est naturellement petite et la chambre de chasse très musclée ; le phénomène est analogue à une cardiomyopathie obstructive (CMO). Ce rétrécissement de la chambre de chasse en systole crée une obstruction dynamique qui peut représenter un gradient de 25-40 mmHg (voir ci-après Sténose sous-aortique dynamique). Ce gradient doit être soustrait du gradient transaortique total mesuré à l’écho Doppler pour obtenir le gradient propre de la prothèse (Figure 11.95).

Même sans sténose musculaire, la vélocité dans la chambre de chasse du VG peut dépasser 1.5 m/s à cause d’une stimulation sympathique importante et d’une hypervolémie passagère. Dans ce cas, l’équation de Bernoulli doit être rectifiée en tenant compte de la Vmax dans la CCVG : ΔP = 4 (V22 –V12), où V2 est la Vmax à travers la prothèse et V1 la Vmax de la CCVG. Le gradient créé dans la CCVG est ainsi soustrait du gradient total pour obtenir celui qui est propre à la prothèse (Figure 11.96).

La récupération de pression: l'énergie cinétique se retransforme en pression au-delà de la zone d'accélération maximale où la pression est minimale; comme l'échocardiographie mesure la pression précisément par la vélocité maximale, elle a tendance à surestimer le gradient réel (voir Figure 11.91).

La présence d'une contrepulsion intra-aortique (CPIA) abaisse considérablement la pression dans l'aorte ascendante en début de systole lorsque le ballon se dégonfle; il s'ensuit un gradient exagéré entre le VG et l'aorte; il faut mesurer le gradient pendant un arrêt momentané de la CPIA. Une dilatation importante de l’aorte ascendante a le même effet.

Pour autant que la fonction préopératoire soit conservée, les suites postopératoires immédiates sont simples, même chez les patients âgés; le support inotrope peut être rapidement interrompu [171]. De l’air ou des débris de valve peuvent aisément se fourvoyer dans les ostia coronariens, occasionnant une image d’ischémie tronculaire avec surélévation du segment ST à la sortie de CEC. Des déficits neurologiques sont toujours possibles par embolisation de fragments calcifiés et friables lors de l'aortotomie et de la résection de la valve. Le taux d’AVC postopératoire est de 3-6%, soit 2-3 fois plus élevé que la moyenne La proximité du nœud AV avec l’anneau aortique au niveau septal peut conduire à une bloc AV complet iatrogène après implantation de la prothèse. Si le rythme du patient doit être électro-entraîné à cause d’une bradycardie ou d’un bloc, il est préférable de le stimuler en mode auriculo-ventriculaire (DDD) pour pouvoir bénéficier de l’apport de la contraction auriculaire, car l’HVG ne régresse que lentement et la dysfonction diastolique persiste dans le postopératoire. Celle-ci maintient des pressions de

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 181

remplissage anormalement élevées par rapport au volume du VG : le patient peut être hypovolémique avec une PVC et une PAPO normales ! Figure 11.95 : Sténose sous-aortique dynamique après remplacement valvulaire aortique (RVA). A : avant le RVA, la vélocité maximale (Vmax) est élevée à travers la sténose aortique (> 4 m/s), mais non dans la chambre de chasse (CCVG) (< 1 m/s), car elle est freinée avant l’obstacle de la valve ; le VG et le septum interventriculaire sont hypertrophiques (Sep HVG). B : après RVA, l’obstacle est levé, la Vmax à travers la valve baisse ; mais la CCVG reste hypertrophique et peut maintenant se rétrécir excessivement au cours de la systole en cas de stimulation sympathique puisqu’il n’y a plus d’obstacle pour y maintenir une pression élevée. La Vmax exagérée dans la CCVG aspire le feuillet antérieur (FA) de la valve mitrale qui obstrue partiellement la CCVG (SAM : systolic anterior motion). Cette sténose dynamique représente un gradient de pression (ΔP) significatif qui s’additionne au ΔP propre de la prothèse lorsqu’on mesure le gradient à l’écho Doppler (flèche jaune). C : la subocclusion dynamique de la CCVG survient dans la deuxième partie de la systole et se manifeste par une chute du débit mais une accélération du flux ; ce phénomène s’exprime par une encoche sur la pente ascentionnelle du flux et de la pression artérielle (déformation en dague). D : image ETO de l’aspiration du feuillet antérieur (SAM) dans la CCVG (vue long-axe 140°). L’apparition d’une IM après un RVA peut être liée à plusieurs phénomènes différents.

Réouverture mésosystolique de la valve mitrale sur sténose dynamique sous-aortique (SAM) ; même importante, cette IM est brêve et ne dure pas toute la systole ; elle est méso-télésystolique. C’est souvent le signe d’appel de l’effet CMO.

A

CCVG

Ao FA

Sep HVG

Ao

ΔP CCVG (V1)

ΔP RVA (V2)

FA

B

Sep HVG

SAM

P ↑, Vmax ↓

ΔP SA

Vmax ↑

© Chassot 2011

D

FA

VG VAo

OG

SAM

C

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 182

Rétraction du feuillet antérieur par des points d’ancrage de la prothèse ; la proximité de l’anneau aortique et de l’anneau mitral au niveau du trigone fait que des points un peu larges à cet endroit exercent une traction sur le feuillet antérieur et peuvent l’empêcher d’occlure correctement.

Dysfonction du VG ; l’IM est un signe d’accompagnement habituel d’une dilatation ou d’une ischémie aiguë du VG.

Persistence d’une IM présente avant la CEC, qu’elle soit organique (maladie calcifiante, dégénérescence, remaniemens dus à l’âge) ou fonctionnelle (calcifications de l’anneau mitral dysfonction ou dilatation du VG). Le plus souvent, la levée de l’obstacle à l’éjection diminue suffisamment le stress de paroi du VG pour que l’IM soit moins importante qu’en préopératoire.

Si l’appariement de la taille de la prothèse avec celle du malade est satisfaisant, l’HVG régresse pendant les 3 premiers mois, mais le VG ne récupère pas totalement du remodelage imposé par la sténose.

Chirurgie de la sténose aortique: post-CEC Le RVA lève l’obstacle à l’éjection, ce qui soulage immédiatement le VG et apporte une nette amélioration à sa fonction. La sortie de CEC est en général aisée, sauf en cas de dysfonction ventriculaire préopératoire, d’ischémie associée ou de problème de cardioplégie. Le pronostic fonctionel du RVA est excellent, même chez la personne âgée. Cependant, la dysfonction diastolique due à l’HVG persiste dans le postopératoire (pressions de remplissage élevées). Plusieurs problèmes peuvent toutefois se présenter. - gradient excessif (ΔPmoy > 20 mmHg) : taille de la prothèse insuffisante (S < 0.85 cm2/m2), ailette bloquée ; - effet CMO : augmenter la précharge, vasoconstricteur, réduire les catécholamines β, esmolol ; - IM nouvelle : dysfonction, traction sur le feuillet antérieur, SAM ; - fuite paravalvulaire : retour en pompe si elle est majeure ; - dysfonction VG : défaut de cardioplégie, ischémie ; - bloc AV.

ΔP = 22 mmHg 2 m/s

1 m/s

0 m/s

ΔP = 9 mmHg

Figure 11.96 : Calcul du gradient de pression après RVA. Au Doppler continu, on dispose d’une double enveloppe pour mesurer la Vmax dans la CCVG et dans l’ensemble CCVG + prothèse. Si l’on utilise l’équation simplifiée de Bernoulli (ΔP = 4 • Vmax2), on trouve un gradient de 22 mmHg. Si l’on utilise l’équation en tenant compte de la Vmax dans la CCVG, soit ΔP = 4 • (V22 – V12), le gradient à travers la prothèse n’est que de 9 mmHg. Dans le cas d’une bioprothèse sans monture, cette différence a un impact chirurgical direct, car 22 mmHg est un gradient excessif pour ce type de valve et peut conduire à un retour en CEC qui n’est en réalité pas justifié.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 183

Sténose sous-aortique dynamique On réunit sous ce terme deux entités différentes présentant le même comportement hémodynamique:

La cardiomyopathie obstructive (CMO), ou cardiomyopathie hypertrophique asymétrique, avec prédominance de l’hypertrophie au niveau du septum interventriculaire ; c’est une maladie primaire du myocarde qui conduit à une obstruction musculaire dynamique de la chambre de chasse (voir Chapitre 13 Cardiomyopathie obstructive).

L’effet CMO, ou sténose sous-aortique dynamique ; elle survient secondairement en cas d’hypertrophie ventriculaire gauche concentrique et de conditions hémodynamiques particulières.

Pour qu’apparaisse un effet CMO, trois conditions doivent être remplies (Figure 11.97):

Hypertrophie ventriculaire gauche de type concentrique, avec un muscle puissant et une chambre de chasse étroite (voir Figure 11.81) ;

Diminution exagérée du volume télésystolique du VG, secondaire à une hypovolémie sévère ou à une baisse drastique de a postcharge (vasoplégie, levée de l’obstacle de la sténose aortique) ;

Stimulation sympathique excessive qui augmente la course concentrique de la paroi postérieure en systole et rétérécit la chambre de chasse ; elle est due à une administration trop rapide de béta-catécholamines ; elle est amplifiée par une anesthésie trop légère.

Figure 11.97 : Sténose sous-aortique dynamique, ou effet CMO. En protosystole, l’hypertrophie concentrique et le rétrécissement de la cavité ventriculaire (hypovolémie, baisse de postcharge, stimulation inotrope béta) déplacent le feuillet antérieur et le point de coaptation (Pcoapt) de la valve mitrale vers la chambre de chasse (CCVG), et referment l’angle entre le plan de la valve aortique et celui de la valve mitrale (angle mitro-aortique : pointillé vert). L’accélération du flux dans la CCVG crée un effet Venturi qui aspire le feuillet antérieur de la mitrale (SAM). En mésotélésystole, le feuillet mitral contribue à l’obstruction dynamique de la CCVG; la valve mitrale n’est plus occluse et une régurgitation mitrale (IM) apparaît dans la deuxième moitié de la systole. SAM : systolic anterior motion. Ep : éperon septal.

© Chassot 2011 Méso-télésystole

V Ao

OG

VG

V Ao

OG

VG

IM

SAM

Protosystole

Ep Ep

CCVG CCVG

VS ↓

Pcoapt

HVG HVG Ant Ant Post Post

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 184

Dans ces conditions, la paroi postéro-basale du VG est déplacée vers l’avant et la zone de coaptation mitrale se rapproche de la zone d’éjection. En effet, la zone postérieure de l’anneau mitral est fine et souple, alors que sa partie antérieure est fixée au trigone fibreux, qui est le centre de gravité mécanique du cœur sur lequel sont ancrées les valves mitrale, aortique et tricuspide. C’est donc la zone postérieure qui va se déplacer vers l’avant si le VG se rétrécit excessivement (voir Figure 11.41). La diminution de taille de la cavité ventriculaire se traduit donc par un déplacement antérieur des structures postérieures. Ce mouvement a quatre effets en systole.

Déplacement antérieur de la zone de coaptation mitrale ; Occlusion mitrale entre l’extrémité distale du feuillet postérieur et le corps du feuillet antérieur

et non plus bord-à-bord ; Augmentation de la course des cordages du pilier postérieur permettant davantage de

déplacement antérieur des feuillets ; Partie distale du feuillet antérieur flottant à l’intérieur de la cavité du VG en protosystole.

En systole, la pression intraventriculaire va pousser la partie distale du feuillet antérieur vers l’avant en direction de la CCVG, où l’éjection commence (Figure 11.97A). Comme la Vmax s’élève dans la CCVG, la partie distale de ce feuillet peut y être aspirée par effet Venturi et induire un phénomène appelé systolic anterior motion (SAM) : le feuillet antérieur se coude et vient occlure partiellement la CCVG. C’est l’effet CMO, par analogie au mécanisme de la cardiomyopathie obstructive (Figure 11.97B). Le SAM crée un gradient de pression important au sein de la CCVG, et le débit systolique baisse brusquement [197]. Cette chute mésosystolique du débit se traduit par une fermeture prématurée de la valve aortique, car le volume éjecté est soudain insuffisant pour la maintenir ouverte. Ceci n’est pas visible lorsque la valve est remplacée par une prothèse, mais se traduit sur le flux aortique par une déformation "en dague" du tracé Doppler spectral et par une encoche dans la partie ascendante de la courbe artérielle (Figure 11.95C). L'aspiration du feuillet antérieur dans la CCVG a pour effet secondaire de rouvrir la valve mitrale en mésosystole et de provoquer une insuffisance méso-télésystolique. Cette IM fait que la PAPO lue sur le cathéter pulmonaire est trompeusement élevée malgré l’hypovolémie ventriculaire. Après un RVA, les conditions pour un effet CMO sont fréquemment remplies: il existe une HVG concentrique, la postcharge a baissé parce que la sténose est levée, l’hypovolémie est banale en sortant de CEC, et l’administration de catécholamines force la contraction de la paroi postérieure, le rétrécissement de la CCVG et la vélocité d’éjection du sang. Le phénomène est confirmé par l’échocardiographie: la cavité ventriculaire est de petites dimensions, la Vmax dans la chambre de chasse est supérieure à 2.5 m/sec, le feuillet mitral se rabat dans la chambre de chasse (SAM), une insuffisance mitrale apparaît en deuxième moitié de systole. Ce phénomène survient dans 14% des RVA pour sténose [14]. Cliniquement, l'effet CMO se caractérise par une hypotension artérielle et un bas débit cardiaque qui ne réagissent pas aux catécholamines. La thérapeutique consiste en:

Diminution de contractilité: arrêt des catécholamines à effet β, éventuellement esmolol (bolus répétés de 10 mg) ;

Augmentation du volume ventriculaire: perfusions ; Augmentation de la postcharge : vasoconstricteur artériel alpha pur ; Approfondissement de l’anesthésie ; Si l’effet persiste malgré un traitement maximal : résection chirurgicale dans la musculature de

la CCVG (myectomie), notamment au niveau de l’éperon septal. A défaut, on peut procéder ultérieurement à une embolisation alcoolique de la première artère septale pour provoquer une nécrose partielle du muscle.

En résumé, en cas de CMO le patient doit être maintenu plein, mou et fermé.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 185

Sténose sous-aortique dynamique post-RVA

La chute de la postcharge et l’hypertrophie concentrique du VG peuvent conduire à une subocclusion dynamique de la chambre de chasse en cas d’hypovolémie et de stimulation β excessive : - Vmax > 2.5 m/s dans la CCVG - suboclusion de la CCVG par le feuillet antérieur de la valve mitrale (SAM) - IM méso-télésystolique - déformation en dague du flux aortique et de la courbe artérielle Traitement :

- réduire les catécholamines β, bolus d’esmolol - augmentation de la précharge (perfusions) - augmentation de la postcharge (vasoconstricteurs α) - si échec : retour en pompe pour myectomie dans la CCVG

Hémodynamique recherchée en cas d’effet CMO

Précharge élevée Contractilité diminuée (stop catécholamines β, esmolol)

Vasoconstriction systémique

Plein – Mou – Fermé Anesthésie pour la chirurgie non-cardiaque Evaluation préopératoire La présence d’un souffle systolique râpeux chez la personne âgée est une découverte fréquente lors de l’examen préopératoire pour chirurgie non-cardiaque (voir Annexe C). L’échocardiographie confirme le diasgnostic et précise le degré de sténose. Cette situation pose deux questions essentielles (voir Figure 11.28) :

La sténose aortique implique-t-elle un risque opératoire excessif ? Si la sténose est serrée (S < 0.6 cm2/m2, ΔPmoy > 50 mmHg), un RVA est-il indiqué avant

l’intervention planifiée ? Lorsqu’elle est symptomatique (angor, syncope ou dyspnée) ou accompagnée d’une dilatation du VG (Dtd > 4 cm/m2), une sténose aortique serrée doit être corrigée avant de procéder à l’intervention non-cardiaque, quelle qu'elle soit [108,318]. Il est préférable d'utiliser une bioprothèse afin d'éviter les problèmes d'anticoagulation. Lorsque la sténose aortique est asymptomatique, il existe deux cas de figure [39,53,318].

L'intervention prévue est majeure (chirurgie de l’aorte abdominale, chirurgie hépato-pancréatique, etc); dans ce cas, il est prudent de prévoir un remplacement valvulaire aortique (RVA) avant la chirurgie non-cardiaque; si le VG est dilaté et sa fonction déjà diminuée, le RVA préopératoire est également conseillé, même si le patient est asymptomatique.

La chirurgie prévue est de type intermédiaire ou mineur: le RVA ne se justifie pas; même si elle est de 15-25%, la morbidité cardiaque est la même que chez les patients qui présentent une

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 186

sténose mineure-à-modérée. Toutefois, plus la sténose est serrée, plus le risque d'hypotension peropératoire est élevé et plus le contrôle hémodynamique doit être rigoureux.

Seules des interventions urgentes et vitales ne pouvant pas souffrir de délai doivent être envisagées en présence de sténose serrée symptomatique, parce que leur mortalité est ≥ 10%, allant jusqu’à 31% lorsque plus de trois autres comorbidités sont présentes [53,108,166]. Dans certains cas, il est éventuellement possible de dilater la valve en préopératoire (valvuloplastie percutanée), pour autant qu’elle ne soit pas calcifiée ni accompagnée d’une insuffisance. Chez les patients asymptomatiques, la sténose est un déterminant indépendant majeur de complications postopératoires : le risque d’accident cardiaque est multiplié par un facteur de cinq (odds ratio 5.2) [166]. La présence d’une dysfonction du VG aggrave le pronostic et renforce l’indication à un RVA préopératoire, mais cette indication est essentiellement basée sur le bénéfice à long terme du malade, car le RVA lui-même affiche une mortalité de 1-2% en-dessous de 70 ans et de 2-6% au dessus de 75 ans [23,24]. Technique d’anesthésie La technique d’anesthésie et le monitorage doivent s’inspirer des recommandations faites pour l’anesthésie cardiaque.

Induction lente avec cathéter artériel en place ; Tolérance à l’IPPV jugée par une manœuvre de Valsalva avant l’induction ; Monitorage :

o Cathéter artériel, surveillance du segment ST ; o ETO (fonction VG, volémie) si chirurgie majeure avec risque d’hypovolémie ; l’ETO

est le meilleur moyen de diagnostic différentiel en cas d’hypotension aiguë (hypovolémie, dysfonction VG, ischémie, CMO) ;

o Swan-Ganz : peu informative, dangereuse (risque d’arythmies et de bloc AV complet) ; Agents d’induction :

o Propofol (hypotension sur baisse de précharge) ; o Midazolam (hypotension sur baisse du tonus sympathique) ; o Etomidate (le plus sûr pour les cas à risque) ; o Thiopental déconseillé (hypotension et tachycardie) ; o Curare : éviter pancuronium (tachycardie) ; o Hypotension : vasoconstricteur alpha, pas d’éphédrine.

Maintien de l’anesthésie : o Halogéné : sevoflurane (préférence), desflurane (interventions courtes) ; isoflurane

déconseillé car trop vasodilatateur ; o Propofol (perfusion), midazolam ; o IPPV avec la PEEP minimale (Pit moy basse, maintien du retour veineux).

Hypotension plus dangereuse que l’hypertension (risque ischémique élevé) ; maintenir la PAM ≥ 80 mmHg avec des vasoconstricteurs (phényléphrine, nor-adrénaline) ;

Soutien inotrope si nécessaire : dopamine (effets β + α) ou combinaison dobutamine + nor-adrénaline (dobutamine seule : effet vasodilatateur systémique).

L’anesthésie générale est préférable à l’anesthésie loco-régionale rachidienne. En effet, le bloc sympathique provoque une hypotension profonde, essentiellement liée à une chute de précharge, et une tachycardie réflexe. Cette combinaison, particulièrement marquée lors de rachianesthésie, est hautement défavorable à l’hémodynamique de la sténose aortique serrée. Bien qu’on ne dispose pas d’études de haut degré d’évidence à ce sujet, l’anesthésie générale est habituellement recommandée comme technique de choix en cas de sténose aortique [108]. En cas de nécessité, une anesthésie péridurale est possible si le bloc est installé très progressivement.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 187

Anesthésie en cas de sténose aortique lors de chirurgie non-cardiaque

Indications au RVA préopératoire : - sténose aortique serrée (< 0.6 cm2/m2) symptomatique - sténose aortique serrée avec dysfonction (FE < 0.5) ou dilatation (Dtd > 4 cm2/m2) du VG Sténose aortique serrée asymptomatique : pas d’indication au RVA, mais risque opératoire augmenté de 3-5 fois ; seule les opérations vitales sont envisageables. Prise en charge anesthésique : - ↑ précharge (hypovolémie mal tolérée) ; - ↑ RAS (hypotension plus dangereuse que l’hypertension car risque ischémique ↑) ; - maintenir fréquence normale et rythme sinusal ; - monitorage : cathéter artériel ; - IPPV avec PEEP minimale (Pit moy basse) ; - ALR rachidienne : préférence à péridurale avec lente installation du bloc ; rachianesthésie déconseillée (↓ brusque de précharge et postcharge).

Hémodynamique recherchée en cas de sténose aortique

Précharge élevée Vasoconstriction systémique (PAM ≥ 80 mmHg)

Fréquence normale, rythme sinusal Soutien inotrope si dysfonction ventriculaire (Dtd > 4 cm/m2)

L’hypotension est plus dangereuse que l’hypertension Ventilation en pression positive : Pit basse

Plein – Régulier – Fermé

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 188

Insuffisance aortique L’insuffisance aortique (IA) est une pathologie fréquence lorsqu’elle est mineure ; son incidence est de 5-10% dans la population générale [235]. L’IA modérée-à-sévère, plus rare (prévalence 0.5%), relève anatomiquement de deux structures et de deux mécanismes différents (Figure 11.98).

Dilatation de l’anneau et de la racine aortique ; les cuspides sont normales ; Lésions de la valve proprement dite ; la pathologie est située au niveau des cuspides.

Dans le premier cas, il s’agit de la maladie annulo-ectasiante de l’aorte ascendante, qui devient de plus en plus fréquente en Occident et représente actuellement la moitié des cas d’insuffisance aortique [66]: la dilatation de l’anneau et de la jonction sino-tubulaire tend les bords libres des cuspides, qui sont normales, et les empèche de coapter proprement. Cette affection relève de la médianécrose cystique de l’aorte, isolée ou associée au syndrome de Marfan, de la dégénérescence dilatative de l’aorte liée à l’âge (anévrysme), ou de syndromes inflammatoires systémiques (spondylite ankylosante, syndrome de Reiter ou de Behçet, aortite syphilitique, etc). Enfin, le flap intimal d’une dissection aortique de type A peut déstabiliser l’appareil valvulaire ou prolaber à travers la valve en diastole. Dans le deuxième cas, l’insuffisance est due à des lésions des cuspides, qui relèvent de plusieurs étiologies différentes :

Lésion dégénérative : dégénérescence myxoïde ou fibro-élastique (prolapsus), calcifications (les blocs calciques rigides dont les valvules sont infiltrées ne permettent plus l’étanchéité en diastole) ;

Bicuspidie: bien que cette malformation conduise le plus souvent à une sténose, il arrive qu’elle se manifeste par une insuffisance isolée ou prédominante ; sa prévalence est de 1-2% ;

RAA: une rétraction cicatricielle des cuspides infiltrées de tissu fibreux les empèche de coapter en diastole ;

A

Ao asc

J sino-tub

© Chassot 2011

(I)

B

Ao asc

J sino-tub

(III) (II)

Figure 11.98 : Les différents types anatomo-pathologiques d’insuffisance aortique. A : maladie annulo-ectasiante ; la racine de l’aorte ascendante et l’anneau valvulaire sont dilatés mais les cuspides sont normales (IA type I) ; le jet de l’IA est central. B : la racine de l’aorte est normale mais les cuspides sont lésées ; elles peuvent être prolabantes (IA type II) ou rétractées (IA type III). Le jet de l’IA est en général excentrique ; il est dirigé à l’opposé de la cuspide prolabante ou du côté de la cuspide rétractée.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 189

Endocardite: la destruction des feuillets, leur perforation, ou le prolapsus de végétations à travers la valve, causent une fuite transvalvulaire; dans le pannus infectieux qui ceint la racine des cuspides peut se former un abcès, le plus fréquemment à l’angle mitro-aortique ;

Perte du support commissural : traumatisme, dissection A, CIV supracristale ; Toxicité médicamenteuse : méthysergide, ergotamine, pergolide, fenfluramine, phentermine,

aminorex, benfluorex (Mediator®) ; la toxicité des anorexiants est connue depuis le début des années ‘90.

L’insuffisance aortique peut évoluer lentement et rester longtemps asymptomatique; mais elle peut également se présenter de manière foudroyante (IA aiguë), le plus souvent suite à une dissection, une endocardite ou un traumatisme. Les critères définissant l’IA sévère sont (voir Tableau 11.13) [23,188,238,318]:

Volume régurgité ≥ 60 ml (fraction de régurgitation ≥ 45%) ; PA diastolique < 50 mmHg, PA différentielle très large (> 80 mmHg) ; Hypertrophie dilatative du VG ; Cavité du VG de grande taille (diamètre télédiastolique > 4 cm/m2) ; ce critère est absent en cas

d’IA aiguë ; Jet de régurgitation s’étendant jusqu’à mi-ventricule ; Rapport diamètre jet de l’IA/diamètre CCVG > 0.6 ; Surface de l’orifice de régurgitation > 0.3 cm2.

Tableau 11.13 Critères de quantification de l’insuffisance aortique

IA mineure IA modérée IA sévère

Paramètres structuraux Taille de l’OG normale normale/peu dilatée dilatée* Taille du VG normale normale/peu dilatée très dilatée* Cuspides aortiques peu déformées normales/anormales anormales, prolapsus

large défaut de coaptation Critères spécifiques Etendue du jet couleur** < CCVG extrémité feuillet ant cavité VG Vena contracta < 0.3 cm 0.3 – 0.6 cm > 0.6 cm Jet IA/CCVG < 25% 25 – 60% > 65% Orifice de régurgitation < 0.1 cm2 0.1 – 0.3 cm2 > 0.3 cm2 Volume régurgité < 30 mL 30-50 mL > 60 mL Fraction de régurgitation < 30% 30-40% > 45% Critères d’appoint Pt1/2 flux IA > 500 msec 250 – 500 msec < 200 msec Reflux diastolique aorte desc absent absent présent holodiastole * Absence de dilatation dans l’IA aiguë ** Dépend de l’hémodynamique et de la morphologie du jet Sources: références 23, 188, 318 et 338.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 190

Insuffisance aortique

L’insuffisance aortique (IA) relève de deux mécanismes différents : - dilatation de l’anneau et de la racine aortique, cuspides normales, jet central ; - lésions des cuspides, jet excentrique. Etiologies : - maladie annulo-ectasiante, anévrysme, Marfan, flap d’une dissection ; - bicuspidie, dégénérescence, RAA, endocardite, traumatisme, toxicité médicamenteuse. Critères de définition de l’IA sévère : - volume régurgité ≥ 60 mL, fraction de régurgitation > 45%, - surface de l’orifice de régurgitation > 0.3 cm2, - HVG dilatative (Dtd VG > 4 cm/m2) ; taille du VG normale en cas d’IA aiguë, - PA diast < 50 mmHg, PAdiff > 80 mmHg. Physiopathologie L’insuffisance aortique représente une surcharge de volume pour le VG, que celui-ci compense par une augmentation de son volume télédiastolique. Cette augmentation de précharge lui permet de maintenir un volume systolique adéquat (principe de Frank-Starling); de plus, la tachycardie élève le débit cardiaque. Pour le VG, l’augmentation de sa tension de paroi par la dilatation est l’équivalent d’une élévation de postcharge en protosystole; elle induit une hypertrophie excentrique. A la différence de l’insuffisance mitrale (IM), où la fuite dans l’OG maintient la postcharge basse malgré l’excès de volume systolique, l’insuffisance aortique oblige le VG à éjecter tout le volume dans l’aorte, qui est un système à haute pression. D'autre part, la pression d’amont de la régurgitation est la pression diastolique aortique (40-80 mmHg), qui est bien supérieure à la pression de l’OG en systole (5-12 mmHg). Les RAS contrôlent directement la postcharge du VG en systole et la fraction régurgitée en diastole. La diminution des RAS est donc doublement importante pour le fonctionnement du VG:

L’IA diminue si la PAdiast baisse; L’éjection du VG est améliorée si la PAsyst baisse.

Comme elle est à la fois une surcharge de volume et de pression, l’IA est moins bien tolérée que l’IM [45]. La quantité de sang régurgitée de l’aorte dans le VG dépend de:

La surface de l’orifice maintenu ouvert en diastole (IA sévère : > 0.3 cm2) ; La durée de la diastole: la bradycardie prolonge la durée de la diastole, donc le volume de la

régurgitation ; Le gradient de pression entre l’aorte et le VG en diastole: il dépend de la pression dans l’aorte

ascendante, des RAS et de la compliance ventriculaire. La tachycardie raccourcit la diastole, et le volume régurgité par cycle cardiaque diminue. De ce fait, la dilatation du VG est freinée. La bradycardie représente un danger majeur à cause du remplissage exagéré du VG lors de longues diastoles pendant lesquelles l’IA déverse une grande quantité de sang dans le ventricule. La fréquence optimale se situe probablement autour de 80-90 batt/minute. Il est certainement dangereux de descendre en-dessous de 60 batt/minute.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 191

Insuffisance aortique chronique La dilatation ventriculaire accroissant le stress de paroi (σ), le VG va s’épaissir et s’hypertrophier pour maintenir normale cette tension (loi de Laplace : σ = (P • r) / 2h). Ceci conduit à une hypertrophie excentrique ou dilatative par réplication en série des sarcomères et élongation des fibres [239] (Figure 11.99). La loi de Laplace implique que, pour développer la même pression systolique, le stress de paroi est d’autant plus élevé que le ventricule est plus grand. L’IA chronique provoque le plus important agrandissement ventriculaire de toutes les cardiopathies: la masse ventriculaire peut être imposante et atteindre > 600 g (coeur bovin). Le débit de la régurgitation pouvant atteindre 5-8 L/min, le VG est contraint à un débit de 10-12 L/min pour maintenir la perfusion périphérique ! L’effort physique peut être relativement bien toléré, parce que les RAS baissent et que la tachycardie raccourcit la diastole: la fraction régurgitée diminue [165]. Les indices habituels de fonction systolique telle la fraction d’éjection sont en général dans les limites normales, mais, avec une utilisation maximale de la réserve de précharge, ils ne traduisent pas la contractilité réelle du myocarde. La dimension télésystolique du VG (diamètre > 2.5 cm/m2) est un indice plus utile pour déterminer le pronostic du patient, car elle est peu dépendante de la précharge [30]. Le rapport entre le stress de paroi et le volume en télésystole est l’élément qui prédit le mieux la récupération fonctionnelle après RVA [308]. Figure 11.99 : Représentation schématique du remodelage des cavités gauches lors d'une insuffisance aortique sevère. A : cœur normal. La loi de Laplace indique que le stress de paroi (σ) est proportionnel à la pression générée et au rayon de la cavité, et inversément proportionnel à son épaisseur. B : Insuffisance aortique sévère. L'oreillette gauche est dilatée, le VG subit une hypertrophie dilatative majeure, sa paroi est épaissie et sa cavité est très agrandie. L'IA chronique donne lieu aux plus importantes dilatations du VG.

© Chassot 2011

V Ao

OG

VG

A σ = (P • r) / 2h B

V Ao

OG

VG

Ao (dilatée)

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 192

Tant que la fonction systolique est conservée, la compliance est préservée ; le ventricule dilaté accomode de grands volumes pour des pressions de remplissage encore normales; la surcharge progressive de volume a déplacé toute la courbe de compliance vers la droite (Figure 11.100). Cependant, la pente de la relation P/V diastolique est redressée à haut volume ; dans l’insuffisance aiguë, le VG opère sur la partie ascendante de la courbe, donc à pression diastolique élevée. On voit aussi sur le diagramme pression/volume de l’IA que le triangle Emax-compliance-boucle P/V, dont la surface représente le travail interne de pression (Tpr), est de dimension variable. Dans la période de compensation, le ventricule dépense davantage d’énergie en travail externe d’éjection; ce rapport est favorable à l’efficience énergétique et à la consommation d’O2. Lorsque la dilatation s’aggrave, par contre, la tension de paroi devient excessive et la postcharge effective du VG augmente ; le travail de pression s’élève. Tant que la géométrie du VG est conservée, le remplacement de la valve défectueuse permet une bonne récupération fonctionnelle, mais lorsque le VG devient sphérique, le remodelage et les lésions fonctionnelles sont irréversibles [28]. De ce fait, la taille de VG en télésystole est le meilleur critère prédictif de la performance ventriculaire après RVA. Figure 11.100 : Boucle pression-volume en cas d’insuffisance aortique (IA) chronique. La courbe de compliance est déplacée vers la droite à cause de l’augmentation de volume diastolique due à la régurgitation qui se fait à la pression diastolique de l’aorte, mais sa pente reste très plate car le VG est encore souple. Le volume éjecté est immense (VS) par rapport à sa valeur normale (jaune), car l’IA provoque les plus fortes dilatations ventriculaires que l’on rencontre en clinique (cœur bovin). Le travail de pression (triangle pointillé bleu clair) est augmenté à cause de la tension de paroi élevée (dilatation) en protosystole. En cas d’IA aiguë, le volume du VG est à la limite supérieure de la normale, mais n’a pas le temps de s’agrandir ; par contre, l’excès de remplissage diastolique avec une compliance normale conduit à une augmentation très importante de la pression diastolique ; la boucle PV est réduite, mais surélevée. Avec le temps, la décompensation s’installe: la fonction systolique baisse, le VG se dilate davantage, sa tension de paroi s’élève, son éjection diminue, et la fraction régurgitée augmente. Comme la compliance diminue simultanément, les pressions diastoliques ventriculaires s’élèvent et la symptomatologie de stase veineuse pulmonaire apparaît, d’abord à l’effort puis au repos. L’ischémie est un signe tardif, qui survient sur plusieurs mécanismes [6,234].

Augmentation de la demande en O2 à cause de la tension de paroi élevée ;

Emax

Pression

Volume

VS

Boucle PV

normale

Compliance

V0

Insuffisance aortique

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 193

Diminution de l’apport d’O2, à cause de la pression diastolique aortique basse et de la pression intraventriculaire élevée (pression de perfusion coronarienne = PAdiast – PtdVG) ;

Masse contractile disproportionnnellement augmentée par rapport au développement du réseau capillaire coronarien.

La souffrance ischémique altère encore la performance systolique et installe un cercle vicieux : ischémie → ↓ fonction systolique → ↑ IA → ↑ Vtd → ↑ tension de paroi → ↓ perfusion coronarienne → davantage d’ischémie. Insuffisance aortique aiguë L'IA aiguë impose une soudaine surcharge de volume: le VG, normalement compliant, se dilate un peu, mais sans atteindre les dimensions qu’il prend dans les cas chroniques. La pression diastolique et la tension de paroi augmentent brusquement, parce que le volume télédiastolique correspond à la partie redressée de la courbe de compliance (voir Figure 11.13). Ceci est d’autant plus marqué que l’IA survient dans un cas d’HVG concentrique avec une paroi épaisse et une petite cavité comme chez un hypertendu. La compensation physiologique est une intense stimulation sympathique qui provoque une hypercontractilité et une tachycardie: le débit effectif est maintenu par augmentation du débit systolique total. Malheureusement, le stress sympathique induit aussi une montée des résistances systémiques, qui va accentuer la régurgitation diastolique. Lorsque la valve est quasi-détruite, les pressions diastolique aortique et télédiastolique du VG s'égalisent. L'élévation de pression par remplissage rétrograde dans le VG est si rapide, que la valve mitrale se ferme prématurément en cours de diastole [80]. Parfois, la dilatation ventriculaire empêche la mitrale de coapter normalement, et il apparaît une IM diastolique [92]. L’ischémie myocardique est fréquente à cause de l’effondrement de la pression de perfusion coronarienne (PPC = PAdiast – PtdVG), de la tension sous-endocardique et de la tachycardie.

Physiopathologie de l’insuffisance aortique

L’IA augmente le Vtd du VG ; en diastole, le ventricule est rempli par la pression diastolique de l’aorte (40-80 mmHg). La tension de paroi est élevée en protosystole, ce qui constitue une augmentation de la postcharge effective. L’IA représente une surcharge de volume et une surcharge de pression. Elle induit une dilatation ventriculaire majeure. L’IA augmente lorsque les RAS s’élèvent et diminue lorsqu’elles s’abaissent. L’éjection du VG est facilitée lorsque sa postcharge est basse parce que sa dilatation le rend très sensible au stress de paroi systolique. La baisse des RAS est donc doublement importante: - l’IA diminue si la pression diastolique baisse, - l’éjection du VG est améliorée si la pression systolique baisse. Plus la diastole est longue, plus le volume régurgité est élevé ; la tachycardie permet de le fractionner en plus petites unités et de diminuer ainsi la fraction de régurgitation et la dilatation ventriculaire. La tachycardie est bénéfique, alors que la bradycardie est dangereuse. Fréquence optimale : 80-90 batt/min. L’IA induit une hypertrophie excentrique. La FE ne traduit pas la fonction réelle du VG ; les dimensions télésystoliques sont une meilleur critère. La fonction est diminuée lorsque le Vts est > 2.5 cm/m2. L’ischémie myocardique se développe tardivement sur trois phénomènes : - ↑ mVO2 sur ↑ tension de paroi, - ↓ DO2 par ↓ PAdiast et ↑ PtdVG, - développement capillaire insuffisant par rapport à la masse contractile.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 194

L’IA aiguë provoque rapidement un choc cardiogène qui nécessite une prise en charge intensive avec soutien inotrope (dobutamine) et vasodilatation (nitroprussiate). Les β-bloqueurs et la contre-pulsion intra-aortique sont contre-indiqués. Le RVA s’impose en urgence. Manifestations cliniques Bien que la capacité à l’effort soit plus rapidement limitée dans l’insuffisance aortique que dans la sténose, les symptômes de l’IA sont tardifs dans l’évolution de la maladie, et ne se manifestent qu’après une période de 3 à 10 ans lorsque survient la cardiomégalie et la dysfonction ventriculaire, habituellement entre 40 et 50 ans [26]. La symptomatologie dominante est d’emblée celle de l’hypertension veineuse pulmonaire: dyspnée d’effort puis de repos, orthopnée, et enfin oedème pulmonaire; l’angor est plus rare (20% des cas). Classiquement, la dyspnée et l’angor réveillent le malade au milieu de la nuit, lorsque la baisse de la fréquence cardiaque provoque une dilatation progressive du VG et que la pression diastolique chute considérablement (jusqu’à 30 mmHg). Souvent, il lui suffit de déambuler pendant une demi-heure pour que la fréquence cardiaque augmente et que la dyspnée régresse. Le grand volume systolique, le pouls bondissant, la très grande pression différentielle et le flux diastolique rétrograde dans l’aorte thoracique descendante sont à l’origine des signes physiques classiques: apex arrondi et hyperdynamique, signe de Musset (hochement de tête avec chaque systole), pouls de Corrigan (pulsus altus et celer) [34]. La courbe artérielle est très ample ; la pente ascendante est verticale, la diastolique basse et la pression pulsée (PAsyst – PAdiast) de 80-100 mmHg (voir Figure 11.112B). A l’auscultation, on entend un souffle diastolique decrescendo de tonalité élevée irradiant vers l’apex, maximum au troisième et quatrième espace intercostal gauche en position parasternale (Figure 11.101). Il est souvent accompagné d’un roulement mésodiastolique (souffle d’Austin Flint), occasionné par la vibration du feuillet antérieur de la valve mitrale contre lequel le jet de l’IA se réfléchit [22]. La sévérité de l’insuffisance est mieux corrélée à la durée qu’à l’intensité du souffle [34]. Figure 11.101 : Souffles d'insuffisance aortique: souffle diastolique doux et piaulant (1) ; il est accompagné du roulement de Flint au foyer mitral (2), dont l’origine est une vibration diastolique du feuillet mitral antérieur (FMA) sous l’effet du jet de régurgitation qui en longe la face ventriculaire; il s’y ajoute un souffle éjectionnel aortique si le flux systolique est très élevé (3).

B1 B2 B1

Ao FMA

VG

OG

Roulement de Flint (2)

1

3

2

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 195

L’ECG affiche les signes d’une dilatation gauche: déviation gauche, Q prédominant et T pointu dans les territoires gauches; une inversion de l’onde T et un sous-décalage du segment ST non spécifique sont souvent visibles. La radiographie thoracique montre une cardiomégalie très prononcée. Alors qu’il n’est que de 6%/an lorsque la fonction du VG est conservée, le taux d’apparition des symptômes est de 25%/an lorsque le VG est défailllant et dilaté ; la mortalité est alors de 20%/an [23]. Encore une fois, c’est le diamètre télésystolique excessif du VG (> 2.5 cm/m2) qui est le meilleur prédicteur indépendant de survie [25]. L’insuffisance aiguë se manifeste brutalement par une dyspnée grave, un collapsus cardiovasculaire et un pré-oedème pulmonaire; le patient est tachycarde et hypoperfusé. Le souffle diastolique est moins prononcé et moins long, car la pression intraventriculaire est élevée et le gradient aorto-ventriculaire diminue rapidement en diastole.

Clinique de l’insuffisance aortique

Symptômes apparaissant avec la dilatation et la dysfonction du VG : dyspnée (stase pulmonaire), angor (tardif). Signes typiques : pouls bondissant et rapide, souffle diastolique. IA aiguë : choc cardiogène.

Caractéristiques de l’insuffisance aortique

Surcharge de volume entraînant une HVG dilatative Surcharge de pression sur augmentation de la tension de paroi (dilatation)

Fonction VG diminuée (critère de dysfonction : Dtd > 2.5 cm/m2) Si augmentation des RAS : augmentation de l’IA et de la postcharge du VG

Bradycardie dangereuse : augmentation du volume régurgité par diastole

Examens hémodynamiques Une coronarographie n’est pratiquée qu’en présence de symptômes ischémiques, ou au-delà de 45 ans chez les hommes et de 50 ans chez les femmes si un remplacement valvulaire chirurgical est indiqué. Lorsque l’échocardiographie transthoracique et transoesophagienne n’est pas suffisamment performante, l’IRM apporte le maximum de renseignements sur l’anatomie de la valve, sur l’IA, et sur le volume, la masse et la fonction du VG. L’IRM et le CT-scan offrent les images les plus détaillées et les plus précises de la racine aortique. Echocardiographie bidimensionnelle Une insuffisance aortique mineure asymptomatique est présente chez 1% de la population jeune, 5% des adultes et jusqu’à 13% des personnes âgées [155]. Même si elle n’a pas de signification clinique, elle peut causer une dilatation aiguë du VG lorsque celui-ci ralentit puis cesse de battre au moment de la cardioplégie et du clampage aortique en début de CEC. Elle est donc à rechercher systématiquement avant toute intervention en CEC. Par analogie à la classification des IM, on décrit 3 types d’IA (Figure 11.98) [27,84].

Type I : cuspides normales, dilatation de l’anneau aortique ; jet central; Type II : excès de tissu et de mouvement d’une ou des cuspides, prolapsus ; jet excentrique;

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 196

Type III : mouvement restrictif des cuspides, calcifications ; jet variable. La surcharge de volume au régime de pression diastolique de l’aorte entraîne une très forte dilatation du VG (Vtd > 200 mL). L’image 2D de l’IA est caractéristique (Figure 11.102). Figure 11.102 : Images bidimensionnelles d’insuffisance aortique. A : hauteur normale de coaptation des cuspides aortiques. B : prolapsus de la cuspide coronarienne droite. C : prolapsus de la cuspide non-coronaire en vue transgastrique. D : orifice de régurgitation central lors de dilatation de l’anneau ; la surface de l’orifice (0.6 cm2) signe une IA sévère.

Hypertrophie dilatative et sphéricisation du VG, dilatation modérée de l’OG ; Dilatation de la racine de l’aorte ; Prolapsus ou déchirure d’une cuspide qui bombe dans la CCVG en diastole, rétraction d’une ou

plusieurs cuspides (vue long-axe 120°) ; Défaut de coaptation central avec orifice de régurgitation triangulaire en diastole (vue court-axe

mi-oesophage 40°) ; Bombement diastolique du corps du feuillet antérieur de la valve mitrale dans l’OG ; lésion de

jet (jet lesion) au point d’impact de l’IA sur ce feuillet antérieur ;

VG

Ao

C D

A B

CCVG

CCVD

OG

Ao CCVG

CCVD

OG

Ao

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 197

Vibration diastolique du feuillet antérieur de la valve mitrale due au jet de l’IA qui le lèche à vélocité élevée (origine du roulement de Flint).

Echocardiographie Doppler L’image la plus caractéristique de l’IA est la présence d’un jet diastolique tourbillonnaire dans la CCVG, dont l’extension en direction du VG est une manière qualitative rapide d’évaluer l’importance de la régurgitation [256]. Mais cette méthode est peu performante parce qu’elle est tributaire de l’hémodynamique, des réglages de l’appareil et de l’angle d’analyse. L’extension du jet dépend de sa Vmax, qui est fonction du ΔP entre l’aorte et le VG en diastole ; elle augmente ou diminue parallèlement à la pression diastolique aortique ; elle varie également avec la compliance de l’aorte et du VG. La morphologie du jet, par contre, est une source de renseignements considérable (Figure 11.103 et Figure 11.104) [188,338]. Figure 11.103 : Insuffisance aortique. A : jet d’IA central en cas de dilatation de l’anneau (maladie de la racine de l’aorte). B : jet excentrique an cas de lésion d’une cuspide aortique (prolapsus). C : mesure du diamètre de la vena contracta juste en aval de la valve. D : rapport du diamètre du jet à celui de la chambre de chasse au même niveau.

Jet IA central

CCVG Aorte

Jet IA excentrique

CCVG

Aorte

A B

PISA

CCVG

Vena contracta C

PISA

CCVG

Vena contracta D

© Chassot 2011

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 198

Un jet central de symétrie circulaire traduit une fuite liée à une dilatation de l’anneau sans lésion des cuspides.

Un jet excentrique est du à une lésion de la valve elle-même ; la fuite est dirigée à l’opposé de la cuspide qui prolabe ou du côté de celle qui est rétractée.

Le flux couleur comprend 3 zones : le PISA côté aortique, la vena contracta et la zone tourbillonnaire allant s’élargissant dans la CCVG.

Le diamètre de la vena contracta située immédiatement en aval de la valve reproduit la dimension de l’orifice de régurgitation et ne dépend pas de l’hémodynamique ; un diamètre de > 6 mm correspond à une IA sévère.

Le rapport entre le diamètre de la vena contracta et celui de la CCVG au même endroit est de ≥ 0.6 lors d’une IA sévère.

Figure 11.104 : Flux Doppler couleur dans une IA. A : IA centrale en vue long-axe de l’aorte ascendante. B : IA centrale en vue transgastrique profonde. C : IA excentrique en vue long axe mi-oesophage. D : IA centrale en vue court-axe. Les mesures sont plus fiables dans les IA centrales que dans les IA excentriques. En effet, ces dernières sont liées à une déformation de la valve et peuvent provenir d’un orifice en forme de fente situé à la commissure entre deux cuspides. Leur dimension doit être observée dans plusieurs plans. Dans une maladie aortique, l’axe de l’IA n’est souvent pas le même que l’axe du flux antérograde. Le flux de l’IA enregistré au Doppler continu en vue transgastrique donne une trace spectrale dirigée vers le capteur, dont la silhouette est caractéristique (Figure 11.105) [131, 188].

B A OG

Ao

C D

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 199

Vélocité maximale : 3-4 m/s. ; la densité de la trace est fonction de l’importance de l’IA. Décélération progressive au cours de la diastole ; la pente de cette décélération est directement

fonction de la vitesse avec laquelle s’égalisent les pressions entre l’aorte et le VG. Si l’orifice de régurgitation est petit (IA mineure), le ΔP entre l’aorte et le ventricule diminue peu en cours de diastole et la pente est faible. Si l’orifice est grand (IA sévère), le ΔP baisse rapidement au fur et à mesure que le VG se remplit ; la pente est très forte.

La vélocité télédiastolique permet de mesurer la Ptd du VG ; la Vmax à laquelle le flux cesse en fin de diastole correspond au ΔP entre la pression aortique et la pression intraventriculaire (ΔP = 4 V2

IA) ; en soustrayant ce ΔP de la PA diastolique, on obtient la Ptd du VG. La pente de décélération de l’IA permet d’en calculer le temps de demi-pression (Pt1/2), qui est

le temps nécessaire pour que la pression décroisse de 50% ou la Vmax de 0.7 [132]. Un Pt1/2 de < 250 msec correspond à une IA sévère.

Lorsque l’IA fuit dans le VG, un reflux diastolique apparaît dans l’aorte. Ce flux rétrograde, qui est proportionnel au degré de régurgitation, est visible d’autant plus loin dans l’aorte que la fuite est plus importante [304]. En cas d’IA sévère, il est visible dans l’aorte descendante (Figure 11.106). Les critères échocardiographiques définissant l’IA sévère sont (voir Tableau 11.13) [23,188,318]:

0.7 Vmax

IA mineure

Vmax

Pt1/2

IA sévère

Pt1/2

A

C B 120°

VG

Ao

Figure 11.105 : Temps de demi-pression (Pt1/2) de l’insuffisance aortique ; c’est le temps nécessaire à la pression pour diminuer de moitié ou à la Vmax pour diminuer par un facteur de 0.7. L’enregistrement du flux de l’IA se fait dans une vue transgastrique à 0° (vue transgastrique profonde) ou à 120° (vue transgastrique long-axe). A : schéma d’une IA mineure (pente de décélération faible) et d’une IA sévère (pente de décélération forte). B : IA mineure ; Pt1/2 850 msec. C : IA sévère ; Pt1/2 238 msec.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 200

Hypertrophie dilatative du VG (diamètre télédiastolique > 4 cm/m2) ; absent en cas d’IA aiguë ; Jet de régurgitation s’étendant jusqu’à mi-ventricule ; Diamètre de la vena contracta > 0.6 cm ; Rapport diamètre jet de l’IA/diamètre CCVG > 0.6 ; Pt1/2 du flux diastolique < 250 msec ; Volume régurgité ≥ 60 ml (fraction de régurgitation ≥ 45%) ; Surface de l’orifice de régurgitation > 0.3 cm2 ; Reflux diastolique dans l’aorte descendante.

Fonction du VG Jusqu'à la phase de décompensation, la précharge reste haute et la postcharge s’élève ; la fraction d'éjection (FE) tend à surestimer la fonction réelle du VG, et ne traduit pas la baisse progressive de sa contractilité. Dans ces conditions, une valeur de 0.5 signe déjà une atteinte significative. Comme c'est le cas pour l'insuffisance mitrale, les dimensions télésystoliques sont un meilleur critère de la fonction du VG ; la fonction est altérée lorsque le Dts est > 4 cm ou > 2.5 cm/m2, et le volume télésystolique (Vts) > 50 mL/m2. La souplesse de la paroi est assez bien conservée, mais la courbe de compliance diastolique est redressée à cause de la tension excessive exercée sur cette paroi. L’écho permet également de calculer des indices de contractilité qui dépendent moins des conditions de charge et de fréquence, comme la vélocité de raccourcissement circonférentiel (Vcf) :

Vcf = (Cdiast – Csyst) / Cdiast • Téj où : C = circonférence Téj = durée de l’éjection

Echocardiographie de l’insuffisance aortique

L’échocardiographie permet de définir 3 types d’IA : - Type I : cuspides normales, dilatation de l’anneau aortique, jet central ; - Type II : excès de tissu et de mouvement d’une ou des cuspides, prolapsus, jet excentrique ; - Type III : mouvement restrictif des cuspides, calcifications, jet variable.

Figure 11.106 : Flux dans l’aorte descendante en cas d’IA sévère, avec présence d’un reflux holodiastolique important (flèches). Le flux est enregistré avec l’axe du Doppler continu le long du bord de l’écran pour être le plus en ligne possible avec le flux dans l’aorte descendante vue en long axe (90-120°).

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 201

Echocardiographie de l’insuffisance aortique Toujours rechercher soigneusement une IA avant une opération en CEC, car elle peut causer une dilatation aiguë du VG pendant la cardioplégie ou la fibrillation ventriculaire, même si elle est minime. Signes échocardiographiques : - dilatation et sphéricisation du VG, ± dilatation de la racine aortique ; - prolapsus ou restriction des cuspides ;

- orifice de régurgitation central triangulaire en court-axe ; - vibration et bombement du feuillet antérieur de la valve mitrale en diastole ; - jet couleur diastolique ± étendu ; Vmax 3-4 m/s. Critère de dysfonction du VG : diamètre télésystolique > 2.5 cm/m2. Critères échocardiographiques de l’IA sévère : - HVG dilatative (Dtd VG > 4 cm/m2) ; taille du VG normale en cas d’IA aiguë ; - extension du jet dans le corps du VG (selon conditions hémodynamiques) ; - vena contracta > 0.6 cm, rapport diamètre vena contracta/diamètre CCVG > 0.6 ; - surface de l’orifice de régurgitation > 0.3 cm2 ; - Pt1/2 flux diastolique < 250 msec ; - volume régurgité ≥ 60 mL, fraction de régurgitation > 45% ; - reflux diastolique dans l’aorte descendante. Indications et résultats opératoires Tant que l’insuffisance aortique est paucisymptomatique et que le ventricule reste compensé, l’histoire naturelle est généralement favorable: un simple traitement médical vasodilatateur permet une survie de 85% à 5 ans et de 58% à 10 ans [25]. Ceci est vrai pour autant que la fonction ne se détériore pas. Mais une fois que les manifestations cliniques ou la dysfonction ventriculaire s’installent, la situation se péjore rapidement: sans intervention, la survie n’est que de 4 ans depuis l’apparition de l’angor et de 2 ans depuis celle de l’insuffisance cardiaque [176]. Le traitement médical consiste en vasodilatation artérielle (nitroprussiate, nifédipine, hydralazine) ; le β-blocage ne doit être utilisé qu’avec une extrême prudence, mais il est souvent prescrit à faible dose dans le traitement chronique des IA accompagnées d’un anévrysme de l’aorte ascendante [22,24]. Cette pharmacothérapie ne remplace pas la chirurgie, qui est la seule option curative, mais elle a deux applications : la rééquilibration en vue de l’opération, notamment dans les IA aiguës, et la prise en charge des rares patients inopérables [23,241]. L’indication opératoire est posée dès l’instant où le patient devient symptomatique ou dès que la dysfonction devient visible à l’échocardiographie, mais avant l’installation d’une dilatation irréversible [24,147]. Le RVA est indiqué dans les situations suivantes [23,318] :

IA sévère chez les patients symptomatiques, quelle que soit la fonction et la taille du VG ; IA sévère chez les patients asymptomatiques si la fonction du VG est diminuée ou si le

ventricule est dilaté ; IA sévère chez les patients opérés simultanément d’une autre valvulopathie ou de pontages

aorto-coronariens. L’IA isolée, même sévère, chez les patients asymptomatiques et sans dysfonction ni dilatation du VG ou de l’aorte ascendante n’est pas une indication chirurgicale. La chirurgie est recommandée dès que le diamètre du VG mesure plus de 2.5 cm/m2 en télésystole [22,159,194]. En effet, plus longue est la

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 202

période de dysfonction préopératoire, moins le ventricule a de chance de retrouver des capacités normales. S’il n’est pas dilaté de manière irréversible avant le RVA (Dts ≤ 2.5 cm/m2), le VG récupère partiellement de son hypertrophie excentrique et sa masse diminue ; son volume télédiastolique tend vers la normale durant le premier mois [28,312]. Mais 60% des patients qui présentaient une dysfonction et une dilatation préopératoire (Dtd > 4.0 cm/m2) continuent à souffrir d’une dysfonction à long terme après l’intervention [24,171]. La mortalité opératoire oscille entre 1.2% (patients NYHA I-II) et 10% (patients NYHA III-IV, dilatation majeure du VG), avec une mortalité moyenne de 2-3% [301,318] et une mortalité tardive de 5-10% par année de survie [82,176]. Lorsque la chirurgie est précoce dans l’évolution de la maladie, la survie est meilleure: 76% à 10 ans et 55% à 20 ans, au lieu de respectivement < 50% et < 20% lorsque l’opération est tardive [317]. L’insuffisance aiguë est une indication opératoire d’urgence qui ne peut attendre que les quelques heures nécessaires à stabiliser l’hémodynamique avec des vasodilatateurs et une assistance ventilatoire. La contre-pulsion intra-aortique est contre-indiquée, car l’augmentation diastolique accentuerait la régurgitation. La bicuspidie est fréquemment associée à l’anévrysme de l’aorte ascendante, défini comme une aorte dont le diamètre est de > 50% supérieur à la norme. La chirurgie de la valve et de la racine aortique est indiquée si l’aorte mesure > 4.5 cm de diamètre ou s’accroît de > 0.5 cm/an [23,318]. Lorsque le diamètre aortique au niveau des sinus de Valsalva atteint 6 cm, la mortalité annuelle sur rupture ou dissection est de 11% [160]. La taille de l’aorte ascendante définie comme seuil pour un remplacement est donc plus basse dans la bicuspidie (4.5 cm) que si la valve aortique est tricuspide (5.5 cm), parce que l’évolution en est plus rapide et le risque de dissection neuf fois plus élevé.

Indications et résultats opératoires

L’indication opératoire au RVA est posée dès que le patient devient symptomatique ou que le VG commence à dilater (Dts > 2.5 cm/m2, Dtd > 4.0 cm/m2) : - IA sévère chez les patients symptomatiques, quelle que soit la fonction et la taille du VG ; - IA sévère chez les patients asymptomatiques si la fonction du VG est diminuée ou si le VG est dilaté ; - IA sévère chez les patients opérés d’une autre intervention cardiaque ; - IA sévère et diamètre de l’aorte ascendante > 5.5 cm (tricuspidie) ou > 4.5 cm (bicuspidie) ; - IA aiguë avec choc cardiogène : RVA en urgence. Dans ce cadre, les résultats à long terme sont d’autant meilleurs que l’intervention est plus précoce dans l’évolution de la maladie. La mortalité opératoire moyenne est 2-3% (1.2% si patient NYHA I-II, 10% si patient NYHA IV). Principes pour l'anesthésie Le VG fonctionne à très haut volume de remplissage et souffre d’une surcharge de volume et de pression. La fraction régurgitée augmente lorsque les résistances artérielles systémiques s’élèvent et lorsque la durée de la diastole se prolonge. L’anesthésie devra contrer ces phénomènes.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 203

Précharge: elle doit rester élevée pour compenser le volume régurgité et maintenir le VG sur la partie haute de la courbe de Starling, mais tout excès augmente la tension de paroi, donc secondairement la postcharge protosystolique. La marge de manœuvre est faible, car l’hypovolémie et l’hypervolémie sont mal supportées.

Postcharge: la baisse des RAS est doublement importante : o L’IA diminue si la PAdiast baisse; o L’éjection du VG est améliorée si la PAsyst baisse.

La vasodilatation artérielle systémique est le mieux assurée par l’isoflurane, un alpha-bloqueur (phentolamine, hydralazine) et/ou le nitroprussiate; de plus, tous trois sont tachycardisants. Les anticalciques sont déconseilllés (effet inotrope et chronotrope négatifs). En cas d’hypotension systémique, l’éphédrine (effets α veineux et β) et le volume (perfusions) sont adéquats, mais la phényléphrine est contre-indiquée car elle a un effet alpha pur et provoque une bradycardie réflexe. En diminuant les RAS, éviter une hypotension diastolique excessive qui compremettrait la perfusion coronarienne, notamment s’il existe des signes d’ischémie ; rechercher empiriquement le meilleur compromis pour chaque cas particulier.

Contractilité: elle doit être maintenue ou améliorée. Les agents de choix sont des amines à effet β pur (dobutamine, isoprénaline) et des inodilatateurs comme les anti-phosphodiestérases-3 (milrinone) ou le levosimendan. Le β-blocage est contre-indiqué en peropératoire et dans les situations aiguës, mais il est souvent prescrit à faible dose dans le traitement chronique des IA accompagnées d’un anévrysme de l’aorte ascendante. La FE ne traduit pas la fonction systolique réelle à cause des contraintes de charge très spéciales ; la dimension télésystolique du VG est un meilleur critère : le VG est dysfonctionnel lorsque son diamètre télésystolique est > 2.5 cm/m2.

Fréquence: la tachycardie raccourcit la diastole, donc diminue le temps de régurgitation, le volume régurgité par diastole, le Vtd et la Ptd du VG; la perfusion coronaire est améliorée. La fréquence idéale voisine 80 batt/minute; il est l’essentiel d’éviter la bradycardie. Agents recommandés : isoflurane, pancuronium, éphédrine.

Résistances pulmonaires: normales tant qu'il n'y a pas d'insuffisance mitrale ni de décompensation gauche.

Ventilation en pression positive : elle est en général bien tolérée (baisse de la postcharge du VG) à condition que le retour veineux soit maintenu. Pour autant que la PAP soit normale, l’hyperventilation est à éviter, car l’hypocapnie induit une vasoconstriction systémique.

Ces principes peuvent se résumer ainsi:

Hémodynamique recherchée en cas d’insuffisance aortique

Précharge élevée Tachycardie (fréquence 80-90 batt/min)

Vasodilatation systémique (↓ IA, ↓ postcharge VG) Stimulation inotrope β (dobutamine) ou inodilatateur (milrinone)

Critère de dysfonction du VG : Dts > 2.5 cm/m2 IPPV : ↓ postcharge VG si retour veineux maintenu

Plein – Rapide – Ouvert

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 204

Technique d’anesthésie lors de RVA pour insuffisance aortique

La technique d’induction dépend du degré de compensation/décompensation du VG. o Etomidate : seul agent n’altérant ni la précharge, ni la postcharge, ni la contractilité, il

est recommandé s’il existe une dysfonction ou une dilatation du VG. o Midazolam : adéquat, la baisse du tonus sympathique central entraîne une diminution

des RAS ; le risque est une légère bradycardie. o Propofol : il baisse la précharge davantage que la postcharge ; possible à dosage adapté

et lent chez les malades stables, en compensant par du volume ; à éviter en cas de défaillance du VG.

o Fentanils : administration lente à cause de la bradycardie ; fentanyl et sufentanil OK, mais rémifentanil déconseillé.

o Thiopental, kétamine : leur tachycardie serait bénéfique mais la baisse de contractilité (thiopental) et l’augmentation des RAS (kétamine) sont prohibitives.

o Eviter une poussée hypertensive à l’intubation avec une anesthésie topique du larynx et de la trachée.

o Curare : pancuronium. o La bradycardie est le risque le plus dangereux.

Maintien de l’anesthésie : rechercher la baisse des RAS et éviter la bradycardie. o Isoflurane : agent de choix (↓ RAS et tachycardie) ; sevoflurane : peu d’effet sur les

RAS. o Perfusion de propofol ou de midazolam : adapter les dosages pour que

l’hémodynamique reste stable ; o Desflurane : déconseillé (↑ RAS et RAP) ; o IPPV ± PEEP (< 8 cm H2O) : bénéfique pour le VG pour autant que le retour veineux

soit maintenu. o Hypotension systémique : ↑ volume (perfusions), éphédrine ; pas de vasopresseur α.

Eviter la bradycardie qui est le risque le plus dangereux. Diminuer les RAS (↓ IA), mais éviter une hypotension diastolique qui compremettrait la

perfusion coronarienne, notamment s’il existe des signes d’ischémie. Soutenir la performance contractile;

o Dobutamine ; o Inodilatateur : milrinone (± adrénaline), levosimendan.

Monitorage ETO : o Taille et fonction du VG, degré de dilatation, cinétique segmentaire, fonction du VD ; o Evaluation de la volémie ; o Valve aortique : type de lésion, dilatation de la racine de l’aorte, possibilité de

conserver la valve, faisabilité d’une plastie ; o Si IM : mécanisme; o Post-CEC : fonctionnement de la prothèse, fuite paravalvulaire, IA résiduelle, IM.

Cathéter artériel pulmonaire : nécessaire pour évaluer la PAPO et le VS effectif. o PAPO : elle traduit la pression capillaire pulmonaire (stase), mais sous-estime la

pression diastolique du VG (élevée) en cas de fermeture prématurée de la valve mitrale par la régurgitation aortique ; très utile pour évaluer la PPC en cas d’ischémie (PPC = PAM – PAPO) ;

o Mesure du VS antérograde, du DC systémique et de la SvO2 (adéquation aux besoins métaboliques) ;

o Mesure de la PAP si HTAP ou défaillance droite. ScO2 : évaluation de la perfusion périphérique.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 205

CEC et post-CEC Dès que le coeur cesse d'éjecter en début de CEC, le risque de dilatation ventriculaire gauche est extrême, car le VG se laisse remplir passivement à travers l'IA par le perfusat de CEC avant le clampage aortique, et par la solution de cardioplégie après le clampage (voir Figure 11.29). En cas d’hypotension en début de CEC, il faut éviter d’administrer des vasopresseurs, car ils ne feraient qu’augmenter la régurgitation. Une fuite massive par l’IA contre-indique l’utilisation d’une canule de cardioplégie à la racine de l’aorte et oblige à canuler séparément les coronaires après l’aortotomie ou à arrêter le cœur avec une cardioplégie rétrograde par le sinus coronaire. Dans tous les cas, le VG doit être surveillé à l’ETO pendant la période critique ; en cas de dilatation, l’opérateur arrête la cardioplégie et vidange le ventricule. A la sortie de CEC, le VG doit disposer d’une réserve de précharge suffisante pour fonctionner adéquatement, car il est inefficace à bas volume de remplissage vu sa taille (Figure 11.107). Le VG reste dilaté même si les pressions de remplissage diminuent immédiatement; il faut donc maintenir une certaine hypervolémie et une précharge élevée. Mais un ventricule de grand diamètre est une mauvaise pompe-pression car sa tension de paroi est plus élevée que celle d’un petit ventricule pour éjecter le même volume systolique (loi de Laplace). Un soutien par des catécholamines béta est nécessaire, de même qu’une vasodilatation artérielle en cas d'hypertension. Le rétablissement d'une pression diastolique normale assure une bonne perfusion coronaire. Figure 11.107 : Boucle P/V d’un patient en insuffisance aortique avant (IA, en rouge) et après (en vert et jaune) remplacement valvulaire aortique. La compétence de la prothèse diminue le remplissage diastolique et déplace la boucle P/V vers la gauche; la pression et le volume systoliques baissent [d’après réf 276]. Chirurgie de la valve et de la racine aortique Les nombreuses étiologies de l’IA demandent une panoplie d’interventions différentes, et leur association à la dilatation de la racine de l’aorte commande parfois des opérations particulières (pour les

Emax

V0

Pression

Volume

Boucle PV normale

VS

Post CEC

Compliance

E’max

Insuffisance aortique

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 206

détails sur les prothèses, voir Prothèses valvulaires ; pour les détails sur les plasties, voir Autres plasties).

Plastie des cuspides : préférable à une prothèse lorsqu’elle est faisable, car l’anticoagulation n’est pas nécessaire et le taux de thrombo-embolie ou d’endocardite est très bas ; la mortalité opératoire est d’environ 1% et le taux de succès à 10 ans de 87% ; le taux d’échec immédiat est de 14% [2].

Prothèse mécanique : excellents résultats à long terme, mais anticoagulation à vie (INR 3.0-3.5 pendant les 3 premiers mois, puis 2.0-3.0 avec aspirine) ; indiquée de préférence en dessous de 65 ans.

Bioprothèse montée : après 3 mois d’anticoagulation (INR 2.0-3.0), seule l’aspirine est nécessaire ; indiquée de préférence > 65 ans ou si contre-indication à l’anticoagulation ; 20-30% des bioprothèses sont dyfonctionnelles à > 10 ans.

Bioprothèse sans monture (stentless) : comme les bioprothèses montées présentent toujours un certain degré de sténose, particulièrement dans les petites tailles, les valves stentless sont une bonne alternative chez les patients avec un petit anneau aortique ; par contre, elles sont techniquement plus difficiles à implanter (Figure 11.34).

RVA + remplacement ou plastie de l’aorte ascendante, en cas de dilatation aortique sans atteinte des sinus de Valsalva entre la valve et l’aorte (Figure 11.108).

Opérations de Tirone David et de Yacoub (Figure 11.109) : plasties de resuspension de la valve aortique par le mode d’implantation proximal de la prothèse tubulaire remplaçant l’aorte ascendante et englobant les sinus de Valsalva ; une réimplantation des coronaires est nécessaire, mais le maintien de la valve native supprime l’anticoagulation.

Opération de Bentall (Figure 11.110): si l’anneau aortique, les sinus de Valsalva et la jonction entre la valve et l’aorte sont dilatés, on procède à un remplacement en bloc de la valve et de l’aorte ascendante, avec réimplantation des coronaires dans la prothèse ; l’anticoagulation est requise en fonction du type de prothèse utilisée (mécanique ou biologique).

Figure 11.108 : Schéma des interventions sur l’aorte ascendante. A : en cas de pathologie de l’aorte et de la valve aortique, on peut remplacer séparément la partie tubulaire de l’aorte par un tube en Dacron™ et la valve par une prothèse (mécanique ou biologique) ; les coronaires restent en place. Ceci n’est possible que si l’ETO peropératoire démontre que les diamètres de l’anneau valvulaire, des sinus de Valsalva et de la jonction sinotubulaire sont normaux. B : si la valve aortique ne fuit pas ou ne présente qu’une insuffisance mineure-à-modérée, on ne remplace que la partie tubulaire de l’aorte. C : en adaptant le diamètre de la prothèse tubulaire de manière à ce que la jonction sino-tubulaire dilatée ait le même diamètre que l’anneau aortique, on peut resuspendre les cuspides et les amener à une coaptation normale sans changer la valve.

A

ゥ Chassot 2011

C

B

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 207

Figure 11.109 : Plastie de la valve aortique lors de dilatation de la racine aortique. A : resuspension des cuspides aortiques par le découpage en trèfle à trois feuilles de la prothèse aortique ascendante et réimplantation coronaire (opération de Yacoub). B : resuspension et inclusion de la valve aortique et de l’anneau dans la prothèse tubulaire, réimplantation coronaire (opération de Tyrone David). Pour réaliser l’opération de Yacoub, le diamètre de la racine aortique doit mesurer < 3 cm.

Conduit valvé VG – aorte descendante : en cas de réopérations multiples, il est possible de court-circuiter la racine aortique au moyen d’un tube en Dacron muni d’une prothèse valvulaire ; le système est implanté dans l’apex du VG et anastomosé en termino-latéral sur l’aorte descendante ; l’opération se pratique par thoracotomie gauche [62].

Homogreffe : valve aortique avec manchon d’aorte ascendante prélevée sur un cadavre humain et conservée dans l’azote liquide (- 196°C). Bien qu’elle ait un taux d’attrition accéléré, elle a un excellent profil hémodynamique, cause peu d’embolie et est résistante aux infections ; elle

A B

Pseudosinus

Pseudosinus

Suture commissurale montée

© Chassot 2011

Figure 11.110 : Dans l’opération de Bentall, la prothèse comprend, d'un seul tenant, une valvle prosthétique mécanique ou biologique et un tube. L'intervention consiste à remplacer la valve aortique et l'aorte ascendante, et à réimplanter la coronaire droite et le tronc commun dans la prothèse. Lors de lésion anévrysmale de la racine aortique, la partie tubulaire de la prothèse est courte, ; l’anastomose distale a lieu au milieu de l’aorte ascendante. Dans le cas présent, l'anastomose distale est réalisée sur la partie proximale de la crosse ; elle a lieu à clamp ouvert en arrêt circulatoire pour permettre un matelassage de l'orifice de la crosse et une suture de la paroi aortique et de la membrane d’une dissection.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 208

est particulièrement indiquée en cas de remplacement valvulaire pour endocardite [164]. Elle peut être utilisée comme valve en position sous-coronarienne, implantée à l’intérieur des sinus de Valsalva s’ils sont modérément dilatés (mini-root replacement), ou en remplacement de la racine de l’aorte avec réimplantation des coronaires (full-root replacement).

Opération de Ross (Figure 11.111): transposition de la valve pulmonaire en position aortique (avec réimplantation des coronaires) et mise en place d’une homogreffe ou hétérogreffe en position pulmonaire. Cette technique, complexe et difficile, évite l’implantation d’une prothèse mécanique, donc l’anticoagulation ; chez l’enfant, elle permet la croissance de la valve jusqu’à une taille adulte. La mortalité opératoire est de 3% et la mortalité à long-terme < 1%/an ; le taux de détérioration de l’autogreffe aortique est de 1%/an, mais celui de l’homogreffe/hétérogreffe de la voie droite est plus élevé (2-3%/an) [306]. L’intérêt de cette stratégie est d’avoir une valve native en position aortique. Lorsque l’homogreffe/hétérogreffe dégénère, la voie pulmonaire peut accomoder une insuffisance, même importante ; si l’homogreffe souffre de sténose, on peut la dilater par cathétérisme sans risque d’embolie systémique. Les mêmes lésions d’usure en position aortique imposeraient la mise en place d’une prothèse. Les contre-indications à l’opération sont une IA avec dilatation de la racine aortique, une valve pulmonaire bicuspide et une discordance de > 3 mm entre le diamètre de l’anneau aortique et celui de l’anneau pulmonaire. Après la CEC, la néo-valve aortique doit être compétente (IA tolérée : degré ≤ I/IV), coapter au niveau de l’anneau (pas de prolapsus) sur une hauteur de > 4 mm, et avoir un gradient maximal < 20 mmHg ; si ces conditions ne sont pas remplies, un retour en pompe s’impose. Les anti-hypertenseurs diminuent le stress sur la néo-valve aortique et un traitement anti-inflammatoire prolonge la survie de l’homogreffe pulmonaire [306].

Chirurgie de l’insuffisance aortique

Risque majeur de dilatation aiguë du VG lors de la bradycardie, de la fibrillation ventriculaire et de la cardioplégie en début de CEC ; surveillance attentive du volume du VG à l’ETO. Avant le clampage aortique, ne pas utiliser de vasopresseurs alpha en cas d’hypotension (augmentation de l’IA). Opérations selon l’étiologie de l’IA et la dilatation de la racine aortique : - plastie des cuspides ou remplacement par une prothèse (RVA), - resuspension de la valve par la prothèse de l’aorte ascendante, - plastie ou RVA + remplacement de l’aorte ascendante, - remplacement en-bloc de la valve, de la racine de l’aorte et de l’aorte ascendante (Bentall), - autotransplantation de la valve pulmonaire en position aortique (opération de Ross). Post-CEC : la grande taille du VG contraint à maintenir une précharge élevée et un soutien inotrope (dobutamine) ; éviter l’hypertension artérielle (excès de postcharge). Dans toutes ces interventions, l’ETO peropératoire est de la plus extrême importance pour évaluer l’état de la valve et de la racine aortique, afin de décider quel type d’intervention est le plus approprié à chaque cas. Il faut répondre à plusieurs questions essentielles.

L’IA est-elle secondaire à une affection des cuspides ou de la racine aortique ? Peut-on conserver la valve et n’en resuspendre que les commissures ? Si les feuillets sont atteints ou en cas de bicuspidie, peut-on procéder à une plastie ? Peut-on conserver les sinus de Valsalva et la jonction sino-tubulaire ? La dilatation de la racine aortique et la pathologie en cause nécessitent-elles de remplacer en-

bloc la valve et l’aorte ascendante (Bentall) ?

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 209

Alors qu’elle donne de très mauvais résultats en cas de lésion calcifiée, dégénérative ou rhumatismale, la plastie de la valve aortique est une excellente technique pour l’IA liée à une bicuspidie ou à un prolapsus. La technique est réservée à des centres spécialisés car elle demande une bonne expérience de cette chirurgie, mais elle permet de conserver la valve native, d’éviter l’anticoagulation et de minimiser les risques infectieux et thrombo-emboliques. Le taux de réopération à 10 ans est de 13-15% [220]. Figure 11.111 : Opération de Ross. Après excision de la valve aortique, la valve pulmonaire du patient est prélevée avec un manchon de chambre de chasse droite ; elle est transplantée en position aortique (autogreffe) et les coronaires y sont réimplantées. La valve pulmonaire est remplacée par une homogreffe ou une hétérogreffe. A : illustration de l’opération. 1 : autogreffe et néovalve aortique. 2 : homogreffe pulmonaire. B : hauteur de coaptation satisfaisante de la valve pulmonaire (flèche jaune). Le prélèvement du manchon de chambre de chasse implique de disséquer longitudinalement le septum interventriculaire ; l’examen pré-CEC doit en mesurer l’épaisseur en dessous de la valve pulmonaire (flèche rouge, 1.6 cm) pour indiquer au chirurgien la profondeur à laquelle il peut inciser le septum sans risque de créer une communication avec la chambre de chasse droite (CIV). Le section de la première artère septale, qui passe à ce niveau, peut entraîner une nécrose du septum et une CIV postopératoire. C : flux néo-aortique après mise en charge (ΔPmax 18 mmHg). D : flux néo-pulmonaire après CEC à travers l’hétérogreffe (ΔPmax 8 mmHg). E : vue long axe de la néovalve pulmonaire ; le résultat est insatisfaisant car les cuspides prolabent dans la chambre de chasse en dessous du plan de l’anneau (pointillé) et la hauteur de coaptation est inférieure à 1 mm.

Ao AP

CCVD

B

C D E

CCVD

Ao CCVG

1

2 A

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 210

Maladie aortique L’association d’une sténose et d’une insuffisance aortiques augmente considérablement le travail cardiaque: le VG subit à la fois une surcharge de volume et de pression. L'hypertrophie est très importante, à prédominance excentrique ou concentrique selon l'effet hémodynamique le plus marqué. La décompensation est rapide et l'angor fréquent, car la consommation d'O2 est très élevée. Lorsqu'elle évolue progressivement, la maladie se comporte hémodynamiquement comme une sténose aortique parce que la restriction est la pathologie la plus contraignante [23]. Principes pour l'anesthésie:

Précharge élevée; Fréquence normale; Contractilité: soutien nécessaire, mais risque d'angor si mVO2 trop élevé; Résistances systémiques: basses si prédominance d'insuffisance (rare), maintenues ou élevées si

prédominance de sténose (habituel); Résistances pulmonaires: normales ; Tolérance à l’IPPV : tester avec une manœuvre de Valsalva avant l’induction.

A l'induction d'un patient souffrant de maladie aortique, le problème le plus délicat pour l'anesthésiste est de déterminer comment gérer une hypotension. Un vasoconstricteur alpha s'impose si la sténose prédomine, mais il peut décompenser une insuffisance; remplissage et effet béta sont recommandés pour l'insuffisance, alors que l'accélération du rythme est néfaste à la sténose. A l'induction d'une opération de remplacement aortique, la non-réponse à la néosynéphrine (2-3 bolus successifs de 100 mcg) doit immédiatement faire suspecter une composante d'insuffisance significative. Comme les examens figurant dans le dossier du malade ne permettent pas toujours de déterminer l'affection dominante, l'analyse de la courbe de pression artérielle est un bon indice (Figure 11.112):

En cas de sténose, le dP/dt est diminué, éventuellement angulé au cours de son ascension à cause de l'ouverture limitée de la valve, le pic est plutôt arrondi, et l'amplitude du pouls est faible (pulsus parvus et tardus);

En cas d'insuffisance, le dP/dt est plus raide, la courbe est pointue, le dicrotisme diastolique est absent et la pression diastolique est très basse (< 50 mmHg); l'amplitude du pouls est très grande (pulsus altus et celer).

C'est évidemment l'échocardiographie qui apportera la réponse la plus pertinente en visualisant la valve, les flux et le remodelage des cavités gauches: petit ventricule hypertrophié dans la sténose, grand ventricule dilaté dans l'insuffisance. Dans les examens déjà subis par le malade, la recherche de la taille du ventricule gauche est l'élément le plus pertinent pour déterminer la contrainte majeure (Figure 11.113).

Hémodynamique recherchée en cas de maladie aortique

Précharge élevée Maintenir la fréquence spontanée

RAS élevées si prédominance de sténose RAS basses si prédominance d’insuffisance

PAdiast selon le risque ischémique Stimulation inotrope β (dobutamine)

Critère de dysfonction : dilatation du VG (Dtd > 4.0 cm/m2, Dts > 2.5 cm/m2)

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 211

Figure 11.112 : Modifications de la silhouette de la courbe artérielle en cas de prédominance de sténose ou d'insuffisance aortique. A: sténose dominante; le dP/dt est diminué, angulé, le pic est arrondi, l'amplitude est faible. B: insuffisance dominante; le dP/dt est redressé, le pic pointu, le dicrotisme diastolique absent, la pression diastolique basse; l'amplitude du pouls est très grande. Figure 11.113 : Modifications de la silhouette du coeur à l’échocardiographie en cas de maladie aortique à prédominance de sténose (A) ou d’insuffisance (B). A: HVG concentrique, petite cavité ventriculaire, OG dilatée (dysfonction diastolique). B: HVG dilatative, grande cavité ventriculaire, OG modérément agrandie.

dP/dt

Dicrotisme

dP/dt

A B

Dicrotisme

Angulation PAdiast

© Chassot 2011

VG

OG

B

OG

VG

A

© Chassot 2011

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 212

Pathologie tricuspidienne Les trois feuillets de la valve tricuspide sont de tailles inégales : le feuillet antérieur est le plus grand, le feuillet postérieur est de taille moyenne, et le feuillet septal est plus petit et plus restrictif ; ses attaches sur le septum interventriculaire limitent ses mouvements. L’anneau fibreux tricuspidien est incomplet ; il ne s’étend pas à la partie postéro-latérale, raison pour laquelle il s’agrandit dans cette direction lorsqu’il se dilate (voir Figure 11.11 et Figure 11.114). Comme l’anneau mitral, il a une forme en selle avec les points surélevés en position antéro-postérieure ; sa surface se rétrécit de 30% en systole [273]. Mesuré en vue échocardiographique 4 cavités, le diamètre normal est de 2.8 ± 0.5 cm ; la dilatation est significative lorsqu’il est ≥ 3.5 cm (2.1 cm/m2) [187,291]. La dilatation de l’anneau tricuspidien et de la paroi libre du VD entraîne une insuffisance tricuspidienne (IT) parce que les feuillets antérieur et postérieur ne peuvent plus se rejoindre en systole (Figure 11.115). Figure 11.114 : Valve tricuspide et mesures du diamètre de l’anneau tricuspidien. A : schéma de la valve vue depuis l’OD ; le septum est sur la gauche de l’image. Les trois feuillets de la valve tricuspide sont de tailles inégales : le feuillet antérieur est le plus grand, le feuillet postérieur est de taille moyenne, et le feuillet septal est plus petit et plus restrictif. L’anneau fibreux tricuspidien (en jaune) est incomplet ; il ne s’étend pas à la partie postéro-latérale. Lors de dilatation, la valve s’agrandit dans la direction postéro-latérale (flèches bleues). B: vue échocardiographique transoesophagienne en 4-cavités; le diamètre normal est de 2.8 ± 0.5 cm ; la dilatation est significative lorsqu’il est ≥ 3.5 cm [187]; ces images bidimensionnelles sous-estiment le diamètre anatomique réel. Dans le champ opératoire, le diamètre est mesuré entre la commissure antéro-septale et la commissure antéro-postérieure (double flèche bleue en A). On voit bien le décalage d’environ 1 cm qui existe entre l’insertion septale de la valve tricuspide et celle de la valve mitrale.

F Sept

A

OD

OG

VD VG

B

F Ant

F Post

© Chassot 2011

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 213

Figure 11.115 : Insuffisance tricuspidienne sur dilatation et dysfonction du VD. A : le VD est dilaté et hypertrophié (HVD) ; le septum interventriculaire bombe dans le VG et en restreint le remplissage diastolique. La dilatation de l’anneau tricuspidien entraîne une régurgitation (IT) ; l’OD est dilatée, le septum bombe fortement dans l’OG. L’apex du cœur est constitué par le VD et non par le VG comme normalement. B : vue ETO 4-cavités lors d’un épisode d’embolie pulmonaire aiguë chez un patient dont le VD est hypertrophié sur hypertension pulmonaire chronique. Insuffisance tricuspidienne La grande majorité des insuffisances triscuspidiennes n’est pas liée à une pathologie de la valve, mais est secondaire à une dilatation du ventricule droit et de l’anneau tricuspidien :

Valvulopathie gauche on insuffisance du VG entraînant une hypertension pulmonaire postcapillaire ;

Hypertension pulmonaire, quelle qu’en soit la cause ; Dysfonction du VD ( insuffisance, cardiomyopathie, ischémie ou infarctus).

La lésion primaire des feuillets tricuspidiens est une affection plus rare (25% des cas opérés), qui relève de nombreuses étiologies (Figure 11.116 et Figure 11.117) [36,168,273].

Maladie d'Ebstein: les feuillets postérieur et septal sont bas-insérés et se retrouvent en position intraventriculaire; la cavité du VD est rétrécie, toute sa portion basale étant "atrialisée" ; le feuillet antérieur peut être insuffisant pour permettre l’occlusion ou redondant et basculer dans l’OD ; dans les deux cas, l’IT est importante.

RAA: encore fréquent dans les pays non-industrialisés, la maladie conduit à une combinaison d’insuffisance et de sténose par restriction et fibrose des feuillets et des cordages.

Dégénérescence myxoïde (Barlow) et bascule de feuillet : en général associée à un prolapsus mitral.

OD

VG

VD

OG

B

IT

OD ↑ OG

Apex: VD

VG VD ↑

HVD

© Chassot 2011

IT

A

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 214

Fibro-élastose endomyocardique : rétraction des feuillets et des cordages, fréquente en Afrique tropicale.

Traumatisme: rupture de pilier ou déchirure de feuillet. Lors de traumatisme thoracique, la tricuspide et la paroi libre du VD sont les parties les plus antérieures du coeur, donc les plus exposées au choc; un traumatisme thoracique fermé est souvent rencontré dans l’anamnèse des patients présentant une IT isolée [117].

Endocardite: incidence particulièrement élevée chez les toxicomanes et les porteurs de cathéter implanté (pace-maker).

Syndrome carcinoïde : dépôts de plaques fibreuses, épaississement et restriction des feuillets. Iatrogénie : une sonde de pace-maker / défibrillateur ou un cathéter artériel pulmonaire

empêchent l’occlusion des feuillets et provoquent une IT bénigne. Toxicité médicamenteuse: méthysergide, ergot de seigle, fenfluramine, phentermine, aminorex,

benfluorex, pergolide. Figure 11.116 : Images ETO d’insuffisance tricuspidienne (IT) de différentes étiologies. A : maladie d’Ebstein ; les feuillets septal et postérieur de la valve sont bas-insérés à l’intérieur de la cavité ventriculaire (flèches jaunes) ; leur insertion normale serait au niveau localisé par les flèches vertes. Le volume situé entre les flèches jaunes et vertes est la zone d’atrialisation du VD. Les feuillets ne se rejoignent pas en systole (double flèche rouge), ce qui génère une IT sévère. B : IT modérée-à-sévère sur RAA en vue 4-cavités 0°. C : vue 4-cavités (position en bas oesophage) d’une insuffisance tricuspidienne massive lors de syndrome carcinoïde ; les feuillets sont épaissis, restrictifs, et ne coaptent pas en systole. SC : sinus coronaire. D : Vue identique avec le flux Doppler couleur ; la vena contracta est large (> 1 cm) ; il existe un PISA important.

B

OD

C OD SC

VD

D

OD

VD

VG

OG

VD

A

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 215

Figure 11.117 : images ETO d’insuffisance tricuspidienne (IT) de différentes étiologies. A : rupture traumatique de cordages entraînant un bascule du feuillet antérieur. B : même cas, avec le jet massif de l’IT, dirigé vers le septum interauriculaire. C : IT sur hypertension pulmonaire ; le VD et l’OD sont dilatés. D : bascule du septum interauricuaire qui est tendu dans l’OG ; c’est souvent le premier élément qui frappe à l’écran lorsqu’on surveille le cœur en 4-cavités et que survient une défaillance droite aiguë. Physiopathologie Comme le coeur droit fonctionne à un régime de pression physiologiquement très bas, la valve tricuspide n’est pas construite pour être aussi étanche que la mitrale. Une insuffisance mineure est banale et ne présente aucune conséquence, car elle n’entraîne qu’un faible volume de régurgitation dans un système qui peut accommoder de larges variations de volume. Elle est présente chez près de 75% de la population à partir de 50 ans [187]. Même lorsqu’elle est plus importante, la lésion est en général bien tolérée par le VD, qui est une excellente pompe-volume. Lorsque la postcharge du VD est trop élevée (HTAP, stase gauche), l’éjection rétrograde de l’IT fonctionne comme une soupape de pression et abaisse la tension de paroi ventriculaire. Dans les cas où la fraction régurgitée est très importante, le débit antérograde pulmonaire peut diminuer. Cette situation est défavorable à la précharge du ventricule gauche pour deux raisons:

Le débit pulmonaire limité diminue le retour à l’OG;

OD

OG

VG

VD

A

OD

OG

VG

VD

B

D

OD

OG

VG

VD

C

OD

VD

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 216

La dilatation du VD fait bomber le septum interventriculaire vers la gauche en diastole et limite le remplissage du VG: c’est l’effet Bernheim (voir Figure 11.14 et Figure 11.115).

Lorsqu’elle est importante, l’IT représente une surcharge de volume pour le VD ; ce dernier tend à se dilater, ce qui agrandit l’anneau tricuspidien et augmente l’IT. Il se crée ainsi un cercle vicieux lié à la souplesse des structures droites. La silhouette de celles-ci varie selon la durée de l’IT.

IT aiguë : dilatation modeste de l’OD et du VD, septum interauriculaire basculé et tendu dans l’OG, PVC très augmentée, onde"v" massive ;

IT chronique : dilatation sévère de l’OD et du VD, HVD dilatative, empiètement du septum interventriculaire dans le VG, jet d’IT large à sa base, onde"v" variable car tamponnée par la dilatation de l’OD.

L’apparition ou l’amplification d’une IT est un bon marqueur de décompensation droite ou d’hypertension pulmonaire momentanée: infarctus ou défaillance du VD, embolie pulmonaire, surcharge aiguë de volume, administration de protamine après la CEC, PEEP excessive, etc. En effet, l’importance de l’IT est directement proportionnelle aux résistances artérielles pulmonaires : elle augmente lorsque les RAP augmentent. A l’ETO, c’est souvent le bascule soudain du septum interauriculaire tendu et bombé dans l’OG qui attire l’attention en premier lieu (voir Figure 11.117D). Manifestations cliniques La symptomatologie clinique de l’IT est liée à la stase systémique en amont et/ou à ses étiologies en aval : hypertension pulmonaire, maladie mitrale ou insuffisance du VG. L'oreillette droite étant très compliante, la pression n'y augmente que lorsque la régurgitation est massive ou soudaine. L’onde "v" devient proéminente sur la courbe de PVC ; elle est mésosystolique, alors que son pic est normalement télésystolique. Dans ce cas, la courbe de PVC ressemble à celle du VD: la descente "x" s’efface et la courbe est dominée par l’onde "v", qui est plus précoce que normalement, avec une descente "y" très ample [141]. L’importance de l’onde "v" n’est pas proportionnelle à celle de l’IT à cause de la compliance de l’OD : lorsqu’elle est dilatée, celle-ci absorbe le volume régurgité sans grande modification de pression (compliance élevée) ; l’onde est surtout visible dans les cas aigus où la compliance de l’OD est normale. Si la pression en OD devient supérieure à celle de l'OG, un shunt D - G cyanogène peut s'installer par la réouverture du foramen ovale s’il n’était pas fusionné avec le septum; ceci peut également survenir lors de manoeuvres de Valsalva ou de ventilation contrôlée avec PEEP [63]. Les arythmies sont fréquentes, car elles sont liées à la dilatation de la cavité : tachy-arythmies sus-jonctionnelles (dilatation de l’OD), tachy-arythmies ventriculaires (dilatation du VD). Echocardiographie Les images échocardiographique de l’IT sont typiques (Figure 11.117 et Figure 11.118). Le Doppler couleur est un moyen pratique de diagnostiquer la présence d’une IT et d’en évaluer grossièrement l’importance, mais il n’est pas une technique adéquate pour une quantification précise, car il dépend de la force de contraction du VD, des RAP et de la PVC [187]. Les critères d’une insuffisance tricuspidienne sévères sont cliniques et échocardiographiques (Tableau 11.14) [187,238,314]:

Stase veineuse systémique, oedème périphérique, hépatomégalie, ascite, pulsatilité jugulaire ; PVC élevée avec présence d’une importante onde "v" mésosystolique ; Dilatation de l’OD (diamètre ≥ 5 cm), débord droit de la silhouette radiologique ; Dilatation du VD et de l’anneau tricuspidien (diamètre > 3.5 cm en vue 4-cavités) ; Dilatation du sinus coronaire ; Bombement du septum interauriculaire dans l’OG ;

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 217

Non-coaptation centrale des feuillets ; Jet de l’IT occupant plus du tiers de l’OD (dépend des conditions hémodynamiques) ; Vmax 2-3

m/s (dépend de la fonction du VD) ; Orifice de régurgitation ≥ 0.4 cm2, volume de régurgitation ≥ 45 mL ; Diamètre du jet > 0.7 cm ; Inversion du flux systolique dans la VCI et la VCS, qui sont dilatées et pulsatiles ; l’absence de

cette inversion n’exclut pas une IT sévère. Figure 11.118 : Quantification d’une insuffisance tricuspidienne sévère. A : très large vena contracta (2.2 cm) lors d’une IT massive sur RAA (vue 4-cavités). B : planimétrie du jet couleur (11.5 cm2) et mesure du diamètre de la vena contracta (0.8 cm) en vue transgastrique (vue admission du VD 100°).

Tableau 11.14 Critères de quantification de l’insuffisance tricuspidienne

IT mineure IT modérée IT sévère

Paramètres structuraux Taille de l’OD normale normale/peu dilatée dilatée* Taille du VD normale normale/peu dilatée dilatée* Veine cave inférieure normale normale/peu dilatée dilatée Feuillets tricuspidiens normaux remaniés non-coaptation

prolapsus, rupture de cordage/MP

Critères spécifiques Etendue du jet couleur** < 4 cm2 5-10 cm2 > 10 cm2 Vena contracta*** < 0.6 cm > 0.7 cm PISA (rayon 1er aliasing)**** absent 0.5-0.9 cm > 0.9 cm Reflux systolique V sus-hép absent flux amorti présent Orifice de régurgitation 0.2 – 0.3 cm2 > 0.4 cm2 Volume régurgité < 40 mL > 45 mL * En l’absence d’autres raisons d’une dilatation; dilatation modérée en cas d’IT aiguë ** Dépend de l’hémodynamique et de la morphologie du jet; échelle couleur de 0.5 m/s *** Valeur pour une échelle couleur de 0.5 m/s **** Valeur pour une échelle couleur de 0.3 m/s MP: muscle papillaire. Sources: références 23, 187, 318 et 338.

A

VD OD

B

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 218

Caractéristiques de l’insuffisance tricuspidienne

Surcharge de volume du VD (bien tolérée)

IT augmente si RAP augmentent Faible tolérance du VD dilaté à une augmentation de postcharge

Stase systémique Si l’IT est secondaire à une HTAP ou à une pathologie gauche, celles-ci dominent l’hémodynamique

IT primaire (25% des cas) : maladie organique des feuillets IT secondaire (75% des cas) : due à dysfonction VD, HTAP, valvulopathie gauche, dysfonction VG Critères de l’IT sévère : - stase systémique - PVC ↑ (onde v ↑) - dilatation de l’OD et du VD, diamètre anneau tricuspidien > 3.5 cm - bombement du septum interauriculaire dans l’OG - large jet d’IT (diamètre > 0.7 cm) - orifice de régurgitation ≥ 0.4 cm2, volume régurgité > 45 mL

Figure 11.119 : Calcul de la pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs) par la vélocité du flux de l'insuffisance tricuspidienne. L'équation de Bernouilli simplifiée stipule que le gradient de pression entre deux cavités est égal à 4 fois le carré de la vélocité maximale du flux sanguin entre ces deux cavités: ΔP = 4 (Vmax)2. En systole, l'IT est fonction du ΔP entre le VD et l'OD. En l'absence de pathologie sur la valve pulmonaire (rarissime chez l'adulte), la PAPs est donc la somme du ΔP VD - OD et de la pression moyenne de l'OD. Celle-ci est estimée par le degré de collapsibilité des veines caves ; les valeurs utilisées sont 5 mmHg en hypovolémie, 10 mmHg en normovolémie et 15 mmHg en hypervolémie. Dans ce cas, la Vmax de l’IT est 2.5 m/s (flèche jaune) sur l’affichage du Doppler spectral ; on estime la POD à 10 mmHg ; le calcul donne une PAPsyst de 35 mmHg.

ΔP = 4 (Vmax)2 ΔP = 4 (VIT)2 PAPs = 4 • 2.52 + POD PAPs = 35 mmHg

OD

VD

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 219

La présence d’une IT permet de calculer la PAP systolique par le truchement de l’équation simplifiée de Bernoulli (voir Chapitre 25, Equation de Bernoulli). Cette équation stipule que le gradient de pression entre deux cavités est égal à 4 fois le carré de la vélocité maximale du flux sanguin entre ces deux cavités: ΔP = 4 (Vmax)2. En systole, la Vmax de l'IT est fonction du ΔP entre le VD et l'OD. En l'absence de pathologie sur la valve pulmonaire (rarissime chez l'adulte), la pression pulmonaire systolique (PAPs) est donc la somme du ΔP VD - OD et de la pression moyenne de l'OD. (Figure 11.119). PAPs = (4 • V2IT) + POD La POD est mesurée par la PVC ou estimée par le degré de collapsibilité des veines caves ; les valeurs utilisées sont 5 mmHg en hypovolémie, 10 mmHg en normovolémie et 15 mmHg en hypervolémie. Cette technique de calcul de la PAPsyst tend en général à surestimer légèrement la pression pulmonaire. Indications et résultats opératoires Une insuffisance organique sévère symptomatique est une indication chirurgicale. Mais dans 75% des cas, la thérapeutique de l’insuffisance tricuspidienne est d’abord celle de la défaillance droite (voir Tableau 12.5), de l’hypertension pulmonaire (voir Tableau 12.10), et des pathologies gauches. Bien que l’on ait longtemps considéré que ce traitement suffise à diminuer la régurgitation à des valeurs sans signification clinique, il s’est avéré que la persistence d’une IT significative après chirurgie mitrale, lors d‘HTAP ou lors d’insuffisance droite péjore considérablement le pronostic, même si le patient est asymptomatique [36,231,273,291] ; de plus, l’IT tend à s’aggraver avec le temps [81,231]. L’attitude chirurgicale est donc devenue plus interventioniste ces dernières années. Les indications actuellement reconnues sont les suivantes [23,81,291,318].

IT sévère symptomatique d’origine organique ou fonctionnelle, IT sévère avec symptômes d’insuffisance droite ;

IT sévère chez les malades requérant une chirurgie mitrale ; Dilatation annulaire (D > 3.5 cm en 4-cavités) chez les malades requérant une chirurgie

mitrale et souffrant d’HTAP, quelle que soit l’importance de l’IT ; IT sévère traumatique, même si asymptomatique (non en urgence) ;

Une plastie est préférable à un remplacement valvulaire, sauf dans les cas où les feuillets sont trop déformés ou trop restrictifs. En l’absence de pathologie gauche, une IT sévère chez un patient asymptomatique n’est pas une indication opératoire, même en cas de dysfonction du VD ; l’IT sévère post-traumatique est une exception à cette règle. Lorsqu’elle est secondaire, l’insuffisance tricuspidienne évolue parallèlement à la taille de l’anneau [187]. La mesure du diamètre de celui-ci est souvent préférable à l’évaluation de l’IT par le jet couleur, car elle n’est pas dépendante des conditions hémodynamiques comme le sont les mesures Doppler. L’ETO peropératoire est un guide nécessaire pour juger du mécanisme, de l’indication et du résultat de la valvuloplastie. Plusieurs techniques de correction sont à disposition de l’opérateur (Figure 11.45 et Figure 11.120).

Annuloplastie par sutures de rétrécissement (plastie selon DeVega) ; Plastie par insertion d'un anneau de Carpentier ; cet anneau est interrompu au niveau septal

pour éviter les lésions du noeud auriculo-ventriculaire et du faisceau de His ; Réimplantation de cordages en cas de rupture ; résection de prolapsus ; Remplacement de la valve par une prothèse ; on implante une bioprothèses plutôt qu’une

prothèse mécanique car leur survie est identique ; en effet, le stress est moins important dans le cœur droit que dans le cœur gauche, raison pour laquelle les bioprothèses ont une durée de vie plus longue en position tricuspidienne qu’en position mitrale ou aortique [72,180]. D’autre part,

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 220

les prothèses mécaniques ont un taux de thrombose beaucoup plus élevé parce que le flux est à un régime de pression très basse.

Chez les malades qui ont un bloc de conduction, on implante une électrode épicardique en même temps que la prothèse tricuspidienne, car il sera ultérieurement impossible ou contre-indiqué de passer une électrode de pace-maker à travers celle-ci.

Le taux d’échec moyen des plasties est de 14% [273]. Les résultats fonctionnels sont meilleurs et la survie à 15 ans doublée avec un annuloplastie par rapport à une plastie selon De Vega [307]. Mais la plastie est toujours préférable au remplacement valvulaire, car les résultats de ce dernier sont inférieurs : taux d’insuffisance droite postopératoire plus élevé (28% versus 9%), mortalité augmentée (11% versus 4-7%), anticoagulation, risque de thrombose (1%/an) [293,307]. La prothèse représente un élément mécanique rigide qui bloque la contraction circulaire de la base du VD et limite sa contraction longitudinale [273]. Or la dysfonction ventriculaire droite est le déterminant majeur de la mortalité postopératoire ; elle a davantage de poids que l’hypertension pulmonaire [291]. Les critères de réussite d’une plastie sont plus souples qu’après une correction mitrale, car une fuite résiduelle est bien tolérée [12,181,307] :

IT résiduelle mineure (degré < II/IV) ; ΔPmax < 4 mmHg ; Vena contracta < 0.3 cm ; Absence de PISA et de reflux systolique dans la VCI et les veines sus-hépatiques.

Après la correction d’une IT, il faut s'attendre à des suites immédiates difficiles, car le VD rencontre les RAP comme entière postcharge et ne bénéficie plus de la soupape de pression que représentait la fuite tricuspidienne. La défaillance droite est courante, et nécessite l'utilisation immédiate de catécholamines

B A

OD

VD

OG

C OD

VD

Figure 11.120 : Chirurgie de la valve tricuspide. A : IT résiduelle mineure après une plastie selon De Vega pour RAA ; la valve mitrale a été remplacée par une prothèse mécanique (flèche jaune). B : anneau de Carpentier (flèche jaune) et réimplantation de cordage (flèche verte) pour rutpture traumatique du feuillet antérieur (même cas que Figure 11.117A et 117B). C : remplacement de la tricuspide par une bioprothèse, dont voit bien l’anneau (flèches) et deux feuillets.

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béta (dobutamine), d’inodilatateurs (milrinone) et de vasodilatateurs pulmonaires, ainsi que de nor-adrénaline pour maintenir la perfusion coronaire (voir Tableau 12.5 et Tableau 12.10). Le traitement chirurgical de l’endocardite bactérienne aiguë que l’on rencontre chez les toxicomanes consiste en une ablation de la valve. Il est parfois recommandé de ne pas implanter de prothèse valvulaire dans ce milieu septique. L’hémodynamique est alors analogue à celle d’un Fontan: le remplissage du VD est passif et dépend uniquement de la PVC, qui doit rester haute; la ventilation spontanée est l’idéal pour assurer le débit pulmonaire [5]. Dans un deuxième temps (6-9 mois), la tricuspide peut être remplacée par une prothèse si cela s’avère nécessaire.

Indications opératoires de l’insuffisance tricuspidienne

L’indication est fonction du degré de dilatation du VD, de l’origine et du contexte chirurgical. - IT sévère symptomatique - IT sévère ou dilatation annulaire (D > 3.5 cm en 4-cavités) au cours d’une intervention sur une valvulopathie gauche - IT sévère traumatique (électif)

La plastie est aisée, mais le remplacement entraîne des suites postopératoires très difficiles. Mortalité opératoire : 1-2% pour la plastie d’accompagnement, 4-7% pour la plastie isolée, 11% pour le remplacement.

Principes pour l’anesthésie en cas d’IT sévère La prise en charge hémodynamique est déterminée par le degré de dysfonction droite. Le but est d’abaisser la postcharge du VD pour faciliter son éjection antérograde et diminuer la fraction régurgitée. En cas d’IT secondaire, la prise en charge est guidée par la thérapeutique des lésions gauches, le plus souvent une maladie mitrale. Les recommandations ci-dessous ne concernent que l’IT sévère isolée.

Précharge: l'augmentation de précharge est le moyen physiologique du VD hypertrophié pour améliorer ses performances systoliques en utilisant le phénomène de Starling ; mais lorsque la défaillance a déjà entraîné une dilatation ventriculaire et une stase en amont avec insuffisance tricuspidienne, il faut au contraire diminuer cette précharge (dérivés nitrés, diurétiques, position de contre-Trendelenburg). Le remplissage doit être réglé en fonction de l’hémodynamique droite: PAP et débit cardiaque par le cathéter pulmonaire, fonction systolique du VD à l’ETO, variations de l’IT. La PVC est un critère peu fiable de la volémie et de l’insuffisance tricuspidienne, parce que l’OD est très compliante et accepte de grands volumes avec de faibles variations de pression.

Résistances systémiques: vu le risque d'ischémie du VD en cas d'hypotension systémique, les RAS doivent être maintenues par une perfusion de nor-adrénaline pour assurer la perfusion coronarienne. Le lit vasculaire pulmonaire étant très pauvre en récepteurs alpha, il n’y a pas de risque d’augmentation significative des résistances pulmonaires.

Résistances pulmonaires: l’importance de l’IT est directement proportionnelle à celle des RAP. D’autre part, le VD supporte d’autant plus mal une augmentation de postcharge qu’il est déjà dilaté par la surcharge de volume. Les RAP doivent donc être abaissées par les techniques habituelles : hyperventilation normobarique, NO, prostacyclines, etc (voir Tableau 12.10). Eviter toute vasoconstriction pulmonaire (hypercapnie, acidose, hypoxie, N2O, desflurane, protamine, stress, douleur, hypothermie).

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Contractilité: soutien inotrope nécessaire par des amines béta (dobutamine) et des inhibiteurs des phosphodiestérases-3 (amrinone, milrinone). Si nécessaire, non-fermeture du péricarde et du sternum pour éviter la compression du VD dilaté et diminuer l’interférence interventriculaire avec le VG.

Fréquence : la tachycardie est bénéfique : baisse du volume télédiastolique du VD ; maintenir le rythme sinusal.

IPPV: l'IPPV et la PEEP peuvent provoquer une décompensation droite si les pressions générées sont excessives; l’hyperventilation nécessaire à diminuer les RAP doit se faire à la pression intrathoracique moyenne (Pitmoy) la plus basse possible.

Hémodynamique recherchée dans l’insuffisance tricuspidienne sévère

Précharge droite élevée si HVD Précharge droite diminuée si insuffisance congestive du VD

Tachycardie modérée Vasodilatation pulmonaire (baisse des RAP) RAS élevée (perfusion coronarienne droite)

Stimulation inotrope β (dobutamine) ou inodilatateur (milrinone) Ventilation spontanée ou IPPV à basse pression

Si associée, la valvulopathie gauche est dominante

RAP basses – Soutien inotrope du VD – Pit basse

Ventilation et dysfonction droite Les effets de la ventilation en pression positive (IPPV) sont délétères sur la fonction ventriculaire droite: baisse de la précharge, gène à l'expansion diastolique, augmentation de la postcharge. Le rétablissement de la performance du VD nécessite en général une augmentation du volume circulant et une baisse des pressions de ventilation (Pitmoy basse). En cas d’insuffisance droite, la situation peut évidemment être très difficile. Cependant, il faut distinguer trois cas de figure différents s’accompagnant tous d’insuffisance tricuspidienne.

Insuffisance ventriculaire droite sur dysfonction myocardique (infarctus droit, cardiomyopathie arythmogène du VD, défaillance droite aiguë post-CEC) ;

Insuffisance ventriculaire droite sur excès aigu de postcharge (embolie pulmonaire, protamine); Hypertrophie ventriculaire droite sur HTAP chronique : maladie mitrale, insuffisance VG,

BPCO sévère, syndrome d’Eisenmenger, etc. Dans les deux premier cas, le but recherché est quadruple : 1) maintenir optimale la précharge du VD, 2) diminuer sa postcharge le plus bas possible, 3) soutenir sa fonction avec un agent inotrope (dobutamine, milrinone), et 4) assurer la perfusion coronarienne droite maximale (nor-adrénaline pour élever la pression aortique). Le remplissage est adapté à la situation : la PVC doit être suffisante, mais il faut l’abaisser si le VD est congestif (nitroglycérine, diurétique, position en anti-Trendelenburg). La tolérance à la ventilation en pression positive est très faible en cas de dysfonction du VD, car le ventricule défaillant peut décompenser sur l’augmentation de postcharge que représente l’IPPV. Dans le cas d’une défaillance sur excès de postcharge, la situation est complexe, car l’IPPV ajoute peu à la postcharge déjà très élevée, mais cette petite aggravation peut occasionnelleent être suffisante pour déclencher la décompensation. Ces deux catégories de patients bénéficient davantage de la respiration spontanée ; lorsqu’elle est requise, la ventilation mécanique doit maintenir la Pitmoy la plus basse

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 223

possible en réglant adéquatement le respirateur et en évitant la PEEP. La tolérance à l’IPPV peut être testée en préopératoire en faisant faire au malade une manœuvre de Valsalva et en observant son retentissement sur la pression artérielle (cathéter en place). Dans le troisième cas, une pathologie vasculaire pulmonaire chronique a entraîné une hypertrophie du VD, et la situation est très différente. Le VD hypertrophié fonctionne comme le VG : son débit est dépendant de la précharge (courbe de Starling redressée) ; il a besoin d’une PVC élevée. En ce qui concerne la ventilation, quatre phénomènes entrent en ligne de compte.

Dans le BPCO, les pressions de ventilation sont mal transmises par le parenchyme pulmonaire peu compliant; la Pit engendrée est inférieure à la pression ventilatoire, et la postcharge droite est moins augmentée que ne le laisse supposer les pressions respiratoires.

En cas d'hypertension pulmonaire chronique (PAPmoy > 30 mmHg), l’augmentation de Pit par l’IPPV représente une faible proportion de la pression de perfusion pulmonaire habituelle ; une Pitmoy de 12 mmHg, par exemple, ne représente qu’un accroissement d'un quart de l’impédance à l'éjection du VD lorsque celui-ci travaille face à une HTAP chronique de 70/35 mmHg, alors que cela double la postcharge pour un VD normal. L’IPPV est mieux supportée en cas d’HTAP qu’en cas de PAP normale.

Lors d’HTAP chronique, les parois artérielles sont épaissies, muscularisées et fibrosées ; elles résistent à la compression par la pression ventilatoire, ce qui n’est pas le cas d’artères pulmonaires normales.

Même en cas d’HTAP, la réactivité des artérioles à l’acidose et à l’hypocapnie persiste ; la PAP peut encore s’élever en cas d’hypoventilation. L’IPPV peut donc baisser les résistances pulmonaires par hyperventilation (hyperoxie, hypocarbie et alcalose).

Les patients souffrant d’HTAP chronique bénéficient donc clairement de la ventilation mécanique en pression positive. Technique d'anesthésie Le type d’anesthésie dépend essentiellement de la fonction du VD et, le cas échéant, des pathologies gauches. Il s’agit ici de recommandations pour l’anesthésie en cas d’IT sévère isolée ; lorsque l’IT est associée à une valvulopathie mitrale, c’est cette dernière qui commande la technique d’anesthésie.

Induction : choisir des substances sans effets significatifs sur la fonction du VD ni sur les RAP. o Etomidate : ne modifie ni la précharge, ni la postcharge, ni la contractilité du VD. o Midazolam : adéquat, la baisse du tonus sympathique central diminue les RAP. o Propofol : il baisse la précharge davantage que la postcharge ; possible à dosage adapté

et lent chez les malades stables, en compensant par du volume ; à éviter en cas de défaillance du VD.

o Fentanils : administration lente à cause de la bradycardie. o Thiopental, kétamine : l’augmentation des RAS (kétamine) et des RAP (thiopental,

kétamine) sont prohibitives ; l’effet inotrope négatif du thiopental est excessif. Maintien de l’anesthésie : rechercher la baisse des RAP et le maintien des RAS ; éviter la

bradycardie. o Sevoflurane : peu d’effet sur les RAS et les RAP. o Perfusion de propofol ou de midazolam : adapter les dosages pour que

l’hémodynamique reste stable ; o Desflurane : déconseillé (↑ RAP) ; o Ventilation à Pit basse, pas de PEEP ; trouver le meilleur compromis entre

l’hyperventilation nécessaire à abaisser les RAP et la Pit moyenne la plus basse possible ; en cas d’HVD et d’HTAP chronique, l’augmentation de la Pit est sans effet significatif sur la postcharge du VD ;

o Hypotension systémique : vasopresseur α.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 224

Soutenir la performance contractile du VD. o Vasodilatation pulmonaire (hyperventilation normobarique, NO•, prostacyclines,

magnésium, anesthésie profonde, fentanils) ; o Optimalisation de la précharge ; o Soutien inotrope (dobutamine, milrinone ± adrénaline) ; o Maintien de la perfusion coronarienne (nor-adrénaline).

Monitorage : même s’il est utile à la mesure de la PAP, le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz donne des valeurs incorrectes du DC, qui est faussé par le flux rétrograde de l’IT ; il est très difficile à flotter à travers la tricuspide à cause de la régurgitation et gène l'opérateur lors de la plastie (il faut alors retirer le cathéter en VCS) ; son utilisation est impossible en cas de remplacement valvulaire. Alternatives :

o Mesure du VS et DC par un système PiCCO ou analogue ; o Cathéter placé chirurgicalement dans la chambre de chasse du VD si la mesure de la

PAP est nécessaire. Monitorage ETO :

o Taille et fonction du VD, degré de dilatation, mesure de la PAP par la Vmax de l’IT ; o Surveillance de la fonction du VG ; o Evaluation de la volémie ; o Evaluation et mécanisme de l’IT ; o Post-CEC : résultat de la plastie.

CEC et post-CEC La correction de l’insuffisance tricuspidienne correspond à la perte d’une soupape de pression pour le VD. Celui-ci doit éjecter contre les RAP, ce qui représente une augmentation de sa postcharge. La dysfonction droite est habituelle en sortant de CEC, et sa persistance est de mauvais pronostic. De ce point de vue, une fuite résiduelle à travers une plastie est un avantage hémodynamique, alors que l’étanchéité d’une prothèse représente une augmentation de travail. D’autre part, la prothèse présente un gradient qui limite la précharge télédiastolique, et une rigidité qui contrecarre la contraction basale péristaltique du VD. Traitement de la défaillance droite (voir Tableau 12.5) :

Vasodilatation pulmonaire (hyperventilation normobarique, NO•, prostacyclines, magnésium) ; Optimalisation de la précharge ; Soutien inotrope (dobutamine, milrinone ± adrénaline) ; Maintien de la perfusion coronarienne (nor-adrénaline) ; Non-fermeture du péricarde et du sternum; ils seront refermés à 48-72 heures.

Syndrome carcinoïde La prise en charge d’une plastie ou d’un remplacement tricuspidien dans le syndrome carcinoïde est dominée par les symptômes liés à la sécrétion de sérotonine et d’agents vasodilataeurs comme le VIP (vasoactive intestinal peptide). Les crises se caractérisent par des flush cutanés, de la diarrhée, une vasoplégie et un bronchospasme. Lorsque les signes cardiaques apparaissent sur la valve tricuspide et/ou pulmonaire, la tumeur a déjà métastasié dans le foie. La mortalité opératoire est élevée (18%), et la survie est de l’ordre de 50% à 1-2 ans [50,57]. L’intervention est dominée par deux risques majeurs : 1) la crise sérotoninergique, et 2) l’insuffisance droite. Comme toutes deux se caractérisent par une hypotension sévère, l’ETO et le cathéter pulmonaire sont nécessaires pour faire le diagnostic différentiel. Le traitement sélectif de la crise carcinoïde périopératoire consiste à administrer un analogue de la somatostatine comme l’octréotide ou le lanréotide, associé à un vasoconstricteur alpha (phényléphrine, nor-adrénaline) ou un anti-NO (bleu de méthylène). L’octréotide (Sandostatine®) est administré en perfusion continue (50-100 mcg/h, maximum 300 mcg/h) additionnée de bolus selon les besoins (20-100 mcg) [50]. Les médicaments les

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 225

plus sûrs pour l’anesthésie sont l’étomidate, le midazolam, les fentanils, le sevoflurane, le vecuronium et le rocuronium. La crise peut être déclenchée par les substances histamino-libératrices et par les catécholamines. L’hyperglycémie est en général prononcée. Sténose tricuspidienne La sténose tricuspidienne est due essentiellement au RAA, le plus souvent associé à des lésions valvulaires gauches. Elle peut aussi être congénitale ou survenir dans le syndrome carcinoïde (associée à une lésion de la valve pulmonaire) et dans l’endomyofibrose (associée à une dysfonction systolo-diastolique). La valve présente des fusions commissurales et un aspect restrictif avec des mouvements limités ; elle prend la forme d’un dôme en diastole (doming) ; l’appareil sous-valvulaire est raccourci et épaissi (voir Figure 26.46). L’OD est dilatée (diamètre > 5 cm) de même que la veine cave inférieure (> 2 cm) et les veines sus-hépatiques. Alors que la surface normale de la tricuspide est de 5-7 cm2, la sténose correspond à une surface < 2 cm2. Le gradient moyen, normalement inférieur à 2 mmHg, est alors supérieur à 5 mmHg; ce sont les valeurs auxquelles apparaissent les symptômes de stase systémique [318]. Il existe trois degrés de sténose tricuspidienne :

Sténose mineure ΔPmoy 2-3 mmHg S 1.5 – 2.0 cm2 Sténose modérée ΔPmoy 4-6 mmHg S 1.0 – 1.5 cm2 Sténose sévère ΔPmoy > 7 mmHg S ≤ 1 cm2

Hémodynamiquement, l’affection se traduit par une PVC élevée avec une onde "a" prédominante. La pression pulmonaire est normale, sauf en cas de valvulopathie mitrale associée, mais le débit pulmonaire est limité ; il ne peut pas augmenter à l’effort. En cas d’augmentation de la VO2 de l’organisme (stress, douleur), une hypoxémie apparaît très rapidement. Le traitement médical est celui de la stase systémique (oedèmes, ascite, hépatomégalie) : restriction hydro-sodée, diurétiques. Le traitement chirurgical consiste en une valvulotomie à ciel ouvert en fendant les commissures situées de chaque côté du feuillet septal, une valvuloplastie en cas d’insuffisance associée, ou très rarement un remplacement valvulaire [72]. Principes pour l’anesthésie en cas de sténose tricuspidienne La précharge (PVC) doit rester élevée pour maintenir un flux minimal à travers la sténose. La fréquence cardiaque doit rester lente pour permettre une longue diastole; la survenue de toute tachy-arythmie (FA) effondre le débit à travers la sténose et doit être corrigée immédiatement (cardioversion, amiodarone). En l’absence de pathologie gauche associée, la fonction du VD et la pression pulmonaire sont normales, mais le débit pulmonaire est bas, donc le risque d’hypoxémie est élevé. En cas d’hypotension artérielle, le choix se porte sur un vasoconstricteur alpha (phényléphrine, nor-adrénaline) pour augmenter les RAS. Le passage d'un cathéter de Swan-Ganz est quasi-impossible et de toute manière gène l'opérateur. Le monitorage consiste en un cathéter artériel, une voie veineuse centrale (PVC), un système d’analyse de la courbe artériel (type PiCCO) et l’ETO. Un cathéter auriculaire gauche introduit en peropératoire peut guider le monitorage du VG, mais il présente des risques hémorragiques lors de son ablation dans le postopératoire.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 226

Hémodynamique recherchée en cas de sténose tricuspidienne

Précharge droite élevée et stable

Vasoconstriction systémique Fréquence cardiaque lente, normocardie

Ventilation en pression positive tolérée si le retour veineux droit est maintenu

Plein – Lent - Fermé

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 227

Pathologie de la valve pulmonaire Chez l’adulte, les pathologies situées au niveau de la chambre de chasse droite (CCVD) et de la valve pulmonaire sont extrêmement rares, et sont dans 95% des cas d’origine congénitale. Seuls le syndrome carcinoïde et le RAA peuvent occasionner une sténose pulmonaire, mais toujours en association avec une autre atteinte valvulaire. La valve pulmonaire est fine, peu échogène et très antérieure, ce qui rend sa visualisation difficile en ETO (voir Figure 26.50). Insuffisance pulmonaire La prévalence d’une petite insuffisance pulmonaire (IP) est de 30-75% dans la population générale [175,337]. Une IP significative est en général liée à une hypertension pulmonaire avec dilatation de l’anneau, de l’artère pulmonaire et de la CCVD. Une IP sévère est liée à une anomalie structurelle de la valve, d’origine congénitale (monocuspidie, bicuspidie, Marfan), acquise (carcinoïde, endocardite), ou iatrogène (secondaire à une valvulotomie ou au patch d’une correction de tétralogie de Fallot). L’image ETO est caractéristique (Tableau 11.15) [188].

IP mineure : petit jet coloré fin et bref (protodiastolique), issu d’une commissure ou de la coaptation centrale de la valve, dirigé dans l’axe de la CCVD en télédiastole, très variable avec la respiration ; étendue du jet < 1.0 cm (Figure 11.121A).

IP modérée : diamètre de la vena contracta 2-5 mm ; étendue du jet > 2.0 cm (tributaire de la PAP et de la Ptd VD) ; flux holodiastolique de Vmax > 1.5 m/s.

IP sévère : dilatation du VD, de la CCVD et de l’AP ; la rapide égalisation des pressions entre l’AP et le VD fait que le jet ne dure pas toute la diastole ; la Vmax est souvent basse (flux couleur sans turbulences) parce que l’orifice est large ; le reflux diastolique dans l’AP est massif (Figure 11.121B).

Tableau 11.15 Critères de quantification de l’insuffisance pulmonaire

IP mineure IP modérée IP sévère

Valve pulmonaire normale normale/anormale remaniée ou opérée Taille du VD normale normale ou dilatée dilatée Dimension du jet couleur* minime, < 1 cm 1-3 cm étendue diamètre > 0.5 cm protodiastolique turbulences variables Vélocité du jet basse 2-3 m/s basse Pente décélération (DC) faible variable très raide** interruption du flux Reflux diastolique en AP absent présent massif Flux systolique en AP normal ± augmenté très augmenté * Valeur pour une échelle de couleur de 0.5 m/s ** Non spécifique DC: Doppler continu. DP: Doppler pulsé. Sources: références 23, 188, 318 et 338.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 228

Lorsque l’IP est sévère, le VD est dilaté (Vtd > 160 mL/m2, Vts > 80 mL/m2) par la surcharge de volume et les arythmies ventriculaires sont fréquentes. La symptomatologie est celle d’une insuffisance droite ; l’ECG montre un QRS élargi. Une augmentation des RAP ou de la postcharge droite (IPPV) augmente la fraction régurgitée et diminue le flux pulmonaire antérograde. Les indications opératoires en cas d’IP sévère sont :

IP sévère symptomatique (insuffisance droite, arythmies) ; IP sévère et dilatation du VD, avec agravation de l’IT ; IP sévère simultanément à une autre intervention cardiaque.

L’intervention consiste en un remplacement de la valve, en général par un conduit valvé biologique (homogreffe ou hétérogreffe) [23].

Hémodynamique recherchée en cas d’insuffisance pulmonaire

Précharge droite adaptée à la fonction du VD Vasoconstriction systémique (RAS ↑) Vasodilatation pulmonaire (RAP ↓)

Fréquence plutôt élevée, normocardie Soutien inotrope au VD (dobutamine, milrinone ± adrénaline)

Ventilation en pression positive mal tolérée (IP ↑)

Soutien inotrope - Fermé en systémique - Vasodilaté en pulmonaire

Figure 11.121 : Flux de régurgitation en cas d’insuffisance pulmonaire (IP). A : IP mineure dans la CCVD en vue ETO transgastrique (flèche verte). B : flux dans l’AP en cas d’IP sévère; le reflux diastolique est massif (flux en dessous de la ligne de base, flèche verte) par rapport au flux antérograde (flux au-dessus de la ligne de base, flèche jaune).

A

Ao

VD

AP

B

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 229

Sténose pulmonaire La sténose pulmonaire (S < 2 cm2/m2), rare chez l’adulte, est en général congénitale (fusion commissurale, monocuspidie, bicuspidie) ou secondaire à un carcinoïde ; la valve prend une forme conique. Une sténose peut aussi survenir 10-15 ans après après la correction d’une tétralogie de Fallot par patch pulmonaire, si l’élargissement n’était pas suffisant. Alors que la Vmax normale à travers la valve est 0.5 – 1.0 m/s, la sténose se caractérise par des flux accélérés en protosystole [36] :

Sténose mineure : Vmax < 2 m/s ΔP max < 30 mmHg Sténose modérée : Vmax 2.5 – 4 m/s ΔP max 35-60 mmHg Sténose sévère : Vmax > 4 m/s ΔP max > 60 mmHg (S ≤ 0.5 cm2/m2)

Le VD est sévèrement hypertrophié, parfois dilaté en cas de défaillance ; l’OD est dilatée (Figure 11.122). Le tronc de l’AP est dilaté au-delà de la sténose. Lorsqu’il s’hypertrophie, le VD ressemble de plus en plus au VG : son débit devient davantage dépendant de la précharge mais moins dépendant de la postcharge. La pression élevée à l’intérieur du VD comprime la couche sous-endocardique dont la perfusion coronarienne est compromise. Il est donc important d’assurer une perfusion coronarienne suffisante en maintenant la pression artérielle systémique élevée (augmentation des RAS avec une perfusion de nor-adrénaline). La ventilation en pression positive ne modifie pas la performance du VD, qui est déterminée par la sténose pulmonaire et non par les RAP distales à celle-ci. Un ΔPmax ≥ 50 mmHg est une indication opératoire à une valvulotomie percutanée ou au remplacement valvulaire [23,36]. L’intervention consiste en un remplacement de la valve, en général par un conduit valvé biologique (homogreffe ou hétérogreffe) [23]. Dans une homogreffe ou une hétérogreffe pulmonaire, on tolère un ΔP maximal jusqu’à 20 mmHg lorsque le VD est normal (opération de Ross) et de 30-40 mmHg en cas d’HVD (variable selon le gradient préopératoire). Figure 11.122 : Sténose pulmonaire. A : hypertrophie massive du VD. B : sténose pulmonaire complexe en vue mi-oesophage 90° par rotation horaire de la sonde à partir d’une vue 2-cavités du VG (cas de tétralogie de Fallot adulte). La chambre de chasse droite est étroite et hypertrophiée (flèche), la valve pulmonaire sténosée est mal discernable dans le rétrécissement proximale de l’artère pulmonaire ; le VD est hypertrophié. La chambre de chasse du VD est plus richement doté en récepteurs β que le corps du ventricule. En cas de stimulation catécholaminergique, sa réponse inotrope est plus importante que celles de la paroi libre et de la chambre d’admission. Elle peut être à l’origine d’une obstruction dynamique (effet CMO droit), qui est fréquente après remplacement de la valve pulmonaire pour sténose si le VD est très hypertrophié.

OG

VD

VG

OD

A OG

VD

CCVG AP

B

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La Vmax dans la CCVD est de 2-2.5 m/s, le gradient est > 20 mmHg [75]. Le traitement est une réduction des catécholamines β, une hypervolémie, une relative hypoventilation (augmentation des RAP) et un β-bloqueur (esmolol en bolus).

Hémodynamique recherchée en cas de sténose pulmonaire

Précharge droite élevée et stable Vasoconstriction systémique

Postcharge du VD = sténose pulmonaire fixe, non les RAP Ventilation en pression positive bien tolérée

Fréquence normale, normocardie Soutien inotrope du VD (dobutamine, milrinone ± adrénaline)

Plein - Normocarde - Fermé

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 231

Polyvalvulopathies L’atteinte complexe de plusieurs valves est le domaine par excellence où les recettes ne sont plus applicables. En premier lieu, il s’agit de déterminer quelle est la pathologie la plus contraignante, ce que les examens préopératoires ne permettent pas toujours de saisir. L’échocardiographie transoesophagienne peropératoire apporte souvent la réponse, mais malheureusement après l’induction (voir Figure 11.12). Ensuite, la prise en charge est guidée par la physiopathologie de l’affection dominante, qui va aussi conditionner la sortie de CEC et la période postopératoire immédiate. En règle générale, les lésions sténosantes sont plus contraignantes que les insuffisances. D’autre part, la symptomatologie clinique est dominée par la lésion la plus proximale en suivant le flux sanguin, par exemple la pathologie mitrale dans la combinaison de valvulopathie mitrale et aortique [22]. Les Tableaux 11.16 (page 234) et 11.17 (page 235) résument l'attitude conseillée dans les valvulopathies isolées ; on pourra s’en inspirer pour la prise en charge clinique en fonction de la lésion dominante, mais il est difficile de fixer des recommandantions dans les polyvalvulopathies car chaque cas doit être analysé de manière individuelle. Certaines combinaisons de valvulopathies peuvent être bénéfiques pour la fonction ventriculaire en limitant le remodelage de la cavité. Toutefois, plus encore que lors de valvulopathie isolée, la quantification de la fonction systolique traduit mal la performance myocardique réelle et doit être interprétée dans le contexte de la maladie. La fraction d’éjection est particulièrement mal adaptée à l’évaluation de la performance systolique du VG. Les dimensions du ventricule sont un meilleur critère de ses capacités contractiles. Les valeurs au-delà desquelles sa fonction est réduite sont [23] :

Diamètre télésystolique (court-axe) ≥ 2.5 cm/m2 si prédominance d’insuffisance, Diamètre télédiastolique (court-axe) ≥ 4.0 cm/m2 si prédominance de sténose.

Les insuffisances mitrales et tricuspidiennes mineures ou modérées sont souvent des affections d’accompagnement qui s’évaporent avec la correction de la lésion principale. Les affections systémiques ont plus de probabilité de toucher plusieurs valves, tels le rhumatisme articulaire aigu, la maladie calcifiante, ou les maladies du tissu conjonctif. Un des problèmes majeurs à l’induction est la tolérance du patient à la curarisation et à l’installation de la ventilation en pression positive. Alors qu’elle est relativement prévisible dans les valvulopathies simples, la réponse hémodynamique à l’IPPV est complexe dans les valvulopathies. Le meilleur moyen de prévoir ce qui va se passer est de faire faire au patient une manœuvre de Valsalva pendant 20 secondes une fois le cathéter artériel en place. La variation de la PA est une bonne approximation de ce qui va se passer lors du démarrage de la ventilation contrôlée. La non-réponse de la pression artérielle à un vasoconstricteur alpha (2-3 bolus iv de 100 mcg de phényléphrine) doit faire suspecter la présence d’une insuffisance aortique ou mitrale significative. Insuffisance et sténose de la même valve Le comportement hémodynamique est déterminé par le mécanisme dominant (voir Maladie mitrale et Maladie aortique) (voir Figure 11.75, Figure 11.112 et Figure 11.113). Le type de remodelage du VG et de l’OG à l’échocardiographie donne en général la réponse : le VG est dilaté dans les insuffisances et restrictif dans les sténoses. Lorsque les deux sont sévères, la sténose est le phénomène prioritaire. Le volume régurgité augmente le flux antérograde à travers la valve (en systole dans l’IA, en diastole dans l’IM) ; cette situation tend à surestimer le degré de sténose à l’échocardiographie Doppler. Toutefois, le degré de perturbation hémodynamique est plus important que lors du même degré de sévérité pour une pathologie isolée ; de ce fait, l’indication opératoire est en général posée sur la symptomatologie du malade à l’effort plutôt que sur les valeurs calculées. Dans la maladie mitrale, le temps de demi-pression est utilisable pour mesurer le degré de sténose. Dans la maladie aortique, il est préférable d’utiliser l’équation de continuité avec la CCVG [23].

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 232

Hémodynamique recherchée en cas d’insuffisance et de sténose de la même valve

A équivalence de gravité, la sténose prédomine Précharge élevée

Fréquence basse si sténose dominante, élevée si insuffisance dominante Contractilité maintenue (agent inotrope selon le degré de dilatation du VG)

RAS élevées si sténose dominante, basses si insuffisance dominante RAP normales (abaissées si HTAP)

Insuffisance aortique et insuffisance mitrale Cette combinaison est fréquente. Les conditions hémodynamiques idéales pour chacune des lésions sont assez voisines, quelle que soit la lésion dominante. Le plus souvent l’insuffisance aortique est la lésion majeure, car l’IA représente une surcharge de volume à haute pression (PAdiast), alors que l’IM est une surcharge de volume à basse pression (POD). La dilatation du VG est un phénomène grave qui entraîne une dysfonction sévère, alors que celle de l’OG est bénigne. D’autre part, l’IM peut être secondaire à la dilatation du VG sur l’IA (IM fonctionnelle). La fraction régurgitée globale élevée oblige à un volume circulant augmenté. Le débit antérograde dépendant des résistances périphériques; il augmente si la postcharge est basse. Les valves cardiaques peuvent être lésées par certains médicamentsqui induisent une fibrose et une rétraction des feuillets, notamment l’adriamycine, le méthysergide, l’ergotamine, le pergolide et certains anorexigènes (fenfluramine, phentermine, aminorex, benfluorex). L’atteinte valvulaire conduit à des insuffisances, le plus souvent aortique mais aussi mitrale, accompagnées de régurgitation tricuspidienne. Des régurgitations valvulaire minimes (degré I) sont fréquentes dans la population normale, particulièrement à partir de 60 ans. Au-delà de 65 ans, leur incidence dans une population occidentale normale est de 11% pour la valve aortique, de 48% pour la valve mitrale et de > 75% pour la valve tricuspide [23,238]. Elles sont sans signification clinique et ne nécessitent aucune couverture antibiotique prophylactique.

Hémodynamique recherchée en cas d’insuffisances aortique et mitrale

A équivalence de sévérité, l’IA est la composante la plus grave Précharge élevée Fréquence élevée

Contractilité maintenue RAS basses

RAP normales

Insuffisance aortique et sténose mitrale Cette combinaison présente l'avantage de maintenir des dimensions ventriculaires gauches satisfaisantes: à défaut de remplissage diastolique antérograde (sténose mitrale), le VG se remplit par le reflux aortique et conserve un volume adéquat.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 233

L'évaluation et les manifestations cliniques préopératoires doivent permettre de déterminer quelle est la lésion la plus significative hémodynamiquement; en général, il s’agit de la sténose mitrale. A l’échocardiographie, la dimension du VG (petit en cas de sténose mitrale, agrandi en cas d’insuffisance aortique), celle de l’OG (immense en cas de sténose mitrale), et les flux Doppler à travers les deux valves apportent une réponse plus pertinente que la symptomatologie, qui est en général dominée par la lésion proximale, laquelle masque l’importance de la lésion distale. Toutefois, le calcul de la surface mitrale par le temps de demi-pression (Pt1/2) est faussé par le remplissage simultané du VG par l’IA ; seule la planimétrie (si possible en 3D) permet une mesure précise. L’indication opératoire est en général fondée sur la présence d’une hypertension pulmonaire.

Hémodynamique recherchée en cas d’insuffisances aortique et de sténose mitrale

A équivalence de gravité, la sténose mitrale prédomine Précharge élevée

Fréquence normale (éviter la tachycardie) Contractilité maintenue

RAS basses RAP basses (HTAP fréquente)

Sténose aortique et sténose mitrale Ici aussi, l'effet hémodynamique de la sténose mitrale domine le tableau, car elle est le premier barrage rencontré par le flux sanguin. La symptomatologie est dominée par la stase et l’hypertension pulmonaires. Le ventricule gauche est petit, peu compliant et présente une hypertrophie concentrique. Le débit cardiaque est bas, sans possibilité réelle d’être augmenté; le volume systolique est fixe et bas. La sténose aortique est de ce fait facilement sous-estimée par la mesure des gradients systoliques transvalvulaires (situation de bas débit / bas gradient). L’origine de la double sténose est en général rhumatismale. Dans la dégénérescence calcifiée, la sténose aortique domine le tableau ; la sténose mitrale est moins importante et fait partie d’une combinaison avec une IM de degré variable. Alors qu’un double remplacement valvulaire est nécessaire dans le RAA, il est habituellement possible de se contenter d’un RVA dans la dégénérescence calcifiée, parce que la valve mitrale présente des lésions modérées et qu’une double intervention présente un risque excessif chez les personnes âgées.

Hémodynamique recherchée en cas de sténoses aortique et mitrale

Précharge élevée Fréquence basse

Contractilité maintenue RAS élevées (car VS fixe et bas) RAP basses (HTAP fréquente)

Post-CEC : le volume systolique reste très limité

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 234

Sténose aortique et insuffisance mitrale En présence d’une IM, le VG fonctionne avec deux sorties pour l’éjection : la valve aortique (antérograde) et la valve mitrale (rétrograde). La sténose aortique augmente donc la fraction régurgitée et potentialise l’IM. La dilatation de l’OG diminue la précharge nécessaire à maintenir le volume systolique à travers la sténose. Agrandi par la surcharge de volume, le VG doit éjecter contre une postcharge élevée alors qu’il travaille sur un grand rayon de courbure, ce qui est mécaniquement très défavorable. Comme elle favorise l’éjection du VG, l’IM induit une sous-estimation de cette dysfonction ventriculaire ; la FE est très optimiste par rapport à la réalité fonctionnelle du VG. A l’échocardiographie, le VG est plus grand que dans la sténose aortique pure. La combinaison SA + IM est en général due au RAA, mais se rencontre aussi dans la dégénérescence calcifiée de la personne âgée ; dans ce cas, l’IM est secondaire à une calcification des feuillets et de l’anneau mitral. L’IM peut aussi n’être que fonctionnelle, liée à la surcharge de pression et à la dysfonction du VG ; dans ce cas, les feuillets sont normaux et l’insuffisance est modérée. Les conditions idéales pour chacune des deux pathologies paraissent contradictoires; en effet, les RAS devraient être élevées à cause de la sténose aortique pour assurer la perfusion coronarienne et basses pour limiter l’IM. En réalité, l’augmentation de postcharge est liée à la sténose aortique, qui est fixe, bien plus qu’aux RAS qui sont distales à la valve aortique. On peut donc maintenir les RAS avec un vasopresseur en fonction des besoins liés à la perfusion myocardique. Lorsque l’anatomie le permet, la stratégie opératoire de choix est un remplacement valvulaire aortique et une plastie mitrale. Comme le flux antérograde est diminué à cause de la fraction régurgitée, le gradient aortique sous-estime le degré de sténose ; dans cette combinaison, l’indication opératoire est posée dès que le gradient aortique moyen est > 35 mmHg (18). Lorsque l’IM est fonctionnelle et modérée, la levée de l’obstacle à l’éjection par le RVA suffit à la faire diminuer à des valeurs négligeables.

Hémodynamique recherchée en cas de sténose aortique et d’insuffisance mitrale

La composante la plus dangereuse est la sténose aortique Précharge élevée

Fréquence normale à basse Contractilité maintenue (soutien inotrope nécessaire)

RAS maintenues (pression artérielle diastolique) RAP basses

Valvulopathie gauche et insuffisance tricuspidienne Cette combinaison traduit la présence d’une hypertension pulmonaire importante. Si l’IT est modérée et la valve tricuspide de configuration normale, la baisse de l’HTAP avec la correction de la valvulopathie gauche suffit à diminuer l’insuffisance tricuspidienne. Par contre, seule une correction chirurgicale diminuera l’insuffisance si :

IT sévère et symptomatique, Dilatation de l’anneau tricuspidien (D > 3.5 cm), Défaillance du VD, Pathologie organique de la tricuspide (RAA, prolapsus, endocardite, etc).

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 235

Dans ces conditions en effet, l’IT traduit une maladie tricuspidienne évolutive qui s’aggravera progressivement et péjorera le pronostic du malade. Elle impose une correction simultanée à l’intervention sur la valve gauche (plastie de De Vega ou annuloplastie) [23].

Tableau 11.16

Les sténoses valvulaires

Caractéristiques

Hémodynamique à rechercher

Sténose aortique

HVG concentrique

Fonction systolique conservée Dysfonction diastolique

VS fixe, dépendant de la précharge PA systémique dépend des RAS

DC dépendant de la fréquence + rythme sinusal Risque ischémique élevé

Sténose aortique

Précharge élevée

Vasoconstriction systémique (PAM ≥ 80 mmHg) Fréquence normale, rythme sinusal

Soutien inotrope si Dtd VG ≥ 4.0 cm/m2

Hypotension plus dangereuse que l’hypertension Ventilation en pression positive: Pit basse

Plein – Régulier – Fermé

Sténose sous-aortique dynamique

Rétrécissement excessif du Vts VG

HVG concentrique Hypovolémie

Stimulation béta-adrénergique Baisse de postcharge (vasoplégie)

Sténose sous-aortique dynamique

Précharge élevée

Contractilité diminuée Vasoconstriction systémique

Chirurgie: myectomie VG ou re-plastie mitrale Plein – Mou – Fermé

Sténose mitrale

Volume systolique fixe et bas Intolérance à la tachycardie et à l’hypovolémie

VG: fonction conservée, remplissage ralenti POG élevée, stase pulmonaire et HTAP

Dysfonction VD si HTAP

Sténose mitrale

Précharge normale et stable Vasoconstriction systémique

Fréquence cardiaque lente Vasodilatation pulmonaire (+ soutien inotrope du VD)

Ventilation en pression positive bénéfique Normovolémique – Lent – Fermé

Note: DC : débit cardiaque. D : diamètre. ts: télésystolique. td: télédiastolique. HVG : hypertrophie ventriculaire gauche. HTAP: hypertension artérielle pulmonaire. PAM: pression artérielle moyenne. PA: pression artérielle. Pit: pression intrathoracique. RAS: résistances artérielles systémiques. RAP: résistances artérielles pulmonaires. VS : volume systolique.

Règle générale pour les sténoses

Précharge et RAS élevées

Fréquence cardiaque basse

Corrections valvulaires multiples Le risque d’un remplacement valvulaire multiple est significativement plus élevé que celui d’une pose de prothèse isolée; la mortalité opératoire oscille entre 5 et 10%, et la survie est de 60-80% à 5 ans [172]. La combinaison d’une prothèse aortique et d’une plastie mitrale a un meilleur pronostic que l’implantation de deux prothèses. La moins bonne survie de toutes les combinaisons est celle de l’association IM - IA, probablement à cause des dégradations irréversibles subies par le VG dans cette

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 236

pathologie lorsque le patient devient symptomatique. On reste donc très conservateur dans l’indication opératoire d’une double valve.

Tableau 11.17 Les insuffisances valvulaires

Caractéristiques

Hémodynamique à rechercher

Insuffisance aortique

HVG excentrique

Surcharge de volume (VG très dilaté) Surcharge de pression (↑ stress de paroi) Fonction VG diminuée (Dts > 2.5 cm/m2)

Si RAS ↑: IA ↑, postcharge VG ↑ Bradycardie dangereuse (↑ volume régurgité)

Insuffisance aortique

Précharge élevée

Tachycardie (80-90 batt/min) Vasodilatation systémique

Stimulation inotrope du VG (sans effet alpha) Dysfonction VG: Dts > 2.5 cm/m2

Plein – Rapide – Ouvert

Insuffisance mitrale

Précharge du VG élevée Postcharge du VG basse

HVG excentrique (Dtd > 4 cm/m2) Fonction systolique altérée malgré FE conservée

IM ↑ si : RAS ↑, Vtd ↑ ou contractilité ↓ DC dépend de RAS basses

Intolérance à l’hypovolémie

Insuffisance mitrale

Précharge élevée

Vasodilatation systémique Stimulation inotrope (sans effet alpha)

Fréquence normale – haute Vasodilatation pulmonaire selon RAP

Ventilation en pression positive bénéfique Plein – Tonique – Ouvert

Insuffisance tricuspidienne

Surcharge de volume du VD IT augmente si RAP augmentent

VD dilaté: intolérance à élévation de postcharge Stase systémique

Si IT secondaire: valvulopathie gauche prédominante

Insuffisance tricuspidienne

Précharge haute si HVD, abaissée si congestion

Fréquence élevée Vasodilatation pulmonaire, Pit basse en IPPV

Vasoconstriction systémique Stimulation inotrope VD

RAP basses – VD tonique – Pit basse

Note: DC : débit cardiaque. D : diamètre. ts: télésystolique. td: télédiastolique. FE: fraction d’éjection. HVG/D : hypertrophie ventriculaire gauche/droite. HTAP: hypertension artérielle pulmonaire. IA: insuffisance aortique. IT: insuffisance ricuspidienne. RAS: résistances artérielles systémiques. RAP: résistances artérielles pulmonaires. VS : volume systolique.

Règle générale pour les insuffisances

Précharge élevée, RAS abaissées

Fréquence élevée

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 237

Conclusions Certains éléments de cardiologie sont indispensables pour une gestion adéquate de l’hémodynamique dans les différentes valvulopathies. A défaut de recettes, ce chapitre a tenté de clarifier quelques points importants:

La physiopathologie de chaque maladie valvulaire; Les conditions hémodynamiques idéales à rechercher en clinique; Les différentes opérations, plasties et prothèses réalisées couramment en chirurgie cardiaque,

leurs indications et leurs résultats; La technique d’anesthésie la plus adaptée à chaque pathologie; Les différences de prise en charge avant et après correction chirurgicale; L’évaluation des valves en échocardiographie transoesophagienne peropératoire.

Un document séparé (Annexe C) résume ces différentes données d’une manière tout particulièrement orientée vers la prise en charge des patients en chirurgie non-cardiaque. Enfin, les Tableaux 11.16 (page 234) et 11.17 (page 235) font la synthèse des caractéristiques et de l’hémodynamique à rechercher dans les principales valvulopathies.

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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 238

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Auteurs Pierre-Guy CHASSOT Ancien Privat-Docent, Faculté de Biologie et de Médecine,

Université de Lausanne (UNIL), CH-1005 Lausanne Ancien responsable de l’Anesthésie Cardiovasculaire, Service d’Anesthésiologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), CH - 1011 Lausanne

Dominique A. BETTEX Privat-Docente, Faculté de Médecine, Université de Zürich

Cheffe du Service d’Anesthésie Cardiovasculaire, Institut für Anästhesiologie, Universitätspital Zürich (USZ), CH - 8031 Zürich